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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 2 - Témoignages du 16 mai 2006


OTTAWA, le mardi 16 mai 2006

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 heures, pour examiner la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999, chap. 33), conformément à l'article 343(1) de ladite loi.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare la séance ouverte et je vous présente mes excuses pour le retard. Je souhaite la bienvenue à tous les membres du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous sommes réunis aujourd'hui pour permettre aux sénateurs d'être mieux informés sur les enjeux entourant la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, afin qu'ils puissent déterminer les aspects qui doivent faire l'objet d'un examen, la mesure dans laquelle on doit les revoir et les recommandations devant figurer dans le rapport du comité.

D'Environnement Canada, les témoins sont Cécile Cléroux, sous-ministre adjointe, Direction générale de l'intendance environnementale, et John Moffet, directeur général intérimaire, Systèmes et priorités. Nous entendrons aussi Paul Glover, directeur général, Programme de la sécurité des milieux de Santé Canada, et Daniel Blasioli, avocat- conseil du ministère de la Justice.

Le comité aimerait bien que les témoins le conseillent sur les aspects de la LCPE sur lesquels il devrait se pencher. Il décidera de l'orientation que prendra son étude après avoir recueilli les témoignages des représentants du gouvernement, de l'industrie et des ONG.

Cécile Cléroux, sous-ministre adjointe, Direction générale de l'intendance environnementale, Environnement Canada : Nous sommes très heureux de comparaître devant ce comité. Nous aimerions commencer par vous présenter la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1999 et ce qu'elle englobe, après quoi nous répondrons volontiers à vos questions.

Je vois que beaucoup, parmi vous, ont reçu le cahier que nous avons distribué. Je pense qu'il serait bon de le parcourir, même si je ne m'arrêterai pas à chaque page. Nous vous expliquerons son contenu afin que vous puissiez vous y référer à l'avenir.

Le sénateur Angus : Nous croyions que vous alliez nous questionner pour voir si nous avions bien fait nos devoirs et nous noter en conséquence.

Mme Cléroux : Ce serait bien de pouvoir inverser les rôles, mais non, nous ne nous lancerons pas dans cette voie. En passant en revue toute la documentation, chacun saura exactement ce qui se trouve à sa disposition et sera en mesure d'appuyer ses propos.

Si cela vous convient, c'est M. Moffet qui donnera la présentation et nous répondrons ensemble à vos questions par la suite.

Le président : Le sénateur Cochrane, représentant le gouvernement, vient de se joindre à nous. Nous avons présenté nos témoins.

John Moffet, directeur général intérimaire, Systèmes et priorités, Environnement Canada : Cette présentation comporte trois volets. Premièrement, nous voulons vous donner un aperçu des objectifs et des principes qui sous- tendent la loi. Deuxièmement, je m'attarderai à décrire les divers problèmes pour lesquels le gouvernement pourra ou devra intervenir, selon la loi. Troisièmement, comme vous le savez, le Comité de l'environnement et du développement durable de la Chambre a entrepris un examen de la mesure législative, et nous avons préparé quelques documents à cet effet. Nous vous ferons part de nos conclusions générales.

La loi, comme vous le savez ou comme vous allez le constater, est un document volumineux. Elle s'articule autour de trois grands principes.

Elle permet au gouvernement de contribuer au développement durable de façon particulière, c'est-à-dire en l'encourageant et en l'obligeant à prendre des mesures de prévention de la pollution. Comme le veut l'adage, mieux vaut prévenir que guérir. C'est le but de la protection de l'environnement, et c'est ainsi depuis l'élaboration de la loi dans les années 1990.

La loi renferme aussi des dispositions selon lesquelles le gouvernement doit intervenir de façon coordonnée, conformément aux lois fédérales, mais aussi en collaboration avec les provinces et les territoires. Pour la mise en œuvre de la loi, nous collaborons avec d'autres pays aux prises avec des problèmes semblables aux nôtres.

Troisièmement, en ce qui a trait à la prévention de la pollution, l'un des principaux objectifs de la loi est de gérer les risques que présentent certaines substances pour la santé humaine et l'environnement. En vertu des dispositions de cette loi, le gouvernement devra tenter d'éliminer pratiquement tous les rejets des produits chimiques jugés dangereux.

La LCPE se fonde sur cinq principes fondamentaux. Premièrement, le gouvernement devra intervenir selon une démarche fondée sur le risque. Nous devons comprendre les propriétés dangereuses d'une substance ou d'un polluant quelconque. Autrement dit, analyser les propriétés de la substance en laboratoire. Quelles sont ses caractéristiques toxicologiques? Mais cela ne suffit pas pour prendre des mesures. Nous devons en plus déterminer jusqu'à quel point les Canadiens et leur environnement sont exposés à cette substance. Ces deux facteurs combinés permettent d'évaluer le risque.

Deuxièmement, nous adoptons une démarche respectant l'écosystème. La loi a été élaborée dans les années 1990, mais découle de la LCPE de 1988. On a créé cette version à partir d'anciennes lois de protection de l'environnement, dont bon nombre portaient sur des questions précises telles que les contaminants de l'environnement ou la pollution de l'air.

La LCPE rassemble, autant que possible, tous les pouvoirs, et nous permet d'adopter une approche multimédia relativement aux polluants multiples, de façon à réaliser des compromis et des synergies entre l'air, l'eau et la terre.

En plus d'être axée sur le risque, la loi souligne l'importance des données scientifiques. Elle confère aux deux ministères des pouvoirs élargis leur permettant d'entreprendre des activités scientifiques, et elle nous oblige à mener divers types de recherches scientifiques et à en publier les résultats.

Quatrièmement, la loi exige que le gouvernement applique le principe de précaution dans chacune des décisions qu'il prend. Essentiellement, cela signifie que nous ne devrions pas laisser un doute scientifique nous empêcher de prendre des décisions dans l'intérêt de la santé des Canadiens ou de l'environnement.

Finalement, le principe du pollueur-payeur a fait son chemin dans les rapports et les accords internationaux. Ce principe est le suivant : les décideurs, les particuliers ou les entreprises qui polluent et qui, de ce fait, occasionnent des frais à la société, devraient assumer le coût de leurs actes, plutôt que ce soient les contribuables. Dans certains cas, si on n'agit pas, ce sont les générations futures qui en paieront le prix.

La LCPE n'est pas la seule à régir l'environnement. Il y a de nombreuses autres lois fédérales qui traitent de questions environnementales. Bien que ce soit une loi très importante, ce n'est pas la seule.

La LCPE est liée à d'autres lois de protection de l'environnement et souvent, elle garantit une protection de base. Prenons l'exemple des nouvelles substances. Si la LCPE stipule qu'une autre loi autorise le même type de régime de notification, d'évaluation et de gestion de nouvelles substances et que le régime en question équivaut à celui de la LCPE, cette loi aura préséance. On évite ainsi les chevauchements.

Certaines agences sont expertes en matière de semences et de pesticides. Ce sont donc elles qui procéderont à l'évaluation et qui assumeront leurs décisions. Si elles ne sont pas en mesure de le faire, la LCPE prendra le relais.

Il est important de comprendre que la LCPE porte sur la pollution et non sur la gestion des ressources naturelles. Il y a d'autres lois fédérales qui traitent de la nature et de la gestion des ressources naturelles. Évidemment, le rôle des provinces prend toute son importance dans ce domaine.

Comme je l'ai mentionné précédemment, la LCPE exige du gouvernement fédéral qu'il consulte les provinces et les territoires. Parmi toutes les lois fédérales de protection de l'environnement, la LCPE est celle qui vise à assurer une protection minimale.

Pour mettre en œuvre la loi, nous devons collaborer le plus possible. En discutant avec d'autres intervenants, vous apprendrez comment les deux ministères s'y sont pris pour l'appliquer par le passé.

Nous ne voyons pas la loi strictement comme un instrument de protection de la santé et de l'environnement. Nous croyons qu'il est important d'appliquer la loi en tenant compte de ses répercussions sur l'industrie et de notre position par rapport à celle des autres pays aux prises avec les mêmes problèmes environnementaux. En effet, le Canada ne peut régler seul beaucoup de ces problèmes. Il achète 80 p. 100 de ses produits à l'étranger et, en fait, il n'a aucun contrôle sur leur fabrication. Il faudrait travailler en étroite collaboration avec ces pays pour en arriver à une solution satisfaisante.

Enfin, autant dans l'administration que dans l'examen de la loi, nous devons garder à l'esprit que la LCPE vise à protéger l'environnement non seulement aujourd'hui, mais aussi dans l'avenir.

La LCPE est une loi importante qui nous confère des pouvoirs étendus pour régler un certain nombre de problèmes. Même si elle n'est pas la seule loi de protection de l'environnement, elle nous permet d'intervenir dans plusieurs domaines. Elle nous permet notamment de contrôler les nouvelles substances qui arrivent sur le marché canadien. Avant qu'une nouvelle substance ne soit mise sur le marché, celui qui souhaite l'importer ou la fabriquer doit aviser Santé Canada et Environnement Canada, et nous fournir tous les renseignements obligatoires. Il doit ensuite nous accorder le délai prescrit par le règlement pour évaluer les risques qu'elle présente. Nous déterminerons ensuite si on peut l'accepter au Canada, si on doit imposer des conditions sur son utilisation ou l'interdire.

La loi vise aussi les substances arrivées sur le marché avant l'entrée en vigueur des nouvelles règles et qui continuent d'être commercialisées. En vertu de la loi, nous pouvons examiner ces substances, évaluer les dangers qu'elles présentent et prendre les mesures de gestion des risques qui s'imposent.

La LCPE renferme aussi certaines dispositions nous permettant d'analyser les émissions atmosphériques provenant de toute une série de véhicules, moteurs et carburants. D'ailleurs, notre réglementation exhaustive nous permet d'être au moins aussi rigoureux que nos homologues américains.

La loi réglemente aussi l'immersion en mer de façon à ce que quiconque veut déverser des matières draguées, des débris de construction, et cetera dans l'océan doive obtenir un permis et démontrer que le recyclage et la réutilisation sont impossibles. Il doit aussi prouver que l'évacuation en mer constitue la seule solution viable. De plus, la loi précise qu'on ne peut déverser qu'une petite quantité de substances.

Elle donne également au gouvernement fédéral le pouvoir de s'attaquer aux sources de pollution de l'air et de l'eau à l'échelle internationale qui peuvent relever de la compétence d'une province. Lorsque ces sources contribuent à polluer un autre pays ou sont visées par un accord international que le Canada a signé, le gouvernement fédéral peut intervenir pour les contrôler. Le gouvernement suit une procédure selon laquelle il doit communiquer avec la province concernée pour vérifier si elle prendra des mesures pour remédier au problème.

La loi prévoit un régime exhaustif pour assurer le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux. La surveillance des installations d'élimination de déchets, des sites d'enfouissement, relève des provinces. Cependant, la LCPE stipule que des permis sont nécessaires pour les produits dangereux recyclables et certains autres types de déchets solides qui traversent les frontières interprovinciales ou internationales et ce, afin de suivre la trace des substances en question et de s'assurer qu'elles sont gérées de la manière la plus respectueuse de l'environnement qui soit — une expression qui est d'ailleurs définie dans la loi.

La loi nous confère aussi le pouvoir d'exiger des établissements qu'ils élaborent des plans d'urgence environnementale pour être en mesure d'intervenir le plus efficacement possible en cas d'alerte. La réglementation découlant de la loi vise une vaste gamme de substances et un grand nombre d'établissements au Canada. De cette façon, on s'assure que ces derniers sont prêts à faire face à des urgences environnementales. En outre, aux termes de cette loi, le gouvernement fédéral a la compétence pour prendre des mesures en cas d'urgence environnementale lorsque personne n'intervient. Il peut aussi offrir une assistance technique ou divers types de soutien pour veiller à ce que les urgences environnementales soient gérées de façon adéquate.

Enfin, en vertu de la loi, le gouvernement fédéral a le vaste pouvoir d'établir un régime de réglementation visant à régler les problèmes environnementaux causés par les activités fédérales sur les terres autochtones. Certaines dispositions de la loi s'appliquent aux établissements et aux terrains fédéraux ainsi qu'aux terres autochtones, contrairement aux lois environnementales provinciales en général.

Diverses lois environnementales fédérales et provinciales protègent les Canadiens qui vivent sur des terres provinciales ou dans des réserves. Les lois fédérales s'appliquent aux réserves. Par exemple, ici à Ottawa, les terrains de la capitale nationale ne sont pas assujettis aux lois ontariennes ni aux lois québécoises de protection de l'environnement. Pour combler ce vide, la LCPE nous permet d'établir un régime équivalent, si c'est ce que souhaite le gouvernement.

La loi nous permet essentiellement d'adopter une approche comparable pour régler les divers problèmes. Afin de comprendre un problème, elle nous confère de larges pouvoirs pour l'analyser, mener des activités scientifiques, écouter la population et recueillir les renseignements nécessaires. Nous pouvons ensuite évaluer les risques particuliers de manière à comprendre leur origine et à mieux cibler les efforts de gestion des risques. La LCPE nous offre un vaste éventail de mécanismes de gestion des risques; nous sommes loin du simple mécanisme qui nous permet de remédier à un problème d'une seule façon. Elle nous accorde notamment un pouvoir étendu de réglementation, le pouvoir d'appliquer divers instruments économiques, comme des mécanismes de consignation et des permis échangeables, ainsi que le pouvoir d'exiger des plans de prévention de la pollution. Nous pouvons établir des codes de pratiques et des lignes directrices et mettre au point des outils adaptés aux problèmes.

La loi ne précise pas comment choisir les outils. C'est à la discrétion du gouvernement, et le parti au pouvoir peut faire les choix qu'il juge bons. L'important, c'est que nous disposions maintenant d'une série d'outils, grâce à la mise en œuvre de la LCPE de 1999. En effet, beaucoup d'autres lois de protection de l'environnement n'offrent pas de tels outils aux gouvernements.

En vertu de cette loi, nous sommes également en mesure de veiller à l'observation des règles et d'évaluer les conditions environnementales à la suite de nos interventions. Nous sommes également tenus de rendre publiques ces conditions environnementales; le public peut donc obliger le gouvernement et les parties réglementées à rendre des comptes.

La loi nous confère aussi de vastes pouvoirs d'exécution; elle nous permet donc de décider comment réagir à une situation particulière. Nous pouvons intervenir très modestement lorsqu'il y a une bonne volonté évidente et que l'accident est tout à fait fortuit ou qu'il y a une simple inobservation technique. Mais, nous pouvons aller jusqu'à intenter des poursuites pour faire respecter la loi dans le cas d'une intention ou d'une négligence criminelle évidente.

Le gouvernement devrait voir la mise en œuvre comme une question cyclique. Lorsque nous nous attaquons à un nouveau problème, nous pouvons tirer parti des leçons tirées de nos interventions précédentes. Nous devons constamment adapter nos méthodes aux problèmes auxquels nous nous heurtons plutôt que simplement prendre un règlement et espérer que la situation s'arrange d'elle-même.

Enfin, je vais vous donner quelques détails sur la façon dont nous nous sommes préparés au processus d'examen parlementaire. Nous croyons et espérons que cela vous aidera également dans vos travaux.

Les deux ministères ont demandé à des évaluateurs indépendants de réaliser des évaluations formatives externes de la mise en œuvre de la loi. Le cahier que nous vous avons distribué contient la version finale de l'évaluation commandée par Environnement Canada. Si nous avons bien compris, l'évaluation de Santé Canada n'est pas finalisée, mais je suis certain que M. Glover sera heureux de vous dire où elle en est. Le cahier renferme également la réponse d'Environnement Canada à cette évaluation. Vous y trouverez les problèmes décelés par les évaluateurs ainsi que les recommandations pour y remédier. Nous adhérons à toutes leurs conclusions. Nous souhaitons que cette évaluation vous guidera dans votre examen.

Nous avons également organisé des discussions avec divers intervenants, de deux différentes façons. Les représentants des deux ministères ont contribué à l'élaboration d'un document de travail sur les questions susceptibles d'intéresser les Canadiens. Ni le ministre ni le cabinet ne l'ont approuvé. Nous avons publié ce document sur Internet et demandé aux gens de le commenter. Nous vous en avons remis une copie; il renferme un certain nombre de questions qui pourraient vous intéresser. Vous avez également un résumé, rédigé par un consultant, des commentaires reçus par Internet.

Nous avons également présenté ce document partout au pays et organisé, dans six villes, des ateliers publics au cours desquels les Canadiens étaient invités à s'exprimer. Santé Canada et Environnement Canada ont participé à ces discussions. Nous avons recueilli les témoignages de Canadiens de tous les horizons, depuis des citoyens intéressés et des membres de la société civile jusqu'à des représentants d'industries, d'administrations municipales et de gouvernements provinciaux. Nous vous avons également remis une synthèse, réalisée par un consultant indépendant, de ce qui s'est dit durant ces discussions.

La première chose qui est ressortie, c'est que la LCPE est fondamentalement pertinente. J'espère qu'on ne donne pas l'impression d'être sur la défensive. La loi a été complètement révisée dans les années 1990, et les intervenants estiment qu'elle confère au gouvernement les pouvoirs dont il a besoin. Chacun souhaiterait modifier ou préciser quelque chose, mais essentiellement, la structure de la loi est bonne, d'après les intervenants. Toutefois, nous devons vraiment nous concentrer sur l'amélioration de la mise en œuvre.

Dans l'ensemble, la LCPE est une loi habilitante. Elle permet au gouvernement d'intervenir dans de nombreux domaines. Selon les intervenants, nous devons nous concentrer sur les décisions relatives à la mise en œuvre dans les limites de nos pouvoirs. Nous attaquons-nous aux vrais problèmes, et si oui, est-ce de la façon la plus efficace? Avons- nous appris à tirer profit des nombreux outils à notre disposition en vertu de la loi? La plupart des gens veulent que nous continuions à mettre la loi en œuvre et que nous améliorions son application.

Nous avons hâte de recevoir les recommandations de ce comité ainsi que celles du comité de la Chambre sur les moyens concrets que nous pourrions prendre pour améliorer la mise en œuvre de la loi.

Mme Cléroux : En plus des documents que M. Moffet a mentionnés pendant sa présentation, vous avez un aperçu du processus. Je vais emprunter la version anglaise, car j'ai la version française entre les mains et je ne traduis pas simultanément.

Le président : Vous pouvez vous exprimer dans la langue de votre choix.

[Français]

Mme Cléroux : Nous devrions continuer en français. J'utiliserai la copie devant moi.

Le sénateur Angus : Excusez-moi, quand vous dites « over here » qu'est-ce que cela veut dire? Dans le cartable?

Mme Cléroux : Dans le cartable. Ce cartable de présentation contient des documents complémentaires à ceux présentés tantôt et aussi certains des documents déjà mentionnés dans la présentation de M. Moffet. Vous y retrouverez une révision générale du processus d'examen de la loi. Vous avez aussi une évaluation avec la réponse de la gestion par rapport à cette évaluation, celle qui vient de Santé Canada, nous complèterons l'information par la suite. Vous avez la révision des différentes étapes franchies par les deux ministères afin de se préparer pour la révision en cours présentement. Vous avez les fiches d'information qui ont été produites au cours des six dernières années pour le public en général, relativement à l'application de la loi. À l'intérieur, nous avons joint des fiches se rapportant à certaines sections de la loi pour informer les citoyens des différents pouvoirs habilitant ou des obligations en vertu de la loi. Vous retrouverez aussi le guide explicatif qui a été produit suite à l'adoption de la loi, c'est une version résumée comparativement à la brique de la LCPE. Vous avez aussi le diagnostic, fait par les fonctionnaires des deux ministères, qui fut le document de base pour les consultations et auquel M. Moffet faisait référence. Vous avez les rapports des commentaires reçus, la liste où l'annexe un, qui inclut la liste des substances dites toxiques, c'est-à-dire les substances qui, une fois qu'elles ont franchi la partie V de la loi, sont reconnues comme étant des substances qui demandent une gestion particulière en vertu de la protection à la fois des êtres humains et de l'environnement. Vous avez aussi le rapport annuel, soit la dernière édition publiée de 2003-2004 qui fait référence aux actions de cette année ; celui de 2004-2005, désolé, sera publié à l'automne 2006. C'est l'ensemble des documents que vous retrouverez à l'intérieur du cartable.

Si vous souhaitez que l'on vous indique certains des éléments particuliers de ces documents, c'est avec plaisir que nous pourrons le faire par la suite.

Nous voulions fournir une documentation de base afin que vous ayez accès à l'ensemble des données disponibles sans parcourir les différents sites Internet sur le sujet.

[Traduction]

Le président : Une fois que le comité aura examiné vos recommandations, il est probable que nous vous demandions de revenir témoigner pour répondre à des questions plus précises.

Mme Cléroux : Nous reviendrons avec plaisir répondre à ces questions.

Le sénateur Angus : Je crois que le témoin parlait du gros cartable et de toute la documentation qui s'y trouve. Elle ne sait pas ce à quoi le comité s'intéresse, et je préférerais donc commencer tout de suite à lui poser des questions. C'est ce qui permettrait peut-être à Mme Cléroux d'avoir une idée de nos préoccupations. C'est seulement une proposition, et le sénateur Cochrane m'approuve.

Monsieur le président, je suis arrivé en retard et j'ai peut-être manqué la comparaison que vous avez pu faire entre nos travaux et ceux du comité de la Chambre des communes. C'est une entreprise gigantesque.

Le président : Comme nous en avons discuté, nos premières réunions vont servir à recueillir des renseignements et à obtenir des fonctionnaires ainsi que des représentants de l'industrie et des ONG des explications sur les aspects de la LCPE qui sont importants pour eux, selon leur sphère de responsabilités et d'expertise. Le comité sera ensuite mieux placé pour déterminer ce sur quoi il va concentrer son étude.

Nous ne prendrons pas de décision tout de suite à ce sujet. Nous allons attendre d'en savoir davantage. Nous allons rester en communication avec le comité de la Chambre des communes dirigé par M. Mill pour veiller à ne pas jouer dans les mêmes plates-bandes que lui. Si nos travaux se recoupent, ce sera voulu. Une fois que nous aurons entendu les fonctionnaires et les représentants des ONG et de l'industrie, nous allons déterminer ce que nous allons examiner, puis demander à certains témoins de revenir nous rencontrer pour discuter de questions plus précises. Je suis sûr que les sénateurs vont convenir qu'il est logique de s'informer.

Le sénateur Angus : Je comprends. Les témoins ont indiqué clairement aujourd'hui que la LCPE est la loi-cadre sur la protection de l'environnement au Canada. Le comité sait comment les questions environnementales fonctionnent ou non au Canada, ce qui devrait nous aider dans notre étude. J'aimerais poser quelques questions en guise d'introduction. J'espère ne pas mal exprimer ce que les autres sénateurs pensent. Il y a des questions évidentes, compte tenu de notre expérience et de ce que nous entendons ce soir, ce qui confirme tout ce que j'ai toujours pensé. La commissaire à l'environnement et au développement durable vient nous rencontrer régulièrement pour nous exposer sa vision du monde. Elle est très révélatrice et il ne serait pas mauvais qu'elle oriente nos questions.

Le président : Je suis d'accord avec vous. Avant de passer aux questions, je veux m'assurer que les témoins ont fini leur exposé.

Le sénateur Angus : Toute leur science se trouve dans ce gros cartable, d'après eux. Je comprends qu'il n'est pas possible de nous le lire.

Le président : Ce n'est pas ce que nous leur demandons. Je veux simplement m'assurer que Mme Cléroux et ses collaborateurs ont terminé leur exposé avant de passer aux questions.

Mm Cléroux : Si le comité le veut bien, M. Glover et M. Moffet vont fournir des compléments d'information. Après cela, ce sera aux sénateurs de décider.

Le président : Êtes-vous d'accord? Sénateur Spivak, avez-vous une question de procédure à poser?

Le sénateur Spivak : D'habitude, les ministres comparaissent au début et à la fin des examens d'envergure de ce genre. Est-il prévu que la ministre vienne nous rencontrer?

Le président : Elle a été invitée, mais nous n'avons pas reçu de réponse.

Le sénateur Angus : Sénateur Spivak, les ministres comparaissent normalement quand ils sont en poste depuis assez longtemps, et pas seulement depuis quelques jours. C'est tout ce que je voulais dire.

Le sénateur Spivak : Non, non.

Le sénateur Angus : Je ne dirais pas que c'est la pratique courante.

Le sénateur Spivak : Sans vouloir vous offenser, sénateur Angus, ce n'est pas pour qu'elle réponde à des questions précises, ce que les fonctionnaires ont fait, mais plutôt pour connaître son point de vue sur les grandes orientations, parce que c'est la seule à pouvoir répondre aux questions de cette nature. Peu importe depuis combien de temps le ministre est en poste, il comparaît presque toujours à une étape ou à une autre au cours de l'étude du comité, du moins au début et à la fin. Ce n'est pas pour critiquer la ministre d'aucune façon.

Le sénateur Angus : On dirait. La ministre nous a promis de venir et elle va le faire.

Le président : La ministre n'est pas ici aujourd'hui.

Le sénateur Spivak : Vous avez mal interprété ce que j'ai dit.

Le président : Monsieur Glover, la parole est à vous.

Paul Glover, directeur général, Programme de la sécurité des milieux, Santé Canada : Merci, je peux peut-être vous fournir des renseignements utiles étant donné que j'ai assisté aux six séances organisées dans tout le pays.

[Français]

J'aimerais peut-être ajouter quelques points d'intérêt touchant nos citoyens.

[Traduction]

Je peux peut-être vous faire part de quelques-uns des commentaires exprimés par les citoyens au cours de ces six ateliers. Ils portent sur toutes sortes de sujets, et je ne dis pas que le ministère les approuve nécessairement. Cependant, ces sujets vont sûrement être soulevés par l'un ou l'autre des témoins qui viendront vous parler de la LCPE.

Nous ne nous prononçons pas sur la justesse de ces propos, mais on a formulé beaucoup d'hypothèses sur les ressources dont disposent les ministères pour faire appliquer la loi. L'industrie se demande si nous pourrons établir au rythme voulu un régime sur les substances qu'elle élabore, fabrique et importe. Dans certains cas, nous parlons d'un plan de travail qui s'échelonne sur 25 ans. C'est un peu long et la stabilité n'est pas assurée.

Les ONG et les citoyens intéressés aimeraient que nous en fassions plus et plus rapidement. Les ministères peuvent expliquer avec transparence ce qu'ils ont et ce qu'ils peuvent faire avec cette somme. L'industrie, les ONG et d'autres s'interrogent sur les ressources dont disposent les ministères pour faire appliquer cette loi de portée très générale.

Le sénateur Angus : Monsieur le président, j'invoque le Règlement parce que le témoin a parlé deux ou trois fois du ministère au singulier, mais maintenant il en parle au pluriel. Vous parlez des ressources que les ministères de l'Environnement et de la Santé consacrent à la mise en application de la LCPE.

M. Glover : La LCPE est une loi qui est la responsabilité première du ministre et du ministère de l'Environnement. Santé Canada a des obligations à remplir à son égard et dispose de ressources pour la faire appliquer, surtout en ce qui concerne la santé humaine.

Les Canadiens consultés nous ont aussi parlé de « transparence » à propos de la loi. Il va s'en dire que nous allons respecter la lettre de la loi. Nous indiquons ce que nous faisons aux Canadiens, à l'industrie et aux ONG par l'entremise de la Gazette du Canada, mais les gens nous ont demandé qui lisait ce document. La méthode utilisée n'assure pas toujours la transparence qu'ils voudraient.

On nous a demandé quels étaient les objectifs du ministère et si nous étions en voie de les atteindre. Les gens voulaient aussi savoir où trouver les documents faisant rapport de l'état de l'environnement et de la santé.

On a aussi formulé des commentaires sur la responsabilité du ministre de l'Environnement de tenir un inventaire national des rejets de polluants. Le ministre de la Santé n'a pas cette obligation. Nous voyons des différences. Je ne dis pas que le ministère ne pourrait pas le faire, mais la loi ne l'y oblige pas.

Des activités comme la surveillance biologique seront entreprises et le fonds de défense de l'environnement veut examiner le sang de 11 Canadiens de premier plan. Il y a aussi le rapport Wendy Mesley. La LCPE n'impose aucune obligation au gouvernement fédéral à ce sujet, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays.

Il est difficile d'évaluer où nous en sommes à propos des objectifs en matière de santé, si nous sommes allés trop loin ou pas assez. Ce sont les questions qui ont été clairement soulevées par les ONG, l'industrie et d'autres lors des consultations.

Pour ce qui est des communications, on nous a parlé de la définition de ce qui est toxique dans la LCPE. La loi donne un sens est très précis à ce terme. Il a beaucoup été question de la confusion créée quand une substance toxique intrinsèquement n'est pas toxique au sens de la loi et vice-versa, c'est-à-dire quand elle n'est pas toxique intrinsèquement mais est toxique au sens de la loi. L'industrie et les ONG nous ont parlé de questions du genre.

L'outil de mise en application, comme mon collègue M. Moffet l'a dit, est très souple, mais utilisons-nous tous les outils mis à notre disposition? Les utilisons-nous suffisamment?

C'est principalement ce que nous avons entendu au cours des consultations et ce que vous devriez entendre au cours de votre étude.

M. Moffet : Nous vous avons fourni de nombreux documents. J'espère que vous aurez le temps de tous les examiner, malgré votre horaire chargé. J'aimerais attirer plus particulièrement votre attention sur deux d'entre eux.

Premièrement, à l'onglet B, vous trouverez le rapport produit par les évaluateurs, qui ont effectué l'évaluation formative de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. C'est un document volumineux, mais le résumé est assez concis.

Si vous l'examinez plus en détail, vous constaterez que l'évaluation traite d'enjeux très précis. Le résumé énonce des questions générales qui peuvent susciter l'intérêt du comité. Il demande si le gouvernement s'est fixé les bons objectifs pour orienter la mise en œuvre de la loi, déterminer les priorités et vérifier si c'est suffisant.

L'évaluation met aussi l'accent sur d'autres questions de portée générale comme la pertinence de l'autorité et la capacité de l'administration d'utiliser les instruments économiques comme moyens jugés généralement utiles et efficaces. Ces instruments sont moins utilisés au Canada que dans d'autres pays de l'OCDE pour la protection de l'environnement.

L'évaluation insiste aussi beaucoup sur la mise en œuvre sur le plan fédéral. Elle traite de thèmes généraux.

À l'onglet G, vous trouverez le document de diagnostic que les deux ministères ont rédigé en vue des consultations avec les intéressés. Ce document examine les orientations idéales en matière de protection de l'environnement, en indiquant les domaines précis où la loi devrait être améliorée.

Contrairement à l'évaluation, qui porte surtout sur l'application de la loi, le document de diagnostic traite principalement de questions législatives. Comme je l'ai souligné plus tôt, il part du principe que la structure fondamentale de la loi est solide, mais que quelques améliorations pourraient y être apportées. On indique des améliorations possibles, sans toutefois proposer un libellé précis.

Ces deux documents en particulier peuvent vous être utiles.

[Français]

Mme Cléroux : Il nous fera plaisir de revenir, à votre demande, si nécessaire. Il est difficile pour nous d'aller plus loin présentement sans avoir une idée des éléments de la loi que vous souhaiteriez discuter en détail. Cette loi couvre un spectre excessivement large d'enjeux et de possibilités. Nous pouvons vous parler pendant des heures de chaque section de la loi, de ce que cela couvre, de la façon dont on l'applique et des éléments concernés. C'est pourquoi notre présentation est assez générale et donne une vue d'ensemble et non pas précise par thématique.

Il est évident que si vous voulez que l'on revienne témoigner à votre comité et que l'on complète, s'il y a des éléments spécifiques que le comité souhaiterait que nous couvrions et que nous en discutions en détails, nous reviendrons avec plaisir. Pour le moment, c'est difficile de percevoir quels sont les sujets d'intérêt du comité.

[Traduction]

Le président : Dans quelques semaines, nous aurons déterminé exactement les aspects que nous voulons examiner et de quelle façon nous allons le faire. Ensuite, nous demanderons à certains d'entre vous de revenir nous rencontrer.

Si vous le voulez bien, mesdames et messieurs, nous allons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Cochrane : Vous dites ne pas vouloir discuter de sujets précis aujourd'hui. Or, il y a des sujets précis qui me préoccupent énormément, et j'aimerais poser des questions là-dessus. Si vous n'avez pas d'objection, je vais les poser et vous me direz si c'est le bon moment pour le faire.

Mme Cléroux : Il n'y a pas de problème. Nous répondrons à chacune de vos questions dans la mesure où nous le pouvons. Certaines d'entre elles nous obligeront peut-être à réunir d'autres informations. Si c'est le cas, nous le ferons à la fin de la séance. Mais nous sommes à votre disposition tout de suite.

Le sénateur Cochrane : Je suis certaine que vous devrez revenir.

Le président : Je m'excuse de vous interrompre, mais je dois m'être fait mal comprendre. Je ne veux en aucune façon limiter la portée des questions que les sénateurs vont vouloir poser aux témoins. J'ai demandé aux témoins de nous donner un aperçu et des conseils. Les questions peuvent être aussi pointues et précises que nous le voulons.

Le sénateur Cochrane : Je suis sûre que nous allons vous inviter de nouveau. Nous avons tellement de questions à poser, surtout en ce qui concerne l'environnement, les produits chimiques et les substances toxiques. Ma première question a trait à la réglementation des produits chimiques toxiques.

Est-ce qu'Environnement Canada réglemente les produits chimiques toxiques? Si oui, combien y en a-t-il et comment sont-ils réglementés?

Mme Cléroux : Nous les réglementons. M. Glover et M. Moffet vont m'aider à répondre, parce que les produits ne sont pas toxiques par nature. Ils le deviennent une fois que nous avons évalué exactement les risques qu'ils comportent.

Quand ils répondent à la définition de la loi, à l'article 64 comme on dit souvent, c'est alors que nous examinons leur toxicité et que nous consultons le règlement.

Pour plus de détails, comme on touche aux aspects de la santé humaine et de l'environnement, je vais laisser M. Moffet et M. Glover poursuivre.

M. Glover : Santé Canada est chargé de l'évaluation conformément à l'alinéa 64c) de la loi, et il doit vérifier l'effet nocif sur la santé humaine des substances, et cela s'applique autant aux substances nouvelles qu'existantes. L'apparition d'un nouveau produit doit être signalée aux deux ministères qui vont l'examiner et décider s'il est nocif pour l'environnement ou la santé humaine.

On peut faire la même chose pour tous les produits existants — ceux qui sont déjà utilisés. Si les données scientifiques ont changé, ou si un produit utilisé depuis longtemps a des droits acquis et n'a jamais fait l'objet d'un examen, nous pouvons l'analyser pour prendre une décision à son sujet.

Nos interventions sont faites en fonction des risques. Nous essayons de comprendre les risques qu'une substance représente. Nous tentons de déterminer si le produit présente une toxicité intrinsèque selon les données scientifiques et s'il entraîne des problèmes de santé. Nous déterminons également la probabilité d'exposition au produit. Nous combinons ces facteurs et nous pouvons intervenir de différentes façons : nous pouvons interdire l'usage du produit. S'il est déjà utilisé, nous pouvons exiger sa quasi-élimination dans un certain délai. On peut également en autoriser l'usage, mais seulement dans certaines conditions pour qu'il ne représente pas un risque pour les Canadiens si son utilisation comporte certains avantages. Les mesures qui peuvent être prises sont très nombreuses.

M. Moffet : Vous avez demandé combien il y avait de produits. Comme M. Glover l'a expliqué, la loi prévoit un régime pour les nouvelles substances, et un autre pour les substances existantes. Dans le cas des nouvelles, la loi oblige celui qui veut importer ou fabriquer une substance qui n'a encore jamais été évaluée à faire certaines démarches. Nous recevons environ 800 avis par année et ce, depuis 1994, c'est-à-dire depuis que le règlement est en vigueur, je crois. Des milliers de produits ont ainsi été évalués et, à la suite de nos évaluations, des conditions ont été imposées à certaines substances et un petit nombre d'autres ont été interdites.

Voilà pour les nouvelles substances. Pour avoir une bonne idée de l'ampleur de la tâche en ce qui concerne les substances existantes, il faut comprendre comment nous définissons une nouvelle substance. Quand la LCPE a été adoptée en 1988, elle établissait la liste intérieure des substances, qui énumérait tous les produits sur le marché au milieu des années 1980 utilisés à partir de certains seuils. Tout ce qui ne figurait pas sur cette liste était donc une nouvelle substance, et nous avons fonctionné de cette façon pendant des années. Cependant, le Canada et tous les autres pays développés ont jugé, au cours des années 1990, qu'il n'était pas suffisant d'évaluer ces nouvelles substances; qu'il fallait tenir compte des effets des substances existantes, dont beaucoup sont toujours utilisées.

Maintenant, la loi nous confère le pouvoir de les évaluer. Nous pouvons toutes les analyser et, si nous estimons que le produit représente un risque pour les Canadiens et l'environnement, nous pouvons prendre des mesures de gestion des risques. C'est ainsi que nous déterminons si le produit répond aux critères énoncés à l'article 64 de la loi et, s'il est jugé « toxique », certaines mesures de réglementation peuvent être prises.

Jusqu'à ce jour, nous avons ajouté 79 substances à la liste des substances toxiques. Le sens du mot « substance » est très général. On parle de produits chimiques ou encore d'effluents d'usines de pâte et papier, qui comptent des dizaines sinon des centaines de produits chimiques. Nous avons jugé tous les effluents toxiques, parce qu'ils représentent un risque et doivent être examinés d'une certaine façon.

Outre ces 79 substances dont nous avons établi la toxicité, la nouvelle LCPE de 1999 nous oblige à classer les 23 000 substances ajoutées à la liste intérieure des substances. Nous devons finir d'effectuer ce travail en septembre. En septembre prochain, nous aurons réuni des renseignements sommaires sur les risques que comportent toutes ces substances, sur leurs propriétés potentiellement nocives.

En règle générale, nous ne saurons pas encore comment elles sont utilisées, ni même qui les utilise. Dans certains cas, nous ne saurons même pas si elles sont encore utilisées au Canada. Cependant, nous aurons des renseignements sommaires à leur sujet. La loi nous oblige à évaluer les substances qui répondent à certains critères énoncés dans la loi. Nous avons déterminé qu'environ 4 000 produits répondaient à ces critères et nous devrons les évaluer. Si nous concluons qu'ils représentent un risque, nous serons autorités à prendre des mesures à leur égard.

J'espère que cela vous donne une idée du nombre de produits dont nous parlons.

Le sénateur Cochrane : Combien de produits ont été interdits?

M. Moffet : Je ne peux pas vous le dire, mais nous pouvons sûrement trouver des renseignements complets là-dessus. Nous pourrions vous dire combien de demandes de nouveaux produits ont donné lieu à une interdiction. Il y a aussi un règlement sur l'interdiction de certaines substances toxiques qui indique celles qui ne peuvent être utilisées au Canada. Je ne connais pas ce chiffre par cœur, mais nous pouvons répondre à votre question par écrit.

Mme Cléroux : Puis-je faire une petite correction? M. Moffet a parlé de ce que vous trouvez dans vos cartables à l'onglet K, c'est-à-dire la liste des substances toxiques, l'annexe I de la loi. Il a dit qu'il y avait 79 substances, mais il s'agit plutôt de classes de substances. Il y en a plus que 79, mais leur nombre exact dépend de tous les composés chimiques de chacune.

Le président : Monsieur Moffet, pouvez-vous fournir à la greffière la liste des substances qui ont été « interdites », pour reprendre votre terme, même si ce n'est pas le mot juste, n'est-ce pas?

M. Moffet : C'est un terme juridique très technique. Nous allons vous fournir la liste de toutes les sortes d'interdiction, les substances qui sont visées et comment elles ont été interdites. Est-ce que cela vous serait utile?

Le président : Oui, merci.

Le sénateur Cochrane : Pour être honnête avec vous, j'aime bien le mot « interdit ». J'aimerais poursuivre.

La loi nous autorise à procéder à la quasi-élimination des substances toxiques les plus persistantes. Voulez-vous m'expliquer ce qu'on veut dire par là? J'aimerais que vous me disiez ce qu'on entend par « quasi-élimination ».

Le président : Pourriez-vous nous dire la différence entre quasi-élimination et interdiction. En Europe, on précise simplement qu'on ne peut pas utiliser tel composé dans un produit. Ce n'est pas la même chose que de procéder à son élimination. La quasi-élimination est un objectif mobile compte tenu de l'efficacité de la mesure, n'est-ce pas? C'est une question très pertinente. Qu'est-ce que vous voulez dire par quasi-élimination?

Mme Cléroux : La principale différence entre les deux est la suivante : l'interdiction empêche l'usage de la substance au Canada. On fait tout ce qu'on peut pour qu'il n'y ait pas la moindre quantité de cette substance qui soit rejetée sur notre territoire. Normalement, nous le faisons quand la substance n'a encore jamais été utilisée au Canada. Mes collègues pourront compléter ma réponse si certaines nuances m'ont échappé.

Quand on parle de quasi-élimination, cela signifie que la substance est utilisée au Canada, la plupart du temps parce qu'elle était employée avant que les différentes lois entrent en vigueur. Notre objectif est de prendre diverses mesures afin de diminuer l'utilisation de la substance pour réduire au maximum sa disponibilité au pays. Les mesures sont normalement liées à l'usage qui est fait de la substance et à la façon dont elle est libérée.

[Français]

Certains résultent d'un procédé chimique ou d'une réaction chimique. Il ne s'agit pas nécessairement d'un produit, par exemple, qu'on achète dans une bouteille mais le résultat d'une réaction de procédés industriels ou de procédés chimiques. Voilà la différence. Il existe peut-être une nuance supplémentaire que mes collègues souhaiteraient ajouter.

[Traduction]

M. Moffet : Monsieur le président, vous venez de donner la définition précise énoncée dans la loi. La loi définit la quasi-élimination comme la réduction à un niveau inférieur à la limite de dosage, qui est essentiellement la concentration la plus faible qui peut être mesurée à l'aide des meilleures techniques qui existent. Bien que la loi ne le précise pas, il faut savoir que la limite de dosage peut varier au fil du temps, à mesure que les techniques de détection se perfectionnent; c'est pourquoi nous parlons de quasi-élimination. Nous ne pouvons jamais être entièrement certains que la substance n'existe plus du tout, mais c'est l'objectif que nous visons.

Daniel Blasioli, avocat-conseil, ministère de la Justice : Il existe une nuance que l'industrie vous fera sans doute remarquer. La loi ne prévoit pas la quasi-élimination des substances, mais plutôt de leurs rejets. C'est un point important. Les substances peuvent continuer à être utilisées, mais leurs rejets sont quasi éliminés. Si cela vous intéresse, la définition se trouve à l'article 65 de la loi.

M. Moffet : J'ajouterai que la loi exige que les ministres mettent en œuvre la quasi-élimination de certaines substances telle qu'elle est définie à l'article 65. Comme M. Blasioli l'a souligné, les ministres n'ont d'autre choix que de respecter la disposition sur la quasi-élimination des rejets. Ils sont par contre libres de déterminer ce qu'ils veulent faire à propos de l'usage d'une substance. Ils peuvent interdire son utilisation, s'ils le souhaitent, mais ils ne sont pas forcés de le faire. La loi exige seulement la quasi-élimination des rejets de la substance.

Le président : Si je mélange une substance à du plastique pour le rendre souple en vue de fabriquer un jouet, par exemple, et si l'utilisation de cette substance est suffisamment contrôlée au cours du processus de sorte qu'il n'y ait aucun rejet, et si d'après les mesures, on constate qu'il ne se produit en effet aucun rejet, alors on peut conclure qu'il n'y a pas eu de rejet. Est-ce exact?

M. Moffet : Prenons votre exemple et présumons qu'il n'y a aucun rejet. Dans ce cas-là, on pourrait dire que la loi a été suivie à la lettre. Le ministre aurait alors respecté l'exigence de la quasi-élimination. Cependant, je le répète, l'analyse ne s'arrête normalement pas là. Habituellement, pour diminuer le risque pour la santé humaine ou l'environnement, le ministère se demande également si des mesures supplémentaires s'imposent. En fait, le règlement dont j'ai parlé plus tôt interdit l'utilisation de certaines substances. Nous avons, dans le passé, élaboré des dispositions à cet égard dans la LCPE.

Le sénateur Milne : Effectuez-vous des tests sur le produit, en l'occurrence le plastique qui a été façonné, pour reprendre l'exemple, durant toute sa durée de vie? Je présume que lorsqu'il se retrouve au site d'enfouissement, il commence à se détériorer et à rejeter certaines substances toxiques.

Mme Cléroux : En vertu de la loi, notre responsabilité est de tester le produit à partir de la fabrication jusqu'au site d'enfouissement. Nous nous penchons sur toutes les étapes du cycle de vie, notamment sur les endroits où se retrouve le produit dans l'environnement et son accessibilité aux humains durant toute cette période. C'est pourquoi il faut beaucoup de temps pour effectuer l'évaluation des risques et recueillir tous les renseignements. Nous devons étudier non seulement la substance, mais aussi ses rejets.

M. Glover : Comme vous l'avez constaté durant l'exposé, il existe d'autres lois que la LCPE. Il y a aussi la Loi sur les produits dangereux. Si nous découvrons qu'une substance est libérée, nous pouvons avoir recours à la LCPE. Si nous constatons que le produit en soi est dangereux, le gouvernement fédéral peut avoir recours à la Loi sur les produits dangereux.

Le président : Merci.

Le sénateur Cochrane : Vous avez dit que la substance n'est pas interdite, mais que ses rejets le sont, depuis la fabrication jusqu'à l'enfouissement. Supposons qu'un produit qui se trouve dans un site d'enfouissement depuis de nombreuses années a contaminé le sol et qu'il y a des rejets dans notre réseau hydrographique. Que se passe-t-il alors? La substance toxique est rejetée dans l'environnement, n'est-ce pas?

Mme Cléroux : Comme nous l'avons expliqué, nous vérifions également la réaction possible de la substance dans le site d'enfouissement. La stabilité de la substance est liée à la stabilité des composants chimiques. Une fois que la substance a été intégrée à un produit, elle en fait partie, et nous vérifions si elle est stable ou s'il est possible qu'elle soit libérée du produit. Sur le plan scientifique, nous savons maintenant certaines choses que nous ignorions il y a 20 ans à propos de la réaction potentielle dans le site d'enfouissement, et, je suis désolée de vous dire cela, nous en apprendrons davantage dans les années à venir. Il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas encore et que nous allons découvrir au fil du temps.

En se fondant sur les connaissances que nous possédons en ce moment, en 2006, nous étudions toutes les étapes comprises entre la fabrication et l'enfouissement. Nous vérifions notamment si un produit est entièrement stable et, par conséquent, s'il y aura des rejets et s'il réagira avec d'autres éléments dans le site d'enfouissement, par exemple.

Nous ne pouvons pas affirmer que nous savons tout. Comme la science progresse constamment, nous en apprenons continuellement. Il se pourrait qu'on réévalue des substances qui avaient été considérées très stables dans le passé. Selon les nouvelles connaissances que nous acquerrons, l'évaluation pourrait être revue. C'est comme une histoire sans fin. Il est impossible de clore un dossier. Un jour on déclare qu'une substance est stable, et plus tard, des preuves scientifiques — et je souligne scientifiques — nous montrent le contraire. Nous devons alors réexaminer la question.

Il est important de nous tenir à jour. C'est pourquoi nous faisons partie de nombreux comités internationaux. Nous devons veiller à ce que le Canada se tienne au courant des dernières recherches scientifiques menées dans le monde pour qu'il puisse élaborer ses mesures en conséquence.

M. Moffet : Nous allons remettre au comité un document qui a été produit au milieu des années 1990. Il s'intitule Politique de gestion des substances toxiques. Il s'agit d'une politique du gouvernement du Canada. Il contient des informations au sujet des substances toxiques à l'intention de tous les organismes du gouvernement fédéral. Il décrit les objectifs du gouvernement en ce qui concerne deux types de substances. Il énumère également quelles substances sont assujetties à la politique de quasi-élimination. Quant aux autres substances toxiques qui posent un risque, on vise la gestion des risques tout au long du cycle de vie.

Comme Mme Cléroux l'a souligné, l'objectif est de gérer les risques pendant tout le cycle de vie, mais cet objectif n'est pas toujours atteint. Le but de la quasi-élimination est d'éliminer presque entièrement la substance durant l'ensemble du cycle de vie. Le document énonce dans un langage clair les objectifs, et je crois qu'il pourrait vous être utile. Nous vous ferons parvenir des copies.

Le président : Nous vous en serions reconnaissants.

M. Moffet : Outre les obligations législatives, le comité devrait peut-être tenir compte du fait que le gouvernement détient un vaste pouvoir de réglementer et de contrôler l'usage des substances. Il possède aussi, ou pourrait posséder, le pouvoir d'encourager la création et l'utilisation de substances moins nocives pour l'environnement.

Cela ne se fait pas par l'entremise de règlements, mais bien grâce à divers programmes. En effet, le Canada s'est doté de programmes visant à favoriser cela, mais d'autres pays sont allés plus loin en encourageant par exemple la chimie verte. Aux États-Unis, notamment, il existe des programmes fédéraux qui favorisent la collaboration avec les usines de fabrication de produits chimiques et le milieu universitaire en vue d'encourager l'industrie à apprendre comment concevoir des produits chimiques moins nuisibles pour l'environnement et l'être humain.

De même, il existe partout dans le monde des programmes axés sur l'éco-conception, qui est un terme que certains de vos témoins utiliseront peut-être. Il s'agit d'enseigner aux concepteurs comment concevoir des produits en tenant compte de certains éléments qu'ils n'ont jamais eu l'habitude de prendre en compte. Par exemple, qu'arrive-t-il au produit une fois qu'il est mis au rebut? Les concepteurs s'intéressent toujours en premier lieu aux utilisateurs. L'apparence du produit leur plaira-t-elle? Que penseront-ils de l'utilité? Les concepteurs ne se préoccupent guère des répercussions après que le produit est mis à la poubelle.

L'éco-conception tient compte des répercussions durant toute la durée du cycle de vie. La science qui sous-tend l'éco-conception évolue. Le concept est enseigné dans diverses universités et il obtient la faveur de bien des gouvernements dans le monde. Vous devriez peut-être vous pencher sur le rôle que le gouvernement canadien pourrait jouer dans ce domaine.

Le sénateur Cochrane : Combien de substances figurent sur la liste de quasi-élimination?

M. Moffet : Il a été proposé d'en ajouter une. Cela ne veut pas dire que nous en interdisons qu'une seule. C'est conformément à la loi que cette liste devait être établie. La loi décrit en détail les étapes à suivre. C'est donc dire que certaines substances que nous avions interdites avant l'entrée en vigueur de la loi ne figurent pas sur la liste. Nous avons jugé que de les ajouter ne donnerait pas grand-chose, puisque le cas de ces substances a déjà été réglé. Nous sommes maintenant en train de dresser la liste et nous prévoyons l'utiliser davantage dans l'avenir.

Le sénateur Cochrane : Combien de temps a-t-il fallu pour ajouter cette substance à la liste? Il n'y en a pas d'autres?

Mme Cléroux : N'oubliez pas que la liste de quasi-élimination constituera un dernier recours en ce qui concerne cette substance qui est utilisée au Canada depuis longtemps.

Une substance qu'on inscrit sur la liste de quasi-élimination n'est pas une nouvelle substance. Il doit s'agir d'une substance qui rejette un produit chimique. Cela devient complexe, car nous visons précisément un élément que nous ne voulons plus trouver dans l'environnement.

Le processus consiste à vérifier que nous avons pris toutes les mesures possibles, mais qu'il existe tout de même la possibilité d'un rejet dans l'environnement. Dans le cas de la première substance, l'ensemble du processus a pris, je dirais, plus de 10 ans. Nous pourrons vous donner le nombre exact d'années. Cependant, de nombreuses mesures de gestion des risques ont été mises en place, et maintenant, la liste de quasi-élimination est utilisée en dernier recours, c'est-à-dire qu'une substance est inscrite sur cette liste parce que nous avons pris toutes les mesures possibles et que nous trouvons toujours des composantes dans l'environnement.

Sur le plan scientifique, avec toute l'expérience que nous possédons maintenant, le processus sera beaucoup moins long. Il fallait bien des années pour établir une approche systématique et effectuer l'examen obligatoire par des pairs et l'étude exigée des mesures prises dans d'autres pays.

Le sénateur Cochrane : Êtes-vous en train de dire que ce sera plus rapide?

Mme Cléroux : Oui, mais un tel processus ne se produira pas souvent parce que nous prenons toutes les mesures possibles de gestion des risques avant de passer à l'étape de la liste de quasi-élimination.

Le sénateur Spivak : Mes questions vont dans le même sens que celles de madame le sénateur Cochrane. Une convention sur les 12 substances les plus nocives a été signée. Bon nombre de pays les ont toutes éliminées. Le Canada propose d'en éliminer qu'une seule. S'agit-il de la substance qui doit être ajoutée à la liste de quasi-élimination dont le sénateur a parlé? La convention porte sur les 12 substances les plus nocives que les pays signataires ont convenu d'éliminer, mais le Canada ne l'a pas fait. Pourquoi?

Mme Cléroux : Je suis désolée, j'aimerais bien vous répondre, mais c'est la première fois que j'entends parler de ces 12 substances les plus nocives.

Le sénateur Angus : Y en a-t-il parmi vous qui en ont entendu parler?

M. Blasioli : Ces substances devraient se trouver dans le règlement visant l'interdiction de certaines substances toxiques.

M. Moffet : Nous allons vous donner les détails au sujet de ces substances. Elles font l'objet d'une convention internationale.

Le sénateur Spivak : Une convention a été signée.

M. Moffet : J'attire votre attention sur la cinquième diapositive du document que j'ai présenté. La LCPE n'est pas la seule loi qui concerne les produits chimiques. De nombreuses substances sont des pesticides qui avaient déjà été interdits et qui n'étaient plus utilisés au Canada au moment de la signature de la convention.

Mme Cléroux : Comme nous ne pouvons pas répondre maintenant à la question précise que vous nous posez, nous allons faire en sorte de transmettre rapidement la réponse à la greffière du comité.

Le sénateur Spivak : Au sein de l'Union européenne, il incombe à l'industrie de prouver la sûreté d'un produit chimique avant de le commercialiser. Au Canada, c'est le contraire. Un produit chimique est commercialisé, et ensuite, nous vérifions s'il est sûr.

L'industrie est largement en mesure d'évaluer la sûreté. Selon vous, serait-ce une bonne idée de renverser le fardeau de la preuve dans le cadre de la LCPE?

Mme Cléroux : Mes deux collègues, M. Glover et M. Moffet, seront ravis de répondre à cette question, car il s'agit d'un des principaux éléments de la loi.

M. Glover : Vous avez posé une excellente question, sénateur. On parle beaucoup de REACH, qui signifie Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals, et de son contenu. Je vais d'abord parler de la LCPE. En ce qui concerne les substances existantes, il incombe à l'industrie de nous fournir les données pour que nous puissions déterminer nous-mêmes si le seuil a été respecté. Quant aux nouvelles substances, lorsque l'industrie nous avise, nous pouvons demander l'information, et c'est ce que nous faisons.

Il en va de même dans le cas des substances existantes. Nous pouvons exiger que l'industrie nous fournisse l'information dont nous avons besoin pour tirer nos conclusions. La LCPE contient déjà des dispositions qui nous permettent de faire cela.

M. Moffet : Vous avez parlé de REACH, la mesure législative européenne, qui n'est toutefois pas encore une loi. Il s'agit d'un projet de loi, qui fait l'objet de discussions et de modifications depuis de nombreuses années et qui n'est toujours pas devenu une loi en Europe.

Lorsque la LCPE 1999 est entrée en vigueur, les discussions à propos de REACH commençaient. La catégorisation, dont j'ai parlé tout à l'heure, nous a déjà permis d'obtenir les renseignements de base concernant les caractéristiques toxicologiques de l'ensemble des substances existantes.

L'Union européenne accuse un retard de pratiquement 10 ans par rapport au Canada sur le plan de la collecte des données de départ. Elle ne détient pas encore cette information.

Cette partie de REACH n'est pas pertinente car nous possédons déjà les renseignements. Nous devons parler de ce que nous allons faire avec les données. Comme M. Glover l'a souligné, il existe une disposition dans la LCPE qui nous permet d'obliger l'industrie à nous fournir tous les renseignements dont nous avons besoin pour déterminer si une substance pose des risques.

Le sénateur Spivak : Le principal point, c'est que l'industrie n'a pas à prouver au préalable que la substance est sûre. Il faut des années pour effectuer une évaluation, et pendant ce temps, toutes sortes de produits chimiques continuent d'être utilisés au Canada. Examinez les données qui montrent où se situe notre pays sur le plan des substances toxiques par rapport aux autres pays de l'OCDE. Nous ne faisons pas bonne figure. Nous sommes pratiquement au dernier rang. Le processus d'évaluation prend beaucoup de temps. Or, s'il appartenait à l'industrie de prouver la sûreté des substances, ce serait elle qui prendrait le temps de faire l'évaluation.

En ce qui concerne les véhicules hors route, si je ne m'abuse, la ministre était sur le point de présenter un règlement portant notamment sur les émissions des bateaux et des motomarines. Qu'en est-il? Est-ce que les véhicules hors route, comme les bateaux, les planches nautiques, les motomarines et les motoneiges, ainsi que les véhicules tout-terrain ont été réglementés? Où en sommes-nous? Cela fait-il partie de la LCPE?

Mme Cléroux : Je vais d'abord répondre à la dernière question.

Pour établir la réglementation des véhicules, nous avons procédé à des regroupements. Nous avons groupé les véhicules de la même façon qu'ils le sont dans les lois américaines, essentiellement parce que la plupart des véhicules traversent la frontière. Un ensemble de règlements est en train d'être préparé. Nous pourrions vous indiquer à quel moment chacun des règlements sera en vigueur, car certains le seront dans les prochains mois. Les véhicules n'ont toutefois pas encore été réglementés.

Le sénateur Spivak : C'est une moyenne, n'est-ce pas?

M. Blasioli : Deux règlements qui sont entrés en vigueur récemment englobent une bonne portion des véhicules que vous avez mentionnés : le règlement sur les émissions des véhicules hors route à moteur diesel et le règlement sur les émissions des véhicules hors route à moteur à essence.

Comme ma collègue, Mme Cléroux, l'a indiqué, d'autres règlements suivront.

Mme Cléroux : De nombreux règlements visant les véhicules entreront bientôt en vigueur.

Le président : Allez-vous nous faire parvenir la liste et les dates d'entrée en vigueur?

Mme Cléroux : Oui, c'est ce que nous allons faire.

Le sénateur Spivak : Pouvez-vous aussi nous faire parvenir les détails techniques, car je crois savoir qu'il a été un peu difficile de faire en sorte que les chiffres correspondent à ceux établis aux États-Unis?

Mme Cléroux : Nous allons vous fournir les meilleurs renseignements possibles. Vous comprenez que, en raison de la question de la frontière, nous devons toujours faire des comparaisons et déterminer quels véhicules sont utilisés dans les deux pays, car le marché ne tient pas compte de la frontière.

Quant à votre commentaire au sujet des substances, je dois vous dire qu'une nouvelle substance ne peut pas être commercialisée au Canada tant qu'elle n'a pas été approuvée. Le processus est conforme à ce que vous souhaitez. Aucune nouvelle substance ne peut être commercialisée sans avoir été approuvée au préalable. Ainsi, tant que nous n'avons pas obtenu toute l'information nous permettant d'être convaincus que la substance ne sera pas nocive pour l'environnement — et j'entends par environnement les êtres humains et la nature — elle ne peut pas être utilisée au pays. Les Canadiens ne paient pas pour l'obtention de ces renseignements. Tant que la substance n'a pas été approuvée, elle ne peut pas être employée au Canada.

Nous nous penchons actuellement sur les substances qui étaient déjà sur le marché lorsque la LCPE est entrée en vigueur en 1988. Il s'agit d'un droit acquis et nous devons traiter le cas de ces substances selon une approche différente. Je ne sais pas si mes collègues peuvent en dire plus long au sujet de la façon dont d'autres pays ont abordé la situation des substances déjà sur le marché.

Le sénateur Spivak : Prenons par exemple le cas de certains médicaments contre l'arthrite, notamment le Celebrex. Nous avons appris que la compagnie qui le fabrique n'avait pas présenté toutes les données et qu'elle n'avait pas révélé tous les effets secondaires.

Mme Cléroux : La LCPE ne concerne pas les médicaments. C'est une autre loi qui les régit et dont s'occupent nos collègues de Santé Canada.

Le sénateur Spivak : C'est vrai, mais je parle du principe.

Le président : Nous avons hâte de recevoir cette liste.

Le sénateur Angus : Monsieur Moffet, le document que vous nous avez présenté est un bon document de base pour notre étude et nos questions. La cinquième diapositive montre bien en effet la complexité de votre mandat, et je présume que vous êtes tous d'avis que la législation est complexe. Je n'ai pas compté le nombre de lois qui sont énumérées, mais je vois qu'il y en a beaucoup.

Cela m'amène à l'examen de la loi et précisément aux discussions que vous avez eues avec les parties intéressées ainsi qu'aux commentaires qu'ils ont formulés. La diapositive numéro 17 en contient quelques-uns.

J'ai deux questions à vous poser au sujet de cette diapositive, car lors des études que nous avons menées au cours des dernières années, on nous a souvent affirmé que le Canada avait de grands défis à relever sur le plan de l'environnement. Ma première question concerne la suffisance des ressources. Je crois que vous avez parlé avec délicatesse, monsieur Moffet, lorsque vous avez dit que l'une des plus grandes préoccupations était le niveau des ressources. Voulez-vous dire qu'il vous manque du personnel, de l'argent ou la technologie nécessaire? Je pourrais continuer.

De quelles ressources parlaient les parties intéressées? Je suis certain que vous étiez d'accord avec elles.

Mme Cléroux : Lorsque vous recevrez la ministre, elle sera en mesure de vous donner davantage de détails à propos du niveau des ressources.

Comme vous le savez, la mise en œuvre d'une loi de grande ampleur et d'une vaste portée peut occuper un grand nombre de personnes au pays. Il faut faire preuve de jugement quand il s'agit de déterminer les façons de faire, les priorités et les ressources à affecter aux différentes tâches. C'est précisément ce que nous faisons continuellement lorsque nous examinons ce qui est fait pour mettre en œuvre la LCPE.

Pouvons-nous faire autre chose? Pourrions-nous prendre une orientation différente? Pourrions-nous mettre l'accent ailleurs? Ce sont là des questions que nous nous posons en vue de la future mise en œuvre de la LCPE. Pour l'instant, nous pouvons vous parler de ce que nous accomplissons, de la façon dont nous avons fait face aux priorités établies par la loi et de ce que nous pouvons faire.

Quant à la question de la complexité de la science, je peux vous dire que d'affecter davantage de personnes à un dossier ne nous permet pas nécessairement d'obtenir des résultats plus rapidement. Prenons par exemple la question de la quasi-élimination. Nous devons veiller à avoir une bonne compréhension, à obtenir un examen par les pairs et à suivre les bonnes étapes dans le bon ordre. Accroître les ressources n'est pas toujours la solution. La question est complexe et la réponse l'est tout autant, selon le point de vue adopté.

Je ne sais pas si mes collègues voudraient ajouter quelque chose à propos des commentaires que nous avons obtenus. Il y a eu des commentaires à propos des ressources. Pour ce qui est de l'avenir, la ministre pourra aborder ce sujet lorsqu'elle témoignera devant votre comité.

M. Moffet : Je vais répondre brièvement.

Le sénateur Angus : D'abord, monsieur, je dois vous dire — car j'ai hâte de vous entendre — que le titre de votre poste m'intrigue, soit celui de directeur général intérimaire, Systèmes et priorités.

M. Moffet : C'est un bon sujet de conversation.

Le sénateur Angus : Qu'est-ce qu'il signifie?

M. Moffet : J'aimerais bien le savoir, moi aussi.

Sérieusement, ce titre traduit les efforts du ministère visant à faire en sorte que les décisions soient prises d'une manière systématique. Beaucoup de personnes qui travaillent à cette loi — et bien des gens qui ont travaillé au document à propos duquel vous nous avez adressé des compliments — veulent faire ce qu'il y a de mieux pour l'environnement et la santé humaine, par l'entremise de certains pouvoirs que confère la loi, mais dans bien des cas, elles n'ont recours qu'à quelques pouvoirs. Nous voulons veiller à prendre des décisions de manière cohérente, et non pas nous en remettre uniquement à des chiffres. Les décisions doivent être prises au cas par cas, mais est-il possible de prendre des décisions d'une façon systématique? Pouvons-nous établir des priorités de manière un peu plus systématique au lieu de simplement accorder les fonds et l'attention à ceux qui parlent le plus fort?

Cela ne veut pas dire que c'est entièrement de cette façon que nous avons procédé dans le passé, mais Environnement Canada accorde de plus en plus d'importance à la prise de décisions d'une façon systématique. C'est ce dont s'occupe notre équipe. En fait, le nom de notre équipe a été changé dans les six derniers mois pour refléter cette orientation, et on lui a confié la tâche d'aller dans cette voie.

Je voulais parler...

Le sénateur Angus : Et qu'en est-il des ressources?

M. Moffet : Je voulais faire une suggestion à propos des ressources. Vous avez mentionné que je m'étais exprimé avec délicatesse. Ce n'est pas un commentaire qu'on me fait souvent. Je crois que vous vouliez parler de mon collègue, Paul Glover, mais je...

Le sénateur Angus : J'ouvrais une porte.

M. Moffet : Nous pourrions peut-être fournir au comité un document qui fait état de la répartition des ressources qui ont été consacrées aux deux ministères. Nous pourrions aussi vous présenter la répartition des ressources selon les programmes, si vous le souhaitez. C'est probablement plus facile à visualiser sur papier. Je peux vous donner tout de suite les chiffres pour les deux dernières années, mais ils ne sont probablement pas très pertinents. Nous pouvons vous remettre un document présentant la répartition, si vous estimez que cela peut vous être utile.

Le sénateur Angus : Ce serait excellent. S'il s'agit là d'une priorité, nous devons savoir qu'elles sont vos ressources, et même précisément combien d'employés travaillent au sein du ministère et quel est le budget dont vous disposez en ce moment et qui vous a été attribué ces dernières années.

Je sais que l'objectif de l'examen est d'essayer de créer un meilleur cadre juridique afin de rendre l'environnement plus propre et plus sûr. Je vois ce grand nombre de lois, et je me dis qu'il doit y avoir une meilleure façon de faire. Nous avons entendu à maintes reprises au fil de nos séances que le Canada possède les outils qu'il faut, à savoir la technologie et la législation. Je ne sais pas quels sont tous les outils dont nous avons besoin en 2006 pour rendre l'environnement propre et sûr, mais je constate que nous n'y parvenons pas. Ce constat est très général. J'ose espérer que notre étude, ainsi que celle menée par nos collègues de la Chambre des communes, contribuera de manière constructive à vous aider. La commissaire à l'environnement et au développement durable ne cesse de nous répéter que nous sommes en train d'accuser un retard par rapport aux autres pays de l'OCDE, malgré le fait que nous ayons tous ces outils à notre disposition.

Lisez-vous les rapports de la commissaire? Vous les lisez sans doute. Quel processus est suivi à Environnement Canada lorsque la commissaire dépose son rapport à la Chambre?

Mme Cléroux : Nous tenons régulièrement des rencontres avec la commissaire à propos de nos objectifs. Nous l'avons rencontrée la semaine dernière lors d'une séance du comité de la haute direction pour faire en sorte de maintenir le dialogue et de veiller à ce que les enjeux dont elle entend parler soient portés à notre attention le plus tôt possible. Ces rencontres nous permettent de tenir compte du plus grand nombre d'éléments possibles dans la gestion du ministère; c'est la meilleure façon de progresser. Nous entretenons un dialogue constant.

Réussissons-nous à tous les niveaux? Probablement pas, mais je peux vous dire que la volonté est là. Vous pouvez vous adresser à la commissaire, Johanne Gélinas, pour voir si elle est du même avis; mais nous considérons que la communication qui s'est établie au fil des ans nous a permis de prendre les meilleures mesures, et ce, le plus rapidement possible, à propos des problèmes que la commissaire porte à notre attention.

Le sénateur Angus : En général, êtes-vous d'accord avec les recommandations et les critiques que formule la commissaire dans ses rapports, ou estimez-vous qu'elle fait fausse route? Il est important pour nous de le savoir. Nous lisons ses rapports, et nous constatons quels sont les problèmes. Je présume que vous êtes d'accord avec elle, mais que vous n'avez pas suffisamment de ressources humaines, d'argent et d'outils pour effectuer votre travail efficacement.

Mme Cléroux : Il est impossible de donner notre avis sur toutes les recommandations que la commissaire a formulées au fil du temps. Je peux vous dire que les propos de la commissaire guident toujours nos travaux futurs. Si nous sommes en désaccord, nous avons une raison; mais ils influencent toujours nos travaux futurs. C'est par le dialogue qui s'est instauré entre la commissaire et Environnement Canada — et M. Glover parlera pour Santé Canada, car la commissaire se penche sur des questions qui concernent les deux ministères — que nous pouvons nous assurer de bien comprendre les commentaires qu'elle a formulés. Comme vous le savez, on ne saisit pas toujours tout dès la première lecture. Ce dialogue est essentiel puisqu'il nous permet de rajuster le tir.

Le sénateur Angus : Êtes-vous d'accord en général avec l'orientation?

Mme Cléroux : Je crois savoir qu'en général le ministère approuve les conclusions. Je ne peux toutefois pas vous donner le point de vue sur chacune d'elles précisément. Pour ce faire, nous devrions revoir les différents rapports qui ont été présentés dans les années précédentes.

Le sénateur Angus : Je n'ai pas assisté aux audiences qui ont eu lieu un peu partout au Canada, mais d'après la dernière diapositive, et d'après ce que j'ai entendu, je dirais que ce qui empêche les parties intéressées de tirer le meilleur de la LCPE, et c'est sûrement ce qu'on vous a répété, ce sont des problèmes qui touchent les champs de compétence. S'agit-il de champs de compétence fédérale? Ou provinciale? Ou bien d'Environnement Canada, de Santé Canada, de Transport Canada ou de Pêches et Océans Canada? Vous faites face à un cauchemar administratif qui vous empêche de mettre la loi en œuvre. Six ans, c'est une courte période. Mais pour nous, six ans, c'est une très longue période.

Nous entendons dire que certains problèmes menacent grandement notre environnement, mais qu'on ne peut rien y faire en raison de conflits de compétence. Je ne veux pas vous prêter des propos, alors je vous demande s'il est juste d'ajouter ces problèmes à la liste de ceux qui ont été soulevés par les parties intéressées.

M. Cléroux : Je vais demander à M. Glover de répondre, car je ne travaillais pas au sein du ministère à l'époque. Il est mieux placé pour vous répondre.

M. Glover : Sénateur, je vais tenter de répondre à vos trois points en commençant par le dernier. Quant aux questions concernant les champs de compétence, je peux vous dire que l'industrie a affirmé que parfois les différents ordres de gouvernement ne suivaient pas la même orientation. Il arrive aussi qu'il y ait des chevauchements et des dédoublements. Des organisations non gouvernementales et d'autres organismes ont également laissé entendre qu'une meilleure coordination s'imposait et que les causes étaient multiples. Ils sont d'avis que les lois énumérées à la diapositive numéro 5 doivent être mieux coordonnées et que nous devons utiliser toutes ces mesures législatives pour éviter — imaginez un ballon qu'on comprime — qu'on règle un problème quelque part, mais qu'en même temps on en crée un plus gros ailleurs. Dans le cas d'une substance qui se trouve dans un produit, les rejets des industries, un aliment ou un pesticide, comment pouvons-nous être certains que tous les outils dont dispose le gouvernement fédéral se complètent? Nous avons en effet entendu des commentaires à ce sujet; c'est tout à fait vrai.

Quant à la commissaire, comme ma collègue l'a signalé, Santé Canada entretient de son côté un dialogue avec le sous-ministre et les directeurs. Tous les rapports sont examinés et la direction fournie une réponse au cas par cas.

Je vais revenir à votre question à propos des ressources. Les commentaires au sujet de l'insuffisance des ressources ne proviennent pas du ministère, mais bien du public. Les Canadiens se préoccupent du rythme auquel nous sommes en mesure d'effectuer les évaluations. Ils souhaitent que nous en menions davantage, et plus rapidement. Ils se préoccupent de notre capacité de suivre l'évolution de la science. Ce n'est plus une seule substance qui nous préoccupe, mais plutôt plusieurs et l'incidence sur nous de leur combinaison. Cette science est nouvelle et complexe. Les Canadiens doutent de notre capacité d'effectuer des suivis biologiques et d'en faire rapport. Certains ont même affirmé être inquiets à propos de notre capacité de simplement communiquer nos découvertes. Ce n'est pas en publiant des rapports scientifiques volumineux que nous allons apaiser les préoccupations des gens. Il faut utiliser un langage clair pour que la population sache sans aucun doute qu'il n'y a aucun problème. Ce sont là certaines des critiques et des suggestions d'amélioration exprimées par des ONG à l'intention de Santé Canada. Nous établissons les priorités avec beaucoup de soin pour faire en sorte d'utiliser nos ressources actuelles à bon escient. Cependant, il y a des limites et il y en aura toujours étant donné qu'il y a 23 000 substances existantes au Canada. Néanmoins, notre capacité de les mesurer s'améliore constamment.

Le sénateur Angus : Simplifier le cadre juridique serait la meilleure recommandation à formuler, monsieur le président. Il y a une multitude de contradictions, comme on peut le constater en lisant cela. Au bout du compte, nous ne disposons pas de suffisamment de ressources sur le terrain pour faire appliquer les lois et protéger les oiseaux, l'eau et l'air. Je peux imaginer la frustration que ressentent les fonctionnaires du ministère; j'éprouve ce sentiment indirectement.

Le président : J'aimerais revenir à un point soulevé par le sénateur Angus, dont vous avez parlé aussi, monsieur Glover, c'est-à-dire la frustration des gens devant l'incapacité du ministère d'exercer une surveillance et de faire avancer les choses plus vite. Le sénateur Angus a posé une question à laquelle nous n'avons pas eu de réponse claire. Je vais la reformuler. Lorsque vous vous penchez sur les choses que vous devez faire, que vous voulez faire et que vous devriez faire, quelqu'en soit le niveau d'altruisme, constatez-vous que vous n'avez pas les ressources pour les faire?

Mme Cléroux : D'abord, pour ce qui est de la surveillance environnementale, nous avons ce qu'il faut pour exercer une surveillance et recueillir de l'information. Ce dont nous parlions, c'est de la surveillance de la présence de certaines substances chimiques dans les êtres humains, la biosurveillance, et de notre capacité d'en faire un suivi. La LCPE ne régit pas directement ce type de surveillance. Je tiens à préciser que nous avons la capacité de surveiller les rejets et les émissions des usines d'un point de vue environnemental. Chaque année, nous faisons l'inventaire national des émissions des établissements qui signalent leurs diverses émissions à Environnement Canada. Nous avons cette capacité environnementale.

La question des ressources est toujours délicate et embêtante. Nous pourrions vous répondre en fonction de l'opinion des personnes assises à cette table, mais ce ne serait pas la position privilégiée par le gouvernement sur la mise en œuvre de la loi. Il est toujours délicat pour nous de répondre à une question de cette nature en raison de nos responsabilités. Oui, nous sommes humains, et nous pouvons juger ces ressources suffisantes parce que nous faisons du super bon travail, mais pourtant, les gens peuvent toujours se demander ce que nous faisons.

Le sénateur Angus : N'ayez pas peur, le gouvernement a changé.

Le président : C'est la question et nous ne pouvons la poser à personne d'autre, parce que personne d'autre ne pourrait nous donner une réponse fondée sur un jugement éclairé. Nous ne pouvons pas raisonnablement nous attendre à ce qu'un gouvernement y réponde, parce que c'est le gouvernement. Les seules personnes à qui nous pouvons raisonnablement poser cette question, ce sont les professionnels qui étudient le travail prescrit par la loi. C'est le ministère qui doit veiller à l'atteinte de l'objectif déclaré de la loi, et vous êtes les personnes au ministère qui ont pour fonction de la mettre en œuvre, de la faire appliquer et d'atteindre ces objectifs. La question est la suivante : voudriez- vous plus de ressources pour faire ce travail ou avez-vous la satisfaction de faire le travail attendu de nous dans la loi avec les ressources existantes?

Mme Cléroux : M. Glover va vous répondre.

M. Glover : Je suis d'accord avec ce qu'a dit ma collègue d'Environnement Canada. Nous n'essayons pas d'éluder la question. Je vais essayer d'être le plus clair possible. Est-ce que le fait d'avoir plus d'argent m'aiderait à faire mon travail efficacement? Oui, cela m'aiderait, sans aucun doute. En même temps, j'ai une autre responsabilité en tant qu'employé du gouvernement du Canada, soit celle de suivre les orientations établies par le gouvernement. Santé Canada a la tâche particulièrement difficile de gérer tous les déterminants de la santé : le système de soins de santé, la planification de lutte contre les pandémies et l'influenza et il y en a bien d'autres. Nous pouvons examiner la façon dont nous gérons toutes les priorités qui nous occupent, mais je me demande si, compte tenu de ces autres priorités, nous faisons tout ce que nous devons et pouvons faire.

Le président : Nous avons le luxe de ne pas examiner ces autres priorités en ce moment. Nous ne vous posons la question qu'en ce qui concerne la LCPE.

M. Glover : En toute déférence, monsieur le président, je n'ai pas ce luxe et cela fait partie de la question que vous posez. J'évolue au sein du ministère de la Santé et je travaille avec mes collègues à gérer toutes ces questions. Je peux dire clairement que nous sommes critiqués en tant que ministère de la Santé pour ne pas arriver à travailler et à évaluer les risques pour la santé aussi vite qu'on le voudrait. Vous entendrez dire, pas de moi mais d'autres personnes, que nous n'arrivons pas à en faire autant qu'Environnement Canada sur le plan de la surveillance et que le fait que nous ne sachions pas ce qui se trouve dans les êtres humains représente une lacune sur le plan des connaissances. En faisons- nous assez? Devons-nous en faire plus? Il faut nous interroger sur notre aptitude à communiquer ces choses simplement et efficacement.

Le président : Cela dépend de la loi et non des ressources dont vous disposez pour la mettre en œuvre, parce que la loi ne vous oblige pas à le faire.

M. Glover : Elle ne m'oblige pas à le faire, mais cela ne veut pas dire que je ne peux pas réaffecter des ressources et faire moins d'évaluations des risques pour commencer à exercer de la bio-surveillance, par exemple. Je dois respecter les obligations prescrites par la loi.

Le président : Je comprends.

[Français]

Le sénateur Tardif : J'aimerais revenir sur une recommandation qui était dans le rapport du consultant, soit la mise sur pied de l'évaluation formative.

On indiquait qu'afin de renforcer l'implantation de la loi, il serait important de développer un cadre qui inclurait les finalités précises, claires, réalistes, qui donnerait une direction à tous les départements pour déterminer leurs objectifs, mesurer les progrès, les résultats. Ce rapport a été fait en mars 2005, c'est-à-dire il y a plus d'un an.

Où en sommes-nous, maintenant, avec le développement d'un tel cadre qui donnerait une direction à tous les départements?

Mme Cléroux : Sénateur, le ministère de l'Environnement a mis en place un cadre général d'intervention qui permet à tous les départements de bien comprendre dans quel contexte l'intervention en matière environnementale devrait se poser. Ce cadre a été mis en place l'automne dernier.

Chaque fois que je veux me souvenir des acronymes en français, j'ai un blanc de mémoire.

Le sénateur Tardif : Est-ce le Competitive Environnemental Sustainability Framework?

Mme Cléroux : Tout à fait. Je ne me souvenais plus du terme en français.

En plus de ce cadre de gestion, un des sous-produits présentement en développement et qui fait l'objet de consultations est le développement d'indicateurs, ce qu'on appelle communément des NIOSE. Ce sont des objectifs nationaux environnementaux qu'on pourrait définir comme étant les cibles que le Canada se donnerait à long terme en matière d'environnement et qui permettraient de savoir à partir de quelle orientation il pourrait gérer les interventions.

Les pays scandinaves et certains pays d'Europe considèrent la chose. Ces objectifs environnementaux permettent d'avoir une vision à long terme quant aux cibles à atteindre pour chacun des ministères à l'intérieur de chaque palier de gouvernement.

Ces choses sont présentement en discussion et en développement et on verra si la collectivité, suite aux consultations qui ont eu lieu, nous permettra de guider ces éléments. Mais le cadre auquel on faisait référence antérieurement a été la réponse du ministère à la recommandation qui avait été faite de l'évaluation.

Le sénateur Tardif : Quel est le niveau d'engagement de chaque département? Par exemple, y a-t-il plusieurs sous- ministres responsables de l'application de ce cadre? Et à quels niveaux d'engagement voit-on une acceptation du plan?

Mme Cléroux : Le cadre a été accepté par le greffier du gouvernement et chaque sous-ministre doit désormais s'assurer qu'il y a une reddition de comptes à l'intérieur du rapport annuel correspondant à ce cadre. Présentement, étant donné que le cadre a été approuvé à l'automne, le ministère de l'Environnement a présenté une ébauche assurant la coordination pour l'ensemble du gouvernement. Cette ébauche réfère aux éléments minimaux et spécifiques que chaque ministère doit inclure à l'intérieur de son rapport annuel sur les plans et priorités, de façon à pouvoir rendre conformes les différents ministères au cadre.

Le sénateur Tardif : Ce que M. Moffet a indiqué comme étant l'identification des priorités, se retrouve-t-il aussi à l'intérieur du cadre?

Mme Cléroux : Le cadre auquel nous faisons référence est beaucoup plus général. M. Moffet est affecté aux priorités d'action dans l'application de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

M. Glover faisait référence aux différentes priorités du ministère de la Santé, mais il y a aussi d'autres lois pour lesquelles il est important de voir à l'application du cadre d'intervention.

L'équipe de M. Moffet s'assure que pour l'application de chacune des lois dont nous avons la responsabilité, il existe un cadre d'intervention et de priorités. Celle en tête de lice étant, évidemment, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement puisque c'est la plus complète des lois.

À cela, il faut ajouter les lois relatives à la faune ainsi que la Loi sur les pêches. Ce sont aussi des lois pour lesquelles le cadre d'action doit être mis en place et c'est la responsabilité de M. Moffet. Le cadre de gestion sur le plan du développement durable quant à lui est la responsabilité de la sous-ministre adjointe affectée aux politiques et stratégies. Tout cela demeure sous la responsabilité du sous-ministre du ministère de l'Environnement.

Le sénateur Tardif : Disons que j'étais surtout intéressée à savoir si ce cadre avait été mis en œuvre.

[Traduction]

Le président : Avant que je n'entame la deuxième liste, M. Moffet, vous avez pris l'engagement de nous envoyer une liste particulière. Comprendra-t-elle une référence, comme vous ou M. Glover l'avez dit plus tôt, à la disposition de la loi où nous pouvons trouver une définition de « toxique »? D'après ce que vous avez dit, cette définition ne correspondrait pas nécessairement au sens généralement donné à ce mot. Avant d'aller plus loin, nous devons comprendre clairement cette définition. Nous ne prendrons pas le temps de le faire maintenant, mais vous pourriez nous dire où il y en a une définition claire.

Pourriez-vous également nous faire parvenir une liste des substances qui devront être officiellement inscrites à partir de septembre 2006, quelque soit la forme dans laquelle cette liste existe? Je suppose qu'elle sera déposée avec le reste. La loi la prescrit. Ai-je bien compris? Existe-t-elle déjà? Je présume que si elle est déposée en septembre, elle existe déjà d'une certaine façon.

Mme Cléroux : Nous vous enverrons les différentes listes que vous mentionnez. Nous vous enverrons aussi l'information déterminant à partir de quand une substance est considérée toxique. Nous verrons à ce que vous ayez un document complet.

Nous pourrions également vous envoyer les réponses de la direction à tous les rapports de commissaires qui ont été publiés. Chaque fois qu'un commissaire publie un rapport — je suis désolée, j'aurais dû y penser, mais je ne l'ai pas fait — nous préparons une réponse de la direction, que nous pourrions vous envoyer.

Le président : Ce serait utile.

Mme Cléroux : Je présume, monsieur Glover, que nous pourrions les fournir pour les deux ministères, selon le cas, puisque tout dépend du rapport du commissaire, mais nous pourrions à tout le moins vous envoyer celles d'Environnement Canada.

Pour revenir à votre question sur les 23 000 substances, je laisserai M. Moffet répondre à cette question.

Le président : Je n'aime pas vous demander une liste de 23 000 substances. Peut-être qu'une description de cette liste ferait l'affaire.

M. Moffet : Nous vous enverrons une description de la Liste intérieure des substances (la LIS) : comment elle a été créée, ce qu'elle représente, un bref aperçu des obligations juridiques liées à cette catégorie.

Le président : Cela nous aidera dans notre travail.

D'après ce que je comprends, 80 p. 100 des substances chimiques utilisées dans le commerce canadien sont importées, ou du moins est-ce un pourcentage important. Lorsqu'on les importe et qu'on les utilise dans le commerce au Canada, sont-elles assujetties à la LCPE, pour une raison ou une autre et sous une forme ou une autre, faisons-nous des tests qui, à toutes fins pratiques, sont une répétition des tests faits ailleurs, là d'où viennent ces substances chimiques importées? Dans l'affirmative, ces tests sont-ils nécessaires? Dans la négative, pouvons-nous trouver des façons de simplifier le processus en utilisant cette information, d'en tenir compte pour accélérer le processus, comme le sénateur Angus l'a dit?

Mme Cléroux : Mes deux collègues compléteront ma réponse. Nous avons décidé, au ministère, de nous assurer que si une substance a été évaluée scientifiquement dans un autre pays qui utilise des méthodes similaires aux nôtres, nous nous fierions au travail qui a été fait. Le cas échéant, la méthode qui a été utilisée est semblable à celle que nous aurions utilisée nous-mêmes. Nous sommes satisfaits de la façon dont le travail a été fait et nous nous y fierons.

Nous nous efforçons d'éviter de refaire ce qui a été fait dans d'autres pays, lorsque leur méthode est semblable à celle qui serait attendue des Canadiens.

M. Glover : Pour compléter cette réponse, la LCPE dicte que nous devons examiner les décisions prises par les autres États, donc nous le faisons. Lorsque nous avons des ententes écrites avec un pays et que nous sommes confiants que l'analyse scientifique y est faite selon les standards que nous devons respecter, ce pays utilise nos évaluations et nous utilisons les siennes. Par exemple, il existe des lignes directrices de l'OCDE sur les tests et les bonnes pratiques de laboratoire. Il y a un échange. Il faut ensuite les examiner du point de vue du potentiel d'exposition. Les différences climatiques et les différences de densité de population sont prises en compte. Bref, nous avons des ententes réciproques avec d'autres pays. Nous sommes tenus d'examiner les décisions prises par les autres États et nous travaillons en étroite collaboration avec d'autres pays pour éviter les répétitions inutiles.

Le président : Lorsqu'un commerçant canadien demande à importer une nouvelle substance ou une chose qui contient une nouvelle substance, il serait donc raisonnable de nous attendre à ce que cette substance soit examinée moins longtemps au Canada avant d'être commercialisée que si elle n'avait pas été examinée en Europe ou aux États- Unis?

M. Glover : Malheureusement, la réponse est non. On pourrait être porté à le croire, mais nous devons examiner la situation et nous demander : l'utilisation de cette substance au Canada sera-t-elle semblable à celle dans l'autre pays? Nous devons vérifier si nous pouvons la mettre dans le contexte canadien. Parfois, nous pouvons le faire rapidement; d'autres fois, c'est plus complexe. Nous ne pouvons malheureusement pas faire de généralisation.

La même chose vaut pour une substance tout à fait nouvelle. Nous pouvons l'examiner et rapidement déterminer que nous ne l'aimons pas, qu'elle a des propriétés que nous ne sommes pas prêts à accepter. D'autres prennent plus de temps. La substance, son utilisation et la richesse de l'information scientifique déterminent la rapidité à laquelle nous pourrons agir.

Je suis désolé que ce ne soit pas plus simple, mais c'est la réalité.

Le président : Vous avez mentionné que nous avions, dans la LCPE, un droit que nous pouvions utiliser si d'autres administrations — et je ne veux pas causer de division constitutionnelle ici — ont soit négligé soit omis de faire ce qu'elles devaient faire. Bien que ce ne soit pas dit en termes clairs dans la LCPE, le fédéral peut s'imposer et dire : « Vous ne vous en êtes pas assez bien occupés. Nous allons le faire. »

Est-ce que c'est déjà arrivé?

M. Moffet : En gros, non. Je dois préciser que les pouvoirs dont j'ai parlé ne peuvent être exercés que pour les sources nationales de pollution de l'eau ou de l'air, lorsque cette pollution a des incidences sur un pays étranger ou contrevient à un accord international dont le Canada est signataire. Il ne s'applique pas à n'importe quelle question environnementale, seulement à une question environnementale qui a une incidence internationale.

Le président : Si la province principalement responsable de la prévention de la pollution dans l'utilisation de ressources, par exemple, omet de faire ce qui serait jugé convenable selon nous, la LCPE et d'autres — je suis en train d'élaborer un scénario qui n'existe pas, qui est entièrement hypothétique —, il n'y a aucun moyen prévu dans la LCPE qui permet à une autre autorité de s'imposer devant cette administration municipale, provinciale ou territoriale. Est-ce bien cela? Vous dites que le problème doit traverser une frontière ou venir de l'extérieur.

M. Blasioli : Ce n'est pas exactement comme vous l'avez dit. Comme vous le savez, l'environnement est une compétence partagée. Le gouvernement peut utiliser la loi et ses pouvoirs lorsqu'il le juge nécessaire ou approprié. Dans un scénario comme celui que vous avez décrit, où le rejet d'une substance ne serait pas réglementé, la loi est là pour être utilisée et elle peut s'appliquer à l'inaction injustifiée des provinces dans ce domaine.

Le président : Même si l'ensemble de la situation était strictement nationale, canadienne?

M. Blasioli : Si elle se limitait au Canada ou à une province?

Le président : S'il s'agissait d'une province ou d'un territoire.

M. Blasioli : Oui.

Le président : Mais ce n'est jamais arrivé.

Mme Cléroux : Il faut clarifier une chose. Je vais utiliser un exemple.

Nous avons récemment publié le plan de prévention de la pollution environnementale pour les émissions causées par les fonderies des métaux communs.

Nous demandons aux fonderies de métaux communs du pays de s'engager volontairement à respecter certains seuils d'émissions d'ici certaines dates. Dans ce plan de prévention, nous indiquons que si le gouvernement n'est pas satisfait des mesures prises volontairement, ces émissions pourraient faire l'objet d'une réglementation. Pour l'instant, nous optons pour une mesure volontaire, mais nous pourrions adopter un règlement. Tout le monde connaît les objectifs. Les objectifs sont fixés pour dans quelques années, pour que ces établissements puissent adapter leurs différents procédés ou se procurer du nouvel équipement.

Depuis longtemps, ces entreprises, comme vous le savez tous, sont situées dans différentes provinces. Différentes provinces ont pensé réglementer les diverses émissions des fonderies de métaux. Les conditions et les emplois diffèrent d'un établissement à l'autre. Les gens ont décidé d'attendre que les provinces agissent. Comme le gouvernement fédéral considérait la situation insatisfaisante, il a décidé d'utiliser les pouvoirs prévus dans la LCPE pour passer à l'action. Vous comprendrez qu'il y a des négociations constantes avec les différentes provinces touchées. Il faut prendre en considération les différentes positions des provinces, mais en bout de ligne, le gouvernement fédéral doit prendre une décision et déterminer s'il ira de l'avant et quels seront les seuils établis.

Nous avons maintenant un seuil national et non pas un pour le Manitoba, un différent pour l'Ontario et un différent pour la Nouvelle-Écosse. Peut-être n'y a-t-il pas de fonderies de métaux communs dans ces provinces, je ne suis pas certaine qu'il y en a en Nouvelle-Écosse. Il n'en demeure pas moins que ce principe s'applique, mais il n'est pas systématique. Nous n'avons pas décidé de recourir à la LCPE pour un type d'industrie ou d'établissement en particulier. Nous utiliserons systématiquement les possibilités que la LCPE nous offre, selon le problème.

Je pense que la question que nous avons tous comprise au début est celle-ci : si le gouvernement fédéral estime qu'une province ou un territoire, avec sa propre réglementation, ne prend pas l'orientation que le gouvernement fédéral suivrait, que le gouvernement fédéral peut-il faire? Pouvons-nous intervenir? La réponse est non, si nous n'avons pas mis en place d'outil national pour pouvoir dire « c'est la norme que nous voulons voir respectée dans tout le pays et si elle ne l'est pas, nous interviendrons ». Nous pouvons conclure des accords d'équivalence avec cette province. S'il y a chevauchement entre notre réglementation et une réglementation équivalente dans une province donnée — si nous avons l'impression que sa réglementation produit des résultats similaires à ceux que nous attendons de la nôtre —, nous pourrions conclure un accord d'équivalence.

Lorsque nous signons un accord d'équivalence, la loi nous permet d'intervenir si, un moment donné, nous croyons que le travail effectué par la province ne produit pas un résultat équivalent à celui que produirait le travail du gouvernement fédéral. Nous devons cependant avoir établi cette responsabilité obligatoire, sinon nous ne pouvons pas agir. Nous devons déterminer que le gouvernement fédéral a cette responsabilité obligatoire.

Comme c'est une responsabilité partagée, la majorité des mesures qui sont prises sont de portée générale. À l'échelon fédéral, nous réglementons les émissions interprovinciales, celles qui peuvent franchir la frontière entre deux provinces, et les émissions transfrontalières avec les États-Unis ou d'autres pays, ce qui nous renvoie à tous les traités internationaux en vigueur. Nous n'intervenons pas beaucoup directement dans les provinces relativement à un établissement ou à un type d'émissions.

Certaines provinces préfèrent que nous travaillions ensemble. De plus, les gens de l'industrie nous demandent souvent d'établir des règles uniformes pour tous les Canadiens, donc nous avons besoin de règles obligatoires.

Depuis quelques années, il existe aussi une norme pancanadienne, fruit d'un consensus entre les dix provinces, les trois territoires et le gouvernement fédéral. Il y a 14 personnes à la table, et lorsqu'elles arrivent à un consensus sur un sujet de préoccupation générale, nous voulons le mettre en évidence. Il y a aussi du travail qui se fait au Conseil canadien des ministres de l'environnement, le CCME, travail qui se conclut par la publication d'une norme pancanadienne. Toutes les parties s'engagent à respecter cette norme pancanadienne et à veiller à ce qu'elle soit respectée sur leur territoire.

Une multitude d'autres outils sont utilisés dans différents contextes. Je ne sais pas si mon collègue veut ajouter quelque chose, mais il y en a beaucoup. Il est difficile pour nous de vous donner une réponse courte, parce que l'outil choisi dépend de l'enjeu.

Le président : Les grandes réponses sont très bien. Merci.

M. Moffet : J'aimerais clarifier une petite chose, monsieur le président.

Pour revenir à mon affirmation que la plupart des gens croient que la loi est fondamentalement bonne — autrement dit, qu'elle nous confère les pouvoirs dont nous avons besoin — il y a beaucoup de pouvoirs dans cette loi. L'un d'entre eux est central, il permet aux ministres de l'Environnement et de la Santé de prendre des arrêtés d'urgence. Si les ministres ont la conviction qu'une substance représente un grave danger pour l'environnement ou la santé humaine et qu'il faut agir immédiatement, ils peuvent eux-mêmes prendre un arrêté. Cet arrêté doit être approuvé dans les deux semaines qui suivent par le Cabinet pour demeurer en vigueur. Si les ministres déterminent, pour une raison ou une autre, qu'il faut agir immédiatement pour protéger la santé humaine ou l'environnement, ils ont le pouvoir de le faire selon la loi.

Mme Cléroux : Comme nous sommes dans une fédération, nous parlons toujours avec la province responsable de la région où un problème se pose. Cela n'empêche pas les ministres de décider d'utiliser leurs pouvoirs, mais ce n'est jamais fait sans une discussion en profondeur avec la province aux prises avec le problème.

Le sénateur Cochrane : Vous avez dit parfois signer des accords écrits avec des pays concernant leurs données scientifiques et leurs conclusions. Avez-vous un accord écrit avec les États-Unis concernant leurs conclusions sur les produits chimiques toxiques?

M. Glover : En gros, oui. Nous travaillons en étroite collaboration avec eux et nous élaborons des plans de travail ensemble. Nous partageons des évaluations, oui.

Mme Cléroux : Nous avons également un sous-ministre adjoint qui siège au comité d'équivalence avec les États- Unis, un comité qui se réunit tous les six mois pour comparer où les deux pays en sont dans leurs évaluations et quels nouveaux renseignements peuvent être partagés. C'est un lieu de communication ouvert avec nos collègues des États- Unis visant à assurer une relation de communication constante entre nous et nos homologues des États-Unis.

Le sénateur Cochrane : Pour que les recherches scientifiques ne soient pas redondantes?

Mme Cléroux : Nous faisons notre possible. Je ne dis pas que nous réussissons tout le temps, mais je peux vous dire que toutes les équipes font leur possible pour prévenir la redondance.

Le sénateur Cochrane : Je crois que les États-Unis viennent de conclure une entente avec les entreprises américaines pour réduire graduellement les émissions d'acide perfluorooctane et de ses dérivés, les PFOA, selon le sigle anglais. Les PFOA sont des produits toxiques dommageables utilisés dans les poêles antiadhésives ainsi que dans les recouvrements de meubles hydrofuges et antitaches. Je crois que ces produits chimiques causent certains types de cancers, de même que des troubles neurologiques et de la reproduction. Pouvez-vous dire au comité quelle est la position du Canada sur les PFOA et quelles mesures il a prises à cet égard?

M. Moffet : Je pense que les États-Unis ont posé un défi à l'industrie et que l'industrie y a réagi positivement. Je ne suis pas certain qu'il y ait déjà une entente officiellement documentée.

Santé Canada et Environnement Canada ont tous deux effectué des évaluations complètes du risque. Leurs conclusions et leurs recommandations sur les mesures à prendre pour la gestion du risque seront annoncées sous peu.

Le sénateur Cochrane : Donc que faisons-nous?

M. Glover : Pour commencer, permettez-moi de préciser que les États-Unis n'ont pas déclaré ces substances dommageables. Ils ont fait une évaluation préliminaire et qualifient ces substances de « douteuses », ce qui signifie qu'ils n'ont pas parfaitement terminé leur évaluation.

Il y a deux facteurs importants qui orientent la réponse du Canada. Nous commençons par faire l'évaluation complète de ces substances. Nous avons pris des mesures sur de nouvelles substances. Il y en a beaucoup.

La différence fondamentale entre le Canada et les États-Unis à cet égard, c'est que les États-Unis fabriquent ces substances, contrairement à nous.

Le sénateur Cochrane : Nous les utilisons.

M. Glover : Il y en a très peu qui sont importées pour être utilisées au Canada. La quantité de substances brutes importées au Canada et utilisées dans le processus de fabrication est extrêmement faible.

Le défi que les Américains ont lancé s'applique à toutes les entreprises établies dans le monde. Dupont est obligée de respecter les mêmes règles au Canada qu'aux États-Unis. Les représentants de Dupont nous ont déjà rencontrés pour nous dire qu'ils respecteront les mêmes normes ici qu'aux États-Unis. L'enjeu n'est pas la fabrication de la substance au Canada, l'enjeu est celui du produit, de l'endroit où ces produits sont faits. Nous nous engageons exactement dans la même voie que les Américains, ce qui incite les gens de l'industrie à opter pour des méthodes plus sûres d'ici à ce que nous tirions une conclusion appropriée des analyses scientifiques.

Mme Cléroux : Nous confondons peut-être les mots « produit » et « substance ». Le Canada a le produit commercialisable, le produit fini. Les États-Unis ont le produit source, qui sert à créer le produit fini. Nous ne le produisons pas. Nous devons faire attention aux mots que nous utilisons.

Le sénateur Cochrane : En même temps, nous utilisons ces produits au Canada. Où sont les avertissements que ces produits chimiques sont dangereux? Nous utilisons des poêles en Teflon. La semaine dernière, à la télévision, j'ai vu une annonce dans laquelle un homme échappe du ketchup sur sont T-shirt, mais ne se tache pas. Me dites-vous qu'il n'y a pas de produits toxiques là-dedans? Oh oui, il y en a!

Donc, que faut-il faire? Notre population utilise ces produits.

Mme Cléroux : Je ne peux pas répondre avec précision à ces questions. Nous pouvons vous faire parvenir l'information détaillée.

Nous devons toujours porter attention à la source des substances chimiques qui servent à produire un produit commercialisable. Nous devons déterminer si, dans sa forme commercialisable, il dégagera des substances possiblement dommageables pour les êtres humains dans l'environnement. Pouvons-nous être exposés à ces substances chimiques lorsqu'elles entrent dans la composition d'un produit fini? Bien souvent, la réponse sera négative lorsqu'il s'agit d'un produit fini. Je parle d'une poêle à frire, et c'est un mauvais exemple.

Si l'on prend l'exemple de la poêle, bien souvent, l'exposition à la substance chimique est dommageable pendant la fabrication du produit fini, lorsqu'elle est rejetée dans l'environnement. C'est l'exposition aux composantes utilisées pour fabriquer l'article qui est dommageable et non l'article lui-même.

Pour ce qui est de l'exemple que vous nous donnez, je suis désolé, mais je ne suis pas une spécialiste et je ne peux vous répondre avec précision. Nous pourrions répondre par écrit à votre question de savoir s'il y a des substances chimiques rejetées dans l'environnement une fois que le produit prend la forme d'une poêle, parce que je n'ai pas les connaissances pour vous répondre maintenant.

Le sénateur Spivak : Je ne creuserai pas cette question, parce qu'elle s'insère dans le contexte de la LCPE par rapport aux produits de consommation et que nous aurions besoin de plus d'information pour en parler.

Premièrement, 45 p. 100 de la pollution atmosphérique du Canada est concentrée dans la région des Grands Lacs. La LCPE prévoit-elle une solution à ce problème ou faut-il intervenir?

Deuxièmement, la question des dérégulateurs endocriniens, des troubles neurologiques et des troubles de la reproduction attribuables aux substances toxiques a été soulevée il y a quelque temps. Où en sommes-nous?

Mme Cléroux : Je vais répondre à la première question, puis M. Glover va répondre à la deuxième.

Comme vous l'imaginez, la région des Grands Lacs est la région la plus densément peuplée au Canada.

Le sénateur Spivak : Il y a 60 millions de personnes qui y vivent.

Mme Cléroux : Il n'y en a peut-être pas autant qu'aux États-Unis, mais c'est une région très densément peuplée lorsqu'on ajoute à notre population nos voisins du sud de la frontière.

En soi, la LCPE ne pourra pas changer les différents niveaux d'exposition que les deux pays créent dans cette région très dense. Cependant, un train de mesures a été mis en place. Nous avons beaucoup d'ententes avec nos collègues des États-Unis sur les questions atmosphériques et hydrologiques transfrontalières. Nous avons divers plans d'action et sommes constamment en discussion pour pousser plus loin les mesures prises pour réduire certaines émissions.

La LCPE nous donne les priorités nécessaires pour agir. Il y a différentes mesures de mise en œuvre et autres à suivre.

En soi, la LCPE ne fera pas de différence. Par contre, les diverses mesures de mise en œuvre que nous avons adoptées pour remédier au problème en feront une.

M. Glover : Pour répondre à votre deuxième question, la loi prescrit que le ministre de la Santé effectue des recherches sur les dérégulateurs endocriniens. Nous le faisons continuellement et publions nos résultats scientifiques pour permettre à tous de mieux comprendre le problème. Nous continuons notre travail afin de toujours mieux repérer les éléments déclencheurs et les substances dotées de ces propriétés. Nous pouvons ensuite intégrer ces données aux évaluations des risques. C'est une partie centrale de notre travail, qui se poursuit constamment.

Le sénateur Spivak : Vous le faites depuis des années.

M. Glover : En effet.

Le sénateur Spivak : Tout a commencé lorsque nous avons trouvé des oiseaux ayant des problèmes de féminisation et de becs. Vos études durent depuis longtemps. N'avez-vous toujours pas de conclusions fermes?

M. Glover : Avec le temps, nous réussissons à identifier des substances, les éléments déclencheurs, si l'on veut, ce qui nous permet de mieux évaluer les nouvelles substances et de déterminer si elles engendrent des problèmes de la reproduction. Cette information s'intègre aux mesures découlant de la LCPE et à nos évaluations.

Nous ne pouvons pas dire que nous avons des conclusions définitives sur les substances toxiques pour la reproduction et nos autres objets d'évaluation. La science évoluera toujours. Il y a ce qu'on appelle un transfert de connaissances de nos recherches à nos évaluations des risques, et ce transfert de connaissances nous aide à conclure diverses évaluations.

Le président : Toutes les comparaisons sont odieuses. La situation politique des États-Unis, leurs divisions politiques et le partage des responsabilités en vertu de leur Constitution diffèrent des nôtres.

On nous dit que certains États, particulièrement les États frontaliers entourant les Grands Lacs, prennent des mesures plus efficaces que leurs homologues canadiens pour réduire la pollution atmosphérique de sources industrielles. On nous dit que les émetteurs canadiens, les grands émetteurs industriels, émettent dans cette partie de l'Amérique du Nord de 80 à 90 p. 100 plus de substances toxiques indésirables dans l'air, environ, que leurs homologues des États-Unis. Cette situation dépend en grande partie de l'épuration à l'échelle de l'État, entre autres.

Avez-vous quelque chose à répondre à cela?

Mme Cléroux : M. Moffet vous donnera une première partie de la réponse à votre question, puis je la terminerai.

M. Moffet : Je crois que vous citez des rapports récents de la Commission nord-américaine de coopération environnementale publiés par la Commission de coopération environnementale (la CCE). Diverses organisations non gouvernementales ont publié ces données elles aussi.

Je crois que ces rapports comparent les normes réglementaires qui existent au niveau des États et des provinces. Ils comparent également les niveaux d'émissions de certains polluants atmosphériques communs par des établissements relativement comparables.

En effet, je comprends à la lecture de ces rapports qu'il y a des cas où des entreprises comparables du Canada émettent plus de gaz que leurs homologues américains. En ce moment, ces émissions sont principalement régies par les régimes de permis provinciaux.

L'une des questions que le comité pourrait se poser consisterait à déterminer si les régimes de permis devraient faire l'objet d'une loi et d'un règlement fédéraux.

Le président : Je vous remercie infiniment. Nous vous avons retenus plus longtemps que prévu. Nous vous sommes reconnaissants de votre patience à notre endroit, de vos réponses à nos questions et des recommandations que vous nous avez faites. Vous nous avez bien instruits.

Bien que nous ayons abusé de votre temps, j'espère que vous rentrerez bien et que vous nous rendrez visite encore une fois lorsque nous en saurons plus sur ce dont nous avons parlé.

La séance est levée.


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