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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 10 - Témoignages du 1er mars 2000


OTTAWA, le mercredi 1er mars 2000

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à qui a été renvoyé le projet de loi C-202 modifiant le Code criminel (fuite), se réunit ce jour, à 15 h 53, pour étudier le document.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Nous entendrons cet après-midi des représentants de l'Association canadienne des policiers et policières, ainsi que des représentants de la Fédération des policiers et policières du Québec. Nous avons reçu vos mémoires imprimés, ainsi que les lettres que M. Prud'homme nous a fait parvenir de différentes villes de la province du Québec, en appui au projet de loi C-202. Nous avons des lettres de Sherbrooke, Trois-Rivières-Ouest, Shawinigan-Sud, Shawinigan, Bromont, Baie-Comeau, Trois-Rivières, Cap-de-la-Madeleine, Saint-Hyacinthe et de la municipalité de Pointe-du-Lac.

Je dois signaler que nous avons parmi nous, à titre d'observateur plutôt que de témoin, la soeur de Richard McDonald, l'agent de police de Sudbury qui est mort récemment au cours d'une poursuite.

M. David Griffin, agent exécutif, Association canadienne des policiers et policières: Aujourd'hui, je vais commencer par présenter quelques remarques avant de céder la parole à M. Prud'homme. Ensuite, nous serons à votre disposition pour répondre aux questions des membres du comité. Nous avons lu les transcriptions des séances précédentes et nous sommes donc prêts à traiter de certaines questions soulevées au cours de réunions précédentes. Nous espérons être d'une certaine utilité au comité dans l'examen de ce projet de loi.

Je dois vous prier de nous excuser au sujet du mémoire que nous avons présenté au nom de l'Association canadienne des policiers et policières. Nous venons tout juste de réaliser que la version du projet de loi que nous avons insérée à l'onglet 1 n'est pas la bonne. Cependant, vous trouverez dans les autres annexes des informations qui, à notre avis, seront utiles au comité pour comprendre certaines questions concernant les poursuites et les méthodes appliquées dans d'autres régions du Canada.

La présidente: Nous avons des exemplaires de la dernière version du projet de loi.

M. Griffin: Oui, bien sûr. L'Association canadienne des policiers et policières représente le personnel policier de première ligne de toutes les régions du Canada. En plus de compter des associations membres représentant les dix provinces canadiennes, nous regroupons les représentants de la GRC, ainsi que des services policiers des chemins de fer CN et CP. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant le comité pour témoigner en faveur du projet de loi C-202. Nous pensons pouvoir être utiles à vos travaux sur cette question ainsi que sur les autres questions concernant la réforme de la justice en présentant les points de vue et les préoccupations des policiers et policières de première ligne. À titre de professionnels qui consacrent leur vie à assurer la sécurité de leur communauté et à réduire la criminalité, nos membres sont vivement conscients des risques courus par le public et la police lorsque le conducteur d'un véhicule à moteur tente d'échapper à l'appréhension en refusant de s'arrêter sur l'ordre d'un policier ou d'une policière.

Nous prenons les poursuites très au sérieux. La mort de notre collègue, le sergent Richard McDonald des services policiers régionaux de Sudbury, survenu en juillet 1999, constitue un douloureux rappel du coût en vies humaines qu'entraîne un comportement aussi téméraire et irréversible, et accentue le besoin d'imposer de lourdes sanctions aux conducteurs qui choisissent de mettre en péril leur propre vie et la vie d'autrui en tentant d'échapper à la police.

L'agent Richard Sonnenberg de Calgary et l'agent Dominique Courchesne de Joliette, sont morts tous deux dans des circonstances analogues, le premier en 1993 et le second en 1998. Ils ne sont pas les seuls agents de police à avoir trouvé la mort au cours de poursuites, mais ce sont les cas les plus récents.

Comme l'a mentionné la présidente, la soeur de Rick, Marlene Viau, est parmi nous aujourd'hui afin de manifester l'appui de sa famille à ce projet de loi. Marlene, la femme de Rick Corinne Fewster-McDonald et la famille McDonald espèrent que les événements tragiques qu'elles ont vécus peuvent servir de leçon et oeuvrent en collaboration avec les agents de police, les députés et les citoyens et citoyennes qui partagent leur point de vue, pour examiner les moyens qui nous permettront d'éviter que de telles tragédies se reproduisent.

Marlene veut se faire la porte-parole de son frère. En tant que président de l'Association régionale des policiers et policières de Sudbury, Rick s'était rendu à Ottawa huit mois avant sa mort afin d'intervenir auprès du gouvernement en faveur de ce même projet de loi. Il était convaincu que ce projet de loi pouvait sauver des vies. Marlene est ici aujourd'hui pour reprendre le flambeau de Rick.

Cependant, les agents de police ne sont pas les seuls à courir des risques dans les poursuites. Selon un récent rapport du ministère du Solliciteur général et des Services correctionnels de l'Ontario, plus d'un quart des poursuites routières entraînent des dommages matériels, des blessures ou la mort. Près de la moitié des poursuites, environ 43 p. 100, entraînent à la fois des dommages matériels, des blessures et la mort. Environ 9 p. 100 des poursuites entraînent des blessures aux passagers du véhicule poursuivi, 5 p. 100 entraînent des blessures à un policer, 1,5 p. 100 entraînent des blessures à une tierce partie et, heureusement, moins de 0,5 p. 100 des poursuites entraînent la mort. Ces statistiques donnent une idée des coûts humains réels. Trente-trois personnes ont été tuées en Ontario de 1991 à 1997 au cours d'une poursuite policière, et 2 415 ont été blessées. Ces statistiques concernent uniquement l'Ontario.

Entre autres fonctions prescrites par la loi, il incombe aux policiers et policières d'enquêter sur les actes criminels, d'appliquer le Code de la route, d'appréhender les contrevenants et de faire déposer des accusations dont la Couronne sera saisie en vue d'une poursuite judiciaire. Dans le cadre de ces fonctions, il est entendu que les policiers doivent demander aux automobilistes de s'arrêter pour une foule de raisons, dont les infractions au Code de la route et les infractions au Code criminel. Les personnes ayant commis une infraction criminelle telle qu'un vol qualifié, un vol avec effraction, un cambriolage ou une infraction en matière de drogue, utilisent souvent un véhicule à moteur comme moyen de transport ou pour fuir les lieux du crime. Grâce à leur formation, les policiers et policières font preuve de prudence lorsqu'il leur faut immobiliser un véhicule à moteur en raison d'une simple infraction au Code de la route, sachant que cette infraction routière peut s'avérer le symptôme d'agissements beaucoup plus graves.

En refusant d'immobiliser son véhicule à moteur lorsque le policier lui indique de le faire, le conducteur qui choisit de fuir crée une situation qui met indûment en péril le public, le policier et les passagers du véhicule poursuivi. Pratiquement tous les services canadiens et organismes provinciaux de police disposent de lignes directrices établies faisant état des facteurs qu'un policier doit prendre en compte avant d'entamer ou de continuer une poursuite. Un policier doit notamment tenir compte: de la gravité de l'infraction; des conditions météorologiques et routières; de la région parcourue et de la présence d'autres automobilistes ou piétons; des risques pour la sécurité du public par comparaison à la nécessité d'appréhender le contrevenant; de l'âge apparent du conducteur; et de la façon dont le véhicule est conduit. La décision que prend le policier en une fraction de seconde dans ces circonstances fera souvent l'objet d'un examen minutieux qui est susceptible d'entraîner des conséquences d'ordre disciplinaire ou criminel.

En 1997, 30 p. 100 des poursuites en Ontario furent interrompues par le policier ou par son supérieur d'après ces critères. Par exemple, si le policier avait identifié le conducteur du véhicule et qu'il pouvait l'appréhender ultérieurement sans mettre le public en péril, il était susceptible d'interrompre la poursuite. Malheureusement, le comportement ayant suscité l'intervention policière ne cesse pas toujours lorsque la police interrompt la poursuite. Il n'est pas rare que le conducteur continue à rouler de manière imprudente après le désistement de la police et que le contrevenant ou des tiers innocents en subissent les conséquences tragiques.

Voilà précisément la raison pour laquelle nous maintenons que les politiques interdisant les poursuites sont erronées. Sachant que la police ne poursuivra pas les conducteurs dangereux, les gens seront davantage portés à tenter d'échapper à l'appréhension en fuyant à haute vitesse. Nous prétendons aussi que si les contrevenants se rendent compte que la police est moins susceptible d'engager la poursuite, ils seront plus enclins à tenter de se soustraire à l'appréhension.

Malheureusement, le Code criminel du Canada ne prévoit présentement aucune sanction visant le conducteur d'un véhicule à moteur qui choisit de faire engager la poursuite par le policier. Les dispositions actuelles du code à l'égard de la conduite dangereuse ne prévoient aucune sanction appropriée pour un tel comportement dangereux et les casiers judiciaires résultant de telles condamnations ne mentionnent pas spécifiquement la nature de l'infraction commise. Ils ne tiennent pas compte, en vue d'infractions ultérieures, du fait que le contrevenant tentait en fait d'échapper à la police.

Nous maintenons que la réaction appropriée des législateurs consiste à appuyer la réaction pondérée des policiers et policières du Canada en introduisant de lourdes sanctions visant les contrevenants qui tentent d'échapper à la police à bord d'un véhicule à moteur. L'Association canadienne des policiers et policières appuie les mesures que propose le projet de loi C-202. L'introduction de lourdes sanctions pénales assorties de mesures stratégiques adoptées par les autorités locales et les services policiers répondront avec équilibre et pondération à cette grave préoccupation en matière de sécurité publique.

Je vais maintenant céder la parole à mon collègue M. Prud'homme.

[Français]

M. Yves Prud'homme, président, Fédération des policiers et policières du Québec: Je tiens à vous remercier de nous permettre de discuter de ce projet de loi que l'Association canadienne et la Fédération canadienne des policiers et des policières municipaux se sont engagés à défendre au nom de leurs membres.

La Fédération des policiers et des policières municipaux du Québec représente la quasi totalité des hommes et des femmes qui ont décidé de travailler à la sécurité de leurs concitoyens, soit plus de 8 000 policiers, comprenant les 4 100 policiers de la Communauté urbaine de Montréal.

Depuis un certain temps, la fédération est sans cesse interpellée par ses membres pour dénoncer le laxisme de la loi à l'égard des conducteurs qui refusent d'obtempérer à un ordre d'un agent de la paix lorsqu'il demande à un conducteur de s'immobiliser. Nous considérons que fuir la police est criminel, surtout lorsque l'on analyse les conséquences, les pertes de vies humaines et les dommages matériels illimités. Non seulement la sécurité des citoyens est compromise mais aussi la sécurité de nos membres. Pour ces raisons, celui qui fuit la police ne risque pas grand-chose sur le plan criminel actuellement. Je vous réfère au résumé que nous vous avons présenté concernant l'article 249.(1) du Code criminel qui se lit comme suit:

249(1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas:

a) un véhicule à moteur d'une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l'état du lieu, l'utilisation qui en est faite ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu;

Comme on peut le voir, les conditions d'application de cette disposition sont très restrictives au niveau de l'accusation en tant que telle. Quant à nous, les échappatoires sont nombreux. Elle ne répond plus aux besoins criants de sanctionner le comportement répréhensible et qui, en bout de ligne, peut occasionner le décès d'un citoyen totalement étranger à l'événement.

L'ajout d'une telle infraction constitue un message clair à ceux et celles qui vivent en marge de notre société. Nous sommes persuadés que l'adoption de ce projet de loi C-202 aura un effet dissuasif sur ces personnes qui vivent en marge de nos lois et règlements.

Il est important de comprendre que les lois et les règlements sont pour les policiers des moyens, nos outils de travail. Lorsque nous avons certaines absences à certains égards, il est beaucoup plus difficile de veiller à la sécurité de nos concitoyens.

Les sanctions rattachées à l'attribution des permis ne nous apparaissent pas non plus suffisantes au moment où on se parle. Le Code criminel et le Code de la sécurité routière ne condamnent pas suffisamment ces délinquants. Nous avons parfois l'impression que l'on s'attarde plus à limiter les pouvoirs d'intervention des policiers. Il faut nous comprendre. On ne s'attarde pas suffisamment à limiter les actions des auteurs des actes criminels qui ont le beau jeu.

En 1998, seulement sur le territoire de la CUM, nous avons dénombré 81 poursuites à haute vitesse. Cela ne tient pas compte des poursuites à haute vitesse lorsqu'on a mis fin à ces poursuites parce que nous n'avons pas été en mesure de mettre sous arrestation les chauffards. Seulement sur le territoire de la CUM, les 4 100 policiers de la communauté ont eu à faire face à 81 poursuites à haute vitesse dans un centre urbain aussi important.

[Traduction]

La présidente: C'est 1991 ou 1981?

M. Prud'homme: 1981.

La présidente: Au cours de la dernière année?

Mme Christine Beaulieu, coordonnatrice des communications, Fédération des policiers et policières du Québec: 1998.

[Français]

M. Prud'homme: En 1998. Ce territoire de la communauté représente 47 p. 100 des effectifs policiers municipaux au Québec. On se rappellera et M. Griffin en a parlé, à Joliette, le policier Dominique Courchesne a été tué en juillet 1998, alors qu'il s'affairait à retirer un tapis clouté pour mettre un terme à la poursuite. Malheureusement et ironie du sort, c'est une auto-patrouille de la Sûreté du Québec qui l'a happé mortellement. Devant cette situation, l'auteur de la poursuite, celui qui a initié la poursuite n'a eu aucune accusation du Code criminel, malgré qu'il a été l'élément déclencheur de cet événement. Le Code criminel est ainsi fait.

Au cours de l'été, à Trois-Rivières-Ouest, un M. Bois a pris la fuite avec une auto-patrouille. Il a été à la source du décès de deux citoyens qui n'avaient rien à faire avec le fameux événement. Il a pris l'autoroute 40 en sens inverse. Ce sont les récents événements au Québec. Ils ont fait en sorte que plusieurs municipalités ont fait des représentations auprès de l'Union des municipalités du Québec afin que toutes les municipalités adoptent des résolutions pour appuyer les démarches de la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec, au même titre que celle de l'ACP, afin que le gouvernement adopte le projet de loi C-202.

La fédération demande au Sénat d'amender le Code criminel dans le sens suggéré par le projet de loi C-202 afin de criminaliser un comportement de nature criminelle qui reste présentement impuni pour nous aider à veiller à la sécurité de tous les Canadiens et Canadiennes, y compris nos confrères et consoeurs qui sont impliqués dans ces événements.

Le sénateur Beaudoin: Vous dites que la législation existante n'est pas assez ciblée. Le projet de loi remplit un vide.

M. Prud'homme: C'est exact.

Le sénateur Beaudoin: Si une personne n'obtempère pas aux ordres de la police et s'enfuit, vous êtes paralysé car cet article 249.(1) est très général. Il y a beaucoup plus de véhicules à moteur aujourd'hui que de trains, le temps est venu de pallier à ce besoin.

Je suis d'accord avec le principe du projet de loi. Par ailleurs, on s'est interrogé sur la question des sentences, mais il me semble que le juge peut baser sa sentence d'après les circonstances. Il a beaucoup de latitude, de sorte que les punitions et les sentences ne sont pas automatiques. Je considère, les alinéas (3) et (4) où l'on retrouve les mots suivants: «conduite dangereuse, lésions corporelles; conduite dangereuse, la mort.» Cela va tout de même jusqu'à 14 ans. Est-ce adéquat selon votre expérience?

M. Prud'homme: J'aimerais vous demander une précision à propos de cette question. Voulez-vous que je commente le projet de loi ou ce qui existe actuellement?

Le sénateur Beaudoin: Je veux savoir ce qui existe actuellement et, en deuxième lieu, en quoi ce projet de loi améliore la situation.

M. Prud'homme: Concernant la sentence, il a tout à fait raison, le juge a toujours une latitude. Sauf qu'en ajoutant les articles du projet de loi C-202, il y a aussi l'élément d'accessibilité aux libérations conditionnelles qui est, quant à nous, un élément important. Prenons l'événement de Trois-Rivières-Ouest où la personne s'est enfuie avec l'auto-patrouille, en sens inverse, et a refusé d'obtempérer aux ordres des policiers sur les lieux. Lorsqu'on l'a condamnée, parce que je crois qu'il a été reconnu coupable, il y avait des accusations de conduite dangereuse dérobée, vol d'auto, et cetera. Si nous avions eu le projet de loi C-202, une accusation supplémentaire aurait pu être portée, soit le fait d'avoir refusé d'obtempérer à un ordre d'un agent de la paix, avec les peines que nous connaissons dans le projet de loi.

Actuellement on peut, lorsqu'un policier tente d'intercepter un conducteur à bord d'une auto volée, accuser l'individu de conduite dangereuse, comme le prescrit l'article 249 du Code criminel, qui est vague, très large et qui comprend, selon nous, beaucoup d'échappatoires, et aussi d'après le Code de la sécurité routière avec l'émission de contraventions. Mais cela n'apparaît jamais dans le dossier de l'individu, si nous arrivons à lui mettre la main au collet et à le mettre sous état d'arrestation, il n'est pas fait mention des circonstances dans lesquelles l'arrestation de cette personne a été effectuée. Le fait d'avoir refusé d'obtempérer n'est pas inscrit au dossier du récidiviste ou de tout citoyen qui se fait arrêter dans ce sens.

Nous sommes d'avis que le fait d'en faire une infraction totalement distincte lancera un message clair et remplacera ce vide qui existe à l'article 249. Je dois aussi vous préciser que de mémoire d'homme, je ne me rappelle pas avoir vu une sentence maximale de 14 ans imposée par un juge pour conduite dangereuse.

Le sénateur Beaudoin: Il y a combien de cas de ce genre annuellement, par exemple au Québec ou en Ontario?

M. Prud'homme: Il nous a été très difficile de faire ce recensement, et ce pour une raison simple: le fait de refuser d'obtempérer ne constitue pas un acte criminel. Nous n'avons donc pas de statistiques à cet égard. Qui plus est, c'est une chose lorsque nous réussissons à mettre sous arrêt les fuyards, mais combien -- 30 p. 100 et plus -- nous échappent pour plusieurs raisons.

Il y a des procédures très strictes au sein des organisations policières. Un policier doit mettre un terme, selon les circonstances, à la poursuite policière, donc plusieurs, dans le 30 p. 100, ne sont jamais comptabilisés parce qu'on ne met pas sous arrêt ces personnes. Je représente au Québec quelque 130 organisations policières, en plus de la CUM, et cette statistique est difficile à retrouver parce que, d'abord et avant tout, ce n'est pas un acte criminel.

J'ai même fait des vérifications au niveau de la Sûreté du Québec, et je peux vous dire que la même fin de semaine où les événements de Trois-Rivières-Ouest se sont produits, deux autres poursuites à Laval, impliquant les policiers de la Sûreté du Québec et les policiers et policières de Laval, se sont produites.

Même au niveau de la Sûreté du Québec, on n'a pas été en mesure de mettre la main sur des statistiques. Je pense que M. Griffin a réussi à en compiler pour le reste du Canada, mais nous n'en avons pas plus de 81 sur le territoire de la CUM.

[Traduction]

M. Griffin: À l'onglet 5 de notre mémoire, nous avons inséré un exemplaire du rapport rédigé par le ministère du Solliciteur général de l'Ontario. Cette province exige depuis plusieurs années que les services de police présentent un rapport dans le cas de chaque poursuite. Cela a permis d'établir des statistiques depuis 1991. Vous pourrez constater à la lecture de ce rapport que le ministère ontarien a étudié ces chiffres sous divers angles. Le rapport fait état des différents types d'incidents, de l'âge du conducteur et du type d'infraction que fuit le conducteur. Ces statistiques mènent à certaines conclusions assez fondamentales que j'ai évoquées dans mes remarques préliminaires.

Pour ce qui est des condamnations, j'aimerais souligner quelques points. Je sais que des membres du comité ont manifesté certaines inquiétudes au sujet de la peine d'emprisonnement à perpétuité et également au sujet des 14 ans. À mon avis, la sanction pour cette infraction doit être aussi sévère, peut-être même plus que celle qui s'applique à l'infraction dont le délinquant cherche à se soustraire. Prenez par exemple le cas d'un conducteur qui heurte un enfant, le laisse pour mort et tente de s'enfuir pour ne pas se faire prendre. On s'attendrait normalement à ce que le conducteur soit sanctionné pour ne pas s'être arrêté et pour tenter d'échapper à la police en cas de poursuite, parce que ce conducteur commet un acte très grave.

Deuxièmement, je veux signaler qu'il n'y a pas de sanction minimale dans ce cas. Par exemple, une personne qui commet une négligence criminelle causant la mort est passible d'une peine d'emprisonnement à perpétuité, mais si elle utilise une arme à feu dans la perpétration de cette infraction, elle est passible d'une condamnation minimale de quatre ans. Nous estimons que l'utilisation d'un véhicule à moteur peut souvent être aussi dangereuse que celle d'une arme à feu. Nous aurions souhaité l'imposition d'une peine minimale dans certaines circonstances, mais nous estimons que le projet de loi est équilibré.

Les éléments essentiels de l'infraction sont tels qu'ils s'appliquent à toute une gamme de situations, du jeune délinquant qui fuit brièvement la police avant de se faire arrêter, jusqu'au délinquant qui entraîne la police dans une poursuite de 32 kilomètres, comme ce fut le cas pour l'agent McDonald. Ce dernier a été frappé par le véhicule alors qu'il tentait d'installer une ceinture cloutée. On passe d'un extrême à l'autre.

Nous pensons qu'il est nécessaire de disposer d'une gamme de sanctions. Nous pensons que les condamnations à l'emprisonnement à perpétuité transmettent un message important. Elles ne signifient pas que le condamné sera emprisonné toute sa vie, mais qu'il ne sera admissible à la libération conditionnelle qu'au bout de sept ans. Les condamnés obtiennent généralement une libération conditionnelle après un tel séjour à l'ombre. S'ils récidivent par la suite, il est plus facile pour la police de se montrer plus exigeante envers eux qu'envers une personne qui n'est pas en libération conditionnelle.

Le sénateur Fraser: Je suis fascinée par ces statistiques que nous espérions obtenir un jour.

[Français]

Monsieur Prud'homme, concernant les 81 cas relevés à la CUM, avez-vous recueilli des informations relativement à la nature des crimes qu'auraient commis ces personnes qui ont été poursuivies? Est-ce que ce serait à peu près la même situation à Montréal qu'en Ontario?

M. Prud'homme: Nous avons pu dénombrer sur le territoire de la CUM, que quelques blessés en 1998, beaucoup de dommages, mais pas de décès.

Le sénateur Fraser: Mais pour les gens qui conduisaient les véhicules et qui étaient poursuivis, est-ce que vous avez des indications de leur âge, par exemple?

M. Prud'homme: Non. La majorité des fuyards avaient commis une infraction au Code de la sécurité routière et étaient en possession d'un véhicule volé. Nous initions la volonté d'intercepter à la suite d'une infraction au Code de la sécurité routière, et les véhicules étaient tous volés.

Le sénateur Fraser: Tous. C'est extrêmement intéressant.

[Traduction]

J'ai essayé de définir les principes philosophiques qui sous-tendent ce projet de loi. Je ne pense pas qu'il s'agisse à proprement parler de principes philosophiques, mais j'en ai décelé deux. Le premier est, d'après nous, que le projet de loi épargnera à la police certaines poursuites à haute vitesse. Toutefois, puisque les délinquants utilisent des voitures volées dans la plupart des cas, il est impossible de les identifier. En conséquence, il ne sera pas possible d'éviter de nombreuses poursuites à haute vitesse si vous avez surtout affaire à des délinquants qui ont volé des voitures.

M. Griffin: Cela dépend. Bien sûr, il y a des statistiques. Nous avons essayé de vous fournir un maximum d'informations.

Le sénateur Fraser: Oui, je viens de commencer à les regarder.

M. Griffin: Je vous invite à consulter les pages 7 et 8 à l'onglet 5. Ce sont deux tableaux qui replacent tous les chiffres en contexte. Le premier fait état des types d'infractions que fuient les délinquants -- c'est-à-dire les infractions très graves qui donnent lieu à une poursuite. Le deuxième tableau présente des caractéristiques relatives au conducteur. Les causes d'inquiétude ne sont pas uniquement les poursuites de la police, mais également les jeunes impliqués dans des accidents de la circulation en général.

À la page 8, les statistiques révèlent que les jeunes contrevenants ne sont impliqués que dans 20 p. 100 des poursuites mais dans 30 p. 100 des accidents qui entraînent des blessures ou la mort. On peut donc constater, comme l'indiquent d'autres rapports sur la conduite avec facultés affaiblies et autres accidents de la circulation, que les jeunes conducteurs posent problème. À partir du moment où les agents de police peuvent identifier le conducteur, ils décideront probablement de ne pas partir à sa poursuite. Si les agents de police savent que le chauffeur est un jeune contrevenant et que la raison qui les amèneraient à arrêter le véhicule n'est pas grave, ils ne partiront pas à sa poursuite. Cependant, on ne peut pas dire que cela éliminera à tout coup les poursuites. Une fois que la police a décidé de cesser la poursuite, il est plus facile d'accuser le délinquant lorsqu'il est possible de l'identifier par la suite. Lorsque le véhicule est abandonné et que l'on peut prélever des empreintes digitales, il est possible de porter plus tard des accusations contre ce conducteur.

Le sénateur Fraser: Je pensais plutôt à la réaction que pourrait avoir un agent de police qui verrait un individu sortir en courant d'une banque, sauter dans une voiture et partir à toute vitesse. Si vous soupçonnez, d'après les statistiques, que cet individu conduit probablement une voiture volée, vous ne pouvez pas vous contenter de prendre le numéro la plaque d'immatriculation. Vous allez probablement prendre cette voiture en chasse.

M. Griffin: Tout à fait.

Le sénateur Fraser: Par conséquent, ce projet de loi ne fera pas grand-chose pour la prévention, car, comme l'a signalé ma collègue le sénateur Andreychuk à l'occasion de la dernière séance de notre comité, les jeunes ne pensent généralement pas aux conséquences. Ils paniquent et prennent la fuite. Par conséquent, d'après votre raisonnement, le but principal est d'imposer une sanction.

M. Griffin: Le but n'est pas nécessairement de punir les délinquants, mais de montrer que leur conduite a des conséquences graves. Cependant, l'arrestation, la mise en accusation et la condamnation d'une personne a un effet préventif contre les récidives. Il y a un effet de dissuasion non seulement pour la personne concernée, mais également pour ses pairs car nous signalons par notre attitude que nous prenons les choses au sérieux.

J'ai lu récemment un document rédigé par Mothers Against Drunk Driving en collaboration avec une fondation de recherche sur les blessés de la route. On pouvait lire dans ce rapport que plus d'un tiers des décès d'adolescents sont causés par des accidents de la route. Seulement 4 p. 100 des conducteurs adolescents sont arrêtés en état d'ébriété, mais 40 p. 100 des conducteurs qui trouvent la mort dans un accident avaient consommé de l'alcool. Cela nous amène à la constatation que malgré le faible pourcentage d'incidents, les adolescents courent un risque beaucoup plus grand soit parce qu'ils sont inexpérimentés, soit parce que ce sont de mauvais conducteurs.

Je reconnais que l'éducation joue un grand rôle. L'organisme Mothers Against Drunk Driving préconise de hausser l'âge minimum requis pour la consommation d'alcool, d'établir des systèmes de permis de conduire progressif, de prolonger la durée du permis provisoire de conduire, de limiter les périodes au cours desquelles les nouveaux conducteurs peuvent conduire sans supervision, de manière à les empêcher de conduire le soir, d'adopter une politique de tolérance zéro vis-à-vis de la consommation d'alcool, d'imposer une limite au nombre des passagers, d'appliquer des critères d'examen plus stricts, d'offrir des meilleurs programmes d'éducation des conducteurs et de mieux renseigner le public sur l'alcool et les drogues. Nous appuyons toutes ces recommandations. Elles mettent en jeu les communications, la sensibilisation du public et la publicité qui permettent de toucher de nombreuses personnes.

Je pense qu'il serait utile que tous les cours de conduite automobile précisent clairement que c'est un acte grave de fuir la police. Bien sûr, il y aura toujours un petit pourcentage de conducteurs qui ne prêteront pas attention à ces avertissements. Ce qui dérange la police en cas de poursuite, c'est qu'elle présente un risque grave pour notre personnel, pour le public et pour les délinquants eux-mêmes. Et pourtant, un tel comportement n'entraîne pas véritablement des conséquences graves pour leur auteur.

La présidente: Je me permets de rappeler à nos invités que les comités du Sénat diffèrent des comités de la Chambre des communes en ce sens que vous n'êtes pas tenus d'adresser vos remarques au président du comité. Vous pouvez vous adresser directement à n'importe quel sénateur.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez dit que les contrôles révèlent une consommation d'alcool dans seulement 4 p. 100 des cas.

M. Griffin: Oui. Les contrôles aléatoires de la circulation révèlent que 4 p. 100 des conducteurs adolescents ont consommé de l'alcool alors que 40 p. 100 des conducteurs de 45 ans et plus en ont absorbé. Par rapport au reste de la population, les adolescents sont moins nombreux à conduire après avoir consommé de l'alcool.

Le sénateur Andreychuk: Et les drogues? Dans certaines régions, l'alcool pose moins de problème que les drogues chez les adolescents.

M. Griffin: La drogue est bien entendu un problème. Nous préconisons de meilleures méthodes de dépistage pour contrôler les conducteurs ayant absorbé de la drogue. À moins d'avoir recours à une prise de sang, il est très difficile pour un agent de police de demander un contrôle pour la détection de drogue.

La présidente: J'aimerais vous demander une précision afin d'être certaine d'avoir bien compris. Vous avez dit que 4 p. 100 des adolescents arrêtés avaient consommé de l'alcool et que 45 p. 100 des gens de 45 ans et plus en avaient consommé.

M. Griffin: J'avais pris la peine de dactylographier ces renseignements afin de ne pas faire d'erreur, et pourtant, j'en ai fait. Un tiers de tous les décès d'adolescents sont causés par des accidents de la route; 400 adolescents meurent chaque année dans des accidents de la route; et les conducteurs adolescents font partie du groupe d'âge qui affiche le taux le plus bas de consommation d'alcool -- moins de 4 p. 100 -- par comparaison à 25 p. 100 dans le cas des adultes âgés de 46 à 55 ans. Voilà pour la bonne nouvelle. Par contre, la mauvaise nouvelle c'est que 40 p. 100 des conducteurs adolescents qui trouvent la mort dans un accident de la route, avaient consommé de l'alcool et 30 p. 100 des conducteurs adolescents tués dans des accidents ont des taux d'alcool supérieurs à la limite légale.

La présidente: Autrement dit, ils ne connaissent pas les réactions.

Le sénateur Poy: Monsieur Griffin, vous parliez des jeunes délinquants et des adolescents et vous avez mentionné un peu plus tôt que si l'agent de police peut identifier le conducteur, il ne va pas le poursuivre. Si j'ai bien compris, le projet de loi ne concerne donc pas les jeunes délinquants. La police pense qu'il n'y a pas lieu de les poursuivre.

M. Griffin: Si, le projet s'applique aux jeunes contrevenants. Un jeune contrevenant peut être accusé de toute infraction au Code criminel, en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants. Cela soulève la question des sanctions.

Les sanctions sont différentes pour les jeunes contrevenants qui sont jugés coupables d'une infraction. Ils peuvent être condamnés pour cette infraction, mais les sanctions sont différentes. Par exemple, la sanction maximale pour avoir causé des blessures peut n'être que de trois années d'emprisonnement. Lorsqu'un jeune contrevenant est accusé d'avoir causé la mort d'une autre personne, accusation dont la peine maximale est l'emprisonnement à perpétuité, le juge peut décider de n'imposer au jeune contrevenant qu'une peine de 5 à 10 ans d'emprisonnement sans possibilité de libération conditionnelle, pour meurtre au premier degré. Par conséquent, il y a des différences mais les jeunes contrevenants pourront quand même être condamnés en raison d'une infraction lorsque ce projet de loi sera en vigueur.

Le sénateur Poy: Je ne comprends pas pourquoi vous avez dit que les policiers mettent fin à une poursuite dès le moment où ils savent que le conducteur est un jeune. Pour quelle raison? Il est possible de porter des accusations contre cette personne.

M. Griffin: Dans mon exposé, j'ai énuméré les critères que les agents de police doivent prendre en considération avant de se lancer à la poursuite d'un contrevenant. Connaissent-ils la personne? Si c'est le cas et si, en abandonnant la poursuite, ils ne quittent pas une situation présentant un risque, la meilleure chose que puissent faire ces agents de police c'est de mettre fin à leur poursuite.

Si le délinquant est un jeune contrevenant et qu'il y a un risque qu'il ou elle commette une autre infraction ou s'il a enlevé une autre personne, les agents ne police ne mettront pas nécessairement fin à leur poursuite, mais c'est tout de même un facteur à considérer. Je propose que l'agent de police mette fin à la poursuite si le contrevenant est un jeune conducteur, si l'agent le connaît et si l'interruption de la poursuite ne présente aucun risque pour le public.

Le sénateur Poy: Comment un agent de police peut-il prendre une telle décision instantanément, à moins qu'il reçoive un appel lui signalant un vol, un meurtre ou une autre infraction? Comment peut-il prendre une telle décision sur-le-champ?

M. Griffin: C'est le problème auquel doit faire face un agent de police. Nous prétendons qu'un agent de police dispose de quelques secondes, de quelques fractions de seconde, pour prendre cette décision. Un coroner ou un tribunal pourra décider plus tard, après plusieurs années d'examen, que cet agent de police a pris la mauvaise décision.

J'ai pris part à des poursuites et je suis certain que M. Prud'homme aussi. Dans ces cas-là, on a peur. On espère que la personne qu'on poursuit va s'arrêter ou ne va tuer personne. Les agents de police qui sont à sa poursuite vont forcément éviter de prendre des risques s'ils peuvent trouver un moyen de régler la situation.

Le sénateur Poy: Le projet de loi ne fera rien pour arrêter les contrevenants qui veulent échapper à la police. Ne pensez-vous pas qu'ils continueront à agir de la même façon? Un voleur de banque va s'échapper en courant. Il ne va pas se comporter différemment tout simplement si le projet de loi est adopté. Quel est véritablement le motif de ce projet de loi? Ce n'est pas aux véritables criminels que nous envoyons le message.

[Français]

M. Prud'homme: C'est le message que nous lançons à toutes les personnes qui ne respectent pas nos lois et règlements. Il est certain qu'après enquête nous finissons par retrouver les auteurs des poursuites. Prenons le cas de Sylvain Bois, à Trois-Rivières-Ouest. Lorsque nous l'avons arrêté, si nous avions eu le projet de loi C-202, il aurait reçu une accusation d'acte criminel distincte. Quant à nous, c'est un message clair pour ceux qui ne respectent pas nos lois et règlements.

On ne peut pas dire qu'il n'y aura plus de poursuites. Malheureusement, il existera toujours des contrevenants dans nos sociétés. Cependant, si nous avons la possibilité d'accuser les personnes que nous réussissons à arrêter pour un autre acte criminel, indépendamment des autres circonstances, cela aura pour effet de faire réfléchir ceux qui seraient tentés de ne pas respecter l'ordre d'obtempérer. C'est de cela dont il faut tenir compte.

Il y a cinq ans, une poursuite à travers les rues Saint-Joseph et Delorimier, à Montréal, s'est terminée par le décès d'un athlète québécois. Les médias ont reproché aux deux policiers qui ont entamé la poursuite, même s'ils avaient eu des motifs raisonnables de le faire, de jouer aux «cowboys» sur le territoire de la CUM.

Les policiers reçoivent des messages contradictoires. Que faire face à un criminel en fuite qui vient de commettre un vol qualifié ou qui encore détient un otage, qui en plus conduit un véhicule volé? Sur le territoire de la CUM, à titre d'exemple, les policiers sur la route sont supervisés par un sergent qui peut en tout temps par communication-radio ordonner l'arrêt de la poursuite s'il le juge nécessaire et que cela compromet la sécurité des citoyens. Sous l'uniforme, nous retrouvons des humains, qui peuvent se tromper, et dans certaines circonstance, vous pouvez vous douter de la façon dont cela se passe.

J'ai avec moi la procédure du service de police réglementant et imposant des paramètres stricts aux patrouilleurs. Nous encourageons la dissuasion dans un premier temps. Si les policiers s'aperçoivent en tentant de dépasser un véhicule que c'est un adolescent ou un mineur qui est au volant du véhicule volé, qu'il vient de brûler un feu rouge, il entreprend les premières démarches pour l'immobiliser. Peut-être décidera-t-il de ne pas enclencher la poursuite. Les poursuites ne sont pas enclenchées automatiquement, elles dépendent d'une foule circonstances.

Si on lance un message clair à la population qu'un jeune qui a volé une auto sera accusé en plus du vol d'auto ou d'autres infractions d'avoir commis un acte criminel, qu'il sera passible d'être poursuivi en plus pour refus d'obtempérer à un ordre d'un agent de la paix de s'immobiliser, peut-être que les gens réfléchiront et que cela abaissera le nombre de poursuites. Nous y croyons.

Lorsqu'un policier amorcera la poursuite en premier, peut-être l'arrêtera-t-il ou n'enclenchera-t-il pas la poursuite. Il y aura une diffusion sur les télécommunications, sur les ondes radio et d'autres policiers tenteront de l'intercepter différemment, cela dépend du contexte.

[Traduction]

Le sénateur Pearson: C'est utile pour nous de faire comparaître des gens comme vous, qui travaillent sur le terrain. Nous pouvons vous poser des questions que nous ne pourrions pas soumettre à des fonctionnaires.

Je suis intéressée par la réponse que vous avez donnée à la dernière question. Il me paraît important de maintenir les accusations, parce qu'elles peuvent permettre d'étayer d'autres accusations même si l'auteur de l'infraction est parvenu à s'échapper. De cette manière, il serait plus clair que le contrevenant a échappé à un policier. Ce serait utile d'une certaine façon.

Avez-vous déjà eu affaire à des gens qui se sont échappés en bateau? Pensez-vous que les hélicoptères seraient utiles dans de telles situations?

M. Griffin: Je ne pense pas que le projet de loi s'applique aux bateaux.

Le sénateur Pearson: Mais si.

M. Griffin: Je sais qu'il en a été question au cours d'une de nos séances de travail précédentes. Je pense que l'infraction est prévue à la clause 1 concernant le paragraphe 249.(1) qui vise les véhicules à moteur. Le projet de loi fait allusion au paragraphe 259(2) de la loi qui fait état des bateaux, du matériel ferroviaire et d'autres véhicules. Ces dispositions pourraient faire partie des infractions impliquant la négligence criminelle, la conduite dangereuse, l'homicide involontaire et ce genre d'infraction. Cela ne signifie pas qu'un contrevenant serait accusé d'une telle infraction pour avoir conduit une embarcation qui dans votre exemple est un bateau. Je ne pense pas que «véhicule à moteur» s'applique aux embarcations.

La présidente: Le Code criminel définit le véhicule à moteur comme un véhicule conçu pour être tiré, propulsé ou conduit par d'autres moyens que la force musculaire, mais ne comprend aucun véhicule conçu pour rouler sur des rails. Par conséquent, la notion de véhicule à moteur inclut les embarcations.

Le sénateur Pearson: Avez-vous déjà vécu des situations impliquant de tels véhicules?

M. Griffin: Je sais qu'il en a été question. Cependant, les cas de ce type ne sont pas fréquents, contrairement aux poursuites sur route. En bateau, on a généralement un peu plus de marge de manoeuvre que dans un véhicule à moteur sur une route à deux voies, par exemple. Par conséquent, ce n'était pas une priorité pour nous. Nous y reviendrons peut-être.

Par contre, nous sommes favorables à l'utilisation des hélicoptères. À Calgary, par exemple, après la mort de l'agent Richard Sonnenberg alors qu'il tentait d'installer une ceinture cloutée, sa famille a lancé une campagne de financement. Grâce à cette campagne, les habitants de Calgary ont fait l'acquisition d'un hélicoptère pour les services de police. Le problème, c'est que la plupart des régions n'ont pas les moyens d'avoir des hélicoptères. Il ne faut pas tenir compte uniquement du prix d'achat de l'équipement, mais également des coûts liés au personnel, au carburant et à l'entretien de l'appareil. Cependant, c'est une possibilité pour les grands centres urbains tels que Montréal, Toronto, Vancouver. Une partie de ces infractions se produisent à l'extérieur des grands centres où l'hélicoptère ne serait pas une solution réaliste. Nous sommes tout à fait en faveur du recours aux hélicoptères et aux autres technologies.

La présidente: À Calgary, les hélicoptères peuvent sillonner les ruelles en arrière des maisons.

[Français]

M. Prud'homme: L'objectif que nous avons toujours poursuivi dans cette démarche visait les véhicules moteur, les automobiles, et cetera. La définition de véhicule à moteur, à l'exception du matériel ferroviaire, est un véhicule tiré, mu ou propulsé par quelque moyen que ce soit. Est-ce qu'un bateau n'est pas propulsé? Je ne suis pas un avocat ni législateur. Lorsque nous avons fait nos démarches, on visait des véhicules à moteur, automobile, moto, et cetera.

Est-ce que cela s'applique à l'utilisation, par exemple, sur le territoire de la CUM de nos patrouilles nautiques? Quant à l'utilisation des hélicoptères, nous ne sommes pas opposés, c'est évident. C'est un moyen supplémentaire. Il n'y a pas tellement longtemps de cela, sur le territoire de la CUM, ils ont loué un hélicoptère et cela a occasionné un tollé de protestations des citoyens de Montréal parce qu'à certaines heures, cela faisait beaucoup de bruit. C'est intéressant comme moyen mais le projet de loi C-202 a toujours sa raison d'être parce que c'est dans le message sur lequel on insiste beaucoup. Avec l'hélicoptère qui guide nos policiers sur le terrain, on réussit à mettre une personne en état d'arrestation. Cette personne, en plus d'avoir à répondre à une accusation de vol qualifié ou de recel ou je ne sais trop, aura en plus une accusation de refus d'obtempérer à un ordre d'un agent de la paix.

Nous croyons à l'accessibilité à la libération conditionnelle, c'est important. C'est une accusation qui apparaîtra au dossier de ceux et celles qui vivent en marge de notre société. Tous ces éléments seront un plus pour la sécurité de nos concitoyens.

Le sénateur Joyal: Relativement à la force dissuasive du projet de loi, en toute logique, si on veut faire une éducation efficace du public, lorsque le conducteur éventuel se présente pour l'examen du permis, celui-ci ne devrait-il pas comprendre une section où le requérant doit répondre à des questions sur sa connaissance des infractions criminelles sous-jacentes à la conduite d'une automobile?

On met beaucoup d'emphase sur le Code de la sécurité routière. On donne au requérant un exemplaire du Code de la sécurité routière et on leur demande de le lire. Il y a un examen et une notation en fonction des bonnes ou des mauvaises réponses données. Dans cet examen auquel se soumet le requérant, ne devrait-il pas y avoir une section précise sur les infractions criminelles sous-jacentes à la conduite d'une automobile? Une personne qui ne répondrait pas correctement à des questions sur le Code criminel est pour moi un danger immédiat plus grand qu'une autre qui connaîtrait mal le Code de la sécurité routière. L'effet de dissuasion doit avoir un effet d'entraînement. On doit s'assurer que la personne qui obtient un permis soit bien informée des obligations et des responsabilités très précises sur le plan criminel. Si elle ne démontre pas une connaissance suffisante de ces informations, il y a un là un motif sérieux de refuser un permis. C'est un privilège qui peut être révoqué dans certaines circonstances. Il y a des connaissances qu'on devrait mesurer sur la base que ce projet de loi doit avoir un effet dissuasif. Si c'est le cas, il faut s'assurer que les gens sont au courant du projet de loi. Tout le monde ne lit pas le Code criminel. Comment donner plein effet à ce projet de loi sans s'assurer que ces dispositions sont portées à la connaissance du requérant et qu'on mesure sa connaissance? C'est un élément essentiel de ce projet de loi.

M. Prud'homme: Je partage totalement votre orientation dans ce domaine. Nous croyons tellement à la prévention que la Fédération des policiers et des policières municipaux s'est présentée à la Commission parlementaire du Québec lors de la consultation sur la sécurité routière. Nous avions proposé au ministre des Transports et à la commission responsable d'entendre les différents intervenants et de mettre en place un système Nez Rouge à l'année longue. Nous avons constaté une baisse importante de la conduite en état d'ébriété parce que nous avons renforcé les peines et mis en place des programmes d'incitation et de prévention.

On questionne les requérants sur le Code de sécurité routière et on néglige tous les aléas entourant le délit de fuite. Les policiers ont parfois beaucoup de difficultés à comprendre les messages que nos dirigeants transmettent à la population. Il fut un temps, au Québec, où un jeune devait suivre un cours de conduite pour obtenir un permis. Je comprends difficilement qu'il y a à peine deux ans, nous avons abrogé ce règlement. Il faudrait convaincre nos représentants à Québec. On pourrait inclure à cette occasion le questionnaire pour faire comprendre que le permis de conduite est un privilège dans notre société, au même titre que la possession d'une arme à feu. Il faut répondre à des exigences et si vous n'y répondez plus, ce privilège sera retiré.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Prud'homme, est-ce que vous avez bien dit qu'il n'est plus obligatoire de subir un examen pour obtenir un permis de conduire au Québec?

Le sénateur Joyal: Il n'est pas nécessaire de suivre un cours.

Le sénateur Fraser: Vous devez prendre des leçons de conduite pour obtenir votre permis de conducteur débutant. Vous devez passer un examen théorique fondé sur un manuel d'instruction très complet mais qui ne comporte aucune section sur les infractions criminelles.

La présidente: Voilà peut-être un aspect que nous devrions signaler aux fonctionnaires et que je devrais personnellement porter à la connaissance de la ministre de la Justice. Elle pourrait en parler à ses homologues provinciaux. C'est une excellente suggestion.

Le sénateur Poy: Ce projet de loi me paraît très important. J'aimerais comprendre la situation actuelle telle qu'elle se présente avant le projet de loi C-202. Un homme ou une femme au lourd passé criminel qui fait un vol à main armée dans une banque et qui est rattrapé par la police après avoir pris la fuite sera accusé de vol. Quelles sont les autres accusations auxquelles ferait face cette personne avant l'application du projet de loi C-202? Est-ce qu'elle devrait répondre à des accusations de conduite dangereuse?

M. Griffin: Tout dépend de la décision que prendra la police en fonction des preuves concernant le type de conduite. Le comité a étudié plus tôt l'exemple d'un conducteur qui roule à 100 milles à l'heure mais en parfaite ligne droite, sans jamais manquer aucun virage, signalant chaque fois qu'il fait un dépassement et s'arrêtant aux feux. Peut-on considérer qu'il s'agit là de conduite dangereuse ou simplement d'excès de vitesse? Tout dépend des circonstances. Un autre excellent exemple, c'est celui d'un conducteur qui ne cause pas la mort d'une autre personne directement, mais indirectement. Est-ce qu'un tel acte pourrait actuellement permettre de porter des accusations?

On sait qu'un voleur de banque qui tue deux personnes avant de s'enfuir risque déjà la prison à vie. Pourquoi ajouter d'autres infractions? Le problème pour les victimes et les agents de police est le suivant: un contrevenant qui a déjà tué une personne est-il autorisé à en tuer d'autres?

La grande majorité de ces infractions ne sont pas commises par des voleurs de banque ou des récidivistes, mais par des gens qui font des erreurs de jugement. Nous affirmons que l'éducation est une mesure extrêmement positive pour encourager les gens à prendre de bonnes décisions, mais ceux qui ne prennent pas de bonnes décisions devraient continuer à subir les conséquences de leurs actes.

Le sénateur Poy: Est-il vrai qu'en vertu du projet de loi une personne accusée de s'être enfuie ferait face à une peine plus lourde? Fuir la police est considéré comme une infraction supplémentaire et nouvelle, n'est-ce pas?

M. Griffin: C'est exact.

[Français]

M. Prud'homme: D'après le projet de loi C-202, une conduite dangereuse peut être la conduire d'une automobile à une vitesse excessive ou peut être le fait de brûler deux feux rouges. Selon les circonstances, vous pouvez être trouvé coupable ou non, mais dans votre dossier, nous allons retrouver les mots «conduite dangereuse».

Si vous avez volé un véhicule, vous liriez «conduite dangereuse et vol d'un véhicule à moteur». Le fait que les mots "conduite dangereuse" sont inscrits au dossier n'explique pas les circonstances dans lesquelles elle s'est produite du seul fait que vous avez refusé d'obtempérer à un ordre d'un agent de la paix d'arrêter votre véhicule. Il serait préférable dans un cas semblable qu'on ne vous accuse pas de conduite dangereuse, mais d'avoir refusé d'obtempérer à un ordre d'un agent de la paix.

Le dossier du récidiviste peut comprendre simplement que l'infraction de conduite dangereuse et on peut lui donner accès. Toutefois son dossier ne relate pas les circonstances dans lesquelles l'infraction s'est produite. Il aurait pu causer la mort d'une personne. Il n'y est pas expliqué non plus que pour l'arrêter, nous avons réuni 15 auto-patrouilles pendant 15 à 20 minutes, que nous avons eu besoin d'un hélicoptère, et cetera. Ces faits sont très importants pour nous.

Actuellement, dans le dossier des contrevenants, cela n'est pas indiqué. De là l'importance d'avoir une infraction distincte qui traduirait clairement le fait de refuser d'optempérer à un ordre d'un agent de la paix.

Selon l'article 253, concernant la capacité de conduite affaiblie, il est écrit:

Commet une infraction quiconque conduit un véhicule à moteur, un bateau, un aéronef [...]

Or, si on précise dans l'article 253 un véhicule à moteur, un bateau, un aéronef, fort probablement qu'un bateau ne correspond pas à la définition d'un véhicule à moteur.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Prud'homme, vous avez dit que le cadre régissant les poursuites est strict. Pensez-vous que le projet de loi modifiera ce cadre ainsi que les règles qui s'appliquent au travail des policiers?

[Français]

M. Prud'homme: Les règles vont demeurer aussi strictes qu'elles le sont actuellement. Les organisations policières demandent à leurs agents d'appliquer ces règles dans de pareilles circonstances. Nous sommes convaincus que nous allons assiter à beaucoup moins de poursuites, d'autant plus qu'à la suggestion du sénateur Joyal, nous ferons de la formation et partageront les informations recueillies. Un jeune de 12 ou 14 ans, sensibilisé au problème, qui a emprunté un véhicule pour une promenade, obtempérera peut-être à l'ordre d'un agent de s'immobiliser. Le nombre de poursuites tombera sûrement.

[Traduction]

M. Griffin: Nous craignons entre autres choses qu'en raison de la publicité négative qu'engendre ce type de tragédies, la première réaction dans plusieurs localités serait de souhaiter que la police ne se lance pas à la poursuite des criminels. Le danger, c'est que les contrevenants qui auraient tendance à fuir la police pourraient se dire qu'ils ne risquent pas beaucoup d'être pris en chasse. Nous estimons que le projet de loi dit clairement que si vous refusez de vous arrêter sur l'ordre de la police, vous courez des conséquences beaucoup plus graves. Nous estimons que ce message est nécessaire pour réduire le nombre des poursuites.

La présidente: Merci beaucoup d'être venus présenter votre témoignage.

Honorables sénateurs, nos prochains témoins sont M. Hal Pruden et M. Donald Piragoff du ministère de la Justice.

M. Donald Piragoff, conseiller juridique général, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice: Étant donné l'heure, nous n'allons pas présenter d'exposé, mais simplement répondre à vos questions. L'Association canadienne des policiers et policières en a déjà soulevé plusieurs et les membres du comité peuvent également reprendre certaines questions. Je pense par exemple à celles qui concernent les véhicules à moteur, les bateaux ou les aéronefs. Les deux nouvelles infractions s'appliquent uniquement aux véhicules à moteur et pas aux bateaux et aux aéronefs.

La présidente: Malgré la définition du Code criminel?

M. Piragoff: Oui. Le Code criminel définit «aéronef» et «bateaux» et fait expressément la différence entre les infractions commises avec des bateaux et des véhicules à moteur. Certaines infractions ne concernent que les bateaux. Par exemple, l'infraction qui consiste à ne pas faire attention aux skieurs nautiques et à tirer une embarcation en remorque dans l'obscurité s'appliquent uniquement aux bateaux et ces dispositions du code utilisent le terme «bateau». D'autres dispositions du code emploient l'expression «véhicule à moteur, bateau ou aéronef».

Le sénateur Andreychuk: Est-ce que les motoneiges sont comprises dans cette définition?

M. Piragoff: Oui.

Le sénateur Andreychuk: Et pourquoi n'englobe-t-elle pas les bateaux à moteur? Les témoins précédents nous ont dit que les poursuites en bateau n'étaient pas courantes, mais qu'elles ne posaient pas de problème dans les grands espaces. Pourquoi ne pas inclure les bateaux et faire ainsi preuve de cohérence?

M. Piragoff: Je peux répondre en partie à votre question, sénateur Andreychuk et peut-être que M. Pruden pourra compléter ma réponse. Cette question a été examinée à la Chambre. Ce n'est pas un projet de loi émanant du gouvernement, mais un projet de loi d'initiative parlementaire et l'intention de son auteur est de n'inclure que les véhicules à moteur. On peut se demander ce qu'aurait fait le ministère s'il avait été l'auteur de ce projet de loi.

M. Pruden peut vous dire ce qui s'est passé à la Chambre, puisqu'il a assisté aux délibérations du comité.

M. Hal Pruden, conseiller juridique, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice: Comme l'a précisé M. Griffin, les membres du comité de la Justice de la Chambre des communes ont demandé que les bateaux soient inclus dans le projet de loi. Si je me souviens bien de la réponse qui leur a été faite, la police ne considère pas que les poursuites en bateau présentent un problème aussi grave que les poursuites en véhicule à moteur.

Le sénateur Andreychuk: Ne pensez-vous pas qu'il faut être cohérent si l'on veut éduquer la population et faire savoir haut et fort que c'est essentiellement une erreur que de prendre la fuite?

Le sénateur Pearson: L'auteur du projet de loi n'avait peut-être pas l'intention d'inclure cet aspect, mais il est intéressant de le soulever, en particulier quand on pense aux opérations de surveillance frontalière. Par exemple, les activités de contrebande sur le Saint-Laurent entraînent parfois des poursuites en bateau qui peuvent se solder à l'occasion par des noyades.

M. Piragoff: Le projet de loi d'initiative parlementaire visait les poursuites à haute vitesse sur route ou en ville. En théorie, il est vrai que des poursuites à haute vitesse peuvent se produire sur l'eau et entraîner des accidents mortels, mais je ne pense pas que les statistiques révèlent que ce soit un problème. C'est la raison pour laquelle le projet de loi se limite aux poursuites en véhicule à moteur.

Le sénateur Pearson: Je comprends. C'était une simple question. Au moment de l'examen du budget, nous avions convenu que nous consacrerions plus de temps à la protection de nos frontières. Je voulais le mentionner aux fins du compte rendu.

Le sénateur Cools: Le témoin nous dit que l'auteur du projet de loi n'a pas voulu y inclure le mot «bateau». Le témoin pense-t-il que l'ajout du mot «bateau» contribuerait à améliorer le projet de loi?

M. Piragoff: La décision d'inclure les bateaux devrait prendre en compte un certain nombre de facteurs. Par exemple, le représentant de l'Association canadienne des policiers et policières a indiqué qu'il faut respecter certaines lignes directrices lorsqu'on entreprend des poursuites en véhicule à moteur. Il y a des protocoles à suivre. Chaque province a ses propres protocoles. La nouvelle infraction s'inscrirait dans le cadre d'un programme administratif des services de police relativement au protocole à suivre pour décider s'il faut ou non poursuivre un contrevenant.

D'autre part, la population sait bien qu'un conducteur doit s'arrêter sur le bas-côté de la route lorsqu'il y est invité par les gyrophares et la sirène d'une voiture de police. Je ne sais pas dans quelle mesure les conditions sont les mêmes à bord d'un bateau. Une embarcation s'arrêtera-t-elle nécessairement si un bateau de police la poursuit en actionnant une sirène? Le navigateur doit comprendre que la police souhaite le faire arrêter. Pour cela, il faut établir certains protocoles. Je ne connais pas le protocole qui s'applique aux poursuites en bateaux. Pour pouvoir définir une nouvelle infraction, il faut l'intégrer dans les autres types de protocoles existants.

Pour ce qui est de l'infraction, le projet de loi mentionne le refus de s'arrêter lorsqu'on est poursuivi. Bien entendu, cela suppose que la police continue la poursuite et n'a pas décidé de s'arrêter ou qu'elle a tout simplement l'intention de demander au conducteur de l'automobile ou du bateau de s'arrêter.

Est-ce que le fait d'ajouter le mot «bateau» contribuerait à améliorer le projet de loi? Je réponds tout de suite par l'affirmative, mais il faudrait quand même tenir compte des autres protocoles existants afin que cette modification soit utile dans la pratique. Il faudrait pouvoir étayer cette infraction par certaines dispositions de la législation provinciale ou des normes de formation provinciales des agents de police.

Le sénateur Fraser: Comme vous le savez sans doute, nous avons longuement discuté du fait que la peine maximum prévue par ce projet de loi est l'emprisonnement à perpétuité. C'est du sérieux! Comment cela concorde-t-il avec la gamme des peines prévues actuellement dans le Code criminel pour les autres infractions? Par exemple, comment cela se compare-t-il aux peines pouvant être imposées pour meurtre au premier degré, meurtre au deuxième degré, homicide involontaire coupable ou négligence criminelle causant la mort?

M. Pruden: Commençons par les homicides qui ne sont pas considérés comme des meurtres. L'article 249 stipule que la conduite dangereuse causant la mort est une infraction criminelle, punissable actuellement de 14 ans d'emprisonnement au maximum. L'article 255 du Code criminel porte pour sa part sur la conduite avec facultés affaiblies causant la mort, pour laquelle la peine maximum est aussi de 14 ans. Le Code criminel précise également que la négligence criminelle causant la mort est une infraction criminelle, pour laquelle la peine peut aller jusqu'à l'emprisonnement à perpétuité, tout comme l'homicide involontaire coupable. Il n'y a pas de peine minimum prévue pour ces crimes.

Sur ce point, je vous dirais que, si j'étais procureur dans une affaire de conduite dangereuse causant la mort pendant une poursuite policière, je pourrais considérer la chose comme un cas de conduite dangereuse avec circonstances aggravantes. Si la peine pour la simple conduite dangereuse causant la mort est de 14 ans et qu'il m'était plus facile de prouver cette infraction, pourquoi, en tant que procureur, voudrais-je me donner plus de mal en essayant de prouver qu'il y a eu conduite dangereuse causant la mort avec circonstances aggravantes, si la peine est la même? Il y a une certaine logique, à notre avis, à prévoir une peine plus sévère pour la conduite dangereuse causant la mort lorsqu'il y a des circonstances aggravantes, à savoir une poursuite policière.

Le sénateur Fraser: C'est encore plus simple que de prouver la conduite dangereuse. Il suffit de prouver que l'inculpé ne s'est pas arrêté quand il en a reçu l'ordre.

M. Pruden: Non.

Le sénateur Fraser: On peut imaginer un cas où la personne ne conduisait peut-être pas très dangereusement, mais où, par un malheureux concours de circonstances, quelqu'un est mort.

M. Pruden: Ce n'est pas ainsi que la disposition est rédigée. Elle se rapporte spécifiquement à la conduite dangereuse, et à l'alinéa 249(1)a), qui porte sur la question.

M. Piragoff: Sénateur, il y a deux infractions.

La présidente: Je vais vous lire l'alinéa 249(1)a) pour le compte rendu.

Véhicules à moteur, bateaux et aéronefs - Conduite dangereuse

249. (1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas:

a) un véhicule à moteur d'une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l'état du lieu, l'utilisation qui en est faite ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu.

Le sénateur Fraser: Autrement dit, la personne conduisait déjà dangereusement et ne s'est pas arrêtée.

M. Pruden: C'est exact.

Le sénateur Fraser: Et elle a causé la mort de quelqu'un.

M. Pruden: Il y a le fait que la conduite dangereuse avait des circonstances aggravantes, à savoir la poursuite policière, et le fait qu'elle a causé la mort. En ce sens, il y a une certaine logique à prévoir une peine plus sévère pour la conduite dangereuse avec circonstances aggravantes que pour la simple conduite dangereuse causant la mort, sans les circonstances aggravantes que constitue la poursuite policière.

Le sénateur Fraser: Savez-vous si ce sont à peu près les parallèles que les gens avaient en tête quand ce projet de loi a été rédigé?

M. Pruden: Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire par «parallèles».

Le sénateur Fraser: Quand on examine la peine à permettre ou à prescrire en vertu de la loi, on regarde ce que la loi prévoit déjà dans d'autres circonstances, de manière à ne pas imposer soudainement la peine de mort pour vol à l'étalage quand on ne l'impose pas pour d'autres infractions de même nature. Est-ce que ce sont les catégories qui ont été examinées? Vous avez tenu compte de ce qui se faisait déjà dans le cas de la conduite dangereuse, et vous avez simplement décidé de prendre cette infraction et de l'appliquer telle quelle au refus de s'arrêter?

M. Pruden: Je suppose que c'est ce que le député a fait.

La présidente: Je vous signale que, quand il a témoigné devant nous, M. McTeague, qui a rédigé ce projet de loi, nous a dit que c'était similaire à la conduite dangereuse ou à la négligence criminelle. C'est ce que j'ai noté quand il a comparu devant nous.

Le sénateur Buchanan: Nous avons parlé de bateaux. M. McTeague n'a pas inclus les embarcations à moteur dans son projet de loi. À moins que je ne me trompe, est-ce que le quatrième alinéa n'étend pas la disposition actuelle du Code criminel à la poursuite d'une embarcation à moteur? Elle inclut le paragraphe 249(1), et l'accusé peut être reconnu coupable de l'infraction prévue dans ce paragraphe.

La présidente: Vous parlez de l'article 3?

Le sénateur Buchanan: Non, de l'article 4.

La présidente: Il n'y a pas d'article 4.

Le sénateur Buchanan: Je m'excuse. Comment se fait-il que je l'aie ici?

La présidente: Vous regardez le texte fourni par l'association des policiers. Quand les représentants de l'association ont comparu devant nous, il nous ont dit qu'ils avaient la mauvaise version du projet de loi.

M. Piragoff: L'article 1 du projet de loi modifie une disposition existante du Code criminel. Il ajoute le paragraphe 249.1(3) proposé à la disposition actuelle.

Le sénateur Buchanan: C'est bien. Voilà qui est clair.

À mon avis, c'est un excellent projet de loi. Je pense qu'il comble une lacune du Code criminel. Je suis d'accord avec le député Dan McTeague; je suis d'accord avec l'Association canadienne des policiers et policières; je suis d'accord avec la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec. Depuis le décès d'une jeune mère dans la municipalité régionale de Halifax-Dartmouth, quand sa voiture est entrée en collision avec une camionnette volée poursuivie par la police, je n'ai absolument aucune hésitation à appuyer ce projet de loi à 100 p. 100.

Le sénateur Cools: Bravo!

La présidente: Dans ce cas, sénateur Buchanan, j'espère que vous serez ici pour l'examen article par article.

Le sénateur Buchanan: Oui.

Le sénateur Beaudoin: Je demeure convaincu que nous devons interpréter l'article 249.1 proposé dans le contexte de l'article 249. Il crée une nouvelle infraction. Cela ne change rien au principe applicable, mais c'est beaucoup plus précis. C'est une nouvelle infraction, et c'est dans ce contexte qu'il faut voir les choses.

Pour ce qui est de la discussion sur l'emploi du mot «bateau», je ne pense pas que les députés aient eu l'intention d'inclure autre chose qu'une automobile. Si nous laissons le projet de loi tel quel, croyez-vous, en tant que spécialiste du droit criminel, qu'il puisse s'appliquer à autre chose qu'à une automobile? C'est ma seule question.

M. Piragoff: Nous avons déjà lu une définition du terme «véhicule à moteur».

Le sénateur Beaudoin: Oui.

M. Piragoff: Comme l'a indiqué la présidente, il s'agit d'un véhicule «propulsé» ou «tiré». C'est une définition générique. Les tribunaux interpréteraient probablement le terme «véhicule à moteur» de manière à inclure par exemple les motoneiges, comme ils l'ont déjà fait d'ailleurs. Les motocyclettes ont déjà été incluses aussi dans cette définition. Il reviendra aux tribunaux de déterminer ce qu'englobe cette définition. Le fait que le code soit précis et qu'on y parle de «véhicule à moteur» plutôt que de «bateau» montre clairement que le Parlement veut parler de deux choses différentes.

Le sénateur Beaudoin: C'est ce que je pense aussi. Vous dites qu'en plus de la définition de «véhicule à moteur» que nous avons ici, il y a de la jurisprudence à ce sujet-là. Dans quel sens va cette jurisprudence?

M. Piragoff: La définition a déjà été étendue à une motoneige.

Le sénateur Beaudoin: C'est le seul ajout?

M. Piragoff: Et à des motocyclettes.

La présidente: Qu'en est-il des VTT?

M. Piragoff: Oui; des juges ont aussi inclus les véhicules tous terrains dans cette définition.

Le sénateur Beaudoin: Et c'est clair dans la jurisprudence?

M. Piragoff: Oui.

Le sénateur Fraser: Je me pose encore des questions sur les peines prévues. La conduite dangereuse causant la mort est punissable de 14 ans au maximum; et la conduite dangereuse causant la mort, pour quelqu'un qui a refusé de s'arrêter à la demande d'un agent de la paix, peut lui valoir l'emprisonnement à perpétuité. Est-ce qu'il n'y a pas un énorme écart entre les deux?

M. Piragoff: Il y a deux aspects. Vous en avez soulevé un. Quand nous avons examiné le projet de loi, nous avons dû nous pencher sur cette question. À la demande de notre ministre, nous avons eu des discussions avec M. McTeague avant que le projet de loi soit soumis au comité de l'autre chambre.

Comme vous l'avez dit, la peine prévue actuellement pour la conduite dangereuse causant la mort est de 14 ans. Ceci est considéré comme une forme aggravée de conduite dangereuse causant la mort. La disposition ne porte pas seulement sur le refus d'arrêter son véhicule; il faut que la personne ait eu l'intention d'échapper à un agent de la paix. Il y a à la fois l'intention de fuir et le refus de s'arrêter sans excuse raisonnable. Dans un cas de ce genre, la personne conduit dangereusement et, ce faisant, elle cause la mort de quelqu'un. C'est une forme aggravée de conduite dangereuse causant la mort.

À l'heure actuelle, en vertu des dispositions existantes du Code criminel, les juges peuvent tenir compte du fait que la conduite dangereuse a eu lieu pendant une poursuite policière à haute vitesse. Plus les circonstances sont graves en ce qui a trait à cette poursuite, plus la peine risque d'être lourde. Cependant, comme l'ont indiqué les témoins précédents, quand cette infraction est consignée dans les dossiers des tribunaux, elle est simplement qualifiée de «conduite dangereuse causant la mort». Certaines personnes jugeaient que cela devrait être plus spécifique.

Le sénateur Fraser: C'est le degré de spécificité qui me préoccupe, et je me demande aussi si l'écart n'est pas un peu exagéré, simplement parce que quelqu'un décide de se sauver de la police. Dans les autres cas où des gens cherchent à échapper à la police, quelle est la peine imposée? Est-ce qu'ils sont inculpés pour avoir résisté leur arrestation ou pour s'être sauvés?

M. Piragoff: Je vais revenir en arrière et essayer de répondre à la fois à votre question et à celle qu'a soulevée le sénateur Poy. Quels sont les principes qui sous-tendent ces infractions? Il y a deux infractions. La première, dont il est question à l'article 1, c'est-à-dire au paragraphe 249.1(1) proposé, consiste simplement à ne pas s'arrêter sans excuse raisonnable, dans l'intention de fuir la police.

Les excès de vitesse, par exemple, constituent une infraction. Mais ce n'est pas la vitesse elle-même qui cause des dommages. La conduite avec facultés affaiblies est aussi une infraction. Mais ce n'est pas elle, comme telle, qui cause des dommages. La plupart des conducteurs ivres se rendent chez eux. Les statistiques montrent qu'ils arrivent chez eux sains et saufs le soir, mais cela crée un danger sur la route. C'est la même chose. Quand une personne cherche à échapper à la police, elle choisit d'adopter un comportement risqué. Ce n'est pas seulement qu'elle conduit dangereusement et qu'elle cause des dommages par négligence ou par inadvertance, parce qu'elle conduit vite, qu'elle change sans cesse de voie ou qu'elle ne s'inquiète pas de savoir si elle est ou non dans une zone scolaire. Ce n'est pas simplement un comportement négligent; c'est un cas de conduite dangereuse résultant d'un acte intentionnel, qui est d'échapper à la police. C'est à cause de cet aspect intentionnel, de la prise intentionnelle du risque qui se traduit par une conduite dangereuse causant à son tour la mort ou des blessures, qu'il s'agit d'une forme aggravée de conduite dangereuse.

Quant à savoir s'il est justifié de passer de 14 ans à l'emprisonnement à perpétuité, il n'y a rien d'autre dans notre droit criminel entre ces deux options.

La présidente: Je vous signale que l'article 220 du Code criminel, dont il est question dans le projet de loi, porte sur le fait de causer la mort par négligence criminelle. Il se lit comme suit:

Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d'une autre personne est coupable d'un acte criminel passible:

a) s'il y a usage d'une arme à feu lors de la perpétration de l'infraction, de l'emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;

b) dans les autres cas, de l'emprisonnement à perpétuité.

Le projet de loi est donc compatible avec la disposition sur la négligence criminelle causant la mort.

Le sénateur Fraser: Je comprends cela, madame la présidente. Ce qui me trouble, c'est cet énorme écart.

Une dernière question. Quand quelqu'un cherche à échapper à un agent de la paix, mais qu'il n'est pas au volant d'un véhicule à moteur, est-ce que ce n'est pas aussi une infraction?

M. Piragoff: Le simple fait de se sauver n'est pas une infraction; le fait de résister à un agent de police en est une. Il faut qu'il y ait une certaine résistance physique opposée à l'agent de police.

Le sénateur Fraser: Quelle serait la peine maximum pour avoir résisté à son arrestation?

M. Piragoff: Je crois que c'est la même chose que pour les voies de fait. Mais il faudrait que je vérifie.

Le sénateur Beaudoin: Je pense qu'il faut tenir compte du paragraphe 249.1(1) proposé, qui porte sur le refus de s'arrêter sans excuse raisonnable et dans le but de fuir la police. Il faut prouver l'intention criminelle. Comme l'a dit le sénateur Moore, il y a deux critères en jeu. Par exemple, si c'est seulement pour échapper à un agent de police, ce n'est pas suffisant. Il faut aussi que ce soit sans excuse raisonnable. À mon avis, c'est une protection suffisante.

Le sénateur Fraser: Ce que nous disons, c'est que ce n'est pas un simple ajout de pure forme de la notion de «risque».

Le sénateur Beaudoin: Est-ce que c'est la façon correcte de construire ce paragraphe? Si c'est un ajout, je n'ai pas d'objection. Il y a la question de l'intention criminelle, parce qu'il s'agit d'une nouvelle infraction; il faut bien le reconnaître. C'est pourquoi ils ont rédigé ce projet de loi, et je pense qu'ils ont raison. Mais il faut que ce soit formulé de manière à s'appliquer si le conducteur d'un véhicule à moteur refuse de s'arrêter sans excuse raisonnable et pour échapper à un agent de police. Il y a une bonne protection en ce sens, parce qu'il faut prouver l'intention criminelle et que l'accusé peut toujours prétendre qu'il avait une excuse raisonnable. Mais il doit établir qu'elle était vraiment «raisonnable».

M. Piragoff: Sénateur Beaudoin, vous avez parlé de la nécessité de prouver l'intention criminelle. M. Pruden a déjà dit que, si la peine restait à 14 ans, ce qui est la même chose que pour la conduite dangereuse causant la mort, les procureurs ne porteraient pas d'accusations ou n'intenteraient pas de poursuites parce qu'ils devraient alors prouver que l'accusé n'avait pas d'«excuse raisonnable»; ils devraient prouver que l'accusé avait l'intention de se sauver, et pourtant la peine serait la même. Pourquoi se compliqueraient-ils la vie, en tant que procureurs, s'ils n'y trouvaient en définitive aucun avantage?

Comme vous l'avez fait remarquer, cette nouvelle infraction comporte certains éléments plus graves, en termes d'intention criminelle -- l'absence d'excuse, l'intention de fuir. La culpabilité, en l'occurrence, vient du risque que ce comportement entraîne pour le public; si ce risque se matérialise, il s'agit alors d'une forme aggravée de conduite dangereuse. C'est plus grave que le simple fait de conduire dangereusement parce qu'on est négligent. Il s'agit de conduite dangereuse découlant d'un acte intentionnel pour échapper à la police.

Le sénateur Beaudoin: C'est votre interprétation.

M. Piragoff: Oui, et il y aussi le fait que la personne n'a pas d'excuse raisonnable. C'est ce qui justifie une peine plus lourde, parce que ces facteurs aggravent le comportement. Il y a un élément d'intention en cause; il ne s'agit pas seulement de conduite négligente ou imprudente.

La présidente: Vous avez dit, il me semble, qu'il n'y avait pas de peine intermédiaire entre 14 ans et la prison à vie. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Piragoff: C'est exact. Le code actuel ne prévoit rien entre 14 ans et l'emprisonnement à perpétuité.

Le sénateur Cools: C'est intéressant.

Le sénateur Moore: Ce sont des maximums. Il y a une certaine latitude; vous ne pouvez pas dire qu'il n'y a rien. Il y a quelque chose. Le juge doit examiner les circonstances, dans chaque cas, et décider s'il devrait imposer une peine de 10 ou de 12 ans, par exemple. Il a une certaine marge de manoeuvre.

M. Piragoff: Vous avez raison, sénateur.

La présidente: C'est le juge qui décide.

M. Piragoff: Il peut décider.

Le sénateur Beaudoin: Comme l'a dit mon collègue il y a un instant, on retrouve le mot «bateau» à l'article 2 du projet de loi, qui porte sur le nouveau paragraphe 259(2) proposé, et aussi dans la loi sur la navigation.

La présidente: Je sais. On le retrouve aussi à l'article 3, qui concerne le nouveau paragraphe 662(5) proposé.

Le sénateur Beaudoin: Est-ce que cela change quelque chose à votre réponse?

M. Piragoff: Non, sénateur.

Le sénateur Beaudoin: Je voudrais simplement savoir si je suis en voiture ou en bateau.

La présidente: Je pense que nous sommes tous dans le même bateau.

M. Piragoff: L'article 2 et l'article 3 se rattachent à des dispositions qui s'appliquent elles-mêmes à un certain nombre d'autres dispositions, en l'occurrence les articles 220, 221 et 236, qui portent sur des infractions comme la négligence criminelle causant la mort et la négligence criminelle causant des lésions corporelles et qui n'ont rien à voir avec l'utilisation d'un moyen de transport en particulier -- que ce soit un véhicule, un aéronef ou un bateau -- ni avec l'utilisation criminelle d'une arme, par exemple. Les articles 250 et 251 font uniquement mention de bateaux et d'aéronefs, il me semble. C'est la raison pour laquelle, à la fin de l'article 2, qui correspond au nouveau paragraphe 259(2) proposé, et aussi à la fin de l'article 3, qui correspond au nouveau paragraphe 662(5), on trouve dans la version anglaise les mots «as the case may be», qui sont très importants et qui signifient essentiellement qu'il faut examiner chaque cas individuellement.

Quelle est l'infraction en cause? Si c'est une infraction qui se rattache à la conduite d'un bateau, l'ordonnance d'interdiction s'applique «as the case may be», c'est-à-dire selon le cas. S'il s'agit d'une infraction qui s'applique seulement aux véhicules à moteur, comme les nouvelles infractions, l'ordonnance d'interdiction ne s'applique qu'à ce genre d'infraction, selon le cas. C'est pourquoi ces dispositions existent.

La présidente: Je vous signale que c'est la raison pour laquelle le nouveau paragraphe 259(2) proposé, à l'article 2 du projet de loi, est identique à la disposition du Code criminel, sauf pour ce qui est de l'ajout de l'article 249.1.

Le sénateur Beaudoin: C'est une question de rédaction. Avons-nous besoin de ces paragraphes? Nous savons quel est l'objectif du projet de loi. C'est une très bonne idée, mais est-ce que nous avons besoin de ces paragraphes?

M. Piragoff: Ces paragraphes visent deux choses. L'article 2 stipule que, si une personne est reconnue coupable de la nouvelle infraction qui consiste à ne pas s'arrêter à la demande d'un agent de police ou à causer la mort de quelqu'un, ou encore des blessures, en conduisant dangereusement pendant une poursuite policière, le juge peut interdire à cette personne de conduire un véhicule à moteur pendant une période donnée. Il y a donc une autre peine prévue.

Le sénateur Beaudoin: Une autre?

M. Piragoff: C'est une autre peine. La disposition contenue à l'article 3 stipule que, si une personne est accusée d'une infraction plus grave, à savoir la négligence criminelle causant la mort ou la négligence criminelle causant des lésions corporelles, et que le procureur est incapable de faire la preuve de cette infraction, la cour peut remplacer l'accusation par une accusation moins grave, par exemple pour conduite dangereuse. L'article 3 prévoit que, si la Couronne inculpe quelqu'un d'homicide involontaire coupable ou de négligence criminelle causant la mort, mais qu'elle n'est pas en mesure d'établir la preuve de ces infractions, le juge peut rendre un verdict moins sévère se rattachent à la nouvelle infraction.

Le sénateur Buchanan: Seulement dans le cas d'un véhicule à moteur?

M. Piragoff: Oui.

Le sénateur Pearson: Je pense encore à la question des bateaux, pas parce que je veux absolument qu'ils soient mentionnés dans ce projet de loi, mais parce que cela nous a fait réfléchir au fait qu'il pouvait y avoir des situations nouvelles. J'apprécierais énormément que vous puissiez m'indiquer où il est question de ce genre de problème en particulier dans le Code criminel; et, s'il n'en est pas question, est-ce que le code devrait être changé?

La présidente: Nous pourrions peut-être demander à M. McTeague de déposer un autre projet de loi.

Le sénateur Pearson: Il y a de plus en plus d'immigrants qui entrent illégalement au Canada. Cette question est liée de près à la contrebande d'immigrants; ce n'est pas une question d'immigration, mais plutôt de trafic d'êtres humains entre le Canada et les États-Unis. Les premières étapes de ce trafic se font souvent par bateau.

La présidente: Il est difficile de répondre à votre question parce qu'elle n'a vraiment rien à voir avec le projet de loi. Vous pourriez peut-être nous fournir la réponse par écrit, et je la transmettrai au comité. Ou alors, si vous pouvez nous répondre tout de suite sans avoir à y réfléchir plus longuement, ce serait parfait.

M. Piragoff: Je ne sais pas. Il se peut qu'il y ait des règlements, en vertu d'autres lois fédérales sur le transport maritime, qui prévoient une infraction lorsqu'un capitaine de bateau refuse de céder le passage ou de s'arrêter quand on lui en donne l'ordre. C'est possible. Je n'en sais rien. Il faudrait que je vérifie auprès du ministère des Transports. Ce serait dans un autre type de loi fédérale portant sur les bateaux.

Le sénateur Pearson: Je vous en serais reconnaissant.

La présidente: Messieurs, merci beaucoup de votre témoignage de cet après-midi.

La séance est levée.


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