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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 18 - Témoignages du 21 juin 2000


OTTAWA, le mercredi 21 juin 2000

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 15 h 45, dans le but d'examiner le projet de loi C-445, Loi visant à changer le nom de la circonscription électorale de Rimouski--Mitis, et le projet de loi C-473, Loi visant à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Nous allons examiner cet après-midi les projets de loi C-473, qui vise à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales, et C-445, qui vise à changer le nom de la circonscription électorale de Rimouski--Mitis.

Nous accueillons aujourd'hui Mme Eva Lachance, qui va nous parler du projet de loi C-445, et Mme Donna-Lynn McCallum, de Broadview-Greenwood, qui va nous parler du projet de loi C-473.

Vous avez la parole.

[Français]

Mme Eva Lachance Côté, Rimouski--Mitis: Je suis très heureuse d'être ici pour vous faire part des commentaires de personnes résidant dans le comté de Rimouski--Mitis qui ne veulent à aucun prix que le nom du comté soit changé. Je comprends que le comité de la Chambre des communes a accepté le changement proposé par le député bloquiste du comté. L'appellation proposée serait Rimouski--Neigette et Mitis. L'appellation Rimouski--Neigette vient du nom de la municipalité régionale de comté et de la municipalité régionale de la Mitis qui forment notre comté.

Par ailleurs, les dernières nouvelles disent que si la ministre des Affaires municipales du Québec, Mme Louise Harel, réussit de gré ou de force à regrouper les municipalités limitrophes de la ville de Rimouski, cela créerait une municipalité de près de 49 000 personnes et laisserait pour compte les très petites municipalités rurales, soit 6 sur 15, comptant environ 4 000 personnes. En conséquence, la question qui se pose déjà: La Municipalité régionale de comté de Rimouski--Neigette sera-t-elle maintenue ou scindée entre la Matapédia ou la Mitis à l'est et le Témiscouata à l'ouest?

Dans les circonstances, il serait logique de regarder ce que sont les régions de Rimouski et de Mitis afin de voir où se situent les intérêts des collectivités qui les habitent.

En procédant d'est en ouest, commençons par la région de la Mitis. Celle-ci a d'abord été connue par la rivière Mitis, fameuse pour la pêche au saumon. Elle constituait au XIXe siècle le centre de villégiature le plus connu à l'est de Rimouski, accueillant la société québécoise qui y a laissé des villas cossues et impeccables. Ce territoire a connu diverses appellations, car les petites municipalités qui y furent érigées ont porté les noms de Petit-Métis, Grand-Métis, Métis-sur-mer, dont la municipalité de Saint-Octave de Métis qui est toujours là.

La ville-centre de cette région est Mont-Joli et compte une population de plus de six mille personnes. Nous y trouvons l'Institut Maurice-Lamontagne, centre de recherche en sciences de la mer, où les chercheurs de Pêches et Océans Canada concentrent leurs recherches dans l'estuaire et le golfe Saint-Laurent, plus particulièrement sur le saumon de l'Atlantique, la morue, le hareng et le phoque. Cet institut de recherche est maintenant connu mondialement et des conférences internationales s'y tiennent.

Quant à la partie Mitis de cette région, elle est aussi très connue maintenant depuis que le petit-fils de la fondatrice des Jardins de Métis, M. Alexandre Redford en est le gestionnaire. C'est un endroit qu'il faut visiter si vous êtes amateur de jardins. Il s'agit du Parc de Métis, communément appelé les Jardins de Métis. C'est un vaste domaine de 34 acres à l'embouchure de la rivière Mitis. Jardin de style anglais aux fleurs et arbres de variétés multiples, ce coin de paradis a été amoureusement constitué par Elsie Redford, vers 1920, nièce du baron Mount Stephen, président du Canadien National, qui lui a légué ce terrain.

Pour ajouter à l'information relativement à la région de la Mitis, il convient de dire que nous parlons d'une population d'environ 20 000 personnes.

En plus de la ville-centre, Mont-Joli, qui est davantage insitutionnelle et industrielle, nous y retrouvons des municipalités rurales où se pratiquent une agriculture intéressante et une activité forestière complémentaire. Nous y faisons aussi l'élevage ovin sur une grande échelle, soit quelques milliers de têtes de bétail, qui est offert sur les marchés sous diverses appellations, dont l'Agneau de l'est.

Quant à la municipalité régionale de comté Rimouski-- Neigette, elle regroupe 15 municipalités formant une population d'environ 53 000 personnes. La ville-centre, Rimouski, a une population de 38 500 personnes, plus ou moins, et est essentiellement une ville institutionnelle, commerciale, industrielle et ayant une économie agricole importante. Trois municipalités de la MRC incluent Rimouski dans leur dénomination.

Pour ce qui est de l'autre partie du nom, Neigette, elle est en usage dans la désignation d'organismes régionaux: canton, hameau et de certaines entités naturelles: la Grand et la Petite rivière Neigette, le Grand lac neigette, par exemple. Ce territoire a été identifié sur la carte du canton Neigette en 1852 par l'arpenteur Duncan Stéphan Ballantyne et se situe au sud-est de Rimouski jusqu'à la frontière du Nouveau-Brunswick.

Rappelons que la MRC Rimouski--Neigette a succédé, en 1982, à la Municipalité du comté de Rimouski, de laquelle elle tire une partie de son nom.

Nous en sommes maintenant à la partie ouest du comté de Rimouski--Mitis. Cette partie du territoire est traversée par un important cours d'eau, la rivière Rimouski, qui prend naissance dans le lac Tiarks, au Nouveau-Brunswick, et coule d'abord vers le nord-est sur 2,5 kilomètres avant d'atteindre la Réserve faunique de Rimouski. Elle y forme le lac Rimouski et un barrage du même nom y est érigé.

Se dirigeant cette fois vers le nord-ouest, elle vient se déverser au c<#0139>ur de la ville de Rimouski, où elle rejoint le fleuve après une course totale de 113 kilomètres.Son nom est aussi d'origine micmac et pourrait vouloir dire «terre à l'orignal» ou «terre de l'orignal ».

Au confluent de la rivière Rimouski et du fleuve Saint-Laurent, grâce à des programmes de création d'emploi du gouvernement du Canada au début des années 80, la ville de Rimouski y a aménagé un immense parc qui peut recevoir jusqu'à 20 000 personnes pour toutes sortes d'activités et qu'on a fort justement appelé «Beauséjour».

Je pourrais vous parler de l'origine du mot «Beauséjour » qui identifie un site enchanteur qui longe la rivière, mais je ne citerai qu'un extrait du livre publié à l'occasion du 50e anniversaire de la Municipalité de Sainte-Odile-de-Rimouski, en 1998:

La nature a déposé au Brûlé et au Beauséjour des attraits et des charmes inexistants ailleurs; plus de 800 personnes y vivent une vie dynamique. Aujourd'hui le parc Beauséjour répond magnifiquement à ces pages d'histoire.

Rimouski est une ville de services, un centre important d'enseignement des sciences de la mer, et le siège d'une constituante de l'Université du Québec. On y trouve l'Institut d'enseignement maritime du Québec, un centre hospitalier régional ainsi qu'un centre de traitement du cancer.

On y trouve également les bureaux régionaux des gouvernements du Canada et du Québec, un parc industriel qui accueille déjà un bon nombre d'entreprises de transformation et qui offre encore des facilités pour de nouvelles industries. À Rimouski et dans plusieurs municipalités avoisinantes, il y a toujours une bonne production laitière, à laquelle s'ajoutent d'autres productions agricoles et du développement forestier.

Les noms de «Rimouski » et «Mitis» représentent chacun une région bien connue depuis longtemps et si le nom d'une circonscription électorale doit servir à bien l'identifier, autant pour le bénéfice de sa population que pour celui du «reste du monde», si j'ose dire, jamais un comté ne fut si clairement personnalisé et mieux nommé.

À tout événement, vous avez le choix de la décision mais en terminant, permettez-moi de vous dire que ce serait une erreur de priver notre population d'un nom connu, et même bien connu pour sa circonscription électorale canadienne.

Je compte sur vous pour qu'on conserve le nom de Rimouski--Mitis. C'est le nom qui lui convient et c'est le nom que le monde connaît et reconnaît et ce, pour toutes les raisons que je viens de vous donner. J'en ajouterais même une autre raison, le club de hockey l'Océanic, qui a gagné la coupe Memorial après seulement cinq ans dans la ligue junior majeure de hockey. Je vous remercie de votre accueil et je remets mes espoirs entre vos mains.

[Traduction]

Mme Donna-Lynn McCallum (Broadview-Greenwood): D'abord, je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de comparaître devant vous cet après-midi. C'est un honneur pour moi d'être ici, car c'est la première fois que je rencontre des sénateurs. Je vais garder le carton sur lequel figure mon nom pour montrer aux autres que j'ai comparu devant le comité. J'allais apporter ma caméra, et j'aurais dû le faire, car cette pièce est magnifique.

J'habite East York, un petit quartier de Toronto, depuis 48 ans. Je travaillais à Revenu Canada et j'ai pris ma retraite il y a cinq ans -- je dois dire que c'était une retraite forcée. Comme j'ai beaucoup de temps libre, je m'intéresse aux affaires qui concernent la municipalité d'East York. Depuis que le gouvernement de l'Ontario a obligé East York à fusionner avec la mégaville de Toronto en 1997, je suis le processus politique de très près. J'aime beaucoup la communauté dans laquelle je vis. Je n'oublierai jamais mon professeur de deuxième année qui, chaque jour, disait à ses élèves: «Vous devriez être fiers de vivre à East York.» En effet, je suis très fière de vivre à East York. Vous savez, les enfants sont impressionnables.

Je tiens à préciser que je suis très contrariée par cette fusion, car elle nous fait perdre notre sentiment d'identité. Nous sommes un quartier relativement petit de Toronto. Nous avons été incorporés à la mégaville, et nous risquons donc de disparaître en tant que communauté. Le gouvernement provincial a adopté des règlements des plus bizarres. J'assiste maintenant à toutes les réunions du conseil municipal et du conseil communautaire. Avant la fusion, nous étions reconnus comme étant la municipalité d'East York. Nous sommes maintenant devenus la communauté d'East York. Je me porte à la défense de nos intérêts chaque fois que j'en ai la possibilité. Je ne leur permets pas d'oublier que je suis d'East York.

Les circonscriptions fédérales et provinciales portent le même nom. Le gouvernement de l'Ontario nous a attribué le nom de «Broadview-Greenwood». Toutefois, notre quartier municipal a subi des changements depuis qu'on cherche à réduire le nombre de conseillers. En effet, les quartiers municipaux sont découpés en fonction des limites des circonscriptions fédérales et provinciales. Par conséquent, à Toronto, je me trouve à faire également partie du district électoral de Broadview-Greenwood, sauf que la circonscription est divisée en deux pour que nous puissions avoir 44 conseillers. Il y a une communauté au nord, et une autre au sud.

Dennis Mills, notre député fédéral, veut remplacer le nom de la circonscription de Broadview-Greenwood par celui de Toronto-Danforth. Nous savons que Toronto est une grande ville et que la rue Danforth est très longue, puisqu'elle traverse trois circonscriptions. Je n'accepterais pas d'entendre mon conseiller municipal dire, «Je représente Toronto-Danforth». Ils vont dire, «Toronto? Toronto-Danforth? Où se trouve ce secteur?» Je m'excuse, mais cela me contrarie beaucoup. Si ce projet de loi ne visait pas ma municipalité, je ne serais sans doute pas ici aujourd'hui.

Je trouve étrange que Dennis Mills ne participe jamais aux activités qui se déroulent à East York. Nous organisons tous les ans au moins six grands événements auxquels tous nos députés fédéraux et provinciaux sont invités. Nos MAL sont toujours présents. Je n'aime pas les désigner ainsi, mais ce sont nos députés provinciaux. Ils font toujours acte de présence. Même la députée fédérale de Beaches-East York, Maria Minna, est souvent présente.

De tous les quartiers du grand Toronto, c'est East York qui organise le défilé du Jour du Canada et la cérémonie du Jour du souvenir les plus impressionnants. Or, Dennis Mills n'assiste jamais à aucun de ces événements. Aucun. Nous organisons une autre manifestation multiculturelle intitulée la Journée d'East York. Nous tenons un concours de jardinage où quelqu'un fait le tour et photographie l'aménagement paysager devant les maisons. Un comité évalue ensuite les photos des jardins et les classe par catégories. Des gens habillés en smoking décernent les prix. C'est très beau.

Nous organisons également un autre concours qui consiste à attribuer un prix à un citoyen qui a prêté main forte à un de ces voisins. Tous les habitants d'East York assistent à la remise du prix.

Enfin, nous avons le prix Agnes Macphail, qui a été la première femme à être élue au Parlement. Elle venait d'East York. Nous sommes très fiers d'elle. Nous décernons ce prix tous les ans à un bénévole exceptionnel -- habituellement une femme. Nous l'avons, une année, décerné à un couple. Le lauréat reçoit un chèque qui est remis à l'organisme de charité de son choix.

Tous ces événements illustrent le dynamisme d'East York. Nous organisons diverses activités auxquelles tous nos représentants élus devraient participer au moins une fois. Comment M. Mills peut-il dire qu'il nous connaît bien, qu'il est en mesure de prendre des décisions en notre nom alors qu'il n'assiste jamais à ces événements?

La seule fois que nous le voyons, c'est au moment des élections, quand il fait du porte-à-porte. C'est tout. Michael Prue, l'ancien maire d'East York, qui travaille maintenant comme conseiller municipal, a servi notre communauté pendant 12 ans. Lui non plus n'a jamais vu Dennis Mills participer à nos activités. Et c'est notre ancien maire. Michael Prue devait venir aujourd'hui. En fait, il avait offert de m'accompagner en voiture, mais il avait un autre engagement à remplir.

Je suis consternée de voir que le député que nous avons élu -- et pour lequel j'ai moi-même voté -- nous traite avec si peu d'égards. Je lui ai demandé au téléphone pourquoi il n'assiste jamais à aucune de nos activités. Il a répondu qu'il est trop occupé à défendre nos intérêts à Ottawa.

Les résidents d'East York ne le savent pas, mais un avis annonçant la tenue prochaine d'une réunion a été distribué dans un petit secteur d'East York. On y indiquait que Dennis Mills, le député de Toronto-Danforth, allait être présent. Toronto-Danforth? D'où sort ce nom? Cela en a contrarié certains, y compris notre députée provinciale Marilyn Churley, qui ne savait pas que le nom avait été modifié. Elle était très choquée, puisque ce changement a des répercussions sur le nom de sa circonscription provinciale. Elle va désormais être connue comme étant la députée provinciale de Toronto-Danforth. M. Mills ne l'a même pas consultée. Je sais que le député fédéral n'est pas obligé de communiquer avec les députés provinciaux, mais il me semble qu'il aurait pu au moins avoir la courtoisie de le faire. Cela lui aurait permis de connaître son point de vue.

Je ne sais pas non plus si les résidents de Riverdale, qui est située dans la partie sud de la circonscription de Broadview-Greenwood, ont été consultés. Marilyn Churley, qui représente East York et Riverdale, n'a jamais eu vent de ce changement.

J'ai parlé à M. Mills au sujet du nom qu'il avait choisi: je lui ai dit que la circonscription devait porter le nom des deux grandes communautés qui composent Broadview-Greenwood, soit East York et Riverdale. Voilà le nom qu'elle devrait porter. Or, il soutient que le nom Toronto-Danforth lui donnera de meilleures chances de faire avancer son travail sur la scène mondiale. Je suis au courant de l'excellent travail qu'il accomplit, notamment pour les agriculteurs de la Saskatchewan. Il est vrai que de nombreux résidents d'East York se sont opposés à ce qu'il utilise l'argent des contribuables pour financer les équipes de hockey canadiennes. Toutefois, nous, les citoyens d'East York et de Riverdale, l'avons choisi pour qu'il nous représente. Nous estimons que sa responsabilité première est de défendre les intérêts de ses électeurs. Le travail qu'il accomplit ailleurs m'importe peu en tant que résidente d'East York. Nous l'avons élu pour nous représenter, ce qu'il ne fait pas en changeant le nom de cette circonscription dans le simple but de mieux se faire connaître. Il ne nous écoute pas.

Comme je l'ai déjà dit, j'ai de la difficulté à accepter que les conseillers municipaux, à l'hôtel de ville de Toronto, disent qu'ils représentent Toronto-Danforth. C'est un non-sens. Ils devraient dire qu'ils représentent East York et Riverdale, point à la ligne.

Je propose que le nom de la circonscription de Broadview-Greenwood reste tel quel. Si, un jour, nous décidons d'en changer le nom, alors des consultations publiques devraient avoir lieu, et le nom de la circonscription devrait être modifié seulement si plus de 50 p. 100 des électeurs sont en faveur d'un tel changement. En ce qui me concerne, j'aimerais que la circonscription soit connue sous le nom d'East York-Riverdale, mais je ne peux parler au nom de chacun des résidents d'East York ou de Riverdale. Ils devraient tous avoir la possibilité de s'exprimer. Voilà pourquoi je dis qu'il devrait y avoir des consultations publiques. Je suis ici pour vous faire part de mes préoccupations sur la question. Donnons aux autres la chance de s'exprimer.

À mon avis, ce sont les résidents de la circonscription qui devraient choisir le nom de celle-ci. M. Mills m'a dit que même si le Parlement avait adopté le nom Toronto-Danforth, il tiendrait, après sa réélection, un concours en vue de choisir un nom pour la circonscription. Un concours? C'est ridicule. Comment vont-ils l'appeler? Magnolia, Sundrop? Regardons les choses en face. Le nom devrait être East York-Riverdale. Point à la ligne. Les gens s'identifient à ce nom. Je m'excuse, mais quand vous regroupez des citoyens ou des municipalités comme le fait le gouvernement provincial, nous perdons notre sentiment d'appartenance et je ne veux pas que cela se produise. Or, c'est ce que M. Mills est en train de faire. Personne ne nous reconnaîtra plus à l'hôtel de ville. C'est ce qui m'inquiète.

Le sénateur Fraser: Si je puis me permettre, je pense qu'Agnes Macphail aurait été contente de voir le nombre de femmes ici présentes aujourd'hui.

Mme McCallum: C'est vrai.

La présidente: J'allais vous dire, madame McCallum, une fois mon tour arrivé, que cette question m'intéresse de très près, car Agnes Macphail était la cousine de mon beau-père et qu'elle a siégé au sein de l'Assemblée législative provinciale en même temps que mon père. Ils étaient assis côte à côte. Nous pourrions longuement parler d'elle.

Mme McCallum: Alors je vous invite à notre prochaine fête, qui aura lieu l'an prochain, le 24 mars.

La présidente: Elle a été la première femme à être élue au Parlement. Comme son nom vient, en ordre alphabétique, après celui d'une autre femme qui a été élue lors de la même élection, elle est considérée comme étant la deuxième femme à être élue à l'Assemblée législative provinciale de Toronto.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Ma question s'adresse à Mme Lachance Côté. Est-ce seulement sur une question de géographie ou de géographie et d'histoire que vous basez vos revendications? J'aime bien Rimouski--Mont-Joli, c'est probablement la géographie et c'est ce que vous voulez, n'est-ce pas?

Mme Lachance Côté: Actuellement, le comté s'appelle Rimouski--Mitis. Ce qu'on souhaite, c'est conserver cette appellation. Mitis représente une partie importante de la région de l'est du Québec. C'est l'endroit où on retrouve, par exemple, les grands barrages de Jules-A. Brillant pour l'électrification rurale. Mitis a été développé depuis plusieurs années. C'est tombé dans l'oubli pour un certain temps parce que les Jardins de Mitis avaient été plus ou moins abandonnés. Ils ont été repris par le gouvernement du Québec et constituent maintenant un grand centre international. C'est une partie de territoire extrêmement importante pour l'est du Québec parce que c'est à cet endroit que le développement hydro-électrique s'est fait pour la première fois. C'est aussi à cet endroit qu'a été développé tout un réseau de rivières à saumon, par exemple, pour la villégiature.

Le sénateur Beaudoin: Alors c'est la géographie?

Mme Lachance Côté: C'est vraiment la géographie, et c'est aussi notre histoire. La première fois qu'on a utilisé le nom Rimouski, c'était en 1701. Alors Mitis n'est peut-être pas aussi vieux, mais c'est aussi un territoire très connu. La rivière Mitis se joint à la rivière Rimouski pour aller au fleuve, alors les autochtones devaient aussi passer par Rimouski.

Les maires de Rimouski et de Mont-Joli ont signé une lettre conjointe dans laquelle ils expriment leur souhait d'avoir le nom Rimouski--Mont-Joli. Ils disent que si ce n'est pas possible, il est préférable de garder le statu quo, donc Rimouski--Mitis. Tout le monde nous connaît depuis tellement d'années sous ce vocable, il n'y a pas de raison de le changer.

Le sénateur Beaudoin: Vous, vous préférez Rimouski--Mitis?

Mme Lachance Côté: Exactement, le nom actuel. C'est ce qu'on appelle le statu quo, sénateur Beaudoin.

Le sénateur Joyal: Madame Lachance Côté, j'ai reçu votre correspondance, en particulier la copie de la lettre des maires de Rimouski et de Mont-Joli. Les deux font référence à un sondage que madame le député de Rimouski--Mitis, Mme Suzanne Tremblay, aurait fait. Êtes-vous au courant du type de sondage et du nombre de personnes qui ont répondu à ce sondage?

Mme Lachance Côté: À ma connaissance, elle n'a pas publié de nouvelles à ce sujet pour nous dire combien de personnes auraient répondu à ce sondage. Je sais qu'il en a été question lors des réunions du parti du Bloc québécois, mais cela n'a pas été plus loin. Je sais également qu'il y a eu des interventions très musclées de la part du maire de Mont-Joli qui disait qu'il n'est pas question qu'on ajoute Neigette parce qu'il n'y a aucune entité à laquelle on peut se rattacher avec ce nom. Neigette est un territoire, ce qu'on connaît au Québec comme une grande partie des territoires non organisés. C'est la grande forêt au sud de Rimouski qui s'étend jusqu'au Nouveau-Brunswick. C'est un très beau paysage, mais ce n'est pas connu. Alors si un comté sert à être connu quelque part, il doit y avoir une image à laquelle on peut se référer, soit pour nous-mêmes comme pour ceux qui parlent de nous. Selon moi, Rimouski et Mitis illustrent bien la région.

Le sénateur Joyal: Est-ce que je peux comprendre que le plus grand pourcentage -- et j'aimerais que vous me donniez un chiffre -- de la population de la circonscription actuelle vit dans les villes de Rimouski, Mont-Joli et dans d'autres petites municipalités?

Mme Lachance Côté: La région de Rimouski, qu'on appelle la municipalité régionale de comté de Rimouski--Neigette, compte plus ou moins 53 000 personnes. La ville de Rimouski elle-même compte environ 32 000 personnes. Donc si j'additionne les deux, cela fait 75 000.

Le sénateur Joyal: Et en termes de distribution de population dans la circonscription fédérale?

Mme Lachance Côté: C'est ce que je viens de vous donner. Cela regroupe les deux municipalités régionales de comté.

Le sénateur Joyal: Pour un total d'environ 75 000 personnes. Vous parlez de la municipalité régionale de Rimouski--Neigette, donc le nom de «Neigette» est déjà accolé à la municipalité régionale. Et dans ces 53 000 personnes qui habitent dans cette municipalité régionale, il y en aurait environ 32 500 qui habiteraient dans Rimouski même. Donc, on se trouverait à faire un changement pour 20 000 personnes qui sont distribuées dans plusieurs municipalités dont aucune ne porte le nom de Neigette.

Mme Lachance Côté: Il n'y a pas une municipalité qui porte le nom de Neigette. Cela a surtout été utilisé pour décrire une partie du territoire. Une grande partie n'est pas habitée.

Le sénateur Joyal: Connaissez-vous la réaction de Mme Tremblay à la lettre des maires de Rimouski et de Mont-Joli?

Mme Lachance Côté: Elle n'a pas fait de commentaire.

Le sénateur Joyal: Tous les deux se prononcent en faveur du statu quo?

Mme Lachance Côté: Effectivement. Remarquez que la MRC propose La Mitis--Rimouski--Neigette. Aucun groupe consulté ne dit la même chose. Vous devez avoir ces documents, cela vient du comité de la Chambre des communes qui dit que la MRC recommande La Mitis--Rimouski--Neigette.

Le sénateur Joyal: C'est ce que Mme Tremblay souhaite avoir comme nom?

Mme Lachance Côté: Non, elle veut La Mitis et Rimouski--Neigette. Selon nous, c'est plutôt distraire l'attention que d'ajouter Neigette qui ne représente aucune municipalité en soi.

Le sénateur Joyal: Quels sont les noms des deux ou trois circonscriptions provinciales qui recoupent le comté fédéral de Rimouski--Mitis?

Mme Lachance Côté: Les deux comtés provinciaux sont Rimouski et Matapédia.

Le sénateur Joyal: D'accord. Donc il n'y a pas de comté provincial qui porte le nom de Neigette?

Mme Lachance Côté: Non.

Le sénateur Joyal: Depuis quand cette municipalité régionale de comté s'appelle Rimouski--Neigette?

Mme Lachance Côté: Depuis 1982 quand les municipalités régionales de comté ont été abolies.

[Traduction]

Le sénateur Fraser: Ma question s'adresse davantage à Mme McCallum, puisqu'elle me l'a présentée sur un plateau. J'ai demandé à plusieurs personnes qui ont comparu devant le comité si elles savaient que les noms géographiques ne constituaient pas le seul critère utilisé pour désigner les circonscriptions fédérales. Vous pouvez, par exemple, choisir un nom rappelant un événement historique.

Ce qui m'inquiète, c'est cette tendance que nous avons à regrouper les noms -- pas dans votre cas, mais dans celui de la circonscription de Mme Côté -- de plusieurs municipalités.

Je me demande si on ne devrait pas -- et je ne parle pas du Sénat, mais de la société en général -- envisager la possibilité de donner aux circonscriptions des noms qui rappellent un événement à caractère historique ou social. Dans votre cas, il me semble que le nom d'Agnes Macphail serait un choix logique. On ne serait pas obligé, en fait, de choisir le nom d'une personnalité politique. On pourrait, par exemple, choisir le nom de Maurice Richard ou d'un Prix Nobel pour désigner la circonscription où ils ont vécu. Il serait également logique de choisir le nom Lester Pearson, et non Algoma-Est, pour désigner la circonscription où a vécu Lester Pearson.

Comment réagiraient les électeurs de votre circonscription si quelqu'un proposait qu'on attribue à celle-ci le nom de ce personnage célèbre et remarquable qui a marqué l'histoire canadienne?

Mme McCallum: J'aime bien le nom. Malheureusement, East York ne représente que la partie nord de la circonscription. Il se peut que Riverdale n'accorde pas autant d'importance à l'histoire d'Agnes Macphail, et c'est là le problème principal. Comme la circonscription regroupe deux communautés, une au nord et l'autre au sud, nous devons avoir un nom qui reflète la composition du comté de part et d'autre de la rue Danforth. Je ne sais pas ce que pense Riverdale du nom d'Agnes Macphail. Nous aimerions bien l'utiliser, mais il faut que les résidents de Riverdale soient d'accord.

J'ai agi comme porte-parole du syndicat pendant très longtemps, et j'ai l'habitude de parler au nom des membres. Pour ma part, quand je voulais quelque chose, je faisais habituellement partie de la minorité. En tant que porte-parole, il faudrait que je parle au nom de la majorité. Or, j'aimerais bien qu'on utilise le nom d'Agnes Macphail, mais il se peut que la communauté au sud de Danforth ne soit pas d'accord avec l'idée. Elle habitait ce qu'on appelait à l'époque le quartier York East, qui n'englobait peut-être pas Riverdale. Le nom utilisé doit être approuvé par les deux communautés.

La présidente: Je tiens à dire aux sénateurs que j'ai une copie des lignes directrices pour l'attribution de noms aux circonscriptions électorales fédérales. Elles proviennent du Secrétariat de la Commission de la toponymie du Canada. Le point 8 traite de l'utilisation des noms de personnes. Il précise que le nom d'une personne ne doit pas être attribué à moins qu'elle n'ait apporté une contribution importante à la région où l'entité est située. Il ajoute également qu'on doit privilégier les noms de lieux et d'entités pour la désignation des circonscriptions électorales fédérales.

C'est un des critères qu'ils utilisent, sauf que les parlementaires, eux, semblent en faire fi.

Ce choix risque de semer la confusion, car il y a environ 25 écoles en Ontario qui portent le nom d'Agnes Macphail. Il y a beaucoup d'écoles et d'immeubles qui sont ainsi désignés.

Je vous remercie toutes les deux d'avoir comparu devant nous. Je ne veux absolument pas que vous pensiez que nous allons modifier le nom. Il est très difficile pour le Sénat ou un de ses comités de modifier un nom choisi par un représentant élu au sein d'un district. Le comité peut proposer des recommandations pour la désignation future des circonscriptions électorales. Il se peut qu'on annexe certaines de ces recommandations au rapport que nous soumettrons au Sénat. Toutefois, je ne veux pas que vous pensiez que nous allons choisir ce nom-ci ou ce nom-là. Si nous proposons des changements, ceux-ci devraient s'appliquer à l'ensemble des circonscriptions au Canada, pas à des circonscriptions individuelles. Ils ne devraient pas non plus nuire aux efforts d'un représentant élu dans une circonscription. Nous ne sommes pas élus, et c'est pourquoi il faut procéder avec grande prudence.

Par ailleurs, nous comprenons fort bien votre point de vue. Nous avons interrogé quelques députés l'autre jour, et il y en a un qui m'a demandé plus tard, «Ai-je été assez humble? Assez servile?» Nous leur avons demandé, entre autres, s'ils avaient procédé à une vaste consultation au sein de leur circonscription. Certains l'ont fait. Si nous modifions le projet de loi dans le but de changer le nom d'une seule circonscription, il faudra alors renvoyer le tout, y compris les autres noms qui ont fait l'objet d'une vaste consultation, à la Chambre des communes, qui devra reprendre le débat, comme Mme Côté le sait fort bien.

Je ne veux pas vous donner de faux espoirs, mais il se peut qu'on parvienne un jour à convaincre la Chambre des communes d'adopter notre position pour ce qui des changements apportés aux noms des circonscriptions entre deux élections. Quand il y a redécoupage, une fois le recensement décennal terminé, les noms sont soumis à la Commission de délimitation des circonscriptions électorales et à la Commission de la toponymie du Canada, qui approuve les noms choisis. À mon avis, il faudrait procéder de la même façon entre deux élections.

Le sénateur Pearson: Je voudrais revenir sur ce qu'a dit Mme McCallum au sujet de la consultation et du sentiment d'appartenance. On ne devrait pas pouvoir modifier le nom des circonscriptions trop facilement. La question d'identité est importante pour les communautés. Vous avez vécu à cet endroit pendant très longtemps, et les paroles de votre professeur sont ancrées dans votre esprit. Il serait bon de le rappeler aux députés et à tous ceux qui se présentent à des élections. Il se peut qu'il y ait des divergences d'opinion, que certaines personnes préfèrent un nom au détriment d'un autre, mais si suffisamment de gens acceptent que le nom soit changé, alors les autres devront accepter la décision.

Nous sommes heureux d'avoir entendu votre témoignage, car il nous rappelle à quel point le sentiment d'identité est important, et à quel point aussi les rapports entre un député et ses électeurs sont précieux, car c'est ce qui fait qu'il est élu.

La présidente: Absolument. Ce que je trouve encourageant dans le cas de Mme McCallum, c'est qu'East York figure dans le nom de la circonscription de Mme Minna.

Mme McCallum: Notre communauté est située juste à coté. Elle a changé le nom de la circonscription.

La présidente: Oui, pour y inclure East York. Je présume que les circonscriptions provinciales, dont les limites correspondent aux circonscriptions fédérales, sont divisées en deux sur le plan municipal. Il y a donc de l'espoir dans votre cas, car on ne peut avoir deux quartiers municipaux qui portent le même nom.

Mme McCallum: Autant que je sache, ils vont tout simplement dire XYZ nord, et XYZ sud.

La présidente: De nombreux quartiers à Toronto ne porteront ni la désignation nord, ni la désignation sud.

Mme McCallum: Ou est ou ouest. Ils ont dit qu'il se peut qu'on modifie les noms. Ce sont nos quartiers qui sont visés.

La présidente: C'est exact.

Mme McCallum: Il devrait y avoir deux quartiers East York, soit Beaches-East York et, si nous devions changer le nom, Riverdale-East York. Nous adopterions un nom différent, peut-être Todmorden.

La présidente: Vous pourriez adopter le nom East York- Todmorden.

Mme McCallum: Ce serait une bonne idée.

La présidente: Je tiens à vous remercier toutes les deux.

[Français]

Mme Lachance Côté: Avant de comparaître devant le comité, j'ai parlé aux maires des deux municipalités et de nombreuses représentations ont été faites. Je pense que le Sénat et là pour aider la Chambre des communes à prendre de meilleures décisions.

Le sénateur Beaudoin: Sûrement.

[Traduction]

La présidente: Il peut l'aider à mieux saisir le problème. Merci à toutes les deux.

La séance est levée.


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