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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 137

Le mardi 5 mai 2015
L'honorable Leo Housakos, Président

LE SÉNAT

Le mardi 5 mai 2015

La séance est ouverte à 14 heures.

[Traduction]

Le Président du Sénat

Lecture de la commission nommant l'honorable Leo Housakos

L'honorable Leo Housakos se lève du fauteuil du greffier et dit : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de vous informer que, en vertu d'une commission émise sous le Grand Sceau du Canada, j'ai été nommé Président du Sénat.

Le greffier donne lecture de la commission.

Son Honneur le Président, accompagné de l'honorable Claude Carignan, C.P., et de l'honorable James S. Cowan, et précédé de l'huissier du bâton noir, prend place au fauteuil au pied du trône.

Prière.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, si vous le permettez, j'aimerais profiter de cette occasion pour vous adresser quelques mots, tout d'abord, pour exprimer ma gratitude. J'aimerais remercier le premier ministre de la confiance qu'il me témoigne en me nommant Président de cette institution parlementaire essentielle. J'aimerais aussi remercier le gouverneur général de sa commission, que j'accepte sans réserve.

Je remercie le leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Claude Carignan, et le leader de l'opposition au Sénat, le sénateur Jim Cowan, de m'avoir accompagné avec fermeté jusque dans cette enceinte de même que de leur soutien constant.

[Français]

Il m'apparaît essentiel de poursuivre l'œuvre de notre défunt Président, l'honorable Pierre Claude Nolin, et celle de son prédécesseur, l'honorable Noël Kinsella, en ce qui concerne la modernisation de l'institution.

Le sénateur Carignan et le sénateur Cowan, par leur travail concerté, incarnent tout à fait la culture de collaboration et de compromis que je veux appuyer dans le cadre de mon nouveau rôle en tant que Président. Pour moi, le Président du Sénat agit comme un baromètre du consensus. À l'image du Président Nolin, je m'engage à travailler avec chacun d'entre vous afin de moderniser le Sénat, où l'ouverture et la transparence sont essentielles à la réalisation de nos tâches parlementaires pour le bien des citoyens du Canada.

[Traduction]

Nous devons nous traiter les uns les autres avec dignité et respect, indépendamment de notre allégeance politique ou des questions à l'étude. Nous devons nous efforcer de trouver un terrain d'entente et de progresser par la suite. Notre grande institution est confrontée à de grands défis, mais a aussi de grandes possibilités. Je suis sûr que j'exprime l'opinion de tous les sénateurs si je dis que notre institution peut servir à donner du pouvoir aux citoyens de notre pays et au Canada pour que la démocratie puisse mieux servir leurs intérêts d'un océan à l'autre.

Je crois sincèrement que c'est ce qui nous permettra de remplir le mandat constitutionnel d'une manière qui redorera le blason de notre institution aux yeux des Canadiens. C'est l'engagement que je prends envers vous, honorables sénateurs. Merci.

Des voix : Bravo!


[Français]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'honorable Leo Housakos

Félicitations à l'occasion de sa nomination à la présidence

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, c'est avec un immense plaisir que je salue l'arrivée au poste de Président du Sénat de notre collègue et ami, le sénateur Leo Housakos.

Nommé au Sénat par le très honorable premier ministre Stephen Harper en décembre 2008, le sénateur Housakos a su rapidement assumer son rôle de sénateur avec engagement, sérieux et professionnalisme.

[Traduction]

Au cours de la dernière année, le sénateur Housakos a dû mettre les bouchées doubles, en raison de notre volonté commune de moderniser notre institution, qui subit d'importants changements.

[Français]

Il a piloté, avec certains de nos collègues, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, et nous observons déjà des changements concrets et importants liés à ce travail, mais également sous l'impulsion que le regretté sénateur Nolin a donnée à nos travaux lors de son court, mais intense mandat à titre de Président de notre institution.

[Traduction]

En tant que Président intérimaire, le sénateur Housakos a appuyé le sénateur Nolin dans le cadre des travaux de restructuration de notre administration. À cet égard, sa nomination comme Président garantira la poursuite harmonieuse de nos efforts et le maintien des progrès que nous avons réalisés jusqu'ici.

[Français]

Les prochains mois seront remplis de défis, comme nous le savons, honorables collègues, et je vous invite tous à épauler notre nouveau Président dans ses fonctions cruciales pour cette institution que nous chérissons tant. Dans les moments les plus difficiles, nous devons nous serrer les coudes et, en ce sens, je m'engage, monsieur le Président, à tout mettre en œuvre pour vous permettre d'assumer efficacement vos fonctions. Je vous connais depuis longtemps, et je sais que vous êtes l'homme de la situation. Vous avez toute ma confiance et celle des membres de notre caucus et de cette Chambre.

Je vous remercie.

[Traduction]

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Monsieur le Président, félicitations pour votre nomination. Comme vous l'avez signalé, vous accédez à la présidence à une époque intéressante et à un moment critique dans la vie de cette institution.

Prendre la relève ne sera pas une mince affaire, à bien des égards, et je suis sûr que personne n'en est plus conscient que vous. La semaine dernière, nous avons perdu un homme qui avait tout ce qu'il fallait pour être un excellent Président. Vous aviez travaillé étroitement avec lui au cours des derniers mois, en votre qualité de Président intérimaire, et c'est maintenant à votre tour de prendre le relais. Je suis convaincu que vous ferez tout en votre pouvoir pour concrétiser sa vision et que vous ne manquerez pas de collaborer avec nous tous à cette fin.

Je tiens à répéter en public ce que je vous ai dit en privé : vous pouvez compter sur le soutien le plus complet de ma part et de celle de notre parti. Ensemble, nous pourrons restaurer et améliorer le rendement et la réputation de notre institution, qui a toujours joué — et qui doit continuer de jouer — un rôle critique, vital et central dans notre démocratie parlementaire.

Monsieur le Président, au nom de tous les sénateurs de ce côté-ci de la salle, je vous souhaite la meilleure des chances dans vos nouvelles responsabilités.

(1410)

Visiteurs de marque à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de notre ancienne collègue, l'honorable Dre Asha Seth, qui, en plus d'avoir déjà siégé au Sénat, est aussi membre du conseil d'administration de l'Institut national canadien pour les aveugles. Elle est accompagnée de son mari, le Dr Arun Seth.

Comme tous les honorables sénateurs, je suis heureux de vous revoir au Sénat.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'une délégation de l'Institut national canadien pour les aveugles, dirigée par son président-directeur général, John M. Rafferty, et par Diane Bergeron, directrice principale, Relations stratégiques et mobilisation. Ils sont les invités de l'honorable sénateur Enverga.

Au nom de tous les honorables sénateurs, bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Mois national de la vision

L'honorable Tobias C. Enverga, Jr. : Honorables sénateurs, je souhaite aujourd'hui rappeler à mes collègues que, grâce à la motion présentée par notre ancienne collègue, l'honorable Asha Seth, et adoptée par le Sénat, le mois de mai est le Mois national de la vision. Dans la mesure où 75 p. 100 des pertes de vision peuvent être prévenues ou traitées, nous consacrerons le mois qui vient à une campagne d'information publique sur la santé oculaire et l'élimination des pertes de vision évitables.

Honorables sénateurs, dans deux jours, l'Institut national canadien pour les aveugles rendra public le premier rapport national sur la santé oculaire, dans lequel on apprend qu'il existe un écart important entre, d'une part, l'importance que les Canadiens accordent à la santé oculaire et, d'autre part, leurs connaissances et leurs comportements en la matière. Les conclusions de ce rapport contribueront à sensibiliser la population aux problèmes de plus en plus importants qui sont associés à la santé oculaire, ce qui permettra en retour de mettre sur pied toutes sortes d'initiatives visant à s'attaquer à ces problèmes.

Honorables sénateurs, cette année, il ne sera pas seulement question de santé oculaire au cours du Mois national de la vision. On abordera aussi les problèmes associés à la cécité et l'inclusion sociale. On soulignera aussi l'engagement commun des professionnels de la vue et de la santé oculaire en vue de créer un bon système intégré de santé oculaire au Canada.

Honorables sénateurs, il faut continuer de soutenir la campagne de sensibilisation afin d'éliminer les déficiences visuelles évitables. En incitant les Canadiens à s'informer sur les soins oculaires et les traitements préventifs, non seulement on améliorera leur bien-être, mais on réduira aussi les coûts associés aux déficiences visuelles, qui sont estimés à rien de moins qu'environ 15,8 milliards de dollars, soit près de 2 p. 100 du PIB du Canada.

Honorables sénateurs, la promotion de la santé oculaire et des mesures permettant d'éliminer les déficiences visuelles évitables me tient à cœur. Il s'agit de la première cause pour laquelle j'ai fait du bénévolat, il y a plus de 30 ans. Je vous invite aujourd'hui à défendre cette cause à votre tour et à soutenir le Mois national de la vision. En collaboration avec l'Institut national canadien pour les aveugles, l'honorable Asha Seth et moi organisons ce soir une réception à la salle 256-S, de 17 h 30 à 19 h 30. Nous espérons avoir le plaisir de vous y voir.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Khaleed Mawji, page de la Chambre des communes, qui vient de la Colombie-Britannique, et de Shameen et Hanif Mawji, deux dirigeants ismaéliens de la Colombie-Britannique. Ils sont les invités de l'honorable sénatrice Jaffer.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Abraham Pineo Gesner

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, samedi dernier, à savoir le 2 mai, marquait le 218e anniversaire de naissance du Dr Abraham Gesner, le père oublié de l'industrie pétrolière moderne, qui est décédé à Halifax. Abraham Gesner est né en 1797 à Cornwallis, en Nouvelle-Écosse, où ses parents, qui étaient fidèles à la Couronne, s'établirent après la Révolution américaine.

Pour gagner sa vie, il entreprit d'abord d'expédier des chevaux de la Nouvelle-Écosse aux Antilles. Cependant, après avoir survécu à deux naufrages, il décida qu'un changement s'imposait, et il se lança dans l'agriculture expérimentale. Cette entreprise se solda elle aussi par un échec et, en échange du remboursement de ses dettes, son beau-père lui demanda de devenir médecin.

M. Gesner fit des études de médecine au St Bartholomew's Hospital et des études de chirurgie au Guy's Hospital, tous les deux à Londres, en Angleterre. C'est là qu'il commença à s'intéresser à la minéralogie, ce qui mènerait à sa plus importante contribution à la société moderne. D'après son biographe, Loris S. Russell, Gesner s'établit ensuite à Parrsboro, en Nouvelle-Écosse. Alors qu'il visitait des patients, il commença à étudier les particularités géologiques de la région. Peu après, il publia son premier livre intitulé Remarks on the Geology and Mineralogy of Nova Scotia. À la suite de cette étude, le gouvernement du Nouveau-Brunswick l'engagea pour mener une étude géologique de la province, faisant de lui le premier géologue embauché par le gouvernement d'une colonie britannique.

En 1843, Gesner retourna en Nouvelle-Écosse où il s'établit comme agriculteur et médecin, tout en conservant son intérêt pour la minéralogie. C'est à cette époque qu'il réussit pour la première fois à distiller le bitume pour produire un lubrifiant léger pouvant être utilisé à des fins d'éclairage. Gesner donna à ce produit le nom de « kérosène ». À Charlottetown, en 1846, il fit une démonstration publique de sa nouvelle huile d'éclairage. Malheureusement, beaucoup de gens ne se rendirent pas compte de son importance. L'élément clé du travail de Gesner était le processus qu'il avait inventé. Il avait distillé et raffiné le bitume afin d'éliminer les impuretés qui entraînaient de la fumée et créaient une odeur.

Il déménagea à New York en 1853 avec l'intention de commercialiser son nouveau produit. Dès 1854, il avait obtenu trois brevets aux États-Unis et fondé la North American Kerosene Gas Light Company à Long Island, dans l'État de New York. En 1857, son entreprise connaissait un franc succès, mais elle se heurta par la suite à des difficultés. La concurrence et la perte d'un brevet au profit d'entreprises rivales l'écartèrent du marché. Son entreprise de kérosène finit par être achetée par la société Standard Oil, de J.D. Rockefeller, qui mettra la main plus tard sur la société Imperial Oil du Canada. Les contributions d'Abraham Gesner à l'industrie pétrolière lui ont attiré peu de reconnaissance et encore moins de profits. En 1863, il vendit ses brevets et retourna à Halifax, où il fut nommé professeur d'histoire naturelle à l'Université Dalhousie. Il conserva ce poste jusqu'à sa mort, le 29 avril 1864.

Loris Russel a bien résumé sa vie dans le passage suivant :

Abraham Gesner était un homme qui croyait que la science était bonne et que, grâce à la technologie, il y avait moyen d'améliorer le monde dans lequel nous vivons. S'il revenait parmi nous aujourd'hui et voyait de gros avions propulsés par son kérosène survolant les continents et les océans , il en serait enchanté, mais pas surpris.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de représentantes de l'Association canadienne des sages-femmes, Tonia Occhionero, directrice générale, et Emmanuelle Hebert, présidente. Elles ont été invitées par la sénatrice Unger.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La semaine de la responsabilisation de l'Iran

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, cette année, la Semaine de la responsabilisation de l'Iran a lieu dans la foulée des négociations sur le programme nucléaire de ce pays. Beaucoup de gens font preuve d'un optimisme modéré au sujet de l'accord qui pourrait résulter de ces négociations, mais les défenseurs des droits de la personne sont inquiets.

Comme l'a récemment déclaré l'éminente avocate iranienne spécialiste des droits de la personne Nasrin Sotoudeh :

C'est une erreur de croire que l'atteinte d'un consensus international conduira à une ouverture sur la scène nationale et que les droits de la personne seront miraculeusement reconnus au peuple.

[...] les dissidents et l'opposition doivent peut-être se préparer pour des jours plus sombres, car les groupes extrémistes au pouvoir peuvent décider de faire comprendre que rien n'a changé au pays en exerçant plus de pressions sur eux et en leur imposant davantage de restrictions.

Nous devons continuer d'exiger que l'Iran agisse de bonne foi, non seulement dans ses relations diplomatiques, mais également envers ses citoyens. C'est pourquoi je continue à réclamer le respect des droits de la personne en Iran, avec de nombreux autres parlementaires sur la Colline et par ma participation au Projet mondial de défense des prisonniers politiques iraniens, qui jumelle des parlementaires de partout dans le monde à des prisonniers politiques iraniens pour sensibiliser les gens à leur sort.

Je me sens profondément troublée de parler pour la deuxième année consécutive au nom de Bahareh Hedayat, l'une des nombreuses personnes arrêtées pour avoir appuyé le Mouvement vert après les élections présidentielles de 2009 en Iran.

(1420)

Les accusations portées contre cette étudiante respectée et défenseure des droits des femmes sont d'avoir accordé des entrevues à des médias étrangers, insulté le leader, insulté le président et perturbé l'ordre public pour avoir participé à des rassemblements illégaux.

À 33 ans, Mme Hedayat a déjà purgé plus de la moitié de sa peine de neuf ans et demi à la prison d'Evin à Téhéran. Elle est donc maintenant admissible à une libération conditionnelle en vertu du droit iranien. Or, elle croupit en prison alors même que les principes pour lesquels elle s'est battue sont menacés. De nouvelles mesures pour s'attaquer au problème du déclin démographique en Iran encouragent le mariage précoce et les familles nombreuses, permettent la discrimination à l'égard des candidates à un poste et menacent le droit des femmes à la santé sexuelle et reproductive.

À l'heure actuelle, la société iranienne a besoin de ses défenseurs des droits des femmes, comme Mme Hedayat, qui a fondé en 2005 la Commission des femmes pour promouvoir la participation des étudiantes, a aidé à lancer la campagne pour recueillir un million de signatures de personnes opposées aux lois discriminatoires à l'égard des femmes et qui, en 2006, en tant que secrétaire de la commission des femmes au sein de l'association étudiante, a organisé des manifestations contre la discrimination fondée sur le sexe.

Je suis fière de me prévaloir de mes libertés et de mes privilèges pour parler au nom d'une femme aussi remarquable, et je vous demanderais de vous joindre à moi.

[Français]

L'École Rose-des-Vents

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, le 24 avril dernier, la Cour suprême du Canada, dans une cause opposant les parents de l'école Rose-des-Vents et le gouvernement de la Colombie-Britannique, a donné raison aux parents francophones de Vancouver qui réclament une école française qui puisse accueillir un nombre grandissant d'élèves.

Dans un jugement unanime, les juges ont reconnu le droit aux élèves francophones à des services de même qualité que ceux offerts aux élèves de langue anglaise. Il aura fallu cinq ans aux parents de l'école Rose-des-Vents pour remporter cette bataille.

Ce qu'il faut retenir de ce jugement, honorables sénateurs, c'est que les juges établissent un standard qui est celui de l'équivalence réelle des services éducatifs. La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne insiste sur ce principe, et je cite :

La Cour suprême a confirmé qu'en matière d'installations scolaires pour la minorité, l'accent devrait être mis sur l'équivalence réelle plutôt que sur les coûts par personne et les autres indicateurs d'équivalence formelle. C'est une avancée majeure dans l'interprétation et l'application des droits scolaires [...] Si ce principe d'équivalence réelle n'était pas clair avant, il l'est aujourd'hui.

Au centre de ce débat se trouve l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit aux minorités linguistiques un enseignement dans leur langue. Cet article repose sur la prémisse que « l'égalité réelle » exige que les minorités de langue officielle soient traitées différemment, si nécessaire, afin de leur assurer un niveau d'éducation équivalent à celui de la majorité. La Cour suprême souligne la pertinence du principe d'équivalence.

De plus, la cour a réaffirmé et précisé l'ampleur de la protection constitutionnelle accordée aux minorités de langue officielle. Les juges rappellent que les écoles sont un instrument primaire de la transmission de la culture et de la langue en milieu minoritaire.

Nous savons, honorables sénateurs, que les parents se tourneront vers les écoles de la majorité s'ils n'ont pas accès à des services d'éducation en français adéquats pour leurs enfants. C'est un choix déchirant pour les parents francophones.

Comme le souligne la juge Andromache Karakatsanis, et je cite :

L'écart entre les écoles de la minorité linguistique et celles de la majorité est tel qu'il a pour effet de limiter l'inscription et de contribuer à l'assimilation.

En Colombie-Britannique, les 71 000 francophones de cette province sont inévitablement exposés à ce phénomène.

Pour donner suite à ce jugement, je souhaite que les parties s'activent rapidement à trouver des mesures réparatrices. La situation est urgente, et les gouvernements n'ont d'autre choix que d'exécuter les obligations que leur impose ce jugement décisif de la Cour suprême du Canada.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'une délégation dirigée par l'honorable Peter Phillips, ministre des Finances et de la Planification de la Jamaïque. Il est accompagné de Son Excellence Janice Miller, haute-commissaire de la Jamaïque au Canada, de M. Brian Wynter, gouverneur de la Banque de la Jamaïque, de M. Bruce Bowen, premier vice-président de la Banque de Nouvelle-Écosse pour la région des Caraïbes, de M. Devon Rowe, secrétaire financier, et de Mme Helen McIntosh, du ministère des Finances et de la Planification.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La bataille de l'Atlantique

Le soixante-dixième anniversaire

L'honorable Daniel Lang : Honorables sénateurs, dimanche dernier, les Canadiens se sont réunis à Halifax et à Ottawa pour commémorer le 70e anniversaire de la bataille de l'Atlantique, la plus longue bataille ininterrompue de la Seconde Guerre mondiale.

À la mémoire de plus de 4 000 membres de la Marine royale du Canada, de la marine marchande et de l'Aviation royale du Canada qui ont perdu la vie, des cérémonies de dépôt de couronnes ont eu lieu au monument de la Marine du Parc Point Pleasant, en Nouvelle-Écosse, et au Monument commémoratif de guerre du Canada.

La bataille de l'Atlantique fait partie intégrante de l'histoire du Canada. Cette bataille a établi la réputation du Canada en tant que puissance militaire stratégique parmi ses alliés. Sous le commandement du contre-amiral Leonard Murray, le seul Canadien à assumer le commandement d'un théâtre d'opérations allié pendant la guerre, le Canada a assuré le passage sécuritaire des troupes et des approvisionnements au Royaume-Uni. Cette liaison, que la Marine royale du Canada, l'Aviation royale du Canada et la marine marchande ont aidé à construire et à entretenir, était le fondement sur lequel comptait l'Europe. Sans la « victoire dans l'Atlantique », il n'y aurait jamais eu de « victoire en Europe ».

Pour apporter une dimension personnelle à cette victoire et au courage des Canadiens qui ont participé à la bataille de l'Atlantique, je dirai que mon père nous parlait souvent de son expérience comme marin dans la Marine royale du Canada durant la guerre. Je me rappelle qu'il me parlait des nombreux voyages des convois auxquels il a participé, où les marins devaient lutter contre des vagues de la hauteur d'un immeuble de 9 à 12 étages, et de leur crainte de ne pas être en mesure de voir, le soir venu, si un sous-marin allemand était sur le point de les attaquer.

Le Canada a prouvé qu'il était résolu à assurer la victoire des Alliés en élargissant sa flotte navale. Forte de six navires océaniques et d'environ 3 500 membres d'équipage au départ, la Marine royale du Canada est passée à plus de 400 navires de guerre et à près de 95 000 hommes et femmes en uniforme. À la fin de la guerre, le Canada avait la quatrième marine au monde.

La Marine royale du Canada continue de renouveler la promesse d'engagement, « Toujours là, toujours prêts », qui constitue l'héritage de la bataille de l'Atlantique et permet à nos marins de faire face avec fierté et courage aux défis actuels de la sécurité.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le vérificateur général

Dépôt du rapport du printemps 2015

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du printemps 2015 du vérificateur général du Canada, conformément aux dispositions du paragraphe 7(1) de la Loi sur le vérificateur général.

[Traduction]

Pêches et océans

Budget—L'étude sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie—Présentation du neuvième rapport du comité

L'honorable Fabian Manning, président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, présente le rapport suivant :

Le mardi 5 mai 2015

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a l'honneur de présenter son

NEUVIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le lundi 9 décembre 2013 à étudier, afin d'en faire rapport, la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada, demande respectueusement des fonds pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2016.

Conformément au Chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
FABIAN MANNING

(Le texte du budget figure à l'annexe A des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1796.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

Le sénateur Manning : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5f) du Règlement, je propose que l'étude du rapport soit inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Puis-je demander pourquoi on demande le consentement du Sénat pour étudier ce rapport de manière accélérée?

(1430)

Le sénateur Manning : Le comité mène une étude complète sur la réglementation de l'aquaculture, ses défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada, conformément à l'ordre de renvoi adopté par le Sénat le 9 décembre 2013.

Le comité demande des fonds pour embaucher une entreprise qui fournirait des services de graphisme pour son rapport sur l'aquaculture et des fonds pour imprimer un nombre limité d'exemplaires en couleur du rapport. Étant donné qu'il a l'intention de faire rapport au Sénat au plus tard le 30 juin 2015, le comité serait reconnaissant de pouvoir obtenir ces services le plus rapidement possible.

La sénatrice Fraser : Je ne vois pas l'urgence. Par conséquent, le consentement n'est pas accordé.

(Sur la motion du sénateur Manning, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Conflits d'intérêts des sénateurs

Budget—Présentation du septième rapport du comité

L'honorable A. Raynell Andreychuk, présidente du Comité permanent sur les conflits d'intérêts des sénateurs, présente le rapport suivant :

Le mardi 5 mai 2015

Le Comité permanent sur les conflits d'intérêts des sénateurs a l'honneur de présenter son

SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité, qui est autorisé, conformément à l'alinéa 12-7(16) du Règlement, à diriger de façon générale, de sa propre initiative, le conseiller sénatorial en éthique, et assumer, de sa propre initiative, la responsabilité des questions ayant trait au Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs, y compris les formulaires à remplir par les sénateurs aux fins de l'application de ce code, sous réserve de la compétence générale du Sénat, demande respectueusement des fonds pour l'exercice se terminant le 31 mars 2016.

Conformément au Chapitre 3:06, section 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,
RAYNELL ANDREYCHUK

(Le texte du budget figure à l'annexe B des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1802.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à exprimer les plus sincères remerciements du Sénat aux services et aux employés qui ont contribué à l'exposition en chapelle ardente et aux funérailles de feu notre Président, l'honorable Pierre Claude Nolin

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que le Sénat exprime ses plus sincères remerciements aux services et aux employés qui ont contribué à l'exposition en chapelle ardente et aux funérailles de feu notre Président, l'honorable sénateur Nolin, y compris le comité exécutif de l'Administration du Sénat, le Bureau de l'huissier du Bâton noir, le Service de sécurité du Sénat, le Bureau du protocole de la Direction des affaires internationales et interparlementaires, et le Service des pages.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Projet de loi sur la Journée nationale de sensibilisation à la drépanocytose

Première lecture

L'honorable Jane Cordy dépose le projet de loi S-227, Loi instituant la Journée nationale de sensibilisation à la drépanocytose.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Cordy, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

L'Union interparlementaire

La session de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies, tenue le 11 mars 2015—Dépôt du rapport

L'honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Union interparlementaire concernant sa participation à la 59e session de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies, qui s'est tenue à New York, aux États-Unis, le 11 mars 2015.

Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis

La Conférence annuelle de l'Alliance des États du Sud-Est des États-Unis et des provinces canadiennes, tenue du 4 au 6 mai 2014—Dépôt du rapport

L'honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la 7e Conférence annuelle de l'Alliance des États du Sud-Est des États-Unis et des provinces canadiennes, qui s'est tenue à Raleigh, en Caroline du Nord, aux États-Unis, du 4 au 6 mai 2014.

Le Sommet annuel de la Région économique du Nord-Ouest du Pacifique, tenu du 20 au 24 juillet 2014—Dépôt du rapport

L'honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation au 24e Sommet annuel de la Région économique du Nord-Ouest et du Pacifique, tenu à Whistler, en Colombie-Britannique, au Canada, du 20 au 24 juillet 2014.

Le Sommet législatif annuel de la National Conference of State Legislatures, tenu du 18 au 22 août 2014—Dépôt du rapport

L'honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation au Sommet législatif annuel de la National Conference of State Legislatures, tenu à Minneapolis, au Minnesota, aux États-Unis, du 18 au 22 août 2014.

La Conférence de l'Alliance commerciale de la frontière canado-américaine, tenue du 28 au 30 septembre 2014—Dépôt du rapport

L'honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la Conférence de l'Alliance commerciale de la frontière canado-américaine, tenue à Washington, D.C., aux États-Unis, du 28 au 30 septembre 2014.

L'Association parlementaire du Commonwealth

La rencontre semi-annuelle de l'EXCO, tenue du 28 avril au 1er mai 2014—Dépôt du rapport

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire du Commonwealth concernant sa participation à la rencontre semi-annuelle de l'EXCO, tenue à Londres, au Royaume-Uni, du 28 avril au 1er mai 2014.

La Conférence parlementaire du Commonwealth, tenue du 2 au 10 octobre 2014—Dépôt du rapport

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire du Commonwealth concernant sa participation à la 60e Conférence parlementaire du Commonwealth, tenue à Yaoundé, au Cameroun, du 2 au 10 octobre 2014.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La sécurité publique

Le rapport du vérificateur général—Les dispositions sur la libération anticipée

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat.

La semaine dernière, le vérificateur général du Canada a signalé — si je ne m'abuse dans l'un des rapports qui viennent d'être déposés au Sénat, même s'il a été publié la semaine dernière — que les représentants du Service correctionnel du Canada recommandaient moins souvent la mise en liberté anticipée à la Commission des libérations conditionnelles du Canada au cours de l'exercice 2013-2014, par rapport à l'exercice 2011-2012, et ce, même pour les délinquants qui présentaient un faible risque de récidive, selon le vérificateur général.

Ma question est la suivante : pourquoi le nombre de ces recommandations diminue-t-il même pour les délinquants à faible risque?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Comme vous le savez, le rapport du vérificateur général a été déposé plus tôt aujourd'hui, et le ministre de la Sécurité publique en a pris connaissance. Le gouvernement est saisi du rapport, et il agira en fonction des recommandations qui visent l'amélioration du système pénitentiaire.

(1440)

Le vérificateur général a d'ailleurs conclu que nos mesures d'adéquation de la peine et du crime sont efficaces, puisqu'un nombre accru de prisonniers demeurent derrière les barreaux pendant une plus longue portion de leur peine. Le Service correctionnel a accepté les recommandations du vérificateur général et donnera suite aux enjeux que ce dernier a soulevés, tout en s'assurant d'accorder la priorité à la sécurité du public.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : Un certain nombre de recommandations proposaient une étude plus poussée, des lignes directrices et tout le reste. C'est donc rassurant de savoir qu'il y aura une étude, des lignes directrices et tout le reste, mais je m'intéresse aux gestes concrets. Le vérificateur général a dit que, en raison de la diminution des recommandations pour la mise en liberté anticipée :

[...] des délinquants qui étaient peu susceptibles de récidiver ont été mis en liberté plus tard au cours de leur peine et surveillés moins longtemps dans la collectivité avant la fin de leur peine.

Cette constatation est importante parce que plus les délinquants disposent de temps pour faire un retour graduel dans la collectivité sous la surveillance du SCC avant la fin de leur peine, plus leurs chances de réussir leur réinsertion sociale augmentent. De plus, toutes les données recueillies par le SCC indiquent que les délinquants à faible risque qui purgent une bonne partie de leur peine dans la collectivité obtiennent de meilleurs résultats sur le plan de la réinsertion sociale. Par conséquent, la mise en liberté sous surveillance des délinquants qui se sont montrés déterminés à changer contribue à la sécurité publique.

Qu'est-ce que le gouvernement fait pour renverser la tendance, qui est évidente depuis un certain temps, à savoir garder les délinquants plus longtemps derrière les barreaux au lieu de les garder durant une période raisonnable?

[Français]

Le sénateur Carignan : Le gouvernement s'est engagé à protéger la sécurité des Canadiens. Nous sommes très heureux que le vérificateur général ait conclu que nos mesures d'adéquation de la peine et du crime sont efficaces. Grâce à celles-ci, un plus grand nombre de prisonniers resteront derrière les barreaux pendant une plus longue période. En ce qui concerne les autres recommandations, Service correctionnel Canada prendra les mesures qui s'imposent pour donner suite aux préoccupations qui ont été soulevées.

La sénatrice Fraser : J'imagine que nous n'avons pas tous la même définition du mot « efficace ».

[Traduction]

Le vérificateur général a dit que garder les délinquants plus longtemps derrière les barreaux au lieu de les réintégrer graduellement dans la collectivité par l'entremise du système de libération conditionnelle ne contribue pas à la sécurité publique; c'est tout le contraire. Je ne suis donc pas prête à dire que c'est « efficace ». Le vérificateur général a aussi dit ceci :

Nous avons constaté que la diminution du taux de mise en liberté avait contribué à des problèmes de capacité dans les établissements et avait fait augmenter les coûts d'incarcération. Bien que le taux de criminalité ait diminué et que le nombre de nouvelles admissions dans les établissements fédéraux n'ait pas augmenté, le nombre total de délinquants de sexe masculin a augmenté de 6 p. 100.

Les coûts d'incarcération du SCC ont donc augmenté de 91 millions de dollars des suites de la croissance de la population carcérale. M. Sapers, enquêteur correctionnel, nous met en garde depuis des années contre les effets néfastes de l'incarcération à outrance, surtout lorsque les détenus n'ont pas suffisamment accès à des programmes de réadaptation. Le gouvernement, dans sa sagesse, a décidé de ne pas l'écouter. Rappelons cependant que cette information provient du vérificateur général, et que le gouvernement ne manque aucune occasion de proclamer sa saine gestion financière. Essentiellement, le vérificateur dit que nous avons dépensé 91 millions de dollars de façon contre-productive. Que compte faire le gouvernement à cet égard?

Des voix : Bravo!

[Français]

Le sénateur Carignan : En lisant le rapport du vérificateur général avec vos lunettes, vous devriez arriver à la même conclusion que nous : le vérificateur a conclu que les mesures d'adéquation de la peine et du crime sont efficaces. Quant aux autres enjeux qui peuvent avoir un impact, la période de transition, notamment, est l'un des éléments du rapport. Le Service correctionnel a accepté les recommandations du vérificateur et s'efforcera d'améliorer ces éléments en mettant la sécurité et la protection des Canadiens au cœur de ses priorités.

L'emploi et le développement social

Les langues officielles—Le développement de l'alphabétisme et des compétences

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je l'ai reçue de M. Normand Lévesque, du Réseau pour le développement de l'alphabétisme et des compétences, et elle concerne la feuille de route de 2013-2018.

En mars 2013, le financement de la feuille de route prévoyait 1,5 million de dollars par année pour l'initiative d'alphabétisation et d'acquisition des compétences essentielles. Malgré un engagement du ministère de l'Emploi et du Développement social du Canada, au printemps 2013, les communautés n'ont pas été consultées sur l'élaboration de la stratégie liée à cette initiative. Leurs besoins n'ont pas été pris en compte dans les orientations qui ont été choisies.

Mes questions sont les suivantes : pourquoi Emploi et Développement social Canada n'a-t-il pas mis en place de vrais mécanismes de consultation avec les communautés francophones en situation minoritaire en ce qui concerne le dossier de l'alphabétisation? Pourquoi ce ministère accorde-t-il son soutien — avec les fonds consacrés à la feuille de route — à des projets destinés à ces communautés, souvent gérés par des organisations qui n'ont aucune expertise, expérience ou connaissance de nos communautés?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Nous sommes parfaitement conscients de la contribution des collectivités de langue française et anglaise à la vitalité culturelle, sociale et économique de notre société. Nous avons doté de 1,1 milliard de dollars la feuille de route de notre gouvernement pour les langues officielles. Il s'agit de l'investissement le plus exhaustif de toute notre histoire en faveur des langues officielles. Je suis persuadé que vous serez d'accord avec moi sur ce point. C'est incontestable. La Feuille de route pour les langues officielles du Canada 2013-2018 mobilise 14 institutions fédérales qui mettront en place 28 initiatives. Notre engagement envers les langues officielles est inébranlable. Soyez assurée que la ministre Shelly Glover poursuivra ses efforts en vue de veiller à l'application de la Loi sur les langues officielles.

La sénatrice Chaput : Monsieur le leader, avec tout le respect que je vous dois, je ne conteste pas les fonds qui sont liés à la feuille de route, mais bien la façon dont ils sont dépensés et le fait que les communautés ne sont pas consultées au sujet de leurs besoins.

La deuxième question qui m'a été soumise concerne le Programme d'apprentissage d'alphabétisation et d'acquisition des compétences essentielles pour les adultes. Ce programme relève du ministère de l'Emploi et du Développement social.

Année après année, la situation se répète : ce programme n'investit pas les budgets qui sont à sa disposition. En 2013-2014, sur un budget de 23,5 millions dollars, seulement 14,9 millions de dollars ont été dépensés, ce qui signifie que 8,609 millions de dollars ont été retournés au Trésor public. En 2014-2015, un peu plus de 13 millions de dollars ont été dépensés sur un budget total d'environ 23,5 millions de dollars. Chaque année, ce ministère continue de demander au Parlement plus ou moins le même budget. Pourtant, chaque année, ce bureau n'investit pas les budgets votés au Parlement.

Cette politique a entraîné, entre autres, la fermeture de plusieurs organismes provinciaux, territoriaux et nationaux importants, qui œuvraient dans ce dossier. Il s'agit d'une conséquence désastreuse pour tout le pays, car Emploi et Développement social Canada a délibérément décidé de se passer de l'expertise et des compétences d'un réseau solide implanté partout au Canada, qui travaille avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, les acteurs socioéconomiques, les différents groupes linguistiques et culturels et les populations les plus vulnérables.

(1450)

L'autre question qui m'a été transmise par M. Lévesque est la suivante : comment pouvez-vous justifier une telle approche? Alors que ce ministère devrait se concentrer à aider les collectivités, à réagir aux changements, à développer les compétences liées à l'emploi, il se concentre à détruire ce que les communautés ont pris des années à construire. Je répète la question : comment pouvez-vous justifier une telle approche?

Le sénateur Carignan : Merci, sénatrice, de nous avoir transmis la question du citoyen. Depuis plusieurs années, le financement versé dans le cadre du programme fédéral du Bureau de l'alphabétisation et des compétences essentielles était octroyé aux mêmes organisations et servait à couvrir les frais d'administration au lieu de financer des projets permettant aux Canadiens d'améliorer leurs compétences en matière d'alphabétisme.

Comme je l'ai déjà dit, ces organismes ont été informés il y a quatre ans, et nous leur avons donné suffisamment de temps pour se préparer aux changements apportés à la structure de financement du Bureau de l'alphabétisation et des compétences essentielles, qui le rendront plus efficace. Les contribuables canadiens ne financeront plus les coûts d'administration des organisations, mais investiront plutôt dans des projets d'alphabétisation utiles qui amélioreront la situation des Canadiens.

En vertu du programme actuel, toute organisation au pays, y compris celles qui ont reçu du financement pour l'administration en vertu de l'ancienne structure, peut demander du financement. Comme s'y attendent les contribuables canadiens, les projets sont évalués et financés en fonction du mérite. Notre gouvernement est déterminé à faire en sorte que le financement fédéral accordé à l'alphabétisation soit utilisé pour financer des projets qui permettront réellement aux gens d'améliorer leurs compétences, pour arriver, au bout du compte, à obtenir un emploi.

À titre d'exemple, sénatrice, l'an dernier, nous avons annoncé un octroi de plus de 1,2 million de dollars au Collège Frontière afin d'intégrer l'alphabétisation et les compétences essentielles au programme d'apprentissage. Ce sont des projets et des gestes concrets qui améliorent la situation de l'alphabétisation à titre de compétence essentielle pour la recherche d'emploi. C'est ce que nous allons continuer de faire pour amélioreront la vie des Canadiens.

La sénatrice Chaput : J'ai une question complémentaire. Si je comprends bien, le ministère a-t-il apporté des changements à ce processus au titre des projets d'appui à l'alphabétisation sans consulter les communautés de langue officielle en situation minoritaire, ou après les avoir consultées?

Le sénateur Carignan : Nous avons informé les organismes il y a quatre ans afin de leur donner suffisamment de temps pour se préparer aux changements dans la structure de financement. Cela leur a donné amplement de temps pour nous faire parvenir leurs observations.

La sénatrice Chaput : Alors, les organismes ont été informés il y a quatre ans pour qu'ils puissent s'ajuster aux nouveaux critères; ils n'ont pas été consultés avant cette période de quatre ans. Est-ce que j'ai bien compris?

Le sénateur Carignan : Les organismes ont été informés il y a quatre ans, ce qui leur a donné suffisamment de temps pour se préparer aux changements et nous transmettre leurs observations.

Le commerce international

L'Expo Milano 2015—La promotion du commerce

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Le 1er mai, Le Journal de Montréal, le plus grand hebdomadaire du Québec, qui rejoint plus d'un million de personnes, a fait paraître un article dont le titre était le suivant : « Le Canada n'existe pas », qui dénonçait l'absence du Canada à l'Exposition universelle de 2015, qui vient d'ouvrir en Italie. Il faut se souvenir qu'il y a, au Québec, une population d'origine italienne extrêmement importante; ce n'est donc pas une mesure très électoraliste.

Les raisons de cette absence devaient être liées à l'équilibre budgétaire, puisqu'on n'y voit pas d'autres raisons. Il me semble qu'une dépense liée à une exposition universelle à laquelle nous avons participé par le passé, dans le monde entier, puisse être un investissement pour l'avenir, pour favoriser notre visibilité, créer une vitrine pour attirer des touristes du monde entier et séduire de futurs acheteurs. Comme il y a, depuis un certain temps, une seule échéance — les élections —, il est difficile de penser à long terme. Si on participe à cette exposition en Italie, les ventes ne se feront pas nécessairement le lendemain matin. Par contre, nos exportations stagnent, notre balance commerciale enregistre deux années négatives pour une année positive. Pourquoi ne pas viser le volet international?

Votre gouvernement, lorsqu'il a pris cette décision, a-t-il évalué la perte des revenus potentiels liée à notre absence en Italie?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénatrice, je suis parfois surpris par l'angle de vos questions. Aujourd'hui, vous nous reprochez de ne pas participer à une exposition et, dans le cadre d'autres questions, vous nous reprochez de signer les plus grandes ententes de libre-échange de l'histoire, qui ouvrent des marchés de plusieurs centaines de millions de dollars.

Nous allons poursuivre notre plan d'exportation, qui est le plus ambitieux de l'histoire du Canada. En 2014, le Canada a affiché un excédent commercial de 5,2 milliards de dollars, un revirement par rapport aux 12 milliards de dollars enregistrés auparavant. Les exportations étaient donc en hausse de 10 p. 100 par rapport à l'année précédente et, depuis 2007, nous avons conclu des accords commerciaux avec 38 pays. Cela s'oppose au bilan libéral qui compte trois ententes commerciales conclues au cours de ses 13 longues années de gouvernement. En 2013, nous avons lancé le Plan d'action sur les marchés mondiaux, qui met à profit toutes nos ressources diplomatiques à l'étranger pour promouvoir nos priorités économiques sur les marchés.

Je trouve curieux que, d'un côté, vous nous reprochiez de signer des ententes de libre-échange qui entraînent des retombées de centaines de millions de dollars et des dizaines de milliers d'emplois, et qu'une semaine plus tard vous posiez des questions sur notre absence à une exposition. C'est assez particulier.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je vais vous rappeler le thème de l'exposition : « Nourrir la planète, Énergie pour la Vie ». Je trouve étrange que, quand on parle de nourrir la planète, le Canada soit le quatrième plus grand exportateur mondial de produits cultivés, le troisième exportateur de bovins et le deuxième exportateur de porcs. Il me semble que le fait de dépenser 50 millions de dollars pour se rendre en Europe et augmenter les ventes dans ce domaine n'aurait pas été un mauvais investissement ni une dépense inutile.

De plus, le Canada est le cinquième exportateur mondial de produits agricoles en général, et l'industrie agroalimentaire génère 8 p. 100 du produit intérieur brut. En outre, 2,1 millions de Canadiens œuvrent au sein de cette industrie. Nous pouvons nous en occuper en appuyant les initiatives qui favorisent l'exportation.

Par contre, on attend 20 millions de visiteurs à Milan, car c'est une ville européenne centrale. Votre gouvernement croit-il que les 35 millions d'habitants du Canada suffisent à absorber l'ensemble de la production agroalimentaire canadienne, ou alors que d'autres marchés devraient être développés et que l'exposition en Italie aurait été une très belle occasion de le faire?

Le sénateur Carignan : Sénatrice, vous posez des questions auxquelles vous avez les réponses.

(1500)

Vous nous avez présenté une assez bonne introduction en ce qui concerne le positionnement du Canada en matière de commerce international. Vous voyez donc que le travail de ce gouvernement porte ses fruits, qu'il permet de placer le Canada parmi les chefs de file en ce qui a trait à l'exportation, particulièrement en matière agricole. Ce sont là des preuves que notre programme en matière de commerce international et de promotion de l'exportation fonctionne.

Je vous remercie donc d'avoir souligné cette performance exceptionnelle du Canada et de notre gouvernement.

La sénatrice Hervieux-Payette : J'aimerais vous rappeler que l'agriculture relève autant des provinces que du fédéral, et qu'il y a eu d'autres gouvernements avant le vôtre. On n'a pas commencé à produire des céréales hier.

Par contre, je veux vous rappeler aussi que l'on vient de signer le fameux accord dont vous avez parlé de façon ironique. Il ne faut pas penser que je suis contre les accords de libre-échange; je suis contre les accords de libre-échange qui ne sont pas conclus dans l'intérêt des Canadiens.

Vous avez amplement entendu mes commentaires sur la question de l'arbitrage. Dans le cas présent, vous ne m'avez pas répondu. La vraie raison de notre absence en Italie est que cette absence nous permet d'épargner un maigre 50 millions de dollars. On a coupé dans ce dossier tout comme on a coupé dans toutes les autres dépenses, dans tous les domaines. Le gouvernement du Canada s'occupe d'abord du moment présent, mais il oublie qu'il a un avenir à préparer. Or, cet avenir exigeait notre participation à cette exposition.

J'aimerais connaître la vraie raison pour laquelle nous n'avons pas participé à l'Expo Milano 2015.

Le sénateur Carignan : Vous nous reprochez maintenant, sénatrice, de vouloir équilibrer le budget. Il est évident que nous sommes fiers de ce budget. Nous n'avons pas du tout l'intention d'adopter des surtaxes comme celles qui sont proposées par votre ami, M. Trudeau.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur le renforcement des peines pour les prédateurs d'enfants

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Donald Neil Plett propose que le projet de loi C-26, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada et la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, édictant la Loi sur la banque de données concernant les délinquants sexuels à risque élevé (infractions sexuelles visant les enfants)8 et modifiant d'autres lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole pour présenter le projet de loi C-26, Loi sur le renforcement des peines pour les prédateurs d'enfants.

Dans le discours du Trône de 2013, le gouvernement s'est engagé à refaire du Canada un pays où les contrevenants sont punis, où les peines d'emprisonnement reflètent la gravité des crimes commis et où les victimes les plus vulnérables, les enfants, sont mieux protégées. Le projet de loi dont nous sommes saisis reflète cet engagement.

La tendance actuelle selon laquelle les juges infligent des peines inadéquates et injustes aux agresseurs sexuels d'enfants est une source de grande frustration pour moi, comme pour la plupart des Canadiens. Le projet de loi C-26 constitue un pas important dans la bonne direction. Je suis heureux de le parrainer au Sénat. Nous entendons parler sans cesse de prédateurs d'enfants qui, après avoir agressé sexuellement leur victime, s'en tirent avec une peine dérisoire d'un ou deux ans d'emprisonnement. Dans ce genre d'affaires, les juges font souvent fausse route en matière de détermination de la peine.

Étant donné que ce genre de crime présente un taux de récidive exceptionnellement élevé et que le fait de ne pas garder ces prédateurs en prison peut totalement détruire l'existence d'une personne, nous manquons à notre devoir envers les jeunes et les collectivités..

La semaine dernière, j'ai assisté à la célébration du 30e anniversaire du Centre canadien de protection de l'enfance à Winnipeg. J'ai eu le bonheur de travailler avec cet organisme par le passé et j'ai été renversé par les efforts incessants qu'on y déploie pour assurer la protection des enfants et appuyer les familles.

Cette célébration a eu lieu quelques jours après le dépôt du budget dans lequel notre gouvernement a annoncé que, dans le cadre du Fonds d'aide aux victimes, il augmenterait sensiblement son soutien financier aux centres d'appui aux enfants pendant les quatre prochaines années.

Au cours de la cérémonie, tant la directrice exécutive, Lianna McDonald, que le premier ministre Stephen Harper ont mis en évidence les importantes mesures législatives que notre gouvernement a fait adopter pour assurer la sécurité de nos quartiers et de nos familles, mesures qui correspondent aux quatre priorités du gouvernement en matière de protection des Canadiens : garder les criminels dangereux en prison au lieu de les laisser en liberté dans nos quartiers, protéger nos enfants, faire en sorte que le système de justice concentre son attention sur le bien-être des victimes plutôt que sur celui des criminels et bannir de nos collectivités les armes illégales, les bandes et la drogue.

Le premier ministre Harper a déclaré catégoriquement que, dans toute société du monde, rien n'est plus précieux que la vie d'un enfant. Notre gouvernement a déjà produit les mesures législatives les plus complètes que nous ayons jamais eues au Canada pour combattre les crimes sexuels contre les enfants.

Tout d'abord, nous avons relevé l'âge du consentement à l'activité sexuelle, le faisant passer de 14 à 16 ans. Notre Loi sur la sécurité des rues et des communautés nous a donné l'assurance que les peines infligées pour des infractions sexuelles contre des enfants reflètent mieux la nature haineuse de ces crimes.

Notre Loi protégeant les victimes des délinquants sexuels a introduit des réformes fondamentales comme l'inscription automatique des délinquants sexuels condamnés au Registre national des délinquants sexuels, le prélèvement obligatoire d'échantillons biologiques sur les délinquants sexuels condamnés, l'utilisation proactive du registre par la police, l'enregistrement des délinquants sexuels condamnés à l'étranger et la notification des autres administrations en cas de déplacements de délinquants enregistrés à risque élevé.

Grâce à la Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares, nous avons protégé nos jeunes en mettant fin aux mariages précoces et forcés et avons veillé à ce que les femmes et les enfants soient respectés et protégés contre les pratiques culturelles tordues et barbares.

Avec la Loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité, mieux connue sous le nom de projet de loi contre la cyberintimidation, nous avons interdit par voie législative la diffusion non consensuelle d'images intimes. Nous avons également imposé aux fournisseurs de services Internet l'obligation de signaler la pornographie juvénile.

Nous avons mis fin à la libération automatique des récidivistes dangereux qui ont purgé seulement les deux tiers de leur peine. Nous avons aussi modifié la loi en ce qui concerne les personnes déclarées non criminellement responsables d'actes violents afin d'accorder la priorité à la sécurité de la société. Nous avons éliminé la disposition de la dernière chance, qui permettait aux meurtriers de demander une libération conditionnelle anticipée. Plus important encore, lorsqu'un prédateur tue plus d'une personne, le juge peut maintenant lui imposer des peines consécutives; de cette façon, chaque personne décédée est maintenant prise en compte.

Pour ce qui est des contrevenants les plus dangereux et les plus violents, la plus récente mesure législative proposée par le gouvernement garantit que, lorsque le tribunal impose une peine d'emprisonnement à vie à une personne, celle-ci demeurera bel et bien en prison jusqu'à la fin de ses jours.

Il y a à peine quelques semaines, la Charte des droits des victimes, une mesure législative marquante, a reçu la sanction royale au Canada. Ainsi, des droits sont maintenant conférés aux victimes dans les lois fédérales pour la toute première fois dans l'histoire de notre pays.

Je partage l'opinion du premier ministre Harper, qui a déclaré ce qui suit :

[...] je crois bien pouvoir avancer que, depuis le début des presque 150 ans de la Confédération, aucun autre gouvernement n'a autant légiféré ou pris d'autres mesures pour assurer la sécurité des Canadiens dans nos communautés.

Aucun ne s'est autant préoccupé de la protection de nos enfants ou des victimes d'actes criminels.

M. et Mme Harper, de même que le gouvernement conservateur, ont reçu des félicitations du centre, qui se réjouit grandement de toutes les mesures prises par le gouvernement pour protéger les enfants, notamment les fonds qui ont été accordés et la panoplie de mesures législatives qui ont été proposées afin de lutter contre la criminalité et de rendre ainsi nos collectivités plus sûres.

Le projet de loi C-26, Loi sur le renforcement des peines pour les prédateurs d'enfants, renforce grandement ces initiatives, et ce, à plusieurs égards. Tout d'abord, les peines maximales et minimales prévues pour certaines infractions sexuelles contre un enfant seraient augmentées, conformément aux réformes apportées en 2012 par la Loi sur la sécurité des rues et des communautés. Nous nous sommes assurés à cet égard que la peine maximale pour toutes les infractions sexuelles mixtes contre des enfants serait portée à deux ans moins un jour en cas de déclaration de culpabilité par procédure sommaire et à 14 ans en cas de mise en accusation.

(1510)

De plus, le projet de loi impose la mise en accusation dans le cas des infractions les plus graves de pornographie juvénile, comme la production et la distribution de pornographie juvénile, avec une peine maximale de 14 ans d'emprisonnement. La peine minimale obligatoire actuelle d'un an de prison continuerait à s'appliquer. Cette modification reflète bien le préjudice accru causé par la production et la distribution de pornographie juvénile, particulièrement sur Internet. En fait, la Cour suprême du Canada a parlé des effets insidieux de cette conduite, notant qu'une fois affichée sur Internet, la pornographie juvénile est accessible partout dans le monde pendant une période indéfinie.

Les sanctions en cas de violation des ordonnances de surveillance, qui comprennent les ordonnances d'interdiction, les ordonnances de probation et les engagements à ne pas troubler l'ordre public, sont augmentées afin de tenir responsable ceux qui violent les conditions imposées par le tribunal dans le but de protéger les enfants.

En vertu du projet de loi C-26, la preuve qu'une infraction a été commise pendant que le délinquant était assujetti à une ordonnance de sursis ou était en libération conditionnelle ou en libération d'office serait considérée comme une circonstance aggravante aux fins de la détermination de la peine.

À mon avis, la disposition la plus importante du projet de loi traite des règles de droit actuelles qui permettent aux juges de décider qu'un délinquant sexuel accusé d'infractions contre plusieurs enfants peut purger ses peines concurremment. Cela signifie en réalité que le délinquant n'a à purger qu'une seule peine.

Les nouvelles dispositions imposent aux tribunaux d'infliger des peines consécutives dans deux cas. D'abord, si le délinquant est condamné en même temps pour des infractions de pornographie juvénile et des infractions de contact sexuel. Cette disposition reconnaît le préjudice supplémentaire causé lorsque la pornographie juvénile intervient lors de la perpétration d'une infraction avec contact sexuel sur un enfant. Même si la pornographie juvénile est sans lien avec la victime d'une infraction avec contact sexuel, le matériel pornographique normalise la violence sexuelle envers l'enfant, causant un préjudice durable, lorsqu'il est disponible sur Internet.

Même si les tribunaux imposent en général des peines consécutives dans les cas de ce genre, le projet de loi exige que les peines soient purgées consécutivement dans tous les cas.

Le second cas où les tribunaux sont tenus d'imposer des peines consécutives concerne les délinquants condamnés pour des infractions avec contact sexuel commises sur plusieurs enfants en même temps. Cela permettrait finalement de s'assurer que les délinquants sexuels n'obtiennent aucun « rabais » s'ils s'en prennent simultanément à plusieurs victimes. Le système de justice pénale doit veiller à ce que chaque victime compte lors de la détermination de la peine.

Les pires problèmes de détermination de la peine au Canada ont découlé de peines à purger concurremment. Des tribunaux ont imposé de telles peines pour des infractions commises contre plusieurs victimes en se fondant sur le principe de totalité, d'après lequel la durée totale des peines à purger consécutivement ne devrait pas être trop longue ou trop sévère.

La semaine dernière, lors de la célébration qui a eu lieu au Centre canadien de protection de l'enfance, nous avons entendu un dénommé Lyle Miller. Lyle et son épouse ont un fils, Zach. En 2006, alors qu'il avait 10 ans, un homme s'est présenté à la ferme des Miller, en Saskatchewan, disant qu'il était un client et qu'il s'appelait M. Summers. Il a présenté Zach à son propre fils, qui était à peu près du même âge, et a proposé aux Miller de laisser les deux enfants jouer ensemble parce qu'il venait d'arriver en ville avec son fils et qu'il ne connaissait personne.

Les deux garçons sont partis faire un tour en bicyclette. Plus tard, ce soir-là, Zach avait disparu. Les bicyclettes des deux garçons étaient soigneusement rangées dans un garage. Les Miller ont immédiatement compris que quelque chose n'allait pas, car, comme ils l'ont expliqué à la réunion, leur fils n'aurait jamais rangé lui-même son vélo dans un garage.

Ils ont alors pris contact avec les autorités. La police est arrivée avec une photo de M. Summers et leur a demandé si c'était bien l'homme qui, selon eux, se trouvait avec Zach. M. Miller a dit que c'était le cas.

La nuit suivante, ils n'avaient toujours aucune nouvelle de Zach. Les Miller ont allumé la télé pour écouter les nouvelles concernant les deux garçons disparus qu'on croyait avoir été enlevés par cet homme. À la télé, l'homme qui s'était présenté à eux sous le nom de M. Summers était identifié comme Peter Whitmore, pédophile condamné qui avait fait sept victimes connues. Le garçon qu'il faisait passer pour son fils était, en fait, un autre enfant enlevé. Tout ce que les Miller savaient à ce moment-là, c'était que ce pédophile avait leur fils.

Finalement, le lendemain, les Miller ont reçu un appel de la police leur disant que Zach avait été retrouvé. Leurs pires craintes s'étaient confirmées : il souffrait d'un sérieux traumatisme et de blessures causées par les chaînes qui l'entravaient. Peter Whitmore l'avait obligé à regarder de la pornographie juvénile et lui avait fait subir à plusieurs reprises des violences sexuelles.

M. Miller nous a parlé de l'émotion qu'il a ressentie en retrouvant son fils et de la colère qui l'agitait lorsqu'il pensait à M. Whitmore. Il nous a fait part de son dégoût lorsqu'il a appris que cet individu s'était attaqué à sept autres victimes et qu'on lui avait laissé la liberté de commettre ces actes odieux contre deux garçons de plus.

Dans une affaire antérieure, la Commission des libérations conditionnelles avait indiqué que les risques de récidive de Whitmore étaient de 100 p. 100. Pourtant, après avoir purgé sa courte peine, il était redevenu un homme libre... libre de détruire encore plus de vies. Comme M. Miller l'a signalé, cet homme sera admissible à la libération conditionnelle l'année prochaine.

En 2013, David James Leblanc a agressé sexuellement un garçon de 16 ans qu'il avait enchaîné dans sa maison en Nouvelle-Écosse. Le garçon a subi les assauts de Leblanc et d'un autre homme trois fois par jour pendant huit jours. Un troisième homme s'est aussi attaqué sexuellement au garçon au cours de l'une de ces journées, après avoir payé Leblanc. Celui-ci s'est également rendu coupable d'infractions sexuelles contre deux jeunes garçons qui lui avaient été confiés, ayant sexuellement agressé un garçon de cinq ans et affiché des photos de lui-même avec ce garçon et un autre âgé de deux ans sur un site web de pornographie juvénile.

À l'heure actuelle, la peine maximale pour enlèvement est la prison à vie, tandis que la peine maximale pour séquestration est de 10 ans d'emprisonnement. Ajoutez cela à l'agression sexuelle contre trois enfants. Quelle peine a été infligée à Leblanc? Onze ans de prison.

Leblanc a été protégé contre une peine suffisante par le principe de totalité qui, encore une fois, ne permet pas aux juges d'additionner les peines infligées pour chaque infraction. Leblanc sera admissible à la libération conditionnelle dans un peu plus d'un an. Si cette nouvelle disposition avait été en vigueur, il aurait eu à purger séparément la peine infligée pour chacune des accusations de pornographie juvénile et pour les agressions commises sur chacune des victimes.

Le cas de Gordon Stuckless a lui aussi beaucoup retenu l'attention. Il met en évidence l'injustice de ce qu'on appelle parfois le « rabais » accordé pour les infractions sexuelles commises contre des enfants. Gordon Stuckless a été accusé d'avoir commis des centaines de viols sur 24 garçons après que l'une des victimes, Martin Kruze, ait eu le courage de parler et ait réussi à persuader les autres d'en faire autant.

Lors du prononcé de la sentence, Stuckless a été considéré comme un délinquant primaire et s'est vu infliger une peine de deux ans d'emprisonnement. Deux ans, chers collègues. Peu après, Martin Kruze s'est suicidé. Comme l'a soutenu Charles Adler, Martin Kruze a survécu à d'innombrables viols, mais n'a pas réussi à surmonter ce viol commis sur sa personne par le système de justice pénale.

En vertu de cette nouvelle disposition, Gordon Stuckless aurait eu à purger pour le moins la peine minimale obligatoire d'un an pour chacune des 24 victimes connues, ce qui donne un strict minimum de 24 ans.

(1520)

Je voudrais insister sur les importants principes régissant la détermination de la peine qui s'appliquent au cas d'agression sexuelle sur des enfants. Lorsque des tribunaux fixent la peine des agresseurs sexuels d'enfants, la considération première doit être celle des objectifs de dénonciation et de dissuasion. Les peines obligatoires consécutives et les peines minimales obligatoires servent bien cet objectif. Elles signifient que le principe de totalité n'a pas pour effet de réduire les peines dans ces affaires odieuses. De plus, fait important, les tribunaux ont pris acte des réformes récentes à cet égard.

La jurisprudence récente montre que les tribunaux tiennent compte davantage de la dénonciation et de la dissuasion, car ils imposent des peines plus longues pour les infractions sexuelles visant des enfants, après les augmentations récentes des peines. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique, notamment, a fait remarquer que le Parlement avait indiqué très clairement que la protection des enfants est une valeur fondamentale de la société canadienne, valeur que les tribunaux doivent défendre.

Le projet de loi C-26 propose des réformes importantes qui aideront à suivre la trace des agresseurs sexuels d'enfants, y compris lorsqu'ils se rendent à l'étranger pour commettre des infractions sur la personne d'enfants d'autres pays dont le système judiciaire est moins solide que le nôtre. Par exemple, des modifications proposées à la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels exigeraient que les agresseurs sexuels d'enfants inscrits signalent leurs séjours à l'étranger en précisant à quel endroit et à quelle adresse ils doivent normalement habiter.

Des modifications proposées à cette loi permettraient également la communication de renseignements entre le Registre national des délinquants sexuels, les fonctionnaires et l'Agence des services frontaliers du Canada. Les délinquants inscrits devraient fournir leur numéro de passeport et leur numéro de permis de conduire au registre, dont les fonctionnaires seraient autorisés à communiquer certains renseignements sur ces délinquants.

L'ASFC serait aussi autorisée à recueillir, au bureau d'entrée, des renseignements sur leur voyage auprès des délinquants inscrits, s'ils ont été signalés par des fonctionnaires du registre, et à communiquer les renseignements à ces fonctionnaires.

Ce sont des réformes hautement nécessaires qui feraient beaucoup pour empêcher des délinquants sexuels canadiens de chercher à exploiter des enfants vulnérables dans d'autres pays et les obliger à répondre de leurs actes lorsqu'ils le font.

Le projet de loi C-26 propose également une nouvelle banque de données accessible au grand public concernant les délinquants sexuels à risque élevé en prévoyant cette banque de données. La loi autoriserait la GRC à créer et à administrer cette banque nationale, consultable par le public, des agresseurs qui ont fait l'objet d'un avis public dans une province ou un territoire.

Les Canadiens ont le droit d'avoir un moyen accessible et efficace de savoir si leurs enfants courent des risques dans leur collectivité. Nous convenons sans doute tous que la sécurité des collectivités est de la plus haute importance.

Même si nous légiférons pour garantir l'imposition de peines justes aux prédateurs d'enfants, il ne faut pas oublier que les lois seules ne suffisent pas à tenir compte de la complexité du préjudice causé par ces délinquants. Voilà pourquoi le gouvernement appuie des organismes comme le Centre canadien de protection de l'enfance, qui apporte une aide aux jeunes victimes et témoins pour surmonter le traumatisme qu'ils ont subi et à s'y retrouver dans le réseau complexe de la justice pénale. C'est crucial.

Ceux qui se consacrent à la protection des enfants et à l'aide aux familles des victimes et nos importantes mesures législatives de lutte contre la criminalité sont des éléments fondamentaux de la sécurité des collectivités. Les dispositions du projet de loi C-26 qui garantissent expressément qu'il est tenu compte de chaque victime par des peines consécutives obligatoires et l'établissement d'une banque de données nationale accessible au grand public concernant les délinquants sexuels à risque élevé sont des améliorations majeures de notre système de justice. Les graves dommages psychologiques et les séquelles durables de l'agression sexuelle pour les jeunes victimes sont incommensurables.

Comme un agresseur qui passe sa vie en prison aux États-Unis pour avoir agressé sexuellement sa jeune cousine l'a admis ultérieurement : « J'ai détruit la personne qu'elle aurait pu être... »

Comme l'a expliqué un garçon de 14 ans qui a été victime d'un enlèvement et de plusieurs agressions de la part de Peter Whitmore, dans une déclaration au tribunal : « Je voudrais que rien de tout cela ne soit arrivé, car je serais alors encore moi. »

Honorables sénateurs, il n'y a rien de plus odieux ni de plus grave que l'agression sexuelle des membres les plus précieux de la société, c'est-à-dire les enfants. Il est temps que les peines reflètent cette gravité afin que les familles canadiennes sachent que leurs enfants sont mieux protégés contre les cruels individus qui s'en prennent à leur vulnérabilité. Nous savons que le taux de récidive est extrêmement élevé parmi les agresseurs sexuels d'enfants, alors préservons la société de ces dangereux délinquants.

Honorables sénateurs, je suis heureux de rapporter que l'autre endroit a adopté le projet de loi C-26 à l'unanimité. J'invite les honorables sénateurs à appuyer ce projet de loi important. J'espère sincèrement qu'il sera aussi adopté à l'unanimité dans cette enceinte. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom du sénateur Campbell, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la non-discrimination génétique

Onzième rapport du Comité des droits de la personne—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Frum, appuyée par l'honorable sénateur Demers, tendant à l'adoption du onzième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne (projet de loi S-201, Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique, avec amendements), présenté au Sénat le 19 février 2015.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'interviens à propos du rapport du Comité sénatorial des droits de la personne sur mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi S-201, Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique.

Je vais être très honnête : je vous prie de rejeter le rapport. C'est tout à fait inusité, je le sais bien, mais, en l'occurrence, je pense que c'est ce qui s'impose.

J'ai présenté le projet de loi S-201 pour combler ce qui me semble une lacune dans notre régime législatif en ce qui concerne la santé des Canadiens : à la différence de ce qu'on observe dans la plupart des pays démocratiques occidentaux, si une personne subit un test génétique au Canada, il n'existe aucune protection législative expresse contre quiconque — employeur ou société d'assurance — aurait accès au résultat de ce test et l'utiliserait contre la personne. On appelle cela de la discrimination génétique. Le résultat est que beaucoup de Canadiens décident de refuser le test génétique qui, de l'avis de leur médecin, leur permettrait de vivre plus longtemps et en meilleure santé.

Je reviendrai au fond du projet de loi dans un moment, mais, chers collègues, beaucoup de Canadiens ont suivi le parcours de ce projet de loi, attendant avec impatience qu'il soit adopté. Ce qu'ils ont vu n'a pas été un exemple de ce que le Sénat peut faire de mieux pour eux.

J'ai présenté le projet de loi le 17 avril 2013, il y a plus de deux ans. J'ai entamé le débat quelques jours plus tard. Le sénateur Carignan, alors leader adjoint du gouvernement, a ajourné le débat à son nom, et nous n'en avons plus entendu parler. Il a repris le compte des jours à zéro le 11 juin. Un mot d'explication pour ceux qui suivent le débat. Aux termes du Règlement du Sénat, un article est rayé du Feuilleton, à moins qu'un sénateur n'en parle, au bout d'un certain nombre de jours de séance. Pour éviter que l'article ne soit rayé du Feuilleton, le sénateur Carignan a pris la parole près de deux mois après pour dire qu'il n'était pas prêt à intervenir. Et il a de nouveau ajourné le débat. Et puis, bien entendu, le premier ministre Harper a prorogé le Parlement en septembre. Et le sénateur Carignan n'a jamais pris la parole.

(1530)

Cependant, lorsque le Parlement a été convoqué de nouveau, en octobre 2013, j'ai été ravi de constater que, dans le discours du Trône, le gouvernement s'engageait à « empêche(r) les employeurs et les compagnies d'assurance de faire de la discrimination sur la base d'analyses génétiques ». Je me suis félicité publiquement du fait que le gouvernement prenait note de ce problème important et convenait clairement qu'une mesure fédérale pouvait et devait être prise, et qu'elle le serait, pour prévenir cette discrimination.

J'ai présenté de nouveau mon projet de loi dès octobre. Ce fut même le premier projet de loi d'initiative parlementaire déposé, d'où son numéro, le S-201. J'ai pris la parole une deuxième fois. Puis, chers collègues, les mêmes tactiques ont repris. Au hockey, on dit que c'est tricoter avec la rondelle.

Une fois de plus, le projet de loi est resté là. Il a fallu près de six mois, c'est-à-dire jusqu'au 1er avril 2014, avant que le parti d'en face ne donne son point de vue sur le projet de loi. Ce fut une intervention de la sénatrice Frum. Le projet de loi a été lu pour la deuxième fois ce jour-là et renvoyé pour étude au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. J'aurais peut-être dû me méfier. C'était le 1er avril, jour du poisson d'avril. Il est devenu évident que le comité n'allait pas s'attaquer de sitôt à l'étude de mon projet de loi. Il y a eu des négociations avec les gens d'en face, et il a été convenu que, puisque le Comité des droits de la personne n'avait aucune mesure législative au programme, il pourrait étudier rapidement mon projet de loi. En fin de compte, rien n'a été fait pour renvoyer le projet de loi au Comité des droits de la personne avant le 16 juin, quelques jours avant que le Sénat ne suspende ses travaux pour la pause estivale.

Le comité a consacré au projet de loi deux séances à la fin de septembre et alors, une fois de plus, calme plat pendant des mois. Enfin, il y a eu deux autres audiences les 10 et 11 décembre, immédiatement avant que le Sénat doive suspendre ses travaux pour le congé de Noël. À la fin de la séance du 11 décembre, j'ai demandé si nous pouvions passer à l'étude article par article. Je me suis fait répondre qu'on y réfléchirait pendant le congé et que cette étude aurait lieu dans la nouvelle année.

Entre-temps, chers collègues, les projets de loi d'initiative parlementaire présentés par les sénateurs conservateurs ont eu droit à un examen extraordinairement rapide. Vous vous rappellerez la Loi sur le Jour de l'Avril noir, dont le titre a été modifié pour devenir Loi sur la Journée du Parcours vers la liberté, présentée par notre collègue, le sénateur Ngo. Ce projet de loi a été lu pour la deuxième fois le 29 octobre 2014 et a fait l'objet d'une première séance au Comité des droits de la personne dès le lendemain matin, à peine 18 heures plus tard. Bien entendu, ce projet de loi a depuis franchi toutes les étapes au Sénat et à l'autre endroit et est désormais une loi. La première Journée du Parcours vers la liberté a été célébrée la semaine dernière.

Je comprends qu'il soit important de souligner des faits historiques, mais, chers collègues, un projet de loi qui vise à désigner une journée est-il vraiment plus urgent qu'un projet de loi susceptible d'aider des Canadiens à obtenir un traitement médical? Il y a de jeunes enfants très malades qui ont besoin de tests génétiques pour qu'on puisse faire un bon diagnostic et dont la famille a besoin des protections prévues dans le projet de loi avant d'accepter les tests.

On a enfin accepté que l'étude article par article du projet de loi C-201 se fasse le 19 février, plus de deux mois après l'audition du dernier témoin. Au début de la séance, il y a eu, eh oui, une autre motion visant à repousser de nouveau l'étude article par article. La sénatrice Andreychuk a décidé, deux ans après la présentation de mon projet de loi, que le moment était venu de proposer d'écrire aux provinces pour connaître leur avis sur le projet de loi. Heureusement, la motion a été rejetée.

Cependant, les résultats du vote ont semblé étonner la plupart des membres conservateurs du comité. Ils ont alors demandé immédiatement la suspension des délibérations pour que les personnes puissent, selon les termes de la sénatrice Frum, « se consulter entre elles ».

Par la suite, la majorité a voté en faveur de ce qu'on ne peut décrire que comme des amendements très particuliers au projet de loi. Malgré le fait que le Sénat avait adopté le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, en approuvant ainsi le principe, comme nous le savons tous, la majorité au comité a vidé le projet de loi de toute sa substance. Quand elle a eu fini, il ne restait que trois articles. La majorité a accepté d'adopter le nouveau projet de loi que j'ai proposé, cette loi contre la discrimination génétique. Elle a aussi décidé que cette nouvelle loi n'aurait qu'un seul article : la définition des termes « communiquer » et « test génétique ». Tous les autres articles ont été éliminés.

Dans ce rapport, le comité recommande que le Sénat convienne de présenter un nouveau projet de loi sur la non-discrimination génétique qui ne contiendrait rien d'autre que le titre et la section des définitions. Quel genre de projet de loi cela ferait-il, honorables sénateurs? Les mots définis dans la section des définitions n'apparaîtraient nulle part ailleurs dans le projet de loi parce que toutes les dispositions qui viseraient à faire ce que le titre propose, c'est-à-dire interdire la discrimination génétique, ont été supprimées.

Les dispositions qui auraient interdit qu'on oblige une personne à divulguer les résultats d'un test génétique effectué précédemment ont été supprimées.

Les dispositions qui auraient interdit qu'on oblige une personne à subir un test génétique ont été supprimées.

En ce qui concerne cette dernière disposition, honorables collègues, la sénatrice Eaton a posé une question que j'ai trouvée plutôt troublante lors de l'étude article par article du projet de loi. Elle a posé la question suivante :

Est-ce que les dispositions s'appliqueraient, par exemple, aux futurs immigrants? Est-ce que nous pourrions les contraindre à subir un test d'ADN de manière à ce que nous puissions déterminer s'ils représenteront un fardeau pour notre système de santé, ou est-ce que le projet de loi protégera les futurs immigrants?

J'espérais alors que sa question visait à obtenir la réponse que je lui ai donnée, c'est-à-dire que le projet de loi protégerait tout le monde. On ne pourrait pas obliger une personne à subir un test génétique ou à divulguer les résultats d'un test, point final. Le projet de loi que j'ai proposé s'appliquerait à tout le monde, qu'il s'agisse de nouveaux immigrants ou de gens qui peuvent retracer leurs ancêtres jusqu'aux loyalistes de l'Empire-Uni ou plus loin encore. J'ai trouvé préoccupant que la sénatrice Eaton et tous les membres de son caucus siégeant au comité, à l'exception d'un seul, votent ensuite contre ces dispositions du projet de loi. Je ne voudrais pas croire que qui que ce soit au Sénat puisse être favorable à l'idée que les immigrants potentiels soient soumis à un test pour déterminer s'ils ont ce qu'on appelle de bons gènes. L'idée évoque quelque chose de troublant, honorables collègues.

Le troisième et dernier article du projet de loi S-201 qui a reçu l'accord du comité modifierait le Code canadien du travail. Il protégerait quelque peu les employés fédéraux contre la discrimination génétique que pourraient exercer le gouvernement fédéral et d'autres employeurs fédéraux. Il s'agit d'une protection importante, certes, mais les Canadiens pourraient se demander, à juste titre, pourquoi nous ne sommes prêts à protéger que les employés fédéraux et personne d'autre au pays. Il s'agit bien sûr d'une protection importante. Elle est toutefois limitée, puisqu'elle protégerait les employés seulement contre la discrimination exercée par un employeur. Elle ne touche donc qu'une seule forme de discrimination génétique. Ce n'est vraiment pas ce que le Sénat a approuvé quand il a lu le projet de loi S-201 pour la deuxième fois et l'a approuvé en principe.

Chers collègues, voilà ce qui s'est produit lorsque le Comité des droits de la personne a procédé à l'étude article par article le 19 février. Nous avons le rapport sous les yeux. Il ne reste plus du projet de loi qu'une section de définitions et des modifications au Code canadien du travail. Tout le reste a été supprimé. Ce qui s'est produit lors de l'examen au comité me paraît incompréhensible et particulièrement troublant étant donné l'importance de l'enjeu sous-jacent. Le dépistage génétique est en train de révolutionner la médecine et les soins de santé. On peut maintenant, à partir d'un échantillon sanguin ou même d'un simple frottis de la joue, effectuer des milliers de tests génétiques pour découvrir si une personne a une prédisposition à telle ou telle maladie.

Chers collègues, la gamme de tests génétiques disponibles augmente à un rythme incroyable. La première fois que j'ai commenté ce projet de loi, en avril 2013, j'ai souligné qu'il n'existait qu'une centaine de tests génétiques en 2003, alors qu'on en comptait environ 2 000 dix ans plus tard, en 2013, un nombre qui me paraissait remarquable. Signalons qu'il existe maintenant 26 500 tests génétiques. Leur nombre a donc décuplé en deux ans.

Ces tests peuvent vous dire si vous avez un gène, ou plus précisément une mutation génétique, associé à une maladie ou à un problème de santé particulier. Pour les rares maladies monogéniques, la présence du gène signifie que la personne sera atteinte de cette maladie. Cependant, dans la grande majorité des cas, la présence d'un gène ne signifie pas nécessairement que la personne aura cette maladie. Cela veut tout simplement dire que vous avez ce que l'on appelle une « prédisposition génétique » à souffrir de cette maladie. Il se peut que la maladie ne se manifeste jamais ou qu'elle mette de nombreuses années avant de le faire. Même dans les cas d'affection monogénique, le fait d'avoir le gène signifie que vous allez développer la maladie, mais cela pourrait prendre de nombreuses années, et tarder jusqu'au moment de ce que l'on avait l'habitude d'appeler la vieillesse.

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Ce qu'il faut retenir ici, chers collègues, c'est que savoir est synonyme de pouvoir. Le fait de savoir que vous avez cette prédisposition génétique vous permet de prendre des mesures pour réduire vos risques de souffrir de la maladie. Vous pouvez modifier vos habitudes de vie, comme votre alimentation, et faire plus d'exercice. Il y a des médicaments sur ordonnance que vous pouvez prendre ou un dispositif qui peut être implanté. Il y a même des interventions chirurgicales qui peuvent être faites. Ce sont toutes des façons de réduire ou même d'éliminer le risque de développer la maladie.

Encore récemment, les nouvelles nous donnaient un exemple de cela avec l'actrice et humaniste Angelina Jolie. Grâce à un dépistage génétique, Mme Jolie a appris qu'elle avait le gène BRCA. Les personnes qui ont ce type de mutation génétique risquent de développer un cancer du sein dans une proportion de 87 p. 100, et le cancer des ovaires dans une proportion de 50 p. 100. Sachant qu'elle avait cette mutation génétique, Mme Jolie a dû faire des choix. Elle a d'abord subi une mastectomie puis, plus récemment, une ovariectomie, ce qui lui a permis de faire passer son taux de risque de cancer de 87 p. 100 à 4 p. 100.

Songez un peu à cela, chers collègues. Une personne peut faire passer son taux de risque de développer un cancer de 87 p. 100 à 4 p. 100. C'est ce qui a poussé Mme Jolie à prendre cette courageuse décision de raconter son histoire au grand public, il y a deux ans. De plus, le 24 mars dernier, elle a écrit cette deuxième lettre d'opinion très percutante dans le New York Times au sujet de son expérience. Voici ce qu'elle a dit :

Ces décisions sont difficiles à prendre, mais il est possible de prendre le contrôle et de s'attaquer de front à n'importe quel problème de santé. Vous pouvez demander conseil, vous renseigner sur les options qui s'offrent à vous et prendre les décisions qui vous conviennent. Savoir est synonyme de pouvoir.

Mme Jolie a tout à fait raison. Savoir est synonyme de pouvoir. Malheureusement, ici, au Canada, le savoir comporte aussi certains risques. Cela ne pose pas de problème dans tous les autres pays du G7 et dans certains pays qui ne font pas partie du G7, mais, au Canada, tous les gens qui songent à subir des tests génétiques doivent tenir compte du fait que n'importe quelle tierce partie peut demander l'accès aux résultats de leurs tests et s'en servir pour faire de la discrimination. Au Canada, il n'existe aucune mesure de protection juridique dans ce domaine, tant à l'échelle fédérale qu'à l'échelle provinciale. Par conséquent, beaucoup de Canadiens prennent la décision difficile de ne pas subir des tests génétiques qui ont pourtant été recommandés par leur médecin.

Il arrive trop souvent que des femmes canadiennes qui ont lu l'histoire de Mme Jolie et qui pourraient, elles aussi, être porteuses des gènes BRCA décident de ne pas subir de tests. Elles ont peur de ne plus pouvoir obtenir d'assurance ou d'être victimes d'autres formes de discrimination génétique.

Chers collègues, c'est inacceptable. Les Canadiens devraient pouvoir bénéficier des progrès de la médecine. À l'instar de Mme Jolie et d'autres femmes de partout dans le monde, les Canadiennes devraient être en mesure de décider si elles subissent des tests ou non sans avoir à se soucier de la discrimination génétique.

C'est ce problème que les dispositions contenues dans mon projet de loi, le S-201, auraient permis de régler. Or, la majorité conservatrice au comité a abrogé ces dispositions.

En outre, chers collègues, le problème ne réside pas seulement dans le fait de devoir communiquer à des tierces parties les résultats de tests génétiques qui ont déjà été subis. Il est tout aussi important que les gens aient le droit de refuser de subir quelque test génétique que ce soit. Il s'agit d'une décision très personnelle. Il existe bien des raisons pour lesquelles une personne pourrait refuser de subir des tests génétiques, et je crois que nous devons respecter ce droit. La protection de ce droit, qui était prévue dans mon projet de loi, a aussi été abrogée par la majorité des membres du comité.

Le gouvernement conservateur actuel a dit aux Canadiens qu'il fallait abolir le questionnaire détaillé obligatoire et confidentiel de recensement parce qu'il était trop intrusif, mais, si nous acceptons la décision de la majorité conservatrice au Comité des droits de la personne, il sera tout à fait acceptable d'obliger un Canadien à subir un test génétique et à en communiquer les résultats comme condition pour conclure un contrat ou recevoir un bien ou un service. Comment cela peut-il être acceptable?

Le secteur de l'assurance dit avoir pour politique de ne pas demander de tests génétiques. Je veux bien croire que c'est sa politique écrite, mais, comme l'a entendu notre comité, ce n'est pas ce qui se passe dans les faits. J'y reviendrai bientôt.

Angelina Jolie est peut-être la personne la plus célèbre à défendre les avantages des tests génétiques, mais elle est loin d'être la seule. Notre collègue, le sénateur Wells, a parlé avec éloquence, ici, au Sénat, des avantages des tests génétiques. Ironiquement, il en a parlé ici quelques heures après que ses collègues eurent vidé de toute substance le projet de loi S-201, ce qui a fait en sorte qu'il est plus difficile pour les Canadiens de passer le test génétique que le sénateur Wells préconisait.

Les sénateurs se rappellent sans doute qu'il a parlé avec force de l'hémochromatose, une maladie d'origine génétique qui, si elle n'est pas diagnostiquée, peut mener à de graves dommages aux organes et même être fatale. Il en est lui-même atteint. Le sénateur Wells a dit ce qui suit à cette assemblée :

Les cas d'hémochromatose non diagnostiqués au Canada donnent lieu à des coûts évitables pour le système de soins de santé, car les personnes qui en sont atteintes voient apparaître prématurément des maladies chroniques. Les familles touchées subissent également des pertes financières attribuables à l'invalidité, et elles doivent composer avec le décès de l'un de leurs proches, qui aurait pu être évité.

La bonne nouvelle, comme il nous l'a dit ce jour-là, c'est que :

[...] des tests de dépistage, un diagnostic et des traitements précoces peuvent réduire ou éliminer la plupart des complications graves associées à cette maladie, comme l'arthrite, le diabète, l'insuffisance cardiaque, la cirrhose et le cancer [...] Le traitement est simple : il faut retirer du sang fréquemment, de façon régulière. Il est possible de faire don de ce sang.

Mais voici le problème, chers collègues. L'hémochromatose est diagnostiquée au moyen de tests génétiques et, sans les protections qui auraient été prévues aux termes du projet de loi S-201, les Canadiens qui se soumettent à de tels tests sont exposés à la discrimination génétique.

Notre comité a entendu le témoignage de Mme Yvonne Bombard, une scientifique de l'hôpital St. Michael's et professeure adjointe à l'Université de Toronto, dont les recherches portent sur la question la discrimination génétique. Elle s'est intéressée à la question après sa première interaction avec un patient dans une clinique de tests génétiques, qui était revenu discuter des problèmes qu'il avait eus au travail après le dépistage d'une mutation génétique particulière. Son superviseur avait appris les résultats, cet homme avait vu ses responsabilités au travail changer du jour au lendemain.

Mme Bombard s'est donc mise à étudier la discrimination génétique au Canada. Elle nous a expliqué en détail comment les compagnies d'assurance infligent aux gens un traitement discriminatoire, en leur demandant de payer des primes plus élevées ou en refusant carrément de leur offrir une police d'assurance à cause des résultats de tests génétiques. Dans le contexte de l'emploi, Mme Bombard a étudié des cas où des gens avaient été soumis à une surveillance accrue au travail, s'étaient vu refuser des promotions et avaient été contraints à prendre une retraite anticipée, toujours à cause des résultats de tests génétiques. Voici ce qu'elle a dit au comité :

Selon les descriptions fournies et les expériences vécues par ces familles, [la discrimination génétique] est un problème qui ne se limite pas aux domaines de l'assurance et de l'emploi.

Elle a parlé de gens qui, en raison des résultats de leurs tests génétiques, se sont vu refuser le droit d'adopter des enfants, d'obtenir la garde d'enfants ou même d'avoir accès à ceux-ci.

Chers collègues, ce sont là des histoires vraies. Le projet de loi S-201, dans sa forme initiale, aurait aidé à empêcher de telles injustices. Or, ce ne sera pas le cas dans la version modifiée par le comité. Je suis déçu que les collègues de l'autre côté de la Chambre tournent le dos au sort de leurs voisins, et c'est ce que le rapport leur demande de faire. Dans d'autres pays, le gouvernement aide les familles. Pas au Canada. En quoi cela est-il juste? En quoi cela est-il acceptable?

Bev Heim-Myers est présidente-directrice générale de la Société Huntington du Canada. Elle préside également la Coalition canadienne pour l'équité génétique, qui regroupe 17 organismes de santé et autres associations dont les membres sont durement touchés par la discrimination génétique.

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Voici une chose qu'elle a dite au Comité des droits de la personne :

Prenons l'exemple d'un jeune homme en santé à la fin de la vingtaine. Sa femme et lui veulent avoir des enfants au cours des prochaines années. Il a fait une demande d'assurance-vie. Il est en santé, ne fume pas et n'a pas de troubles médicaux. Ses parents et ses frères et sœurs sont aussi en santé et n'ont pas de maladies héréditaires connues. La compagnie d'assurances a rejeté sa demande parce qu'un de ses grands-parents souffre de la SLA, la maladie de Lou Gehrig. Ses parents sont tous les deux en santé et n'ont pas de symptôme de la maladie. La compagnie d'assurances a précisé qu'elle serait prête à réévaluer sa demande s'il se soumettait à des tests génétiques pour prouver qu'il n'a pas la maladie. C'est une situation qui vient tout juste de se produire

Voilà un autre exemple de Canadiens qu'on oblige à passer des tests génétiques.

On a discuté de l'hémochromatose, la maladie du sénateur Wells, pendant les audiences. Clare Gibbons, conseillère en génétique de l'hôpital général de North York, à Toronto, en a parlé. Elle nous a dit qu'un petit nombre seulement de gens ayant la mutation génétique ont une surcharge en fer assez élevée pour provoquer des symptômes. Les gens qui se savent porteurs du gène peuvent, selon ses propres mots, « modifier légèrement leur mode de vie » afin de réduire le risque de développer des symptômes. Elle a dit au comité que l'hémochromatose est « une maladie génétique des plus faciles à prévenir ». Puis, elle a ajouté ce qui suit :

J'ai été très étonnée par le nombre de Canadiens d'un peu partout au pays à qui on a refusé qu'ils souscrivent une police d'assurance-vie et, dans un cas, d'assurance médicale pour voyages, à cause d'un test génétique pour l'hémochromatose, d'autant plus qu'ils ne manifestaient aucun signe de surcharge ferrique. On pourrait croire que c'est une maladie rare, mais elle ne l'est pas tant que ça, puisque 1 personne sur 300 d'ascendance nord-européenne aurait la même constitution génétique que ces patients refusés par les assureurs. La plupart des porteurs de ces mutations ignorent leur situation. Le fait de la connaître soustrait la personne au risque de manifester des symptômes, mais on a retourné ce renseignement contre elle.

Pensez-y, chers collègues : certaines personnes étaient moins susceptibles de manifester des symptômes parce qu'elles avaient accès aux données génétiques, mais cela s'est retourné contre elles. Il ne s'agit malheureusement pas de cas isolés.

Mme Heim-Myers a donné un autre exemple au comité :

Le cas de deux frères dans la vingtaine à risque de souffrir du SQTL, une mutation génétique qui peut provoquer une crise cardiaque mortelle, illustre bien la situation. Le premier a été testé, est porteur de la mutation, sera traité et, en conséquence, ne mourra pas d'une crise cardiaque foudroyante. Il ne pourra pas non plus souscrire une assurance-vie. Le deuxième se cherche un emploi et a refusé de subir un test génétique de peur qu'un employeur en découvre les résultats. Il pourra souscrire une assurance-vie.

Qui gagne dans un scénario où le frère qui n'a pas passé de test souscrit à une assurance et meurt d'une crise cardiaque foudroyante à l'âge de 40 ans, en laissant derrière une femme et de jeunes enfants? Est-ce normal qu'un employeur ne puisse pas poser de question sur la situation familiale d'une personne mais puisse avoir accès à des renseignements génétiques personnels?

Chers collègues, on n'insistera jamais assez sur les coûts humains que l'on devrait assumer si on devait se priver de la protection prévue dans le projet de loi S-201. Dans l'exemple donné par Mme Heim-Myers, un jeune homme de 20 ans pourrait éviter de mourir d'une crise cardiaque foudroyante, mais il hésite à subir un test génétique de peur que cela ne l'empêche de trouver du travail.

Qu'on se le dise : cette crainte de la discrimination génétique est bel est bien ancrée dans la réalité. Laissez-moi vous lire la lettre que m'a envoyée M. Mack Erno, de l'Alberta. Certains d'entre vous l'ont sans doute déjà lue, puisqu'il a fait parvenir la même à tous les sénateurs de l'Alberta. Il nous a écrit pour nous dire qu'il appuie le projet de loi S-201. Selon lui, « il est temps que le Canada s'attaque à la discrimination génétique. Il s'agit d'un véritable fléau dont ma famille a subi les effets ».

Voici ce qu'il a écrit :

Je me considère, en grande partie, comme un Albertain de souche. En effet, je suis né et j'ai grandi dans le Nord de l'Alberta, sur une ferme, près d'une petite collectivité rurale nommée Teepee Creek. J'ai fait mes études secondaires à Sexsmith, en Alberta, où la sénatrice Unger est née et a grandi. J'ai de jeunes enfants — une fille de trois ans et un fils de 2 ans —, je suis propriétaire de ma propre entreprise à Sexsmith, en Alberta, et je consacre une grande partie de mon temps libre à travailler bénévolement pour ma communauté.

Je vais maintenant vous parler brièvement de la discrimination génétique qu'a subie ma famille au Canada. Mon épouse, qui a 34 ans, est porteuse du gène de la maladie de Huntington. Elle a hérité de sa mère cette maladie qu'elle contractera un jour. À l'heure actuelle, elle ne présente aucun symptôme clinique de cette maladie. Au fil des années, nous avons tenté à plusieurs reprises de réclamer une assurance-vie pour elle, mais on nous a répondu chaque fois qu'elle était inassurable. On nous a toujours refusé toute forme de couverture. On ne nous a jamais même proposé un devis exorbitant pour l'assurance-vie. On nous a tout simplement toujours dit qu'aucune couverture ne nous serait offerte, peu importe le prix. N'oubliez pas qu'elle N'A PAS encore cette maladie...

— et qu'elle n'en présente aucun symptôme, chers collègues —

... mais elle est porteuse du gène qui y est associé et la contractera durant sa vie. C'est un exemple parfait de discrimination génétique, et il est temps de faire quelque chose à ce sujet. Si nous permettons que ce genre de discrimination se poursuive, cela m'amène à vous demander : jusqu'où cela va-t-il aller? Nos connaissances génétiques sur l'espèce humaine continueront à s'enrichir. Alors, quelles sont les limites que nous devons fixer en ce qui concerne la discrimination génétique?

Il a contredit les affirmations des assureurs, qui se disent prêts à « assurer toute personne moyennant une prime juste ». Il a décrit l'odyssée de sa famille, qui s'est adressée à un grand nombre de compagnies d'assurance et n'a jamais réussi à obtenir une seule proposition de prix. Pas une seule. Chaque fois, la réponse était négative. L'assureur refusait d'émettre une police. M. Erno écrit ceci :

Je vous envoie la présente [...] pour vous montrer que c'est un problème réel et que ce genre de choses se produit bel et bien.

M. Erno est loin d'être un cas isolé dans notre pays.

Le Dr Ronald Cohn est généticien. Il travaille pour l'hôpital pour enfants de Toronto et illustre le phénomène des cerveaux étrangers que le Canada parvient à attirer. Il a été recruté alors qu'il travaillait pour l'hôpital Johns Hopkins à Baltimore et est venu à Toronto pour y diriger le département de génétique médicale de l'hôpital pour enfants. Il nous a dit qu'au cours de ses années de pratique aux États-Unis, il n'avait jamais rencontré aussi souvent qu'au Canada le problème de la discrimination génétique.

Il nous a raconté l'histoire de la fillette dont le père souffrait de myocardiopathie, une maladie génétique qui touche le myocarde. Il en est si gravement atteint qu'il est sur la liste d'attente des transplantations cardiaques. Évidemment, la famille voudrait éviter que la fillette subisse le même sort. Le Dr Cohn nous a dit que, en sachant si la fillette a le gène, l'équipe médicale serait capable de gérer la maladie assez bien pour éviter de devoir faire une transplantation cardiaque, probablement pendant très longtemps.

Tout le monde serait gagnant dans ce scénario : le système de soins de santé, les autres patients qui ont besoin d'une transplantation cardiaque et surtout la fillette et sa famille.

Toutefois, la famille a téléphoné à des compagnies d'assurance et a appris que, si l'on découvre que la fillette a le gène, elle ne pourra pas être assurée. Il va sans dire que la famille est revenue à la clinique plongée dans une grande détresse. En octobre dernier, au moment où le Dr Cohn est venu témoigner devant le comité, la famille n'avait toujours pas décidé de donner son consentement pour que le test soit effectué.

Le Dr Cohn nous a aussi parlé d'une fillette de 12 ans atteinte d'une maladie du tissu conjonctif. Ses symptômes correspondent à deux syndromes parfois mortels, mais qui sont traités différemment — l'un par des médicaments, l'autre par la chirurgie. La seule façon de savoir de quel syndrome il s'agit, c'est de soumettre la fillette et ses parents à des tests génétiques. Or, ils ne se sont pas encore soumis à ces tests par crainte de discrimination génétique.

Voici ce qu'a déclaré le Dr Cohn au sujet de sa position en tant que clinicien : « Pour le clinicien, le traitement est très différent. Il m'est impossible de traiter l'enfant en question. »

En tant que parent et grand-parent — et honnêtement, en tant que Canadien —, ces histoires me brisent le cœur. Nous forçons ces familles à faire un choix impossible.

(1600)

Je vais citer un dernier exemple tiré du témoignage très éloquent du Dr Cohn, et j'encourage tous ceux qui s'intéressent au sujet à lire les témoignages qui ont été faits devant le comité.

Le Dr Cohn nous a dit que l'hôpital pour enfants a commencé une étude qui offre une analyse génétique complète à 330 patients et à leur famille. Au lieu de le paraphraser, permettez-moi de citer textuellement ce que le Dr Cohn a dit dans son témoignage :

Comprenez bien qu'il s'agissait dans tous les cas de familles avec des enfants très malades. Tous ces enfants avaient de nombreux problèmes de santé. Plus de 33 p. 100 de ces familles ont refusé de prendre part à notre étude sans frais parce qu'ils craignaient la discrimination génétique. Je dois vous dire que je trouve cette proportion très alarmante. Certaines de ces familles sont en quête d'un diagnostic depuis de nombreuses années et voilà que je leur offre l'occasion d'obtenir sans doute une réponse, mais il la rejette de crainte de discrimination génétique.

Ces enfants ont besoin d'aide, mais leurs parents ont peur, et leurs craintes sont légitimes.

Chers collègues, ce n'est pas une question de politique partisane. On parle ici de vrais Canadiens qui veulent obtenir les soins de santé dont ils ont besoin — pour mener une vie saine et productive, payer leurs impôts et diriger des entreprises qui créent des emplois — afin qu'ils puissent jouir de la qualité de vie à laquelle nous sommes tous en droit de nous attendre dans un pays aussi favorisé que le nôtre.

En Israël — l'un des nombreux pays qui offrent une protection contre la discrimination génétique —, on discute actuellement d'encourager le test diagnostic universel chez les femmes pour le gène BRCA. Les Israéliens sont conscients du fait que ces résultats peuvent prévenir le développement du cancer du sein, et cela est perçu comme quelque chose qui est dans l'intérêt de l'État d'Israël.

Israël n'est pas un cas isolé. Ce débat a également cours aux États-Unis, où la généticienne Mary-Claire King, qui a découvert le gène BRCA, recommande des tests génétiques pour toutes les femmes de plus de 30 ans.

Au Canada, chers collègues, nous ne pouvons même pas tenir ce débat de façon responsable. Comment pouvons-nous même songer à proposer des tests génétiques universels en sachant que cela risque de donner lieu à de graves problèmes de discrimination génétique pour ces femmes?

Le président Obama a lancé récemment une nouvelle initiative en matière de santé. Il l'a annoncée dans le discours sur l'état de l'Union, en janvier. Il s'agit de la Precision Medicine Initiative, et elle devrait révolutionner les méthodes d'amélioration de la santé des Américains et le traitement des maladies. Cette initiative fournira des traitements et des conseils médicaux non pour le « patient moyen », comme c'est le cas maintenant, mais pour la personne qui se trouve devant le médecin.

Ce genre de médecine personnalisée veut dire que le traitement va aux bons patients, à ceux qui en ont vraiment besoin, qu'il est administré au bon moment, avec le bon médicament. On réalise ainsi des économies, on améliore les traitements et, en général, on améliore la santé de la population. Mais les tests génétiques sont un point de départ fondamental pour cette initiative.

Chers collègues, l'écrasante majorité des témoignages entendus par le Comité des droits de la personne étaient fortement favorables à l'adoption rapide du projet de loi, ce qui n'a rien d'étonnant pour moi. Au cours des audiences, deux objections ont toutefois été soulevées, et je vais prendre quelques minutes pour en parler.

D'abord, le secteur de l'assurance s'oppose au projet de loi. Même si c'est décevant, c'était prévisible. Comme on nous l'a dit, ce secteur est probablement celui qui utilise le plus les renseignements génétiques pour faire de la discrimination à l'encontre de certains Canadiens, et il se bat pour pouvoir continuer à le faire.

Les assureurs soutiennent qu'ils n'exigent pas des patients des tests génétiques, mais ils prétendent avoir le droit d'exiger les résultats de tout test génétique subi par le passé.

Comme je l'ai dit, le comité a appris que, en fait, des compagnies d'assurance exigent des tests génétiques. On nous a raconté que des gens se sont fait dire : « Prouvez-nous que vous n'avez pas ce gène, et nous allons vous assurer. »

Les assureurs prétendent que, s'il leur est interdit de prendre connaissance des résultats de tests génétiques, les primes vont augmenter radicalement pour tous les Canadiens. Chers collègues, cette assertion n'est pas confirmée par l'expérience de nombreux pays qui ont interdit aux compagnies d'assurance de consulter ces résultats.

Au Royaume-Uni, par exemple, les assureurs n'ont pas accès aux résultats de tests génétiques depuis 2001. Durant les 11 années qui ont suivi, soit jusqu'à la fin de 2012, les primes d'assurance-vie temporaire et les coûts des assurances pour les maladies graves n'ont pas augmenté. En réalité, ils ont baissé de près de 25 p. 100.

D'autres pays appliquent depuis 10 ou 20 ans cette interdiction de la discrimination génétique. Le secteur de l'assurance a survécu, dans ces pays-là, et je suis sûr qu'il survivrait chez nous également.

La deuxième objection était d'ordre constitutionnel. C'est une question que je prends très au sérieux. C'est la thèse centrale, et même la seule, que la sénatrice Frum a présentée au Sénat pour justifier le rapport du comité qui vide mon projet de loi de toute sa substance. Cet argument a été utilisé pendant l'étude article par article par la sénatrice Andreychuk, qui s'est appuyée sur le témoignage de Pierre Thibault, professeur de droit à l'Université d'Ottawa. M. Thibault a soutenu que « [l]e caractère véritable du projet de loi S-201 est ainsi la réglementation du domaine de l'assurance », qui est de ressort provincial. Voilà ce que la sénatrice Frum n'a pas manqué de répéter ici même.

Chers collègues, cela m'a franchement étonné, car il n'est question d'assurance que dans un seul article du projet de loi, le sixième. Il prévoit une exemption à l'interdiction générale d'exiger la communication de résultats de tests génétiques. Il aurait permis aux compagnies d'assurance d'exiger cette communication lorsqu'une personne veut souscrire une assurance très élevée. Il était donc conçu pour aider les assureurs. De plus, nous avons ajouté, dans ce même article, que l'exemption s'applique seulement lorsque la province a légiféré pour la permettre.

C'est le seul endroit dans le projet de loi où le mot « assurance » apparaît. C'est l'article que M. Thibault a cité lorsqu'il a conclu que le projet de loi portait essentiellement sur la réglementation de l'industrie de l'assurance.

Comme je l'ai mentionné pendant l'étude article par article, je ne m'objecterais pas à ce que cet article soit supprimé s'il suscite des préoccupations d'ordre constitutionnel. Supprimons-le. Le reste du projet de loi se tient. Il n'a pas besoin de cet article pour être cohérent.

J'étais d'avis, et je le suis toujours, que le projet de loi vise à interdire et à prévenir la discrimination génétique où qu'elle se manifeste. Il est clair que l'industrie de l'assurance a été à l'origine d'une bonne partie de ce type de discrimination, alors elle pourrait se sentir visée, comme la sénatrice Frum l'a laissé entendre — mais ce n'est pas le but de ce projet de loi. Il ne prétend pas s'en remettre à aucun pouvoir pour réglementer l'industrie de l'assurance. Le projet de loi S-201 s'appuie sur le pouvoir du droit criminel fédéral — que tout le monde, dont M. Thibault, et aussi la sénatrice Frum je présume, reconnaît être de compétence fédérale. Le projet de loi dirait à tout le monde qu'au Canada, il est inadmissible de demander à une personne de passer un test génétique ou de dévoiler les résultats d'un test antérieur avant d'accepter de signer un contrat avec elle ou de lui fournir un service — quel que soit le type de contrat ou de service. C'est une question de valeurs et de principes canadiens.

La sénatrice Nancy Ruth a rencontré Michel Patrice, légiste du Sénat, pour obtenir des précisions concernant les questions de constitutionnalité soulevées par la sénatrice Andreychuk. Voici ce que la sénatrice Nancy Ruth a rapporté au comité :

Hier, j'ai rencontré Michel Patrice, légiste du Sénat, afin de tirer au clair les questions que la sénatrice Andreychuk a soulevées et qui m'ont quelque peu décontenancée. Le légiste m'a indiqué très clairement que le projet de loi portait essentiellement non pas sur le secteur de l'assurance, mais sur le pouvoir en matière criminelle d'interdire les politiques discriminatoires, lequel est prévu à l'article 91.27 de la Constitution. Je lui ai demandé de me dire si les compagnies d'assurance, dans l'éventualité où le court passage sur l'assurance leur déplairait, intenteraient des poursuites contre les personnes ayant été victimes de discrimination en raison des politiques, et il m'a répondu qu'elles ne feraient pas cela, mais qu'elles tenteraient d'obtenir un jugement déclaratoire d'une cour supérieure, probablement dans la province où leur siège social respectif est établi.

Le plus intéressant, c'est qu'il m'a rappelé au moins deux autres secteurs de juridiction provinciale dont les règles sont fixées par le gouvernement fédéral. Il m'a entre autres donné l'exemple des sociétés de prêt sur salaire : les taux d'intérêt criminels — donc, qui sont considérés comme usuraires — relèvent du droit fédéral alors que la réglementation du secteur incombe aux provinces. [...] il m'a rappelé [le] cas des publicités s'adressant aux enfants, domaine de ressort provincial à l'égard duquel le gouvernement fédéral exerce son pouvoir en matière criminelle — comme nous voulons qu'il le fasse dans le cadre du projet de loi — d'interdire certaines publicités visant les enfants.

(1610)

Voilà, chers collègues, l'avis juridique très clair de notre propre juriste et conseiller législatif.

Évidemment, notre légiste n'est pas le seul à croire que la Constitution nous autorise à interdire aux sociétés d'assurance et aux employeurs de pratiquer la discrimination génétique. Le gouvernement Harper lui-même est convaincu que ce serait possible aux termes de la Constitution. Comme je l'ai fait remarquer plus tôt, dans son discours du Trône de 2013, le gouvernement a dit qu'il empêcherait « les employeurs et les compagnies d'assurance de faire de la discrimination sur la base d'analyses génétiques. » Donc, le premier ministre Harper et son gouvernement pensent bel et bien que le Parlement du Canada a l'autorité constitutionnelle de légiférer dans le dossier.

Comme je l'ai dit plus tôt, honorables sénateurs, le Sénat est saisi du projet de loi depuis maintenant deux ans. Aucune province dans tout ce temps ne s'est manifestée pour affirmer que le projet de loi empiéterait sur ses compétences. Bien au contraire, Mme Heim-Myers a affirmé au comité avoir parcouru le pays pour rencontrer des représentants de gouvernements provinciaux et leur parler de la nécessité de s'attaquer à la discrimination génétique. Je lui ai demandé si elle avait découvert ou entendu des manifestations d'opposition au projet de loi venant des provinces.

Voici ce qu'elle a répondu :

Non, absolument pas. La question qui revient tout le temps, c'est « Que fait-on au niveau fédéral? »

Elle nous a également dit ceci :

[...] les provinces attendent généralement de voir ce que fera le gouvernement fédéral, et elles lui emboîteront le pas. C'est une attente positive; elles ne sont pas inquiètes. Elles ne considèrent pas qu'on joue dans leurs platebandes. Elles ont hâte de passer à l'action.

Dans sa version originale, le projet de loi S-201 aurait ajouté les « caractéristiques génétiques » à la liste de motifs de distinction illicite dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. La Commission canadienne des droits de la personne a appuyé cette proposition sans réserve.

Voici ce qu'a déclaré son représentant :

Premièrement, il faut interdire la discrimination fondée sur des caractéristiques génétiques, de manière à protéger les Canadiens contre le risque de voir leurs renseignements génétiques être utilisés à leur désavantage.

Deuxièmement, en ajoutant les « caractéristiques génétiques » à la liste de motifs de distinction illicite, on permettrait à la population canadienne de porter plainte à la commission sans avoir à invoquer d'autres motifs, comme c'est le cas à l'heure actuelle.

Troisièmement, si cette protection était inscrite noir sur blanc dans la loi, il deviendrait clair que chaque personne a le droit d'être traitée équitablement, quelles que soient ses caractéristiques génétiques.

La sénatrice Frum a soulevé deux préoccupations connexes. La première durant l'étude article par article au comité et l'autre ici, au Sénat. Durant l'étude article par article, elle a expliqué son intention de voter contre ces modifications législatives.

Voici ce qu'elle a dit :

Je crois que, si le comité décide d'aller de l'avant, je serais à l'aise avec les dispositions ayant trait au Code canadien du travail — vu qu'il relève clairement de la compétence fédérale —, mais non pas avec les articles 1 à 7 ni l'article ayant trait à la Loi sur les droits de la personne, selon laquelle les caractéristiques génétiques font partie des motifs de distinction illicite, vu que nous avons également entendu des représentants de compagnies d'assurance mentionner que ces dispositions s'appliquaient à eux.

Ce que j'essaie de dire, c'est que l'assurance est un domaine de ressort provincial. Les articles en question portent sur l'assurance. Les provinces diront peut-être que, en raison de la nature de la question, elles sont à l'aise avec une telle ingérence dans l'un de leurs domaines de compétence, mais je ne crois pas que quiconque ici puisse affirmer que nous n'avons pas affaire en l'occurrence à une ingérence dans un secteur de compétence provinciale. Il s'agit tout simplement d'un fait.

Chers collègues, c'est très étrange. La sénatrice Frum a laissé entendre que le Parlement du Canada n'a pas le pouvoir constitutionnel de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne, une loi fédérale. À mon avis, tout le monde — à l'exception peut-être de la sénatrice Frum — reconnaît et convient que nous avons le pouvoir législatif de modifier une loi que nous avons adoptée.

Son affirmation selon laquelle les compagnies d'assurance ont dit que la loi s'appliquait à elles est tout simplement erronée. David Langtry, président par intérim de la Commission canadienne des droits de la personne, a été très clair lors de son témoignage devant notre comité.

Voici ce qu'il a déclaré :

En vertu de la loi actuelle, l'industrie des assurances ne relève pas de notre compétence. Notre mandat touche les entreprises du secteur privé sous réglementation fédérale, donc les sociétés des secteurs du transport, des télécommunications et des banques, mais pas les compagnies d'assurances.

Encore une fois, chers collègues, il y a de quoi se poser des questions sur la pertinence des préoccupations dont nous ont fait part les représentants de l'industrie des assurances. Mais j'ai aussi été étonné de constater que la sénatrice Frum avait accepté les préoccupations de cette industrie, qui ont été manifestement contredites par le président de la commission lui-même, puis qu'elle a voté contre les dispositions des projets de loi en raison de ces affirmations inexactes.

Encore une fois, je pense que cette situation nous montre que le rapport dont nous sommes saisis présente des problèmes très graves.

Dans cette enceinte, la sénatrice Frum a présenté un argument légèrement différent, mais, comme vous pourrez le constater, il était fondé sur la même prémisse erronée. Elle a déclaré être préoccupée par le fait que l'expression « caractéristiques génétiques » n'était pas définie dans le projet de loi. Ce qui rejoint ses préoccupations, c'est que, compte tenu de l'absence d'une définition, on pourrait interdire à l'industrie des assurances de poser des questions sur les antécédents médicaux d'une personne.

Honorables sénateurs, je précise de nouveau que l'industrie des assurances ne tombe pas sous le coup de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le terme utilisé, quel qu'il soit, n'aura donc aucune incidence sur celle-ci.

Pour ce qui est de la définition, c'est bien dommage que la sénatrice Frum n'ait pas assisté à l'audience du comité lorsqu'il a entendu des représentants de la Commission canadienne des droits de la personne. Elle aurait pu poser des questions à ce sujet. Personne n'a demandé aux représentants de la commission si l'absence d'une définition posait problème. Je souligne également qu'aucun des représentants de la commission n'a soulevé de questions sur l'absence d'une définition ou n'a demandé que le projet de loi en contienne une.

En fait, la sénatrice Ataullahjan a posé la question tout juste avant le témoignage de la commission, pendant l'audience au cours de laquelle a comparu le professeur Thibault, le professeur de droit constitutionnel sur lequel s'est appuyée la sénatrice Frum.

Voici ce que le professeur Thibault a répondu à la question de la sénatrice Ataullahjan :

[...] sénatrice, [...] à partir du moment où on définit une expression, on la restreint. Comme on ne connaît pas l'avenir, je pense qu'on doit laisser le soin aux tribunaux d'interpréter de façon large les droits et libertés prévus dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je pense que l'expression telle qu'elle est énoncée est correcte.

En résumé, honorables sénateurs, l'absence de définition n'a gêné ni la Commission des droits de la personne, qui serait chargée d'appliquer la loi, ni le juriste qui avait été convoqué par les députés d'en face précisément pour obtenir son opinion juridique sur le projet de loi.

La commission a très clairement établi que l'affirmation de la sénatrice Frum voulant que les modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne pourraient viser les compagnies d'assurance ne s'appuyait tout simplement pas sur des faits. En outre, modifier notre propre loi fédérale ne pose pas de problème sur le plan constitutionnel.

Soyons clairs. Nous ne sommes pas en présence d'un véritable problème constitutionnel, mais plutôt d'un problème très grave en matière de politique publique. Comment pouvons-nous trouver un juste équilibre? Manifestement, la sénatrice Frum accorde la plus haute importance aux préoccupations exprimées par l'industrie de l'assurance. Je conviens tout à fait que cette industrie est importante, mais bien franchement, entre ses intérêts et la santé et le bien-être des Canadiens, je sais de quel côté je me range. Je suis rassuré de constater qu'ailleurs dans le monde, dans les pays qui ont trouvé l'équilibre que je propose d'établir, l'industrie de l'assurance survit et se débrouille très bien.

C'est l'un des rares cas où tout le monde est gagnant. Voici un exemple que j'ai proposé à plusieurs témoins. Supposons qu'à notre insu, le sénateur Carignan et moi-même ayons la même mutation génétique associée à une maladie particulière. Il subit des tests, découvre qu'il a le gène en question et prend des mesures pour réduire ses chances de développer la maladie. Toutefois, quand il cherche à obtenir de l'assurance, on lui demande des primes élevées ou on refuse carrément de le couvrir parce qu'il a le gène.

De mon côté, je ne me soumets pas aux tests, de sorte que je ne sais pas que j'ai le gène. Comme je n'ai aucune prédisposition génétique connue, mon assurance est peu coûteuse. Toutefois, comme je ne sais pas que j'ai le gène, je ne prends pas les mesures préventives que le sénateur Carignan a adoptées pour changer son mode de vie. Comme je ne sais pas ce que j'ai à faire, je développe la maladie.

(1620)

Mon assureur doit honorer ma police. Le système de santé assume le coût de mon traitement. Mais comment mesurer le prix de la baisse de ma qualité de vie et de ses effets sur ma famille?

Bref, je paie des primes moindres, mais j'impose des coûts élevés à ma compagnie d'assurances. De son côté, le sénateur Carignan paie des primes élevées, mais son assureur n'a rien à débourser, car, par suite de son bon sens, il a pris des mesures préventives quand il a appris qu'il portait le gène.

En fait, ceux qui se soumettent aux tests subventionnent les primes d'assurance moindres de ceux qui ne le font pas.

N'est-ce pas insensé? Qu'est-ce que cela signifie pour la compagnie d'assurances et, ce qui est plus important, qu'est-ce que cela signifie pour nous, législateurs, qui sommes chargés d'élaborer la meilleure politique publique possible? Comment cela peut-il servir les intérêts des Canadiens?

Honorables sénateurs, aucun d'entre nous n'a une structure génétique parfaite. C'est un problème qui peut toucher n'importe quel Canadien. Depuis que j'ai déposé mon projet de loi, j'ai été surpris de voir combien de personnes sont venues me raconter leur histoire. Il est facile de comprendre que les gens gardent le silence parce qu'ils craignent d'être victimes de discrimination génétique. Toutefois, lorsqu'ils entendent parler du projet de loi, il arrive souvent qu'ils viennent discrètement parler de leur propre expérience.

Lorsque j'ai participé au débat à l'étape de la deuxième lecture, j'ai expliqué que lorsque j'avais pris la parole pour la première fois sur ce projet de loi en avril 2013, un membre de mon personnel a reçu un courriel d'une employée d'un autre bureau du Sénat disant qu'elle avait l'impression que je parlais d'elle. Plus récemment, comme j'assistais à une réception sur la Colline, j'ai parlé à mes collègues de l'autre endroit du projet de loi S-201. Une parlementaire que je connaissais depuis quelques années m'a alors révélé qu'elle avait appris, après avoir subi des tests génétiques, qu'elle avait le gène BRCA. Elle a eu une opération. Ainsi, elle a sensiblement réduit ses chances de développer un cancer du sein. Elle a cependant ajouté qu'elle avait des enfants et des petits-enfants. Les membres de sa famille doivent maintenant prendre la difficile décision de subir ou non des tests. Ils craignent d'être victimes de discrimination génétique.

Honorables collègues, permettez-moi de résumer ce qui s'est produit et d'analyser la situation dans laquelle nous nous trouvons compte tenu du rapport du Comité des droits de la personne dont nous sommes saisis.

J'ai proposé le projet de loi S-201 afin d'offrir une solution à un problème réel et sérieux qu'un nombre croissant de Canadiens doivent affronter. Il a été bien accueilli par la plupart des gens en dehors du secteur de l'assurance. J'ai dit depuis le début, il y a plus de deux ans, que je serais heureux de recevoir des propositions d'amendement destinées à améliorer le projet de loi. Aucun amendement et aucune amélioration n'ont été proposés par l'autre côté. Après des mois de retard, une fois que l'étude article par article a finalement eu lieu, la majorité du comité a simplement rejeté toutes les dispositions du projet de loi à part trois.

Ce qui reste du projet de loi, qu'on nous demande maintenant d'adopter, forme une mesure pour le moins bizarre. Elle comprend une modification du Code canadien du travail, qui est utile mais nécessairement limitée, et une nouvelle loi consistant en un titre, Loi sur la non-discrimination génétique, en un article de définitions et rien d'autre. Il y a un article de définitions sans qu'il y ait rien à définir. C'est comme si on créait un dictionnaire pour une langue qui n'existe pas.

Comment en sommes-nous arrivés à ce résultat absurde?

Eh bien, il était clair que la plupart des gens de l'autre côté siégeant au comité n'étaient pas prêts à entreprendre l'étude article par article du projet de loi, même s'ils avaient tous été informés du fait que c'était le premier point à l'ordre du jour de cette réunion et que le comité avait fini d'entendre les témoins plus de deux mois plus tôt. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la sénatrice Frum a demandé au comité de suspendre ses délibérations pour qu'elle et ses collègues puissent « se consulter » avant d'entreprendre l'étude article par article. Cette étude elle-même a été l'une des plus étranges qu'il m'ait été donné de voir dans les 10 ans que j'ai passés au Sénat.

Comme je l'ai dit, la sénatrice Frum a expliqué qu'elle allait voter en faveur de la suppression des modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne parce que le secteur de l'assurance avait dit qu'il serait assujetti aux dispositions en question. Pourtant, dans son témoignage, le président de la Commission canadienne des droits de la personne avait dit clairement et sans équivoque que la loi ne s'appliquait pas au secteur de l'assurance. Par conséquent, la sénatrice Frum, et très probablement ses collègues aussi, ont voté contre les dispositions en question pour une raison que contredisaient clairement les témoignages reçus.

Entre-temps, la majorité des conservateurs du comité s'est prononcée contre les dispositions qui auraient interdit à quiconque, y compris le gouvernement fédéral, d'imposer des tests génétiques après que la sénatrice Eaton a appris, en réponse à une question qu'elle avait posée, que ces dispositions, si elles étaient adoptées, auraient interdit au gouvernement de soumettre des candidats à l'immigration à des tests génétiques, pour que nous puissions déterminer, aux dires de la sénatrice Eaton, « s'ils représenteront un fardeau pour notre système de santé ».

Honorables collègues, comme je l'ai dit au début, c'est l'un des rares cas où je crois que le Sénat devrait rejeter un rapport de comité. Le rapport ne reflète pas les témoignages que le comité a entendus. Il modifie le projet de loi de telle sorte qu'il en devient absurde et ce, en dépit du fait que le Sénat l'avait déjà approuvé en principe. J'estime que c'est tout simplement une mauvaise politique publique.

Je vous demande de vous joindre à moi pour rejeter le rapport du comité et rétablir le projet de loi que nous avions adopté à l'étape de la deuxième lecture. Si les sénateurs ont des améliorations à proposer, je m'en féliciterai. Nous pourrons les débattre à l'étape de la troisième lecture.

Ce n'est pas, je le répète, une question partisane, et elle ne devrait pas l'être. Chacun des trois grands partis politiques du Canada a été favorable, à un moment ou un autre, à l'interdiction de la discrimination génétique. En fait, le gouvernement a dit qu'il interdirait cette discrimination en octobre 2013. Jusqu'ici, il n'a déposé aucun projet de loi à ce sujet et, compte tenu des prochaines élections, il est peu probable qu'il ait le temps d'honorer l'engagement qu'il avait pris dans le discours du Trône.

Chers collègues, entre-temps, il y a des Canadiens dont la santé et la vie sont en jeu.

Mettons de côté la partisanerie et unissons nos forces pour faire la bonne chose. Joignons-nous aux nombreux pays qui interdisent également la discrimination génétique et aidons les familles canadiennes à avoir accès, sans crainte, à l'ensemble des soins de santé que la médecine moderne peut offrir.

L'honorable Ghislain Maltais (Son Honneur le Président suppléant) : Sénateur Cowan, accepteriez-vous de répondre à une question du sénateur Baker?

Le sénateur Cowan : Bien entendu.

L'honorable George Baker : Merci. J'ai écouté avec un certain étonnement le sénateur Cowan nous raconter ce qui s'est passé au comité.

Comme nous le savons tous, un comité doit respecter le principe et la portée des projets de loi dont il est saisi. Il ne peut pas adopter d'amendements qui modifient le principe du projet de loi. Si vous consultez toutes les lignes directrices sur les procédures, comme je viens de le faire, il est écrit ici à la page 331 : « [...] tout amendement proposé en comité doit respecter le principe et la portée du projet de loi et être pertinent. » Un peu plus bas, nous pouvons lire qu'un « amendement doit respecter le principe du projet de loi visé, cadrer avec sa portée et être pertinent. »

Vous avez résumé le principe de votre projet de loi. Cela se trouve dans le sommaire du projet de loi. Je ne vais pas réciter tout le paragraphe, mais il commence ainsi :

Le texte interdit à quiconque d'obliger une personne à subir un test génétique ou à en communiquer les résultats comme condition requise pour lui fournir des biens et services, pour conclure [...]

Et cetera.

Vous affirmez que le comité a amendé votre projet de loi pour retirer 8 de ses 11 articles et son principe. Nos règles l'interdisent.

Pourriez-vous soulager ma frustration? Je suis là depuis plus longtemps que vous, et je n'arrive pas à comprendre comment le Sénat peut examiner des amendements qui retirent le principe du projet de loi — son texte. Pourriez-vous répondre à cette question?

Le sénateur Cowan : Merci de votre question, sénateur Baker. Comme vous le savez, je ressens la même frustration que vous.

(1630)

Je me suis penché sur le problème et j'ai conclu que la meilleure façon de procéder consistait à demander au Sénat de rejeter le rapport, pour que notre débat à l'étape de la troisième lecture porte sur la version initiale du projet de loi, que nous avions approuvée en principe à l'étape de la deuxième lecture. J'ai pensé que, plutôt que d'avoir une dispute procédurale sur la légitimité des amendements adoptés par le comité, à savoir si la règle s'appliquait à eux ou non, il serait préférable de présenter mes arguments à mes collègues sénateurs et de les prier de rejeter le rapport du comité. Ainsi, le projet de loi arriverait à l'étape de la troisième lecture dans la version qui avait été présentée aux étapes des première et deuxième lectures, et que le Sénat avait approuvée en principe. Les sénateurs — comme je l'ai mentionné à la fin de mon allocution — seraient alors invités à proposer des améliorations ou des amendements à l'étape de la troisième lecture.

À cette étape-ci, je suis d'avis que la meilleure façon de procéder est de demander au Sénat de rejeter le rapport plutôt que de nous engager dans une dispute au sujet des règles.

Son Honneur le Président suppléant : Sénateur Cowan, acceptez-vous de répondre à une autre question? Sénateur Joyal, je vous en prie.

L'honorable Serge Joyal : Monsieur le Président, j'ai vu la sénatrice Cordy lever la main. Peut-être veut-elle poser sa question avant. Je poserai la mienne ensuite.

[Français]

Son Honneur le Président suppléant : Je regrette, sénateur Joyal, je vous ai vu après le sénateur Baker. Sénatrice Cordy, vous aurez la parole après le sénateur Joyal.

[Traduction]

D'accord?

Le sénateur Joyal : Je vous présente mes excuses. Je voulais tout simplement que la sénatrice Cordy puisse poser sa question.

La question que vous soulevez, sénateur Cowan, qui est aussi soulevée dans ce projet de loi, est une question tout à fait fondamentale. Essentiellement, c'est une question de discrimination. L'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés indique très clairement qu'il est interdit de pratiquer la discrimination fondée sur un handicap mental ou physique. Je vais d'abord lire l'article 15 de la Charte en anglais :

Every individual is equal before and under the law and has the right to the equal protection and equal benefit of the law without discrimination and, in particular, without discrimination based on race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age...

— et voici maintenant l'argument que je tenais à faire valoir —

... or mental or physical disability.

Le terme employé en anglais est bien « disability », et non « handicap ».

[Français]

C'est encore plus clair en français.

[Traduction]

Voici ce qu'indique la version française :

[Français]

[...] notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge [...]

Et j'insiste :

[...] les déficiences mentales ou physiques.

[Traduction]

Il est très clair que, si vous portez le gène d'une maladie grave, il s'agit d'une déficience physique, d'une invalidité physique. Il me semble que la première question que nous devons nous poser, c'est si, par le passé, les tribunaux ont interprété cet article de la Charte, l'article 15, pour déterminer quand un employeur, un organisme... On peut penser à toutes sortes de situations. Prenons par exemple l'armée. L'armée pourrait ne pas vouloir embaucher une personne ayant une déficience qui pourrait l'empêcher de servir le pays dans certaines circonstances. C'est tout pour cet exemple, qui m'est tout simplement venu à l'esprit.

Autrement dit, avez-vous vérifié si les tribunaux avaient interprété cet article de la Charte de telle manière qu'elle s'applique dans les divers contextes où on pourrait être contraint de subir un test pour avoir droit à un avantage, ce qui, à mon avis, serait visé par l'article 15 de la Charte?

Le sénateur Cowan : Je ne suis au courant d'aucune décision de quelque tribunal qui porterait sur la question, et je ne suis pas sûr de pouvoir aller jusqu'à dire qu'une caractéristique génétique serait considérée comme une invalidité. Comme je l'ai dit, c'est une prédisposition génétique à avoir un certain problème qui pourrait être une invalidité, mais je ne suis pas sûr que le fait d'avoir un gène ou une mutation génétique puisse être considéré en soi comme une invalidité. Je ne suis au courant d'aucun litige qui aurait porté sur ce point.

Nous avons entendu des témoignages selon lesquels les autorités fédérales peuvent légiférer pour interdire la discrimination contre des groupes de personnes — pas des individus, mais des groupes — et c'est le point qui nous occupe.

Le sénateur Joyal : Lorsque la Charte a été adoptée en 1982, la génétique de l'ADN était tout à fait une science balbutiante. Elle était presque inexistante. C'était le tout début. Pourrait-on être victime de discrimination à cause d'une déficience physique? Un gène pourrait être considéré comme une déficience physique. Si j'ai les gènes de la maladie de Lou-Gehrig, ce qui n'est pas le cas, je l'espère, mais je n'ai jamais subi de test... Si on est porteur de cette maladie, c'est une déficience physique. Il est possible que, à un certain moment de mon existence, la maladie se manifeste. Si on exerce de la discrimination parce qu'une personne risque de contracter cette maladie, alors, à mon avis, on peut soutenir qu'il pourrait y avoir là une façon de réglementer le secteur de l'assurance en interdisant un motif de discrimination. Une société d'assurance pourrait dire : « D'après notre interprétation de la durée de vie d'une personne non blanche dans un contexte particulier... » Je songe aux Autochtones, et je demande au sénateur Watt de bien écouter ceci. Nous savons tous, grâce aux rapports de Statistique Canada, que les Autochtones ne vivent pas aussi longtemps que les autres Canadiens; une société d'assurance pourrait donc prétendre qu'elle doit leur imposer des primes différentes parce qu'ils vivent moins longtemps.

Parce que nous avons interdit la discrimination fondée sur la race, une société d'assurance ne peut pas prétendre qu'on gâche son activité si on l'empêche d'établir les justes primes en fonction du motif pour lequel la discrimination est interdite. Il me semble qu'il doit y avoir une certaine logique dans le système.

La Charte remonte à 1982 et on s'attendait à une longue période libérale. En 1982, nous ne savions pas que l'ADN existait. Aujourd'hui, nous savons qu'il existe. Il fait même l'objet d'une science très exacte, et des contestations sont possibles. Si on oblige quelqu'un à se soumettre à des tests pour déceler des faiblesses génétiques, je crois qu'il y a discrimination. Selon moi, c'est clairement de la discrimination.

Il me semble très important que votre projet de loi tienne compte du fait que nous reconnaissons des motifs de distinction illicite, et que ces motifs peuvent évoluer dans le temps. Comme le gouvernement peut légiférer à cet égard, il ne régit pas les activités de la société ou ce type d'activité, pas plus qu'il ne le fait s'il impose le respect de l'égalité sans égard au genre, à la race, au sexe ou à l'origine nationale.

Le sénateur Cowan : Merci de ces observations, sénateur Joyal. Nous avons essayé de nous attaquer au problème au moyen d'une modification de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui aurait compris l'expression « caractéristiques génétiques », et je crois que ce serait une façon de s'occuper du genre de chose dont nous discutons. Ce n'est peut-être pas aussi efficace qu'une mention expresse dans la Charte des droits et libertés, mais cela permettrait au moins d'offrir une protection générale à tous les Canadiens. Comme je l'ai dit, c'est l'une des dispositions qui ont été supprimées du projet de loi. Je vais assurément examiner les points que vous soulevez, mais je n'ai rien à ajouter pour l'instant.

(1640)

L'honorable Jane Cordy : Merci, sénateur Cowan, du travail exceptionnel que vous avez accompli pour présenter ce projet de loi afin de rendre la discrimination génétique illégale. Merci beaucoup.

Comme l'a dit le sénateur Joyal, les données génétiques sont manifestement plus faciles à obtenir en 2015 qu'il y a 10 ou 15 ans. Je pense que nous devons nous assurer que l'information ainsi obtenue est utilisée avec discrétion et beaucoup de prudence.

Je suis ravie du nombre de Néo-Écossais qui m'ont parlé du projet de loi que vous avez proposé. Ils étaient très au courant du dossier. Je suis certaine que, comme moi, vous avez tous reçu beaucoup de courriels à ce sujet.

J'ai un de ces courriels avec moi. J'aimerais en citer quelques extraits, puis vous poser une question à son sujet. Je suis très déçue que la majorité conservatrice ait saccagé le projet de loi à l'étape du comité, surtout à la lumière des observations du sénateur Baker, selon qui cette démarche enfreint le Règlement du Sénat puisqu'elle se trouve à modifier le principe qui sous-tend le projet de loi que vous avez proposé.

Je cite un extrait du courriel que j'ai reçu :

Les médias canadiens s'intéressent aux histoires qui concernent la protection des renseignements personnels, un dossier dont s'occupe également la Chambre des communes.

L'auteur continue ainsi :

Cependant, les lois canadiennes autorisent, voire favorisent l'utilisation d'un renseignement personnel essentiel et fondamental : l'ADN de la personne.

Puis, il ajoute ceci :

La discrimination génétique est tout à fait réelle. Selon un principe bien établi, personne ne devrait subir de la discrimination en raison d'un handicap. Pourtant, des lois vétustes permettent encore aux compagnies d'assurance de faire de la discrimination en raison d'un handicap perçu ou du risque d'être un jour handicapé.

Voilà un extrait d'un courriel qui me semble très important. Votre projet de loi portait essentiellement sur le risque d'un handicap futur.

Compte tenu des changements apportés à votre projet de loi par la majorité conservatrice, qui l'a vidé de sa substance, les gens éviteront-ils les tests génétiques de peur que les compagnies d'assurance ou les employeurs mettent la main sur les résultats? Compte tenu de l'efficacité avérée des diagnostics et des traitements précoces pour lutter contre certaines maladies, qu'arrivera-t-il si les gens ont peur de recevoir un diagnostic issu d'un test génétique?

Je n'ose même pas imaginer ce que doivent ressentir les parents ou les grands-parents qui ont peur qu'un enfant subisse un test génétique parce qu'il risque ainsi de ne plus pouvoir obtenir une police d'assurance pour le reste de sa vie.

Le sénateur Cowan : Merci, madame la sénatrice Cordy. Je suis d'accord. J'ai eu l'occasion de parler à des gens et d'écouter les témoignages devant le comité. Il y a une différence entre les adultes et les enfants. Il arrive que des adultes doivent décider s'ils subissent un test. La personne veut-elle savoir, oui ou non? C'est une grosse décision à prendre. Certains veulent savoir et d'autres ne le veulent pas. On peut prendre une telle décision à l'âge adulte quand on n'a pas à s'inquiéter de devoir subir de la discrimination selon les résultats du test.

Cependant, pour moi, les témoignages ou les récits les plus émouvants sont ceux des parents qui parlent de leur enfant malade et de la proposition d'un médecin qui leur dit qu'un test existe et lui permettra de mieux traiter leur enfant. Évidemment, les parents diraient oui tout de suite si ce n'était de la suite de l'explication, lorsque le médecin les prévient que, si le test révèle la présence du gène, l'enfant risque de ne plus pouvoir obtenir une police d'assurance ou un emploi. Que faire?

J'ai cité dans mon discours l'étude effectuée à Toronto dans laquelle le tiers des familles ayant un enfant malade ont refusé de lui faire subir un test permettant de réduire l'incertitude et de préparer un meilleur plan de traitement. « Nous ne pouvons prendre ce risque », disent-ils. Je pense que ces parents sont aux prises avec un degré de complexité complètement différent et sont obligés de faire un choix qu'aucun parent ne devrait avoir à faire.

Notre pays a besoin de ce genre de loi. Le Canada est le seul pays du G7 à ne pas s'être doté de protections à l'échelle fédérale ou provinciale contre ce genre de discrimination. Nous savons que la discrimination existe, et nous devons faire quelque chose pour y remédier.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la Journée nationale de la sage-femme

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Betty Unger propose que le projet de loi C-608, Loi instituant la Journée nationale de la sage-femme soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables collègues, j'aimerais parler aujourd'hui de la santé et du bien-être des femmes enceintes, des nouveau-nés et des enfants, un sujet très important pour le gouvernement du Canada.

Comme vous le savez, selon la Loi canadienne sur la santé, chaque province ou territoire est le principal responsable de l'administration et de la prestation des services de santé offerts sur son territoire. Le gouvernement du Canada demeure favorable au maintien d'un système de santé solide, public et universel qui garantit l'accès aux soins pour tous les Canadiens. J'ai donc le plaisir d'appuyer le projet de loi C-608, Loi instituant la Journée nationale de la sage-femme, qui permettra de sensibiliser les gens aux contributions importantes des sages-femmes lorsqu'il s'agit d'assurer et d'améliorer la santé et le bien-être des femmes, des enfants et de leur famille.

Aux XVIIIe et XIXe siècles, c'était principalement les femmes qui portaient assistance lors des accouchements. À l'instar des médecins, les sages-femmes pratiquaient leur profession sans suivre de formation, de normes ou de réglementation particulières jusqu'au début du XXe siècle. Vers la fin du XIXe siècle, alors que la médecine gagnait en légitimité et en influence en Amérique du Nord, l'accouchement, autrefois considéré comme un processus naturel, est devenu une procédure médicale.

Au Canada, la profession de sage-femme était à l'abandon jusqu'à ce que de plus en plus de femmes expriment le souhait de recevoir d'autres types de soins lors de leur accouchement. Ainsi, après une longue absence, la profession de sage-femme a commencé à être reconnue sur le plan juridique à partir des années 1990. En 1994, l'Alberta et l'Ontario sont devenues les premières provinces à mettre en place une loi pour encadrer la profession de sage-femme. Aujourd'hui, des sages-femmes professionnelles fournissent aux femmes et aux familles des soins de grande qualité avant, pendant et après l'accouchement, tant au Canada qu'à l'étranger.

(1650)

Les sages-femmes ont reçu la formation pour pouvoir faire des examens physiques et des tests de dépistage et de diagnostic, et évaluer le déroulement normal de la grossesse et de la naissance. Elles gèrent les accouchements normaux à faible risque ainsi que les accouchements avec présentation par le siège et les accouchements de jumeaux.

Leurs services aident aussi à réduire l'attente dans les salles d'urgence, puisque les sages-femmes peuvent venir sur appel et qu'on peut les joindre directement 24 heures par jour et sept jours par semaine.

Les sages-femmes collaborent aussi au sein d'équipes avec d'autres professionnels de la santé comme des médecins de famille, des obstétriciens et des infirmières, tant dans les hôpitaux qu'à l'extérieur. Elles ont le soutien de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada et de l'Association canadienne des infirmières et infirmiers en périnatalité et en santé des femmes. Si on soupçonne des complications ou des risques qui dépassent les compétences de la sage-femme, les soins sont confiés à l'équipe élargie.

Au Canada, la formation des sages-femmes est approfondie et rigoureuse. Pour répondre à la demande croissante de sages-femmes, le Canada peut compter sur sept établissements d'enseignement, et on dénombre actuellement plus de 1 300 sages-femmes en exercice dans le pays. Les sages-femmes qui exercent leur profession doivent avoir fait des études reconnues et obtenir un agrément avant de pouvoir exercer. Le programme d'étude est un programme de baccalauréat en sciences de la santé de quatre ans avec accès direct. Les candidates reçues doivent alors s'inscrire auprès de l'organisme de réglementation de la province ou du territoire pour obtenir leur permis d'exercice. Il y a aussi trois programmes communautaires d'études pour les sages-femmes dans des collectivités des Premières Nations ou inuites. Ces programmes répondent expressément aux besoins des peuples autochtones.

Il faut ajouter que le programme canadien d'études pour les sages-femmes est reconnu au niveau international.

De plus, le gouvernement du Canada reconnaît l'importance des sages-femmes formées à l'étranger qui souhaitent travailler au Canada. Elles doivent franchir certaines étapes pour établir qu'elles ont les compétences linguistiques, la formation et l'expérience voulues avant d'être autorisées à exercer au Canada.

Les sages-femmes exercent leur profession dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada, à part l'Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve-et-Labrador et le Yukon, où il n'y a pas encore de loi ou de règlement à cet égard.

Au chapitre des statistiques, nous avons eu au Canada l'année dernière quelque 382 000 naissances, dont plus de 98 p. 100 ont eu lieu dans un hôpital. L'accouchement est le premier motif d'admission à l'hôpital dans notre pays.

En 2014-2015, le gouvernement fédéral a transféré aux provinces et territoires 32,1 milliards de dollars dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé. Ce niveau de financement sans précédent continuera de croître et devrait atteindre 40 milliards d'ici la fin de la décennie. Il assure la stabilité et la prévisibilité du système canadien de soins de santé tout en donnant aux provinces et aux territoires la souplesse nécessaire pour répondre à leurs propres besoins et à leurs propres priorités.

En sus de ce niveau record d'investissement, notre gouvernement appuie également d'autres efforts intérieurs destinés à améliorer la santé des mères, y compris des initiatives de sensibilisation et d'appui aux services offerts par les sages-femmes. Par exemple, l'Agence de la santé publique du Canada investit chaque année 27,2 millions de dollars dans le Programme canadien de nutrition prénatale, qui vise à améliorer la santé des mères et des nourrissons et à accroître le taux des poids sains à la naissance. Il arrive souvent que le Programme canadien de nutrition prénatale renvoie des participantes à des sages-femmes, à titre de principaux fournisseurs de soins primaires.

Santé Canada a investi 23,8 millions de dollars de plus en 2014-2015 dans le Programme de santé maternelle et infantile afin d'assurer une approche coordonnée. Cela comprend de solides liens avec des programmes de soins infirmiers et d'autres programmes, comme le volet Premières Nations et Inuits du Programme canadien de nutrition prénatale. Ces investissements renforcent aussi le soutien fourni par l'Association canadienne des sages-femmes pour l'organisation d'une rencontre annuelle des sages-femmes autochtones destinée à faire la promotion du rôle des sages-femmes dans les collectivités autochtones. Cela améliore la compréhension de ce modèle de soins parmi les chefs et les collectivités autochtones.

Les femmes autochtones et leurs nourrissons présentent des taux de morbidité et de mortalité de deux à quatre fois supérieurs à la moyenne canadienne. Certaines administrations signalent qu'elles n'ont pas suffisamment de sages-femmes pour répondre à la demande et qu'elles doivent établir des listes d'attente pour ce service.

Le Conseil national autochtone des sages-femmes est un groupe réunissant des représentantes de toutes les régions du Canada, qui prône le rétablissement des programmes de formation de sages-femmes.

À l'échelle internationale, le leadership du Canada a permis d'attirer l'attention du monde sur la question de la santé de la mère et de l'enfant ainsi que sur la prestation de services de qualité par les sages-femmes. Songeons, par exemple, à l'Initiative de Muskoka sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants des pays du G8, en 2010, sous l'impulsion du premier ministre Stephen Harper, qui avait pour but de sauver la vie des mères, des nouveau-nés et des enfants.

Les femmes et les enfants des pays les plus pauvres du monde bénéficient des 2,85 milliards de dollars que le Canada s'est engagé à verser entre 2010 et 2015 dans le cadre de cette initiative. Les Nations Unies et l'Organisation mondiale de la santé reconnaissent que les services des sages-femmes sont essentiels pour sauver des vies et améliorer la santé des femmes et des nouveau-nés.

Le Canada a mis en place un certain nombre d'initiatives internationales relatives aux sages-femmes et a participé activement à d'autres.

En conclusion, je veux répéter que le projet de loi C-608 permettra de reconnaître la contribution des sages-femmes à la santé des femmes et des familles du Canada et de mieux sensibiliser le public au rôle des sages-femmes dans la prestation de soins maternels de grande qualité. Je demande à mes collègues d'appuyer le projet de loi C-608 qui vise à désigner le 5 mai de chaque année comme Journée nationale de la sage-femme.

L'honorable Pierrette Ringuette : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Unger : Oui.

La sénatrice Ringuette : À l'échelle internationale et, de plus en plus au niveau national, le terme « midwife », c'est-à-dire sage-femme en anglais, désigne une personne qui en accompagne une autre dans son cheminement vers la mort et pas seulement la personne qui assiste les femmes pendant l'accouchement. Le saviez-vous? Cela dit, comment croyez-vous que la Journée nationale de la sage-femme sera perçue?

La sénatrice Unger : Excusez-moi, sénatrice, dites-vous que la sage-femme s'occupe aussi bien d'accouchements que de décès?

La sénatrice Ringuette : Oui.

La sénatrice Unger : Dans toutes les lectures que j'ai faites en vue de la présentation de ce projet de loi, je n'ai pas vu le mot sage-femme être utilisé autrement que pour désigner les femmes qui aident les mères à accoucher.

(Sur la motion de la sénatrice Cordy, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la sensibilisation à la densité mammaire

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Martin, appuyée par l'honorable sénatrice Marshall, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-314, Loi concernant la sensibilisation au dépistage chez les femmes ayant un tissu mammaire dense.

L'honorable Tobias C. Enverga, Jr. : Honorables sénateurs, puisque ce projet de loi est inscrit depuis 15 jours au Feuilleton, je demande que le débat soit ajourné à mon nom.

(Sur la motion du sénateur Enverga, le débat est ajourné.)

(1700)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Budget—L'étude sur le développement des énergies renouvelables et non renouvelables dans les territoires du Nord—Adoption du douzième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du douzième rapport du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles (budget—étude sur les énergies des territoires du Nord), déposé au Sénat le 23 avril 2015.

L'honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, je propose la motion inscrite au nom du sénateur Massicotte concernant l'étude du douzième rapport du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Peuples autochtones

Budget—L'étude sur les problèmes et les solutions possibles liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations—Adoption du neuvième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones (budget— étude sur les problèmes et les solutions possibles liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations), déposé au Sénat le 23 avril 2015.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Je propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Le Sénat

Adoption de la motion portant que le Sénat prenne acte du cas de Sergei Magnitsky

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Andreychuk, appuyée par l'honorable sénateur Greene,

Que le Sénat prenne note des faits suivants :

a) Sergei Magnitsky, un avocat moscovite qui a mis au jour la plus importante fraude fiscale de l'histoire de la Russie, a été détenu sans procès, a été torturé et est mort le 16 novembre 2009 dans une prison de Moscou;

b) Aucune enquête rigoureuse, indépendante et objective n'a été menée par les autorités russes sur la détention, la torture et la mort de Sergei Magnitsky, et les individus responsables n'ont pas non plus été traduits en justice;

c) Le procès posthume sans précédent de Sergei Magnitsky, ainsi que sa condamnation en Russie pour la fraude qu'il a lui-même mise au jour, constituent une violation des principes de justice fondamentale et de l'État de droit;

Que le Sénat demande au gouvernement :

a) de condamner tout ressortissant étranger responsable de la détention, de la torture ou de la mort de Sergei Magnitsky, ou qui a été impliqué dans la dissimulation des crimes qu'il a mis au jour;

b) d'étudier la pertinence d'imposer des sanctions, et d'encourager l'imposition de sanctions contre tout ressortissant étranger responsable de la détention, de la torture, ou de la mort de Sergei Magnitsky, ou qui a été impliqué dans la dissimulation des crimes qu'il a mis au jour;

c) d'étudier la pertinence d'imposer des sanctions appropriées contre tout ressortissant étranger responsable de violation, à l'étranger, des droits de la personne reconnus à l'échelle internationale, lorsque les autorités de ce pays ne peuvent ou ne veulent pas enquêter sur ces violations de façon rigoureuse, indépendante et objective.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je veux vous parler de la motion présentée le 25 mars par notre sénatrice Andreychuk bien aimée pour demander au gouvernement du Canada d'imposer des sanctions aux ressortissants étrangers, des Russes, qui, selon elle, sont responsables de l'assassinat du ressortissant russe Sergei Magnitsky, un avocat accompli. Sa motion est identique à celle que la Chambre des communes a adoptée le même jour sans le moindre débat. Ni le parrain de la motion, M. Cotler, ni le ministre des Affaires étrangères, M. Rob Nicholson, n'en ont parlé. Le même jour, la leader adjointe du gouvernement au Sénat, Mme Yonah Martin, a essayé de la faire adopter d'urgence et sans que l'on en débatte. En apprenant que j'étais préoccupée par la hâte inappropriée entourant cette grave question, elle m'a donné un certain temps pour me préparer. Je l'en remercie sincèrement.

Chers collègues, les accusations d'activités meurtrières sont des choses graves, surtout lorsque le pays en cause a appuyé les alliés durant la Seconde Guerre mondiale et qu'il a des relations diplomatiques avec nous. Je souligne que le gouvernement n'a aucun pouvoir extraterritorial lui permettant d'enquêter sur les Russes vivant en Russie. Le Sénat ne devrait rien demander au gouvernement au sujet de cette motion ni lui en souffler un seul mot. Selon moi, il s'agit d'un affront à la nation russe et à son souverain. La diplomatie est beaucoup plus efficace et beaucoup plus utile pour communiquer avec les pays étrangers, et elle devrait être pratiquée avec ferveur.

Honorables sénateurs, la teneur de cette motion est profondément troublante. Elle traite de questions graves et complexes qui relèvent du domaine des affaires étrangères. La motion a une certaine portée légale et constitutionnelle. En outre, elle empiète sur la compétence exclusive de Sa Majesté à cet égard et de son représentant, le ministre des Affaires étrangères, Rob Nicholson, qui a été mandaté par Sa Majesté elle-même et qui est investi du pouvoir de cette dernière. La motion demande au Sénat de prendre position sur une question judiciaire en matière d'affaires étrangères qu'aucun comité du Sénat n'a eu la possibilité d'examiner. Cette question comporte d'ailleurs énormément de difficultés auxquelles notre Constitution n'a jamais été soumise. Le ministre des Affaires étrangères ne s'est pas prononcé sur cette question, et c'est lui qui devrait jouer un rôle prépondérant dans ce genre de situation. À l'heure actuelle, le gouvernement n'a pas le pouvoir de prendre des mesures contre des gens qui n'ont pas la citoyenneté canadienne, c'est-à-dire des ressortissants étrangers, pour des actes commis dans leur pays.

Dans sa motion, la sénatrice Andreychuk propose, notamment :

[...] Que le Sénat demande au gouvernement :

a) de condamner tout ressortissant étranger responsable de la détention, de la torture ou de la mort de Sergei Magnitsky, ou qui a été impliqué dans la dissimulation des crimes qu'il a mis au jour;

b) d'étudier la pertinence d'imposer des sanctions, et d'encourager l'imposition de sanctions contre tout ressortissant étranger responsable de la détention, de la torture, ou de la mort de Sergei Magnitsky, ou qui a été impliqué dans la dissimulation des crimes qu'il a mis au jour;

c) d'étudier la pertinence d'imposer des sanctions appropriées contre tout ressortissant étranger responsable de violation, à l'étranger, des droits de la personne reconnus à l'échelle internationale, lorsque les autorités de ce pays ne peuvent ou ne veulent pas enquêter sur ces violations de façon rigoureuse, indépendante et objective.

Honorables sénateurs, la motion de notre collègue vise à obtenir le pouvoir juridique extraterritorial de punir des ressortissants étrangers et de leur imposer des sanctions. Aussi horrible et triste que soit le cas de Sergei Magnitsky, il n'en demeure pas moins que le Canada n'a pas le pouvoir d'imposer des sanctions à l'échelle mondiale. La motion de notre chère collègue vise à faire « condamner » et à « punir » des personnes dont on n'a pas pu vérifier l'identité et qui ne pourront pas être interrogées dans le cadre d'une enquête. La sénatrice réclame une « intervention judiciaire internationale » qui pourrait constituer une violation de la Charte des Nations Unies. En effet, la motion semble aller à l'encontre de l'article 2.7 de la charte. Cet article, qui se trouve au chapitre 1, intitulé « Buts et principes », se lit comme suit :

Aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État ni n'oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte...

Honorables sénateurs, il est clair que cette organisation internationale des nations, les Nations Unies, fait la distinction entre les interventions « dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État » et celles dont ce n'est pas le cas. Le gouvernement du Canada, le Sénat et la Chambre des communes respectent aussi cette distinction. Il semble que les événements terribles dont parle notre chère sénatrice Andreychuk « relèvent essentiellement de la compétence nationale » de la Russie. Le cas échéant, il est certain que les recours et les objectifs visés par sa motion ne peuvent relever essentiellement de la compétence nationale du Canada.

Honorables sénateurs, notre bonne sénatrice a commencé son allocution le 25 mars et l'a terminée le lendemain. La leader adjointe de l'opposition, Joan Fraser, lui a ensuite posé la question suivante :

Ce n'est pas que ce soit une mauvaise idée d'imposer ces sanctions, mais comment sommes-nous censés savoir qui a commis ces actes? Autrement dit, ne s'agit-il pas là de phrases un peu creuses?

La sénatrice Andreychuk a répondu ceci :

Non, car je pense que nous faisons appel à une certaine capacité interne d'élucider l'affaire. Si on considère le nombre d'enquêtes qui ont été menées en Russie et les responsables des prisons, l'un d'entre eux a été remercié, mais il n'y a pas eu de vraies mesures ni d'enquêtes correctes. Les gens sont connus; ils ont été identifiés en Russie.

En fait, cela ressemble beaucoup à la Cour pénale internationale.

Notre collègue voudrait que le Canada ait une « capacité interne d'élucider l'affaire » en Russie. Elle demande une solution locale, une portée internationale de la compétence nationale du Canada, un pouvoir domestique extraterritorial sur des ressortissants russes. Elle a dit : « [...] cela ressemble beaucoup à la Cour pénale internationale. » La Cour pénale internationale a été créée par le Statut de Rome il n'y a pas très longtemps. Cependant, elle admet elle-même l'absence de compétence ici au Canada. Elle a dit, et c'est une déclaration très franche que je veux que les sénateurs entendent :

[...] Il faut vraiment étudier la situation.

Il est vrai que nous n'avons pas de mesures, mais personne n'a vraiment cherché à évaluer la situation. Nous demandons par conséquent au gouvernement du Canada d'amorcer un processus d'enquête pour voir si cela nous permettra d'imposer des sanctions à ces gens-là.

J'admire profondément la sénatrice Andreychuk, et elle le sait. Elle exprime elle-même le problème.

Honorables sénateurs, le Canada ne dispose d'aucun pouvoir international d'habiliter le Sénat, le Parlement ou le gouvernement fédéral à punir ou à sanctionner des ressortissants étrangers pour des actes commis dans leur pays d'origine — des gens qui n'ont fait aucun tort au Canada, ni aux Canadiens. Nous ignorons l'ampleur véritable des pouvoirs que notre bonne sénatrice sollicite et la façon dont ils seraient créés ou exécutés. Elle n'a présenté aucun élément de preuve au Sénat sur les horreurs dont elle a parlé. Les sénateurs ne connaissent pas non plus la nature ou les limites des sanctions qu'elle demande ni leur raison d'être. Sa motion, certes sincère, ne constitue pas une preuve. La sincérité ne tient pas lieu de preuve tangible. Sa motion n'est qu'une condamnation persuasive formulée en des termes virulents.

L'année dernière, en avril, la leader adjointe du gouvernement, la sénatrice Martin, a demandé au Sénat d'adopter immédiatement une motion semblable, qui visait le même pays étranger, à savoir la Russie. Les deux motions se démarquent par leur ton véhément contre la Russie. Dans les deux cas, aucune preuve n'a été présentée au Sénat pour nous aider à nous former une opinion. Les deux motions ont abordé une question du domaine international, sans le consentement exprès du ministre à la Chambre des communes. Pourtant, ces deux motions contre la Russie étaient des plus urgentes pour des raisons que personne n'a voulu nous expliquer.

Honorables sénateurs, nos affaires étrangères et internationales sont en fait des relations entre souverains, c'est-à-dire entre des États souverains étrangers et notre souveraine, Sa Majesté.

(1710)

Les peines imposées à l'étranger et leur application sont du ressort du ministre des Affaires étrangères, tel qu'il en a été investi par Sa Majesté. Notre Constitution n'accorde à nos deux Chambres aucun rôle dans ces décisions, sauf pour le pouvoir du Parlement sur le Trésor public. Si nous n'aimons pas les guerres qu'ils livrent, alors nous leur coupons les vivres.

Joseph Chitty, qui est l'autorité en matière de prérogative royale, a rédigé un article sur la prédominance de la Couronne dans les affaires étrangères. À la page 6 de son ouvrage de 1820 intitulé Treatise on the Law of the Prerogatives of the Crown, il a écrit ceci :

Pour ce qui des États étrangers et des affaires les concernant, la majesté et la puissance des dominions relèvent du roi, qui, en tant que représentant de ses sujets, est investi de pouvoirs discrétionnaires et illimités. À ce titre, Sa Majesté a le droit exclusif d'envoyer à l'étranger des ambassadeurs ainsi que d'autres ministres et agents responsables des affaires étrangères, de leur donner des instructions et de leur prescrire des règles en matière de conduite et de négociation. a) Sa Majesté seule peut légalement conclure des traités, des associations et des alliances avec des États étrangers; envoyer des lettres de marque et de représailles et délivrer des sauf-conduits; déclarer la guerre ou faire la paix. En tant que dépositaire de la force de ses sujets et gestionnaire de leurs guerres, le roi est le généralissime de toutes les forces terrestres et navales : Sa Majesté peut seule constituer une armée, lui fournir l'équipement nécessaire et construire des forteresses.

Honorables sénateurs, c'est la nature de ces prérogatives, et ce sont de très grands pouvoirs. Dieu merci, notre souveraine n'y a pas souvent recours en qui concerne les guerres.

Honorables sénateurs, les décisions relatives aux relations étrangères relèvent de la compétence exclusive du ministre des Affaires étrangères, qui ne s'est prononcé ni sur cette motion ni sur celle de l'année dernière à la Chambre des communes. Il ne fait aucun doute que son opinion compte et est extrêmement importante. Nous avons longtemps pensé que, dans les deux Chambres, les motions ou les questions décisives sur les enjeux liés aux affaires étrangères devraient être présentées seulement par des ministres de la Couronne responsables, que — je dois le répéter — nous n'avons pas dans cette Chambre. Je répète au sénateur Carignan et à tout le monde ici présent que nous devons insister auprès du premier ministre pour que le sénateur Carignan devienne ministre. Je l'ai déjà dit, et je le redis.

Honorables sénateurs, cette motion inhabituelle permettrait au gouvernement canadien d'imposer des sanctions contre des ressortissants étrangers dans leur propre pays. Comme je l'ai dit, c'est très inhabituel. La quatrième édition du Black's Law Dictionary définit deux types de sanctions : les sanctions positives et utiles, et les sanctions négatives et coercitives. Voici ce que dit le Black's Law Dictionary sur le premier type de sanctions, à la page 1507 :

Consentir, convenir, confirmer ou ratifier.

Le sens positif du terme est presque tombé en désuétude dans la langue anglaise.

Et voici ce que le dictionnaire dit sur le deuxième type de sanctions :

En jurisprudence, on affirme qu'une loi est assortie de sanctions lorsqu'un État intervient quand elle n'est pas respectée ou prise en compte. Par conséquent, aucune sanction juridique n'est prévue dans le droit international [...]

De manière plus générale, se dit d'un mal conditionnel annexé à une loi pour imposer l'obéissance à cette loi [...]

Partie d'une loi qui ordonne ou qui décrète l'imposition de pénalités en cas de violation de la loi.

À la page 1265 de l'édition de 1989 du Webster's Unabridged Dictionary, on trouve une définition du terme « sanction », qui est similaire à celle trouvée dans le Black's Law Dictionary. La voici :

[...] mesure prise par au moins un État à l'endroit d'un autre État, et qui vise à le forcer à se conformer à des obligations juridiques.

Dans le même ordre d'idées, le Dictionary of English Law de Jowitt, le plus célèbre dictionnaire de ce genre, donne la définition suivante de « sanction » à la page 1584 :

[...] pénalité ou punition infligée afin d'imposer l'obéissance à une loi.

Honorables sénateurs, je ne comprends pas pourquoi la sénatrice Andreychuk cherche à élargir les pouvoirs extraterritoriaux du Canada en ce qui a trait aux ressortissants russes. Je ne sais trop quelle est la nature des sanctions que sa motion cherche à imposer à ces personnes, qu'elle accuse avec conviction d'avoir commis des crimes terribles.

Dans l'article intitulé « Sanctions », qui a été publié en 2013 dans l'ouvrage Max Planck Encyclopedia of Public International Law, Alain Pellet et Alina Miron expliquent l'utilisation actuelle de ce terme au paragraphe 5 :

[...] Les sanctions se fondent sur le pouvoir d'utiliser un certain degré de coercition pour persuader l'État ciblé [...] d'arrêter d'agir illégalement. Dans le langage juridique, le terme « sanctions » se limite maintenant aux mesures coercitives prises par des États ou des organisations internationales pour rétablir la légalité internationale, qui avait été rompue à la suite des actes illicites d'un sujet de droit international.

Je le répète, ces questions relèvent du ministre des Affaires étrangères, et pourtant, il reste silencieux. J'aimerais beaucoup l'entendre à ce sujet.

Honorables sénateurs, je mets en doute cette motion en ce qui concerne tant le fond que la procédure, car elle vise à ajouter une nouvelle arme, une arme judiciaire, à notre arsenal politique international. Cela va à l'encontre de la Constitution. La motion vise à acquérir une compétence universelle. Elle demande au Canada d'administrer la justice internationale à l'étranger à partir de nos tribunaux nationaux.

Kenneth Roth, bien connu en tant que directeur général de l'organisme Human Rights Watch, a cité l'ancien secrétaire d'État américain Henry Kissinger au sujet du concept, nouveau à l'époque, de compétence extraterritoriale. Cela remonte à quelques années. Dans le numéro de septembre/octobre 2011 du magazine Foreign Affairs, Roth indique, dans l'article intitulé « The Case for Universal Jurisdiction », à la page 151 :

Kissinger dit que les rédacteurs des accords d'Helsinki — les principes de base des droits de la personne adoptés à la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, en 1975 — et de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 des Nations Unies n'ont jamais eu l'intention d'autoriser la compétence universelle.

Ces célèbres assemblées n'ont jamais voulu d'une compétence juridique universelle. La compétence de la Cour pénale internationale est encore contestée par ceux qui s'opposent à ce qu'on se serve des tribunaux, des juges et des processus judiciaires à des fins politiques. Vous vous rappelez sans doute qu'il y a deux ans, on a beaucoup parlé de cette question; on disait que lorsqu'on mettrait la main sur Kadhafi, on le ferait comparaître devant un tribunal.

Pourrais-je avoir quelques minutes de plus?

Son Honneur le Président : Le Sénat accorde-t-il cinq minutes de plus à la sénatrice Cools?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Cools : Honorables sénateurs, les questions dont nous sommes saisis sont sérieuses, et je remercie la sénatrice Andreychuk de les avoir soulevées. Cependant, elles nécessitent un examen et un débat approfondis. Elles doivent faire l'objet d'une étude appropriée.

Honorables sénateurs, en terminant, je vous signale que, du point de vue de la procédure, une motion de ce type, qui touche la prérogative royale concernant les affaires internationales, aurait dû être présentée sous forme d'adresse au gouverneur général. Les Chambres communiquent avec notre souveraine, Sa Majesté, ou son représentant, par voie d'adresses. Voici ce qu'on peut lire à la page 607 de la 22e édition de l'ouvrage d'Erskine May, Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament :

[...] les adresses ont porté sur tous les aspects de la politique étrangère ou nationale, sur l'administration de la justice, sur l'expression de félicitations ou de condoléances [...], bref sur toutes les questions liées au gouvernement et au bien-être du pays [...]

Honorables sénateurs, je remercie la sénatrice Andreychuk de son excellent travail. Elle est connue dans le monde entier. Je sais pertinemment que ces questions lui tiennent à cœur, mais, malheureusement, il existe de nombreux cas de meurtres tragiques restés impunis dans le monde. Je vais parler de deux de ces meurtres qui ont marqué mon enfance. Le premier, c'est l'assassinat en 1944 au Caire, de lord Moyne, ministre britannique résidant au Moyen-Orient, commis de sang-froid par le groupe Stern, un groupe dirigé par un homme qui est ensuite devenu premier ministre d'Israël, Yitzhak Shamir. Le deuxième, c'est l'assassinat, en 1948, du comte Folke Bernadotte, le médiateur des Nations Unies en Palestine. Il était membre de la famille royale de Suède, dirigeant de la Croix rouge suédoise et était un grand humanitaire. Il a sauvé de nombreux Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Il a été assassiné par l'infâme groupe Stern, également appelé Lehi, un mot qui signifie « combattants pour la liberté d'Israël ». Fait intéressant, Yitzhak Shamir a écrit ceci au sujet du comte Bernadotte à la page 75 de son livre, publié en 1994, intitulé Summing Up : An Autobiography :

[...] Lehi croyait qu'il fallait absolument reléguer le plan aux oubliettes et que M. Bernadotte devait quitter la région. Il avait été averti : dans des tracts, Lehi lui a demandé de quitter son poste, de quitter le pays et de désavouer publiquement son plan.

Mais M. Bernadotte était certain qu'il allait passer à l'histoire grâce à son plan et a fait fi de l'avertissement. Le 17 septembre 1948, il fut tué par balles à Jérusalem, la ville qu'il était prêt à céder.

(1720)

Dans son livre, M. Shamir parle également de sa réunion avec Shaul Avigur, le sous-ministre de la Défense de l'époque, qui a eu lieu peu de temps après l'assassinat de M. Bernadotte. Voici ce qu'il a écrit :

Il a écouté sans dire un mot, puis il m'a demandé de lui donner les noms des agresseurs du comte Bernadotte. Il m'a dit qu'il ne leur arriverait rien, mais Ben Gourion a coupé court à tout cela en proclamant une « amnistie générale », et le gouvernement provisoire a fait adopter une loi spéciale permettant la libération de tous les membres du Lehi et de l'Irgoun, y compris ceux qui avaient déjà été condamnés.

Honorables sénateurs, j'admire l'excellent travail réalisé par la sénatrice Andreychuk au sein du Comité sénatorial des affaires étrangères. Toutefois, le monde est rempli d'événements tristes et terribles, et les assassins de personnes d'exception restent parfois impunis. Le monde n'a jamais connu des personnes aussi exceptionnelles que lord Moyne et le comte Bernadotte. Lord Moyne est particulièrement remarquable à mes yeux, car il a mené une commission royale dans les Antilles, qui a donné lieu au rapport Moyne. L'ensemble des Caraïbes a vu dans son rapport la voie à suivre pour nos îles. Par conséquent, le nom « Moyne » a trouvé écho dans mon esprit pendant des années, de même que le rapport Moyne, qui a été le point de départ de l'indépendance de la région.

Sénatrice Andreychuk, je vous remercie de votre travail. Je vous remercie de votre sensibilité. Je vous remercie de votre grande contribution. Toutefois, je crois fermement que, au Canada, nous avons de la difficulté à gérer nos propres actes répréhensibles. Je vois mal comment nous pourrions gérer les actes répréhensibles commis dans d'autres pays.

En terminant, je tiens à vanter les mérites de la diplomatie. C'est un outil formidable. J'invite la sénatrice Andreychuk, le ministre des Affaires étrangères et toutes les personnes qui s'intéressent à ces questions à investir beaucoup de temps dans la diplomatie, surtout dans le cadre de nos relations avec la Russie. Je vous remercie beaucoup.

L'honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, la sénatrice Andreychuk vous a dit que, en 2008, l'avocat russe Sergei Magnitsky a découvert une vaste fraude commise par des fonctionnaires du gouvernement russe, responsables du vol de 230 millions de dollars des taxes prélevées par l'État. C'est l'histoire d'une injustice inimaginable.

Après avoir témoigné contre les fonctionnaires concernés, Sergei Magnitsky a été arrêté et emprisonné sans procès par ces mêmes fonctionnaires du gouvernement. On l'a torturé pour essayer de l'obliger à rétracter son témoignage et à incriminer son client et lui-même. Il s'est vu refuser les visites de sa famille et a été détenu dans des conditions épouvantables.

La torture qu'il a subie et ses conditions de détention inhumaines ont entraîné une détérioration importante de son état de santé. On lui a refusé les soins médicaux qu'il réclamait, bien qu'il en ait fait la demande à plus de 20 reprises.

Sergei Magnitsky est décédé en prison à l'âge de 37 ans, en novembre 2009. Il a laissé dans le deuil une femme et deux enfants. La mort de Sergei Magnitsky a retenu l'attention des médias du monde entier. Cette attention a pris de l'ampleur et a mené à l'adoption de la Magnitsky Act par le gouvernement des États-Unis en 2012. Cette loi impose des sanctions liées aux visas à l'encontre des fonctionnaires russes qu'on soupçonne responsables de la mort de Sergei Magnitsky.

Honorables sénateurs, nous ne pouvons pas intervenir dans le processus législatif d'autres pays. Nous ne pouvons pas nous mêler de la façon dont on fait respecter les lois dans d'autres pays. Toutefois, le Canada est un pays où règne le droit. Nous respectons la loi et nous pouvons signifier notre désaccord aux pays qui ferment délibérément les yeux sur les violations des lois qui donnent lieu au vol de biens. Nous pouvons signifier notre désaccord aux pays qui violent les principes fondamentaux des droits de la personne. Enfin, nous pouvons signifier notre désaccord à ceux qui, pour tenter d'étouffer une affaire, par l'entremise d'un crime commandité, font subir des souffrances à quelqu'un et causent sa mort, allant même — et je ne mâche pas mes mots — jusqu'à provoquer son décès en prison.

Le décès de Sergei Magnitsky a été l'élément déclencheur qui a mené à la promulgation par les États-Unis d'une loi portant son nom. La motion à l'étude évoque également son nom. Sergei Magnitsky est le symbole de tant d'autres qui ont subi le même sort avant lui et depuis, pas seulement en Russie, mais partout ailleurs dans le monde.

Chers collègues, rester passif correspond à accepter cette injustice, ce qui est contraire aux valeurs canadiennes. Le Canada défend la primauté du droit, l'application régulière de la loi et la justice. Ces valeurs définissent le citoyen responsable qu'est le Canada sur la scène internationale, de même que plusieurs autres pays responsables dans le monde.

Honorables sénateurs, j'appuie la motion proposée par la sénatrice Andreychuk, inspirée par Sergei Magnitsky, dont l'histoire a été immortalisée par l'auteur et travailleur humanitaire Bill Browder. Je salue les efforts de ceux qui ont fait la lumière sur cette affaire, car agir ainsi est la meilleure façon d'approcher un idéal où un geste pareil est considéré pour ce qu'il est : un acte répréhensible qu'il faut souligner et rendre public. Merci, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président : Si aucun autre sénateur ne veut participer au débat, passons au vote sur la motion.

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : La sénatrice Andreychuk, avec l'appui de l'honorable sénateur Greene, propose que le Sénat prend note des faits suivants — puis-je me dispenser de lire la suite?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Une voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent. La motion est adoptée, avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 6 mai 2015, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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