Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 22 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 11 février 1999

Le comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur la Monnaie royale canadienne et la Loi sur la monnaie, se réunit aujourd'hui à 10 h 50 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Terry Stratton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous allons entendre ce matin des témoignages concernant le projet de loi C-41, modifiant la Loi sur la Monnaie royale canadienne et la Loi sur la monnaie.

Nous vous écoutons.

Mme Danielle Wetherup, présidente, Monnaie royale canadienne: Honorables sénateurs, c'est toujours un honneur pour moi de me trouver dans cet édifice, et c'est avec plaisir que nous vous rencontrons aujourd'hui pour participer à l'analyse approfondie du projet de loi C-41.

[Français]

La dernière fois que je suis venue devant ce comité, il y a près de quatre ans, c'était pour discuter l'émission d'une pièce de deux dollars. Cette pièce s'est avérée un franc succès. À ce jour, environ 400 millions de pièces ont été mises en circulation et ont rapporté au Trésor un montant de plus de 700 millions de dollars.

[Traduction]

Je reviens aujourd'hui pour obtenir votre appui à des changements à la Loi sur la Monnaie royale canadienne qui permettront à la Monnaie de devenir le leader mondial dans son secteur. La Monnaie a pour mandat de fournir à la population canadienne et à ses clients internationaux des pièces de monnaie de qualité, à coût raisonnable et dans les délais fixés. Nous sommes la seule société autorisée à produire, à vendre et à distribuer des pièces de monnaie au Canada.

Nos principaux concurrents, qui sont des monnaies nationales appartenant à des gouvernements étrangers et fonctionnant sous leur autorité, comme la Monnaie royale britannique, la Monnaie autrichienne, la Monnaie américaine et la Monnaie française, ont des mandats semblables au nôtre.

Nous devons équilibrer ce rôle important et notre vocation commerciale, qui veut que nous procurions un rendement à notre actionnaire. Nous y réussissons en fabriquant des pièces à coût rentable pour les Canadiennes et Canadiens et en commercialisant nos services de monnayage et nos produits monétaires à l'échelle mondiale.

Depuis que la Monnaie est devenue une société d'État en 1969, elle a versé au gouvernement 164 millions de dollars en dividendes, et lui a procuré, depuis 1987, 1,5 milliard de dollars en seigneuriage.

Le mandat de la Monnaie royale canadienne n'a jamais changé en ses trente ans comme société d'État. Le temps est maintenant venu de revoir la législation pour l'actualiser, refléter la réalité du marché actuel et donner à la Monnaie les pouvoirs qui lui permettront de relever les défis de demain. Le projet de loi C-41 vise à améliorer les activités commerciales de la Monnaie ainsi que son potentiel de développement dans les marchés qui se sont transformés radicalement depuis dix ans.

L'objectif fondamental du projet de loi est de moderniser la Loi sur la Monnaie royale canadienne en retirant les dispositions désuètes, en simplifiant le processus d'approbation concernant l'émission et les dessins des pièces de monnaie, en assouplissant la structure de régie de la Monnaie et en élargissant les pouvoirs de la Monnaie, sans modifier sa structure actuelle de responsabilisation, pour lui permettre de livrer une concurrence efficace à l'échelle du monde et d'atteindre son but de devenir un leader international dans le domaine du monnayage.

Monsieur le président, vous aviez bien raison lorsque vous avez affirmé pendant le débat que plusieurs éléments du projet de loi ne prêtent pas à controverse et sont de nature administrative. Les changements importants et nécessaires figurent toutefois dans les articles qui donnent à la Monnaie plus de souplesse pour concurrencer les monnaies nationales des gouvernements étrangers. Les articles auxquels je fais référence sont ceux qui proposent de doter la Monnaie des pouvoirs d'une personne physique et d'augmenter sa limite d'emprunt.

D'abord, examinons ensemble les pouvoirs d'une personne physique.

[Français]

En accordant à la Monnaie les pouvoirs d'une personne physique, on lui procurera la souplesse nécessaire pour réaliser son orientation stratégique à long terme. Les pouvoirs d'une personne physique lui permettreront de jouer son rôle d'ordre public, c'est-à-dire de produire des pièces de monnaie canadiennes et d'accomplir sa mission législative en réalisant des bénéfices.

Ces pouvoirs lui conféreront la flexibilité requise pour modifier sa structure d'entreprise, par exemple en formant des alliances ou des partenariats ou en créant des filiales. Nos principaux concurrents, qui sont les monnaies nationales d'autres pays, disposent déjà de ces pouvoirs. Ces nouveaux pouvoirs lui procureront une position aussi avantageuse que celle de ses concurrents dans un marché international soumis à une concurrence extrême. Ce marché exige de la Monnaie royale canadienne une vigilance constante pour arriver à identifier de nouvelles occasions et y réagir avec souplesse. Les avantages que le Canada en retirera sont clairs. Le succès de la Monnaie se traduira par la création d'emplois pour les Canadiens et l'exportation de la technologie et du savoir-faire canadiens.

[Traduction]

Je n'hésite pas à affirmer que ces pouvoirs augmenteront l'avantage concurrentiel de la Monnaie, et que ses projets d'avenir en dépendent.

Les produits, les technologies et, surtout, les gens de la Monnaie royale canadienne en font une organisation de classe mondiale. Les pouvoirs d'une personne physique nous permettront de saisir plus vite et plus efficacement les occasions commerciales et, par le fait même, d'accroître nos chances de voir nos affaires augmenter. Nous pourrons ainsi continuer à créer des emplois de qualité pour les Canadiennes et les Canadiens.

Le projet de loi C-41 ne veut pas dire que la Monnaie aura moins à répondre de ce qu'elle fait. Je veux être claire sur ce point. Dans l'exercice de ses nouveaux pouvoirs, la Monnaie restera soumise au même processus rigoureux d'approbation et au même cadre de responsabilisation que maintenant.

Ce cadre de responsabilisation exige l'approbation du Conseil du Trésor, celle du ministre des Finances et celle du gouverneur en conseil. De plus, le vérificateur général fait des vérifications annuelles et des examens spéciaux des activités de la Monnaie. En tant que présidente de la Monnaie, je n'accepterai rien de moins, car je tiens à préserver notre crédibilité et la structure de responsabilisation à laquelle nous sommes soumis.

[Français]

Ce projet de loi est une étape nécessaire pour améliorer la position concurrentielle de la Monnaie dans un marché farouchement compétitif tout en garantissant que les Canadiens continueront à avoir accès à des monnaies de qualité à coût raisonnable.

En faisant confiance à la Monnaie par l'octroi de ces nouveaux pouvoirs, ce dont nous sommes très reconnaissants, on lui permettra de planifier, de devancer ses concurrents et de réagir à un marché mondial mouvant où sévit une âpre concurrence. Les contribuables canadiens tireront profit de la confiance accordée à la Monnaie car celle-ci aura plus de succès. Encore une fois, j'insiste sur le fait que le système de frein et de contrepoids qui régit les activités de la Monnaie demeurera intact.

[Traduction]

L'autre sujet qui a suscité certaines inquiétudes est l'intention d'augmenter le pouvoir de la Monnaie en matière d'emprunt, le faisant passer de 50 à 75 millions de dollars. Cette modification permettra à la Monnaie de conserver une marge de manoeuvre et de sécurité pour répondre aux besoins d'une entreprise en croissance.

Cette souplesse accrue, en matière d'emprunt, fait partie intégrante du plan stratégique à long terme élaboré par la Monnaie pour lui permettre de relever les défis et de saisir les occasions que le nouveau millénaire ne manquera pas d'apporter. Ce plan stratégique à long terme repose sur la recherche très active de nouveaux marchés, le développement des marchés actuels, la création de nouveaux produits et l'ajout de valeur par l'entremise de nouvelles structures.

En se préparant à relever les défis de l'avenir et à saisir les occasions qui se présenteront, la Monnaie royale canadienne doit prévoir ses besoins financiers et se donner les moyens d'y répondre rapidement.

Conformément à notre pratique de contrôle rigoureux de tous nos plans d'affaires, nous avons demandé à des experts externes d'analyser la pertinence d'augmenter notre pouvoir d'emprunt, dans une perspective de rentabilisation. Les experts financiers ont indiqué que la capacité d'emprunt accrue n'est ni excessive ni imprudente, et qu'elle rapproche de fait la Monnaie des conditions et pratiques actuelles du marché.

Je tiens à dire clairement que l'augmentation du pouvoir d'emprunt ne signifie pas que la Monnaie royale canadienne a un besoin immédiat de financement.

[Français]

L'augmentation du pouvoir d'emprunt est simplement un autre moyen d'accroître la souplesse de la Monnaie et sa marge de manoeuvre sur le marché. Dans ce cas-ci également, les processus d'approbation qui régissent actuellement ces activités demeureront inchangés.

En terminant, je tiens à vous remercier de m'avoir donné la possibilité de parler de la Monnaie. La Monnaie tient une place réellement importante au Canada, mais rares sont les occasions que nous avons de pouvoir échanger, de même que de discuter de nos objectifs et de nos besoins. En lisant les Débats de la Chambre des communes sur le projet de loi C-41, j'ai noté avec beaucoup de plaisir que les députés se sont fréquemment exprimés avec respect et fierté, lorsqu'ils parlaient de la Monnaie royale canadienne. C'est un hommage précieux pour l'équipe de la Monnaie, une équipe de classe mondiale dont j'ai l'honneur et le privilège de faire partie.

[Traduction]

Mes années d'expérience à la Monnaie m'ont appris qu'il n'y a pas de limites à ce qu'un groupe d'employés compétents et dévoués peut accomplir ensemble. Nous croyons ferme que nous pouvons être le leader mondial du monnayage. Mon rêve est d'y parvenir. J'espère que les membres du comité partageront cette vision et procureront à la Monnaie les outils nécessaires à sa réalisation. Pour devenir un leader mondial dans n'importe quel domaine, il faut disposer de la meilleure équipe, du meilleur plan et de moyens adéquats.

Je tiens à assurer respectueusement au comité que grâce au projet de loi C-41 nous serons à la hauteur de la tâche qui nous attend, nous pourrons réaliser notre vision et nous parviendrons même à servir mieux encore les Canadiennes et les Canadiens.

[Français]

Le sénateur Bolduc: Vous nous avez dit que 80 p. 100 de vos revenus venaient de l'extérieur du Canada. Quels sont vos clients de l'extérieur?

Mme Wetherup: Nous avons des clients qui sont des pays. Nous avons des contrats réguliers d'environ 41 clients différents. L'an dernier, nous avions 19 contrats pour la production de monnaie étrangère. Nous avons des individus qui travaillent dans le domaine de projets numismatiques. Nous avons un très grand succès en Europe, surtout en Allemagne, grâce à nos projets numismatiques. Nous avons aussi la vente de métaux précieux comme le bullion, qui se fait sur le marché international. Le Japon et les États-Unis sont de grands acheteurs, tout comme certains pays d'Europe. Nous faisons l'affinage pour des pays qui n'ont pas les facilités nécessaires, comme les pays de l'Amérique du Sud et de l'Afrique. Nous vendons aussi notre assistance technique à ces pays.

Le sénateur Bolduc: Est-ce que les pays d'Afrique payent?

Mme Wetherup: Oui, c'est une chose qui est à notre avantage. Habituellement, le gouvernement va donner la priorité à sa monnaie nationale, du point de vue financier, alors nous avons toujours été payés.

Le sénateur Bolduc: Vous n'avez donc pas de mauvaises dettes?

Mme Wetherup: Non, absolument aucune.

Le sénateur Bolduc: Pourriez-vous nous en dire un peu plus, pour les profanes que nous sommes en la matière, sur ce que vous appelez le «Pollyanna investment climate»?

Mme Wetherup: Il y a des pièces en or et en argent qui se vendent pour les investisseurs. Il y a des gens qui achètent des parts ou des actions, et il y a des gens qui achètent de l'or. Cet or est vendu au prix déterminé par le marché, avec un petit pourcentage de profit pour la fabrication et la distribution.

Lorsque le taux des monnaies fortes internationales baisse, comme c'est arrivé au yen, il y a tout à coup une grosse demande pour l'or, car les gens deviennent inquiets. Lorsqu'il y a des fluctuations dans les taux de change aux États-Unis, il y a une demande énorme.

Le sénateur Bolduc: Vous achetez de quels producteurs d'or?

Mme Wetherup: Nous achetons l'or des entreprises commerciales mondiales.

Le sénateur Bolduc: J'imagine que vous êtes aussi soumis aux variations des prix?

Mme Wetherup: Oui.

Le sénateur Bolduc: Par conséquent, vous en tenez compte automatiquement dans votre prix de revente. Mais si le marché baisse, qu'est-ce qui arrive? Supposons que vous avez un inventaire de 500 millions d'or en briques, puis le marché baisse d'un coup, le prix passe de 324 $ à 287 $, et là vous êtes obligés de revendre votre or à 287 $. Comment faites-vous pour faire de l'argent?

Mme Wetherup: Nous gérons très bien notre inventaire. Nous avons appris très rapidement que garder des montants d'or dans nos voûtes n'était pas la chose la plus astucieuse à faire.

[Traduction]

Le président: Jusqu'à présent, il y a vous-même, le sénateur Fraser et moi.

Le sénateur Bolduc: Je tiens pour acquis que la société est bien gérée, et je ne veux pas en discuter. Nous sommes très fiers de cette gestion; cela ne fait aucun doute. À mon avis, le gouvernement a tout lieu de continuer à placer des femmes à la tête de certaines de ces sociétés d'État.

Le sénateur Mahovlich: Ne vous égarez pas.

Le sénateur Cools: Imaginez que je vous prenne au mot.

Le sénateur Bolduc: Je voudrais poser trois questions. Tout d'abord, je suis un peu surpris que le ministre ne soit pas là. Nous amendons une loi concernant la Monnaie, c'est-à-dire une société d'État. À mon avis, le ministre devrait être ici. Il est gênant de poser des questions d'ordre politique à des quasi-fonctionnaires. Évidemment, je ne veux nullement critiquer votre présence ici.

Vous relevez du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, et non pas du ministre des Finances. J'aimerais savoir pourquoi. Vous expliquez la présence de votre administration centrale à Ottawa par la nécessité d'être étroitement conseillés sur le plan technique par le ministre des Finances. On pourrait s'attendre à ce que vous releviez de lui.

De toute façon, c'est une autre question, que nous poserons au ministre, s'il comparaît devant le comité.

Le sénateur Cools: Si vous me permettez d'intervenir un instant, je voudrais répondre aux préoccupations du sénateur. Je tiens à l'assurer que de notre côté nous n'y voyons aucune gêne. Nous avons demandé au ministre de comparaître devant nous, et, d'après ce que je sais, il sera heureux d'accepter l'invitation. Il a déjà comparu à maintes reprises devant ce comité, et je suis sûre qu'il sera heureux de le faire de nouveau. Il n'y a aucune gêne à avoir.

Le sénateur Bolduc: L'article 4 du projet de loi fait référence au pouvoir de la Monnaie d'assurer la constitution, la dissolution ou la fusion de filiales et d'en acquérir et aliéner les actions. Cela me laisse un peu perplexe. Votre activité à pour objet principal de produire des pièces canadiennes. Vous avez dit, je le sais, que vous vouliez aussi gagner de l'argent sur le marché international et devenir une entreprise.

J'ai une certaine expérience des pouvoirs de ce genre au niveau provincial. Nous avons autorisé Hydro-Québec à constituer différentes filiales; il en va de même de la Société générale de financement et de plusieurs autres. Vous aurez bien du mal à me convaincre qu'il faut autoriser la Monnaie à constituer des filiales et à traiter avec d'autres sociétés. Un principe de notre démocratie libérale veut que les filiales d'organismes gouvernementaux n'aient que les pouvoirs que leur confère le Parlement. La Monnaie demande une forme de pouvoir général, et c'est cela qui me dérange.

Qu'avez-vous à dire à ce sujet? Il faudrait poser la question au ministre, mais comme il n'est pas là, j'aimerais avoir votre point de vue.

[Français]

Mme Wetherup: Quant à votre première question, qui relève de la gouvernance de la Monnaie, je dois vous rappeler que le ministère des Finances est également mon client. Je produis, pour le ministère des Finances, de la monnaie de circulation. En tant qu'entreprise, avoir un de mes clients comme patron, ce n'est pas nécessairement quelque chose qui m'enchanterait. Je pense que la division des responsabilités du client et du ministère responsable, qui est habituellement le ministère des Services et des Approvisionnements, et qui a peut-être un peu plus d'indépendance vis-à-vis mon client, est un bon équilibre. Ce sont deux ministres que je dois avoir en tête continuellement, mais je pense que les Canadiens sont peut-être, du point de vue commercial, bien servis par cette dualité.

En ce qui concerne la création de filiales, il faut se rappeler que la production de monnaie, depuis les temps préhistoriques, que l'on pense à l'Empire romain ou égyptien, par exemple, a toujours été la responsabilité de l'État.

De plus, nous sommes en présence d'un produit, les produits que nous avons apportés ici, qui est non seulement destiné à la circulation, mais qui est aussi un produit de collectionneur pour lequel il existe un marché.

Ce marché est à la fois étatique et privé. Je vais vous donner un exemple de ce qui peut se produire. Un de mes plus gros marchés est le marché autrichien, tout comme le marché allemand. Lorsque l'un des gros distributeurs européens, un des plus importants, qui était une entreprise familiale, a décidé de vendre, il est allé voir la Monnaie et a demandé: «Êtes-vous intéressés à m'acheter?» Il est certain que nous étions intéressés, parce que ce serait beaucoup plus rassurant si j'étais propriétaire de la compagnie Hersher plutôt que si c'était des concurrents, soit la Monnaie d'Autriche ou la Monnaie de la Grande-Bretagne, qui était propriétaire de la compagnie Hersher.

L'Autriche a pu procéder immédiatement parce qu'ils disposent de ces pouvoirs. Dans mon cas, cela aurait pris au moins deux ans à passer par le Parlement, par les comités, pour qu'une décision soit prise. Ce que je vous demande, c'est de me mettre la Monnaie royale canadienne à part égale avec les monnaies qui sont nos concurrentes.

De plus, en vendant des produits numismatiques, en vendant des produits à l'étranger, nous créons non seulement des profits, mais aussi de l'emploi, et je suis ravie que nous soyions dans une situation de croissance à l'intérieur de laquelle nous sommes en mesure de créer des emplois. Nous avons créé plus de 100 emplois à temps plein l'an dernier, et environ 120 emplois à temps partiel. Je pense que notre énergie, notre créativité et notre sens de l'entreprise ont des effets non seulement économiques, mais aussi sociaux.

Le sénateur Bolduc: C'est le dilemme entre l'efficacité, d'une part, et l'imputabilité, d'autre part.

Le sénateur De Bané: Si je comprends bien, les entreprises qui vous font concurrence ont le droit de créer des filiales?

Mme Wetherup: Oui.

Le sénateur Bolduc: Selon votre critère d'efficacité, et je ne vous blâme pas de le valoriser car une entreprise commerciale doit le faire, vous demandez qu'à l'avenir, la Monnaie ne soit plus soumise à l'autorisation préalable du Parlement, mais que le ministre ou le gouverneur en conseil puisse décider de faire une monnaie de trois dollars, par exemple, à compter de demain. Je trouve cela embarrassant.

Mme Wetherup: Votre collègue à la Chambre des communes a soulevé ce point. Le ministre est d'accord avec cette logique et la monnaie de circulation sera sujette à l'assentiment de la Chambre des communes et du Sénat.

Le sénateur Bolduc: Préalable?

Mme Wetherup: Préalable.

Le sénateur Bolduc: Donc, il y a un amendement à votre loi. Ce n'est pas ce que dit le projet de loi. Est-ce qu'il ne s'agit pas ici de donner au gouverneur en conseil le pouvoir de décider s'il y aura une pièce de trois dollars?

Mme Wetherup: Seulement s'il s'agit d'une pièce hors circulation. Toute nouvelle pièce en circulation (comme si, par exemple, le gouvernement décidait d'introduire une pièce de cinq dollars) sera sujette à l'autorisation du Parlement. Une modification a été apportée à l'article.

[Traduction]

Le président: Je vois ici que l'approbation de la sortie d'une nouvelle pièce doit se faire par décret du conseil. Est-ce que cela concerne les pièces hors circulation?

Mme Nadeau: Oui, les pièces hors circulation.

Le président: Pouvez-vous, pour l'édification de toutes les personnes ici présentes, nous dire ce que signifient «en circulation» et «hors circulation»?

Où est-ce qu'on trouve dans le projet de loi l'indication précise...

Mme Nadeau: C'est au bas de la page 2.

Le président: Le projet de loi indique donc précisément que la monnaie de circulation doit être approuvée par le Parlement.

Mme Nadeau: Oui, du moins la nouvelle monnaie de circulation.

Le président: Tandis que pour la monnaie hors circulation, l'approbation est donnée par un décret du conseil; est-ce bien ce que vous dites?

Mme Nadeau: C'est exact.

Le sénateur Cools: Je crois que le président a décelé quelque chose d'intéressant. Les définitions de «monnaie de circulation» et de «monnaie hors circulation» figurent au tout début du projet de loi. Cependant, à la rubrique «monnaie de circulation» à la page 2, on trouve le paragraphe 6.4(1) suivant:

Le gouverneur en conseil peut, par décret, autoriser l'émission de monnaie de circulation d'une des valeurs faciales énumérée à la partie 2 de l'annexe.

Le président: C'est exactement ce que je veux dire. Lors du dépôt du projet de loi C-41 au Parlement, j'ai noté qu'on nous informait ainsi de ce que vous allez faire. Vous nous dites vous-mêmes ce que vous allez faire.

Cela ne nécessite pas l'approbation du Parlement.

Mme Nadeau: À la partie 2 du projet de loi dont vous êtes saisis, on énumère toutes les monnaies de circulation que nous allons émettre. Ce sont les pièces de monnaie de circulation que nous connaissons actuellement.

La disposition que vient de citer le sénateur Cools concerne la mise en circulation proprement dite. Pour lancer une nouvelle pièce, disons une pièce de 5 $, qui n'apparaît pas dans la liste de la partie 2, le gouvernement devrait se présenter devant le Parlement pour demander l'autorisation de modifier cette partie de la loi.

Le président: C'est la partie 2.

Mme Nadeau: Oui.

Le président: C'est ce qui me préoccupe. Je ne voudrais pas que nous approuvions ce projet de loi et que nous nous retrouvions soudain avec une pièce de 5 $. Je suis sûr que les citoyens du Canada nous en feraient payer le prix. Leurs poches sont déjà assez lourdes.

Le sénateur Fraser: Plus je réfléchis à cette question de la monnaie de circulation, moins je m'y retrouve.

Ma question initiale concernait un sujet abordé par le sénateur Bolduc, à savoir la façon dont vous entendez exercer vos pouvoirs de personne physique et cette nouvelle souplesse qui vous est octroyée. Je trouve l'exemple de votre distributeur européen très intéressant.

En ce qui concerne votre plan d'entreprise, est-ce que ces nouveaux pouvoirs vont s'exercer au Canada ou à l'étranger? S'ils s'exercent au Canada, quelles sont vos intentions?

Mme Wetherup: À l'heure actuelle, je ne vois aucune perspective commerciale au Canada. Le réseau de distribution qui existe au Canada est très sain et très rentable. Nous supposons que si un distributeur voulait se retirer des affaires, son entreprise serait sans doute achetée par un autre des distributeurs actuels. En toute franchise, le réseau de distribution ne nous semble pas avantageux.

L'une de nos sociétés de fabrication nous a demandé de l'acheter. Pour un certain nombre de raisons, le conseil d'administration de la Monnaie -- et nous avons approuvé cet avis -- a décidé qu'il n'était pas prudent d'acheter cette société.

En toute franchise, je ne pense pas qu'il y ait véritablement de perspectives d'affaires pour nous au Canada. Nos perspectives concernent le marché international. Comme je l'ai dit dans mon exposé, 80 p. 100 de nos revenus viennent de l'étranger. Nous mettons essentiellement l'accent sur les plus grosses parts du gâteau, qui se trouvent pour l'essentiel à l'extérieur du Canada.

Le sénateur Fraser: Si vous pensez prendre de l'expansion en achetant des filiales ou en en créant à l'extérieur du Canada, ce regain d'activité ne sera pas assujetti aux lois canadiennes, et vous n'aurez même pas véritablement à en rendre compte au Parlement.

Par exemple, vous ne serez pas assujettis à la législation sur la participation applicable sur le territoire canadien.

Mme Wetherup: Nous serons dan la même situation. Nous devrons solliciter l'approbation de notre conseil d'administration, de notre ministre, du Cabinet, du ministre des Finances et du Conseil du Trésor. Et notre activité sera ensuite traitée exactement comme une entreprise commerciale disposant d'une filiale internationale.

Le sénateur Fraser: Laissez-moi vous exposer le scénario que pourrait concevoir quelqu'un de tout à fait paranoïaque et de très suspicieux. Supposons qu'on vous accorde les pouvoirs nécessaires pour agir partout dans le monde. Vous décidez de vous installer dans un pays où la main-d'oeuvre ne coûte pas cher et vous établissez des usines de fabrication quelque part en Asie du Sud-Est, où vous pourrez faire travailler des enfants. Le Parlement ne pourra rien y faire, pour ainsi dire, parce que vous serez trop loin. C'est pourquoi j'aimerais connaître vos plans d'entreprise en ce qui concerne l'utilisation de ces nouveaux pouvoirs.

Mme Wetherup: Tout d'abord, nous avons déjà prouvé, en tant que société, que nous avons le sens des responsabilités et de l'éthique, et que nous sommes très sensibles aux valeurs et aux normes canadiennes. Je ne pense pas que votre scénario soit possible, compte tenu du processus réglementaire actuel. N'oubliez pas que j'ai un conseil d'administration, et qu'il est extrêmement actif, croyez-moi. Un tel scénario serait impossible, inacceptable.

Je vous soumets maintenant le scénario le plus vraisemblable. Certains pays en développement, en Asie du Sud, par exemple, n'ont pas de monnayage. L'utilisation des seuls billets est coûteuse, parce que ces billets ne sont pas très durables. Supposons qu'un certain nombre de pays d'Asie, d'Amérique du Sud et d'Afrique nous disent: «Nous allons vous acheter des pièces. Nous voudrions construire notre propre monnaie. Nous n'avons ni les compétences techniques, ni les compétences de gestion, ni les compétences commerciales pour le faire. Pouvez-vous nous aider?»

Pour nous, le transfert de technologie n'est intéressant que dans une certaine mesure. Ces gens-là peuvent devenir nos concurrents. Si nous pouvons établir une sorte de partenariat, c'est déjà plus intéressant. Voilà, en tout cas, une possibilité réaliste.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Vous avez demandé une augmentation de votre pouvoir d'emprunt de 50 millions de dollars à 75 millions de dollars. Est-ce pour répondre à la demande du marché mondial? Il y a 41 pays qui s'adressent à nous pour la fabrication de leur monnaie, mais il y en d'autres qui fabriquent également de la monnaie et nous font concurrence.

Pour nous, Canadiens, si le drapeau représente notre nation, notre monnaie représente notre richesse. Nous devons donc faire tous les efforts nécessaires pour nous maintenir sur le marché mondial.

Est-ce que la demande extérieure est suffisamment grande pour exiger un changement de la loi quant au pouvoir d'emprunt?

Mme Wetherup: Vous avez raison, cette augmentation n'est pas extravagante. La Monnaie évolue dans un environnement très compétitif et mouvant. Elle a besoin d'une plus grande souplesse d'emprunt. Il faut aussi que vous compreniez que ces emprunts sont à court et long termes.

Je vais vous donner un exemple des emprunts à court termes. Quand un pays vient nous demander de produire sa monnaie, nous devons acheter à l'avance les métaux. Un contrat seulement pour les métaux va nous coûter dix millions. Nous ne sommes pas payés tant que nous n'avons pas livré la monnaie.

Quand notre production n'était qu'à 700 millions, on avait assez d'argent pour le court terme, mais maintenant que notre production pour la monnaie étrangère est rendue à deux milliards et demi, et nous avons l'intention d'augmenter cette production.

Notre objectif est de produire, d'ici cinq ans, six milliards par année. Il nous faut cet argent pour emprunter à court terme pour pouvoir augmenter la production. Je vous rappelle que plus on fait de pièces, plus on engage de Canadiens. Si ce ne sont pas les Canadiens qui font les pièces, ce sera un autre pays qui les fera.

Si on veut créer des emplois au Canada pour la frappe de monnaie de circulation, il faut que vous nous donniez les outils pour augmenter nos volumes.

Le sénateur Ferretti Barth: Nous avons parlé, le sénateur Bolduc et moi-même, des filiales probables qui pourraient être construites ailleurs. À part répondre aux besoins d'autres nations, les gouvernements des pays où il y aurait construction de ces filiales pour la fabrication de la monnaie paieraient moins cher leur monnaie. Voilà une façon dynamique de demeurer concurrentiel.

Mme Wetherup: Exactement. Si ce n'est pas le Canada qui forme ce partenariat, ce sera la Grande-Bretagne, la France ou d'autres concurrents.

Le sénateur De Bané: Vous avez laissé entendre que cette augmentation du pouvoir d'emprunt de la société dont vous êtes la présidente a déjà été étudiée par des consultants externes. Avez-vous objection à rendre disponible à notre comité le rapport de ces consultants externes?

Mme Wetherup: Je serais ravie de vous donner le rapport. Nous avons contacté une firme, Rothschild; cette compagnie a une très solide réputation. Suite à leurs recommandations, ils nous ont dit que notre demande était conservatrice et sage pour une corporation. Je dois vous rappeler que lorsque la monnaie a été créée comme institution corporative en 1969, son pouvoir d'emprunt était de 35 millions de dollars. En 1987, on l'a augmenté à 50 millions de dollars. Présentement on demande de l'augmenter à 75 millions de dollars. C'est l'évolution progressive d'une corporation. Avec les taux d'inflation et le coût de production et des métaux, il est logique que cette demande au cours des ans soit augmentée.

Le sénateur De Bané: Est-ce qu'il y a d'autres société de la couronne fédérale qui ont un statut analogue à celui de la Monnaie royale?

Mme Wetherup: Oui, plusieurs corporations ont cette flexibilité.

[Traduction]

Il y a la Banque de développement du Canada, la Société d'assurance-dépôts du Canada, la Société du crédit agricole, le Musée canadien des civilisations et le Musée canadien de la nature. Tous ces organismes bénéficient d'une grande souplesse et sont dotés des pouvoirs d'une personne physique.

[Français]

Le sénateur De Bané: Vous voulez avoir les mêmes instruments de pouvoir que vos concurrents.

Mme Wetherup: Vous avez parfaitement raison. Je voudrais que vous nous mettiez à parts égales au point de vue concurrence. Je ne peux pas avoir les mains liées vis-à-vis ceux que je dois concurrencer à tous les jours. Je passe six mois par année en avion, à l'étranger, à vendre le Canada, les produits canadiens mais je n'ai pas l'outil nécessaire pour le faire.

Le sénateur De Bané: Des gens font la proposition suivante: plutôt que la Monnaie royale qui obtiendrait certains contrats, pourquoi ne pas les octroyer au secteur privé canadien? J'aimerais que vous expliquiez dans quelle mesure, compte tenu de nos traités internationaux, il vous est permis de limiter un concours uniquement aux entreprises canadiennes ou si, au contraire, vous devriez nécessairement permettre aux entreprises étrangères de participer à un appel d'offres, alors que vous, ayant un statut de corporation de la Couronne, soyiez certains à ce moment que le contrat sera fait par une entreprise canadienne, c'est-à-dire la Monnaie royale canadienne?

Mme Wetherup: La Monnaie royale est soumise aux lois régissant le commerce canadien. Nous sommes assujettis à l'ALENA. Toute compétition que nous tenons doit être ouverte. Nous ne pouvons pas donner des contrats en source unique. Cela ne serait pas à l'avantage du payeur canadien d'être dans cette situation de source unique.

Nous nous devons, par législation, de donner aux Canadiens la production de la plus haute qualité au meilleur coût possible. Dans le cas de la monnaie, l'ALENA est une très bonne législation qui protège le payeur de taxes. Nous avons des compétitions continuelles. L'an dernier, nous avons produit en compétition, en soumission, pour 98 millions de flans. Sur ces 98 millions, il n'y en a eu que 13 millions qui ont été produits au Canada. Le reste est produit à l'étranger. Ce n'est que 14 p. 100 des flans qui ont été produits au Canada.

De plus, je dois vous rappeler qu'il n'y a qu'une dénomination produite au point de vue des flans au Canada, c'est le dollar. À l'heure actuelle, nous avons un approvisionnement d'environ cinq ans ou plus de flans et de pièces de dollars parce que nous avions été avertis par la compagnie que nous donnait ces flans qu'elle avait l'intention de fermer ses portes. Pour s'assurer que le commerce et les transactions des Canadiens ne soient pas affectées par le fait qu'on n'avait plus l'approvisionnement du dollar par la compagnie qui nous avait avertie qu'elle était pour cesser nos approvisionnements, nous avons dû bâtir cet inventaire. Le cinq sous, le dix sous, le 25 sous et le 50 sous et le sou, le sou entre autres, est entièrement fait aux États-Unis actuellement. Les flans nous viennent non seulement du Canada mais de partout, principalement des États-Unis et de l'Allemagne, incluant le deux dollars.

Le sénateur De Bané: Si je comprends bien, c'est une illusion de penser que la Monnaie royale, si elle concluait des contrats à l'extérieur, ne pourrait pas limiter son appel d'offres aux entreprises situées au Canada. Nos obligations internationales font en sorte que d'autres pourraient également nous faire concurrence.

Mme Wetherup: Présentement, nous perdons des contrats parce qu'on ne peut pas avoir de flans. Quand je suis obligée d'aller demander à l'Angleterre de me vendre des flans et qu'elle est en compétition avec moi, que pensez-vous qu'elle fera? Elle va me demander deux fois le prix qu'elle soumet en compétition. Je perds plusieurs contrats parce que je n'ai pas de flans.

Le sénateur De Bané: Votre explication est très éloquente. Vous avez annoncé il y a deux ans la construction d'une usine à Winnipeg pour faire du placage.

[Traduction]

Combien rapportera ce nouvel établissement? D'après ce que vous avez dit, de nombreuses raisons militent en faveur de ces nouvelles installations, mais je voudrais savoir, au nom des contribuables canadiens, combien de temps il vous faudra pour rentrer dans votre investissement.

Mme Wetherup: Je tiens à assurer à tous les sénateurs que la rentabilité de cette usine de placage est si bonne qu'elle a de quoi faire baver d'envie tout chef d'entreprise. Les contribuables réaliseront une économie annuelle de 9,5 millions de dollars. Nous allons obtenir des bénéfices supplémentaires de 3 millions de dollars sur la production de monnaie étrangère. Cet investissement de 31 millions rapportera dans deux ans et demi. Nous avons même escompté le flux de trésorerie sur dix ans, qui correspond à trois fois l'investissement, ce qui est formidable.

Nous avons fait faire deux études de faisabilité ainsi qu'une définition détaillée du projet et une analyse de rentabilisation. Nous avons comparé ce que la Monnaie royale canadienne doit débourser actuellement pour frapper de la monnaie avec les différents alliages et nous sommes arrivés à un bien meilleur prix. Nous avons calculé l'amortissement au taux de la Monnaie royale canadienne ainsi que l'intérêt sur un emprunt de 31 millions de dollars. Nous avons fait une analyse de sensibilité pour les fluctuations du prix du nickel et du cuivre, de même qu'une analyse de volume. Nous avons envisagé l'octroi d'une licence ou la location avec option d'achat, mais ce n'était pas des options avantageuses. Notre plan d'emprunt a été examiné et approuvé par le Conseil du Trésor, le ministre des Finances et le gouverneur en conseil. Nous avons obtenu le prêt par l'entremise de Scotia Capital Markets, qui s'est fait un grand plaisir de nous prêter cet argent sur la foi d'une excellente analyse de rentabilisation. Nous avons également contacté l'UMA pour obtenir des services d'ingénierie et de gestion des travaux. Notre plan d'affaires est l'un des meilleurs qui soient.

Le sénateur De Bané: Y a-t-il un rapport entre le projet de loi que nous examinons et la construction de ce nouvel établissement? Y a-t-il un rapport entre les deux?

Mme Wetherup: Absolument pas. Il n'y en a aucun. Le bâtiment était là avant même qu'il ne soit question de ce projet de loi.

Le sénateur De Bané: Parfait.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Vous avez dit que cette nouvelle usine à Winnipeg était déjà en construction. L'était-elle avant le projet de loi C-41?

Mme Wheterup: Oui.

Le sénateur Ferretti Barth: Cela a été fait parce qu'il y avait un besoin bien spécifique: le fournisseur pénalisait la Monnaie royale. En ayant une usine qui appartient à la Monnaie royale, vous allez être à l'écoute des exigences des clients?

Mme Wetherup: Oui.

Le sénateur Ferretti Barth: Vous avez dit que le gouvernement avait des préoccupations environnementales. Cette nouvelle usine va-t-elle encore autoriser les cyanures? Une usine qui traite les métaux utilise beaucoup les cyanures. Est-ce que la nouvelle usine utilisera encore cette substance toxique? C'est une préoccupation du gouvernement et des citoyens: les nouvelles usines en construction devront de moins en moins empoisonner l'environnement.

Mme Wetherup: Cela répond aussi aux commentaires du sénateur plus tôt concernant la conscience corporative de la Monnaie royale. Nous étions très inquiets que certains de nos produits soient fabriqués avec le cyanure. La nouvelle usine de placage va produire le seul métal plaqué au monde qui ne contient pas de cyanure. Cette nouvelle approche environnementale est très élogieuse.

De plus, pour l'industrie des machines distributrices, cette pièce est plus sensible à la lecture. Cela va éliminer les pièces fausses qui sont parfois utilisées dans les machines distributrices. L'usine sera certainement en opération au plus tard en décembre cette année. Les pièces seront en distribution selon une entente avec les institutions financières et les associations de machines distributrices en juin prochain. Nous sommes très avancés. Avec notre budget, cela va parfaitement bien.

[Traduction]

Le sénateur Mahovlich: Vous avez dit que la monnaie avait fait son apparition pour la première fois en Égypte et dans l'Empire romain. N'a-t-elle pas vu le jour en Grèce?

Mme Wetherup: Les Grecs se sont servis de monnaie avant les Romains, en effet.

Le sénateur Mahovlich: C'est ce que j'avais appris.

Mme Wetherup: La monnaie métallique, en effet. Je crois que les Égyptiens avaient une monnaie de pierre.

Le sénateur Mahovlich: Les collectionneurs collectionnent maintenant ces pièces. Un investisseur peut-il se servir de ces monnaies comme d'une garantie? Si je désire emprunter de l'argent à la banque, les monnaies constituent-elles une bonne garantie?

Mme Wetherup: Nous ne vendons jamais de pièces numismatiques, ou de pièces de collection, en tant que placement. Ce serait tromper le public. Certaines pièces gagnent de la valeur, mais d'autres pas. Toutefois, quand vous achetez une pièce de collection, vous achetez une oeuvre d'art, le reflet d'une culture. Au Canada, nous fabriquons une pièce en l'honneur de l'année lunaire chinoise pour refléter la diversité culturelle du Canada.

Le sénateur Mahovlich: Les banques ne considèrent pas ces pièces comme un investissement.

Mme Wetherup: Je ne peux pas parler pour les banques, mais quand je vends une pièce de monnaie, j'espère qu'elle prendra de la valeur. Mais je ne la vends pas pour cette raison. Je la vends en raison de sa valeur artistique ou comme pièce de collection. Si vous achetez une peinture, elle peut prendre énormément de valeur comme elle peut n'en prendre pas du tout.

Le sénateur Mahovlich: Les banques ne veulent pas toucher aux peintures.

Mme Wetherup: Exactement.

Le sénateur Mahovlich: Il y a d'abord eu la pièce de un dollar, puis celle de deux dollars, mais notre dollar ne cesse de tomber. Je suis allé aux États-Unis, et quelqu'un a dit que chaque fois qu'on émettait une nouvelle pièce notre dollar tombait. Avez-vous fait cette constatation?

Mme Wetherup: Les Américains vont lancer une pièce de un dollar, et nous verrons ce qu'il adviendra de leur monnaie.

Le sénateur Mahovlich: Combien y a-t-il dans le monde d'entreprises privées que vous concurrencez? Y a-t-il des entreprises privées qui frappent de la monnaie?

Mme Wetherup: Non. Il y a quelques établissements qui produisent des pièces numismatiques pour certains pays. J'en connais un.

Le sénateur Mahovlich: Y a-t-il une Monnaie Krueger?

Mme Wetherup: Non, mais il y a une Monnaie Pubjoy. Ces entreprises s'adressent à un petit pays comme l'île de Man et disent: «Si vous voulez produire des pièces numismatiques, nous allons les frapper pour vous.» C'est la seule entreprise de ce genre que je connaisse. L'île de Man peut le faire faire par la Monnaie britannique, la Monnaie canadienne, la Monnaie de Singapour ou n'importe quelle autre.

Le sénateur Mahovlich: Nous concurrençons donc d'autres pays.

Mme Wetherup: Oui.

Le sénateur Cools: Merci de nous parler avec autant d'honnêteté et de savoir. C'est toujours rassurant.

J'ai deux questions qui ne sont pas très sérieuses.

C'est vers 1858, je crois, que nous avons cessé de frapper la pièce de 20 cents. Vous l'ignorez peut-être, mais le Canada avait une pièce de 20 cents. Si je le sais, c'est parce que j'en avais une. J'aime bien donner des cadeaux au chef du Parti libéral. J'ai donné ma pièce de 20 cents à M. John Turner. Pourriez-vous me dire quelle est la valeur actuelle de cette pièce? Beaucoup de gens se sont intéressés à ma pièce depuis.

Mme Wetherup: Je suis sûre qu'elle vaut beaucoup plus que 20 cents, mais je n'en sais pas plus. Je vais trouver la réponse et la communiquer à votre bureau.

Le sénateur Cools: Si vous allez au bureau du premier ministre, il y a là un énorme portrait de Laurier. C'est moi qui le lui ai donné. Je vous le dis simplement pour que vous connaissiez mes sentiments envers mon chef.

Ma deuxième question concerne la loi de Gresham: les mauvaises monnaies chassent les bonnes. Qu'est-ce que cela veut dire?

Le sénateur Bolduc: C'est maintenant une question d'économie.

Le sénateur Cools: Merci beaucoup.

Mme Wetherup: Vous me posez une colle, sénateur Cools.

Le sénateur Bolduc: Vous nous dites que vous fabriquez de l'argent chaque année, ce dont je me réjouis vivement. En ce qui concerne la rémunération de vos employés, vous êtes en dehors de la fonction publique. Payez-vous vos employés plus que pour des emplois comparables à la fonction publique?

Mme Wetherup: Je ne compare pas le revenu de mes employés à ceux de la fonction publique. Je le compare au secteur de la fabrication, sur lequel nous nous alignons sans aucun doute. Je suis très fière de nos relations avec nos employés. À l'occasion d'un sondage, 98 p. 100 de nos employés ont dit qu'ils aimaient beaucoup travailler chez nous, et c'est le meilleur compliment que nous puissions recevoir.

Le président: Je suis très fier de la Monnaie royale; c'est un très beau bâtiment, qui produit des emplois pour le Manitoba. La question que je désire poser a été débattue à l'autre endroit. C'est au sujet de Westaim, un producteur de flans d'Edmonton. Pourriez-vous nous parler de la poursuite concernant le brevet ou de cette affaire à propos de laquelle j'ai seulement entendu des rumeurs? Également, pour ce qui est de la concurrence que vous oppose Westaim, je ne crois pas que ce soit vrai, mais j'aimerais que vous nous donniez des explications.

Mme Wetherup: Sénateur Stratton, j'aimerais beaucoup pouvoir vous fournir des précisions au sujet de cette action en justice. Malheureusement, comme c'est devant les tribunaux, je ne crois pas pouvoir le faire. Je peux toutefois vous dire que cette affaire ne me fera pas perdre le sommeil, car j'ai parfaitement confiance dans notre brevet. Je suis certaine que nous gagnerons.

En ce qui concerne les rapports entre Westaim et la Monnaie, Westaim est un fournisseur de flans pour la Monnaie. Sur les 98 millions de dollars que nous avons dépensés en flans, 13 millions de dollars ont été dépensés au Canada pour des flans provenant de Westaim.

La capacité de Westaim est de 3 milliards de flans. L'installation de placage de la Monnaie aura une capacité d'un milliard de flans. Notre objectif est de vendre 6 milliards de pièce de monnaie.

Par conséquent, la capacité canadienne est fort loin de l'objectif de notre plan d'entreprise. L'an dernier, nous avons eu besoin de 3,5 milliards de flans. Très peu d'entre eux, soit seulement 14 p. 100, venait de Westaim.

Le président: Vous ne faites donc pas concurrence à la Monnaie de Westaim. D'après ce que vous dites, on pourrait penser que Westaim voudrait agrandir son usine afin de vous aider à combler vos besoins.

Mme Wetherup: Nous avons toujours travaillé en très étroite collaboration avec Westaim. Chaque fois que nous demandons des soumissions en vue de conclure un marché, nous invitons toujours Westaim à faire une proposition. Et lorsque nous examinons des marchés, nous tenons compte du prix, de la qualité et du délai de livraison.

L'un des problèmes auxquels nous avons eu à faire face dans le cas de bien des marchés, c'est celui du délai de livraison. Si un pays a besoin de pièces de monnaie, il en a besoin en janvier, par exemple, parce que c'est une nouvelle année, ou en raison d'une activité commerciale particulière, et nous ne pouvons pas dire que nous allons livrer les pièces de monnaie en mai.

L'une des raisons pour lesquelles nous avons pu prospérer aussi vite, aussi bien et d'une manière aussi sûre, c'est que nous avons acquis la capacité de réagir rapidement. Plusieurs pays ont leur propre monnaie et lorsqu'ils décident de faire fabriquer des pièces par une autre monnaie, c'est très souvent à cause d'une fluctuation de la demande. Leur ministre des Finances ou leur banque nationale leur a dit qu'il leur faut des pièces de monnaie, que c'est essentiel pour le commerce. Dans ce cas, une monnaie doit pouvoir livrer des pièces dans un délai extrêmement court, et c'est là que nous excellons.

Le président: Contrairement à ce que certains pensent, il n'y a pas d'excédent de flans dans le monde. D'après les documents provenant de l'autre endroit, il y a à l'échelle mondiale une surcapacité de production de flans de 30 p. 100.

Mme Wetherup: Au moment où je suis arrivée à la Monnaie, cet établissement se trouvait dans une situation déficitaire. Mon équipe de gestion m'a dit que nous étions dans une situation déficitaire parce que le commerce des pièces de monnaie n'était pas florissant. J'ai créé une équipe de mise en marché extrêmement forte. Nous avons des représentants sur les cinq continents. Nous avons démontré que le secteur des pièces de monnaie était en expansion.

D'autres monnaies à part la Monnaie royale canadienne, par exemple la Monnaie britannique, sont en train d'accroître leur capacité en matière de flans. La Monnaie française augmente également sa capacité. Ne vous laissez pas induire en erreur, ce n'est pas à cause de l'euro. La construction d'une usine de placage coûte 31 millions de dollars. On ne le fait pas pour répondre à un besoin temporaire, car s'il y a surcapacité, on se retrouve avec l'installation sur les bras. On le fait parce que tout le monde sait que le secteur des pièces de monnaie est en pleine croissance.

Quand je suis arrivée à la Monnaie, les exigences de production pour le Canada se situaient entre 700 millions et 800 millions de pièces. L'an dernier, on nous a demandé de produire 1,3 milliard de pièces. Cette demande découle de l'augmentation de la population et des transactions économiques.

Je sais que quelqu'un va poser cette question: qu'en est-il de l'effet de l'argent électronique? Il n'y en a pas. Absolument pas. En réalité, en comparaison de la popularité des cartes de crédit et des cartes de débit, l'argent électronique a été un grand désappointement. Plusieurs banques se sont retirées du projet Mondex.

Le président: Vous prévoyez un brillant avenir pour la Monnaie, et je suis ravi de vous l'entendre dire, parce que cela signifie plus d'emplois à Winnipeg. Votre succès signifiera, il faut l'espérer, que Westaim continuera de prospérer.

Le sénateur De Bané: Je suis entièrement d'accord avec vous, monsieur le président. On m'a dit il y a quelque temps, et j'ai été heureux d'entendre le président le répéter, que la Monnaie avait perdu des contrats possibles dans le passé parce que Westaim avait refusé de soumissionner pour la fabrication de flans. L'entreprise a refusé de soumissionner parce que ce genre de travail ne fait pas partie de ses activités principales, comme elle le dit depuis 1991. Et parce que Westaim a refusé de soumissionner pour fabriquer ces flans, la Monnaie a été incapable d'essayer de conclure ces autres contrats.

Est-ce vrai?

Mme Wetherup: Oui, c'est vrai.

Le président: Enfin, auriez-vous la gentillesse de nous envoyer une explication du processus d'approbation de la nouvelle monnaie de circulation? Une explication par écrit nous sera très utile pour mieux comprendre le processus. Elle serait d'un grand secours. Pour discuter de ce projet de loi dans nos collectivités, il nous faut cette explication de votre société. De cette manière, nous serons en mesure de bien expliquer l'enjeu si quelqu'un prétend que la Monnaie aura le droit d'émettre une nouvelle pièce de 5 $ sans demander le consentement du Parlement.

Mme Wetherup: Je serai ravie de vous la faire parvenir, sénateur. Certains d'entre vous étaient au Sénat et aux Communes quand j'ai comparu pour vous parler de la pièce de 2 $, et je tiens à vous rassurer que rien n'a changé. Je dois obtenir l'approbation du Parlement.

Le président: Merci d'être venue ici. Nous sommes ravis d'avoir entendu de si bonnes nouvelles sur une société d'État canadienne.

La séance est levée.


Haut de page