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Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale 
et de la défense

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 20 novembre 2006

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd’hui à 16 heures pour examiner la politique de sécurité nationale du Canada et en faire rapport.

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Bonjour. Je m’appelle Colin Kenny et je suis président du comité sénatorial de la défense.

Chers collègues, nous accueillons aujourd’hui le colonel David Barr, commandant du Commandement des forces d’opérations spéciales du Canada, le COMFOSCAN. Soldat d’infanterie de métier, le colonel Barr a servi dans le 3 PPCLI, à savoir le 3e bataillon, Princess Partricia’s Canadian Light Infantry, où il a occupé tous les grades, de commandant de peloton à commandant. Pendant le sommet du G8 à Kananaskis, il était chef d’état-major des Forces terrestres du secteur de l’Ouest. Plus récemment, il a été directeur du Projet de restructuration de la Réserve de la Force terrestre et adjoint de direction du chef d’état-major de la Défense au QCDN. Il a été nommé commandant du tout nouveau Commandement des forces d’opérations spéciales du Canada en septembre 2005. Ce commandement a été mis sur pied officiellement le 1er février 2006.

Nous somme ravis de vous accueillir, Colonel Barr. Nous vous cédons la parole pour de brèves remarques liminaires.

Le colonel David E. Barr, commandant, Commandement des forces d’opérations spéciales du Canada: C’est pour moi un privilège de comparaître devant le comité de la défense. Je vais vous présenter un aperçu du Commandement des forces d’opérations spéciales du Canada, qu’on appelle COMFOSCAN. Je comprends que vous souhaitez insister cet après-midi sur la structure, l’organisation et les opérations du COMFOSCAN. Pour répondre à votre demande, je me concentrerai sur les responsabilités attribuées au COMFOSCAN, à savoir les tâches stratégiques et les types de mission, ainsi que sur nos concepts de mise sur pied de force et d’emploi de la force. Ce briefing est structuré pour vous fournir un aperçu complet tout en évitant de compromettre les aspects de la sécurité opérationnelle du commandement.

Pour débuter, permettez-moi de décrire ce qu’est le COMFOSCAN et certaines de ses tâches. Le commandement est composé de quatre unités et du quartier général de commandement. Les unités sous mon commandement sont la force opérationnelle interarmées 2, la Compagnie de défense nucléaire, biologique et chimique interarmées de Trenton, le 427e Escadron des opérations spéciales d’aviation et le Régiment d’opérations spéciales du Canada, tous deux situés à Petawawa. Les unités du COMFOSCAN sont des ressources stratégiques, conçues, préparées et entretenues pour des tâches sans possibilité d’échec. Mon commandement est une force intégrée permanente qui met sur pied et emploie une large gamme de capacités de force d’opérations spéciales flexibles. Parce que ces forces sont maintenues à un niveau élevé de disponibilité opérationnelle, le COMFOSCAN peut répondre immédiatement aux menaces au pays et à l’étranger.

Dans l’environnement de sécurité nationale, il complète le rôle des FC à titre de force de dernier recours tout en offrant simultanément des capacités spécifiques qu’aucun ministère ou agence ne peut rassembler. Dans la campagne contre le terrorisme, c’est une force de choix capable d’appliquer des capacités chirurgicales, discrètes et précises dans les conditions les plus hostiles ou difficiles.

Dans ses entreprises au Canada et dans le monde, le COMFOSCAN répond avec une gamme de forces ajustées à la tâche, depuis des forces opérationnelles d’opérations spéciales polyvalentes robustes jusqu’aux petits groupes d’opérations spéciales de spécialistes. Pour aider au commandement et au contrôle, il met sur pied et déploie des équipes de liaison flexible capables d’organiser les quartiers généraux d’opérations spéciales qui facilitent l’interopérabilité avec les FC et les partenaires de la sécurité des autres ministères du gouvernement ainsi qu’avec nos alliés.

Le succès du COMFOSCAN repose sur ses membres qui sont choisis spécifiquement pour leur rôle, formés sans compromis, équipés des meilleurs outils disponibles et développés à l’intérieur d’un unique éthos intégré d’engagement envers l’excellence et orientés sur la mission.

Ma mission est de fournir au chef d’état-major de la Défense et aux commandants opérationnels — le général Dumais, commandant du Commandement Canada, le lieutenant-général Gauthier, commandant du Commandement de la Force expéditionnaire du Canada, et moi-même — des Forces d’opérations spéciales flexibles et à haut niveau de disponibilité opérationnelle capables de conduire des opérations spéciales à travers tout le spectre des conflits au pays et à l’étranger.

Pour remplir cette mission, j’ai un certain nombre de tâches stratégiques, dont la première est de donner les conseils. En effet, à titre de commandant de l’ensemble des opérations spéciales canadiennes, je suis la principale source de conseils sur les opérations spéciales pour le chef d’état-major de la Défense, étant l’un des trois commandants opérationnels. Je dois également agir à titre de conseiller auprès du commandant du Commandement Canada, le général Dumais, et du commandant du Commandement de la Force expéditionnaire du Canada, le lieutenant-général Gauthier, à titre de conseiller sénior sur les opérations spéciales.

La mise sur pied d’une force est ma deuxième tâche. Étant donné son effectif réduit, le COMFOSCAN doit déployer tous les éléments d’un modèle de mise sur pied d’une force unique et intégrée pour s’assurer que les éléments peuvent être rassemblés rapidement, sans effort et assurer que l’effet général est plus grand que la somme des parties.

La conduite d’opérations est ma troisième tâche stratégique, ce qui ne surprendra personne. Le COMFOSCAN est et doit continuer d’être équipé, formé, habillé et prêt à conduire des opérations. Ces missions proviennent du besoin d’intervenir à court terme ou sans préavis à l’intérieur d’une chaîne de commandement réduite, de produire un effet limité ou précis et de maintenir un niveau élevé de sécurité opérationnelle et de compartimentation.

Le développement de la force est la tâche stratégique qui donne toute sa pertinence au commandement en s’assurant qu’il est prêt à affronter les batailles d’aujourd’hui et de demain. Il s’agit d’unir la technologie et les tactiques, techniques et procédures. Pour répondre aux menaces terroriste et asymétrique efficacement, le cycle de développement de la force doit être compressé et faire usage des technologies standard aussi bien que des nouvelles technologies, orientant la communauté de R-D des Forces canadiennes au sens large vers nos besoins.

Il me revient également de maintenir de bonnes relations avec nos alliés. Le COMFOSCAN a aussi la tâche stratégique de maintenir des relations d’opérations spéciales avec les partenaires alliés et canadiens dans le domaine de la sécurité.

Pour ce qui est de la création des forces, le COMFOSCAN est en mesure de mettre sur pied des forces opérationnelles tant pour des engagements nationaux qu’internationaux. Dans l’arène nationale, le COMFOSCAN est capable de monter des lignes d’opérations contre-terroristes. En général, nous maintenons continuellement, entre autres, une force d’intervention immédiate à haut degré de disponibilité opérationnelle en soutien au gouvernement du Canada. Cette capacité doit être réalisable et est la priorité de toutes les tâches. C’est tout simplement notre emploi numéro un.

Nous maintenons aussi une deuxième capacité d’intervention majeure et une capacité de défense nucléaire, biologique et chimique basée sur la Compagnie de défense nucléaire, biologique et chimique interarmées pour opérer en soutien avec l’équipe d’intervention chimique, biologique, radiologique et nucléaire nationale. À cet égard, nous avons établi des partenariats avec la GRC et l’Agence de la santé publique du Canada.

Dans le contexte international, le COMFOSCAN est aussi en mesure de déployer des forces opérationnelles d’opérations spéciales de diverses grandeurs et rôles.

J’aimerais maintenant vous parler de l’emploi de la force. Tel que mentionné précédemment, à titre de commandant du COMFOSCAN, je suis l’officier supérieur des FC responsable des forces d’opérations spéciales et relève directement du chef d’état-major de la Défense et maintient une relation de travail étroite avec le Commandement Canada, avec le Commandement de la Force expéditionnaire du Canada et avec l’État-major interarmées stratégique.

À l’intérieur de ces limites de commandement et de contrôle, il y a un certain nombre de scénarios d’emploi de la force possible. D’abord, par rapport à ce que je décris comme étant notre tâche numéro un, le contre-terrorisme national. Le COMFOSCAN est structuré de façon à fournir la réaction contre-terroriste nationale de dernier recours grâce à deux ressources stratégiques particulières: la Force opérationnelle interarmées 2 et la Compagnie de défense nucléaire, biologique et chimique interarmées. Selon les directives sur l’assistance armée des Forces canadiennes, le chef d’état-major de la Défense déploie des forces quand le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile en fait la demande. À l’époque, c’était plutôt le solliciteur général du Canada qui donnait l’ordre.

Pour ce qui est des opérations hors secteur, elles peuvent varier considérablement en étendue et en portée. Au sommet, elles consistent en structures de forces opérationnelles d’opérations spéciales qui sont fondées sur un noyau de la Force opérationnelle interarmées 2 ou du Régiment des opérations spéciales du Canada. Au niveau le plus bas, elles pourraient comprendre de petites équipes pour des missions spécialisées comme assurer la sécurité des personnalités très importantes.

Pour conclure, je dirais que nous commençons tout juste à bâtir un commandement en rassemblant des unités existantes (la Force opérationnelle interarmées 2, la Compagnie de défense nucléaire, biologique et chimique interarmées et le 427 e Escadron des opérations spéciales d’aviation) et à créer une nouvelle unité, à savoir le Régiment d’opérations spéciales du Canada. Nous avons encore beaucoup à faire mais si nous voulons que notre organisation puisse perdurer, il faudra qu’on continue à avoir à notre disposition les ressources et l’équipement nécessaires et que le chef d’état-major ainsi que le gouvernement du Canada nous comptent toujours parmi ses priorités.

Voilà pour ce qui est de mes remarques liminaires. Je serais ravi de revenir sur certains points soulevés et de répondre à vos questions.

Tout d'abord, je dois vous rappeler que si, pour des raisons de sécurité opérationnelle, je ne suis pas en mesure de répondre à une de vos questions de façon complète, je vous donnerais quand même toutes les informations qu'il est possible de vous donner sans mettre en péril la sécurité des hommes et des femmes de mon commandement et leurs opérations dans le cadre de leurs missions.

Le sénateur Atkins: Merci. Vous avez décrit vos responsabilités. Vous avez des tâches incommensurables.

Le col Barr: Des tâches incommensurables et un travail incomparable.

Le sénateur Atkins: Je vous demanderais de clarifier la structure hiérarchique. Vous relevez directement du chef d'état-major et êtes responsable de quatre unités. Quel est le grade des commandants de ces unités? S’agit-il de lieutenants-colonels également?

Le col Barr: Dans le cas de la Force opérationnelle interarmées 2, les trois commandants sont des lieutenants-colonels. Au sein de cette force, le commandant peut être lieutenant-colonel au départ puis monter en grade pour devenir colonel à proprement parlé. Ainsi, le commandant peut rester en poste pendant plus d'un an.

Les commandants du 427e Escadron des opérations spéciales d’aviation et du Régiment d’opérations spéciales du Canada sont tous deux lieutenants-colonels. Pour l'instant, le commandant de la Compagnie de défense nucléaire, biologique et chimique interarmées est un major, mais nous espérons que dès cet été, grâce aux deux plans qui ont été approuvés visant l’augmentation des capacités de la compagnie et la reconnaissance des capacités spécialisées qui sont en jeu, le commandant sera lieutenant-colonel.

Le sénateur Atkins: Vous avez parlé de tâches sans possibilité d'échec. Combien de fois, sous votre commandement, ce concept a-t-il été mis à l'épreuve dans le cadre d'affectations spéciales ou de situations problématiques auxquelles vous avez dû faire face?

Le col Barr: Nous avons répondu à l’appel à plusieurs reprises en étant prêts au moment et à l'endroit opportuns et en jouissant des capacités adéquates qui nous permettaient de réagir au besoin.

Nous avons participé et participons encore à des opérations en Afghanistan. Je peux vous assurer que peu importe si nous opérons en mode anticipatoire ou non, à l'étranger, nos forces opérationnelles spéciales ont toujours été à la hauteur et le seront assurément dans l’avenir.

Permettez-moi de revenir sur ce concept de tâches sans possibilité d'échec. C'est un concept que nous prenons très au sérieux et qui sous-tend la plupart de nos activités. Dans la plupart des cas, pour ne pas dire dans tous les cas, on fait appel à nous parce que personne d’autre n’est en mesure de s'acquitter de la tâche en question ou simplement parce que nous sommes les mieux placés pour mener à bien la tâche.

Les prises d'otages sont un exemple classique. Nous sommes les mieux placés au Canada pour répondre à une situation face à laquelle les autorités policières traditionnelles sont décontenancées.

Quand on fait appel à nous par le biais des mécanismes décrits, c'est réellement parce que nous sommes la force de dernier recours. C'est pour cela que nous parlons de tâches sans possibilité d'échec. Car si on ne réussit pas, il n'y aura personne d'autre pour passer derrière. Ce concept de tâches sans possibilité d'échec est notre raison d'être.

Le sénateur Atkins: Vous êtes des commandos, donc.

Le col Barr: Non, nous sommes des opérateurs spéciaux. Ce n'est pas que le terme commando soit mauvais. En effet, il est utilisé pour décrire des capacités impressionnantes. Je sais qu'on a tendance à utiliser le terme commando quand on parle de nos agents, mais il faut savoir qu'ils sont vraiment des agents spéciaux.

Le sénateur Zimmer: Quand vous parlez de forces opérationnelles spéciales, faites-vous référence à des forces spéciales qui seraient mises sur pied pour faire face à des situations spéciales ou y a-t-il plutôt un groupe qui est en mesure de faire face à n'importe quelle situation?

Le col Barr: En fait, et je dois souvent le répéter au sein de ma propre organisation, je ne déploie pas des unités, comme la Force opérationnelle interarmées 2 ou encore la Compagnie de défense nucléaire, biologique et chimique interarmées, pour s’occuper d'une tâche précise. Je déploie plutôt une force opérationnelle spéciale qui est composée de membres des différentes organisations en fonction de la nature de la tâche en question.

C’est justement pour pouvoir déployer des forces opérationnelles spéciales adaptées à la nature de la tâche en question que le COMFOSCAN a été créé, en ajoutant le Régiment d’opérations spéciales du Canada et en regroupant les quatre unités. Comme je l’ai déjà dit, une force opérationnelle spéciale pourrait être composée principalement de personnel de la Force opérationnelle interarmées 2 et de personnel de soutien provenant des autres unités. D’ailleurs, c’est souvent ce qui se passe.

D’un autre côté, il se peut fort bien qu’une force opérationnelle soit composée essentiellement de membres du Régiment d’opérations spéciales du Canada et que ce soient les autres unités qui assument les rôles de soutien. Pour sa part, la Compagnie de défense nucléaire, biologique et chimique interarmées pourrait être responsable d’une tâche très précise et former le cœur d’une toute petite force opérationnelle spéciale.

Le sénateur Atkins: La Force opérationnelle interarmées 2 va-t-elle être agrandie?

Le col Barr: Oui.

Le sénateur Atkins: Premièrement, vos installations sont-elles suffisamment grandes pour permettre cette augmentation? Deuxièmement, êtes-vous en mesure de recruter du personnel militaire capable de prendre part à ces opérations spéciales?

Le col Barr: Pour ce qui est de l’expansion, nos installations ne sont ni suffisamment grandes ni adéquates. L’heure est venue de changer d’installation et de voisinage.

Une étude qui comprend des recommandations à l’intention du chef et du ministre a été réalisée et sera présentée au gouvernement du Canada en temps voulu. Nous nous attendons à ce qu’une décision relative au déménagement de la Force opérationnelle interarmées 2 soit alors prise.

Pour ce qui est de votre deuxième question, le recrutement de personnel ne pose aucun problème. La vraie question, en fait, consiste à savoir s’il y a suffisant de recrues compétentes?

Nous n’accepterons jamais que le standard soit rabaissé. Il est impossible de générer des forces opérationnelles spéciales en masse. C’est une réalité pour l’ensemble des opérations spéciales. Par contre, il y a toujours des bénévoles.

Le soldat, le marin ou l’aviateur moyen a des compétences extraordinaires. En fait, nous avons constaté que le calibre général des hommes et des femmes qui demandent à faire partie des opérations spéciales, comme la Force opérationnelle interarmées 2, est très élevé, surtout en raison de l’expérience de combat acquise dans le cadre de déploiements. La Force opérationnelle interarmées 2 croît tout doucement.

Le sénateur Atkins: Dans le cadre de cette expansion, étant donné les compétences recherchées, quand vous prélevez du personnel d’autres unités des forces armées, cela ne cause-t-il pas des problèmes?

Le col Barr: Il est vrai que nous tentons de faire grossir rapidement le Régiment d’opérations spéciales du Canada et que cela pose un véritable défi à l’heure actuelle. Le problème touche l’armée de terre. En dépit du fait que ce régiment, à savoir la nouvelle organisation à Petawawa, est une organisation mixte qui regroupe des membres de l’armée de l’air, de l’armée de terre et de la marine. Le recrutement, au départ du moins, se fera essentiellement au niveau de l’armée de terre. On n’y peut rien.

À l’heure actuelle, en raison des opérations en Afghanistan et des engagements supplémentaires pris à l’égard des opérations dans la région, l’armée de terre est sollicitée au maximum. Par conséquent, en raison de cette situation, il est difficile de laisser des soldats intégrer mon organisation, plus précisément le Régiment d’opérations spéciales du Canada.

Le président: Colonel Barr, j’aimerais savoir si vous piquez du personnel des unités traditionnelles. Un sous-officier ou officier subalterne qualifié aurait-il les compétences que vous recherchez, ou sont-elles différentes?

Le col Barr: C’est vrai qu’on s’inquiète du fait qu’on prenne les meilleurs, la crème de la crème des autres organisations, mais ce n’est pas tout à fait comme cela que ça se passe. Il est clair que notre personnel est exceptionnel. Nous recherchons toute une panoplie de compétences, d’attributs et de caractéristiques qu’on retrouverait, pour la plupart, chez de bons sous-officiers ou jeunes officiers. Par contre, on ne peut pas dire qu’on pique les jeunes leaders. En fait, on recherche des gens qui ont déjà une expérience et une maturité certaines, ce qui ne correspond pas aux jeunes leaders. S’il est vrai qu’on recrute des personnes qualifiées, on ne peut pas nécessairement parler de la crème de la crème.

Je ne suis pas convaincu que ma réponse soit satisfaisante.

Le président: La question qu’il faut se poser est la suivante: doit-on avoir les mêmes compétences pour mener un peloton que pour former un groupe de recrues? Parle-t-on d’un seul type de personnes et y a-il pénurie de ce type de personnes dans les autres unités?

Le col Barr: Il y a de nombreux points communs entre les compétences que doit réunir un bon officier de l’armée et un bon sous-officier supérieur de l’armée dont l’ambition serait d’intégrer le Régiment d’opérations spéciales du Canada. Il y a sans doute beaucoup de points communs.

Pour ce qui est de la FOI2, nous recherchons des qualités de chef de file. C’est là que les points communs n’ont peut-être plus d’importance. Les compétences uniques à la FOI2 sont tellement nombreuses, qu’elles ne sont peut-être pas pertinentes pour faire de quelqu’un un bon officier ou un bon sous-officier dans l'armée.

Le sénateur Atkins: Une fois les candidats retenus, combien de temps faut-il pour les entraîner?

Le col Barr: Pour la FOI2, il faut sans doute compter un an entre le moment où les candidats sont retenus et le moment où nous pouvons les utiliser. Pour le Régiment d’opérations spéciales du Canada, je peux vous donner l’exemple le plus récent. Au début de l’année, nous avons constitué cette organisation avec une équipe. Officiellement, c’était le 1er février, date à laquelle le commandement a été constitué. Au début du mois d’avril, les recrues ont entrepris un cours de base sur les opérations spéciales, d’une durée de 16 semaines, qui s’est terminé le 11 août. Ces recrues suivent ce qu’on pourrait appeler actuellement un entraînement collectif. L’entraînement précédent visait davantage l’acquisition de compétences individuelles. Ces recrues s’entraînent en petits groupes et ils pratiquent des manoeuvres avec des éléments de la FOI2 en vue de l’interopérabilité. Nous pensons qu’elles seront prêtes à être employées dès le début de la nouvelle année. Vous avez là une idée du temps qu’il faut pour l’entraînement. Il y a encore une période d’entraînement assez longue avant que ces recrues deviennent opérationnelles. Pour les recrues de la FOI2, il faut plus de temps pour atteindre la qualification que dans les autres organisations.

Le sénateur Atkins: Ils sont en Afghanistan, n’est-ce pas. Là-bas, est-ce qu’ils sont reconnus comme appartenant aux forces d’opérations spéciales?

Le col Barr: Nous avons des forces d’opérations spéciales en Afghanistan, effectivement. Ils portent l’uniforme et l’équipement propres à la mission et à la tâche. Ils ne portent pas un insigne qui dit « opérations spéciales ». Ils portent des uniformes.

Le sénateur Atkins: Est-ce que les soldats d’infanterie savent les reconnaître?

Le col Barr: Si un soldat d’infanterie aperçoit un membre des opérations spéciales, il peut se douter qu’il en fait partie rien qu’à son comportement ou peut-être encore à cause du matériel unique dont ses agents disposent.

Le président: Étant donné l’entraînement nécessaire, y a-t-il un écart important entre votre effectif autorisé et votre effectif fonctionnel ou entraîné?

Le col Barr: Pouvez-vous préciser votre question, monsieur, s’il vous plaît?

Le président: Vous nous avez dit qu’il fallait beaucoup d’entraînement. Je suppose que quand vos recrues suivent l’entraînement, elles font partie de votre effectif autorisé, mais vous ne pouvez pas les compter comme étant fonctionnelles ou entraînées, n’est-ce pas?

Le col Barr: C’est cela.

Le président: Par conséquent, à un moment donné, le nombre d’agents que vous pouvez utiliser est bien inférieur, n’est-ce pas?

Le col Barr: C’est vrai pendant la période d’entraînement du Régiment d’opérations spéciales du Canada. Par exemple, le premier cours a commencé avec à peu près 170 recrues. Vous avez raison. Au moment de la mise sur pied de l’organisation, bien plus que la moitié des effectifs n’étaient pas fonctionnels.

Au moment d’entamer un nouveau cycle, une nouvelle série de cours, vous avez tout à fait raison, les personnes retenues et intégrées constituent un fort pourcentage de l’effectif total. Avec le temps, avec la maturité de l’unité et à mesure que l’effectif visé est atteint, le nombre de recrues exigé chaque année pour maintenir la force sera moindre.

Quant à la FOI2, seul un petit nombre de candidats sont retenus; ils suivent ensuite un long cours pour se qualifier comme agents spéciaux ou membres de troupes de choc. Pendant cette période, on ne peut pas les déployer mais c’est un petit nombre, bon an, mal an.

Le sénateur Banks: Colonel Barr, merci d’être venu. Quand nous sommes allés rendre visite à la FOI2, là où elle est basée actuellement, on nous a dit que tôt ou tard, le nombre de l’effectif serait doublé, plus ou moins. Cela s’est-il réalisé? Cela a-t-il été autorisé? Les choses sont-elles en cours? Dans l’affirmative, dans quelle mesure vous rapprochez-vous de l’objectif? Vous n’avez pas besoin de me donner de chiffres.

Le col Barr: Nous n’y sommes pas encore.

Le sénateur Banks: Votre objectif est-il de doubler l’effectif, plus ou moins?

Le col Barr: Je ne pense pas que nous souhaitons nécessairement doubler ce que nous avons actuellement.

Si je me souviens bien, après le 11 septembre 2001, le budget prévoyait 119 millions de dollars pour que le ministère de la Défense nationale double la capacité de la FOI2.

Assurément, l’unité a pris pas mal d’expansion, mais elle n’a pas encore été doublée.

Je peux vous dire que nous progressons dans ce sens et assurément pour ce qui est des services d’appui, notamment le quartier général, les services d’appui et les renseignements. Nous allons atteindre cet objectif.

Quant à savoir si nous pouvons atteindre la croissance souhaitée dans les délais souhaitables, je répète que notre croissance est lente parce que nous ne voulons pas compromettre la qualité. Cependant, l’unité a subi une croissance appréciable depuis 2001.

Le sénateur Banks: Votre objectif est-il encore de doubler plus ou moins l’effectif de la FOI2?

Le col Barr: Voulez-vous dire doubler notre capacité?

Le sénateur Banks: Par rapport à ce qu’elle était en 2003, quand nous vous avons rendu visite.

Le col Barr: Je pensais que vous nous aviez rendu visite tout récemment.

Le sénateur Banks: Non, c’était il y a quelques années. Cela nous semble tout récemment mais je pense que c’était en 2003. Est-ce ce que vous visez, approximativement?

Le col Barr: Oui, c’est à peu près cela. Si je ne vous réponds pas directement, ce n’est pas que je ne veux pas donner de chiffres, mais parce que nous envisageons les choses du point de vue de notre capacité et le fait de doubler notre capacité ne signifie pas nécessairement que nous doublons notre effectif. C’est une équation brute mais pas nécessairement une équation directe.

Le sénateur Banks: Depuis, et depuis la formation de votre commandement, on a ajouté un régiment que l’on appelle régiment. S’agit-il d’un régiment d’armée?

Le col Barr: Non, monsieur.

Le sénateur Banks: C’est un régiment des Forces canadiennes qui comportent des militaires de toutes les forces, n’est-ce pas? S’il y avait un défilé, pourrions-nous voir un insigne différent ou des uniformes différents parce que les membres de ce régiment appartiennent encore à leurs forces respectives, n’est-ce pas?

Le col Barr: Non, monsieur. Ils appartiennent au Commandement des forces d’opérations spéciales du Canada. Lors d’un éventuel défilé dans leurs uniformes d’apparat, les membres venant de l’armée porteraient l’uniforme vert, ceux de l’aviation, l’uniforme bleu clair. Toutefois, ils porteraient tous ce béret, qui est unique.

Le sénateur Banks: Est-ce l’insigne qui est le trait distinctif?

Le col Barr: Non, c’est le béret beige.

Le sénateur Banks: Autrement dit, ils porteraient leur insigne particulier sur ce béret, n’est-ce pas?

Le col Barr: Oui.

Le sénateur Banks: Il s’agit d’un régiment qui, je suppose, ne sera jamais déployé de façon conventionnelle sur un théâtre d’opérations, n’est-ce pas?

Le col Barr: Cela n’est pas exclu.

Le sénateur Banks: Ce serait dans un cas de force contre force, n’est-ce pas?

Le col Barr: Ce serait rare. Dans la plupart des scénarios que nous envisageons, il y aurait sans doute une compagnie ou, ce que nous appelons une compagnie d’action directe qui serait déployée. En son sein, on retrouverait des éléments du quartier général du régiment et qui feraient partie d’une force d’opérations spéciales d’ensemble, mais le cas que vous évoquez n’est pas exclu. À l’extrême, il s’agirait d’une tâche que l’on pourrait comparer à celle qu’accomplissent les bataillons de rangers américains.

Le sénateur Banks: C’est bien ce que je pensais. Si l’on a 750 personnes qui sont entraînées à un niveau supérieur à celui des autres régiments, au moment de la rotation, ne serait-on pas tenté de les utiliser comme unité? Toutefois, vous dites que ce serait fait rarement, voire jamais, n’est-ce pas?

Le col Barr: Je pense que ce serait rare. Si on traitait les membres de ce régiment comme appartenant à une unité conventionnelle — non pas que je sous-estime les unités conventionnelles puisque j’ai commandé les 3PPCLI et que j’en suis fier — pour leur confier une tâche conventionnelle, je dirais franchement que ce serait une erreur. Étant donné l’entraînement, l’investissement et la sélection, si on utilisait ces effectifs pour une tâche à la portée d’autres unités, c’est qu’il s’agirait sans doute d’une tâche qui ne convient pas aux forces d’opérations spéciales.

Le sénateur Banks: Sur le plan du niveau d’entraînement et de la capacité, on peut dire que la FOI2, par exemple, représente 100 p. 100 de capacités, de talents et de difficultés des tâches à accomplir alors que le régiment, si je comprends bien, constitue tout simplement un groupe d’appui dont la formation sera l’équivalent de 75 p. 100, n’est-ce pas?

Le col Barr: Je comprends l’analogie que vous faites mais elle n’est pas parfaite. Pour certaines tâches, la FOI2 a nettement la meilleure capacité dont nous disposons. Quand vous dites 100 p. 100, c’est tout à fait vrai pour une situation de libération d’otages et le Régiment d’opérations spéciales du Canada jouerait dans ce cas-là un rôle d’appui.

Toutefois, en particulier pour les opérations à l’étranger, il y a des cas où il vaudrait mieux que le Régiment d’opérations spéciales du Canada intervienne étant donné l’entraînement qu’il possède, sa capacité d’insertion et sa taille. Cela serait préférable que de faire intervenir un petit détachement de la FOI2 dans une situation particulière.

Dans l’ensemble, le Régiment d’opérations spéciales du Canada permet de mener à bien les opérations spéciales et en particulier celles que l’on confie à la FOI2. Ainsi, la FOI2 peut concentrer ses efforts sur les tâches précises pour lesquelles ses membres ont été choisis et entraînés. Toutefois, lors d’opérations à l’extérieur, nous constatons que le Régiment d’opérations spéciales du Canada serait l’organisation la mieux indiquée.

Le sénateur Banks: Étant donné l’organisation actuelle, la façon dont les gens voient les choses, le Régiment d’opérations spéciales du Canada est-il la ligue mineure alors que la ligue majeure serait la FOI2? Est-ce qu’il y a chez les membres l’ambition de passer de l’une à l’autre?

Le col Barr: Nous prévoyons que le Régiment d’opérations spéciales du Canada sera une source précieuse de recrutement pour la FOI2. C’est un fait.

Le sénateur Banks: Sur le plan des opérations spéciales, les membres de ce régiment sont-ils mieux qualifiés parce qu’ils ont été retenus et qu’ils ont suivi un entraînement pour des opérations spéciales? Sont-ils déjà à mi-chemin?

Le col Barr: Bien des marins, des soldats ou des aviateurs pourront se servir du Régiment d’opérations spéciales du Canada comme d’un objectif intermédiaire.

Le sénateur Banks: Pour tâter l’eau?

Le col Barr: C’est cela. Assurément, il y aura encore, et nous espérons que cela durera, des candidats qui intégreront directement la FOI2 venant de l’armée, de l’aviation et de la marine.

Le sénateur Banks: Cela serait particulièrement vrai pour ceux qui ont une haute compétence et un long entraînement, par exemple dans le domaine de l’électronique de surveillance, n’est-ce pas?

Sur le plan des ressources humaines, vous nous avez dit où vous recrutiez vos candidats et quelles étaient vos difficultés à cet égard. En bout de ligne, une fois que vous avez entraîné des gens à un haut niveau, par exemple dans le domaine de la surveillance électronique, il y a sûrement de la part des compagnies de sécurité privées la tentation de pirater vos effectifs. Perdez-vous du personnel hautement qualifié? Comment allez-vous les retenir pour pouvoir vous en servir au besoin, et ainsi éviter que des gens entraînés à grand renfort de deniers publics vous quittent pour aller garder une mine à l’autre bout du monde?

Le col Barr: Cela a constitué un problème, particulièrement pour la FOI2 en raison des exigences de sécurité établies après le 11 septembre dans des endroits comme Bagdad ou en Afghanistan, car là-bas les compagnies de sécurité offrent 1 000 $ par jour.

Le sénateur Banks: Votre effectif est constitué des meilleurs sujets dans le monde.

Le col Barr: Nous sommes sollicités pour ce genre de travail.

Il y a trois facteurs qui sont intervenus. Tout d’abord, le Conseil du Trésor a approuvé un train d’indemnités importantes et des indemnités progressives pour nos agents et pour les membres de la FOI2, suivant le type de travail qu’ils faisaient. On a reconnu la difficulté, le risque, la disponibilité, le dévouement et l’énorme investissement que nous avions consenti de même que les sacrifices qu’ils avaient acceptés. C’est ainsi qu’ils sont indemnisés comme il se doit et cela a contribué grandement à stopper les démissions.

Deuxièmement, nombre d’opérateurs ont vu certains de leurs camarades revenir de l’étranger et leur relater le genre de travail et les conditions de travail tout comme l’environnement dans lequel ils doivent évoluer, et c’est ainsi que certains de ces emplois perdent de leur attrait.

Enfin, bien que la somme de 1 000 $ par jour ait attiré certaines personnes, j’aimerais souligner que les militaires prennent très au sérieux leur engagement. Ils sont fiers du service qu’ils accomplissent — vous serez étonnés de voir qu’il n’y en a pas plus qui nous ont quittés. Ils ne l’ont pas fait, car ils sont véritablement dévoués et ne s’engagent pas pour des questions monétaires. Oui, l’argent c’est important, mais ce n’est pas la première raison qui motive ces personnes à devenir des agents spéciaux du FOI2 ou d’une autre force.

Le sénateur Banks: Ce sont d’excellentes nouvelles.

Le président: J’aimerais vous poser deux questions. D’abord, lorsque le comité a visité le centre d’entraînement de Dwyer Hill, nous avons soulevé des préoccupations quant au nombre de personnes en attente. J’ai eu l’impression qu’on tenait les militaires étroitement en laisse pendant de longues périodes de temps afin de pouvoir les déployer rapidement.

Comment traitez-vous cette question? Comment est-ce que les gens maintiennent un niveau de vie raisonnable si l’on peut faire appel à eux avec un court préavis à n’importe quel moment?

Le col Barr: Oui, c’est une préoccupation, qui existe toujours. Je ne veux pas avoir l’air insensible, mais cette réalité fait partie de l’engagement dans les opérations spéciales. Le seuil pour le temps préopérationnel est plus élevé. Cela fait partie du contrat. Toutefois, nous ne voulons pas épuiser nos membres et nous ne voulons pas non plus épuiser les familles. Une manière d’atténuer cela est d’augmenter le commandement, d’augmenter l’unité pour que plus de personnes puissent faire partie du troisième élément de notre intervention échelonnée. Le premier élément, c’est le déploiement, ensuite on est en attente pour être déployés. Nous aimerions ajouter un troisième élément, qui est présentement en pause, soit la reconstitution.

Nous avons eu du mal à mettre sur pied ce troisième échelon de disponibilité, mais nous y déployons nos efforts.

Le président: Qu’est-ce qui arrive lorsque les soldats quittent l’armée? Le sénateur Banks a indiqué qu’ils devenaient des agents contractuels. Tenez-vous un registre pour les soldats qui quittent l’armée? Est-ce que vous savez où se trouvent tous les anciens membres de la FOI2?

Le col Barr: Oui, nous en faisons le suivi lorsqu’ils quittent l’unité. Je ne sais pas pendant combien de temps nous effectuons ce suivi, mais nous savons où se trouvent les soldats lorsqu’ils quittent l’armée.

Nous faisons cela, car nous essayons très fort — c’est une autre composante du COMFOSCAN dont je n’ai pas parlé — de créer une liste de réservistes pour le COMFOSCAN et pour les forces d’opérations spéciales. Parfois, lorsque les gens quittent l’armée, c’est tout simplement parce qu’ils sont fatigués et ont besoin d’une pause. Nous ne voulons pas les perdre éternellement, alors on les inscrit sur une liste de réservistes spéciaux afin qu’ils ne perdent pas leur cote de sécurité. Ensuite, on leur demande de nous aider à enseigner, pendant quatre semaines, un cours pour le Régiment d’opérations spéciales du Canada ou encore d’aller en Afghanistan pour travailler en tant qu’agents de liaison des opérations spéciales dans un des quartiers généraux. C’est un moyen que nous utilisons pour profiter de cet investissement massif.

Le président: Je pensais également à ce qui se passerait si l’investissement tournait mal. On pourrait utiliser les habiletés de ces personnes dans toutes sortes de domaines. Mais je me demandais si vous aviez des adresses à jour pour retrouver les anciens membres des forces armées.

Le col Barr: Je renverrai la réponse à cette question au comité. Mais je peux vous assurer que lorsque quelqu’un quitte notre collectivité, nous savons où il va.

Le président: Vous dites que vous savez où ils s’en vont. Mais savez-vous où ils se trouvent cinq à dix ans plus tard?

Le col Barr: Je ne peux pas vous répondre pour le moment, mais je vous reviendrai là-dessus.

Le sénateur Atkins: Lorsque vous recrutez une personne au sein du FOI2, cette personne signe-t-elle une entente et s’engage-t-elle pour une certaine période de temps?

Le col Barr: Oui, effectivement. Cette entente comporte deux parties. Les militaires s’engagent à travailler pendant au moins trois ans après avoir terminé leur formation avec succès, en raison de notre investissement. Cette période de temps est plus longue pour les réservistes. Bien sûr, cette période de temps doit satisfaire aux deux parties. En effet, si nous ne sommes pas satisfaits, nous pouvons rompre l’accord et les remercier de leurs services. Nous avons donc ce type d’engagements.

Le sénateur Atkins: Est-ce qu’ils doivent signer une entente?

Le col Barr: Oui. Ils doivent également signer une autre entente de non divulgation des capacités, des techniques, de l’équipement et d’autres choses qui figurent sur la liste. Ils ne peuvent divulguer ces renseignements ni dans l’unité, ni au COMFOSCAN, ni une fois qu’ils ont quitté l’armée. C’est un engagement liant.

Le sénateur Day: Colonel Barr, merci beaucoup de nous avoir expliqué comment votre groupe s’insère dans le monde contemporain, avec les forces armées transformées ou en transformation.

Pour les opérations spéciales, est-ce que vous recrutez directement des personnes que vous allez rencontrer, dans les écoles secondaires ou les universités?

Le col Barr: Non.

Le sénateur Day: Vous avez indiqué que ces personnes proviennent donc toutes des Forces armées et que cela pouvait poser problème. Ne pouvez-vous pas procéder à un enrôlement direct?

Le col Barr: Nous pourrions le faire. Jusqu’à présent, nous avons préféré recruter des soldats, des marins ou des aviateurs qui ont de l’expérience des Forces canadiennes, des personnes qui ont fait leurs preuves et qui ont réfléchi à ce qu’elles voulaient réellement faire. Dans l’idéal, ces personnes ont acquis une expérience opérationnelle avant de venir travailler pour nous et ont fait leurs preuves dans les opérations. Ce n’est pas un prérequis, mais c’est mieux.

Je peux vous dire que d’autres forces d’opérations spéciales, dont notamment les Australiens, ont connu un succès mitigé en ce qui concerne le recrutement direct. Elles ont connu un certain succès, mais nous ne savons pas encore si ce recrutement auprès des simples citoyens est couronné de succès étant donné que ces personnes nécessitent un plus grand entraînement et que nous ne savons pas combien échouent. Cependant, je ne vais pas écarter cette possibilité. Nous nous targuons d’être ouvert d’esprit lorsqu’il s’agit de trouver des solutions. Si la solution exige que l’on forme directement des simples citoyens, alors je l’accepte. Toutefois, à l’heure actuelle, nous n’avons pas encore eu recours à ce type de recrutement.

Le sénateur Day: Il y a quelque chose que je n’ai pas compris dans votre exposé. Vous avez dit qu’afin d’accomplir votre mission, le commandement doit réaliser plusieurs tâches stratégiques dont la conduite d’opérations et la conservation d’un haut niveau de sécurité opérationnel et de compartimentation.

Est-ce que cela veut dire que lorsque vous êtes en Afghanistan, votre personnel ne reste pas à la même place que les autres? Qu’est-ce que cela signifie?

Le col Barr: C’est le cas en Afghanistan. Mais ce n’est pas ce que je voulais dire lorsque je parlais de compartimentation. Je parlais du besoin de savoir.

Une personne peut avoir une cote de sécurité de haut niveau, avoir fait l’objet de recherches sur ses antécédents et être apte à recevoir des informations secrètes. Par contre, nous estimons qu’il ne s’agit que d’une première étape avant de décider si quelqu’un devrait savoir quelque chose. La question la plus importante est la suivante: est-ce que cette personne a besoin d’être mise au courant? Parfois, une opération peut être mise en péril, car il y a eu des fuites. Pour ces motifs, nous veillons à compartimenter l’information en déterminant si une personne a reçu sa cote de sécurité et si elle ait réellement besoin de connaître l’information.

Le sénateur Day: C’est sans doute parce que vous manipulez de l’information très sensible ou qui pourrait l’être.

Le col Barr: C’est à la fois en raison du caractère sensible de l’information et des conséquences qui s’ensuivraient si cette information devenait publique. S’il s’agit d’une tâche ou d’une mission très importante ou sensible ou si les conséquences pouvaient être à ce point graves, nous cherchons à réduire au minimum le nombre de personnes qui possèdent cette information.

Le sénateur Day: À plus long terme, croyez-vous que la FOI2 deviendra tout simplement un régiment parmi d’autres chargé de missions spéciales ou comptez-vous toujours préserver l’identité distincte de la FOI2?

Le col Barr: Chacune des quatre unités tirera sa propre identité. Au cours des 14 dernières années, la FOI2 a manifestement acquis une histoire, une tradition et une identité qui tiennent à ses nombreuses réussites, acquises lors des opérations, aux prix du sang et de blessés, ce qui lui a valu la United States Presidential Unit Citation. La FOI2 restera toujours la cheville ouvrière des opérations spéciales canadiennes.

Le sénateur Day: Arborent-ils une insigne de caquette distincte?

Le col Barr: Non.

Le sénateur Day: Si des militaires passaient des PPCLI ou de l’un des autres régiments d’infanterie à la FOI2, porteraient-ils toujours leur ancien insigne de casquette? Porteraient-ils toujours les bérets de couleur havane?

Le col Barr: Oui.

Le sénateur Day: Donc les quatre groupes les portent. Parlez-moi un peu du groupe de la force aérienne et du détachement spécial d’hélicoptère; ils sont basés à Trenton, je crois.

Le col Barr: Non, à Petawawa.

Le sénateur Day: Doivent-ils subir un entraînement aux missions terrestres ou sont-ils uniquement entraînés comme aviateurs.

Le col Barr: L’essentiel de leur entraînement pour les opérations spéciales est axé sur leur mission première, qui est de piloter des hélicoptères et de le faire mieux que quiconque. Le seul mandat que j’impose à leur commandant, comme je le fais pour toutes les unités, c’est que tous ces gens doivent pouvoir être déployés. Pour pouvoir être déployés, ils doivent avoir une certaine forme physique. Toutefois, je lui laisse le soin de décider combien d’heures d’entraînement additionnelles de vol ils doivent effectuer pour pourvoir transporter les membres des opérations spéciales dans le cadre de diverses missions et opérations.

Le sénateur Day: Disposent-ils d’hélicoptères tactiques qui sont réservés aux opérations spéciales ou ont-ils accès à ces hélicoptères selon leur besoin?

Le col Barr: Non, et c’est ce qui est nouveau dans la nouvelle relation de commandement du 427e Escadron d’opérations spéciales d’aviation. C’était dans le passé un escadron d’hélicoptères tactiques qui appartenait à l’aviation. Il relève toujours du commandant de l’aviation mais le commandement opérationnel n’a été transféré. Je décide des missions qu’il effectuera; cet escadron relève maintenant de moi. Je lui donne mes instructions et il me rend compte de ses missions, sauf dans les cas où ni le commandant de l’aviation ni moi-même souhaitons que j’assume la responsabilité: aptitude au vol, sécurité en vol, etc. Dans ces cas-là, l’escadron continue de relever de la force aérienne.

Le sénateur Day: Combien d’hélicoptères tactiques avez-vous?

Le col Barr: J’en ai 17 à l’heure actuelle qui se trouvent dans le 427e Escadron d’opérations spéciales d’aviation.

Le sénateur Day: Combien de ceux-là sont en Afghanistan, dans la région de Kandahar?

Le col Barr: Aucun hélicoptère n’est déployé en Afghanistan.

Le sénateur Day: En Afghanistan, si vous ou votre groupe doit effectuer une mission, est-ce qu’il lui faudrait compter sur d’autres pour son transport là-bas?

Le col Barr: Oui, sénateur. Toutefois, pour ce qui est de compter sur d’autres pour les transports, il existe en réalité une entente formelle entre les divers alliés avec lesquels nous travaillons sur le terrain en vertu desquels ils assurent le soutien aérien, ou tout autre soutien, nécessaire à la conduite de nos opérations.

Le sénateur Day: Imaginons que vous ayez une mission à réaliser en Afghanistan. Nous savons qu’il y a déjà là-bas des groupements tactiques qui participent à d’importantes missions en plus de participer au travail des équipes provinciales de reconstruction. Votre groupe est chargé de réaliser une mission spéciale. Comment reste-t-il en contact avec le reste des Forces armées et des autres Canadiens qui sont là-bas, les civils, puisqu’ils ne travaillent pas avec eux? Comment maintiennent-ils le contact et comment s’assurent-ils qu’il n’y ait pas d’interférence entre les uns et les autres, particulièrement sur le terrain? Quelle est la chaîne de commandement et de contrôle?

Le col Barr: Vous comprendrez que j’ai à répondre à votre question en pesant bien mes mots. D’abord et avant tout, toutes les Forces canadiennes déployées en Afghanistan — qu’il s’agisse des opérations spéciales, de l’armée, des hélicoptères Hercule, de l’Équipe provinciale de reconstruction ou de l’Équipe consultative stratégique à Kaboul — ont une relation directe avec le Canadien de plus haut rang, le commandant de toutes les Forces canadiennes, le commandant de la Force opérationnelle en Afghanistan. Il y a cette chaîne de commandement qui est nationale. Cela ne signifie pas nécessairement que le commandant — le général Grant qui a remplacé le général Fraser — leur dirait: « Je veux que vous accomplissiez cette mission. »

Les Forces d’opérations spéciales canadiennes continuent de travailler dans le cadre de l’opération Enduring Freedom. La beauté de cette relation c’est qu’elle ne s’applique pas uniquement au Régiment d’opérations spéciales du Canada; chacun des groupes des opérations spéciales doivent toutefois coordonner leurs missions avec ceux qui occupent le terrain et qui dirigent la mission d’ensemble dans le secteur. Cette coordination existe parce que, en toute vérité, si nous n’avions pas l’appui du commandant du secteur — par exemple, prenons un cas hypothétique d’une mission des opérations spéciales qui se déroulerait dans le secteur relevant du général Fraser quand il était commandant — il incomberait au commandant des Forces d’opérations spéciales canadiennes d’obtenir l’appui du général Fraser de sorte qu’il puisse obtenir toutes les approbations requises tout au long de la chaîne de commandement. La question est toujours posée au plus haut échelon.

La beauté de cette chaîne de commandement, c’est que les Forces canadiennes, et dans ce cas, les Forces de l’OTAN ou la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) profitent de la coordination des opérations spéciales dans le secteur, lesquelles sont rendues possibles grâce aux forces qui relèvent uniquement de l’opération Enduring Freedom.

Le sénateur Day: De qui vient la demande d’approbation de la mission?

Le col Barr: Ici aussi, le commandant d’un secteur donné peut avoir identifié des cibles ou déterminé des besoins ou des résultats qui seraient souhaitables dans le secteur. Selon la nature des cibles ou des résultats souhaités, il s’agit alors de déterminer s’il est plus approprié de confier la mission aux forces conventionnelles ou aux forces d’opérations spéciales.

Le sénateur Day: Si la décision est prise de confier la mission aux forces d’opérations spéciales, la demande vous aurait-elle, par exemple, été transmise par le général Fraser, quand il était commandant? Comment êtes-vous informé du fait que vous devrez assembler une force opérationnelle et réunir les ressources dont elle aura besoin et notamment des communicateurs, des agents de renseignement, etc.?

Le col Barr: Les instructions aux forces d’opérations spéciales, y compris les forces d’opérations spéciales canadiennes, peuvent provenir du commandant des forces conventionnelles sur le terrain — le général Fraser en est un bon exemple, ou maintenant le général Grant. Le lancement d’une mission peut être décidé par l’identification d’une cible qui s’impose d’elle-même. La section du renseignement peut avoir repéré une cible que le groupe pourrait légitimement attaquer mais il faudrait néanmoins que la mission soit approuvée. La mission pourrait aussi être décidée à un échelon plus élevé de la chaîne de commandement au sein de la mission des alliés ou de la coalition.

Le sénateur Banks: S’agit-il du commandant hollandais?

Le col Barr: Les instructions seraient-elles transmises directement du commandant hollandais ou du Commandement régional Sud-Est à une unité d’opérations spéciales canadiennes? C’est sans doute peu probable. Toutefois, il pourrait exprimer le souhait de réaliser une certaine mission et les instances compétentes décideraient alors de confier la mission aux forces d’opérations spéciales. Elle pourrait être confiée aux forces d’opérations spéciales canadiennes ou aux forces d’opérations spéciales d’un autre pays allié.

Le sénateur Day: Par exemple, en Afghanistan, les ordres de mission sont-elles transmises à tous les pays de l’OTAN, y compris aux Forces canadiennes, afin que chacun puisse évaluer la mission ou est-ce qu’on décide que la mission doit être confiée au Canada après quoi on vous demande de constituer une équipe?

Le col Barr: La force d’opérations spéciales du Canada n’effectue aucune mission en Afghanistan qui ne soit pas autorisée par le canadien de plus haut rang sur le terrain. C’est sans doute tout ce que je devrais dire.

Le sénateur St. Germain: J’ai eu l’honneur et le privilège de passer quatre heures en avion aux côtés du général Fraser. C’est sans doute le voyage de quatre heures en avion le plus enrichissant que j’ai fait en 23 ans et demi de déplacements entre ici et Vancouver.

C’est cette expérience qui m’amène à vous poser cette question: quel est le délai le plus court à l’intérieur duquel une décision peut être prise? J’ai retenu de mon entretien avec le général Fraser que la relation entre les forces là-bas est très solide et qu’à l’heure actuelle ce sont les Américains qui fournissent les hélicoptères d’appui. Lorsqu’un ordre de mission est donné, quel est le délai le plus court à l’intérieur duquel vous pouvez déployer les forces?

Le col Barr: Le mieux que je puisse vous dire, c’est que nous sommes rapides. Je ne suis réellement pas en mesure de vous dire en combien d’heures nous pouvons procéder au déploiement. Nous considérons que le délai de mobilisation est une question de sécurité opérationnelle que je ne saurais commenter, mais nous sommes très fiers de notre agilité et de notre temps de réponse.

Le sénateur St. Germain: Est-ce que nos forces spéciales travaillent avec les forces américaines et néerlandaises? Ces pays ont-ils des unités de forces spéciales comparables aux nôtres?

Le col Barr: La plupart des pays ont des forces d’opérations spéciales. Dans le passé, nous avons plutôt travaillé en étroite collaboration avec les forces d’opérations spéciales des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. Cela ne signifie pas que nous n’avons jamais travaillé ou que nous ne travaillerons jamais avec les forces spéciales d’autres pays mais ce sont les principaux pays avec lesquels nous avons déjà travaillé, en raison de notre expérience, de nos traditions et de nos intérêts communs.

Le sénateur Day: J’aimerais poser deux courtes questions. Je vais les poser toutes les deux et vous pourrez répondre ensuite.

À une certaine époque, il était question que certains des réservistes soient entraînés en vue d’un déploiement au sein de la Compagnie de défense nucléaire, biologique et chimique interarmées qui fait maintenant partie du groupe des opérations spéciales. Pouvez-vous me dire si cette possibilité est toujours envisagée au sein des Forces armées.

Ma deuxième question n’a rien à voir avec la première mais elle m’a été inspirée par les commentaires que vous avez faits au sujet de la fréquence à laquelle les effectifs des opérations spéciales sont actuellement déployés en raison de la taille de l’effectif — mais vous espérez qu’elle augmentera. Les membres effectuent-ils uniquement des tâches précises lorsqu’ils sont déployés à l’étranger en ce sens qu’ils sont déployés, qu’ils exécutent la mission et qu’ils rentrent au pays ou sont-ils déployés à Kandahar en Afghanistan ou dans d’autres endroits selon une rotation de six mois comme c’est le cas des autres membres des Forces armées?

Le col Barr: Je dois veiller à ne pas empiéter sur d’autres plates-bandes parce que cet entraînement additionnel qui serait donné aux réservistes relève de l’armée. Je peux faire quelques commentaires toutefois puisqu’il y a quelques années, j’ai été associé à la restructuration de la Réserve terrestre en tant que chef d’état-major du général Finch. Je ne peux que commenter ce qui était envisagé de façon générale. Il n’était pas question que les unités de réserve assument ce rôle au sein de la Compagnie de défense nucléaire, biologique et chimique interarmées, que notre compagnie basée à Trenton est seule à pouvoir réellement assumer. Il s’agissait plutôt de renforcer les capacités.

Par exemple, cela aurait permis de renforcer la capacité de décontamination. Les scénarios prévoient d’importantes capacités de décontamination et c’est sans doute l’une des perceptions les plus erronées quant au rôle de mon organisation. Elle n’a pas pour mission de procéder à des décontaminations massives mais assure plutôt la détection, la surveillance, l’évaluation et la décontamination des responsables de l’application de la loi ou de mes propres effectifs lorsqu’un incident se produit mais elle ne fait pas la décontamination de tous ceux qui auraient pu être victimes de l’incident. C’est sans doute le rôle que l’armée envisage de confier aux réservistes dans le cas de la défense nucléaire, biologique et chimique (DNBC). Je m’empresse toutefois d’ajouter que ce n’est pas mon domaine de compétence et que l’information que je possède était peut-être à jour il y a quelques années, mais ne l’est peut-être plus maintenant.

Le sénateur Day: La durée des déploiements est-elle fonction de la mission à accomplir? Les déploiements se font-il selon une rotation de six mois?

Le col Barr: Cela pourrait arriver que le déploiement soit pour six mois mais en général notre organisation n’effectue pas les déploiements selon des rotations de six mois. En règle générale, nous réalisons des missions de courte durée puis nous revenons. Cependant, dans une zone où la mission se poursuit, nous devons aussi trouver un juste équilibre pour fixer la durée du déploiement en fonction du temps qu’exige la réalisation de la mission. Selon la mission, il se peut qu’un groupe soit déployé pour une durée plus courte et qu’un autre groupe soit déployé pour une mission qui exige davantage de temps. Nous n’avons pas de déploiement à durée déterminée.

Le sénateur Day: Merci de cette information. Merci, Colonel Barr.

Le président: Colonel Barr, avant que nous ne passions à autre chose, j’aurais une question à poser au sujet des prisonniers. Quand vous déployez des effectifs dans le cadre de l’opération Enduring Freedom et que vous obtenez des services d’appui de nos alliés, quelles règles s’appliquent aux prisonniers?

Le col Barr: D’abord, toutes les règles de la Loi sur les Conventions de Genève s’appliquent ainsi que tous les engagements pris par le gouvernement du Canada à l’égard des personnes détenues et de leur transfert à d’autres autorités.

Le président: Si vous déployez un petit nombre d’effectif et que vous devez obtenir des services de soutien et de logistique d’autres entités, pouvez-vous réellement être assurés que les règles sont respectées?

Le col Barr: Oui. Oui, nous nous en assurons, sénateur. Je peux garantir au comité que nous nous conformons parfaitement à la politique du Canada à l’égard des personnes détenues — des prisonniers, si vous préférez — en ce qui a trait au transfert de personnes détenues et de prisonniers capturés dans le cadre des opérations.

Le sénateur Zimmer: Je vous remercie, colonel Barr, non seulement de vos remarques mais aussi d’être venu nous rencontrer aujourd’hui. Vos commentaires nous inspirent et nous donnent matière à réflexion.

J’aimerais obtenir un éclaircissement à l’égard d’un commentaire que vous avez fait plus tôt. Vous avez dit que lorsqu’un militaire quitte les forces, vous savez peut-être où il allait mais qu’au fil des ans, vous n’êtes pas toujours en mesure de communiquer avec lui. Ces militaires peuvent-ils être rappelés? Pouvez-vous les rappeler pour les envoyer en mission?

Le col Barr: Nous ne pourrions les rappeler et les déployer que s’ils faisaient partie du Cadre de la Première réserve. Je n’exclurais pas la possibilité que nous communiquions avec des militaires qui ne font pas partie du Cadre de la Première réserve pour leur demander s’ils envisageraient de reprendre du service. Nous pourrions faire cela. Il faudrait que je me renseigne avant de pouvoir dire au comité si nous retraçons ou non les militaires qui ont quitté les forces parce que cela soulève aussi des questions de sécurité et de protection des renseignements personnels. Je ne voudrais pas affirmer que nous le faisons sans pouvoir vous dire exactement ce que nous faisons. Je tiens à être prudent.

Le sénateur Zimmer: Hier, le chef de l’état-major de la Défense, le général Hillier, assistait à la partie de la Coupe Grey à Winnipeg. Il a fait l’éloge des Forces canadiennes lors du déjeuner offert par le commissaire de la Ligue canadienne de football. C’était remarquable de l’entendre parler avec humilité et respect des Forces canadiennes. Cela m’amène à poser ma question au sujet du terrorisme et d’autres menaces.

Quelles sont les principales menaces contre la sécurité du Canada pour lesquelles vous vous préparez surtout? Qui détermine la définition de ces menaces et comment le font-ils?

Le col Barr: Quelles sont les principales menaces et qui décide?

Le sénateur Zimmer: Oui, et quelle est la définition de ces menaces et comment prépare-t-on la riposte?

Le col Barr: Les Forces canadiennes, dont ma cellule de renseignement, ne sont que l’un des nombreux partenaires qui participent à l’évaluation des menaces, directes ou indirectes, contre la sécurité au Canada. Je ne veux pas ici non plus parler de choses qui ne relèvent pas de ma compétence mais quand je pense à ces questions, je pense à des organisations dont le SCRS, la GRC et le Centre de la sécurité des télécommunications (CST). Ce sont les organismes chargés du renseignement de sécurité qui aident le gouvernement du Canada à formuler sa politique, à déterminer la nature des menaces, à choisir qui serait le mieux en mesure de les contrer.

Le sénateur Zimmer: C'est un effort concerté.

Le col Barr: Absolument, c'est un effort concerté.

Le sénateur Zimmer: Selon vous, quelles opérations seraient entreprises pour aider les autorités civiles en cas d'importantes attaques terroristes ou autres contre le Canada?

Le col Barr: Les opérations de soutien sont assez bien établies. Je vais vous donner un exemple de scénario. Prenons l'exemple d'une prise d'otage classique dans le cadre de laquelle on voudrait faire intervenir une force opérationnelle spéciale, la Force opérationnelle interarmées 2, par exemple. D'abord, cette situation relèverait des organismes d'application de la loi. Si on déterminait par la suite, soit à l'échelle municipale, provinciale ou fédérale, que la capacité n'est pas suffisante pour régler la situation, le ministre Day demanderait au ministre de la Défense nationale d'ordonner le déploiement des Forces canadiennes. Dans ce genre de scénarios, on ferait appel à mon organisation.

Mais avant, selon l'endroit où l'incident s'est produit, il pourrait y avoir ce que nous appelons un prépositionnement ou des mesures préventives. Dans ce cas, le commissaire de la GRC communiquerait avec le chef d'état-major de la Défense, ou CEMD, pour lui dire que les Forces canadiennes pourraient être appelées en renfort, quoique pas nécessairement immédiatement. Il est donc dans le meilleur intérêt de toutes les parties concernées d'agir le plus rapidement possible et de procéder au prédéploiement des forces. Voilà ce qui en est des perspectives de demandes d'aide.

Aviez-vous une autre question, sénateur?

Le sénateur Zimmer: Dans le cas d'une tentative d'attaque terroriste majeure, prenez-vous des mesures de suivi? Communiquez-vous avec les forces armées d'autres pays? À titre de civil, j'ai eu l'occasion, il y a environ six ans, de visiter les installations de l’OTAN au centre des opérations de Cheyenne Mountain pour observer le travail qui se fait avec d'autres nations du monde. Pour revenir à ma question, pouvez-vous me dire avec quelle autre nation vous travaillez? J'imagine que vous travaillez avec des pays de partout dans le monde et, le cas échéant, quel genre d'opérations entreprenez-vous avec ces pays à cet égard?

Le col Barr: Nous entretenons des liens avec nos principaux alliés, en particulier avec les quatre ou cinq dont j'ai déjà parlé. Les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et d'autres. À l'échelle continentale, je crois que le gouvernement du Canada travaille en étroite collaboration avec le gouvernement des États-Unis pour élaborer des plans en cas de menaces terroristes contre les deux pays. Ces plans doivent être élaborés et approuvés de façon à assurer l'interopérabilité nécessaire en cas d'incidents terroristes contre le Canada et les États-Unis.

Le sénateur Zimmer: Votre intervention dépendrait du genre d'attaques terroristes, j'imagine?

Le col Barr: Oui.

Le président: Colonel Barr, dans le scénario que vous avez décrit au sénateur Zimmer, vous avez parlé de prédéploiement. Quelle est la marche à suivre lorsque vous quittez une scène de crime? Disons que le commandant d'une unité est invité par les autorités provinciales ou autres à signer un contrat qui lui confie la responsabilité de la scène de crime. Le commandant effectuerait ses tâches puis confierait à son tour la scène du crime au chef de police. Si les choses finissent par mal tourner et qu'une enquête doit avoir lieu après les faits, qui mènerait cette enquête?

Le col Barr: Cela dépendrait de la nature des préoccupations. Je ne peux pas vous dire si l'enquête serait menée par le ministère de la Défense nationale ou par les organismes d'application de la loi.

Le président: Par exemple, au cours d'une opération de sauvetage d'otages, une demi-douzaine de personnes sont tuées, y compris des civils. Qui mènerait l'enquête visant à déterminer si vos membres ont agi de façon appropriée?

Le col Barr: Honnêtement, je n’en suis pas certain. Normalement, les enquêtes sont menées par des organismes indépendants de ceux qui font l'objet de l'enquête, soit la GRC, les hautes autorités militaires ou les deux — ou d'autres autorités supérieures — afin de maintenir l'indépendance et de prévenir toute perception de partialité. Je ne peux pas répondre à cette question. Mais il ne fait aucun doute que l'enquête serait menée par des autorités supérieures.

Le président: Serait-il possible d’obtenir les noms de ceux qui ont participé à l’intervention?

Le col Barr: Nous tenterions de protéger l’identité de nos agents. C’est différent que de dire que ces noms seraient communiqués. Nous tenterions donc de protéger l’identité de nos agents, pour ne pas compromettre leur sécurité ou la sécurité de leurs familles.

Le sénateur Moore: Colonel Barr, dans vos remarques, vous avez dit que les unités du COMFOSCAN sont des unités stratégiques conçues, formées et entraînées pour être efficaces à 100 p. 100. J’aimerais que vous me parliez de la tradition des forces opérationnelles spéciales, et en particulier de la Force opérationnelle interarmées 2. Vous avez dit que cette unité existe depuis 14 ans.

Le col Barr: Oui, elle existe depuis le 1er août 1993 et il a fallu environ un an pour la former.

Le sénateur Moore: Qui effectuait cette tâche avant la création de cette unité?

Le col Barr: À l’origine, la lutte au terrorisme, les sauvetages d’otages et la capacité d’élite avaient été confiés au Groupe spécial d’intervention d’urgence (GSIU) de la GRC. Après plusieurs années, et pour diverses raisons, une étude a été effectuée afin de déterminer si ces tâches devaient toujours relever de la GRC ou si elles devaient être confiées aux Forces armées.

Le sénateur Moore: Le régiment aéroporté qui a été démantelé a-t-il effectué ce genre de tâches par le passé?

Le col Barr: Non.

Le sénateur Moore: Qui s’est chargé de la formation de la Force opérationnelle interarmées 2? La formation a-t-elle eu lieu Canada? Comment le programme d’entraînement a-t-il été établi au début?

Le col Barr: Au début, la GRC s’est chargée de la formation. Nous avons également reçu des conseils d’autres unités opérations spéciales.

Le sénateur Moore: D’autres pays?

Le col Barr: Avant d’entrer en poste, le premier commandant a demandé les conseils d’autres forces opérationnelles militaires spéciales. La GRC s’est chargée de la formation au début. Avec le temps, nous avons pu former nos propres instructeurs.

Le sénateur Moore: Le processus de formation est-il entièrement canadien?

Le col Barr: Oui.

Le sénateur Moore: Tenez-vous des réunions avec vos homologues d’autres pays pour discuter des mises à jour aux systèmes et d’approches de formation et des exigences relatives aux membres des forces opérationnelles spéciales? À quelle fréquence ces aspects sont-ils passés en revue?

Le col Barr: Nous faisons constamment du réseautage.

Le sénateur Moore: Avec le commandant de la Force opérationnelle interarmées 2 et d’autres pays.

Le col Barr: D’abord, il y a discussion entre les unités d’ici et les unités semblables d’autres pays. Il s’agit de relations qui prennent beaucoup de temps à bâtir et qui peuvent être rompues très rapidement. Pour ce qui est de la sécurité opérationnelle, si nous prouvons que nous ne pouvons pas assurer notre sécurité opérationnelle, les portes se ferment.

Il y a naturellement des échanges quant aux pratiques exemplaires concernant l’équipement, les tactiques, les procédures, etc.

Le président: Colonel Barr, dans votre témoignage, vous avez dit à plusieurs reprises « meilleur que quiconque » et « sans possibilité d’échec ». Comment les contribuables peuvent-ils vérifier que vous êtes aussi bon que vous prétendez l’être?

Compte tenu du secret qui entoure votre organisation, comment les parlementaires et les contribuables peuvent-ils savoir que votre organisation en vaut la peine et fait réellement du bon travail? Comment vérifier que les Canadiens en ont vraiment pour leur argent?

Le col Barr: D’abord, les Canadiens peuvent être assurés que leurs forces opérationnelles spéciales font de l’excellent travail et vont jusqu’au bout de leur tâche. Je comprends que je ne réponds pas entièrement à votre question.

Le gouvernement du Canada, par l’intermédiaire de ses ministres — en particulier, de son cabinet — est informé et est au courant des missions effectuées par les Forces opérationnelles spéciales canadiennes et des résultats de celles-ci. Voilà un premier élément de réponse.

Le président: Il faut faire confiance au gouvernement?

Le col Barr: Nous servons les Canadiens, mais par l’intermédiaire du gouvernement du Canada. Je crois que la première vérification, soit de savoir si les missions sont appropriées et donnent des résultats, est effectuée par le gouvernement du Canada.

Le président: Combien de ministres sont au courant de vos opérations?

Le col Barr: Cela dépend de qui le ministre de la Défense nationale doit informer pour obtenir du gouvernement du Canada l’approbation de toutes les missions des Forces canadiennes, sans oublier les missions d’opérations spéciales. Je ne peux pas vous dire s’il s’agit du cabinet en entier ou seulement de certains membres. Je n’assiste pas à ces séances d’information.

Le président: Ils ont cependant votre succès à cœur?

Le col Barr: Oui.

Le président: Comment pourrait-on obtenir une forme d’évaluation indépendante?

Le col Barr: Je ne crois pas que cela soit nécessaire. Je crois que la surveillance est suffisante au sein des Forces canadiennes et par le gouvernement du Canada — le ministre, le cabinet et le premier ministre.

Je crois que la création d’une unité du COMFOSCAN pour mieux intégrer, coordonner et superviser les activités de nos unités opérationnelles spéciales comporte un autre avantage: l’ajout d’une autre étape de surveillance.

Le président: Vous vous rapportez au chef d’état-major de la Défense, qui lui rend des comptes au ministre. On peut présumer que le ministre rend à son tour des comptes au cabinet ou au premier ministre.

Par exemple, nous avons un mécanisme de surveillance pour des organismes comme le SCRS ou le Centre de la sécurité des télécommunications. Leur travail peut être intrusif, mais beaucoup moins que le travail effectué par votre organisation. Toutefois, la surveillance gouvernementale dont ils font l’objet est semblable. Il y a aussi un autre organe qui n’a pas un intérêt direct. Voyez-vous des avantages à cela?

Le col Barr: Je ne peux pas dire si d’autres organisations, par la nature de leur travail ou de l’information qu’elles recueillent, requièrent davantage de surveillance.

De toutes les opérations menées au nom des Canadiens par les forces d’opération spéciales, je ne crois pas qu’il y en ait qui puissent causer des inquiétudes importantes. Toutes nos activités visent à assurer la sécurité des Canadiens ici et à l’étranger. Je ne crois pas qu’il y ait lieu de s’inquiéter.

Le sénateur St. Germain: J’ai une brève question concernant les capacités de déploiement.

En cas de déploiement, avez-vous immédiatement accès à du transport? Je crois comprendre que d’autres forces spéciales étrangères ont une capacité de transport et de déplacement qui leur est consacrée, ce qui leur permet d’être en marche instantanément. Je ne veux pas vous mettre dans l’embarras.

Le président: Ces renseignements ont été donnés plus tôt.

Le col Barr: Nous avons actuellement accès à certains aéronefs des Forces canadiennes. Si ces aéronefs ne répondent pas à nos exigences en matière de taille, de capacité de chargement ou de disponibilité opérationnelle, nous avons toujours l’option de conclure un contrat. Dans ce cas, il est possible que nous ayons à payer pour obtenir cette disponibilité opérationnelle.

Certainement qu’avec tous les plans et toutes les idées que j’ai entendues sur l’avenir des Forces canadiennes, en ce qui concerne une capacité accrue, le transport stratégique, les hélicoptères de transport moyen à lourd, cela devrait bientôt être une réalité, si ce n’est déjà fait.

Le sénateur St. Germain: Je m’excuse d’avoir posé une question pour laquelle la réponse avait déjà été donnée.

Le sénateur Banks: J’ai quelques précisions à vous demander, Colonel Barr.

Il y a une énumération au début de la page 3 de votre exposé. Le premier point indique qu’il y a une capacité d’intervention majeure. Il est aussi question d’une force d’intervention immédiate à haut degré, etc.

Le deuxième point parle d’une deuxième capacité d’intervention majeure. Puis, il y a un espace et ensuite le numéro 3. Est-ce ce à quoi renvoie le numéro 2, ou est-ce qu’il manque quelque chose?

Le col Barr: Dans mes notes — et j’espère que nous avons les mêmes — le numéro 3 traite de la capacité de défense nucléaire, biologique et chimique.

Le sénateur Banks: Est-ce la deuxième capacité d’intervention majeure?

Le col Barr: Non.

Le sénateur Banks: Quelle est la deuxième capacité d’intervention majeure?

Le col Barr: Sans entrer dans les détails, nous reconnaissons qu’il faut avoir la capacité de répondre à plus d’un incident à la fois. Si toutes les forces sont affectées à un incident et ne peuvent intervenir ailleurs, ce n’est pas satisfaisant.

Le sénateur Banks: Il y a redondance.

Je ne crois pas qu’on vous ait déjà posé la question, mais je présume que tout le personnel qui relève de vous s’est porté volontaire. Ai-je raison? C’est-à-dire, ils se sont portés volontaires pour participer aux opérations spéciales. Est-ce bien cela? Pouvez-vous commenter?

Le col Barr: Je dois être prudent dans ma réponse, car on pourrait me reprendre pour un détail d’ordre technique.

Au cours de la dernière année, il y a deux organisations qui ont été intégrées à l’unité de COMFOSCAN du jour au lendemain.

Le sénateur Banks: Est-ce que ca veut dire que vous pouvez rédiger leurs règles selon les besoins du moment?

Le col Barr: Non. Je ne peux pas vous jurer que toutes les personnes qui faisaient partie de ces deux nouvelles organisations sont venues par choix. Lorsque j’ai visité toutes les unités, y compris les nouvelles, j’ai vu que les gens étaient enthousiastes à l’idée de faire partie de la communauté des opérations spéciales et qu’ils étaient prêts à renforcer leur capacité pour répondre aux exigences. Je peux toutefois vous dire avec certitude que les membres du Régiment d’opérations spéciales du Canada et de la Force opérationnelle interarmées 2 sont tous là par choix, et que s’il n’en est pas de même pour tous les autres, avec le temps, tous les membres de l’unité de COMFOSCAN seront heureux d’être là.

Le sénateur Banks: Tous les membres du Régiment et de la FOI 2 se sont portés volontaires?

Le col Barr: Oui, sénateur.

Le président: Cette information est très utile. Merci beaucoup. Nous espérons vous revoir pour que vous puissiez nous parler davantage de votre commandement.

Nous accueillons maintenant le brigadier-général A.J. Howard, directeur général, Opérations, État-major interarmées stratégique, quartier général de la Défense nationale. Le but de la réunion d’aujourd’hui est d’obtenir une mise à jour de la situation opérationnelle à Kandahar, d’examiner les opérations à venir dans la région et de discuter de nos initiatives récentes à Kandahar.

Le brigadier-général Howard s’est enrôlé dans les Forces canadiennes en 1978. Il a été affecté dans l’artillerie de l’armée de terre canadienne, et a été commandant à divers niveaux, de la troupe au groupe-brigade. Il a servi pendant un peu plus de 15 ans dans le cadre d’opérations ou à l’intérieur d’unités de campagne. À l’échelle internationale, il a été affecté à Lahr, en Allemagne, à Chypre, en ex-Yougoslavie et à Washington. Plus récemment, il a commandé le premier Régiment du Royal Canadian Horse Artillery de 1999 à 2001 et le deuxième groupe-brigade mécanisé du Canada de 2004 à 2006. Le brigadier-général Howard a été nommé au poste de directeur général — Opérations de l’État-major interarmées stratégique du QGDN à l’été 2006.

Le bgén A.J. Howard, directeur général — Opérations, État-major interarmées stratégique, Défense nationale: Honorables sénateurs, bonsoir. Ce soir, je vais vous donner une courte mise à jour des opérations des Forces canadiennes en Afghanistan au cours des dernières semaines. Ma présentation sera axée sur les activités des Forces canadiennes, et je pourrai vous donner des précisions après. Si vous avez des questions sur les activités d’autres ministères présents en Afghanistan, ceux-ci seraient peut-être mieux placés pour y répondre, mais je vais faire de mon mieux.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je vais commencer par vous parler de certaines de nos réalisations en Afghanistan jusqu’à maintenant, dont nous avons d’ailleurs déjà fait part au gouvernement. Comme vous pouvez le voir à la deuxième diapositive, intitulée Strategic Accomplishments in Theatre, une équipe d’assistance stratégique composée de 14 membres des Forces canadiennes aide le gouvernement afghan à Kaboul avec diverses activités de planification liées à la réforme de la sécurité et de la défense.

Pour ce qui est du développement, notre équipe de reconstruction provinciale continue de faire des progrès. Je vais vous parler davantage de son travail dans les diapositives qui suivent.

Pour ce qui est de la sécurité, nous avons récemment terminé une période de neuf mois de leadership du Commandement régional Sud.

La diapositive suivante énumère les réussites du brigadier-général David Fraser accompagné de son illustre figure.

[Français]

Le brigadier-général David Fraser a officiellement exercé le commandement de la brigade multinationale de la région sud le 28 février 2006, pour une période de neuf mois au sein de l'engagement international en vue d'assurer le développement et la stabilisation des régions. Au cours de la période de son commandement de la région sud, le brigadier-général Fraser et ses troupes ont accompli plusieurs défis importants.

[Traduction]

J’ai énuméré ici certaines des réussites du brigadier-général Fraser et de son équipe de 200 soldats. À son arrivée, il s’est intégré à l’opération « Liberté immuable », OLI. Il a reçu le commandement des forces américaines qui opéraient en très petit nombre dans la région. Il a facilité l’arrivée des Forces canadiennes à Kandahar ainsi que l’installation des Britanniques dans la province de Helmand et des Hollandais dans la province d’Ourouzgan. Il a permis l’expansion de l’OTAN; la Force internationale d’assistance à la sécurité, FIAS, expansion phase trois, qui comportait le transfert de forces de l’OLI au commandement de la FIAS. Lui et son équipe ont renforcé la gouvernance dans le Kandahar. Nous avons commencé par la mise en œuvre des zones de développement afghanes, et un grand nombre d’insurgés ont été repoussés hors de la région de Panjwayi.

Vendredi dernier, le brigadier-général Fraser s’est vu décerner le prix Vimy par l’Institut de la Conférence des associations de la défense et il ne fait pas de doute que lui et son équipe l’ont largement mérité. Tous les Canadiens peuvent être fiers de ce que l’équipe a accompli au cours des neuf derniers mois. Je passe maintenant à la diapo suivante: Activité des insurgés.

[Français]

L'insurrection des Talibans demeure principalement concentrée dans l'est et dans le sud du pays.

[Traduction]

Dans le Kandahar, où les soldats canadiens opèrent, les talibans, ces derniers mois, ont tenté de rétablir une forte présence dans les districts de Zhari et de Panjwayi, à l’ouest de Kandahar, et il est probable qu’ils vont tenter de reconstituer leur capacité de défendre les zones où ils opèrent actuellement.

Les attaques récentes des talibans, notamment au moyen d’engins explosifs improvisés (EEI), des attaques et des embuscades contre des convois le long des principaux axes, des attaques directes contre les soldats canadiens qui protègent la construction de la route — dont le nom de code est la route du sommet — ainsi que les ouvriers proprement dits ainsi que l’assassinat de plusieurs membres influents du gouvernement et de politiciens à Kandahar sont sans doute indicateurs de la stratégie qu’ils adopteront cet hiver. Leurs buts sont probablement les suivants: premièrement, empêcher toute reconstruction ou aide humanitaire significative — les attaques de talibans dans le district de Zhari, en particulier, continuent de dissuader beaucoup d’habitants de la région de rentrer chez eux et ralentissent ou entravent la reconstruction; deuxièmement, tenter d’empêcher toute interaction significative entre les Forces canadiennes et la population locale en compliquant la tenue de shuras avec les dirigeants locaux et en nous obligeant à nous concentrer sur la protection de la force et en nous empêchant de mener un plus grand nombre d’activités de liaison avec la population.

[Français]

Troisièmement, tenter de miner le sens d'amélioration de la sécurité dans Kandahar City suite à l'opération MÉDUSE en effectuant des attaques suicides contre les véhicules voyageant dans les villes, en tuant plus de leaders locaux et en continuant à conduire des campagnes d’intimidation et de menaces dans toutes les villes.

[Traduction]

Ailleurs, dans un grand nombre de régions rurales où la présence des talibans est forte, ils essaieront de consolider leur emprise sur la population tout au long de l’hiver en vue de combattre l’expansion de l’influence du gouvernement afghan. Que ce soit à Kandahar ou le long du couloir de l’autoroute 1, cela peut entraver l’activité des talibans dans les mois d’hiver.

Je passe à la diapositive intitulée Activité des insurgés dans la zone des opérations canadiennes — deux dernières semaines. Vous voyez ici un instantané de l’activité des insurgés contre les forces de la coalition, qui a baissé d’intensité depuis la fin de l’été et le début de l’automne, moment où les chiffres étaient beaucoup plus élevés que ceux que vous voyez ici.

Comme il est dit dans la diapo, l’éventail des attaques des talibans est très large. L’attitude défensive que nous adoptons depuis peu a contraint les talibans à recourir à des tirs indirects, comme des attaques à la roquette et au mortier. Ils continuent également de montrer qu’ils savent orchestrer des attentats à l’engin explosif improvisé. En revanche, ils font un peu moins usage d’armes légères et de grenades propulsées par fusée. Peut-être cherchent-ils à empêcher d’être cloués au sol par notre groupement tactique, qui est doté de puissants moyens de manœuvre et d’une grande puissance de feu.

À coup sûr, notre présence à Kandahar est indispensable au progrès de l’Afghanistan. Constance et patience illustreront la détermination de la communauté internationale à apporter des changements. Nous sommes en Afghanistan pour soutenir les autorités afghanes et sommes déterminés à les aider à gagner la confiance de la population de manière à pouvoir bâtir un État fonctionnel et mettre fin au règne de la terreur des talibans. Tous, nous espérons que les talibans réduiront leurs activités et se mettront à appuyer les autorités afghanes élues.

La diapo suivante s’intitule FIAS. Telle est la situation actuelle de la force. L’intention du commandant de la FIAS est d’établir les conditions propices à l’établissement et à l’expansion des zones de développement afghan. J’aimerais vous décrire ce concept dans la prochaine diapo.

La zone de développement afghan (ZDA) est un concept qui offre l’occasion idéale de concerter simultanément sécurité, gouvernance et développement. Les ZDA établiront des régions suffisamment sûres pour que nous puissions nous concentrer sur la reconstruction. Le commandant du Commandement régional Sud a pour mission première de développer la ZDA Kandahar en établissant des zones définies où le développement peut être optimisé du fait du maintien de la sécurité.

Nous allons promouvoir la gouvernance afghane afin de lancer, de prioriser et d’exécuter des initiatives et des projets de développement qui marqueront un réel progrès. Nous espérons stimuler les intérêts des autres communautés pour qu’elles souscrivent au concept et en crée le besoin.

Essentiellement, la zone de développement afghan nous considère comme une force qui pénètre dans un secteur, normalement habité, pour éliminer du mieux possible les insurgés. Les organisations d’aide internationales et non gouvernementales ainsi que notre propre personnel peuvent alors entrer dans le secteur et contribuer aux efforts de développement. Nous restons à l’intérieur de la ville et à son périmètre pour essayer de maintenir la sécurité en fournissant une force d’intervention rapide. Nous espérons que les autres, à l’extérieur de la zone, verront les résultats tangibles qui en découlent.

Le meilleur exemple que je puisse donner d’une ZDA fructueuse, c’est la ville de Kaboul elle-même, où l’OTAN a établi une présence majeure et où le développement a repris au niveau où il était à l’origine. Nous pouvons obtenir les mêmes résultats dans un grand nombre de villes et villages et dans les grands centres habités du sud; vous le constaterez quand vous vous y rendrez. Vous y verrez des soldats canadiens qui s’y consacrent. Le général Fraser a été du nombre et c’est désormais le brigadier-général Van Loon qui s’en charge.

La diapo suivante illustre la chaîne de commandement du CR Sud. Le 1r novembre 2006, la structure du Commandement régional Sud de la Force internationale d’assistance à la sécurité, FIAS, a été modifiée par suite du transfert du commandement des Canadiens aux Néerlandais. La Force opérationnelle interarmées Afghanistan a profité de l’occasion pour réorganiser la structure de commandement et de contrôle du côté canadien pour établir l’unité de commandement, de mission et d’efforts sous la conduite d’un commandant canadien unique, qui est aujourd’hui le brigadier-général Tim Grant.

La diapo suivante illustre les opérations dans le Commandement régional Sud. Dans le CR(S), le transfert du rôle de nation prédominante aux Pays-Bas s’est bien déroulé. Si vous le permettez, je vais prendre quelques instants pour parler de nos autres partenaires dans le sud avant de me concentrer sur les opérations canadiennes. Dans la Force opérationnelle Ourouzgan, c’est-à-dire l’équipe australo-néerlandaise, les opérations cadres, la construction de la base et les opérations de sécurité se poursuivent. Des pelotons effectuent des patrouilles aux abords de Day Rod et de la ville de Tirin Kot, qui se trouvent juste en-dessous de la flèche. Le village de Tirin Kot sera constitué en zone de développement afghan. Voilà un exemple de ZDA à laquelle les Néerlandais vont travailler dans leur province.

La Force opérationnelle Helmand, le contingent britannique augmenté d’un petit effectif estonien, poursuit ses opérations dans le Helmand pour empêcher l’infiltration des insurgés. La Force opérationnelle Zaboul, le contingent américain et roumain, poursuit ses patrouilles cadres et ses escortes de convois le long de l’autoroute 1, qui relie Kandahar à Kaboul. Qalat est la zone de développement afghan officielle de cette province.

La diapo suivante décrit l’activité des forces amies dans la zone de responsabilité canadienne. Depuis ma dernière comparution au comité, il n’y a pas eu de changement notable dans la disposition du Groupement tactique du 1er bataillon, Royal Canadian Regiment. Le commandant du Groupement tactique du 1er bataillon RCG continue d’avoir pour mission première d’assurer la sécurité avec ses partenaires afghans de sécurité nationale dans toute la région de Panjwayi-Zhari, à l’ouest de Kandahar — où nous sommes engagés depuis l’été — afin de contribuer à la création de la ZDA Kandahar. Le 3 novembre marque la première diplomation de 41 candidats de la Police auxiliaire nationale afghane destinés à être affectés à la région de Zhari- Panjwayi. L’équipe provinciale de reconstruction, EPR, a ouvert l’école intermédiaire de Sham-E-Dinkkar en face du centre de développement provincial de Bizar-E-Panjwayi. De plus, l’EPR a accueilli un groupe de dignitaires allant du chef d’état-major de l’Armée de terre au président de l’Agence canadienne de développement international, ACDI, en passant par le greffier adjoint du Conseil privé et l’ambassadeur du Canada aux Émirats arabes unis.

Le Mentorat d’observateurs et équipes de liaison, qui compte 64 personnes, travaille avec les unités afghanes locales pour parfaire leurs compétences professionnelles pour qu’elles puissent poursuivre leurs activités de formation de liaison auprès des bataillons afghans locaux déployés dans notre secteur d’opération, dans la zone de Zhari-Panjwayi.

La diapo suivante s’intitule: Développement financé par le MDN en cours et projets proposés. L’EPR a terminé 18 des 35 projets prévus. Le nombre de projets va continuer d’augmenter. L’EPR participe à la distribution de nourriture, d’eau, de couvertures et de tentes dans toute la région du Panjwayi. Le financement du ministère de la Défense — sous la forme du Fonds pour éventualités du commandant — est passé de 2,4 millions de dollars à plus de 3 millions, ce qui est d’excellent augure. Le volet MDN de ces fonds sert au développement. Le fait qu’il augmente signifie que la demande est plus forte à l’échelle locale.

Les colis familiaux de nourriture dont il est question ici sont conçus pour fournir 2 000 calories par jour à six personnes pendant un mois. Nous en avons livré 10 000 ces derniers mois, ce qui est une excellente nouvelle.

[Français]

Au cours des six dernières semaines, quatre visites médicales des villages ont été organisées conjointement avec le groupement tactique au sein de la province de Kandahar. Plus de 2 000 Afghans ont reçu des soins médicaux de base ainsi que des médicaments dans la région éloignée de Panjwayi.

De concert avec le ministre de la Santé afghan, des médecins et dentistes locaux ont prodigué des soins aux gens de ces régions. En plus des médicaments, du matériel tel que les outils, des effets scolaires, de la nourriture, des couvertures, des jouets, des tapis ainsi que des radios ont été distribués.

L’équipement de reconstruction provinciale a fourni plus de 100 trousses de diagnostic à une école de soins infirmiers de Kandahar, où des étudiantes et des étudiants en soins infirmiers ont débuté leurs études en octobre 2006.

[Traduction]

Passons à la diapo suivante. J’attire votre attention sur l’expansion de la PANA au Kandahar. Peut-être trouverez-vous que 121 diplômés et 172 étudiants, c’est peu, mais nous espérons que les chiffres augmenteront dans l’avenir. Nous sommes en bonne voie de créer une force auxiliaire.

L’illustration suivante montre le progrès de l’EPR et donne un excellent aperçu du genre d’aide et de travail de l’EPR. Dans la catégorie « Engagements de leaders clés », le chiffre total nous désigne nous et nos efforts pour mobiliser les aînés locaux et les leaders tribaux dans la province de Kandahar. Sont également illustrés les chiffres cumulatifs de colis et de cartes de nourriture distribués depuis notre arrivée à Kandahar en février.

Les colis non alimentaires, comme les couvertures, figurent également et vous pouvez voir les chiffres du nombre d’élèves de la Police auxiliaire nationale afghane. Figurent également des chiffres dans la catégorie « Listes de dommages au village de Shura », qui consigne les dégâts causés par la guerre, pas forcément ceux que nous avons causés, mais ceux qui sont attribuables aux talibans et à d’autres. Le fait que 227 réclamations ont été déposées montre que nous sommes en bonne voie de gagner la confiance des autorités locales. Nous avons effectué un certain nombre de patrouilles pour augmenter notre visibilité dans toute la province de Kandahar parce que cela donne une bonne idée de ce que fait l’EPR.

Nous passons ensuite à la diapo intitulée « Route Summit ». Il s’agit là d’une initiative canadienne qui mérite d’être portée à votre attention. Nous espérons construire une route qui reliera l’autoroute 1 dans le nord et le fleuve Arghandab dans le sud. La route, qui est dans l’encadré en bas à gauche — la ligne rouge — est longue d’environ 4,2 kilomètres et large d’environ 100 mètres. À l’origine, cette route était une route de combat construite à l’aide de bulldozers à travers des champs de marijuana dans le but d’améliorer la protection de la force en évitant les embuscades le long de chemins vicinaux à forte densité d’EEI.

Le contrat de financement pour la route Summit a été signé la semaine dernière entre les partenaires qui financent le projet. Les Allemands, la United States Agency for International Development, l’USAID et le MDN fournissent les fonds. La construction a commencé et sera synchronisée avec les efforts de nos partenaires. La route est le principal ouvrage de l’effort de développement de sécurité dans la région et offrira une solution de rechange pour le commerce local et le passage des forces de sécurité. Le Canada contribuera quelque 600 000 $US grâce au Fonds pour éventualités du commandant.

Pourquoi la route Summit? La route Summit a pour but d’être un exemple de grand chantier d’investissement qui changera la vie des communautés locales. Si nous voulons qu’il y ait du commerce, il faut des voies de communication. Celle-ci permettra le transport de marchandises entre Kandahar et les localités de Zhari-Panjwayi et devrait réduire la durée du parcours, tout en augmentant la sécurité des habitants de l’endroit, qui disposeront d’une surface revêtue.

Évidemment, la route Summit a fait l’objet de nombreux articles de journaux et les travaux ont été interrompus cette semaine en raison du mauvais temps. En raison de toute la pluie que l’Afghanistan a reçue ces derniers jours, aucun véhicule ne peut gravir ou descendre la route sauf certains de nos véhicules à chenilles, tant que le temps ne s’améliorera pas. À ce moment-là, je m’attends à ce que les travaux reprennent et se poursuivent dans les jours et les mois à venir. Il ne fait pas de doute que la situation le long de la route est périlleuse mais c’est précisément la raison pour laquelle nous sommes en train de fortifier nos positions et demandons à un plus grand nombre de nos partenaires afghans de se joindre à nous. Je serai heureux d’en discuter plus à fond avec vous si vous le souhaitez.

La diapositive suivante illustre l’effectif des Forces canadiennes dans le théâtre. J’ai pensé que cela vous aiderait à voir où nos forces sont présentes en Afghanistan. L’effectif compte un peu plus de 2 400 soldats.

Enfin, vous serez heureux d’apprendre que le RG-31 Nyala est opérationnel. Il est équipé d’une caisse antimines et de parois légèrement blindées. La caisse d’acier protège contre les balles de calibre fusil mais, chose plus importante encore, contre les mines et les EEI. Le RG-31 est un gros véhicule, à côté duquel le Gelaendenwagen — le G wagon pour faire court — paraît minuscule.

Comme je l’ai déjà dit, les talibans ont montré qu’ils sont prêts et capables d’employer des engins explosifs improvisés, non seulement contre les Afghans de l’endroit mais aussi contre nous, de la coalition. Nous avons dû nous adapter pour conserver l’initiative et protéger nos soldats en augmentant notre parc de RG-31. On ne peut jamais se défendre totalement contre une charge explosive, puisqu’il est toujours possible d’en confectionner une plus grosse. Il s’agit là toutefois d’un excellent exemple d’adaptabilité permettant de donner à nos soldats ce dont ils ont besoin pour se protéger dans leur secteur d’opération. Le but est d’aider les Afghans de l’endroit dans leurs efforts de gouvernance.

Voilà qui met fin à mon exposé. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup. Au sujet du Nyala, y en a-t-il actuellement au Canada pour que les soldats de la prochaine rotation apprennent à s’en servir avant d’aller à l’étranger?

Le bgén Howard: Oui. Si l’on revient au début de la mission, la première rotation, celle du premier bataillon de l’Infanterie légère canadienne du Princess Patricia, a dû assurer l’instruction sur le théâtre. Les véhicules leur ont été livrés. La deuxième rotation, basée à Petawawa et à Shilo, disposait d’un petit parc de véhicules pour l’instruction, et elle a été complétée une fois sur place. L’équipe actuelle en cours d’instruction a un petit parc de Nyalas pour se former avant d’arriver sur le théâtre. Elle complètera son instruction une fois arrivée en Afghanistan, où il y a plus de véhicules. Nous avons mis l’accent sur le déploiement du matériel dans le théâtre. Il y a toutefois un nombre réduit mais suffisant de véhicules pour assurer l’instruction avant le déploiement.

Le sénateur Moore: Merci d’être venu. J’ai deux ou trois questions générales puis d’autres questions plus précises sur les efforts de reconstruction.

Lors de sa comparution devant notre comité en mai, le lieutenant-général Gauthier a déclaré que l’Équipe provinciale de reconstruction, l’EPR, comptait de 55 à 60 personnes. Récemment, le chef d’état-major a annoncé qu’une compagnie du 22e Régiment serait déployée pour assurer la sécurité de l’EPR.

Du point de vue opérationnel, cela signifie-t-il que l’EPR n’a pu mener à bien aucune opération depuis septembre 2005, date à laquelle le Canada a succédé aux États-Unis à la tête de la mission? Y a-t-il eu un ralentissement? Pourquoi a-t-on besoin de renfort pour la sécurité?

Le bgén Howard: Jusqu’à présent, c’est le groupement tactique qui a assuré la sécurité de l’EPR. Pour la protection du camp et la conduite des activités, nous avons fait appel aux compagnies d’infanterie actuellement en Afghanistan, ce qui signifie que nous n’avons pas pu faire autant que nous souhaitions. Les commandants sur le terrain en Afghanistan nous ont demandé d’envoyer une autre compagnie d’infanterie qui se consacrerait uniquement à l’EPR; c’est la compagnie du 22e Régiment dont vous avez fait mention. Elle sera prête à se rendre sur le théâtre au début de décembre et je crois que, dès lors, on constatera une nette augmentation des activités de l’EPR.

L’EPR a déjà réalisé bien des choses. Pour tout ce qui figure sur le tableau que je viens de vous décrire, pour tous les engagements et les livraisons, elle a besoin de protection, chaque fois qu’elle franchit la barrière. Nous devons défendre le camp. Nous avons pu réaliser certaines choses, mais j’espère que, avec cette protection accrue, nous pourrons en faire plus.

Le sénateur Moore: La Police auxiliaire nationale afghane aura-t-elle pour mission d’assurer la sécurité de ceux qui travaillent au sein de l’EPR? Est-ce sa seule mission?

Le bgén Howard: Non. La Police auxiliaire nationale afghane sera un élément des forces de sécurité nationales afghanes; elle relèvera donc de la Police nationale afghane, la PNA. Les membres de la police auxiliaire suivent une formation de 10 à 14 jours, supervisée par la GRC et notre police militaire, qui est une formation rudimentaire. On ne compte nullement en faire une force policière à part entière. Il s’agit simplement d’un tremplin pour ceux qui voudraient devenir policier. Toutefois, la police auxiliaire travaillera auprès de la population locale.

Le sénateur Moore: Quand on a annoncé la création de cette police auxiliaire, certains se sont élevés contre le fait qu’elle serait constituée d’adolescents. Qui recrute-t-on pour cette formation et pour constituer cette force auxiliaire? Est-ce que ce sont de jeunes adultes? Ils contribueront à assurer la sécurité de nos militaires; alors, qui sont-ils?

Le bgén Howard: Les recrues devront satisfaire aux mêmes critères que pour la Police nationale afghane — ils devront avoir au moins 18 ans et travailler sous la supervision de la GRC et de la police militaire. Nous aidons les fonctionnaires afghans locaux à assurer la formation et la supervision. Tout dépend de la durée de leur formation. On ne confiera pas à ces policiers auxiliaires des tâches pour lesquelles ils n’ont pas été formés.

C’est un peu une mesure intérimaire permettant d’accroître les forces de sécurité locales. Idéalement, nous aurions suffisamment de policiers prêts à faire la formation au complet. Toutefois, nous espérons que dans les mois et années à venir, nous serons en mesure d’accroître le nombre de recrues au sein de la force nationale de police.

La création de la police auxiliaire n’est donc qu’une mesure à court terme nous permettant d’assurer une plus grande contribution des Afghans à la sécurité.

Le sénateur Moore: Vous avez dressé la liste des projets que vous avez réalisés. Des articles ont été publiés dans les journaux, l’un samedi et l’autre aujourd’hui; ce sont des articles de Lee Greenberg qui ont paru dans le Ottawa Citizen. Avez-vous lu ces articles? Je vais vous en citer quelques extraits et je vous demanderai ensuite ce que vous en pensez.

Cinq ans après la chute des talibans, les villages de Zhari sont encore en majorité sans électricité, sans eau et sans écoles.

Ce district qui a déjà compté 30 écoles n’en a plus qu’une [...] En outre, on ne projette pas d’en construire d’autres, déclare le sergent Courtney, qui ajoute qu’aucun projet financé par l’ACDI n’a encore été mené à bien dans ce district depuis son arrivée en septembre.

J’ai déjà cité un extrait d’un article paru aujourd’hui où le capitaine Steve Brown décrit comment les soldats afghans ont quitté leur poste pendant le Ramadan. Cet article dit aussi: « Les troupes canadiennes ont pris position à plusieurs endroits le long de la route pour remplacer les soldats afghans. Le capitaine Brown a déclaré que les troupes étaient à bout de souffle. Il a ajouté qu’il ne pouvait qu’empêcher une défaite cinglante. »

Il semble que nous avions gagné du terrain, mais que nous avons dû reculer et que maintenant, les troupes afghanes ne collaborent pas avec nous comme nous l’avions espéré. Nous tentons simplement de conserver les acquis. Qu’en pensez-vous?

J’ignore si nous réussirons et, dans la négative, comment pourrons-nous procéder à la reconstruction prévue et si nécessaire?

Le bgén Howard: Si vous me permettez de remonter un peu en arrière, je vous donnerai une réponse plutôt longue.

À cette époque l’an dernier, un petit nombre de troupes américaines étaient sur le terrain dans le cadre de l’opération Liberté immuable. Depuis janvier dernier, quatre pays de l’OTAN, menés au départ par le Canada, ont commencé à accroître leur présence dans la région du sud.

Le sénateur Moore: Depuis janvier 2005?

Le bgén Howard: Non, depuis le début de cette année, depuis janvier 2006.

Lorsque nous évaluons ce que nous avons accompli pendant cette période, nous constatons que nous avons pris notre place sur le terrain. Nous savions que notre présence dans cette région du sud présenterait de nombreux défis, et il y a eu de nombreux défis à relever. Mais notre simple présence là est un pas sur la bonne voie.

Dans la région de Zhari-Panjwayi, nous avons demandé de l’aide et le gouvernement afghan a fait l’impossible pour collaborer avec nous. N’oublions pas que l’Armée nationale afghane en est à ses premiers balbutiements. Les bataillons sont créés et dirigés par un centre de formation à Kaboul qui les affecte ensuite aux diverses provinces du pays. Soixante-quinze pour cent du pays se porte bien, mais le sud et l’est constituent encore un défi considérable.

Il y a environ un mois, après avoir accueilli quelques centaines de soldats afghans constitués en compagnies et bataillons, nous avons commencé à occuper un peu plus de place sur la route qu’on appelle route Summit dans cette région.

Les soldats afghans ont aussi une famille. Ces soldats arrivent d’autres provinces. À l’origine, on nous les avait envoyés pour qu’ils nous aident, puis les autorités ont décidé de les renvoyer chez eux et de trouver une solution permanente. D’autres soldats ont pris leur place.

Le sénateur Moore: Des soldats afghans?

Le bgén Howard: Oui, et cette rotation se poursuivra.

Ainsi, quand on a interrogé le capitaine à ce sujet, il avait tout à fait raison de dire que des soldats afghans avaient dû retourner dans leur province d’origine. Toutefois, ces soldats ont été remplacés. Nous comptons actuellement de 300 à 400 soldats afghans dans notre région.

Il faut s’armer de patience. Il faudra énormément de temps, de patience et d’efforts, mais cela ne nous découragera pas. Je suis convaincu que dans les semaines et mois à venir, des progrès seront réalisés le long de cette route; la collectivité locale le souhaite. Ce sont les talibans qui ne veulent pas de cette route. Or, nous leur avons déjà montré dans le passé que, quand nous prenons un engagement, nous le tenons.

Je ne veux pas sous-estimer la tâche ou vous donner l’impression que ce défi sera facile à relever, mais j’estime que nous devons être optimistes. Je sais que nous connaîtrons du succès sur cette route.

Le sénateur St. Germain: Merci, brigadier-général Howard, d’être venu aujourd’hui.

Comme je l’ai dit plus tôt, j’ai eu l’honneur et le privilège d’avoir pour compagnon de voyage, entre Vancouver et Ottawa aujourd’hui, le général Fraser. Mes questions découlent de la conversation que nous avons eue.

Le principal défi est celui de la communication. Les bonnes nouvelles ne font pas vendre les journaux. J’ignorais que le général Fraser comptait présenter des allocutions. Comment pouvons-nous mieux faire connaître l’excellent travail qui se fait là-bas?

Après en avoir discuté avec le général Fraser et vous avoir entendu pour la deuxième fois, je suis certain que vous ne mettriez jamais en jeu vos brillantes carrières militaires en déformant les faits, mais les faits encourageants et positifs ne sont pas communiqués au public.

Y a-t-il une initiative visant à informer le public des améliorations totalisant 20 millions de dollars qui ont été apportées par le général Fraser lorsqu’il était là-bas? Le sénateur Moore a parlé de certaines régions qui ont été plus durement touchées. Mais a-t-on pensé à organiser une série d’allocutions à l’échelle du pays afin que les Canadiens comprennent bien à quoi servent leurs impôts?

Le comité du sénateur Kenny a fait de l’excellent travail. Moi, je suis un nouveau membre de ce comité. J’ai l’impression si nous ne communiquons pas les bonnes nouvelles, elles ne seront pas connues, car nous ne pouvons compter sur les médias traditionnels.

Le bgén Howard: Au ministère de la Défense nationale, toutes les communications sur l’Afghanistan relèvent de notre service des affaires publiques. Je m’écarterais de mon champ de compétence si je vous décrivais avec précision cette stratégie. Vous voudrez peut-être leur poser la question.

La semaine dernière, le ministre a parcouru le pays. J’estime qu’il a alors eu une bonne occasion de transmettre son message. J’ai aussi indiqué que le général Fraser prononcera des discours un peu partout au pays. Le général Hillier parle souvent de l’Afghanistan, tout comme le brigadier-général Tim Grant.

Pour ce qui est d’une stratégie d’ensemble, je crains de ne pouvoir vous en dire plus.

Le sénateur St. Germain: Ma prochaine question sera brève. À ma surprise — pas à ma grande surprise, c’est vrai — j’ai constaté que le Parlement afghan était encore très fragile.

Apparemment, le Parlement est composé du président Karzai, tout en haut, et, d’une part, les gouverneurs, nommés à ce poste, qui sont présents comme le veut la tradition et qui reçoivent des fonds et, d’autre part, le Parlement et les parlementaires qui travaillent sur le terrain. Or, il semble que les parlementaires ne disposent pas des mêmes ressources que les gouverneurs. En conséquence, il n’est pas étonnant qu’on ait tant de mal à mettre sur pied une police et des forces de sécurité. La chaîne de commandement en Afghanistan semble n’en être encore qu’à ses débuts et a du mal à s’établir. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet et sur la question de savoir si cela influe sur l’exécution de notre mission là-bas?

Le bgén Howard: C’est une excellente question. Les principaux piliers de notre stratégie en Afghanistan — même si nous ne sommes pas les chefs de file à cet égard — sont la sécurité, le développement et la gouvernance. Vous venez de faire mention du pilier de la gouvernance; à tout le moins, nous avons un président élu et avons tenté de faire élire les parlementaires. Quatorze Canadiens travaillent à Kaboul au sein de l’équipe d’aide stratégique pour la réforme de la sécurité et de la défense, et aident le chef d’état-major et le président dans la planification stratégique.

Au cœur de l’avenir de l’Afghanistan, outre l’établissement d’une zone de défense aérienne et le renforcement de l’Armée nationale afghane et de la Police nationale afghane, se trouve un gouvernement efficace. Nous devons et nous voulons prendre des mesures immédiates contre la corruption. C’est l’objectif qui a été énoncé. Cela prendra toutefois du temps; comme vous l’avez souligné, nous partons de zéro. Il nous faut donc de la patience et des efforts. Il est vrai qu’à l’heure actuelle, les progrès sont très lents.

Le sénateur Atkins: Brigradier-général Howard, nos commandants croient-ils au leadership des officiers de l’armée et de la police, ou se demandent-ils jusqu’à quel point ils peuvent compter sur ces forces?

Le bgén Howard: Nous tentons d’établir un partenariat avec les forces de sécurité nationales afghanes. Nous le faisons sur le terrain, face à face. Ainsi, le Mentorat d’observateurs et équipes de liaison a travaillé auprès des échelons inférieurs de l’Armée nationale afghane et a été très efficace. Nous avons constaté que les soldats afghans sont mieux en mesure de mener des opérations quand nous leur donnons un coup de main, quand, par exemple, nous pouvons leur fournir quelques appareils de communication supplémentaires et quelques déclencheurs.

Chaque fois que nous tentons de les aider et qu’ils côtoient les grands soldats canadiens professionnels, les compétences des Canadiens déteignent un peu sur eux. Il en va de même au centre de formation. C’est pendant cette interaction, là où les Afghans ont un modèle, qu’ils peuvent voir ce que font les soldats et les officiers, qu’ils apprennent le plus. Les progrès sont très graduels, mais nous commençons à voir la professionnalisation de la force. L’Armée nationale afghane compte déjà environ 30 000 soldats. Toutefois, ce genre de croissance prendra des années.

J’ai fait mention de la corruption et nous tentons de la combattre en parlant au gouverneur de Kandahar. Nous sommes là pour aider les Afghans, nous devons être diplomates. Cependant, nous ne prétendrons pas que tout va bien quand ce n’est pas le cas. Si nous constatons un problème, nous tentons de le régler tout en respectant les méthodes locales. Mais nous ne ferons pas abstraction des cas de corruption que nous constatons.

Le sénateur Atkins: Les membres de l’armée afghane ne considèrent-ils pas que leur travail est très risqué si on le compare à un emploi ordinaire, à un job quelconque au sein de l’économie?

Le bgén Howard: Nous tous qui portons l’uniforme assumons une responsabilité illimitée, ce qui représente un risque très élevé. C’est le cas pour eux comme pour nous.

Il est vrai que j’ai entendu dire que les soldats de l’Armée nationale afghane étaient fatigués, car ils sont loin de leurs foyers pendant de longues périodes, mais ils ont pris l’engagement de favoriser l’épanouissement de leur pays. C’est vraiment l’une des principales mesures. Au fur et à mesure que les réseaux de sécurité s’amélioreront en Afghanistan, les Afghans auront de moins en moins besoin de nous. La situation actuelle n’est qu’une étape qui mènera à un avenir meilleur.

Je ne voudrais toutefois surtout pas sous-estimer le défi que cela représente et qui est considérable.

Le sénateur Atkins: Estimez-vous que les commandants afghans maîtrisent bien les troupes?

Le bgén Howard: Je ne fais pas personnellement affaire avec les commandants. Lors de votre visite, vous pourrez mieux juger de la situation. Il serait bon de leur poser la question. Nous travaillons certainement très fort avec eux.

Les Forces armées canadiennes ont une grande expérience du travail avec d’autres armées. Nous avons eu des contacts, par exemple, avec des forces armées de l’Afrique. Cela nécessite beaucoup de patience et de formation. Déjà, nous estimons que les forces armées sont plus professionnelles. Est-ce difficile pour les Afghans? Certainement. Ont-ils l’habitude de diriger des forces armées professionnelles? Ils s’améliorent chaque jour, même si les progrès sont lents.

Le président: Brigadier-général Howard, au nom du comité, je vous remercie beaucoup d’être venu aujourd’hui. Nous vous en savons gré. J’indique aux membres du public que s’ils ont des questions ou des observations, ils peuvent se rendre sur notre site Web au www.sen-sec.ca. Ils y trouveront les témoignages et la confirmation des heures de séance. Ils peuvent aussi communiquer avec la greffière du comité au 1-800-267-7362 pour de l’aide ou de plus amples informations.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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