Rapport du comité
Le mardi 25 novembre 2025
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a l’honneur de présenter son
PREMIER RAPPORT
Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (nouveaux droits à l’inscription), a, conformément à l’ordre de renvoi du 25 juin 2025, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec les modifications suivantes :
1.Article 4, page 2 :
a) Ajouter, après la ligne 29, ce qui suit :
« (1.1) L’alinéa 6(1)a.3) de la même loi est remplacé par ce qui suit :
a.3) elle est un descendant en ligne directe d’une personne qui a droit à l’inscription, ou qui avait ou aurait eu ce droit, en vertu de l’un des alinéas a), a.1) ou a.2); »;
b) ajouter, après la ligne 31, ce qui suit :
« (2.1) L’alinéa 6(1)f) de la même loi est remplacé par ce qui suit :
f) au moins un de ses parents a le droit d’être inscrit en vertu du présent article ou, s’il est décédé, avait ou aurait eu ce droit à la date de son décès.
(2.2) Les paragraphes 6(2) et (2.1) de la même loi sont abrogés.
(2.3) Le passage du paragraphe 6(3) de la même loi précédant l’alinéa a) est remplacé par ce qui suit :
(3) Pour l’application des alinéas (1)a.3) et f) : »;
c) ajouter, après la ligne 37, ce qui suit :
« (4) L’alinéa 6(3)b) de la même loi est remplacé par ce qui suit :
b) la personne qui est visée à l’un des alinéas (1)a.1) ou f) et qui est décédée avant le 17 avril 1985 est réputée avoir le droit d’être inscrite en vertu de l’alinéa en cause; ».
2.Article 5, page 2 : Remplacer la ligne 38 par ce qui suit :
« 5 (1) L’alinéa 11(1)d) de la même loi est remplacé par ce qui suit :
d) elle a le droit d’être inscrite en vertu de l’alinéa 6(1)f) et au moins un de ses parents a droit à ce que son nom soit consigné dans la liste de bande ou, s’il est décédé, avait ou aurait eu ce droit à la date de son décès.
(1.1) L’alinéa 11(2)a) de la même loi est abrogé.
(1.2) L’alinéa 11(2)b) de la même loi est remplacé par ce qui suit :
b) elle a le droit d’être inscrite en vertu de l’alinéa 6(1)f) et un de ses parents visés à cette disposition a droit à ce que son nom soit consigné dans la liste de bande ou, s’il est décédé, avait ou aurait eu ce droit à la date de son décès. ».
3.Nouveaux articles 9.1 et 9.2, page 4 : Ajouter, après la ligne 23, ce qui suit :
« 9.1 Il est entendu que, sous réserve de tout retranchement effectué par le registraire en vertu du paragraphe 5(3) de la Loi sur les Indiens, toute personne qui, à l’entrée en vigueur du paragraphe 4(2.2) de la présente loi, était inscrite et avait le droit de l’être en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi sur les Indiens est réputée inscrite en vertu de l’alinéa 6(1)f) de cette loi.
9.2 Il est entendu que, pour l’application de l’alinéa 6(1)f) de la Loi sur les Indiens, le registraire est tenu de reconnaître tout droit d’être inscrit qui existait en vertu du paragraphe 6(2) de cette loi à l’entrée en vigueur du paragraphe 4(2.2) de la présente loi. ».
4.Supprimer l’article 10, page 4.
5.Supprimer l’article 11, pages 4 et 5.
6.Nouvel article 12, page 5 : Ajouter, après la ligne 19, ce qui suit :
« Entrée en vigueur
12 Les paragraphes 4(1.1), (2.1), (2.2), (2.3) et (4) et 5(1) et (1.2) entrent en vigueur douze mois après la date de sanction de la présente loi. ».
7.Faire tous les changements nécessaires à la désignation numérique des dispositions et aux renvois qui découlent des amendements au projet de loi.
Votre comité a aussi fait certaines observations qui sont annexées au présent rapport.
Respectueusement soumis,
La vice-présidente,
MARGO GREENWOOD
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Observations au premier rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones (projet de loi S-2)
Le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (nouveaux droits à l’inscription), a été présenté au Sénat du Canada par le représentant du gouvernement le 26 mai 2025. Une partie du projet de loi S-2 répond à une contestation constitutionnelle issue de l’affaire Nicholas c. Canada (Procureur général) (l’affaire Nicholas). Les modifications proposées dans le projet de loi S-2 concernent l’émancipation, c’est-à-dire la perte ou la révocation du statut en vertu de la Loi sur les Indiens. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a jugé que les alinéas 6(1)a.1) et 6(1)d) de la Loi sur les Indiens enfreignaient les dispositions relatives à l’égalité de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982 (la Charte). Le gouvernement du Canada, dans ses observations liées à l’affaire Nicholas, a reconnu qu’une partie des dispositions de la Loi sur les Indiens relatives à l’inscription en vertu de l’article 6 crée une distinction fondée sur la race ou l’origine ethnique et refuse les avantages liés à l’inscription d’une manière qui renforce le désavantage; ces dispositions sont donc discriminatoires. En outre, le gouvernement du Canada a reconnu que l’article 6 de la Loi sur les Indiens porte atteinte aux droits à l’égalité garantis par l’article 15 de la Charte et à la capacité des descendants des personnes émancipées de transmettre à leurs enfants le droit à l’inscription.
Au cours de son étude sur le projet de loi S-2, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones (le comité) a pris connaissance de nombreux cas d’expérience vécue de discrimination, encore aujourd’hui causée par la Loi sur les Indiens et fondée sur la race, le sexe et l’état civil. Le comité reconnaît l’obligation du gouvernement du Canada de consulter les Premières Nations sur la façon de remédier à la discrimination systémique découlant de la Loi sur les Indiens, et non sur la seule nécessité d’y remédier. Votre comité estime que le gouvernement du Canada doit aller plus loin et mettre fin à toute discrimination découlant des dispositions de la Loi sur les Indiens relatives à l’inscription.
De nombreux intervenants ont soulevé, dans leur témoignage ou leur mémoire, l’importance d’appliquer intégralement les recommandations contenues dans le rapport de 2022 du comité sur la mise en œuvre du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur les Indiens pour donner suite à la décision de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Descheneaux c. Canada (Procureur général), intituléC’est assez! Finissons-en avec la discrimination quant à l’inscription au registre des Indiens.
En juin 2025, le projet de loi S-2 a été renvoyé au comité. Votre comité voit favorablement les dispositions du projet de loi qui corrigent l’injustice historique de l’émancipation, et qui rétablissent le droit à l’inscription des personnes et de leurs descendants qui l’avaient perdu — souvent involontairement —, ce qui a été la cause de souffrances et d’épreuves. Soulignons à cet égard que, grâce au projet de loi S-2, les descendants de l’ancienne bande Michel no 472 pourront enfin, après avoir lutté et persévéré pendant 40 ans, faire rétablir leur droit à l’inscription.
Votre comité reconnaît que l’objectif final, comme l’ont fait valoir les intervenants dans leur témoignage et leur mémoire, est l’autodétermination. L’abandon des concepts de statut et d’appartenance en faveur de celui de citoyenneté serait conforme aux articles 6 et 9 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA). D’ici à ce que la Loi sur les Indiens puisse être abrogée dans son intégralité, le gouvernement du Canada doit absolument respecter l’engagement qu’il a pris en 2021 lors de l’adoption de la Loi sur la DNUDPA et prendre toutes les mesures nécessaires pour que la Loi sur les Indiens soit conforme à la DNUDPA. Le comité reconnaît et affirme que les Premières Nations sont les mieux placées pour savoir qui peut faire partie de leurs rangs, et que le pouvoir final de décider qui est citoyen de la nation réside dans la nation elle-même.
Aucune loi canadienne ne devrait prévoir d’obstacle à l’indemnisation en cas de discrimination. Des témoins ont dit au comité que les obstacles à l’indemnisation qu’on trouve dans la Loi sur les Indiens sont contraires à la Charte et aux traités internationaux ratifiés par le Canada. Le comité est d’accord avec les témoins pour dire que les femmes des Premières Nations ne devraient pas avoir à se tourner vers les tribunaux pour éliminer cet obstacle. Il estime qu’un engagement clair et prévu par la loi est nécessaire afin de fournir un financement suffisant, durable et prévisible aux Premières Nations pour qu’elles puissent administrer les nouvelles règles sur le statut et l’appartenance. Or, les Premières Nations sont chroniquement sous-financées, et beaucoup parmi elles ne disposent pas des moyens qu’exige le nombre de leurs membres. Sans investissements, les Premières Nations continueront de supporter le fardeau administratif et financier imposé par les nombres actuels de membres, qui est appelé à augmenter.
Terminologie
Votre comité observe une certaine confusion dans la signification des termes « statut d’Indien », « appartenance à une bande » et « citoyenneté ». En effet, ces termes ont parfois été utilisés de manière interchangeable au cours de l’étude sur le projet de loi S-2. Le comité souhaite préciser que ces trois termes ne sont pas synonymes. Le statut est accordé à une personne inscrite en vertu de la Loi sur les Indiens par le Bureau du registraire des Indiens, au nom du gouvernement du Canada. Le statut confère certains droits et avantages.
En revanche, l’appartenance à la bande est déterminée par la Première Nation concernée. Le gouvernement du Canada est responsable de l’ajout et du retrait de personnes des listes des membres des Premières Nations dont la liste est maintenue par le Bureau du registraire des Indiens conformément à l’article 11 de la Loi sur les Indiens. En vertu de cette disposition, si une personne a le statut d’Indien, elle devient automatiquement membre de sa Première Nation. En revanche d’autres Premières Nations déterminent elles-mêmes leur code d’appartenance en vertu de l’article 10 de la Loi sur les Indiens. Ces Premières Nations peuvent définir et maintenir leurs listes de membres en fonction de leurs propres critères et valeurs, qui peuvent différer du statut. Pour cette raison, certaines personnes, qui sont membres de leur Première Nation, peuvent avoir le statut mais n’appartiennent pas à leur bande, et vice-versa. Enfin, les Premières Nations signataires d’un traité moderne ou d’une entente d’autonomie gouvernementale établissent leurs propres critères de citoyenneté.
Détenteurs de droits
Votre comité est d’avis que la question de savoir qui sont les « détenteurs de droits » manque de clarté, ce qui revêt une importance particulière pour les besoins de la consultation fédérale concernant la discrimination fondée sur le sexe et la race dans la Loi sur les Indiens. Ce terme désigne globalement les Premières Nations dont les droits collectifs inhérents sont reconnus et affirmés en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 — par exemple, la Nation anishinabek, la Nation dénée et la Nation mi’kmaq. Votre comité observe que les détenteurs de droits ne se limitent pas aux gouvernements de Premières Nations créés dans le cadre de la Loi sur les Indiens, comme les bandes gouvernées par un chef et par un conseil et ses membres.
En raison d’une discrimination systématique qui dure depuis plus de 150 ans, de nombreuses personnes et familles n’ont plus de liens avec leur bande natale. Selon ce que le comité a entendu, les consultations fédérales qui ont commencé il y a plus de 40 ans pourraient avoir exclu un grand nombre de détenteurs de droits — y compris ceux qui sont touchés par l’inadmissibilité de la deuxième génération et d’autres iniquités de longue date. Le projet de loi S-2 permet aux personnes qui récupèrent leur statut, ou à celles qui avaient été automatiquement transférées à la bande de leur mari, de retourner à leur bande natale; or, cette possibilité est seulement offerte aux Premières Nations dont la liste des membres de la bande est gérée par le gouvernement du Canada en vertu de l’article 11 de la Loi sur les Indiens. Les Premières Nations qui gèrent leur liste de membres conformément à l’article 10 ne devraient pas avoir la possibilité de refuser l’appartenance à la bande aux personnes nouvellement rendues admissibles aux termes du projet de loi S-2. Le comité croit que le fait de refuser à des femmes des Premières Nations et à leurs descendants le droit de s’inscrire à une liste de membres en vertu de la Loi sur les Indiens est contraire à la Charte.
La perte du statut et du lien communautaire prive aussi les personnes concernées de leurs droits inhérents issus des traités signés avec le Canada. Comme les chefs Bear, Littlechild et Whitford nous l’ont indiqué, il est impératif que toute restauration du statut soit accompagnée de la reconnaissance des droits issus des traités. Le comité demande donc au gouvernement du Canada de restaurer entièrement les droits et les avantages découlant des traités pour les personnes qui récupèrent leur statut.
Les personnes les plus durement touchées par la discrimination historique, qui continue à ce jour — c’est-à-dire les femmes, leurs enfants et leurs petits-enfants — doivent pouvoir jouir de tous leurs droits garantis par la Constitution et faire partie de tout processus fédéral de consultation, d’engagement ou de collaboration susceptible d’avoir un impact sur leurs droits. Ces personnes ne peuvent pas être marginalisées en raison des règles coloniales imposées par le Canada.