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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 41

Le mercredi 19 mars 2003
L'honorable Dan Hays, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 19 mars 2003

La séance est ouverte à 13 h 30, la Présidente intérimaire étant au fauteuil.

Prière.

SANCTION ROYALE

Son Honneur la Présidente intérimaire informe le Sénat qu'elle a reçu la communication suivante:

RIDEAU HALL

Le 19 mars 2003

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que la très honorable Adrienne Clarkson, Gouverneure générale du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite au projet de loi mentionné à l'annexe de la présente lettre le 19 mars 2003 à 10 h 1.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire du Gouverneur général et chancelier d'armes,
Barbara Uteck

L'honorable
        Le Président du Sénat
                Ottawa

Projet de loi ayant reçu la sanction royale le mercredi 19 mars 2003:

Loi favorisant l'activité physique et le sport (Projet de loi C-12, Chapitre 2, 2003).


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE

LA CÉRÉMONIE D'INAUGURATION

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, le 11 mars 2003, la Cour pénale internationale a tenu sa cérémonie d'inauguration. Il s'agit d'une date importante tant pour la communauté internationale, qui déploie d'énormes efforts pour éliminer les violations flagrantes des droits humains, peu importe où ils se produisent, que pour le Canada. Les dix-huit juges de la Cour ont désigné parmi leurs pairs Philippe Kirsch, un diplomate canadien et juriste fort respecté, pour occuper le poste de premier président de la Cour pénale internationale. En prêtant serment la semaine dernière, les dix-huit juges élus à la cour ont officiellement accepté leur charge de juge de la Cour pénale internationale.

Au 11 mars 2003, 89 pays s'étaient joints à la Cour pénale internationale. Ces 89 membres doivent désigner un procureur d'ici la fin du mois d'avril. Une fois cette étape franchie, la cour sera en mesure de faire enquête et de faire subir un procès aux individus accusés de crimes contre l'humanité, de génocides et de crimes de guerre dans les pays qui sont parties au Statut de Rome, ayant porté création de la cour. La Cour pénale internationale doit être le complément des systèmes juridiques nationaux et n'entamera des poursuites que lorsque les tribunaux nationaux ne pourront ou ne voudront pas mener de telles enquêtes ou porter de telles accusations.

La Cour pénale internationale représente un pas important, en droit international, dans la lutte contre l'impunité. C'est tout un honneur pour le Canada que l'un des siens ait été choisi à titre de premier président d'une institution pouvant être appelée à jouer un rôle clé dans les efforts déployés pour traduire en justice les auteurs de crimes contre l'humanité, de génocides et de crimes de guerre.

L'INSTITUT DES FEMMES DE L'ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD

L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage aux membres d'une association qui a beaucoup fait, et qui continue de faire beaucoup, pour ma province. Je parle de l'Institut des femmes de l'Île-du-Prince- Édouard, qui célèbre cette année son 90e anniversaire.

Cette association, qui a vu le jour en 1913, à Marshfield, a une vocation éducative et a pour centre d'intérêt la famille, l'action communautaire et la croissance personnelle. Elle a notamment pour objectif d'encourager et de développer le leadership, d'aider à comprendre les problèmes économiques et sociaux et de favoriser la bonne entente et la tolérance à l'échelle locale, nationale et internationale. Il mène des projets et des activités dans des secteurs tels que l'agriculture et l'agroalimentaire, les industries canadiennes et la sécurité, la citoyenneté et la loi, les activités culturelles, l'environnement, les affaires internationales, l'économie familiale et la santé.

On doit à l'institut et à ses membres la création du premier festival de musique et du premier festival de théâtre à l'Île-du-Prince-Édouard. Au fil des ans, l'institut a recueilli des sommes incalculables afin de financer les soins de santé et d'autres dossiers importants aux yeux des habitants de l'île.

(1340)

L'Institut des femmes de l'Île-du-Prince-Édouard a accompli beaucoup au cours de ses 90 années d'existence. Au nombre de ses réalisations figurent ses campagnes annuelles de nettoyage du bord des routes, dont la première remonte à 1973. Chaque printemps, ses membres se chargent de ramasser les détritus qui se sont accumulés sur le bord des routes durant l'hiver. Ce projet contribue grandement à la réputation de ma province, que l'on tient pour la plus propre des provinces canadiennes.

J'ai le plaisir de signaler que l'Institut des femmes de l'Île-du-Prince-Édouard est le deuxième en importance au Canada en ce qui concerne le nombre de ses membres. Je tiens à offrir mes sincères félicitations et remerciements à ses membres à l'occasion de son 90e anniversaire. Ces personnes forment la cheville ouvrière de nos collectivités rurales.

LE DÉCÈS DE MME GRACE SPARKES

HOMMAGE

L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, je voudrais aujourd'hui rendre hommage à l'une des plus ardentes philanthropes de Terre- Neuve-et-Labrador, Mme Grace Sparkes, qui s'est éteinte récemment à l'âge de 95 ans.

Mme Sparkes était bien connue dans la province comme enseignante, politique, journaliste, activiste, comédienne et bénévole. Elle préconisait la responsabilisation des gouvernements et, par son travail et sa participation active à la vie communautaire, elle a su inspirer des générations entières de Terre-Neuviens et Labradoriens.

L'histoire se souviendra de Grace Sparkes comme de la première femme à embrasser la vie politique dans notre province. En fait, elle s'est présentée comme candidate du Parti progressiste-conservateur lors de nos premières élections provinciales, tenues en mai 1949. Elle s'est également présentée comme candidate à nos premières élections fédérales qui ont eu lieu un mois plus tard. Bien qu'elle n'ait pas été élue au niveau provincial ou au niveau fédéral, elle a ouvert à d'autres femmes la voie à la vie publique.

Au fil des décennies, les convictions politiques de Mme Sparkes n'ont jamais tiédi et son énergie n'a jamais faibli. Même pendant la dernière partie de sa vie, elle a su aborder avec enthousiasme les expériences nouvelles, que ce soit dans son travail pour le festival de musique Kiwanis, lors des innombrables conférences qu'elle a données, ou lors des cours de développement personnel qu'elle a suivis, par exemple les cours d'informatique et les leçons de golf.

Mme Sparkes a été une adepte de l'apprentissage continu, qui s'est toujours nourrie de défis et qui n'a jamais perdu un instant. Ainsi, au cours de la septième décennie de sa vie, période à laquelle la plupart des gens s'installent dans la retraite, elle a entrepris de jouer le rôle de la grand-mère Walcott, personnage de la série très appréciée intitulée Tales from Pigeon Inlet, diffusée sur le réseau anglais de Radio-Canada.

Pour bien des gens, Grace Sparkes était surtout connue pour la campagne qu'elle a menée avec passion contre notre adhésion à la Confédération. Elle n'était tout simplement pas convaincue que faire partie du Canada était dans le meilleur intérêt de Terre-Neuve-et- Labrador, sa province bien-aimée.

Honorables sénateurs, la place de la province dans la Confédération est un sujet de discussion qui continue de soulever les passions aujourd'hui. Comme le savent certainement les sénateurs, la Commission royale d'enquête sur le renouvellement et le renforcement de notre place au sein du Canada, créée par notre province, doit rendre public son rapport en juin prochain. Hélas, en ce qui concerne la population de la province, l'une des plus grandes apôtres de nos intérêts dans ce débat qui se poursuit en sera désormais absente.

LES RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES

LA GUERRE CONTRE L'IRAK

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, le premier ministre a annoncé qu'il n'appuyait pas et, par conséquent, que nous n'appuyions pas l'action des États-Unis en Irak, parce que le Conseil de sécurité ne s'était pas prononcé de façon explicite en faveur de cette intervention. Je sais que de nombreux Canadiens sont outrés par les actions de notre gouvernement et je crois que nous devrions appuyer le gouvernement américain dans sa tentative pour écarter Saddam Hussein du pouvoir et éliminer les armes de destruction massive accumulées par l'Irak.

En appuyant la résolution 1441 des Nations Unies, qui a été adoptée à l'unanimité l'automne dernier, le Canada appuyait un appel en faveur du désarmement immédiat de l'Irak sous peine autrement de faire face à de graves conséquences. Tout le monde savait ce qu'on entendait par là.

Près de cinq mois se sont écoulés depuis l'adoption de cette résolution. La plupart des pays auraient du mal à croire que l'Irak a procédé au désarmement exigé même si de nombreux autres pays croient que c'est le cas.

Curieusement l'Irak a eu le choix de désarmer et de détruire ses armes de destruction massive depuis 12 ans. Si l'Irak avait choisi de détruire ses armes à n'importe quel moment au cours des 12 ans, cela aurait mis un terme aux sanctions, amélioré le commerce et assuré une meilleure vie à tous les Irakiens.

Pourquoi Saddam Hussein a-t-il choisi de ne pas désarmer? Il est évident que les dirigeants de l'Irak préféraient le statu quo, car ils entendaient poursuivre leur production d'armes, ou du moins continuer à cacher leurs armes au monde, pour pouvoir les utiliser à une date ultérieure contre Israël, ou peut-être le Koweït ou, comme les États-Unis le soupçonnent, pour vendre leurs armes à des terroristes afin qu'ils s'en servent contre les citoyens des États-Unis.

Les Américains vont attaquer dans le cadre de leur campagne de martèlement et de terreur pour donner un exemple au monde de ce qui arrivera à quiconque abrite et finance des terroristes qui ont des intentions hostiles à l'égard des États-Unis.

L'organisation terroriste Al-Qaïda a montré au monde, à la suite de son attaque contre les États-Unis, qu'elle était capable du pire mal pour aucune raison apparente. Cependant, les États voyous qui pensaient pouvoir se moquer des États-Unis vont découvrir la grande détermination de nos voisins du Sud.

Honorables sénateurs, il semble que de nombreux Canadiens croient que ce qui s'est produit au sud de la frontière a peu d'effet sur notre bien-être. Nous découvrirons que cette hypothèse naïve est fausse.

Notre premier ministre, qui n'a pas eu le courage ou l'élégance de téléphoner au président des États-Unis pour l'informer de sa décision, a fait peu de cas de notre longue amitié et, selon moi, il a causé un tort irréparable à nos relations. Je crois que cette situation ne laisse rien présager de bon en ce qui concerne notre avenir économique.

Aujourd'hui, en ma qualité de sénateur et de Canadien, je tiens à souligner que j'appuie l'intervention du gouvernement des États- Unis ainsi que des premiers ministres de la Grande-Bretagne et de l'Australie. Puissent-ils connaître du succès dans leur noble entreprise et libérer cette population pauvre et asservie des griffes de son tyran. Puissent-ils faire en sorte que Saddam et ses fils ne soient plus qu'un mauvais souvenir.

En ce qui concerne les autres despotes et oppresseurs dans le monde, j'espère que les puissances de la planète poursuivront leur lutte contre le terrorisme et ne céderont pas devant les pressions de personnes dont la vision ne comprend pas un monde meilleur pour l'avenir.

LE JUGE PHILIPPE KIRSCH

FÉLICITATIONS À L'OCCASION DE SA NOMINATION À LA PRÉSIDENCE DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, je désire attirer votre attention sur le fait qu'un éminent Canadien, M. Philippe Kirsch, est le premier à être élu à la présidence de la Cour pénale internationale. C'est à la fois un honneur pour M. Kirsch, qui a connu une carrière exemplaire au service des affaires étrangères du Canada, et pour notre pays, qui a joué un rôle de chef de file dans la mise en place de cette institution internationale revêtant une importance cruciale.

La Cour a entrepris ses travaux à La Haye, où elle a son siège, et 18 juges venant de divers pays ont été élus. Le juge Kirsch a ensuite été élu à la présidence par ses pairs.

Il a présidé les négociations de la conférence diplomatique de Rome, en 1998, qui a établi les statuts de la CPI. Il a aussi présidé la commission préparatoire au cours des années 90. C'est un spécialiste reconnu en droit humanitaire et pénal international.

Le dernier poste qu'a occupé le juge Kirsch au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a été celui d'ambassadeur du Canada en Suède. Je l'ai rencontré pour la première fois lorsque nous avons été affectés en même temps, pendant les années 80, à la mission du Canada aux Nations Unies, où ses grandes qualités de diplomate étaient évidentes.

(1350)

Il lui incombe maintenant de voir à l'administration de la justice dans le cadre de poursuites intentées contre des personnes pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Je suis convaincu que tous les Canadiens souhaitent au juge Kirsch de connaître beaucoup de succès dans son rôle de responsable de la justice internationale au cours des prochaines années.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

PROJET DE LOI SUR L'ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE ET SOCIOÉCONOMIQUE AU YUKON

PREMIÈRE LECTURE

Son Honneur la Présidente intérimaire annonce qu'elle a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-2, Loi instaurant un processus d'évaluation des effets de certaines activités sur l'environnement et la vie socioéconomique au Yukon.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Christensnen, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance dans deux jours.)

LA LOI SUR L'ENREGISTREMENT DES LOBBYISTES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

Son Honneur la Présidente intérimaire annonce qu'elle a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance dans deux jours.)

PROJET DE LOI SUR LE RÈGLEMENT DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

PREMIÈRE LECTURE

Son Honneur la Présidente intérimaire annonce qu'elle a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-6, Loi constituant le Centre canadien du règlement indépendant des revendications particulières des Premières nations en vue de permettre le dépôt, la négociation et le règlement des revendications particulières, et modifiant certaines lois en conséquence.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Robichaud, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance dans deux jours.)

DROITS DE LA PERSONNE

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À INVITER À COMPARAÎTRE LA PROFESSEURE NICOLE LAVIOLETTE

L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le jeudi 20 mars 2003, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne reçoive la permission d'inviter la professeure Nicole Laviolette, de l'Université d'Ottawa, à présenter son rapport intitulé: Les principaux instruments internationaux en matière de droits de la personne auxquels le Canada n'a pas encore adhéré.

[Traduction]

AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

AVIS DE MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À EXAMINER L'AIDE JURIDIQUE

L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorables sénateurs, je donne avis que, le 20 mars 2003, je proposerai;

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à examiner la situation de l'aide juridique au Canada et la difficulté qu'éprouvent de nombreux citoyens à faible revenu à obtenir l'aide juridique qu'il leur faut, au pénal comme au civil.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LA DÉFENSE NATIONALE

LA GUERRE CONTRE L'IRAK—LE DÉPLOIEMENT DE TROUPES

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, pendant la guerre contre le terrorisme, le gouvernement a annoncé que la FOI 2 serait envoyée dans la région du Golfe. Madame le leader du gouvernement peut-elle nous assurer que la FOI 2 n'est pas en activité dans la région du Golfe et qu'elle ne fera l'objet d'aucune forme de déploiement pendant l'intervention en Irak?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme je l'ai dit à la Chambre hier, aucun Canadien ne participera activement à la guerre contre l'Irak.

LE GOLFE PERSIQUE—LES RÈGLES D'ENGAGEMENT

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Madame le leader du gouvernement pourrait-elle déposer au Sénat les règles d'engagement qui ont été communiquées à nos forces navales et aériennes qui sont déployées quelque part dans le golfe Persique ou dans la région de la mer d'Oman?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne crois pas qu'il soit indiqué de déposer les règles d'engagement lorsque du personnel est engagé dans une guerre. Nos troupes sont bel et bien engagées dans la guerre contre le terrorisme. Il ne serait pas indiqué de déposer ces règles et de les rendre publiques.

LES NATIONS UNIES

LA PARTICIPATION AU SOUTIEN À LA GUERRE CONTRE L'IRAK DANS L'ÉVENTUALITÉ D'UNE RÉSOLUTION DU CONSEIL DE SÉCURITÉ

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, est-il raisonnable de dire que si le Conseil de sécurité adoptait une résolution ou confirmait une résolution de participation à la guerre contre l'Irak, le Canada prendrait part au conflit?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement canadien a exposé clairement sa position: il appuiera les Nations Unies.

Le sénateur Lynch-Staunton: Si cette hypothèse se concrétisait, ce qui est toujours possible, quelle forme prendrait la participation du Canada?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, étant donné qu'il s'agit d'une situation hypothétique, je ne tenterai pas d'émettre des conjectures quant aux modalités de participation de nos troupes.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il ne s'agit pas d'une question hypothétique, car le Canada envisage de participer au conflit si le Conseil de sécurité adopte une telle résolution. Des préparatifs ont certainement été faits et sont actuellement suspendus. Je crois que les Canadiens ont le droit de savoir en quoi consistent ces préparatifs.

Le sénateur Carstairs: Comme le Conseil de sécurité n'a pas pris une telle décision, rien n'a encore été décidé quant à la nature de cette contribution.

Le sénateur Lynch-Staunton: Que le Conseil de sécurité ait adopté ou non une résolution, ne peut-on pas simplement conclure que le Canada n'est ni prêt ni en mesure de participer à une intervention contre l'Irak?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je crois que c'est la conclusion que tire le sénateur d'en face, non le gouvernement du Canada.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Dois-je déduire de ces propos que les soldats canadiens ne participent pas directement aux opérations en Irak, comme le leader du gouvernement l'a déclaré, mais que si la situation devait changer, nous commencerions alors la planification? Par conséquent, nous disposerions, dans certains cas, d'un délai allant de six à vingt-quatre heures pour participer. Autrement, quelle est la situation, si madame le leader du gouvernement affirme que ce ne sont que des hypothèses?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, de toute évidence, les Nations Unies n'ont pas pour habitude de prendre des décisions instantanées. De ce fait, nous savons qu'advenant la présentation d'une telle résolution, le Conseil de sécurité des Nations Unies débattra la question pendant un certain temps. Le cas échéant, il sera possible d'établir des plans.

Si on me pose aujourd'hui une question hypothétique, je ne peux que donner une réponse hypothétique. Or, je ne suis pas disposée à m'engager dans cette voie.

(1400)

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Madame le ministre pourrait-elle faire part au Sénat des mesures que le gouvernement du Canada prend aujourd'hui afin de préparer, à l'intention des Nations Unies, des résolutions prévoyant d'autres interventions de ce type pour faire face à la situation qui se prépare en Irak? Allons-nous nous coucher ce soir ayant fait trop peu et trop tard, comme c'est le cas depuis déjà trop longtemps?

Le sénateur Carstairs: Franchement, honorables sénateurs, je ne pense pas que nous ayons fait trop peu ou trop tard. Nous avons dit très clairement que nous participerions à la reconstruction de l'Irak si une guerre devait avoir lieu dans ce pays. Je pense que nous sommes tous convaincus que la guerre va avoir lieu. J'ai dit hier au sénateur Di Nino que des plans étaient déjà en cours d'élaboration pour reconstruire ce pays. Comme dans toute autre situation hypothétique, je pense qu'il est totalement inapproprié de se livrer à des spéculations.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LA GUERRE CONTRE L'IRAK—L'UTILISATION D'ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, si nous n'avons pas de plan d'urgence, nous nous mettons et nous mettons nos troupes dans une situation intenable. La clé dans tout cela n'est pas de savoir ce que feront les Nations Unies, mais ce que Saddam Hussein va faire. Pas plus tard que ce matin, la France a dit que s'il employait des armes chimiques ou biologiques, elle entrerait en guerre aux côtés des États-Unis. En ferons-nous autant, et est-ce que nos troupes seront prêtes à réagir aussi rapidement? Ce n'est pas une question de résolution ni de jours ou d'heures. Il est question de savoir si nous pourrons aider les Irakiens au cas où Saddam Hussein réagirait comme certains le craignent à une intervention des États- Unis.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, premièrement, l'existence d'armes chimiques ou biologiques en Irak n'a pas été prouvée. Il y a eu de nombreuses théories, certes, mais M. Blix, et tous ses enquêteurs, n'en ont pas trouvé. Il cherchait la preuve que l'Irak les avait détruites. Il ne l'a jamais trouvée.

Si Saddam Hussein se retourne contre son peuple, il pourrait bien y avoir une autre résolution du Conseil de sécurité. À ce moment-là, nous ferons ce que nous avons toujours dit que nous ferions, à savoir appuyer la résolution du Conseil de sécurité.

LA GUERRE CONTRE L'IRAK—LA RÉACTION À UNE ATTAQUE CONTRE ISRAËL

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, il semble que nous n'ayons pas de politique étrangère. Nous ne faisons que suivre les Nations Unies. Il est évident que nous ne prenons parti pour aucun côté à propos de cette guerre.

En cas d'une attaque de l'Irak contre Israël, participerons-nous à la guerre et appuierons-nous les Américains ou maintiendrons-nous notre neutralité?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, manifestement, la position du Canada est que nous avons choisi de ne pas participer à cette guerre parce que nous estimions que la preuve n'avait pas été faite qu'une guerre était justifiée pour le moment. Dans le cas où un changement de position serait nécessaire, compte tenu de l'évolution de la situation, je suis certaine que le Conseil de sécurité agira et, alors, le gouvernement du Canada appuiera les mesures qu'il prendra.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, que se produira-t-il si le Conseil de sécurité prend des mesures qui vont à l'encontre de notre politique étrangère? La France a un droit de veto. Si les Nations Unies décidaient de ne pas aider Israël, quelle serait alors notre position?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, la déclaration qu'a faite le sénateur il y a quelques minutes montre l'énorme fossé qu'il y a entre nous. Le sénateur estime que nous devrions participer à la guerre contre l'Irak maintenant. À l'instar du gouvernement du Canada et de la vaste majorité des Canadiens, je crois que nous ne devrions pas entrer en guerre contre l'Irak.

Des voix: Bravo!

LA RENCONTRE AU SUJET DU CHANGEMENT DE RÉGIME EN HAÏTI

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, j'ai l'impression de tirer une épine du pied de madame le ministre chaque fois qu'il y a des tensions dans cet endroit. Je pourrais peut- être ajouter mon grain de sel.

Dans sa livraison du 15 mars, la revue L'actualité publie un article au sujet d'une rencontre secrète qui s'est tenue sur les bords du lac Meech, en janvier, au sujet du changement de régime en Haïti. Cette initiative secrète nommée «Initiative d'Ottawa relative à Haïti» serait dirigée par le secrétaire d'État à la Francophonie. Madame le leader du gouvernement peut-elle nous dire si cette rencontre a bel et bien eu lieu?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, honnêtement, je ne peux pas dire si cette rencontre a eu lieu. Je n'ai aucun renseignement à ce sujet.

Le sénateur Di Nino: Honorables sénateurs, madame le leader pourrait-elle au moins s'informer pour tenter de savoir si cette réunion a eu lieu?

LA POLITIQUE RELATIVE AUX CHANGEMENTS DE RÉGIME DANS D'AUTRES PAYS

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, je suppose qu'il pourrait y avoir un fond de vérité dans l'histoire rapportée par M. Vastel dans la revue L'actualité, hier, quand des députés de la Chambre des communes ont posé des questions sur le changement de régime en Irak, le premier ministre a dit:

... j'ai toujours dit très clairement que la politique qui consiste à forcer des changements de régime dans d'autres pays n'est pas souhaitable [...]. Dans le système actuel, c'est à la population locale de changer le gouvernement.

Toutefois, selon L'actualité, le groupe d'Ottawa doit se rencontrer à nouveau en avril pour discuter du changement de régime en Haïti.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous préciser la politique du gouvernement du Canada en ce qui a trait aux changements de régime?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois que le sénateur a parfaitement cité les paroles prononcées hier par le très honorable Jean Chrétien. C'est là la politique sur le changement de régime.

L'honorable Laurier L. LaPierre: Madame le leader du gouvernement au Sénat est-elle au courant du fait que les libéraux ne se servent plus de la résidence du lac Meech pour tenir des rencontres puisque c'est là que M. Mulroney a couché avec les Américains?

LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION

LES ÉTATS-UNIS—LES RÉPERCUSSIONS DE L'EXIGENCE RELATIVE AUX NOUVEAUX TITRES DE VOYAGE

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur les répercussions sur le Canada des nouvelles lois américaines relatives aux frontières.

En octobre 2004, les États-Unis exigeront que tous les visiteurs désirant entrer dans leur pays soient munis de titres de voyage comprenant des données biométriques. Les renseignements qu'on pourra y retrouver comprennent des empreintes digitales, des empreintes rétiniennes et une lecture faciale. Les mesures de renforcement de la sécurité aux frontières et les nouveaux visas entreront en vigueur aux principaux points d'entrée frontaliers et autres points d'entrée d'ici 2005.

Honorables sénateurs, de nombreux pays ne disposent peut-être pas des ressources nécessaires pour remettre à leurs citoyens des nouveaux titres de voyage renfermant des renseignements de ce genre, de sorte qu'il leur est difficile, voire impossible, d'entrer aux États-Unis. Cette situation risque fort de se traduire par une augmentation considérable du nombre de personnes qui décideront plutôt de présenter des demandes d'immigration au Canada.

Le gouvernement fédéral craint-il les conséquences que la nouvelle loi américaine pourrait avoir pour notre pays? Dans l'affirmative, Citoyenneté et Immigration Canada a-t-il soulevé ces préoccupations auprès de ses homologues américains?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, les États-Unis établissent leur propre politique dans plusieurs domaines, y compris à l'égard des dispositions d'entrée et de sortie concernant leur territoire. Comme le sénateur le sait bien, nous n'avons aucune mainmise sur ces décisions. Nous sommes toutefois conscients que, s'il devenait beaucoup plus difficile, non seulement pour les visiteurs, mais aussi pour les immigrants et les réfugiés éventuels, d'entrer aux États-Unis, cette situation risquerait d'alourdir le fardeau de notre service d'immigration. Des discussions sont en cours avec les États-Unis au sujet d'un certain nombre de questions, y compris de nos préoccupations à l'égard de ces nouvelles initiatives concernant la frontière.

(1410)

LA SANTÉ

LE VIRUS VIRULENT DE LA PNEUMONIE—L'AVERTISSEMENT CONCERNANT LES VOYAGES EN ASIE

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat et concerne l'épidémie de pneumonie dans le monde. Ces derniers jours, de nombreux rapports de presse ont fait état d'une nouvelle souche virale et mortelle de pneumonie en provenance d'Asie. Des voyageurs venus d'Asie par avion seraient en train de répandre ce virus au Canada. On signale actuellement au moins 11 cas probables ou soupçonnés de cette maladie au Canada, de sorte que notre pays est un de ceux qui comptent le plus grand nombre de cas confirmés en dehors de l'Asie du Sud-Est.

L'Organisation mondiale de la santé a lancé une rare alerte mondiale pour la santé, car 219 personnes sont tombées malades et 14 sont mortes à la suite de cette infection, dont deux à Toronto.

Le week-end dernier, les Centers for Disease Control des États- Unis ont avisé les Américains voyageant vers les régions touchées, y compris le Canada, qu'il vaudrait peut-être mieux reporter leurs voyages jusqu'à nouvel avis.

La question que je pose à madame le leader du gouvernement au Sénat est la suivante: Santé Canada songe-t-il à émettre un tel avis aux voyageurs pour leur conseiller de ne pas se rendre en Asie du Sud-Est pour le moment?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je remercie le sénateur de sa question. Le syndrome respiratoire aigu sévère est une maladie grave dont l'origine semble se situer en Asie du Sud- Est. Pour le moment, les deux principaux pays touchés seraient la Chine et Singapour.

Le sénateur a parlé des «voyageurs venus par avion». Les gens n'attrapent pas cette maladie en voyageant par avion; ils sont infectés parce qu'ils se sont rendus dans des endroits où sévit le SRAS, comme on l'appelle. Je tiens à faire cette distinction pour que ce soit bien clair.

Le 16 mars 2003, le ministère de la Santé a effectivement émis un avis d'alerte médicale à l'intention des voyageurs.

LE VIRUS VIRULENT DE LA PNEUMONIE—LA POLITIQUE D'AIR CANADA SUR L'ENREGISTREMENT DES PASSAGERS

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, la compagnie aérienne Cathay Pacific Airways de Hong Kong a annoncé qu'elle avait ordonné à son personnel de ne pas accepter d'enregistrer des passagers qui manifestaient certains signes de la maladie. Les transporteurs aériens du Vietnam, de l'Australie, du Japon et de la Nouvelle-Zélande ont suivi son exemple. Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire si Air Canada a songé à adopter une politique semblable?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, Santé Canada a demandé aux responsables des aéroports internationaux de Pearson et de Vancouver de surveiller de très près les passagers arrivant de Hong Kong pour repérer ceux qui manifesteraient des symptômes typiques de la grippe. Je ne peux pas dire à l'honorable sénateur si la directive s'applique aussi aux passagers embarquant à Hong Kong sur des vols d'Air Canada mais je vais rapidement m'informer à ce sujet.

LA DÉFENSE NATIONALE

LE NIVEAU D'ALERTE LIÉ AUX MENACES TERRORISTES

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, hier, j'ai posé une question à madame le leader du gouvernement au Sénat au sujet d'un niveau plus élevé d'alerte au Canada et de la situation de nos soldats en mission dans la région du golfe Persique. Madame le ministre est-elle en mesure de répondre à ma question aujourd'hui? Et, par la même occasion, pourrait-elle nous dire si le Canada a été placé sur un pied d'alerte plus élevé?

À propos de cette question d'hier, nous constatons dans la presse d'aujourd'hui que tant Ottawa que Toronto ont haussé le niveau d'alerte. Peut-être cela a-t-il été fait à la demande du gouvernement provincial. Si c'est le cas, la ministre pourrait-elle nous le dire? Ma question est la suivante: le niveau d'alerte a-t-il été relevé au Canada?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): La réponse que je vais donner au sénateur n'est que la répétition de l'information que je lui ai fournie hier. Nous n'avons pas connaissance d'une menace particulière pesant sur la sécurité du Canada à l'heure actuelle. Le niveau d'alerte est élevé au Canada depuis le 11 septembre 2001.

Le gouvernement du Canada fait preuve de vigilance dans l'examen des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale. Nos services du renseignement de sécurité et de police s'emploient à détecter toute menace qui se profile à l'horizon et les Canadiens peuvent avoir l'assurance que nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour garantir la sûreté et la sécurité publiques.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, malgré tout ce qui a été publié et lu dans la presse, je dois comprendre qu'il n'y a pas eu de hausse notable du niveau de menace pesant sur le Canada du fait de la position adoptée par les États-Unis et leurs alliés. J'espère que madame le ministre voit juste.

LES HÉLICOPTÈRES SEA KING UTILISÉS DANS LA RÉGION DU GOLFE PERSIQUE—L'ÉQUIPEMENT DE VISION NOCTURNE

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, une question a été soulevée hier soir à la télévision nationale par la CBC, qui nous a dit bien des choses au sujet des Sea King, notamment qu'ils ne voient pas dans le noir. Quand nous envoyons un Sea King dans le golfe Persique, cet hélicoptère est-il doté d'équipement de vision nocturne? Madame le ministre peut-elle nous donner l'assurance que les Sea King utilisés dans cette région, et ailleurs, auront la capacité de voir dans le noir? En outre, ne convient-elle pas que la difficulté qu'éprouvent ces appareils à sauver des gens est attribuable autant à leur capacité et à leur rayon d'action limités qu'au fait qu'ils n'ont pas d'équipement de vision nocturne?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, nous avons entendu un reportage fort intéressant à la CBC. J'ai regardé ce reportage, à l'instar du sénateur, évidemment. On ne dit pas cependant dans ce reportage que les Sea King utilisés pour les missions de recherche et de sauvetage ont maintenant été remplacés. Les Sea King ne sont plus utilisés pour ce genre de mission; les recherches et sauvetages sont maintenant effectués par des hélicoptères Cormorant.

En ce qui concerne la question du sénateur sur la vision nocturne, les hélicoptères Sea King ont fait l'objet de programmes de mise à niveau et d'amélioration de leur capacité d'une valeur de 80 millions de dollars, comme le sénateur le sait.

À part cela, je dois avouer que je n'ai pas d'autres informations.

[Français]

LA JUSTICE

LE MAINTIEN DES DROITS LINGUISTIQUES ÉTABLIS—LA DÉCISION DE LA COUR FÉDÉRALE—LA MISE EN ŒUVRE AVANT LA DATE BUTOIR

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Il s'agit d'un sujet qu'elle connaît bien, c'est-à-dire l'entente qui devait être conclue entre la province de l'Ontario et le ministère de la Justice concernant les contraventions sur les terres fédérales, en particulier dans les aéroports fédéraux, le pouvoir étant donné à la province de l'Ontario, par exemple, de remettre aux municipalités l'obligation d'administrer les contraventions en général.

Le 23 mars prochain, dans quelques jours, l'entente prendra fin. La date butoir a été établie au 23 mars de cette année, même si le juge a été obligé d'accorder l'an dernier une période de temps supplémentaire d'une année. La ministre pourrait-elle s'informer pour savoir si une entente a été conclue entre l'Ontario et le gouvernement fédéral au sujet des contraventions?

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, que je sache, l'Ontario et le gouvernement du Canada n'ont encore signé aucune entente à ce sujet. Je sais que la date limite approche rapidement, et je vais me renseigner pour savoir où en est cette entente. J'espère communiquer cette information à l'honorable sénateur très prochainement.

[Français]

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LA GUERRE CONTRE L'IRAK—LA POLITIQUE DU GOUVERNEMENT SUR L'AIDE ET LE SECOURS AUX RÉFUGIÉS

L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Il semble que la politique du gouvernement se soit arrêtée à la décision du gouvernement canadien de ne pas participer à la guerre contre l'Irak.

Le gouvernement canadien compte-t-il avoir une participation ou une politique élaborée des effectifs et des ressources qu'il pourrait mettre à la disposition des malheureuses victimes de cette guerre? Je fais référence en particulier aux réfugiés. Le Canada prévoit-il une participation directe d'aide et de secours pour tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui se réfugieront dans les pays limitrophes pour éviter l'horrible guerre à laquelle ils devront faire face?

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement du Canada a dit bien clairement qu'il serait là pour aider les victimes de la guerre en Irak. Il participera également à la reconstruction de l'Irak après la guerre.

(1420)

Le ministre principal dans ce dossier est l'honorable Susan Whelan, ministre de la Coopération internationale, mais il est évident que d'autres ministères participeront également.

Comme vous le savez, on a annoncé cette semaine l'octroi de 250 millions de dollars pour aider l'Afghanistan dans ses efforts de reconstruction. Le Canada estime qu'il s'agit là d'un rôle important que nous devons jouer, surtout dans les pays déchirés par la guerre.

[Français]

Le sénateur Rivest: Honorables sénateurs, qu'arrivera-t-il aux réfugiés irakiens?

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, il semble que les réfugiés irakiens se dirigeront surtout vers la Jordanie. Du reste, la Jordanie a déjà commencé à construire des camps en prévision de cette regrettable éventualité. Le gouvernement du Canada a toujours eu une politique vigoureuse d'aide aux réfugiés, et je crois comprendre qu'il n'en ira pas autrement cette fois-ci.

[Français]

DÉPÔT DE LA RÉPONSE À UNE QUESTION INSCRITE AU FEUILLETON

LA DÉFENSE NATIONALE —LES COÛTS ENCOURUS AU DÉPLOIEMENT DU PERSONNEL ET DU MATÉRIEL DANS LES DIFFÉRENTS THÉÂTRES D'OPÉRATION

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 5, inscrite au Feuilleton — (par le sénateur Forrestall.)


ORDRE DU JOUR

LA LOI SUR L'HYMNE NATIONAL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—REPORT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kinsella, appuyée par l'honorable sénateur Corbin, tendant à la deuxième lecture du S-14, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national afin de refléter la dualité linguistique du Canada.—(L'honorable sénateur Corbin).

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, je prendrai probablement la parole demain à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-14.

(Le débat est reporté.)

[Traduction]

L'HÉRITAGE DE GASPILLAGE— LES ANNÉES CHRÉTIEN-MARTIN

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur LeBreton, attirant l'attention du Sénat sur l'héritage de gaspillage des années Martin-Chrétien. —(L'honorable sénateur Gustafson).

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je participe au débat lancé par ma collègue, le sénateur LeBreton, sur l'héritage de gaspillage des années Martin-Chrétien.

Le gaspillage et la mauvaise gestion du gouvernement ne sont nulle part plus évidents que dans ses rapports avec l'un des secteurs industriels les plus productifs et les plus innovateurs du Canada, à savoir le secteur agricole. Grâce aux études menées par le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts — et je songe ici à l'excellent rapport intitulé «Les agriculteurs canadiens en danger» — de nombreux sénateurs savent que l'agriculture génère 9 p. 100 du produit intérieur brut du Canada et ajoute chaque année de 5 à 7 milliards de dollars à l'excédent commercial de notre pays. En fait, les secteurs agricole et forestier sont très importants, car ils produisent 35 p. 100 de nos exportations.

De 1993 à 1996, les aides aux agriculteurs ont été réduites de façon draconienne par le gouvernement libéral. Plus de 2 milliards de dollars ont été supprimés du soutien agricole prévu par le budget fédéral, pour une réduction totale de 55 p. 100 par le gouvernement Chrétien-Martin. De 1993 à 1999, la dette agricole a grimpé de 15 milliards de dollars. Plus de 4 000 exploitations agricoles ont déclaré faillite depuis 1993, dont 29 p. 100 dans la seule province de la Saskatchewan.

Notre comité qui se penche sur le réchauffement de la planète vient de parcourir l'Ouest et de tenir des audiences à Regina, Edmonton, Lethbridge et Vancouver. Tout en examinant ce sujet, nous avons entendu divers agriculteurs et groupes nous dire que l'agriculture connaît une situation extrêmement difficile à l'heure actuelle.

Qu'a fait l'équipe Chrétien-Martin pour soutenir l'un des secteurs industriels les plus innovateurs du Canada? Voyons ce que prévoyaient à cet égard les premiers budgets de M. Martin. Dans ses budgets de 1994 et de 1995, le gouvernement fédéral a réduit ses aides aux agriculteurs. Dans son budget de 1996, il annonçait d'autres réductions.

Paradoxalement, en 1997, le ministre de l'Agriculture a été informé de la crise imminente du revenu. Le cahier d'information du ministre, qui a été obtenu grâce à la Loi sur l'accès à l'information, contenait l'avertissement suivant:

On s'attend à ce que le revenu agricole baisse de 1997 à 1999, principalement à cause des faibles prix du grain. La chute des prix du grain a déjà commencé à susciter des inquiétudes dans le milieu agricole quant à la viabilité du secteur agricole et à l'efficacité des programmes existants de protection du revenu.

De plus, on a fait au ministre la mise en garde suivante:

Les prévisions concernant le revenu agricole ne prennent pas en considération l'épargne, la rémunération agricole versée à d'autres membres de la famille ni les revenus d'appoint.

Malheureusement, c'est l'une des rares industries au Canada où il faut avoir un autre travail en plus de son emploi dans le secteur agricole pour subvenir aux besoins de sa famille.

En 1997, le revenu agricole net a chuté de 55 p. 100 à l'échelle nationale. En 1998, les recettes monétaires agricoles dans l'ouest du Canada ont baissé de manière draconienne. Qu'a fait le gouvernement fédéral lorsqu'on l'a interrogé sur la pertinence des programmes de soutien du revenu agricole net? À la Chambre des communes, le 28 octobre 1998, Lyle Vanclief, le ministre de l'Agriculture, a déclaré ceci:

Monsieur le Président, j'estime que nous faisons preuve de volonté politique, une volonté qui ne se traduit pas par des compressions. Nous avons un des régimes de sécurité les plus solides au monde.

Honorables sénateurs, aucune mesure n'est encore en place, près de dix ans plus tard.

En 1999, les agriculteurs de la Saskatchewan et du Manitoba ont été victimes d'inondations. On n'a déclaré aucune catastrophe aux termes du programme d'aide en cas de catastrophe administré par la Défense nationale. Aucune aide n'a été fournie pour rendre les terres à nouveau productives. Le ministre de l'Agriculture a préféré survoler les champs et regarder les mauvaises herbes verdoyantes plutôt que le blé jaune avant de rentrer chez lui.

En 2001, des agriculteurs de partout au Canada se sont rendus dans les villes avec leurs tracteurs et ont manifesté afin d'obtenir de l'aide. Les agriculteurs de toutes les régions du Canada voyaient leurs revenus chuter, et bon nombre étaient contraints d'abandonner leur exploitation agricole. En fait, depuis 1996, le Canada a perdu plus de 30 000 agriculteurs, ce qui représente une baisse de 11 p. 100 à l'échelle du pays. Ces agriculteurs ont abandonné leur exploitation agricole — des exploitations familiales souvent vieilles de près de cent ans.

(1430)

La Saskatchewan a perdu 34 p. 100 de ses agriculteurs au cours des cinq dernières années.

Un autre programme ponctuel a été mis en place. Il était inadéquat et manquait de planification.

La sécheresse dans tout le Canada, de l'Atlantique au Pacifique, a durement touché les revenus agricoles. Elle a sévi pendant trois années sur quatre en Nouvelle-Écosse. L'ouest du Canada a connu une grave sécheresse au cours des deux dernières années.

Pour illustrer ce qui s'est passé, je vous parlerai de deux voisins qui ont fait venir du bétail de l'Alberta et de l'ouest de la Saskatchewan. Ils avaient transporté de l'eau au bétail pendant tout l'hiver parce qu'il était plus facile de conduire le bétail à la pâture que de lui apporter sa nourriture.

Nous nous rappelons tous l'acte de générosité des agriculteurs de l'est du Canada qui ont envoyé du foin à leurs homologues de l'Ouest. C'était un geste louable de leur part, malgré la distance et les autres problèmes de transport.

Honorables sénateurs, les Canadiens seront secoués d'apprendre que, le 30 avril 2002, des fonctionnaires d'Agriculture Canada ont avoué au Comité permanent de l'agriculture que personne au sein du ministère n'avait prévu demander des fonds supplémentaires pour les secours en cas de sécheresse, même si les prévisions météorologiques laissaient entrevoir une autre année de sécheresse.

Bien qu'on ne perde jamais une récolte au mois de mars ou d'avril, les perspectives n'étaient pas très réjouissantes. Les risques d'une invasion de sauterelles étaient aussi très élevés. Les agriculteurs doivent faire face à beaucoup d'inconnues, mais il est bien de voir les rayons d'épicerie remplis de toutes sortes de produits. Peu de pays ont autant de nourriture que le Canada. J'étais dans un nouveau marché d'alimentation l'autre jour à Estevan, en Saskatchewan. Je crois que c'était un IGA. On peut presque perdre son chemin dans ce genre de commerce, où il y a tellement de variétés d'aliments. Le Canada est bien chanceux d'avoir de la nourriture en si grande abondance. Pourtant, pour chaque miche de pain qui est vendue, l'agriculteur touche seulement de six à huit cents.

L'agriculture est une industrie très importante et les agriculteurs ont l'impression que le gouvernement les a abandonnés. Sir Leonard Tilley, de Grande-Bretagne, a dit un jour cette phrase, dont nous nous rappelons tous, je l'espère: «Laissez dépérir l'agriculture et l'herbe poussera partout dans les rues des villes du pays.» L'une des plus grandes réalisations du Canada et de l'Amérique du Nord a toujours été leur capacité à se nourrir et à nourrir en même temps une grande partie du tiers monde. Nous ne devons jamais perdre cette capacité. J'espère que l'expérience des quelques dernières années nous apprendra que nous devons faire face à une situation très grave.

J'ai plusieurs autres recommandations qui, je l'espère, sont constructives. Ce que j'ai dit est plutôt négatif, mais c'est vraiment ce qui est arrivé à notre agriculture. Il faut le signaler.

Le Canada fait maintenant partie intégrante d'une nouvelle économie mondiale en ce qui concerne l'agriculture. Les spécialistes nous disent qu'il faut mettre un terme aux subventions versées par les Américains et les Européens pour remédier à cette situation. Cela ne va pas se produire. Les Américains viennent juste d'adopter un autre programme de subventions sur dix ans d'une valeur de 191 milliards de dollars. Au Dakota du Nord, de l'autre côté de la frontière d'où je vis, le blé est subventionné à raison de 1,68 $ le boisseau. Comment peut-on concurrencer cela? J'ai été quelque peu estomaqué lorsque j'ai entendu ce chiffre.

Lorsque Paul Tellier est passé du Canadien National à Bombardier, on l'a félicité d'avoir rentabilisé la compagnie de chemin de fer. Il est bon de faire du Canadien National une entreprise rentable. Cependant, ce sont les agriculteurs qui ont assuré la rentabilité du CN lorsqu'ils ont perdu le tarif du Nid-de- Corbeau, qui leur coûtait 1 $ le boisseau pour chaque boisseau transporté. Cela n'enlève rien aux réalisations de Paul Tellier, mais aujourd'hui, à cause des difficultés que connaissent nos agriculteurs, le CN fait un plus important chiffre d'affaires aux États-Unis qu'au Canada. Cela donne aux honorables sénateurs une idée de la situation à laquelle nous sommes confrontés.

En ce qui concerne l'économie mondiale, nous n'allons pas supprimer les subventions. Les Européens n'en feront rien. Ils ont fait une chose, cependant, et les États-Unis commencent à faire de même. Ils ont regroupé l'agriculture, l'environnement et le développement rural et ont déclaré que les agriculteurs n'avaient pas les moyens de faire cela seuls et que cela devait être la responsabilité de tous les membres de la société.

J'ai déclaré plus tôt que le Comité de l'agriculture était en train d'étudier le réchauffement de la planète et avait parcouru l'ouest du pays. Le comité était présidé par le sénateur Oliver. Nous avons eu de bonnes réunions, mais des problèmes se posent et les agriculteurs sont inquiets au sujet du Protocole de Kyoto. D'où viennent les crédits? Ils ont soulevé cette question dans toutes les réunions. Qui paiera la facture? La Saskatchewan, par exemple, est censée être la province qui pollue le plus, car elle a la plus grande superficie de terres arables. Par contre, elle a la plus petite population. Il y a une sorte d'opposition Est-Ouest dans le cas présent. Je crois comprendre que l'industrie automobile a été en quelque sorte exemptée et ne sera pas très touchée par cette question, alors que les agriculteurs et les pétroliers de l'ouest du pays s'inquiètent. Quelles seront les conséquences? Qui paiera la facture?

Nous avons soulevé cette question auprès du ministre de la Saskatchewan. Il a reconnu qu'il n'avait pas la réponse pour l'instant.

Avant de laisser de côté la question des subventions, je dirai que nous devons cesser de penser que nous réussirons à faire disparaître les subventions, car cela n'arrivera pas. Nous sommes dans une nouvelle économie mondiale, et le Canada devra s'y adapter.

Je veux maintenant parler des coûts des facteurs de production.

Son Honneur le Président: Je regrette d'interrompre le sénateur Gustafson, mais je dois l'aviser que ses 15 minutes sont écoulées.

Le sénateur Gustafson: Puis-je avoir une minute ou deux de plus, honorables sénateurs?

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Gustafson: Il y a plusieurs problèmes dont je veux parler, l'un d'eux étant les coûts des facteurs de production. Le prix des engrais a grimpé à plus de 400 $ la tonne. Il est deux fois plus élevé qu'il y a deux ans. C'est un coût important pour les agriculteurs. Comme nous le savons, le prix de l'énergie a doublé. Aujourd'hui, les agriculteurs se demandent ce qu'ils peuvent cultiver pour pouvoir au moins récupérer les coûts des facteurs de production et peut-être réaliser un peu de bénéfices.

(1440)

Le Canada est aux prises avec un problème grave. Il n'y a aucun doute dans mon esprit que, si nous encourageons les agriculteurs à rester sur les fermes, ce sera rentable pour le pays. Ce sont de bons travailleurs. Ils seront productifs. Je crois qu'il nous incombe à tous, honorables sénateurs, de faire notre possible pour convaincre le gouvernement de jouer son rôle pour aider les agriculteurs à traverser cette période difficile.

Je sais que les gens ont tendance à dire que les agriculteurs se plaignent tout le temps. Je vous dirai, honorables sénateurs, que, à l'heure actuelle, les agriculteurs sont découragés, particulièrement les jeunes; ils quittent les fermes, ce qui est très malheureux. Je terminerai avec une citation souvent répétée par sir Samuel Leonard Tilley — vous remarquerez qu'il s'appelle Leonard: «Laissez dépérir l'agriculture et l'herbe poussera partout dans les rues des villes du pays.»

Des voix: Bravo!

(Sur la motion du sénateur Bryden, le débat est ajourné.)

[Français]

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

MOTION VISANT À RENVOYER AU COMITÉ LA RÉSOLUTION DE BERLIN DE 2002 DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DE L'ORGANISATION POUR LA SÉCURITÉ
ET LA COOPÉRATION EN EUROPE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Joyal, c.p.,

Que la résolution suivante, qui renferme la résolution de l'OSCE (PA) mise de l'avant à Berlin en 2002, soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères pour étude et rapport avant le 30 juin 2003:

Attendu:

que le Canada est un pays fondateur de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de l'accord d'Helsinki de 1975;

que tous les États membres de l'accord d'Helsinki ont affirmé leur respect du droit des individus qui appartiennent à une minorité nationale d'être égaux devant la loi et de bénéficier pleinement des droits humains et des libertés fondamentales et que les États membres reconnaissent que c'est là un élément essentiel de la paix, de la justice et du bien- être nécessaires pour assurer le développement de relations amicales et de la coopération entre les individus et les États membres;

que l'OSCE a condamné l'antisémitisme dans le Document de clôture Copenhague 1990 et a pris les mesures nécessaires pour protéger les individus contre la violence antisémite;

que le Document de clôture Lisbonne 1996 de l'OSCE a réclamé la mise en œuvre améliorée de tous les engagements humanitaires, en particulier ceux concernant les droits de la personne et les libertés fondamentales et a exhorté les États membres à combattre le grave problème de l'antisémitisme;

que dans la Charte de 1999 sur la sécurité européenne, le Canada et d'autres États membres se sont engagés à combattre les violations des droits de la personne et des libertés fondamentales, y compris la liberté de pensée, de conscience, de religion et de croyance, et les manifestations d'intolérance, de nationalisme agressif, de racisme, de chauvinisme, de xénophobie et d'antisémitisme;

que le 8 juillet 2002, lors de son assemblée parlementaire tenue au Reichstag, à Berlin (Allemagne), l'OSCE a adopté à l'unanimité une résolution (ci-jointe) condamnant les actes antisémites commis actuellement sur le territoire de l'OSCE;

que la résolution de Berlin de 2002 a appelé tous les États membres à reconnaître publiquement la violence exercée à l'encontre des juifs et des propriétés culturelles juives comme étant de la violence antisémite, et à dénoncer avec vigueur ces actes de violence;

que la résolution de Berlin de 2002 a exhorté tous les États membres à combattre l'antisémitisme en demandant aux autorités locales et nationales d'appliquer sévèrement la loi;

que la résolution de Berlin de 2002 a appelé les États membres à réitérer l'importance de la lutte contre l'antisémitisme en explorant des moyens efficaces pour prévenir l'antisémitisme et en s'assurant que les lois, les règlements, les pratiques et les politiques sont conformes aux engagements de l'OSCE à l'égard de l'antisémitisme;

que la résolution de Berlin de 2002 a aussi encouragé les délégués de l'assemblée parlementaire à condamner avec force et sans condition les manifestations de violence antisémites dans leurs pays respectifs;

qu'une augmentation alarmante des incidents et de la violence antisémites a été observée au Canada, en Europe et ailleurs dans le monde.

Annexe

RÉSOLUTION SUR LA VIOLENCE ANTISÉMITE SUR LE TERRITOIRE DE L'OSCE

Berlin, 6-10 juillet 2002

1. Rappelant que l'OSCE, en élaborant le document de Copenhague de 1990, a figuré parmi les organisations qui ont réussi à obtenir de la communauté internationale qu'elle condamne publiquement l'antisémitisme;

2. Notant que tous les États participants, comme indiqué dans le Document de Copenhague, s'engagent à «condamner sans équivoque» l'antisémitisme et à prendre des mesures efficaces pour protéger les personnes contre tout acte de violence antisémite;

3. Rappelant le Document de Lisbonne 1996, qui met en lumière «l'approche globale» de la sécurité adoptée par l'OSCE, appelle à «des progrès en matière d'exécution de tous les engagements intéressant la dimension humaine, eu égard en particulier aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales», et engage les États participants à s'attaquer aux «problèmes aigus», tels que l'antisémitisme;

4. Réaffirmant la Charte de sécurité européenne adoptée à Istanbul en 1999, qui engage les États participants à «contrer les menaces pour la sécurité que constituent les violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales, y compris de la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction, et les manifestations d'intolérance, de nationalisme agressif, de racisme, de chauvinisme, de xénophobie et d'antisémitisme»;

5. Reconnaissant que le fléau de l'antisémitisme n'est pas propre à un quelconque pays, et invitant les États participants à faire preuve d'une persévérance inébranlable à cet égard;

L'Assemblée parlementaire de l'OSCE

6. Condamne sans équivoque l'inquiétante recrudescence de la violence antisémite sur le territoire de l'OSCE;

7. Se déclare vivement préoccupée par la récente recrudescence d'actes de violence antisémites, des personnes de religion juive et le patrimoine culturel juif ayant fait l'objet d'attaques dans de nombreux États participants de l'OSCE;

8. Demande instamment aux États qui s'engagent à restituer les biens confisqués à leurs propriétaires légitimes ou, à défaut de les indemniser, de veiller à ce que leurs programmes de restitution et d'indemnisation soient mis en œuvre de façon non discriminatoire et conformément aux règles du droit;

9. Reconnaît les efforts louables déployés par de nombreux États post-communistes pour réparer les injustices commises par les précédents régimes en ce qui concerne le patrimoine religieux, étant entendu qu'il reste dans l'intérêt de la justice beaucoup à faire à cet égard, notamment pour ce qui est de la restitution des biens individuels et collectifs ou de l'indemnisation correspondante;

10. Consciente du danger que représente la violence antisémite pour la sécurité européenne, compte tenu en particulier de la tendance à une intensification de la violence et des attaques dans toute la région;

11. Déclare que les événements sur la scène internationale ou les questions politiques ne justifieront jamais la violence à l'égard des juifs ou toute autre manifestation d'intolérance, et que cette violence fait obstacle à la démocratie, au pluralisme et à la paix;

12. Demande instamment à tous les États de faire des déclarations publiques reconnaissant que la violence à l'égard des juifs et du patrimoine culturel juif constitue un acte d'antisémitisme, et de diffuser des déclarations publiques condamnant fermement les déprédations;

13. Invite les États participants à faire en sorte que les administrations locales et nationales appliquent la loi avec fermeté, notamment en enquêtant sur les actes criminels antisémites, en appréhendant leurs auteurs, et en engageant les poursuites pénales et les procédures judiciaires appropriées;

14. Demande instamment aux États participants d'accorder davantage d'importance à la lutte contre l'antisémitisme en organisant un séminaire de suivi ou une réunion sur la dimension humaine en vue d'étudier des mesures efficaces pour prévenir l'antisémitisme, et à faire en sorte que leurs lois, règlements, pratiques et politiques soient conformes aux engagements pertinents pris au titre de l'OSCE face à l'antisémitisme; et

15. Encourage tous les représentants à l'Assemblée parlementaire à condamner énergiquement et sans réserve les manifestations de violence antisémites dans leurs pays respectifs et au sein de toutes les instances régionales et internationales.—(L'honorable sénateur Kinsella).

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la motion du sénateur Grafstein portant sur le renvoi à un comité sénatorial permanent de la question de la montée de l'antisémitisme et, en particulier, de la résolution de l'OSCE. Après en avoir discuté avec le sénateur Grafstein, et après les propos du sénateur LaPierre, hier, nous croyons qu'il serait préférable de confier cette étude et la préparation d'un rapport sur la question au Comité sénatorial permanent des droits de la personne plutôt qu'au Comité des affaires étrangères. À la fin de mon intervention, je présenterai une motion à cet effet.

Honorables sénateurs, j'aimerais commencer mon intervention en vous racontant l'histoire de Angelo Joseph Roncalli, devenu par la suite le pape Jean XXIII, qui a accueilli une délégation juive au Vatican, en 1962, en tenant ces paroles:

Je suis Joseph, votre frère...

Il n'y a aucun doute dans mon esprit que Jean XXIII, l'auteur de l'encyclique, Pacem in terris — Paix sur terre , rêvait d'un monde où tous les groupes confessionnels formeraient une grande famille.

Dans l'esprit de bien des Canadiens, cette même notion de «vivre ensemble», en famille, est incarnée par saint Joseph. Elle met en relief l'importance de la coexistence, convivientia, comme pierre angulaire de la paix sociale et mondiale.

Je suis donc profondément préoccupé par les informations de l'organisme B'nai Brith, selon lesquelles 87 incidents antisémites se sont produits l'an dernier à l'ombre même de l'Oratoire Saint- Joseph de Montréal. Dans 14 de ces cas, des actes violents ont été commis.

Honorables sénateurs, le Parlement du Canada ne peut rester indifférent devant cette montée d'antisémitisme qui, pareille à un cancer, est capable de miner le corps politique de toute société libre.

Il incombe au Sénat du Canada de prendre les devants et de réagir avec intransigeance à cette situation. La résolution de l'OSCE doit être renvoyée au Comité sénatorial permanent des droits de la personne, pour que celui-ci fasse rapport au Sénat d'ici le 30 juin 2003, comme le propose la motion.

Le comité doit reconnaître et condamner énergiquement la montée de l'antisémitisme et de l'intolérance au Canada, et veiller à ce que des mesures législatives rigoureuses soient mises en œuvre pour punir les manifestations d'intolérance comme il se doit. Le comité devrait, en outre, avoir le mandat d'examiner des mesures préventives, par exemple, une campagne de sensibilisation à l'importance de la diversité et du multiculturalisme. Il devrait veiller à ce qu'un dialogue libre et ouvert s'amorce pour trouver une solution au problème.

L'augmentation de la violence envers les juifs est un phénomène mondial auquel le Canada n'échappe pas. Même si les statistiques montrent que les sentiments antisémites sont deux fois plus marqués en Europe qu'aux États-Unis, l'Amérique du Nord n'est pas à l'abri de la violence antisémite, qui est alimentée par les sentiments négatifs entretenus envers les juifs, les stéréotypes au sujet de la tradition juive ainsi que les violentes agressions physiques commises à l'égard de la population, des symboles et des lieux sacrés juifs.

Selon une étude menée par l'Anti-Defamation League au printemps 2002, 17 p. 100 des Américains sont «résolument antisémites» alors que leur proportion n'était que de 12 p. 100 en 1988. Lorsqu'on divise l'ensemble de la société américaine en catégories, on constate que les professeurs d'université sont moins susceptibles d'être antisémites. L'étude montre en effet que 3 p. 100 d'entre eux entretiennent des préjugés antisémites, d'où l'hypothèse selon laquelle l'éducation et de bons principes peuvent aider à dissiper ces stéréotypes et attitudes. Honorables sénateurs, la situation au Canada est vraiment alarmante. Entre janvier et juin de l'année dernière, B'nai Brith, League for Human Rights, a révélé une augmentation de 63 p. 100 du nombre d'incidents antisémites par rapport à la même période de l'année précédente, 2001.

Malheureusement, il y a à peine quelques mois, plus précisément l'automne dernier, les Canadiens ont eu un aperçu des vives tensions suscitées par la situation au Moyen-Orient, lorsque des étudiants se sont fait tabasser, insulter et cracher au visage à l'Université Concordia. Bon nombre de ces agressions étaient dirigées contre des étudiants juifs et visaient à protester contre la visite de l'ex-premier ministre Benjamin Netanyahu, venu prononcer un discours devant les étudiants et le personnel de l'université.

L'incident survenu à l'Université Concordia témoigne de la grave polarisation de la situation au Moyen-Orient mais, plus important encore, il montre qu'un refus de discuter, d'écouter et peut-être même d'apprendre peut mener au chaos et à la destruction. Le fait qu'une institution de haut savoir fasse obstruction à toute discussion et tout dialogue libres au sujet d'un tel enjeu menace gravement les droits fondamentaux et la démocratie.

(1450)

Si les démonstrations ouvertes d'hostilité envers les juifs et la foi juive sont en soi suffisamment inquiétantes, il importe malgré tout d'en découvrir les causes profondes. Non seulement le nombre de cas d'agressions violentes s'est accru, mais l'antisémitisme et l'intolérance systématiques, qui sont difficiles à quantifier, ont aussi pris de l'ampleur. Cette vague de racisme ne peut qu'être amplifiée par le silence inquiétant de la population qui, en refusant pratiquement de reconnaître l'antisémitisme et l'intolérance systématiques ou occasionnels, se trouve à isoler les citoyens des groupes minoritaires.

Il est déplorable de constater que l'antisémitisme n'est pas le seul fléau à prendre de l'ampleur. Bien d'autres formes d'intolérance et de racisme connaissent une recrudescence. Les islamistes, les Asiatiques, les Autochtones et les Canadiens d'origine africaine sont eux aussi des cibles, au même titre que les juifs. L'intolérance à l'égard de ces groupes, bien que manifeste parfois, se traduit souvent par des commentaires et des attitudes hostiles.

Le silence des concitoyens et du gouvernement, qui demeure insensible à l'augmentation des différentes formes de discrimination raciale, est particulièrement préoccupant. En tolérant l'adoption d'attitudes et d'opinions haineuses à l'égard des juifs, nous contribuons à alimenter la propagation alarmante de l'antisémitisme. Ceux qui ne dénoncent pas les actes racistes et discriminatoires sont aussi coupables que ceux qui les commettent.

L'Holocauste nous a appris ce que c'était que de «pécher par omission». Alors que des millions de juifs étaient tués, la grande majorité de la population mondiale demeurait indifférente. Même aujourd'hui, il se trouve encore des gens pour nier que cela ait pu arriver! Le fait de nier l'existence d'une telle tragédie, qui a touché non seulement les juifs mais l'ensemble du monde, ou d'en minimiser les conséquences, démontre de façon directe et consternante que l'augmentation de l'antisémitisme est bel et bien réelle.

Ken Jacobson, directeur national associé de l'American Anti- Defamation League, a affirmé dans son discours devant l'OSCE, à Berlin, en 2002, que nous reconnaissons comme antisémite chacune des agressions commises contre des juifs, le judaïsme et les institutions juives. Nous devons exhorter les gens à intervenir pour condamner l'antisémitisme comme une forme de racisme inacceptable au Canada et dans les autres pays de l'OSCE.

Le Canada n'est pas le seul pays aux prises avec ce problème, et il ne peut non plus combattre l'antisémitisme sans la collaboration des autres pays du monde. Ce mal afflige le Canada et chacun des pays de l'OSCE à des degrés divers et il faut aussi y trouver un remède commun. L'idée qu'une forme quelconque de racisme ou d'antisémitisme puisse survivre dans notre pays moderne et dans notre monde interrelié ne peut qu'être nuisible à des concepts essentiels comme le pluralisme, la diversité et la paix.

Certains se disent préoccupés par le fait que l'intellectualisation du conflit entre Israël et les Palestiniens a alimenté un certain antisémitisme chez les penseurs libéraux sympathiques à la cause palestinienne. Nous savons tous que le conflit entre Israël et la Palestine a été ponctué de violations des droits de la personne et des libertés fondamentales perpétrées par l'une et l'autre parties. Israël n'est certainement pas au-dessus du droit humanitaire international et devrait être tenu responsable des violations des droits de la personne qu'il a commises, au même titre que n'importe quel auteur d'actes semblables. Cela étant dit, les manifestations de désaccord avec les politiques du gouvernement israélien envers les Palestiniens sont légitimes, mais elles doivent être dissociées de façon non équivoque des attitudes anti-israéliennes, qui peuvent facilement être interprétées comme antisémites.

En cette difficile période de conflit, nous devons réaffirmer notre attachement à préserver notre diversité culturelle parce que celle-ci ne peut qu'être considérée comme un gage d'épanouissement et de bien-être pour l'humanité. L'antisémitisme ou toute autre forme de discrimination n'est pas digne d'un pays comme le Canada, ni de tout autre pays d'ailleurs. Nous devons adopter une approche proactive à l'égard de ce problème mondial qui prend de plus en plus d'ampleur. L'examen rapide de la motion du sénateur Grafstein et le renvoi de la résolution de l'OSCE à un comité sénatorial afin que celui-ci réfléchisse aux mesures à prendre pour réagir à l'antisémitisme et à l'intolérance croissante, de même qu'aux méthodes de sensibilisation et aux forums de discussion, sont un excellent premier pas dans la bonne direction.

Honorables sénateurs, agissons comme «Joseph, votre frère».

Honorables sénateurs, comme je l'ai mentionné, le sénateur Grafstein et le sénateur Joyal sont d'accord pour que la résolution soit renvoyée au Comité des droits de la personne et non pas au Comité des affaires étrangères. Peut-être pourrions-nous avoir l'accord des honorables sénateurs à cet effet sans la présentation d'une motion d'amendement.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Je pense que nous pourrions faire cela. Toutefois, il faudrait que cette mesure soit prise à la demande du motionnaire, le sénateur Grafstein. Je crois qu'un sénateur se lève pour participer au débat.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, une délégation russe de haut niveau se trouve au Parlement et je dois quitter afin d'agir comme hôte de cette délégation. Les membres de la délégation sont en train d'être présentés à la Chambre des communes. À titre de président du Groupe interparlementaire Canada-Russie, il est de mon devoir de faire ce que l'on m'a demandé de faire.

L'objet de la motion m'intéresse. Je pourrais citer de nombreuses déclarations que j'ai faites depuis 30 ans pour dénoncer le fait que l'antisémitisme est l'un des maux les plus graves qui existent. J'aimerais participer au débat parce que je voudrais faire ajouter un additif sur la façon de combattre la phobie à l'égard de l'islam qui est en train de devenir un immense danger pour l'humanité.

Avec l'aimable permission des honorables sénateurs, j'aimerais proposer l'ajournement du débat. Je ne vais pas faire traîner les choses. Je tiens à assurer aux honorables sénateurs que je vais prendre la parole sur la motion d'ici quelques jours. Je suis d'accord avec le sénateur Kinsella pour dire que, en temps utile, les sénateurs Grafstein et Joyal pourraient accepter — la décision pourrait être unanime — de renvoyer la résolution au comité, étant donné que j'ai déjà proposé qu'elle soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des droits de la personne.

(1500)

Son Honneur le Président: Nous avons deux choses à régler, honorables sénateurs. Si le motionnaire et le comotionnaire sont d'accord et que tous les sénateurs donnent leur permission, il y a selon moi une volonté de donner suite à la suggestion de modifier le passage de la motion du sénateur Grafstein où il est dit que la résolution «soit renvoyée au Comité permanent des affaires étrangères.»

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Je remercie tous les honorables sénateurs et j'attends la contribution du sénateur Prud'homme à ce débat. Après discussion avec le sénateur Kinsella et notre leader à la Chambre, je conviens que la résolution devrait être modifiée de façon à être envoyée non pas au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères mais bien au Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Peut-être pourrions-nous régler cette question et laisser ensuite le sénateur Prud'homme inscrire l'ajournement à son nom. J'attendrai qu'il ait fait ses observations. Lorsqu'il les aura terminées, il se peut que j'ajoute quelques derniers commentaires avant de mettre la résolution aux voix et de la renvoyer, faut-il l'espérer, à ce comité.

Son Honneur le Président: Acceptez-vous, honorables sénateurs, que l'on remplace «Comité sénatorial permanent des affaires étrangères» par «Comité sénatorial permanent des droits de la personne»?

Des voix: D'accord.

(Sur la motion du sénateur Prud'homme, le débat est ajourné.)

TRANSPORTS ET COMMUNICATIONS

AUTORISATION AU COMITÉ D'ÉTUDIER L'INDUSTRIE DES MÉDIAS

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Gauthier,

Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, l'état actuel des industries de médias canadiennes; les tendances et les développement émergeants au sein de ces industries; le rôle, les droits et les obligations des médias dans la société canadienne; et les politiques actuelles et futures appropriée par rapport à ces industries; et

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le mercredi 31 mars 2004.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Stratton, appuyée par l'honorable sénateur Lynch-Staunton, que la motion soit modifiée par la suppression des mots qui suivent le mot «autorisé» et l'ajout de ce qui suit:

«à examiner le rôle approprié des politiques publiques pour faire en sorte que les médias d'information au Canada préservent leur vigueur, leur indépendance et leur diversité, étant donné les changements survenus dans les médias au cours des dernières années, notamment la mondialisation, les progrès technologiques, la convergence et la concentration de la propriété; et

Que le comité fasse rapport au Sénat au plus tard le mercredi 31 mars 2004.»—(L'honorable sénateur Prud'homme, c.p.).

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, comme je l'ai dit aux sénateurs Stratton et Robichaud, j'ai relu la motion et je n'insisterai pas davantage. Je suis satisfait du débat qui a eu lieu et la Chambre peut se prononcer sur cette motion. Je ne vais pas retarder davantage le vote.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Je vais poser la question officiellement. Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent. La motion d'amendement est rejetée à la majorité.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion principale?

(La motion est adoptée.)

LE BUDGET DE 2003

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition), ayant donné avis le 25 février 2003:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur le budget présenté par le ministre des Finances à la Chambre des communes le 18 février 2003.

— Honorables sénateurs, je limiterai mes observations au processus budgétaire comme tel et je ne m'attarderai pas au contenu du budget, car d'autres ici sont beaucoup plus qualifiés que moi pour le faire.

Comme je l'ai déjà dit ici et ailleurs, je souhaiterais que des améliorations soient apportées à notre système de gouvernement, de façon à conférer plus de pouvoirs aux législateurs et leur permettre de donner davantage de directives à l'exécutif. Je crois que la meilleure illustration de la situation actuelle est notre processus budgétaire.

À plus d'une reprise, j'ai comparé le système législatif américain au nôtre, et j'ai insisté pour qu'on intègre des éléments du système américain à notre propre système, de façon à permettre aux parlementaires, et en particulier à ceux de l'autre endroit, de jouer un rôle plus actif et plus déterminant dans le processus législatif. Aux États-Unis, la séparation des pouvoirs empêche l'exécutif de dominer le Congrès, même si le parti du président y détient la majorité. Chez nous, par contre, l'exécutif exerce un contrôle presque absolu sur le Parlement, tant qu'il détient la majorité dans la Chambre élue. Ces différences sont particulièrement évidentes dans le cas du processus budgétaire des deux pays.

Aux États-Unis, le président propose, plutôt qu'il ne dépose, un budget au Congrès le premier lundi de février. Les deux Chambres examinent séparément les propositions budgétaires afin de parvenir à une entente à la mi-avril. Le président peut opposer son veto, partiel ou total, aux intentions du Congrès. L'aplanissement des divergences peut se poursuivre indéfiniment, et même aller jusqu'à paralyser le gouvernement. Cela s'est produit en 1995, à l'occasion du différend qui opposait le président Clinton à la Chambre des représentants, cette dernière exigeant que le gouvernement donne priorité à l'équilibre budgétaire.

Même si le système américain peut conduire à une impasse totale, il permet néanmoins aux deux chambres du Congrès d'agir à titre de partenaires. Ni le législatif ni l'exécutif ne sont en mesure de dominer le processus.

Chez nous, par contre, le rôle du Parlement se limite, en vertu de la Constitution, à approuver les propositions du gouvernement, en tout ou en partie, ou à les rejeter en bloc. C'est que la Constitution confère au gouvernement le pouvoir exclusif de faire des propositions de dépenses. De plus, la tradition veut que tout vote portant sur un projet de loi de finances constitue un vote de confiance.

Une autre différence importante entre les deux systèmes est le processus consultatif. Aux États-Unis, les consultations ont lieu aux niveaux exécutif et législatif avant, pendant et après le dépôt du budget. Au Canada, depuis plusieurs années, le ministre des Finances et le Comité des finances de la Chambre des communes procèdent à des consultations distinctes pendant une période pré- budgétaire donnée. Toutefois, une fois que le budget est déposé, elles prennent fin. Toutes modifications du régime fiscal entrent généralement en vigueur immédiatement, même si la loi habilitante ne reçoit la sanction royale que plusieurs mois plus tard.

Quant au Budget principal des dépenses qui découle du budget, je citerai un document intitulé La procédure budgétaire au Canada, présenté en juin 1999 à la vingtième réunion annuelle des hauts responsables du budget organisée par le Comité de la gestion publique de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE.

(1510)

Je n'ai pas pu trouver le nom de l'auteur de ce document et je ne peux que supposer qu'il a été rédigé par le ministère des Finances. Je cite:

Le Parlement n'approuve pas le Budget principal des dépenses avant le début de l'exercice; en effet, l'exercice commence le 1er avril, mais le Budget principal des dépenses est approuvé juste avant l'ajournement d'été, à la fin juin. (Entre-temps, le financement des activités de l'État est assuré conformément à des dispositions spéciales...). Ainsi, un trimestre s'est écoulé lorsque le Parlement approuve officiellement le Budget principal des dépenses du gouvernement.

Autre facteur limitant le rôle du Parlement dans le cadre du processus budgétaire: plus de 70 p. 100 des dépenses publiques ne sont pas financées au moyens de crédits annuels prévus dans le budget, parce qu'elles ont été approuvées de façon permanente au moyen d'une loi du Parlement. Ces dépenses peuvent être classées en trois grandes catégories: les intérêts et autres frais de la dette publique; les programmes de transferts (subventions) aux administrations provinciales (ces programmes doivent être renouvelés tous les cinq ans); et divers programmes de prestations dont la législation habilitante comporte une autorisation de dépenser permanente. Le Parlement n'a pas à approuver les crédits affectés à ces programmes chaque année, ni même à en faire l'examen.

Tous ces facteurs ont fait que les députés passent peu de temps à débattre du Budget principal des dépenses. Un rapport récent du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre présentait les résultats d'un sondage auprès des députés, dont certains, commentant le système en place, ont fait état d'un profond sentiment d'insatisfaction, disant qu'il s'agissait d'une perte de temps pure et simple, d'un examen superficiel, et que les efforts déployés pour apporter des changements étaient futiles. Ajoutons qu'un grand nombre de nouveaux députés ont été élus lors des dernières élections, ce qui a passablement réduit la connaissance institutionnelle du processus budgétaire complexe du Parlement.

Pour tourner le fer dans la plaie, les modifications budgétaires d'importance sont rarement, voire jamais, le fruit d'instances présentées aux Communes, mais plutôt le fait de pressions exercées par des sources qui leur sont extérieures. Je voudrais, à ce sujet, citer deux exemples frappants que connaissent de nombreux sénateurs, j'en suis persuadé.

En juin 1963, Walter Gordon, le ministre des Finances de l'époque, a déposé son premier budget et, moins d'un mois après, il était pratiquement à la retraite. En novembre 1981, Allan MacEachen a déposé son budget. Le 18 décembre, un mois plus tard, à peu de choses près, lors du dernier jour de séance avant le congé des fêtes de fin d'année, selon le Ottawa Citizen, il a annoncé «32 changements à 17 mesures différentes [...] un des remaniements budgétaires les plus importants de l'histoire au Canada».

Pendant toute cette période, la Chambre des communes n'a été qu'une simple spectatrice, tandis que le gouvernement cédait sur chacun de ces fronts, en dépit de l'opposition farouche des groupes d'intérêt directement touchés par les propositions originales — opposition largement soutenue par les éditorialistes et autres journalistes — et en informait la Chambre en conséquence.

Dans un article paru le 19 décembre 1981 au sujet de la volte-face du ministre MacEachen, le Globe and Mail écrit: «Cédant devant les plaintes formulées par des gens d'affaires et des députés dans son propre parti...». Le point de vue des gens d'affaires et d'autres intervenants du secteur privé a été largement diffusé, mais on ne trouve nulle part de déclarations officielles des «députés de son propre parti», car, de toute évidence, ces déclarations ont été faites dans le huis clos du caucus.

Honorables sénateurs, je soulève tous ces points seulement pour montrer que si la Chambre des communes ne tient pas un débat public sur les modifications fiscales au moins avant que celles-ci ne soient mises en œuvre et que si elle ne peut pas se prononcer sur les recettes fiscales et les dépenses, son intérêt dans le processus budgétaire ne peut que continuer de s'effriter, compte tenu de son impuissance en la matière.

Certes, les modifications fiscales dont il a été question plus tôt ont d'abord été annoncées à la Chambre des communes, mais il n'en demeure pas moins que l'actuel gouvernement préfère la voie des déclarations ministérielles dans un cadre choisi par ses doreurs d'image, même pour des questions touchant directement le budget. Trois jours après la présentation du budget, le premier ministre a déclaré ce qui suit à Shediac, au Nouveau-Brunswick. Je cite le Globe and Mail du 22 février:

... ce fut une erreur d'accorder une subvention de 10 millions de dollars pour les athlètes d'élite sous réserve que Vancouver obtienne les Jeux olympiques d'hiver de 2010, et il n'a jamais approuvé la mesure. [...] Il voulait augmenter le financement et il n'a jamais approuvé ni même discuté l'idée d'assortir la subvention d'une condition.

Cette anecdote est en quelque sorte un aveu à l'effet que le budget du Canada est l'apanage de quelques membres du Cabinet triés sur le volet, que le premier ministre a le dernier mot, qu'il arrive que le Parlement apprenne certains changements dans les médias et que, comme d'habitude, tout vote contre le budget est vu comme un vote de censure comportant de graves conséquences.

Il fut un temps où le budget était considéré comme tellement secret avant d'être rendu public que toute fuite était suffisante pour entraîner la démission du ministre des Finances. Là encore, les sénateurs se rappelleront peut-être de l'incident survenu au Royaume-Uni lorsque, en 1947, le chancelier de l'Échiquier a répondu à une question qu'on lui a posée alors qu'il était en route pour déposer son budget à la Chambre. Quelqu'un lui avait demandé s'il était possible que les taxes sur les cigarettes augmentent. Le chancelier, M. Hugh Dalton, a tout simplement répondu que les gens ne devraient pas trop attendre pour acheter leurs cigarettes. Un journal a publié la nouvelle avant que M. Dalton n'ait commencé à lire son texte. Le lendemain, il a offert ses excuses à la Chambre et remis sa démission.

Quel contraste avec ce qui est arrivé au Canada en 1983, la veille du dépôt du budget. Un caméraman de télévision se trouvant dans le bureau du ministre des Finances Lalonde a filmé certaines parties de la version française du budget, qui présentait un déficit prévu de quelque 31,2 milliards de dollars et un programme de création d'emplois de 4,6 milliards de dollars. Le lendemain, M. Lalonde a présenté son budget, dans lequel le programme de création d'emplois avait miraculeusement augmenté de 200 millions de dollars et le déficit d'autant. M. Lalonde n'a pas perdu son emploi.

À mon avis, ces incidents ne servent qu'à remettre en question tout cet aspect secret du budget, surtout si l'on tient compte du fait qu'au cours des quelques dernières années, les budgets ne renferment pas beaucoup de surprises. Tous ces éléments nouveaux ont en général soigneusement été ébruités quelques jours ou même quelques semaines avant le dépôt du budget.

Pourquoi ne pas faire un pas de plus, le pas ultime, et présenter le budget comme un ensemble de propositions ouvertes à la discussion, que l'on pourrait amender et même rejeter? Dans la situation actuelle, seuls quelques parlementaires entretiennent plus qu'un intérêt passager pour le budget ou les prévisions des dépenses, sauf pour un élément ou deux qui intéressent particulièrement leurs électeurs, pour la simple et bonne raison qu'ils exercent très peu d'influence sur ces choses.

Aux États-Unis, le Congrès et le président se posent comme des partenaires égaux. Le président soumet ses propositions à l'examen de la Chambre et du Sénat. Après négociations et compromis, le Congrès présente un accord conjoint au président, lequel peut imposer son droit de veto sur la totalité ou une partie de cet accord. Le Congrès peut alors essayer de renverser ce veto. L'équilibre des pouvoirs agit tout au long du processus. N'est-ce pas là un système préférable, malgré tous ses défauts, à celui que nous avons au Canada, où le pouvoir exécutif constitue la force dominante et le pouvoir législatif joue le rôle d'observateur passif?

Beaucoup ont décrit le présent budget comme étant l'héritage du premier ministre et, du fait qu'il consacre des fonds à des projets bien des années à l'avance, comme un moyen astucieux pour le premier ministre de forcer son successeur à mener à bien des projets qui pourraient ne pas l'enthousiasmer outre mesure.

J'imagine que la situation pourrait être pire. Au Québec, la semaine dernière, le gouvernement venait à peine de présenter le budget qu'il a immédiatement déclenché des élections. L'Ontario compte faire un événement médiatique du dépôt de son nouveau budget en le dévoilant à la fin du mois dans un studio de télévision ou dans un hôtel — voilà à quoi est réduit le rôle des représentants élus. Apparemment, les budgets ont dégénéré et ne sont rien de plus qu'un élément du programme politique. Cette situation est déplorable à tous points de vue.

Néanmoins, il est plus déplorable encore de constater que si aucune mesure n'est prise bientôt pour donner au Parlement, particulièrement à la Chambre des communes, davantage d'autorité à l'égard du processus budgétaire, qu'elle partagera avec le pouvoir exécutif, le traditionnel pouvoir de dépenser continuera à perdre de son sens parce que le Parlement sera tout simplement réduit à autoriser les dépenses sans avoir son mot à dire ou si peu, à cet égard.

L'expérience des États-Unis n'est peut-être pas idéale et pourrait donner lieu à d'énormes excès, mais elle révèle un certain respect à l'égard des représentants élus. De ce fait uniquement, je suis convaincu qu'elle comporte des éléments qui, une fois adaptés à nos besoins, pourraient contribuer dans une large mesure à contrer une dangereuse tendance qui persiste depuis trop longtemps déjà.

L'honorable Jack Austin: Honorables sénateurs, je tiens à poser une question bien précise au leader de l'opposition au Sénat. Dans l'ensemble, je suis d'accord avec sa thèse selon laquelle le Parlement, les deux Chambres, à mon avis, doivent exercer nettement plus de contrôle sur le Budget des dépenses du gouvernement. On a suggéré de transmettre aux comités appropriés les documents budgétaires et le Budget des dépenses dès que le Sénat y aurait accès. Le Comité sénatorial permanent des finances nationales aurait la possibilité de choisir dans l'ensemble des questions celles qu'il désire traiter en priorité. D'autres articles seraient envoyés aux divers comités. Il faudrait changer le Règlement. La question a été étudiée au cours de la dernière législature et a semblé recevoir l'appui du Comité du Règlement. Que pense l'honorable sénateur de l'idée de confier une nouvelle responsabilité à cette Chambre, celle d'examiner ces documents budgétaires? Est-il en faveur de cela?

(1520)

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, c'est ce qu'on fait à la Chambre des communes. Les prévisions budgétaires sont envoyées à chaque comité, mais malheureusement, comme je l'ai lu, les ministères doivent communiquer avec le comité pour savoir quand il les examinera.

Le niveau d'intérêt ici est beaucoup plus grand. Le travail effectué par le Comité sénatorial permanent des finances nationales est exceptionnel. Diviser le Budget principal des dépenses et en envoyer individuellement des parties à chaque comité qui a la responsabilité d'un ministère est une excellente idée. Il s'agit de trouver le temps de le faire dans un certain délai. Nous devrions le faire, ne serait-ce que pour mieux connaître le fonctionnement du gouvernement et des ministères, y compris les subtilités de chacun.

C'est une excellente suggestion, que j'appuierais chaleureusement.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je n'ai qu'une observation à faire concernant la réponse que nous venons de recevoir. Cela rendrait également les ministères et leurs fonctionnaires beaucoup plus sensibles aux points de vue du Sénat.

Le sénateur Lynch-Staunton: Tout à fait.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'aimerais poser au sénateur Lynch-Staunton une question, suite à celle que lui a posée le sénateur Austin.

Le fait est que le système qui consiste à renvoyer les prévisions budgétaires à beaucoup de comités différents à la Chambre des communes a échoué là-bas. Le fait est que la Chambre des communes essaie de corriger ce système. Il me semble qu'il serait peu judicieux d'adopter au Sénat un système qui n'a pas bien fonctionné à la Chambre des communes.

L'honorable sénateur Lynch-Staunton sait-il que ce système n'a pas bien fonctionné à la Chambre des communes?

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, j'ignore si je devrais employer le mot «échec», mais ce n'est certes pas une réussite. On me dit que cela est attribuable en grande partie au désintérêt d'un certain nombre de comités qui examinent le budget. Il est indéniable que, comme l'autre endroit est une Chambre partisane, les dés sont jetés avant que le budget ne fasse l'objet d'une étude appropriée.

Comme le sénateur l'a laissé entendre, au Sénat, nous pouvons accomplir un meilleur travail, car, comme nous l'avons constaté au Comité sénatorial permanent des finances nationales, il ne fait pas preuve de sectarisme. Pour la même raison, la même chose devrait se produire si chaque comité examinait chaque budget. Notre approche serait fort différente de l'approche sectaire que nous constatons à la Chambre des communes.

Le sénateur Cools: En outre, on pourrait également mettre à profit les propositions du sénateur Austin si le Sénat recourait à l'ancien concept de Comité des subsides, qui est en fait un comité plénier.

Le sénateur Lynch-Staunton voudrait-il commenter la proposition de recourir davantage au comité plénier pour étudier une question comme le budget? Selon toute indication, le processus s'est détérioré parce que la majeure partie des députés des Communes ne possédaient pas toute l'expérience du budget que celle que possédaient les membres de l'ancien Comité des subsides.

Le comité plénier assure la participation de tous les sénateurs simultanément. À l'heure actuelle, lorsque des projets de loi ou des propositions sont renvoyés à un comité permanent, seuls six à douze sénateurs participent à un moment donné. Songez qu'au début du siècle, le Comité des comptes publics de la Chambre des communes comptait environ 90 membres.

L'honorable leader de l'opposition a-t-il réfléchi à cette forme de recours accru au comité plénier? À la lumière des problèmes que nous avons connus dans le dossier du registre des armes à feu, il est parfaitement clair qu'un examen plus approfondi s'impose. Même si le Comité sénatorial permanent des finances nationales a examiné à fond le programme d'enregistrement des armes à feu, aucun ministre n'a réagi. Le sénateur a-t-il réfléchi à cela? Il s'agit d'un phénomène fort intéressant.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, je n'ai pas réfléchi longuement à ce concept, mais je suis toujours contrarié de voir que, lorsque le Budget des dépenses est présenté au comité plénier à l'autre endroit, il est adopté dans la demi-heure qui suit, sans aucun débat. L'autre endroit est la Chambre qui est censée être responsable du pouvoir de dépenser, mais elle abdique totalement cette responsabilité.

Je ne sais pas si nous avons le temps ou les ressources nécessaires pour étudier toutes les parties du Budget des dépenses. Cependant, je crois que nous aurions avantage à en choisir une ou deux chaque année pour l'étudier à fond en comité plénier. Cette démarche nous permettrait non seulement de nous familiariser avec les subtilités de chaque ministère, mais aussi de montrer au gouvernement que le Sénat peut faire, en comité plénier, exactement ce que fait le Comité des finances, mais à une plus grande échelle.

Honorables sénateurs, je vais réfléchir à cette proposition et j'espère que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, ainsi que l'ensemble du Sénat, y donneront suite. Chose certaine, j'entends le faire.

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, il est évident que le sénateur Lynch-Staunton a fait des recherches sérieuses et comprend fort bien le processus. Au cours de ses recherches, a-t-il trouvé d'autres assemblées législatives qui s'inspirent de la tradition de Westminster, où on suit une démarche semblable à celle que propose l'Ontario? Le premier ministre de cette province propose que le budget soit présenté aux journalistes dans une salle quelconque, au lieu d'être déposé à l'assemblée législative. Le sénateur a-t-il trouvé des assemblées législatives où on a procédé de cette manière?

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, je n'en connais pas. J'ai écouté hier soir les interviews du ministre des Finances de l'Ontario et du Président de l'Assemblée législative de l'Ontario. La question a été soulevée. La réponse a été la suivante: non, nous ne croyons pas que cela se fasse dans un régime semblable au nôtre. Ils voulaient dire par cela un régime inspiré de Westminster.

Le sénateur Bryden: Honorables sénateurs, si on entend procéder de la sorte, je ne vois pas quelle méthode le gouvernement de l'Ontario prévoit pour faire approuver son budget. Le budget sera-t-il déposé à l'assemblée législative? Y aura-t-il un référendum provincial ou que sais-je encore?

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, si j'ai bien compris les propos du ministre hier soir, seul l'exposé budgétaire serait lu à l'extérieur de l'assemblée législative. Les propositions législatives, les motions des voies et moyens et ainsi de suite seraient déposées en temps opportun. Il n'est pas nécessaire de donner lecture de l'exposé devant l'assemblée législative. C'est un énoncé économique en quelque sorte. Il est possible de le lire à l'extérieur de l'assemblée législative, mais, selon la tradition, il devrait être lu devant les représentants élus.

À une question concernant le respect de la tradition voulant qu'il s'adresse aux représentants élus, le ministre a répondu qu'ils seront eux aussi invités au studio ou au salon de l'hôtel.

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, je tiens à féliciter le leader de l'opposition pour son intervention cet après-midi. En l'écoutant attentivement, j'ai eu l'impression d'entendre la deuxième partie du discours qu'il a prononcé devant le Rotary Club de Calgary il y a trois ans, je crois. Si je semble aussi bien renseigné, c'est que je le cite dans le livre que le sénateur Murray et moi-même sommes en train de préparer et que mes collègues pourront lire, je l'espère, le mois prochain.

En fait, la question soulevée par le leader de l'opposition cet après-midi est cruciale pour notre institution. En l'écoutant, j'étais convaincu d'entendre la voix de notre ancien collègue, le sénateur Stewart. Certains honorables sénateurs étaient présents lorsque le sénateur Stewart nous a fait part de l'étendue de ses connaissances et de son expérience des questions relatives à l'examen du Budget des dépenses et au régime parlementaire. Nous vivons dans un système de gouvernement responsable, semble-t-il. Un gouvernement responsable est un gouvernement qui doit demander l'autorisation de dépenser à la Chambre.

Au fil des années, il s'est établi une distinction entre l'assemblée chargée de voter des crédits et celle devant laquelle le gouvernement est responsable. Être responsable signifie rendre des comptes relativement à chacune de ses décisions. À l'autre endroit, le gouvernement est censé être responsable. C'est ce qui le mènera à la défaite ou lui permettra de préserver la confiance qui lui est témoignée. C'est ce que nous verrons la semaine prochaine, en ce qui concerne le budget du gouvernement.

(1530)

En fait, c'est ici, au Sénat, que le gouvernement rend des comptes et ce, pour toutes les raisons mentionnées par l'honorable leader de l'opposition. Premièrement, nous avons, ici, une perspective à long terme. Nous sommes nommés au Sénat pour une plus longue période et nous n'oublions pas, d'une année à l'autre, les engagements pris par les divers ministères et ministres. Deuxièmement, nous avons l'occasion de parfaire nos compétences, puisque les débats que nous tenons et les questions que nous examinons nous permettent d'acquérir des connaissances au fil des ans. Nous pouvons mettre à profit nos connaissances pour tenter de déterminer avec précision, en analysant les finances publiques, ce que fait le gouvernement.

Troisièmement, nous sommes ici en permanence. Nous ne jouons pas à la chaise musicale. Nous assurons un examen stable du Budget des dépenses. Voilà pourquoi, à mon avis et selon la thèse que le sénateur Murray et moi-même avons défendue dans le livre, la notion de modèle de Westminster a changé au fil des années. En tant que Chambre du Parlement, le Sénat peut jouer un rôle vraiment fondamental pour le maintien du principe de gouvernement responsable.

C'est pourquoi j'ai écouté avec autant d'intérêt le leader de l'opposition, car ce concept n'est pas compris à l'autre endroit. Je n'invente rien; cela figure dans le rapport même de l'autre endroit. Lorsqu'on soutient que notre rôle diffère de celui des députés, cela montre bien, à mon avis, que les deux Chambres sont complémentaires. Nous ne sommes pas en concurrence avec l'autre endroit. Nous avons chacun un rôle spécifique à jouer, et au coeur de ce rôle se trouvent le Budget des dépenses et le processus budgétaire.

Honorables sénateurs, j'espère que le leader de l'opposition poursuivra sa réflexion sur ce sujet, car c'est là que se joue le rôle parlementaire le plus important de notre Chambre. Si nous pouvons débattre ces questions comme le sénateur l'a dit cet après-midi, cela contribuera à améliorer, dans l'intérêt public, la gouvernance au Canada. Lorsqu'on n'oblige pas un gouvernement à rendre des comptes, il fait ce qu'il veut, perd le contact avec l'opinion publique et les priorités de ses administrés et ne réalise pas le programme pour lequel il a été élu.

Même si nous ne sommes pas élus, nous avons un rôle important à jouer dans le système démocratique au Canada.

Encore une fois, je remercie le leader de l'opposition de sa contribution cet après-midi.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: Vouliez-vous faire une observation, sénateur Lynch-Staunton ?

Le sénateur Lynch-Staunton: Je suis comblé. Je remercie le sénateur Joyal de ses observations. Il a raison; c'est la suite de ce qui s'est dit à Calgary et ailleurs. Des universitaires et d'autres personnes mènent la même bataille quant à la responsabilité du Parlement et du gouvernement lorsqu'il s'agit de rendre des comptes. Il semble que lorsqu'un parti politique est porté au pouvoir, il apprécie tout à coup le système qui lui a permis de se faire élire et il oublie les réformes qu'il a promises.

J'ai craint que cela ne perdure. Si nous pouvons, à cet endroit, prendre l'initiative à cet égard, c'est tant mieux. Il faut toutefois que l'autre endroit fasse de même. Même s'ils sont parfaitement conscients du problème, rares sont ceux à l'autre endroit qui sont fermement déterminés à au moins proposer des modifications et à essayer de provoquer des changements.

(Sur la motion du sénateur Robichaud, au nom du sénateur Carstairs, le débat est ajourné.)

[Français]

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, accorderiez-vous votre consentement à ce que tous les articles à l'ordre du jour, qui n'ont pas été encore abordés, soient reportés à la prochaine séance du Sénat, sans perdre leur place respective au Feuilleton?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est- elle accordée?

Des voix: D'accord.

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 20 mars 2003, à 13 h 30.)


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