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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 7 mai 2024

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 9 h 2 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de 2021 par le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, avant de commencer, je voudrais rappeler à tous les sénateurs et aux autres participants à la réunion les mesures de prévention suivantes.

Pour prévenir les incidents de rétroaction acoustique perturbateurs et potentiellement dangereux, susceptibles de causer des blessures, nous rappelons à tous les participants qui sont ici en personne de garder en tout temps leur oreillette éloignée des microphones.

Comme l’indique le communiqué de la Présidente adressé à tous les sénateurs le lundi 29 avril, les mesures suivantes ont été prises pour aider à prévenir les incidents de rétroaction acoustique.

Toutes les oreillettes ont été remplacées par un modèle qui permet de réduire grandement la probabilité de rétroaction acoustique. Les nouvelles oreillettes sont noires, alors que les anciennes étaient grises. Veuillez n’utiliser que les oreillettes noires approuvées.

Par défaut, toutes les oreillettes inutilisées seront débranchées au début de la réunion.

Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, veuillez la placer face vers le bas, au milieu de l’autocollant sur la table, tel qu’indiqué par l’image.

Veuillez consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices sur la prévention des incidents de rétroaction acoustique.

Veuillez vous asseoir de manière à augmenter la distance entre les microphones. Les participants doivent uniquement brancher leurs oreillettes sur la console située directement devant eux.

Ces mesures sont mises en place pour que nous puissions mener nos activités sans interruption et pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris des interprètes.

Merci à tous de votre coopération.

Pour commencer, je tiens à souligner que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinabe, où vivent maintenant de nombreux autres peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuits de l’île de la Tortue.

Je suis le sénateur mi’kmaq Brian Francis, d’Epekwitk, qu’on appelle aussi l’Île-du-Prince-Édouard, et je préside le Comité des peuples autochtones. J’invite maintenant les membres du comité à se présenter en indiquant leur nom et leur province ou leur territoire. Nous allons commencer par le sénateur qui se trouve à ma gauche.

Le sénateur Arnot : David Arnot. Je viens du territoire visé par le Traité no 6, en Saskatchewan.

Le sénateur McNair : Je m’appelle John McNair. Je viens de la province du Nouveau-Brunswick et je remplace la sénatrice Hartling ce matin, du territoire non cédé des Mi’kmaqs.

La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta, où se trouve le parc national de Banff, sur le territoire visé par le traité no 7.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse, dans le Mi’kma’ki.

La sénatrice Greenwood : Margo Greenwood, de la Colombie-Britannique et originaire du territoire visé par le Traité no 6.

Le président : Nous poursuivons aujourd’hui notre nouvelle étude sur la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de 2021 par le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Le comité entend des témoins afin d’approfondir son sujet à l’étude.

J’aimerais maintenant présenter notre témoin. Nous accueillons Mme Autumn Laing-LaRose, présidente du Conseil provincial des jeunes Métis, de la Nation métisse de la Saskatchewan. Merci de votre présence.

Les témoins feront une déclaration préliminaire d’environ cinq minutes. Les sénateurs poseront ensuite leurs questions. J’invite maintenant Mme Laing-LaRose à faire sa déclaration préliminaire.

Autumn Laing-LaRose, présidente, Conseil provincial des jeunes Métis, Nation métisse de la Saskatchewan, Conseil consultatif national des jeunes Métis : Merci. [Le témoin s’exprime en langue autochtone.] Bonjour à tous. Je suis la première présidente élue du Conseil provincial des jeunes Métis et la ministre de la Jeunesse de la Nation métisse de la Saskatchewan. Je suis également membre du Conseil consultatif national des jeunes Métis, que je suis heureuse de représenter aujourd’hui au nom de Shaughn Davoren, de la Nation métisse de la Colombie-Britannique, d’Evan Accettola, de la Nation métisse de l’Ontario, et de Rebecca Lavallee, du gouvernement métis d’Otipemisiwak en Alberta.

Je tiens également à saluer tout particulièrement Jordyn Playne, qui a terminé hier son mandat de quatre ans en tant que représentante des jeunes de la Nation métisse de l’Ontario.

Je suis heureuse de me joindre à vous tous aujourd’hui depuis le territoire visé par le Traité no 6 et la patrie des Métis. J’ai eu l’honneur de rencontrer certains d’entre vous lors de la dernière simulation du Sénat à Ottawa, qui a été une excellente occasion de rencontrer des sénateurs et des jeunes de partout au Canada.

Hier, cela faisait exactement un an que la Nation métisse de la Saskatchewan avait organisé un atelier d’une journée à l’intention des jeunes Métis pour leur permettre d’en apprendre davantage sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, sur ce qu’elle signifie pour les peuples autochtones du Canada et sur la façon dont on peut associer divers articles à des expériences propres aux Métis. Nous avons demandé aux jeunes ce que la déclaration signifiait pour eux, comment ils la mettraient en œuvre et quelles étaient leurs priorités.

Les jeunes ont indiqué qu’ils voulaient qu’on ait moins recours à des solutions temporaires qu’à des mesures qui s’attaquent au cœur des problèmes. Ils ont dit souhaiter être inclus dans les discussions en général et — à vrai dire — être inclus tout court. Ils veulent que l’on passe des vœux pieux sur l’importance des jeunes à une augmentation des mesures concrètes, des ressources, du financement et du nombre de programmes en tenant compte de leurs points de vue et de leurs priorités dans le cadre de véritables consultations réfléchies et menées par de jeunes Autochtones.

Le travail effectué dans le cadre de ce plan d’action est essentiel pour que les droits des peuples autochtones au Canada soient respectés, mais il reste encore tant à faire.

Selon la mise à jour de 2023 de l’Institut Yellowhead, aucun des appels à l’action n’a été mené à bien en 2023, et 81 des 94 appels à l’action n’ont pas encore été menés à bien huit ans après leur publication. En outre, en juin 2023, seuls 2 des 231 appels à la justice pour les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinées avaient été menés à bien, selon une analyse de CBC. Je souligne que la Journée de la robe rouge a eu lieu la fin de semaine dernière.

Je le mentionne parce qu’on a créé le plan d’action dans le but de s’appuyer sur le travail accompli dans le cadre des appels à l’action et des appels à la justice et, pourtant, aucun travail n’a été accompli dans les deux cas.

Depuis le début de votre étude, des dirigeants autochtones de tout le pays vous disent qu’il y a encore beaucoup de travail à faire. J’ai été déçue par les représentants du gouvernement qui ont comparu le 27 février dernier, car j’ai eu l’impression qu’il n’y a pas beaucoup de progrès de fond et que de nombreuses questions restent sans réponse.

Le gouvernement du Canada n’a pas encore réalisé de progrès concrets en ce qui concerne le plan d’action. Pour mettre en œuvre la déclaration, le Canada doit réorienter ses processus et ses relations avec les peuples autochtones. C’est ce qui ressort nettement des mesures fondamentales et systémiques du plan d’action relatives à la prise de décision, à la gouvernance et au rôle des gouvernements autochtones en matière de consultation et de coopération. Aucun progrès n’a été réalisé dans ces volets, et le financement continue d’être l’un des principaux obstacles.

Le message le plus important que je souhaite que vous compreniez tous, c’est qu’il est essentiel d’inclure la jeunesse autochtone dans tous les volets pour réussir la mise en œuvre de la DNUDPA au Canada. Nous devons avoir voix au chapitre au sujet du Canada dont nous hériterons.

Honorables sénateurs, il n’est pas nécessaire de vous rappeler que vous avez reçu le pouvoir et la capacité de changer des vies de la façon la plus unique et la plus profonde qui soit. Le travail effectué au Sénat en partenariat avec les gouvernements, les organismes et les peuples autochtones — et plus particulièrement au sein de votre comité — a la capacité d’améliorer ma vie, et ce, pour toujours.

De plus, la mise en œuvre réussie de la DNUDPA au Canada profitera à tous les Canadiens. Il est impératif, à l’avenir, de tenir compte de la voix des jeunes Autochtones de manière authentique, dans tous les volets de la loi et du plan d’action, afin que la DNUDPA puisse être mise en œuvre avec succès au Canada. Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie, madame Laing-LaRose.

La sénatrice Sorensen : Bienvenue, madame Laing-LaRose. Je suis très heureuse de vous voir. Je vous remercie d’être ici aujourd’hui.

L’accès à l’éducation primaire et secondaire pour les Métis figure parmi les priorités des Métis dans le plan d’action. Pourriez-vous nous expliquer — que ce soit à partir de votre propre expérience ou de celle des membres de votre organisme — ce que cela signifie exactement? Quels sont les obstacles à l’accès pour les jeunes Métis? Par ailleurs, avez-vous des idées précises liées à l’éducation des jeunes Métis?

Mme Laing-LaRose : Oui, certainement. Je vous remercie beaucoup de votre question.

Je tiens également à préciser que j’ai récemment obtenu mon diplôme du Saskatchewan Urban Native Teacher Education Program, qui est un programme de formation d’enseignants autochtones en milieu urbain de la Saskatchewan. Il s’agit d’un baccalauréat en éducation pour les Métis d’une durée de quatre ans et entièrement reconnu qui met l’accent sur l’histoire, la culture et la langue métisses et sur les moyens d’intégrer ces éléments dans la salle de classe. C’est un programme extraordinaire qui m’a permis d’approfondir mes connaissances sur l’histoire, la culture et la langue métisses et de trouver des moyens de les intégrer dans toutes les matières en salle de classe.

Je me souviens d’avoir appris des choses sur les Métis lorsque j’étais en quatrième année, à l’école primaire, dans le cadre d’une unité de deux semaines en classe, et de n’avoir probablement plus jamais entendu parler de ce sujet par la suite — du moins, je ne me souviens pas d’en avoir entendu parler à nouveau. Ici, la Nation métisse de la Saskatchewan a mis en place divers programmes d’immersion dans la culture michif. Le programme a d’abord été mis en œuvre à la prématernelle et progresse d’année en année. Je crois que certaines écoles l’offrent déjà en 1re ou en 2e année. Il faut espérer que l’immersion en michif sera bientôt offerte de la maternelle à la 8e année et, un jour, de la maternelle à la 12e année.

L’un des plus gros problèmes à cet égard, c’est qu’il n’y a que quelques-unes de ces écoles en Saskatchewan. Je ne sais pas si ces écoles existent dans d’autres provinces, mais elles ont été créées dans le cadre d’un partenariat avec la Nation métisse de la Saskatchewan et diverses commissions scolaires de la province pour mettre en œuvre ces programmes et aider les éducateurs, qu’ils soient métis ou non, à transmettre la culture et la langue métisses.

L’un des principaux enjeux dans ce cas est la capacité globale. En effet, pour que les enseignants soient en mesure d’intégrer l’éducation métisse dans la salle de classe, il leur faut peut-être obtenir du perfectionnement professionnel supplémentaire, car ils n’ont pas forcément reçu la formation nécessaire au cours de leurs études de premier cycle. Les enseignants de mon âge — j’ai 27 ans — qui sont entrés à la faculté d’éducation en même temps que moi ont probablement dû suivre un cours obligatoire sur les peuples autochtones au Canada, mais sans aller plus loin. On peut aussi espérer que leur école dispose d’une trousse sur les traités, mais dans la plupart des cas, ces trousses sont désuètes. Il n’y a pas assez d’argent pour les écoles en général — et encore moins pour les programmes d’éducation spécialisée, comme l’éducation axée sur les Métis — dans toute la province.

La capacité représente donc certainement un enjeu. La capacité d’offrir ce type d’enseignement aux élèves de toute la province est très limitée. La capacité est donc l’enjeu principal dans la province.

Le sénateur Arnot : Je vous remercie d’être ici aujourd’hui, madame Laing-LaRose. Vous êtes très compétente dans votre travail. Vous avez rencontré Annie Vincent, de mon bureau, lorsque vous étiez ici. Elle a parlé de vous en termes très élogieux. Vous êtes une voix très éloquente pour la jeunesse métisse. Je suis très impressionné par vos antécédents.

Vous faites également preuve d’humilité, car je crois que vous êtes la première femme autochtone présidente de l’association des étudiants de l’Université de la Saskatchewan, et vous savez donc comment défendre une cause dans un rôle politique.

Je suis également impressionné par l’importance que vous accordez à la création d’un lien entre les jeunes Métis et leur culture, à la promotion de la santé mentale et à la défense de la durabilité environnementale, ainsi qu’à l’amplification des voix des jeunes Métis, surtout en ce qui concerne l’inclusion et l’autonomisation des femmes et de la communauté 2ELGBTQQIA+ au sein de la population métisse.

Cela dit, j’ai quelques questions difficiles à vous poser.

À titre de présidente du Conseil consultatif provincial des jeunes Métis de la Nation métisse de la Saskatchewan, comment percevez-vous l’influence de la Loi concernant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones sur votre travail de défense des intérêts des jeunes Métis? J’aimerais que vous nous parliez davantage des stratégies que vous mettez en œuvre pour renforcer l’engagement culturel et la revitalisation de la langue auprès des jeunes Métis.

Si le temps le permet, j’aimerais également que vous nous parliez des processus décisionnels au sein de la Nation métisse de la Saskatchewan qui donnent une tribune aux jeunes que vous représentez. Je vous remercie.

Mme Laing-LaRose : Je vous remercie beaucoup de vos questions. Vous avez sûrement fait des recherches à mon sujet sur Google. Ne vous inquiétez pas, j’ai fait la même chose à votre sujet.

J’aimerais d’abord répondre à vos dernières questions, et je parlerai ensuite des programmes et des services. Je siège actuellement au Conseil consultatif provincial des jeunes Métis de la Nation métisse de la Saskatchewan, et il y a également l’Assemblée législative de la Nation métisse de la Saskatchewan, où tous nos représentants élus se réunissent dans une salle immense. C’est une salle magnifique, et je vous invite tous à venir la voir. Nous avons également de jeunes délégués qui siègent à l’Assemblée législative et qui sont des représentants du Conseil consultatif provincial des jeunes Métis de la Nation métisse de la Saskatchewan. Nous sommes en train d’élaborer une loi plus complète qui définira plus précisément le rôle des jeunes dans la province.

Nous travaillons également en étroite collaboration avec notre ministère provincial de la Jeunesse dans tous les volets. Au cours de mon mandat, nous avons inclus les jeunes dans toutes les résolutions adoptées par la Nation métisse de la Saskatchewan. Le modèle de toutes les résolutions prévoit maintenant l’inclusion de la voix des jeunes.

Nous travaillons donc très fort pour inclure les jeunes de manière plus authentique à l’échelle de la province et pour donner la parole à des jeunes qui ne font pas nécessairement partie de ce conseil. J’étais très heureuse de constater qu’il y avait de nombreuses personnes qui prenaient des notes lors de notre atelier sur la DNUDPA que nous avons offert aux jeunes, car ces personnes ont consigné par écrit les priorités des jeunes. Environ 70 jeunes de partout dans la province ont participé et nous avions également invité des jeunes d’autres régions du Canada à cet atelier.

J’ai pu entendre leur avis et connaître leurs priorités, y réfléchir et les transmettre au conseil.

La langue est une chose très importante pour moi. Il y a quelques années, j’ai participé à un camp culturel. Il s’agissait d’un camp culturel pour les personnes allosexuelles dans le Nord. À la fin du camp, nous avons participé à un cercle de partage et une jeune fille de 16 ans — je m’en souviens très bien — s’est mise à pleurer en disant qu’elle n’avait pas les mots pour exprimer ce qu’elle ressentait, car elle ne connaissait pas sa langue. Cela m’a profondément ébranlée, car je me rends compte de tout ce qui nous échappe. Lorsque j’entends la langue michif, étant donné que je ne la parle pas couramment, je dis que je l’entends avec mon cœur plutôt qu’avec ma tête. Cela m’aide à me recentrer.

Il s’agit de trouver des moyens de redonner cela aux jeunes. Je représente expressément les jeunes de 16 à 29 ans. Les programmes linguistiques dans les salles de classe que j’ai mentionnés visent la prématernelle et ils sont parfois offerts jusqu’en 2e année. Il y a donc actuellement d’énormes lacunes dans les programmes et les services qui doivent être offerts pour promouvoir la langue michif. Dans ma province, chaque fois qu’une personne métisse d’un certain endroit ou qu’une personne organise un cours de langue, les places se remplissent très rapidement, presque en une seule journée. La capacité et les soutiens ne sont pas suffisants pour proposer un tel cours tous les mois, et je n’ai donc pas encore suivi ces cours de langue. J’ai essayé pendant la COVID-19, mais c’est très difficile de faire cela en ligne. C’est une langue relationnelle, et il faut donc l’apprendre en compagnie d’autres personnes.

En Saskatchewan, nous travaillons plus particulièrement à l’organisation de notre toute première conférence provinciale de la jeunesse, qui réunira des jeunes de toute la province. L’une des choses qui m’ont frappée pendant l’atelier sur la DNUDPA s’est produite lors d’un exercice que nous avons fait à la fin de la journée. Nous devions appliquer la DNUDPA à des expériences historiques vécues par les Métis, par exemple les communautés de réserves routières, etc. Il y avait des jeunes présents qui n’avaient jamais entendu parler de ces communautés. Ils ne savaient même pas que nous avions une langue ou un drapeau. C’était la première fois qu’ils participaient à un tel événement.

Puisque j’ai moi-même grandi au milieu de la langue et de la culture métisses, cela m’a fait prendre du recul. Je me suis dit qu’avant même de pouvoir mener une consultation fructueuse sur notre constitution et la DNUDPA avec les jeunes Métis, nous devions nous assurer que ces jeunes avaient une bonne idée de leur identité à titre de Métis. Ils doivent connaître leur histoire, leur culture et leur langue. Nous consultons donc des jeunes Métis qui comprennent bien ce que cela signifie pour eux.

Le sénateur Arnot : Je vous remercie.

La sénatrice Coyle : Je vous remercie, madame Laing-LaRose, d’être avec nous et je vous remercie également de tout ce que vous faites, car c’est très important.

Je ne vous apprends rien, mais la perspective des jeunes est essentielle aux travaux que nous menons au sein du notre comité. Il est très encourageant d’entendre parler des espaces qui sont créés et revendiqués par les jeunes de votre nation et des nations métisses de tout le Canada.

J’ai de nombreuses questions, mais je n’en poserai que deux.

Tout d’abord, je suis curieuse d’en savoir plus sur l’atelier que vous avez décrit et qui, comme vous l’avez dit, a eu lieu il y a un an hier. Quelles étaient les priorités absolues, c’est-à-dire les priorités communes des jeunes participants à cet atelier, en ce qui concerne la mise en œuvre de la DNUDPA?

Deuxièmement, nous entendons nettement votre point de vue sur l’importance primordiale d’inclure les jeunes dans tous les processus et toutes les relations qui sont créés. Il semble que la nation métisse de la Saskatchewan — et bien d’autres — fait du bon travail à cet égard. Lorsque le gouvernement fédéral interagit avec une nation métisse, il interagit avec les représentants élus du gouvernement de cette nation métisse — dans votre cas, il s’agit de la nation métisse de la Saskatchewan —, mais aussi avec d’autres nations métisses de tout le Canada.

Je présume donc que le gouvernement du Canada compte sur cette relation de nation à nation, et je suis persuadée que la nation avec laquelle la nation canadienne interagit dispose de processus internes pour faire entendre la voix des jeunes. J’aimerais donc que vous nous en parliez. Selon vous, le gouvernement du Canada doit-il faire davantage pour s’assurer que les voix des jeunes Métis sont prises en compte dans tous les processus et toutes les relations?

Mme Laing-LaRose : Oui, certainement. Comme je l’ai mentionné, j’ai eu l’occasion d’être une simili-sénatrice cette année et de rencontrer certains d’entre vous — y compris vous-même, sénatrice Coyle. Je vous suis reconnaissante d’avoir participé à cet événement. En effet, peu de sénateurs sont venus rencontrer les jeunes qui étaient venus de tout le Canada pour l’occasion.

Même s’il s’agit d’un programme formidable, les jeunes participants ont dû payer eux-mêmes leur voyage, et la plupart d’entre eux ont même utilisé leurs prêts étudiants pour avoir la possibilité d’y participer. Ils ont logé dans des Airbnb, des hôtels improvisés ou chez des amis pour pouvoir participer à la simulation du Sénat et faire entendre leur voix auprès du gouvernement.

C’est donc l’un des points qui concernent la nation métisse de la Saskatchewan. Je suis certainement convaincue que cette relation de nation à nation doit se poursuivre, car elle est très importante. De toute évidence, la nation métisse de la Saskatchewan s’efforce de promouvoir certaines priorités générales, tandis que les jeunes défendent des points de vue et des objectifs très précis.

Je crois fermement qu’il faut multiplier les occasions de dialogue ouvert entre les représentants élus du gouvernement — et les représentants non élus — et les jeunes, car il s’agit d’une occasion d’apprentissage très importante. Cela permet d’encourager la compréhension et d’établir une relation entre les jeunes Autochtones — et plus particulièrement les jeunes Métis — et le gouvernement.

Bien honnêtement, les jeunes à qui je parle me disent qu’il n’y a pas beaucoup d’espoir. Ils ne sont pas très confiants, car ils peuvent voir certaines statistiques, comme le fait que 81 des 94 appels à l’action n’ont pas été mis en œuvre et que seulement 2 des 231 appels à la justice ont été mis en œuvre. Une grande partie du lien de confiance a donc été rompu.

Pour nous permettre d’aller de l’avant et de travailler de manière efficace, comme nous aimons le dire — et nous y croyons vraiment —, nous devons ouvrir des dialogues directs avec les jeunes et trouver des moyens, comme je l’ai déjà dit, d’organiser des consultations authentiques qui sont dirigées par des jeunes, afin que nous comprenions tous l’objectif de notre présence.

La sénatrice Coyle : Pourriez-vous nous en dire plus sur les priorités issues de cet atelier?

Mme Laing-LaRose : Oui. Je vous remercie de votre question. Au cours de cet atelier, nous nous sommes concentrés sur la santé. La santé mentale est une grande priorité. L’une des principales questions abordées lors de l’atelier concerne l’accès aux soins de santé sans qu’il soit nécessaire que les jeunes quittent leur collectivité pendant de longues périodes, car cela correspond à certains articles de la DNUDPA.

Ensuite, en ce qui concerne l’éducation, les jeunes veulent que l’enseignement soit offert dans une perspective autochtone et ils veulent avoir accès à l’éducation chez eux. Ils ne veulent pas avoir à quitter leur collectivité pour avoir accès aux études postsecondaires ou à d’autres formes d’études après leurs études primaires et secondaires.

Encore une fois, la question de la santé mentale représente un enjeu majeur. J’ai fait quelques calculs rapides, car j’ai regardé les réunions précédentes du comité dans le cadre de cette étude. Le sous-ministre de la Justice a mentionné 650 millions de dollars pour des initiatives en matière de santé mentale dans les collectivités. Je n’ai aucune idée des collectivités auxquelles il faisait référence. Cependant, j’ai fait des calculs rapides, et cela représente environ 388 $ par Autochtone au Canada. Si vous avez déjà suivi une thérapie au cours des deux dernières années, vous savez que cela correspond à peu près au coût de trois séances avec un thérapeute en santé mentale, sur toute l’année, ce qui n’est certainement pas suffisant pour la santé mentale. Encore une fois, le sous-ministre ne parlait que des fonds destinés à des collectivités précises, et c’est donc une préoccupation majeure.

Par ailleurs, l’action climatique et le changement climatique sont, en dehors de l’atelier, les questions les plus importantes pour les jeunes Autochtones, et plus particulièrement pour les jeunes Métis.

Le Ralliement national des Métis a organisé un sommet national de la jeunesse il y a quelques semaines, au début du mois d’avril, et a invité plus de 100 jeunes Métis de partout au Canada. Des enfants de 7 ans étaient présents. Ils ont participé à un groupe de discussion et ont montré leurs œuvres d’art. Ils ont exprimé les mêmes sentiments que les jeunes de 28 ans qui étaient présents dans la salle. Il était déchirant d’entendre des enfants de 7 ans dire qu’ils ne voulaient pas que nos océans soient contaminés et de les voir pleurer, car des poissons mouraient dans la mer et des oiseaux mouraient dans leur région à cause de la pollution, du plastique, des déchets, et cetera.

Cela se répercute dans tous les aspects de notre vie. L’anxiété écologique qui sévit chez nos jeunes est dévastatrice, parce qu’ils se demandent quel est l’intérêt de continuer, car le monde aura une fin de toute façon. Comment combattre ce problème?

Lorsque je parlais de santé et d’initiatives en matière de santé, je faisais davantage allusion aux jeunes qui veulent obtenir des soins médicaux et qui veulent rester dans leur communauté pour qu’ils puissent conserver leurs réseaux de soutien.

La sénatrice Greenwood : Tout d’abord, je vous remercie de votre présence aujourd’hui, et de tout le travail que vous abattez. J’aimerais poursuivre dans cette veine, puis je poserai un autre type de question.

En vous écoutant, je réfléchissais et j’essayais d’envisager des possibilités d’inclusion pour les jeunes, et ce, à plusieurs niveaux. Vous avez beaucoup parlé de la Saskatchewan et de ce qui se passe à l’échelle régionale.

À votre avis, comment pourrions-nous assurer une plus grande participation des jeunes à l’échelle nationale? Il est important que vous nous disiez ce qui pourrait être fait en la matière.

Vous avez cerné certaines priorités qui ne me surprennent pas. J’aurais aimé que ce soit le contraire, mais ce n’est pas le cas. J’aimerais poser des questions et examiner la situation sous un angle différent. Comment saurons-nous que nous aurons réussi? À quoi ressemblerait la situation pour les jeunes Métis de la Saskatchewan? Si nous atteignions un nombre de ces objectifs, à quels résultats pourrions-nous nous attendre? Pouvez-vous nous en parler? Je sais que ce sont de très grandes questions.

Mme Laing-LaRose : Merci beaucoup.

En ce qui a trait à votre première question — à la participation des jeunes à l’échelle nationale —, j’ai récemment eu l’occasion de participer à l’Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones. Le thème de cette année était l’autodétermination et l’expression des jeunes. Je n’avais jamais vu autant de jeunes Autochtones à l’ONU.

Le ministre Gary Anandasangaree a organisé une séance informelle pour rencontrer de jeunes Autochtones du Canada. Il est resté jusqu’à la toute fin, pour entendre les dernières questions, jusqu’à ce que plus personne n’ait rien d’autre à dire. Il a promis qu’il ferait un suivi, et nous allons donc lui demander des comptes à ce sujet.

Il est nécessaire de créer des occasions pour établir des liens plus authentiques et plus personnels avec les jeunes Autochtones. Vous pouvez les inviter au Sénat, leur parler de vos rôles et leur faire visiter l’édifice. Le Sénat était un mystère pour moi avant ma participation à cette expérience éducative. Maintenant, si l’on me pose des questions à ce sujet, je peux dire ce que font les sénateurs et parler de l’endroit où ils travaillent.

Il est important de créer davantage d’occasions pour que les jeunes Autochtones puissent rencontrer des sénateurs comme vous et de les inviter là où vous travaillez. Je sais aussi que vous menez différentes études qui vous permettent de vous rendre dans les communautés. Je vous invite tous à venir à Batoche la troisième fin de semaine de juillet. Chaque année, nous accueillons plus de 40 000 personnes — je pense que c’était près de 50 000 personnes l’année dernière — à Batoche. Nous avons accueilli des gens du monde entier. Nous avons rencontré des gens qui étaient venus d’Europe précisément parce qu’ils avaient entendu parler du genre de célébration dont il s’agissait. À Batoche, il y aura plusieurs tentes pour les jeunes où vous pourrez rencontrer de jeunes Métis de tout le pays qui prendront part aux célébrations cette fin de semaine-là.

Les conférences ou sommets nationaux sont des occasions extraordinaires qui nous sont données d’en apprendre davantage sur vos rôles. Elles peuvent aussi vous permettre de mieux nous entendre. Il serait fort utile de créer plus d’occasions — même s’il s’agit d’une table ronde sur Zoom — auxquelles vous pourriez inviter de jeunes Autochtones de votre région, surtout pour tisser des liens.

Pourriez-vous rapidement répéter votre deuxième question, s’il vous plaît?

La sénatrice Greenwood : Comment saurons-nous que nous aurons réussi?

Mme Laing-LaRose : Permettez-moi d’être très franche. Nous saurons que nous aurons réussi lorsque nous cesserons de créer des plans d’action qui promettent aux peuples autochtones le respect de leurs droits de la personne.

Je lisais le plan d’action et il promettait de mettre fin à la discrimination et au racisme. Un jour, nous pourrons élaborer un plan d’action qui sera concret et abordera des éléments qui ne seront pas uniquement axés sur la reconnaissance par les Canadiens de mes droits de la personne et de mes droits en tant qu’Autochtone. C’est tellement frustrant de voir cela au Canada. Il s’agit là d’une description générale de la situation. Nous devons commencer à reconnaître que le fait de travailler avec les peuples autochtones et de leur donner la possibilité d’ouvrir la voie aux changements qu’ils veulent profitera à tous les Canadiens. Lorsque tous les habitants de ce pays seront heureux, en bonne santé et fiers de ce qu’ils sont, nous serons un pays prospère.

Nous saurons que nous aurons réussi lorsque nous ne parlerons plus — je l’espère — de nos droits de la personne dans les deux premières pages et demie ou trois premières pages de notre plan d’action national. Nous aurons réussi lorsque nous commencerons à parler de mesures concrètes, réalistes et peut‑être plus amusantes que nous souhaitons prendre ensemble, à titre de nations.

La sénatrice Greenwood : Merci beaucoup.

La sénatrice Coyle : Madame Laing-LaRose, vous avez beaucoup parlé des jeunes Métis qui souhaitent avoir accès à l’enseignement postsecondaire, aux services en santé mentale et aux soins de santé dans leurs communautés. Je me suis alors dit qu’un grand nombre de ces jeunes venaient de communautés géographiques spécifiquement métisses.

Pourriez-vous nous parler quelque peu des communautés urbaines? Combien de jeunes vivent à l’extérieur de leurs territoires métis traditionnels par rapport au nombre de jeunes qui vivent dans ces communautés traditionnelles? Que pouvons-nous faire pour veiller à ce que toutes les voix soient entendues?

Mme Laing-LaRose : Bien sûr.

Edmonton compte la plus grande population de jeunes Métis au Canada. La nation métisse de l’Alberta — le gouvernement métis d’Otipemisiwak de l’Alberta — a donc construit des établissements spécialement destinés aux jeunes Métis afin d’offrir des programmes culturels et des services. Ils ont créé un espace pour les jeunes Métis dans cette ville, et je crois qu’il y en a d’autres ailleurs en Alberta.

En Saskatchewan, j’ai constaté que beaucoup de jeunes Métis habitent dans les villes. J’ai eu l’occasion de regarder la présentation des centres d’amitié. Ils ont notamment plaidé en faveur de programmes et d’un soutien accrus pour les populations autochtones en milieu urbain, car elles n’ont pas de liens avec leurs communautés, leur culture ou leurs expériences culturelles.

En Saskatchewan, après l’annonce de l’aide financière pour appuyer les étudiants de la nation métisse de la Saskatchewan qui veulent poursuivre des études postsecondaires, nous avons constaté une augmentation considérable du nombre de jeunes Métis qui voulaient obtenir leur carte de citoyenneté. En tant que gouvernement, nous avons commencé à avoir des choses à offrir à nos citoyens, d’une certaine manière. En raison de l’emplacement de nos établissements d’enseignement supérieur, un grand nombre d’étudiants qui étaient déjà en âge de faire des études supérieures et qui vivaient à Saskatoon ou à Regina ont alors demandé une carte de citoyenneté, de sorte qu’il semble que nous sommes plus nombreux dans ces centres urbains. C’est certainement le cas, mais les jeunes viennent des quatre coins de la province pour poursuivre des études postsecondaires dans ces villes. S’ils pouvaient rester dans leurs communautés, ils le feraient; cependant, ils doivent se rendre en ville pour avoir accès à certains emplois, pour obtenir des soins de santé ou pour poursuivre leurs études.

Je suis tout à fait d’accord avec les centres d’amitié pour dire qu’il faut offrir davantage de programmes et de services aux jeunes Autochtones en milieu urbain afin qu’ils puissent ressentir un lien plus profond avec leurs communautés, peu importe ce que cela signifie pour eux, ainsi qu’avec leur culture et leur savoir.

La ville de Saskatoon, où je demeurais, est une vaste région. J’ai vu de plus petits organismes sans but lucratif dirigés par des jeunes faire ce travail pour rejoindre les jeunes, mais ils manquent cruellement de ressources.

La sénatrice Coyle : Donc, à votre avis, les centres d’amitié et ces autres organismes sans but lucratif dirigés par des jeunes pourraient être des acteurs importants dans la mise en œuvre du plan d’action de la DNUDPA.

Mme Laing-LaRose : Oui, absolument. Je les ai entendus dire haut et fort qu’ils voulaient travailler plus étroitement avec les gouvernements autochtones dans leurs provinces.

En Saskatchewan, bon nombre des bureaux de nos représentants élus se trouvent à l’extérieur des centres d’amitié. Nous nous penchons sur cette relation dans cette province. Ils ont déjà créé un centre précisément destiné aux populations autochtones en milieu urbain. Depuis que j’ai entendu leur témoignage, j’ai compris que je devrais établir une meilleure relation avec les centres d’amitié, parce qu’ils ont déjà noué ou essaient de nouer ce lien avec les jeunes Autochtones de la Saskatchewan.

En même temps, il faut faire plus pour veiller à ce que ce soit propre au peuple et à la culture métis. Il ne peut pas s’agir que d’une approche panautochtone. Il importe de marquer cette distinction. Je sais qu’ils se sont exprimés à ce sujet, peut-être pas contre, mais ils ont dit qu’ils ont besoin de soutien, de façon générale. Nous devons donc trouver un équilibre.

Le président : Nous pouvons poursuivre la discussion.

Le sénateur Arnot : J’ai une question d’ordre général. Si vous aviez une liste d’éléments que vous aimeriez inclure dans un rapport sur cette question, comment les classeriez-vous par ordre de priorité et quels seraient les éléments les plus essentiels, à votre avis?

Mme Laing-LaRose : Merci beaucoup. J’ai lu le plan d’action, tous les rapports et tous les documents d’information qui ont été publiés. J’ai fait une simple recherche par mots pour voir où l’on mentionnait le terme « jeunes ». J’ai remarqué qu’il ne se trouvait que dans les phrases qui disaient : « Nous devrions mobiliser les jeunes ». Cependant, je n’ai pas entendu parler de véritables initiatives dont l’objectif serait de mobiliser les jeunes et d’aller plus loin dans ce domaine. J’invite donc le Comité à trouver des moyens de travailler avec le Conseil consultatif national des jeunes Métis au sein du Ralliement national des Métis, ou RNM, parce que nous avons des liens avec des jeunes de l’Ontario, de l’Alberta, de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan. Nous serons en mesure de vous mettre en contact avec des jeunes Métis et certainement avec les autres gouvernements métis pour trouver des occasions de travailler avec les jeunes là-bas.

Il faut le faire. Nous ne cessons de répéter qu’il faut s’engager auprès des jeunes, mais d’après ce que j’ai lu, je ne suis pas sûre qu’il y ait eu un réel engagement à cet égard lors de la rédaction du plan d’action. Parlons des articles de la DNUDPA eux‑mêmes. Les Nations unies n’ont pas toujours été les plus accueillantes pour les jeunes Autochtones. Le Caucus mondial des jeunes autochtones a travaillé très fort pour que leur voix soit entendue. Cependant, les jeunes auraient dû avoir davantage voix au chapitre dans le cadre de la création de la DNUDPA. Je pense que parmi la quarantaine d’articles qu’elle contient, le terme « jeunes » n’apparaît que deux fois. J’aimerais donc que les jeunes Autochtones puissent déterminer comment nous franchirons ces prochaines étapes. J’en parlerai au Conseil consultatif national des jeunes Métis et je leur demanderai comment nous pourrions collaborer avec le Sénat au sujet de la DNUDPA dans le cadre de cette étude. J’enverrai un courriel à ce sujet aux personnes concernées. Il faut que cela vienne des deux côtés.

Je ne pense pas que nous ayons commencé à mobiliser les jeunes dans ce domaine alors qu’il s’agit de la priorité absolue selon moi.

Le sénateur Arnot : Je vous remercie beaucoup de ce conseil.

Le président : Il n’y a plus de noms sur la liste d’intervenants. Voilà qui met fin à ce groupe de témoins. Je tiens à vous remercier, madame Laing-Larose, de vous être jointe à nous aujourd’hui. Si vous souhaitez nous faire parvenir d’autres renseignements, veuillez les envoyer par courriel à la greffière.

J’aimerais maintenant présenter notre prochain groupe de témoins. Nous accueillons M. Constant Awashish, grand chef du Conseil de la Nation Atikamekw. Nous recevons aussi M. David Chartrand, président de la Fédération des Métis du Manitoba. Je vous remercie tous les deux de vous joindre à nous aujourd’hui.

Les témoins disposeront d’environ cinq minutes chacun pour leurs déclarations liminaires, qui seront suivies d’une période de questions et réponses avec les sénateurs.

J’invite maintenant le grand chef Awashish à prononcer sa déclaration liminaire.

Constant Awashish, grand chef, Conseil de la Nation Atikamekw : Merci beaucoup. Bonjour, honorables membres du comité. Depuis 2014, je suis le grand chef de la Nation Atikamekw. Mon rôle et le rôle de notre organisme, le Conseil de la Nation Atikamekw, consistent à aider et servir notre peuple et à défendre nos droits sur le territoire.

Je ne sais pas pourquoi je m’exprime en anglais. Je pense que je vais passer au français, car je suis beaucoup plus à l’aise en français. Mes excuses à toutes et à tous.

[Français]

Bonjour à tous. Merci de me recevoir ce matin. Je représente la nation atikamekw. Je suis le grand chef de la nation atikamekw depuis 2014. Je suis ici pour parler de mes impressions de la première année de mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Mon rôle comme grand chef est de défendre les intérêts de la nation atikamekw et de protéger l’intégrité territoriale du territoire ancestral atikamekw. Il y a beaucoup de défis depuis quelques années. Nous avons travaillé très fort. Vous avez probablement tous entendu parler de la tragédie de Joyce Echaquan, membre de notre nation qui est décédée tragiquement dans un service public à l’hôpital de Joliette. Depuis 2020, nous travaillons très fort à faire reconnaître le racisme systémique au Québec. C’est un travail très difficile. Certains d’entre vous ont probablement entendu dire qu’en 2014, nous avons déclaré la souveraineté de notre territoire. C’était pour nous une nécessité pour assurer la reconnaissance de nos droits et la protection de notre territoire ancestral.

Premièrement, je vais remercier tout l’appareil gouvernemental et reconnaître les années d’efforts de représentation et la collaboration des différents partis politiques pour l’avancement de la reconnaissance de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Par exemple — on connaît un peu l’histoire et je crois que tous ici la connaissent —, on a vu les premiers jalons de l’avancement de la déclaration ici au Canada avec le gouvernement précédent, le gouvernement conservateur qui a mis en place la première reconnaissance de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Ensuite, depuis 2021, le gouvernement libéral l’a mise en pratique. Pour nous, c’est un fait historique pour le gouvernement du Canada, mais également pour toutes les Premières Nations du Canada.

Je sais qu’il y a beaucoup de travail à faire. Globalement, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est très positive. Cela montre le courage politique du gouvernement du Canada, qui tend depuis quelques années à reconnaître les droits inhérents des peuples autochtones.

Cependant, j’ai quelques inquiétudes par rapport à la déclaration, pas nécessairement sur le produit brut de la déclaration, mais plutôt sur les effets de celle-ci sur la population en général. Tout le monde reconnaît les torts historiques que les Premières Nations ont subis. Les gens ne comprennent pas nécessairement toute la mécanique qui concerne les droits et les titres ancestraux. J’entends souvent des commentaires, lors de mes interactions avec les non-Autochtones, selon lesquels il y a beaucoup d’incertitudes et d’inquiétudes. Au-delà de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, il est important de se pencher sur une meilleure communication sur ce que sont les droits ancestraux. La population en général a besoin d’une meilleure éducation et d’une meilleure sensibilisation. Ils ont besoin de connaître l’importance que l’épanouissement des Premières Nations peut apporter, tous les bénéfices que cela peut apporter à la société canadienne en général.

Je l’ai mentionné souvent et je le mentionne régulièrement : ma philosophie, c’est qu’il est important pour nous d’avoir des provinces fortes et un pays fort pour que ma nation atikamekw soit forte. Le contraire est également important. Les gens doivent comprendre que, pour qu’il y ait des provinces fortes, les provinces doivent comprendre que les nations autochtones doivent être tout aussi fortes, afin que les gens puissent en bénéficier. Il en va de même au Canada. Le Canada a besoin de nations autochtones fortes pour que tous puissent bénéficier d’une croissance économique égale et de l’amélioration des conditions de vie partout au Canada. C’est mon approche.

Pour cela, nous avons besoin de rassurer la population en général sur les effets de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. De plus, comme j’essaie de l’expliquer, il est important de faire comprendre à la population que tout le monde va bénéficier de l’épanouissement des Premières Nations au Canada.

Actuellement, pour avoir discuté avec beaucoup d’aînés sur la question, les gens sont très heureux de l’approche positive à l’endroit des Premières Nations depuis quelques années, mais il y avait une certaine inquiétude sur la possibilité que la population ne comprenne pas cette approche dans son ensemble et qu’en fin de compte, à cause des mouvements plus populistes, les choses allaient se retourner contre nous. Certains craignent que les gens voient tout cela comme étant des privilèges autochtones, alors que ce n’est pas nécessairement le cas. La méconnaissance et la mauvaise interprétation des choses font en sorte que la population peut avoir une certaine inquiétude, et cela peut entraîner certaines difficultés dans la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

C’est ce que je voulais dire à titre d’introduction : il faut s’assurer que la population du Canada en général connaît vraiment les intras et ne s’inquiète pas des droits autochtones. Les Autochtones ont toujours été ouverts et ont toujours eu des valeurs de partage.

Maintenant, ce qu’on veut, c’est survivre.

Ce qu’on veut également, c’est que tout le monde puisse réussir et bénéficier d’une économie forte. Je pense que pour y arriver, tout le monde doit travailler ensemble.

[Traduction]

Que nous soyons des Premières Nations ou non, nous devons nous outiller les uns les autres et outiller tous les gouvernements, qu’ils soient provinciaux, fédéraux ou des gouvernements des Premières Nations. L’avenir de mes petits-enfants et de mes arrière-petits-enfants sera alors assuré. Déployons des efforts en ce sens. Je vous remercie de m’accueillir ce matin.

Le président : Je vous remercie, grand chef Awashish. J’invite maintenant le président Chartrand à prononcer sa déclaration liminaire.

David Chartrand, président, Fédération des Métis du Manitoba : Merci, monsieur le président. Permettez-moi de commencer par dire que la Fédération des Métis est le gouvernement national des Métis de la rivière Rouge. Je tiens à préciser que le Ralliement national des Métis, ou RNM, ne représente en aucun cas notre peuple. Les Métis de la rivière Rouge sont un peuple et une nation autochtones distincts. Nous avons notre propre identité établie sur notre territoire dans le Nord-Ouest historique, au cœur de la vallée de la rivière Rouge. Notre gigue de la rivière Rouge, notre charrette de la rivière Rouge et les symboles, l’histoire et les héros de la rivière Rouge sont tous enracinés dans la rivière Rouge. Nous continuons à nous gouverner selon la tradition de nos ancêtres. Depuis plus de 200 ans, nous exerçons notre droit à l’autodétermination et l’autonomie gouvernementale.

En 1870, nous avons conclu un traité qui a intégré notre territoire au Canada. Il est devenu ce que l’on appelle aujourd’hui les provinces des Prairies. Nous sommes devenus le partenaire de négociation du Canada dans la Confédération et les fondateurs du Manitoba. Cependant, les promesses du traité n’ont pas été tenues.

Après 150 ans, la décision rendue en 2013 par la Cour suprême du Canada dans la cause Manitoba Metis Federation Inc. c. Canada a donné le coup d’envoi des négociations. En 2021, le Canada et la Fédération des Métis du Manitoba ont signé l’Entente de reconnaissance et de mise en œuvre de l’autonomie gouvernementale des Métis du Manitoba, s’engageant ainsi sur une nouvelle voie de réconciliation. L’entente sur l’autonomie gouvernementale est essentielle à la conclusion d’un nouveau traité moderne. Avec ce traité, le Canada et les Métis de la rivière Rouge renouvelleront leurs promesses. Nous espérons ardemment qu’il sera présenté au Parlement dans les plus brefs délais.

Nous croyons que le nouveau traité moderne et le plan d’action de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones fourniront à eux deux de solides fondations qui permettront de rebâtir une relation de nation à nation et de gouvernement à gouvernement et de renouveler les promesses constitutionnelles brisées de 1870. Cet objectif est prioritaire dans le cadre de la réconciliation.

Nous nous concentrons sur trois points. Le premier point est l’usurpation de l’identité — dont traite l’article 8 de la déclaration — qui se traduit par la destruction de nos valeurs culturelles, de notre caractère distinct et de notre identité ethnique. À l’extérieur de notre territoire, dans l’est du pays, ceux qui tentent de voler l’identité d’individus et de nations entières gagnent du terrain. Ils s’approprient notre patrimoine et nos symboles pour leur propre profit. Nous exhortons le Canada à travailler avec nous à l’élaboration conjointe et à la mise en œuvre d’une politique qui protégerait l’identité des Métis de la rivière Rouge. Nous offrons notre aide pour que le plan d’action oriente la réflexion et se solde par des mesures efficaces visant à protéger notre identité et celle des autres peuples autochtones.

Le deuxième point est la promotion d’un gouvernement des Métis de la rivière Rouge qui transcende les frontières et qui offre des programmes et des services transprovinciaux aux collectivités. Ce droit est énoncé à l’article 36 de la déclaration des Nations unies. Même si les frontières coloniales établies de façon arbitraire en 1870 nous ont divisés, les nations métisses vivent aujourd’hui autant au Manitoba qu’à l’extérieur de la province. Nous agissons en vue de revitaliser notre nation et notre territoire. Nous demandons au Canada de travailler avec nous à l’élaboration et à la mise en œuvre conjointes de mesures qui aideraient la FMM — qui est le gouvernement des Métis de la rivière Rouge — à représenter les citoyens au-delà des frontières provinciales et internationales.

Le troisième point est la santé. Il est abordé aux articles 23 et 24 de la déclaration. Les études démontrent que l’état de santé des Métis est très inférieur aux normes canadiennes. La prévalence des maladies chroniques dans les communautés métisses est plus élevée que dans le reste du pays. Elle dépasse parfois celle des collectivités des Premières Nations, dont la situation est bien connue. Il est donc facile d’imaginer à quel point la situation des Métis est critique. Les collectivités métisses ne comptent pas de programmes, de services ou de mécanismes de soutien. Elles n’ont pas non plus de médecins, d’infirmières et de centres de santé, même si les Métis paient des milliards en impôts. Tout ce que nous demandons est d’obtenir quelque chose en contrepartie.

Malgré le plan d’action et la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ainsi que la décision Daniels de la Cour suprême en 2016, les membres des collectivités métisses sont embourbés dans des querelles de compétences et sont encore exclues de la politique de la direction générale de la santé des Premières Nations de 1979 et du principe de Jordan. Je suis convaincu que nous pouvons établir ensemble un pacte pour résoudre ce qui pourrait être qualifié sans exagérer de crise de santé publique.

Au titre du plan d’action, le Canada s’est engagé à travailler avec la FMM pour mettre en œuvre la déclaration des Nations unies et faire progresser la réconciliation et le respect de nos droits inhérents. Le plan d’action doit assurer la représentation et la participation entières des Métis de la rivière Rouge.

En vue de la mise en œuvre de la déclaration des Nations unies, nous demandons au Canada de considérer les Métis comme un peuple autochtone distinct et de travailler avec nous au moyen d’un mécanisme bilatéral de nation à nation et de gouvernement à gouvernement. Pour être un partenaire fort dans le cadre de la mise en œuvre, nous élaborons un plan d’action centré sur les priorités des collectivités métisses dans tous les domaines de gouvernance, notamment les services aux enfants et aux familles, qui permettra d’élargir et d’améliorer nos structures et nos institutions. Le plan s’appliquera à l’entièreté de notre territoire et soutiendra les membres des collectivités de toutes les régions. Voilà où nous concentrons nos efforts. Nous avons beaucoup de rattrapage à faire.

Le traité et le plan d’action nous permettront d’établir une nouvelle orientation, de définir nos propres règles et de déterminer les tâches à accomplir. Nous voulons travailler avec le Canada dans l’esprit d’une véritable réconciliation. Il y a beaucoup à faire pour renouveler nos partenariats et bâtir ensemble notre avenir. Je vais répondre avec plaisir aux questions du comité. Meegwetch. Merci de m’avoir invité à témoigner.

Le président : Merci, monsieur Chartrand. Avant de passer aux questions, j’aimerais souligner la présence de M. Al Benoit, chef de cabinet à la FMM. Il est assis à côté de M. Chartrand. Je ne l’ai pas présenté tout à l’heure. Je suis désolé.

La sénatrice Coyle : Bonjour et bienvenue aux invités. Je vais commencer par une question au grand chef Awashish. Je vais la poser en anglais.

Vous avez livré un témoignage fascinant et essentiel. Vous avez parlé de la relation entre votre peuple et votre nation et les peuples qui ne sont pas membres de votre nation, notamment ceux qui se trouvent à l’endroit où vous vivez, en l’occurrence des Canadiens et des Québécois. Vous avez parlé de la peur de certaines personnes qui ne sont pas membres de votre Première Nation de perdre quelque chose à la suite de la mise en œuvre de la déclaration des Nations unies. Ces personnes pensent qu’une partie perd ce que l’autre gagne. À leurs yeux, la mise en œuvre de la déclaration diviserait la tarte au lieu de l’agrandir. J’ai retenu de votre déclaration que le reste du Canada en sortira gagnant lui aussi si les Premières Nations, les Métis et d’autres nations au Canada réalisent des gains de la mise en œuvre réussie de la déclaration.

Votre approche m’interpelle beaucoup. Je suis certaine que vous vous appuyez sur votre expérience. Nous savons que le Conseil national de réconciliation — le projet de loi vient de recevoir la sanction royale la semaine dernière — exerce deux responsabilités. Si je ne me trompe pas, il est tenu, d’une part, de demander des comptes au gouvernement sur la surveillance des activités qui mèneront aux résultats convenus, et d’autre part, de promouvoir la réconciliation.

Y a-t-il des actions précises que le gouvernement fédéral, le conseil et les autres acteurs au Canada devraient entreprendre pour que tous les Canadiens discernent clairement les avantages de la déclaration des Nations unies? Y a-t-il quelque chose en particulier qui devrait être fait selon vous?

M. Awashish : Merci de votre question et de vos remarques. Vous me demandez quelles seraient les choses à faire. C’est une chose de parler de réconciliation. Nous comprenons tous et la population en général connaît davantage l’histoire des Premières Nations, des pensionnats, de la rafle des années 1960, des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées, et j’en passe. Le grand public en général a été passablement secoué au cours des 10 dernières années par les révélations concernant les Premières Nations. Les esprits et les yeux se sont ouverts.

Comme je l’ai dit et comme vous l’avez réitéré, il faut rassurer les gens. La colère persiste. Certains aspects des politiques sur les Premières Nations sont encore problématiques. Je pense toutefois que nous pouvons grandir ensemble si nous reconnaissons sincèrement toutes ces difficultés.

Ma priorité ces derniers temps, selon ce que j’ai entendu — je ne sais pas si c’est une bonne chose, mais c’est une valeur importante dans nos collectivités — est de toujours parler aux aînés. Les aînés me disent que nous sommes dans la bonne voie. Nous devons dénoncer tout ce qui nous est arrivé. La population en général évolue elle aussi. Comme je l’ai dit tout à l’heure, c’est très positif, mais nous ne voulons pas donner à penser que nous en obtenons plus que le reste de la population. Nous ne voulons pas subir de ressac.

Il faut vraiment accroître la sensibilisation du grand public. Il faut aussi augmenter le financement des activités — je ne suis pas un spécialiste du marketing — qui feront mieux connaître la déclaration des Nations unies aux membres du grand public afin que ces derniers se rallient aux mesures prises par le gouvernement du Canada pour aider les Premières Nations à s’épanouir et pour combler le fossé. C’est en ayant une compréhension commune de la situation que nous serons en mesure de faire ce qu’il faut pour réduire l’écart entre la population en général et les Premières Nations. Voilà où les efforts devraient être déployés selon moi.

De nombreux aspects de la déclaration font encore défaut. Ma principale préoccupation serait toutefois de mettre en lumière les aspects positifs de la démarche. Il faut que les Canadiens se sentent inclus. Je veux que les Canadiens comprennent que tout le monde a avantage à reconnaître les droits des Autochtones.

Je pense que la question environnementale est importante. Notre apport est substantiel dans le domaine. Nous avons des connaissances à transmettre. Selon moi, nous devons faire en sorte que les Canadiens soient ouverts à recevoir plus d’informations et enclins à avaliser tout ce qui contribue à la reconnaissance des droits inhérents des Premières Nations.

Nous devons investir dans des campagnes de sensibilisation et de la formation à l’intention des fonctionnaires et dans des programmes scolaires. La population comprendra ainsi que c’est ensemble que nous deviendrons plus forts. Voilà essentiellement ma réponse à votre question sur la canalisation judicieuse des efforts.

La sénatrice Sorensen : Bienvenue. Merci de votre présence. Ma question s’adresse à M. Chartrand. J’ai eu le plaisir de rencontrer M. Chartrand et son équipe dans leurs bureaux à Ottawa. Je vous encourage vivement à aller les rencontrer. J’ai beaucoup de respect pour le travail que vous faites pour les Métis de la rivière Rouge au Manitoba.

Dans quelle mesure la FMM a-t-elle participé à l’établissement des priorités du plan d’action ou a-t-elle influé sur son contenu? Pensez-vous que les consultations ont été assez approfondies?

Dans vos commentaires, vous avez parlé de vos priorités, dont la plupart sont énoncées dans la loi sur la déclaration. Vous avez d’ailleurs mentionné quelques dispositions. Cela dit, certaines des difficultés seraient-elles absentes du plan d’action?

M. Chartrand : Tout d’abord, merci de votre question. Si vous le permettez, je vais faire une petite préface parce que vous avez mentionné quelque chose ou posé une question qui fait l’impasse sur notre contribution et les raisons pour lesquelles il y a différentes perceptions ou opinions.

Je veux aborder cet aspect parce que vous connaissez les contributions que nous faisons et que vous avez entendu ma présentation. Nous payons des milliards de dollars en impôts, tout comme le font les Premières Nations. Les Canadiens en général ne voient pas ces contributions.

Nous dirigeons de nombreuses entreprises. Nous avons fait un don d’un million pour soutenir le traitement du cancer récemment. J’ai fait un don d’un million pour venir en aide aux femmes autochtones disparues. Nous apportons une véritable contribution par l’entremise de nos entreprises, mais cette contribution n’est pas montrée au public. Nous sommes perçus à tort comme des enfants qui réclament des privilèges. Nous contribuons à l’économie et à la société. Nous avons énormément aidé à bâtir le Canada, y compris en allant au front pendant les deux grandes guerres. Je voulais souligner ces apports qui sont invisibles aux yeux du grand public.

Nous avons l’air de demander l’aumône, mais ce n’est pas ce que nous faisons. Nous voulons obtenir ce qui nous revient afin d’avancer. En amorçant un dialogue de gouvernement à gouvernement et de nation à nation, nous aurons une meilleure perspective de tous les pans de la société au pays.

Pour revenir à votre question, les représentants de la FMM à la table ne sentaient pas qu’il y avait de véritables échanges pendant la discussion — vous voyez mon chef de cabinet se pencher vers moi en ce moment. Ils avaient l’impression de participer à un dialogue de sourds avec des interlocuteurs qui se contentaient de cocher des cases et de suivre le processus.

Je respecte au plus haut point les efforts déployés par le Sénat pour organiser cette séance et tenir la discussion que nous avons en ce moment. La déclaration des Nations unies est un outil très important même si sa mise en œuvre a tardé à venir au Canada. Le pays est encore jeune, mais la reconnaissance des droits est tardive.

En y regardant de plus près, nous pouvons voir différentes manières de lire le libellé, les dispositions et les énoncés contenus dans la déclaration. Le terme « État » est employé, mais nous ne savons pas s’il renvoie au fédéral ou aux provinces. Or, l’éducation et la santé relèvent des provinces.

Pour l’heure, nous poursuivons notre combat au Canada. En 2016, la Cour suprême a tranché en notre faveur dans la décision Daniels en statuant que le peuple métis relevait entièrement du fédéral sur le plan constitutionnel et fiduciaire. Toutefois, la décision ne s’est pas concrétisée. Nous sommes encore exclus.

Si vous consultez des documents provenant de Services aux Autochtones Canada, de Relations Couronne-Autochtones et d’organismes connexes, vous verrez des noms tels que « Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits », « Programme des services de police des Premières Nations et des Inuits » et plusieurs autres noms de directions ou de programmes se terminant par « Premières Nations et Inuits ». Je ne suis pas contre cette structure. J’appuie sans réserve la progression des Premières Nations et des Inuits au pays.

Cela dit, quelque chose cloche. Il y a un élément manquant. Les Métis ne sont mentionnés nulle part. Je trouve cela extrêmement frustrant. Je fais de la sensibilisation auprès de la population lorsque je retourne chez moi. Je suis président de la FMM depuis 27 ans. J’ai travaillé auparavant au ministère de la Justice. Lorsque je discute de la question avec les membres de la collectivité, je leur dis que nous sommes encore exclus même si nous avons payé des milliards en impôts. Pourquoi sommes-nous traités de la sorte? Pourquoi le Canada ne reconnaît-il pas notre nation?

Pendant les deux grandes guerres, ils nous ont enrôlés très rapidement pour nous envoyer outremer combattre au nom de gens que nous ne connaissions même pas. Une fois les guerres terminées, nous sommes retombés dans l’oubli.

De mon point de vue, nous devons lire avec précaution les dispositions de la déclaration. N’oublions pas la crainte que ce texte inspirait. Une théorie circulait au Canada selon laquelle la déclaration allait entraîner le chaos dans l’économie. Rien de tout cela n’est arrivé.

J’ai dit publiquement que le consentement donné librement et en connaissance de cause établi dans la déclaration n’interdit pas au Canada — et aux joueurs économiques au pays — de progresser en partenariat avec les Métis. Cette disposition ne nous donne pas carte blanche pour tout bloquer et exiger que toutes nos demandes soient acceptées pour aller de l’avant. Je l’interprète plutôt comme une manière d’obliger les joueurs de l’industrie à s’attabler avec nous et à nous traiter comme des partenaires égaux.

À propos des lacunes, je n’appuie pas le conseil national — pour répondre à la question de la sénatrice sur le comité national — dans un contexte de véritable respect des droits. Je suis contre le conseil et je vais vous expliquer pourquoi. Je ne crois pas que le conseil devrait exister. Il a été établi, mais un peu tard.

Nous avons déjà signé une entente de reconnaissance et de mise en œuvre de l’autonomie gouvernementale en 2021 avec le gouvernement du Canada. Les frontières n’existent plus pour la nation métisse. Les frontières de la Saskatchewan, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique ont disparu. Il en va de même pour les frontières des Territoires-du-Nord-Ouest et des États-Unis. Nous avons signé l’entente et nous sommes retournés au découpage traditionnel du territoire au pays et à nos terres originales, qui s’arrêtent aux Rocheuses.

Ainsi, de ce point de vue, je vois l’organisme gouvernemental national, ou le conseil national, comme une menace et un outil qui pourrait être utilisé contre nous. Par rapport à la DNUDPA, si le Canada n’a pas le bon dirigeant ou les bonnes intentions, l’organisme sera présenté comme le porte-parole national; il maintiendra que la position qu’il défend est la nôtre. Mes paroles et celles de M. Awashish seront sans importance. Je le répète, je suis élu par le peuple. Cet organisme sera doté de pouvoirs; il travaillera auprès du gouvernement; il discutera avec les parlementaires; il leur dira ce qui est bon pour nous selon lui et non selon moi, alors que je suis élu par le peuple. Vous avez été choisis comme sénateurs, et nous devons croire que vous travaillez de bonne foi — que vous êtes là pour une raison : pour assurer la protection de la population et la surveillance du gouvernement.

On est en train de mettre sur pied cet organisme de surveillance sans nous consulter et sans discuter avec nous sur les règles qu’il devra suivre ou sur les pouvoirs qui lui seront conférés. En ce moment, je n’ai nullement confiance en cet organisme national. Toutefois, je pense que sous leur forme actuelle, les dispositions de la DNUDPA sont suffisantes. La vraie question, c’est de savoir comment elles seront utilisées, sénatrice Sorensen.

Merci beaucoup pour la question. Je vous prie d’excuser la longueur de ma réponse, mais tout cela est relié au processus sur lequel portait votre question. Merci.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie pour vos déclarations. Je vais aborder un sujet sensible pour les Premières Nations et les Métis, mais vous savez que la discussion s’impose.

D’abord, le Canada n’a pas rendu justice aux Métis d’un océan à l’autre. Je suis une femme des Premières Nations et j’ignore ce qu’est une nation métisse. Je connais seulement la Fédération des Métis du Manitoba parce que j’ai grandi auprès d’elle et que des membres de ma famille y appartiennent. Le nombre croissant de personnes qui disent être Métis ou membres des Premières Nations sans preuves à l’appui me préoccupe, mais en même temps, des communautés historiques métisses de l’Alberta et de la Saskatchewan ont été exclues. Je travaille avec elles.

Les membres des Premières Nations ne se perçoivent pas seulement comme des individus; la communauté et la collectivité sont au premier plan de la défense des intérêts et des droits. L’expérience commune d’injustice et d’oppression nuit à la capacité de la collectivité de bien fonctionner et de se renouveler. Cette question est cruciale. La collectivité ne se limite pas à la somme des capacités individuelles.

Le Canada a permis aux Métis d’être partis à des revendications portant sur le territoire, l’autonomie, la participation politique, les ressources naturelles et le développement, et ce, sans poser de questions. Pour nous, il est donc essentiel de comprendre qui sont les Métis pour pouvoir examiner les droits inhérents des deux groupes. Ce sera ma deuxième question.

J’aimerais vous entendre là-dessus. Que pouvons-nous faire pour mieux comprendre?

M. Chartrand : Je vous remercie pour la question, sénatrice McCallum.

Vous avez indéniablement tout à fait raison. Je pense que tout le monde sait... En fait, ce n’est pas pas vrai. Tout le monde devrait le savoir aujourd’hui. L’autre jour, j’ai demandé à ma femme : « Quand le Canada comprendra-t-il qui nous sommes? » Lorsque je participe à des assemblées — je voyage partout dans le monde pour donner des conférences sur le développement économique et les partenariats avec les Autochtones —, je repense aux réflexions et aux positions que j’ai eues après 27 ans à la présidence. Le Canada a fait la guerre contre nous. La première fois, c’était en 1816, puis en 1870 et en 1885. Ce furent les dernières batailles — je parle de batailles militaires. Pourquoi la population canadienne ne sait-elle pas qui nous sommes? Elle n’a que des commentaires négatifs sur Louis Riel; elle le voit comme un traître et elle ne parle que de sa trahison. Tout ce qu’elle dit à propos de lui est négatif — les connotations sont toujours péjoratives. Même en 1816, année de la bataille pour le libre-échange... Nous avons remporté cette bataille, et quel nom le Canada a-t-il donné à cet événement? Le « massacre » de Seven Oaks. Il a dû faire de nous des méchants; il ne pouvait pas nous présenter comme des héros ou dire que nous nous battions pour le libre-échange. Nous appelons cet événement la victoire de la Grenouillère. Cette première bataille a eu lieu au centre-ville de Winnipeg.

À travers l’histoire, partout où les Métis se sont définis au moyen de symboles... Regardez les perles que je porte. Les peuples autochtones n’avaient qu’à voir les perlages pour se reconnaître les uns les autres. Les perlages nous disaient à quelle nation une personne appartenait, et il en était de même pour nous. Autrefois, les Premières Nations nous appelaient [mots prononcés dans une langue autochtone] — « le peuple qui s’appartient ». L’État leur retirait leur autonomie, il les plaçait dans des réserves et il les privait de leurs libertés, de leurs richesses et de leurs possibilités. Elles ne s’appartenaient plus. Ce combat se poursuit aujourd’hui avec la Loi sur les Indiens.

De notre point de vue, les Métis sont connus. Or l’erreur qu’a faite le Canada, c’est d’attendre jusqu’à 1982 avant d’ajouter les droits des Métis à la Constitution.

D’abord, le Canada a nié la légalité du gouvernement provisoire. Aujourd’hui, nous avons prouvé que ce gouvernement était légal. Le Canada a aussi nié que Louis Riel avait été le premier à occuper le poste de premier ministre. Nous avons obtenu cette reconnaissance 154 ans plus tard.

Quand on commence à se pencher sur les événements, on constate que le Canada a nié l’histoire de notre peuple. En 1982, feu Pierre Elliot Trudeau a accepté de modifier la Constitution. L’intégration des Métis à la Constitution a soulevé une nouvelle question : « Qu’est-ce que cela signifie? » La réponse qui a été donnée est : « C’est à vous de nous le dire. » Depuis 1982, nous nous évertuons à définir l’identité de notre peuple. Le gouvernement devrait comprendre qui nous sommes sans nous remettre en question.

Le gouvernement s’est opposé à nous. Il a refusé de reconnaître que nous sommes un peuple titulaire de droits. Puis, en 2016, la Cour suprême s’est prononcée en notre faveur dans l’affaire Daniels. L’arrêt n’a encore rien changé, mais les choses commencent à bouger. Maintenant, nous faisons face à des problèmes d’usurpation d’identité. Les gens voient les possibilités qu’offrent les politiques autochtones et ils changent de position. Les dirigeants, comme M. Awashish et moi, luttent pour le contrôle et pour le droit de protéger leurs peuples. Nous avons modifié nos politiques. Les gens se disent : « Je pourrais avoir un passe-droit. » Certains l’ont fait pour obtenir des postes de juges, de policiers ou d’agents de probation; d’autres l’ont fait dans d’autres domaines, dont celui de la santé. Des doutes ont même été émis récemment sur l’identité de Buffy, une grande chanteuse.

Quand on commence à se pencher sur la question, on constate que les risques sont nombreux. Il y a non seulement des individus qui tentent d’usurper notre identité, mais aussi une nation entière en Ontario. Elle s’approprie nos perlages. Elle s’approprie le drapeau représentant l’infini que les Métis ont fait flotter en 1860, durant la première bataille dans les Prairies. Elle s’approprie nos héros. Elle s’approprie notre couleur rouge. D’après vous, d’où vient le titre La gigue de la rivière Rouge? De la région de la rivière Rouge. D’où vient le violon de la rivière Rouge? De la rivière Rouge. Et la charrette de la rivière Rouge? De la rivière Rouge. Aujourd’hui, une nation de l’Ontario arbore ces symboles comme s’ils lui appartenaient. C’est la raison pour laquelle les chefs de l’Ontario et nous avons organisé un sommet qui aura lieu les 14 et 15 mai, à Winnipeg. Je vous invite toutes et tous à y assister. Les chefs de l’Ontario et la Fédération des Métis du Manitoba organisent un sommet sur la fraude d’identité parce que nous, les dirigeants, craignons que les gens nous envahissent et que personne ne les arrête. N’hésitez pas à demander des explications aux gens. Ne craignez pas d’être accusés de racisme ou de discrimination si vous leur posez des questions.

Je l’ai dit aux gens de l’Ontario qui prétendent être Métis — à Ottawa, à Simcoe et le long de la frontière du Québec. Je leur ai dit de faire comme nous et de raconter leur histoire. Il nous a fallu des siècles pour en arriver au point où nous en sommes aujourd’hui au Canada. Maintenant, ils se promènent en charrette de la rivière Rouge en disant qu’ils sont Métis comme nous. Ils doivent nous dire qui ils sont vraiment; ils doivent nous raconter leur histoire. Le gouvernement les reconnaîtra peut-être. Il leur conférera peut-être des droits — je ne sais pas —, mais ils n’appartiennent manifestement pas à notre groupe et ils doivent cesser d’usurper notre identité.

Votre question est donc très sérieuse. J’encourage les non-Autochtones à ne pas hésiter à poser la question : « Qui êtes‑vous? » Nous reconnaissons les Métis de la rivière Rouge dans les Prairies; leur identité n’est nullement contestée. Les Premières Nations sont ici depuis 10 000 ans; c’est sans contredit. Laissez-les définir leur identité, et laissez-nous définir la nôtre.

Une fois que nous avons défini notre identité, respectez-la, protégez-la et défendez-la. Ne laissez personne prétendre qu’elle est nous sans d’abord lui demander de vous raconter son histoire. Elle ne pourra pas vous répondre parce qu’elle ne peut pas être nous. Nous ne sommes pas elle.

Au bout du compte, vous ne devez pas craindre de demander : « Qui êtes-vous? Racontez-moi votre histoire. »

La sénatrice McCallum : Je reprendrai la parole durant la deuxième série de questions.

Le sénateur Arnot : Merci. J’ai deux questions. La première s’adresse au grand chef Constant Awashish.

Le conseil de votre nation a travaillé très fort pour protéger les droits des membres de votre communauté. Je pense spécialement au principe de Joyce. Pouvez-vous nous décrire le travail que vous avez fait dans ce dossier et les résultats que vous espérez obtenir? À votre avis, la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones a-t-elle eu une incidence sur la volonté du gouvernement de soutenir des efforts importants comme ceux liés au principe de Joyce?

Ma question pour le président Chartrand est la suivante : pouvez-vous faire le point, brièvement, sur l’incidence de l’Entente de reconnaissance et de mise en œuvre de l’autonomie gouvernementale des Métis de la rivière Rouge du Manitoba? Plus précisément, pouvez-vous faire le point sur les objectifs futurs de la Fédération des Métis du Manitoba? Je pense à l’autonomie gouvernementale, au développement économique et aux droits des Autochtones. J’aimerais aussi savoir quel est l’effet de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones sur vos stratégies. Merci.

[Français]

M. Awashish : Merci beaucoup. En ce qui concerne le principe de Joyce, je crois tout d’abord que le gouvernement du Canada l’a mentionné dans sa Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones; c’est indiqué dans son plan d’action.

Pour nous, c’est un travail qui a été très difficile d’un point de vue émotif. Ce travail a été fait avec ma petite équipe. On a travaillé très fort à mettre en place des recommandations, des directives et une marche à suivre qui concernent vraiment les services publics, que ce soit dans le domaine de l’éducation ou dans d’autres domaines. Cela concerne surtout le domaine de la santé, les institutions et les services de soins de santé. On parle de l’éducation des futurs infirmiers et des futurs médecins et de la sensibilisation de la population en général au racisme systémique que les Premières Nations ont subi depuis très longtemps. Il faut également sensibiliser les travailleurs gouvernementaux pour qu’ils comprennent mieux la réalité des Premières Nations.

En tant que leaders autochtones, on a l’impression de se répéter. On a proposé des solutions et des façons de faire à plusieurs reprises. Je crois que l’on connaît un peu la situation. Plusieurs commissions ont été mises en place à différentes époques et elles sont toutes arrivées à la même conclusion. Il faut modifier le regard de la population face aux Premières Nations. Le principe de Joyce consiste vraiment à faire comprendre qu’il existe une situation problématique dans le système de santé. Le principe de Joyce est un aspect qui fait partie de l’ensemble du corpus de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il y a beaucoup de choses qui nous préoccupent à cet effet.

Aujourd’hui, je me présente ici, et je vous remercie pour votre accueil. Toutefois, il y a une préparation à faire. Il faut mobiliser des ressources. Je sais qu’il est important de tenir une rencontre chaque année. Vous allez faire des mises à jour chaque année sur la mise en œuvre de la déclaration. Les Premières Nations ont également besoin de ressources pour se préparer et aider le comité à faire de meilleures recommandations ou modifications. Ce sont des préoccupations que nous avions.

Au Québec, nous avons une particularité. Il semble que le gouvernement du Québec n’accepte pas trop la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones actuellement, ce qui rend notre travail un peu plus difficile. J’ai mentionné plus tôt que le financement devrait être augmenté en fonction des réalités par province. En comparaison, la Colombie-Britannique est une province très proactive dans la reconnaissance des droits des peuples autochtones et des droits inhérents. La province va bien d’un point de vue économique et a une très belle approche. Au Québec, toutefois, le gouvernement doit travailler plus fort avec le gouvernement de cette province pour faire avancer et faire respecter la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Pour nous, le travail est quelque peu difficile. Il y a une histoire particulière avec le Québec, et beaucoup d’efforts devront être faits. Je sais qu’il existe plusieurs comités un peu partout pour toutes sortes de raisons, mais il faudrait mettre en place un comité où les Premières Nations pourront s’asseoir et faire entendre leurs préoccupations et recommandations directement au sujet de l’avenir de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, à savoir comment améliorer sa mise en œuvre et articuler tous les changements qui doivent se faire sur le plan de la législation. Faire ce travail au moyen de comités qui nous sont extérieurs peut nous aider, mais les Premières Nations doivent faire partie intégrante de tous ces comités pour améliorer la compréhension de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

C’était un peu l’intention du principe de Joyce. On voulait sensibiliser les gouvernements et on souhaitait que le principe de Joyce soit adopté par les gouvernements. Le gouvernement fédéral l’a adopté et reconnu. Le gouvernement du Québec, par contre, n’a malheureusement pas voulu adopter le principe de Joyce, malgré la tragédie et malgré l’avis de plusieurs experts, de doctrines et de commissions d’enquête qui reconnaissaient le problème du racisme systémique subi par les Premières Nations. La difficulté avec le gouvernement du Québec, c’est qu’il ne voulait pas reconnaître ce mot qui faisait partie du principe de Joyce.

Voilà donc la situation pour nous. On continue de défendre nos intérêts pour sensibiliser, éduquer et transformer les mentalités et le regard des gens face à nous pour améliorer la relation que la province peut avoir avec nous, la nation atikamekw, mais aussi avec l’ensemble des Premières Nations au Québec. Encore une fois, la question principale est la suivante. On parle de droits territoriaux, de droits inhérents et d’autodétermination. On ne peut pas en parler sans qu’il soit question de ressources naturelles et de territoire.

La façon dont le Canada est conçu fait en sorte que les compétences appartiennent aux provinces. Il y a donc une difficulté supplémentaire à appliquer la déclaration ou à voir une ouverture de la part des provinces. Je félicite et reconnais le travail proactif de la Colombie-Britannique dans ce domaine. La situation au Québec est totalement différente et nous espérons que le gouvernement fédéral peut mettre en place un mécanisme ou créer un poste de rapporteur ou d’agent qui pourra mieux expliquer la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, les impacts de sa mise en œuvre et tous les bénéfices que cela pourrait apporter à la société dans son ensemble. Actuellement, malheureusement, le Québec ne l’a pas encore compris.

Merci.

[Traduction]

Le sénateur Arnot : J’ai une question complémentaire pour le grand chef Awashish; je vais la poser durant la deuxième série de questions. Je demanderais au président Chartrand de répondre à ma première question.

M. Chartrand : Merci beaucoup, sénateur Arnot. J’écoute les questions qui sont posées ici aujourd’hui et je vous en remercie. Elles sont très importantes. Franchement, si je pouvais demander au Sénat de faire quoi que ce soit, je lui demanderais de mener une étude sur l’identité des Métis de la rivière Rouge. D’après moi, ce serait extrêmement utile et important pour le pays et pour tout gouvernement, y compris le gouvernement actuel.

Vous m’avez demandé de faire le point sur le traité. Après des années de discussion avec le Canada, nous sommes rendus à la dernière étape. Aujourd’hui, je pense que nous nous sommes mis d’accord sur chaque virgule, chaque point et chaque mot. Les échanges durent depuis plusieurs années. Il y a eu des consultations. Nous avons parlé de notre traité avec des milliers de personnes.

Comment cadre-t-il avec la DNUDPA? Il ne fait aucun doute que les deux documents agiront l’un sur l’autre et qu’ils se soutiendront mutuellement. Pour nous, les Métis de la rivière Rouge, le traité est avant tout une question de principe. Il représente notre histoire et notre lutte pour faire reconnaître Louis Riel comme le premier à avoir occupé le poste de premier ministre provincial, ce qui a pris 154 ans. Déboulonner la statue grotesque située devant l’Assemblée législative et la remplacer par une statue symbolique a pris 120 ans.

Le traité même jette les bases du processus à suivre pour lever les obstacles à la reconnaissance des Métis de la rivière Rouge dans les Prairies, de nos droits historiques et de notre territoire, ainsi que de notre coexistence avec les Premières Nations du Manitoba et de la Saskatchewan. Rappelez-vous ce que j’ai dit plus tôt : nous avons éliminé les frontières; elles ne sont plus. Des milliers de personnes de partout dans l’Ouest nous demandent une carte de citoyenneté. Notre gouvernement a maintenant un mandat. Notre traité est très clair. Je ne dis pas : « Vu que vous êtes citoyen de la rivière Rouge, je vous représente. » Les citoyens doivent nous demander de les représenter. C’est ce qui donne à la démocratie son vrai pouvoir.

Dans une perspective d’avenir, le traité est un élément clé de nos relations de nation à nation et de gouvernement à gouvernement. Il fonctionnera bien de pair avec la DNUDPA. Il protège aussi les futures relations à long terme.

Vous avez posé une question importante : quelle incidence le traité aura-t-il? Regardez notre situation économique. Comme vous l’avez entendu, nous donnons de l’argent à différents organismes sans but lucratif et à des services de soutien. Nous exploitons avec succès nos propres pharmacies et nos propres entreprises de construction. J’ai créé des pharmacies parce que les membres de ma communauté n’avaient pas les moyens de s’acheter des médicaments. Selon les résultats d’une étude, nous avons la plus haute incidence de maladie chronique au Manitoba. Nous avons dépassé les Premières Nations. C’est un triste exemple, mais malheureusement, c’est le seul outil à notre disposition pour illustrer la gravité de notre situation dans le domaine de la santé. Je vous parle sincèrement quand je vous dis que le Canada ne nous offre aucun programme de santé. Regardez les résultats de l’étude aujourd’hui. J’ai dit à mes collègues : « Nous pouvons toujours pleurer et donner des coups d’épée dans l’eau, mais tant que nous ne trouverons pas nous-mêmes des solutions, les membres de notre communauté continueront à mourir injustement dans leur soixantaine parce qu’ils n’ont pas les moyens de s’acheter des médicaments. » Un retraité qui a déjà peine à joindre les deux bouts parce qu’il doit payer son loyer, sa nourriture et tout le reste ne peut pas se permettre une facture d’ambulance. Nos pharmacies sont sans but lucratif. Le gouvernement n’en tire pas de profits. Nous assumons le coût des médicaments pour les personnes âgées de 55 ans et plus. J’ai l’intention de réduire la limite d’âge à mesure que nos revenus augmentent.

Si l’on examine les possibilités offertes au pays, on constate que plus on en sait sur les Métis de la rivière Rouge, plus notre communauté sera en mesure de continuer à créer ses propres politiques.

Le Manitoba nous a confié la responsabilité du logement. Nous avons enfin remporté une grande victoire. Vous ne voyez peut-être pas cela du même œil, mais pour nous, c’est une victoire importante. La Société canadienne d’hypothèques et de logement, ou la SCHL — autrement dit le gouvernement fédéral —, n’a plus le pouvoir de décider quelles politiques sur le logement sont les meilleures pour nous. Le contrôle nous a été donné. Je suis entièrement responsable des décisions à prendre pour répondre à nos besoins en matière de logement. En deux ans et demi, j’ai dépensé 3 millions de dollars, et nous avons acheté 1 000 maisons. Dites-moi comment j’y suis arrivé. Les premiers ministres provinciaux n’en croient pas leurs oreilles quand je leur dis qu’en dépensant seulement 3 millions de dollars, j’ai permis à 1 000 familles de s’acheter une maison au Manitoba et dans les Prairies.

L’occasion est de nous donner le droit de prendre des décisions. Nous avons nos propres lois en matière de récolte. Vous avez posé une question sur ce à quoi cela mènera. Nous avons des lois. Le gouvernement s’est moqué de moi lorsque je les ai présentées quand je suis devenu président. Il a dit, « Les cartes de crédit canadiennes valent beaucoup plus. N’écoutez pas M. Chartrand. Il est fou. Ces cartes n’ont aucune valeur ». De nos jours, elles font la loi. Nous avons des lois sur la conservation plus strictes que celles de la province du Manitoba car nous pensons aux générations à venir. Cela nous donnera la capacité et l’occasion de commencer à faire des choses. Nous pouvons décider de notre propre sort et de notre avenir. C’est ce que fera le traité. C’est ce que fait l’autonomie gouvernementale.

J’ai même dit ceci au gouvernement du Canada : « Vous n’avez pas besoin de me donner de l’argent. Utilisez l’approvisionnement comme un véritable outil. Vous créerez des millions d’emplois pour les Autochtones si vous l’utilisez correctement. » C’est ce que nous faisons à l’heure actuelle. C’est incroyable ce que le pouvoir de l’approvisionnement peut faire. Nous entretenons actuellement une relation avec le Canada. Il dépense 20 milliards de dollars pour une usine de l’armée de l’air. Nous avons notre part du gâteau, soit 5 %. Savez-vous combien d’emplois seront créés et quelle capacité nous aurons? Cet approvisionnement est vraiment utilisé, et il ne coûte pas un centime au Canada. C’est seulement un changement de politique.

Si vous voulez croire en l’autonomie gouvernementale, alors traitez-nous comme un gouvernement. Invitez-nous à la table des négociations. Demandez-nous ce qui est bon pour nous. Si vous n’êtes pas d’accord, débattons-en. Mais donnez-nous à tout le moins les outils et la capacité de le faire. C’est ce que le traité fera. Il forcera enfin le Canada à s’asseoir à la table pour que nous puissions discuter de gouvernement à gouvernement. Faites-moi confiance, vous verrez le changement. Cela ne coûtera pas trop d’argent au pays. Nous avons déjà donné beaucoup d’argent au pays. En fin de compte, ce changement sera remarquable. Imaginez qu’avec 3 millions de dollars, nous avons acheté 1 000 maisons. Avec les 291 millions de prêts hypothécaires que nos concitoyens ont pu contracter par eux‑mêmes, tout ce dont ils ont besoin, c’est d’un peu d’aide. Le reste leur appartient. Plus de 400 d’entre eux cherchent actuellement des maisons à acheter. D’ici un an, 1 500 maisons auront été achetées par nos concitoyens. Nous réglons certains des problèmes auxquels le Canada est actuellement aux prises. C’est le traité. C’est l’autonomie gouvernementale. C’est ce que la DNUDPA commencera à faire.

La sénatrice McCallum : Vous avez parlé du racisme systémique. Je vais parler du racisme institutionnel, ce qui inclut le racisme systémique, lorsque nous examinons la santé, l’éducation et la garde d’enfants. Il y a ensuite le racisme structurel qui soutient le racisme dans les systèmes. Ce racisme institutionnel existe toujours aujourd’hui, mais il est désormais plus subtil.

Comment peut-on parler de réconciliation quand cette question est au cœur des fondements du Canada et de la manière dont il légifère, de la manière dont nous le faisons et de la manière dont nous comprenons les choses? Si l’on considère différentes façons dont les Métis et les Premières Nations ont été autorisés à vivre au Canada, on constate qu’il y avait différents types de racisme institutionnel. Ce racisme a créé un clivage entre les Premières Nations et les Métis qui existe encore aujourd’hui.

Nous sommes liés parce que la matriarche des Métis est une femme des Premières Nations. Si nous regardons ce qui nous revient de droit, quels sont les droits de compétence qui sont en jeu? Quelles sont les lois relatives à la récolte? Quels sont les droits inhérents? Ils sont différents pour les deux groupes parce que les Premières Nations étaient là avant les premiers contacts, depuis des temps immémoriaux, et les Métis, après les premiers contacts. Qu’est-ce que cela signifie? Comment les droits que nous demandons ont-ils une incidence les uns sur les autres?

J’imagine que c’est un appel que je lance pour que nous agissions ensemble, car la division n’a pas résolu le problème. J’exhorte les dirigeants à commencer à collaborer. Je suis ravi que vous envisagiez de travailler avec les chefs de l’Ontario. Je suis très impressionné, président Chartrand, par le travail que vous avez accompli. C’est ce que je voulais dire : le Canada ne connaît pas la nation métisse. Si l’on considère le racisme institutionnel qui existe et la façon dont il nous a dressés les uns contre les autres, y a-t-il une solution? Cette question s’adresse à vous deux.

M. Awashish : De nombreux organismes et gouvernements étudient cette question depuis de nombreuses années. En ce qui concerne la façon dont nous l’avons ressentie et vécue, nous avons été placés dans des réserves pour qu’ils puissent s’approprier les terres et les ressources naturelles. Tout le monde en a profité, sauf nous. C’est ce qui s’est produit.

Il en est peut-être ressorti quelque chose de positif. Par exemple, dans mon pays, 90 % des gens parlent notre langue. Lorsque vous venez dans notre communauté, les enfants parlent notre langue à la maison, lorsqu’ils jouent dehors et lorsqu’ils vont à l’école. C’est peut-être une bonne chose.

Mais le problème, c’est qu’ils sont connectés à la télévision, à l’Internet, aux téléphones, aux tablettes, etc. Ils voient ce qu’ils ne sont pas. Ils se disent, « On nous a placés dans une réserve; nous sommes dans une situation précaire, avec un manque de logement et une situation difficile en matière de santé mentale ». De plus, ils s’aperçoivent qu’ils n’ont pas été correctement traités pendant de nombreuses années et apprennent pourquoi ils sont dans une situation de pauvreté aujourd’hui. Cela affecte la population en général.

La moitié de mes concitoyens sont âgés de 25 ans ou moins. Nous sommes confrontés à de nombreux problèmes en ce qui concerne les taux d’obtention d’un diplôme. Nous travaillons fort pour les aider à comprendre qu’ils doivent aller à l’école pour améliorer leur vie, mieux défendre leurs droits, créer des emplois et devenir des entrepreneurs.

C’est le défi auquel nous sommes confrontés en tant que nation atikamekw. J’ai toujours donné l’exemple suivant aux Québécois : au Québec, il y a eu une période qu’on appelle la Révolution tranquille. Au Québec, avant les années 1960, les Français étaient pauvres et les Anglais étaient riches. Après les années 1960, ils ont nationalisé beaucoup de choses et ont amélioré leur mode de vie, leur bien-être. C’est que ce nous essayons de faire. Nous sommes très en retard. Lorsque nous parlons de « combler l’écart », c’est bien ce que c’est — combler l’écart. Cette situation est causée par le racisme systémique. Nous n’étions pas obligés d’être placés dans des réserves. Il y avait une stratégie pour s’approprier les terres.

Au Québec, contrairement à d’autres endroits — à l’exception de la Colombie-Britannique —, il n’y a pas eu de traité. Nous n’avons jamais cédé. Nous n’avons jamais cédé nos terres. Nous n’avons jamais été conquis par la guerre. Cela a été reconnu par le droit international. Il s’agit donc de notre terre, mais nous avons encore du mal à nous faire respecter par la province et le gouvernement sur cette question. Donc, le jour où le gouvernement comprendra et reconnaîtra ce fait, nous pourrons commencer à parler de réconciliation.

La véritable réconciliation n’est pas qu’un simple terme. Avec une véritable réconciliation, nous serons en mesure de nous asseoir ensemble et créer quelque chose — un traité, un document ou un accord où vous ferez telle ou telle chose, et nous travaillerons ensemble concernant la gestion des terres et des ressources naturelles. C’est ce que nous essayons de faire, et ce, depuis 1979. C’est assez difficile parce que c’est là où nous nous retrouvons toujours face à un mur : parler des ressources naturelles et des terres.

Je pense que ce groupe de témoins est très intéressant ce matin. Nous n’avons pas vraiment de problèmes avec les « prétendants » — je ne sais pas comment les appeler.

M. Chartrand : Vous en aurez. Ils viendront.

M. Awashish : Mais nous savons qui sont les Atikamekws. Nous connaissons des Atikamekws qui sont partis il y a 100 ans. Nous avons encore des contacts avec eux et nous savons où sont leurs familles. Ce sont des Atikamekws à nos yeux. Le concept de Métis ne nous a pas vraiment préoccupés pendant de nombreuses années — en tout cas, en ce qui me concerne. On en parle davantage aujourd’hui.

J’ai écouté M. Chartrand ce matin, j’ai écouté les Nations unies ces dernières semaines, et tout ce qui touche au vol d’identité me préoccupe beaucoup. J’essaie également de comprendre la différence entre les Premières Nations, les Autochtones et les Métis. Je sais que les Métis de la rivière Rouge ont une histoire particulière, et nous devons le reconnaître. Ils ont fait la guerre. Ils se sont mêlés aux Cris à l’époque et ont créé l’histoire des Métis et de la nation métisse. J’essaie de comprendre comment les choses fonctionnent. Il est clair pour moi que vous êtes une Première Nation. Vous avez des droits sur la terre. Vous avez des droits sur les ressources naturelles et le territoire. C’est ce à quoi nous devons travailler pour la réconciliation, pour nous assurer que les provinces comprennent que nous sommes la main-d’œuvre et les entreprises de demain. C’est là où elles doivent investir dans les Premières Nations. Comme je l’ai dit, la moitié de notre population est âgée de 25 ans et moins. Nous avons de nombreux problèmes sociaux. Mais s’ils ne travaillent pas...

Le président : Je suis désolé de vous interrompre. Nous devons vraiment clore la réunion à 11 heures et je veux que M. Chartrand fournisse quelques éléments de réponse.

M. Chartrand : Allez-vous mettre fin à cet échange? Nous avons une bonne discussion. C’est très agréable. Vous devez nous inviter à nouveau, M. Awashish et moi.

Premièrement, c’est une très bonne question et une très bonne analyse. Elle saisit bien votre message sur la façon dont nous avons été traités différemment, et comment cela nous a amenés à nous traiter différemment entre nous et à nous battre les uns contre les autres. J’aime beaucoup l’analogie que vous venez de faire. Vous avez tout à fait raison : nous sommes une nation maternelle. Nos mères étaient des Premières Nations. Nos pères venaient d’outre-mer et la plupart d’entre eux sont partis, nous laissant dans les Prairies. À une époque, pour être honnête, certains nous appelaient les « bâtards des Prairies » parce que nous n’avions pas de père et que nous étions livrés à nous‑mêmes. Dieu merci, nos mères autochtones nous ont élevés.

Mais d’un autre côté, les Premières Nations ne voulaient pas de nous non plus, parce que notre apparence était différente. Nous avions des cheveux, des yeux et un teint différents. Donc, les mères autochtones ont été très fortes et courageuses pour élever un peuple qui est devenu une culture et une identité avec sa propre histoire, ses broderies, sa musique, sa langue — le michif — et ainsi de suite. Je parle couramment la langue des Saulteaux en raison de mes origines. Quand on regarde cette histoire — au Manitoba, j’essaie désespérément depuis des années de conclure des traités entre les Premières Nations et nous. J’ai dit, « Aujourd’hui, nous parlons et nous nous vantons de nos diplômes accrochés aux murs et de toutes ces différentes réalisations que nous avons accomplies dans le domaine de l’éducation notamment, certains étant devenus avocats et d’autres non. » J’ai dit, « Nous nous penchons sur les dirigeants de notre histoire, les chefs des Premières Nations, les Métis de la rivière Rouge et Louis Riel. » Louis Riel a défendu les Premières Nations parce qu’elles sont nos familles et nos proches. À une époque, le Manitoba comptait 12 000 personnes, dont 10 000 étaient des Métis. Nous étions la puissance des Prairies. Nous étions la force militaire qui protégeait les Prairies. Quand les Irlandais venaient des États-Unis pour planter leur drapeau dans le sol des Prairies et déclaraient qu’il s’agissait d’un territoire américain, qui était là? Les Métis de la rivière Rouge étaient prêts à faire la guerre. Nous avons été très clairs: s’ils traversaient la frontière et nous déclaraient la guerre, nous partirions en guerre contre eux.

Donc, lorsque vous regardez l’histoire de qui nous étions et ce qui doit être fait, je dis à certains chefs de ma région — j’ai des chefs très intelligents dans ma région — qu’ils auraient pu avoir avoir ces relations dans le passé, dans les années 1800. Les Premières Nations et les Métis entretenaient de bonnes relations. Les Pieds-Noirs de l’Alberta, par exemple, étaient réputés pour être des combattants. Les Métis entretenaient des relations très étroites. C’est ainsi que nous avons contourné le problème sans interférer dans les compétences.

Si nous regardons l’histoire et notre capacité de conclure nos propres traités, je pense qu’il est grand temps de le faire. Je pense qu’il faut aller de l’avant. Mais nous, en tant que dirigeants, devrons le faire. Nous devons signer des traités entre nous, reconnaître la position de chacun et coexister sur le plan territorial — parce que, comme les Premières Nations, nous avons le droit aux ressources naturelles. Nous avons obtenu gain de cause à la Cour suprême du Canada. Nous négocions actuellement une revendication territoriale avec le Canada. Nous avons obtenu gain de cause en 2013.

Si nous regardons ce qui doit être fait, nous devons vraiment reconnaître — et la sénatrice McCallum a tout à fait raison de dire que le Canada nous traite différemment, ce qui nous oblige à nous battre. Le Canada mettra en place du financement pendant un an ou deux, une partie pour les Premières Nations et une autre pour nous. Puis ce financement disparaît. Il devrait y avoir un financement permanent qu’aucun gouvernement ne peut nous enlever, ce qui nous permettrait d’avoir un véritable plan. Voulez-vous que nous réglions le problème? Vous avez parfaitement raison : nous le ferons. Mais donnez-nous les outils et laissez-nous faire. Si le gouvernement change, cela signifie-t-il qu’on commence à supprimer le financement, qu’il commence à disparaître et que nous devons repartir à zéro, perdant ainsi tout le travail que vous faites et tout le travail que nous faisons? Il faudrait demander un financement permanent qu’aucun gouvernement, quel qu’il soit, ne pourrait toucher.

Vous avez visé juste : nous sommes une nation maternelle. Plus de 70 % des membres de mon cabinet sont des femmes. J’ai 1 200 employés dans la province, et plus de 70 % d’entre eux sont des femmes. Mes cadres supérieurs sont tous des femmes. Nous n’avons jamais eu les problèmes au Canada où nous essayons de trouver comment attirer plus de femmes en politique et dans d’autres domaines, comment atteindre la parité salariale, etc. Nous n’avons pas ces problèmes parce que nous sommes une nation maternelle. Pour nous, c’est automatique. Nous n’avons pas eu besoin d’envisager des façons d’embaucher plus de femmes ou de nommer plus de femmes à des postes politiques.

Pour conclure, si nous regardons notre culture, les gens viennent nous étudier et nous demandent, « Comment avez-vous réussi à ce que tant de femmes entrent en politique? » C’est naturel pour nous. Les femmes occupent un rôle important. Nous sommes une nation maternelle. J’étais un fils à maman et je le suis encore aujourd’hui.

De ce point de vue, je pense que nous avons du pain sur la planche, mais je vous encourage à continuer ce que vous faites. C’est le rôle du Sénat : vous êtes le chien de garde. C’est vous qui êtes censés surveiller les gens dans ce grand édifice pour qu’ils n’oublient pas leurs responsabilités et ce pour quoi ils ont été élus, à savoir représenter les règles et les droits des peuples autochtones dans ce pays. C’est le but de la DNUDPA.

Je vous remercie.

Le président : Merci, monsieur Chartrand, de ces remarques. Je vais céder la parole au sénateur Arnot pour qu’il puisse poser une question, mais je demanderai aux témoins de fournir leurs réponses par écrit, car nous n’avons plus de temps.

Le sénateur Arnot : Je vous remercie. Je vais tout de suite poser la question.

Grand chef, vous avez parlé de l’éducation, et je suis d’accord avec vous sur ce point. La question s’adresse au président Chartrand et au grand chef Awashish. Je crois au pouvoir de l’éducation, et je pense que le manque d’éducation est un obstacle à la réconciliation. C’est également un sérieux obstacle à la mise en œuvre de la Loi sur la DNUDPA.

La volonté politique est directement liée à la compréhension de la population générale du Canada. Je ne pense pas qu’un grand nombre de Canadiens adultes comprendraient le caractère unique des Métis de la rivière Rouge. De même, le grand chef a parlé du manque de compréhension. Je crois que les adultes canadiens baignent dans un océan d’incompréhension.

L’éducation relève des provinces. Nous devons disposer d’une éducation solide sur ces questions afin de promouvoir à la fois la mise en œuvre de la Loi sur la DNUDPA et la réconciliation. Ce manque d’éducation est un sérieux obstacle.

J’aimerais que vous répondiez, si vous le voulez bien, par ce que vous recommanderiez sur le plan de l’éducation puisque c’est entre les mains des provinces — bien qu’il y ait certaines choses que le Canada puisse faire avec Patrimoine Canada. Quels commentaires feriez-vous sur cette question importante? C’est un enjeu constant qui se pose toujours. Il n’y aura pas de volonté politique si les citoyens ne s’entendent pas — et les citoyens ne comprennent pratiquement pas les enjeux dont vous parlez.

Je vous remercie.

Le président : Merci, sénateur Arnot. Nous vous enverrons une copie de la transcription afin que vous ayez la question pour y répondre.

Sur ce, le temps prévu pour ce groupe de témoins est écoulé. Je tiens à vous remercier tous les deux encore une fois de vous être joints à nous aujourd’hui. Si vous souhaitez formuler d’autres observations, n’hésitez pas à le faire d’ici les sept prochains jours.

Avant de lever la séance, j’aimerais prendre un moment pour saluer les membres de la Société des services d’urgence des Premières Nations qui ont pris place dans la tribune du public pendant notre réunion d’aujourd’hui. Je vous remercie de vous être joints à nous et de l’important travail que vous accomplissez pour notre peuple.

(La séance est levée.)

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