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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 2 - Témoignages du 2 décembre 1999


OTTAWA, le jeudi 2 décembre 1999

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 11 heures pour examiner la situation actuelle du régime financier canadien et international (Société pour l'expansion des exportations).

Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Conformément à l'ordre de renvoi adopté par le Sénat le mardi 23 novembre 1999, le comité reprend l'examen de la situation actuelle du régime financier canadien et international et, plus particulièrement, l'étude de la Loi sur l'expansion des exportations.

Nous accueillons aujourd'hui des témoins qui représentent la Société pour l'expansion des exportations: M. A. Ian Gillespie, président et chef de la direction; M. Eric Siegel, vice-président général, Services financiers à long et à moyen terme; M. Gilles Ross, premier vice-président du Contentieux et secrétaire et Mme Louise Landry, vice-présidente, Performance générale et communications.

Cette réunion est la première d'une série que le comité entend tenir sur ce sujet. Nous entendrons d'autres témoins et il se peut qu'ensuite, après les différentes réunions, nous invitions le même groupe à revenir présenter un résumé.

M. Ian Gillespie, président et chef de la direction, Société pour l'expansion des exportations: Je voudrais vous présenter un petit texte préparé, si vous me le permettez. Nous pourrons ensuite répondre à vos questions.

Je vous remercie de me donner cette occasion de me présenter devant vous. Nous avons remis un document écrit qui couvre les questions soulevées au cours de l'examen de la loi ainsi que notre réaction face aux recommandations du rapport Gowlings sur lesquelles notre point de vue est différent.

Je voudrais vous donner quelques indications sur la SEE et le rôle qu'elle joue en appuyant les exportateurs et les investisseurs canadiens aux quatre coins du globe.

La SEE est la seule institution financière canadienne qui se consacre exclusivement à offrir des services de financement du commerce extérieur aux entreprises canadiennes. Au cours des cinq dernières années, elle a aidé des milliers d'entreprises canadiennes à générer des ventes et des investissements à l'étranger de plus de 114 milliards de dollars. Nous allons contribuer à des transactions s'élevant à plus de 38 milliards en 1999 et à près de 48 milliards l'année prochaine. Pour ce faire, nous offrons des services de gestion des risques et des solutions financières aux entreprises de toute taille pour qu'elles puissent profiter des débouchés sur les marchés internationaux.

Je sais que ce comité connaît bien la SEE et je ne m'attarderai donc pas aux divers mécanismes de nos activités, mais je me ferai un plaisir de répondre à toutes les questions que vous aurez à me poser à la fin de mon allocution.

Je n'ai pas l'intention de reprendre tout le contenu des mémoires écrits que nous avons présentés au comité mais je vais plutôt vous entretenir brièvement des trois points qui m'apparaissent fondamentaux.

Premièrement, la SEE est née d'un besoin véritable. Deuxièmement, la SEE répond à ce besoin en créant un équilibre entre principes commerciaux et politiques publiques. En ce sens, nous essayons de mettre en oeuvre les meilleures politiques publiques en utilisant les meilleures méthodes du secteur privé. Troisièmement, le Canada a besoin d'exportateurs car notre avenir économique repose sur eux.

Pourquoi avons-nous besoin de la SEE et pourquoi les exportateurs sont-ils indispensables à notre avenir économique? Parce que presque trois millions d'emplois sont tributaires des exportations dans notre pays; parce qu'un emploi sur trois est lié à l'exportation; parce que le commerce et les investissements sont les clés de la prospérité future du Canada et parce que les exportateurs et les investisseurs canadiens n'ont malheureusement pas beaucoup d'autres options à leur disposition. La SEE donne aux entreprises canadiennes pratiquement tous les outils financiers dont elles ont besoin pour rester concurrentielles sur la scène mondiale. Dans ce sens, vous le savez, la mondialisation est synonyme de compétitivité. C'est pour cela que le Canada a créé la SEE; c'était parce que les entreprises canadiennes en avaient besoin.

Au cours des dernières audiences du CSAEIC, certains témoins ont parfois présenté ce besoin comme un problème secondaire, mais c'est en fait sur ce point que doit se concentrer avant tout l'examen: il faut déterminer dans quelle mesure la SEE réussit à répondre aux besoins des exportateurs et des investisseurs canadiens et établir dans quelle mesure nous réussissons à réagir devant un marché international de plus en plus compétitif et en évolution constante.

Il est important de souligner qu'il s'agit ici d'une entreprise de type conventionnel. Nous sommes une entreprise. Nous sommes une institution financière. Le fonctionnement de la SEE ne repose nullement sur les recettes fiscales ou l'argent des contribuables. Nous ne recevons aucun crédit parlementaire. Pour couvrir nos coûts de fonctionnement et faire croître notre capacité financière, nous comptons entièrement sur les intérêts que nous versent les emprunteurs, sur les primes que nous exigeons pour nos produits d'assurance et sur l'intérêt provenant de nos investissements.

Le gouvernement du Canada a investi près de 1 milliard de dollars dans la SEE mais il ne s'agit pas d'affectations «dépensées» par celle-ci à la manière dont le sont chaque année les fonds affectés aux ministères. Les fonds investis par le gouvernement figurent toujours au bilan de la Société et sont disponibles pour appuyer les activités futures.

En termes simples, après avoir investi près d'un milliard de dollars, le contribuable canadien en a gagné environ 800 millions grâce aux bénéfices non répartis, tout en créant des provisions potentielles de 2,5 milliards. L'investissement du contribuable s'est donc traduit par un rendement considérable, sans même parler des quelque 300 milliards de revenus d'exportations imposables qui ont bénéficié de l'aide des produits et des services financiers de la SEE.

[Français]

La SEE constitue un modèle de gestion unique qui répond à la fois aux exigences de son mandat et aux besoins des exportateurs canadiens. Atteindre le juste équilibre, voilà la clé de notre réussite. J'entends par cela l'équilibre essentiel qui doit exister entre les pratiques commerciales et le mandat public de la SEE.

[Traduction]

Il y a toutefois quelques aspects clés pour lesquels, à mon avis, le rapport n'a pas atteint ce juste équilibre. Le premier aspect porte sur la communication de renseignements. Bien que la SEE ait rempli toutes ses obligations à ce chapitre -- en fait, elle a été citée par le vérificateur général du Canada trois fois au cours des cinq dernières années pour l'excellence de son rapport annuel -- nous approuvons les conclusions du rapport: il est vrai que nous devons faire mieux si nous voulons que le Parlement, le gouvernement et les Canadiens continuent à avoir une grande confiance en la SEE.

La divulgation est une obligation légitime de toute société d'État, et en fait de toute entreprise. Cependant, cette obligation doit être considérée avec soin compte tenu du besoin de protéger les intérêts commerciaux du client et les pratiques commerciales de la SEE.

Nous sommes donc en accord avec le diagnostic du rapport mais nous avons maille à partir avec le traitement proposé. À notre avis, les recommandations du rapport ne reflètent pas assez cet équilibre afin de protéger les intérêts commerciaux des entreprises canadiennes. L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada l'a dit avec éloquence dans son mémoire au comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Comme alternative à cette recommandation, nous élaborons en ce moment un cadre de divulgation exhaustif qui pourra servir à mesurer notre performance à cet égard, et en fait, l'amélioration des mesures de performance est la clé de ce cadre. Nous prévoyons d'être en mesure d'en faire état au début de l'an 2000.

J'en viens maintenant à l'évaluation environnementale. Que devrait être notre objectif fondamental dans ce secteur? L'objectif est d'avoir un impact positif et à long terme sur l'environnement de notre planète. Pour ce faire, il importe que tous les organismes de crédit à l'exportation, et pas seulement la SEE, renforcent leurs pratiques d'évaluation et d'atténuation environnementales. Par conséquent, avec son cadre de référence pour l'examen des questions environnementales, la SEE ouvre la voie vers l'atteinte de cet objectif commun. Nous serions heureux d'en discuter avec vous. En ce sens, nous contribuons aussi à exporter les valeurs canadiennes, comme Jacques Lamarre, de SNC, l'a dit de manière si éloquente lorsqu'il a comparu devant le comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Ce cadre entend offrir une approche nette, transparente et rationnelle à l'évaluation des impacts environnementaux de projets. Pour établir son cadre de référence, la SEE a mené des consultations publiques, notamment auprès de plusieurs ONG.

Nos pratiques ont bonne presse auprès des autres OCE. Nous entendons les utiliser comme base de nos négociations avec l'OCDE en vue d'obtenir des pratiques environnementales communes, conformément au mandat issu des dernières réunions ministérielles du G-8 et de l'OCDE.

À titre de comparaison, bien que les recommandations du rapport sur l'évaluation environnementale soient bien motivées, elles ne reflètent ni la réalité des pratiques commerciales courantes, ni l'aspect de la compétitivité et, par conséquent, n'atteignent pas le juste équilibre nécessaire.

[Français]

Le marché de l'assurance-crédit a connu un taux de croissance de plus de 400 p. 100 au cours des cinq dernières années et la part des assureurs du secteur privé a augmenté tant en volume qu'en importance. Cette capacité de croissance démontrée va directement à l'encontre des commentaires de certains témoins voulant que la SEE pousse les assureurs privés hors du marché.

[Traduction]

Quant aux recommandations spécifiques du rapport, la SEE collabore actuellement avec le secteur privé dans l'élaboration d'une politique unique en matière d'assurance-crédit. Nous espérons pouvoir vous donner des nouvelles à ce sujet au début de l'année prochaine. Il m'incombe, toutefois, de souligner que nous ne pouvons entériner la recommandation voulant que nous adoptions une échelle progressive pour l'admissibilité à la couverture de la SEE sur le marché national. Cette recommandation occasionnerait un amoindrissement de notre service aux exportateurs et même obligerait la SEE à retirer sa couverture pour ses clients actuels. Le problème, c'est que les entreprises canadiennes ont peu d'autres possibilités, comme l'a dit la plus grosse organisation indépendante de courtage d'assurance-crédit au comité ces dernières semaines.

Bien que le rapport dépeigne favorablement les relations de la SEE et des banques dans plusieurs domaines, je m'attarderais toutefois sur une seule recommandation, la recommandation no 14. Mais en premier lieu, je voudrais rappeler au comité les propos que j'avais tenus lorsque j'ai eu l'honneur de me présenter à vous lors de vos délibérations sur les travaux du rapport MacKay.

Le financement du commerce extérieur est un créneau pour la plupart des banques canadiennes, et seule la SEE se consacre exclusivement à offrir aux exportateurs et aux investisseurs canadiens les solutions financières dont ils ont besoin pour conserver une longueur d'avance sur la scène internationale. Ainsi, nous sommes fortement en désaccord avec la recommandation portant sur les garanties bancaires. Les exportateurs et la SEE sont d'avis qu'il serait néfaste d'offrir aux banques un rendement pratiquement sans risque pour le financement à moyen terme. La solution ne consiste pas à offrir des rendements sans risque aux banques, mais à exploiter la capacité des banques et des autres établissements du secteur privé pour créer un effet de levier sur notre propre bilan. Nous avons besoin de partenaires déterminés qui feront les investissements nécessaires pour aider des entreprises de toutes tailles à s'implanter sur le marché mondial. Nous ne pouvons pas tout faire. Nous n'avons pas et nous n'aurons jamais une assise financière suffisante pour cela.

[Français]

Permettez-moi de m'attarder aux éventuelles modifications à apporter à la loi. Nous croyons que le comité devrait appuyer le processus ouvert et transparent et les grandes lignes du rapport sur l'examen de la loi. Nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire d'apporter des modifications appréciables à la présente loi.

[Traduction]

Comme je l'ai déjà mentionné, nous nous inquiétons du fait que certaines recommandations pourraient réduire la souplesse dont fait preuve la SEE dans la prestation de programmes fort appréciés des exportateurs, et tout particulièrement des petites entreprises.

Nous n'appuyons pas la recommandation 2, ni les autres, telles que la 6 et la 8, qui réduiraient la souplesse opérationnelle de la Société et qui pourraient, en bout de ligne, avoir un effet délétère sur notre capacité à nous adapter rapidement pour pouvoir répondre aux besoins changeants de nos clients.

Nous n'appuyons pas non plus les modifications proposées aux règlements 9 et 11 qui limiteraient notre capacité opérationnelle et notre souplesse. Pour l'instant, nous demandons au comité de recommander que la Loi sur l'expansion des exportations soit peaufinée, afin qu'elle réponde plus efficacement aux besoins des entreprises canadiennes. Il faudrait ainsi:

1. Définir une méthodologie pour établir le plafond de la dette éventuelle afin de préserver la capacité opérationnelle de la SEE à long terme.

2. Permettre à la SEE d'atteindre et de servir un plus grand nombre de clients en appuyant nos propositions d'amélioration de l'image de marque et de l'appellation de la Société [...]

Comme le disait la semaine dernière un des témoins qui ont comparu au comité permanent, la SEE est le secret le mieux gardé du Canada.

3. Aider la SEE à servir ses clients plus efficacement en ayant une plus forte représentation sur les principaux marchés étrangers.

4. Faire passer la SEE à une autre annexe en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques.

5. Envisager des modifications qui simplifieraient la gestion du Compte du Canada.

6. Appuyer les efforts de la SEE pour moderniser et renforcer notre modèle de régie de la Société.

[Français]

Permettez-moi de conclure en rappelant que les exportations dynamisent notre économie au-delà de 40 p. 100 de tout ce que les Canadiens produisent et exportent. Cela représente un très grand nombre d'emplois.

[Traduction]

Derrière tout exportateur important appuyé par la SEE, il y a une myriade de fournisseurs qui sont des PME. Et derrière tout petit exportateur directement appuyé par la Société, il y a de nouveaux emplois pour les Canadiens. La santé économique du Canada est intrinsèquement liée à sa capacité d'exportation, qui dépend elle-même de l'habileté de la SEE à innover et à gérer les risques.

En dernier lieu, monsieur le président, permettez-moi de résumer ce que nos clients ont dit tant aux auteurs du rapport Gowlings qu'à votre comité. La SEE permet aux exportateurs d'avoir une longueur d'avance sur leurs concurrents. Du plus petit au plus grand, les exportateurs ont besoin des solutions de financement et d'assurance offertes par la SEE. La SEE est plus pertinente et plus essentielle que jamais. La SEE fait partie intégrante de la solution qui vise à créer une stratégie canadienne sur le commerce international mondial vouée à la réussite. Les exportateurs se sentent vulnérables sans l'appui d'une SEE forte et souple. Ils ont peu d'autres options.

Dans le rapport Gowlings, on dit que la SEE est le centre de l'excellence reconnu du financement du commerce au Canada. Son personnel est éminemment qualifié et inventif et il fournit un service rapide et compétent. La SEE est le modèle dont on se sert pour juger les autres organismes de crédit à l'exportation du monde. Nous espérons que le comité sénatorial mettra les besoins des exportateurs et des investisseurs canadiens au premier rang de ses priorités et qu'il tiendra compte des intérêts de ces derniers au moment de se prononcer sur les recommandations du rapport.

Comme vous le savez, en définitive, ce qui compte par-dessus tout, ce sont les intérêts des exportateurs et des investisseurs canadiens.

Le sénateur Meighen: Bienvenue, messieurs, bienvenue, madame Landry. J'ai entendu le président dire tout à l'heure qu'une fois que nous aurions eu un débat complet avec vous et les autres parties intéressées, vous seriez prêts à revenir reprendre la discussion avec nous.

M. Gillespie: Nous serions très heureux de revenir. Nous avons tellement de bonnes choses à vous dire, monsieur le sénateur.

Le sénateur Meighen: J'espère que vous serez toujours du même avis à la fin de notre séance de ce matin, et j'en suis convaincu car vous êtes tous des gens très sympathiques. Tout ce que nous voulons savoir, ce sont les faits, rien que les faits, comme on dit.

Je vais vous poser une question générale que vous pourrez peut-être développer. D'après ce que je crois savoir, la plupart des organisations ou des sociétés de crédit à l'exportation analogues à la vôtre dans d'autres pays fonctionnent avec des crédits de l'État. Autrement dit, si je comprends bien, ces organismes ne sont pas obligés de fonctionner de façon autonome.

M. Gillespie: C'est exact.

Le sénateur Meighen: En vertu de votre nouveau mandat, vous allez devoir fonctionner de manière autonome, ce qui m'amène à ce commentaire: Est-ce que cela ne risque pas de vous inciter à ne pas vouloir prendre de risques, parce que vous allez devoir gagner plus d'argent que vous n'en perdrez dans vos transactions et par conséquent, est-ce que cela ne risque pas de nuire à votre capacité de servir les besoins des exportateurs et des investisseurs canadiens que nous voulons tous aider?

M. Gillespie: C'est une excellente question. Vous avez parfaitement raison, les autres organismes de crédit à l'exportation ne sont pas obligés de se financer de manière autonome. La Ex-Im Bank aux États-Unis en est peut-être l'un des meilleurs exemples. Elle apporte un appui d'environ 17 milliards de dollars par an aux exportations américaines. L'appui de la SEE a représenté 35 milliards l'année dernière et 38 milliards cette année. En dollars américains, cela représente quelque chose comme 27 milliards. Donc, nous appuyons des transactions d'un montant bien supérieur à celui des transactions appuyées par la Ex-Im Bank américaine, qui a bénéficié de crédits budgétaires de quelque 750 millions de dollars l'an dernier. Autrement dit, les crédits annuels versés à cette banque sont plus importants que la totalité du capital investi dans la SEE. C'est un prêteur de dernier recours, alors que nous ne le sommes pas. C'est l'une des grandes différences. Si vous regardez nos chiffres pour les cinq dernières années, vous constaterez que notre appui est passé d'environ 8 milliards de dollars à 35 milliards de dollars l'an dernier et à 38 milliards de dollars cette année.

Le sénateur Meighen: Je me fais l'avocat du diable, mais est-ce que ce n'est pas simplement parce que vous consentez des prêts sans risque plutôt que des prêts risqués, ce qui serait peut-être plus souhaitable?

M. Gillespie: Je ne crois pas. Nous avons eu une politique audacieuse en matière de risque, mais nous sommes prudents en comptabilité. C'est délibéré. Nous pensons que notre meilleur atout consiste à aider les entreprises canadiennes en leur proposant des solutions, mais en déterminant le prix en fonction des risques du marché.

Il y a cinq ou 10 ans, la SEE a été contactée par des entreprises qui voulaient s'implanter sur des marchés comme l'Algérie. Ces gens-là disaient par exemple: «Quel est le prix que vous demandez pour l'Algérie?» Nous leur proposions un taux ridiculement bas et ils nous répondaient: «C'est superbe. Nous voulons investir un million de dollar.» Nous leur répondions: «Nous ne pouvons pas mettre un million de dollars. Nous pouvons aller jusqu'à 100 000 $», et ils nous répondaient: «Alors à quoi servez-vous?» Nous avons donc commencé à aligner notre tarif sur les risques du marché et nous avons pu ainsi aider ces exportateurs pour l'ensemble de leur activité.

L'an dernier, plus de 9 milliards des montants que nous avons engagés s'adressaient à de nouveaux marchés à très haut risque. Plus de la moitié de nos activités cette année, et l'année dernière aussi d'ailleurs, ont porté sur des crédits qui n'avaient même pas la cote acceptable pour des investissements. Ce sont vraiment des prêts à très haut risque.

Nous sommes convaincus que les banques canadiennes et les autres institutions financières n'oseraient pas toucher aux domaines de croissance que nous avons appuyés. C'est pour cela que nous sommes si peu nombreux; en fait, au Canada, nous sommes seuls dans notre catégorie.

Le sénateur Meighen: À quoi est-ce dû d'après vous? Pourquoi selon vous les banques canadiennes, semblent-elles avoir peur de s'engager sur des prêts risqués? Est-ce parce qu'elles sont réticentes à demander un taux d'intérêt, disons musclé, correspondant au degré de risque, autrement dit?

M. Gillespie: Je vais demander à M. Siegel de développer la réponse, mais je voudrais tout d'abord dire une ou deux choses.

Le sénateur Meighen: Vous établissez vos prix en fonction du risque?

M. Gillespie: Tout à fait. C'est quelque chose que nous avons dû démontrer très clairement devant le groupe d'experts de l'OMC, lors de la contestation Bombardier-Embraer, c'est-à-dire Canada-Brésil. Il est apparu clairement, comme nous nous y attendions, que nous fonctionnons comme une institution financière commerciale.

Pour répondre plus directement à votre question, ce qu'il faut en fait, c'est un investissement en ressources humaines et en compétences. La SEE regroupe sous un même toit le plus grand bassin d'experts en finance commerciale du Canada. Il s'agit vraiment d'un marché de créneaux, qui exige énormément d'investissement en travail. Les rendements sont instables. Ce ne sont pas des risques que l'on mitige facilement. C'est pour cela que quand la crise a frappé l'Asie du Sud-Est, beaucoup de gens se sont retirés précipitamment parce qu'ils n'avaient pas d'autre choix; mais la SEE est habituée à une présence plus longue sur ces marchés; en fait, nos activités ont progressé sur beaucoup de ces marchés.

Traditionnellement, les banques canadiennes ne concentrent pas l'essentiel de leurs activités sur les financements commerciaux. Elles s'y intéressent surtout pour certains créneaux bien précis. Mais les rendements sont devenus plus volatils et, comme vous le savez, la plupart des banques canadiennes s'intéressent à des choses comme la gestion axée sur la plus-value, afin d'avoir le meilleur rendement possible pour les actionnaires. En revanche, nous ne sommes pas là pour développer au maximum les profits, mais pour développer au maximum les exportations. C'est l'une des principales distinctions entre la SEE et les banques, nous sommes présents sur 160 marchés, alors que les banques ne le sont pas. Toutes ces activités sont à haut risque.

Il y a aussi des modifications institutionnelles de certaines des règles du secteur bancaire qui obligent les banques à investir de plus en plus de capitaux dans ce genre d'activité. Elles s'aperçoivent que cela ne vaut pas la peine d'investir de telles sommes pour avoir des rendements de ce genre et qui plus est des rendements éminemment instables.

Monsieur Siegel, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Eric Siegel, vice-président général, Services financiers à moyen et à long terme, Société pour l'expansion des exportations: La question du capital est effectivement une question fondamentale. Pour souligner certaines de vos remarques, je dirais qu'il y a eu une énorme évolution de la nature du risque. Il y a 10 ans, il s'agissait essentiellement d'organismes de crédit à l'exportation qui prêtaient à des entités souveraines, et le système appuyait cela. Aujourd'hui, nous parlons d'organismes de crédit à l'exportation qui prêtent à des entités commerciales. Les gouvernements ont à peu près cessé de s'occuper de la réalisation de projets. Ils essaient de ne plus se trouver en situation d'acheteur. C'est pourquoi tous les organismes de crédit à l'exportation ont été obligés d'accepter un profil de risques très différent.

La croissance que vous constatez à la SEE résulte du fait que nous avons su négocier cette transition, en grande partie en raison de la façon dont nous avons été structurés, parce que nous avons été capables de proposer tout un ensemble de services sous un seul et même toit, d'avoir énormément de souplesse, et cetera. D'autres organismes de crédit à l'exportation ont eu beaucoup plus de mal à le faire.

La seconde question concerne les taux; il y a actuellement un mouvement de hausse des taux, particulièrement marqué chez les organismes de crédit à l'exportation européens. Les Européens se sont beaucoup inquiétés des ponctions sur leurs finances, et l'on assiste en fait à ce que l'on appelle à l'OCDE l'harmonisation des primes. C'est en fait un effort concerté pour relever les taux.

La SEE n'a pas eu à se débattre avec ce problème car nous avons essayé le plus possible de structurer notre financement en fonction du marché. La plupart du temps, nous intervenons dans le cadre d'une coparticipation avec les banques, au lieu d'être un prêteur distinct ou parallèle, parce que nous sommes en mesure de structurer notre financement de manière totalement compatible: nantissements communs, taux communs, termes communs, et cetera. Les autres organismes de crédit à l'exportation se débattent parce qu'ils sont en fait coincés dans leur rôle de prêteur parallèle et qu'ils sont souvent incapables de fournir directement le financement; ils sont obligés de passer par d'autres entités, ce qui ne fait qu'augmenter les coûts et les rend en fait encore moins compétitifs.

Le troisième élément, c'est qu'avec cette évolution vers la privatisation, on a vu apparaître le financement de projets. Tout le monde sait très bien qu'il est d'une importance vitale maintenant de pouvoir disposer d'un financement structuré, d'un financement hors-bilan et d'un financement à recours limité comme on le voit dans les activités en expansion partout dans le monde.

Quand on parle du risque associé à un prêt, le risque de nos jours est autant, sinon plus, une question de capacité d'intégration de structures fondées sur les risques du marché ou les risques de projets qu'une question d'aptitude à accepter comme autrefois les risques politiques et commerciaux liés à des entités souveraines. À cet égard, la SEE était très bien armée. Nous avons cette capacité interne. Si vous prenez par comparaison la Ex-Im Bank aux États-Unis, vous pouvez voir qu'elle a aussi un groupe de financement de projets. L'an dernier, nous avons conclu 15 ententes à recours limité. Ils n'en ont conclu aucune. Cette année, ils en ont six de prévues, mais ils n'en ont encore conclu aucune, alors que nous en avons conclu 26 déjà cette année. Cela représente environ 25 p. 100 de notre programme total de financement.

Nous sommes considérés comme des experts, pas seulement au Canada, mais dans le monde entier, et les banques viennent rechercher notre participation. Nous apportons en quelque sorte un avantage sur la concurrence aux exportateurs canadiens parce que nous leur donnons quelque chose dont ils ont un besoin essentiel.

Je ne critique pas les banques mais les banques canadiennes ont reconnu qu'il fallait énormément de personnel et de capitaux pour maintenir le financement de projets dans toutes sortes de secteurs, comme l'a dit M. Gillespie. Les frais généraux sont considérables, il faut conserver une présence internationale et ce n'est tout simplement pas rentable pour les banques. Nous les avons vu soit réduire le nombre de secteurs dans lesquels elles acceptent d'intervenir, soit tout simplement mettre fin à leurs opérations. Certaines banques ont fermé leurs antennes de Londres ou de New York parce qu'elles estimaient le rendement insuffisant. Il y a eu une concentration mondiale de banques. Elles sont encore plus fortes et peuvent avoir des équipes encore plus grosses. Résultat: le Canada se trouve vulnérable. Nous avons pu intervenir pour combler le vide. C'est pourquoi ce sont surtout nos activités à moyen terme et à long terme qui ont augmenté; c'est parce que nous faisons quelque chose que les autres ne peuvent pas faire.

Le sénateur Meighen: Vous avez bien dit que les banques canadiennes vous suivent et se joignent de plus en plus à vous dans le financement des exportations?

M. Siegel: Oui. C'est intéressant de voir que, du point de vue financier, nous travaillons aujourd'hui beaucoup plus avec les banques que par le passé. Mais nous collaborons différemment, c'est-à-dire surtout au niveau des finances ou organisationnelles parce qu'elles ont besoin d'une plus grande capacité pour pouvoir soumissionner et obtenir des mandats. De plus en plus, les banques ont besoin que la SEE, non pas leur fournisse une garantie, mais soit à leurs côtés. Elles veulent que la SEE soit de la partie, prenne une part des risques et soit à leurs côtés afin d'avoir une masse critique suffisante pour obtenir des mandats et pouvoirs souscrire, créer un consortium, et cetera. Dans un sens, nous contribuons à leur ouvrir le marché.

Le sénateur Meighen: Espérons que les banques nous diront la même chose et que nous pourrons entrevoir un avenir plein de promesses.

Monsieur, je ne voudrais pas que vos collègues se sentent visés par ma question parce que je suis impressionné par la qualité de votre équipe, mais je me demande si vous êtes en mesure de proposer des salaires comparables à ceux du secteur vraiment privé ou si vous avez des difficultés à cet égard.

M. Gillespie: C'est un défi permanent, sénateur.

Le sénateur Meighen: J'en suis sûr, mais la loi comporte-t-elle des restrictions quelconques quant aux salaires que vous pouvez verser ou la façon dont vous les payez?

M. Gillespie: Comme vous le savez, je suis une exception. Je suis assujetti à un régime différent. Nous pouvons en parler, si vous le désirez.

Le sénateur Meighen: Vous pouvez expliquer cela d'une façon générale.

M. Gillespie: Nous avons réussi à constituer un noyau très fort. C'est un défi constant pour différentes raisons.

La SEE a pris beaucoup d'expansion. Nous avons acquis les talents dont M. Siegel vient de parler. Nous avons énormément investi dans ces personnes. Notre succès n'est que le reflet du succès d'entreprises comme Nortel, comme Bombardier, et des PME qui représentent 90 p. 100 de nos clients. Elles ont besoin de personnel, de collaborateurs qui aient exactement les mêmes compétences que ceux de la SEE, pour les aider à l'intérieur de leurs services -- et devinez qui sont les seuls candidats valables? «Nous aimons nos clients, nos clients aiment nos employés.» Donc nous sommes vulnérables de ce point de vue-là.

Le marché devient plus compétitif dans différents domaines: gestion des risques, financement des projets, connaissance de l'économie dans toute l'infrastructure du commerce international. Je ne dirais pas que nous avons fait ce qu'il fallait pour pouvoir être sûrs d'avoir les collaborateurs qu'il nous faut et d'obtenir les talents que nous cherchons. Il ne faut pas uniquement réussir à les garder; il faut aussi les attirer, parce qu'au fur et à mesure que nous prenons de l'expansion, nous avons besoin d'une infrastructure de plus en plus grande. Nous essayons constamment de faire comprendre au conseil d'administration que nous avons là un atout essentiel que nous ne voulons pas perdre.

Le sénateur Meighen: Mais le BSIF, par exemple, a des lignes directrices interdisant des salaires supérieurs à un certain niveau. Avez-vous les mêmes?

M. Gillespie: Nous ne sommes pas limités si ce n'est que la SEE ne peut pas être complètement à part du reste du gouvernement. Nous sommes une société de la Couronne et l'actionnaire est le gouvernement du Canada. Le conseil en est très conscient. Il sait également très bien ce que nous faisons, ce que nous essayons d'obtenir et quelle est l'importance de la SEE en tant qu'institution.

Comme l'a dit John Ross il y a quelques jours devant le comité permanent, la SEE est un des avoirs du gouvernement canadien qui donne d'excellents résultats.

Le sénateur Meighen: Je suppose qu'on les remarque, ceux-là.

M. Gillespie: C'est exact. Pour ce qui est des banques, nous évaluons nos activités avec les institutions financières canadiennes à plus de 70 milliards de dollars par an. Cela correspond non seulement à l'aide à nos clients qui se fait par leur intermédiaire, grâce à des capitaux de fonctionnement et d'autres produits de gestion du risque qui vont au client final, mais cela vient aussi du fait que pour chaque prêt consenti, nous devons emprunter. Nous avons le change, nous avons les produits dérivés, les effets financiers; nous avons tout le programme d'emprunt pour les courtiers en investissements. Si l'on fait le total de tout cela, on arrive à une somme allant de 70 à 75 milliards environ. Nous sommes parmi les 10 meilleurs clients, sinon les cinq meilleurs, ou même mieux, de certaines institutions financières canadiennes.

En ce sens, nos relations avec les banques canadiennes sont aujourd'hui bien meilleures qu'elles ne l'ont jamais été même si nos activités de soutien sont de 10 à 15 fois supérieures à ce qu'elles étaient il y a 15 ans. C'est un changement majeur. C'est en partie dû au fait que les entrepreneurs ont fini par ne plus considérer ces activités comme du simple financement commercial. Il y a tout le côté trésorerie, le côté banque d'affaires; il y a les crédits commerciaux, le financement de projets, les activités bancaires commerciales, les services bancaires aux entreprises. C'est un angle tout à fait différent.

Ce n'est peut-être pas ce que vous diront les représentants de l'ABC, mais je vous encourage à en parler aux banques individuellement parce que je crois qu'au niveau de la haute direction, on a une vision toute différente de la SEE, de nos activités et de la nature de nos rapports.

Le sénateur Oliver: Puisque vous faites tout cela, quel est l'intérêt d'être une société de la Couronne? Pourquoi ne pas vous privatiser tout simplement afin que vous puissiez traiter encore plus directement avec les banques et les autres institutions financières du monde? Quel avantage avez-vous à être une société de la Couronne?

M. Gillespie: Sénateur, il y aurait un avantage évident à être privatisé en ce sens que nous serions tous payés davantage, depuis le P.-.D.G. jusqu'au bas de l'échelle.

Le sénateur Oliver: C'est ce que voulait dire le sénateur Meighen.

M. Gillespie: Ce serait une excellente nouvelle. Cependant, cela nous ramène à la question du risque. Y a-t-il d'autres institutions financières canadiennes ou d'autres actionnaires qui seraient disposer à prendre des risques sur 160 marchés dans le monde, qui atteindraient les 38 milliards de dollars que nous allons atteindre cette année sans aucune aide du gouvernement, qui fourniraient un meilleur service à nos clients à moindre coût? Notre ratio d'efficacité est l'un des ratios clés qui figurent dans le rapport annuel des banques. Elles ont un ratio d'efficacité d'environ 70 p. 100. Cela représente en fait les dépenses administratives par rapport au revenu net de fonctionnement. Nous nous situons à 14 p. 100. Plus le chiffre est faible, mieux c'est.

Je pense que personne ne peut le faire pour moins cher. D'après le taux de satisfaction de nos clients, je crois que personne ne pourrait faire mieux.

Dans l'hypothèse de la privatisation, il faudrait être sûr que les autres actionnaires sont prêts à intervenir dans plus de transactions pour aider un plus grand nombre d'entreprises à moindres frais sans aucune aide gouvernementale, et je n'ai encore vu personne se présenter pour dire qu'il pouvait le faire. Ce serait merveilleux si c'était le cas.

Le sénateur Oliver: Vous avez dit que le milliard de dollars que vous a donné le gouvernement du Canada était toujours là. Par conséquent, rien ne vous empêche de rembourser cette somme, d'aller chercher un milliard de dollars sur le marché et de continuer vos activités comme une entreprise privée sans être soumis aux contraintes de la Couronne.

M. Gillespie: Vous avez raison dans un sens, sénateur, mais là encore, je voudrais revenir aux banques; actuellement, elles pensent obtenir un rendement de 30 p. 100 sur le capital avant impôt et de 20 p. 100 après impôt. Pour nous cette année, le rendement va être de 7 p. 100. Il n'y a pas là de quoi à attirer les actionnaires privés, étant donné en plus les risques et l'instabilité dont nous venons de parler. C'est le problème.

Même si nous sommes une institution financière commerciale, nous voulons représenter les meilleures méthodes du secteur privé. C'est impératif du point de vue de la gestion des risques. C'est extrêmement dangereux mais nous devons aussi représenter ce qu'il y a de mieux dans les politiques publiques et réussir à trouver le juste équilibre qui est si essentiel.

Le sénateur Kenny: Monsieur Gillespie, je m'intéresse aux mêmes questions que le sénateur Meighen. Je comprends pourquoi vous n'êtes pas très enthousiaste pour garantir les prêts des banques, mais vous avez dit dans vos remarques liminaires que le financement des exportations était un marché de créneaux et que vous aviez besoin de partenaires déterminés pour obtenir un effet de levier. Quelle est l'ampleur du problème et que faites-vous pour le résoudre?

M. Gillespie: Je vais encore demander à M. Siegel de développer notre réponse, mais je voudrais dire tout d'abord qu'il n'y a pas de problème majeur. Nous ne sommes pas limités dans notre aide à des entreprises canadiennes. Il faut bien le comprendre.

Toutefois, comme nous allons aider de plus en plus des entreprises canadiennes à s'implanter sur les marchés mondiaux et que notre activité va se développer, nous risquons d'être confrontés à des concentrations de risques auxquels il faudra faire face d'une manière ou d'une autre. Nous souhaiterions trouver des partenaires pour nous aider non seulement à aider nos petits et moyens clients, et à le faire de manière plus efficace, mais aussi à intervenir dans les infrastructures publiques et privées internationales, où l'intérêt de la SEE est évidemment d'obtenir des avantages pour le Canada. Ces projets sont effectivement de très grande envergure. Ils comportent souvent des apports considérables à des pays tiers, ce qui n'est pas une utilisation très intéressante du bilan de la SEE, comme vous vous l'imaginez, mais en même temps, si l'on ne parvient pas à proposer un montage financier complet, l'affaire a peu de chance de se conclure.

M. Siegel: Comme vous le dites, il faut vraiment regarder vers l'avenir. Quand on voit ce que les autres pays du monde peuvent apporter, on constate que le problème est d'autant plus prononcé que nous n'avons pas ici, contrairement à l'Europe, de grandes sociétés transnationales qui peuvent s'appuyer sur des institutions financières captives. Nous n'avons pas non plus les banques stratégiques prépondérantes que l'on trouve en Europe, par exemple la Banque européenne d'investissement, la Banque nordique d'investissement, et je pourrais continuer.

On constate que les banques multilatérales de développement sont moins disposées à jouer un rôle de financement. En fait, il suffit de voir ce qui se passe à Seattle et les pressions qui s'exercent sur ces banques pour comprendre qu'il leur est d'autant plus difficile de s'engager sur certains projets. Mais le problème va se poser de plus en plus. Il est lié à l'utilisation de nos programmes. Très souvent, ce que nous essayons de faire quand nous prêtons de l'argent, c'est d'entraîner d'autres intervenants.

Par exemple, nous avons un programme d'assurance du risque politique qui s'adressait traditionnellement aux investisseurs qui apportaient des capitaux propres. Cela les protégeait ainsi que leur investissement à l'étranger. Actuellement, les banques doivent assurer 50 p. 100 de cette couverture de protection contre le risque politique si ces investisseurs sont prêts à assumer le risque commercial sous-jacent du projet. Nous essayons d'avoir un effet de levier pour accroître notre capacité. Nous allons par exemple assumer un tiers des besoins de financement et essayer de trouver les deux tiers restant en nous servant de notre assurance risque politique pour faire un effet de levier. C'est un exemple d'intervention sur des projets ou des transactions précis.

Pour ce qui est de développer la capacité à plus long terme, nous avons discuté avec pratiquement toutes les banques canadiennes pour voir si, sachant qu'elles ne peuvent pas nécessairement assumer totalement le financement de projets, il serait possible d'établir une collaboration avec elle pour mettre sur pied une capacité de financement global et leur permettre de conserver une certaine capacité de base en s'appuyant sur la capacité de la SEE, de façon à offrir en quelque sorte aux exportateurs canadiens une masse critique plus importante en matière de conseils et de montage de projets.

C'est un autre exemple. Nous poursuivons sérieusement la réflexion sur ce genre de structure.

J'ai mentionné un troisième domaine, qui a été annoncé publiquement. Il s'agit de l'annonce par le ministère des Finances d'une possibilité de modification de la réglementation de manière à permettre l'utilisation de fonds de pension canadiens pour des financements mis sur pied par la SEE sans que ses portefeuilles soient soumis à la définition des capitaux étrangers.

Nous avons discuté avec certains des partisans de cette initiative pour voir comment ils pourraient concrètement contribuer au financement de la SEE en développant les capacités disponibles mais par l'intermédiaire de la SEE. Ils accroîtraient nos financements et en même temps, ils en tireraient profit. Ce sont les trois domaines sur lesquelles je voulais insister.

Le sénateur Kenny: En ce qui concerne le dernier, monsieur Siegel, quelle a été la réaction des banques à l'idée de développer cette capacité?

M. Siegel: Tiède, sénateur. Une ou deux ont répondu qu'elles allaient réfléchir plus sérieusement à la question. Une ou deux ont essayé d'envisager la question sous l'angle traditionnel des crédits commerciaux, en partant pratiquement du principe que la SEE se porterait garante, ce qui n'est pas du tout notre propos. Il n'est pas question de substitution du risque. Nous parlons de collaboration. J'ajouterais qu'une ou deux banques ont carrément rejeté l'idée. Elles n'ont nullement l'intention de s'engager dans ce genre de prêts et elles n'en voient donc pas l'intérêt.

Le sénateur Kenny: Elles n'en ont pas l'intention parce qu'elles estiment que ce n'est pas rentable?

M. Siegel: Oui, c'est un genre d'activité qui exige énormément de capitaux et de ressources humaines et qui n'est pas, de l'avis de ces banques, un domaine de croissance.

Le sénateur Kenny: Pourrais-je vous demander de répéter cela? Les banques estiment que le financement des exportations n'est pas un secteur de croissance?

M. Siegel: Certaines de ces banques estiment que le domaine du financement de projets à recours limité n'est pas un domaine de croissance comparativement à d'autres activités ou options, compte tenu de l'apport en capitaux et en ressources humaines considérable nécessité par ce genre d'activités.

Pour ce qui est des crédits commerciaux -- et ici il faut faire la distinction entre le court terme et le moyen ou long terme -- je ne prétends connaître la stratégie interne de ces banques, mais on peut en avoir une idée en voyant les affectations de leur personnel: pratiquement toutes les banques ont sabré dans leurs effectifs de spécialistes du crédit commercial à moyen et à long terme et, dans certains cas, elles ont fusionné cette activité avec leurs services bancaires aux entreprises. C'est une partie de leur activité qui a diminué et même fondu complètement dans certains cas. Cela donne une bonne idée de leur politique d'investissement dans ce domaine.

Le président: Pourriez-vous nous expliquer pourquoi Bombardier aurait intérêt à faire appel à vous plutôt qu'à son principal banquier? Ils doivent jouir d'un crédit impeccable.

M. Siegel: Il ne s'agit pas tellement de Bombardier, encore que nous appuyons Bombardier au moyen de programmes de caution et de garantie de dernier recours de leur bon fonctionnement; il s'agit ici en fait de leurs clients. Par exemple, Bombardier veut faire affaire avec les lignes aériennes des États-Unis dans le cadre de leur programme d'avions à réaction régionaux. Ce ne sont pas les grandes compagnies américaines, mais des compagnies secondaires qui ont un profil de risque différent. Pourtant, elles ont besoin du même genre d'appui financier à long terme, des mêmes montants considérables pour moderniser leur flotte et s'équiper rapidement en avions à réaction.

Dans ce cas, Bombardier va s'adresser à nous parce qu'il s'agit d'un profil de risque qui n'attire pas tellement les banques. Cela ne veut pas dire que cela ne les intéresse pas, mais elles ne sont pas tellement attirées par ce genre de risque.

C'est un peu la même chose pour les transports terrestres. La division des transports terrestres de Bombardier s'intéresse à de grands projets de transport en commun partout dans le monde. Beaucoup de ces projets comportent des structures de financement limité ou de projets auxquels s'appliqueraient les commentaires que je faisais tout à l'heure. C'est en ces termes que se présentent leurs besoins de financement, et c'est ce que propose le concurrent, car ces acheteurs ne sont pas prêts à trouver eux-mêmes le financement. Ils veulent que quelqu'un d'autre fasse le montage financier pour eux.

Le président: Vous voulez dire que Bombardier peut vendre des avions à une petite ligne aérienne secondaire au Costa Rica à condition que Bombardier aide elle-même cette compagnie à trouver un financement pour la payer?

M. Siegel: Ce que je dis, c'est que Bombardier s'adresse à nous comme à n'importe quelle autre banque pour voir si nous sommes prêts à prêter de l'argent à des compagnies aériennes n'importe où dans le monde. Cela peut être dans des pays du Tiers monde ou tout près de chez nous aux États-Unis. Une bonne partie du programme de Bombardier est axée sur nos voisins, les États-Unis. Il s'agit de compagnies régionales dont vous ne connaissez peut-être pas le nom mais qui fonctionnent dans le cadre de dispositions de partage des dénominations avec United ou Delta ou American Airlines; la différence étant que le risque n'est pas le même que dans le cas d'American Airlines ou de United. Il s'agit du risque que présente un opérateur secondaire qui n'a pas la même puissance financière ou le même réseau que les grandes compagnies. En allant plus loin, on trouve les marchés émergents avec des compagnies aériennes qui n'ont pas la même force. Ces compagnies ont besoin de quelqu'un qui sera prêt à leur prêter l'argent.

Le président: Vous voulez dire que vous organisez le financement pour l'acheteur?

M. Siegel: Oui, nous prêtons à ces acheteurs, monsieur le président, en prenant bien souvent comme garantie l'avion lui-même.

Le président: Et j'imagine que les banques canadiennes ne veulent pas le faire?

M. Siegel: Je ne dis pas qu'elles ne veulent pas le faire. Elles sont manifestement prêtes à accepter un certain seuil de risque. Il y a des risques qu'elles ne veulent pas assumer. Dans certains cas, cela dépend aussi du montant qu'elles sont prêtes à engager, c'est-à-dire de la concentration de capitaux qu'elles sont prêtes à consentir pour un acheteur ou pour un secteur.

Elles assurent aussi d'autres types de financement, du financement de gros porteurs ou autres. Donc, il y a des limites à ce qu'elles peuvent apporter. Mais Bombardier a des besoins et un appétit énormes. Cette entreprise livre actuellement près de 100 avions par an dans le cadre du programme régional d'avions à réaction. Cela représente des besoins de financement colossaux.

Le sénateur Tkachuk: J'aimerais savoir si vous avez une ventilation de vos activités dans l'Ouest canadien et si vous pouvez ventiler ces activités par province pour ce qui est de l'Ouest ou si vous comptabilisez ces activités simplement au niveau de la région?

M. Gillespie: Nous pouvons vous donner cela. Je vais demander à Louise Landry de vous répondre.

Mme Louise Landry, vice-présidente, Performance générale et communications, Société pour l'expansion des exportations: Effectivement, nous avons cette ventilation, qui figure dans le rapport annuel. Tous les ans nous publions le découpage de nos interventions avec les destinations régionales et la province d'origine. Il est intéressant de remarquer nous reflétons fidèlement le profil des exportations canadiennes, en particulier dans l'Ouest. Nous avons toutes ces informations et nous pouvons vous les donner.

Le sénateur Tkachuk: Quel serait le pourcentage de vos activités dans les Prairies, par exemple?

Mme Landry: Il faut que je fasse un petit calcul rapide car nous avons cela par province.

Le sénateur Tkachuk: Pourriez-vous nous donner les chiffres concernant l'Ouest canadien pour que cela figure au compte rendu?

Mme Landry: Je vais aller vers l'Ouest en partant du Manitoba. Les exportations du Manitoba représentent 3 p. 100 des exportations du Canada, et 2 p. 100 de notre appui va à ces exportations du Manitoba. Le volume de nos activités reflète donc assez fidèlement le profil des exportations de cette province. Pour ce qui est de la Saskatchewan, cette province représente 3 p. 100 des exportations du Canada, et nous lui apportons 4 p. 100 de notre soutien. L'Alberta représente 9 p. 100 des exportations canadiennes, et notre pourcentage y est de 8 p. 100. Enfin, la Colombie-Britannique représente 9 p. 100 des exportations canadiennes et nous lui apportons 12 p. 100 de notre appui. Nous reflétons donc très fidèlement le profil des exportations canadiennes.

Le sénateur Oliver: D'après notre rapport, 72 p. 100 de vos activités sont concentrées sur l'Ontario et le Québec. Et le Canada atlantique?

Mme Landry: Je précise que 72 p. 100 des exportations du Canada viennent de l'Ontario et du Québec. Par conséquent, là encore nous épousons fidèlement le profil des exportations canadiennes.

Comme vous savez sans doute, les pourcentages dans la région atlantique sont très faibles. Les provinces de l'Atlantique représentent en tout 4 p. 100 des exportations canadiennes. Je ne vais pas vous donner le détail par province, car ce sont des chiffres infimes, décimaux. La SEE accorde 3 p. 100 de son aide à cette région, et là encore son aide est calquée sur le profil des exportations canadiennes.

Le sénateur Tkachuk: C'est comme l'histoire de l'oeuf et de la poule. L'emploi dans l'Ouest dépend en très grande partie des exportations. Notre secteur agricole dépend presque totalement des exportations. Nous sommes une région commerçante du pays.

Quand vos voyez que les chiffres sont peu élevés, est-ce que cela vous incite à vous intéresser plus à une région particulière? Autrement dit, votre mandat prévoit-il que vous stimuliez les exportations dans les régions qui n'en ont pas beaucoup?

M. Gillespie: Nous avons 10 bureaux dans le pays. Nous encourageons les entreprises partout, de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve et au Labrador, nous essayons d'accroître la clientèle et de développer le volume d'activité.

Les chiffres donnés par Louise au sujet de l'ouest du Canada montrent que le pourcentage de notre aide aux exportations est en fait supérieur à celui des exportations de cette région par rapport à l'ensemble du Canada. Notre participation est en revanche inférieure en Ontario tout simplement parce qu'une grande partie des échanges commerciaux concernent le secteur de l'automobile et c'est un domaine auquel nous ne touchons pas. Au Québec et dans les provinces de l'Atlantique, notre aide est en fait supérieure au profil des exportations pour ces régions.

Cela étant dit, il faut aussi être assez prudent dans la mesure où nos chiffres sont fondés sur les exportateurs desservis, où que soit leur siège. Ainsi, si l'on prend l'exemple de Nortel, un de nos gros clients, même si l'usine se trouvait en Alberta, nos statistiques pour Nortel figureraient à la rubrique Ontario. De même, on pourrait avoir dans les Maritimes des activités en rapport avec la potasse, le papier ou le poisson, ou toutes sortes de choses différentes qui seraient comptabilisées dans les données du siège social au Québec ou en Ontario ou encore ailleurs plutôt que dans les Maritimes. Il faut donc être assez prudent avec certains chiffres et ne pas vouloir être trop précis.

Autre élément intéressant à noter, dans l'enquête que nous effectuons chaque année auprès de nos clients pour savoir quel est le degré de satisfaction et que nous venons de terminer pour cette année, c'est en fait en Colombie-Britannique et dans l'Ouest que l'on perçoit le plus l'aide régionale de la SEE et on en a plus conscience dans les provinces atlantiques qu'au Québec et en Ontario.

Le sénateur Tkachuk: On recommande dans le rapport Gowlings que la prise de décisions à la SEE se fasse de façon plus décentralisée et vous n'êtes pas d'accord avec cette recommandation dans votre document. J'aimerais savoir pourquoi.

M. Gillespie: Il y a deux raisons à cela. Si je ne me trompe as, on a dit que la technologie avait anéanti la distance. Les décisions peuvent se prendre pratiquement partout dans le monde. Par conséquent la question n'est pas de savoir où la décision est prise. Ce peut être devant un ordinateur à Ottawa, ou encore à Moncton, ou encore partout ailleurs dans le monde. Cela peut être invisible pour le client. Nous essayons de fournir aux clients les biens et les services appropriés, au moment où ils en ont besoin dans leur segment de marché particulier.

Nous avons intensifié nos efforts de développement des entreprises et nous continuons à le faire. C'est ce qui nous paraît le plus essentiel dans la région parce que nous ne sommes pas suffisamment connus. C'est l'un de nos grands défis. Nous cherchons à nous faire mieux connaître dans la région et à atteindre de plus en plus de clients, à formuler les diagnostics appropriés et ensuite à mettre en oeuvre ces décisions là où il le faut.

À titre d'exemple, nous avons effectivement un centre d'appels pour ce que nous appelons le segment des exportateurs émergents, c'est-à-dire tous les exportateurs ayant moins d'un million de dollars en ventes à l'exportation. C'est effectivement un centre d'appels. C'est ce que veulent les exportateurs -- un temps de réponse très rapide. Cela exige beaucoup de cohérence il faut donner à chaque fois les bonnes réponses. Ce centre se trouve à Ottawa. Mais, pour un exportateur, avec la technologie actuelle, il pourrait être au bout de la rue. Les exportateurs ne demandent pas à être en contact avec une personne réelle et vivante, ils veulent simplement obtenir la bonne réponse.

En ce qui concerne nos activités d'assurance à court terme, la rapidité de la réponse constitue une priorité pour notre clientèle. Si l'on remonte environ 10 ans en arrière, la SEE mettait environ de neuf à 10 jours pour approuver un crédit. Nous avons passé beaucoup de temps et d'effort à mettre au point une technologie intéressante avec le D&B aux États-Unis. Il y a deux ans environ, nous sommes tombés à deux jours. En fait, nous avons reçu un prix de la productivité au Canada pour cela.

Grâce à Internet, nous commençons à mettre en place et à transmettre à nos clients une technologie qui leur permet d'accéder eux-mêmes en ligne à la décision relative au crédit. Nous pensons pouvoir fournir ce service en deux minutes. Ils inscrivent le nom de l'acheteur avec lequel ils veulent traiter dans le monde, que ce soit aux États-Unis ou en Europe, ou sur un marché émergent, parce que les bases de données ne sont pas complètement reliées dans le monde entier, et ils indiquent ensuite la limite de crédit demandée et les modalités de vente. Si nous n'avons pas les renseignements dans notre base de données quand le client clique «présenter demande», la demande d'information est transmise aux États-Unis pour extraire certains ensembles de données, ou va ailleurs dans le monde où des liens sont établis, pour alimenter un module d'aide à la décision au sein de la SEE qui parcourt plusieurs modules de crédit et renvoie immédiatement une autorisation de crédit au client. En deux minutes, la mention «vous avez du courrier» apparaît. C'est plutôt intéressant. Nous en sommes encore au début, mais la tendance est là.

Voilà pourquoi dans un sens qu'on n'est pas obligé de prendre la décision à Vancouver. La décision se prend à l'écran. C'est ce que les clients nous demandent. Ils veulent un accès instantané à la décision. C'est sur cette voie que nous nous engageons. Ils veulent aussi des spécialistes en développement d'entreprises qui puissent leur tenir un peu la main, surtout pour les PME qui constituent 90 p. 100 de notre clientèle. Ils ont besoin de bons outils, de diagnostics qui les assurent qu'ils sont bien positionnés.

Le sénateur Kroft: Quand vous décrivez ce genre de service, est-ce valable pour toutes vos activités de crédit et d'assurance?

M. Gillespie: Les commentaires sur ce délai de réponse de deux minutes valent pour l'assurance à court terme, où nous prenons le risque sur des comptes étrangers par rapport à des risques commerciaux et politiques. L'assurance à court terme représente 70 p. 100 du total de notre activité. C'est de cela que je parle et nous émettons en fait plus de 40 000 autorisations de crédit par an. Soixante pour cent environ sont données le jour même. C'est un peu délicat dans certains marchés émergents pour lesquels nous n'avons vraiment pas de renseignements et qui demandent un peu de temps.

Le sénateur Tkachuk: L'agriculture représente-t-elle une part importante de vos activités? Je pense particulièrement au marché des denrées comme le blé, l'avoine, l'orge, le canola.

M. Gillespie: Oui, c'est une part importante et qui continue à augmenter. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons récemment annoncé la création d'une équipe agro-alimentaire alors que ce service était auparavant assuré par une ou deux équipes responsables d'autres secteurs industriels. Nous avons estimé que celui-ci était maintenant assez important et exigeait des compétences suffisamment spécialisées pour qu'on lui consacre une équipe distincte.

Voilà encore un domaine où nous travaillons en liaison étroite avec les banques. En matière de produits agricoles, le paiement se fait souvent par lettre de crédit. La SEE n'émet pas de lettres de crédit mais peut les assurer. C'est le cas lorsque les banques canadiennes ne veulent pas assumer le risque de la lettre de crédit mais veulent recommander ces lettres de crédit à leurs clients en les garantissant.

La banque est donc l'intermédiaire mais ne veut pas assumer le risque. C'est la SEE qui le fait pour la banque moyennant paiement. Nous sommes très actifs sur des marchés comme le Mexique, qui est un très gros marché pour le canola canadien et certains produits à base de blé. Bien sûr, nous n'avons pas les mêmes activités que la Commission du blé qui a ses propres programmes mais il nous est arrivé d'assumer certaines de ces activités sur des marchés où la Commission n'avait plus la capacité voulue. Nous travaillons beaucoup avec les banques. Nous essayons d'augmenter notre volume d'activité dans ce domaine et nous réussissons bien.

Le sénateur Tkachuk: Et cette équipe sera-t-elle à Ottawa ou dans les Prairies?

M. Gillespie: Elle sera ici à Ottawa, là encore parce qu'il y a un certain risque financier que nous devons gérer très attentivement.

Le sénateur Oliver: Les questions du sénateur Tkachuk portaient sur un domaine que je voudrais approfondir un peu.

Le comité s'est déjà penché sur la question des petites entreprises en général, de leurs capitaux propres et de leur financement, et nous y reviendrons peut-être. J'ai entendu ce que vous avez dit au sujet de votre centre d'appels pour les petites entreprises et des réponses rapides, et cetera. Si j'ai bien compris vos activités, vous traitez surtout avec des grandes sociétés comme Nortel, SNC, Lavalin, Bombardier, Siemens, Boeing, et cetera. Quel est le pourcentage de vos activités avec ces six principaux partenaires, et combien reste-t-il pour ce que j'appellerais la petite entreprise?

M. Gillespie: Merci, sénateur, pour cette question. Je dois m'inscrire en faux contre cette expression «nous traitons surtout avec». Si vous prenez le nombre total de nos clients, qui constituent à notre avis la meilleure mesure de notre appui au marché, vous constaterez comme je le disais que 90 p. 100 sont des PME. Nous définissons une petite entreprise comme une entreprise qui a des ventes de moins de 5 millions de dollars et une moyenne entreprise comme une entreprise qui a des ventes de moins de 25 millions de dollars.

Le sénateur Oliver: Donc ce sont les mêmes chiffres que ceux que nous utilisons.

M. Gillespie: Quatre-vingt-dix pour cent de nos clients sont des PME. La moitié de nos clients sont de nouveaux exportateurs qui ont des ventes à l'exportation de moins d'un million de dollars. L'aide que nous avons apportée l'an dernier aux activités de ces PME s'est élevée à 5,8 milliards de dollars. Nous sommes donc de loin le plus gros fournisseurs de services aux petites entreprises à l'échelle fédérale. Les activités de la Banque de développement du Canada se chiffrent, je crois, à 1,4 milliard de dollars. Pour la SEE, ce chiffre est de 5,8 milliards de dollars. C'est-à-dire 5,8 milliards sur les 35 milliards dont j'ai parlé. Autrement dit, 90 p. 100 de nos clients représentent de 15 à 20 p. 100 de notre volume total; ils'agit d'une cinquantaine à une centaine de clients en tout, et nous avons doublé leur nombre au cours des deux dernières années. Nous avons entrepris de vastes initiatives pour accroître encore ce chiffre dans tout le pays.

Il y a quelque chose d'intéressant dans l'activité des petites entreprises. Je voudrais attirer votre attention sur quelques statistiques du rapport Gowlings. On y parle de la satisfaction des clients de la SEE. Nous faisons notre propre enquête annuelle, et nous venons de publier ces rapports et d'en faire part au conseil d'administration hier. Nous avons eu 80,4 p. 100 de clients satisfaits, soit le plus haut pourcentage que nous ayons jamais atteint.

Le sénateur Oliver: Qui a fait cette étude pour vous?

M. Gillespie: Nous l'avons faite nous-mêmes.

Le sénateur Oliver: Vous vous êtes décerné un brevet d'autosatisfaction?

M. Gillespie: Non. Je crois que c'est une entreprise de consultants, Phase 5, qui a fait les entrevues. C'est donc une tierce partie qui a fait ce travail.

C'est auprès des petites entreprises que nous obtenons nos scores les plus élevés. Les chiffres sont un peu inférieurs dans le cas de nos plus gros clients, tout simplement parce qu'ils nous comparent, comme vous pouvez l'imaginer, aux meilleurs fournisseurs de services du monde. Ils essaient d'avoir un volume d'activité énorme dans des endroits du monde qui présentent de sérieuses difficultés, et nous ne sommes pas toujours en mesure de leur offrir des solutions financières, mais dans l'ensemble, une moyenne de 80,4 p. 100, ce n'est pas mal.

Gowlings a fait faire une étude par Environics dans le cadre de son examen. Je vous recommande la lecture de cette étude d'Environics, car elle comporte des statistiques très révélatrices, notamment une qui concerne les petits et moyens exportateurs: 74 p. 100 d'entre eux ne voyaient pas la moindre chose que la SEE aurait dû faire différemment ou mieux pour répondre à leurs besoins. J'ai trouvé que c'était un pourcentage assez intéressant compte tenu de la difficulté de répondre aux attentes de ce secteur.

Le sénateur Oliver: En réponse à une question du sénateur Tkachuk, vous avez parlé tout à l'heure de votre rapidité de réaction aux demandes de crédit. Vous avez dit que les informations que les clients voulaient avoir étaient disponibles à l'écran et qu'il y avait donc un dialogue d'un écran à l'autre. Toutefois, une fois le crédit approuvé pour l'activité que veut entreprendre le client, il faut bien que quelqu'un discute en personne du taux et des modalités du prêt, et cetera. Est-ce qu'il se passe longtemps avant que quelqu'un discute finalement directement avec le client des conditions d'octroi du prêt une fois que le crédit est approuvé?

M. Gillespie: Une fois que le crédit est approuvé, le client connaît le taux. Je parle ici d'assurance à court terme, pas des activités à moyen terme où il s'agit de vendre des avions de Bombardier ou autre chose de ce genre. Je parle du programme d'assurance-crédit à court terme.

Le sénateur Oliver: Alors il n'y a pas de négociations?

M. Gillespie: Non. Quand le client souscrit son emprunt auprès de la SEE, il est au courant des différents taux et des divers risques liés aux transactions dans diverses régions du monde. De toute évidence, une lettre de crédit correspond à l'une des meilleures garanties et s'accompagne des taux les plus faibles, qui varient encore une fois selon les banques et la situation dans le monde. Avec un compte ouvert sur 180 jours, on s'aventure sur un terrain plus risqué. À ce moment-là, on commence à déterminer les garanties en fonction du risque commercial.

Ces taux sont établis dans notre politique. Une fois que le crédit est approuvé, l'exportateur a tout ce qu'il lui faut pour aller de l'avant avec son entreprise.

Le sénateur Angus: Madame Landry, messieurs, merci d'être venus nous rencontrer. Nous n'avons peut-être pas eu tout le temps que nous aurions souhaité pour nous préparer à cette discussion. Nous pourrions passer des heures à vos poser des questions. Mon collègue, le sénateur Meighen, a bien montré qu'il était prêt à continuer fort longtemps cette discussion. Je crois toutefois qu'il n'est pas exclu que vous reveniez poursuivre ce débat avec nous.

Le président: Ce que nous prévoyons, c'est de faire venir d'autres témoins, par exemple des représentants des banques, que ce soit l'ABC ou des représentants de banques particulières. Ce sera au comité d'en décider. Il faudra que les auteurs du rapport Gowlings viennent nous parler de ce rapport. Ce que nous envisageons pour l'instant, c'est d'inviter de nouveau ces témoins à la fin si vous le souhaitez pour conclure.

Le sénateur Angus: Monsieur Gillespie, il y a deux ou trois ans le comité des banques a fait une étude sur les institutions d'octroi de crédit appartenant au gouvernement, il a examiné les lacunes du système et il a justifié la présence d'entreprises du secteur public dans ce domaine.

À l'époque, le comité a notamment recommandé que la Corporation commerciale canadienne soit intégrée à la SEE. Cela n'a toujours pas été fait. À cette époque, quand les représentants de la SEE ont comparu devant notre comité, ils n'étaient pas favorables à ce genre de fusion, mais nous l'avons cependant recommandé en expliquant pourquoi dans notre rapport.

J'ai l'impression que la Corporation commerciale canadienne a beaucoup d'activités analogues aux vôtres: elle cherche à faciliter l'exportation de denrées canadiennes, elle met sur pied des programmes de gestion du risque, elle trouve des financements et elle prend même la place de l'exportateur pour lui donner un visage et une présence concrète face à l'acheteur étranger.

Je crois que certaines de ces activités font double emploi et qu'il serait bon d'intégrer la CCC à la SEE. Pourriez-vous commencer par me donner votre avis là-dessus?

M. Gillespie: Sénateur, je vous répondrai respectueusement que je m'abstiendrais personnellement de faire des commentaires à ce sujet tout simplement parce que le gouvernement a décidé plus tôt cette année de maintenir la structure actuelle de la CCC et de nommer un P.-D.G. à plein temps à la tête de cette corporation. Il vaudrait donc mieux de poser la question au ministre ou à d'autres hauts fonctionnaires.

Le sénateur Angus: Il y a beaucoup de choses qui sont le fruit de décisions du gouvernement. J'en ai pas mal sur ma liste de questions, donc nous verrons cela plus tard.

Vous êtes évidemment une société d'État et vous appartenez au gouvernement. Je pense qu'en définitive tout ce qui se passe dans votre société est le résultat d'une décision quelconque du gouvernement. Essayons dans un domaine pour voir: la régie interne.

Dans le secteur privé, la régie interne est sur la sellette depuis cinq ou 10 ans. Depuis que le rapport Day de la Bourse de Toronto et les entreprises publiques du secteur privé ont fait un vaste effort pour répondre à la question: «Où sont les administrateurs?», les conseils d'administrations ont évolué radicalement en ce sens qu'ils participent beaucoup plus activement et assument davantage la responsabilité de leurs décisions. En fait, il y a maintenant des mécanismes qui permettent de s'assurer que les conseils d'administration sont toujours à la hauteur de ce qu'attendent les entreprises.

Je vois dans le rapport Gowlings des recommandations qui, si elles ne sont pas un calque fidèle des lignes directrices de la Bourse de Toronto, vont néanmoins tout à fait dans le même sens. Pourriez-vous nous dire où vous en êtes dans la mise en application de ce genre de mécanismes de régie interne à la SEE?

M. Gillespie: C'est une question extrêmement importante et je demanderais à Gilles Ross d'approfondir la réponse, mais j'aimerais tout d'abord faire une ou deux brèves remarques. L'une des recommandations du rapport Gowlings, avec laquelle nous sommes entièrement d'accord, est de déplacer la SEE de la Partie 1 à la Partie 2 de la Loi sur la gestion des finances publiques. Je crois qu'il est de plus en plus important de rendre la SEE et son conseil d'administration de plus en plus responsables. Ce sera notre meilleure garantie de succès à long terme. La SEE s'est énormément développée. C'est devenu une grande institution financière sophistiquée qui a les activités d'envergure dont je vous ai parlé et qui prendre des risques dans tous ces pays. La question de la régie de la SEE est donc d'une importance capitale.

Nous sommes tout à fait d'accord pour que le vérificateur général continue à vérifier les activités de la SEE. À cet égard, nous ne sommes pas d'accord avec Gowlings, qui souhaiterait que nos activités soient vérifiées par un vérificateur du secteur privé. À notre avis, le vérificateur général pourrait conserver cette compétence du moment qu'il peut s'appuyer sur des experts du secteur privé.

En matière de responsabilité, je ne crois pas que la réponse consiste à dire: «Plus il y a de monde, plus on s'amuse.» Nous avons actuellement un régime de responsabilité extrêmement rigoureux, plus encore à certains égards que dans le secteur privé. Comme vous le savez, la majorité des membres de notre conseil d'administration viennent du secteur privé. Nous devons déposer un plan d'entreprise, et un résumé de plan d'entreprise. Il faut que ce plan soit approuvé par le ministre. Le ministre des Finances doit approuver notre plan d'emprunt, et le Conseil du Trésor aussi. Il y a donc de plus en plus de responsabilité.

La véritable garantie que vous devriez chercher à obtenir, ce serait la garantie que le conseil d'administration de la SEE soit toujours composé de personnes ayant les compétences voulues pour permettre à cette organisation d'aller de l'avant.

En ce qui concerne la réponse à vos recommandations ou vos commentaires sur notre structure de gouvernance comparativement à ce que l'on trouve dans le secteur privé, je vais laisser la parole à M. Ross.

M. Gilles Ross, premier vice-président du Contentieux et secrétaire, Société pour l'expansion des exportations: Nous avons évidemment une structure de régie interne extrêmement solide à la SEE. Notre conseil d'administration est parfaitement au courant des lignes directrices sur la régie des sociétés d'État qui ont été adoptées il y a quelques années. Notre président et notre président du conseil d'administration sont deux personnes distinctes. Autrement dit, ce n'est pas la même personne qui occupe ces deux postes, et c'est un principe fermement établi dans le secteur privé. Notre conseil d'administration a une structure de comités très solide. Nous avons actuellement six comités qui s'occupent des divers secteurs de la SEE.

Nos administrateurs consacrent la majorité de leur temps aux orientations stratégiques de la SEE. Ils se réunissent une fois par an, et cette réunion est entièrement consacrée à déterminer l'orientation de la SEE pour l'année qui vient. Naturellement, ils approuvent le plan d'entreprise.

Pas plus tard qu'hier, par exemple, notre conseil d'administration a examiné et approuvé un profil d'administrateur énumérant les qualités que devraient avoir les membres du conseil d'administration de la SEE et décrivant l'éventail de compétences que l'on doit normalement trouver à notre conseil. Nous avons un important programme de formation de nos nouveaux membres lorsqu'ils entrent en fonction. Cette année en particulier, nous nous sommes beaucoup concentrés sur la gestion du risque et les principes modernes de gestion du risque. Dans l'ensemble, notre conseil d'administration fait un solide travail de régie d'entreprise.

Le sénateur Angus: Je vous remercie de ces commentaires. Un cynique m'avait dit que la majorité de vos administrateurs étaient des gens nommés par le gouverneur en conseil, des politicards, des solliciteurs de fonds et des personnes nommées de manière partisane. Je ne sais pas si c'est vrai ou non, mais dans le rapport dont nous parlons, on recommande la création d'un comité qui proposerait au gouverneur en conseil des personnes à nommer au conseil d'administration au lieu de ce qui se produit depuis un certain nombre d'années, je crois, et où un beau jour, monsieur Gillespie, vous vous réveillez et vous lisez dans le Globe and Mail que vous avez un nouveau membre du conseil.

Le principe de ces nouvelles initiatives de régie interne dans le public comme dans le privé, c'est je crois de sélectionner de façon un peu plus rigoureuse les administrateurs.

En ce qui concerne la recommandation qu'on trouve tout à la fin du rapport Gowlings, j'aimerais que vous nous disiez comment vous allez appliquer cette recommandation, autrement dit comment vous allez proposer de bons candidats au conseil.

M. Gillespie: C'est précisément vers cela que nous nous orientons et c'est pour cela que le conseil d'administration a passé une partie de la journée d'hier à son comité de la régie à étudier le profil approprié que devrait avoir un administrateur de la SEE. Il est extrêmement important d'avoir un équilibre, qu'il s'agisse de personnes qui connaissent la petite entreprise ou de juristes, de personnes qui ont une expérience internationale ou de gens qui connaissent bien les institutions financières. Il est essentiel d'avoir une bonne représentation de ce genre au conseil d'administration pour nous permettre ultérieurement d'élaborer des listes de candidats qualifiés que nous pourrons soumettre au gouvernement et au ministre afin qu'ils se rallient, il faut l'espérer, à ces candidatures précisément.

Le sénateur Angus: C'est très rassurant.

M. Gillespie: Ce sont eux qui prendront la décision en dernière analyse. Nous le savons bien. Mais nous pouvons les aider en leur donnant de bonnes raisons de prendre la décision appropriée compte tenu de la croissance de la SEE.

Le sénateur Angus: C'est une recommandation qui a l'air excellente a priori et qui je l'espère sera mise en application. Je comprends bien que c'est le gouvernement qui décidera en fin de compte.

Il y a un autre domaine de participation du gouvernement, naturellement, c'est le contexte du rapport que nous examinons. Dans la révision de 1993 de votre loi, on prévoyait un examen, mais sans définir ce terme. On ne précise pas le détail de cet examen. Sans vouloir critiquer les personnes que le gouvernement, dans sa sagesse, a engagées pour faire cet examen, je dirais que j'ai été curieux de constater que c'était un cabinet d'avocats qui avait été choisi. Étant avocat moi-même, je voudrais au moins vous demander si vous-même ou votre organisme avez participé à la sélection du groupe chargé de l'examen.

M. Gillespie: Non, nous n'y avons absolument pas participé. Le gouvernement a lancé un appel d'offres. Si je me souviens bien, c'est Travaux publics qui a déterminé les critères en vertu desquels devait être faite la sélection. La société Gowlings a complété les compétences internes dont elle disposait en faisant appel à des gens de l'extérieur. Elle a par exemple engagé Gerry Shannon en raison de son parcours et de la connaissance qu'il a d'une grande partie des questions dont nous parlons. Il y a eu aussi d'autres personnes. C'est le gouvernement qui a fait ce choix finalement au terme d'une procédure publique tout à fait transparente.

Le sénateur Angus: Je pense que cette question a sa raison d'être. Il ne s'agit pas de critiquer qui que ce soit, mais de déterminer si le rapport est objectif.

Je sais qu'à une époque Gowlings était la firme d'avocats à laquelle la SEE faisait régulièrement appel, et qu'ensuite elle a fonctionné avec d'autres avocats. Au cours de cette étude, la société Gowlings a-t-elle été à un moment quelconque en affaires avec la SEE?

M. Ross: Non, Gowlings ne travaille pas comme cabinet d'avocats pour la SEE. Ils l'ont fait jusqu'à 1982 environ, mais plus depuis.

Le sénateur Angus: Nous avons parlé des montants pour une province, et cetera. J'ai toujours été curieux de comprendre le système de contingentement, si tant est qu'il en existe un, en ce qui concerne les pays. Avez-vous par exemple un montant donné à utiliser pour financer des projets en Russie ou dans l'ex-Union soviétique, je ne sais pas trop ce qu'on dit maintenant? Avez-vous une limite à ne pas dépasser pour chaque région donnée?

M. Gillespie: Nous avons établi une méthode de gestion du risque qui nous permet de déterminer jusqu'où nous pouvons nous exposer sur les divers marchés où nous sommes présents dans le monde. Cela fait partie de tout le processus de gestion du risque dont nous allons discuter avec le conseil. Il y a un certain montant que nous étudions sous l'angle des pays ou sous l'angle politique. Nous avons aussi des limites de concentration pour un industrie donnée et des limites pour une entreprise donnée, en fonction des risques présentés par nos correspondants; c'est à peu près la même chose que pour n'importe quelle autre institution financière commerciale.

Le sénateur Angus: Je n'ai jamais vraiment posé la question parce que je n'ai pas eu de raison de le faire, mais j'ai entendu dire qu'un jour quelqu'un avait un projet ou envisageait une affaire en Russie, et que la SEE lui avait répondu que malheureusement, elle avait atteint son niveau maximum et qu'elle ne prêtait plus d'argent en Russie à ce moment-là. Tout d'abord, est-ce que cela arrive effectivement, et dans l'affirmative, qui fixe ces quotas? Le gouvernement?

M. Gillespie: Non, le gouvernement n'a rien à voir avec cela. C'est vrai, nous avons des limites. Pour reprendre l'exemple de la Russie que vous mentionnez, nous y avons cette année un niveau de créances à court terme nettement plus élevé que jamais auparavant. Jusqu'ici, 27 millions de dollars ont été versés à la Russie, dans des banques commerciales russes.

Avons-nous vraiment envie de nous précipiter sur le marché russe aujourd'hui ou demain? Comme vous le savez, ils ont de sérieux problèmes. Leur système est encore très mal en point. Alors c'est vrai, si une entreprise canadienne venait nous demander de prendre des risques bancaires en Russie ou de financer un projet en Russie, je crois qu'on lui répondrait non, à moins que cette entreprise ne soit en mesure de nous prouver qu'elle a des moyens assez inhabituels de compenser le risque, par exemple des fonds entiercés à l'étranger ou un autre mécanisme quelconque que nous pourrions examiner à fond pour savoir exactement d'où vient cet argent.

Voilà un peu comment nous fonctionnons en tant qu'institution commerciale guidée par les meilleures pratiques. Nous devons gérer ces risques. Si la situation de la Russie se détériore, nous risquons de nous trouver à découvert sur certains de ces marchés où nous allons être beaucoup plus prudents.

Le sénateur Angus: Je pense que les raisons de mes questions sont assez évidentes. J'en suis toujours à mon idée qu'en définitive, c'est la supervision que le gouvernement exerce sur vos activités qui compte, quoi que puisse dire la loi. C'est sur le gouvernement qu'on fait pression, pas sur vous, à ces rencontres commerciales où le Capitaine Canada emmène son équipe et qu'on lui dit: «Vous devriez en faire plus pour tel ou tel pays.» Alors il répond: «Oui, d'accord, le Canada va faire un effort supplémentaire.»

Est-ce qu'ils viennent vous dire: «Bon, allez-y, la SEE»? Je ne sais pas exactement comment cela fonctionne, mais j'ai entendu dire que quand on part en mission commerciale -- et je vais revenir à l'exemple de la Russie car il est vrai qu'elle manque constamment à ses engagements de remboursement, donc c'est un problème de gestion de risque, et j'imagine que c'est donc un problème entre le gouvernement et...

M. Gillespie: Excusez-moi. Je me trompe peut-être complètement, mais l'une des raisons pour lesquelles il n'y a pas de mission d'Équipe Canada en Russie au début de l'année, c'est peut-être simplement qu'étant donné la pagaille économique totale qui règne là-bas, il n'était pas vraiment possible d'y emmener un avion rempli d'exportateurs canadiens et de leur dire de faire des affaires avec les Russes; ils se seraient simplement tournés vers nous en nous demandant de faire le travail pour eux. C'est assez difficile quand on a déjà des créances et qu'on essaie de les récupérer.

Le sénateur Angus: Laissons tomber l'exemple du pays qui passe son temps à ne pas honorer ses dettes. Au lieu de la Russie, prenons le cas de l'Algérie, du Maroc ou d'un de ces pays. Je crois que là aussi il y a quand même un régime de contingentement. S'il y a un projet, il paraît qu'on peut dire: «Si nous avons atteint la limite normale de prêts de la SEE, vous pouvez obtenir de l'argent du Compte du Canada» -- je ne sais d'ailleurs pas exactement ce que cela recouvre. J'ai lu des articles à ce sujet, où l'on dit que c'est peut-être une pratique contraire aux règles de l'AMC. J'ai toujours pensé que c'était une caisse noire du gouvernement qui était là pour compléter vos activités. Pourriez-vous m'expliquer cela?

M. Gillespie: Avez plaisir. Je pense qu'il faudrait que nous ayons une bonne discussion un jour. Tous ces gens-là vous parlent de choses comme des contingents. Nous avons en fait un cadre de gestion du risque que nous déterminons et les économistes définissent jusqu'où nous pouvons nous exposer dans les pays concernés en fonction d'éléments comme leurs rentrées de devises étrangères, leur niveau d'endettement au départ, et cetera, et cetera.

Donc nous avons effectivement un cadre pour les divers pays avec lesquels nos exportateurs veulent faire des affaires et, comme nous le disions, de temps en temps les choses ne se passent pas très bien ou au contraire elles se passent exceptionnellement bien et tout d'un coup nous en arrivons au point où nous ne voulons plus investir d'argent dans un pays donné tout simplement parce que nous avons atteint un taux de risque trop élevé.

Quelles sont les possibilités? Il y a le Compte du Canada, et nous pourrons revenir là-dessus plus tard. C'est un compte auquel les ministres peuvent décider de faire appel en fonction des intérêts du Canada tels qu'ils les perçoivent lorsque la SEE estime que les risques sont trop élevés pour des activités normales; ou encore la SEE peut cesser d'accorder des prêts et il ne se passe plus rien sur le marché en question, ou encore nous cherchons des possibilités de transférer le risque ailleurs pour libérer un certain degré de capacité. Nous avons diverses façons d'essayer de dégager une capacité suffisante pour répondre aux besoins de nos clients.

M. Siegel: En ce qui concerne le Compte du Canada, le gouvernement nous demande quand même en définitive de lui recommander comment utiliser ce compte en fonction de notre évaluation du risque. D'une certaine manière, cela souligne la régie dont vous parliez. Le gouvernement lui-même, même s'il veut aller de l'avant parce qu'il pense que les avantages le justifie, doit quand même examiner les répercussions financières et il nous demande notre avis.

Pour souligner ce que disait M. Gillespie, il est rare que nos portes soient tout simplement fermées à un marché donné. Vous avez parlé de «contingents». La question est de savoir quel risque on est prêt à prendre sur le marché en question, et nous en revenons à l'idée qu'il y a des moyens de se structurer en fonction du risque. Par exemple, nous participons à un projet minier en Russie qui a été structuré d'une manière qui nous paraît adéquate pour compenser les risques du marché. C'est très difficile, mais nous espérons que cela va marcher.

Nous pouvons intervenir dans des pays où la situation est très difficile, et ce n'est pas simplement une question de montant. Nous pouvons nous engager de diverses manières. Nous pouvons par exemple nous engager à court terme, mais ne pas vouloir nous engager sur cinq ou 10 ans parce que le marché est trop risqué. Nous pouvons vous aider avec une couverture financière. Nous pouvons assumer une partie du risque politique en offrant une protection dans les cas d'expropriation, de violence politique, de transfert à long terme, mais nous n'allons pas pouvoir nous engager sous forme de prêt direct.

Les situations comportent naturellement toutes sortes de dimensions. Disons qu'il est assez rare qu'il soit totalement exclu d'aller sur le marché d'un pays, mais les structures peuvent être très complexes -- je ne veux pas dire «lourdes», mais complexes, ce qui fait que dans certains cas évidemment, le rapport coûts-avantages n'est vraiment pas favorable.

Le sénateur Angus: Si je comprends bien, vous participez très activement à l'administration et à la structuration des prêts provenant du Compte du Canada; mais ce sont en général des prêts à plus haut risque, des prêts qui ne respectent pas les paramètres de votre propre régime de gestion du risque, et ce sont des prêts qui sont décidés à l'autre endroit. C'est bien cela?

M. Siegel: Exactement. Il peut s'agit de situations où le risque est peut-être acceptable, mais où il est d'une ampleur qui dépasse les capacités de la SEE à ce moment donné. Plus exactement, il s'agit peut-être d'un profil de risque trop élevé, mais le gouvernement nous demande quand même de structurer le prêt de la même manière que s'il s'agissait d'un prêt de la SEE.

Le Compte du Canada, qu'il s'agisse d'assurance ou de financement, est beaucoup moins utilisé maintenant. On ne l'utilise pratiquement pas pour des engagements à court terme, et il n'intervient que dans un montant représentant moins de 5 p. 100 de notre activité totale. Nous fonctionnons essentiellement avec notre budget.

Le sénateur Angus: Il me semblait qu'un des objectifs de la SEE était d'égaliser les règles du jeu pour les exportateurs canadiens. C'est un moyen de stimuler l'industrie et les exportations canadiennes, mais il y a d'autres pays -- et j'ai déjà posé ces questions dans le passé -- qui se contentent de faire semblant de respecter les règles du jeu, et il y a des transactions financières et autres douteuses dans certains de ces pays. Mais la SEE joue le jeu et respecte les règles.

Monsieur le président, j'aimerais bien reparler de cette question quand les témoins reviendront nous voir, et de toute la question du Compte du Canada par opposition au compte normal de la SEE, ainsi que de la question de savoir si les règles du jeu sont en train de changer maintenant avec l'OMC.

M. Gillespie: Nous serons ravis de revenir en discuter. Il faut bien souligner cependant que la SEE est le modèle par rapport auquel on juge les autres organismes de crédit à l'exportation; en fait, ces autres organismes de crédit à l'exportation sont très jaloux du fait que la SEE a la capacité et la souplesse nécessaires pour répondre aux besoins des entreprises canadiennes.

Le sénateur Kelleher: J'aimerais tout d'abord faire table rase de deux situations de conflit avant de commencer mes questions.

Premièrement, je suis avocat chez Gowlings. Je n'ai pas joué le moindre rôle dans la rédaction de ce rapport. Je n'y ai jamais été associé de près ou de loin et je n'en ai jamais parlé avec qui que ce soit. Je ne l'ai même pas vu avant qu'il soit publié.

Mon deuxième conflit vient du fait j'étais l'ancien ministre et qu'en théorie la SEE faisait rapport par mon intermédiaire. Je vais révéler un certain parti pris en disant que durant mon mandat de ministre -- et je le dis officiellement -- je pense que la SEE a fait du bon travail. Je n'ai entendu que très rarement des plaintes à son sujet.

M. Gillespie: Merci pour cette remarque, sénateur.

Le sénateur Kelleher: Les compliments étant terminés, je voudrais vous faire part de mes inquiétudes. La recommandation 19 porte sur l'établissement de lieux d'affaires à l'étranger. Je dois dire que cela m'inquiète. Vous n'êtes pas d'accord pour dire qu'il faudrait obtenir l'approbation du ministre du Commerce pour établir des bureaux à l'étranger. Très franchement, je ne suis pas de votre avis. Et ce, pour plusieurs raisons. Pour établir un bureau à l'étranger, même un bureau pour une ou deux personnes, il faut compter environ 1 million de dollars par an, je le sais pour avoir travaillé dans ce domaine à une certaine époque. C'est très cher d'ouvrir un bureau à l'étranger. Je ne sais pas à quoi vous pensez ici, mais je n'aurais pas d'objection s'il s'agissait d'envoyer une personne dans une ambassade ou un consulat canadien à l'étranger. C'est une solution valable; nous avons cela avec la GRC et l'Immigration; mais l'idée d'ouvrir des bureaux distincts et indépendants me gêne.

Deuxième préoccupation à ce propos, chaque ministère du gouvernement veut installer son propre bureau commercial à l'étranger. Le ministère de l'Agriculture tente toujours de le faire, le ministère des Pêches aussi. Nous constatons que cela tend à éparpiller les activités commerciales à l'étranger et ce n'est pas une bonne chose pour le commerce.

Quels sont vos projets à cet égard?

M. Gillespie: Notre désaccord avec Gowlings remonte à la question de la régie. Étant donné la composition actuelle du conseil, qui compte parmi ses membres le sous-ministre des Affaires étrangères et du Commerce international ainsi qu'un représentant du ministère des Finances, pour n'en nommer que deux, le ministère n'a pas de difficulté à faire valoir ses opinions dans ce contexte.

Nous fonctionnons comme une institution financière commerciale; par conséquent il n'est pas question d'ouvrir un bureau à moins de pouvoir démontrer clairement au conseil que c'est une proposition rentable et que cette activité représente une valeur ajoutée. Nous ne cherchons nullement à jouer le rôle des délégations commerciales ou à nous substituer à leurs services dans les différents pays du monde. C'est un excellent service et notre rôle est tout à fait différent.

Le problème, c'est qu'actuellement nous n'avons pas le pouvoir d'ouvrir des bureaux à proprement parler. Nous avons en ce moment une représentation à Beijing. Nous envisageons de placer un représentant à l'ambassade canadienne à Mexico ainsi qu'à Sao Paulo, au Brésil. Cependant, au fur et à mesure que ce modèle d'affaires va s'étoffer, les gens vont vouloir savoir si nous avons le pouvoir d'ouvrir des bureaux. La réponse est: «Eh bien, nous n'en avons pas vraiment le pouvoir mais nous pouvons placer un représentant là.» Il faut y remédier.

À certains endroits, il est plus logique de ne pas partager les locaux de l'ambassade, pour de bonnes raisons, tout à fait justifiées, particulières à ce marché, au plan culturel ou autre. Nous voulons uniquement avoir suffisamment de souplesse pour réagir. Ici, nous adoptons une vision à long terme en cherchant les formules les plus appropriées. À notre avis, très simplement, si nous présentons au conseil d'administration une proposition d'affaires solide et que celui-ci l'accepte en entendant l'avis de divers administrateurs du secteur public qui s'y trouvent, cela devrait suffire.

Le sénateur Kelleher: Bon, vous avez mon point de vue. Nous avons le vôtre.

Le domaine suivant est assez délicat. Il concerne les recommandations 31, 32, 33 et en partie 34, où il est question d'environnement et de lignes directrices environnementales et aussi de droits de la personne. Je sais que dans le cadre de l'ALENA, il existe certaines dispositions spéciales pourrait-on dire pour l'environnement et les conditions de travail. Nous savons tous, après avoir regardé la télévision le soir, que les problèmes d'environnement sont présents à Seattle.

Nous savons tous deux que nos concurrents internationaux ne suivent pas toujours les règles. Nous savons tous ce qui se passe pour le financement commercial, quels sont les taux exigés et les montages douteux qui se font. Je ne vois pas pourquoi le Canada ne serait pas en première ligne pour essayer d'établir des lignes directrices appropriées. C'est très bien. L'objectif en vaut la peine. Toutefois, j'ai un peu peur que si nous voulons nous mettre en avant dans ce domaine, nous ne soyons prêts, pour être comme la femme de César, à accepter nous-mêmes ces directives avant même qu'elles aient été acceptées par nos concurrents. Si nous commençons à le faire, nous savons tous les deux que nous ne pourrons pas réaliser grand-chose. Je vous vois hocher la tête.

M. Gillespie: Nous sommes sur la même longueur d'onde sur ce point.

Le sénateur Kelleher: J'aimerais bien entendre ce que vous pourrez me dire pour atténuer mes craintes à ce chapitre.

M. Gillespie: Je vais demander à M. Siegel de vous répondre plus précisément, mais nous sommes bien d'accord, nous devons absolument trouver le juste équilibre. C'est pour cela que nous n'approuvons pas la solution proposée par Gowlings.

Le sénateur Kelleher: J'ai remarqué et je suis de votre avis.

M. Gillespie: Si nous plaçons la barre tellement haut que tous les autres se réjouissent de voir que les Canadiens ne peuvent plus jouer, cela ne nous aide pas à exporter nos produits dans le monde et au contraire les entreprises canadiennes seraient encore moins compétitives. En même temps, nous nous rendons compte qu'il est important de prendre les commandes et de jouer un rôle de premier plan sur ce point à l'échelle internationale.

M. Siegel peut vous donner des précisions sur ce que nous avons fait à cet égard.

M. Siegel: Il y a plusieurs domaines dans lesquelles nous n'approuvons pas les recommandations en commençant par l'idée de l'examen environnemental qui devrait être intégré à la loi.

La SEE a déjà reconnu que l'on ne pouvait pas faire de commerce international sans penser aux risques environnementaux et je ne parle pas uniquement des émissions, il s'agit aussi des problèmes sociaux. Cela fait partie de l'étude environnementale. Nous devons nous axer sur cette évaluation; c'est une bonne façon de gérer les risques et c'est aussi faire preuve de civisme.

Nous avons déjà pris des mesures et mis au point notre propre cadre d'examen environnemental. Nous n'avons pas décidé de nous lancer là-dedans tout d'un coup. Nous le faisons depuis longtemps mais nous avons trouvé qu'il était impératif de faire mieux connaître au public l'approche de la SEE en matière d'évaluation environnementale pour les différents projets bénéficiant d'une aide. Nous avons élaboré un cadre qui énonce clairement la façon dont nous procédons à un examen environnemental, la portée de celui-ci, le partage des responsabilités pour ce qui est de la présentation des renseignements et enfin la position générale de la SEE. Il apparaît très clairement que la SEE se réserve le droit de refuser un certain projet si les répercussions environnementales sont trop élevées. Si nous voyons après avoir étudié les risques pour l'environnement et les mesures d'atténuation qui pourraient être utilisées, que l'impact environnemental est trop lourd par rapport aux avantages du projet, nous allons le refuser. Nous l'avons dit très clairement. Je crois inutile d'aller plus loin.

La SEE est en avance sur le marché à cet égard. La majeure partie des organismes de crédit à l'exportation n'ont pas de cadre de ce genre. Si cela devient encore plus formel, la SEE sera encore avantagée, mais la SEE veut jouer un rôle de chef de file. Nous sommes en train de mettre au point un cadre qui est assez équilibré, qui protège les renseignements qui nous sont fournis mais nous engage et nous oblige à tenir compte de l'examen environnemental, et nous pouvons maintenant défendre notre position et en faire la promotion auprès des autres organismes de crédit à l'exportation. C'est ce que nous avons fait.

Dans le consensus de l'OCDE, nous avons beaucoup contribué à faire accepter ces principes par les autres organismes de crédit à l'exportation et nous les avons encouragés à adopter un cadre semblable en vue de devenir véritablement responsables. Effectivement, nous faisons monter le niveau d'ensemble au lieu de nous mettre dans une position défavorisée par rapport aux autres.

Je ne vais pas entrer dans les détails mais nous avons pris des mesures analogues avec le Programme des Nations Unies pour l'environement et nous sommes et nous sommes le seul organisme de crédit à exportation à y participer. Cela étant dit, il faut maintenir un juste équilibre.

Je le répète, nous ne sommes pas d'accord avec les conclusions de Gowlings selon lesquelles nous devrions adopter les lignes directrices ou les normes de la Banque mondiale comme un minimum pour la SEE. On compare «des pommes et des oranges». Il s'agit d'un organisme de développement qui se trouve dans un environnement totalement différent, d'où la concurrence est absente. Il s'agit de donner un avis à un conseil élaborant un projet depuis la base sur la façon d'intégrer les normes et les questions environnementales. L'organisation ne se trouve pas dans un environnement compétitif, où l'acheteur a déjà décidé d'entreprendre un projet et invite maintenant des concurrents. D'après nous, c'est une erreur de penser que l'on peut appliquer les lignes directrices de la Banque mondiale à la NECA.

Cela dit, nous suivons de très près les lignes directrices de la Banque mondiale et toutes les autres directives appropriées et les projets bénéficiant de l'aide de la SEE dans des secteurs industriels sensibles respectent ou dépassent les directives de la Banque mondiale.

Enfin, nous n'acceptons pas non plus ce qui a été dit dans le domaine de l'accès à l'information. Pour beaucoup d'ONG, la seule façon de savoir si la SEE assume ses responsabilités en matière d'environnement, est d'avoir un accès libre et ouvert aux renseignements concernant les projets. Je reviens aux commentaires précédents sur le fait que la plupart des projets dont nous nous occupons font partie du domaine commercial. Les renseignements nous sont fournis sur une base strictement confidentielle commercialement. Les évaluations environnementales n'appartiennent pas toujours à la SEE. Il serait difficile, voire même impossible, pour la SEE de se conformer à une formule de ce genre.

Le sénateur Tkachuk: Vous ne pouvez peut-être pas répondre à cela mais j'aimerais bien avoir une réponse avant de rencontrer les membres du groupe Gowlings, si c'est possible. D'après notre rapport, vous avez eu 3 200 clients en 1997. Pouvez-vous me fournir les demandes par région aussi? Cela m'intéresserait. Autrement dit, combien de demandes avez-vous reçues de la Colombie-Britannique, d'Alberta, de Saskatchewan, et dans les autres régions du pays jusque les provinces atlantiques? J'aimerais avoir le nombre total de demandes de façon à comparer avec le nombre qui se trouve dans votre base de clients.

Vous avez dit que Bombardier, par exemple, était un client. Quels seraient vos 10 plus gros clients au Canada?

M. Gillespie: En dehors des quelques premiers, il faudrait que j'essaie de deviner, sénateur. Nous pourrions rapporter ces renseignements au comité.

Le sénateur Tkachuk: Qui seraient les numéros un, deux et trois, alors?

M. Gillespie: Il y a des sociétés comme Nortel et Bombardier dans la catégorie moyenne pour les biens en capital mais il y a aussi beaucoup de très grandes compagnies canadiennes qui ont recours à nos produits d'assurance à court terme, par exemple, lorsqu'elles exportent des produits agroalimentaires, de la potasse ou des produits forestiers, où il y a des marges très importantes. Nous prenons le risque sur leurs activités étrangères.

Le sénateur Tkachuk: Pourriez-vous me les classer par catégorie assurance et octroi de crédit à leurs clients, si c'est possible? Là encore, ce n'est pas à faire aujourd'hui. Je ne sais pas exactement comment vous travaillez avec chacune de ces sociétés.

M. Gillespie: Pour certaines de ces activités, surtout s'il s'agit de court terme, nous devons être prudents quant à la confidentialité. Il faudra que je consulte mon conseiller juridique pour savoir ce que nous pouvons vous donner de ce point de vue. Certaines données sont manifestement du domaine public. D'autres sociétés qui utilisent notre assurance à court terme ne veulent pas nécessairement que tout le monde sache qu'elles ont recours aux services de la SEE; ce serait un désavantage au plan de la concurrence.

Le sénateur Tkachuk: Je comprends. Je vous pose cette question en raison de la recommandation Gowlings sur la décentralisation; j'essaie de comprendre les raisons parce que je vais leur poser les mêmes questions.

M. Gillespie: Nous vous donnerons le profil des clients dans l'ensemble du pays pour que vous sachiez où ils se trouvent.

Le président: Je voudrais remercier les témoins. Cette séance a été très intéressante et nous espérons les revoir bientôt, sans doute dans le courant de l'année prochaine.

M. Gillespie: Merci de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous.

La séance est levée.


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