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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 10 - Témoignages du 29 octobre 2009


OTTAWA, le jeudi 29 octobre 2009

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 10, pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. La séance est ouverte. Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

Je suis le sénateur Percy Mockler et je viens du Nouveau-Brunswick. Je suis le président du comité. Je vais d'abord demander aux membres du comité de se présenter, en commençant par le vice-président.

Le sénateur Fairbairn : Je suis le sénateur Joyce Fairbairn, de Lethbridge, en Alberta.

Le sénateur Meighen : Je suis le sénateur Meighen, de Toronto.

[Français]

Le sénateur Poulin : Je m'appelle Marie Poulin et je représente le Nord de l'Ontario.

[Traduction]

Le sénateur Mahovlich : Je suis le sénateur Frank Mahovlich, de l'Ontario.

Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Rivard : Je m'appelle Michel Rivard, je représente la ville de Québec.

Le sénateur Eaton : Je m'appelle Nicole Eaton, de l'Ontario.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Je suis le sénateur Don Plett, de Landmark, au Manitoba.

Le président : Merci. Il va sans dire que la forêt joue un rôle clé. Elle est triplement importante en raison de son rôle dans les secteurs environnemental, social et économique au Canada.

Le comité poursuit son étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.

[Français]

Le sujet de la réunion d'aujourd'hui est l'utilisation du bois dans la construction non résidentielle.

[Traduction]

Bienvenue à tous les témoins. Votre participation à cette étude sur la foresterie dont l'ampleur et le mandat sont sans précédent est pour nous un honneur.

Ce matin, nous accueillons Mme Maura Gatensby, directrice des services professionnels de l'Architectural Institute of British Columbia.

[Français]

Nous avons aussi, de l'Ordre des architectes du Québec, M. André Bourassa, architecte et président de l'Ordre.

[Traduction]

Nous accueillons également à titre personnel M. Michael Green, architecte. Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation.

Je vous invite maintenant à faire votre déclaration. Celle-ci sera suivie d'une période de questions. On m'a informé que nous entendrions d'abord M. Green.

Michael Green, architecte, à titre personnel : Merci beaucoup. C'est vraiment un honneur d'être ici. Je suis impressionné par les travaux du comité et la décision d'aller de l'avant dans ce dossier. C'est édifiant.

Je viens de North Vancouver, en Colombie-Britannique. J'appartiens au cabinet d'architectes McFarlane Green Biggar. J'ai préparé un exposé d'une dizaine de minutes. Je vais aborder différents sujets, mais j'aimerais d'abord préciser le contexte.

Parmi les architectes canadiens, ma pratique est plutôt unique. Je travaille dans le monde entier. Je n'ai ménagé aucun effort pour identifier toutes les possibilités d'intégration du bois canadien dans mes designs destinés à d'autres pays. Pour bien des raisons, je suis un partisan du bois. En premier lieu, j'estime que, du point de vue de la durabilité, c'est le matériau de gros œuvre le plus approprié à la construction. Je crois également qu'il est essentiel de promouvoir ma collectivité et son économie. Si je pense ainsi, c'est évidemment parce que j'habite en Colombie-Britannique. Cependant, je suis natif d'Ottawa et je vais raconter une brève anecdote à ce sujet.

Je vais d'abord vous montrer deux projets afin de vous donner une idée concrète de mon travail et de l'intégration du bois dans les édifices commerciaux. Voici l'aéroport de Prince George. Je n'en suis pas le concepteur. C'est le gouvernement fédéral qui l'a conçu il y a 30 ans dans le Nord de la Colombie-Britannique, une région forestière il va sans dire.

On m'a demandé d'agrandir l'édifice et d'en revoir la conception. Ce fut pour le moins intéressant d'entendre le maire de la ville me dire d'emblée : « Utilisons le bois pour la construction. » Ce point marquait le début d'une nouvelle dynamique. En effet, les décisions politiques ont maintenant un impact concret sur la stratégie des architectes et leur choix de matériaux. Bien entendu, j'étais tout à fait favorable à ce choix.

Voici ce que j'ai fait de l'édifice en moins de deux. Voici le nouvel aéroport de Prince George. Cette image vous donne une idée de la façon dont le bois peut transformer les édifices. Le plus intéressant dans ce projet, c'est qu'il a beaucoup changé la façon dont les membres de la collectivité se percevaient. Ils pouvaient dorénavant voir que les ressources qu'ils contribuaient à créer étaient enfin consacrées à un usage qu'ils considéraient très positif.

Voilà ce dont avait l'air l'intérieur au départ. Voici le même intérieur après la transformation.

Si j'ai mentionné ce petit projet d'aéroport, c'est que je tenais à dire un mot de l'expérience que j'ai vécue au moment où j'ai été amené à concevoir l'aéroport d'Ottawa. J'étais à l'époque l'architecte styliste principal de la ville d'Ottawa. J'ai conçu l'édifice que la plupart d'entre vous utilisez régulièrement, pour le meilleur ou pour le pire. C'est ma faute, ma responsabilité.

Voilà ce que je ressens vraiment au sujet de cet édifice. Je vous montre cette image pour introduire l'anecdote suivante sur le bois. Comme je l'ai déjà dit, c'était il y a une dizaine d'années. Comme architecte, j'étais plutôt novice pour m'attaquer à une construction de cette taille. Ottawa était ma ville natale et c'était pour moi un honneur d'être chargé de ce projet. J'avais déjà conçu de grands aéroports dans le monde entier. C'est pourquoi j'ai été choisi.

Mon but était de modifier le fonctionnement des aéroports. J'y ai consacré beaucoup d'énergie. Je voulais construire la charpente de l'édifice en bois. J'ai rencontré le conseil d'administration, l'équipe de gestion de l'aéroport et l'équipe de consultants pour leur expliquer comment nous pourrions construire cette grande structure de bois.

Les 30 personnes qui étaient présentes dans la salle m'ont regardé en me disant que c'était une pure folie. « Pourquoi utiliserions-nous le bois pour construire un édifice de cette taille? », m'ont-ils demandé, avant d'ajouter « Comme vous venez de la Colombie-Britannique, il est normal que vous fassiez la promotion d'un produit de votre province. Oubliez cette idée. Nous ne sommes pas d'accord. »

J'ai toujours le sentiment qu'ils ont alors laissé passer une belle occasion. Comme je viens d'Ottawa, je sais que c'était à l'origine une ville forestière et que le bois fait partie de son patrimoine. Je voulais que l'édifice reflète ce patrimoine. Si vous avez bien regardé l'aéroport d'Ottawa de l'extérieur, vous avez sans doute remarqué ces grosses poutres en pensant qu'elles ressemblent aux canoës suspendus dans les abris d'auto d'un bout à l'autre du pays. C'est ce que je voulais que représente notre aéroport national. J'ai donc manqué mon coup.

Il y a six ans, je suis parti et j'ai fondé mon propre cabinet. C'est encore une jeune entreprise. Nous sommes maintenant 32 personnes à y travailler. On nous a offert le projet d'agrandissement de l'aéroport d'Ottawa qui a été terminé il y a un an. Quand je suis revenu, j'ai demandé « Et si l'on utilisait le bois? » et tous ont répondu : « Certainement. » C'est alors que j'ai compris que les choses avaient beaucoup évolué en six ou sept ans. Dans tout le pays, le bois est maintenant perçu comme un important matériau de construction.

Personne dans le groupe n'a dit qu'il s'agissait d'un produit de la Colombie-Britannique. Tous réalisaient qu'il s'agissait d'un matériau typiquement canadien qui rehausse la chaleur et le caractère d'un édifice commercial. Je vais simplement montrer quelques images en séquence.

J'ai fini par réaliser que notre choix de matériaux, en tant qu'architectes, est fortement influencé par le point de vue des clients et leurs craintes face à l'utilisation du bois comme matériau. Ce phénomène s'explique également par le régionalisme qui règne au pays. J'espère que nous arriverons à faire disparaître progressivement cette perception et que nous commencerons à réaliser que notre pays s'est construit grâce au bois, que nos édifices sont uniques sur le plan historique en raison de l'utilisation du bois et que le reste du monde nous perçoit comme une nation forestière. Malgré tout cela, malheureusement, nous ne mettons que très rarement le bois en valeur dans nos édifices.

Je vais vous montrer encore quelques images avant de vous dire quels sont, selon moi, les vrais défis.

Je dois aussi vous présenter mes excuses. Nous avons été invités à la dernière minute et je n'ai pas eu le temps de traduire mon exposé. Je comprends le français, mais je ne le parle malheureusement plus couramment. Cependant, je vais parler de façon à faciliter la traduction pour ceux qui ne comprendraient pas.

Il y a toute une série de difficultés historiques. Je pense que nous devons parler des difficultés auxquelles les architectes ont toujours dû faire face lorsqu'ils choisissaient le bois. Les limites imposées par le code du bâtiment comptent parmi ces difficultés. En effet, le code établit des limites quant à l'élévation. Certains types d'édifices sont autorisés, mais l'usage du bois y est restreint. Il faut aussi mentionner les préoccupations relatives aux incendies. Le code ne fait pas mention de l'apparition de certains nouveaux produits sur le marché.

Bon nombre de ces difficultés traditionnelles sont réelles, mais je crois vraiment que les architectes ont la responsabilité de les surmonter. Je pense toutefois que nous devons faire face à un défi beaucoup plus grand, en tant que pays, en ce qui concerne l'utilisation du bois dans nos immeubles. Je veux parler de l'ambition.

J'aimerais que notre pays acquière le sens de l'ambition, de la dominance et du leadership mondiaux dans la façon dont nous nous exprimons avec le bois et dont nous construisons avec ce matériau. Nous savons parfaitement couper les arbres, mais nous continuons à les exporter en espérant que d'autres sauront en faire bon usage. Nous devons apprendre comment mettre en valeur notre propre matériau dans notre architecture nationale. Il y a un certain nombre de moyens d'y arriver et bien des changements seront nécessaires avant que nous soyons en mesure de concrétiser ce changement.

Comme je l'ai mentionné au sujet de l'aéroport international d'Ottawa, je pense que nous devons mettre le bois à l'ordre du jour national. De province en province, les attitudes changent du tout au tout en ce qui concerne les utilisations du bois. Bien que je me réjouisse d'avoir réussi à concrétiser ce changement dans le projet de l'aéroport d'Ottawa, il s'agit d'un changement qui sera difficile à faire accepter dans certaines régions du pays. J'étais déçu à l'idée que certains puissent considérer le bois comme un produit de la Colombie-Britannique. De toute évidence, il y a d'extraordinaires marchés pour le bois d'œuvre d'un bout à l'autre du pays, mais je pense que nous avons l'occasion de faire croître les marchés pour le bois d'œuvre d'un bout à l'autre du pays et de faire partout la promotion de ce matériau.

L'un des principaux problèmes auxquels nous devons faire face est le code du bâtiment. Je crois que le code du bâtiment devrait être axé sur le rendement en général. À l'heure actuelle, le code du bâtiment impose des conditions particulières qui empêchent l'innovation. Il favorise souvent la médiocrité au détriment de l'excellence et de l'innovation.

Je vais donner l'exemple suivant : récemment, en Colombie-Britannique, une modification apportée au code du bâtiment afin de nous permettre de construire des édifices à charpente de bois de six étages a suscité beaucoup d'enthousiasme. J'étais au Japon avec mon enfant de neuf ans lorsque j'ai appris la nouvelle. Cet enthousiasme m'a été communiqué par un simple courriel que m'avait transmis mon bureau.

J'ai répondu en disant que je sortais tout juste d'un édifice situé à Nara, au Japon. En 2009, notre nouveau code nous permet de construire des édifices à ossature de bois de 50 à 60 pieds de hauteur. Par comparaison, l'édifice de 187 pieds de hauteur dont je venais de sortir avait été construit au VIIe siècle, entièrement en bois, à l'exception de quelques connecteurs métalliques. Il y a 1 400 ans, nous construisions déjà des édifices de trois fois la hauteur permise aujourd'hui, dans l'enthousiasme, par notre nouveau code.

Lorsque la tour Eiffel a été construite, l'édifice le plus haut du monde était la grande pyramide d'Égypte. On peut donc imaginer que très peu d'édifices en hauteur auraient été construits si les restrictions en matière d'élévation avaient été appliquées depuis l'Antiquité. Si nos codes du bâtiment ne nous permettent pas de créer des ouvrages comparables à ceux d'il y a 1 400 ans ni d'innover sur ce plan, il est clair que nous avons un problème.

Le problème, c'est que nous manquons d'ambition. Nous devons avoir l'ambition d'encourager les gens à penser beaucoup plus grand en prenant l'exemple de nos ancêtres. Nous devons redéfinir et élargir l'objectif fondamental du code du bâtiment. Celui-ci ne devrait pas empêcher le progrès. Il devrait au contraire l'encourager. En ce qui concerne le bois, il va de soi que nous devrions avoir beaucoup plus d'ambition que dans les exemples dont nos avons parlé aujourd'hui.

Le problème, c'est que nous construisons de la même façon depuis un millénaire. L'usage du bois n'a pas évolué significativement au cours des 1 000 dernières années. Dans ma profession, le principal point tournant de l'histoire de l'architecture remonte à la révolution industrielle, au moment de l'introduction du béton et de l'acier.

L'acier était un matériau intéressant. Nos grands gratte-ciel ont été construits grâce à l'acier. Au début de l'ère de l'acier, les premiers gratte-ciel étaient construits à partir de fer forgé. Peu à peu, ce matériau a été remplacé par l'acier, qui nous a permis de construire des édifices de plus en plus imposants.

J'estime que notre industrie du bois est encore à l'ère du fer. Le bois n'a pas encore atteint les sommets que l'acier a atteints. La seule stratégie structurale qui n'a pas progressé est celle du bois. Il y a beaucoup de raisons pour expliquer cet état de fait, mais il y a également beaucoup de choses que nous pouvons faire. Je pense que, comme pays, nous devons avoir l'ambition de devenir un chef de file plutôt que de rester à la traîne.

En gros, la solution consiste à encourager les constructeurs et l'industrie à innover. Les problèmes actuels découlent du fait que nous agissons comme si notre économie s'appuyait exclusivement sur les ressources, en oubliant que si nous devenons un chef de file en matière d'innovation pour nos produits, nous allons multiplier les débouchés pour nos ressources naturelles.

Par exemple, un certain nombre de compagnies, dans le monde entier, mais surtout en Europe, fabriquent des panneaux de grandes dimensions, comme ceux qui figurent dans le coin supérieur droit de l'image. Ils fabriquent des panneaux structurels de grande taille. En Amérique du Nord, nous fractionnons ces panneaux en petites sections. La raison, c'est que nous essayons de réduire le bois au modèle des deux par quatre, comme depuis toujours. Nous essayons de fabriquer ces panneaux avec des deux par quatre, ce qu'on appelle une ossature en bois. Nous devrions préserver la grande taille de nos panneaux et penser plus gros, construire de plus gros édifices en modifiant notre attitude à l'égard de la façon dont le bois et les produits en bois d'ingénierie peuvent se comporter.

Actuellement, je ne peux même pas acheter ces produits en Amérique du Nord. Je ne peux innover en utilisant cette technique parce que rien n'encourage les compagnies à ne pas les sectionner, ce qui leur permettrait en fait de consacrer moins d'argent à la fabrication de leurs produits.

Les fabricants n'arrivent pas à le comprendre parce que, je le répète, nous n'avons pas encore fait l'expérience de cette nouvelle révolution qui est à nos portes. Je pense que notre pays doit être le premier en matière de mise en marché. Autrement, nous allons manquer une bonne occasion dont s'empareront très rapidement nos concurrents étrangers.

Le problème, c'est de savoir comment faire bouger l'industrie. Comment changer le cap d'un énorme navire? Je pense que cela est possible et que le potentiel est énorme à condition d'arriver à déterminer où se trouve vraiment notre marché. Personnellement, je travaille partout dans le monde. C'est pourquoi mon approche est davantage mondiale que nationale. Je pense qu'il s'agit là d'un enjeu énorme pour l'économie canadienne.

Je suis censé parler des édifices commerciaux. Cependant, si nous arrivons à faire bouger le navire de l'industrie et à promouvoir les nouveaux produits et les innovations dans mon domaine, nous serons en mesure de nous attaquer à l'énorme marché mondial. Ce marché repose sur le milliard de personnes dans le monde entier qui vivent dans des taudis et des logements non conformes. Il s'agit du plus grand marché au monde. Pourtant, aucun pays ne semble s'intéresser pour l'instant à cet énorme potentiel commercial.

Ce marché comporte un volet altruiste, mais c'est en définitive un modèle d'affaires qui nous permettrait de développer une industrie tout en s'attaquant à la pénurie de logements mondiale, à grande échelle. Il n'est pas question de vendre des maisons unifamiliales comme nous le faisons aujourd'hui ni d'exporter la technologie du deux par quatre. Le monde ne s'intéresse pas aux deux par quatre. Le monde a besoin de constructions beaucoup plus grosses, qui se construisent rapidement, facilement et à moindre coût en utilisant les technologies dictées par leurs traditions respectives en matière de construction.

Voilà le problème. Nous essayons d'exporter les techniques de construction nord-américaines. Les autres pays ne les comprennent pas vraiment. Les deux par quatre sont typiquement nord-américains. L'enjeu consiste à exporter des produits conformes aux normes traditionnelles de construction des autres pays. C'est mon avis.

Je voyage beaucoup dans les pays forestiers du monde entier. J'ai passé beaucoup de temps en Autriche, à l'Université d'Innsbruck notamment, à discuter avec les innovateurs dans le domaine du bois. Ces innovateurs viennent notamment de la Suisse, de l'Allemagne, de la Scandinavie et du Japon.

En Autriche, par exemple, ils cherchent le moyen de transformer les produits ligneux en matériaux de construction compatibles avec les traditions locales en matière de construction. Pour exporter du bois dans un pays qui construit à l'aide de blocs de béton, il faut transformer le bois en blocs et en briques. C'est ce qu'illustre l'image de droite. Pour exporter dans un pays qui construit avec le béton, il faut trouver une façon d'adapter le bois à une technique qui s'inspire du béton. Voilà le genre d'innovations qui permettent de vendre nos produits et d'élargir nos marchés à l'infini.

À mon avis il n'y a que l'investissement et l'éducation qui permettront de régler ce problème. Je suis heureux de saisir cette occasion pour parler du Conseil canadien du bois. Celui-ci exerce une influence positive incroyable sur les architectes. Il fait un travail extraordinaire en offrant des conférences aux architectes et aux ingénieurs pour tenter d'amener un changement de cap.

Je recommanderais donc de considérer la possibilité d'appuyer cet organisme et de comprendre son rôle et ses rapports avec les États-Unis. Il investit beaucoup de notre argent aux États-Unis, ce qui est bien, mais il remet également en question notre capacité d'être les premiers à mettre en marché de nouveaux concepts, ce qui est primordial si nous tenons à jouer un rôle de chef de file.

Il serait bien d'arriver à trouver un moyen de promouvoir l'innovation grâce à des instruments tels que le prix TED. Toute une série de prix encouragent l'innovation, la course dans l'espace par exemple. Voilà un exemple dont notre pays pourrait s'inspirer. Pourquoi ne pas trouver un moyen d'encourager les gens à réinventer, à transformer le fer forgé en acier, à transformer le bois que nous utilisons aujourd'hui en produits ligneux de la prochaine génération?

Les pratiques forestières durables sont d'une nécessité absolue. Si nous tenons à vendre notre bois, nous devons les généraliser. Nous n'avons pas le choix. Nous devons mettre en œuvre les meilleures pratiques du monde en matière de foresterie durable car, heureusement, le monde a fini par en comprendre l'importance.

En partie, il s'agit encore d'une question d'innovation. Nous récoltons aujourd'hui des arbres de 50 à 70 ans. Nous devons apprendre à récolter des armes de 10 à 15 ans. La foresterie est en fait la même chose que l'agriculture. Il faut que l'exploitation forestière s'inspire de l'agriculture. Nous devons inculquer cette notion aux collectivités dont la survie dépend de l'industrie forestière.

Nous devons également commencer à comprendre que notre pays est un producteur de fibres. Les arbres sont des fibres, tout comme le bambou et d'autres essences. Nous devons dominer l'industrie de la fibre plutôt que l'industrie forestière. Nous devons contribuer aux innovations qui pénètrent les autres marchés du monde.

Nous pourrions par exemple cultiver des forêts de bambou. En effet, le bambou a une croissance rapide. Nous devons saisir ces occasions au risque de les laisser nous échapper.

Nous pourrions également tirer parti des fluctuations du marché pour générer l'économie d'échelle qui permettrait d'effectuer de profonds changements.

La question que je me pose est de savoir comment un architecte comme moi qui fait partie d'un minuscule cabinet de 32 jeunes sur la côte Ouest pourrait faire évoluer un marché mondial. L'industrie a besoin d'une quantité énorme de travail d'équipe. La seule façon dont je pourrais convaincre les gens d'accepter le changement que je préconise pour eux serait de les amener à considérer l'ampleur de la demande pour les grands bâtiments sur le marché. Pour y arriver, je dispose de solutions de source ouverte que j'essaie de partager avec l'industrie.

Il faut exporter l'industrie de la construction et non seulement la ressource naturelle. C'est un enjeu de poids. Nous sommes d'excellents vendeurs de bois, mais nous devrions plutôt vendre des constructions. Ikea a transformé l'économie suédoise d'une façon qui ressemble énormément à ce que nous pourrions faire. Nous pourrions faire avec les constructions la même chose qu'ils ont fait avec les meubles.

Je crois que plutôt de d'expédier des deux par quatre dans les autres pays en leur demandant d'apprendre à se servir d'une scie de précision et d'un marteau qui ne font pas partie de leur tradition en matière de construction, nous pourrions emballer à plat de grosses constructions et les expédier dans le monde entier. Cela permettrait d'ajouter une activité économique à valeur ajoutée sur nos marchés locaux.

La foresterie ne concerne pas seulement nos propres forêts. Nous faisons un bon travail de promotion des entreprises qui construisent des avions par exemple. Nous devrions également encourager nos fabricants à explorer les autres marchés forestiers à travers le monde et à prendre la position de tête sur ces marchés. C'est merveilleux de disposer d'une ressource aussi incroyable. Nous avons aussi une occasion, à l'instar de notre industrie minière, de fabriquer dans d'autres pays et de développer notre leadership au sein de ces autres zones de production.

Le soutien du gouvernement fédéral à la création de liens entre les innovations intersectorielles est l'une des conditions nécessaires. Le plus grand problème pour nous les architectes c'est que nous ne sommes que des acteurs très secondaires sur la scène économique. Nous avons très peu d'influence. Nous choisissons les produits, mais nous sommes loin d'avoir la capacité de provoquer des changements d'envergure. Nous ne pouvons pas convaincre de grandes sociétés comme Weyerhaeuser de construire de nouveaux produits. Il faut énormément de temps pour des petits intervenants comme moi pour faire en sorte que de tels changements se concrétisent. Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer en aidant à mettre au point certaines innovations croisées entre l'application, la fabrication et la récolte des ressources.

FFTT désigne le concept de source ouverte que je propose pour construire de grands édifices emballés à plat. FFTT est l'abréviation, en anglais, de « trouver la forêt à travers les arbres ». Je pense vraiment que c'est de cela dont il s'agit. Nous devons penser plus grand.

Essentiellement, il ne s'agit pas d'une discussion technique, loin de là, mais je préconise le concept selon lequel nous devrions construire en n'utilisant qu'un nombre réduit d'éléments. Cette approche permet de minimiser les coûts. Plus on utilise de deux par quatre, plus il faut de clous et de connections. Cela coûte plus cher. Un nombre limité d'éléments plus gros permet de réduire la main-d'œuvre et le temps de construction nécessaires et, par conséquent, le coût de fabrication. Une telle approche permet la création d'une industrie d'exportation viable.

C'est plutôt simple. Il s'agit essentiellement de préemballage, de préconception, de prédesign et de fabrication dans les petites villes, dans les collectivités sources, en fait de créer des usines de fabrication et d'exporter. C'est exactement comme la vente de meubles Ikea : on commence simplement à l'autre bout et on construit un édifice. Cette construction n'est pas simplement une maison. C'est une maison pour 20 familles. Nous pouvons y arriver et provoquer un changement réel.

Les techniques actuelles nous permettent de construire très facilement des bâtiments de neuf étages. Pourquoi alors nous réjouir parce que le code du bâtiment nous permet maintenant de construire des édifices de six étages alors que nous savons déjà comment construire des édifices de neuf étages sans recourir à des techniques spéciales, simplement en utilisant nos propres produits ligneux? Notre code ne nous le permet cependant pas.

Ce système est un système de mise en place du bois par relèvement. Si vous avez déjà entendu parler du béton mis en place par relèvement, c'est une technique de construction à très faible coût. Il s'agit de la même technique, mais en utilisant le bois, très peu de pièces et de très grosses pièces pour la construction de très gros bâtiments. C'est un meilleur produit pour l'exportation de même que pour l'industrie locale.

Nous encourageons la conception de tels systèmes et ce n'est pas une question d'architecture ou d'apparence. Ces bâtiments s'adaptent aux besoins de l'architecture mondiale et leur style peut varier d'un pays à l'autre.

Le béton et l'acier ont transformé notre industrie. C'est maintenant au tour du bois de transformer notre industrie.

L'autre élément de cette approche consiste à construire et à exporter en fonction des secours en cas de catastrophe. Nos produits ligneux peuvent jouer un rôle important dans ce domaine.

Le président : M. Green, je vous remercie beaucoup. Les sénateurs auront sûrement des questions à vous poser.

Je donne maintenant la parole à M. Bourassa.

[Français]

André Bourassa, architecte et président, Ordre des architectes du Québec : Monsieur le président, membres du comité, bonjour. Ma présentation sera en français parce que je n'ai pas une connaissance de l'anglais suffisante pour aller à la vitesse à laquelle j'aimerais aller sur un sujet qui me passionne autant que celui de la plus-value du bois dans la construction et dans notre économie.

Comme président de l'Ordre des architectes du Québec, je vous dis simplement, d'entrée de jeu, que l'Ordre des architectes du Québec a pour mission d'assurer la protection du public, et cela n'est pas uniquement d'empêcher un plafond de tomber sur la tête de quelqu'un, mais c'est aussi de protéger son patrimoine économique et général, et de sa société.

Nous nous sentons tout à fait à notre place, étant donné l'importance des forêts dans notre pays, pour intervenir sur ce sujet de la plus-value du bois dans la construction.

Dans le cadre de son mandat, l'ordre s'intéresse à toute question d'intérêt pour la profession qui peut influencer la qualité de l'architecture. Personnellement, j'ai aussi une pratique d'architecte depuis 25 ans, qui s'implique dans les questions de développement durable, dans la construction en bois, et j'ai le plaisir d'avoir de très nombreuses plantations; donc ce sujet m'intéresse d'une façon très concrète aussi.

L'ordre se mobilise depuis plusieurs années pour l'utilisation appropriée des matériaux. Une chose très importante que je me plais à dire, c'est : le bon matériau à la bonne place. On ne peut pas passer à côté de cette maxime si l'on veut avoir des bâtiments qui soient efficients. Évidemment, « à la bonne place » peut être interprété de plusieurs façons différentes.

Parmi ces matériaux auxquels nous nous intéressons, le bois tient une place extrêmement importante. Depuis quelques années déjà, l'ordre a été impliqué dans différentes missions techniques en Europe. Nous avons organisé un colloque sur le bois avec les ingénieurs forestiers; comme mon collègue l'a dit, c'est extrêmement important que tous les architectes soient rassurés quant à la gestion écologique des forêts. S'il n'y a pas de gestion écologique des forêts, cela ne donne rien de passer à l'utilisation du bois, on se tire dans le pied.

Évidemment, bien qu'il soit très abondant localement au Canada, le bois est moins utilisé ici qu'ailleurs. Je pense qu'il y a une marge pour faire beaucoup mieux.

Je vous disais que l'ordre a organisé différents événements, voyages d'études et formations sur le bois. Je sais que certains ministres ont affirmé que les architectes n'étaient pas prêts pour la construction en bois; j'aimerais rectifier le tir sur ce point. Énormément de travail se fait, tant sur la formation que sur le développement de l'offre et de la demande. Cela doit aller parallèlement.

J'ai le plaisir de donner de très nombreuses conférences sur ce sujet. C'est quoi, une architecture de qualité? Il ne faut pas omettre ce point, mon collègue vous en a montré plusieurs éléments. L'architecture de qualité, c'est une architecture à la fois harmonieuse, fonctionnelle et durable. Si on omet un de ces volets, ce ne sera pas de l'architecture de qualité; ce sera un tantôt un beau design, tantôt une construction, mais ce ne sera pas ce qui fait l'architecture. Je ne suis pas le premier à le dire, évidemment, d'autres l'ont dit depuis des millénaires avant moi. C'est aussi une architecture responsable et économiquement rentable. Je pense qu'on ne peut pas passer à côté de cela non plus.

Il faut se rappeler également que l'exploitation d'un édifice, pendant sa durée de vie utile, c'est une donnée fondamentale au niveau de l'économie de l'immeuble. On parle de ces trois chiffres, du ratio « 1:5:200 »; le 1 représente en l'investissement pour la conception de l'immeuble; le 5 représente les coûts de construction de l'immeuble; le 200 illustre toutes les sommes dépensées pendant la durée de vie utile du bâtiment. Vous excuserez mon expression familière, mais pour « cheaper » sur la conception, on se retrouve très vite avec un coût de 0,95$ au lieu de 1,25$ en conception; ensuite, en construction, cela va avoir coûté 7$, et en coût de chauffage et en frais d'exploitation, cela va avoir coûté 250$.

On ne peut pas prétendre être une société d'innovation et de savoir si, à la base, on veut le plus possible économiser sur les frais de création et de conception des immeubles. J'insiste pour dire que, quand on parle de conception d'immeuble, je ne veux pas que vous pensiez juste en termes d'architecture « olé olé »; c'est très important.

Cette réflexion est très importante et, actuellement, quand on parle du bois, on parle vraiment d'une étape de conception fondamentale, car on en est à changer certains paradigmes.

Je passe rapidement sur le fait que le bois stocke le carbone, plusieurs l'ont dit à cette table avant moi. Je pense que vous savez aussi que le bois a des avantages énormes en termes d'efficacité énergétique, en termes de masse thermique également. Tout cela est particulièrement important dans le contexte où les bâtiments sont responsables d'une quantité très importante — on dit jusqu'à 48 p. 100 — des gaz à effet de serre. Que ce soit 45, 48 ou 52, ce n'est pas ce qui est important, mais plutôt de dire que c'est une partie importante.

Quels sont les obstacles que l'on peut identifier à l'utilisation du bois? Pour certains, le bois souffre d'une image passéiste, associée à une tradition dépassée. Pour d'autres, on pense que les architectes et les ingénieurs sont peu formés. D'autres pensent que les produits innovants ne sont pas disponibles. Mon collègue a parlé de tout ce qui se fait en Europe, je pourrais vous en parler aussi, de tous ces produits innovateurs que l'on cherche à importer en ce moment, évidemment aussi dans le but de les créer ici ultérieurement.

Pensez à l'industrie du bâtiment; pour vous donner une image, pensez aux mousses plastiques que l'on utilise dans le bâtiment, pensez comment on utilise d'abord des ressources non renouvelables alors que l'on peut remplacer plusieurs de ces produits par des produits issus du bois, une ressource renouvelable. Juste cela, hormis les questions de structure, devrait être suffisant pour nous convaincre.

Les informations sur les caractéristiques techniques du bois sont aussi tout à fait perfectibles et moins accessibles, et, il faut bien le dire, certains bâtiments en bois ont quand même mal vieilli. C'est un obstacle que l'on a aujourd'hui dans le bois.

Autre élément important, je comprends que, dans la démarche que ce comité poursuit, on vise la promotion du bois dans la construction non résidentielle. Depuis le début, vous savez que l'Ordre des architectes du Québec fait aussi partie de la Coalition bois au Québec qui a été mise sur pied par le ministère des Ressources naturelles du Québec. Nous sommes très impliqués et très concernés, et, dès le départ, puisque les objectifs de la Coalition bois sont les mêmes, c'est-à-dire la promotion du bois dans le secteur non résidentiel, j'ai insisté pour dire que si on exclut le résidentiel, on se tire dans le pied.

Il ne faut pas exclure le résidentiel. Ce n'est pas parce que 85 p. 100 du résidentiel au Canada est construit en bois qu'il vaut mieux penser qu'on doit l'exclure. Pourquoi? Pour ceux d'entre vous qui ont une résidence à ossature de bois, pouvez-vous me dire combien de pouces carrés de bois vous apercevez dans votre maison? C'est entièrement recouvert de gypse, murs, plafonds, partout. Donc, si on ne voit pas de bois, on ne peut pas profiter de ses réels avantages. Je ne vous dis pas de refaire des cabanes au Canada, je ne vous dis pas de revenir aux cabanes en bois rond, c'est un archétype qu'il faut dépasser. Mais que l'on pense à l'architecture scandinave en bois, à l'architecture japonaise en bois, c'est hautement contemporain et les jeunes générations ont soif d'une architecture légère, contemporaine. Même si vous et moi pouvons habiter dans des néo-manoirs actuellement, je peux vous certifier que ce n'est pas ce que la jeune génération nous demande en ce moment comme architecture.

D'autre part, pour en avoir parlé il y a un an avec un attaché commercial de l'ambassade du Canada à Paris, il me disait : « Vous savez, monsieur Bourassa, le Canada est un leader dans l'exportation d'habitations en bois »; je lui répondais : « Non, regardez ce qui se fait ici dans les salons du bois en France, on est en retard. » Six mois après il commençait à acquiescer à mes propos, car on est vraiment dépassé par l'architecture. Je suis par ailleurs formateur pour la SCHL, j'ai été formateur dans beaucoup de secteurs liés au bâtiment, et je peux vous dire que, actuellement, l'architecture de bois résidentielle, comprise entre du polystyrène à l'extérieur et du polyéthylène et du gyproc à l'intérieur, bref tout cet amalgame de différents matériaux, en plus d'être « indéconstruisable » — c'est une donnée fondamentale au niveau du développement durable — il y a trop de matériaux différents mélangés ensemble.

Il reste qu'il ne faut absolument pas exclure cette recherche et inclure le résidentiel. Si on veut continuer à exporter, comme Michael Green l'a dit tantôt, sur les marchés étrangers, on ne peut pas conserver le retard qui est en train de s'accumuler.

Ce que le gouvernement fédéral peut faire, évidemment, c'est de poursuivre la recherche fondamentale sur les caractéristiques du bois, c'est extrêmement important. En Europe, en ce moment, j'emploierai peut-être un jargon technique, mais la notion de mur perspirant est une notion fondamentale; le bois et les produits du bois sont parmi nos matériaux les plus fantastiques pour atteindre ces objectifs.

Pour donner une image, je vous dirais simplement que, souvent, on a des manteaux d'hiver en GORE-TEX ou en matériau de ce genre, qui sont mieux construits pour laisser sortir l'humidité que nos maisons peuvent l'être. On a énormément de travail à faire de ce côté, sur la valeur hygroscopique du bois, soit comment le bois aide ou pas à stabiliser le taux d'humidité. Vous savez que l'humidité, dans nos climats froids pendant l'hiver, est un aspect très important.

Pour ce qui est de la valeur isolante réelle du matériau bois, le bois n'est pas utilisé actuellement comme un matériau isolant. On dit qu'il est peu isolant, mais ce matériau, avec sa valeur isolante moindre, associée à sa masse thermique supérieure, donne des résultats très surprenants en termes d'efficience de chauffage. Ce n'est pas vraiment mis en valeur parce que toutes les scieries qui font du bois, font du bois de charpente. Comprenez-vous? Donc elles ne demandent à aucun centre de recherche de faire des études là-dessus et cela c'est très important.

Enfin, concernant la résistance au feu, la recherche fondamentale doit vraiment se poursuivre. On touche là à un des aspects les plus importants. Il faut quand même se rappeler que, sous un feu intense, une construction en acier fond et s'écrase extrêmement rapidement, alors que pour une construction en bois — du gros bois, on ne parle pas des 2x4 et des 2x6, mais du gros bois d'œuvre — cette structure en bois pourra se calciner, mais elle va se tenir et permettre aux occupants de sortir, c'est très important.

Même en Europe, en ce moment, on se sert des plaques de bois pour protéger les colonnes d'acier du feu, alors qu'ici on a encore l'idée que le bois est un risque accru par rapport à des bâtiments incombustibles. Évidemment, cela prend la compétence de professionnels du bâtiment pour la mise en œuvre de ces matériaux. Je n'essaie pas de vous dire que n'importe qui peut faire n'importe quoi, c'est certain.

Un autre élément pour lequel le gouvernement fédéral pourrait aider beaucoup, je pense, serait d'aider à structurer une industrie du bois de façon pancanadienne puisque, on l'a dit, à plusieurs reprises, d'un village à l'autre, on sait à peine ce qui se passe; les gens sont très isolés. Il faut se rappeler que l'industrie du bois au Canada sera florissante à travers de grandes entreprises de bois qui font de grandes structures en bois, mais aussi de façon plus locale à travers des petites scieries, des petites entreprises qui mettront en œuvre ce que pour ma part j'appelle « le bois du terroir ».

Ce n'est pas vrai que l'on peut juste prendre du bois de Colombie-Britannique puis l'exporter pour faire des projets en Ontario ou au Québec, ou l'inverse; cela n'a pas de sens. Il faut vraiment qu'il y ait aussi une mise en valeur de ce qui se fait localement dans la transformation du bois.

Autre élément fondamental, par rapport à ce que, à mon sens, le gouvernement fédéral pourrait faire pour aider; nous avons au Canada en ce moment toute une industrie des pâtes et papiers qui se cherche une vocation. Et vous savez comme moi qu'en ce qui concerne le papier journal et de sa lecture, Internet est devenu incontournable et l'industrie des pâtes et papiers — pour le papier journal du moins — ne reviendra jamais aux niveaux où elle était il y a 25 ans. Or, on peut faire beaucoup mieux avec la pâte de papier que de faire des journaux que l'on jettera au panier de récupération. On peut faire des ouvrages pérennes avec les pâtes de papier.

Je sais que, à mon avis, c'est un changement de paradigme considérable par rapport à l'industrie des pâtes et papiers, mais pensez qu'on peut, avec les produits de pâte de bois, faire des produits isolants, faire des produits structuraux, faire plein de matériaux extrêmement intéressants pour le bâtiment à cause de son caractère renouvelable. On utiliserait à ce moment-là beaucoup moins de mousses plastiques dans le bâtiment. Les mousses plastiques ont leur place dans certains usages spécifiques. Mais pensez à la transformation de l'industrie des pâtes et papiers, ce que je vous dis peut avoir l'air complètement disjoncté, mais c'est extrêmement faisable et positif. Certaines compagnies spécialisées dans les pâtes ont déjà toute une division de matériaux de construction.

J'ai parlé des aspects techniques, mais il ne faut absolument pas oublier les aspects de design du bâtiment et des produits du bois pour que leur mise en œuvre soit encore une fois une image séduisante pour les nouvelles générations et qu'on ne retourne pas, comme je le dis des fois au « néo-granola » ou au « néo-ma-cabane-au-Canada ». Bien entendu, on est toujours le « néo-granola » de quelqu'un. Il y a toujours plus « granola » que nous.

De structurer le réseau de manufacturiers pancanadiens, je pense qu'au niveau de l'information, des communications web, ce serait très important.

De penser, aussi à quel point le réseau des grandes et des petites entreprises ne sont pas contradictoires, mais complémentaires, et de penser aussi que l'industrie de l'acier par rapport à l'industrie du bois n'est pas en opposition. L'Ordre des architectes est très impliqué en ce moment dans la mise en œuvre des produits de l'aluminium. C'est une industrie très importante au Québec.

Encore une fois, c'est sous le vocable du bon matériau à la bonne place. Mais qui sont au Québec en ce moment nos joueurs les plus importants pour l'intégration des composantes de bois qui viennent de l'étranger? C'est l'industrie de l'acier. Un concessionnaire de voitures peut quand même vendre des camionnettes et des autos en même temps. Pour quelqu'un qui fait de l'érection de charpente d'immeubles, d'avoir à ériger des structures en bois et en acier en même temps, c'est tout à fait faisable, le Groupe Canam au Québec est en train d'ouvrir une division de bois. J'arrive de France avec des gens de l'acier sur une mission technique sur le bois et cela les intéresse hautement, ils ont la compétence pour ériger des charpentes avec beaucoup de rigueur et de précision. C'est moins le cas parfois de l'industrie du 2x4 et du 2x6.

Donc encore une fois, il ne faut pas voir des oppositions là-dedans et de dire que le lobby de l'acier va faire tomber la résurrection du bois. Je ne crois pas à cela. Les gens ont déjà compris leur intérêt. Les plus grands produits d'Autriche, les plus novateurs, sont importés par des entreprises d'acier à Québec.

Maintenant, il faut éviter absolument dans cette mise en œuvre du bois, les effets de ce que j'appelle le « wood washing ». Mettre du bois pour mettre du bois, je ne suis pas convaincu du tout. Personnellement, je vais prioriser l'utilisation du bois dans les espaces intérieurs et protégés, pour qu'à l'extérieur, on ait vraiment des matériaux qui demandent le moins d'entretien possible. Je n'essaie pas de vous dire que l'on ne peut pas en faire des immeubles en bois à l'extérieur. J'en fais depuis 25 ans. Mais j'essaie vous dire que c'est approprié.

Je donne en ce moment une conférence sur toute l'image du bois, en Autriche, en Suisse, où l'on y voit des bois vieillis, des bois noircis, des bois grisonnants, une image avec laquelle on n'est pas habitué. Je n'essaie pas de vous dire que c'est beau ou pas beau. Je dis que c'est une façon de mettre en œuvre le bois à laquelle on n'est pas habitué. Donc, assurez-vous que votre client est à l'aise avec cela. Si vous faites un immeuble à bureau recouvert de bois tout gris et noir après cinq ans et que l'architecte est très content parce que c'est le « look » qu'il recherchait, mais que ce n'est pas ce que le client recherchait, on va reculer.

Il y a plusieurs façons de faire cela. Évidemment, au gouvernement fédéral, on en a parlé déjà, mais le financement de cet apprentissage est extrêmement important. Tout le monde n'y voit pas un intérêt premier. Je pense que c'est un investissement qui est très important et c'est le devoir d'exemplarité du gouvernement fédéral, évidemment, dans les immeubles qu'il doit concevoir. Je connais quelques-uns des collègues architectes responsables d'immeubles au gouvernement fédéral et ils attendent une volonté politique de votre part pour être à l'aise avec la mise en œuvre du bois.

Le plus haut édifice en bois de la planète est en cours de construction en Norvège et il comportera 17 étages. S'il y a un élément qu'il faut souligner, c'est qu'on parlait du lobby de l'acier tout à l'heure, évidemment, les lobbies de la protection incendie au Québec sont peut-être les moins à l'aise avec la construction en bois parce que c'est moins leur métier et ils sont davantage habitués avec la construction en bois avec des 2x4 et du 2x6. Il faut contrer aussi cette image négative du bois de 2x4, 2x6. Je réfère aux petits immeubles de deux, trois étages, qui ne vieillissent pas toujours bien parce que le gypse craque, parce qu'il y a des mouvements de structure, ce n'est pas ce genre de structure dont on parle dans la mise en œuvre.

En France, le gouvernement impose depuis 2006 à tous les immeubles publics d'intégrer au moins 20 centimètres de bois par mètre carré. Parfois cela ne sera que du bois d'apparence, parfois cela ne sera que du bois de charpente, mais cela fait que l'industrie se développe d'une façon considérable tout en ayant des forêts bien gérées évidemment. C'est important.

La Colombie-Britannique a adopté de son côté une loi obligeant les architectes et ingénieurs à inclure le bois dans certains édifices. Encore une fois, des édifices en bois esthétiques, fonctionnels et durables, c'est important.

Les compétences des professionnels doivent quand même être améliorées, c'est important. Je vais rapidement du côté des architectes, le commentaire qu'on entend le plus, c'est que nos ingénieurs en charpente, au Québec à tout le moins, ont beaucoup de côtes à remonter par rapport à l'utilisation des charpentes en bois.

On a quand même un certain surcoût en ce moment à cause des difficultés de livraison. L'offre est moins grande que la demande. Quand même, si on veut faire une arche de bois pour porter 120 pieds de large, ce qui est très grand, cela va nous coûter moins cher de faire cette grande portée en bois qu'en acier. Ce n'est pas banal.

En ce qui a trait au code du bâtiment, une restructuration serait souhaitable pour sortir du code tous les éléments qui nous lient à la construction en bois. C'est très éparpillé dans le code en ce moment et pour avoir rencontré le président de la Régie du bâtiment au Québec cette semaine, je peux vous dire qu'on va travailler fort. Mais si on peut le faire au Québec, il y a un six étages qui se construit en bois au Québec en ce moment, c'est au prix d'énormément de démarches administratives à la Régie du bâtiment et ce n'est pas à la portée de tout le monde.

Quand je vous parlais du bois du terroir et quand je vous parlais de la construction en bois de plus petits édifices en région, il reste que tel que les codes sont construits actuellement, même dans certains petits immeubles, dans certains usages spécifiques, on doit quand même pourvoir ces bâtiments de gicleurs automatiques à eau. Or quand on est en région, les réseaux d'aqueducs ne sont pas toujours aptes à alimenter des systèmes de gicleurs automatiques. Donc automatiquement, cela va exclure en région là où le bois est le plus disponible, l'utilisation du bois à cause de ces normes. Je rappelle qu'en Europe, l'usage des gicleurs automatiques n'a rien à voir avec ce que l'on fait ici. C'est beaucoup moins contraignant à ce niveau et pourtant les immeubles sont en place depuis longtemps.

Donc la gestion responsable, on en a parlé. Une certification, élément où le fédéral pourra être impliqué, une certification nationale sur l'utilisation intelligente du bois dans la construction pourrait aussi être mise en place d'une façon, je pense, souhaitable.

En conclusion, j'ai peut-être dépassé mon temps un peu, les obstacles à l'utilisation du bois en construction sont à mon sens plus psychologiques que réels. Ils sont gérables et plus légers que l'on pourrait l'imaginer. Il n'y a pas de révolution dramatique à faire, mais oui, il faut donner des exemples, il faut produire des exemples dans toutes sortes d'immeubles, dans de très nombreuses régions. Cependant, il faut que cela se fasse rapidement. Les exemples qui sont donnés doivent être faits rapidement et c'est très important, dans le premier voyage que l'on a fait dans la région de Paris, où l'on avait repéré les immeubles en bois sur le site d'un organisme de promotion du bois, c'était très intéressant parce qu'on voyait de beaux immeubles sur le site Internet et quand on allait les voir en réalité, je peux vous dire que l'on voyait la différence entre le bon design et le mauvais. Dans le bon design, les immeubles vieillissaient bien alors que d'autres étaient franchement déglingués et de cela, on n'en veut pas au Canada dans la construction en bois. On veut des immeubles qui vieillissent bien. C'est très important de supporter les aspects de révision du Code du bâtiment et de la recherche fondamentale.

Les aspects, je vous ai parlé tantôt, vous n'avez pas idée sur l'isolation du bois, sur la valeur hygroscopique, personne ne demande ces études parce que cela ne profite à personne en particulier. Une scierie ne va pas faire évaluer la valeur isolante de son bois.

À titre d'anecdote, en ce moment, on a une construction en bois où la charpente était prévue en résineux. Le fournisseur l'a faite en chêne rouge. Une charpente en chêne, je peux vous dire, même si cela s'est déjà fait, aujourd'hui, c'est assez peu fréquent.

La démarche qu'il a fallu faire pour avoir les caractéristiques du chêne comme bois de charpente, vous n'avez pas idée. Alors il y a encore beaucoup de diffusion à faire, de publications à faire, de livres, de sites Internet pour accélérer les choses et pour convaincre nos élus, sénateurs, députés, élus municipaux de la qualité de la construction en bois, c'est une construction de qualité qui résiste aux incendies d'une façon remarquable.

Le président : Merci, monsieur Bourassa. J'en prends la responsabilité totale.

[Traduction]

Maura Gatensby, directrice des services professionnels, Architectural Institute of British Columbia : J'ai dirigé pendant 18 ans un cabinet d'architectes en Colombie-Britannique. Celui-ci concevait surtout des immeubles commerciaux et industriels. J'occupe actuellement le poste de directrice des services professionnels pour l'Architectural Institute of British Columbia. Dans le cadre de mes fonctions, je fournis un soutien pratique aux architectes et je suis également responsable du développement professionnel.

Comment un bâtiment peut-il être construit en bois plutôt qu'en acier ou en béton au Canada? Comment prenons- nous cette décision?

Le facteur déterminant est le coût. Il y a de nombreux autres facteurs en jeu, mais un bâtiment doit être construit en utilisant le matériau le moins cher possible pour la charpente. Mis à part les préférences personnelles ou autres considérations du même ordre, ce sera le bâtiment à moindre coût qui sera construit en tenant compte de la réglementation et de l'utilisation fonctionnelle des matériaux.

Si le bois présente des avantages économiques et si son utilisation est conforme aux règlements, il sera utilisé. Il s'agit ici de l'ossature principale, indépendamment des choix architecturaux d'ordre esthétique.

Si ce sont des raisons économiques qui favorisent le bois au Canada, en Colombie-Britannique et dans l'Ouest canadien, le bois est souvent le matériau le moins cher. C'est pourquoi, dans les limites imposées par le code du bâtiment, le bois est souvent le matériau de choix en Colombie-Britannique.

Les codes du bâtiment au Canada et aux États-Unis restreignent l'utilisation du bois en raison de sa combustibilité. Ils imposent également des limites à l'élévation des bâtiments, de même qu'à leur surface ou leur empreinte. C'est très bien parce ces codes essaient de protéger l'intérêt public. Ils ont pour but de protéger les gens en cas d'incendie des bâtiments.

Les limites permises peuvent être élargies par l'utilisation d'extincteurs. Les limites sont établies en fonction de la sécurité du public. Elles ne viennent pas d'un quelconque groupe de pression , d'une aversion pour le bois ou du principe que l'acier ou le béton sont de meilleurs matériaux de gros œuvre que le bois. Les limites structurelles du bois n'entrent pas en jeu pour les bâtiments de moins d'une vingtaine d'étages.

La norme actuelle sur la conception de constructions en bois, CSA 086, permet une hauteur de 20 étages sans modification particulière. La limite est imposée par la préoccupation en matière de protection contre le feu. Il est tout à fait possible de construire des bâtiments de 20 étages en bois. Le problème, c'est de savoir comment faire face à une situation d'urgence comme un incendie dans un édifice de cette taille. Il y a deux volets à ce problème. Le premier concerne l'évacuation des personnes. Plus le bâtiment est élevé, plus il faut de temps. C'est la principale difficulté. C'est aussi le problème de tous les immeubles de grande hauteur. C'est la raison pour laquelle ces constructions sont traitées comme un cas très particulier dans nos codes du bâtiment. Il est effectivement difficile de les évacuer très rapidement. Nous pourrions être évacués de cet édifice en quelques minutes, mais ce serait impossible dans un immeuble de 20, 30 ou 40 étages.

La deuxième difficulté relative à la lutte contre le feu dans les immeubles en hauteur, c'est la taille de l'équipement nécessaire. En effet, les pompiers peuvent combattre un incendie de la rue si l'immeuble ne comporte que trois ou quatre étages, comme à l'époque, ou jusqu'à six étages actuellement. Dans les immeubles de grande hauteur, ils doivent lutter contre l'incendie de l'intérieur.

Ces problèmes ne sont pas insolubles, mais la recherche intensive devrait permettre de trouver des solutions aux limites de l'utilisation du bois dans les immeubles de très grande hauteur et de plus de six, huit ou 10 étages.

Mes collègues ont notamment mentionné les gicleurs automatiques. Dans tous les bâtiments de bois de grande taille, nous utilisons déjà des gicleurs automatiques pour éteindre les incendies. C'est la norme. Même ce système est extrêmement efficace, il faut quand même faire preuve de prudence lorsqu'il s'agit de bâtiments plus grands. Il est arrivé lors d'incendies dans des immeubles de grande hauteur qui n'étaient pas construits en bois que les systèmes de gicleurs automatiques n'aient pas fonctionné.

Il est maintenant permis de construire des immeubles de six étages en Colombie-Britannique et il y en a déjà un certain nombre en chantier. L'un des problèmes, c'est que les cabinets d'architectes ne disposent pas des ressources internes nécessaires pour la recherche et l'élaboration d'un ensemble approprié de pratiques exemplaires. Nous faisons de notre mieux, mais nous ne sommes pas de grandes organisations. Le gouvernement doit nous fournir un soutien à la recherche afin que nous puissions élaborer ces pratiques exemplaires et mener à bien les recherches mentionnées par M. Bourassa.

Il se fait actuellement un bien meilleur travail en Europe dans le domaine des recherches sur l'utilisation des produits ligneux et, notamment, dans celui de l'élaboration de pratiques exemplaires. Nous ne pouvons compter sur un tel soutien. Ainsi, même s'il est désormais permis de construire des immeubles de six étages dans le code du bâtiment de la Colombie-Britannique, les architectes restent naturellement prudents. Ils veulent construire des bâtiments durables et réussis, mais ils n'ont pas assez d'informations sur la façon de gérer les difficultés inhérentes à l'utilisation du bois dans les bâtiments plus élevés.

Collectivement, ils restent prudents, même si toutes les difficultés ont été identifiées et qu'elles sont relativement mineures. Les complications, par exemple le retrait, ne sont pas majeures, mais il faut en tenir compte car elles peuvent être la cause de défaillances de construction. Bon nombre de ces défaillances ne conduisent pas nécessairement à un effondrement total, mais elles finissent par être onéreuses pour les propriétaires avec le temps. Les propriétaires hésitent donc à choisir les constructions en bois dans la catégorie des immeubles de hauteur moyenne parce qu'ils veulent éviter les problèmes subséquents.

Nous avons besoin d'aide pour le développement de la recherche. Nous avons besoin de la recherche et de l'éducation afin de diffuser les pratiques exemplaires et les détails appropriés pour les immeubles en bois de hauteur plus élevée. Le marché privé est à l'origine de la construction de certains de ces immeubles en bois de six étages. Nous aimerions également bénéficier de l'aide gouvernementale dans le cadre d'études de cas qui nous permettraient d'examiner et de surveiller certains de ces bâtiments et d'évaluer leur rendement sur le terrain.

La structure d'une construction en bois pourrait représenter quelque 20 p. 100 du coût. En plus de l'utilisation du bois comme matériau de gros œuvre, il y a d'autres limites à l'utilisation du bois comme matériau d'aménagement intérieur en ce qui concerne le feu, différentes de celles qui s'appliquent à un immeuble de grande hauteur. Il s'agit normalement de la propagation du feu à travers le matériau et de l'impossibilité pour les personnes d'évacuer le bâtiment du fait que le feu se propage trop rapidement sur la surface ligneuse. L'approche technique est différente car le bois peut être traité chimiquement pour empêcher une telle propagation. Encore une fois, les architectes n'ont pas la capacité de mettre au point des traitements chimiques à cette fin. Ils doivent trouver des solutions déjà disponibles sur le marché. Nous avons besoin d'un soutien accru pour la mise au point de produits qui nous permettraient d'utiliser le bois comme matériau d'aménagement intérieur.

De même, l'utilisation du bois comme revêtement extérieur est en grande partie réservée aux immeubles de trois ou quatre étages en raison du risque de propagation du feu aux bâtiments adjacents. Cet aspect est particulièrement critique dans les milieux urbains où les immeubles sont plus rapprochés. Afin d'utiliser le bois, nous avons besoin d'aide pour la mise au point d'une plus grande variété de produits intumescents pouvant être utilisés pour traiter le bois afin d'empêcher que le feu ne se propage aussi facilement aux bâtiments adjacents.

Il y a une multitude de problèmes relativement mineurs et solubles. Nous avons cependant besoin d'aide pour les résoudre car les architectes ne sont pas en mesure de le faire par leurs propres moyens. Collectivement, tous ces petits problèmes contribuent cependant à limiter l'utilisation du bois dans la construction.

Au Canada, très peu d'immeubles peuvent être construits en bois, généralement pour une raison fonctionnelle. Il y a notamment des cas où l'activité à l'intérieur du bâtiment génère trop d'humidité, ce qui exclut le bois. Ce problème n'affecte cependant qu'un très faible pourcentage des constructions. Les constructions les plus appropriées à l'utilisation du bois sont notamment les écoles, les immeubles de bureaux, les immeubles commerciaux.

C'est là-dessus que je vais m'arrêter.

Le président : Je vous remercie beaucoup. Nous allons commencer avec le sénateur Eaton et poursuivre avec le sénateur Mercer.

Le sénateur Eaton : Merci beaucoup. Tous vos exposés étaient très intéressants.

Pendant la dernière séance du comité, un témoin qui dirigeait une organisation architecturale a déclaré que le problème, en ce qui concerne le bois, c'est que les architectes sont très peu sensibilisés à l'utilisation de ce matériau et que le secteur du béton avait commencé à offrir des cours au niveau de la maîtrise ou du doctorat pour enseigner aux architectes comment utiliser le préfabriqué et le béton.

Je crois que tout doit commencer dans les écoles, de sorte que lorsque je voudrai construire un bâtiment, vous pourrez me dire que je pourrai utiliser le bois à l'intérieur. Il faudra cependant que vous vous sentiez suffisamment à l'aise pour utiliser ce matériau.

Est-ce aussi votre avis?

M. Green : Dans les écoles du pays, les attitudes varient quant à l'enseignement des méthodes d'utilisation du bois. L'Université de la Colombie-Britannique est à l'écoute de son école de foresterie et fait tout pour l'encourager.

Le sénateur Eaton : Cet architecte venait de Vancouver.

M. Green : C'est intéressant. J'ai constaté au cours des 10 dernières années que le programme du Conseil canadien du bois, de même que divers autres programmes en Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario, ont permis de sensibiliser les architectes à l'utilisation du bois. Ils organisent des séminaires et font partie de notre développement professionnel. Ces séminaires sont crédités par les établissements d'enseignement. C'est en Colombie-Britannique que le taux de participation est le plus élevé. En général, la plupart des architectes y participent.

J'ai fini par donner beaucoup de conférences aux États-Unis pour le Conseil canadien du bois. Je l'ai également fait pour d'autres organisations professionnelles. C'est un excellent mécanisme. Comme Mme Gatensby l'a dit, il est difficile pour nous qui pratiquons dans nos petites entreprises — et nous faisons tous partie de petites entreprises — de trouver le temps de sortir de nos entreprises pour recevoir une formation

La réalité, pour un grand nombre d'étudiants, c'est qu'ils ne sont pas tout à fait prêts, à l'université, à appliquer les connaissances qu'ils ont acquises. Ce sont les chefs d'entreprise qui doivent être éduqués. Ils appartiennent à la génération qui a besoin d'être sensibilisée à la promotion de l'utilisation du bois en construction. Il est très difficile d'amener les architectes débutants à intégrer le bois.

En résumé, le Conseil canadien du bois est le mécanisme le plus approprié pour dispenser les cours de développement professionnel aux architectes. Nous obliger à suivre des cours de développement professionnel comme le fait l'Architectural Institute of British Columbia fait une grande différence à cet égard.

[Français]

M. Bourassa : De façon générale, disons que les écoles d'architecture ont des efforts à faire pour se rapprocher davantage de la pratique. Je pense que c'est un point commun à toutes les écoles d'architecture au Canada, francophones et anglophones. Il y a beaucoup de travail à faire. Elles font un effort pour l'enseignement du bois en ce moment. Je peux vous dire que dans les concours d'architecture, on voit que les architectes ont fait dans les récentes années des immeubles en bois. Cela c'est certain.

Cependant, il y a encore du travail à faire dans le sens où les immeubles qui sont souvent présentés comme de l'architecture internationale, les édifices en bois représentent encore un assez faible pourcentage bien que ce soit supérieur à ce qu'il y avait avant.

D'autre part, il y a une adéquation qui n'est pas toujours faite entre utiliser le bois et l'utiliser de façon efficiente. Entre voir un immeuble en bois et voir un immeuble en bois qui est bien conçu, en fonction du climat, ce n'est pas toujours évident. Disons qu'il y a des efforts qui sont faits, mais il y en a encore à faire en termes d'enseignement.

Le sénateur Eaton : Est-ce que c'est aussi l'image du bois? Si les clients viennent vous voir, est-ce que c'est aux architectes de les diriger vers l'usage du bois, disons à l'intérieur des immeubles?

M. Bourassa : À mon sens, un bon professionnel sera celui qui va au-delà de la commande et qui propose des choses. Quitte à ce que le client achète certains éléments et n'en achète pas d'autres. Mais pour proposer les choses de façon adéquate et pertinente, il faut que le professionnel soit en maîtrise de ce dont il parle.

Vous me demandez de vous faire un centre commercial, je pourrais vous le faire avec du revêtement de bois, mais parce que j'ai vu au moins quatre centres commerciaux en bois les enlever dans les années suivantes, ce n'est pas la première recommandation que je vous ferais. Je vous dirais de l'utiliser d'une autre façon.

Le sénateur Eaton : Mais peut-être à l'intérieur quand même.

M. Bourassa : Voilà, le bon matériau à la bonne place, absolument.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Je crois que c'est un témoin appartenant à l'un des conseils du bois qui nous a parlé des panneaux de bois stratifié croisé. Il avait apporté un échantillon. Nous avons été impressionnés par ce matériau, surtout par sa solidité et sa capacité ignifuge. Il finirait par brûler, mais difficilement. Ce serait la réponse à certaines questions que vous avez soulevées.

Aucun de vous trois n'a mentionné les panneaux de bois stratifié croisé, le CLT en anglais. Est-ce parce que ces panneaux sont encore aux premières étapes de leur mise au point ou parce qu'ils ne sont pas largement disponibles au Canada?

Mme Gatensby : Je parlais de l'ensemble des produits ligneux, sans faire de distinction entre le CLT, le bois de sciage ou autres.

Du point de vue architectural, lorsque nous parlons du bois comme matériau de gros œuvre, nous ne nous limitons pas à un secteur précis de l'industrie du bois. Pour les portées plus importantes, nous utilisons toujours des produits mixtes. En ce qui concerne le bois de sciage, sa portée limite, en tant que matériau de gros œuvre, est d'environ 20 pieds. Un certain nombre de bâtiments novateurs ont été construits en Colombie-Britannique, notamment des stations de train de banlieue rapide, l'Anneau olympique de Richmond et ainsi de suite. Ces constructions ont en commun une portée très longue impliquant divers produits ligneux. Il s'agit toutefois de produits manufacturés et non pas de bois de sciage.

M. Green : Je pourrais ajouter ceci à la discussion sur le CLT. Le CLT a été utilisé à grande échelle en Autriche. Il y a au Royaume-Uni un très bel immeuble de neuf étages pour la construction duquel le CLT a été utilisé. C'est un excellent produit.

Ma seule réserve, c'est qu'il faut une quantité phénoménale de matériaux pour réaliser un élément dont notre marché n'a pas l'habitude, à savoir un mur massif. Dans des marchés comme celui de l'Autriche, un pays où l'industrie du bois ne détient que 20 p. 100 du marché résidentiel, celle-ci tente de concevoir des produits qui lui permettraient de pénétrer ce marché. Elle fait face à la concurrence de la construction à murs massifs en béton ou en blocs, des matériaux qui résistent à la chaleur. Par conséquent, les Autrichiens ont mis au point des produits ligneux comme les bois de stratifié croisé qui permettront de transformer le bois en masse thermique.

C'est tout à fait logique lorsqu'il y a de la concurrence dans un marché. Toutefois, je pense que Mme Gatensby a parfaitement raison en ce qui concerne nos efforts pour faire face à la concurrence. Le coût de la charpente est vraiment une préoccupation fondamentale pour la plupart de nos clients. Il est très difficile d'inciter les clients à adopter les panneaux de bois massif et d'abandonner les deux par quatre qui sont un matériau beaucoup moins coûteux pour la construction.

La raison pour laquelle j'insiste là-dessus, c'est qu'il s'agit d'une technologie plutôt dépassée car elle utilise des arbres relativement matures. Les arbres n'ont pas à être aussi résistants que ceux qui sont utilisés pour la fabrication des laminés-collés notamment, mais il faut quand même que les arbres soient assez matures pour être récoltés.

Certains nouveaux produits font leur apparition qui sont probablement beaucoup plus appropriés car nous cueillons des arbres de moins en moins matures. Ils constituent par conséquent une ressource encore plus renouvelable. J'y crois fermement, au point d'encourager les collectivités à cultiver des arbres pour pouvoir compter sur un nouvel apport de ressources renouvelables.

[Français]

M. Bourassa : Comme cela arrive souvent dans les produits nouveaux, le produit KLH, particulièrement de ces dalles de bois contre-laminées sont importées d'Autriche vers le Québec par une compagnie qui veut en fabriquer au Québec, mais qui les importe d'abord pour l'utilisation. Le centre de recherche Forintek a testé la résistance à la chaleur des colles de ces produits et encore une fois, le plus remarquable, c'est que c'est une compagnie d'acier qui va comme premier joueur, importer les produits de bois KLH au Québec pour les mettre en œuvre dans des immeubles. Encore une fois, l'industrie de l'acier et du bois n'est pas en opposition du tout.

Je n'ai pas apporté de photographies d'immeubles, mais c'est sûr que cela donne aussi des looks complètement différents. Quand on parlait de recherche fondamentale et de recherche appliquée aux immeubles, tel que c'est compris actuellement dans notre code du bâtiment, ces dalles, vous avez vu la résistance au feu, mais il nous faudrait rajouter du gypse en dessous et faire des modifications qui n'ont pas de sens si l'on veut profiter de la beauté de ces dalles. On a vu des immeubles à bureau complètement faits avec cela et c'est fantastique. Ce n'est qu'une question de temps.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Enfin, deux d'entre vous avez fait des commentaires positifs au sujet de l'Autriche. Qu'est-ce que les Autrichiens font de mieux que nous? Vous en avez parlé tous les deux.

M. Green : Ils investissent énormément dans l'éducation et la recherche.

[Français]

M. Bourassa : Ils ont aussi une forêt fantastique, comparée à la grosseur des arbres que nous pouvons avoir au Québec. Si on parle de la région qui, en Autriche, a fait le plus école en matière d'architecture de bois, c'est le Vorarlberg, la région la plus pauvre d'Autriche et les jeunes architectes quittaient cette région parce qu'il n'y avait pas de construction à faire là. Ils sont revenus au Vorarlberg aujourd'hui avec des designs en bois novateurs, et leur efficacité énergétique est vraiment très élevée. Ce qui fait qu'aujourd'hui, c'est une des destinations touristiques d'architecture les plus populaires au monde. Les architectes vont au Vorarlberg à plein autobus. Si cela vous tente, je vous invite le 10 à Montréal et le 11 à Québec, je donne une conférence sur l'efficacité énergétique dans l'architecture du Vorarlberg. Hydro-Québec nous a aidés. On allait Vorarlberg pour l'efficacité énergétique, mais le bois a retenu notre attention parce que les ouvrages étaient vraiment spectaculaires.

En Suisse, en Autriche et en Allemagne, ils ont une culture d'investissement dans le bâtiment qui est différente d'ici. Cela coûte plus cher.

Le sénateur Eaton : Pour continuer sur l'usage du bois en Autriche, est-ce que c'est l'usage à l'extérieur et à l'intérieur?

M. Bourassa : Vraiment les deux. Ils ont des mises en œuvre du bois très différentes, très surprenantes et dérangeantes pour monsieur et madame tout le monde en Amérique du Nord, c'est clair. Mais il y a des gens qui veulent cela. Ne serait-ce que dans l'architecture intérieure, dans les structures intérieures, c'est spectaculaire. On ne parle pas juste de bâtiments de prestige, mais des écoles qui ont été des coups de cœur fantastiques pour le groupe d'architectes que nous étions.

Le sénateur Eaton : Si vous aviez des images, est-ce que vous pourriez les envoyer à notre greffière?

M. Bourassa : Avec plaisir.

[Traduction]

M. Green : Les Autrichiens ont un sens de l'esthétique différent en ce qui concerne l'utilisation du bois à l'extérieur. Ils acceptent très bien que le bois se patine au gris. En Amérique du Nord, ces bâtiments sont considérés comme très altérés, mais la même patine est tout à fait acceptable là-bas. L'appréciation culturelle du bois est différente en Autriche et conforme à ce que l'on peut observer dans les hautes montagnes et à travers les Alpes. Il s'agit simplement d'une tradition très ancienne.

Les Japonais et les Norvégiens appliquent un procédé intéressant à l'extérieur des bâtiments. En effet, ils noircissent le bois à l'avance. Cette tradition qui remonte à plusieurs siècles consiste à protéger le bois des éléments en le brûlant. Sa surface devient noire. C'est de toute beauté. À première vue, comme ils ne sont pas habitués, les Nord-Américains sont horrifiés à l'idée que le bâtiment ait été ainsi brûlé. En fait, c'est une excellente tradition. Toutefois, l'impact culturel est énorme.

C'est une question de promotion et d'exemple. Je pense que Mme Gatensby a soulevé cette question. Je pense que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle très important dans la mise en place de modèles de bâtiments et de prototypes expérimentaux de stratégies structurales et de bardage, ainsi que dans leur mise en valeur. Il est très difficile de convaincre un promoteur commercial nord-américain d'adopter certaines de ces innovations.

L'Autriche est un chef de file mondial. Il est frustrant d'avoir à importer des produits. Nous avons dû importer d'Autriche les verrières nécessaires pour le projet de l'aéroport de Prince George que j'ai montré plus tôt. En effet, il était impossible d'acheter en Amérique du Nord une qualité de verre équivalente à celle du verre autrichien. Le gouvernement autrichien a pratiquement donné ce produit à Prince George, parce qu'il souhaitait mettre une des innovations de son pays en valeur. À cet égard, nous sommes très en retard sur les Européens.

Je ne veux pas acheter de produits européens. J'insiste pour acheter des produits canadiens, mais cela demande de grands efforts.

Le sénateur Eaton : Merci.

[Français]

Le sénateur Rivard : Merci, monsieur le président. Je dois féliciter les trois présentateurs de ce matin. C'est extrêmement intéressant et surtout encourageant. Je vous félicite d'aller voir ce qui se fait ailleurs. On a toujours dit, ce qui est bon ailleurs, on peut l'améliorer. Si ce sont de bonnes idées, on les importe. C'est très prometteur pour l'utilisation du bois résidentiel ou commercial.

Est-ce que la durée de vie actuelle des charpentes de bois est assez longue pour que l'on puisse la comparer avec la durée de vie d'autres matériaux, que ce soit le béton ou l'acier?

Est-ce que l'utilisation commerciale de charpente de bois est assez longue pour que l'on puisse là comparer comme durée sur les coûts?

[Traduction]

Mme Gatensby : Je ne pense pas que ce soit une limitation. La longévité des bâtiments en Amérique du Nord, en particulier celle des immeubles commerciaux, est déterminée en fonction de leur utilisation. Une ossature de bois va durer 30, 50 ou 70 ans, soit la vie utile typique d'un bâtiment en Amérique du Nord. Bien construite, elle durera indéfiniment. Comme M. Green l'a noté, il existe un certain nombre de bâtiments en bois au Japon qui ont plus de 1 000 ans.

Le bois est très indulgent. Il est notamment très facile de remplacer des éléments d'une construction, ce qui facilite son entretien à long terme.

[Français]

M. Bourassa : On a l'habitude de dire dans beaucoup de types de matériau que les immeubles pour être performants doivent avoir un bon chapeau et de bonnes bottes, à savoir bien protéger des intempéries, par en haut et par en bas, c'est extrêmement important. Dire de façon générale si la durabilité est bonne, si l'immeuble est bien conçu, oui, sauf que les architectes ont de mauvaises manies. Par exemple, d'exposer des charpentes en acier, vous avez beau mettre tous les traitements de galvanisation au monde, tôt ou tard, cela va rouiller. Si vous prenez la Biosphère de l'île Sainte- Hélène, s'il n'avait pas été fait en aluminium, aujourd'hui, il serait à terre, cela fait longtemps. En acier, en bois, en n'importe quoi, il serait à terre. À mon sens, personnellement, les bonnes charpentes en bois sont des charpentes qui sont protégées de l'extérieur. Je sais que mes collègues ne seront pas tous d'accord avec moi, mais pour avoir eu à changer les colonnes de certaines écoles, pourries de haut en bas, je dirais protéger donc votre squelette, c'est la meilleure stratégie à suivre.

Le sénateur Rivard : Mon autre question est moins pertinente avec ce que vous avez énoncé sur l'utilisation du bois, surtout à l'intérieur, pas exclusivement, alors si je vous dis pour quelle raison devrait-on utiliser des produits du bois à l'extérieur, par exemple, remplacer la brique ou le bardeau, que ce soit le bardeau sur les côtés ou sur le toit, j'ai l'impression que vous n'êtes pas très favorable à cela pour des raisons climatiques, écologiques ou esthétiques.

M. Bourassa : Dans le cas des parements, n'importe quel parement de bardeau de cèdre, j'en ai fait et j'ai fait beaucoup de bâtiments avec du bardeau de cèdre, cela vieillit bien, c'est léger et cela s'utilise bien et permet de faire des formes courbes. On s'amuse considérablement avec cela. Mais si pour une raison ou une autre on a trois bardeaux de cèdre à changer, on change trois bardeaux de cèdre, cela n'a pas la même incidence que lorsque la structure est attaquée. Si une structure est apparente et a de larges débords de toit et a été bien conçue et que les colonnes à la base ont la chance de s'égoutter adéquatement et qu'elles ne sont pas bien écrasées sur un plancher de béton, cela fera que malgré tout, la charpente vieillira bien. Il y a un savoir-faire fondamental, et ce n'est pas la question de mettre du bois pour mettre du bois.

Le sénateur Rivard : L'édifice auquel vous faites allusion, qui a des problèmes avec la Régie du bâtiment, est-ce l'édifice de la CSN?

M. Bourassa : Je ne dis pas qu'il y a des problèmes avec la Régie du bâtiment, mais que cela a été une plus longue démarche dans le code par objectifs pour faire accepter cet immeuble.

Le sénateur Rivard : Mais l'immeuble dont la construction progresse raisonnablement respecte toutes les normes.

M. Bourassa : Absolument.

Le sénateur Rivard : Les travaux ne sont pas arrêtés.

M. Bourassa : Non pas du tout.

Le sénateur Rivard : Je suis très heureux d'entendre cela.

[Traduction]

Le sénateur Mahovlich : Je m'excuse auprès de nos témoins. Notre président ne nous autorise à poser que deux questions même si nous avons trois témoins.

Vous avez parlé de l'aéroport. J'ai un ami très cher, Frank Gehry, l'architecte, qui a construit un certain nombre de bâtiments. Je pense qu'il a enfreint les règles et qu'il a dû se battre contre l'hôtel de ville. Lorsqu'on regarde ses créations, on ne peut ressentir que la plus grande admiration car elles sont d'une beauté sublime En lisant un livre écrit sur lui ou lorsqu'on le connaît, on sait que cet homme a dû lutter bec et ongles et même ramper pour achever ces immeubles de la façon dont il les avait conçus au départ. Il a tenu son bout. Maintenant, Bilbao a un musée qui accueille 650 000 visiteurs par année pour admirer son architecture. Cet édifice a redonné vie à la ville.

En ce qui concerne l'aéroport d'Ottawa, aviez-vous l'intention d'installer une toiture semblable à celle de l'anneau olympique de Vancouver?

M. Green : Différent, mais, effectivement, une structure de bois. Je souhaitais installer une structure lamellée-collée à cette époque.

Le sénateur Mahovlich : Il y a du bois en Colombie-Britannique en ce moment même qui a été infesté par le dendroctone du pin. Ce bois peut être utilisé et il l'a été lors de la construction de l'anneau olympique de Vancouver.

M. Green : Oui.

Le sénateur Mahovlich : Une solution semblable aurait pu être très économique.

M. Green : Il y a simplement un écart de 10 ans. J'ai conçu ce toit il y a 10 ans et c'était loin d'être un design typique. Tout le monde me regardait avec un regard perplexe.

Le sénateur Mahovlich : Vous devez tenir votre bout quand vous êtes confronté à ces personnes.

M. Green : Je suis entièrement d'accord. Une chose que je vois rarement — et quand je parle, beaucoup de gens réagissent — c'est un architecte qui admet qu'il a vraiment raté un bâtiment. Voilà ce que je ressens à l'égard de cet aéroport. Pourtant, les gens le regardent et disent : « C'est un magnifique aéroport. De quoi parlez-vous? »

C'est vrai et certains de ses éléments sont excellents. J'ai l'impression qu'avec ce bâtiment je me suis laissé tomber moi-même. En effet, je pense que l'architecte a le devoir de compléter un projet et de régler tous les problèmes qu'il rencontre. C'est notre travail et notre responsabilité. Nous ne pouvons blâmer les autres pour notre échec.

Je regarde le toit de cet édifice chaque fois que j'arrive à Ottawa. Je lève les yeux et je me dis que j'aurais du pousser plus fort.

Le sénateur Mahovlich : À partir de maintenant, quand je traverserai cet édifice, je lèverai les yeux et je penserai la même chose. Je me dirai en moi-même : « Quelle erreur avons-nous faite ici? Ce toit devrait être en bois. »

M. Green : Heureusement, quand je suis revenu et que j'ai donné plus de détails aux responsables, ils m'ont laissé utiliser un peu de bois. J'étais à Bilbao il y a deux semaines. C'est toujours étonnant de voir une culture investir dans une architecture de qualité. Bilbao n'était même pas sur les cartes. Pourtant, cette ville a depuis réussi à devenir une destination mondiale. C'est un modèle dont les villes canadiennes devraient s'inspirer pour investir dans d'importants travaux d'architecture.

J'ajouterai seulement que nous devons avoir foi en notre capacité de concevoir ces édifices ici même au Canada, sans devoir aller chercher des architectes à l'étranger. À Vancouver, nous cherchons à construire une nouvelle galerie d'art, par exemple, et la tentation est d'engager un architecte vedette venant d'un autre pays.

J'ai eu le plaisir de travailler avec Frank Gehry pendant un certain temps. Je voudrais que nous encouragions le design canadien et que nous ayons suffisamment confiance en nous-mêmes pour savoir que nous pouvons nous illustrer sur la scène mondiale sans avoir besoin de demander aux autres de créer avec nos propres ressources.

Le sénateur Mahovlich : Tant mieux pour vous.

Madame Gatensby, lorsque j'étais encore jeune garçon, j'ai travaillé dans les mines d'or du Nord de l'Ontario, en surface bien entendu. Mon père m'a trouvé un emploi dans la cour à bois. J'ai passé l'été à écorcer des grumes et à les traiter avec un produit chimique qui les empêchait de pourrir. Si vous vous rendez là-haut, dans une mine d'or désaffectée de plus de 50 ans et que vous descendez au fond d'un puits, vous y trouverez ces grumes. Elles sont encore saines et soutiennent encore les tunnels.

Je n'arrive pas à croire qu'à notre époque nous n'ayons pas encore découvert un produit chimique qui empêche le feu de s'attaquer au bois dans les édifices. N'avons-nous pas encore atteint ce point?

Mme Gatensby : Il y a des solutions, mais elles ne sont pas aussi facilement disponibles qu'on pourrait l'espérer. Les propriétés du bois sont différentes. Les pièces de bois dont vous parlez sont plus massives. En raison de la nature même du bois, une pièce de plus de six pouces par six pouces ne se consumera qu'à un pouce de profondeur avant de s'éteindre d'elle-même.

Le problème avec les pièces de bois plus petites, les deux par quatre par exemple, c'est qu'elles se consument entièrement lors d'un incendie. Certains édifices de Vancouver, construits en bois massif et comportant des colonnes de 12 pouces par 12 pouces ou de 18 pouces par 18 pouces, ont été la proie d'un incendie. Une fois le feu éteint, le bois calciné a été recouvert et les édifices ont pu être utilisés à nouveau. Malgré des incendies importants, ces immeubles sont encore debout, grâce à la nature autoextinguible des grosses pièces de bois massif.

M. Green : C'est un point très important. La taille du matériau utilisé nous permet de repousser les limites imposées en matière d'élévation des bâtiments. Les matériaux plus épais qui ne se consument pas nous permettraient de modifier le code du bâtiment. C'est une distinction importante à faire. Il y a une grande différence entre les deux par quatre et le bois d'œuvre massif, entre ce que nous sommes autorisés à construire aujourd'hui et ce que nous devrions construire demain.

Mme Gatensby : Cela s'applique au bois de sciage et aux composites comme le Parallam notamment.

[Français]

M. Bourassa : C'est clair que l'on a énormément de travail à faire pour convaincre les lobbies, les représentants des services d'incendie. Il faut se rappeler que les données fondamentales de la sécurité du bâtiment, la résistance au feu qu'on demande entre les planchers, et cetera, ce n'est pas pour sauver l'immeuble, c'est pour permettre aux occupants de sortir pendant qu'il y a une déflagration quelque part. Or, l'immeuble résiste mieux à l'incendie avec du gros bois d'œuvre qu'avec de l'acier, c'est tellement clair et évident, mais on a de la difficulté à convaincre les lobbies d'incendie qui ne jurent que par l'incombustible et les gicleurs.

Dans l'histoire des déflagrations au Canada ou en Amérique du Nord depuis 150 ans, il y a eu des cas tellement dramatiques où les notions fondamentales de sécurité de l'immeuble en bois n'étaient pas là que ces exemples ont donné des traumatismes et on a de la difficulté à en revenir, mais la science du bâtiment a évolué.

Et c'est aussi un point de vue très important, c'est l'aspect patrimonial, je ne peux pas parler pour tout le reste du Canada, mais au Québec, on a un enjeu extrêmement important qui est le patrimoine des églises. Chaque village a son église et dans un village, en général, il n'y a pas 15 églises, mais une et en général, elle est en bois. Si on veut retransformer ces églises en autre chose, en un simple petit centre de réunion, par exemple, c'est extrêmement complexe. À la limite, il faudrait recouvrir l'ensemble de l'église en gyproc à l'intérieur. Alors, du point de vue patrimonial, c'est déprimant à regarder.

Alors, la mise en valeur et la compréhension des systèmes s'appliquent certainement à ce qui s'en vient, mais il faut penser aussi — je me rappelle avoir dû démolir des couvents de quatre étages en bois parce qu'à l'époque, la Régie du bâtiment ne nous permettait pas leur transformation. Cela a changé aujourd'hui, et il y en a encore des changements à faire.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Je dois admettre que c'étaient là les trois exposés les plus instructifs que nous ayons entendus ce mois-ci. Merci d'être venus. J'ai trouvé vos exposés exceptionnels.

Je conseillerais vivement à l'industrie forestière d'embaucher M. Green comme lobbyiste. Il a fait un travail hors pair. Mes deux questions ne s'adressent pas nécessairement à vous, monsieur Green, mais elles portent sur des sujets dont vous avez parlé.

Dans votre exposé, vous avez parlé de bâtiments préfabriqués. Cette formule n'est pas nouvelle. Nous construisons des maisons préfabriquées depuis des années. Pourquoi ce procédé ne prend-il pas une plus grande ampleur? Votre exposé à ce sujet était génial et je crois que c'est l'évidence même que nous devons préfabriquer des maisons et les exporter dans le monde entier.

M. Green : La raison pour laquelle ce marché n'a pas décollé, c'est que nous avons ciblé le mauvais marché. Nous avons tendance à construire de petites maisons unifamiliales. Au cours des 10 dernières années, les bâtiments préfabriqués ont suscité un grand intérêt à l'échelle internationale. Un grand nombre de magazines spécialisés dans l'habitation que vous vous procurez à l'aéroport en parlent, mais surtout pour les chalets et les bâtiments uniques. Ces publications nous portent à penser qu'il s'agit d'un procédé coûteux, ce qui, finalement, nuit à l'image des bâtiments préfabriqués. Il peut également s'agir de la catégorie des maisons mobiles. Le chaînon manquant, c'est l'occasion d'envisager la construction d'immeubles de 20 ou 40 unités plutôt que de bâtiments d'une ou deux unités.

Le sénateur Plett : Pourquoi ne le faisons-nous pas?

M. Green : Parce qu'on ne comprend pas la stratégie structurale du bois. Il ne serait pas logique de fabriquer ces bâtiments en acier au Canada. Ce ne serait pas plus logique d'utiliser des deux par quatre. Les produits en bois d'ingénierie nous permettent de concrétiser ces idées. Les Européens explorent déjà cette possibilité. Ikea construit déjà des immeubles par grands panneaux à grande échelle.

Personne n'a encore commencé à cibler le marché résidentiel. C'est pourquoi j'ai hâte qu'on comprenne qu'il faut sauter sur l'occasion. Le défi consiste à persuader nos fabricants de grands panneaux de ne plus les refendre pour les vendre sous forme de poutres, mais de les garder entiers. C'est tout un défi de rassembler autant de gens afin de générer l'élan nécessaire.

Honnêtement, moi-même je ne sais pas comment. J'essaie, mais j'ignore comment faire. Il s'agit d'un concept très global, d'une révolution dans l'industrie. Il s'agit d'une nouvelle technique et de nouveaux produits. En ce moment, nous ne fabriquons pas ces produits au Canada et, pour ce faire, il faudrait commencer à récolter un autre type d'arbres.

[Français]

M. Bourassa : En quelque sorte, une structure d'acier est toujours préfabriquée. Alors, la grande structure en bois arrive toujours préfabriquée aussi, c'est clair. D'autant plus que l'on n'a pas intérêt à laisser en cours de construction les produits du bois exposés aux intempéries. Donc une bonne construction en bois, une grande construction en bois serait normalement aujourd'hui une construction préfabriquée. Mais comme mon collègue l'a bien mentionné, dans le petit bâtiment, dans les maisons mobiles et les petits bungalows, l'industrie qui a préfabriqué, à l'origine, a tout simplement mis en œuvre la même maison sous abri pour la sortir dehors après.

Aujourd'hui, la Société d'habitation du Québec qui s'occupe de l'habitation publique, et cetera, travaille très fort pour mettre en contact les architectes et les industries de maisons préfabriquées pour que l'expertise des uns profite aux autres et obtenir à la fin un produit plus efficient et surtout plus compétitif sur les marchés internationaux où l'on a pris énormément de retard dans l'exportation possible, mais on va y arriver.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Bonne chance dans ce projet. Je pense que c'est une excellente idée et que nous devrions la mettre en œuvre.

Mon autre question porte sur les forêts de bambou. Nous devrions planter davantage de bambou, mais pourquoi ne le faisons-nous pas? Où peut-on cultiver le bambou au Canada?

M. Green : Il pousse bien en Colombie-Britannique Il existe deux grandes espèces de bambous ligneux, à savoir le bambou ligneux de Chine et le bambou ligneux du Japon. Ces arbres poussent à une vitesse fulgurante, de six à 10 pieds par an, ce qui est énorme. En quatre ans, il est possible de récolter un produit transformable en matériau de gros œuvre ou de revêtement. Nous ne pratiquons pas encore cette culture parce que personne n'y pense.

Il faut de la clairvoyance pour comprendre que c'est pourtant l'avenir. Nous devons avoir 10 ans d'avance sur nous- mêmes, mais ce n'est pas encore ainsi que nous pensons. Nous subissons actuellement les ravages causés par le dendroctone, ce qui est un paradoxe intéressant car les arbres touchés représentent une énorme quantité de bois supplémentaire que nous pourrions utiliser si nous pouvions trouver le moyen de le faire. Lorsque l'invasion du dendroctone se sera résorbée, nous aurons besoin de planter une nouvelle génération d'arbres. Certaines de ces forêts pourraient idéalement être replantées en bambou. J'imagine qu'il faudrait que quelqu'un prenne cette initiative, mais, pour l'instant, personne n'y pense.

Il y a bien quelques chercheurs qui incorporent des fibres ligneuses au béton afin de combiner les meilleures propriétés de ces deux matériaux. Le bambou permettrait d'obtenir le même résultat. Il y a déjà un grand nombre de produits fibreux dans le bois. Ce sera la même chose pour le bambou. Si nous ne reprenons pas le temps perdu, nous devrons faire face à la concurrence. Ce qui m'inquiète, c'est que la Chine, en particulier, aura la capacité de produire une énorme quantité de fibres ligneuses. Quiconque arrivera à inventer un matériau de gros œuvre à base de fibre ligneuse pourra nous devancer rapidement. Nous devrions donc réfléchir à ces occasions et ne pas perdre de vue cet enjeu.

Mme Gatensby : Les planchers de bambou, un produit durable populaire, ne proviennent pas du Canada. Il est difficile de trouver un fournisseur de bambou au Canada. Nous nous approvisionnons donc ailleurs. En tant qu'architectes, notre premier choix serait de nous approvisionner localement, mais c'est impossible. Le bambou ne fait pas partie de la vision de l'industrie forestière ni de l'industrie agricole au Canada. Ce n'est pas un produit qui est cultivé ou fabriqué ici.

En tant qu'architectes, nous pouvons proposer de merveilleuses idées de produits préfabriqués et autres, mais nous ne sommes pas en mesure de construire une usine. J'ai dirigé un projet dans le cadre duquel nous avons dû importer des panneaux de bois des États-Unis car nous étions incapables de trouver un fournisseur canadien.

Le sénateur Plett : Je pense que nos efforts doivent être concentrés dans l'enseignement plutôt que dans d'autres domaines. Merci beaucoup.

Le président : Avant de passer au sénateur Grafstein, le sénateur Mahovlich a une question complémentaire.

Le sénateur Mahovlich : Comment le bambou brûle-t-il? Est-il aussi inflammable que le pin? Est-il un aussi bon combustible?

Mme Gatensby : Il est combustible, mais je ne pense pas que ses propriétés soient très différentes de n'importe quel autre bois.

Le sénateur Grafstein : Je partage l'enthousiasme de mes collègues au sujet de ce groupe d'experts. J'ai trouvé leurs propos fascinants, intéressants et stimulants. Merci à vous tous. Il est réconfortant d'entendre un Québécois convaincu parler de réglementation fédérale. C'est merveilleux de l'entendre dire qu'il accueillerait favorablement une réglementation fédérale, car ce n'est pas le genre de déclaration que l'on entend habituellement au Québec. Nous débattrons de ce sujet au cours des prochains jours au Sénat. Pour l'instant, je vous remercie. Je vais citer cette déclaration.

J'ai tenté très rapidement de dresser la liste des obstacles auxquels vous êtes confronté, et j'aimerais les résumer : les codes du bâtiment fédéral, provinciaux et municipaux; possiblement les syndicats; les éducateurs; les producteurs forestiers eux-mêmes qui manquent d'ingéniosité; les constructeurs qui ne pensent qu'aux coûts; les groupes de pressions en matière de sécurité qui sont toujours présents; les questions relatives aux terrains à bâtir voisins; les architectes eux-mêmes; les ingénieurs; et la question de la contraction.

Est-ce que cela résume bien les obstacles auxquels vous êtes confronté?

M. Green : Oui.

Le sénateur Grafstein : Je vais essayer d'approcher la situation d'un angle différent et de répondre à la question de M. Green : Comment faire pour éliminer rapidement ces obstacles? Nous sommes dans une course. Nous sommes au beau milieu d'une guerre économique, car la demande pour nos produits manufacturiers est en déclin et nos leaders politiques ou commerciaux ne semblent pas comprendre que nous nous bataillons pour protéger les emplois canadiens.

Il y a des façons de remédier à la situation et j'aimerais vous en suggérer une. Premièrement, au cours de la dernière année, le gouvernement fédéral a dépensé 85 milliards de dollars pour racheter les hypothèques de la SCHL auprès des banques. Au début de ma carrière juridique, j'ai passé quelque temps à examiner les codes du bâtiment préparés par la SCHL. Il y en a toute une panoplie. Il est impossible d'obtenir une hypothèque de la SCHL sans l'approbation de cette dernière, et ces hypothèques sont assujetties à un des codes du bâtiment de la SCHL.

Avez-vous consulté la SCHL à ce sujet? Peut-être faudrait-il communiquer avec l'organisme, compte tenu du fait que le gouvernement fédéral vient juste de dépenser 85 milliards de dollars pour racheter toutes ses hypothèques auprès des banques. Le gouvernement fédéral détient maintenant 85 milliards de dollars d'hypothèques de la SCHL. L'organisme devrait peut-être participer à ce processus.

Pour l'instant, la main droite ignore ce que fait la main gauche. C'est un problème.

[Français]

M. Bourassa : Par le passé, en tant que formateur à la Société canadienne d'hypothèques et de logement, par exemple, je relaterai que dans une formation, on explique aux communautés des Premières nations comment utiliser moins de bois. Évidemment, c'était il y a cinq ou six ans, probablement que l'on utiliserait un discours différent aujourd'hui, mais cela illustre comment les mentalités ont pu changer rapidement.

À la Société canadienne d'hypothèques et de logement, c'est clair qu'on intervient le plus dans la construction résidentielle. Alors dans cette question, vous appuyez ma remarque que le mandat du comité des sénateurs et le comité de tout organisme de promotion du bois ne devraient absolument pas exclure la construction résidentielle puisqu'au niveau des améliorations techniques de l'intégration du bois, de ce côté, on a énormément à faire.

L'autre élément, dans les choses que peut faire le gouvernement fédéral, c'est évidemment de contribuer à davantage de projets de démonstration. Je vous mentionne par ailleurs qu'Énergie et Ressources naturelles Canada, appuie déjà des produits de démonstration, mais si ma mémoire est bonne, c'est cinq projets de démonstration pour tout le Canada, c'est très peu.

Quand je parlais du bois du terroir en région, il faut que l'initiative du bois soit aussi celle des musées et des grands ouvrages publics, mais il faut que ce soit aussi celle des petites communautés, du maire d'une petite communauté qui désire que son projet d'immeuble soit en bois. Il ne faut pas perdre de vue cet aspect.

Mais, du côté de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, je vous appuie à 100 p. 100, il y a énormément à faire de ce côté, car les techniques qui sont proposées semblent exiger une mise à jour.

[Traduction]

Le sénateur Grafstein : Je vous remercie pour cette intervention et je reviendrai sur les projets-pilotes dans un moment, car cet aspect fait partie de ma question.

Le deuxième élément qu'il faut prendre en considération, et encore une fois cela touche les propos de M. Green, est que la meilleure façon de pousser le gouvernement fédéral à réagir est de consulter l'ACDI. L'ACDI devrait elle aussi venir témoigner devant le comité, monsieur le président. Cet organisme dépense des milliards de dollars pour démontrer au reste du monde que les produits canadiens sont d'excellents produits. Je ne vois pas pourquoi l'ACDI ne pourrait pas mener la charge, comme d'autres sénateurs l'ont suggéré, afin d'assurer la disponibilité de maisons préfabriquées usagées. J'adore l'idée des maisons à six étages à ossature de bois; c'est une idée fantastique.

Cela fait partie du mandat de l'ACDI. Les fonds sont disponibles. Tout ce qui manque, c'est la volonté politique. Par conséquent, monsieur le président, je suggère que l'on demande à l'ACDI de venir témoigner. Que pensez-vous de projets-pilotes construits avec du bois canadien dans les bidonvilles du Brésil? J'ai visité ces bidonvilles. J'y ai fait des affaires. Vous avez raison : c'est un énorme marché.

M. Green : En effet. Je crois que ce serait un projet incroyable pour nous. Actuellement, si l'on compare les produits canadiens aux produits européens, nous ne faisons pas le poids. Nous devons trouver les bons produits à commercialiser et nous devons commencer à les promouvoir sur le marché international. C'est tout un défi.

Le sénateur Grafstein : Nous avons mis sur pied un projet de démonstration. Nous avons construit Canadaville. J'ai participé à ce projet en Louisiane après les inondations survenues à la Nouvelle-Orléans. Nous y avons envoyé du bois et des charpentiers canadiens, et nous avons construit un village avec du bois. Donc, nous avons un projet de démonstration fait entièrement de bois. Cependant, personne ici n'est au courant.

Je crois, monsieur Bourassa, que votre dernière suggestion est brillante : le gouvernement canadien menant la charge en matière de projets de démonstration. Permettez-moi de jumeler deux idées. M. James Oberstar, que le sénateur Mahovlich connaît très bien, est un bon ami à nous, le sénateur et moi. Il préside le comité sur le transport au Congrès américain. Nous le connaissons depuis une dizaine d'années. Il se préoccupe beaucoup de l'environnement.

Il a dit au gouvernement fédéral américain : « Je veux que l'on construise des bâtiments écologiques. Si vous voulez obtenir des crédits de ce comité, vous devrez inscrire dans votre demande « un groupe de bâtiments écologiques » ». Le gouvernement américain est le plus gros propriétaire de bâtiments aux États-Unis, chose que peu de gens savent. C'est la même chose au Canada.

Alors pourquoi ne pas recommander au gouvernement canadien d'entreprendre une série de projets de démonstration composés d'immeubles commerciaux et résidentiels de grande hauteur fabriqués avec du bois canadien. Aucun nouvel investissement ne serait nécessaire. Les fonds proviendraient du ministère des Travaux publics. Je vous suggère, monsieur le président, de faire cette demande. Est-ce une bonne idée?

M. Green : Je crois que oui. J'ai pensé à une chose. Comme je prononce des conférences aux États-Unis, les architectes de l'armée américaine m'ont approché. Un de leurs plus gros programmes de construction porte sur des habitations d'envergures transportables et faciles à monter, un produit dont ils ont le plus grand besoin. Ils ont les fonds nécessaires, et cet argent sera dépensé d'une façon ou d'une autre. Pour ce genre de projet, le bois serait une bonne idée. Mais j'aimerais mieux que ce soit le Canada qui prenne les devants dans ce dossier, et non les États-Unis.

Ceci n'est qu'un exemple de projets de démonstration. Il existe de nombreuses typologies différentes sur lesquelles nous devrions travailler. Habituellement, lors de mes conférences, je dis : « Voici une idée. J'aimerais recevoir une quarantaine d'excellentes idées provenant des quatre coins du pays. Comment faire pour obtenir davantage d'idées semblables? »

Le sénateur Grafstein : J'allais justement faire une suggestion à ce sujet. Le gouvernement canadien dépense des centaines de milliers de dollars dans l'élaboration d'usines de traitement des eaux et les envoie ensuite à l'étranger, alors que nos collectivités autochtones n'en ont pas.

Alors ma question pour vous — et vous y avez déjà répondu — est pourquoi ne pouvons-nous pas envoyer des bâtiments préfabriqués en Irak, en Afghanistan ou dans tous les autre pays où nos soldats sont déployés, afin qu'ils servent d'installations permanentes? Nous pourrions ainsi avoir des projets de démonstration partout dans le monde.

Avez-vous approché le ministère de la Défense nationale à ce sujet?

M. Green : Non.

Le sénateur Grafstein : Devrait-on communiquer avec le ministère de la Défense nationale, monsieur le président? Ce sont mes suggestions.

Le président : Merci beaucoup, sénateur Grafstein. Il ne nous reste plus beaucoup de temps. Je demanderais à la vice-présidente de poser ses questions.

Le sénateur Fairbairn : Je serai brève.

Vos commentaires sur le bois, le feu et toutes ces choses ont retenu mon attention. Je crois que c'est excellent pour le genre de travail que nous faisons ici.

L'an prochain, la Colombie-Britannique vivra un événement merveilleux. Je veux parler des Jeux olympiques et paralympiques et de toute la construction nécessaire pour permettre à cet événement d'avoir lieu, tant pour nous que pour le reste du monde. J'ai été très intéressée par vos propos sur l'anneau olympique et je suis très heureuse que vous ayez abordé le sujet. C'est une bâtisse magnifique.

Un effort a été fait pour construire l'anneau olympique dans cette région de façon à le protéger le plus possible des incendies. On aurait probablement pu trouver un autre endroit plus près d'où les autres événements vont avoir lieu. Le Canada a-t-il consulté d'autres pays ayant déjà accueilli les Jeux olympiques et paralympiques afin de déterminer la meilleure façon de construire ces bâtiments, ou a-t-il fait cavalier seul?

De toute évidence, il a fallu utiliser une certaine quantité de bois. Il y aura beaucoup de spectateurs lors de ces événements, et je me demande si vous avez quelques suggestions à faire pour prévenir les incendies, notamment en ce qui a trait à l'anneau olympique.

Mme Gatensby : Nous avons fait appel à une société d'experts-conseils spécialisés dans le code du bâtiment de la Colombie-Britannique pour la construction de l'anneau olympique et des nouveaux édifices publics. Il y a de nombreuses excellentes entreprises en Colombie-Britannique qui se spécialisent dans la conception novatrice permettant aux architectes de contourner le code du bâtiment en utilisant des techniques d'ingénierie de protection contre les incendies. Ils utilisent, entre autres, des techniques de modélisation d'incendies et de sorties de secours et s'appuient sur les résultats de recherches avancées pour s'attaquer à la question des incendies.

Si l'on s'appuie uniquement sur le code, on obtient une petite aréna comme on en voit partout. Si vous voulez construire quelque chose de plus novateur, il est presque essentiel de faire appel à des experts-conseils spécialisés dans le code du bâtiment ou à un ingénieur de sécurité incendie. Il est possible ainsi de créer de nouvelles structures sans compromettre la sécurité du public.

Le sénateur Fairbairn : Excellent. Ce sont de bonnes nouvelles.

Mme Gatensby : Les questions entourant la protection contre les incendies représentent un défi. Cependant, je suis convaincue que tous les édifices construits pour les Olympiques sont à la hauteur. C'est ce qui est merveilleux à propos de ces nouveaux édifices. On a utilisé du bois pour les construire. C'était une exigence du gouvernement, et on s'est penché sur plusieurs de ces questions lors de la construction des édifices. D'autres architectes vont pouvoir suivre cet exemple.

Le bois a également été utilisé de façon novatrice dans la construction du Centre des congrès de Vancouver, un édifice énorme. Habituellement, le bois n'est pas utilisé dans la construction de ce genre d'édifice. De nombreux murs intérieurs sont faits en bois. Ils sont très beaux et ont été recouverts de produits ignifuges spéciaux afin de les protéger. Ce nouvel édifice en bois que nous présentons au reste du monde est typiquement britanno-colombien, typiquement canadien. Ailleurs dans le monde, ce genre d'édifice se construit avec du béton et de l'acier. Cet édifice présente plutôt une apparence boisée.

Le sénateur Fairbairn : Je suis bien heureuse de vous entendre dire cela, car nous devons tenir compte des athlètes olympiques et paralympiques. La situation des athlètes paralympiques soulève d'autres défis, notamment en raison des chaises roulantes.

Le président : Merci beaucoup. Avant de terminer, j'aimerais poser quelques questions aux témoins. Vous pourrez nous transmettre vos réponses par écrit. Ma première question porte sur l'aspect coût-efficacité. J'ai ici un merveilleux livre publié par une association ontarienne sur les édifices canadiens. Si vous pouviez nous fournir des chiffres sur l'aspect coût-efficacité de l'utilisation du bois par opposition à des techniques de construction traditionnelles, ce serait apprécié.

On parle de mesures pour assurer une exploitation durable de la forêt. Pour votre information, le comité se rendra dans la région Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick la semaine prochaine afin d'examiner certaines mesures d'exploitation durable de la forêt permettant d'augmenter la réserve de bois du Canada.

Finalement, le gouvernement fédéral a annoncé la création du programme Le bois nord-américain en premier. Veuillez prendre connaissance de ce programme et nous présenter des recommandations afin que nous puissions en informer le gouvernement actuel.

Je suis d'accord qu'il faudrait parler « d'or vert » lorsqu'il est question de nos forêts. Cela dit, je vous remercie sincèrement d'être venu témoigner. Vos propos ont été très instructifs. Il ne fait aucun doute que nous ferons un suivi sur bon nombre de vos commentaires.

[Français]

Sur ce, monsieur Bourassa, je vous remercie pour vos commentaires, je crois que vous avez été un exemple. Avec une telle synergie, on démontre ce que l'on est en train de considérer et de recommander aux gouvernements, que ce soit municipal, provincial, territorial ou fédéral.

[Traduction]

Merci à tous les témoins. Je déclare la séance levée. Merci beaucoup et bonne journée.

(La séance est levée.)


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