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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 16 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 6 juin 2000

Le comité sénatorial permanent des transports et des communications, à qui a été renvoyé le projet de loi C-26, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada, la Loi sur la concurrence, la Loi sur le Tribunal de la concurrence et la Loi sur la participation publique d'Air Canada et modifiant une autre loi en conséquence, se réunit aujourd'hui à 9 h 30.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-26. Nous entendons ce matin des représentants du Bureau de la concurrence.

Allez-y.

[Français]

M. Raymond Pierce, sous-commissaire adjoint de la concurrence: Je vous remercie d'avoir invité le Bureau de la concurrence à comparaître devant vous pour faire part de ses points de vue à l'égard du projet de loi C-26, la législation reliée à la restructuration du secteur aérien au Canada. Le commissaire de la concurrence, M. von Finckenstein, aurait souhaité pouvoir vous rencontrer aujourd'hui, mais il représente le Canada aux réunions de l'OCDE sur le droit et la politique de la concurrence.

J'aimerais souligner brièvement les principales modifications à la Loi sur la concurrence comprises dans le projet de loi C-26.

Premièrement, l'exemption temporaire des agents de voyage de la Loi sur la concurrence. Ceci permettra aux agents de voyage de négocier collectivement avec un transporteur dominant des commissions sur le plan de billets pour les vols intérieurs. Dans ce contexte, nous devrions nous rappeler que les agents de voyage sont de loin le plus important mécanisme de distribution pour les voyages en avion, effectuant plus de 75 p. 100 des ventes de billet par les lignes aériennes régulières au Canada. Cette exemption est temporaire et durera seulement tant que le transport dominant détiendra 60 p. 100 ou plus des passagers-kilomètres payants de l'ensemble des services intérieurs pendant les 12 mois précédents. À tout autre égard, la Loi sur la concurrence continuera de s'appliquer aux agents de voyage.

[Traduction]

Deuxièmement, le projet de loi définit, par voie de règlement, les agissements anticoncurrentiels dans le domaine aérien. Aujourd'hui, je dépose devant vous une copie du plus récent projet de règlement qui fera l'objet d'une prépublication lorsque le projet de loi sera promulgué. Une version antérieure de cette ébauche a été déposée au comité permanent des transports de la Chambre des communes.

Le règlement souligne les types de comportements, y compris la pratique de prix d'éviction, qui sont susceptibles d'être contestés. Souvent, la ligne de démarcation est ténue entre un comportement proconcurrentiel et un comportement abusif.

Le règlement définit quatre catégories d'agissements anticoncurrentiels. Premièrement, la conduite d'éviction en pratiquant des tarifs qui ne couvrent pas les coûts évitables de prestation du service. Deuxièmement, la préemption d'installations aéroportuaires ou de créneaux de décollage et d'atterrissage. Troisièmement, les pratiques qui peuvent s'inscrire dans une campagne d'agissements visant à éliminer la concurrence, comme le recours aux commissions d'agents de voyages ou aux primes pour grands voyageurs dans le but d'éliminer ou de discipliner un concurrent. Quatrièmement, le refus de fournir des services et des installations essentiels.

Une fois déposé et publié, ce règlement établira les limites d'un comportement acceptable pour l'industrie. Nous invitons tous les intéressés à faire parvenir leurs commentaires au Bureau.

J'aimerais également commenter les modifications à cette disposition qui ont été adoptées par le comité permanent des transports de la Chambre des communes. Un certain nombre de transporteurs aériens qui ont comparu devant ce comité ont exprimé des préoccupations quant au refus du transporteur dominant d'accorder l'accès à divers services et installations. Ces modifications ont été adoptées par le comité afin de s'assurer que le nouveau règlement couvre le refus d'accorder l'accès, à des conditions commerciales raisonnables, à des services et installations essentiels à l'exploitation d'un service aérien. Elles sont compatibles avec les principes du droit de la concurrence existant dans d'autres pays, y compris les États-Unis.

[Français]

Pour qu'un tel refus constitue un comportement anticoncurrentiel, quatre conditions sont précisées: le service est requis pour fournir un service aérien concurrentiel; le service ne peut raisonnablement ou pratiquement être acheté, acquis ou reproduit par un autre transporteur; aucune considération d'affaires valide ne justifie que l'utilisation conjointe ne serait pas pratique ou qu'elle ne pourrait raisonnablement être accommodée; ces services sont effectivement contrôlés par le transporteur qui en refuse l'accès. En présence de ces quatre conditions, le bureau est d'avis qu'un tel refus entraînerait un dommage grave à la concurrence.

Troisièmement, il y aura un nouveau pouvoir en matière d'ordonnances d'interdiction. Ces pouvoirs permettront au commissaire de réagir rapidement afin d'arrêter un comportement d'éviction ou tout autre comportement anticoncurrentiel avant que des dommages permanents ne soient causés. L'industrie aérienne est unique au Canada du fait qu'il n'y a qu'un transporteur qui est largement dominant. De plus, c'est une industrie ayant des éléments d'actifs grandement mobiles et des coûts variables bas. Une ordonnance peut seulement être émise pour une période allant jusqu'à 80 jours pendant que nous faisons enquête et elle peut être examinée par le Tribunal de la concurrence. Il est important de mentionner que le bureau a consulté le ministère de la Justice pour s'assurer que ces pouvoirs sont compatibles avec la Charte canadienne des droits et libertés.

[Traduction]

Quatrièmement, le projet de loi introduit une nouvelle procédure d'examen pour les fusionnements entre transporteurs aériens. Le projet de loi indique aux sociétés aériennes voulant se fusionner une démarche étape par étape prévoyant la notification à l'Office des transports du Canada, au ministre des Transports et au Bureau de la concurrence. Il donne au gouverneur en conseil la responsabilité de l'approbation finale. Ce processus permet ainsi de traiter en même temps les questions de concurrence et les questions d'intérêt public.

De plus, le projet de loi inscrit dans la législation tous les engagements pris par Air Canada lors des négociations avec le Bureau de la concurrence avant Noël. Il considère que le fusionnement a été approuvé en vertu de cette nouvelle procédure. Les engagements deviendront donc opposables et exécutoires. En d'autres mots, toute contravention à ces engagements peut maintenant entraîner l'imposition d'amendes et de peines d'emprisonnement.

Enfin, le projet de loi fournit un mécanisme permettant au commissaire et au ministre des Transports de se transmettre des renseignements confidentiels sur les fusionnements entre transporteurs aériens. Ceci éliminera la restriction actuelle voulant que l'information pertinente exigée par le Bureau et le ministre des Transports ne puisse pas être communiquée ou comparée. Le processus en sera plus efficace. La transmission de renseignements ne servira qu'aux fins de l'approbation d'un fusionnement de sociétés aériennes.

[Français]

Cependant, la législation ne peut à elle seule attirer de nouveaux concurrents sur le marché. Même si les engagements pris par Air Canada abaissent les barrières à l'entrée, par exemple en ouvrant l'accès aux aéroports, ils ne garantissent pas que de nouveaux arrivants appraraîtront ou que les transporteurs existants prendront de l'expansion.

Je suis content de noter que le ministre des Transports a libéralisé la politique sur les vols d'affrètement internationaux en s'inspirant sensiblement de nos recommandations.

Ces modifications, ainsi que les changements de politique apportés par le ministre et les engagements pris par Air Canada au moment du fusionnement, font certes suite à plusieurs des recommandations formulées par le bureau, mais le bureau demeure préoccupé de l'état de la concurrence dans l'industrie aérienne du Canada.

Afin d'illustrer mes préoccupations, permettez-moi d'ajouter quelques points. Après cette transaction qui doit encore être finalisée, Air Canada émergera avec plus de 80 p. 100 des passagers du réseau intérieur, près de 90 p. 100 des revenus provenant des passagers intérieurs et une flotte de plus de 230 réactés.

[Traduction]

Manifestement, les transporteurs émergents et les nouveaux arrivants sur les routes intérieures feront face à un formidable concurrent. Le Bureau n'a aucune crainte concernant la future santé financière d'Air Canada. En février dernier, la société aérienne a rapporté les résultats financiers suivants: un bénéfice d'exploitation record de 503 millions de dollars et une marge d'exploitation de 7,7 p. 100, la plus haute en 27 ans. Les perspectives financières d'Air Canada se traduisent dans le cours de son action. Celui-ci a atteint plus de 19 $, en comparaison de 6 $ l'été dernier.

Le Bureau maintient qu'on ne peut avoir un environnement vraiment concurrentiel qu'en ouvrant notre marché intérieur à la concurrence. Vous vous souviendrez que dans la lettre qu'adressait le Commissaire au ministre le 22 octobre et pendant la discussion du Commissaire avec vous lors de sa précédente comparution devant le comité, il a fait trois recommandations à ce sujet, dont l'une nécessite un changement réglementaire et les deux autres, des changements législatifs: premièrement, que la limite de propriété étrangère des actions avec droit de vote des transporteurs aériens canadiens soit haussée par règlement et portée à 49 p. 100, la limite actuelle étant de 25 p. 100; deuxièmement, que le gouvernement du Canada tente immédiatement de négocier avec les États-Unis les droits réciproques de la Sixième liberté modifiée concernant les services aux passagers. Ceci permettrait aux transporteurs aériens américains de vendre sur un seul billet un voyage d'une ville canadienne à une autre ville canadienne en passant par une destination américaine; troisièmement, que la Loi sur les transports au Canada soit modifiée afin de permettre l'attribution d'une licence d'exploitation limitée au réseau canadien à des transporteurs qui ne seraient soumis à aucune restriction relative à la propriété ou au contrôle canadien. En vertu de ce système, les transporteurs pourraient uniquement desservir des destinations au Canada et ne pourraient pas voler vers des destinations étrangères.

Merci de nous avoir invités aujourd'hui. Nous répondrons maintenant à vos questions.

Le sénateur Forrestall: J'aurais bien aimé avoir le temps de lire le règlement plus particulièrement. Prendre préalablement connaissance du règlement simplifie parfois la discussion d'une question aussi complexe que celle-ci.

D'après ce que vous dites -- je vous ai peut-être mal entendu ou mal interprété -- je comprends que dans l'ensemble, vous êtes plutôt satisfait des progrès accomplis. Le gouvernement semble se diriger dans la bonne direction. Est-ce que j'exagère?

M. Pierce: C'est juste. Les pouvoirs accordés en vertu de la Loi sur la concurrence sont très importants pour nous. Il ne fait aucun doute que ce projet de loi est un pas dans la bonne direction. Il accorde au Bureau de la concurrence de nouveaux pouvoirs qui lui permettent de délivrer les ordonnances d'interdiction qui nous sont essentielles lorsque nous examinons des cas de pratiques de prix d'éviction. Nous voulons nous assurer d'avoir les outils nécessaires pour réagir rapidement à ce genre de situation avant que de nouveaux arrivants ne soient éliminés du marché. Les pouvoirs conférés en vertu d'une ordonnance d'interdiction sont absolument essentiels à cet égard.

Nous devons également pouvoir préciser par voie de règlement ce qui constitue un comportement anticoncurrentiel en vertu de nos propres dispositions antimonopolistiques, ce qui permet d'élaborer un code de déontologie pour le transporteur dominant que nous espérons ne pas devoir soumettre aux tribunaux. Ce sont des pouvoirs importants que la Loi nous confère.

Mais nous ne devons pas faire preuve de complaisance non plus. Essentiellement, il existe au Canada un monopole non réglementé. Il n'y a pas de réglementation concernant la qualité du service. Bien que les prix très élevés et les prix très bas soient assujettis au même examen de la part du gouvernement, dans l'ensemble, nous évoluons dans un monopole non réglementé. C'est pourquoi nous avons dit, et nous avons toujours transmis le même message dès le départ, que ces trois autres possibilités d'accroître la concurrence sur le marché canadien sont extrêmement importantes pour hausser le niveau de la concurrence étrangère.

Le sénateur Forrestall: Vous avez dit que la limite concernant la propriété étrangère et les actions avec droit de vote devrait être augmentée par voie de règlement et portée à 49 p. 100. Il faudra pour ce faire un autre changement législatif, je suppose.

M. Pierce: Selon moi, on pourrait procéder par voie de règlement.

Le sénateur Forrestall: Oui, mais il n'en est pas question dans le projet de loi que nous examinons. Pourquoi, croyez-vous?

M. Pierce: Je n'ai pas la prétention de parler au nom du ministre des Transports. Je ne crois pas qu'il ait éliminé cette possibilité. À mon avis, ce qu'il a décidé de faire à l'égard de toutes ces questions, c'est d'adopter une approche attentiste pour voir comment le marché évolue et si des concurrents nationaux peuvent sortir de l'ombre pour combler le vide concurrentiel laissé par la disparition des Lignes aériennes Canadien international.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous toujours la même opinion au sujet des droits que confère la Sixième liberté modifiée, et croyez-vous toujours aussi fermement que nous devrions nous doter de cet outil pour accroître la concurrence?

M. Pierce: Absolument.

Le sénateur Forrestall: Cette question a fait couler beaucoup d'encre la première fois. Pourriez-vous nous donner plus de détails? J'ai plutôt tendance à être d'accord avec vous. Je crois que c'est un outil utile. On ne peut pas revenir facilement en arrière, mais il est utile.

M. Pierce: Non. Là encore, cet outil n'est pas une panacée, mais il permettrait peut-être de discipliner un peu un transporteur largement dominant. Permettez-moi de vous rappeler à cet égard les chiffres que j'ai donnés dans ma déclaration liminaire. Quand j'ai dit que 90 p. 100 des recettes d'Air Canada proviendront des services voyageurs au Canada, cela sous-estime probablement sa position sur le marché des affaires parce que ces données incluent à la fois les déplacements pour affaires et les déplacements pour le plaisir. Beaucoup des petits concurrents sont davantage centrés sur le marché des voyages d'agrément. C'est le cas notamment des sociétés de vols nolisés. Air Canada domine de loin ce marché.

Le sénateur Forrestall: Hier, les représentants de WestJet nous ont fait part de leurs difficultés à Moncton, de la réduction massive des prix et de l'ajout de sièges. N'est-on pas loin ici de mesures anticoncurrentielles, sinon d'écrasement total?

M. Pierce: Il y a certainement lieu de s'inquiéter. Nous examinons sérieusement cette situation tant en vertu des dispositions criminelles que civiles de la Loi sur la concurrence pour déterminer si, oui ou non, Air Canada abuse de son pouvoir commercial et recourt à des pratiques de prix d'éviction. Récemment, nous avons ouvert ce que l'on appelle une enquête officielle en vertu de la Loi sur la concurrence. Oui, nous examinons la situation de façon extrêmement sérieuse. Nous ne sommes pas encore définitivement convaincus que la Loi a été violée, mais nous suivons la situation de très près.

Le sénateur Forrestall: J'ai toujours cru qu'une bonne pratique commerciale consiste, entre autres, à pouvoir réagir rapidement et à ne pas être entravé par des processus décisionnels qui n'en finissent plus. Êtes-vous relativement satisfait de votre propre capacité d'aborder le problème, d'y trouver une solution et d'utiliser les processus adéquats?

M. Pierce: C'est un bon exemple. Si nous disposions de ces pouvoirs d'interdiction, nous envisagerions sérieusement de voir si nous pouvons les utiliser dans ce cas-ci.

Le sénateur Forrestall: Hypothétiquement, qu'est-ce que vous feriez si vous aviez ces pouvoirs aujourd'hui?

M. Pierce: Si nous avions ces pouvoirs aujourd'hui, nous essaierions de voir très sérieusement si nous voudrions les utiliser dans les circonstances.

Le sénateur Forrestall: J'aimerais revenir à la suggestion dans son sens large. En général, est-ce qu'on est bien avisé quand on élimine les obstacles au processus décisionnel?

S'il n'en tenait qu'à moi, je vous confierais le logiciel et je laisserais le Bureau s'occuper du matériel. Je pense qu'une bonne décision peut être prise à cet égard. En général, est-ce que vous êtes satisfait, est-ce que le Bureau est satisfait de sa capacité d'agir oui ou non?

M. Pierce: Notre travail consiste à nous assurer de ne pas paralyser la concurrence légitime. Dans certains cas, il est difficile de déterminer ce qui constitue un prix d'éviction ou un prix anticoncurrentiel et un prix légitime. Compte tenu de ce que j'ai dit du fait que nous serions heureux d'avoir ces pouvoirs d'interdiction, je pense que nous avons la capacité d'agir rapidement en pareilles circonstances.

Le sénateur Callbeck: Je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous vous dites préoccupé par l'état de la concurrence dans l'industrie aérienne au Canada. J'aimerais poursuivre sur la lancée du sénateur Forrestall quant à la situation à Moncton. M. Smith, qui a comparu devant le comité hier soir, a précisé que lorsque la WestJet est entrée en service à Moncton, elle demandait de 129 $ à 339 $ pour un billet aller, alors qu'Air Canada demandait 605 $. Dès que la société WestJet est apparue dans le portrait, le prix d'Air Canada est passé de 605 $ à 249 $, et elle a également augmenté sa capacité de sièges de 67 p. 100 alors qu'avant que WestJet n'apparaisse sur la scène, elle avait réduit cette capacité de 9 p. 100. Le billet de Toronto à Halifax coûte toujours 678 $. Cela me paraît certainement être une pratique de prix d'éviction.

Si le projet de loi était en vigueur, comment réagiriez-vous à cela? Combien de temps vous faudrait-il pour réagir, et cetera?

M. Pierce: Peut-être pourrais-je demander à mon collègue, Dave McAllister, qui connaît mieux la situation, de vous parler de certains projets de règlements qui porteraient spécifiquement sur ce genre de situation. Nous avons intégré à ces lois anticoncurrentielles des dispositions visant à empêcher les prix d'éviction. Nous travaillons actuellement à l'élaboration d'un code spécifique de déontologie pour que ce genre de chose ne se produise tout simplement pas.

M. Dave McAllister, agent de commerce principal, Bureau de la concurrence: D'abord, je ne parlerai pas des détails de la situation de WestJet à Moncton. Comme l'a dit M. Pierce, le Bureau a été saisi de la question, et je me dois de respecter scrupuleusement nos restrictions très rigoureuses concernant la confidentialité des enquêtes en cours. Mais, je vais vous répondre de façon générale et vous dire comment le Bureau procéderait dans une enquête, ce que nous avons fait jusqu'à maintenant, et comment les nouveaux pouvoirs y seront exercés quand nous les aurons.

Manifestement, la plupart des enquêtes qu'entreprend le Bureau sont ouvertes à la suite d'une plainte, ou lorsque le Commissaire est informé d'une situation par la presse ou une tierce partie. Nous recevons une plainte accompagnée de certains éléments d'information qui semblent soulever un problème en vertu de la Loi, et nous faisons un examen préliminaire. Nous recueillons tous les faits, nous interrogeons les plaignants et d'autres intervenants du marché et nous procédons alors à une évaluation de l'information. Ensuite, nous décidons si cette enquête préliminaire justifie que nous soumettions le problème au Tribunal de la concurrence, qui rendra une ordonnance visant la tenue d'une enquête officielle.

Si nous en venons à la conclusion qu'il y a des motifs de tenir une enquête officielle, le Commissaire entreprend cette enquête en vertu de la Loi, en suivant les étapes. Premièrement, il est alors en mesure d'exercer les pouvoirs officiels de fouille et de saisie prévus par la Loi, d'obliger des personnes à comparaître et à lui remettre des documents.

Quand le Commissaire a ouvert l'enquête officielle, elle peut se solder par une requête au Tribunal ou par des accusations au criminel. Si l'enquête n'est pas fondée, elle doit être interrompue, et on fait alors rapport au ministre, rapport que l'on inclut également dans notre rapport annuel.

C'est la procédure normale. Malheureusement, ces enquêtes demandent beaucoup de personnel et de temps, mais c'est ainsi que les choses se passent et ce sont les étapes qu'il faut suivre.

Nous pouvons maintenant utiliser les dispositions criminelles concernant les prix d'éviction, et les dispositions relatives aux abus d'un transporteur dominant prévues par la Loi. Les nouveaux pouvoirs codifieront les pratiques anticoncurrentielles au sein de l'industrie aérienne, ce qui nous permettra d'évaluer les prix d'éviction. Trois des règlements proposés portent spécifiquement sur les pratiques de prix d'éviction -- c'est-à-dire l'abaissement des prix, l'ajout de sièges, ou l'utilisation potentielle d'un deuxième transporteur comme moyen stratégique de réduire la concurrence. Nous n'avons pas encore ces dispositions réglementaires. Le Tribunal de la concurrence ne peut les invoquer lorsqu'il doit entendre une cause. Cependant, rien ne nous empêche de soumettre une cause en vertu des dispositions actuelles.

Nous n'avons pas ces pouvoirs d'interdiction qui nous permettraient de faire la transition entre le moment où on entreprendrait une enquête et le moment où l'on présenterait une requête au Tribunal. Ces pouvoirs combleraient cette lacune. Dès qu'on fait effectivement une requête au Tribunal, on peut obtenir une ordonnance temporaire du Tribunal lui-même. La nouvelle loi nous permettra de faire la transition entre le moment où l'enquête est entreprise et le dépôt de la requête ou d'une autre disposition, et de vérifier le comportement en question avant que des torts irréparables ne soient causés.

Je ne crois pas que j'aie autre chose à ajouter. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le sénateur Callbeck: En gros, combien de temps faut-il compter avant de pouvoir obtenir ces ordonnances d'interdiction?

M. McAllister: Chaque cas est différent. Cela dépend de la valeur de l'information. J'ai vu des cas où l'on est passé de la plainte à l'enquête en quelques semaines. Dans d'autres cas, cela peut prendre des mois. La concurrence dans l'industrie aérienne est la priorité absolue du Bureau actuellement, donc nous examinons très rapidement toute cause concernant une société aérienne. Il n'y a pas de règle fixe disant qu'on a une limite de 30 jours pour entreprendre une enquête officielle. Cela dépend de la qualité de l'information et de la façon dont le tout s'intègre à la Loi. Dès que l'enquête est ouverte, on retient alors en général les services d'experts et de conseillers juridiques du ministère de la Justice et nous examinons soigneusement les faits.

Le sénateur Callbeck: Est-ce que vous engagez beaucoup d'autres personnes pour faire le travail dans ce cas?

M. McAllister: Dans une cause typique, nous utilisons les services de notre propre personnel auquel nous ajoutons, si nécessaire, des experts de l'industrie ou des économistes spécialisés. Bien sûr, des conseillers juridiques font partie de notre équipe lorsque nous poursuivons l'enquête.

Je vais laisser M. Pierce répondre aux autres questions.

M. Pierce: Non, nous n'engageons pas actuellement de personnel supplémentaire. Le Bureau accueillerait volontiers plus de ressources. Si la charge de travail exige des ressources additionnelles, nous demanderons l'approbation au Conseil du Trésor, mais rien n'est prévu à cet égard pour l'instant.

J'aimerais ajouter des éléments d'information au point qu'a soulevé M. McAllister concernant les ordonnances d'interdiction. Il faut respecter un certain seuil. Le Commissaire doit avoir amorcé la procédure d'enquête officielle. C'est-à-dire qu'il doit être convaincu qu'il y a des motifs raisonnables de croire que le Tribunal de la concurrence pourrait prendre une ordonnance, ou que les parties ont commis une infraction criminelle. C'est là un seuil important. Actuellement, nous n'avons aucun moyen de nous assurer qu'un nouveau venu sur le marché, qui essaie de faire concurrence à un transporteur dominant, ne sera pas éliminé avant que nous ayons eu l'occasion de tirer nos conclusions, de déterminer s'il y a eu ou non comportement monopolistique. Les pouvoirs d'interdiction sont un élément de transition important pour nous. Ce n'est pas la peine d'amener l'enquête jusqu'à sa conclusion, de la soumettre au Tribunal de la concurrence ou aux tribunaux, si le nouveau venu n'est plus sur le marché et qu'il ne souhaite pas y revenir.

Le sénateur Roberge: J'ai examiné rapidement le règlement et je le trouve assez impressionnant. Je dois avouer qu'il me semble assez consistant.

J'aimerais poser une question au sujet de la mesure incitative pour les agences de voyages. Êtes-vous au courant de la lettre envoyée par Air Canada le 18 mai 2000 aux agences de voyages canadiennes?

M. Pierce: Non.

Le sénateur Roberge: Essentiellement, on dit que les paiements incitatifs pour les vols intérieurs ne seront offerts qu'aux agences de voyages qui satisferont aux critères de rendement des États-Unis et aux critères de rendement à l'échelle internationale. À votre avis, s'agirait-il là d'une pratique de prix d'éviction?

M. Pierce: Nous sommes en général au courant de ce genre de cas. Je ne peux pas vous parler de cette lettre précise, mais certains nous ont fait part de leurs doléances indiquant que les pratiques actuelles d'Air Canada concernant les commissions sont anticoncurrentielles. Nous examinons le cas, mais nous n'en sommes pas encore venus à quelque conclusion que ce soit.

La présidente: Sénateur Taylor, est-ce que vous remplacez quelqu'un d'autre?

Le sénateur Taylor: Je représente le sénateur Kirby.

À la page 8, vous dites que les seules sociétés canadiennes ne devraient être soumises à aucune restriction relative à la propriété ou au contrôle canadien. Je suis un peu intrigué. Pourquoi une société qui offre des vols à l'extérieur du pays doit être assujettie aux restrictions concernant la propriété canadienne alors qu'une autre société qui offre des vols au pays n'est pas soumise aux mêmes règles?

M. Pierce: L'industrie aérienne a besoin de beaucoup de capitaux. Il est important d'accéder aux capitaux étrangers.

Nous avons rédigé la recommandation de façon à établir les mêmes règles du jeu pour tous. Le fait d'accéder aux capitaux étrangers peut créer des règles du jeu qui sont les mêmes pour tous au Canada. La nouvelle catégorie de transporteurs, c'est-à-dire le transporteur uniquement canadien, engagerait du personnel canadien, utiliserait du carburant et des aliments canadiens et paierait des taxes au Canada. Les règles du jeu seraient les mêmes pour lui que pour les autres transporteurs canadiens.

Le sénateur Taylor: Ne croyez-vous pas que ces transporteurs ne seraient qu'un moyen de permettre à d'autres sociétés aériennes de franchir nos frontières? Ne deviendraient-ils pas des sociétés liées aux sociétés américaines ou aux sociétés mères?

M. Pierce: Ils seraient assujettis aux mêmes règles que les autres transporteurs canadiens au pays. S'ils voulaient effectuer des vols pour un autre transporteur, ils pourraient le faire avec leur propre société aérienne. Par exemple, Delta Canada pourrait offrir des vols en collaboration avec Delta États-Unis, mais elle devrait le faire à son propre aéroport pivot et changer d'avions, et cetera.

Le sénateur Taylor: Delta vient à Edmonton maintenant.

M. Pierce: À Toronto aussi.

Le sénateur Taylor: Delta pourrait donc être propriétaire d'une société liée au Canada?

M. Pierce: C'est exact.

Le sénateur Taylor: Est-ce que cela favorise la concurrence?

M. Pierce: En procédant ainsi, ces transporteurs uniquement canadiens respecteraient les obligations internationales du Canada, prévues dans les ententes aériennes bilatérales avec d'autres pays.

Le sénateur Taylor: Cela me paraît une bonne idée.

Ma question suivante concerne le cabotage. Un des moyens de forcer Air Canada à être honnête -- pardonnez-moi l'expression -- serait de faire un peu de cabotage entre les grands centres comme Toronto, Vancouver, Calgary, Ottawa et Montréal. On pourrait laisser des sociétés comme Alitalia ou British Airways prendre et déposer des passagers. Il s'agirait simplement d'un petit saut, juste assez pour que les tarifs d'Air Canada ne deviennent pas déraisonnablement élevés. Est-ce que vous avez envisagé une telle mesure de discipline concurrentielle?

M. Pierce: Non. Le Bureau n'a pas exprimé d'opinion sur le cabotage en tant que tel. Dans la lettre que nous adressions le 22 octobre dernier au ministre des Transports, le cabotage a été spécifiquement exclu parce que le ministre estimait que la politique à cet égard ne serait pas modifiée.

Le sénateur Taylor: Cela pourrait peut-être vous aider à faire votre travail et à parler avec Air Canada si vous mentionnez aux autorités qu'il y a au moins un sénateur qui est en faveur du cabotage. Dites-leur qu'il y a un fantôme dans le placard qui n'est pas encore mort.

Le sénateur Forrestall: Air Canada sait qu'il y en a d'autres, comme moi.

Le sénateur Taylor: La question du sénateur Callbeck au sujet de Moncton m'a intrigué. Une petite société aérienne pourrait manquer de capitaux, surtout si elle n'appartient pas à Delta. Air Canada pourrait couper ses prix entre deux points de débarquement. Si vous devez mettre 60 ou 90 jours avant de trouver si elle a péché, la victime pourrait bien alors avoir disparu.

Pourrions-nous avoir un mécanisme d'établissement de pénalités pour les pratiques de prix d'éviction, si bien que lorsque vous constatez qu'une société est coupable d'une telle pratique, la ligne aérienne fautive doit rembourser à l'autre société aérienne toutes les pertes qu'elle a subies?

M. Pierce: Il y a deux problèmes. Si nous disposons des pouvoirs d'interdiction, pouvoirs qui sont recommandés dans le projet de loi, nous aurons alors la possibilité d'imposer rapidement le statu quo avant que le nouvel arrivant ne se pointe sur le marché.

En ce qui concerne les dommages-intérêts, c'est aux tribunaux de décider. Si une infraction criminelle est commise, alors la partie lésée peut intenter des poursuites et recouvrer les dommages en vertu de la Loi sur la concurrence.

Le sénateur Taylor: Est-ce que votre conclusion constituerait alors une preuve dans une cause criminelle? Je ne suis pas avocat.

M. Pierce: Pas nécessairement. S'il y a condamnation, la preuve présentée au cours du procès peut alors être utilisée par la partie qui réclame les dommages-intérêts.

Nous ne voulons pas nous en remettre au droit criminel à moins que la faute soit flagrante. Nous voulons un remède rapide pour mettre un terme à la pratique. Nous devons intervenir rapidement afin que le Bureau puisse délivrer une ordonnance d'interdiction pour protéger le nouvel arrivant sur le marché. Recouvrer les dommages-intérêts après avoir été éliminé est la deuxième solution qui s'offre à nous.

Le sénateur Taylor: Pour revenir à la question du sénateur Callbeck, combien de temps cela prend-il? Si vous recevez une plainte, disons qu'Air Canada a baissé ses tarifs des deux tiers sur un trajet, combien cela vous prend-il de temps pour réagir?

M. Pierce: Comme l'a dit M. McAllister, cela dépend des circonstances et de la qualité de la preuve. À l'étape de l'enquête officielle, nous serions en mesure d'utiliser ces pouvoirs d'interdiction. Cela nous donne suffisamment de temps pour effectuer notre enquête et pour demander ensuite une ordonnance remédiatrice au Tribunal de la concurrence. Au moment où la cause est soumise au Tribunal, ces pouvoirs d'interdiction s'appliquent parce que le Bureau de la concurrence peut délivrer une ordonnance provisoire afin de préserver le statu quo.

Le sénateur Taylor: Donnez-moi un aperçu général. Doit-on compter six mois, un an ou 30 jours pour obtenir une ordonnance d'interdiction? La qualité de l'information devrait être assez simple à vérifier. Vous faites des enquêtes sur le prix des billets. Avez-vous besoin d'un affidavit en trois exemplaires ou quelque chose du genre?

M. McAllister: Je ne suis pas certain de pouvoir ajouter autre chose à ce que j'ai dit. Cela dépend du cas en particulier et des faits pertinents.

Le sénateur Taylor: Mais que dire de Moncton?

M. McAllister: Je ne peux parler de la situation de Moncton et j'ai de bonnes raisons de ne pas le faire. Je dois éviter de parler d'un endroit en particulier.

Le sénateur Taylor: Vous ne devez pas parler de Moncton?

M. McAllister: Comme l'a dit M. Pierce, le Bureau est actuellement saisi de la question qui fait l'objet d'une enquête. La Loi renferme des dispositions sur la confidentialité des enquêtes. Vraiment, nous ne devons pas parler des détails d'une situation.

La société WestJet peut dire ce qu'elle veut, mais nous devons respecter la Loi qui précise que toutes les enquêtes doivent être menées de façon confidentielle. Nous ne sommes pas en mesure d'en discuter les détails. Nous avons entrepris le travail avec ouverture d'esprit et nous voulons obtenir tous les faits. Nous établissons les faits, après, nous prenons la mesure qui s'impose.

En ce qui concerne le temps, nous pouvons ouvrir une enquête dans des délais de deux semaines ou un mois. Du même souffle, dans certains cas -- et je ne dis pas du tout ici qu'il s'agit de WestJet -- un concurrent peut se plaindre du fait que les prix d'Air Canada sont bas. Les concurrents n'aiment généralement pas les bas prix. Nous devons examiner la plainte de façon attentive et impartiale. Nous devons déterminer si les faibles prix représentent une concurrence légitime ou s'il y a pratique apparente de prix d'éviction.

Nous ne voulons pas ordonner sans raison à une société aérienne d'augmenter ses prix. Nous devons agir avec prudence. Il nous faut faire une certaine analyse, il faut obtenir des renseignements détaillés, après quoi nous devons rendre notre décision. Bien sûr, nous pouvons ouvrir une enquête en quelques semaines ou en un mois, et c'est à ce moment-là que les pouvoirs d'interdiction pourraient être invoqués.

Le sénateur Taylor: Je me demandais qui allait le plus vite, les banques ou vous. Il semble que ce soit vous.

Je suis inquiet au sujet de la concurrence. Je fais beaucoup d'affaires dans le Nord, où la seule concurrence, c'est le bateau, et le sénateur Adams aura probablement plus de choses que moi à dire à ce sujet. Une certaine ville n'est desservie que par une seule société aérienne.

Le sénateur Adams: Comme Rankin?

Le sénateur Taylor: C'est exact. Le prix des billets est élevé. Cela coûte cher, ne serait-ce que pour couvrir les coûts. Après tout, le Canada a été bâti grâce aux subventions accordées au transport d'est en ouest. Maintenant que nous avons des activités nord-sud, n'a-t-il pas été question d'accorder de telles subventions, ou si proposer une subvention à la société aérienne qui approvisionne Rankin ou, disons, Coppermine, ne s'inscrit pas dans votre mandat?

M. Pierce: Ce n'est pas dans notre mandat. Notre mandat porte strictement sur la concurrence.

Le sénateur Taylor: Il s'agit d'une concurrence entre une société aérienne et un navire qui vient une fois par année. Vous ne regardez pas les choses de cette façon. Vous examinez simplement la concurrence entre les sociétés aériennes.

M. Pierce: C'est essentiellement de cette façon que nous procédons. La meilleure garantie d'obtenir le prix le plus bas est d'avoir un marché véritablement concurrentiel et d'enlever ou d'abaisser les obstacles à l'accès à ces marchés.

Le sénateur Taylor: Moi je vous dis que peu importe l'ouverture aux marchés, le coût est prohibitif. Vous ne vous considérez pas comme les anciennes sociétés ferroviaires qui subventionnaient le transport du blé et ainsi de suite.

M. Pierce: Ce n'est pas notre mandat.

Le sénateur Taylor: J'essayais simplement de vous donner la chance d'obtenir un peu plus de pouvoirs.

Le sénateur Adams: J'aimerais commencer par les agences de voyages et aborder la façon dont elles sont constituées. Par exemple, disons qu'une société aérienne veut augmenter ses tarifs. Elle dit à l'agent de voyages: «Nous allons vous donner un pourcentage si vous nous amenez plus de passagers.» Est-ce que les agents de voyages travaillent de cette façon? Parfois, par exemple, si je veux voyager avec ma famille ou tout seul, je peux négocier avec eux. Est-ce que les sociétés aériennes ont un monopole avec les agents de voyages? Certains agents vous conseillent parfois de voir si d'autres lignes aériennes ont des tarifs moins coûteux. Est-ce que les sociétés aériennes disent aux agents de voyages: «Vous ne pouvez pas travailler avec d'autres compagnies, seulement avec nous»?

M. Richard Annan, agent de commerce principal, Bureau de la concurrence: Le secteur des agences de voyages comporte essentiellement une structure de commissions à deux volets. Le premier est basé sur un pourcentage des ventes, ou ce que l'on appelle la commission de base, qui a beaucoup diminué ces derniers temps. Le deuxième est la commission indirecte, qui est une prime payée en sus de la commission de base selon divers facteurs. L'un des facteurs communs dans l'industrie était basé sur la part du marché. En réalité, dans les ententes à négocier avec Air Canada, nous avons supprimé la possibilité, au Canada, de baser la structure de commission uniquement sur la part du marché. Par exemple, un transporteur détiendrait 80 p. 100 du marché et dirait: «Si vous faites 80 p. 100 de vos réservations chez nous, nous vous donnerons la prime supplémentaire. Si c'est 75 p. 100, vous ne l'aurez pas.» Ce qui pourrait s'avérer une mesure suffisamment incitative pour que les agences de voyages n'achètent pas de sièges chez les nouveaux arrivants. Dans le cadre des ententes applicables en vertu du projet de loi à l'étude, une telle pratique ne sera pas autorisée au Canada.

Le sénateur Adams: Il en coûte toujours environ 80 $ pour annuler un vol régulier. Est-ce que cet argent va à l'agent ou à Air Canada? Le siège est censé avoir été réservé, mais je ne me pointe pas, j'ai annulé mon vol. Actuellement, on nous demande des frais d'annulation de 80 $.

M. Annan: Diverses conditions s'appliquent. Par exemple, si vous avez acheté un billet comportant des restrictions et que vous voulez le changer, vous allez payer des frais. Je ne sais pas exactement comment l'argent est réparti, mais il y a certainement des conditions que les sociétés aériennes imposent à la vente de billets, selon qu'il s'agit d'un billet avec restrictions ou non.

Le sénateur Adams: Hier, les représentants de WestJet nous ont dit qu'il en coûtait seulement environ 200 $ pour un billet d'avion de Toronto à Moncton. D'Ottawa à Moncton, 500 $. J'ai demandé au témoin, qui ne m'a pas répondu, si c'était à cause du nombre de passagers dans l'avion. Il y a peut-être plus de passagers qui vont de Toronto à Moncton, donc c'est moins cher. En provenance d'Ottawa, c'est à peu près 300 milles de moins. Je ne sais pas comment le système fonctionne à cause de la structure de la concurrence avec les lignes aériennes.

M. Annan: L'offre, la demande et le coût interviennent toujours dans la détermination des tarifs. Comme vous le dites, s'il y a beaucoup de voyageurs entre deux points, cela peut certainement faire baisser les coûts. Mais il y a aussi des facteurs reliés à la demande. La concurrence a effectivement un impact. Lorsque vous êtes le seul en ville à offrir le service, vous pouvez demander plus, cela ne fait aucun doute, sans égard à vos clients.

Le sénateur Adams: Air Canada a 230 aéronefs. Est-ce que cela inclut ceux qu'elle a acquis depuis la fusion avec Canadien? Est-ce que c'est le même nombre maintenant ou si la société en a plus? Combien d'aéronefs Canadien avait-elle avant?

M. Annan: Quand vous dites 230, il s'agit de 230 réactés. Si vous incluez les avions régionaux à turbopropulsion et ainsi de suite, le nombre est beaucoup plus élevé. Je n'ai pas les chiffres exacts sous la main en ce qui concerne Canadien, mais je pense que la société possédait 70 ou 80 réactés.

Le sénateur Perrault: D'après l'exposé qu'on nous a présenté ce matin, on sentait véritablement une crainte que la société Air Canada domine tout le marché. Je suis intrigué par ce que vous avez dit. Votre recommandation a presque un caractère d'urgence. Vous dites:

[...] que le gouvernement du Canada tente immédiatement de négocier avec les États-Unis les droits réciproques de la Sixième liberté modifiée concernant les services aux passagers.

Je présume que vous faites référence là au cabotage. Est-ce que cela est possible là-bas?

M. Pierce: Non, il ne s'agit pas de cabotage. Il existe des droits au Canada en vertu de cette Sixième liberté.

Le sénateur Perrault: Vous continuez en disant:

Ceci permettrait aux transporteurs américains de vendre -- sur un seul billet -- un voyage d'une ville canadienne à une autre ville canadienne en passant par une destination américaine.

M. Pierce: Par exemple, Northwest va maintenant de Montréal à Calgary en passant par Minneapolis, mais pas sur la base d'un seul billet. Ce que nous disons, c'est qu'on devrait permettre à Northwest de vendre un seul billet pour faire baisser les tarifs afin d'accroître le caractère pratique, le service, et ainsi de suite et d'assurer une certaine discipline. Par exemple, il se peut que de nombreux voyageurs d'affaires ne veulent pas profiter de ce genre de service parce qu'ils doivent faire escale à Minneapolis, mais d'autres accepteront. À cet égard, cela assurera une certaine discipline concernant les prix pour le transporteur commun.

Le sénateur Perrault: Vous semblez douter des engagements donnés par Air Canada, à savoir qu'elle accepterait une forte concurrence. Il y a presque un sentiment d'urgence d'agir immédiatement. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Pierce: Nous sommes inquiets au sujet de la situation concurrentielle au Canada parce qu'Air Canada domine vraiment ce marché.

Le sénateur Perrault: Est-ce que nous sommes en train de confier le potager aux lapins dans ce cas-ci?

M. Pierce: Depuis le début, c'est du pareil au même. Si l'on veut qu'il y ait véritable concurrence sur ce marché, il faudra augmenter le niveau de participation étrangère.

Le sénateur Perrault: Vous recommandez de modifier la Loi sur les transports au Canada pour permettre l'attribution de permis à des transporteurs uniquement canadiens. Ces propositions rendront le marché encore plus concurrentiel, et c'est ce qu'on souhaite.

M. Pierce: Absolument. Cette recommandation suit le modèle adopté en Australie et qui semble bien fonctionner.

Le sénateur Perrault: Est-ce qu'il y a d'autres exemples où ce type de concurrence accrue est maintenant offerte aux voyageurs dans ces pays?

M. Pierce: C'est certainement le cas en Australie.

Le sénateur Perrault: Comment cela fonctionne-t-il?

M. Pierce: Je pourrais peut-être demander à M. Annan, qui connaît probablement mieux ça que moi, de répondre à la question. Je crois que la société Virgin offre actuellement le service là-bas.

Le sénateur Perrault: Est-ce que la société Virgin offre les services en Australie également?

M. Annan: Oui. Elle est en train d'établir ce genre de service. Je ne suis pas certain si elle s'appelle «Virgin Australia», mais c'est le concept qui est utilisé.

Le sénateur Perrault: C'est intéressant. Est-ce que vous allez engager du personnel supplémentaire au Bureau, avec de l'expertise dans le transport aérien, pour véritablement donner du poids à ce programme?

M. Pierce: Nous avons déjà beaucoup de spécialistes. Les gens qui sont assis derrière moi ont une vaste expérience dans le domaine aérien. M. Annan s'occupe de divers dossiers concernant le transport aérien au Bureau et au Tribunal de la concurrence depuis dix ans. Et il n'est pas le seul au Bureau. Nous estimons avoir suffisamment d'expertise, mais lorsque nous examinons une plainte comme celle de WestJet, par exemple, nous allons à l'extérieur et nous engageons des économistes, des comptables et des spécialistes de l'industrie pour nous aider à régler ces dossiers, et pour nous assurer que nous obtenons le meilleur conseil possible.

Le sénateur Perrault: Cette information est très intéressante. Nous vous souhaitons du succès dans vos entreprises. Vous allez avoir besoin de la sagesse de Salomon tout au long de votre étude.

Le sénateur Furey: J'aimerais poser quelques brèves questions.

J'aimerais revenir à la question du cabotage soulevée par mon collègue, le sénateur Taylor. Je me rends compte qu'il s'agit d'une politique de cabotage réciproque, en ce sens que les sociétés canadiennes n'infiltreront pas le marché intérieur des États-Unis pas plus que les sociétés américaines n'infiltreront le marché intérieur au Canada. C'est très bien tant que nous avons un marché concurrentiel normal au Canada. Mais lorsque nous nous retrouvons dans une situation comme celle d'aujourd'hui, où il y a une société dominante, est-ce que le Bureau de la concurrence ne devrait pas y réfléchir sérieusement? Au moment où je parle, je me rends compte que vous avez indiqué que le Bureau n'a pas exprimé d'opinion là-dessus. C'est ma première question.

Deuxièmement, vous avez dit que ce que vous êtes en voie de mettre en oeuvre pour vous assurer que vous avez atteint les objectifs établis ici ce matin, ce sont des sujets qui concernent les ordonnances d'interdiction. Vous avez dit que pour vous assurer que les sociétés aériennes respectent la Charte des droits et libertés, par exemple, vous avez demandé une opinion au ministère de la Justice. Qu'est-ce qu'on vous a répondu, et est-ce que le ministère s'est montré ferme ou laxiste à ce sujet?

M. Pierce: Premièrement, en ce qui concerne la question du cabotage, vous posez la question à la mauvaise personne. Le Bureau de la concurrence n'a pas le pouvoir de mettre en oeuvre ce genre de politique. Cela relève du ministère des Transports.

Le sénateur Furey: J'ai posé ma question du point de vue suivant. Si vous avez la responsabilité de faire appliquer la Loi sur la concurrence, n'y aurait-il pas là une possibilité de vous assurer qu'il existe une bonne concurrence au sein du marché intérieur? Je sais que vous ne pouvez pas changer la politique.

M. Pierce: Non. Lorsque nous avons donné notre avis au ministre des Transports l'automne dernier, nous étions guidés par les considérations dont il nous avait fait part au début quant au genre de conseils qu'il recherchait. Nous n'avons donné aucun conseil sur le cabotage. Nous avons respecté les conditions établies et fourni le meilleur conseil possible selon ces lignes directrices.

Le sénateur Furey: Dans le cadre qui vous avait été donné?

M. Pierce: Dans le cadre que le ministre recherchait.

En ce qui concerne votre deuxième question au sujet de l'avis qui a été donné par le ministère de la Justice, je ne peux pas vous répondre spécifiquement parce que, premièrement, je n'ai pas vu l'opinion et, deuxièmement, cela relève du secret professionnel de l'avocat. Le ministère de la Justice nous a informés que nous n'allions pas du tout ici à l'encontre des dispositions de la Charte.

Le sénateur Roberge: Au début du processus, vous avez recommandé au ministre la cession des actifs des Lignes aériennes Canadien régional Ltée. J'aimerais savoir sur quoi vous vous êtes basés pour ne pas recommander le démantèlement des deux sociétés aériennes régionales.

M. Pierce: Quand vous dites les deux sociétés aériennes, vous incluez Canadien régional et quelle autre?

Le sénateur Roberge: Air Canada.

M. Pierce: Sur recommandation du ministre, nous avons dit que c'était là une chose que nous envisagerions. C'est ce que nous avons fait, et nous avons reçu l'engagement d'Air Canada tout juste avant Noël. Cet engagement dispose que les parties mettent en vente Canadien régional. Nous nous sommes concentrés sur Canadien régional parce qu'il semblait que ce fût la meilleure solution. Cette société possédait le réseau le plus étendu. Elle comptait un volume important de passagers et de ventes, et ainsi de suite. Elle semblait être une des sociétés régionales les plus solides. Nous en sommes maintenant au point où nous nous attendons à ce que Canadien régional soit mise en vente au troisième trimestre de cette année -- qui commence en juillet.

Pourquoi ne sommes-nous pas allés plus loin? Une proposition nous a été présentée à l'automne, à savoir qu'Air Canada et Canadien devraient être tenues de se départir de toutes leurs sociétés régionales, ce qui nous paraissait créer un autre monopole au sein des sociétés régionales. Dans les circonstances, Canadien régional suffisait à offrir une possibilité aux nouveaux arrivants. Par exemple, si l'un d'entre eux voulait acheter une société aérienne, cela nous permettrait d'offrir des possibilités de vol entre transporteurs pour d'autres sociétés aériennes, et ainsi de suite.

Le sénateur Roberge: Il ne fait aucun doute qu'il serait beaucoup plus intéressant pour quelqu'un d'acheter une société aérienne si la règle sur la propriété étrangère était portée à 49 p. 100.

M. Pierce: Je suis d'accord.

Le sénateur Forrestall: Peut-être obtiendrons-nous American Airlines après tout. J'espère que ce n'est pas une idée trop folichonne.

Pour revenir à WestJet et à son expansion dans la région de l'Atlantique, la société a examiné la question et a eu de longs entretiens avec la direction de l'Aéroport international de Halifax et de l'Aéroport de Moncton. Les responsables ont jugé que Moncton était un centre abordable pour eux, mais pas Halifax.

Je suis inquiet de voir que des aéroports comme Halifax, qui doivent assumer tous les coûts d'un grand aéroport sans bénéficier du trafic, doivent demander plus pour les services de location. Pour moi, je n'y vois là qu'un obstacle à la concurrence. Je me demande si le règlement renferme une disposition vous permettant d'examiner cette question. Je ne dis pas qu'ils n'ont pas d'autre recours que de s'asseoir et de conclure une entente, mais le projet de loi dit que les services et les installations peuvent inclure, sans y être restreints, des créneaux de décollage et d'atterrissage, des créneaux de stationnement, des accords intercompagnies, des barrières, des passerelles d'embarquement, des comptoirs, des installations connexes au terminal, des services d'entretien, de manutention de bagages ainsi que l'équipement et l'infrastructure connexes. Toutes ces mesures peuvent véritablement être des mesures de dissuasion.

M. Pierce: La réponse à votre question est non. Nous ne sommes pas un organisme de réglementation des frais aéroportuaires. Le règlement, tel qu'on le voit, s'applique aux activités entre des sociétés aériennes. Si Air Canada ou une société aérienne dominante essaie de désavantager un concurrent actuel ou nouveau, nous pouvons alors intervenir et prendre les mesures nécessaires. Si, par exemple, Air Canada allait trouver les responsables de l'aéroport de Halifax et leur disait: «Vous devriez demander un tarif plus élevé à ces compagnies pour les décourager d'arriver sur le marché», nous pourrions prendre des mesures contre une telle action. Si Air Canada faisait la pluie et le beau temps dans les aéroports ou si elle signait des contrats exclusifs comme cela a été le cas à Hamilton, nous pourrions intervenir, mais nous n'avons pas le pouvoir, et nous ne le voulons pas non plus, franchement, de réglementer les frais aéroportuaires. Ce pouvoir appartient à Transports Canada.

Le sénateur Forrestall: Vous avez bien répondu à la question. À moins de découvrir que les pratiques nuisent à la concurrence -- et la concurrence, c'est ce dont vous vous occupez -- vous n'excluez pas complètement cette possibilité. Vous ne pourriez pas, à vrai dire.

M. Pierce: Exactement. Si Air Canada faisait des pressions sur le marché, nous pourrions agir, oui.

Le sénateur Forrestall: Il semble qu'un seul transporteur offrira 75 p. 100 des services à l'aéroport de Halifax. Ce n'est pas tout le monde qui veut aller à Toronto. Beaucoup de passagers vont de Halifax à Moncton ou à Fredericton ou à Deer Lake. Ces services ne seront peut-être pas offerts parce qu'ils ne sont pas rentables. Il n'y a pas de concurrence et, faute de concurrence, la société aérienne peut fixer ses propres prix.

Je vous remercie de votre témoignage. On semble avoir de plus en plus confiance au tribunal.

M. Pierce: Nous l'apprécions beaucoup.

Le sénateur Spivak: Est-ce que les règlements «A» et «B» vont porter sur la situation qui existe entre Moncton et Toronto?

M. Pierce: Est-ce que vous parlez de la capacité opérationnelle?

Le sénateur Spivak: Oui, et de la réduction des tarifs; des deux.

M. Pierce: Absolument. Le règlement porte sur les pratiques de prix et d'activités d'éviction.

Le sénateur Spivak: Hier, j'ai demandé au ministre pourquoi le fait d'empêcher Air Canada de se positionner sur le marché des tarifs réduits nuirait à la concurrence. Je crois qu'il a dit qu'il s'agissait là de l'entente négociée avec Air Canada sur recommandation du Tribunal de la concurrence. Pourriez-vous nous en parler?

M. Pierce: L'entente que le Bureau de la concurrence a négociée avec Air Canada tout juste avant Noël prévoit que dans l'est du Canada, Air Canada n'offrira pas un service aérien à prix réduits. Et quand on parle de l'est du Canada, on parle de la frontière du Manitoba et de l'Ontario vers l'Est.

Cela permet aux nouveaux arrivants de se positionner. Si aucune société n'entre sur le marché avant le 30 septembre 2000, Air Canada pourra alors offrir un service à prix réduits. WestJet fait exception parce qu'elle a manifesté le désir de se positionner et qu'il s'agit d'une société aérienne déjà établie dans l'Ouest.

Si, effectivement, un nouvel arrivant se présente sur le marché, alors Air Canada n'a pas le droit d'offrir un service aérien à prix réduits dans l'Est du Canada avant le 30 septembre 2001. Cela permet aux nouveaux arrivants de mettre le pied dans la porte.

Le sénateur Spivak: Air Canada dispose de 85 ou de 90 p. 100 du marché principal. Elle a les poches très profondes et n'a pas de dettes. Certes, même avec cet avantage de départ, on ne peut pas trouver de créneau concurrentiel dans le marché à des tarifs réduits. Est-ce qu'Air Canada peut entrer dans ce marché dans l'Ouest du Canada?

M. Pierce: Elle est libre de le faire dans l'Ouest, si elle décide de le faire.

Le sénateur Spivak: Qu'est-ce qui est important au sujet de ces deux années?

M. Pierce: Deux ans, c'est une période critique pour un nouvel arrivant sur le marché. Cela lui permet de se positionner et de s'établir. Il est important de se rappeler que le code de déontologie et le règlement proposés régiraient ce genre de situation. Si Air Canada met son poids dans la balance en recourant à des pratiques abusives et monopolistiques, cherchant à éliminer ces nouveaux arrivants par des moyens illégitimes, alors nous avons le pouvoir d'agir.

Nous bénéficions de pouvoirs d'interdiction. S'il y a pratique de prix d'éviction, nous pouvons agir rapidement pour y mettre fin.

Le sénateur Spivak: Vous croyez qu'il y aura un marché actif de tarifs réduits qui ne sera pas dominé par Air Canada?

M. Pierce: Nous ne pouvons prédire l'évolution du marché. WestJet prend de l'expansion et elle a des projets en ce sens. CanJet a été présente et s'est retirée, mais d'après ses intentions récentes, elle semble désireuse d'exploiter une société aérienne à tarifs réduits quelque part dans l'Est. Il faut laisser le marché évoluer et voir comment les choses vont se passer.

Le sénateur Spivak: Pourquoi n'était-ce pas une bonne idée de laisser Air Canada se départir de ses sociétés régionales?

M. Pierce: On a proposé qu'Air Canada se départisse de toutes ses sociétés régionales, mais le seul résultat, semble-t-il, aurait été de créer un monopole de sociétés régionales, plutôt que de favoriser la concurrence avec Air Canada sur ses routes principales. Nous nous sommes dit que le dessaisissement des actifs et la mise en vente de Canadien régional étaient la meilleure façon de procéder. C'était la société régionale la plus lucrative. Elle a un réseau national.

Le sénateur Spivak: Vous avez un monopole sur le marché principal et cette société a maintenant un monopole sur le marché régional. Je ne comprends pas. Pourquoi était-ce une si mauvaise idée?

M. Annan: L'automne dernier, le comité permanent des transports de la Chambre des communes, et peut-être votre comité aussi, ont entendu la proposition portant sur l'achat des deux sociétés régionales. Comme l'a dit M. Pierce, le problème était, essentiellement, que le plan d'affaires prévoyait relier Air Canada et ne pas lui faire directement concurrence. À long terme, il risquait d'y avoir concurrence, mais ce n'était pas le but initial. En fait, on cherchait des garanties qu'Air Canada ne ferait pas concurrence sur le marché régional pendant une certaine période.

D'après la proposition de Canadien régional, il est vrai qu'Air Canada aura son réseau régional, mais même si Air Canada était forcée de s'en départir, à cause de la nature de l'entreprise, elle établirait de nouveaux réseaux régionaux à moins qu'on ne le lui interdise de façon bien spécifique.

Ce ne serait pas la solution la plus efficace parce que comme elle est un important transporteur réseau, elle a besoin de sociétés régionales quelque part.

Selon ce scénario, avec la vente de Canadien régional, il y aura concurrence dans les régions.

Le sénateur Taylor: La vente des sociétés liées à Canadien m'intrigue. Est-ce que votre groupe a le pouvoir de surveiller le document de soumission qui sera publié?

M. Pierce: Oui, nous sommes très impliqués là-dedans. Air Canada a retenu les services d'un agent de vente.

Le sénateur Taylor: Est-ce que vous pouvez examiner les ententes?

M. Pierce: Oui, nous surveillons cela de très près également.

Le sénateur Taylor: Je me souviens lorsque Petro-Canada a vendu sa raffinerie de Terre-Neuve. Elle s'était engagée à ne pas revendre d'essence au Canada. La même chose peut-elle se produire ici?

Le sénateur Forrestall: Air Canada est le vendeur. Elle ne peut acheter ses propres biens. Est-ce qu'une disposition prévoit qu'un membre de l'alliance ne peut pas acheter la société liée en question?

M. Pierce: Les sociétés doivent respecter les règles de la propriété étrangère si bien qu'elles doivent se trouver un partenaire. Si un membre de l'alliance est intéressé par l'achat de Canadien régional, nous examinerons la situation attentivement pour voir si cela créerait une saine concurrence dans le marché, compte tenu de sa relation avec Air Canada.

La présidente: Je remercie les témoins.

La séance est levée.

 


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