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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 4 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 21 avril 2009

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 18 heures, pour examiner les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.

Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Sachez que la séance de ce soir est télévisée, honorables sénateurs, alors conduisez-vous de votre mieux.

Nous recevons aujourd'hui une invitée spéciale, la vérificatrice générale, madame Fraser. Nous sommes très heureux de vous avoir parmi nous. Je vais vous laisser le soin de présenter les gens qui vous accompagnent.

Vous ferez d'abord votre déclaration, après quoi nous enchaînerons avec la période de questions. Nous étudions l'Arctique depuis près d'un an. Nous avons parcouru l'Est de l'Arctique et avons fait comparaître des témoins ici, à Ottawa. Nous envisageons de nous rendre dans l'Ouest de l'Arctique en juin. Nous avons rédigé un rapport, qui sera publié prochainement. Nous maîtrisons assez bien le sujet, mais nous sommes loin d'être des experts sur la question; nous en avons encore beaucoup à apprendre. Nous espérons pouvoir enrichir nos connaissances ce soir grâce à vous, qui avez également étudié ce domaine.

Outre l'Arctique, bien entendu, certains d'entre vous se sont penchés sur les espèces en voie de disparition et la Loi sur les océans. Les sénateurs pourront aussi vous poser des questions là-dessus, puisque ces sujets relèvent de notre mandat. En tant qu'organisme de service spécial de Pêches et Océans Canada, la Garde côtière canadienne est également visée par notre étude. Nous nous intéressons aussi à la politique sur les pêches. Chose certaine, attendez- vous à des questions à ce chapitre.

Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada : Je vous remercie, monsieur le Président, de nous donner l'occasion de discuter des constatations de rapports précédents que nous avons abordées dans une lettre à votre comité en mars dernier.

Je suis accompagnée aujourd'hui de Neil Maxwell, vérificateur général adjoint, et de Kevin Potter, directeur principal de notre bureau d'Halifax.

De plus, j'ai le plaisir de présenter au comité le commissaire à l'environnement et au développement durable, M. Scott Vaughan. M. Vaughan s'est joint au Bureau du vérificateur général il y a maintenant un an. Économiste de l'environnement, il possède de nombreuses années d'expérience, ce qui contribue à faire avancer les travaux de vérification des questions environnementales et de développement durable du bureau.

Je sais que le comité s'intéresse particulièrement aux questions liées à la Garde côtière. Aussi, vais-je commencer par le chapitre 4 de notre rapport Le Point de février 2007, intitulé La gestion de la flotte et des services à la navigation maritime de la Garde côtière. Par la suite, je proposerais que le commissaire vous fournisse un bref aperçu des autres vérifications mentionnées dans notre lettre à votre comité.

[Français]

Dans le rapport, nous avons conclu que Pêches et Océans Canada, plus particulièrement la Garde côtière canadienne, n'avait pas fait de progrès satisfaisant dans la mise en œuvre des 12 recommandations qui lui incombent toujours depuis les deux vérifications précédentes. Ces recommandations se retrouvent au chapitre 31 intitulé « La gestion de la flotte », de notre rapport de décembre 2000 et dans le chapitre 2, intitulé « Contribuer à la sécurité et à l'efficience de la navigation maritime » de notre rapport de décembre 2002.

Voici les principales constatations de notre rapport de février 2007 : La Garde côtière avait plus ou moins bien réussi à élaborer une stratégie nationale pour gérer ses activités. La modernisation des services à la navigation maritime était lente et la flotte était vieillissante. Sa fiabilité et les coûts d'exploitation à la hausse étaient toujours problématiques.

Nous avons cerné trois raisons qui expliquaient l'absence de progrès de la Garde côtière. D'abord, la Garde côtière, acceptait des tâches qui lui étaient assignées même si elle ne disposait pas des moyens concrets pour les accomplir. Ainsi, la Garde côtière a élaboré un plan en vue de mettre sur pied un organisme de service spécial sans avoir les ressources nécessaires pour réaliser ce plan, ce qui n'est guère étonnant; nous avons constaté que de nombreux volets n'étaient pas terminés bien après la date d'achèvement prévue du plan.

Ensuite, la Garde côtière ne se fixait pas de priorité. Par exemple, elle a tenté de donner suite en même temps à toutes nos recommandations visant à l'amélioration de sa flotte. Ces initiatives sont restées à divers stades de réalisation.

Enfin, la Garde côtière s'était engagée à régler ses problèmes de gestion et à mener ces initiatives à terme, mais la reddition de comptes à la fois sur le plan individuel et sur le plan organisationnel était insuffisante et ne permettait pas d'obtenir des résultats.

[Traduction]

Dans notre rapport Le Point de février 2007, nous avons formulé une seule recommandation. Nous l'avons fait parce que la Garde côtière, comme n'importe quelle autre organisation, a des ressources limitées et qu'elle doit les consacrer à régler les principaux problèmes auxquels elle fait face, dont ceux que nous avons soulevés dans le passé. Nous avons donc recommandé à la Garde côtière d'établir des priorités en matière d'amélioration, en se fixant des objectifs clairs et réalistes à l'égard de chacune de ces priorités. Elle devait attribuer des ressources suffisantes et appropriées à chacune. Enfin, les gestionnaires et les services devaient rendre compte des résultats.

Après notre vérification, la Garde côtière a pris des mesures en élaborant son premier plan d'activités triennal. Le plan proposait une approche à long terme pour que la Garde côtière relève ses défis, y compris ceux que nous avions signalés. Le plan fixait des priorités, affectait des ressources à ces priorités et désignait les gestionnaires et les services responsables.

Par la suite, la Garde côtière a publié un nouveau plan d'activités pour la période de 2008 à 2011. De plus, elle a récemment présenté un examen semestriel de l'état d'avancement de son plan d'activités pour l'exercice 2008-2009. Nous sommes heureux de constater que la Garde côtière continue de surveiller ses progrès et d'en publier les résultats.

J'invite le comité à revoir le plan d'activités et l'examen semestriel de la Garde côtière et à lui demander quels sont ses plans futurs pour régler les problèmes que nous avons soulevés.

Cela dit, monsieur le président, je vais céder la parole à M. Vaughan.

[Français]

Scott Vaughan, commissaire à l'environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada : Monsieur le président, dans notre rapport, le point de mars 2008, examinait les écosystèmes et portait sur les espèces en péril et les espèces aquatiques envahissantes, deux questions très liées. Nous avons constaté que Pêches et Océans Canada n'avait pas réalisé de progrès satisfaisants pour donner suite aux recommandations que nous avions formulées dans nos rapports précédents déposés en 2001 et en 2002.

Dans le chapitre 5, intitulé « La protection des espèces en péri », nous avions noté que Pêches et Océans Canada, l'une des trois organisations responsable, n'avait pas préparé d'inventaire détaillé des espèces en péril. Le ministère n'avait pas non plus respecté certaines échéances précises de la Loi sur les espèces en péril pour l'élaboration de programmes de rétablissement.

[Traduction]

Dans le chapitre 6, intitulé « Le contrôle des espèces aquatiques envahissantes », nous avions signalé que Pêches et Océans Canada n'avait pas évalué les risques économiques et sociaux des espèces aquatiques envahissantes. Le ministère n'avait donc pas l'information nécessaire pour établir des priorités et des objectifs fondés sur les risques en matière de prévention, de contrôle et d'éradication.

De plus, Pêches et Océans n'avait pas mis en place de plans ni de mécanismes de détection précoce ou d'intervention rapide pour lutter contre les espèces aquatiques envahissantes. Le ministère n'était donc pas préparé pour prévenir, contrôler ou éradiquer les nouvelles espèces aquatiques envahissantes.

Notre rapport concluait que le gouvernement fédéral n'est toujours pas en mesure de prévenir, de contrôler ou d'éradiquer les espèces envahissantes les plus menaçantes pour les systèmes aquatiques et l'économie du pays.

[Français]

Monsieur le président, vous voudrez peut-être, dans le cadre de vos travaux, consulter certaines évaluations scientifiques récentes. Je propose par exemple l'Évaluation des écosystèmes pour le millénaire et le GEO-4, c'est-à-dire le quatrième rapport sur les perspectives mondiales en matière d'environnement du Programme des Nations Unies pour l'environnement. Même si notre bureau n'a pas vérifié ces rapports, ils abordent les mêmes sujets que les nôtres, c'est-à- dire les pressions grandissantes exercées sur les stocks de poisson partout dans le monde, la pêche intensive alliée à la dégradation environnementale et les effets des changements climatiques sur nos océans. La gestion des pêches en soi est incertaine, mais avec les changements climatiques, elle l'est davantage.

[Traduction]

Dans le chapitre 1 du rapport de la commissaire à l'environnement et au développement durable de septembre 2005 intitulé La Stratégie de gestion des océans du Canada, nous avions signalé que la mise en œuvre de la Loi sur les océans et de la stratégie qui s'y rattache n'avait pas été prioritaire pour le gouvernement. Pêches et Océans Canada n'avait pas encore de mécanismes pour régler les différends, de plus en plus nombreux, entre les usagers de la mer concernant l'accès aux espaces et aux ressources maritimes. En outre, seulement deux aires marines protégées avaient été désignées jusqu'alors.

[Français]

Le comité voudra peut-être demander à Pêches et Océans Canada de présenter un rapport d'étape sur sa réponse aux recommandations de notre rapport de 2005.

Un aspect clé de celle-ci devait être son nouveau Plan d'action pour les océans. Le ministère devrait être en mesure de faire rapport au comité sur les résultats atteints à ce jour grâce à ce plan.

Enfin, monsieur le président, j'aimerais informer le comité que la protection de l'habitat du poisson sera le sujet abordé dans mon rapport de mai 2009.

[Traduction]

Monsieur le président, nous répondrons à vos questions avec plaisir.

Le président : Merci. J'ai quelques questions à vous poser, mais je vais attendre un peu.

Le sénateur Hubley : J'aimerais discuter de la souveraineté de l'Arctique et du rôle que peut jouer la Garde côtière canadienne afin de renforcer la présence canadienne dans le Nord. Où se trouvent nos faiblesses? Tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés ne font qu'enlever du poids à nos revendications à l'égard de la souveraineté canadienne en Arctique.

Mme Fraser : Je vais faire de mon mieux, monsieur le président, pour répondre à cette question. Nous ne nous sommes pas particulièrement penchés sur la question de la souveraineté de l'Arctique ni sur le rôle de la Garde côtière dans cette région. Toutefois, dans notre rapport, nous avons relevé de nombreuses difficultés opérationnelles au sein de la Garde côtière. Tout d'abord, sachez qu'elle dispose d'une flotte vieillissante. Les navires auront servi entre 40 et 50 ans au moment de leur remplacement, alors qu'on sait que leur durée de vie utile estimative est de 30 ans.

Nous avons également cerné beaucoup de problèmes en ce qui a trait à la gestion des stocks de poisson, par exemple. En raison de difficultés opérationnelles et d'un manque de ressources, la Garde côtière n'a pas été en mesure de remplir cette fonction importante. Les problèmes auxquels elle fait face à l'heure actuelle ont forcément une incidence sur ses activités dans le Nord.

Par ailleurs, la Garde côtière vise avant tout à devenir une institution nationale. Auparavant, l'organisation fonctionnait à la manière de gardes côtières régionales, chacune ayant son propre mode de fonctionnement. Le commissaire n'avait donc aucun contrôle sur leurs activités. La situation a changé depuis, mais la Garde côtière observe encore — ou du moins, au moment de notre vérification — des procédures et des politiques régionales, ce qui fait en sorte qu'il existe des différences considérables d'une région à l'autre.

J'aimerais soulever un dernier point, toujours sur le plan opérationnel. Dans le rapport, vous remarquerez que l'absence de manuels d'entretien à jour et l'insuffisance des directives ont entraîné des travaux de réparation inadéquats et très coûteux. Il faut absolument élever le niveau de professionnalisme et d'uniformité au sein de l'organisation.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Dans vos observations, vous avez en fait cité des constatations du rapport de 2007. Plus loin vous dites : « Nous avons cerné trois raisons qui expliquaient l'absence de progrès de la Garde côtière »; ensuite vous dites : « La Garde côtière a élaboré un plan en vue de mettre sur pied un organisme de service spécial sans avoir les ressources nécessaires pour réaliser ce plan ».

Quel était cet organisme de service spécial qu'elle avait accepté?

Mme Fraser : C'est le modèle de gouvernance. C'est un modèle administratif pour la Garde côtière. Avant, les opérations étaient dans chacune des régions de Pêches et Océans Canada et le commissaire de la Garde côtière pouvait donner quelques instructions, mais n'avait pas vraiment le contrôle, par exemple sur la flotte. Maintenant ils ont changé cela et créé un organisme spécial. C'est une entité distincte, mais pour faire cela il y a certaines structures et certains systèmes qui doivent être en place. Ils n'avaient pas toutes les ressources nécessaires pour effectuer la transition à la date prévue. Nous avons même effectué la vérification plusieurs mois après, ils étaient toujours en train d'effectuer cette transition.

Le sénateur Robichaud : Est-ce que vous avez identifié les raisons qui les empêchaient de faire des progrès à ce niveau?

Mme Fraser : Les raisons que cela sous-tend sont le manque de financement adéquat et le manque de ressources. On n'a pas fait d'étude poussée pour savoir si c'était la Garde côtière qui était responsable de ces manques, autrement dit s'ils avaient demandé les ressources et ne les ont pas reçues ou s'ils avaient mal évalué le niveau d'efforts requis pour faire la transition vers cette nouvelle structure administrative.

Le sénateur Robichaud : Avez-vous examiné le rapport qu'il y a entre la Garde côtière et Pêches et Océans Canada?

Mme Fraser : Nous l'avons regardé par le passé, lorsque tous les équipements étaient gérés par Pêches et Océans Canada. On hésite toujours à faire des recommandations sur ce qu'on appelle la machinerie ou la structure organisationnelle, mais je crois qu'il est assez évident dans les vérifications que nous avons effectuées que c'était problématique, pour le commissaire à la Garde côtière, lorsqu'il n'avait pas le contrôle sur les bateaux, par exemple. C'était le directeur régional de chaque région qui avait le contrôle des équipements.

Le sénateur Robichaud : Le directeur régional de Pêches et Océans Canada?

Mme Fraser : Oui. Cela a changé depuis. Et c'est là qu'ils ont établi cette organisation de service spécial. Et maintenant, le commissaire de la Garde côtière est responsable et a le contrôle sur les bateaux et le personnel. Peut-être que M. Potter a d'autres commentaires à ajouter.

[Traduction]

Kevin Potter, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Cela confère une identité particulière à la Garde côtière au sein de Pêches et Océans Canada. Cet organisme de service spécial est un symbole d'identité nationale. C'était d'ailleurs un des objectifs de sa création.

Le sénateur Robichaud : Iriez-vous jusqu'à dire que la Garde côtière devrait devenir un ministère à part entière? L'organisation serait ainsi plus efficace et offrirait de meilleurs services.

Mme Fraser : Non.

Le sénateur Robichaud : Y avez-vous songé?

Mme Fraser : Nos recommandations ne vont pas aussi loin.

Le président : Dans le cadre de votre étude, avez-vous établi une comparaison avec d'autres pays qui ont une garde côtière semblable à la nôtre? Par exemple, avez-vous comparé les Gardes côtières canadienne et américaine? Si oui, quelles conclusions en avez-vous tirées?

M. Potter : Nous avons fait des comparaisons à certains égards seulement, comme la prestation de services particuliers, mais pas en ce qui a trait au mandat de l'organisation. Étant donné qu'elle constitue la cinquième branche des forces armées américaines, la garde côtière des États-Unis s'acquitte d'un mandat très différent du nôtre. Il ne serait donc pas approprié d'établir une comparaison complète.

De façon générale, nous avons constaté des structures différentes au sein d'autres gardes côtières, mais cela ne faisait pas officiellement partie de notre étude.

Le président : Diriez-vous que le ministère dont relève la Garde côtière n'a aucune importance? La Garde côtière est passée de Transports Canada à Pêches et Océans Canada; elle a été transférée. Est-ce que cela a une incidence?

Mme Fraser : Je ne crois pas. Dans le cadre de vérifications antérieures, nous avons observé que le commissaire de la Garde côtière avait de la difficulté, si vous voulez, à contrôler les navires et le personnel, car celle-ci fonctionnait à la manière de directions régionales au sein du ministère des Pêches.

Cela est problématique. Ce nouvel organisme de service spécial a été en partie créé, à ma connaissance, pour remédier à la situation.

Le sénateur Robichaud : Mon temps est-il écoulé ou avez-vous décidé de prendre la relève?

Le président : Toutes mes excuses. Je croyais que vous aviez terminé. Continuez.

Le sénateur Robichaud : Est-ce que le fait que le commissaire jouit maintenant d'une certaine autorité signifie que la Garde côtière est dirigée à Ottawa, ou y a-t-il d'autres bureaux régionaux qui refléteraient la structure de Pêches et Océans Canada?

M. Potter : Il y a des bureaux régionaux qui relèvent directement du commissaire à Ottawa. On a apporté ce changement avant de mettre en place l'organisme de service spécial, puis on y a donné suite par l'intermédiaire de cet organisme.

Le sénateur Robichaud : Êtes-vous d'avis qu'il s'agit d'un changement favorable?

M. Potter : Chose certaine, la création de cet organisme a permis au commissaire d'exercer des pouvoirs accrus dans le cadre de la structure de Pêches et Océans Canada. Si je ne m'abuse, des pouvoirs additionnels lui ont été conférés à titre d'essai en ce qui a trait au report ou aux dépenses en capital et aux budgets d'immobilisations. L'organisme de service spécial a continué d'évoluer depuis notre vérification.

Le sénateur Comeau : Pour revenir à votre exposé, M. Vaughan, en ce qui concerne la Loi sur les océans, vous avez indiqué dans votre rapport de septembre 2005 qu'il était important de mettre en œuvre un nouveau plan d'action pour les océans. Avez-vous fait un suivi depuis ce temps?

M. Vaughan : Je vais m'en remettre à M. Potter, mais pour autant que je sache, notre bureau n'a pas exercé de suivi depuis le rapport de 2005.

M. Potter : Le commissaire a raison. Cela n'a pas fait partie de notre travail jusqu'à présent.

Le sénateur Comeau : Êtes-vous en train de dire que nous ne saurons pas si on a donné suite à vos recommandations à moins d'inviter Pêches et Océans Canada à venir nous en parler?

M. Potter : C'est exact. Les seules informations que vous pouvez probablement trouver sur le site de Pêches et Océans Canada, c'est le nombre d'aires marines protégées qui ont été établies et le nombre de plans de gestion des océans qui sont en place à l'heure actuelle.

Le sénateur Comeau : Lorsque vous avez formulé vos recommandations, Pêches et Océans Canada s'est-il montré intéressé à les mettre en œuvre?

M. Potter : Le ministère a répondu qu'il acceptait nos recommandations. Une grande partie de sa réponse portait sur la phase I du Plan d'action pour les océans. Le ministère devait mettre sur pied un programme étalé sur deux ans. Il devrait donc être en mesure de comparaître devant votre comité et vous faire rapport des résultats obtenus.

Il devait également y avoir une phase II, alors le ministère pourrait venir vous renseigner là-dessus. Nous ne nous sommes pas penchés sur la phase I ni sur la phase II du Plan d'action pour les océans.

Le sénateur Comeau : Je dois avouer que je n'ai pas lu votre rapport de septembre 2005; c'est pourquoi j'aimerais en savoir davantage sur les éléments qui méritent d'être examinés. Avez-vous constaté que des ressources n'étaient pas exploitées au maximum? Par exemple, je sais qu'il y a quelques années, lorsque nous sommes allés dans le Nord, nous avons identifié des espèces qui auraient pu être pêchées, possiblement, si on avait effectué l'analyse des quantités. Le sénateur Watt s'en souvient sûrement.

Par ailleurs, je sais aussi que certaines espèces sur la côte Est ne sont pas exploitées commercialement comme elles pourraient l'être. Êtes-vous d'avis que nous passons à côté de certaines choses sur le plan des ressources?

M. Vaughan : On procède à la cartographie des espèces en général et des espèces sous-utilisées. Je sais que la moyenne mondiale est en baisse, mais pour ce qui est des côtes canadiennes précisément, je l'ignore; cependant, M. Potter pourrait le savoir.

M. Potter : La Loi sur les océans est structurée de façon à traiter exactement ce dont vous venez de parler, notamment l'idée d'examiner toutes les ressources et de les définir, de même que leur exploitation et les processus de partage qui, comme nous le savons tous, suscitent beaucoup de conflits.

La gestion intégrée est au cœur de la Loi sur les océans. C'est un concept difficile à comprendre et, au moment où nous avons effectué notre vérification, les ministères avaient du mal à établir et à adopter une approche de gestion intégrée. Ils ont ensuite entrepris le processus d'élaboration, et je sais qu'au moins un plan est très avancé, voire terminé au moment où on se parle.

Quant à l'approche actuelle, vous devriez convoquer des représentants du ministère afin qu'ils vous expliquent comment on détermine les ressources précises qui ne sont pas utilisées. Cela dépasse notre capacité.

Le sénateur Comeau : Je soulève cette question, car je crois que nous pouvons tous nous entendre sur la nécessité d'avoir une approche intégrée de gestion des océans. Évidemment, si on pêche trop de capelan, cela aura une incidence sur les autres espèces. Toutefois, nous ne voudrions pas que Pêches et Océans Canada nous dise que dans l'ignorance, il préfère opter pour la prudence et qu'il utilise ce prétexte pour ne pas examiner certaines espèces qui ne sont pas pêchées actuellement. C'est une bonne excuse, mais nous voudrions que le ministère nous indique s'il a pris des mesures à l'égard de certaines espèces sous-utilisées.

Dans le climat économique actuel, bien entendu, s'il y a des espèces qui peuvent être exploitées commercialement, cela permettrait d'alléger la pression sur les espèces qui sont possiblement surpêchées et ainsi d'attirer l'attention sur d'autres espèces. Cependant, comme nous ignorons quelles seront les répercussions dans l'ensemble, nous craignons que les scientifiques ne veulent pas y toucher sous prétexte qu'ils ne savent pas de quoi il s'agit.

Je crois savoir que c'est pour cette raison que vous avez indiqué dans votre rapport qu'une stratégie ou un plan devait rapidement être mis en œuvre, n'est-ce pas?

M. Potter : Tout à fait. C'est certainement l'objectif de la Loi sur les océans, et cela ne s'applique pas à une seule industrie, car plusieurs différentes industries peuvent bénéficier des ressources de nos océans. Le but est de maximiser les avantages tout en veillant à préserver les ressources à long terme.

La gestion intégrée vise à rassembler toute l'information au sujet des ressources, tous les usagers et les divers intérêts afin de s'assurer que la perspective à long terme est prise en compte dans les décisions et d'établir des liens entre les ministères qui travaillent dans leurs domaines respectifs. L'idée est de les amener à prendre des décisions appropriées pour le bien à long terme.

Neil Maxwell, vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada : J'ai deux choses à dire. Tout d'abord, j'estime qu'il serait opportun de faire comparaître des représentants du ministère. Celui-ci a pris un certain nombre d'engagements concrets. Il était censé procéder à une évaluation en 2006, par exemple, alors vous pourriez les interroger sur plusieurs points.

Ensuite, l'un des éléments essentiels de notre vérification était la raison à l'origine de tout cela. Avec l'adoption de la Loi sur les océans de 1996, le Canada devenait le premier pays à se doter d'une loi exhaustive en matière de gestion intégrée des océans. Toutefois, lorsque nous avons examiné la situation en 2005, nous avons constaté qu'il ne s'acquittait pas de ses responsabilités aux termes de la loi. Nous craignions alors qu'il perde sa position de chef de file mondial. C'est une question très pertinente.

Le sénateur MacDonald : Toujours sur le thème de la reddition de comptes, dans le rapport d'avancement de 2007, vous vous êtes dits préoccupés par la tendance de la Garde côtière à ne pas achever la mise en œuvre des mesures requises pour régler les problèmes signalés dans vos rapports. Avez-vous relevé des problèmes particuliers en 2007, de sorte que notre comité exhorte le gouvernement à intervenir?

Mme Fraser : Dans le cadre de notre vérification, nous avons essayé de définir ce que nous considérions comme des problèmes majeurs. Cela s'est produit plusieurs fois, et de nombreuses recommandations sont demeurées en suspens pendant une longue période. Comme je l'ai dit, nous avons conclu qu'il y avait trois raisons fondamentales. Pour la Garde côtière, rien n'était impossible, une attitude qui l'a amenée à donner suite à toutes les recommandations à la fois. Toutefois, elle n'avait pas établi d'ordre de priorité et ne disposait pas des ressources suffisantes pour y arriver. Par conséquent, les mesures prises n'ont pas abouti. En fait, il est préférable de se fixer des objectifs réalistes, d'y allouer les ressources nécessaires et de mener à terme les mesures requises.

Nous sommes heureux de voir que le commissaire a élaboré le plan d'activités triennal et, selon moi, pris nos recommandations au sérieux. Lorsque nous nous sommes entretenus avec lui, il semblait déterminé à régler ces problèmes, à s'y prendre de façon stratégique et à établir des priorités pour s'assurer que les choses se font correctement. D'après les rapports, nous savons que le ministère suit les progrès de près.

À une prochaine séance, le comité pourrait vouloir discuter avec le commissaire des mesures correctives auxquelles il accorde la priorité, des ressources qui y sont affectées, des progrès réalisés et des objectifs fixés. Nous étions très satisfaits du plan d'action. Même si nous n'avons pas vérifié, nous croyons qu'il fait des efforts pour donner suite aux recommandations.

Le sénateur MacDonald : En fonction de quels critères choisissez-vous les sujets de votre vérification?

Mme Fraser : Nous procédons à un exercice de planification. Pour tous les principaux ministères ou secteurs particuliers — par exemple, la gestion des ressources humaines, la gestion de la TI ou diverses questions de portée générale —, nous élaborons un plan des vérifications que nous prévoyons faire au cours des trois à cinq prochaines années, puis nous évaluons les risques. D'après ce que nous savons à propos des ministères, à la suite de nos discussions avec des hauts fonctionnaires et des intervenants de l'extérieur, nous déterminons les secteurs les plus à risque. Ensuite, nous vérifions si ceux-ci peuvent faire l'objet d'une vérification. Il pourrait s'agir de questions de politique, auquel cas nous n'intervenons pas, ou de secteurs qui dépassent notre champ de compétence. À partir de là, nous élaborons un plan.

Nous partageons le plan avec les hauts fonctionnaires des ministères. Nous les faisons participer à la sélection, car selon nous, s'ils considèrent que ce sont des questions sérieuses, ils n'hésiteront pas à donner suite à nos recommandations.

Jusqu'à présent, le processus s'est révélé efficace. Nous continuons à le perfectionner avec le temps et à l'adapter aux changements.

Le sénateur Johnson : Je suis préoccupée par les écosystèmes. En 2002, vous avez examiné la gestion des espèces envahissantes par le gouvernement fédéral. Vous aviez alors recommandé que le ministère prenne des mesures à ce chapitre. En 2008, vous avez constaté que Pêches et Océans Canada n'avait pas réalisé de progrès satisfaisants à l'égard de la mise en œuvre de vos recommandations. De plus, le taux d'établissement des nouvelles espèces étrangères dépassait la cadence à laquelle le ministère effectuait ses évaluations.

Quelle a été la réponse initiale du ministère et qu'est-ce qui l'a empêché de s'attaquer à ce grave problème? Les espèces aquatiques envahissantes menacent même les écosystèmes d'eau douce, comme dans ma région. D'une année à l'autre, nous ne savons jamais exactement quelles espèces peuvent envahir le lac Winnipeg, autres que celles attribuables aux crues. Je sais qu'il s'agit d'un problème important dans les deux extrémités du pays, ainsi que dans nos océans et nos lacs d'eau douce. Je trouve troublant qu'on ait fait si peu de progrès en sept ans.

M. Vaughan : Comme nous l'avons indiqué dans notre rapport de mars 2008, les ministères avaient accepté les recommandations que nous avions formulées dans le cadre de notre vérification de 2002. À une exception près, nous avons estimé que les progrès réalisés étaient insatisfaisants pour remédier à, comme vous l'avez si bien dit, un problème de plus en plus grave. Ce problème ne porte pas uniquement atteinte à la viabilité des écosystèmes. En mars 2008, quelque 185 espèces étrangères avaient envahi les Grands Lacs. Le problème prend de l'ampleur, et ce, à un rythme plus rapide que la capacité du gouvernement fédéral à comprendre le niveau de risque, puisqu'il n'a pas mené d'évaluation exhaustive. De plus, nous avons constaté qu'il n'avait pas évalué les risques que présentent les diverses espèces aquatiques envahissantes. L'introduction de nouvelles espèces surpasse les systèmes en place.

Le sénateur Johnson : On n'a pas établi de plan national pour lutter contre les nouvelles espèces aquatiques envahissantes.

M. Vaughan : C'est exact. On a pris des engagements dans le but de d'abord s'attaquer au problème, puis de le comprendre, et enfin, de le gérer au moyen de systèmes de contrôle. Nous avons noté que Transports Canada avaient fait des progrès relativement à la gestion de l'eau de ballast, en appliquant certaines mesures réglementaires. Il n'en demeure pas moins que des faiblesses dans la surveillance de la conformité persistent.

Dans l'ensemble, nous estimons qu'il y a encore beaucoup de travail à faire.

Le sénateur Johnson : Selon vous, quand allez-vous réexaminer le dossier? Quel examen effectuerez-vous à un autre moment?

M. Vaughan : Comme la vérificatrice générale l'a dit, nous nous reportons constamment au plan global et à ce que nous allons faire. Pour ce qui est des espèces envahissantes étrangères, cet après-midi, je me suis penché sur l'ampleur du problème. Le gouvernement américain a publié un rapport sur les zones marines et terrestres qui indique que les espèces envahissantes occasionnent chaque année des dommages à l'économie américaine qui se chiffrent à près de 140 milliards de dollars. Nous évaluons le niveau de risque, puis nous intervenons en conséquence. Notre bureau prend ce dossier très au sérieux, et nous allons entreprendre un processus de planification pour les deux ou trois prochaines années.

Mme Fraser : Nous avons trouvé très utile que d'autres comités demandent à des ministères, au moment de réviser nos récents rapports, d'élaborer des plans d'action pour donner suite à nos recommandations. Il est souvent facile pour les ministères de dire qu'ils sont d'accord, mais quand vient le temps de rendre des compte, on réalise que très peu a été fait. S'ils ont élaboré des plans concrets, nous pourrons nous fonder là-dessus ainsi que sur leurs engagements pour exercer un suivi.

Un an après le rapport, nous ne serions probablement pas en mesure de signaler beaucoup de progrès. Cependant, les comités pourraient nous aider en demandant aux ministères d'indiquer précisément comment ils comptent donner suite aux recommandations formulées, après quoi nous pourrions revenir à la charge pour voir s'ils ont respecté leurs engagements.

Le sénateur Johnson : Nos eaux sont actuellement sous le contrôle des espèces aquatiques. Merci beaucoup. Notre comité va certes se pencher sur ces possibilités.

Le président : J'ai une question supplémentaire sur le même sujet. Je pense à deux situations différentes. Certains parmi nous avons entendu parler récemment des piscicultures de saumon de la Colombie-Britannique et des dommages qu'on y a observés. D'après ce que j'ai pu comprendre, il s'agit de problèmes importants qui sont très néfastes pour les communautés touchées ainsi que pour l'économie.

Ma question porte davantage sur les maladies invasives que sur les espèces envahissantes. En avez-vous traité dans votre rapport? Je pense notamment au secteur se situant entre le Nouveau-Brunswick et le Maine dans la baie Passamaquoddy. Du côté canadien, on est aux prises avec l'anémie infectieuse du saumon. Les Américains doivent composer avec des organismes connus sous le nom d'ascidies. Ne me demandez pas de vous expliquer ce que c'est; peut-être le savez-vous mieux que moi.

Il semblerait que le problème découle de la proximité des cages. Ne serait-il pas logique de fixer une zone tampon minimale dans cette baie quant à l'espace entre ces cages?

Mme Fraser : Je sais que nous avons déjà effectué une vérification qui portait sur le pou du poisson. Je sais aussi que nous avons fait certains travaux sur le saumon dans le contexte du groupe du commissaire. Nous pourrions retrouver ces travaux pour vous.

Le président : J'ai parlé de la Colombie-Britannique parce que nous planifions un voyage dans cette province à l'automne et qu'il serait sans doute bon que nous sachions un peu mieux sur quoi nous devrions nous concentrer.

Mme Fraser : Nous allons retracer cela pour vous. Je sais que nous avons fait une vérification qui portait expressément sur le saumon il y a quelques années. M. Potter est sans doute au courant. Nous pouvons examiner les travaux que nous avons menés et en ressortir ceux qui peuvent être pertinents pour vous et pour votre comité.

Le président : Je me demande si M. Potter a eu connaissance de cette situation.

M. Potter : La vérification à laquelle vous faites référence a été effectuée en 2005. Je n'y ai pas participé directement, mais je sais qu'elle portait sur la situation sur les deux côtes. Quant à savoir s'il y avait des éléments reliés directement aux deux problèmes que vous avez soulevés...

Je vous invite également à consulter le travail effectué par le vérificateur général provincial du Nouveau-Brunswick parallèlement à notre vérification de 2005. Cela pourrait également vous éclairer quant à vos préoccupations. Notre responsabilité provinciale est également liée à l'agriculture.

Le sénateur Raine : Monsieur Vaughan, j'ai entendu dire que la pêche à la drague était extrêmement dommageable pour le plancher océanique et pour la biodiversité. Elle cause de nombreux problèmes en raison des prises involontaires qui sont à l'origine de bien du gaspillage. De nombreux pays ont maintenant déclaré illégal le dragage du fond de l'océan. Je me demandais si nous avions des plans dans le même sens et, sinon, pour quelles raisons nous permettons à cette pratique de continuer.

M. Vaughan : Nous ne nous sommes pas intéressés aux différentes pratiques de pêche dans les rapports que nous avons déposés récemment. Je pense toutefois que vous avez tout à fait raison. On met désormais davantage l'accent, surtout par l'intermédiaire des Nations Unies, sur la détection des pratiques de pêche qui sont inacceptables pour différents motifs, et la pêche à la drague a effectivement des conséquences dévastatrices sur le plancher océanique. C'est une campagne qui prend maintenant beaucoup d'ampleur avec le concours de différentes instances internationales, car c'est une pratique qui saccage tout sur son passage. Les prises accessoires ont des conséquences et des coûts énormes, mais la perturbation de la biodiversité et des autres systèmes du plancher océanique est tout aussi dévastatrice. Nous ne nous sommes pas penchés sur ce phénomène, mais je me ferai un plaisir de vous signaler certains travaux récents qui ont été effectués sur le sujet. Les efforts en ce sens ne font que s'accélérer depuis deux ou trois ans.

Le sénateur Raine : Je fais mes premiers pas dans le secteur des pêches, alors j'essaie de recueillir de l'information. Je ne suis pas assez futée pour savoir si mes sources sont vraiment bonnes. Selon ces sources, les pêcheurs qui capturent des prises accessoires doivent normalement compenser les détenteurs de permis pour les espèces visées. On rejette ces prises à la mer parce qu'on ne peut pas les vendre, mais c'est autant de jeunes poissons qui ne pourront poursuivre leur croissance avant d'être capturés par les détenteurs de permis. Cela nous amène à d'autres problèmes liés à l'allocation des ressources et à l'accès aux territoires de pêche. Dans le contexte de la création des parcs marins, devrions-nous envisager la compensation de ces détenteurs de permis qui doivent renoncer à leurs territoires de pêche pour l'intérêt supérieur de la nation?

M. Vaughan : Je suis nouveau dans le secteur également, alors je vais peut-être laisser M. Maxwell ou M. Potter vous éclairer à ce sujet. Il s'agirait en partie d'une question de politiques. Pour vous répondre dans le même sens que la vérificatrice générale, c'est le ministère lui-même qui serait le mieux placé pour vous faire part de son point de vue sur ces questions.

Quant aux problèmes internationaux liés aux mesures à prendre pour s'assurer que les prises accessoires sont relâchées, il faut savoir qu'à l'extérieur d'une zone économique exclusive, au-delà de la limite des 200 milles, il y a des inspecteurs externes qui s'assurent que les pêcheurs font bel et bien ce qu'ils prétendent faire. Est-ce que les flottes de pêche de différents pays retournent à la mer les prises accessoires? Il y a de nombreux problèmes différents associés au contrôle et à l'application des règles, surtout en haute mer.

Le sénateur Raine : Je crois que les pratiques de la plupart des navires de pêche sont maintenant surveillées au moyen de caméras, sauf pour les dragueurs, ce que j'estime très préoccupant.

M. Potter : Nous n'avons pas mené récemment de vérifications sur ce sujet. Certains de nos travaux sur la gestion des pêches remontent à 1999 et au début 2000. Vous posez de bonnes questions qui concernent les orientations stratégiques au sujet desquelles, comme l'indiquait le commissaire, nous ne pourrons pas vous répondre. Ce sont pourtant les mêmes problèmes que l'on devait régler avec la mise en application de la Loi sur les océans. La planification de gestion intégrée devait permettre la protection à long terme des zones sensibles de l'océan. Quelles utilisations des ressources océaniques entrent en conflit? Comment prenons-nous les dispositions nécessaires pour permettre la réalisation de nos objectifs à long terme quant à l'optimisation de la ressource, tout en assurant sa protection? Comme la Loi sur les océans n'a pas eu droit à une attention prioritaire depuis sa promulgation, ce sont autant d'avantages possibles qui échappent aux Canadiens. Nous croyons que le comité devrait inviter les gens du ministère pour leur demander quels progrès ils ont réalisés relativement à ces parties importantes de la Loi sur les océans, et tout particulièrement aux phases I et II du Plan d'action pour les océans?

[Français]

Le sénateur Robichaud : Vous nous dites que les espèces envahissantes sont considérées comme un problème important, qu'elles coûtent cher à l'industrie et que Pêches et Océans Canada n'a pas pris de mesures satisfaisantes pour en déterminer leur nombre et leurs effets.

Nous pouvons constater ici qu'on retrouve 185 espèces étrangères dans les Grands Lacs. Est-ce qu'un inventaire a été fait?

Dans l'Atlantique, dans les Maritimes, le crabe vert fait son apparition. On l'a constaté dernièrement à Terre-Neuve et Labrador, je crois, et même chez nous. Les pêcheurs sont inquiets.

Je crois comprendre de vos commentaires que Pêches et Océans Canada ne fait pas assez de travail pour contrer cet envahissement.

M. Vaughan : C'est l'une des choses que nous avons notées dans le rapport. Il y a beaucoup de questions en suspens.

[Traduction]

Le nombre d'espèces qui pénètrent dans nos eaux est un renseignement de base qui devrait être fourni. Le chiffre de 185 indiqué pour les Grands Lacs est une estimation. Nous avons précisé dans le rapport que nous avions déjà recommandé dans le rapport précédent que le gouvernement procède à une évaluation détaillée. On estime que les résultats à ce chapitre sont insatisfaisants. Cette évaluation n'a toujours pas été faite. Il est impossible, pour nous comme pour le ministère, de répondre à votre question quant au nombre d'espèces qui existent aujourd'hui ou quant à savoir si la tendance est à la hausse. Je crois que toutes les études scientifiques menées indiquent assez clairement qu'il y a une tendance à l'augmentation, sans doute assez forte.

Le sénateur Robichaud : Cette question ne devrait-elle pas être considérée comme urgente?

M. Vaughan : Comme on le disait tout à l'heure, les impacts sont considérables. L'étude des écosystèmes est d'autant plus complexe que l'arrivée d'une nouvelle espèce a pour effet de déplacer les espèces indigènes, ou d'exercer des pressions sur celles-ci, ce qui fait que les espèces invasives contribuent de façon marquée ou mesurable à l'accroissement du nombre d'espèces menacées. C'est un problème en soi, mais d'autres difficultés en découlent en raison de son effet domino. Comme le disait M. Potter, tous ces systèmes sont intégrés. Ce qui se produit dans une des composantes d'un écosystème aura souvent des effets considérables et inconnus en aval.

Le sénateur Robichaud : Nous entendons parler de la moule zébrée et de la lamproie, mais il y en a bien d'autres, et nous ne connaissons pas leurs effets sur les espèces locales.

M. Vaughan : Une étude a évalué à 7 000 le nombre d'espèces différentes se retrouvant dans les eaux de ballast des navires sans cargaison. Il faut dire que toutes ces espèces ne sont pas relâchées lorsque les eaux de ballast sont évacuées.

Le président a posé une question tout à l'heure concernant les impacts possibles. Il s'agit dans bien des cas de micro- organismes et bon nombre de ceux qui sont ainsi relâchés peuvent avoir des répercussions directes sur la santé des espèces indigènes. Si après des millions d'années d'évolution, une espèce est exposée à un micro-organisme qu'elle n'a jamais côtoyé auparavant, les effets peuvent être dévastateurs.

Le sénateur Robichaud : Les eaux de ballast ne relèvent-elles pas de la responsabilité de Transports Canada?

M. Vaughan : Oui, c'est exact.

Le sénateur Robichaud : Ce ministère doit donc collaborer avec Pêches et Océans dans ce dossier?

M. Vaughan : Dans notre rapport, nous indiquons que Transports Canada a réalisé des progrès satisfaisants dans la mise en place de systèmes de contrôle. Il y a maintenant un système qui oblige les navires à signaler leur entrée dans les eaux canadiennes. Un système est censé être en fonction pour les inspections. Ce mécanisme est jugé insatisfaisant en raison de l'absence de mesures d'application. Il existe un système de réglementation ou de contrôle, mais il n'y a aucune façon de s'assurer qu'il fonctionne bel et bien. Relativement à ce deuxième aspect, nous avons jugé insuffisants les progrès accomplis par Transports Canada.

Le sénateur Robichaud : La Garde côtière canadienne dispose d'avions qui patrouillent le Saint-Laurent et le golfe à la recherche de navires évacuant leurs eaux là où ils ne devraient pas. Je ne sais pas s'il s'agit d'eaux de ballast, mais on localise habituellement ces navires en détectant les nappes d'hydrocarbures. J'ai eu l'occasion de participer à l'une de ces patrouilles aériennes et on m'a dit qu'on pouvait retracer un navire à partir de quelques litres d'huile qu'il aurait laissés échapper.

Est-ce qu'on s'intéresse seulement aux pertes d'hydrocarbures, ou est-ce qu'on cible aussi l'évacuation d'eaux de ballast?

M. Potter : Le ministère des Pêches et des Océans a conclu un marché avec une entreprise qui offre différents services. On peut ainsi s'intéresser aux considérations semblables. L'entreprise effectue également des inspections liées à la gestion des pêches afin de déterminer si les pêcheurs travaillent dans les zones visées par leurs permis.

Il y a sans doute également d'autres tâches connexes. Le ministère serait mieux à même de vous donner plus de détails sur les activités de ces avions, mais c'est bien la façon dont on fonctionne actuellement.

Le président : Dans notre province, il y a un contrat avec Provincial Aerospace qui offre ce service multitâche. L'aéronef est doté d'équipements spéciaux pour suivre les navires et les traces d'hydrocarbure et pour mener d'autres enquêtes également.

C'est ce qui se passe sur la côte Est. Je ne sais pas s'il y a un système semblable sur la côte Ouest. Je sais par contre qu'il n'y en a pas dans l'Arctique. C'est une préoccupation qui est ressortie de notre étude sur la Garde côtière. Il y a des mesures qui sont prises sur les côtes Est et Ouest, mais la situation est différente dans l'Arctique.

Par exemple, nous avons appris lors de notre voyage à Iqaluit que le personnel de la Garde côtière qui y travaille relève de l'administration centrale située à Sarnia, en Ontario. Nous avons jugé que cela n'était pas très logique, et nous sommes toujours de cet avis. C'est le genre d'enjeux que nous cherchons à mieux saisir.

C'est un peu la même chose ici. Il y a des systèmes sur la côte Est et des systèmes sur la côte Ouest, mais rien du tout dans l'Arctique, malgré l'émergence dans cette région de différents problèmes que notre pays doit régler.

Le sénateur Comeau : J'aimerais poursuivre dans le sens des questions du sénateur Raine concernant les engins de pêche. Il s'agit de mettre en parallèle des agrès dynamiques comme les filets de dragage et des équipements de pêche davantage passifs. Est-ce que j'ai bien compris que vous ne pouvez pas procéder à une telle analyse comparative, parce que ces questions relèvent d'une décision stratégique du ministère des Pêches et des Océans?

Mme Fraser : C'est exact. Nous ne faisons pas d'évaluation sur les politiques à proprement parler. Nous pouvons chercher à déterminer si le ministère a pris des mesures à l'égard de problèmes semblables et évaluer la façon dont les risques ont été gérés, par exemple. Je pense qu'il en serait tenu compte dans la Loi sur les océans. Cependant, nous ne procédons pas nous-mêmes à de telles évaluations pour recommander par la suite au ministère ce qu'il devrait faire au chapitre de la réglementation ou de la législation.

Le sénateur Comeau : Chercheriez-vous à savoir si le ministère s'intéresse à ces questions? Autrement dit, est-ce que le ministère des Pêches et des Océans examine les deux types d'engins de pêche et est-ce bien ce qu'il devrait faire? On contourne en quelque sorte la question des politiques.

M. Potter : Nous avons déjà effectué certains travaux concernant les pêches sur la côte Est. À la suite des réponses reçues par le ministère, les engins semblables ont été adaptés dans un souci de protection de l'environnement, par exemple en y adjoignant des grilles séparatrices pour éliminer les petits poissons et les espèces dont on ne veut pas dans les filets. On prend des mesures en ce sens depuis un bon moment déjà et le Canada est sans doute un chef de file mondial quant aux technologies visant à minimiser ces impacts.

Pour ce qui est de l'élimination totale du chalutage, il faut dire que certaines pêches, dont celles des pétoncles et des crevettes, ne peuvent pas se faire autrement. Il faut donc considérer les impacts économiques et les activités associées à ces pêches.

D'autres types de pêches utilisent des techniques mixtes, et les compromis auxquels vous faites référence sont alors plus faciles. Dans le cadre de notre travail, nous ne cherchons pas à établir si l'on devrait procéder d'une manière ou de l'autre.

Le sénateur Comeau : Vous voudriez déterminer si l'on effectue une évaluation, mais vous ne mèneriez pas cette évaluation vous-mêmes?

M. Potter : Nous voudrions aussi savoir si l'on évalue les impacts environnementaux de ces technologies.

Le sénateur Raine : Vous avez déjà répondu partiellement à ma question. Il existe une nouvelle technologie permettant de surveiller toutes ces activités. Avec Google Maps, vous pouvez voir une personne qui prend un bain de soleil dans sa cour arrière. Sommes-nous en mesure d'utiliser ces toutes nouvelles technologies pour la surveillance des activités de pêche et de l'évacuation des eaux de ballast?

Mme Fraser : Cela ne relève pas expressément de notre mandat. Comme l'indiquait le commissaire, nous avons souligné dans ce rapport de vérification que Transports Canada avait modifié le cadre de surveillance, mais ne faisait rien de concret. Notre rôle consiste seulement à savoir si l'on effectue de la surveillance. Dans l'affirmative, nous pourrions évaluer l'efficacité de la surveillance exercée. En l'espèce, comme il n'y en avait pas, nous n'avons pas cherché à déterminer comment on pourrait procéder de manière plus efficace ou plus efficiente.

Le sénateur Raine : C'est une question que nous devrions poser à Transports Canada?

Mme Fraser : Oui.

Le sénateur Watt : À qui appartient la Garde côtière? Elle ne semble avoir aucune base précise ni relever d'aucun ministère. Elle est en quelque sorte orpheline.

Avez-vous des suggestions quant aux recommandations que notre comité devrait formuler et quant aux instances auxquelles nous devrions adresser ces recommandations? Qu'est-ce que la Garde côtière est appelée éventuellement à devenir, compte tenu des énormes responsabilités qui lui incombent?

Nous essayons de nous adapter à un monde en pleine évolution. Nous semblons prendre du retard relativement aux bouleversements qui touchent notamment l'Arctique et nous n'avons pas l'infrastructure en place pour composer avec les transformations auxquelles nous sommes actuellement confrontés.

Mme Fraser : Dans l'état actuel des choses, la Garde côtière est un organisme de service spécial qui relève du ministre des Pêches et des Océans par l'intermédiaire du sous-ministre. C'est en quelque sorte une des composantes du ministère des Pêches et des Océans.

Nous ne formulons pas d'observations au sujet de ce que nous appelons l'appareil gouvernemental. Le gouvernement a la capacité, et devrait être en mesure, d'aménager lui-même ses structures comme bon lui semble. Nous pouvons de temps à autre soulever certains problèmes et recommander des solutions.

Comme je l'ai mentionné précédemment, certaines de nos vérifications antérieures ont fait ressortir les complications associées aux relations entre le commissaire et les bureaux régionaux de Pêches et Océans, en soulignant à quel point le rôle du commissaire à cet égard est difficile. La création de cet organisme de service spécial nous laisse croire que l'on a tout au moins examiné ces difficultés et cherché à les résoudre. Quoiqu'il en soit, c'est vraiment au gouvernement qu'il incombe de déterminer comment il souhaite structurer son fonctionnement et si cette agence doit relever de Pêches et Océans Canada ou d'un autre ministère.

Le sénateur Watt : Avez-vous l'impression que dans ce monde en mutation, notamment avec les changements climatiques dont nous subissons les effets aujourd'hui, il y a urgence de prendre cette décision, peu importe ce qu'elle sera?

Mme Fraser : Nous faisons également attention pour ne pas dire quelles devraient être, selon nous, les priorités du gouvernement.

Le sénateur Watt : Laissez cela de côté.

Mme Fraser : Nous effectuerons une vérification dans un domaine précis, et tâcherons de présenter des recommandations relativement à des questions que nous jugeons importantes et auxquelles il faut s'attaquer. Mais nous nous gardons de dire que le gouvernement doit traiter une certaine question de façon prioritaire, ou sur-le-champ, car nous ne sommes pas nécessairement au courant de toutes les autres difficultés auxquelles il peut être confronté.

C'est pourquoi, lorsque nous avons effectué notre vérification concernant la Garde côtière, nous avons déclaré que l'organisme devait établir ses priorités et mettre au point un échéancier en s'assurant de disposer des ressources voulues pour pouvoir prendre des mesures correctives relativement aux problèmes que nous avons relevés dans nos vérifications. Il en incombe réellement au gouvernement de décider des priorités. Nous voudrions, même si cela doit prendre un peu plus de temps que nous le souhaiterions, que cela finisse par se faire, et qu'on s'engage à assurer un suivi à cet égard.

Le sénateur Watt : La Garde côtière pourrait patrouiller dans l'Arctique bien plus qu'elle ne le fait actuellement. Autrement dit, au lieu d'avoir son siège social à Sarnia, si elle exerçait ses activités dans le Nord et y était basée, elle serait dans une bien meilleure position pour savoir ce qui se passe, étant donné qu'elle serait sur place.

Mme Fraser : Encore une fois, ce n'est pas un aspect que nous avons évalué. Nous n'avons pas examiné la structure de l'organisme, ni les difficultés qu'il pourrait éprouver. C'est le genre d'étude que le Garde côtière elle-même devrait effectuer. Nous devons être conscients que tous ces organismes gouvernementaux ont des contraintes budgétaires, et que la Garde côtière a certainement dû composer avec d'importantes contraintes budgétaires pendant bien des années.

Le sénateur Watt : En Alaska, on a une Garde côtière qui opère là-bas, et on semble très bien faire ce qu'on a à faire, et en recueillant comme il se doit l'information nécessaire. Avez-vous tâché de voir s'il y existait un précédent?

Mme Fraser : Nous n'avons pas examiné la question, non.

Le sénateur Watt : Croyez-vous qu'il vaudrait la peine d'y regarder de plus près pour voir s'il existe des équivalents?

Mme Fraser : Comme nous l'avons précisé plus tôt, le rôle et le mandat de la Garde côtière américaine diffèrent grandement de ceux de la Garde côtière canadienne. Notre travail de vérification est axé sur les activités opérationnelles de l'organisme et sur la mise en œuvre du mandat qu'on lui a confié. Nous pouvons établir, et avons établi, des comparaisons entre certains éléments particuliers tels que les aides à la navigation. Nous avons jeté un coup d'œil aux pratiques des autres pays. Quoi qu'il en soit, en ce qui a trait au mandat global de la Garde côtière ou aux lieux où elle est basée, ce ne sont pas des considérations dont nous nous occupons normalement.

Le sénateur Watt : En ce qui concerne le vieillissement de ces navires, je crois qu'on dit, quelque part ici, que les brise-glaces ont une durée de vie de 40 ans. Je ne pense pas que la construction ait déjà commencé. Les brise-glaces sont-ils toujours utilisables? Sont-ils encore suffisamment puissants pour affronter la glace, pour faire face aux impacts qu'ils subissent constamment?

M. Potter : La durée de vie utile des navires est de 30 ans. Au-delà de cette durée, on pourra prolonger leur vie en investissant davantage dans leur entretien.

Le sénateur Watt : Est-ce ce qu'on fait actuellement?

M. Potter : C'est ce qu'on fait à mesure que les navires prennent de l'âge. Je crois que le commissaire a comparu devant votre comité et indiqué que la flotte devenait plus coûteuse à entretenir et à exploiter en raison du vieillissement de l'équipement. C'est une simple réalité. Cependant, tant qu'un navire ne pose aucun problème d'ordre structurel, on peut prolonger sa vie; et même si un tel problème survenait, s'il n'y a aucune limite au montant qu'on peut dépenser, on pourra peut-être prolonger la vie utile d'un appareil.

Il s'agit de déterminer quelle est la meilleure décision relativement au coût total de la prestation de services. Puis, il y aura ultimement d'autres impacts, comme l'a dit la vérificatrice générale, au chapitre des relevés de stocks de poisson annulés et autres conséquences découlant de l'incapacité à disposer d'un navire lorsqu'on prévoit l'utiliser.

Le président : Vous avez dit tout à l'heure vous réjouir que la Garde côtière ait un plan opérationnel et souhaiter son application. Vous avez ajouté que, maintenant que le commissaire de la Garde côtière avait pris une partie de cette autorité des mains des bureaux régionaux de Pêches et Océans, c'était une bonne chose que ces changements aient été apportés.

Y a-t-il un énoncé de mission? Le ministère a-t-il un énoncé de mission et une vision à long terme, et faudrait-il que ce soit le cas? Ne serait-il pas possible, dans ce cas, d'évaluer les activités de l'organisme par rapport à un énoncé de mission?

Je ne veux pas répondre aux questions en même temps que je les pose, mais nous avons conclu que l'organisme ne s'est, en réalité, doté d'aucun énoncé de mission ou vision à partir duquel nous pourrions, ou vous pourriez, évaluer les choses.

M. Potter : Votre question comporte peut-être deux volets. À court terme, il y a le plan opérationnel de 2008 à 2011, qui expose les énoncés de mission et le mandat, et c'est précisément ce qui régit les opérations de l'organisme actuellement. Ai-je raison de croire que vous songez à un énoncé de mission à long terme?

Le président : Oui. Que fait la Garde côtière? À quoi sert-elle? Quelle est sa mission?

M. Potter : C'est une question qui concerne l'examen d'une politique à long terme et, à ce que je sache, on n'a pas effectué un tel examen.

Le président : Vous n'étudieriez pas cet aspect de la question?

Mme Fraser : Non. Nous avons souligné que, dans son plan d'opérations, l'organisme précisait un objectif et une mission. C'est en fait de là que vient tout ce langage, cette notion d'institution nationale. C'est ce document que nous utiliserions pour chercher à savoir comment on procède; et lorsque nous voyons la diversité des pratiques d'un bout à l'autre du pays, nous constatons qu'on a encore beaucoup de travail à faire sur ce plan.

M. Potter : Il s'agit d'une importante réalisation pour cet organisme, car ce plan énonce clairement ce qu'on tente d'accomplir. Cela fixe les objectifs quantitatifs dans bien des domaines. Ce plan décrit avec précision qui, au sein de l'organisme, doit être tenu responsable de l'exécution des initiatives particulières. Les comités comme le vôtre peuvent convoquer le commissaire ou ses collaborateurs pour leur demander comment se déroule la mise en œuvre de ce plan, et ce qu'on fait pour mener à bien le mandat de l'organisme. On vous l'explique très bien.

Le président : Merci.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Lorsque vous faites une vérification, vous regardez en fait les mandats, la mission, les opérations, les services que les ministères ou les agences ont une certaine responsabilité de livrer.

Rencontrez-vous les clients? Je parle des associations de pêcheurs, de la communauté scientifique, dans le cas de la Garde côtière, par exemple, qui donne des services l'été en mettant à leur disposition un brise-glace.

Allez-vous voir les clients afin de vérifier leur taux de satisfaction et récolter des suggestions, par exemple, comment on pourrait mieux livrer la marchandise?

Mme Fraser : De façon générale, on rencontre les personnes intéressées, mais on ne fait pas nécessairement une analyse de satisfaction des clients. C'est sûr qu'on rencontre différents groupes pour connaître leur avis sur la nature des services offerts, mais je ne pense pas qu'on pourrait qualifier ces démarches d'analyse de satisfaction. Mais on rencontre les différents groupes. M. Potter peut élaborer davantage.

Le sénateur Robichaud : Lorsque nous sommes allés dans le Grand Nord, nous avons rencontré des gens qui étaient tout à fait satisfaits, qui nous faisaient des propositions, bien sûr, mais qui appréciaient grandement les services de la Garde côtière dans leur région, les services qu'elle leur donnait avec l'état de l'équipement et les ressources qu'ils avaient.

[Traduction]

M. Potter : Au cours de nos vérifications, nous faisons notre possible pour rencontrer les gens. C'est un grand pays et, dans ce cas-ci, bien des personnes sont touchées par les services de la Garde côtière, mais nous essayons de rencontrer les représentants nationaux des organisations susceptibles d'être visées. Ainsi, nous avons une idée des questions qui pourraient préoccuper les différents intervenants. Cette information nous sert pour notre vérification, mais cela ne s'arrête pas nécessairement là. Nous allons au-delà pour nous assurer que toutes les zones couvertes soient suffisantes pour protéger les intérêts du Parlement.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je pose la question parce qu'il n'est pas souvent question de ces rencontres dans vos rapports, n'est-ce pas?

Mme Fraser : Oui, parce que nous évaluons ou vérifions les systèmes et pratiques du ministère, par exemple, la Garde côtière. Comme M. Potter l'a dit, ces rencontres nous informent, nous mettent sur certaines pistes, mais on doit aller voir comment la Garde côtière opère et obtenir des documents à l'appui. On se fit rarement sur de simples entrevues à l'externe. On doit avoir des preuves pour toutes les constatations que nous faisons suite à nos vérifications.

Le sénateur Robichaud : J'aimerais voir un peu plus de positif, de façon plus directe, mais je comprends que vous avez un rôle assez sévère à jouer et que vous devez avoir tous les documents à l'appui des déclarations ou des affirmations que vous faites dans vos rapports.

[Traduction]

Le sénateur Watt : Pour en revenir à l'absence de cet instrument qui nous est nécessaire dans le Nord, cela devient un enjeu critique. Il y a bien des parties intéressées au sein des communautés internationales. Que cela nous plaise ou non, je pense que nous serons confrontés à ces acteurs très bientôt en raison des changements climatiques, de la fonte des glaces et ainsi de suite.

Vous me direz sans doute que ce n'est vraiment pas notre responsabilité. Néanmoins, j'aimerais que vous me disiez si vous reconnaissez que nous devons agir. Au moins, nous savons que nous devons faire quelque chose dans l'Arctique. Nous accusons un retard. À nos yeux, cela ne fait aucun doute.

Si nous allons dans le sens de réunir un groupe de gens — et il pourrait s'agir de groupes scientifiques, de groupes d'ingénieurs ou autres — plus spécialisés dans l'Arctique que ne l'est notre gouvernement aujourd'hui — car peu importe l'allégeance de ce gouvernement, nous ne faisons pas ce que nous devrions faire, à mon avis — si nous mettons sur pied un organisme ou un groupe de réflexion qui serait accessible et pourrait à l'occasion faire des recommandations au gouvernement, croyez-vous que ce serait utile? Il faudra qu'on dispose d'un financement. En l'absence de fonds pour la recherche scientifique, on ne pourra pas faire grand-chose. Ce serait un pas dans la bonne direction pour ce qui est de s'occuper d'un dossier dont on ne s'occupe pas en ce moment, car nous prenons de plus en plus de retard. J'aimerais entendre vos réactions là-dessus.

Mme Fraser : L'un des problèmes qui reviennent constamment dans la plupart de nos vérifications, c'est le manque de renseignements fiables pour appuyer la prise de décisions. Nous parlons ici du contrôle des espèces aquatiques envahissantes et du fait que le gouvernement ne dispose pas toujours du type de renseignements qu'il devrait avoir. Selon moi, il est crucial qu'on ait différents modèles ou différents moyens d'obtenir des renseignements, afin de faire face aux circonstances changeantes. Comment le gouvernement décide-t-il d'aller chercher cette information? Il existe divers moyens; cependant, il y a un réel besoin de disposer de données fiables et valables pour pouvoir prendre les décisions appropriées.

Le sénateur Watt : Merci.

Le président : Je pense que le sénateur Cook avait également une courte question à poser.

Le sénateur Cook : On a dit beaucoup de choses, et on en a écrit encore bien davantage. Vous faites un travail de vérification; vous le faites bien, au meilleur de vos connaissances et de manière approfondie. Mais quelque part dans le processus, il faut qu'un mécanisme permette à ceux que vous servez, la population du Canada, d'être bien servis par ces organismes que vous évaluez. Je ne pense pas qu'il soit suffisant de dire voici ce que nous avons trouvé, et voici quels sont les besoins. Il doit y avoir un certain mécanisme pour pousser plus avant le continuum, car il s'agit de notre population, des Canadiens. La pêche à la morue s'est effondrée dans les années 1990. Les scientifiques ont fait de leur mieux pour gérer la pêche à la morue d'une manière durable mais, au final — et je me risque à le dire — l'appât du gain capitaliste a eu raison de cette ressource.

Pourriez-vous m'aider à y voir clair? Je comprends vos vérifications et vos objectifs, mais n'y aurait-il pas un autre élément qu'on pourrait intégrer au processus afin d'aider notre population?

Mme Fraser : Je ne suis pas certaine de comprendre tout à fait. J'ai deux éléments de réponse. Lorsque nous effectuons une vérification, il est très important pour nous que les parlementaires veillent à ce que le gouvernement rende des comptes, prenne les mesures correctives qui s'imposent ainsi que des engagements en ce sens pour que nous voyions des changements et des effets positifs à la suite de nos travaux de vérification. Nous constatons que les ministères changent et que la gestion s'améliore grâce à nos vérifications.

Si vous voulez dire que nous devrions défendre des politiques, ce qui est une question très fréquemment soulevée, il serait inapproprié, pour un bureau de vérification, de préconiser des politiques ou de les commenter. La politique est le rôle du gouvernement et des parlementaires. Si nous devions défendre un choix politique particulier, nous perdrions notre objectivité au moment de faire des vérifications, car nous aurions pris position relativement à une question donnée. Si le gouvernement choisit d'agir autrement, nous ne serions pas considérés comme crédibles. Je le crois sincèrement.

Il y a, dans la société civile, bien des groupes qui font du lobbying et prônent certaines décisions politiques. Nous pouvons nous prononcer en faveur d'une saine gestion. Nous pouvons recommander une bonne gestion du développement durable, une bonne gestion de l'environnement, un investissement judicieux des fonds publics, une reddition de comptes et une gouvernance adéquates, et ce genre de choses, mais il serait inapproprié de notre part de commencer à faire des choix politiques quant à savoir si, par exemple, la Garde côtière devrait avoir les mêmes types de fonctions que la Garde côtière américaine. À bien des égards, cela reviendrait à usurper le rôle des parlementaires. Ce sont eux qui devraient tenir ces débats et faire ces choix politiques généraux, et non pas des fonctionnaires non élus.

Le sénateur Cook : Je ne propose pas que votre bureau exerce une fonction politique. Néanmoins, ce que vous dites me rassure, à savoir que votre approche est claire et que vous la maintenez. Si vous faites cela, et le répétez assez souvent, les gens qui devraient écouter le feront.

Mme Fraser : Comme nous le disons, nous n'avons en fait qu'un pouvoir de recommandation, mais nous pouvons talonner pas mal également. Nous pouvons revenir de façon persistante sur certaines questions, comme nous le faisons dans nos rapports de suivi; lorsque nous constatons des problèmes qui reviennent au fil des ans, nous continuons de les ramener sur le tapis.

Les ministères n'aiment pas se présenter devant les comités parlementaires pour expliquer pourquoi des recommandations formulées il y a 10 ans, qu'ils ont par ailleurs acceptées, n'ont pas été appliquées.

Il est certain que jusqu'ici, au cours de mon mandat, j'ai constaté que les ministères prennent les recommandations bien plus au sérieux parce que nous faisons des rapports de suivi en déclarant si les progrès sont satisfaisants ou non. Pour la majorité de ces vérifications de suivi que nous effectuons, les progrès sont satisfaisants. En fait, dans notre dernier rapport déposé à la fin mars, nous avons dit que cinq vérifications sur sept avaient donné lieu à des conclusions satisfaisantes. Plus de 80 p. 100 des recommandations que nous avons présentées il y a quatre ans ont été mises en œuvre en totalité ou en bonne partie.

Les choses changent, mais il s'agit réellement de gestion, et non pas de questions politiques plus vastes.

Le président : Je vois qu'on n'a pas d'autres questions, alors je tiens à vous remercier de votre venue. Vous avez dit avoir la tâche de faire des recommandations. Nous comprenons, car c'est notre rôle également. Nous ne sommes pas des décideurs; nous faisons des recommandations, et nous pouvons revenir à la charge tout comme vous. Ce soir, vous avez répondu à des questions, mais vous avez aussi indiqué certains points sur lesquels nous devrons encore insister. Donc, ce soir, vous avez cité certaines difficultés que nous examinerons.

Mme Fraser : Merci à vous, monsieur le président, de même qu'aux membres du comité. C'est toujours un plaisir de comparaître devant vous.

Le président : Sénateurs, avant de lever la séance, je vous informe que nous nous réunirons jeudi matin. Il y a deux choses que j'aimerais que nous fassions à ce moment-là. Nous devons finaliser notre rapport et examiner un budget. Par conséquent, nous vous distribuerons des documents en prévision de la réunion de jeudi matin.

(La séance est levée.)


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