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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 13 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 28 avril 1998

Le comité sénatorial permanent des transports et des communications, à qui a été renvoyé le projet de loi C-9, Loi favorisant la compétitivité du Réseau portuaire canadien par une rationalisation de gestion, prévoyant la création des administrations portuaires et l'aliénation de certains ports, régissant la commercialisation de la Voie maritime du Saint-Laurent et des traversiers et des questions connexes liées au commerce et au transport maritimes, modifiant la Loi sur le pilotage et abrogeant et modifiant certaines lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 10 h 07 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente: Nous reprenons l'étude du projet de loi C-9, Loi favorisant la compétitivité du réseau portuaire canadien par une rationalisation de gestion, prévoyant la création des administrations portuaires et l'aliénation de certains ports, régissant la commercialisation de la Voie maritime du Saint-Laurent et des traversiers et des questions connexes liées au commerce et au transport maritime, modifiant la Loi sur le pilotage et abrogeant et modifiant certaines lois en conséquence.

[Traduction]

Nous entendrons maintenant M. Gillis, du Strait of Canso Superport, en Nouvelle-Écosse.

M. Blaine Gillis, Strait of Canso Superport Nova Scotia: Honorables sénateurs, j'imagine que vous avez entendu de nombreux témoins représentant les grandes sociétés et commissions portuaires de toutes les régions du Canada. Je vous donnerai un point de vue différent sur une administration portuaire locale ou régionale, l'un des 400 ou 500 ports du pays. Je prends le détroit de Canso comme exemple d'autres administrations portuaires locales ou régionales qu'il faudrait établir partout au Canada. Je vous expliquerai d'abord le contexte, puis je traiterai de quelques enjeux du programme de cession des ports et je ferai des recommandations générales.

Le sénateur Bryden: Si cela peut vous rassurer, vous ne devriez pas vous inquiéter de parler uniquement du détroit de Canso. Toute la journée d'hier a été consacrée à Toronto et Oshawa.

M. Gillis: Le processus que nous avons suivi pour le détroit de Canso est très représentatif de la façon dont d'autres administrations portuaires devront procéder. Nous avons probablement reçu un bon coup de pouce.

En 1955, avec la construction de la levée de Canso, le détroit de Canso est devenu le port le plus profond, libre de glaces toute l'année et n'ayant pas besoin d'être dragué. Il occupe une position stratégique juste à côté de la route orthodromique. Il offre un accès commode aux ports de l'Est des États-Unis, au golfe et à la Voie maritime du Saint-Laurent. Il offre une gamme complète de services.

Au début de 1996, lorsque les frais de service maritime ont été établis, j'ai représenté des expéditeurs de cette région et j'ai revendiqué en leur nom la réduction de ces frais. Au même moment, notre organisme de développement régional élaborait un plan économique stratégique. Les expéditeurs et cet organisme se sont rencontrés et ont conclu que le port était l'un des secteurs très prometteurs pour l'économie locale.

En sept mois, nous sommes partis de rien et nous avons réussi à regrouper les expéditeurs, les intervenants intéressés de la collectivité et certains paliers de gouvernement pour mettre sur pied la Strait of Canso Superport Corporation, qui a été créée en février 1997.

La Strait of Canso Superport Corporation s'est fixé pour buts de commercialiser le détroit de Canso, de développer le port, d'étudier et de résoudre un certain nombre de questions relatives à la gestion du port et de reprendre à son compte certaines installations du détroit de Canso qui étaient exploitées par Transports Canada.

Le mandat ne consistait pas simplement en une prise de contrôle d'installations publiques. Nous avons commencé par regrouper et renseigner les divers expéditeurs de la région, et le volume de marchandises manutentionnées est passé de quelque 8 millions de tonnes en 1995 à 21,9 millions de tonnes en 1997. D'après nos calculs, le port est au deuxième rang, juste derrière celui de Vancouver, pour le volume de marchandises manutentionnées.

Il se fait en outre un certain nombre d'investissements industriels dans la région du détroit de Canso, essentiellement en raison de ses installations portuaires. Le port et les industries installées le long du détroit rapportent environ 250 millions de dollars à l'économie locale.

M. Paul Crissman, notre président, me prie de vous présenter ses excuses. Il devait être ici aujourd'hui, mais il est aussi président de Statia Terminals of Canada, qui participe à un projet de raffinerie de gaz extra-côtière sur l'une des propriétés de cette société le long du détroit de Canso. Les négociations tirent à leur fin, et il se devait d'y assister.

Il existe d'autres possibilités pour notre port. Il y a la zone extra-côtière. Nous discutons actuellement avec des entreprises pétrochimiques et des cimenteries, de même qu'avec le secteur privé, en vue de l'établissement d'un important terminal d'entreposage et d'un terminal polyvalent en eau profonde.

Dans ce contexte, l'administration portuaire a commencé ses activités très rapidement, au moment même où le programme de cession était lancé. Nous y avons vu une occasion de prendre le contrôle des installations du détroit de Canso, de générer des recettes pour la Strait of Canso Superport Corporation et de trouver d'autres débouchés pour les marchandises et augmenter le trafic dans ces terminaux. Nous avons signé une lettre d'intention avec Transports Canada pour l'acquisition de deux installations maritimes, le quai public de Mulgrave et la jetée de Port Hawkesbury. Nous avons étudié les évaluations environnementales, les évaluations structurelles, certains marchés et certains aspects financiers.

D'autres enjeux sont apparus. Nous étions pleins d'optimisme lorsque nous nous sommes lancés dans cette entreprise, mais nous avons éprouvé des frustrations et de la confusion au cours des discussions avec Transports Canada. Les négociations se poursuivent toujours avec les représentants de ce ministère.

Le terminal de Mulgrave est le plus grand des deux terminaux. Il offre plus de souplesse pour attirer du trafic et des activités d'expédition supplémentaires, et il peut aussi prendre de l'expansion. Le terminal comporte deux postes d'amarrage, un au sud, l'autre au nord. Le poste nord est en assez bon état, et n'a été construit qu'il y a 14 ans. Toutefois, celui du sud a plus de 50 ans, et son extrémité sud est abandonnée et clôturée.

Après des contrôles raisonnables et un examen de la structure, nous nous sommes rendu compte qu'un programme de reconstruction important serait nécessaire pour maintenir le poste sud en état de fonctionnement. Un tel programme exigera un investissement élevé de capital, et non du capital de développement, pour l'agrandissement des installations. Nous souhaitions uniquement préserver le poste d'amarrage sud de façon à y attirer du trafic maritime et à manutentionner des volumes croissants de marchandises.

Toutefois, pendant que nous faisions ces démarches, Transports Canada a élaboré une formule, suivant les lignes directrices sur la cession des ports locaux, qui dit essentiellement que la Couronne ne subirait pas d'inconvénients si elle conservait le port pour une période de plus de 25 ans. La formule exige aussi que le gouvernement aménage le port pour le relever à ce qu'il considère être les normes minimales. Ces normes minimales sont des normes de sécurité.

Lorsque la Superport Corporation a envisagé ce projet, cependant, nous l'avons considéré comme une entreprise commerciale. Ce que nous voulions faire, c'était d'amener le port à ce que nous considérons être des normes commerciales. Il existe une divergence d'opinion entre ce que Transports Canada considère être des normes minimales et les normes commerciales auxquelles doit satisfaire une entreprise si elle veut être rentable.

Au cours de la première séance de négociations, les représentants de Transports Canada ont avancé que la solution aux problèmes du poste d'amarrage sud était d'y installer des pierres de revêtement, ce qui protégerait essentiellement la terre émergée. Du point de vue commercial, toutefois, il n'y aurait aucune possibilité de mouillage pour les navires et qu'une manutention limitée des marchandises dans toute la région, ce qui réduirait les recettes et les chances de réussite des installations.

Tout au long du processus, nous avons demandé à Transports Canada de nous informer des pires éventualités. Nous voulions savoir la somme d'argent que le gouvernement du Canada devrait investir dans le port pour le conserver pendant la période de 25 ans dont il était question. Nous n'avons pas eu de réponse. Nous n'en avons toujours pas. Il nous est donc très difficile de planifier. Lorsque l'on connaît la somme dont on aura besoin, on peut planifier en fonction de cette somme. Comme nous n'avions pas ce chiffre, nous avons étudié la façon dont Transports Canada construit des terminaux du même type. Il utilise une méthode appelée «méthode des caissons de béton», et c'est de cette méthode que nous nous sommes servis pour notre planification. Suivant ces données, le coût du quai serait de quelque 15 millions de dollars. Nous sommes donc retournés voir les représentants de Transports Canada et leur avons demandé quelles réparations ils feraient, puisque la pose de pierres de revêtement sur le poste d'amarrage sud nous était inacceptable. Nous utiliserions la «méthode de palplanches d'acier» qui coûterait environ la moitié de la méthode précédente, soit quelque 7 ou 8 millions de dollars.

Nous n'avons toujours pas de réponse. Les membres du conseil ne veulent pas entreprendre une autre ronde de planification tant que nous ne disposerons pas d'un cadre de travail qui nous permettra de déterminer s'il peut être viable de reprendre ces installations.

L'autre installation est la jetée de Port Hawkesbury. Elle est située de l'autre côté du port et sa valeur commerciale est limitée. Elle produit un peu de recettes, mais elle est également située au centre d'un projet d'aménagement du secteur riverain pour la Ville de Port Hawkesbury qui y a déjà investi quelque 3 millions de dollars et qui devrait y injecter d'autres fonds.

En 1997, le détroit de Canso a rapporté 600 000 dollars en frais portuaires. Nous avons considéré qu'il s'agirait d'une source de revenus pour la Superport Corporation. Les expéditeurs qui font partie de notre Conseil -- le Conseil compte 11 membres, dont six sont du secteur privé -- ont pensé que ce serait pour eux une source de revenus privés, même si les tarifs étaient considérablement réduits. Mais si Transports Canada se départit des installations, le port sera désaffecté et ses limites disparaîtront, à toutes fins utiles; sans limites, il ne peut y avoir transfert de compétences.

Il n'existe pas de définition du port. Nous collaborons avec la Nouvelle-Écosse pour redéfinir les limites du port du détroit de Canso. Nous espérons obtenir compétence sur ces limites, nous espérons aussi que la Superport Corporation pourra percevoir des frais d'aménagement du port. Nous en avons déjà discuté avec les expéditeurs, et ils savent qu'il est beaucoup plus efficace de se regrouper pour exercer des pressions sur les questions ayant trait à la gestion et à l'aménagement du port. Plus ils attireront de navires, moins ils auront de frais de service et autres droits à payer.

Pour l'instant, il n'y a pas de possibilités de transfert. En Nouvelle-Écosse, comme vraisemblablement, dans les autres provinces, l'exploitation et l'aménagement des ports ont toujours été du ressort du gouvernement fédéral. Les municipalités et les ministères provinciaux n'ont qu'une connaissance très limitée de ce secteur d'activités.

Si la Strait of Canso Superport Corporation pouvait continuer à percevoir les frais portuaires pendant une période de cinq ans, que nous considérons comme étant une période de transition, elle tirerait des recettes de quelque 3 millions de dollars qui pourraient ensuite être utilisées pour procéder à d'autres aménagements.

Une autre de nos préoccupations est que la formule utilisée pour déterminer la partie de la somme de 125 millions de dollars du fonds d'aide aux ports à laquelle une administration portuaire peut prétendre pose problème. Le fonds n'a aucune ligne directrice et ne fait pas de distinction nette entre l'aide aux immobilisations et l'aide à l'exploitation. On pourrait donc se trouver dans une situation où la capitalisation et l'infrastructure d'un port seraient solides, mais où le port ne pourrait pas être exploité de façon viable et serait déficitaire. Avec des prévisions de pertes annuelles de l'ordre de 300 à 400 000 dollars pendant 25 ans, ce port pourrait recevoir plus d'aide financière qu'un port comme celui du détroit de Canso ou certains autres qui, à notre avis, revêtent une importance stratégique pour le développement futur du Canada.

En ce qui a trait au détroit de Canso, nous sommes à la recherche de capitaux pour amener le port à des normes que nous considérons être des normes commerciales. Nous recherchons également des fonds destinés à faciliter la transition à la phase opérationnelle, ce qui pourrait représenter un peu plus de un million de dollars. Nous croyons que les fonds mis à la disposition des organismes portuaires pour suivre ce processus ne sont pas suffisants. Nous nous interrogeons sur la façon dont la formule est appliquée, et si elle est appliquée pour amener certains ports à des normes commerciales, nous pensons qu'une somme de 125 millions de dollars ne sera peut-être pas suffisante pour couvrir les frais de transformation dans tout le pays.

Nous avons fait certaines recommandations d'ordre général. Nous croyons que l'analyse des ports et havres stratégiques à l'extérieur des sociétés et des commissions portuaires a souffert d'un manque d'imagination. Certaines régions stratégiques, tel le détroit de Canso, offrent un véritable avantage concurrentiel non seulement à la collectivité ou à la région, mais à l'ensemble du Canada.

À mesure que les tendances en matière de transport maritime changent et que la taille des navires augmente, il n'y a que quelques ports stratégiques qui soient rentables, libres de glaces et qui n'aient pas à être dragués. Ces ports n'ont pas été pris en considération lorsqu'on a voulu faire du Canada un pays exportateur. Une étude récente réalisée en Nouvelle-Écosse a révélé que plus de 25 p. 100 de l'économie de cette province est tributaire de l'industrie maritime. Cette industrie est donc très importante pour la Nouvelle-Écosse.

L'un des points que nous avons soumis pour étude est qu'il peut y avoir un autre statut pour les ports comme celui du détroit de Canso et d'autres ports locaux. Lorsque la stratégie a été élaborée, les sociétés et commissions portuaires ont toutes été placées dans une seule catégorie, alors que les autres ports ont été placés dans la catégorie des ports régionaux ou locaux. Il y a peut-être de 400 à 500 ports dans cette dernière catégorie, et certains ont disparu. Mais il existe une autre catégorie de moindre importance que les administrations ou sociétés ou commissions portuaires, et le détroit de Canso et les autres endroits stratégiques qui appartiennent à cette catégorie doivent être pris en considération.

Nous avons recommandé qu'un statut différent soit accordé à des ports du type de celui du détroit de Canso. Je pense ici à Bayside, au Nouveau-Brunswick et à quelques autres qui appartiennent vraisemblablement à la même catégorie. Ce statut devrait s'accompagner de certaines considérations spéciales en matière de financement pour permettre aux ports de satisfaire aux normes commerciales et leur donner une chance d'être viables.

Par ailleurs, les formules de financement devraient être révisées de façon à ce que l'on trouve un terrain d'entente sur les normes commerciales minimales. L'aide de 125 millions de dollars n'est probablement pas suffisante pour donner aux administrations portuaires locales le coup de pouce dont elles ont besoin.

Le sénateur Roberge: Quels autres ports canadiens qualifieriez-vous de stratégiques?

M. Gillis: Je dirais que Bayside, au Nouveau-Brunswick, est l'un de ceux qui devraient être envisagés. Sur la côte Ouest, le port de Victoria devrait être pris en considération à long terme. À Terre-Neuve, Come-By-Chance serait un autre port candidat. Je ne connais pas tous les ports du Nouveau-Brunswick qui donnent sur le golfe, mais il y en a probablement un qui devrait être pris en considération.

Le sénateur Roberge: Que pensez-vous de Sept-Îles?

M. Gillis: Oui. Ce n'est pas une question que l'on peut trancher clairement. Il existe une zone grise, et les ports locaux ou régionaux comme ceux de Sept-Îles, Georgetown ou du détroit de Canso peuvent, avec le temps, occuper une position stratégique pour le Canada, lorsque l'on pense à des navires plus grands et à divers types d'expédition.

Le port de Vancouver est probablement le seul port canadien qui soit prêt pour le XXIe siècle. Les responsables ont analysé l'arrière-port, et ont compris qu'à cause de l'utilisation des terres, du zonage et des questions environnementales, il leur fallait construire de nouveaux terminaux pour les marchandises en vrac et les conteneurs. Ils se sont installés à environ 48 kilomètres de la ville et ont construit le port de Delta à un endroit stratégique. Je ne pense pas qu'il y ait un seul port sur la côte Est du Canada, pas même le port de Montréal, qui occupe une position stratégique en prévision du XXIe siècle.

La tendance est aux immenses porte-conteneurs. Ces navires arriveront vraisemblablement de blocs libre-échangistes, par exemple de l'Europe, à destination d'autres blocs du même genre comme l'Amérique du Nord ou l'Amérique du Sud. Ils déchargeront leurs cargaisons, qui seront ensuite acheminées par navires collecteurs ou par voie ferroviaire. Si nous, dans l'Est du Canada, ne sommes pas en mesure de fournir ces services, les frais de transport des marchandises et des produits seront prohibitifs.

Le sénateur Roberge: Il existe une grande similitude entre Canso et Rotterdam, qui joue exactement ce rôle en Europe.

M. Gillis: Oui.

Le sénateur Roberge: C'est la plaque tournante, et de là les cargaisons sont acheminées vers d'autres ports ou vers l'intérieur du continent.

J'essaie de comprendre vos commentaires sur la formule de calcul de la contribution. Si l'on utilisait cette formule, quels seraient vos revenus?

M. Gillis: J'utilise le terme «formule» au sens large. Il s'agit plus d'une ligne directrice.

Dans ses lignes directrices sur la cession, Transports Canada mentionne que la Couronne ne peut pas être dans une position moins favorable sur une période de 25 ans. Les coûts d'exploitation et les coûts en capital d'un port seraient étudiés et on ferait des projections. Si le port avait un déficit annuel de 200 000 dollars, ce montant serait extrapolé.

Cette politique est équitable pour les ports dont l'infrastructure est en bon état. Toutefois, si l'infrastructure est vieille, on est aux prises avec le deuxième volet du problème, ce qui signifie qu'il faut la relever aux normes minimales pour des raisons de sécurité.

Le sénateur Roberge: Quelle définition le ministère donne-t-il de l'expression «normes minimales»?

M. Gillis: Nous disons que si nous reprenons le port pour en faire une entreprise commerciale, il doit être amélioré pour satisfaire aux normes commerciales. On nous a dit que pour que le port satisfasse aux normes minimales, il faudrait remplacer le poste d'amarrage sud et poser des pierres d'un bout à l'autre pour empêcher les glissements de terrain. En gros, ce sont là des mesures de sécurité minimales pour que rien ne tombe dans le port. D'un point de vue commercial, nous perdrions tous ces espaces d'amarrage, en plus de la capacité de manutentionner des marchandises à cet endroit.

C'est frustrant. Nous avons fait affaire avec des gens aimables et qualifiés, mais la Superport Corporation a entamé le processus avec l'idée de conclure un partenariat, et maintenant nous ne nous entendons plus. C'est difficile.

Même si certaines personnes nous disaient qu'elles ont fait les calculs et que le montant requis est de 6,5 millions de dollars, nous devrions nous demander ce que nous pourrions faire avec cette somme. Si nous utilisons des palplanches d'acier plutôt que de construire des caissons en béton, les coûts seront de 8 millions, et nous devons trouver la différence, soit 1,5 million de dollars.

Pour ce qui est du détroit de Canso, nous avons regroupé les ressources communautaires et nous avons pu entreprendre notre action et avancer. Nous avons entrevu d'autres possibilités offertes par la zone extra-côtière de l'île de Sable, entre autres, et nous y travaillons, même sans budget. Il y a beaucoup de bénévolat. Nous avons vu là une occasion de générer des recettes afin de préserver ces installations, d'organiser une société portuaire et d'envisager de l'expansion.

À mesure que le processus avançait, il est devenu évident qu'il y avait un manque de vision dans certains des autres ports. Nous devons traiter tant avec les grandes commissions portuaires qu'avec les administrations portuaires locales. Mais dans certains cas, il n'est pas possible de réparer un ancien chemin. Dans certains cas, il est préférable de bâtir une nouvelle route et d'être en mesure de regarder vers l'avenir plutôt que de nous tourner vers le passé.

Le sénateur Rompkey: Je voudrais ajouter quelques mots aux commentaires du sénateur Roberge sur Sept-Îles. J'aimerais que vous nous fassiez part de votre opinion sur l'impact que ce projet de loi aura sur le port de Sept-Îles.

Je tiens à dire que 50 p. 100 de tout le minerai de fer du monde est expédié à Sept-Îles et que plus de 90 p. 100 du minerai de fer canadien est expédié de Sept-Îles. Il ne reste au Canada que trois mines de fer en exploitation, et elles sont toutes situées sur la péninsule de l'Ungava. Elles appartiennent à la Compagnie minière IOC, à Wabash Mines et à Québec Cartier, laquelle, je crois, est toujours détenue en partie par le gouvernement du Québec.

C'est un employeur important dans la région, et c'est important pour ce secteur de l'économie canadienne. Une campagne est actuellement en cours sur la colline du Parlement pour protéger et soutenir l'industrie minière au Canada. Cela aura évidemment un impact sur le secteur du minerai de fer, parce que cela augmentera les coûts pour les sociétés. Elles devront vraisemblablement acquitter des droits de mouillage, ce qui augmentera leurs coûts, diminuera leurs bénéfices et se répercutera sur leur compétitivité à l'échelle mondiale. Beaucoup de ces sociétés réussissent actuellement très bien. La Compagnie minière IOC est très concurrentielle sur la scène mondiale, mais c'est un marché difficile, et la compagnie a mis en place un grand nombre de politiques sur le contrôle de la qualité, la formation, et cetera. Sa productivité est bonne. Toutes ces sociétés sont néanmoins vulnérables. Le marché mondial est un rude marché. Si les coûts augmentent, la compétitivité s'en ressent.

J'aimerais bien voir quel effet ce projet de loi aura sur l'industrie du minerai de fer. C'est un problème sérieux qui mérite d'être examiné.

La présidente: Pour votre gouverne, les représentants de la Compagnie minière IOC, ainsi que ceux de deux autres sociétés, comparaîtront ici lundi.

Le sénateur Rompkey: Voulez-vous faire des commentaires à ce sujet?

M. Gillis: Je peux faire des commentaires généraux. Quelque 18 à 20 millions de tonnes de fer transitent par ce port. Je vois ce port comme une administration portuaire locale, sans but lucratif. C'est ainsi que le groupe a été constitué dans le détroit de Canso.

Une autre solution serait qu'une société s'intéresse au projet et prenne le contrôle des installations. S'il s'agit d'installations publiques utilisées par la société, cette dernière pourrait les racheter à Transports Canada. Dans ce cas, il est probable que la société intégrerait le port à ses installations manufacturières ou de transformation et refilerait les coûts aux consommateurs. Cela ne fonctionnerait que si l'infrastructure était en bon état. Si l'infrastructure devait se détériorer, cela entraînerait d'importantes immobilisations et le prix du produit augmenterait. Dans les marchés de marchandises, un cent la livre peut faire la différence entre la réussite et l'échec.

Le sénateur Forrestall: Vous avez dit que le montant initial de 125 millions de dollars prévu pour l'aide pourrait être insuffisant et qu'il faudrait peut-être prévoir des crédits additionnels?

M. Gillis: Je ne peux pas dire exactement. Je peux probablement extrapoler à partir de l'expérience vécue dans l'affaire du Strait of Canso Superport.

Nous avons examiné le terminal maritime de Mulgrave, que j'ai déjà mentionné. Si nous devions utiliser la méthode des caissons en béton, la méthode de construction normalement utilisée par Transports Canada, pour reconstruire les installations, il en coûterait approximativement 15 millions de dollars. Utiliser des palplanches d'acier réduirait ces coûts de moitié. La différence est que les palplanches d'acier peuvent durer de 20 à 25 ans alors qu'une construction en béton peut durer de 50 à 80 ans. Quand on prend le contrôle d'un port, on veut que les installations soient dans le meilleur état possible.

Si l'on prend la somme de 15 millions, les fonds ne couvriraient que 10 ou 12 ports dans le pays. Certains n'ont peut-être pas besoin de tant d'argent, mais je dirais que sept ou huit ports stratégiques ont besoin de plus, et qu'il y en a environ 25 autres qui devraient être considérés en vue de devenir des administrations portuaires. Le budget pourrait éventuellement doubler.

J'ai demandé comment on en était arrivé à la somme de 125 millions, et je n'ai pas réussi à obtenir de réponse satisfaisante. Je croyais qu'une analyse plus poussée sur l'état des ports appartenant à Transports Canada avait été faite et que c'est ainsi qu'on en était arrivé à la somme de 125 millions de dollars.

Lorsque j'ai compris que les lignes directrices avaient trait aux normes minimales, j'ai tout de suite compris qu'il y avait des problèmes.

Le sénateur Forrestall: Des règles du jeu équitables sont importantes pour chacun des sénateurs qui représente un port. Le gouvernement fédéral ne doit pas s'immiscer dans une administration portuaire d'une façon qui nuirait à la capacité d'un port voisin de croître, de grandir et d'attirer du commerce.

Je dirais que la somme de 125 millions de dollars est une goutte d'eau dans la mer par rapport à ce que nous devons faire pour moderniser nos ports. Je dirais que nous avons besoin de un à deux milliards de dollars pour mettre en place des systèmes qui élimineraient les redondances et qui serviraient au mieux les besoins de tous les producteurs.

Je ne vois pas ce projet de loi comme une tentative de maintenir le statu quo en ce qui a trait aux règles du jeu. Utiliser des chiffres irréalistes comme ceux-ci est s'aventurer en terrain dangereux. De fait, on dira que cet argent était simplement destiné à mettre de l'ordre et que des sommes beaucoup plus importantes sont nécessaires pour combler les besoins des ports.

La Superport Corporation doit être impliqué dans ce processus. Aucun autre port n'a une profondeur de quelque 61 mètres à proximité immédiate de la côte.

Cette question d'équité et de règles du jeu m'intrigue. Quels seront les coûts véritables? Comment seront-ils répartis? Comment les ports comme celui du détroit de Canso seront-ils touchés?

M. Gillis: Le détroit de Canso n'a jamais eu d'administration portuaire. À divers moments, différents groupes gouvernementaux ont élaboré des projets, mais il n'y a jamais eu d'administration portuaire officielle, organisée. La majorité des ports canadiens sont vieux de 200 ou 300 ans, mais le nôtre n'a que 35 ans.

Je trouve difficile de m'en tenir au mot canadien pour le commerce et l'exportation. À part le fait que les renseignements sur les cargaisons sont transmis par communication avec ou sans fil, toutes les marchandises en vrac ou en conteneur peuvent être transportées par voie maritime; à l'intérieur des terres, elles peuvent être transportées par chemin de fer. Il faut accorder une plus grande attention au transport comme moteur économique pour le pays, pour servir le commerce et l'exportation.

En ce qui a trait aux activités portuaires, certains secteurs stratégiques devraient sérieusement être étudiés en vue du développement futur.

Le sénateur Forrestall: Vous avez l'impression que les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous?

M. Gillis: Pas pour l'instant, en tout cas.

Le sénateur Forrestall: Pouvez-vous nous dire si c'est grave? Est-ce important dans un monde de concurrence?

M. Gillis: Si le détroit de Canso était régi par une société portuaire semblable à celles de Vancouver et de Québec, fondée depuis 30 ans, nous disposerions probablement d'un terminal pour conteneurs. Nous aurions probablement un terminal en eau profonde, à usage commun, ainsi qu'un partenariat entre les secteurs public et privé chargé de son exploitation. Nous aurions des opérations et un volume de marchandises suffisants pour générer nos propres recettes, ce qui nous permettrait d'accroître nos activités et de prendre de l'expansion, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Pour donner de l'expansion à ce port de l'Est, nous nous démenons comme on le faisait dans le Far West. Notre activité dépend des gens que nous connaissons et des relations que nous avons, nous donnons des coups de fil, nous frappons aux portes. Nous trimons pour trouver de l'argent nécessaire aux travaux de planification, et ensuite, nous augmentons nos activités. Ça prendra beaucoup de temps. Nous ne sommes pas en première position au Canada; alors nous redoublerons nos efforts, mais les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous.

Les activités extracôtières sont bien lancées. Houston tient une grande foire commerciale où j'allais régulièrement, mais la Superport Corporation n'a pas d'argent pour y envoyer qui que ce soit. Il nous faut suffisamment de recettes pour susciter des possibilités d'affaires. Nous pensions que la cession des ports nous permettrait d'enclencher ce processus.

Le sénateur Buchanan: Le ministère a-t-il consulté l'administration de la Superport Corporation lors de la rédaction du projet de loi?

M. Gillis: Non. En fait, je suis moi-même consultant et j'ai effectué certains travaux de planification et d'organisation. J'ai réuni les expéditeurs pour créer la Superport Corporation en 1997. Les stratégies dont vous parlez ont été élaborées vers le mois de juin 1995. C'est là un secteur très complexe du transport maritime. Lorsque j'examine ces stratégies, il me semble que d'autres secteurs ou d'autres ports stratégiques n'ont pas été pris en compte. Il n'y avait que deux catégories, et nous n'avons pas été consultés.

Le sénateur Buchanan: Je ne sais pas si beaucoup de membres du comité se sont déjà rendus au détroit de Canso, mais tout ce que nous dit M. Gillis sur ce détroit est absolument vrai, et tout le monde devrait s'y rendre.

Depuis 1955, tout le monde espère que le détroit de Canso deviendra le centre industriel de la Nouvelle-Écosse. Les débuts ont été excellents, mais il n'y a pas eu de suite. Je félicite tous ceux qui ont participé à la création de la Superport Corporation.

La semaine dernière, j'ai assisté à une conférence sur l'énergie de la côte Est à Halifax. On a beaucoup parlé du projet de l'île de Sable et du rôle important du détroit de Canso dans l'affaire.

Dans les années 80, on a regroupé et acquis 5 000 à 6 000 acres de terrain à Bear Head. On a fait la même chose avec 10 000 à 15 000 pieds carrés de terrain à Melford. Nombre des parcelles de terrain acquises se trouvent le long du plus beau port en eau profonde de l'Est du Canada.

Je me souviens du jour où le plus grand navire-citerne du monde est entré dans le détroit de Canso. J'étais là-bas lorsqu'il a levé l'ancre, a fait demi-tour et quitté le détroit. Spectacle incroyable.

Je suis toujours en faveur du développement du détroit de Canso. C'est l'un des plus beaux ports en eau profonde, sinon le plus beau, de l'Est du Canada et des États-Unis. Il ne demande qu'à être exploité. Certains aménagements ont été réalisés, et cela continuera.

Monsieur Gillis, avez-vous assisté à la conférence de Halifax?

M. Gillis: Non.

La présidente: Je ne veux pas vous interrompre, sénateur Buchanan, mais il y a d'autres sénateurs qui voudraient poser des questions.

Le sénateur Buchanan: Dans d'autres pays, les pays de la mer du Nord, et aux États-Unis, à Houston notamment, on est bien informé du détroit de Canso, du potentiel qu'il offre pour les industries pétrochimiques, des possibilités de transport de ces produits pétrochimiques et des grandes superficies de terrains disponibles. Il est réaliste de considérer le détroit de Canso comme l'une des régions les plus prometteuses de prospérité pour le XXIe siècle.

Le détroit de Canso ne fera pas concurrence au port de Halifax ou au port de Saint John, parce qu'on y élabore une stratégie portuaire différente. Le port de Halifax accueille surtout le transport en vrac et les conteneurs. Donc, la stratégie est différente.

M. Gillis: Vous avez raison dans l'ensemble. Plusieurs pays étrangers ont étudié les possibilités de terminaux pour conteneurs, certains hommes d'affaires de Nouvelle-Écosse ont aussi examiné cette possibilité. C'est qu'on peut y accueillir de gros navires.

Le sénateur Buchanan: Je voudrais mentionner le projet de liquéfaction du charbon, annoncé en 1980 pour le détroit de Canso. La réalisation de ce projet tirera parti de plus de 400 000 tonnes de charbon du Cap-Breton, provenant surtout de la nouvelle mine de charbon Donkin, si nous pouvons la mettre en exploitation.

La présidente: Je pense que vous vous éloignez beaucoup du projet de loi C-9.

Le sénateur Buchanan: Le charbon Donkin qu'on a trouvé à Trenton, au New Jersey, était le meilleur charbon d'Amérique du Nord pour la liquéfaction. L'un des ingrédients qu'on utilise dans une usine de liquéfaction du charbon, c'est l'hydrogène, et l'hydrogène peut s'extraire du gaz naturel qui arrivera dans la région du détroit de Canso et à Point Tupper par le pipeline qu'on va construire sous peu. On peut extraire l'hydrogène du gaz naturel et l'utiliser pour la liquéfaction du charbon. Tout est là: le charbon, les installations en eau profonde et l'hydrogène. C'est incroyable, n'est-ce pas, monsieur Gillis?

M. Gillis: Notre président est en train de négocier l'implantation d'une raffinerie de gaz liquide pour son terrain. Nous avons également consulté des spécialistes en transbordement, cokéfaction et liquéfaction du charbon pour un grand projet qu'on pourrait entreprendre. Il leur faut d'autres études, mais ce sont là des possibilités pour le détroit de Canso. Cela fait ressortir en outre l'importance stratégique de certains des ports pour le Canada tout entier.

Le sénateur Buchanan: J'invite les sénateurs Bryden et Rompkey à réfléchir à cela. Tout comme pour le comité Devco, nous devons continuer de nous intéresser à ces questions. J'appuie les recommandations que M. Gillis a présentées. Il n'aura pas de difficulté à obtenir l'appui de nombreux membres du comité.

Le sénateur Forrestall: J'examine toute la situation du Cap-Breton avec une vive inquiétude, mais je ne vois que de sombres perspectives pour son avenir; au lieu des 27 années de réserves que nous croyions avoir, nous en sommes probablement à 11 ou 12 années de réserves.

Le chemin de fer est essentiel pour le port. Y a-t-il suffisamment d'activités dans le port pour compenser le transport du charbon et conserver les services ferroviaires dans cette région?

M. Gillis: Pour l'instant, la situation est critique. La société Devco poursuit ses activités grâce aux marchandises qui sont transportées par le rail. Une compagnie ferroviaire exploite une petite ligne qui passe par le Cap-Breton, le centre de la Nouvelle-Écosse et va jusqu'à Truro. Elle transporte surtout du charbon, mais si cela doit s'arrêter, la viabilité de la ligne sera mise en question. Pour l'instant, le port n'accueille pas suffisamment de marchandises pour justifier que cette société ferroviaire vienne au détroit de Canso. Chaque transport de marchandises sur cette ligne est essentiel à sa survie.

Le sénateur Bryden: De tous les témoins que nous avons entendus, y compris les représentants du ministère, vous êtes le premier à parler de ports stratégiques pour le XXIe siècle. Lorsque j'ai étudié le projet de loi, j'ai été frappé que l'on passe simplement de la voie maritime et des ports PAM à une grande classe de ports tombant tous dans la même catégorie, qu'ils aient un seul quai ou des terminaux de raffinage, et cetera. En fait, j'ai proposé au Sénat que l'on crée une autre catégorie de ports commerciaux. Vous avez expliqué la situation très clairement.

J'aimerais vous poser une ou deux questions précises. Vous avez utilisé le terme «transbordement». La société Statia Terminals est-elle toujours dans votre région?

M. Gillis: Oui.

Le sénateur Bryden: Je crois savoir que des navires-citernes de 300 tonnes de port en lourd y viennent de Hollande et de Norvège.

M. Gillis: En fait, ils viennent de la mer du Nord et du golfe Persique et leur chargement est transbordé dans de plus petits navires-citernes à destination du New Jersey, de New York et de Baltimore. Les économies que permettent le transport et le transbordement rendent cette opération très viable. Cela ressemble au concept que nous voudrions réaliser de transbordement du charbon d'Extrême-Orient, le mélangeant au charbon local afin d'obtenir un certain contenu de BTU pour ensuite le transporter sur la côte Est.

Le sénateur Bryden: Donc, vous ne feriez pas concurrence à Halifax ou à Montréal.

M. Gillis: Non.

Le sénateur Bryden: Vous feriez concurrence à un autre système de transport dans l'Est des États-Unis.

M. Gillis: C'est exact. Statia Terminals a payé environ 400 000 des 600 000 dollars versés en droits portuaires. Les produits en vrac sur le marché international, comme les produits pétroliers, sont la propriété d'un distributeur-grossiste, et c'est lui qui paie les droits portuaires. Le coût de ces denrées sur les marchés de New York, du New Jersey ou de Baltimore est fixé à long terme. Par conséquent, lorsque nous déréglementerons les droits portuaires, c'est le propriétaire-distributeur qui en bénéficiera. Le client à l'autre bout paiera toujours le même prix. Le port perdra des recettes portuaires et par conséquent le Canada aussi.

Ce n'est pas comme exploiter une mine de gypse ou de fer. La société minière paie les droits portuaires et devrait bénéficier d'un tarif préférentiel parce qu'elle exporte ses produits à partir du Canada. Comme toute autre chose, les droits portuaires devraient être définis convenablement parce qu'ils peuvent offrir certains avantages sans que personne ait à débourser quoi que ce soit. Ces prix sont fixes, mais il y a d'autres marchandises pour lesquelles il faudrait éliminer les droits portuaires afin d'accorder un avantage concurrentiel aux sociétés minières locales.

Le sénateur Bryden: À Port Hawkesbury, il y a aussi une société collective.

M. Gillis: Oui, Martin Marietta Materials Limited. Elle a transporté 1,8 million de tonnes d'agrégats de pierre et cette année comme l'an dernier elle a fait venir 200 à 300 tonnes de cobalt pour alimenter sa centrale électrique.

Le sénateur Bryden: Est-ce que le Superport du détroit de Canso cherchera à faire affaire avec cette entreprise?

M. Gillis: Oui.

Le sénateur Bryden: Vous avez probablement vu les études faites sur l'impact des grands projets maritimes sur divers types de denrées.

M. Gillis: Oui.

Le sénateur Bryden: Les études de cas qui ont été réalisées portaient sur la société collective et sur la société qui fait le transbordement. Les deux ont dit que si on adoptait les nouveaux droits maritimes proposés, elles ne pourraient plus poursuivre leurs activités. Êtes-vous au courant de cela?

M. Gillis: Au taux initial proposé par la Garde côtière pour les droits de service maritime, la viabilité de ces deux entreprises serait mise en question. Je crois que le taux est actuellement de 9,9 cents la tonne en transit. Le taux proposé était de 17 ou 18 cents la tonne. Comme l'agrégat est une marchandise à volume élevé et à faible prix, toute augmentation du taux par tonne affecterait fort la viabilité de l'entreprise. C'est là une marchandise très névralgique.

La même chose s'applique aux marchandises qui ne sont pas à vous mais que vous transbordez. Le côté économique dépend entièrement des coûts de transport.

S'agissant de matières premières de consommation mondiale, au-delà d'un certain prix limite imposable aux navires qui arrivent, les armateurs chercheront des solutions de rechange, qu'ils trouveront peut-être. Il faut établir un équilibre entre le volume et le prix pour les très grands navires.

Ces deux questions, au moment où on discutait des droits de service maritime, ont beaucoup préoccupé la collectivité.

Le sénateur Bryden: Pour autant que vous sachiez, les deux entreprises peuvent s'accommoder de la nouvelle tarification?

M. Gillis: Oui.

Le sénateur Bryden: Y a-t-il entente à long terme sur ces tarifications?

M. Gillis: Pas à ma connaissance. Les tarifications sont actuellement imposées pour les aides à la navigation. La question des brise-glaces n'a pas été abordée comme il se doit au Canada. Le détroit de Canso est un port libre de glaces et nous espérons qu'il sera considéré comme tel dans les études; si tel est le cas, on ne lui imposera pas de frais supplémentaires pour les services de brise-glaces, ce qui lui conférerait un autre avantage concurrentiel.

Le sénateur Bryden: Les responsables du ministère des Transports ont dit qu'un bon nombre de lettres d'intention avaient déjà été signées avec des petits ports pour les négociations. Vous avez dit au début avoir signé une lettre d'intention.

M. Gillis: Nous en avons toujours une. Nous sommes toujours en négociation avec Transports Canada, même si c'est frustrant.

Le sénateur Bryden: Je crois que vous avez dit, au début, que vous pensiez qu'il s'agirait d'une opération secteur public-secteur privé.

M. Gillis: Quand nous avons entrepris les négociations avec Transports Canada, je pensais que nous adopterions davantage une approche de partenariat. Nous nous sommes transmis des renseignements et les choses allaient très bien. Cependant, les choses ont commencé à se gâter lorsque nous avons tenté d'obtenir une définition des normes minimales, par exemple. Nous songions alors à des normes commerciales. Nous avons fait notre travail en nous basant sur l'information dont nous disposions.

Nous estimions que le poste d'amarrage sud devait être remplacé et que, avec la construction de caissons en béton qu'utilise Transports Canada, cela coûterait 15 millions de dollars. On m'a dit, au fond, que le ministère devait le protéger aux normes minimales, que revêtir en pierre tout le poste d'amarrage sud empêcherait la terre d'appui de glisser dans le port et que c'était tout ce que le ministère était tenu de faire.

Le sénateur Bryden: Un point c'est tout.

M. Gillis: C'est exact. Nous comptions sur le terminal Mulgrave pour générer suffisamment de recettes pour recouvrir la jetée de Port Hawkesbury laquelle, bien qu'elle nous rapporte certaines recettes, n'attire pas le transport des marchandises. Le quai, situé au centre de l'exploitation du front de mer au centre-ville, sert également de brise-lames pour le port de plaisance ainsi qu'à quelques autres fins. Si la jetée n'est pas entretenue et qu'on la perde, tout le secteur sera en danger.

Chaque port doit être examiné individuellement. On ne peut pas grouper tous les ports dans la catégorie des ports régionaux et locaux. Il y a d'autres ports dans cette catégorie qui revêtent une grande importance stratégique pour le Canada et la région où ils se trouvent et auxquels il faudrait accorder un statut spécial et une considération particulière.

Le sénateur Spivak: Vous avez dit que ce port occupe une situation stratégique sur les voies de navigation côtières internationales de l'Atlantique Nord.

Votre graphique indique la distance en milles de Rotterdam et de Gibraltar. Ce port assure essentiellement le transport de gypse, de charbon, de produits chimiques et de pâte à papier.

Vous parlez des marchés européens, mais que faites-vous de l'Amérique du Sud? Ce port n'est pas stratégique pour l'Extrême-Orient. Vous parlez d'un statut spécial qui pourrait lui être conféré pour lui donner un avantage concurrentiel. Je ne m'y connais guère en matière de ports, mais nous avons un port au Manitoba: il s'agit de Churchill.

Pour ce qui est des exportations, où se trouve l'accès ferroviaire? Le sénateur Buchanan me disait que, sur ce plan, la Cape Breton & Central Nova Scotia Railway n'existe plus.

M. Gillis: Le chemin de fer va du côté de Port Hawkesbury. Il n'est pas exploité par le CN, mais par une petite compagnie ferroviaire. Lorsque je dis stratégique, je parle du port continental le plus profond de la côte est de l'Amérique du Nord.

Le sénateur Spivak: Je comprends.

M. Gillis: C'est un port qui ne requiert ni brise-glaces ni dragage. Selon le point de départ du navire, notre port est l'un des plus proches de l'Europe.

Le sénateur Spivak: Et d'Amérique du Sud?

M. Gillis: C'est probablement l'un des ports les plus proches de certains endroits d'Amérique du Sud. La courbure de la terre et le port de départ doivent être pris en compte. Ce port est très stratégique pour la côte est des États-Unis de même que pour le golfe du Saint-Laurent et le Saint-Laurent en amont, pour le transbordement.

Transportons-nous en l'an 2015: on peut imaginer l'arrivée d'un superconteneur d'environ 9 000 UEC dans le détroit de Canso, approvisionnant deux ou trois navires de 3 000 UEC qui vont remonter le fleuve jusqu'à Montréal. Cela est tout à fait possible.

Le sénateur Spivak: Des céréales seront maintenant transportées du nord au sud. Apparemment, les marchés de l'Amérique du Sud sont des marchés en expansion pour les céréales. Le chemin de fer se rend là.

Y a-t-il un lien ferroviaire avec ce port qui pourrait offrir un avantage économique et concurrentiel? Existe-t-il une voie ferrée de l'Ouest qui puisse servir cette expansion, ou est-ce simplement une possibilité à envisager?

Vous parlez d'un port stratégique; vous dites qu'il s'agira d'un port important à l'avenir. Mis à part les produits de l'Est comme le charbon, le gypse et la pâte à papier, quelles sont les autres possibilités et dans quelle mesure le port sera-t-il concurrentiel?

M. Gillis: J'ai dépoussiéré quelques vieilles études. L'une d'elles portait sur les trains-blocs, c'est-à-dire des trains d'un ou deux milles de long qui transportent une marchandise, ils approvisionneraient un important terminal de transbordement de céréales dans le détroit de Canso. L'étude portait également sur des navires venant des Grands Lacs et descendant jusqu'au détroit de Canso.

Le sénateur Spivak: Et les deux sont reliés?

M. Gillis: Oui. On peut passer directement du golfe du Saint-Laurent et par le canal pour rejoindre le détroit de Canso. Le grain pourrait y être entreposé dans un énorme terminal à grain et, une fois un volume suffisant accumulé, on pourrait l'expédier de façon rentable par supercéréalier en Amérique du Sud.

Le sénateur Spivak: Est-ce préférable au tracé du Saint-Laurent?

M. Gillis: Oui. On peut réaliser des économies d'échelle. Les bateaux de moindre tonnage venant du Saint-Laurent, ainsi que les trains-blocs, pourraient constituer une énorme cargaison qui serait transportée par de très gros navires céréaliers. Ces composantes peuvent être examinées de façon stratégique.

Depuis ces dernières années, le transport du grain se fait sur la côte américaine du golfe par barge et par chemin de fer. Même là, on l'achemine par navires de moindre tonnage.

D'un continent à l'autre, la meilleure façon est de procéder comme Purolator. De très gros avions vont de A à B, ensuite on recourt à de plus petits avions pour alimenter les points C, D et E. Dans les transports maritimes -- taille des navires, alliances d'affréteurs et organisation des transports maritimes dans le monde -- il semble que de plus en plus d'entreprises emboîtent le pas à Purolator. De moins grands bateaux viennent dans les principaux ports et les gros navires rallient les ports A et B.

Le sénateur Spivak: N'est-il pas prévu d'élargir l'accès au Saint-Laurent pour permettre l'entrée de plus gros navires?

M. Gillis: Cela pourrait probablement se faire. Il faudrait draguer le fleuve, mais vu la taille des navires dont nous parlons actuellement, les déplacements et la logistique seraient très difficiles.

La présidente: Merci, monsieur Gillis.

Nos témoins suivants sont prêts.

Mme Marie Ann Bowden, vice-doyenne de la faculté de droit, Université de la Saskatchewan: Merci de nous donner la possibilité de comparaître. J'enseigne le droit environnemental et je siège au conseil d'administration de la Société environnementale de la Saskatchewan. M. Gertler et moi sommes membres du comité de direction du Caucus de l'évaluation environnementale du Réseau canadien de l'environnement, qui représente environ 1 300 groupes environnementalistes du Canada.

En tant que membres du RCE, nous sommes aussi membres du Comité consultatif de la réglementation du ministre de l'Environnement, soit le CCR. Nous relevons directement du ministre de l'Environnement pour ce qui concerne la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

Le caucus fait rapport au RCE parce qu'il est et a toujours été préoccupé par l'historique de l'évaluation environnementale au Canada, l'adoption, la mise en vigueur et l'application de ce que l'on connaît maintenant sous l'appellation de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

Nous sommes engagés à respecter et à faire respecter cette loi. Il s'agit d'un outil de politique gouvernementale, un outil qui nous permet de prendre de bonnes décisions, d'effectuer une bonne planification et, en fin de compte, si vous vous souvenez de l'expression, d'assurer le développement durable.

Le RCE a été créé en 1992 par suite de l'adoption de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Il y a eu un délai de trois ans entre l'adoption de cette loi et sa promulgation. Ce délai était nécessaire parce que la loi ne pouvait être appliquée sans l'adoption de quatre règlements qui devaient être mis en place afin d'en assurer la promulgation. Le RCE a fait quelque chose d'inédit: il a réuni un groupe d'intervenants intéressés par l'évaluation environnementale pour rechercher un consensus ou une entente sur le contenu de ces règlements et dans quel ordre ils devaient être mis en oeuvre. Était donc réuni un groupe important de membres de l'industrie comme l'Association canadienne des producteurs pétroliers, l'Association minière du Canada et les associations de l'industrie des pâtes et papiers, de même que des organisations environnementales, non gouvernementales, des groupes autochtones, les gouvernements provinciaux et des représentants des ministères fédéraux. En fait, le RCE épluche le contenu des règlements et établit des priorités et des politiques concernant l'évaluation environnementale au Canada. Le RCE joue un rôle important.

C'est à titre de membres du RCE que M. Gertler et moi avons pris connaissance des modifications apportées à la Loi sur la marine marchande du Canada qui auraient des répercussions sur l'évaluation environnementale dans notre pays. Comme nous le précisons dans notre mémoire, nous estimons que les modifications apportées à la Loi sur la marine marchande du Canada et qui ont un impact sur la LCEE mineront sérieusement la crédibilité et la viabilité de l'évaluation environnementale au Canada. Nous sommes ici aujourd'hui pour vous signaler ces modifications proposées à la loi et pour vous donner une idée de l'impact qu'elles auront. Nous croyons réellement que les membres de l'autre endroit et du Sénat ne sont pas au courant de ces répercussions éventuelles.

Essentiellement, le projet de loi C-9 propose, en ce qui concerne les ports, que l'application de la Loi sur la protection des eaux navigables ne déclenche plus celle de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. En d'autres termes, essentiellement, cela nuira à la protection des eaux, des cours d'eau et du littoral du Canada. La LPEN est fort probablement le déclencheur le plus important en matière d'évaluation environnementale pour ce qui concerne les ports. Vous ne devriez en envisager l'inclusion dans la Loi sur la marine marchande du Canada qu'une fois que vous aurez reçu toute l'information que nous sommes là pour vous donner.

Nous sommes conscients qu'il est peu courant de demander un tel amendement à un projet de loi dont le Sénat est saisi. Cependant, il est important que vous connaissiez les circonstances qui entourent notre demande. Les modifications à la Loi sur la marine marchande du Canada concernant l'application de la LPEN ont été incluses dans le projet antérieur présenté à l'autre endroit et qui a fait l'objet d'une première et deuxième lectures. Nous croyons savoir cependant que le ministre de l'Environnement n'a pas été informé des répercussions de ces modifications, pas plus que le ministre des Transports de toutes les implications concernant l'évaluation environnementale. Il semble que le ministre n'ait été informé de ces répercussions qu'après la deuxième lecture. Peut-être sont-ce les ports et les commissions portuaires eux-mêmes qui ont demandé ces modifications. C'est la seule conclusion que nous pouvons tirer.

Je vais vous expliquer le contexte. Je m'excuse de jouer ici les professeurs, mais permettez-moi de continuer. En 1972, une directive du Cabinet a institué le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, le PEEE. Le gouvernement du Canada et les Canadiens en appuyaient les objectifs. On voulait que les répercussions environnementales d'une proposition ou d'un projet soient examinées au début du processus de planification. Il s'agissait d'un outil de planification. Tout comme on examine les répercussions fiscales ou la rentabilité d'un projet, on se disait également que la viabilité environnementale devait être examinée avant que des décisions irrévocables soient prises.

Si l'on estime qu'un projet aura des répercussions environnementales qui devraient et pourraient être atténuées, il faut intervenir au début de la planification pour éviter des dépenses ultérieures. En fait, l'évaluation environnementale s'est avérée une bonne idée ne serait-ce que pour cette raison.

Selon la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, on entend par évaluation environnementale un outil efficace pour la prise en compte des facteurs environnementaux dans les processus de planification et de décision, de façon à promouvoir un développement durable.

Si l'on ne peut atténuer les conséquences sur l'environnement et qu'elles sont considérables, alors, l'acceptabilité du projet doit être jugée sous cet angle et au vu et au su du public. C'est équitable. Cela étant dit, seuls certains projets tombent sous le coup de cette loi. Bien sûr, certains diront même qu'il faut évaluer jusqu'à la peinture du mât du drapeau qui flotte devant les bureaux de poste du Canada, par exemple. Naturellement, on ne le fait pas; ce n'est qu'un des grands mythes propagés par certains des détracteurs de l'évaluation environnementale.

D'après la loi, un projet est défini comme un ouvrage ou une entreprise physique et, dans les documents que nous vous avons fournis, vous verrez ce que l'on entend par entreprise physique. Si entreprise physique il y a, elle fera l'objet d'une évaluation seulement si l'un de quatre critères est en cause. Premièrement, si l'auteur du projet est un organisme fédéral, habituellement un ministère ou une agence du gouvernement fédéral -- autrement dit, disons que Travaux publics veut construire un pont -- alors la LCEE entre en jeu. Si un organisme fédéral autorise un versement, une garantie de prêt ou une subvention pour la réalisation d'un projet, là encore, ça va de soi, la LCEE s'applique. Si le projet doit être réalisé sur des terres du gouvernement fédéral qui seront aliénées -- louées, vendues ou autre -- dans le cadre du projet, là encore la LCEE entre en jeu.

Voici le critère important en ce qui nous concerne: si l'organisme fédéral délivre un permis ou une licence, ou accorde une approbation nécessaire à la réalisation du projet, et que cette autorisation figure dans ce qu'on appelle le Règlement sur les dispositions législatives et réglementaires désignées, l'un des quatre règlements rédigés en 1992, la LCEE s'applique. Et ce n'est que dans de telles circonstances qu'il faut procéder à l'évaluation environnementale.

Une fois que la loi s'applique, on procède alors à ce qu'on appelle un «examen environnemental préalable». L'auteur du projet, par le biais d'un ministère fédéral ou d'un autre organisme fédéral, quel qu'il soit, examine le projet pour en connaître l'impact sur l'environnement. Là encore, on peut proposer un plan de réduction de ces conséquences. Alors, si à la planification, on peut éviter de nuire à l'environnement, on le fait, on donne le feu vert au projet et on peut ensuite demander les autres approbations exigées par d'autres lois.

Il y a d'autres projets qui, de par leur nature même, sont susceptibles de causer des répercussions importantes. On pense tout de suite aux usines nucléaires. Ces projets figurent sur ce que l'on appelle une liste d'étude exhaustive et, comme le terme l'implique, il faut immédiatement effectuer un examen plus détaillé de ces projets.

Après l'examen environnemental préalable, si l'on constate que ce projet est toujours susceptible d'avoir des répercussions importantes, on peut demander la création d'un groupe d'étude ou de médiation. La grande majorité des projets sont simplement évalués et des mesures de réduction servent à parer aux dommages à l'environnement.

Pour vous donner un exemple concernant le monde maritime, on a procédé récemment à un examen environnemental préalable en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables en faisant intervenir la Garde côtière, et en bout de ligne le ministère des Pêches, pour étudier le déplacement d'une société d'hydravions à Burrard Inlet. On a procédé à l'examen environnemental préalable et les mesures de réduction des répercussions environnementales étaient très simples. Le varech qui poussait dans la petite baie où l'on voulait relocaliser les hydravions a dû être balisé pour le protéger durant la construction et la réinstallation. Il fallait aussi que tous les déchets soient remisés dans des cuves de rétention et éliminés de façon appropriée plutôt que déversés dans l'eau. Trois ou quatre conditions de ce genre ont été imposées pour l'approbation du projet, mais l'examen préalable s'est effectué dans un très court laps de temps et le projet s'est poursuivi.

Nous avons des statistiques pour vous à la page 6. Depuis l'entrée en vigueur de la loi en janvier 1995, il y a eu 13 500, presque 13 600 «déclenchements» et examens préalables. De ce nombre, seuls 24 ont nécessité une étude exhaustive et de ces 24, sept seulement ont nécessité un examen complet y compris des audiences publiques par une commission d'étude. L'objection que tout projet nécessitera des audiences publiques, que cela prendra des années, et que cela ralentira le projet n'est en fait qu'un mythe.

Les auteurs de projets tant du secteur public que du secteur privé, qui reçoivent des subventions, des terrains ou qui eux-mêmes font intervenir la loi en demandant un permis, ont constaté que l'évaluation environnementale est rentable.

Les répercussions négatives ont été éliminées dès le départ. On réduit les conséquences environnementales avant de commencer un projet plutôt que d'adopter des stratégies après coup pour réparer parfois des dégâts environnementaux irréversibles.

Enfin, j'aimerais vous rappeler que l'évaluation environnementale ne va pas à l'encontre du développement. Je suis originaire de Summerside, dans l'Île-du-Prince-Édouard, et j'aimerais rentrer chez moi cet été. Je ne pourrais pas le faire si j'étais contre le développement.

On a tenté, me semble-t-il, de créer un statut spécial injustifié pour ce secteur particulier de l'économie. Les auteurs de projets tant du secteur privé que public n'apprécient pas ce statut, et nous tenons à vous le signaler avant qu'il soit trop tard pour le faire.

M. Franklin Gertler, Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE): Je sais bien que les efforts d'équipe de relais sont inhabituels et même si la question est très technique, j'essaierai d'être le plus bref possible. Nous demandons que les articles 47, 73 et 101 du projet de loi C-9 soient abandonnés ou retirés.

Nous vous avons remis un extrait du chapitre 37 des Lois du Canada de 1992, qui est la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Je dois préciser que quelques petites modifications ont été apportées depuis, mais je ne crois pas qu'elles concernent ces articles. Nous vous avons également donné le texte complet du Règlement sur les dispositions législatives et réglementaires désignées, qui sont les règlements adoptés à la fin de 1994 et qui ont permis l'entrée en vigueur de la loi. Nous vous avons remis les dispositions pertinentes de la Loi sur la protection des eaux navigables. Nous vous avons également fourni des statistiques à jour à la fin de février qui indiquent quels ministères ont participé à une évaluation environnementale depuis 1995 ainsi que l'ampleur de l'évaluation qu'ils ont dû effectuer.

Nous espérons que tout cela sera utile.

Nous demandons instamment la suppression de ces articles parce que, dans leur forme actuelle, ils soustrairaient à l'application de la Loi sur la protection des eaux navigables les ports et autres entités créées en vertu de la présente loi. Cela empêcherait le recours à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale dans les milieux très sensibles où ces entités sont exploitées.

Il ne s'agit pas de petits secteurs. Par exemple, le port de Vancouver ne se limite pas aux installations au centre-ville ou à la baie English. Le port s'étend sur des dizaines, voire des centaines de kilomètres en amont et en aval de la côte. Il s'agit d'un vaste secteur englobant des milieux fragiles du delta du Fraser et ainsi de suite.

J'aimerais dire quelques mots sur la LCEE et les ports, sur son historique et le contrat social qui ont inspiré cette loi. En vertu de la LCEE, les sociétés d'État et les commissions portuaires sont exclues de la définition de l'expression «pouvoir fédéral» et en vertu de l'article 164 du projet de loi, la définition de «pouvoir fédéral» n'inclurait pas les autorités portuaires et certaines autres entités visées ici.

En outre, bien que les ports fonctionnent grâce à certaines installations publiques -- c'est-à-dire qu'ils utilisent du trésor public et que leur capital initial provient du gouvernement ou est exploité sur des terrains publics -- les ports ne reçoivent pas de crédits annuels du Parlement pour la réalisation de leurs projets. Bien qu'ils soient situés sur des terrains publics, pour réaliser leurs projets, dans l'ensemble, ces terres ne sont pas transférées à une tierce partie. De toute façon, en vertu de l'article 164 du projet de loi, leurs terres doivent être exclues de la définition de terres fédérales donnée dans la LCEE.

Dans ces circonstances, et en raison des articles 8 et 9 de cette loi, telle que modifiée par le projet de loi que vous étudiez, les projets des ports échapperont à l'application de trois des quatre critères portant sur l'évaluation environnementale. Il ne reste que le déclencheur de l'approbation des règlements en vertu de l'alinéa 5(1)d) de la LCEE et du Règlement sur les dispositions législatives et réglementaires désignées. Si on examine la question en détail, on constate que les ports, dans la plupart des cas, ne demandent que deux types d'autorisations. L'une relève de l'article 35 de la Loi sur les pêches et porte sur la modification de l'habitat du poisson, ce qui ne devrait pas nous préoccuper outre mesure parce que ce n'est pas une question visée par le projet de loi. L'autre est l'approbation en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables et porte sur des travaux dans les eaux navigables, au-dessus des eaux navigables et passant par celles-ci.

En vertu de la LCEE, on a procédé à 371 examens environnementaux préalables à l'octroi d'approbations en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables. Bien sûr, tous ne concernent pas les ports, mais cela donne une idée du nombre total d'examens environnementaux préalables. Dans trois cas seulement, on a exigé des études exhaustives nécessitant une évaluation initiale plus détaillée, mais même dans ces cas, on n'a pas demandé la tenue d'audiences. On n'a pas créé de commission pour présider à des audiences publiques pour ces projets. Cela vous donne une idée de l'ampleur toute relative des mesures nécessaires pour effectuer une évaluation environnementale quand il s'agit d'un port.

Dans la plupart des cas, on n'exigerait qu'un examen de documents sur le projet pour tenter d'en minimiser les répercussions environnementales et, dans presque tous les cas, il sera approuvé.

Je passe maintenant à l'adoption et à l'entrée en vigueur de la LCEE. Nous savons que cette loi est le fruit d'un compromis politique. Elle a été adoptée à la suite de la controverse entourant les projets de barrage sur les rivières Rafferty-Alameda et Oldman. En fin de compte, les environnementalistes ont accepté l'adoption de la nouvelle loi et sa mise en vigueur à la seule condition qu'elle s'applique de façon générale pour maintenir certaines responsabilités fédérales en matière de protection de l'environnement.

En 1992, j'ai comparu devant un comité du Sénat à la demande expresse du gouvernement de l'heure. Des intérêts provinciaux et industriels ont cherché à la dernière minute à faire modifier ou à bloquer le projet de loi au Sénat. On était convaincu qu'il s'agirait alors d'une bonne mesure législative solide, du fait que la loi et les règlements comporteraient les éléments déclencheurs de la Loi sur la protection des eaux navigables et de celle sur les pêches qui en assurerait une application générale. Les environnementalistes se sont présentés devant un comité du Sénat et l'ont exhorté à ne pas accepter de bloquer le projet de loi, comme il lui était demandé.

Voilà le compromis, l'arrangement politique de l'époque, en quelque sorte.

Les éléments déclencheurs en vertu des deux lois que je viens de citer, celle sur les pêches et celle sur la protection des eaux navigables, sont essentiels parce qu'ils s'appliquent à des projets dans tout le Canada qui ont un impact sur de fragiles milieux marins et d'eau douce. En outre, les lois s'appliquent également et équitablement à tous les intervenants du secteur public et du secteur privé, et sont exécutoires pour les sociétés d'État fédérales et provinciales. Bref, les lois s'appliquent à des projets de tout genre au Canada.

Cela m'amène à vous parler du projet de loi sur la marine marchande du Canada et de ses incidences en particulier sur la LCEE.

En dépit de l'objectif énoncé à l'alinéa 4d) du projet de loi, nous estimons que, sans les amendements mineurs mais importants que nous proposons, cette mesure législative équivaudra à un pas en arrière, ce qui est malheureux et inacceptable. Nous savons que les lois provinciales sur l'évaluation environnementale en matière de planification et de zonage ne s'appliquent pas aux ports. À cet égard, c'est ce que comprend le législateur et ce qui explique l'article 48 du projet de loi dont vous êtes saisis.

En outre, les mesures environnementales qu'on s'engage à respecter de façon volontaire et conformément à des règlements à venir en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada n'assureront pas et ne pourront pas assurer les protections prévues par la LCEE. L'évaluation environnementale exige un examen général de toutes les répercussions environnementales du projet, y compris les effets cumulatifs, et l'impact sur les espèces et les écosystèmes au-delà de la zone immédiate du projet.

Même si les nouveaux règlements promis sont adoptés et qu'ils sont essentiellement équivalents à la LPEN, ce qui n'est pas garanti, ce sont les entités en question qui les appliqueront. Aucune autorité fédérale ne sera tenue d'approuver le projet, et aucun nouveau règlement ne devra être adopté pour remplacer l'article 5 de la LPEN. Le résultat sera étonnant: tous les auteurs de projets, qu'ils soient du gouvernement fédéral, provincial, municipal ou du secteur privé au Canada, sauf les autorités portuaires canadiennes, les ports publics et la voie maritime, et toutes les tierces parties entreprenant des projets sur un terrain fédéral ou ces entités de contrôle, seront tenus d'obtenir les approbations en vertu de la LPEN et pourraient être assujettis à une évaluation environnementale fédérale en application de la LCEE. C'est là une question dont vous devriez tenir compte parce qu'à mon avis, c'est ce que recherchent les ports des zones de libre-échange et des activités commerciales et industrielles diverses sur leurs terrains. À l'exception de ces entités, tout le monde sera tenu d'obtenir les approbations en vertu de la LPEN, et sera donc assujetti à l'évaluation en vertu de la LCEE.

Je vais vous donner un exemple frappant. Hydro-Québec doit obtenir une approbation pour ses travaux en vertu de la LPEN et déclencher l'application de la LCEE, mais il n'en irait pas de même pour le port de Vancouver. Le port de Vancouver deviendrait une enclave autoréglementée, à l'abri d'importants règlements fédéraux et de tout processus public ou évaluation environnementale prévue par la loi.

À ce sujet, j'ai pris note des assurances données à votre comité par M. Bowie le 2 avril. Je crains que le témoin, bien qu'il ait cherché à aider, ait raté le coche. Les règlements prévus en vertu du projet de loi ne remplaceront pas l'application de la LCEE déclenchée par celle de la LPEN. En outre, tout règlement éventuel (et rien n'assure qu'il y en aura) adopté en vertu de la LCEE concernant les entités relevant de la Loi sur la marine marchande du Canada n'aura pas une application aussi générale que les éléments déclencheurs de la LPEN sur la LEEE.

Nous demandons que les articles 47, 73 et 101 soient retirés. Il s'agit d'une loi publique d'application générale et nationale. Aucun recours à des termes comme «concurrence» et «commercialisation», aucune assurance de sens civique de la part des entités ne peut camoufler ce que comporte le projet de loi.

À notre avis, les Canadiens souhaitent que l'environnement soit protégé à long terme et que seuls les propositions et les projets écologiquement durables et justifiables soient adoptés. Nous espérons assurément que le gouvernement du Canada est d'accord avec nous. Réaliser le changement fondamental qui découlerait de ces dispositions en apparence innocentes du projet de loi C-9, est à notre avis insensé. Si ce genre de changement est proposé, il doit l'être de façon directe en abordant le problème sous l'angle de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Nous proposons la solution simple et efficace qui consiste à retirer les articles 47, 73 et 101 du projet de loi.

Le sénateur Rompkey: Je suis surpris que ce projet de loi soit arrivé jusqu'à nous sans qu'il soit question de l'environnement. Je croyais que toutes les lois et politiques gouvernementales étaient soumises à un test décisif, qu'il existait depuis de nombreuses années un processus empêchant toute réalisation de projet avant qu'il ait été approuvé. Cela rappelle Mackenzie King qui disait: «Parlez-en avec Jack». Il fallait obtenir l'autorisation de Jack Pickersgill avant de faire quoi que ce soit. Je croyais que le même principe s'appliquait en ce qui concerne cette question. Avant toute chose, je dois dire que je suis surpris qu'une mesure législative nous ait été renvoyée sans qu'elle ait satisfait à une sorte de test décisif dans son cheminement jusqu'à nous.

Est-ce que vous voulez dire que le port de Vancouver, s'il veut réaliser des projets, ne sera pas assujetti à l'évaluation environnementale, mais que le port de Sept-Îles, s'il en a, le sera lui?

Mme Bowden: Permettez-moi d'apporter deux précisions. Lors d'une réunion d'un sous-comité du RCE sur les sociétés d'État, nous avons parlé de l'élément déclencheur qu'est la LPEN et nous avons demandé s'il s'appliquait. On nous a dit: «Jusqu'à maintenant.» Nous avons demandé ce que cela voulait dire, et on nous a parlé de «la Loi sur la marine marchande du Canada». Rien de plus.

Nous avons communiqué avec l'Agence canadienne d'évaluation environnementale le lendemain après avoir examiné la Loi sur la marine marchande du Canada sur l'Internet, et l'Agence n'était pas au courant de ces dispositions. Nous les lui avons signalées. Je ne me souviens plus exactement comment ça s'est passé. La loi ne s'appliquera à aucun port, que ce soit des grands ports comme Vancouver, ni aux autorités portuaires canadiennes, ni à la voie maritime.

Il se pourrait que des ports comme Vancouver disent: «Mais nous avons notre propre processus d'évaluation environnementale qui est très bien. En fait, il est meilleur que ce que vous avez au niveau fédéral.» En toute honnêteté, ce n'est pas le cas. Certains le sont, d'autres pas. Le processus du gouvernement est très net quant à la rigueur à appliquer.

Pour vous donner un exemple de l'efficacité générale de ces processus, lorsque la question a été soulevée à la réunion du RCE, un représentant de Transports Canada a dit que même si des dispositions existaient, on n'avait pas informé le ministère de leur nature. S'agissant d'évaluation environnementale, la participation du public est une proposition fondamentale et nous nous sommes demandé comment la participation du public pouvait être possible quand Transports Canada n'est même pas au courant du processus. Le représentant de Transports Canada a répété que son ministère ne savait pas ce que faisaient les ports en matière d'évaluation environnementale.

Ce principe d'assujettissement aux mêmes règles, ou même de l'application de meilleures règles, que prônent certains des grands ports, est carrément erroné. Il n'en est rien.

Le sénateur Rompkey: Il n'y a équité que si tout le monde est traité sur le même pied en vertu de la loi. Aucun port au Canada n'est obligé, d'après la loi, de se soumettre à un examen environnemental. Les ports peuvent avoir leur propre processus, mais ils ne sont pas tenus de se soumettre à un examen fédéral. Est-ce bien ce que vous dites?

Mme Bowden: Actuellement, ils le sont à cause de la LPEN. Si le projet de loi est adopté, le déclencheur de cette loi existe.

Le sénateur Rompkey: Aucun port au Canada.

Mme Bowden: Non, sénateur.

Le sénateur Rompkey: Mais d'autres projets devront être assujettis à l'examen environnemental et beaucoup d'entre eux impliquent les ports.

M. Gertler: C'est exact.

À vrai dire, il est possible que les ports, même après l'adoption de ce projet de loi, provoquent par hasard dans certains cas une évaluation environnementale fédérale. Prenons l'exemple d'un port qui, dans le cadre de ses activités, veut déverser des matières toxiques dans l'océan comme à Baie-Comeau ou au port de Halifax. Il y a bien des exemples.

Si on veut faire du dragage et déverser ensuite les déchets dans l'océan, il faudra obtenir un permis en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, permis que l'on appelait autrefois permis d'immersion en mer. Dans ce cas, cela déclenchera une évaluation environnementale. Ce n'est peut-être pas le cas le plus fréquent. Le déclencheur le plus important de l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale aux activités et projets d'un port ou de la zone sous son contrôle n'existerait plus. Je ne veux pas être injuste et dire que cela ne s'appliquerait jamais. La loi pourrait s'appliquer, mais de façon beaucoup plus restreinte.

Mme Bowden: Ce que vous faites, c'est que vous prenez un secteur libre d'agir, les ports, et vous dites: voici la loi d'application générale dans tout le pays. Lorsque quelqu'un demande un permis, la LPEN prévoit qu'il faut au moins un examen des répercussions environnementales dans le cadre d'un processus public.

Si en tant que promoteur privé je veux créer une station balnéaire et, pour ce faire, ériger une construction dans un lac navigable, je dois tenir compte des répercussions environnementales de mon projet. La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale va, selon nous, créer un cas spécial, et les ports n'auront plus à s'y soumettre.

Le sénateur Rompkey: Est-ce qu'il y a deux ministères qui sont en conflit l'un avec l'autre? Est-ce que les deux mesures législatives sont contradictoires?

Mme Bowden: Il n'y a pas de ministères qui sont en conflit l'un avec l'autre. Ce que je comprends, c'est qu'Environnement Canada n'en savait rien. Même si Transports Canada connaissait les dispositions, il n'en connaissait pas la portée.

Le sénateur Rompkey: Y a-t-il des lois fédérales qui contredisent ce qui se produira ici? Est-ce qu'il y a une loi sur la protection et l'évaluation environnementales?

Mme Bowden: Oui.

M. Gertler: Par suite des petites modifications à l'application de la Loi sur la protection des eaux navigables, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne s'appliquera plus aux ports.

Le sénateur Rompkey: Si le projet de loi que nous étudions est adopté, vous aurez deux lois contradictoires, n'est-ce pas?

M. Gertler: L'intention du Parlement semblera peut-être confuse. En 1992, la loi est adoptée, et à la fin de 1994 les règlements sont pris pour en permettre l'application. Avec l'arrivée du nouveau millénaire, les considérations environnementales seront au coeur des processus décisionnels. Dans trois ou quatre ans, une bonne partie de l'environnement, celle pour laquelle le gouvernement fédéral assume une responsabilité spéciale, ne sera plus assujettie à la loi. Quelle ironie!

Les environnementalistes ont été accusés d'inciter le gouvernement fédéral à jouer les policiers, à dire aux provinces et au secteur privé ce qu'il fallait faire et ne pas faire avec leurs terres. Cette représentation injuste ne va pas changer. Une chose est sûre, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale n'a pas bloqué l'économie, comme certains l'avaient prédit. Il est extrêmement ironique de voir que sans modifier l'application générale de la loi, et sans justification environnementale, nous allons assujettir un important secteur de responsabilité fédérale à un nouveau régime. Et cela, parce que quelqu'un à l'étranger essaie de nous faire concurrence.

Un conseiller extérieur a effectué une étude pour le RCE et a comparé les régimes environnementaux applicables aux ports du nord-ouest du Pacifique au régime qui serait applicable au port de Vancouver. Il a été prouvé que les ports des États-Unis dans le nord-ouest du Pacifique, qui sont, semble-t-il, certains des grands concurrents de Vancouver, étaient effectivement obligés de se soumettre à des évaluations environnementales tant du gouvernement fédéral que de l'État.

Le sénateur Roberge: Vous parlez de nouveaux règlements, les avez-vous vus?

M. Gertler: Non.

Le sénateur Roberge: Si votre organisation pouvait rencontrer les représentants du ministère fédéral des Transports et examiner les règlements, pour les rendre conformes à la réalité, est-ce que cela serait une solution?

M. Gertler: Prenons le cas des autorités portuaires canadiennes parce que c'est vraiment un régime parallèle pour les trois parties de la loi. L'article 47 dit:

La Loi sur la protection des eaux navigables ne s'applique pas à un ouvrage, au sens de cette loi, auquel un règlement pris en vertu de l'article 62 de la présente loi s'applique.

La première chose qui saute aux yeux, c'est qu'il peut s'agir de n'importe quel règlement. On ne précise pas qu'il s'agit de règlements qui protègent l'environnement et qui constituent en quelque sorte une évaluation environnementale en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Tout règlement adopté en vertu de l'article 62 fera l'affaire.

En lisant l'article 62, j'ai l'impression de lire une version abrégée de la Loi sur la protection des eaux navigables. L'alinéa 62(1)e) stipule que le gouverneur en conseil peut:

établir un règlement sur la réglementation des personnes, des véhicules et des aéronefs dans le port.

Cela contribuera difficilement à régler les questions concernant les évaluations environnementales ou la protection de l'environnement. Le règlement serait cependant suffisant pour rendre la Loi sur la protection des eaux navigables inapplicable, ce qui nous placerait dans une situation où rien ne pourrait déclencher une évaluation environnementale.

Je ne voudrais pas m'engager dans un procès d'intention, mais nous n'avons pas vu ce règlement. Nous n'avons même pas vu la couleur des ébauches de règlement. De toute façon, ce règlement ferait en sorte que les portes de l'écurie ne se refermeraient qu'une fois le cheval échappé. Il ne nous permettrait pas d'adopter une approche préventive comme celle prévue par la LCEE.

En lisant la définition des pouvoirs proposée à l'article 62 et des pouvoirs parallèles prévus aux articles 74 et 98, vous constaterez que le règlement ne s'applique qu'à l'emplacement aux fins fiscales ou à la propriété où est situé le port. Les évaluations environnementales, elles, tiennent compte du fait que les facteurs hors site, les espèces migratrices et la pollution s'ajoutent aux effets que les autres aménagements ont sur le littoral. Si une frayère à saumon subissait les effets des travaux effectués dans le port, on ne se contenterait pas simplement de vérifier si cette frayère risque d'être détruite. On chercherait aussi à savoir si le saumon dans l'écosystème tout entier n'est pas déjà dans une situation très précaire, et si on peut se permettre de perdre une autre frayère à saumon. Voilà où nous en sommes. Ça, c'est le genre de règlement dont vous parlez.

L'élaboration de règlements applicables aux sociétés d'État et aux commissions portuaires a été envisagée, et leurs obligations en matière d'évaluation environnementale en vertu de la LCEE ont été discutées. Là encore, nous n'avons pas vu l'ombre d'un règlement. À notre avis, il serait tout à fait illogique d'aller de l'avant avec le libellé actuel de ce projet de loi, parce que cela équivaudrait à se jeter en bas du quai.

Le sénateur Spivak: J'étais présente en 1992 quand cela a été soumis au Sénat. Je m'en souviens très bien, car il fut très ardu d'élaborer cette loi. À l'époque, nous estimions qu'il fallait faire des compromis si nous ne voulions pas mettre ce projet de loi en péril. Cependant, nous n'estimions pas que c'était la meilleure loi que nous ayons pu adopter.

Je me suis demandé pourquoi il en était ainsi. Est-ce que ces événements ne sont que le fruit du hasard? Quand on tient compte des pressions provenant des intervenants du niveau provincial et de certaines industries pour que les lois environnementales soient allégées, serait-il possible que l'accord d'harmonisation et le désir des provinces de voir un plus grand nombre de tâches environnementales tomber sous leur responsabilité y soient pour quelque chose?

Il semble y avoir eu un changement dans l'opinion publique selon lequel l'environnement est maintenant considéré comme un volet de compétence partagée. Il fut un temps où il était clair que cela relevait du gouvernement fédéral. Que pensez-vous du partage des pouvoirs en matière d'environnement?

Si nous ne réussissons pas à faire entériner ces amendements, quelle solution juridique proposez-vous pour parer à l'application inégale de cette loi? Faudrait-il s'en remettre à la Charte?

Je ne sous-estime pas les lobbyistes qui cherchent à obtenir de plus en plus de pouvoirs pour les provinces. Les provinces n'ont ni les moyens, ni les ressources nécessaires à l'application de la loi. J'imagine que tout ce qu'elles cherchent à obtenir, c'est la compétence, pour pouvoir ensuite ignorer la loi. Cette affirmation est peut-être sévère, mais les faits ne corroborent pas le désir d'obtenir ces pouvoirs.

Mme Bowden: En ce qui a trait à l'harmonisation, je ne crois pas qu'il y ait un lien, car les ports relèvent strictement du gouvernement fédéral. Ce sont des enclaves fédérales. Les provinces n'ont aucune compétence en matière d'installations portuaires et d'environnement.

Laissez-moi vous faire part de ce que j'ai appris tout récemment. Je n'ai malheureusement pas tous les détails. On évalue actuellement la possibilité de construire un pont-jetée vers l'aéroport de l'île de Toronto. Aucune évaluation environnementale n'est requise de la part des instances municipales ou provinciales, car le havre de Toronto relève strictement du gouvernement fédéral. D'après ce que je comprends, le projet ne sera soumis à une évaluation environnementale que si la LPEN est appliquée, et ce n'est qu'à ce moment-là que la LCEE entre en jeu.

Quand les ports sont traités comme des enclaves fédérales où les provinces n'ont aucune compétence, le seul recours disponible pour pouvoir évaluer ces projets et leurs répercussions sur l'environnement est une évaluation environnementale fédérale effectuée en vertu de la LCEE.

L'harmonisation n'est pas en jeu. La LPEN est un facteur déterminant. Si nous parlons de deux voix qui chantent en harmonie contre une seule voix, soudainement, plus personne ne chante, et l'environnement est alors laissé à la merci des intervenants des différents ports et de leurs processus.

En tant qu'intervenant en la matière, je me dois d'examiner le processus prévu pour chaque port, si un tel processus existe.

Le sénateur Spivak: Je vois.

M. Gertler: En réponse à votre troisième question, je dois vous dire que les solutions juridiques sont peu nombreuses. J'imagine qu'à long terme, cela pourrait entraîner des affrontements et des poursuites. Plusieurs causes ont opposé les autochtones et les autorités portuaires. Il y a deux facteurs qui pourraient entraîner des poursuites embarrassantes et inefficaces. Le premier serait de vouloir faire respecter le droit de navigation publique, et le second serait de ne pas vouloir s'ingérer dans ce droit en vertu de la common law. Le juge La Forest s'est sérieusement penché sur la question dans le cadre du procès relatif au barrage de la rivière Oldman. Il mentionne que la LPEN ne fait que confirmer juridiquement ce droit. Il serait cependant difficile de la mettre en application, car une injonction devrait alors être demandée.

Il en est de même si aucune évaluation adéquate n'est faite des projets en milieu marin ou en terre humide, et si l'habitat du poisson est détruit ou si l'eau devient polluée. Cela entraînerait probablement des poursuites privées, telles qu'elles sont prévues aux articles 35 et 36 de la Loi sur les pêches. Il ne s'agit toujours pas d'une très bonne solution. On essaie encore une fois de limiter les dégâts après coup, plutôt que de faire appel à la prévoyance, à la bonne planification et à la participation du public -- éléments qui caractérisent les évaluations environnementales -- en prenant ces décisions.

Le sénateur Bryden: Vous siégez au comité directeur d'un organisme qui s'appelle le Caucus de l'évaluation environnementale du Réseau canadien de l'environnement. De combien de personnes et d'organismes est composé ce réseau?

Mme Laurie Ham, Caucus de l'évaluation environne- mentale, Réseau canadien de l'environnement: Le Réseau canadien de l'environnement représente environ 1 300 organismes environnementaux disséminés partout au Canada. Des caucus nationaux, qui s'attaquent chacun à des problèmes particuliers, sont formés à partir de ce réseau.

Le sénateur Bryden: Je peux comprendre que deux ministères ne se soient pas consultés, cela arrive tout le temps, et qu'une chose pareille ait pu être ajoutée au projet de loi. Je ne peux cependant pas comprendre comment cela a pu échapper à votre organisme pendant quatre ans. Vous soulevez cette question un peu tard pour que nous tentions de la résoudre. J'oserais croire que quelqu'un au sein de ces 1 300 organismes vérifie les lois provinciales et fédérales.

M. Gertler: C'est moi qui ai cette responsabilité depuis quatre ans. Je ne voudrais certainement pas jeter le blâme sur Mme Ham.

Vous devez comprendre que nous sommes peu nombreux et que nous sommes tous des bénévoles. Nous avons tendance à nous spécialiser; nos 1 300 groupes ne s'intéressent pas tous aux questions environnementales.

Nous avons entendu parler de cela lors d'une réunion d'un sous-comité qui traitait des règlements relatifs aux évaluations environnementales qui s'appliqueraient aux sociétés d'État. Je ne peux pas vous dire pourquoi nous n'en avons pas entendu parler plus tôt. Je peux seulement vous dire que le Sénat peut profiter de cette occasion pour faire son travail et s'assurer que les lois canadiennes sont de bonnes lois.

Cependant, je ne m'excuse pas du fait que l'ACEE, qui compte plus de 100 employés et dont l'unique tâche consiste à élaborer et à mettre en application des procédures d'évaluation environnementale au Canada, n'ait pas été au courant de cette question.

Lors de cette réunion en 1996, j'ai moi-même attiré l'attention d'un membre de cette association sur cette question. J'ai ensuite soulevé la question auprès du directeur des affaires réglementaires et du vice-président de l'ACEE. Ils ont été foudroyés.

Mme Bowden: Il est intéressant de jeter un coup d'oeil sur le libellé. On stipule simplement que la LPEN ne s'applique pas si des règlements sont adoptés. Cela me semble bien bénin. En lisant le projet de loi, on ne relève rien qui ait trait aux évaluations environnementales ou à l'élément déclencheur prévu à l'article 5.

Le sénateur Bryden: Sauf le respect que je vous dois, j'ai déjà collaboré à l'élaboration de ce genre de choses. Tout le monde voit cela d'un mauvais oeil quand on leur demande d'attendre que des règlements soient promulgués, surtout quand la loi environnementale n'est pas applicable.

Si, pour quelque raison que ce soit, nous ne pouvions nous rendre à vos demandes à ce moment-ci, pourrions-nous envisager de remettre la promulgation jusqu'à ce que les règlements soient rédigés et rendus publics?

Mme Bowden: Le problème réside dans le fait que l'examen des règlements n'entraîne pas nécessairement une évaluation environnementale. Cela serait acceptable si nous étions certains que, d'une façon générale, les règlements feraient en sorte que les ports soient à nouveau soumis à la LCEE. Je crois sincèrement que si nous nous retrouvons avec une multitude de processus d'évaluation environnementale partout au pays, nous ne sommes pas au bout de nos peines. Nous avons besoin de l'uniformité que nous garantit la LCEE. Si cette loi prévoit une forme de protection environnementale, comme le fait la LCEE, et qu'elle n'est pas promulguée tant que les règlements ne sont pas mis en application, je crois que cela serait acceptable.

Le sénateur Bryden: Le problème auquel nous faisons présentement face réside dans le nombre d'amendements que nous pouvons apporter au projet de loi. D'autres amendements tout aussi importants doivent être pris en considération. Si les trois articles dont il est ici question ne sont promulgués qu'après l'entrée en vigueur de ces règlements, cela vous conviendrait peut-être. Je sais qu'il serait préférable de les insérer dans la loi. Mais il nous faut parfois faire des compromis.

Mme Bowden: Pouvons-nous minimiser ce compromis en modifiant le libellé de l'alinéa 62b) de manière à ce que la LCEE fasse à tout le moins mention des évaluations environnementales? Ne serait-il pas plus facile de modifier ces articles plutôt que de les supprimer?

Le sénateur Bryden: J'évalue toutes les possibilités.

M. Gertler: Les gens astucieux peuvent faire preuve d'astuce. Je crois que vous avez bien cerné le problème quand vous avez mentionné que les règlements ne sont pas des lois. Des promesses de règlements n'ont pas force de loi. Même si nous pouvions voir ces règlements, ils pourraient être abolis. Je crois sincèrement que cela fait partie du problème.

Plutôt que d'appliquer la LCEE d'une façon claire et sans équivoque, cette loi est devenue tributaire des règlements. Cela la rend très vulnérable à ce genre de considérations plutôt subjectives. Plutôt que de dire que tous les projets portuaires seront soumis à une évaluation environnementale fédérale, nous avons spécifié que ces projets ne seront soumis à une évaluation environnementale fédérale que si le règlement l'exige, si ce règlement fait partie de la liste des règlements. Nous sommes devenus trop pointilleux et nous nous retrouvons maintenant dans une situation où il est très facile de modifier le processus, ce qui pourrait le rendre inefficace.

Le sénateur Spivak: Cela s'est déjà produit bien des fois. De nombreux amendements ont été apportés sous l'ancien gouvernement. Il me semble vraiment qu'il est plus facile d'ajouter des amendements quand il en existe déjà, que d'en proposer un qui doit alors être étudié par le gouvernement. Cela est difficile à faire.

Des règlements ne sont pas des lois. Ils peuvent être modifiés. Autrement dit, un nouveau Cabinet pourrait être nommé et y apporter des changements. Pourquoi cherchons-nous des zèbres alors que nous devrions chercher des chevaux? Que cherchons-nous à faire? Pourquoi chercher une solution ésotérique?

Le sénateur Bryden: Les lois aussi peuvent être changées. Je suis conscient que, pour ce faire, des décrets et bien d'autres démarches sont requises.

Le sénateur Spivak: Il n'est pas aussi facile de modifier les lois que les règlements, et les modifications apportées aux lois sont soumises à un processus public.

Le sénateur Forrestall: Le sénateur Bryden essaie de vous faire comprendre qu'il est difficile de tenir compte de votre suggestion si l'on regarde le nombre d'amendements que le comité aimerait apporter à ce projet de loi.

Nous avons un système que nous utilisons à chaque automne par lequel nous adoptons un projet de loi omnibus qui nous permet de corriger les anomalies flagrantes. Je crois qu'il s'agit d'une façon parfaitement acceptable de reporter l'adoption de ces articles pour qu'ils ne soient pas mis en application. Faute d'articles applicables, d'autres lois tout aussi pertinentes prennent la relève. Vous êtes plus au fait de ces lois que je ne le suis. Dans un an, ou peut-être même cet automne, nous pourrons nous pencher sur les modifications à apporter plutôt que sur les règlements. Voilà ce que nous disons. Il s'agit d'une façon de cerner le problème dans un premier temps et, dans un deuxième temps, de trouver la solution la plus efficace à ce problème, ce qui revêt une plus grande importance encore. Cela pourrait bien être la solution.

Je suis contrarié d'apprendre qu'au moins un groupe ait pu avoir accès à ces règlements et ait pu les consulter. D'autres organismes, des groupes et des intervenants du domaine portuaire ne les ont toujours pas lus et n'ont aucune idée de ce qu'ils contiennent. Savez-vous comment cela a pu se produire?

M. Gertler: En réponse à votre dernière question, je dois dire qu'il semble y avoir un petit malentendu. En ce qui a trait à l'application des dispositions prévues par ce projet de loi relativement aux régimes applicables aux ports en vertu de la LPEN, le comité consultatif de la réglementation n'a jamais vu une seule ébauche des règlements proposés.

Deux questions intimement liées ont été discutées. Bien peu d'informations ont été transmises relativement aux outils internes de gestion environnementale, qui vont de la vérification et l'évaluation des sites jusqu'à ce qui semble être une évaluation environnementale. En mars 1998, nous avons entamé des discussions qui traiteront de règlements qui sont liés à l'application de la LCEE aux ports et aux sociétés d'État. Cette discussion devrait normalement avoir lieu devant le comité consultatif de la réglementation. Voilà le genre de règlements qui sont au coeur des discussions que nous venons de commencer.

Je me demande si l'article 205 -- je parle de l'article qui traite de l'entrée en vigueur -- octroie des pouvoirs. Cet article, à l'exception de la partie 3, a des allures d'épée de Damoclès. La façon dont il est rédigé présentement nous met face à une proposition à prendre ou à laisser. Je ne voudrais surtout pas vous encourager à l'entériner maintenant en espérant qu'il ne soit pas promulgué et qu'il pourrait ensuite être modifié à l'automne. Je ne voudrais pas courir ce risque.

Il serait peut-être bon que le ministre des Transports comparaisse à nouveau devant le comité pour que celui-ci obtienne d'autres explications. De plus, il serait probablement judicieux de faire comparaître un représentant de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale ou le ministre de l'Environnement. Une fois que cela sera fait, nous pourrions peut-être discuter avec le conseiller du comité ou des attachés de recherche ou, si cela s'avère nécessaire, revenir pour demander des clarifications. Nous nous trouvons dans une situation embarrassante du fait que nous représentons l'opposition.

Nous n'avons jamais aimé la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale parce qu'elle était relativement faible. Nous sommes convaincus qu'il est dangereux de se donner des airs moralisateurs pour inciter les provinces et l'industrie privée à se soucier de l'environnement. Nous croyons qu'il serait aberrant d'accorder une trêve environnementale à un secteur qui est sous la responsabilité du gouvernement fédéral. S'il en est ainsi, nous ne pourrons pas exiger que les projets étrangers soient soumis à la LCEE. Si les entités qui relèvent exclusivement du gouvernement fédéral, qui jouent un rôle fondamental dans notre économie et qui sont responsables d'une bonne partie de notre écosystème ne sont plus régies par la LCEE, comment pouvons-nous exiger des autochtones qui sont sur leurs terres, des services publics provinciaux ou des entreprises privées qu'ils s'y soumettent?

Nous avons beaucoup parlé des aspects juridiques et de bien d'autres sujets relatifs à cette question, mais revenons à l'essentiel; d'un point de vue écologique, comment pouvons-nous expliquer qu'il n'y aura plus d'évaluations environnementales? Quand on comprend la notion de développement durable en relation avec l'intégration des intérêts économiques et environnementaux, comment pouvons-nous expliquer le fait que nous donnons un répit à un secteur tout entier? Est-ce que le message sous-jacent à ce projet de loi nous suggère que nous n'avons pas les moyens de nous offrir une protection environnementale ou des évaluations environnementales parce que nous devons être concurrentiels? Franchement, quand vous faites abstraction des subtilités, cette suggestion est révoltante.

Le sénateur Forrestall: C'était très bien. J'ai toujours besoin de me faire faire la morale au beau milieu de la journée. Si moi ou un de mes confrères déposons une motion pour que ces dispositions soient abrogées et que le vote ne penche pas en notre faveur, une très grande porte se refermera. Le ministre pourrait nous dire que, bon, la question a été soulevée, nous en avons discuté et si nous avons à apporter des corrections, nous le ferons quand nous adopterons le projet de loi omnibus ou quand nous en aurons l'occasion. Nous ne voulons pas avoir à agir ainsi si nous pouvons l'éviter.

Selon moi, nous pourrions tous nous entendre pour tenter de trouver une façon d'éliminer ce qui vous semble problématique, ne serait-ce que temporairement. Je me fie à vous pour surveiller la situation de près et pour nous rappeler que cette question est toujours en suspens.

Mme Bowden: J'aimerais vous demander de nous accorder un peu de temps avant que nous vous donnions une réponse. Nous pourrions la transmettre au comité.

La présidente: Vous pouvez nous la faire parvenir et nous la distribuerons aux membres du comité.

Mme Bowden: Si c'est tout ou rien et que vous craignez que nous nous retrouvions devant rien, nous ferons évidemment tout pour atteindre l'objectif.

Le sénateur Forrestall: Si nous perdons ici, nous pouvons toujours soumettre la question au Sénat et perdre là-bas. Un conseiller du ministre nous dirait qu'il est acceptable et nous demanderait d'aller de l'avant.

Nous apprécierions beaucoup si vous pouviez nous faire parvenir votre réponse.

Mme Bowden: Nous pourrions peut-être vous soumettre une liste des différentes options ou vous expliquer plusieurs de ces options.

La présidente: Que les membres du comité examineront.

Honorables sénateurs, nous devons adopter un budget avant de terminer. Est-ce que quelqu'un propose d'adopter le budget?

Le sénateur Bryden: J'en fais la proposition, madame la présidente.

La présidente: Les honorables sénateurs sont-ils d'accord?

Des voix: D'accord.

La présidente: Adopté.

Nous devons aussi nous prononcer sur le budget du sous-comité sur les communications. Vous avez tous les chiffres devant vous.

Quelqu'un veut-il en faire la proposition?

Le sénateur Forrestall: J'en fais la proposition, madame la présidente.

La présidente: Les honorables sénateurs sont-ils d'accord?

Des voix: D'accord.

La présidente: Adopté.

La séance est levée.


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