Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 17 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 23 avril 2002
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 12, pour examiner l'accessibilité aux services, l'éventail et la prestation des services, les problèmes liés aux politiques et aux compétences, l'emploi et l'éducation, l'accès aux débouchés économiques, la participation et l'autonomisation des jeunes et d'autres questions connexes.
Le sénateur Thelma J. Chalifoux (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Morin, auriez-vous l'obligeance de nous présenter vos collègues?
M. Gerald Morin, président, Ralliement national des Métis: Je suis accompagné ce matin de Mme Jennifer Brown, porte-parole du Conseil consultatif national des jeunes Métis, et de Mme Pauline Huppie, directrice des initiatives jeunesse.
La présidente: Nous sommes ici aujourd'hui pour discuter d'un plan d'action pour le changement visant les jeunes Autochtones en milieu urbain. Le sujet de la jeunesse nous amènera à aborder diverses autres questions, dont la famille et son fonctionnement.
Vous pouvez commencer.
M. Morin: J'aimerais remercier les membres du comité de bien vouloir entendre le point de vue du Ralliement national des Métis ce matin. C'est avec plaisir que je témoigne devant vous.
Comme vous le constaterez pendant mon exposé, les jeunes sont une priorité pour la Nation métisse. En effet, les jeunes jouent un rôle toujours grandissant dans notre nation, y compris dans nos structures et nos institutions de gestion communautaires, provinciales et nationales.
Je peux personnellement attester que la participation des jeunes a renforcé et inspiré notre nation, et que les jeunes demeureront une priorité de la Nation métisse, qui aspire toujours à obtenir son autonomie gouvernementale au sein du Canada.
Mon exposé s'articule autour de deux aspects. Premièrement, je tiens à souligner la nécessité d'investir des fonds substantiels dans les initiatives pour les jeunes Métis, afin de les aider à régler les problèmes, à relever les défis et à réaliser les priorités qui leur sont propres. Deuxièmement, j'aimerais souligner quelques belles réussites récentes de la Nation métisse et de ses jeunes, dont nous pouvons nous inspirer pour nos investissements futurs.
Je sais que bon nombre d'entre vous connaissez bien l'histoire du peuple métis et du rôle du Ralliement national des Métis. Cependant, dans ce type d'exposé, il est utile et important de bien comprendre la Nation métisse ainsi que ses structures et ses institutions gouvernementales. Je vais donc commencer par vous donner un bref aperçu de la Nation métisse et du RNM, afin de vous aider à bien saisir les deux aspects centraux de mon exposé.
Je ne tenterai pas de passer en revue et d'analyser toute l'histoire de la Nation métisse, mais j'aimerais rappeler que les Métis forment un peuple autochtone distinct, et qu'ils sont beaucoup plus que des descendants croisés des Premières nations ou qu'un pourcentage invisible de la population autochtone urbaine.
Les Métis sont un peuple autochtone à part entière, originaire du centre-nord de l'Amérique du Nord avant la formation du Canada moderne. La Nation métisse est issue des premières relations entre les hommes européens et les femmes amérindiennes du nord-ouest du Canada et d'une partie du nord des États-Unis. Bien que les premiers enfants de ces unions fussent des sang-mêlé de descendance européenne et amérindienne, les croisements continus entre les hommes européens et leurs femmes amérindiennes à la moitié du XVIIe siècle ont mené à la naissance d'un peuple autochtone distinct: les Métis.
La genèse du peuple métis ne saurait se résumer au croisement ou à l'adaptation de deux cultures divergentes. La Nation métisse est le fruit d'une longue évolution, pendant laquelle elle s'est dotée d'une langue — le michif —, d'une musique, de danses, d'une culture, d'un gouvernement autonome, de traditions vestimentaires et d'un mode de vie uniques. Plus important encore, c'est que les personnes et les collectivités métisses de l'époque ne se voyaient plus comme des Amérindiens ou des Européens, mais comme une collectivité distincte. Les Métis étaient également reconnus et traités comme tels par les gens de l'extérieur, les Premières nations, les gouvernements canadiens, les colons et les autres.
Toute l'histoire du Canada témoigne de l'affirmation de soi du peuple métis. À de nombreuses reprises, le peuple métis s'est battu d'une seule voix pour protéger ses terres, ses droits, ses ressources, son mode de vie et ses collectivités distinctes. La bataille de Seven Oaks, en 1816, la résistance de la colonie de la rivière Rouge, de 1869 à 1870, et la bataille de Batoche, en 1885, comptent parmi les événements les plus connus qui ont marqué l'évolution de la fédération canadienne.
Les collectivités et le peuple métis ont influencé le Canada par des événements et des actions qui restent souvent méconnus ou non attestés dans l'histoire des non-Autochtones. Il n'en demeure pas moins que la volonté du peuple métis de défendre son existence collective a marqué l'histoire du Canada et continue de définir l'état de la fédération canadienne.
La collectivité métisse est toujours présente en Ontario et dans l'ouest du pays. Des collectivités métisses de longue date, comme celles de Fort Frances, de St. Laurent, de Duck Lake, de Lac Ste. Anne et de Fort Nelson continuent de garder la culture, les valeurs et les traditions de la Nation métisse bien vivantes d'un bout à l'autre de notre terre. De plus, bon nombre de Métis vivent maintenant dans des villes de l'Ontario, des Prairies et de la Colombie-Britannique. Cependant, même dans ces grands centres, les collectivités métisses demeurent distinctes.
Selon le RNM, la population métisse oscillerait entre 250 000 et 300 000 personnes. Nous n'avons pas de chiffres exacts à l'heure actuelle.
Le RNM continue ses pourparlers avec le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire de l'interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, en vue d'obtenir les ressources nécessaires pour établir un registre national des Métis. Le RNM estime que la majorité des Métis vivent en milieu urbain et que la plus grande partie de la population métisse se trouve dans les trois provinces des Prairies.
Les collectivités et le peuple métis de l'ensemble du territoire de la Nation métisse confient au RNM et à son exécutif le mandat de représenter la Nation métisse du Canada aux échelles provinciale, nationale et internationale.
Comme je l'ai dit plus tôt, bien qu'il ne soit l'objet de cet exposé de revoir toute l'histoire de l'émergence de la Nation métisse au Canada, il est important que vous compreniez que certains événements récents ont influencé et modifié en profondeur les structures et les institutions de gestion contemporaines de la Nation métisse.
On croit souvent à tort que les collectivités métisses du Canada ont été détruites, dispersées ou assimilées vers la fin des années 1800. La bataille de Batoche, la pendaison de Louis Riel et la persécution d'autres leaders métis, le système frauduleux de concession des terres, l'opinion publique négative et les politiques gouvernementales honteuses envers les peuples autochtones ont certes miné la résistance et la fierté déclarées de la Nation métisse, mais le peuple métis a tout de même continué de faire tout en son pouvoir pour rassembler ses familles et ses collectivités et préserver sa culture.
Après des recherches approfondies, la Commission royale sur les peuples autochtones est arrivée à la conclusion que:
Certains Canadiens pensent que la nation métisse de l'Ouest s'est achevée à la bataille de Batoche ou au pied de la potence de Regina. L'amertume inspirée aux Métis par ces événements les incita à se faire discrets pendant de nombreuses années, mais ils continuèrent à vivre, à entretenir leur culture et à faire tout ce qui était possible pour la transmettre aux générations suivantes.
Ainsi, même après tous ces malheurs, les Métis sont restés unis au sein des collectivités sur la terre de la Nation métisse. Par exemple, dès 1909, un groupe de patriotes métis a commencé à se réunir à St. Vital, au Manitoba, pour rédiger l'histoire des événements de 1870 et de 1885. Puis, dès 1920, des mouvements politiques métis visibles ont émergé de nouveau pour défendre les droits et l'existence de la Nation métisse.
En 1928 s'est constitué un petit groupe de Métis dans la région de Cold Lake. Sous la direction de Charles Delorme, ce groupe a fondé l'Association des Métis de l'Alberta et des Territoires du Nord-Ouest, qui est ensuite devenue l'Association métisse de l'Alberta puis, en 1932, la Nation métisse de l'Alberta. De même, la Société des Métis de la Saskatchewan a vu le jour en 1938, pour devenir la Nation métisse de la Saskatchewan. Conjuguées à d'autres mouvements politiques, ces associations ont revitalisé la Nation métisse et ses collectivités.
Par ailleurs, une nouvelle conscience politique des réalités autochtones a commencé à poindre au Canada dans les années 50. Les conditions socioéconomiques déplorables des peuples autochtones devenaient un embarras national, et de plus en plus de personnes et de groupes autochtones recouraient au système judiciaire canadien. Comme dans les années 1800, où les Autochtones et les colons se confrontaient, les Métis étaient au premier plan de l'actualité nationale et faisaient pression pour que soient reconnus leurs droits et leurs besoins.
La Nation métisse s'est jointe aux Indiens non inscrits et aux autres peuples autochtones pour former des structures et des organisations politiques régionales et provinciales afin d'attirer l'attention sur les conditions socioéconomiques désastreuses des peuples autochtones canadiens vivant dans les réserves ou hors réserve. Ces nouvelles associations régionales et provinciales se sont ensuite réunies sous une même enseigne nationale, celle du Conseil national des Autochtones du Canada ou CNAC. Même au sein de ces organisations regroupant tous les groupes autochtones, l'existence de la Nation métisse demeurait distincte.
En 1982, ces organisations ont connu l'immense succès de voir la Constitution canadienne reconnaître et protéger les droits autochtones ancestraux et issus de traités. Le triomphe est particulièrement marqué par la Nation métisse, que l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît explicitement comme l'un des trois peuples autochtones distincts.
Après la modification constitutionnelle de 1982, les premiers ministres ont tenu une série de quatre conférences afin de convenir des changements nécessaires pour appliquer les nouvelles dispositions de la Constitution sur les Autochtones. Avant les conférences des premiers ministres, il est apparu évident pour la Nation métisse qu'elle devait se représenter elle-même à l'échelle nationale pour faire entendre sa voix. En effet, la structure du CNAC, maintenant devenu le Congrès des peuples autochtones, ne permettait pas à la Nation métisse de se représenter efficacement. La Nation métisse sentait constamment que lorsque les Métis se trouvaient regroupés avec les Indiens non inscrits et les autres peuples autochtones dans des processus globaux, leur existence distincte et leurs droits autochtones n'étaient ni respectés, ni reconnus, ni protégés. Ainsi, en mars 1983, la Nation métisse s'est dissociée du CNAC pour former le Ralliement national des Métis, soit son propre organisme de représentation nationale.
Conformément à cette orientation nationale, les représentants et les collectivités métis ont peu à peu déserté les organisations regroupant toutes les catégories d'Autochtones pour revenir à leurs propres structures de gestion métisses. Ces structures, soit le RNM et son exécutif, représentent maintenant la manifestation contemporaine de l'existence de la Nation métisse comme peuple autochtone du Canada. Par des mesures personnelles et collectives, ces structures politiques représentatives poursuivent les luttes de la Nation métisse pour que soit appliqué notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, et veillent à la bonne gestion de la Nation métisse.
Pour terminer, j'estime important de clarifier des faits généralement mal compris par les parlementaires, les bureaucrates et le public en général.
C'est un mythe de dire que les Métis ne sont rien de plus que des gens se réclamant de leur descendance croisée d'Autochtones et de non-Autochtones. En réalité, les Métis forment une nation distincte et reconnaissable qui existe depuis longtemps dans l'Ouest du Canada. Son existence est reconnue au pays comme à l'étranger depuis le début de l'histoire de la Nation métisse.
C'est un mythe de dire que les Métis ont accès aux ressources du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et qu'ils jouissent de son aide. En réalité, les Métis ne touchent aucun sou des milliards de dollars que le gouvernement fédéral dépense chaque année par l'intermédiaire du MAINC.
C'est un mythe de dire que les Métis n'ont aucune structure de gestion établie leur fournissant une capacité d'autonomie gouvernementale. Tous les membres de l'exécutif du RNM ont été élus par les Métis de leur province. Nous tenons des listes de nos membres, déployons des programmes et des services exclusifs aux Métis et sommes responsables financièrement et politiquement devant la Nation métisse.
C'est un mythe de dire que les Métis bénéficient des initiatives annoncées par le gouvernement fédéral pour venir en aide aux Autochtones. Bien que les ministres fédéraux les destinent apparemment aux «Autochtones», dans bien des cas, ils en excluent les Métis, dont ils comprennent mal les besoins et les structures de gestion uniques ou alors, ils ressassent la position du gouvernement fédéral voulant que les Métis ne relèvent pas de ses compétences pour éviter de répondre à nos besoins et de se pencher sur nos problèmes.
C'est un mythe de dire que les Métis se sont dotés de mécanismes pour régler leurs revendications dans le cadre de la fédération canadienne. Au contraire, les nombreux problèmes entre la Nation métisse et le gouvernement fédéral demeurent en suspens. Cette situation a contraint les Métis à recourir aux tribunaux à de nombreuses reprises. Selon la politique fédérale actuelle, le gouvernement du Canada a décidé de ne pas négocier avec les Métis et refuse de reconnaître les droits constitutionnels ancestraux qui leur reviennent dans la fédération canadienne.
Je vais maintenant passer au sujet des jeunes Métis et de leur avenir au sein de la Nation métisse.
Je ne vais pas passer trop de temps à répéter les statistiques que votre comité a entendues à de nombreuses reprises et qui illustrent le fait qu'il est urgent de prendre des mesures pour relever les défis auxquels est confrontée la jeunesse autochtone. Il est tout simplement sensé, d'après l'analyse de rentabilisation, d'investir de façon significative dans la jeunesse autochtone. Il suffit de souligner les faits ci-dessous pour expliquer la raison d'être d'un tel investissement:
Premièrement, la population des jeunes Autochtones croît à un rythme important au Canada.
Deuxièmement, les jeunes Autochtones sont confrontés à des défis et se heurtent à des obstacles que les jeunes non autochtones ont la chance de ne pas connaître de façon aussi marquée: le suicide, la violence familiale, la pauvreté, la mauvaise santé, et cetera.
Troisièmement, si beaucoup de ces questions sont laissées de côté, un pourcentage important de nos populations autochtones ne sera pas en mesure de briser le cycle de la maladie sociale, de la pauvreté, de la dépendance économique et de la frustration.
Enfin, cette population autochtone à l'avenir prometteur va continuer de croître et faire partie de la population générale du Canada. Si les conditions socio-économiques actuelles l'emportent, notre pays et tous les Canadiens devront en supporter le coût social et financier élevé.
Par conséquent, le moment est venu d'agir. Nous devons considérer les efforts fournis au cours des cinq à dix prochaines années comme un investissement, au lieu de les considérer comme simplement des fonds publics affectés aux peuples autochtones. L'avenir de nos nations et de notre pays exige ce genre d'intervention proactive.
Les jeunes Métis sont un élément distinct de la réalité démographique des jeunes Autochtones et sont confrontés à des défis uniques qu'il faut prendre en compte lorsqu'on élabore une stratégie, une initiative ou une approche pour les jeunes Autochtones. Par exemple, alors que beaucoup de jeunes Métis font face à des réalités et des défis socio- économiques similaires à ceux des jeunes des Premières nations ou des Inuits, en raison des positions actuellement prises par les gouvernements fédéral et provinciaux, ils n'ont pas accès à de nombreux programmes et services offerts à d'autres jeunes Autochtones. Ce refus d'aide crée souvent des barrières supplémentaires pour les jeunes Métis qui ne peuvent donc pas réaliser leur plein potentiel.
Par ailleurs, les besoins et priorités des jeunes Métis varient d'une région à l'autre. En 1998, le RNM, par l'entremise du Conseil consultatif national des jeunes Métis, a lancé une consultation nationale à partir de l'Ontario en direction de l'Ouest au sujet de l'Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones du ministère de Patrimoine canadien. Le rapport final de cette consultation renferme les observations de plus de 1 500 jeunes Métis, ainsi que la rétroaction de 28 collectivités au Canada, dans les Prairies et en Colombie-Britannique. J'encourage le comité à examiner le rapport final, qui se trouve dans la trousse de documentation, afin de mieux saisir les conclusions de cette consultation.
Les priorités des jeunes Métis varient en fonction de la zone géographique en question. Toutefois, l'emploi et la formation sont clairement les grandes priorités à l'échelle du pays. Beaucoup de jeunes Métis font état de leur incertitude à propos de l'avenir dans la population active. L'accès aux études post-secondaires est une préoccupation constante dont il a été fait état dans toutes les réunions communautaires. En outre, beaucoup de jeunes Métis ne connaissent pas les réalités du marché du travail qui sera le leur.
Enfin, la santé et le bien-être, la sensibilisation aux cultures, le travail social et le counselling, ainsi que les mesures antigang sont des priorités généralement élevées.
Les jeunes Métis soulignent les principes particuliers liés à la conception et à l'élaboration d'initiatives axées sur eux. Il faut parler par exemple d'approche holistique, reconnaître les facteurs sociaux auxquels sont confrontés les jeunes, promouvoir les modèles de comportement pour les Métis, obtenir la participation et l'appui des collectivités et favoriser une mentalité saine et gagnante. Le respect de l'identité, de la culture, du patrimoine et de la situation actuelle de la Nation métisse est la condition sine qua non de ce principe.
Les participants ont également souligné la nécessité de prévoir de la souplesse dans les programmes afin de répondre aux besoins uniques des jeunes Métis. Un plan stratégique d'information et de communication bien conçu est un élément essentiel de toute initiative. Les jeunes ont besoin de renseignements opportuns, pertinents et conviviaux au niveau de la collectivité.
Les jeunes Métis appuient les programmes axés sur les Métis, mais souhaitent également que les modes de prestation de ces programmes soient respectueux de leur culture.
Les jeunes Métis précisent qu'un sentiment bien ancré de leur identité favorise la confiance en soi si nécessaire pour la réussite future. Un tel sentiment se manifeste si on respecte le caractère distinct des Métis au lieu d'adopter une approche autochtone globale. La réussite de toute initiative repose sur de véritables partenariats qui doivent être établis entre tous les intervenants, y compris les jeunes Métis, les gouvernements métis, les gouvernements provinciaux et fédéral, les organisations autochtones, ainsi que les secteurs privé et public. Dans tout modèle de gestion, il faut prévoir un cadre clair de responsabilité pour les jeunes Métis de la base.
Même si cela peut, en règle générale, sembler être une tâche décourageante, commencer à envisager des défis auxquels sont confrontés les jeunes Métis n'est pas une mission impossible. Au cours des quelques dernières années, des solutions pratiques mises en oeuvre grâce à l'apport de diverses ressources ont permis de réaliser certains succès au sein de la Nation métisse. Grâce à des initiatives fédérales comme le financement pour l'intervention auprès des jeunes fourni par Patrimoine canadien, volet du financement pour les jeunes de la Stratégie de développement des ressources humaines autochtones de DRHC, et l'Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones de Patrimoine canadien, nous observons maintenant des résultats pratiques mesurables dans ce domaine.
Parmi ces succès, citons la participation active des jeunes Métis dans la Nation métisse, la gestion horizontale des ressources qui permet de mieux répondre aux besoins et priorités des jeunes Métis et la création de partenariats avantageux entre la Nation métisse et d'autres intervenants, qui favorisent les initiatives pour les jeunes Métis. Il faut continuer de miser sur ces succès. Pour ce faire, il faut augmenter de façon substantielle les ressources disponibles pour ces initiatives et il faut également que le gouvernement fédéral s'engage à miser sur ce qui fonctionne dans ces partenariats avec la Nation métisse.
Depuis peu d'années, la Nation métisse assiste à la participation active des jeunes Métis à tous les aspects de la nation aux paliers communautaire, provincial et national. Par exemple, le Secrétariat à la jeunesse du RNM, le CCNJM, existe maintenant depuis sept ans. Grâce à un financement initial du ministère de Patrimoine canadien, Secrétariat d'État — Enfance et Jeunesse, les jeunes Métis de tout le Canada se sont réunis pour créer une structure permanente des jeunes au sein du RNM. Depuis ces débuts, le mouvement des jeunes au sein du RNM n'a cessé de se renforcer. Je suis heureux de dire que cette initiative a été à l'avantage de toutes les parties.
Au fil des ans, grâce à des ressources supplémentaires axées sur les projets, fournies par divers ministères fédéraux, et essentiellement grâce aux ressources découlant de l'Initiative UMAYC, le CCNJM a renforcé sa capacité et son rôle au sein de la Nation métisse. Le CCNJM, composé de deux représentants des jeunes de chacun des membres dirigeants, participe maintenant à toutes les réunions des assemblées générales annuelles du RNM; il est aussi membre d'office à toutes les réunions du conseil d'administration du RNM, coordonne le plan de travail UMAYC national du RNM, travaille dans des secteurs politiques particuliers aux jeunes, coordonne une conférence annuelle des jeunes Métis, surveille le Programme national de modèle de comportement pour les jeunes Métis et publie deux fois par an un bulletin pour les jeunes Métis.
C'est en raison de ce succès qu'un grand nombre de dirigeants du RNM et de collectivités métisses acceptent maintenant la participation des jeunes dans leurs structures et institutions gouvernementales. Par exemple, le Conseil des jeunes de la Metis Nation Saskatchewan envoie des délégués à l'Assemblée législative de la Metis Nation Saskatchewan et à la Metis Nation of Ontario, la MNO. Le président du Conseil des jeunes de la Metis Nation of Ontario est élu aux élections provinciales et siège au sein du conseil provincial MNO.
Le fait d'englober les jeunes dans la fonction gouvernementale de la Nation métisse garantit la participation des jeunes, vu que leur voix est ainsi toujours entendue. Au sein de la Nation métisse en particulier, cela a permis de faire en sorte que les questions liées à la jeunesse ne soient pas rejetées, d'entendre les conseils et les avis des jeunes sur les questions qui leur importent, d'apporter un appui, une éducation et des conseils aux futurs leaders de la Nation métisse et, plus important, de travailler ensemble comme une nation unie représentée par tous les segments de la population métisse.
Dans le cadre des consultations UMAYC du RNM, les jeunes Métis ont souligné la nécessité de se pencher sur la personne dans son entier. Les participants ont exprimé le souhait d'avoir des programmes et des services qui reflètent une approche holistique appuyant non seulement les aspirations économiques de l'individu, mais aussi ses aspirations sociales et culturelles. Pour y parvenir, des encouragements nombreux, des services de soutien constants et des interventions sur plusieurs fronts s'imposent.
La Nation métisse et les organisations de prestation de services métis doivent être en mesure d'offrir toute une gamme de programmes pour répondre aux besoins traditionnels des jeunes Métis. Très souvent, une organisation n'a pas le mandat ni les ressources voulues pour adopter une telle approche. C'est en général le jeune qui en souffre, à cause des structures de prestation inefficaces et fragmentées qui existent au sein de la collectivité autochtone. Dans de nombreuses situations frustrantes, les jeunes font face à un manque de ressources, sont renvoyés d'un bureau à l'autre et doivent répondre à certains critères pour respecter les lignes directrices des programmes.
Il arrive très souvent au sein de la collectivité autochtone qu'une foule d'organisations se disputent des ressources limitées, si bien qu'une organisation donnée ne peut pratiquement pas offrir de programmes holistiques. Toutefois, certaines initiatives fédérales actuelles illustrent les résultats positifs que l'on peut obtenir lorsque les ministères s'appuient sur la gestion horizontale pour introduire de nouveaux programmes. Par exemple, l'initiative UMAYC affecte 10 p. 100 de toutes les ressources au RMN et à ses dirigeants. Par conséquent, au lieu de créer des infrastructures de prestation distinctes, la Nation métisse mise sur ses infrastructures à elle.
Les ressources UMAYC ont servi à compléter les initiatives et les programmes existants tout en continuant de respecter les lignes directrices du programme UMAYC. À titre d'exemple, citons les infrastructures de prestation du programme du marché du travail des dirigeants. Par l'entremise de Développement des ressources humaines Canada, plus de 43 millions de dollars sont affectés chaque année à ces structures de prestation de programmes du marché du travail pour les Métis. Miser sur les ressources d'infrastructure existantes est plus efficace et efficient que d'avoir des administrations distinctes qui favorisent la discorde entre diverses organisations.
La gestion horizontale des ressources existe au sein de la Fédération métisse du Manitoba (FMM). La FMM a combiné les ressources qu'elle reçoit par le truchement de l'initiative UMAYC et celles du volet jeunesse de la Stratégie de développement des ressources humaines autochtones — la SDRHA — pour créer un ministère à la jeunesse. Ce ministère affecte des fonds aux régions FMM afin de leur permettre de mettre en oeuvre des projets dirigés par des jeunes au sein de chaque région. Les projets mettent l'accent sur le développement personnel du bien-être mental, physique et spirituel des jeunes; sur des projets d'emploi qui permettent aux jeunes Métis d'améliorer leurs possibilités pour le marché du travail et d'acquérir une expérience professionnelle; sur des projets d'éducation qui renforcent des attitudes positives à l'égard de l'apprentissage et des études et qui leur permettent d'acquérir des connaissances traditionnelles, pratiques ou scolaires; sur des projets de développement communautaire qui appellent la participation des jeunes dans des activités de service communautaire; et sur des projets qui favorisent et inspirent la fierté de la culture et du patrimoine métis parmi les jeunes Métis.
Le ministère à la jeunesse de la FMM est doté d'un personnel composé d'un directeur et d'adjoints administratifs. Les programmes pour la jeunesse sont offerts par l'entremise de bureaux régionaux de la FMM. Deux jeunes employés sont embauchés dans chaque région: l'un s'occupe des jeunes à risque et l'autre met sur pied un réseau pour les jeunes au niveau local et régional. Le siège de la FMM est chargé de l'administration financière et du personnel et il surveille le respect des accords de financement. Ce modèle rationalise les programmes offerts aux jeunes Métis et permet aussi d'économiser des ressources en évitant le double emploi des services et de l'administration.
À l'instar du modèle FMM, d'autres initiatives de gestion horizontale sont lancées à l'intérieur de la Nation métisse pour les programmes axés sur les jeunes Métis. Ces modèles ont permis à la Nation métisse d'apporter un meilleur appui aux jeunes Métis, tout en améliorant la capacité et l'aptitude la Nation métisse à offrir des programmes et des services. Le RNM continue de recommander à d'autres ministères fédéraux une approche similaire pour la Nation métisse dans les domaines de la santé, de la justice et du système correctionnel, du développement économique, et cetera.
Comme je l'ai indiqué plus haut, les organisations autochtones sont trop souvent placées dans une situation qui les pousse à se disputer les ressources limitées des initiatives gouvernementales. Cela conduit habituellement à la division et à la bisbille au sein des collectivités. Lorsqu'une approche particulière aux Métis est adoptée, comme celle décrite ci- dessus, il est possible d'éviter ces genres de situations.
La Nation métisse, par l'entremise de ses leaders démocratiquement élus, est en mesure de concevoir la prestation des programmes à l'intention de ses clients. Cet organe politique ne participe pas lui-même à la prestation et au fonctionnement des programmes et services, mais a la capacité de prendre des décisions stratégiques qui servent les meilleurs intérêts de la Nation métisse. Cela permet de respecter les structures gouvernementales de la Nation métisse, ainsi que de créer des partenariats fructueux avec d'autres intervenants.
Ainsi, un membre dirigeant est en mesure d'aller chercher un élément d'une initiative fédérale applicable aux Métis ou de le combiner à d'autres programmes ou initiatives. Cette capacité permet la création de nouveaux partenariats avec les gouvernements provinciaux, les Premières nations, les organismes autochtones de prestation de services. Ces partenariats permettent aux diverses parties de travailler efficacement ensemble plutôt que de s'entre-déchirer.
Dans le domaine de la jeunesse en particulier, des partenariats ont été créés grâce à la participation du RNM à l'Initiative UMAYC. Par exemple, grâce à l'amélioration de la capacité des jeunes, suscitée par l'Initiative UMAYC, la Nation métisse est en mesure de travailler efficacement dans le cadre des processus fédéraux-provinciaux-territoriaux- autochtones sur les questions des jeunes, ainsi que d'être partenaire avec d'autres intervenants dans ce domaine.
En 1999, le RNM a coprésidé le groupe de travail FPTA sur le développement de la Stratégie nationale pour les jeunes Autochtones et il continue de jouer un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de cette stratégie.
Pour conclure, j'espère que mon exposé vous aura donné une meilleure compréhension de la Nation métisse ainsi que de ses structures et institutions gouvernementales, sans compter les défis uniques auxquels sont confrontés notre nation et nos jeunes. Je soulignerais qu'il faut augmenter l'investissement des ressources pour relever les défis urgents auxquels sont confrontés tous les jeunes Autochtones au Canada. Les ressources actuelles mises à la disposition de la Nation métisse pour régler ces questions prioritaires sont insuffisantes et commencent à peine à apporter des solutions à un problème d'envergure.
Dans le cadre de mon exposé, j'ai souligné certains des avantages qui se sont concrétisés grâce à l'investissement actuel du gouvernement fédéral dans ce domaine. Le RNM est extrêmement fier de la participation accrue des jeunes au sein de la Nation métisse, des succès réalisés grâce à la gestion horizontale des ressources pour les jeunes et des partenariats créés avec d'autres intervenants, lorsque la Nation métisse est en mesure d'investir les ressources de manière stratégique. Il faut miser sur ce qui fonctionne pour relever les futurs défis auxquels seront confrontés nos jeunes.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous faire-part de certaines des idées et suggestions de la Nation métisse dans un domaine qui est très important pour nos jeunes.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Morin. Votre exposé, très intéressant, nous donne un aperçu de la situation, ce dont nous vous remercions.
Mme Jennifer Brown, présidente, Conseil consultatif national des jeunes Métis, Ralliement national des Métis: Je suis originaire de la Saskatchewan et je représente les jeunes à l'échelle nationale à titre de présidente du Conseil consultatif national des jeunes Métis. Comme l'a indiqué M. Morin, nous sommes un organisme composé de 10 personnes, chacune des organisations dirigeantes étant représentée par deux membres. Notre exécutif est élu et se compose de trois personnes.
M. Morin a parlé de certaines de nos initiatives, qui permettent à nos jeunes de se faire mieux connaître de notre propre gouvernement et du gouvernement fédéral, grâce à nos conférences nationales pour la jeunesse qui servent de tribunes à nos jeunes, lesquels peuvent ainsi explorer nos initiatives et nos opportunités limitées.C'est un élément sur lequel nous devons miser.
Notre nouvelle directrice des initiatives pour la jeunesse, Pauline Huppie, joue un rôle considérable. Nous sommes prêts à répondre à toutes les questions que vous souhaiteriez poser au sujet des initiatives pour la jeunesse et de notre rôle au sein du Ralliement national des Métis.
Le sénateur Cochrane: Merci, vous nous avez donné un aperçu de la Nation métisse en général.
Madame Brown, lorsque vous participez à des conférences nationales, le faites-vous en tant que Métisse ou en tant que membre d'un groupe autochtone?
Mme Brown: Voulez-vous parler de nos conférences nationales pour la jeunesse ou des conférences UMAYC?
Le sénateur Cochrane: Je veux parler des conférences nationales.
Mme Brown: Nous représentons les jeunes Métis en particulier, car les conférences sont axées sur nos jeunes, mais nous n'excluons pas d'autres groupes autochtones. Nous apprécions qu'ils viennent voir ce que nous faisons, car nous sommes la seule organisation nationale qui organise des conférences pour la jeunesse. Nous avons inviter l'ITK ainsi que l'Association nationale des centres d'amitié à participer, car nous nous efforçons d'établir de meilleures relations avec ces organismes.
Nos jeunes participent pour connaître davantage notre culture. Cette année, notre cinquième conférence nationale pour la jeunesse métisse a lieu à Vancouver, du 26 au 28 avril, et elle traitera essentiellement de l'environnement. Toutefois, nous avons un volet important d'activités culturelles et patrimoniales qui donnent l'occasion d'explorer nos traditions; en effet, les jeunes qui grandissent dans les centres urbains ne connaissent pas les danses de la rivière Rouge et autres danses populaires et c'est ce que nous leur proposons dans le cadre de ces conférences.
Nous participons en présence d'autres partenaires à des conférences nationales de l'UMAYC en tant que porte- parole des Métis, ce que nous n'oublions jamais parce que nous disposons, par rapport aux autres organismes, de ressources limitées.
Le sénateur Cochrane: Est-ce que de jeunes Métis des trois provinces y assistent?
Mme Brown: De cinq provinces, en fait. Cette année, nous parrainons la participation de cinq jeunes de chaque province. Cette année, la Metis Nation of Ontario y fait participer cinq jeunes de plus, je crois, et la délégation de la Metis Nation of Alberta comptera 20 personnes de plus. Nous avons décidé de ne pas exiger de frais d'inscription à Vancouver pour que les jeunes de la base puissent assister à la conférence sans frais. Il s'agit d'une tribune ouverte. Nous nous attendons à y accueillir entre 80 et 120 personnes. La conférence devrait être très intéressante.
Le sénateur Cochrane: Avez-vous une idée du nombre de jeunes que compte la Nation métisse?
M. Morin: Il est très difficile pour la Nation métisse d'avoir accès à des données propres à ses membres, du fait entre autres, comme je l'ai mentionné dans notre exposé, qu'il n'existe pas de registre de la Nation métisse. On ne recense pas au Canada les Métis, le lieu où ils se trouvent et ainsi de suite. Par conséquent, il est impossible d'obtenir les données démographiques voulues pour bien planifier les programmes et tout le reste.
Bien sûr, il existe des données statistiques sur les Autochtones en général. D'après cette statistique, 55 p. 100 environ des jeunes Autochtones du Canada ont 26 ans ou moins. Je crois que les données sur les Métis seraient plus ou moins analogues.
Le sénateur Cochrane: Je me réjouis de constater que vous avez le Programme national de modèle de comportement pour les jeunes Métis. Il est selon moi crucial. Bien trop souvent, on a tendance à se concentrer sur le négatif plutôt que sur le positif.
Pourriez-vous nous donner quelques exemples de jeunes Métis qui ont réussi et de l'impact que cela a eu sur leurs collectivités?
Mme Brown: Je vais citer le cas de nos jeunes lauréats de l'an dernier. Dr Gilles Pinette, de Winnipeg, au Manitoba, a son propre cabinet privé. Il fait aussi beaucoup de bénévolat et a produit deux ouvrages sur des questions relatives à la santé des Métis. Jill LaPlante, de Brandon, au Manitoba, a une déficience visuelle, mais cela ne l'empêche pas de faire du bénévolat dans sa localité. Krystle Pederson, de la Metis Nation of Saskatchewan, s'est distinguée sur le plan du rendement scolaire par l'excellence de sa voix et de son piano. Elle a chanté aux célébrations de la Journée nationale des Autochtones qui ont eu lieu ici à Ottawa et s'est fait connaître un peu partout au pays.
Nous avons en place un processus de sélection pour repérer les jeunes Métis prometteurs. Cela ne signifie pas que nous choisissons les meilleurs candidats. Nous reconnaissons la valeur de certains, mais nous n'oublions pas les autres. Eux aussi reçoivent une marque de reconnaissance pour leurs contributions.
Un volet du programme de modèle de comportement consiste à tenir une base de données sur toutes les réussites de jeunes Métis. Dans ma province, le lauréat de cette année est Jason Mercredi, de La Ronge. Cette petite localité du nord de la Saskatchewan n'offre pas beaucoup de possibilités. Le système d'éducation dans le Nord n'est pas à la hauteur, selon moi. Pourtant, Jason a réussi à surmonter tous les obstacles auxquels font face les jeunes de cette région, où le taux d'alcoolisme et de toxicomanie est très élevé. Jason est un être tout à fait exceptionnel.
Un autre modèle de comportement pour les jeunes Métis qui n'a pas été lauréat est Jason Madden, qui se trouve dans la salle aujourd'hui. Jason est lui aussi un être extraordinaire. Fraîchement diplômé de l'école de droit, il vient d'être admis au barreau. Dynamique, il a déjà présidé le Conseil consultatif national des jeunes Métis. Beaucoup de jeunes de chez nous l'admirent. Il est une source d'inspiration en raison de tout ce qu'il a accompli.
Les jeunes Métis n'ont pas souvent l'occasion de dire: «Ce sont des nôtres et voici ce qu'ils ont contribué à la société. «C'est ce que nous voulons faire.
Nous tenons ces cérémonies de remise de prix en même temps que notre conférence nationale sur les jeunes pour que tous les jeunes puissent interagir et rencontrer les lauréats. Kim Mueller, ancienne lauréate, a poursuivi ses efforts et est devenue facilitatrice dans la roue de la médecine en vue de promouvoir la formation holistique. Elle fera un exposé lors de notre conférence prévue pour la fin du mois.
Si vous souhaitez y assister, nous vous y accueillerons avec plaisir.
Le sénateur Cochrane: Tout cela est si encourageant que j'espère que vous allez tous répandre la bonne nouvelle auprès des divers groupes autochtones. L'avez-vous fait?
Mme Pauline Huppie, directrice, Initiatives des jeunes, Conseil consultatif national des jeunes Métis, Ralliement national des Métis: Quelqu'un de chez ITK a communiqué avec moi pour en savoir davantage au sujet de la structure de notre Programme national de modèle de comportement pour les jeunes parce que cet organisme aimerait s'en inspirer pour offrir son propre programme à l'intention des jeunes Inuits.
Je tiens à souligner une caractéristique unique à notre programme de modèle de comportement. Il y avait des lauréats en l'an 2001 et il y en a de nouveau cette année. Bien que ces jeunes aient 20 ans environ actuellement, leur travail dans le cadre du programme se poursuivra longtemps après que leur jeunesse aura pris fin. Le lauréat n'est pas limité à un règne d'un an. Il peut donc participer au programme pendant dix ans. Nous aimons continuer à utiliser nos modèles de comportement et nous en servir comme base pour passer à autre chose.
Le sénateur Cochrane: Grâce à tout ce que vous faites, avez-vous constaté une diminution de la consommation excessive d'alcool ou de drogues?
Mme Huppie: Notre programme en est à sa deuxième année. Il est un peu trop tôt pour en venir à des conclusions. Nous commençons tout juste à faire la critique périodique de tous les ratés du programme. Nous apprenons sur le tas.
Bien que nous n'ayons pas fait d'effort de promotion particulier, nous recevons souvent des appels de personnes qui aimeraient que des modèles de comportement soient présents à des événements ou à des ateliers. Il est très excitant de voir qu'on parle de notre programme sans que nous ayons à en faire la publicité. C'est en quelque sorte notre «téléphone autochtone».
Le sénateur Cochrane: Ces jeunes gens feraient d'excellents modèles de comportement non seulement pour les Métis, mais aussi pour les autres jeunes du Canada. Je suis impressionnée.
Le sénateur Pearson: Madame Brown, le système d'éducation m'intéresse. Naturellement, l'éducation est un enjeu primordial pour les jeunes. Si j'ai bien compris, vous n'avez habituellement pas de système d'éducation distinct. Vous composez avec le système d'éducation en place là où vous habitez. Avez-vous réussi à trouver des moyens d'exercer une influence dans les établissements particuliers où vous faisiez vos études?
Vous êtes probablement un peu plus âgée que les étudiants de collège. Un des grands défis est la durée de fréquentation des établissements et la façon d'influencer le conseil scolaire ou la structure scolaire pour mieux le ou la conscientiser, sur le plan culturel, à sa clientèle. Pourriez-vous nous en dire plus au sujet de votre expérience à l'école et de la façon dont vous avez réussi à devenir vous-même un pareil modèle positif de comportement?
Mme Brown: J'ai fréquenté une école privée catholique qui ne comptait que sept étudiants autochtones. Il n'y avait que deux Métisses, ma soeur et moi-même. C'est étrange, quand on pense à la forte population métisse de Prince Albert, mais la plupart d'entre eux allaient à l'école publique.
Nous essayons d'apporter des changements au système d'éducation. Si je prends l'exemple précis de ma province, une partie du mandat du conseil provincial des jeunes est d'assumer un rôle au sein des conseils scolaires. Je fais moi- même partie du conseil scolaire de Prince Albert, et Chris Brown représente les jeunes Métis de la Saskatchewan au sein des conseils de district scolaire. Nous pouvons ainsi faire valoir nos préoccupations quand nous estimons qu'un changement s'impose au programme d'études.
Ainsi, dans le programme d'études sociales de la septième à la neuvième année, on enseigne que Louis Riel était un traître et qu'il n'était pas justifié dans ce qu'il a fait. On apprend à ces étudiants qu'il était un individu dangereux pour la société canadienne. Ce n'est pas vrai. Nous avons cherché à faire retirer cela du programme de l'école. Nous ne voulions pas que ce soit ce qu'apprennent nos enfants métis. Ils ont tenu compte de notre point de vue, et ce manuel n'est plus utilisé.
Il existe à LaRonge, en Saskatchewan, un programme parascolaire offert en vertu d'une initiative de l'UMAYC. Les enseignants travaillent de concert avec l'établissement à fournir aux étudiants qui en ont besoin du tutorat après les heures de classe.
En Saskatchewan, il y a aussi le Gabriel Dumont Institute, le Dumont Technical Institute, ainsi que le Louis Riel Institute.
Grâce à la MNS, l'Université de la Saskatchewan a mis en place un programme d'enseignement de la gigue de la Rivière Rouge, de la langue michif, ainsi que des faits et des figures historiques de la nation métisse, qui donne droit à des crédits universitaires. Ce programme, offert par l'entremise du Gabriel Dumont Institute, permet aux étudiants de tirer une plus grande fierté de leurs origines.
Le programme de formation d'enseignants autochtones en milieu urbain compte un grand nombre de Métis. Les diplômés de ce programme sont de plus en plus embauchés par les systèmes scolaires. Les enfants métis qui ont des enseignants métis sont mieux sensibilisés aux questions et aux problèmes reliés à notre nation. Un grand pourcentage des enseignants en Saskatchewan est âgé de moins de 29 ans et est autochtone.
Il existe beaucoup plus de débouchés intéressants que dans mon temps.
Le sénateur Pearson: Ce sont des nouvelles encourageantes. D'autres groupes peuvent donc bénéficier de ces modèles de comportement.
Le sénateur Hubley: Votre exposé nous a beaucoup informés.
Madame Brown, j'espère que vous ne verrez pas d'inconvénients aux nombreuses questions que nous désirons vous poser ce matin. Nous nous intéressons beaucoup aux jeunes, et certainement aux jeunes Autochtones. Nous fondons de grands espoirs sur la jeunesse de cette nation.
J'ai été surprise de vous entendre dire que les Métis n'ont souvent pas accès aux programmes destinés aux Autochtones. Pourriez-vous nous donner des détails à ce sujet? S'agit-il d'une réalité de la vie, ou existe-t-il des raisons à ce phénomène?
Mme Brown: Personnellement, je ne crois pas qu'il y ait de raisons valables. Dans la Constitution, nous faisons partie des trois peuples autochtones, mais nous recevons moins de fonds que les Premières nations et les Inuits.
Dans ma province, le Metis Employment and Training Institute reçoit très peu de fonds, mais lorsqu'il en reçoit, il peut offrir des programmes de formation et d'éducation à un grand nombre d'étudiants. Toutefois, nous recevons des montants inférieurs à ce qu'ils devraient être compte tenu du nombre élevé de jeunes Métis et de Métis en général qui utilisent ce service.
M. Morin sait peut-être pourquoi le financement qui nous est accordé n'est pas adéquat. Pour ma part, je me l'explique mal.
Les dépliants et le matériel de promotion produits pour le Programme national des personnages modèles autochtones invitent à proposer la candidature de jeunes des Premières nations ou de jeunes Inuits, en excluant complètement les jeunes Métis, et exigent une preuve d'appartenance à une collectivité autochtone ou d'inscription à un registre. C'est pourquoi nous avons élaboré notre propre programme national de modèle de comportement pour les jeunes Métis.
Le sénateur Hubley: Cela ne me paraît pas vraiment juste. Disposez-vous de moyens pour faire savoir à ces gens qu'ils ont peut-être manqué de perspicacité lorsqu'ils ont défini les critères du programme?
Mme Huppie: Je ne crois que nous ayons communiqué avec eux, mais je sais que nous avons essayé de poser des candidatures.
M. Morin: Je devrais peut-être ajouter que c'est une tendance de longue date au sein du gouvernement fédéral.
Mme Brown et Mme Huppie ont bien raison. La Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît trois peuples autochtones: les Indiens, les Inuits et les Métis. Nos droits ancestraux et nos droits issus d'un traité sont garantis à l'article 35.
Toutefois, depuis la Confédération et la première loi constitutionnelle du Canada en 1867, le gouvernement fédéral maintient qu'il a des obligations envers les Premières nations et les Inuits seulement, à l'exclusion des Métis. Cette pratique bien ancrée nous touche à deux niveaux. Premièrement, aucun processus n'a été mis en place pour les Métis du Canada en ce qui concerne leurs droits à l'autonomie gouvernementale, leurs droits territoriaux et d'autres droits que nous faisons valoir en tant que nation. Deuxièmement, relativement à la prestation de programmes et de services, la pratique des ministères fédéraux consiste à ne pas traiter avec les Métis. Étant donné la position bien établie du gouvernement fédéral en matière de juridiction, ce dernier ne se préoccupe pas des Métis.
Depuis la publication de «Rassembler nos forces», qui était la réponse du gouvernement fédéral à la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones, divers ministères fédéraux ont tenté de rendre leurs programmes accessibles aux Métis, sans que ces efforts soient toujours couronnés de succès.
Par exemple, Santé Canada finance des initiatives relatives au sida et à l'hépatite C. Ces maladies font des ravages parmi les jeunes des collectivités autochtones comme la nôtre. Parfois, nous n'avons pas accès aux programmes destinés aux Autochtones, mais si nous y avons accès, la participation demeure marginale et le taux de financement ne se compare pas à celui qui s'applique aux Autochtones. Nos jeunes ont donc beaucoup de difficulté à faire face à ces problèmes. La seule solution serait que le gouvernement fédéral assume ses responsabilités envers les Métis, comme il le fait avec les Premières nations et les Inuits. De plus, il doit fournir des directives précises à tous les ministères fédéraux afin que ceux-ci nous traitent de manière juste et équitable.
J'aimerais vous parler d'un dossier politique auquel nous travaillons en ce moment avec le gouvernement fédéral. Le premier ministre a créé le Groupe de référence ministériel sur les questions autochtones. Le ministre Ralph Goodale, l'interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, et le ministre de la Justice feront une présentation au groupe de référence avant la fin du mois de juin prochain. Le groupe de référence devra choisir parmi trois options: le maintien du statu quo, qui exclut totalement la nation métisse et lui refuse toute équité; la modification de la politique du gouvernement fédéral de manière à reconnaître les Métis et à les traiter équitablement; et une combinaison des deux options précédentes à propos de problèmes particuliers. Nous espérons que le groupe de référence choisira la deuxième option et présentera cette recommandation au premier ministre.
Puisque ces ministres sont les plus influents et qu'ils forment presque la majorité du Cabinet, leur recommandation l'emportera. Si vous avez une certaine influence auprès d'eux, vous nous rendriez certainement un très grand service en les convainquant de la nécessité d'un changement. Le temps est venu de traiter les Métis du Canada comme il se doit.
Le sénateur Cochrane: Madame la présidente, vous et nous, les membres du comité, pourrions peut-être écrire à ces deux ministres afin d'appuyer la demande des témoins.
La présidente: C'est une bonne suggestion. Nous en prenons note.
Le sénateur Christensen: Comme vous l'avez souligné, les peuples autochtones ont actuellement le taux de natalité le plus élevé au Canada. Nous savons aussi que la consommation d'alcool demeure un fléau dans les collectivités et que le syndrome d'alcoolisation foetale qui en résulte est aussi un problème majeur qui affecte toutes les dimensions de la collectivité: la santé, la vie sociale, l'éducation et la justice. Les collectivités métisses sont-elles aux prises avec un problème?
M. Morin: Je le crois. En règle générale, dans les collectivités métisses, les conditions socio-économiques sont en grande partie semblables à celles qui existent dans les autres collectivités autochtones.
Les informations dont je dispose indiquent que le syndrome d'alcoolisation foetale et les effets de l'alcoolisme foetal, une forme moins grave, sont aussi présents dans nos collectivités. Ces problèmes sont tous reliés aux conditions de vie, au cycle de la pauvreté, ainsi qu'à la toxicomanie et à l'alcoolisme chez les Métis. Pour cette raison, et étant donné toutes les autres difficultés et tous les autres défis auxquels nous devons faire face dans nos collectivités, ces problèmes demeureront une réalité. Lorsqu'on se rend dans les collectivités, c'est toujours un choc de voir des mères enceintes consommer de l'alcool et d'autres substances.
Pour répondre à votre question, je dirais que nous faisons face aux mêmes problèmes.
Le sénateur Christensen: De quelles ressources disposez-vous dans vos collectivités pour tenter de résoudre ces problèmes?
M. Morin: Je crois que les Métis du Canada n'ont jamais eu accès aux ressources requises pour régler ce genre de problème.
Le sénateur Christensen: Votre collectivité ne dispose-t-elle pas de programmes dans ce domaine?
M. Morin: Pas en ce moment. Santé Canada est probablement le ministère fédéral le plus difficile avec lequel nous avons eu à traiter.
Le ministère de la Justice accepte plus facilement de collaborer avec nous pour la mise en place de programmes répondant aux besoins des Métis du Canada. En raison des politiques fédérales, le mandat du ministère de la Justice consiste à préserver le statu quo dans les relations qu'il entretient avec notre nation et à ne créer aucun précédent en recherchant l'affrontement.
Nous pouvons donc traiter plus efficacement avec le ministère de la Justice qu'avec Santé Canada, qui a résisté à toute forme de changement dans ses relations avec les Métis, que ce soit en ce qui concerne le syndrome de l'alcoolisation foetale ou des questions telles que le sida, l'hépatite C ou même le diabète. Dans la population métisse âgée, le taux de diabète est aussi élevé que dans les autres collectivités et populations autochtones.
Nous avons eu beaucoup de difficulté à faire changer l'attitude de Santé Canada pour que ce ministère nous donne accès aux programmes qui nous aideraient à résoudre ces graves problèmes.
Le sénateur Christensen: Le comité met l'accent sur les mesures à prendre en priorité relativement aux problèmes touchant les jeunes Autochtones des centres urbains tels que la pauvreté, le crime et la violence des gangs. Ce que nous visons, c'est un plan d'action axé sur le changement. Selon vous, quelles sont les priorités stratégiques qui devraient être prises en considération? Quelle serait l'importance de ces priorités?
Mme Brown: Si vous désirez établir un plan d'action pouvant aider les jeunes Métis, il faudrait promouvoir l'éducation en général pour que ceux-ci sachent qui nous sommes en tant que nation, ce qu'est le gouvernement fédéral et qui sont les autres Canadiens. Si aucune mesure efficace n'est prise, je ne crois pas que nous pourrons travailler en collaboration avec les autres Canadiens de la société en général.
Il faudrait aussi mettre l'accent sur l'importance de la culture et du patrimoine. Les Métis doivent être fiers de leur nation et de leurs origines. Le week-end dernier, la Manitoba Metis Federation a tenu une conférence sur la langue michif qui portait entre autres sur la préservation de cette langue. Auparavant, les Métis avaient honte d'utiliser leur langue. Lorsque tous se sont rassemblés dans la salle, on a pu observer que la grande majorité était des personnes âgées. Seulement quatre jeunes étaient présents, dont moi-même. Nous avons déterminé que si nous voulions progresser et surmonter nos problèmes sociaux, nous devions être fiers de notre nation et de nos origines. Nous devons reconquérir et revitaliser notre langue, ainsi que rétablir nos valeurs traditionnelles.
Si vous désirez mettre en place un plan d'action axé sur le changement, vous devez accorder une attention spéciale aux problèmes d'alcool et de toxicomanie, qui gagnent rapidement du terrain. Le nombre de jeunes Métis qui consomment de l'alcool et de la marijuana continue de croître. Malheureusement, ils se tournent vers ces substances qui représentent pour eux la source de confort qu'ils ne réussissent pas à trouver en milieu urbain, et il n'existe aucun mécanisme de soutien en place.
Lors de la conférence sur les ressources métisses de l'Organisation nationale de la santé autochtone qui s'est tenue à Saskatoon le mois dernier, on a discuté de la possibilité d'établir une structure de soutien pour les aînés de la Nation métisse. Si nous offrons de la formation aux jeunes Métis pour qu'ils travaillent avec les aînés et pour qu'ils s'attaquent à leurs problèmes de santé, comme le diabète, une structure efficace pourrait être mise en place. Une plus grande interaction avec nos aînés renforcerait le sentiment de fierté et d'unité au sein de notre peuple. Nous pourrions aussi profiter de l'expérience des aînés qui nous fait actuellement défaut.
On ne discute pas beaucoup des conséquences du système des pensionnats. Si nous comprenions mieux ce qu'ont vécu les pensionnaires, nous pourrions déterminer plus efficacement les changements qui doivent être apportés pour que cela ne se produise plus.
Pour que la Nation métisse puisse progresser, on doit reconnaître qui est responsable de cette nation. Sont-ce les gouvernements provinciaux ou le gouvernement fédéral? Ce devrait être le gouvernement fédéral, mais personne ne veut en assumer la responsabilité. C'est une question à laquelle il faut répondre.
Je travaille avec le Bureau du Conseil privé par l'intermédiaire de la composante tripartite de la Metis Nation of Saskatchewan. M. Bob Brault insiste sur le fait que nous devons prendre les choses en main. Dans toute stratégie envisagée, il faut absolument prévoir une participation de la jeunesse métisse, de manière que nous puissions démontrer ce qui doit être modifié et ce dont nous devons nous occuper.
Le sénateur Léger: Ma question concerne l'identité des Métis. Je connais bien le mot, mais je ne connais pas la réalité que ce mot véhicule. Qui sont les Métis? Il ne s'agit pas simplement du mélange d'Européens et d'Indiens. Les jeunes savent exactement qui ils sont. Est-ce que les autres Canadiens connaissent les différences d'identité qui caractérisent les Inuits, les Premières nations, les Autochtones vivant dans une réserve et les Autochtones vivant hors réserve?
De toute façon, il semble que tous les jeunes gens s'en vont dans les villes.
Mme Brown: En tant que jeune Métisse, je ne crois pas que les Canadiens savent ce que c'est que d'être Métis. J'ai passé beaucoup de temps en Nouvelle-Écosse où se déroulait un festival autochtone et ethnique. Il y avait là un groupe qui se prétendait métis. Lorsque j'ai visité le stand de ces gens, j'ai pu constater que même s'ils se disent Métis, ils n'ont pas les mêmes repères historiques tels la charrette de la rivière Rouge, Louis Riel ou les précipices à bisons. Ils n'ont aucun rapport avec ce que nous faisons ou avec ce que nous jugeons important du point de vue culturel.
Le sénateur Léger: Sont-ils des Métis?
Mme Brown: S'ils se considèrent métis, ce n'est pas à moi de les contredire.
Le sénateur Léger: Comment peut-on le savoir?
Mme Brown: Le Ralliement national des Métis reconnaît le peuple métis. Toutefois, je ne crois pas que ce groupe particulier serait considéré comme des Métis parce qu'il n'a pas de lien culturel avec Louis Riel ou avec la bataille de Batoche. Ces gens n'ont pas la même culture, part importante du peuple métis. De plus, nous avons notre patrimoine et une langue unique.
Lorsque vous voyagez en dehors de la communauté métisse, les gens vous regardent. Si votre peau est plus foncée, on pense que vous êtes Indien et on ne sait pas trop comment vous appeler. Si vous dites que vous êtes Métis, on vous regarde comme si vous étiez un peu bizarre. En général, on parle très peu des Métis. C'est lorsque nous aurons arrêté une bonne définition de notre nation que la société canadienne sera en mesure de comprendre qui nous sommes.
Le sénateur Léger: Comment pouvons-nous savoir qui sont les Métis que vous avez rencontrés en Nouvelle-Écosse? Y a-t-il plusieurs identités métisses? Vous ne pouvez peut-être pas nous répondre aujourd'hui.
M. Morin: Je vais tenter de répondre, madame le sénateur.
Pour nous, la Nation métisse s'est formée dans l'Ouest du Canada. Non seulement sommes-nous une nation autochtone distincte, mais nous sommes également un phénomène typiquement relié à l'Ouest canadien. Le peuple des Maritimes, qui se prétend métis, ne l'est pas à nos yeux. Il s'agit d'une conséquence de l'article 35 de la Constitution où l'on retrouve le mot «Métis». Les gens qui ne sont pas reconnus peuvent essayer de se définir comme Métis pour obtenir la reconnaissance de leur caractère autochtone ou de certains droits. Nous ne savons pas qui ils sont et il est certain qu'à nos yeux, ce ne sont pas des Métis.
Nous sommes un phénomène propre à l'Ouest canadien. Notre peuple a forgé son identité collective dans la région de la rivière Rouge dans l'Ouest canadien. Nous avons une terre métisse qui comprend les provinces des Prairies, des parties de l'Ontario, la Colombie-Britannique, des parties situées dans le sud des Territoires du Nord-Ouest et le nord des États-Unis. C'est ce que nous appelons la terre métisse.
Nous pouvons vous donner de nombreux exemples. Avec la charrette de la rivière Rouge, nous chassions le bison qui était une ressource importante pour la Nation métisse sur la terre métisse. Avec le produit de cette chasse, nous fabriquions le pemmican, un des produits de première nécessité de l'industrie de la fourrure. Parfois, 1 000 charrettes de la rivière Rouge pourchassaient le bison dont on tirait nourriture, vêtement et pemmican. Avec ces charrettes, nous avons littéralement sculpté la terre métisse. Aujourd'hui, lorsqu'on survole certaines régions, on peut toujours voir les ornières creusées par les roues des charrettes, et elles sont probablement visibles sur les images obtenues par satellite.
Si l'on examine la géographie de la terre métisse, nous voyons que la frontière ouest se trouve au Montana. Louis Riel a vécu de nombreuses années dans la mission de St. Peters avant de revenir à Batoche où il a été enseignant. La frontière ouest de la terre métisse débute dans ce coin sud-ouest et s'étend jusqu'en Alberta et dans la partie nord-est de la Colombie-Britannique. Si la terre métisse s'arrête à cet endroit, c'est que le bison ne franchit pas les montagnes et que c'est là que s'arrêtait sa migration. Nous avons littéralement chassé le bison jusqu'au pied des montagnes à l'aide de nos charrettes de la rivière Rouge. C'est la frontière ouest de la terre métisse.
La frontière sud-est se situerait quelque part dans la région de Minneapolis et de St. Paul, poste de traite historique où nous allions vendre nos fourrures.
De fait, comme le révèle le procès Sayer qui a eu lieu en 1849, la Compagnie de la Baie d'Hudson, qui avait le monopole de la traite des fourrures, et qui avait, à toutes fins pratiques, les pouvoirs d'un gouvernement dont la souveraineté s'étendait sur tout l'ouest du Canada et la Terre de Rupert, exigeait de quiconque vivant sur ce territoire qu'il vende ses fourrures à la Compagnie de la Baie d'Hudson et à personne d'autre. La compagnie avait un monopole et n'accordait pas un prix équitable à notre peuple pour ses fourrures. Par conséquent, nous avons commencé à traiter avec des négociants américains. Parfois nous allions à Minneapolis-St. Paul. Pour aller vers l'est, vous deviez parfois passer par Minneapolis-St. Paul également, comme l'a fait Riel. À la suite de cette histoire, cette région est devenue le coin sud-est de la terre métisse.
Pour revenir à l'affaire Sayer, M. Sayer, un Métis, était accusé en vertu du monopole de la Compagnie de la Baie d'Hudson d'avoir vendu ses fourrures à des négociants libres américains. Un procès a eu lieu dans la région de la rivière Rouge. Techniquement, M. Sayer était coupable d'avoir violé une disposition monopolistique accordée à la Compagnie de la Baie d'Hudson par un roi d'Angleterre. Toutefois, comme le tribunal était entouré par plus d'une centaine de Métis armés, le juge lui a accordé une absolution inconditionnelle. Ce verdict a réjoui les Métis, car il constituait une victoire qui, aux yeux des Métis, consacrait leur mode de vie et leur droit de commercer librement.
Le combat que nous avons mené pour protéger nos droits, c'est également le combat que nous avons mené pour affirmer notre identité. C'est ce qui définit véritablement la Nation métisse et le Métis lui-même. Nous sommes des gens très passionnés, parce qu'il nous a toujours fallu nous battre pour être reconnus et pour faire respecter nos droits.
Il reste encore beaucoup de travail à accomplir pour faire comprendre aux Canadiens que nous ne sommes pas seulement une Première nation, des survivants d'Indiens ou des Indiens non-inscrits, mais que nous sommes une nation distincte et fière, constituée de gens qui ont apporté une contribution considérable au Canada.
Malheureusement, les médias n'ont pas assez fait pour promouvoir cette idée et ont fait du tort en diffusant des histoires négatives. Lorsque la presse perçoit que quelque chose de négatif survient dans notre collectivité, elle s'empresse de couvrir ces événements. La seule information que reçoit le public canadien vient des médias. Par conséquent, les Canadiens se forment une opinion négative de notre peuple. Nos succès passent sous silence. Beaucoup de travail reste à faire pour éduquer les Canadiens au sujet des Métis et de leur contribution incroyable à la confédération.
Le sénateur Léger: Je comprends que les Métis vivent dans l'Ouest. Je comprends également pourquoi nous utilisons le mot «Métis». Le mot «métissage» signifie «mélange». Par conséquent, quiconque a une culture mélangée dira qu'il est Métis, ce qui n'est pas le cas. Peut-être êtes-vous en mesure de rendre cette distinction plus nette. Il faut mettre en relief des caractéristiques qui définissent votre identité, comme la culture, la langue et ainsi de suite, caractéristiques qui vous distinguent des autres Autochtones.
Le sénateur Sibbeston: Je désire vous remercier tous de votre présence ici aujourd'hui. Je reconnais bien le caractère distinct des Métis dans votre façon de parler.
Je viens des Territoires du Nord-Ouest, où les Métis ont un passé dont ils peuvent être fiers. Au tout début, ils servaient d'intermédiaires entre les colons et les peuples autochtones du Nord. On utilisait leurs services, entre autres, comme interprètes, pilotes d'embarcations, conducteurs de traîneaux à chiens et messagers. Les Métis ont grandement contribué à l'entrée en scène du gouvernement et à l'évolution de la société moderne. Une fois de plus, ils ont servi d'intermédiaires entre le gouvernement et la population. Aujourd'hui, les Métis sont présents dans tous les secteurs de la société nordique.
Les Métis forment un peuple très fier et farouchement indépendant. D'une certaine façon, c'est peut-être la raison pour laquelle le gouvernement n'en a pas reconnu l'existence. En règle générale, le gouvernement a tendance à s'occuper de ceux qui ont le plus besoin d'aide. Les Inuits et les Indiens ont toujours été ceux dont l'intégration à la société était la plus difficile, tandis que les Métis réussissent bien à s'intégrer et à se débrouiller grâce à leur indépendance et à leur fierté. J'aimerais d'ailleurs entendre ce que vous avez à dire à ce sujet.
D'une certaine façon, nous ne recevons pas d'appui du gouvernement parce que nous sommes indépendants, parce que nous voulons faire les choses à notre manière, faire notre propre chemin dans la société et mener nos vies comme bon nous semble. Toutefois, je reconnais qu'il y a de nombreux Métis qui ne sont pas aussi choyés et qui ont plus de mal à s'en servir. J'aimerais aussi connaître votre opinion à ce sujet.
M. Morin: Monsieur le sénateur, vous avez bien raison. Comme je le disais tout à l'heure et comme je le mentionne souvent lorsque je prononce des discours en terre métisse, tout au long de son histoire, la Nation métisse n'a jamais réussi à se faire reconnaître, et nous avons toujours été placés dans l'adversité. Nous avons donné à l'Ouest canadien non seulement une identité, mais aussi son mode de vie, lorsque nous avons ouvert la frontière de l'Ouest au commerce des fourrures grâce à la chasse au bison et ainsi de suite. Le gouvernement a toujours maintenu sa politique de non- reconnaissance, et nous avons dû revendiquer nous-mêmes notre identité en tant que nation distincte. Nous luttons non seulement pour la reconnaissance de nos droits, mais aussi pour la reconnaissance de notre nation.
Tout au long de notre existence, nous avons dû nous défendre et nous affirmer en tant que peuple. Nous n'avons eu aucun appui. Un grand nombre des mesures prises par les gouvernements fédéral et provinciaux ne s'appliquaient pas à notre peuple.
Nous ne devons compter que sur nous-mêmes — sur nos familles, sur nos collectivités et sur notre esprit combatif. Nous sommes le seul peuple à avoir servi sous le drapeau canadien durant les deux grandes guerres. À Rivière-Rouge en 1869-1870 et à Batoche en 1885, nous avons pris les armes et nous nous sommes battus. Des troupes canadiennes ont dû être envoyées dans l'Ouest pour écraser la résistance. Ces faits font partie de l'histoire et, malheureusement, ils ont conduit à l'exécution de notre grand chef, Louis Riel, à Regina, le 16 novembre 1885. Depuis, notre peuple est persécuté et mis au banc de la société. Mme Brown a mentionné que de nombreux Métis n'admettent pas leur identité et refusent de parler leur langue. Nous nous sommes dispersés, mais nous continuons d'exister.
Dans les années 30, nous avons assisté à la naissance de nouveaux mouvements politiques en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. Dans les années 60, marquées par la reconnaissance des civilisations autochtones, notre peuple a une fois de plus fait des efforts marqués afin de s'affirmer. Dans les années 80, on a assisté à une revitalisation de l'identité métisse. Les Métis étaient très fiers de leur identité et ils affichaient cet esprit combatif et indépendant dont a parlé le sénateur Sibbeston.
À la suite de la création du Conseil national des Métis au début des années 80, les collectivités métisses ont fièrement hissé le drapeau métis. La ceinture fléchée métisse et la charrette de la rivière Rouge, des symboles culturels très importants pour notre peuple, ont retrouvé leur droit de cité.
Le Conseil national des Métis est très énergique, et il compte cinq organismes oeuvrant en terre métisse et dotés d'infrastructures provinciales, régionales et locales. Les Métis sont maintenant fiers de s'identifier comme tels.
En tant que président du Conseil national des Métis depuis l'âge de 27 ans, et j'en ai maintenant 40, j'ai le privilège de servir mon peuple depuis longtemps. J'ai assisté à de nombreuses réunions et je me suis rendu dans un grand nombre de collectivités où j'ai rencontré en tête-à-tête beaucoup de nos membres. Je les écoute, mais je peux aussi voir l'expression sur leurs visages; je rencontre les enfants et je constate qu'il existe un mouvement très fort parmi les jeunes de la Nation métisse. Ce ne sont pas que des paroles. C'est une réalité concrète.
Je participe à des assemblées en Colombie-Britannique, au Manitoba et dans plusieurs de nos provinces. Une fois mon discours terminé, je dois me rendre ailleurs pour m'adresser à 150 ou 200 jeunes qui font partie de l'organe de direction des organismes membres. Le sentiment de fierté chez nos jeunes prend de l'ampleur, et ceux-ci sont de plus en plus informés.
D'après moi, et je n'hésite pas à le dire, ils sont plus intelligents que nous ne l'étions. Ils ont accès à plus d'information grâce à l'ère informatique et au progrès technologique. Ce sont des jeunes remarquables.
On distingue aussi un sentiment réel d'appartenance à la Nation métisse. Les jeunes ne se sentent plus déchirés entre deux groupes d'appartenance; ils s'identifient à la Nation métisse.
Souvent, pendant mes conférences, je dis aux gens que je suis convaincu que nous vaincrons et que nous obtiendrons ce que nous revendiquons en tant que peuple. Les luttes que nous avons entreprises il y a plus de deux siècles dans l'Ouest canadien porteront fruit grâce à notre immense sentiment de fierté et à notre esprit combatif et indépendant. Je remarque aussi une profonde détermination chez ceux que j'ai eu l'occasion de rencontrer durant toutes ces années, dans l'exercice de mes fonctions.
On ne peut pas obtenir sa carte de membre de nos organismes avant d'avoir 16 ou 18 ans. Cette carte donne en effet le droit de voter. Pourtant, des jeunes de sept ou huit ans reviennent constamment à la charge pour qu'on leur remette une carte de membre. Ils ont raison et leur demande est sensée. Un jour, lorsque nous aurons un registre de la Nation métisse, nous pourrons peut-être leur émettre des cartes de citoyenneté qui symboliseront leur émancipation.
Je sais qu'un grand nombre des objectifs que nous nous sommes fixés se réaliseront grâce à notre force d'esprit. Jamais je n'ai été aussi optimiste; c'est merveilleux.
Le sénateur Sibbeston: Je suis d'accord avec vous pour dire que l'indépendance et la détermination caractérisent la Nation métisse. J'ai élevé mes enfants pour qu'ils soient indépendants, pour qu'ils se débrouillent par leurs propres moyens et pour qu'ils ne doivent rien à personne. Jusqu'à maintenant, ils ont tous réussi à le faire.
C'est une partie de notre patrimoine et de notre identité. Toutefois, cette indépendance nous nuit jusqu'à un certain point parce que le gouvernement qui a tendance à aider ceux qui en ont le plus besoin, nous ignore. Malheureusement, dans notre pays, ce sont les Indiens et les Inuits qui ont eu le plus besoin d'aide.
Le comité et l'étude que nous avons entreprise mettent l'accent sur les peuples autochtones, en particulier sur les jeunes des centres urbains. Un très grand nombre de Métis vivent dans des centres urbains, et leur nombre est peut-être encore plus élevé que chez les peuples des Premières nations. Ai-je raison?
Comment notre comité peut-il cerner et tenter de régler les problèmes qui existent dans les centres urbains? Connaissez-vous des organismes qui pourraient nous aider?
M. Morin: Mme Brown et Mme Huppie aimeraient peut-être faire des commentaires à ce sujet, mais j'aimerais d'abord mentionner quelque chose avant de leur laisser la parole.
Je le répète, votre comité doit prendre en considération que la Nation métisse ne fait pas de distinction entre ceux qui habitent à l'intérieur de la réserve et à l'extérieur de la réserve. Le Conseil national des Métis est formé de cinq organismes membres qui ont des bureaux dans les provinces des Prairies, en Ontario et en Colombie-Britannique. Chacun de ces organismes mène des activités à l'échelle de la province, et nous tenons des élections au scrutin. Tous les Métis ont droit de vote et, s'ils veulent se présenter aux élections, ils peuvent le faire. Lors des élections, ils ont le droit d'élire leur chef. Nous sommes une nation très démocratique.
Nous offrons de plus en plus de programmes et de services à tous les Métis dans nos provinces respectives, que ce soit en région nordique, isolée, urbaine ou rurale. Nos infrastructures sont uniformes partout en termes de représentation dans les provinces respectives et en termes de prestation de programmes et de services. Ce sont des infrastructures globales, sans cloisonnement. L'accès aux services et aux programmes est le même pour tous, qu'ils habitent en région rurale, urbaine ou nordique. Lorsque vous traitez avec la Nation métisse, vous devez en tenir compte.
Les organismes membres sont en mesure de fournir des services à tous les Métis dans leurs provinces et leurs territoires respectifs, et c'est ce qu'ils font. Grâce aux sections locales et aux conseils communautaires établis dans chacun des centres urbains de l'Ouest canadien, nous pouvons offrir nos services à tous les Métis.
J'espère avoir ainsi répondu à votre question.
Aussi, je vous encourage fortement à vous rappeler que tous les programmes élaborés devraient être adaptés aux besoins spécifiques des Métis, en n'oubliant pas que nous sommes une nation distincte. Nous avons des infrastructures politiques qui représentent nos gens et qui leur fournissent des services peu importe où ils vivent en terre métisse. C'est pourquoi ces programmes doivent être adaptés à la Nation métisse.
Mme Brown: On retrouve des sections locales métisses et des organismes de jeunes métis dans un grand nombre de centres urbains. En Saskatchewan, il existe des groupes de jeunes métis à Saskatoon, à Regina, à Prince Albert et à North Battleford. Les organismes provinciaux de jeunes maintiennent des liens avec les jeunes des centres urbains, surtout par l'entremise de l'UMAYC et ils connaissent les problèmes auxquels ces jeunes doivent faire face. Kim Mueller, notre coordinatrice provinciale de l'UMAYC, demeure à Edmonton et consacre ses efforts aux problèmes des jeunes en Alberta.
Si vous désirez cerner les problèmes propres aux jeunes Métis, il serait préférable que vous communiquiez avec notre organisme national, qui connaît bien notre situation unique dans la province. Ce serait la solution idéale, mais vous pouvez tout même faire appel aux conseils provinciaux de jeunes.
Tous nos organismes de direction comptent des conseils provinciaux de jeunes qui sont soit des secrétariats soit des partenaires des organismes de direction, à l'exception de la Manitoba Metis Federation. Cette fédération a toutefois une section de la jeunesse qui pourrait vous aider à obtenir l'information dont vous avez besoin.
Mme Huppie: J'aimerais souligner le fait qu'en tant que Nation métisse, nous ne faisons vraiment partie ni de la société des Premières nations ni de la société des non-Autochtones. Nous avons conservé ce qu'elles avaient de mieux à offrir et en avons fait un peuple ou une nation magnifique.
Nous sommes uniques. On ne traite pas de la même manière avec les Métis qu'avec les peuples des Premières nations et les peuples européens. Nous sommes un amalgame de ces peuples.
Nous utilisons efficacement ce dont nous disposons en tant que peuple métis. Nous avons comme principe d'en tirer le maximum. Certaines institutions et sociétés prospères sont dirigées par des Métis, et il serait préférable que les jeunes Métis puissent profiter de programmes adaptés à la Nation métisse.
La présidente: Merci beaucoup. Avant que nous entamions à un deuxième tour de table, j'aimerais faire quelques commentaires et vous poser quelques questions.
Monsieur Morin, vous avez parlé de recensement et de données. Je sais que vous vous préoccupez de ces questions depuis de nombreuses années. Avez-vous obtenu des fonds pour effectuer un recensement afin d'aider à définir les besoins, particulièrement les besoins des jeunes?
M. Morin: Non, nous n'avons pas obtenu de fonds pour effectuer un recensement. Nous essayons de nous entendre avec Statistique Canada afin qu'une enquête post-censitaire soit effectuée dans le cadre du recensement et qu'un échantillonnage des ménages ou citoyens métis soit aussi fait pour établir un profil démographique de la Nation métisse. Grâce à cet échantillonnage, nous obtiendrions, avec un peu de chance, des données démographiques sur la Nation métisse, après quoi nous pourrions définir en collaboration avec le gouvernement fédéral des programmes répondant aux besoins repérés par l'enquête post-censitaire.
Outre cela, je ne connais aucun financement auquel nous ayons accès pour faire un recensement. Je le répète, nous faisons pression sur le gouvernement fédéral à cet égard. Dans l'un de ses Livres rouges, le gouvernement s'engageait à collaborer avec les Métis pour entreprendre un recensement de tous les Métis. Nous voulons établir un registre de la Nation métisse, qui serait géré par la Nation métisse elle-même, avec l'aide du gouvernement fédéral. Nous pourrions ainsi recenser tous les citoyens faisant partie de la Nation métisse.
Nous savons qui nous sommes. Or, diverses personnes ne faisant pas partie de la Nation métisse nous poussent à préciser davantage ce qu'est la Nation métisse, comme d'ailleurs, certains sénateurs. C'est pourquoi nous nous efforçons d'arrêter une définition de la Nation métisse qui s'appliquerait à toute notre Nation.
À l'assemblée générale du RNM l'an dernier, à Vancouver, nous avons adopté une définition préliminaire de la Nation métisse. Nous allons de nouveau nous pencher sur cette définition cet été ou cet automne, à notre prochaine assemblée générale, en vue de sa ratification finale. Nous avons bon espoir d'en arriver à une seule et même définition de la Nation métisse.
Une fois cette définition établie, nous pourrons commencer à recenser les Métis pour constituer notre registre national dans lequel nous inscrirons tous les citoyens correspondant à la définition de la Nation métisse.
Je voudrais que vous compreniez bien que même si le gouvernement nous aide à ouvrir notre registre, comme il s'y est engagé — et il nous faudra des ressources pour ce faire — ce ne sera pas son registre, le gouvernement fédéral ne s'occupera ni de sa gestion ni de sa tenue. C'est nous qui serons responsables du processus, et le gouvernement fédéral nous aidera.
Il n'est pas seulement important de savoir combien il y a de Métis au Canada, mais aussi de réunir des renseignements exacts et essentiels. Un échantillonnage ne tombe pas toujours juste; par contre, si on dispose de ces renseignements, on peut recueillir n'importe quelle autre donnée permettant de planifier de façon efficace et efficiente des programmes destinés au peuple métis, qui répondraient efficacement à ses besoins. Ce registre servira d'autres fins, c'est pourquoi j'aimerais souligner combien il est important de l'établir. C'est d'une importance cruciale pour nous.
La présidente: Dans l'intervalle, les jeunes Métis, particulièrement ceux en milieu urbain, mais aussi ceux en milieu rural, ont de graves problèmes sociaux; des problèmes comme les gangs, la prostitution, le syndrome d'alcoolisation foetale et ses effets et les grossesses précoces, pour ne nommer que ceux-là.
À quelles ressources les jeunes Métis ont-ils accès lorsqu'ils arrivent en ville pour apprendre à s'adapter, afin de ne pas sombrer dans la corruption? Ces jeunes sont recrutés par d'autres. J'ai entendu dire que des enfants en recrutaient d'autres à Saskatoon pour le commerce du sexe. Avez-vous des mécanismes d'aide à leur offrir? Avez-vous des fonds à cette fin?
M. Morin: Mme Brown a déjà indiqué que nous mobilisions au maximum les fonds dont nous disposons pour les programmes déjà limités du RNM et de ses organismes afin d'aider les jeunes aux prises avec ce genre de problèmes. Le processus d'urbanisation de nos collectivités est similaire à celui des autres citoyens. Tout le monde migre vers les centres urbains.
Le dernier recensement dépeint la société canadienne comme une société très urbaine. La grande majorité des Canadiens vit désormais dans les grands centres urbains du Canada. Vous avez absolument raison. Nous répétons depuis longtemps combien les membres des collectivités métisses et les habitants des réserves indiennes sont désillusionnés.
Les gens se déplacent vers les centres urbains dans l'espoir d'y mener une vie meilleure, mais sont souvent déçus et frustrés à cause de la discrimination dont ils sont la cible. Ils n'ont ni l'éducation ni la formation adéquates. Ce n'est pas facile pour les gens de se trouver du travail. Cela mène aux résultats que vous avez cités, madame la présidente: les gens aboutissent dans la rue et se mettent à consommer de la drogue ou de l'alcool, ils se joignent à des gangs et se livrent à la prostitution. La même situation s'observe aussi dans les plus petites villes.
Mme Brown a parlé des partenariats, des programmes et des services que nous sommes arrivés à établir dans nos provinces grâce au financement des gouvernements fédéral et provinciaux. Ces programmes et ces services visent à corriger la situation, mais ils sont simplement insuffisants.
Pour renchérir sur le fait que le gouvernement fédéral refuse d'assumer ses compétences relatives à notre peuple, la prestation des programmes et des services fédéraux est bien loin d'être juste et équitable. Nous n'arrivons même pas à contrôler la situation. Trop peu de mesures sont prises pour régler les problèmes et nous parlons ici de personnes réelles qui souffrent, ainsi que de situations réelles. Lorsqu'un jeune se suicide, c'est réel, ce n'est pas une scène hollywoodienne. Le suicide bouleverse les familles et les collectivités; il est source de douleur, de misère et de souffrances et il faut beaucoup d'années à une famille ou à une collectivité pour se remettre d'un suicide. C'est un problème grave.
Nous devons tenir compte des données du dernier recensement et du processus d'urbanisation qui s'observe actuellement, nous le savons tous. Nous avons le taux de natalité le plus élevé au Canada et une énorme population de jeunes. Je dirais que 55 p. 100 des Métis ont moins de 26 ans. Cela fait beaucoup de jeunes.
Le manque de perspectives d'avenir et l'injustice du gouvernement placent les Métis dans des situations déplorables. Les problèmes que vous avez mentionnés sont tout à fait caractéristiques. Nous devons trouver des moyens d'y remédier. Nous ne parlons pas seulement de statistiques et de négociations pour faire reconnaître nos droits, mais de la vie de vraies personnes. Nous parlons de personnes en vie, qui respirent et qui souffrent. Les gouvernements ne peuvent tourner le dos à ces problèmes et à ces besoins humains qui sont bien réels. Il faut s'en occuper et vite.
Toutes les recommandations que vous pourriez inclure dans votre plan d'action, qui feraient état de ces réalités et de la nécessité de traiter notre peuple de façon équitable, seraient non seulement très appréciées de notre Nation, mais contribueraient à briser les barrières qui nous empêchent de nous attaquer convenablement aux problèmes qui s'observent dans les centres urbains.
La présidente: Je suis grand-mère d'une petite-fille, Rheanna Coulter Sand, dont je suis très fière, et qui, le 5 juin, va obtenir son diplôme en sciences, avec distinction, de la University of Alberta. Elle est également trésorière d'un nouveau groupe de jeunes à Edmonton, à qui elle propose un modèle de comportement, à ce qu'on m'a dit.
M. Morin: Félicitations, c'est merveilleux! C'est une très belle réussite.
La présidente: C'est une note positive. Elle s'est battue pour aller à l'université malgré le fait qu'elle n'avait pas droit à l'aide financière. C'est un autre problème sur lequel nous devons nous pencher.
J'ai un drapeau métis que j'arbore avec beaucoup de fierté à l'extérieur de mon bureau d'Ottawa.
Le sénateur Pearson: Juste avant d'arriver ici, j'ai assisté à une réunion sur les initiatives communautaires globales. Partout au Canada sont déployés des programmes inspirés de ce modèle, dont l'un en Saskatchewan. Vous ne serez pas étonné de l'apprendre, car beaucoup de mesures progressistes sont mises en oeuvre en Saskatchewan, à Saskatoon.
Dans tous vos partenariats, vous êtes confrontés au problème de votre identité. Votre exposé nous aide à mieux comprendre le peuple métis et sa quête identitaire.
Vous nous dites aussi que d'autres personnes ont les mêmes problèmes que vous. Le suicide, par exemple, ne touche pas seulement les jeunes Métis, mais tous les jeunes Autochtones.
En ce qui concerne l'emploi, vous ne parlez pas d'entreprises métisses qui n'emploieraient que des Métis, mais plutôt des moyens de donner aux Métis un meilleur accès au monde du travail en général.
Pour ce qui est des partenariats, c'est une chose que de définir votre identité distincte, mais c'en est une autre que de la valoriser au sein de la société. Je suis heureuse d'apprendre que dans le cadre du programme de Saskatoon, la collectivité autochtone collabore avec les démunis, les groupes bénévoles et les gouvernements. Les gouvernements sont certes des partenaires importants, mais ils ne sont pas les seuls partenaires possibles. Jennifer, pouvez-vous parler des partenariats?
Mme Brown: Dans ma ville, je sais que les conseils locaux et régionaux ont fait tous les efforts possibles pour établir des partenariats. En fait, l'un de leurs principaux partenariats est celui qu'ils ont conclu avec le pénitencier de la Saskatchewan. À Prince Albert, où la population s'élève à environ 30 000 personnes, il y a un pénitencier fédéral, une prison provinciale, une prison municipale, un établissement correctionnel pour les jeunes et une prison pour femmes. Là-bas, les Métis participent à divers comités de la ville. Nous avons signé une entente tripartite avec le Bureau du Conseil privé, qui porte notamment sur la gestion urbaine. Le comité de gestion urbaine de la ville de Prince Albert a mis en place un programme pour former les jeunes Métis à l'emploi dans le domaine correctionnel. Ces jeunes ont fait un stage au pénitencier fédéral, qui les a embauchés par la suite. Ainsi, 35 jeunes Métis de ma collectivité se sont trouvé un emploi grâce à ce partenariat entre les Métis de la ville et la prison fédérale.
Vous avez également soulevé la question de la prostitution à Saskatoon. Le Conseil des jeunes Métis de Saskatoon a mis en oeuvre un programme de prévention de la prostitution chez les jeunes Métis. Ce conseil songe actuellement à acheter un établissement qui resterait ouvert toute l'année pour les besoins de ce programme. Le taux de prostitution juvénile est très élevé à Prince Albert.
Il n'existe aucune ressource vraiment propre aux Métis, où ces jeunes pourraient demander de l'aide lorsqu'ils arrivent des régions rurales en périphérie la ville. Pour l'instant, ils ne peuvent compter que sur l'appui social ou familial, qui fait souvent défaut en raison d'abus d'alcool et d'autres drogues.
Il faut allouer davantage d'argent aux centres de ressources destinés aux Métis pour aider notre peuple. En tant que Métisse, je ne me sentirais pas à l'aise et préférerais éviter de solliciter l'aide d'un organisme caucasien, parce que les Blancs ne comprendraient pas d'où je viens. Je pense que c'est la façon dont les autres jeunes Métis se sentent aussi. De nombreux organismes privés en Saskatchewan viennent en aide aux Métis, mais ils ne comprennent pas bien qui nous sommes et quels sont nos besoins particuliers. Nous sommes souvent englobés dans le grand groupe des Autochtones, ce qui n'est pas à notre avantage.
Il y a toutefois quelques ressources qui s'offrent à nous et que nous utilisons. Notamment, le Métis Addictions Council of Saskatchewan, partenaire de la Nation métisse de la Saskatchewan, tient à Prince Albert un centre de traitement géré par des Métis pour les Métis. En gros, nous nous aidons à améliorer notre propre qualité de vie. Il faut attacher davantage d'importance à ce type d'initiative et axer nos efforts en ce sens.
Les partenariats sont l'une des principales solutions à notre portée, parce qu'il n'y a aucun véritable financement consacré aux jeunes Métis. À l'échelle nationale, nous entretenons diverses relations avec le Bureau des relations avec les Autochtones de Développement des ressources humaines Canada, le ministère du Patrimoine canadien, le Bureau du Conseil privé et Environnement Canada. Nous participons également au projet de mise en valeur du potentiel chapeauté par le Réseau canadien de l'environnement. Nous devons former des partenariats parce que nous n'avons pas les ressources nécessaires pour aider davantage notre peuple.
Je pense que cela est dû en partie au fait qu'il n'existe aucune statistique convenable sur la population métisse. Si le gouvernement savait exactement combien il y a de Métis, il serait obligé d'augmenter les fonds qui nous sont accordés, parce que nous n'en recevons pas assez pour aider tous les Métis du Canada.
Le sénateur Pearson: Pensez-vous que les partenariats sont un bon concept en soi, et pas seulement un recours obligé parce que vous ne pouvez recevoir de financement ailleurs?
Mme Brown: Les partenariats sont une bonne chose, mais il serait encore préférable d'avoir des ressources exclusivement réservées aux Métis, axées sur des problèmes précis.
Le sénateur Pearson: Je le comprends.
La présidente: J'aimerais vous remercier beaucoup, tous les trois. La session de ce matin a été très éclairante et, à mon avis, vous nous avez beaucoup aidés pour concevoir notre plan d'action pour le changement. Nous souhaitons que notre plan d'action vous servira de document officiel illustrant vos besoins et que vous pourrez l'utiliser dans le cadre de vos négociations.
Auriez-vous quelques mots à nous adresser en guise de conclusion?
M. Morin: Merci encore une fois de nous avoir donné cette merveilleuse occasion d'échanger, de dialoguer et de se comprendre; nous espérons avoir été de quelque assistance pour vous permettre d'élaborer un bon plan d'action qui aidera notre peuple et qui visera plus particulièrement la jeunesse métisse. Ce fut également une excellente occasion d'avoir une discussion franche et directe avec vous, les parlementaires, pour vous aider à mieux comprendre qui nous sommes et quelles sont nos aspirations.
Votre travail sur la colline parlementaire comprend de multiples facettes et vous êtes appelés à discuter avec de nombreuses personnes. Maintenant que vous comprenez qui nous sommes, vous pourrez garder notre situation à l'esprit et peut-être pourrez-vous nous aider à réaliser l'objectif pour lequel nous nous battons depuis de nombreuses années, à savoir la reconnaissance de notre peuple, de nos droits et de nos aspirations. En fin de compte, nous avons essayé d'obtenir un traitement équitable de la part du gouvernement fédéral, obligation qui lui revient en vertu de la Constitution canadienne.
Nous avons vraiment apprécié la discussion que nous avons eue avec vous ce matin. Il est agréable de voir tous ces nouveaux visages ainsi que certains de nos amis qui sont membres de ce comité. Je pense tout particulièrement à la présidente, le sénateur Chalifoux, qui a été un membre très actif du mouvement métis pendant de nombreuses années. Elle s'est illustrée en tant que nationaliste métisse fière au sein du mouvement métis et comme représentante de nos collectivités.
Chaque fois que le premier ministre nomme quelqu'un de notre communauté, surtout quelqu'un qui s'est distingué au service des Métis, il s'agit d'un honneur non seulement pour cette personne, comme c'est le cas du sénateur Chalifoux et de sa famille, mais également un honneur — et une forme de reconnaissance — pour la nation métisse toute entière. Nous avons été remplis de fierté, madame le sénateur, lorsque le premier ministre Chrétien vous a nommée au Sénat du Canada pour représenter notre communauté. Il est très agréable de vous voir jouer un rôle dans ce qui se passe ici. Merci beaucoup, ce fut très agréable de vous voir tous.
La présidente: Merci beaucoup.
La séance est levée.