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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 5 - Témoignages du 1er avril 2009


OTTAWA, mercredi le 1er avril 2009

Le comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 18 h 33 pour examiner les éléments suivants du projet de loi C-10, Loi d'exécution du budget 2009 : parties 1-6, parties 8-10 et parties 13-15, particulièrement ceux qui ont trait à l'assurance-emploi. (sujet : assurance-emploi); et pour examiner le Budget des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2010.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales est ouverte.

[Français]

Nous poursuivons notre étude de la Loi d'exécution du Budget de 2009, qui a été le projet de loi C-10. En même temps, nous étudions aussi le Budget des dépenses 2009-2010.

[Traduction]

Nous nous intéressons principalement à la partie 4 du projet de loi C-10, Loi d'exécution du budget 2009, qui comporte des modifications à la Loi sur l'assurance-emploi. La semaine dernière, le comité a entendu les témoignages des fonctionnaires du ministère sur ces dispositions. Ce soir, nous allons entendre le témoignage de personnes qui ne sont pas du gouvernement et connaître leur réaction aux modifications proposées.

Notre groupe de témoins de ce soir compte trois personnes.

[Français]

Nous accueillons Michel Bédard, de l'Institut canadien des actuaires, membre du Groupe de travail sur le financement de l'assurance-emploi. Si je ne m'abuse, maître Bédard, vous avez comparu devant nous l'an dernier.

Michel Bédard, membre, Groupe de travail sur le financement de l'assurance-emploi, Institut canadien des actuaires : Je ne suis pas maître dans le sens d'avocat.

Le président : Vous êtes tout de même monsieur.

[Traduction]

Nous accueillons également M. Erin Weir, économiste, Syndicat canadien des métallurgistes unis d'Amérique; et M. Phil Benson, lobbyiste, Teamsters Canada.

Erin Weir, économiste, Métallurgistes unis d'Amérique — USW : Merci, monsieur le président, de m'accueillir de nouveau devant le comité. J'ai comparu en mai 2008 concernant la Loi d'exécution du budget 2008. À ce moment-là, j'avais soulevé des préoccupations au sujet du nouveau régime de financement de l'assurance-emploi. Plus précisément, j'avais laissé entendre que le fonds de réserve de 2 milliards de dollars n'était pas approprié et que si le chômage devait augmenter au Canada, ou bien l'Office de financement devra augmenter les cotisations ou bien le gouvernement devra injecter des fonds additionnels dans l'assurance-emploi. Le budget 2009 révèle que ces préoccupations étaient fondées. Il attribue une somme additionnelle de 4,5 milliards de dollars à l'assurance-emploi pour geler les cotisations au niveau actuel.

Je crois que les questions entourant le financement de l'assurance-emploi demeurent sérieuses. L'une de ces questions est la suivante : pourquoi avoir un office indépendant pour fixer les cotisations alors que le gouvernement a gelé les cotisations pour une période de deux ans?

Plus important encore, ces questions de financement ont été supplantées par une question encore plus urgente, à savoir l'insuffisance des prestations actuelles d'assurance-emploi pour les dizaines de milliers de Canadiens qui perdent leur emploi chaque mois.

L'enquête sur la population active la plus récente de Statistique Canada révèle que plus de 100 000 Canadiens ont joint les rangs des personnes officiellement sans emploi au cours du mois de février. Cela signifie que plus de 1,4 million de Canadiens sont officiellement considérés comme étant sans emploi. C'est le niveau le plus élevé depuis plus d'une décennie et le chiffre le plus élevé depuis février 1997.

Il est extrêmement important que l'assurance-emploi verse des prestations appropriées à ces travailleurs qui, sans qu'ils en soient responsables, perdent leur emploi. Il est également important pour l'économie au sens plus large de donner une source de revenu à ce segment important et croissant de la population canadienne, de sorte qu'il puisse continuer à dépenser et à soutenir le reste de l'économie canadienne.

Plus particulièrement, il y avait un certain nombre d'améliorations nécessaires à l'assurance-emploi qui étaient absentes du budget 2009. Elles figurent sous trois rubriques : accessibilité, niveau et durée des prestations. Tous ces domaines ont besoin d'être améliorés.

En ce qui concerne l'accessibilité, la principale lacune du régime d'assurance-emploi est qu'il n'accorde pas de prestations à la majorité des travailleurs sans emploi. Seulement 40 p. 100 environ des Canadiens sans emploi reçoivent des prestations d'AE. Il y a quelques raisons qui expliquent cette situation. Une de ces raisons, c'est que le nombre d'heures de travail nécessaire pour être admissible au programme varie selon la région du Canada où le travailleur habite. Dans les régions où le chômage est relativement faible, y compris à Ottawa, il faut 700 heures pour être admissible aux prestations. Cette variation régionale est absurde, parce que les travailleurs qui perdent leur emploi, même s'ils se trouvent dans une région où le taux de chômage est plus faible, sont tout de même sans emploi et ont tout de même besoin d'un soutien du revenu. Un deuxième obstacle à l'accessibilité, c'est que même si un travailleur est admissible du point de vue des heures de travail, il doit attendre deux semaines avant de recevoir des prestations et il doit épuiser la totalité de son indemnité de départ avant de recevoir des prestations. L'amélioration que nous, dans le mouvement syndical canadien, proposerions, c'est que tout travailleur qui compte au moins 360 heures de travail n'importe où au Canada devrait être admissible aux prestations d'assurance-emploi sans avoir à attendre deux semaines et sans avoir à épuiser d'abord son indemnité de départ.

Le niveau des prestations d'assurance-emploi se situe actuellement à environ 55 p. 100 de la rémunération antérieure du travailleur, jusqu'à un maximum de 447 $ par semaine. Ce niveau de prestation n'est pas particulièrement généreux par rapport aux normes internationales. Par exemple, le président français Nicholas Sarkozy, qui a été élu à partir d'une plate-forme qui proposait, en fait, une réduction des prestations d'assurance-emploi pour les Français, a récemment décidé d'accroître le taux de remplacement de 60 à 75 p. 100. Je ne serais pas tout à fait aussi ambitieux que lui, mais je pense qu'il serait très réaliste d'augmenter les prestations pour qu'elles représentent autour de 65 p. 100 de la rémunération que touchait antérieurement le travailleur.

Enfin, il y a la question de la durée des prestations. C'est une question d'une importance capitale en période de récession où très peu d'emplois sont disponibles et où il pourrait falloir attendre beaucoup de temps avant qu'un travailleur sans emploi se trouve un nouvel emploi.

Le budget 2009 a fait un pas dans cette direction en ajoutant, temporairement, cinq semaines de prestations additionnelles, pour un maximum de 50 semaines de prestations. Cependant, il importe de noter que ce maximum s'applique seulement dans les quelques régions du Canada où le taux de chômage est le plus élevé. Nous, des Métallurgistes unis d'Amérique, aimerions que les 50 semaines de prestations soient accessibles aux Canadiens sans emploi partout au pays.

Phil Benson, lobbyiste, Teamsters Canada : Merci, monsieur le président. Je suis lobbyiste pour Teamsters Canada, organisme syndical qui compte plus de 125 000 membres. Il est affilié à la Fraternité internationale des Teamsters qui compte 1,4 million de membres en Amérique du Nord. Nous représentons plusieurs industries y compris le transport — par air, par camion, par chemin de fer et portuaire —, la vente au détail, les films, les brasseries et boissons gazeuses, la construction, l'industrie laitière, le rail, les communications graphiques, l'entreposage et davantage.

Nous allons faire des observations sur les parties du projet de loi C-10 qui traitent de l'assurance-emploi, mais nous allons accepter de répondre aux questions qui portent sur d'autres aspects de ce projet de loi.

Il n'y a que quelques articles du projet de loi C-10 qui traitent de l'assurance-emploi et pourtant, ils sont importants.

Au cours des ans, les gouvernements ont réformé et trafiqué le régime d'assurance-emploi et il semblerait, dans certains cas, dans l'intérêt de personnes autres que les sans-emploi. Un facteur a été la décision de garder les taux de cotisation artificiellement élevés au cours des années 90 pour remplir le compte d'AE. Cependant, les recettes de l'AE ont été détournées vers les recettes générales et, essentiellement, appliquées au remboursement de la dette.

Les nouvelles dispositions financières relatives au fonds autorisent une décision indépendante du gouvernement pour ce qui est de l'établissement des taux de cotisation. Le projet de loi C-10 fixe le taux de cotisation pour 2010, en vertu de la loi, à 1,73 p. 100.

Bien que cette mesure soit en conflit avec les dispositions financières, il est possible de l'appuyer. Il est possible que le fonds d'AE soit déficitaire si le chômage augmente et s'il est prolongé. Peut-être que cela nécessitera une augmentation des cotisations. Nous sommes d'avis que l'augmentation des cotisations ou la réduction des prestations ne constitue pas une politique saine au cours d'une récession.

Une prolongation de la durée des prestations d'AE est toujours une bonne nouvelle. C'est encore plus vrai lorsqu'il s'agit d'aider à compenser les difficultés qu'éprouvent les travailleurs canadiens. Cinq semaines de prestations additionnelles peuvent sembler trop généreuses pour certains et pas assez pour d'autres, mais ce sera une mesure importante pour les sans-emploi qui arrivent à la fin de leur période de prestations.

Toutefois, nous nous demandons pourquoi cette prolongation particulière est accordée. Pendant des années, les syndicats et les associations représentant les travailleurs en chômage ont signalé qu'il y a moins de travailleurs qui sont admissibles aux prestations d'assurance-emploi aujourd'hui qu'à n'importe quel autre moment dans l'histoire du régime. En novembre 2008, 4 chômeurs sur 10, et encore moins chez les femmes, étaient admissibles à l'AE. Et ceux qui étaient admissibles ne recevaient, en moyenne, que 32 semaines de prestations. Certaines personnes qui sont admissibles ne recevront que 19 semaines de prestations en vertu des nouvelles dispositions. La prestation hebdomadaire maximale de 447 $ accordée aujourd'hui est inférieure de plus de 25 p. 100 à celle de 1996. La prestation moyenne actuelle n'est que de 335 $.

Teamsters Canada joint sa voix à celles de nombreux autres syndicats : nous appuyons une réduction du seuil de base de manière que plus de gens puissent être admissibles aux prestations. Le Congrès du travail du Canada, le CTC, a demandé que le seuil d'admission soit abaissé à 360 heures de travail.

Nous appuyons les dispositions qui auraient pour effet d'augmenter la période d'admissibilité aux prestations sur une base permanente. Enfin, l'élimination du problème créé par les petites semaines, surtout en cette période de difficultés économiques, pourrait entraîner plus de travail partagé et une réduction des taux de chômage.

Bien que le gouvernement soit intervenu sur la question de la prestation maximale antérieurement, nous donnerions notre appui à un taux de remplacement plus élevé, à savoir de 60 p. 100 de la rémunération assurable.

Une modification importante proposée dans le projet de loi, c'est que le coût des mesures visant l'amélioration des avantages accordés ne sera pas débité du Compte d'assurance-emploi. On a oublié depuis longtemps que le régime que l'on appelait autrefois assurance-chômage était utilisé pour offrir des programmes soit directement soit en les finançant parce qu'on considérait qu'il était efficace de le faire. À cette époque, le financement de ces programmes provenait des recettes générales et non pas de l'assurance-chômage. Durant la récession de la fin des années 1980, on a décidé de mettre fin à cette pratique et de faire en sorte que l'assurance-chômage paye pour ces programmes et politiques. Évidemment, durant les années 1990, il est devenu très facile d'ajouter des programmes à l'assurance-emploi parce que le surplus de l'AE a atteint un sommet inégalé. Il est toujours facile de dépenser l'argent des autres.

Peut-être qu'il s'agit d'une mesure unique, qu'il est possible d'appuyer pour garantir une uniformité des cotisations et des prestations durant la récession. Nous espérons qu'elle pourra susciter une discussion et mener à une révision du financement des programmes et amener des changements de politiques. Nous voyons cette injection de liquidités comme un remboursement sur le prêt de 55 milliards de dollars que les travailleurs canadiens ont consentis au trésor public. Nous voyons également cela d'un oeil favorable, quelles que soient les intentions du Parlement.

Même si que j'avais l'intention de limiter mes propos à l'assurance-emploi, je veux remercier le gouvernement d'avoir apporté des modifications à la Loi sur le Programme de protection des salariés pour inclure les indemnités de départ et les indemnités de préavis dans le programme. Cette mesure est la bienvenue; toutefois, il serait approprié d'accroître le niveau de couverture en vertu de cette loi.

Nous aimerions remercier le comité d'avoir agi avec autant de célérité, comme c'était nécessaire à ce moment-là, pour traiter de cette loi. Contrairement à ce que veut la sagesse populaire, c'est une preuve que le Parlement peut travailler à l'avantage des Canadiens. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions.

Le président : Merci beaucoup et merci de vos compliments.

[Français]

M. Bédard : Honorables sénateurs, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant votre comité. Je représente l'Institut canadien des actuaires.

Dans un but de transparence, je dois d'abord indiquer que de 1991 à 2003 j'étais l'actuaire en chef pour le régime d'assurance-emploi. Donc ne soyez pas surpris de constater que je connais certains détails du fonctionnement du régime.

[Traduction]

Merci d'avoir invité l'Institut canadien des actuaires à revenir devant vous pour vous faire part de nos vues sur l'assurance-emploi, et plus particulièrement sur la partie 4 du projet de loi C-10. Notre profession estime que notre devoir envers le public prime sur tout le reste et c'est dans cet esprit que nous comparaissons encore une fois aujourd'hui.

[Français]

Lors de notre comparution devant ce comité au mois de mai dernier, la mesure que proposait le gouvernement, soit la création de l'Office de financement de l'assurance-emploi, nous a semblé bonne, en principe.

Cependant, cette mesure souffrait de plusieurs défauts, principalement parce qu'elle permettait au nouvel office de ne fixer les taux de cotisation que sur la base d'une seule année, en évaluant les coûts et revenus pour la prochaine année seulement et en n'établissant aucune réserve réelle.

[Traduction]

Nous croyons toujours que la création de l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada était et demeure une bonne idée. Cependant, à ce moment-là, comme nous le faisons aujourd'hui, nous signalions que le mandat donné à l'OFAEC comportait des lacunes importantes en ce qui concerne l'estimation des contributions et des coûts sur la base d'une seule année et sans fournir de réserve réelle. Une telle approche ne peut que conduire à des modifications erratiques des taux de cotisation de l'AE et, pire encore, à des augmentations en temps de récession, dont la première aurait été nécessaire en 2010.

Mais il se trouve, évidemment, que le gouvernement a plutôt choisi de geler les taux de cotisation en 2010 et de retarder le lancement de l'OFAEC même s'il a créé un comité des candidatures pour choisir les membres de cet office en juillet 2008.

Cela a démontré que, compte tenu de son mandat actuel, l'OFAEC ne constitue pas une approche viable au financement de l'AE. Dans le contexte actuel, ou dans toute situation semblable dans l'avenir, il n'aurait pas d'autorité réelle et ne ferait que représenter une couche bureaucratique additionnelle.

Nous ne prétendons pas avoir une boule de cristal, mais lorsque nous avons fait valoir notre point de vue l'année dernière, nous avons utilisé, à titre d'illustration, un taux de chômage de 8 p. 100. Il appert que nous atteignons ce niveau aujourd'hui. Ce scénario et nos antécédents en matière d'assurance nous ont amenés à recommander un OFAEC amélioré et renforcé, qui serait un organisme indépendant qui assurerait un financement prévisible et stable du régime d'AE sur un horizon de cinq à sept ans et avec un véritable fonds de stabilisation des cotisations d'AE de l'ordre de 10 à 15 milliards de dollars. Telles sont encore nos recommandations, qui se trouvent effectivement renforcées par les développements économiques de la dernière année.

À tout le moins, la récession devrait donner au gouvernement l'occasion, le temps et la motivation de parfaire les règles opérationnelles de l'OFAEC et ainsi, d'en faire l'excellent organisme de financement indépendant qu'il aurait dû être dès le départ.

En terminant, je demande l'indulgence des membres du comité en leur rappelant ce qu'ils ont dit l'an dernier en réponse à la Loi d'exécution du budget.

Je cite :

La majorité des membres du Comité est d'accord avec les nombreux témoins, dont l'Institut canadien des actuaires, qui estiment que le fonds de l'assurance-emploi, actuellement de 2 milliards de dollars, est nettement insuffisant. Il faudrait une réserve beaucoup plus généreuse, de l'ordre de 12 à 15 milliards de dollars, pour que l'Office de financement soit en mesure d'éviter toute fluctuation dramatique des taux de cotisation et pour parer à toute hausse subite des prestations en cas de ralentissement économique.

Je serai heureux de répondre à vos questions.

[Français]

Le président : Merci, monsieur Bédard. Nous débutons les questions avec un sénateur du Québec, le sénateur De Bané.

Le sénateur De Bané : Je suis au courant que M. Bédard a été actuaire en chef au ministère du Développement des ressources humaines, qu'il a également été actuaire à la Commission de l'assurance-chômage et à la Commission de l'emploi.

De plus, M. Bédard a rédigé le rapport du Groupe de travail de l'Institut canadien des actuaires sur le financement du régime d'assurance-emploi et il a rempli des mandats en tant qu'expert international en Argentine, au Chili et en Algérie.

Monsieur Bédard, vous témoignez devant le comité en tant représentant de l'Institut canadien des actuaires, n'est-ce pas?

M. Bédard : Oui, effectivement.

Le sénateur De Bané : En cette qualité, vous êtes membre du Comité d'étude des actuaires du Canada qui se penche précisément sur le sujet dont nous discutons ce soir. Pourquoi, d'après vous et l'institut que vous représentez, trouvez- vous que la réserve de deux milliards de dollars devant être confiée à l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada est nettement insuffisante?

M. Bédard : D'abord parce que le mandat très restrictif de l'Office de financement de l'assurance visait à établir les taux de cotisation sur la base d'une seule année. La Loi sur la mise en œuvre du Budget de 2008 obligeait l'Office à récupérer ou à reconstituer la réserve de deux milliards de dollars chaque année.

S'il y avait eu une réserve de dix milliards de dollars, cela n'aurait pas été plus efficace parce que, puisqu'il faut reconstituer le montant intégralement chaque année, il ne peut pas servir de fonds de stabilisation. Quant au montant de deux milliards, si on voulait stabiliser les taux de cotisation sur un horizon de planification de cinq à sept ans, d'après nos études il faudrait pourvoir une réserve de l'ordre de 10 à 15 milliards, ce qui permettrait de conserver les taux de cotisation stables tout en comblant les coûts excédentaires qu'entraînerait une récession.

Le sénateur De Bané : J'aimerais vous poser une autre question, mais en anglais cette fois.

[Traduction]

Le sénateur De Bané : Pourquoi est-il si important pour vous que l'office soit indépendant et non pas dans le giron du gouvernement?

M. Bédard : C'est important parce que cela fournit un environnement de planification stable. Cela protège également les prestations en vertu du régime. Bien que le gouvernement actuel n'ait pas emprunté cette voie, en temps de récession, les gouvernements subissent des pressions, et ils ont tendance à réduire les prestations. Lorsqu'il y a un environnement de planification stable et un organisme indépendant pour administrer une réserve réelle, cette tentation n'existe plus.

Prenons l'exemple du Régime de pensions du Canada. Il ne figure pas dans les livres, alors même si nous vivons des temps difficiles, cela n'a pas de répercussions fiscales. Nous recommandons que le programme d'assurance-emploi n'ait pas de répercussions fiscales non plus, que les aspects liés au financement soient confiés à un organisme indépendant. Évidemment, le gouvernement conserverait la pleine autorité pour ce qui est de l'orientation à suivre en matière de prestations et de politique.

Le sénateur De Bané : Ce n'est pas votre opinion personnelle, mais celle de la société des actuaires au pays?

M. Bédard : Effectivement; c'est l'opinion qui est communiquée dans notre document de décembre 2007 sur le financement de l'AE.

[Français]

Le sénateur De Bané : Que pensez-vous des propositions d'abolir le délai de carence de deux semaines et de diminuer la norme d'admissibilité à 360 heures?

M. Bédard : Je ne peux pas me prononcer au nom de l'Institut canadien des actuaires puisque l'institut n'a pas encore pris position sur cette question.

Le sénateur De Bané : Quelle est votre opinion personnelle, alors?

M. Bédard : À titre personnel, et considérant le travail que j'ai fait pour le Bureau international du travail, il existe une norme internationale selon laquelle le délai de carence ne devrait pas excéder sept jours. Le Canada n'a jamais entériné cette convention, soit la convention C-168 du Bureau international du travail.

À mon avis, passer d'un délai de carence de deux semaines à une semaine me semble une mesure défendable. Si on éliminait le délai de carence, il faudrait alors combler des périodes de chômage de très courte durée.

On peut comparer cela au principe de la franchise sur une assurance automobile. Si quelqu'un est victime d'un petit accident qui ne coûte qu'une centaine de dollars, on s'attend à ce qu'il assume une certaine responsabilité à l'égard de ses gestes et de ce qui lui arrive.

Cela dit, deux semaines peuvent paraître au-delà des normes internationales.

Ce que je crains avec la diminution de la norme à 360 heures, c'est que pour les travailleurs à temps plein, il ne suffirait que de neuf semaines à 40 heures de travail par semaine. Cela nous ramène au début des années 1970, période durant laquelle on remarquait que cela pouvait entraîner des comportements moins que souhaitables.

Le problème c'est que depuis 1996, on établit les normes d'admissibilité en termes d'heures, et non plus en termes de semaines. Et lorsqu'on a fait la conversion de semaines à heures, on a multiplié par 35, ce qui fait que les travailleurs à temps partiel ont beaucoup plus de difficulté à rencontrer les nouvelles normes. Je suggère donc que l'on revienne au système basé sur les semaines.

Le sénateur De Bané : Le fait que le témoin ait été actuaire en chef du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, actuaire à la Commission de l'assurance-chômage, actuaire à la Commission d'emploi et maintenant rédacteur de la position des actuaires sur cette question, cela lui donne énormément de crédibilité.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Merci, messieurs. Je me rends à la convention de Canmore la semaine prochaine. Y serez- vous?

M. Benson : Non, mais vous allez aimer cela. J'y suis allé avant, monsieur.

Le sénateur Mitchell : J'ai quelques questions techniques. Premièrement, en Alberta, les prestations sont limitées à 36 semaines dans certains cas, alors il y a une différence hebdomadaire.

M. Benson : Oui, d'un bout à l'autre du pays. C'est fondé sur le taux de chômage dans une région particulière. Si vous vivez dans une région où le chômage est très faible, ce qui était le cas de l'Alberta et qui, nous l'espérons, le redeviendra prochainement, le seuil d'admissibilité est différent de même que la période pendant laquelle vous allez recevoir des prestations.

Le problème dans ce cas, c'est qu'évidemment même si la région peut avoir un taux de chômage faible, si l'industrie dans laquelle vous travaillez présente un taux de chômage élevé, il n'y a aucune façon de changer cela. Par exemple, l'industrie de l'acier, de l'automobile et du camionnage, à cause du ralentissement économique, ont des taux de chômage très élevés. Cependant, si vous avez le malheur de vivre dans une région où le taux de chômage est de 5 ou 6 p. 100, vous devrez satisfaire à ces exigences.

Le sénateur Mitchell : Je pense que M. Weir a bien fait ressortir ce point : si vous êtes sans emploi, vous êtes sans emploi. Cela est appliqué de manière disproportionnée en Alberta, probablement à cause de notre situation en matière d'emploi.

Si 36 semaines sont pertinentes, vous n'avez pas besoin de le préciser parce que les gens vont trouver un emploi après 36 semaines et ne dépasseront pas ce délai. Cela semble redondant; si un taux d'emploi élevé signifie que tout ce qui est nécessaire, c'est 36 semaines, alors, le haut taux d'emploi fera en sorte que vous ne passerez pas plus de 36 semaines sans trouver un emploi. Est-ce que vous dites que nous devrions uniformiser cela partout au pays?

M. Weir : Pour répondre à votre question au sujet des paramètres du programme en Alberta, à Calgary et à Edmonton, l'exigence est de 700 heures, ce qui est le seuil le plus élevé de toutes les régions au pays. La durée minimale des prestations est de 19 semaines et le maximum est de 41 semaines, incluant les cinq semaines additionnelles incluses dans le budget 2009.

Dans les régions rurales de l'Alberta, on est un peu plus généreux, mais ce n'est pas encore très généreux. Je suis d'accord avec vous, à savoir que si une personne est sans emploi et qu'il arrive qu'elle vive dans une région où le chômage est faible et qu'elle trouve un emploi assez rapidement, c'est bien. Cependant, rien ne justifie que le programme soit plus rigoureux dans ces régions.

Il est certain qu'il y a des licenciements massifs qui se produisent en Alberta et en Saskatchewan et dans d'autres parties du pays qui, historiquement, avaient un taux de chômage faible.

Le sénateur Mitchell : Êtes-vous d'accord avec l'argument selon lequel les femmes sont désavantagées en matière d'admissibilité, à cause de la nature différente de leur travail? Si oui, que feriez-vous pour corriger cela?

M. Benson : C'est clair à partir des données statistiques que j'ai données, en partie à cause encore, du point de vue actuariel — du fait que si vous travaillez dans le commerce de détail ou dans un domaine particulier où vous essayez de concilier la vie familiale avec autre chose, que vous prenez un travail à temps partiel, vous ne pouvez jamais dans les faits être admissible à l'assurance-emploi.

Il y a des façons de résoudre ce problème; surtout avec le système horaire, on pourrait régler cela. C'est là depuis 1995 depuis qu'ils l'ont réglé — mais, je suis certain que c'était là avant cela.

Le sénateur Mitchell : En ce qui concerne la question de la récupération, je pense qu'à partir de 56 000 ou 58 000 $, vous commencez à rembourser. Ne s'agit-il pas d'une double cotisation? Si je reçois de l'assurance d'une compagnie d'assurances, je ne pense pas que je doive jamais la rembourser. Dans ce cas, ne s'agit-il pas d'une double cotisation?

M. Benson : À l'origine, la disposition de récupération était bien pire. Nous avons travaillé diligemment pour faire changer cela. C'est beaucoup mieux maintenant que lorsqu'elle a été utilisée la première fois.

Ce sont des questions légitimes à des fins d'assurance. Si les gens paient des cotisations d'AE dès la première heure qu'ils travaillent, pourquoi ne reçoivent-ils pas une certaine forme de prestations, et pourquoi punissons-nous les gens qui ont la chance de gagner un peu plus d'argent? Comme vous le savez, le régime fiscal comporte de nombreux moyens différents pour s'assurer que les gens qui ont un revenu plus élevé contribuent plus que les autres.

M. Weir : L'autre disposition de récupération que je pourrais souligner, c'est la récupération de l'indemnité de départ par le biais de l'assurance-emploi. Cela touche n'importe qui reçoit une indemnité de départ, aussi bien les gens à revenu élevé qu'à revenu faible.

M. Benson : La paye de vacances également.

Le sénateur Nancy Ruth : Permettez-moi de continuer dans la même veine que le sénateur Mitchell concernant les femmes sans emploi. Diriez-vous que la nouvelle politique du gouvernement concernant les travailleurs indépendants — qui sont souvent des femmes parce qu'elles travaillent à la maison ou autrement —, leur offrant des prestations de maternité, des prestations parentales et d'AE, aide à améliorer la situation dans une certaine mesure? Pensez-vous que ce soit le cas?

M. Weir : Je dois reconnaître, madame le sénateur, que je ne sais pas clairement quelle est la politique du gouvernement sur cette question. Je sais que le Parti conservateur a proposé cela au cours de la dernière campagne électorale et que le gouvernement a laissé savoir qu'il allait étudier la possibilité.

Il pourrait s'agir d'une initiative très constructive, mais la question est de savoir comment on rendrait ces prestations d'assurance-emploi disponibles aux travailleurs indépendants. Il vaut la peine de l'essayer, mais ce n'est pas quelque chose qui a été édicté.

M. Benson : Dans le domaine des assurances, vous assurez des gens en fonction d'un résultat donné. Un employé n'est jamais en mesure de choisir le moment où il est mis à pied. En fait, si l'employé choisit le moment où il est mis à pied, sauf une exception, il n'est pas admissible aux prestations.

Un des problèmes dans le cas des travailleurs indépendants — et c'est quelque chose que j'aimerais voir —, c'est comment nous assurer que les gens qui sont des travailleurs autonomes ne choisissent pas le moment où ils sont mis à pied. La seule façon que vous pouvez vous assurer qu'un travailleur indépendant n'est pas sans emploi de son propre choix, c'est de satisfaire au critère établi dans l'affaire Montreal Locomotive — en fait, être un employé.

Intellectuellement, j'appuie l'idée d'aider les gens, mais je ne suis pas certain de la façon de les intégrer à l'AE, comme nous en avons discuté. Les gouvernements avaient l'habitude de payer pour ces programmes additionnels. Peut-être s'agit-il d'un cas où les recettes générales devraient payer, plutôt que l'AE.

Le sénateur Nancy Ruth : Nous allons attendre que le gouvernement présente une loi.

M. Benson : Nous l'examinerons avec beaucoup d'intérêt.

M. Bédard : En ce qui concerne les prestations de maternité et les prestations parentales, les habitants du Québec ont droit à ces prestations depuis le 1er janvier 2006. Du point de vue administratif, cela semble faisable et du point de vue financier également. En ce qui concerne les prestations régulières d'AE, j'aurais de sérieuses réserves.

Le sénateur Nancy Ruth : Monsieur Benson, vous avez dit qu'il était possible que les cotisations d'AE soient augmentées. D'après ce que je comprends de la politique du gouvernement, c'est que les cotisations sont fixées pour au moins deux ans, que le gouvernement paiera les coûts et qu'elles sont gelées jusqu'en 2010, à 1,73 $ par 100 $. Que savez-vous que je ne sais pas?

M. Benson : Je félicite le gouvernement de faire ces deux choses. J'étudie la question de l'AE depuis plus de 20 ans et si on regarde en 1989, 1991-1992, le déficit était de 6,8 milliards de dollar — c'était peut-être 8 milliards de dollars.

Lorsque vous étiez devant cette situation à l'époque, c'était un prêt. Le régime d'assurance-emploi à dû rembourser le prêt au gouvernement. Le problème que cela a créé, c'est qu'un rapport du vérificateur général accusait le premier ministre Mulroney de cacher de l'argent et il a dû en faire état. C'est ce qui a amené le gouvernement à placer cet argent dans les recettes générales à partir d'un compte de revenus consolidés qui, soit dit en passant, est identique à celui du RPC. Ils sont tous les deux dans un compte de recettes consolidées. C'était par accident.

Si nous gardons le mandat de 2 milliards de dollars — que vous devez maintenir une réserve de 2 milliards de dollars — et si nous faisons face à un taux de chômage de 7, 8 ou 9 p. 100, ce qui équivaut, d'après mon analyse historique, à un déficit de 6 ou 8 milliards de dollars, une des deux choses suivantes peut survenir : les cotisations doivent augmenter ou les prestations doivent diminuer. Toutefois, le gouvernement ne fait pas cela et j'en suis très heureux.

Le sénateur Nancy Ruth : C'est exact; il ne le fera pas, du moins au cours des quelques prochaines années.

C'est une question générale qui s'adresse à tous les deux. L'AE concerne les gens qui reçoivent de l'AE et ensuite, il y a ces 50 p. 100 de la population qui ne sont pas admissibles à l'AE. Vous avez certaines ressources qui peuvent comprendre les modèles économiques. Qu'est-ce que cela coûterait au régime d'AE si tout le monde, y compris les employés non syndiqués à temps partiel, pouvait recevoir de l'AE?

M. Weir : C'est une question qu'il serait préférable d'adresser à l'actuaire qui siège dans ce groupe, mais étant donné que c'est une minorité de travailleurs qui est admissible aux prestations d'assurance-emploi à l'heure actuelle, il est clair qu'il serait relativement coûteux d'élargir la proportion des travailleurs admissibles. Je suppose qu'il faudra alors tenir compte du fait qu'au cours des ans, le gouvernement du Canada a accumulé un excédent de quelque 54 milliards de dollars.

Le sénateur Nancy Ruth : C'est un excédent fictif.

M. Weir : L'argent était là et il a été utilisé à certaines fins. Rien ne justifie que le gouvernement ne soit pas tenu de remettre l'argent...

Le sénateur Nancy Ruth : En tant que conservatrice, je suis heureuse d'avoir vos observations sur cette question, contre les libéraux.

M. Weir : Je ne veux pas laisser entendre qu'il s'agissait du gouvernement conservateur. Je dis que le gouvernement du Canada, en tant qu'institution, a retiré des milliards de dollars du programme d'assurance-emploi. Maintenant que des dizaines de milliers de Canadiens perdent leur emploi chaque mois sans qu'ils en soient responsables, il me semble que l'argent devrait être remis...

Le sénateur Nancy Ruth : Par curiosité, monsieur Bédard, combien pensez-vous qu'il en coûte pour employer des gens?

Le président : Sénateur Nancy Ruth, laissez M. Weir finir de répondre à la question.

Avez-vous terminé, monsieur Weir?

Le sénateur Nancy Ruth : Il ne répond pas à la question. J'aimerais que M. Bédard réponde à la question.

M. Weir : J'ai terminé, merci.

Le président : Mes excuses.

M. Benson : Pour répondre à la question, si nous regardons la question d'une manière différente, la majorité des gens qui travaillent et qui ne semblent pas être admissibles à des prestations, sont tenus de payer des cotisations d'assurance- emploi à partir du premier dollar gagné. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais si je payais pour de l'assurance et que la personne qui veille sur moi faisait cela, je ne serais pas très content. Nous devons examiner cette question de manière rationnelle et raisonnable. Nous devons l'examiner et nous demander pourquoi les femmes ont plus de difficulté à toucher des prestations d'assurance-emploi et pourquoi ce n'est pas le cas de certains autres travailleurs.

Nous devons examiner sérieusement ce que nous pouvons faire à ce sujet. Il y a toutes sortes de politiques, de procédures et d'idées pour résoudre cette question. Est-ce que cela coûtera de l'argent? Certainement. Mais encore une fois, pour une certaine période de temps, ce n'était pas votre gouvernement, mais c'était le gouvernement libéral qui a permis que le compte de l'assurance-emploi accumule de l'argent. En passant, le chiffre de 10 ou 15 milliards de dollars était le chiffre que nous avions déterminé comme la somme appropriée à avoir dans ce compte; il a disparu. C'est du gaspillage.

Lorsque nous prenons l'argent des gens, sous forme de cotisations, et qu'ensuite, nous leur disons que nous n'allons pas les aider lorsqu'ils perdent leur emploi, quelque chose ne tourne pas rond. Nous devons examiner cette question purement du point de vue de l'équité et de la justice. En particulier pour les femmes et les jeunes. Nous devons examiner cela sérieusement.

Le sénateur Nancy Ruth : Je comprends votre argument, mais je suis curieuse de savoir quel serait le chiffre.

M. Bédard : J'ignore quel serait le chiffre. En toute justice, si vous parlez à 100 travailleurs sur la rue, vous allez constater que la plupart d'entre eux sont admissibles à l'AE. Lorsque vous comparez le nombre de sans-emploi au nombre de personnes qui reçoivent des prestations, le rapport est d'environ 40 p. 100. Environ 80 à 85 p. 100 des gens seraient admissibles initialement et ensuite, certains perdraient leurs prestations après un temps. D'autres personnes n'ont jamais occupé un emploi où ils payaient des cotisations auparavant et d'autres encore ne font qu'arriver sur le marché du travail. Il y a différentes raisons pour lesquelles certaines personnes ne touchent pas de prestations d'AE. Vous pourriez réduire les exigences d'admissibilité à 360 heures, mais vous n'augmenteriez probablement pas le rapport des bénéficiaires de l'AE aux sans-emploi au-delà de 55 p. 100. Je donne un chiffre et il s'agit d'une évaluation très grossière, mais là n'est pas le problème. Le problème, c'est que beaucoup de personnes ne sont pas couvertes par l'assurance-emploi dès le départ; elles sont des travailleurs indépendants ou ne font pas partie de la main-d'oeuvre active.

Le président : Merci, sénateur Nancy Ruth.

[Français]

Le sénateur Rivard : Ma question s'adresse à M. Bédard. Tout d'abord, en tant que représentant de l'Institut canadien des actuaires, vous suggérez que la réserve atteigne 10 à 15 milliards, alors qu'actuellement elle n'est que de deux milliards.

Si je me souviens bien, les statistiques sur le chômage sont rendues publiques le premier vendredi du mois. Et si ma mémoire est bonne, au début mars le taux de chômage s'élevait à 7,7 p. 100.

Quel pourcentage pourrait-on endurer et pour combien de temps dans le cas où votre proposition de 10 à 15 milliards était en place et que le taux de chômage atteignait 8,5 p. 100?

Est-ce qu'on aurait assez de réserve pour deux ou trois ans?

M. Bédard : Le problème avec le deux milliards, ce n'est pas seulement le montant, c'est aussi le mécanisme prévu dans la loi. On aurait beau avoir une réserve de 10 milliards, cela ne produirait aucun effet de stabilisation puisque en ce moment la loi prévoit que la réserve doit être reconstituée intégralement à chaque année.

On appelle cela faussement une réserve. Ne me demandez pas ce que ce montant représente. Il s'agit d'un compte en banque auquel est associée toute une comptabilité compliquée. C'est un échange de transactions entre le compte d'assurance-emploi et le Office de financement. Le deux milliards n'est pas une réserve.

Quant au montant nécessaire pour stabiliser les taux de cotisation avec en place un système de financement sur cinq à sept ans, il est de l'ordre de 10 à 15 milliards. Le taux de cotisation actuel de 1,73 $ a été établi en fonction d'un taux de chômage de 6,5 p. 100. Chaque point de chômage coûte environ 1,6 milliard par année. Si le taux de chômage cette année montait en moyenne à 8,5 p. 100, sans les amendements du gouvernement, les coûts du régime augmenteraient de plus de trois milliards. Donc la somme de deux milliards, même si elle servait de véritable réserve, serait nettement insuffisante.

Le sénateur Rivard : Je m'adresse maintenant à l'actuaire et à l'ancien haut fonctionnaire. À l'époque où il y avait 40 à 45 milliards excédentaires dans la caisse d'assurance-emploi et que les gouvernements de l'époque s'en servaient pour payer d'autres dépenses, vous avez certainement dû signaler l'excédent aux dirigeants responsables? Sentiez-vous une certaine frustration parce que votre profession vous indiquait que la réserve était beaucoup trop élevée?

M. Bédard : À mon avis, il n'est pas approprié de dire comment je me sentais à cette époque. Une chose est certaine, à ce moment-là ma tâche c'était de produire des rapports sur ce qui était souhaitable.

Le sénateur Rivard : Mais à titre de haut fonctionnaire et d'actuaire, avez-vous quand même sensibilisé le gouvernement au fait que la réserve était beaucoup trop élevée?

M. Bédard : On m'avait confié un mandat et oui, chaque année je disais que les taux de cotisation étaient trop élevés et que la réserve qui s'accumulait était trop élevée. C'est évident.

Le sénateur Rivard : On peut faire une comparaison avec l'assurance-automobile ou l'assurance-habitation parce que le taux est relié à la valeur du bien assuré et à la hauteur de la franchise.

Pour ce qui est de l'assurance emploi, il y a une franchise de deux semaines qui équivaut à 1,73 $ par semaine. Si le gouvernement décidait d'indemniser les chômeurs à partir de la première journée, le taux de cotisation ne serait peut- être pas suffisant pour financer le système. Il augmenterait peut-être à 1,85 $ ou 1,88 $.

On n'a rien sans rien. C'est le jeu des vases communicants entre les revenus et les dépenses. Je crois qu'il s'agit d'ajuster en conséquence. Est-ce que vous êtes d'accord avec mon point de vue?

M. Bédard : Au moment où Services Canada a du trouble à faire face à toutes les demandes de prestation, le fait de leur imposer le traitement de beaucoup de demandes de prestation qui ne dureraient qu'une très courte période, rendrait très difficile de gérer les demandes de prestation de ceux qui demeure en chômage pour plus longtemps et qui en ont davantage besoin. Il y aurait un impact administratif.

Le sénateur Rivard : Vous avez répondu à ma dernière question qui concernait l'impact administratif. Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

M. Weir : Puis-je ajouter un point concernant cette analogie entre l'assurance et la franchise par rapport au délai carence? Nous avons une assurance en matière de santé publique au Canada qui intervient dès le premier dollar. Nous ne demandons pas aux Canadiens de payer une franchise sur leurs dépenses de soins de santé avant qu'ils puissent se prévaloir du programme public. Il y a de la place pour faire une distinction entre l'assurance privée, d'une part, et l'assurance sociale, d'autre part.

Le sénateur Rivard : Les coûts sont établis par le gouvernement.

M. Weir : C'est un bon point. Il y a des compromis et il est certain que si le comité recommandait un délai de carence d'une semaine, plutôt que de deux semaines, comme l'a suggéré M. Bédard, nous considérerions cela comme une grande amélioration par rapport à la situation actuelle.

Le sénateur Rivard : Si vous avez une assurance-santé pour les médicaments, si vous devez payer 20 p. 100 de la prime, cela correspond à 80 p. 100 de protection. Si vous voulez augmenter à 100 p. 100, la prime sera plus élevée. C'est la même chose pour l'assurance-emploi.

Le sénateur Ringuette : Dans votre exemple, avec l'AE, vous n'obtenez que 50 p. 100, plutôt que dans votre exemple sur les médicaments, où c'est de 80 p. 100. Il faut prendre cela en considération.

M. Benson : Nous consacrons beaucoup de temps à examiner la couverture dès la première heure. Je suis d'accord avec M. Bédard pour dire que les versements pourraient être plus petits. En d'autres mots, si quelqu'un a un peu moins d'heures que le rapport qui est nécessaire, ses prestations seraient plus petites ou d'une durée plus courte. Cependant, si vous avez un emploi qui ne rapporte pas beaucoup d'argent, il est préférable d'avoir un petit chèque que de ne pas en avoir du tout et un chèque quelconque, c'est mieux que rien.

Cela remonte à cette première heure, comme nous l'avons dit — en 1995, lorsque nous en discutions —, si nous allons payer des cotisations dès la première heure, nous sommes suffisamment intelligents pour obtenir une couverture sans faire sauter la banque. Nous devons être raisonnables, mais il devrait y avoir un moyen de mettre un chèque entre les mains de quelqu'un.

Le sénateur Rivard : Alors, c'est possible, mais vous devez payer pour cela.

M. Benson : Nous devons payer pour cela.

Le sénateur Callbeck : Monsieur Benson, vous avez parlé de changements que vous aimeriez voir, comme les 360 heures, 60 p. 100 de la rémunération et vous avez dit qu'il y aurait davantage de travail partagé. J'aimerais en savoir davantage sur le programme de travail partagé. Je sais que cela paye un certain pourcentage du salaire. Est-ce toujours le même pourcentage?

M. Benson : J'ai soulevé la question parce que je sais que le gouvernement a bougé sur la question du travail partagé, et c'est une bonne chose. Un des problèmes avec le travail partagé, c'est qu'il s'agit d'une entente formelle. En d'autres mots, vous devez participer à une entente, de faire cela et ensuite, l'assurance-emploi intervient.

Lorsque les temps sont difficiles, beaucoup de gens ne participeront pas à une entente formelle. Imaginons une situation où on vous demande de travailler moins d'heures cette semaine et que vous garderez votre emploi, et si vous faites cela pendant cinq semaines et que vous êtes mis à pied, vos prestations diminueront de même que la durée pendant laquelle vous les recevrez.

Le programme de travail partagé est excellent en soi, et on travaille à l'améliorer, ce qui est très bien. Cependant, il y a beaucoup de gens qui n'en connaissent pas l'existence et qui ignorent comment il fonctionne; ils se font prendre, ils se font punir pour avoir essayé de sauver leur emploi et l'emploi de leur employeur. Cela remonte à la création du programme pour régler la question des petites semaines.

Le sénateur Callbeck : Quel pourcentage du salaire est payé?

M. Benson : Je n'en suis pas certain.

M. Weir : Les Métallurgistes unis d'Amérique représentent un certain nombre de lieux de travail où le travail partagé est en vigueur à l'heure actuelle. Il y a une certaine flexibilité, mais la formule la plus courante, c'est que les travailleurs se présentent au travail pendant quatre jours par semaine, au lieu de cinq, et ils reçoivent des prestations d'assurance-emploi pour le cinquième jour. Au plus, cela correspondrait à 55 p. 100 de ce qu'ils gagneraient s'ils travaillaient ce jour-là.

Le sénateur Callbeck : Est-il difficile pour une entreprise d'être admissible à ce programme?

M. Weir : Je pense qu'une des choses que le gouvernement a annoncées récemment, c'est la réduction des exigences relatives à la présentation de rapports pour le travail partagé. Je crois que c'est un effort destiné à rendre le programme plus largement accessible.

Le sénateur Callbeck : Il n'est pas vraiment très connu?

M. Benson : D'après mon expérience, non. À part les grands employeurs, les entreprises syndiquées, les travailleurs de l'acier, les TUA, nous avons beaucoup de petites entreprises, et ces dernières ont tendance à mettre leurs employés à pied. Elles n'ont pas tendance à recourir à des ententes de travail partagé. Si vous devez dépenser de l'argent pour faire un plan à cet effet, vous devez être une entreprise de plus grande taille qui veut maintenir son bassin de talents et qui ne veut pas le voir partir ailleurs.

Le sénateur Callbeck : Avez-vous entendu des plaintes au sujet du délai de carence? Il est censé prendre 28 jours pour obtenir un chèque.

M. Benson : Ça me fait rire. Combien de personnes ont touché des prestations d'assurance-emploi? Levez la main.

J'ai de la chance car je n'en ai pas touché probablement en 25 ou 30 ans. Le délai n'a jamais été de 20 ou 28 jours; on a toujours dû attendre plus longtemps, et c'est le cas depuis le début du programme. S'il y a une période de carence de deux semaines, c'est peut-être en partie à cause de la paye de vacances, de l'indemnité de départ, du délai de traitement; bref, pour une raison ou pour une autre, il y a toujours eu un délai. Ce n'est pas nouveau. Je n'en blâme aucunement le gouvernement actuel; ce délai existait à l'époque des premiers ministres Mulroney et Chrétien. De toute façon, ce n'est pas ce qui importe. Il faut mettre beaucoup de temps pour préparer toute la paperasse.

Je sais que le personnel travaille fort. Je suis persuadé que les gens font de leur mieux. Il faut juste beaucoup de temps pour remettre un chèque entre les mains de quelqu'un.

Le sénateur Callbeck : Étant donné que le nombre de demandes est à la hausse, il faudra beaucoup plus d'employés pour les traiter. Beaucoup de gens dans ma province se sont plaints à ce sujet.

M. Benson : Disons que les décisions en matière de politiques reviennent toujours vous hanter. Combien de fois le gouvernement — et par là, j'entends tous les gouvernements et l'État — a-t-il réorganisé la structure du service sous prétexte qu'on n'avait pas besoin de travailleurs dans tel ou tel secteur? Honnêtement, si vous aviez parlé à RHDCC il y a quatre ans au sujet de la planification pour ce qui est du nombre de prestataires et de préposés qui les desservent — maintenant sous l'égide d'une excellente initiative, à savoir les vitrines électroniques —, je suis sûr que le ministère n'aurait pas prévu qu'on sombrerait dans une récession provoquée par les banquiers américains.

Je ne dis pas qu'il y a des méchants; vous l'avez dit. C'est une réalité de la vie. Je suis sûr que les responsables du ministère ont pris des décisions en matière de planification, comme n'importe quelle entreprise, et qu'ils sont pris dans un étau, aux prises avec les problèmes politiques. Des délais, il y en aura à coup sûr.

M. Weir : J'aimerais parler plus longuement sur certains points qui ont été soulevés. On a tendance à se concentrer sur le taux de chômage en pourcentage, qui est supérieur à la norme et qui est en hausse. Le plus frappant, c'est le nombre absolu de travailleurs qui se retrouvent sans emploi. On compte plus de 1,4 million de chômeurs — le nombre le plus élevé depuis bien plus de dix ans.

Force est de constater qu'il y a maintenant beaucoup plus de gens qui réclament des prestations d'assurance-emploi, ce qui exerce de véritables pressions sur le régime. C'est ce qui explique probablement pourquoi les gens ont du mal à ce que leurs demandes soient traitées en temps opportun.

Le sénateur Callbeck : Monsieur Bédard, j'aimerais préciser une chose. Le taux a été fixé pour deux ans. Lorsque l'office prendra la relève, il est censé établir ce taux au point d'équilibre. Vous avez parlé d'importantes fluctuations, mais le projet de loi ne fixe-t-il pas des limites à cet égard?

M. Bédard : Vous avez raison. Le taux ne peut être augmenté que de 0,15 p. 100 chaque année. Toutefois, si l'on se fie à la façon dont elle a été formulée l'année dernière, la loi prévoit une date limite, à savoir le 31 décembre 2008. Par conséquent, l'office devra compenser les coûts excédentaires engagés à partir du 1er janvier 2009 en raison du taux de chômage élevé. Il obtiendra des crédits en vertu de la Loi sur l'exécution du budget 2009 qui contient une disposition permettant au gouvernement de créditer le compte d'assurance-emploi d'une certaine somme à partir du 1er août 2010.

Quoi qu'il en soit, l'office se trouvera devant une situation où il devra augmenter les taux de cotisation en 2011, en 2012 et probablement dans l'avenir immédiat, c'est-à-dire au cours des quatre, cinq ou six prochaines années. Même en 2011, s'imagine-t-on vraiment que la récession prendra fin d'ici là et que ce sera le bon moment pour hausser les taux de cotisation?

Je doute que l'office soit créé l'année prochaine. En tout cas, le gouvernement tarde à le mettre sur pied, et c'est peut-être signe — comme nous l'avons dit l'année dernière — que ce n'est pas la bonne façon de concevoir un tel organisme.

Le 31 mars 2008, le compte d'assurance-emploi a affiché un excédent de 57 milliards de dollars. L'excédent au 31 mars 2006 s'élevait à 51 milliards de dollars; ainsi, même au cours des deux dernières années, l'excédent a augmenté de 6 milliards de dollars.

Le président : D'après ce qu'on peut lire dans une note de service du gouvernement du Canada, l'office peut augmenter le taux d'un maximum de 15 cents.

M. Bédard : C'est exact; cela équivaut à 0,15 p. 100.

Le président : On ne parle pas de pourcentage, mais de cents.

M. Bédard : Il s'agit de cents par tranche de 100 $ de gains assurables. Le taux de cotisation s'élève actuellement à 1,73 p. 100; donc, si l'on se base sur ce taux, la hausse maximale serait de 1,88 p. 100, puis de 2,03 p. 100, puis de 2,18 p. 100. Il faudrait procéder de cette manière afin de recouvrer les coûts engagés depuis le 1er janvier 2009.

J'aimerais souligner une incongruité dans la Loi d'exécution du budget 2009. Dans la partie 4 concernant la Loi sur l'assurance-emploi, l'article 73.1 repose sur l'hypothèse que l'office entrera en vigueur à un moment donné parce qu'autrement, cela ne tiendrait pas debout, bien entendu. Le gouvernement affirme que le compte d'assurance-emploi, qui enregistre actuellement un excédent de 57 milliards de dollars, sera crédité d'une certaine somme. Il ne semble pas logique de porter une telle somme au crédit d'un fonds qui affiche un excédent si important.

De plus, il est clair que l'article 73.1 a été rédigé par des gens qui ne comprenaient pas ce qu'ils faisaient. Aux termes de cet article, les coûts estimatifs qui seront couverts dans ce crédit s'élèvent à 2,9 milliards de dollars; pourtant, leur but est de donner suite aux mesures prévues par la loi. La seule mesure dont tient compte le projet de loi, c'est l'ajout de cinq semaines. Tout le reste repose sur des pouvoirs réglementaires et sur la partie 2 de la loi, qui autorise déjà une augmentation des dépenses.

Le seul impact de ce projet de loi, c'est la période de cinq semaines dont le coût se chiffre à 1,15 milliards de dollars. Je ne comprends donc pas ce que viennent faire les 2,9 milliards de dollars dans cette disposition. Le seul montant que le gouvernement pourrait verser à crédit, en vertu de cette disposition, c'est 1,15 milliards de dollars, si les estimations sont exactes.

Il y a quelque chose qui cloche avec cette disposition, du point de vue de son libellé et du montant prévu.

Le président : Je comprends ce que vous voulez dire. À l'article 73.1, il est indiqué « ... lequel coût est estimé à »; voilà une expression très inhabituelle dans un texte législatif.

M. Bédard : Dans les documents relatifs au budget, on peut voir la somme de 2,9 milliards de dollars. Les cinq semaines supplémentaires de prestations d'assurance-emploi représentent un coût de 1,15 milliard de dollars; les prestations d'assurance-emploi pour les travailleurs de longue date se chiffrent à 500 millions de dollars. Il y a d'autres éléments, et si l'on additionne le tout, on obtient 2,9 milliards de dollars; toutefois, le seul élément couvert par le projet de loi, c'est ce que j'ai mentionné en premier, c'est-à-dire les cinq semaines supplémentaires de prestations au coût de 1,15 milliards de dollars.

Le président : Là où je veux en venir, c'est que le montant de 2,9 milliards de dollars est estimatif. Rien n'empêche qu'il soit supérieur ou inférieur.

M. Bédard : Je suis d'accord, mais le montant de 2,9 milliards de dollars en soi est une erreur parce que les autres mesures ne figurent pas dans le projet de loi.

Le président : J'en prends note. Il s'agit d'un libellé très étrange pour une loi.

M. Bédard : Je crois que l'avocat du gouvernement travaillait sous pression au moment de rédiger cette disposition.

Le président : Ce n'est pas un avocat qui a rédigé cet article.

M. Bédard : Je ne sais pas.

Le président : Je peux vous l'assurer. Je suis content que vous ayez soulevé cette question parce que j'allais justement la poser.

M. Bédard : Cette disposition pourrait faire contrepoids aux mesures que l'OFAEC devrait prendre pour augmenter les taux de cotisation. Toutefois, elle ne tient pas compte du coût supplémentaire lié aux prestations régulières causé par un taux de chômage à la hausse, qui représente le plus grand facteur.

Le président : Le gouvernement n'avait-il pas donné un chiffre estimatif de 4,5 milliards de dollars pour les deux prochaines années afin de geler le taux?

M. Bédard : Je pense que oui.

Le président : De toute évidence, ce n'est pas inclus ici.

M. Bédard : Non, en effet.

Le président : Merci d'avoir soulevé ce point.

[Français]

Le sénateur Ringuette : Ma première question s'adresse à M. Bédard. Selon votre expérience comme ancien actuaire et d'après le rapport de votre association, pourriez-vous nous indiquer combien il en coûte d'administrer le programme d'assurance-emploi?

M. Bédard : Je n'ai pas ces chiffres sous la main. Je crois que le montant est de l'ordre de 1,5 ou 1,6 milliards de dollars par année. Ce chiffre comprend non seulement ce qu'il en coûte d'administrer le programme mais également la partie 2, qui constitue une portion importante. Les coûts reliés à l'administration des prestations représentent moins de la moitié du montant de 1,5 ou 1,6 milliards. L'item le plus dispendieux à administrer est la partie 2, soit la formation et les ententes avec les provinces.

Le sénateur Ringuette : Cela m'amène à ma deuxième question.

[Traduction]

Messieurs Benson et Weir, combien avez-vous de membres sans emploi?

M. Benson : Je regrette, mais je n'ai pas ce chiffre. Je sais que les mises à pied ont commencé à l'automne dans le secteur des transports où on a connu un ralentissement. Je ne connaîtrai les chiffres réels qu'à partir de juin ou juillet.

M. Weir : Je dirais que notre syndicat a perdu, grosso modo, 15 p. 100 de membres cotisants, tant au Canada qu'aux États-Unis, depuis le début de la crise économique. Bien entendu, la situation continue de s'aggraver de jour en jour.

Il est intéressant de noter que dans l'Enquête sur la population active de Statistique Canada, on pose des questions sur la syndicalisation uniquement aux participants qui disent avoir un emploi. On ne cherche pas à savoir si ceux qui sont sans emploi font partie d'un syndicat.

Le sénateur Ringuette : C'est vrai.

M. Weir : Les statistiques nationales ne tiennent pas compte de ce que vous venez de soulever.

Le sénateur Ringuette : Alors, vous déterminez ce chiffre en fonction des cotisations syndicales.

M. Weir : Oui, nous pouvons parler de la situation concernant nos membres, mais il est impossible de dire ce qu'il en est pour l'ensemble du pays parce qu'aucun sondage ne tente de savoir si les chômeurs sont syndiqués ou s'ils l'étaient.

Le sénateur Ringuette : C'est vrai.

J'ai une question sur la formation offerte aux chômeurs. Autrefois du ressort fédéral, cette formation relève maintenant des provinces, qui bénéficient d'une certaine aide financière fédérale. Nous avons perdu 216 000 emplois en janvier et en février. Si la moitié de ces gens ont droit à des prestations d'assurance-emploi, cela fait 108 000 personnes en l'espace de deux mois. Toutefois, le financement ne suffit que pour former 10 000 chômeurs. Même si on ajoutait 10 000 $, on ne couvrirait même pas 10 p. 100 des chômeurs en un mois. Quelles recommandations pouvons-nous faire au gouvernement sur l'indemnité? Au bout des cinq semaines supplémentaires, ces chômeurs devront recourir à l'aide sociale provinciale.

Comment pouvons-nous être sûrs qu'un plus grand nombre de Canadiens ont accès à de la formation? Ils en auront besoin. Par ailleurs, comment pouvez-vous leur venir en aide par l'entremise des conseils sectoriels?

M. Weir : Je ne vais pas prétendre qu'il existe une « solution magique » à ce problème de taille. Certes, notre syndicat est très en faveur d'une plus grande injection de fonds dans la formation, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du programme d'assurance-emploi.

Je suis heureux que vous ayez mentionné les conseils sectoriels. Même s'ils dépassent la portée de l'assurance-emploi, nous y participons activement parce qu'ils sont très utiles pour ce qui est de la formation offerte aux chômeurs.

Le budget de 2009 ne fait aucune mention des conseils sectoriels, entre autres choses. Il ne prévoit tout simplement aucun nouveau fonds pour les conseils sectoriels, même si ceux-ci représentent — d'après ce que je déduis de votre question — un élément logique de la solution pour remédier à cette crise.

M. Benson : La formation est toujours un sujet intéressant. Mais on doit se demander à quoi elle servira. Bon nombre de ces chômeurs possèdent une foule de compétences. Les ouvriers qui travaillent dans des usines se retrouvent sans emploi. Alors, encore une fois, à quoi servira la formation?

Faisons un retour en arrière à la période de 1988 à 1991 et aux modifications apportées en 1993, 1994 et 1995 car c'est de là que découle le problème lié à la formation. On a décidé, par exemple, qu'il y avait trop de gens de métiers; ils étaient tous sans emploi, ils bloquaient le système et ils coûtaient trop cher. On a donc pris deux mesures. Premièrement, on a voulu les sortir du secteur des métiers et, deuxièmement, on les a convaincus de travailler à leur compte pour qu'ils ne puissent plus recourir à l'assurance-emploi. À l'époque, je me souviens d'avoir supplié pour qu'on ne le fasse pas en invoquant l'argument que, si jamais on donnait l'aval aux sables bitumineux et aux centrales nucléaires, on manquerait de main-d'œuvre. Il faudra alors l'importer, et on a bien vu ce qui s'est passé.

C'est l'un des problèmes. Lorsqu'on examine la question, on doit se demander à quoi servira la formation. Je crois que la formation est, bien souvent, à court terme. Elle repose sur le principe qu'il faut sortir la personne du régime d'assurance-emploi, sans nécessairement l'aider à se lancer dans une carrière ou à décrocher un emploi à long terme.

La question suivante se pose : a-t-on vraiment besoin de diplômes universitaires et collégiaux pour occuper un bon emploi? En tant qu'homme de métier, je ne suis pas d'accord.

Le sénateur Ringuette : Moi non plus.

M. Benson : Pour ma part, j'ai un diplôme universitaire et collégial. On devrait plutôt examiner des questions comme celles de déterminer comment aider les étudiants à ne pas décrocher et comment aider les gens à retourner aux études. Dans le cadre de cette formation, une personne admissible aux prestations d'assurance-emploi a-t-elle la possibilité de suivre des cours à un collège communautaire pour devenir un infirmier auxiliaire ou un aide-dentiste? On peut se pencher sur une multitude d'options. Là encore, il y a des coûts. Quant à savoir si ce sacrifice à court terme en vaudra la peine à long terme, je n'en suis pas sûr.

Toutefois, j'aimerais bien voir les résultats de l'analyse pour établir le profil de ceux qui sont mis à pied.

Le sénateur Ringuette : Vous soulevez deux questions. L'une concerne les travailleurs étrangers temporaires; l'autre, c'est le fait qu'en 2007, 201 000 visas de travailleur temporaire ont été accordés à des gens pour venir travailler au Canada et que bon nombre de ceux-ci étaient dotés de compétences qui correspondent justement à celles des 216 000 travailleurs qui ont été mis à pied ces trois derniers mois.

M. Benson : C'est exact.

Le sénateur Ringuette : Vous n'avez pas de financement pour les conseils sectoriels, alors je suppose qu'ils n'existent plus, n'est-ce pas?

M. Benson : Non, les conseils sectoriels existent toujours.

Le sénateur Ringuette : Pardon, je n'ai pas bien entendu.

M. Benson : Nous participons aux conseils sectoriels. Ils sont toujours là.

M. Weir : Les conseils sectoriels ne recevront pas de nouveau financement, mais ils maintiennent leurs budgets actuels.

Le sénateur Ringuette : D'accord, donc vous pouvez quand même fonctionner. Allez-vous examiner le marché du travail et déterminer quel virage il faudra prendre à court, à moyen et à long termes pour permettre aux Canadiens de saisir les possibilités d'emploi sur le marché canadien? Est-ce qu'un tel examen fera partie de votre mandat?

M. Benson : À parler bien franchement, le ministère avait confié aux conseils sectoriels la tâche d'étudier des moyens de faciliter l'entrée au pays de personnes pour combler les postes vacants et occuper des emplois temporaires. C'est quelque chose auquel nous nous sommes objectés.

Sénateur Ringuette, j'apprécie la question parce que, quand les temps sont durs comme en ce moment, on se doit de poser ces questions.

Le sénateur Ringuette : Oui.

M. Benson : Il arrive parfois qu'on ait besoin de travailleurs temporaires au pays, mais on a fait entrer bon nombre d'entre eux simplement parce qu'ils coûtaient moins cher, parce que c'était plus facile et parce qu'on ne voulait pas former des gens.

Je me souviens des budgets d'éducation. Sommes-nous vraiment une société qui croit en l'éducation et qui y investit, ou faisons-nous tout simplement mine de nous y intéresser? Sérieusement, ce sont là des questions de principe très importantes.

Le sénateur Ringuette : Je suis d'accord. Je pense que nous traversons une période chaotique. C'est ce qui nous pousse à adopter une vue d'ensemble et à essayer de savoir où nous voulons être dans 10 ou 20 ans.

Cela m'amène à la question des travailleurs autonomes et des femmes qui versent des cotisations au régime en fonction d'un taux horaire, mais qui n'ont pas accès aux prestations d'assurance-emploi pour différentes raisons. D'autres gens n'y ont pas droit non plus. Ils ont alors recours au programme d'aide sociale de leur province.

En tout, j'ai compté 26 différents programmes de soutien du revenu au Canada, tant à l'échelle fédérale que provinciale. Chacun de ces programmes a ses propres formalités pour administrer les chèques envoyés aux bénéficiaires de l'assurance-emploi, du RPC et de tout le reste. Il y a 26 différents programmes dotés de 26 différentes administrations. Voilà pourquoi je vous pose cette question, monsieur Bédard.

C'est donc beaucoup d'argent. Il est peut-être grand temps non seulement d'examiner les exigences du marché du travail et les exigences futures du régime d'assurance-emploi, mais aussi de déterminer comment accroître notre efficacité pour ne rien laisser passer entre les mailles du filet parce qu'il y a un programme pour chaque besoin ou parce qu'il devrait y en avoir un.

Il est peut-être temps d'examiner le système au complet. Monsieur Bédard, avez-vous pensé à la question sous cet angle?

[Français]

M. Bédard : La question est très large. Devrait-on réformer tout le régime de sécurité sociale et de bien-être?

Le sénateur Ringuette : On va réformer toute l'industrie automobile. On pourrait en faire de même pour les programmes sociaux.

[Traduction]

Le sénateur Neufeld : Le programme de travail partagé, même s'il n'est pas parfait, a été fort bien accueilli dans la province que je représente. Je parle surtout de l'industrie forestière qui a été durement touchée. Je sais que ce programme a été adopté.

Les entreprises se sont attelées à la tâche, de même que les syndicats; et à ma connaissance — bien qu'il y ait eu certains problèmes, j'en suis sûr —, je pense que tout s'est bien déroulé. J'ai bien aimé vos commentaires sur le travail partagé, monsieur Benson.

L'autre point qui a été mis en évidence, c'est que les taux sont gelés pendant deux ans à 1,73 $. Je comprends et je respecte l'opinion de M. Bédard, en sa qualité d'actuaire, lorsqu'il parle du montant d'argent dont on aurait réellement besoin au cours des prochaines années. Toutefois, ce qui ressort également de la discussion, c'est le fait que nous parlons de façon hypothétique, n'est-ce pas?

L'office n'a pas été constitué, à ma connaissance; du moins, c'est ce qu'on nous a dit ici l'autre soir et, d'après vos entretiens, vous n'êtes pas sûr qu'il le sera.

La question est prescrite par la loi, et si le taux de chômage augmente, le gouvernement devra injecter plus de fonds dans le programme d'assurance-emploi et ce, à même les recettes générales.

On peut émettre des hypothèses à n'en plus finir et trouver quelque chose qui cloche à la moindre occasion. Toutefois, il y a des questions plus sérieuses à l'horizon qui méritent notre attention parce que les temps seront durs. Nous devons faire preuve de vigilance pour nous assurer que les travailleurs ne sont pas laissés pour compte. Le gouvernement s'est attelé à la tâche du mieux qu'il peut. C'est ce que j'ai retenu dans votre déclaration et vos propos, monsieur Benson. Je vous en suis reconnaissant.

Monsieur Weir, vous avez dit que seulement 40 p. 100 des chômeurs touchent des prestations d'assurance-emploi. Je veux signaler que M. Bédard a clairement étalé certaines des raisons, qui sont nombreuses. Lorsque les représentants du programme ont témoigné devant le comité, ils ont évoqué bon nombre des mêmes raisons que celles mentionnées par M. Bédard. Il ne faut pas penser que seulement 40 p. 100 d'entre eux peuvent recevoir des prestations même s'ils cotisent au régime. Diverses raisons expliquent cette situation.

Monsieur Weir, vous vous êtes prononcé en faveur de la diminution du nombre d'heures ouvrant droit à l'admissibilité, c'est-à-dire 360 heures partout au Canada, ainsi qu'une période d'attente. Supposons qu'une personne a payé ses cotisations d'assurance-emploi et qu'elle touche des indemnités pendant six mois; selon les chiffres que M. Bédard nous a donnés, il faudrait entre 10 à 15 milliards de dollars dans le fonds de l'assurance-emploi pour que tout se déroule bien au cours des cinq à sept prochaines années. Avez-vous déterminé les coûts qui s'y rattachent? Savez-vous ce qu'il en coûtera au Trésor public ou aux travailleurs s'ils ont droit à une telle prolongation de la période de prestations? Il est facile de dire qu'il faut procéder de telle ou telle façon. Je comprends que vous défendez la cause des gens que vous représentez, mais il y a un prix à payer.

Nous sommes aux prises avec d'énormes difficultés économiques, tant au Canada qu'ailleurs dans le monde. Nous devons faire preuve de vigilance de façon à ce que nous puissions venir en aide au plus grand nombre possible de gens, tout en évitant que l'argent soit l'apanage des haut placés.

Pouvez-vous me dire ce qu'il en coûtera?

M. Weir : Non, je ne le peux pas pour la même raison que celle évoquée par M. Bédard en réponse à une question semblable : il y a beaucoup trop de fluctuations dans le nombre de chômeurs, et vous y avez également fait allusion. Toutefois, vous avez raison de noter qu'il y aurait un coût important associé à la bonification des prestations d'assurance-emploi. Nous sommes d'avis que le gouvernement devrait être disposé à payer ce coût à court terme pour s'assurer que les gens qui perdent leur emploi, pour des raisons indépendantes de leur volonté, soient en mesure de vivre en toute dignité. Une telle approche aiderait également à stimuler l'économie parce que les gens auraient un revenu à dépenser, atténuant ainsi les effets de ces problèmes économiques.

Il ne fait aucun doute que l'assurance-emploi est un programme de grande envergure et que, pour en étendre la portée de façon considérable, il faut payer un coût considérable.

Le sénateur Neufeld : Dois-je alors comprendre que les taux ne devraient pas augmenter, mais que le gouvernement — la population — devrait financer ces nouvelles prestations? Est-ce une option que nous devrions envisager?

M. Weir : Oui. Voici comment le régime d'assurance-emploi devrait fonctionner, à mon avis : quand tout va bien, c'est-à-dire quand l'emploi est à la hausse et le chômage est à la baisse, le fonds enregistrerait un excédent. Le gouvernement serait en mesure d'utiliser ces dollars pour contrer les déficits durant les périodes où le taux de chômage augmenterait et que les gens perdraient leur emploi. Le programme joue donc un rôle de stabilisateur automatique.

En réalité, le programme a accumulé d'énormes excédents. M. Bédard vient de nous donner un chiffre mis à jour, à savoir 57 milliards de dollars, si je ne me trompe pas. Durant les années où l'emploi était à la hausse et le chômage à la baisse, le gouvernement du Canada était fort heureux d'empocher plus d'argent sous forme de cotisations que d'en verser sous forme de prestations. Maintenant, c'est l'inverse : les gens perdent leur emploi, et il est raisonnable de s'attendre à ce que le gouvernement du Canada verse plus d'argent en prestations qu'il n'en recueille en cotisations.

Le sénateur Neufeld : J'appuie une partie de ce que vous dites. Il ne s'agit pas uniquement de ce que le gouvernement affirme parce que c'est prescrit par la loi — il faut payer des prestations. Même si le gouvernement accumule un déficit à cause de l'assurance-emploi, il n'a pas le choix. C'est un fait.

Je faisais plutôt allusion au coût que représentent les prestations bonifiées pour les chômeurs parce que vous ne l'avez pas indiqué. Je crois comprendre que c'est une mesure dont vous êtes en faveur, mais vous n'avez pas établi son coût.

Le syndicat que vous représentez a-t-il des membres au Canada et aux États-Unis?

M. Weir : Le pourcentage de cotisants ayant perdu leur emploi s'élève à environ 15 p. 100 des deux côtés de la frontière. C'est le cas pour nos membres canadiens et c'est à peu près le même taux pour nos membres américains.

Le sénateur Neufeld : Tous les membres du syndicat que vous représentez cotisent-ils au régime d'assurance-emploi? Pouvez-vous me dire quel pourcentage des syndiqués en chômage touchent des prestations? Est-ce 40 p. 100 ou plus?

M. Weir : En ce qui concerne le nombre des membres de notre syndicat qui touchent des prestations d'assurance- emploi, je n'ai pas de chiffres. Je présume que le pourcentage serait beaucoup plus élevé que 40 p. 100 parce qu'il s'agit de travailleurs à temps plein qui occupent des postes permanents et qui ont accumulé le nombre requis d'heures. Bien entendu, un des problèmes avec l'assurance-emploi, c'est que les travailleurs qui sont les plus susceptibles de se retrouver au chômage, certains desquels sont membres de notre syndicat, sont justement des travailleurs à temps partiel qui occupent des postes occasionnels. C'est ce groupe de travailleurs qui auraient le plus de mal à accumuler le nombre requis d'heures ouvrant droit à l'admissibilité.

Le sénateur Neufeld : Vous seriez d'accord avec moi pour dire que si le pourcentage de syndiqués en chômage qui touchent des prestations d'assurance-emploi est élevé, comparativement au taux de 40 p. 100, c'est a priori parce qu'ils cotisent au régime et peut-être parce que leurs intérêts sont bien représentés par vous ou par d'autres.

Je suis d'accord avec M. Benson — à quoi servira la formation? Nous devons faire attention aux fonds consacrés à la formation. Il faut s'assurer de les investir dans des possibilités de formation qui mènent à des postes concrets. Je vais vous donner l'exemple de la Colombie-Britannique. Nous avons un très faible taux de chômage — en fait, le plus bas de toute l'histoire de la province. Il est maintenant à la hausse. On a accordé des visas à des gens d'autres pays pour qu'ils viennent combler des postes qui n'intéressaient aucunement les Britanno-Colombiens ni les Canadiens. Je ne dis pas que c'était 100 p. 100 des cas, mais disons dans bien des cas.

Dans ma ville, les employés de Tim Hortons gagnent 14 $ l'heure, sans compter les nombreux avantages sociaux; malgré cela, il était quand même difficile de trouver des gens pour combler des postes dans cette chaîne. C'était le même problème dans l'industrie d'exploitation fruitière ou dans l'industrie vinicole — bref, n'importe quel secteur qui comporte une certaine forme de travail manuel. Le taux de chômage était si bas.

Je dirais que même aujourd'hui, avec la hausse du taux de chômage, les gens qui gagnaient 35 à 40 $ l'heure ne travailleront pas chez Tim Hortons. Nous devons faire attention quand nous parlons de tous ces emplois perdus. Je comprends cet argument, mais bon nombre de ces emplois sont des postes que les gens ne veulent malheureusement pas occuper, pour une raison ou pour une autre. Nous devons trouver une façon d'attirer les gens vers ces emplois pour que ces services puissent continuer. Je sais que le nombre de postes vacants diminue considérablement; il y a donc lieu de croire que certaines personnes finissent par les combler.

M. Benson : C'est un bon argument. J'ai parlé de tous les secteurs où intervient Teamsters Canada. Nous participons également à l'industrie vinicole et à l'industrie de la transformation des aliments. Je suis fier de dire que nous représentons également les travailleurs agricoles mexicains migrants.

Il y a certainement des arguments favorables. Après mûre réflexion, nous sommes arrivés à la conclusion qu'il existe probablement une faille, pour ainsi dire, dans les dispositions en matière d'immigration au Canada; on veut toujours attirer les esprits les plus brillants et les meilleurs.

Il y a eu une plainte relative aux droits de la personne en Colombie-Britannique. Je peux vous faire parvenir le dossier expliquant les plaintes à propos des mauvais traitements que subissent certains des travailleurs. Après avoir sérieusement examiné l'affaire, nous en sommes venus à la conclusion que si des gens sont assez bons pour venir travailler ici, que ce soit chez Tim Hortons, dans un hôtel ou dans les sables bitumineux en Alberta, comme c'est le cas de ces 5 000 travailleurs chinois, ils sont probablement assez bons pour y immigrer.

Le Programme des travailleurs étrangers temporaires a un je-ne-sais-quoi d'abusif, et c'est le cas non seulement au Canada mais aussi dans des programmes semblables partout au monde. L'Organisation internationale du travail se penche d'ailleurs sur le sujet. On se targue d'être une société d'immigrants, mais à condition qu'il s'agisse de la bonne sorte. S'il y a un lien entre les employeurs et les travailleurs, alors la question qu'on se pose, c'est : pourquoi ne pas leur donner un statut d'immigrant?

Notre position repose sur deux arguments. Le premier est lié à nos propres intérêts : grâce à un statut d'immigrant, ces travailleurs peuvent adhérer à un syndicat, se représenter et, on l'espère, vivre une bonne vie. De plus, s'ils vont contribuer à notre pays, ils devraient être en mesure de le faire pleinement en tant que citoyens. Voilà un autre aspect du programme des travailleurs temporaires qui mérite un examen. L'idée est que, s'ils sont assez bons pour travailler ici, ils devraient être assez bons pour rester ici. Je serais fier d'avoir la plupart d'entre eux comme mes concitoyens.

Le sénateur Ringuette : Je suis d'accord avec vous. Les travailleurs étrangers temporaires retournent dans leur pays d'origine et ramènent chez eux le fruit de leur labeur. Toutefois, dans le cadre d'une immigration permanente au Canada, ils achètent des maisons, ils font l'épicerie, ils achètent des voitures et ils investissent largement dans notre pays. C'est une grande différence. Je vous félicite d'avoir mis de l'avant cette politique.

Le sénateur Di Nino : Comme on vient de soulever la question, permettez-moi de vous faire part de ce que j'en pense. Je ne suis pas contre la philosophie générale selon laquelle le travailleur temporaire devrait obtenir certains privilèges relativement à son séjour. Par contre, de là à dire qu'on devrait leur donner la citoyenneté puisqu'ils travaillent ici, ce n'est pas exactement la même chose. Je suis sûr que vous êtes du même avis.

J'ai visité certains des pays d'où proviennent ces travailleurs temporaires; ils constituent une grande source de revenu pour leurs régions. Nous devons considérer la question du point de vue humanitaire. S'ils restent ici, ils pourraient envoyer chez eux de l'argent supplémentaire, mais pas autant qu'ils pourraient le faire en tant que travailleurs temporaires. Je ne pense pas que les envois de fonds à l'étranger, qui sont énormes et qui rapportent beaucoup aux gouvernements, n'en seraient pas pour autant réduits, voire éliminés. Il s'agit d'une question beaucoup plus complexe. C'est une réalité que j'ai vue de près, et je connais l'importance que revêt cette question à l'étranger.

Tous les gouvernements doivent jongler entre l'équité, le besoin et les coûts. Il est très simple de dire que nous devons donner tout à tout le monde, mais quelqu'un doit payer. Les gens qui doivent payer sont ceux qui travaillent. J'ai un peu de mal avec certaines des propositions, sans y attacher de valeur.

Je ne veux pas me montrer trop critique en disant cela, même si je l'ai déjà été dans le passé, mais les membres du gouvernement précédent, qui appartenaient à une autre allégeance politique, ont apporté des changements à l'assurance-emploi et l'ont réduit de nombreuses manières condamnables. Ils devaient gouverner. Le leadership repose sur la prise de décisions difficiles, et ils devaient prendre leurs décisions selon ce qu'ils croyaient être dans le meilleur intérêt de la grande majorité des gens. Ce n'est pas pour critiquer que je parle de la réduction dans le dossier de l'assurance-emploi qu'ils ont dû effectuer pour les raisons qu'ils jugeaient indiquées. Ils ne se sont pas levés un matin en se demandant comment ils allaient extorquer les habitants du pays. Ce n'est pas ce qu'ils ont fait. Ce n'est pas le genre de pays dans lequel nous vivons. Nous devons être certains que l'information dont nous disposons est exacte.

M. Benson : Je suis d'accord.

Le sénateur Di Nino : Il important de répéter ce discours quand nous parlons d'une réserve. MM. Benson, Weir et Bédard l'ont tous mentionné; deux milliards de dollars, ça ne suffit pas. Il y a toujours la garantie que le gouvernement du Canada paiera ce qu'il faudra. Nous ne voulons pas que les gens pensent que ce sont des personnes de mauvaise foi qui les représenteront et qu'elles ne feront pas ce qui est important pour eux.

Je pense que vous avez dit, monsieur Bédard, que des 85 p. 100 environ qui sont actuellement dans le système, 40 p. 100 ont accès à l'assurance-emploi, n'est-ce pas?

M. Bédard : Comme M. Weir l'a dit, la plupart des gens obtiennent initialement des prestations.

Le sénateur Di Nino : C'est important, ça aussi.

J'aimerais aussi avoir des précisions concernant le type de paiement à partir de la première heure, les réductions et la période d'attente réduite. Il n'y a pas et il ne devrait pas y avoir d'examen des moyens pour pouvoir toucher des prestations d'assurance-emploi. On perd son emploi, on fait une demande d'assurance-emploi et on est payé.

Des gens pourraient recevoir une indemnité de la part de leur employeur pendant une longue période, pendant trois, quatre ou cinq mois. Certains n'obtiennent rien et ceux qui disposent d'autres ressources ne seront pas touchés comme d'autres le seront.

Je crois fondamentalement que lorsqu'on essaie de faire preuve d'une telle équité et d'examiner les besoins et les coûts, il faut établir un certain équilibre. C'est ce que les gouvernements se sont efforcés de faire au fil du temps. Je ne partage pas la position que MM. Weir et Benson ont adoptée, à savoir que nous devrions accroître le nombre de semaines de prestations, augmenter les sommes que nous remettons, réduire la période d'admissibilité et verser des prestations dès le premier jour sans aucune réduction ou toute autre procédure d'équité ou d'équilibre.

M. Benson : Je veux vous remercier, car j'ai parlé de la valeur et de l'importance que le gouvernement injecte 2,9 milliards de dollars. J'ai remercié le gouvernement de l'avoir fait. J'aimerais que le financement soit plus élevé. Ce que je dis n'a rien d'insultant. Je suis en faveur de ce qu'il fait.

Par ailleurs, nous avons le Trésor et il doit continuer d'exister. Nous n'allons pas commencer à expliquer pourquoi. En une dizaine d'années, les cotisations des travailleurs canadiens —sans compter celles des employeurs; il est question ici des cotisations des employés rémunérés — se sont élevées à 57 milliards de dollars pour l'aide sociale du pays. Ces 57 milliards, de même que les 35 milliards de dollars provenant du régime de pension fédéral, ont permis de rembourser la dette, et les Canadiens en ont tous tiré parti : faibles taux d'intérêt, retombées et tout le reste.

Nous devons tenter de revenir à cela. De nos jours, la valeur maximale des prestations hebdomadaires est 25 p. 100 moins élevée qu'en 1996. Je me rappelle avoir demandé si nous devrions faire passer la couverture de 60 à 70 p. 100. Le gouvernement redistribue l'argent. Quand j'ai parlé du rapport du vérificateur général, c'était parce que le premier ministre Mulroney dissimulait de l'argent inscrit dans les livres et il a fallu mettre le Trésor en déficit. Il a avancé, avec raison, qu'il s'agissait d'un prêt, qu'il fallait rembourser avec intérêts. Les travailleurs l'on fait. Il s'agissait de 57 milliards de dollars.

Sénateurs, tout n'est pas sombre à l'horizon, on doit commencer à demander les mesures que nous souhaiterions voir. Les travailleurs canadiens ont payé sans cesse pour que toute la population en bénéficie.

Le sénateur Di Nino : On n'en disconvient pas. C'est leur argent.

M. Benson : Maintenant, nous faisons volte-face et nous disons simplement que si vous croyez que 40 p. 100, c'est suffisant, alors dites-le. Est-ce que ça devrait être 46 ou 48 p. 100? Devrions-nous nous pencher sur les raisons qui expliquent pourquoi les femmes n'obtiennent pas la même couverture que les hommes? Si c'est un problème, ne devrions-nous pas nous y attarder et nous demander si nous devrions payer pour le corriger?

Je suis d'accord. Il y a une limite. Même avec les 57 milliards de dollars — fictifs ou réels; ils se trouvent dans le Trésor —, je sais que les fonds ont été injectés ailleurs, mais il est important que le gouvernement y remette de l'argent. Si nous ne posons pas ces questions, dans quel genre de société vivons-nous? Ce sont de bonnes questions à poser.

À ces réunions, nous avons discuté de la façon d'accroître la couverture et de promouvoir divers aspects de la justice et différentes mesures que nous voudrions voir dans notre société.

Les réformes de 1995 étaient fondées sur les temps difficiles — la récession — que nous avons connus en 1991, 1992 et 1993. Par ailleurs, les cotisations devaient être maintenues dans la fourchette de 10 à 15 milliards de dollars, mais on a fini par obtenir 57 milliards.

C'est le problème. Que devrait-on dire : que c'est ainsi que le système fonctionne ou qu'il y a des injustices? Il y a certaines choses que nous remettons en question qui nous préoccupent. Valent-elles la peine que nous les examinions?

Du point de vue de Teamsters Canada, il y a certains points pouvant être améliorés et des changements possibles pouvant être apportés. Nous ne nous attendons pas de recevoir tout ce que nous demandons, mais ça vaut la peine d'en discuter.

Le sénateur Di Nino : Nous parlons de nous en tenir à la discussion sur le projet de loi C-10. Si vous regardez les comptes rendus antérieurs, vous constaterez que j'ai fait des commentaires en faveur de votre position au cours des dix dernières années, sur les réductions faites par les gouvernements antérieurs, et c'est correct. C'est un dialogue et une discussion que nous devrions avoir continuellement. En ce qui concerne le présent document, il faut reconnaître qu'on tente d'atteindre l'équité et un équilibre. C'est tout ce que je voulais dire.

M. Benson : Dans mes remarques, j'ai félicité le gouvernement d'avoir fait cela.

M. Weir : Je tiens à souligner que le gouvernement du Canada a fait ce qu'il fallait, à mon avis, en gelant les cotisations d'assurance-emploi aux niveaux actuels et en indiquant que ce serait un filet de sécurité financier. J'ai remarqué que cette approche semble aller à l'encontre de l'essence du régime proposé dans le budget de 2008 mais, au bout du compte, le gouvernement fait ce qui s'impose en injectant plus d'argent dans le système.

Pour ce qui est de la question de l'équité, qui est d'une importance cruciale, je conviens que le programme d'assurance-emploi n'accorde pas des prestations en fonction des moyens ou n'est pas ciblé comme le sont les programmes provinciaux d'aide sociale, par exemple. Je ne pense pas que ça le rende moins équitable pour autant. Il sert à une fin différente. Le but de l'assurance-emploi n'est pas nécessairement de redistribuer les revenus aux membres les plus démunis de la société. Elle vise plutôt à stabiliser les revenus pour un vaste éventail de travailleurs, et nous avons besoin des deux types de politiques publiques au pays. L'une ne peut pas remplacer l'autre.

En ce qui concerne la question des coûts, qui est bien entendu très importante également, je dirais que le gouvernement du Canada accumule de lourds déficits en vue d'essayer de stimuler l'économie canadienne. Une façon particulièrement efficace de le faire, c'est de remettre des fonds à ceux qui ont été directement touchés par la récession. Cet argent retournera dans l'économie puisqu'ils iront certainement le dépenser s'ils le reçoivent.

Par conséquent, puisque l'argent est dépensé, l'assurance-emploi devrait peut-être figurer un peu plus haut sur la liste des priorités dans l'allocation de cet argent.

Le sénateur Di Nino : Nous ne sommes pas contre le principe. Lorsqu'on dirige et qu'on doit prendre des décisions, on prend les meilleures décisions possibles et ce, toujours dans l'intérêt de l'ensemble de la population. Il y a bien d'autres aspects à cela.

Permettez-moi de vous poser des questions au sujet des difficultés que les gens éprouvent actuellement — le fameux délai de 28 jours, qu'aucun gouvernement n'a réussi à atteindre, probablement depuis toujours. Le gouvernement actuel a reconnu ce problème et essaie d'y remédier. On ne peut pas réussir la première semaine. On espère qu'il réussira à la neuvième ou à la douzième semaine, un moment donné. Si je ne me trompe pas, 60 millions de dollars ont été injectés pour embaucher plus de gens, élargir les services, et cetera.

Avez-vous quelque chose à dire à cet égard?

M. Benson : Nous avons fait un commentaire sur la nature distincte du compte d'AE. Le gouvernement prend des mesures positives. De toute évidence, il est judicieux d'injecter plus d'argent pour contribuer à alléger les difficultés. J'ai dit tout à l'heure que ce n'est pas un problème propre au gouvernement actuel; d'après mon expérience, il existe depuis les années 1970. Il ne date donc pas d'hier.

Croyez-le ou non, ce sont parfois ces petits pas qui comptent vraiment. Nous pouvons parler de l'intérêt et de tous les niveaux et avoir une discussion intelligente sur le nombre d'heures assurables, à savoir 360 ou 700. Toutefois, ce qui importe vraiment aux yeux des gens, c'est de savoir que s'ils sont mis à pied vendredi, ils recevront un chèque trois ou quatre semaines plus tard. C'est donc une mesure positive.

Le sénateur Di Nino : Permettez-moi de faire un peu d'humour, monsieur le président. Je suis d'origine italienne. C'est étonnant, je sais. Les cheveux gris sont une bénédiction. Je veux paraphraser un dicton italien : La vieillesse est atroce, mais l'autre option est encore pire. Remercions donc le ciel pour les cheveux gris.

M. Benson : Je suis Écossais, et nous avons la même expression.

Le sénateur Gerstein : Le plan économique prévoit des investissements dans l'infrastructure, la construction immobilière et le transport. Ai-je raison de présumer que ces investissements auront une incidence considérable sur vos syndicats et, le cas échéant, — je sais que c'est difficile à quantifier si on ne connaît pas les projets précis —, mais pourriez-vous nous donner un aperçu des répercussions éventuelles sur l'emploi dans vos syndicats respectifs?

M. Benson : Merci. C'est une excellente question, sénateur.

Dans le cadre des discussions portant sur le budget, je me rappelle qu'on a beaucoup parlé des projets. Je vais prendre l'exemple de la circonscription de M. Abbott et de Revelstoke. Il y a eu de nombreuses plaintes. Toute cette partie de la porte d'entrée du Pacifique est essentielle à nos membres — que ce soit par voie aérienne, ferroviaire ou portuaire. Nous avons appuyé ce projet et nous ne savons pas pourquoi il a provoqué tout un tohu-bohu. Pour être franc, certains des projets liés au passage frontalier qui ont fait l'objet de discussions, comme le pont Blue Water et le pont et le tunnel Windsor — et tout autre projet que nous pouvons avoir —, étaient de bonnes nouvelles.

Il y a deux types d'infrastructure provenant de cette industrie. Les gens parlent de projets « prêts à démarrer ». Ils sont excellents pour créer des emplois à l'heure actuelle, et nous en avons besoin. Toutefois, d'autres projets d'infrastructure dont ils parlent par l'entremise du pont de Revelstoke et de la porte d'entrée du Pacifique, sont des investissements requis qui se traduiront par la création d'emplois maintenant et plus tard. Les gens ne comprennent pas, et ils seraient étonnés d'apprendre qu'entre 70 et 80 p. 100 des produits d'échange entre le Canada et les États-Unis sont transportés en passant par le pont Ambassador, grâce aux employés syndiqués par Teamsters Canada, soit dit en passant.

C'est l'argument que je voulais faire valoir : bien souvent, les gens ne comprennent pas que ces projets peuvent rapporter des dividendes en bout de ligne. L'un des gros problèmes pour le secteur de l'automobile, c'est bien entendu la manière de transporter les pièces d'un endroit à l'autre. Chaque retard à la frontière pourrait causer la fermeture d'une usine en Ontario. Nous croisons le fer avec le gouvernement provincial sur certaines des initiatives qu'il essaie de mener parce qu'il ne comprend pas les répercussions qu'elles pourraient avoir sur notre secteur manufacturier. Pour notre part, nous abordons la question du point du vue du transport; nous ne sommes aucunement présents dans ce secteur. Certaines de ces initiatives — les projets à long terme — sont intéressantes et rapporteront des dividendes ultérieurement.

M. Weir : Comme M. Benson, j'applaudis les dépenses au titre des projets d'infrastructure. La seule question que j'ai, c'est si on mène suffisamment de projets. Comme M. Benson l'a dit, ces projets d'infrastructure peuvent grandement contribuer à la productivité à long terme.

À court terme, la plupart des emplois que ces projets créent sont dans le secteur de la construction, ce qui est important car il y a eu énormément de pertes d'emplois dans ce secteur. Vous voulez savoir quelles sont les répercussions sur mon syndicat plus particulièrement. Comme le syndicat des métallurgistes ne représente pas les travailleurs de la construction, cette création d'emplois n'aura pas d'effet direct sur nos membres. Nous représentons un grand nombre de travailleurs dans le secteur manufacturier. J'imagine que la vrai question, c'est si ces projets d'infrastructure créeront une demande pour des produits fabriqués au Canada. Cela dépend en partie si le gouvernement du Canada est préparé à recourir à une politique d'achat pour veiller à ce qu'il y ait un lien entre les fonds publics investis dans des projets d'infrastructure et l'achat de biens produits ici au Canada.

Certes, les Travailleurs canadiens de l'automobile, d'autres entités du mouvement syndical canadien et notre organisation ont proposé une politique d'achat au Canada pour atteindre ce résultat. Cette infrastructure créera sans aucun doute des emplois dans le secteur de la construction et pourra en créer dans le secteur manufacturier si le gouvernement est prêt à instaurer des politiques d'achat appropriées.

M. Benson : Les gens ne voient pas le lien. Par exemple, le lien entre Teamsters Canada et le syndicat des métallurgistes, c'est que nous nous occupons des quais où l'on décharge les lingots pour les acheminer à l'usine. Ils sont transportés à l'usine et ils traversent la frontière 16 fois. Nous représentons aussi les travailleurs du secteur de la construction. Je dirais que cela nous aidera, bien entendu. C'est le lien.

Quand les gouvernements de tous les paliers prennent des décisions concernant les dépenses, il arrive souvent qu'elles sont prises pour des raisons politiques. Ces liens sont importants. Il est essentiel que les administrations municipales, les gouvernements provinciaux et le fédéral collaborent pour réaliser certains de ces projets. Nous savons qu'il y a le syndrome « d'accord, mais pas dans ma cour », mais pour le bien de l'économie, nous devons parfois en faire abstraction et accomplir des choses. Ça en vaut la peine et certains des projets sont tout simplement excellents.

Le sénateur Neufeld : De nombreux emplois seront créés, y compris des emplois à long terme. En Colombie- Britannique, une partie des fonds dépensés par la province sont pour des projets à long terme.

Je n'ai rien contre le fait d'essayer d'obtenir les matériaux du Canada, mais nous devons nous méfier du protectionnisme. Il n'y a pas si longtemps, je me rappelle que l'administration américaine a dit qu'elle allait utiliser seulement de l'acier provenant des États-Unis. J'ai entendu divers membres de syndicats canadiens dire que les États- Unis ne pouvaient pas faire cela. Les syndicats canadiens avaient des usines qu'ils voulaient continuer d'exploiter.

Je crois que nous devrions tenter de faire tout en notre pouvoir pour créer ces emplois au Canada et mettre en place les services auxiliaires dont nous avons besoin pour réaliser ces projets, mais nous devons faire attention de ne pas tomber dans un protectionnisme qui pourrait nous causer du tort en bout de ligne.

Le sénateur Eggleton : Messieurs, j'aimerais explorer certaines idées sur ce que nous devons faire à propos de ceux qui sont victimes des lacunes du système.

Si j'ai bien compris, parmi ceux qui sont admissibles à l'assurance-emploi, plus de 80 p. 100 y ont accès. Cela semble bien, même si je pense qu'il y a des problèmes concernant ce qu'ils obtiennent. Tout d'abord, il y a la période d'attente de deux semaines, sans parler de la période de traitement des demandes qui dépasse 28 jours bien souvent. Le gouvernement a ajouté cinq semaines à la fin de la période de prestations, et je le félicite de l'avoir fait. C'est bien, mais les chômeurs ne reçoivent que 55 p. 100 de leurs revenus, au maximum, ce qui aide, mais ils se trouvent quand même dans une situation difficile. La période d'admissibilité dépend aussi de la région du pays où le chômeur habite. Beaucoup moins de gens sont admissibles à Toronto que dans d'autres régions du pays. Si vous êtes sans emploi, vous êtes sans emploi, et ces iniquités devraient être éliminées, à mon avis.

Plus de 80 p. 100 des gens qui sont admissibles à l'AE l'obtiennent, mais seulement 40 p. 100 des personnes sans emploi reçoivent des prestations. Cela veut dire qu'un grand nombre de personnes sans emploi ne toucheront pas des prestations.

Que pouvons-nous faire à ce sujet? Vous en avez parlé brièvement. Vous avez dit qu'avoir accès aux prestations immédiatement ou éliminer la période d'attente de deux semaines pourraient aider. Il y a toutefois encore bien des gens qui n'obtiennent pas l'AE. Il y a des femmes. Vous avez évoqué à quelques reprises, monsieur Benson, les femmes, les employés à temps partiel et les travailleurs autonomes. Ce sujet doit être examiné. Il y a un groupe important de personnes — 60 p. 100 — qui n'ont pas accès à l'assurance-emploi à l'heure actuelle.

Qu'arrivera-t-il? Que pouvons-nous faire? Nous pourrions dire qu'ils devront recourir aux programmes d'assistance sociale des provinces, mais en Ontario, il faut être démuni et renoncer à tous ses avoirs pour avoir droit à ces prestations. Cette solution ne s'applique pas vraiment aux gens qui cherchent à se recycler ou qui font tout en leur pouvoir pour trouver un autre emploi.

De plus en plus de gens ne pourront pas avoir accès à l'assurance-emploi conformément aux règles actuelles. Que pouvons-nous faire? Ils sont victimes des lacunes du système. Avez-vous des idées sur la façon dont nous pouvons les aider?

M. Weir : Vous avez mis le doigt sur une idée, à savoir que les programmes provinciaux d'assistance sociale exigent que les gens se départissent de leurs avoirs avant de pouvoir être admissibles. Dans une grave récession, les gouvernements provinciaux pourraient raisonnablement dire, « Nous allons mettre l'assistance sociale à la disposition de ceux qui ont des avoirs ». Je ne pense pas que l'assistance sociale soit une très bonne solution de remplacement pour l'assurance-emploi, mais je la mettrais à la disposition d'un plus grand nombre de personnes à des conditions plus raisonnables.

Les réformes du régime d'assurance-emploi que M. Benson et moi-même avons proposé augmenteraient le nombre de travailleurs sans emploi qui sont admissibles. Je reconnais qu'elles ne permettraient pas de faire passer le taux à 100 p. 100, mais je pense que nous devrions viser plus haut que les 40 p. 100 que nous avons à l'heure actuelle. Il faut à la fois améliorer l'accès à l'assurance-emploi et les autres programmes pour les travailleurs qui ne seraient quand même pas admissibles malgré le régime d'assurance-emploi offrant un accès amélioré.

M. Benson : J'ai dit tout à l'heure que si nous ne posons pas les questions, nous sommes alors satisfaits des solutions. Toutefois, si nous convenons tous qu'il existe des iniquités et des problèmes, il est certes utile de nous demander si c'est ce que nous voulons ou si nous voulons autre chose.

Je suis l'une des rares personnes qui ont eu le malheur de lire les trois grandes études qui remontent à 1948. On peut voir la différence dans les discussions, mais personne n'a parlé d'un régime qui couvre 40 p. 100 des gens et des restrictions que nous avons mises en place. Je suis d'accord. J'ai participé à la préparation d'une ébauche progressive lors des réformes de 1995. Tous les syndicats ont reconnu que nous vivions une période difficile. La situation devait changer un peu. Nous espérions que plus d'améliorations seraient apportées à mesure que des fonds étaient injectés. Ce ne fut pas le cas. Inutile de critiquer votre gouvernement ou le gouvernement actuel. C'est une réalité. Ce sont des choses qui arrivent.

La question est peut-être trop vaste pour que le comité puisse l'examiner aujourd'hui, mais c'est l'une des questions importantes à poser, car elle traite des sujets fondamentaux. Si les femmes sont moins couvertes que les hommes, est-ce parce qu'elles occupent des types d'emplois particuliers? Ont-elles besoin de plus de formation pour obtenir de meilleurs emplois? Que faut-il faire pour leur donner un coup de main au lieu de faire l'aumône?

Il y a de nombreuses questions que nous devons poser. Nous avons parlé notamment de réduire les périodes d'attente. Nous avons parlé de changer les heures et de restructurer la manière de distribuer les prestations pour qu'un plus grand nombre de personnes y aient accès. Cela dépend de la façon de fixer son objectif et de donner le ton au débat pour trouver des solutions.

Croyez-moi; il y a beaucoup de personnes qui travaillent à régler ces problèmes et qui se présenteront avec des pages et des pages d'espoirs et d'attentes.

M. Bédard : Il n'y a pas de solutions magiques. J'examinerais tous les groupes qui éprouvent des difficultés pour voir comment on peut les aider. Je conviens qu'il y a un problème avec les travailleurs à temps partiel, dont la plupart sont des femmes. Je pense que le système basé sur les heures mis en œuvre en 1996 n'a pas favorisé ce groupe particulier.

À ma connaissance, aucun pays dans le monde ne garantit un revenu aux travailleurs autonomes en cas de perte d'emploi. Je pense que la Corée du Sud le fait maintenant pour les propriétaires d'entreprises à leur compte, mais je ne sais pas comment il s'y prend.

Lorsqu'une entreprise ferme ses portes, on sait clairement que le propriétaire perdra son moyen de subsistance. Toutefois, pour un travailleur à son compte et à contrat, comment peut-on déterminer quand il n'a pas de travail et veiller à ce que la situation ne soit pas discrétionnaire au point d'être ingérable?

On doit examiner les différentes situations et voir ce qu'on peut y faire. Pour ce qui est du taux de prestation de 55 p. 100, personne ne s'enrichit en recevant au maximum 55 p. 100 de son salaire. Il y a donc peut-être place à l'amélioration ici. On peut examiner différents aspects.

Je suis tout à fait contre la réduction sur le plan de l'assurance. Elle est très arbitraire, et surtout dans son application car elle est effectuée en fonction de l'année civile. Selon leur modèle de rémunération, deux personnes qui gagnent le même salaire seront touchées très différemment si leurs revenus sont répartis sur des mois différents durant l'année. Là encore, si quelqu'un a payé ses cotisations, pourquoi devrait-il le refaire? Je ne comprends tout simplement pas.

Le sénateur Eggleton : Ce comité pourrait peut-être étudier le régime d'AE, ce qu'il fait et ne fait pas et comment il pourrait être amélioré, monsieur le président. Nous pourrions peut-être aider le gouvernement en cours de route.

Le président : Au deuxième tour, le sénateur Neufeld a soulevé un excellent point concernant les mesures protectionnistes. Toutefois, avant de passer au prochain tour, j'aimerais obtenir quelques éclaircissements.

Tout d'abord, vous connaissez le projet pilote qui offrait jusqu'à 50 semaines de prestations — avec les cinq semaines supplémentaires — dans les régions où le taux de chômage est supérieur à 10 p. 100? Connaissiez-vous ce projet?

M. Weir : Je sais qu'un tel projet pilote existait. Je ne prétends pas connaître parfaitement les résultats qu'il a donnés.

Le président : Je veux vous signaler qu'il a fallu cette mesure législative pour annuler ce projet particulier.

Est-ce que toutes les régions où le taux de chômage est supérieur à 10 p. 100 ont les cinq semaines supplémentaires dans le cadre de ce projet pilote? C'est ce que nous sommes en train d'annuler.

M. Weir : D'après ce que je comprends, l'ajout des cinq semaines de prestations dans toutes les régions donnerait lieu à l'abolition du projet pilote dans les régions où le taux de chômage est élevé.

Nous avions autrefois jusqu'à 50 semaines de prestations dans certaines régions pour le projet pilote. Nous en avons maintenant le même nombre dans ces mêmes régions où le taux de chômage est élevé grâce aux cinq semaines supplémentaires.

Le président : Cette loi a annulé le projet pilote qui offrait cinq semaines supplémentaires pour toutes les régions où le taux de chômage est supérieur à 10 p. 100. Si on regarde les annexes, on verra que ces semaines sont de nouveau prévues dans la loi, mais seulement pour 15 mois, soit jusqu'en septembre 2010.

Vous avez parlé au sénateur Mitchell au sujet des annexes. Le libellé des deux annexes au verso est très étrange. Il est question de l'annexe 1 au paragraphe 224(1) et d'une autre annexe au paragraphe 224(2). Si vous regardez au verso et vérifiez la date d'entrée en vigueur, vous verrez que l'une de ces annexes est pour une période de 15 mois et l'autre prendra effet après, en septembre 2010. On rétablit l'ancienne annexe. Vous avez tout à fait raison, monsieur Bédard, lorsque vous dites qu'on verra cela dans la Loi sur l'assurance-emploi.

Une nouvelle annexe est en vigueur pour une période de 15 mois, puis on la mettra de côté. La nouvelle annexe qui est en place pendant ces 15 mois a une incidence sur les régions où le taux de chômage est faible. Les régions où le taux de chômage s'élève à 10 p. 100 ou plus — et elles sont de plus en plus nombreuses — ne sont pas touchées parce qu'elles passent seulement d'un projet pilote à un projet qui sera mené pendant 15 mois. Êtes-vous d'accord?

M. Bédard : Oui.

Le président : J'ai examiné plusieurs fois la question, et je répétais sans cesse qu'elle n'est pas aussi importante qu'elle le paraît. Vous venez de confirmer mes observations.

Monsieur Bédard, pourriez-vous réexaminer ce fameux article 73.1 pour moi et me dire quel est le Compte d'assurance-emploi qu'il faudra rembourser?

M. Bédard : Le Compte d'assurance-emploi existe et continuera d'exister. Il s'agit du compte auquel on débite le coût des prestations d'AE et où l'on dépose les cotisations. Toutes ces transactions sont bien entendu effectuées par l'entremise du Trésor.

Le président : Est-ce un compte fictif intégré au Trésor?

M. Bédard : Vous demandez si c'est un compte fictif? C'est un compte où les transactions relatives à l'AE sont faites. Il n'y a pas d'argent à la banque, bien entendu. Ça s'est traduit par la reconnaissance de la dette par le gouvernement. Mais celui-ci a décidé de ne pas reconnaître la dette, ce qui est un autre problème.

Le président : Même s'il ne contient pas d'argent, c'est un compte où l'on peut déterminer qu'il y avait un excédent de 57 milliards de dollars, n'est-ce pas?

M. Bédard : Oui.

M. Benson : Pour ce qui est de la notion de fiction, on doit examiner en quoi consiste le Trésor. Il ne peut être utilisé que pour les fins énoncées dans la loi, c'est-à-dire la Loi sur l'assurance-emploi. Je tiens à signaler que lorsque son solde s'élevait à 6,8 milliards de dollars, qui est le chiffre qui me vient à l'esprit — c'était peut-être 8 milliards —, le compte n'était pas du tout fictif. Le régime d'assurance-emploi et les travailleurs ont dû rembourser le prêt avec intérêts.

Il est assez curieux que lorsque les travailleurs devaient l'argent, le compte n'était pas fictif. Nous n'avons pas discuté du caractère fictif de l'argent; mais quand il y a un excédent, nous parlons d'un compte fictif.

Là encore, nous devons tous assumer notre part du blâme, tant le nouveau gouvernement que le précédent. Comme je l'ai dit, les conservateurs ont été au moins honnêtes à cet égard, mais c'est là où je veux en venir. Pour être franc, il est étonnant que lorsque nous devions l'argent, le compte n'était pas fictif, mais quand c'est le contraire, nous avons ces discussions intellectuelles sur la fiction. Ça n'aide pas le débat.

Le président : Pouvez-vous me dire comment on dépose de l'argent dans ce compte? Que fait-on lorsqu'il ne contient pas d'argent? On ne fait que prétendre? On indique un chiffre ici?

M. Bédard : Le gouvernement ne fait que créer une inscription fictive à un compte fictif, si vous voulez.

Le président : D'accord. Nous avons déjà dit que cet article ne dit pas grand-chose. Il dit seulement que le coût est estimé à 2,9 milliards de dollars. Vous avez dit que si on lit l'article, ce peut-être 1,15 milliard de dollars — et les mots utilisées sont « des mesures visant l'amélioration des avantages », n'est-ce pas?

M. Bédard : En effet.

Le président : Un taux fixe ne serait-il pas une mesure visant l'amélioration des prestations?

M. Bédard : Vous voulez dire le taux de cotisation en soi?

Le président : Oui.

M. Bédard : Je ne pense pas. Ce n'est pas une mesure visant l'amélioration des prestations. C'est du côté des revenus. C'est complètement différent. Aux termes de la Loi sur l'assurance-emploi, les prestations sont versées aux personnes.

Le président : D'accord.

M. Bédard : À moins que cette interprétation soit élargie d'une façon ou d'une autre.

Le président : Je ne vous demande pas de l'élargir. Je veux seulement savoir pourquoi on ne considère pas les 4,5 milliards de dollars comme étant un montant additionnel que le gouvernement offre.

M. Bédard : C'est essentiellement parce que ce montant doit être remboursé. Exception faite de ce poste particulier précisé à l'article 73.1, le reste de la somme, en vertu de la loi en vigueur, devra à un moment donné être financé au moyen des cotisations d'assurance-emploi. Cela pourrait être en 2015 ou en 2020. Pour l'instant, le gouvernement manifeste son intention de percevoir cet argent.

Le président : En tenant compte de la hausse du taux de chômage, pourriez-vous nous dire quelques mots sur le montant de 4,5 milliards de dollars estimé par le gouvernement avant la préparation de ce document?

M. Bédard : J'ai déjà indiqué que la sensibilité des coûts du programme d'assurance-emploi au taux de chômage est d'environ 1,6 milliard de dollars par point de pourcentage du taux de chômage, alors ces 4,5 milliards de dollars correspondent à peu près à trois points de pourcentage, soit 1,5 point par année. Ce sont les prévisions qu'on a établies à ce moment-là. Sont-elles encore valides? Le resteront-elles? Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est totalement imprévisible, mais l'avenir nous dira si les 4,5 milliards de dollars s'avèrent être le montant approprié.

M. Benson : Lorsqu'on pense aux Teamsters, on pense au camionnage, mais les membres des Teamsters du Canada et des États-Unis œuvrent dans beaucoup de secteurs, y compris les chemins de fer et le fret. En fait, nos membres représentent la plus grande part du marché. Nous pourrions faire preuve d'esprit de clocher et affirmer que cela n'a pas d'importance si des produits viennent de la Chine, parce que toute cargaison arrivant par bateau à Vancouver équivaut à du travail de plus pour les Teamsters, pour dire les choses franchement. En même temps, nous devons avoir une perspective plus large.

Le protectionnisme n'est d'aucune aide, mais en même temps, le commerce loyal est utile. Le fait d'avoir des échanges commerciaux supposément loyaux n'aide pas nos industries. Vous n'avez qu'à penser à la débâcle de l'industrie forestière, par exemple, et elle était en lien avec les États-Unis, un bon allié. Nous allons outre-mer et nous savons à quel point c'est difficile d'établir un commerce au Japon, par exemple. Nous connaissons les obstacles non commerciaux qu'on met en place. Le commerce loyal est une bonne chose. En revanche, le libre-échange, s'il n'est pas réellement libre, n'est pas aussi positif. Au bout du compte, si nos usines ne tournent pas et que nos gens ne travaillent pas, nous n'aurons plus rien à expédier à l'intérieur du pays. Nous pourrons peut-être acheminer les marchandises dans un port et les charger. Il est important pour nos membres que la base du secteur de la fabrication, la base du secteur forestier et nos producteurs laitiers réussissent, mais en toute loyauté.

M. Weir : Pour répondre à la question concernant l'industrie sidérurgique et le débat entourant les politiques d'achat aux États-Unis, le commerce de l'acier est intégré par-delà la frontière entre le Canada et les États-Unis. Le processus de fabrication a véritablement lieu entre les deux pays, mais les échanges commerciaux sont très équilibrés. Le Canada achète à peu près autant d'acier des États-Unis qu'il ne lui en vend, alors aucun des deux pays n'a quoi que ce soit à gagner à entraver ces échanges commerciaux dans le secteur de l'acier.

Lorsque le président international de notre syndicat a comparu devant le caucus de l'acier à la Chambre des représentants des États-Unis, au Capitole, il s'est prononcé en faveur des dispositions d'achat aux États-Unis, mais a également fait valoir que le Canada devait être expressément exempté de ces dispositions. J'appliquerais le même argument aux politiques d'achat de produits canadiens. L'un des avantages de la mise en place de ces politiques par le gouvernement du Canada serait de nous permettre de dire aux Américains : « Nous vous accorderons une exemption concernant les exigences relatives aux règles du marché si vous exemptez à votre tour les producteurs canadiens des politiques d'achat préférentielles aux États-Unis ».

Le problème commercial auquel il faut selon moi remédier, c'est le déficit considérable que nous enregistrons sur le plan de l'acier étranger. Le Canada achète de 3 $ à 9 $ d'acier de l'étranger pour chaque dollar qu'il peut exporter outre-mer. Cela n'a aucun sens d'injecter des fonds publics pour stimuler l'économie si cette stimulation fuit tout bonnement de notre économie par un déficit commercial. Non seulement cela rend-il les dépenses de stimulation économique moins efficaces, mais cela réduit également l'attrait, pour les pays étrangers, d'adopter des mesures de relance. Il est important de se préoccuper des aspects du commerce international des politiques de stimulation.

Le sénateur Neufeld : Je le comprends, et je crois avoir déjà dit que nous devons être prudents lorsque nous tentons de développer un marché au Canada. Je fais également une légère mise en garde en ce qui a trait au protectionnisme commercial, et il me paraît juste de dire — et vous serez d'accord avec moi, je pense — que nous devons agir avec précaution. On ne pourra jamais faire le bonheur de tout le monde, mais nous devons établir un certain équilibre. Je ne me rappelle pas de tous les articles parus dans les journaux; cependant, je me souviens que le Syndicat des travailleurs unis de l'acier des États-Unis — j'ignore qui exactement — a exercé de très fortes pressions en faveur des politiques d'achat aux États-Unis. Ce serait sans doute compréhensible pour moi si je me trouvais aux États-Unis, mais je ne crois pas que ce soit utile pour le Canada. C'est pourquoi j'affirme que nous devons user de précautions à cet égard. Heureusement que jusqu'à un certain point, tout le monde a fini par entendre raison à ce sujet. J'estime que cela augure bien pour de bonnes négociations de part et d'autre de la frontière, il est nécessaire de maintenir de telles négociations de qualité. Voilà ce que j'ai tenté de souligner.

[Français]

Le sénateur De Bané : Monsieur Bédard, pouvez-vous nous donner une idée, à la faveur de la situation actuelle, du taux de chômage de certains secteurs?

Je regardais les chiffres pour les États-Unis. Dans le domaine manufacturier, le taux de chômage est très élevé. Par contre, pour les professionnels, il est à peine de 3 p. 100. Pouvez-vous nous donner le taux de chômage, particulièrement dans le secteur manufacturier au Canada?

M. Bédard : Je n'ai pas ces données sous la main, malheureusement. Toutefois, elles sont certainement disponibles à Statistique Canada.

Le sénateur De Bané : Nous voyons de plus en plus d'analyses nous indiquant que la crise actuelle peut avoir des conséquences profondes sur non seulement la situation de l'emploi, mais également sur la répartition de l'activité économique.

La région de Détroit, qui est la 11e communauté urbaine des États-Unis, aujourd'hui, est dévastée d'une façon qu'on n'aurait pas pu imaginer. Je crains que nous rentrions dans une phase où les programmes que nous étudions ne seront pas tout à fait appropriés pour la sévérité et la durée de la crise à laquelle nous faisons face. Plusieurs études disent que ce n'est pas tellement la crise de 1930 qui est l'étalon de mesure à regarder, mais la crise qui est arrivée autour de 1875 qui, elle, a duré 25 ans.

S'il est vrai que le centre de gravité quittera New York pour aller vers les grands centres financiers en Asie, cela peut signifier un changement dont on a peine à mesurer tout l'impact. Avez-vous quelques réflexions à partager avec nous?

M. Bédard : Je n'ai pas de lumière particulière. Je n'en disconviens pas. Il est tout à fait possible qu'on assiste à un moment historique particulier, mais de là à pouvoir quantifier cela, j'avoue mon impuissance.

[Traduction]

Le sénateur De Bané : Je vais vous citer un paragraphe.

Aucune autre grande ville américaine aujourd'hui ne semble peut-être plus éprouvée que Detroit, où, en octobre dernier, le prix moyen des maisons s'établissait à 18 000 $, et où quelque 45 000 propriétés faisaient l'objet d'une forme de forclusion. Une récente liste des forclusions d'impôts ayant eu lieu à Wayne County, qui englobe Detroit, faisait 137 pages dans le Detroit Free Press. Le système scolaire public de la ville, aux prises avec un déficit budgétaire de 408 millions de dollars, a été pris en charge par l'État en décembre. On a par ailleurs fermé des douzaines d'écoles depuis 2005 à cause de la diminution du nombre d'inscriptions. Seulement 10 p. 100 des résidents adultes de Detroit possèdent un diplôme de niveau collégial et, en décembre, le taux de chômeurs dans ville s'élevait à 21 p. 100.

Cela me paraît une crise très profonde. À quel point les mesures envisagées prennent-elles acte de la gravité de ce qui pourrait malheureusement se produire?

Le sénateur Di Nino : Mon bureau a parcouru plusieurs sites Web des Métallurgistes unis. Le même jour, dans deux districts différents, le gros titre était « Pour que le Canada profite de la politique « Acheter américain » ». Pour moi, cela ressemble à du protectionnisme. Je ne souhaite pas entrer dans un débat là-dessus, mais je me contenterai de dire que si nous voulons revenir aux sales années 1930, nous n'avons qu'à nous lancer dans le protectionnisme. C'est la pire chose que le monde pourrait faire aujourd'hui. Qu'on le veuille ou non, cela transmet un message, et je pense que les métallurgistes devraient être conscients des pièges que cela renferme. Ce type de message pourrait amener les gens à croire qu'ils ne devraient rien acheter qui provienne du Canada, du Mexique, de Chine ou d'ailleurs. Ce serait une très mauvaise chose.

M. Weir : J'ai vu ces grands titres, moi aussi. Puis-je répondre?

Le sénateur Di Nino : Bien sûr. Seulement, je ne veux pas entrer dans un débat.

M. Weir : C'est compréhensible.

Sur le plan pratique, il y a la question de savoir si les intérêts du Canada seront mieux servis si l'on fait la morale aux États-Unis au sujet des vertus du libre-échange planétaire, ou si l'on tente de faire en sorte que le Canada soit exempté de certaines politiques d'achat américain.

Le sénateur Di Nino : Cela m'effraie encore plus.

M. Weir : Notre syndicat a choisi cette deuxième option.

En ce qui concerne l'analogie avec la Grande dépression, le gros problème avec l'American Smoot-Hawley Tariff Act, qui a eu pour effet de hausser les droits de douane aux États-Unis, c'est qu'elle n'a apporté aucun stimulant économique. Elle visait essentiellement à ce que les États-Unis recourent aux tarifs pour obtenir une plus grande pointe de tarte économique qui rapetisse.

Les dispositions actuelles sur l'achat préférentiel aux États-Unis s'insèrent dans un plan de relance majeur, et visent à faire en sorte que l'ensemble de mesures de relance stimule véritablement l'économie américaine. Je conclus en disant que l'activité économique produite par le projet de loi sur la relance économique du président Obama fera bien davantage augmenter le commerce mondial que les dispositions d'achat aux États-Unis contenues dans ce projet de loi ne pourront le réduire.

Ces dispositions doivent être perçues exactement ainsi : comme des dispositions d'un projet de loi sur la relance économique qui aideront les États-Unis et le reste du monde.

Le sénateur Di Nino : Je ne suis pas d'accord avec vous. Je m'en tiendrai là.

Le président : Merci. Nous allons en rester là.

Messieurs, nous avons beaucoup discuté ce soir, et notre temps est maintenant écoulé. Ce fut un débat assez ésotérique, mais lorsqu'on revient à l'essentiel, notre responsabilité est d'examiner les dispositions du projet de loi C-10 pour comprendre ce que tente de réaliser le gouvernement, voir combien il en coûtera en fonds publics et déterminer si certaines de ces dispositions pourraient produire des conséquences imprévues.

Si vous pensez à autre chose plus tard, nous serons heureux d'entendre vos commentaires sur n'importe lequel des éléments du projet de loi C-10, Loi d'exécution du Budget 2009. Il y en aura d'autres, car une partie des dispositions du budget lui-même n'apparaissent pas dans ce projet. Nous nous attendons à ce qu'elles figurent ultérieurement dans d'autres projets de loi de mise en œuvre du budget.

Comme l'a indiqué M. Bédard en ce qui concerne l'article 73.1 et les mesures visant l'amélioration des avantages, il n'y en a qu'une seule en ce moment, mais on peut présumer que d'autres mesures promises dans le budget figureront dans des projets de loi d'exécution du budget à venir.

Vous avez parlé d'une mesure évaluée à 1,15 milliard de dollars. De quelle mesure s'agissait-il?

M. Bédard : L'augmentation de cinq semaines a été estimée à ce montant dans les documents budgétaires.

Le président : Puisque vous êtes ici, parmi nous, et que vous avez autrefois travaillé dans le domaine pour le gouvernement fédéral, puis-je vous demander s'il y a une raison pour qu'un article soit considéré comme entrant en vigueur le deuxième dimanche suivant le jour où le projet de loi reçoit la sanction royale? Doit-on recourir à ces conditions en raison du mode d'administration de la Loi sur l'assurance-emploi?

M. Bédard : C'est peut-être lié à la période de carence. Elle est antidatée de deux semaines.

Le président : Essaie-t-on de combler la période de carence de deux semaines?

M. Bédard : Oui, pour ceux qui ont établi leur demande deux semaines avant la semaine de la sanction royale.

Le président : Cette semaine va-t-elle du dimanche au dimanche?

M. Bédard : Oui.

Le sénateur Mitchell : Ce pourrait être huit jours. Cela pourrait tomber un lundi, et on a seulement une période du dimanche au dimanche, alors ça ne correspond pas vraiment à deux semaines.

Le président : Voilà de bien étranges dispositions. Il serait bien de les comprendre.

M. Bédard : Cela aurait pu être deux, trois ou quatre semaines avant. Le gouvernement devait fixer une date dans la loi.

Le président : Normalement, cela correspondrait au moment de la sanction royale.

M. Bédard : Ne serait-il pas plus généreux d'antidater cela d'une quelconque manière?

Le président : Nous voyons régulièrement une antidatation au jour du budget, car c'est à ce moment-là que les gens commencent à faire des plans.

M. Benson : Si on avait agi ainsi, ceux qui viennent d'entrer dans le système ne seraient pas admissibles à des prestations supplémentaires. En rendant cette date rétroactive de deux semaines, on couvre la période de carence de deux semaines pour que tout le monde dans le système soit couvert. C'est ainsi que je conçois la loi.

Le président : Je vous suis reconnaissant de votre aide. Je m'interrogeais à ce sujet.

Honorables sénateurs, c'est tout le temps que nous avions.

Nous remercions grandement nos témoins.

(La séance est levée.)


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