Rapport du comité
Le mardi 1 mai 2018
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a l’honneur de déposer son
SEIZIÈME RAPPORT
Votre comité, qui a été autorisé à examiner la teneur du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, dans la mesure où il concerne les frontières du Canada, a, conformément à l’ordre de renvoi du jeudi 15 février 2018, examiné ladite teneur du projet de loi et en fait maintenant rapport comme il suit :
Lors des réunions du 19 mars, 26 mars et 16 avril 2018, treize témoins ont comparu devant votre comité pour s’exprimer au sujet du projet de loi C-45. Votre comité soumet les commentaires suivants quant aux aspects du projet de loi qui concernent les frontières du Canada :
1)Votre comité souhaite minimiser tout effet négatif du projet de loi C-45 sur le passage des voyageurs et des biens à la frontière canado-américaine. Premièrement, votre comité souhaite éviter autant que possible que les voyageurs canadiens soient interrogés ou fouillés davantage par les douaniers américains à la suite de la légalisation du cannabis au Canada. Votre comité veut aussi éviter, dans la mesure du possible, qu’il y ait une augmentation du nombre de voyageurs canadiens et américains arrêtés à la frontière pour possession de cannabis. Votre comité a entendu l’avis de témoins qui estiment qu’à la suite de l’entrée en vigueur du projet de loi C-45, les Canadiens pourraient faire face à des délais et un plus grand nombre de voyageurs canadiens pourraient faire face à des procédures judiciaires et/ou à une interdiction de territoire à vie en lien avec des infractions liées au cannabis, ou simplement pour avoir admis à un agent des douanes américain avoir déjà consommé du cannabis.
2)Afin de prévenir les problèmes mentionnés ci-dessus, votre comité encourage le gouvernement canadien à avoir des discussions formelles avec le gouvernement américain afin de clarifier la position de ce dernier en ce qui concerne les voyageurs canadiens qui admettent avoir déjà consommé du cannabis. Plus précisément, votre comité encourage le gouvernement canadien à avoir des discussions formelles au niveau politique afin de clarifier si les Canadiens qui admettent avoir déjà consommé du cannabis feront face à une interdiction de territoire aux États-Unis si le projet de loi C-45 est adopté. Dans l’affirmative, votre comité encourage le gouvernement canadien à communiquer clairement aux autorités américaines qu’à la suite de l’entrée en vigueur du projet de loi C-45, il est de son avis que les voyageurs canadiens ne devraient pas se voir interdire l’entrée aux États-Unis pour des activités qui seront désormais légales au Canada, telles que consommer du cannabis ou travailler pour une entreprise qui produit du cannabis légalement. Votre comité encourage le gouvernement à poursuivre son dialogue avec le gouvernement américain et à communiquer clairement et fermement la position canadienne afin de minimiser l’impact du projet de loi C-45 sur les voyageurs canadiens. Ce dialogue pourrait aussi servir à trouver des solutions aux enjeux et problèmes qui pourraient survenir à la frontière à la suite de l’entrée en vigueur du projet de loi C-45.
3)Dans le cadre de ce dialogue avec les États-Unis, votre comité encourage le gouvernement à négocier une entente avec les États-Unis afin d’encadrer le traitement des voyageurs à la frontière sur les questions liées aux cannabis, notamment le type de questions que les douaniers des deux pays posent aux voyageurs à la lumière du fait que la consommation de cannabis sera légale au Canada à la suite de l’entrée en vigueur du projet de loi C-45 et qu’elle l’est déjà dans plusieurs états américains. Cet accord bilatéral pourrait aussi protéger les travailleurs des entreprises canadiennes émergentes dans le secteur du cannabis afin de s’assurer que les employés de ces entreprises ne se voient pas interdire l’entrée aux États-Unis parce qu’ils sont « associés au trafic de drogue », comme l’indique la loi américaine actuelle.
4)En parallèle aux activités diplomatiques, votre comité encourage le gouvernement à augmenter la portée de sa campagne de sensibilisation pour communiquer clairement aux Canadiens que le fait de traverser la frontière entre le Canada et les États-Unis en possession de cannabis demeurera illégal même si le projet de loi C-45 entre en vigueur. Cette campagne de sensibilisation devrait aussi expliquer clairement aux Canadiens qu’ils pourraient se voir refuser l’accès aux États-Unis s’ils indiquent avoir déjà consommé du cannabis. Bien que les fonctionnaires canadiens qui ont comparu devant votre comité ont expliqué qu’une telle campagne de sensibilisation sera lancée bientôt, votre comité croit que des efforts additionnels devront être faits dans les prochains mois afin que les Canadiens comprennent la gravité des conséquences auxquelles ils s’exposent si du cannabis est trouvé en leur possession à la frontière ou s’ils indiquent avoir déjà consommé du cannabis. Des campagnes de sensibilisation additionnelles, une ciblant les jeunes et l’autre ciblant les candidats ou membres des programmes pour voyageurs dignes de confiance (tels que NEXUS et FAST), devraient être mises en place étant donné les vulnérabilités uniques de ces groupes.
5)Votre comité encourage le gouvernement canadien à installer des panneaux et des affiches aux postes frontaliers et aux sites de précontrôle qui expliquent clairement aux voyageurs qu’il demeure illégal de traverser la frontière canado-américaine avec du cannabis. Les témoins de Sécurité publique ont indiqué à votre comité que de telles affiches seraient installées à la frontière. Votre comité encourage le gouvernement canadien à accélérer la mise en œuvre de sa campagne de sensibilisation et que l’installation des panneaux et des affiches soit effectuée avant l’entrée en vigueur du projet de loi C-45, afin que les voyageurs soient conscients des conséquences auxquelles ils s’exposent s’ils tentent de traverser la frontière canado-américaine avec du cannabis.
6)Votre comité encourage le gouvernement à moderniser les mesures de précontrôle à la lumière du projet de loi C-45. En vertu de la Loi relative au précontrôle de personnes et de biens au Canada et aux États-Unis, qui a reçu la sanction royale le 12 décembre 2017, les voyageurs sont tenus de répondre véridiquement à toute question que leur pose un douanier américain, ce qui signifie que les Canadiens qui se soumettent au précontrôle doivent répondre véridiquement à toute question sur leur utilisation de cannabis. Aux postes douaniers réguliers, les voyageurs qui refusent de répondre à ce type de questions peuvent se voir refuser l’accès aux États-Unis, mais ils ne s’exposent pas à une interdiction à vie ou à des peines d’emprisonnement. Par contre, les voyageurs qui refusent de répondre à des questions posées dans une zone de précontrôle s’exposent à des peines allant jusqu’à deux ans d’emprisonnement dans la mesure où ils « entrave[nt] volontairement un contrôleur, un policier ou un agent des services frontaliers dans l’exercice de leurs attributions ». Votre comité encourage donc le gouvernement à moderniser la Loi relative au précontrôle de personnes et de biens au Canada et aux États-Unis à la lumière du projet de loi C-45.
7)Dernièrement, votre comité demande au gouvernement de déposer devant le Parlement un plan pour protéger les voyageurs canadiens à la frontière. Ce plan devrait expliquer les mesures que le gouvernement compte prendre afin de minimiser les effets du projet de loi C-45 sur le passage des voyageurs et des biens à la frontière canado-américaine. Ce plan devrait aussi expliquer l’approche que le gouvernement compte prendre dans ses négociations avec les États-Unis pour faire en sorte que les voyageurs canadiens ne se voient pas refuser l’entrée aux États-Unis pour avoir avoué avoir déjà consommé du cannabis ou pris part à toute autre activité qui serait légale à la suite de l’adoption du projet de loi C-45.
Respectueusement soumis,
La présidente,
GWEN BONIFACE