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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule no 65 - Témoignages du 1er mai 2018 (séance de l'après-midi)


OTTAWA, le mardi 1er mai 2018

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, se réunit aujourd’hui, à 13 h 35, pour poursuivre l’étude de la teneur complète de ce projet de loi.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, honorables sénatrices, bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

[Traduction]

Je souhaite la bienvenue à tous ceux et celles, qui sont présents parmi nous dans la pièce, ainsi qu’aux téléspectateurs de partout au pays qui nous regardent à la télévision ou en ligne, du site sencanada.ca.

Je m’appelle Percy Mockler, je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et je préside le comité. J’aimerais demander aux honorables sénateurs de se présenter, à commencer par la personne à ma gauche.

La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, Saskatchewan.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Sénateur Paul J. Massicotte, du Québec.

La sénatrice Moncion : Sénatrice Lucie Moncion, de l’Ontario.

Le président : Je vous présente aussi la greffière du comité, Mme Gaëtane Lemay, et nos deux analystes, MM. Sylvain Fleury et Alex Smith.

[Traduction]

Nous avons le quorum pour commencer la séance sans plus tarder.

Nous poursuivons cet après-midi notre étude de la teneur complète du projet de loi C-74, que nous avons commencée ce matin en compagnie de fonctionnaires du ministère des Finances Canada.

Projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Reprenons notre étude là où nous l’avons laissée un peu plus tôt, aujourd’hui. Pour votre information, l’étude du projet de loi C-74 a été répartie entre sept comités sénatoriaux, qui feront rapport au comité des finances au plus tard le 31 mai, pour que nous puissions présenter notre rapport au Sénat du Canada.

Nous reprenons nos travaux cet après-midi avec des fonctionnaires du ministère des Finances : M. Gervais Coulombe, directeur, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt, et M. Shane Baddeley, analyste de politique, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt.

[Français]

Nous recevons aussi M. Pierre Mercille, directeur général (Législation), Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt, Finances Canada.

Cela dit, nous allons procéder de la manière suivante.

[Traduction]

Nous examinerons cet après-midi l’onglet B, qui correspond aux articles 47 à 67 et la partie 2, qui s’intitule « Modification de la Loi de 2001 sur l’accise (taxation du tabac) et de textes connexes ». Au point 2, on trouve ensuite la partie 3, qui figure à l’onglet C et correspond aux articles 68 à 119. La partie 3 s’intitule « Modification de la Loi de 2001 sur l’accise (taxation du cannabis), de la Loi sur la taxe d’accise et de textes connexes ».

À des fins de clarté et pour examiner les parties 2 et 3 séparément, je demanderais à M. Coulombe de nous présenter la partie 2, après quoi nous lui poserons des questions sur la taxation du tabac.

Nous examinerons ensuite la partie 3, qui porte sur la taxation du cannabis.

Monsieur Coulombe, veuillez maintenant nous présenter votre exposé sur la taxation du tabac, après quoi les sénateurs vous poseront des questions à ce sujet; les sénateurs vous poseront également des questions sur la partie 3 après votre présentation sur la partie 3, soit sur la taxation du cannabis.

Gervais Coulombe, directeur, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Merci, monsieur le président. Les mesures proposées sur la taxation du tabac se trouvent aux pages 45 et 46 des renseignements supplémentaires sur les mesures fiscales. Il s’agit d’un petit livret annexé au budget. Le projet de loi s’y trouve aussi. Les mesures proposées s’appliquent aux articles 47 à 67 de la première loi portant exécution du budget.

[Français]

Le gouvernement du Canada applique un droit d’accise sur tous les produits du tabac vendu sur le marché canadien. Les taux du droit d’accise sur le tabac sont actuellement fixés de manière à augmenter automatiquement tous les cinq ans pour tenir compte de l’inflation. En vertu de cette approche, les taux du droit d’accise sur le tabac seraient ajustés le 1er décembre 2019.

[Traduction]

Le budget de 2018 propose de devancer les rajustements inflationnistes des taux du droit d’accise sur le tabac afin qu’ils aient lieu chaque année plutôt que tous les cinq ans. Pour assurer l’uniformité du cadre des droits d’accise, les rajustements inflationnistes prendront effet le 1er avril de chaque année à compter de 2019.

À compter du 28 février 2018, le jour après l’adoption du budget, les taux du droit d’accise sur le tabac ont été rajustés pour tenir compte de l’inflation depuis le dernier rajustement inflationniste de 2014. Le premier rajustement équivaut à une augmentation de 1,29 $ par cartouche de 200 cigarettes. Le budget propose aussi d’augmenter le taux du droit d’accise d’un dollar par cartouche de 200 cigarettes et de prévoir des augmentations correspondantes aux taux du droit d’accise sur les autres produits du tabac, comme le tabac à mâcher et les cigares.

De façon générale, à compter du 28 février 2018, le taux du droit d’accise sur 200 cigarettes a augmenté de 2,29 $, passant de 21,56 $ à 23,85 $ par cartouche. Cela se traduit par une augmentation d’environ 29 cents par paquet de 25 cigarettes.

[Français]

Une taxe sur les stocks s’appliquait également aux stocks de plus de 30 000 cigarettes, c’est-à-dire 150 cartouches de 200 cigarettes qui étaient détenues par les fabricants, les importateurs, les grossistes et les détaillants, en fin de journée le 27 février 2018.

[Traduction]

Enfin, cette mesure s’applique généralement en date du 28 février 2018 et devrait générer environ 1,5 milliard de dollars de nouvelles recettes au cours de la période de prévisions financières.

[Français]

Cela complète, monsieur le président, ma courte présentation sur la partie 2. Je suis maintenant prêt à répondre aux questions des sénateurs.

Le président : Je vous remercie.

[Traduction]

Passons maintenant aux questions sur la partie 2, que vient de nous présenter M. Coulombe, qui représente le ministère des Finances.

Le sénatrice Marshall : Je regardais la somme des nouvelles recettes que le gouvernement prévoit enregistrer. Y a-t-il une étude qui démontrerait une corrélation entre l’augmentation des taxes, la contrebande de tabac et la publicité incitant les gens à arrêter de fumer? J’ai lu quelque part, il y a un certain temps, que 30 p. 100 des produits du tabac seraient des produits de contrebande, si ma mémoire est bonne. Y a-t-il une étude à ce sujet? Je remarque que vous prévoyez des revenus de 1,5 milliard de dollars, mais cette mesure pourrait-elle pousser les gens à se tourner vers le tabac de contrebande? Y a-t-il eu une étude à ce sujet?

M. Coulombe : Les chercheurs ont réalisé de nombreuses études depuis 30 ou 40 ans qui prouvent que la taxation du tabac est une mesure de santé qui contribue à réduire la prévalence du tabagisme dans les populations occidentales. Vous trouverez les données du recensement et divers articles sur le site web de Santé Canada.

Pour ce qui est d’une corrélation directe avec la mesure à l’étude, la plupart des revenus prévus ici sont attribuables au fait que nous ajusterons le taux du droit d’accise pour tenir compte de l’inflation. Ces rajustements signifient que le fardeau fiscal réel associé aux produits du tabac restera le même pour le gouvernement fédéral.

Cela dit, il y a le dollar de plus que j’ai mentionné dans mon exposé, qui s’ajoutera au fardeau financier et qui n’était pas là peu avant le dernier budget. Si l’on regarde un peu les chiffres de Statistique Canada, le prix de détail moyen d’une cartouche de 200 cigarettes était d’environ 106 $ en 2017 au Canada. Cette augmentation de 1 $ favorisera-t-elle la contrebande? Franchement, l’augmentation proposée est assez modeste et devra aussi être examinée à la lumière des autres augmentations qui pourraient subvenir à l’échelle provinciale. Les provinces ne cessent d’augmenter les taux du droit d’accise sur le tabac.

Je ne juge pas ces politiques, ce sont les faits. Du strict point de vue des faits, on pourrait conclure que les mesures touchant la taxe d’accise sur le tabac ont beaucoup contribué à la réduction du tabagisme au Canada au fil des ans. Il est toujours difficile de trouver le juste équilibre entre les risques de contrebande et le maintien de revenus importants pour financer différents programmes.

La sénatrice Marshall : Vos données semblent indiquer une diminution du tabagisme, mais serait-il aussi possible que les gens se tournent davantage vers la contrebande?

M. Coulombe : La réduction de la prévalence des produits du tabac au Canada n’est pas nécessairement liée à la taxe d’accise ou aux revenus fédéraux. Ce sont là les résultats d’études distinctes menées par Statistique Canada dans le cadre de ce qu’on a appelé l’Enquête de surveillance de l’usage du tabac au Canada, ou ESUTC. Cette enquête indique une réduction de la consommation.

La sénatrice Marshall : Si l’on regarde un peu les revenus prévus pour le gouvernement, pourquoi chutent-ils vers 2020 et 2021? La première année, ils seraient de 30 millions de dollars, mais l’année suivante, de 375 350 $, pour chuter encore à 165. Pourquoi?

M. Coulombe : Les chiffres présentés ici tiennent compte du fait que les taux du droit d’accise sur le tabac devaient de toute façon augmenter en 2019 en fonction de l’inflation. Vous avez peut-être entendu dans mon exposé que, au moment du budget de 2014, le gouvernement et le Parlement de l’époque avaient décidé d’ajuster les taux du droit d’accise sur le tabac tous les cinq ans à partir de là. Le premier rajustement devait survenir le 1er décembre 2019. Par conséquent, certains revenus avaient été inclus dans le cadre financier à partir de là. Ce que vous voyez ici, c’est l’effet net de ces mesures sur le profil financier. Certains revenus étaient déjà prévus.

La sénatrice Marshall : Est-ce la même chose pour l’année suivante et la prévision de 240 millions de dollars? Elle baisse ensuite à 375 350, puis à 165, pour remonter un peu à 240, puis revenir à 310. Il y a là un rajustement à la hausse, n’est-ce pas?

M. Coulombe : C’est parce que l’ajustement du 1er décembre 2019 n’est pas le même que celui du 1er avril. Comme l’année s’étend sur 12 mois, cela touche trois années financières, si l’on veut.

La sénatrice Marshall : Très bien. Merci.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Si je comprends bien, le projet de loi propose d’institutionnaliser son augmentation annuelle en fonction du taux d’inflation. Anciennement, tous les cinq ans, le taux était encore égal au taux d’inflation. Ai-je bien résumé?

M. Coulombe : C’est exact.

Le sénateur Massicotte : Quelle est la valeur courante sur le taux d’escompte? On prépaie plus vite, il y a quand même un bénéfice, mais ce n’est pas la somme totale qu’on gagne. La valeur est sur cinq ans. Sait-on quel chiffre représente la valeur courante entre le paiement annuel comparé à celui pour lequel on attend cinq ans avant de recevoir les sommes?

M. Coulombe : Vous voulez dire la différence? La différence est que ce sont toutes les sommes qui seront collectées au cours des exercices financiers précédant la mesure.

Le sénateur Massicotte : On va collecter la même somme, mais on le fait beaucoup plus vite parce qu’on n’attend pas cinq ans. On facture immédiatement sur une base annuelle.

M. Coulombe : La somme collectée sera supérieure, puisque les produits du tabac, généralement, sont consommés au moment de leur acquisition. Si un paquet de cigarettes est acheté aujourd’hui, il inclut une augmentation de 0,29 $ pour un paquet de 1,29 $. Ce paquet de cigarettes acheté en 2018 ne pourrait pas avoir été acheté en 2019. Il a été acheté maintenant et il inclut...

Le sénateur Massicotte : Normalement, en 2022, on aurait eu une augmentation plus importante.

M. Coulombe : Si vous regardez les taux, le mécanisme d’ajustement est essentiellement le même. On se base sur l’inflation annuelle de Statistique Canada. Je dois faire attention aux dates du 1er décembre par rapport au 1er avril. L’inflation que l’on va chercher au 1er avril de l’an dernier reflète toute l’inflation de Statistique Canada jusqu’en septembre de l’année précédente, et ce sont les mêmes mécanismes qui étaient utilisés sous le régime des cinq ans. On a simplement amené cela sur une base annuelle.

Le sénateur Massicotte : La première année, on reçoit une augmentation inflationniste pour laquelle on aurait auparavant attendu cinq ans. À la deuxième année, on aurait attendu quatre ans. En d’autres mots, quelle est la valeur courante de ces différences au sens du gouvernement du Canada?

M. Coulombe : Pour ce qui est des taux, vous avez raison. Les taux futurs ne sont pas différents de ce qui aurait été autrement calculé sous le régime des cinq ans.

Le sénateur Massicotte : Merci de vos réponses, mais je pense qu’on dit la même chose.

J’aimerais faire suite à la question de mon collègue. Que l’on mette dans un projet de loi ou dans une loi une augmentation inflationniste, soit. Il y a 15 ou 20 ans, le coût de la contrebande était tel qu’on a réduit le prix du tabac pour y faire concurrence, car on perdait une part importante du marché.

Bien que la loi indique que le taux d’inflation entraîne une augmentation du prix, je présume que la loi prévoit une situation où le gouverneur en conseil peut ajuster ou réduire le taux. Si, dans deux ou trois ans, on se rend compte que la contrebande est trop concurrentielle et qu’on perd une part du marché, je présume qu’on a prévu que le gouvernement puisse décider, en cas d’urgence, de réduire le prix du tabac sans déposer un nouveau projet de loi.

M. Coulombe : La flexibilité est d’abord et avant tout politique. Les mesures fiscales incluses dans le budget sont revues par les fonctionnaires sur une base courante. Par conséquent, si un gouvernement futur se trouvait dans des situations aussi dramatiques que celle qui a eu lieu au début des années 1990, j’imagine que les fonctionnaires du moment feraient des propositions en conséquence avec différentes options.

Dans le cadre actuel des propositions législatives que vous avez devant vous, il n’y a pas cette flexibilité de donner au gouvernement une marge de manœuvre quant aux augmentations futures.

Le sénateur Massicotte : Si jamais on a une situation comme celle des années 1990 et que tout à coup on perd le contrôle du marché, il faudra que le gouvernement présente un nouveau projet de loi pour trouver la flexibilité dont il ne dispose pas en ce moment.

M. Coulombe : Il pourra aussi modifier les taux. Au cours des années 1990, de mémoire, le premier ministre de l’époque avait procédé par l’annonce publique de nouveaux taux. On était alors retourné au Parlement pour confirmer ces choix du gouvernement.

Le sénateur Massicotte : On a donc une loi qui prévoit une augmentation automatique non discrétionnaire. Toutefois, vous dites que les fonctionnaires ou le gouvernement ont la discrétion en tout temps de changer ce taux.

M. Coulombe : Avec l’assentiment du Parlement, bien entendu.

Le sénateur Massicotte : Il faudra alors un nouveau projet de loi.

M. Coulombe : Toujours, oui.

[Traduction]

La sénatrice Andreychuk : J’aimerais simplement vous demander quelques renseignements. Vous affirmez qu’il y aura 1,5 milliard de dollars de nouvelles recettes, est-ce bien cela? Ce sont les revenus auxquels le gouvernement s’attend? Nous avons aussi parlé de la contrebande. Il y a des augmentations. Le gouvernement justifie notamment ces augmentations par le fait qu’elles pourraient pousser les gens à y réfléchir à deux fois avant de fumer. À partir d’un certain point, c’est dissuasif, et c’est l’idée de ces augmentations au départ.

Le gouvernement prétend que, grâce aux publicités et à tous les efforts d’éducation déployés par Santé Canada, le nombre de fumeurs a diminué. Cette mesure vise-t-elle à générer des revenus ou à améliorer la santé?

M. Coulombe : Je vous remercie de cette question, sénatrice. Vous avez raison de dire que les 1,470 milliard de dollars prévus, sont de nouveaux revenus et qu’on en parle à la page 7 du livret qui présente des renseignements supplémentaires sur les mesures fiscales et que j’ai mentionné plus tôt. Ce sont des nouveaux revenus qui s’ajoutent au cadre financier, selon une évaluation réalisée par le ministère à la lumière d’une multitude de facteurs.

Le budget contient également une mesure parallèle, qui s’inscrit dans le cadre de la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme. Vous trouverez des explications détaillées sur cette mesure à la page 198 de la version française du plan budgétaire. En gros, on a annoncé un financement accru pour la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme, qui viendra de Santé Canada et qui visera à faire diminuer la consommation de tabac chez les Canadiens.

En revanche, l’augmentation du droit d’accise sur les produits de tabac est une mesure destinée à générer des revenus. C’est un droit d’accise. C’est une taxe, c’est très clair. En même temps, nous avons essayé de trouver l’équilibre et de nous limiter à une augmentation raisonnable, prudente, pour continuer de favoriser une réduction du tabagisme, mais, parallèlement à cela, le budget prévoit du financement pour les activités de lutte contre le tabagisme.

La sénatrice Andreychuk : Comme vous vous spécialisez dans les chiffres, je vais vous poser la question. Vous ne voulez pas vous fier aux miens. L’augmentation de revenus prévue est-elle équivalente à l’augmentation prévue en santé et en éducation? Les pourcentages d’augmentation sont-ils les mêmes?

M. Coulombe : Je ne connais pas très bien l’enveloppe générale prévue pour la santé.

À première vue, les nouveaux revenus générés par l’augmentation des taux du droit d’accise seront plus élevés, mais ils seront versés directement au Trésor, où ils serviront à financer toutes sortes de mesures, dont les dépenses des provinces en santé publique. Il n’y a pas de corrélation directe entre les revenus découlant de la Loi de 2001 sur l’accise et les mesures de dépenses.

[Français]

La sénatrice Moncion : J’ai trois questions. Voici la première : quel sera l’impact de ces nouvelles mesures sur les provinces?

M. Coulombe : J’essaie de comprendre le sens de votre question.

La sénatrice Moncion : La taxe sur le tabac est une source de revenus pour le gouvernement fédéral et pour les gouvernements provinciaux. Est-ce que cet impact a été calculé?

M. Coulombe : Il pourrait y avoir un très léger impact, surtout en ce qui a trait au dollar additionnel, qui pourrait engager une légère réduction du taux global du tabagisme. En dehors de cet aspect très précis, les deux ordres de gouvernement imposent des impôts sur les produits du tabac de façon indépendante. Il y a des provinces qui ont continué à augmenter leur taux au cours des années récentes; quelques-unes sont de très grandes provinces canadiennes. Dans leur totalité, ces taux sont supérieurs au taux d’accise fédéral. Donc, les provinces vont déjà chercher des sommes qui sont supérieures, et les annonces ont été faites dans le budget du mois de février. Je ne me souviens pas d’avoir reçu d’appel, ou du fait que mes collègues aient reçu de leurs homologues provinciaux une critique particulière quant à cette mesure que je vais qualifier encore une fois de prudente, de raisonnable et de modeste par rapport à l’enveloppe, au prix global des produits du tabac.

La sénatrice Moncion : Ma deuxième question touche les produits de vapotage : avez-vous l’intention de taxer ces produits comme vous le faites pour les produits du tabac à l’heure actuelle?

M. Coulombe : Vous savez peut-être que les produits de vapotage seront réglementés par Santé Canada. Il y a un projet de loi présenté par le Sénat; de mémoire, je crois que c’est le projet de loi S-5...

La sénatrice Moncion : Vous avez une bonne mémoire.

M. Coulombe : ... qui est à l’étude à la Chambre des communes en ce moment. Les produits de vapotage ne seraient pas légaux au Canada à l’heure actuelle. On a besoin de ce régime réglementaire pour les légaliser, malgré le fait qu’ils sont vendus de façon assez répandue. Cependant, la position officielle de Santé Canada et du gouvernement est que ces produits ne sont pas encore assujettis à la réglementation. Je ne suis pas en position, cet après-midi, de vous dire quelles seraient les intentions du gouvernement canadien en matière de taxation lorsque ces produits seront officiellement légalisés, advenant, bien entendu, la sanction royale du projet de loi S-5.

La sénatrice Moncion : Ma troisième question touche à l’importation des filtres en mousse d’acétate. Quand nous avons rencontré les policiers qui nous parlé de la contrebande de cigarettes, l’une des recommandations qu’ils nous avaient présentées était de bannir au Canada la vente des filtres en acétate. Pouvez-vous nous dire où vous en êtes dans cette analyse?

M. Coulombe : En matière de taxation du tabac, nous tenons des rencontres et des conférences téléphoniques avec les agents des différents ordres de gouvernement. Le contrôle des acétates, de mémoire, a été mis en place par l’Ontario. Beaucoup d’études ont été faites par nos collègues ontariens, et le gouvernement continue d’étudier ces questions de façon prudente.

Les droits d’accise sont imposés à la production des produits. Pour produire légalement au Canada des produits du tabac, il est nécessaire d’obtenir une licence d’accise auprès de l’Agence du revenu du Canada. Les licenciés ont des obligations à respecter auprès de l’agence, et ils doivent remettre des rapports. Dans le système actuel, ils sont les seuls qui peuvent légalement prendre possession de ce qu’on appelle du « tabac non estampillé », l’intrant nécessaire à la fabrication. Donc, l’intrant principal de la fabrication des produits du tabac, le tabac brut, est déjà assujetti au régime de l’accise, et il y a des règles pour cela. La question de savoir si d’autres intrants doivent être ajoutés fait l’objet d’examens au cas par cas. C’est toujours un équilibre qui doit se faire entre le contrôle que le gouvernement veut exercer sur une production, dans ce cas-ci, les produits du tabac, et la liberté des acteurs économiques, et également l’impact réel que de futurs contrôles auraient dans un monde où l’intrant principal, le tabac, est assujetti à des contrôles en vertu de la loi sur l’accise. C’est très technique, je dois vous l’avouer; on déborde des mesures proposées dans le projet de loi actuel.

La sénatrice Moncion : Je comprends, mais on parle des revenus du gouvernement fédéral. On sait que, chaque fois que les taxes sur les produits du tabac augmentent, le marché du tabac illicite augmente également. Il y a, à un moment donné, un contrepoids; le tabac illicite augmente plus rapidement que le tabac en vente légale contrôlée.

M. Coulombe : Sur ce point particulier, si vous me le permettez, sénatrice Moncion, le ministère et le comité de la Chambre des communes avaient reçu au cours des dernières années des demandes, des requêtes, de la part de différents groupes, pour s’assurer que les augmentations imposées par le gouvernement fédéral n’arrivent pas en bloc. L’une des craintes liées à une augmentation tous les cinq ans était justement qu’il y ait un choc en raison du prix. En ce sens, le fait d’avoir des augmentations annuelles pourrait aider à maintenir le prix à un niveau plus constant qu’il ne l’aurait été avec une augmentation tous les cinq ans, par exemple.

La sénatrice Moncion : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Eaton : Est-ce parce que les Canadiens toléreront que les taxes sur le tabac augmentent périodiquement, alors qu’ils ne toléreront pas les mêmes hausses des taxes sur l’alcool? C’est intéressant, parce que nous avons étudié les projets de loi C-45 et C-46, qui parlent des décès attribuables à l’alcool. Trente-sept pour cent des personnes qui décèdent à la suite d’accidents routiers meurent à cause de la conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool.

Nous semblons nous en prendre aux cigarettes et au tabac, et je me demande si c’est simplement parce que c’est possible. Si nous nous attaquions au vin ou à l’alcool de la même façon qu’aux cigarettes, le contribuable se révolterait-il? Qu’en pensez-vous?

Nous avons ostracisé les fumeurs, et c’est très bien, pour toutes sortes de raisons, notamment en raison de la fumée secondaire, mais nous n’ostracisons pas les buveurs de la même façon. J’admets tout à fait apprécier moi-même un bon cocktail, comme j’adorais chaque cigarette que je fumais avant. Pourquoi nous attaquer ainsi au tabac et non à l’alcool? C’est une question intéressante. Est-ce parce qu’il est facile pour le gouvernement de taxer le tabac?

La sénatrice Moncion : Aucun des…

La sénatrice Eaton : C’est la taxe du péché, je veux simplement comprendre.

M. Coulombe : J’ai bien peur de ne pas vraiment pouvoir vous répondre; c’est au gouvernement élu de décider quelles politiques il souhaite mettre de l’avant.

La sénatrice Eaton : Qu’en pensez-vous personnellement?

Des voix : Oh, oh.

Le président : Merci.

La sénatrice Marshall : Je sais que vous avez parlé d’entrées de revenus plus stables, parce les rajustements seraient faits annuellement plutôt qu’aux cinq ans; combien le gouvernement prélèvera-t-il de plus, en imposant des augmentations annuelles plutôt que des augmentations aux cinq ans? Parce que ces augmentations surviendront plus tôt. Se trouvera-t-il à y avoir des augmentations sur des augmentations? Elles seront capitalisées, donc combien d’argent le gouvernement ira-t-il chercher de plus grâce à la capitalisation?

M. Coulombe : Cette information n’a pas été rendue publique avec l’annonce du budget. Nous verrons si nous pourrons vous la communiquer ultérieurement.

La sénatrice Marshall : J’aimerais bien la connaître. Merci beaucoup.

Le sénateur Massicotte : C’est un cas évident de capitalisation. Je présume que, même pour les rajustements aux cinq ans, il y avait une capitalisation annuelle?

M. Coulombe : Le rajustement inflationniste est calculé en fonction de l’IPC, soit de l’indice des prix à la consommation, et l’IPC est le même qu’on le calcule sur une base annuelle ou quinquennale. C’est toujours le même IPC.

Le sénateur Massicotte : Si l’on effectue le calcul par rapport à l’ancien rajustement aux cinq ans, c’est une taxe capitalisée; il y aura donc un pourcentage, une augmentation plus un pourcentage de l’augmentation de l’année précédente. C’est ce qu’on appelle la capitalisation. Je ne pense pas que vous comprenez bien ce que j’entends par ce terme. Comprenez-vous ce que je veux dire?

M. Coulombe : Je comprends ce que vous voulez dire. Je ne pense pas qu’il y ait de capitalisation.

Le sénateur Massicotte : S’il n’y en a pas, alors elle a raison.

La sénatrice Marshall : C’est la raison pour laquelle il a dit qu’il y avait des données et j’ai demandé si nous pouvions y avoir accès.

Pierre Mercille, directeur général (Législation), Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Pour que ce soit bien clair, la capitalisation dont vous parlez s’appliquait aux cinq ans, avant. Il y aura maintenant un rajustement chaque année, alors qu’il n’y en avait un qu’aux cinq ans auparavant. Les revenus générés seront supérieurs. Je tiens simplement à ajouter que la somme supplémentaire que nous générerons — et je n’ai pas de chiffre — correspond essentiellement aux sommes présentées dans le budget, moins l’augmentation en dollars qui s’applique à partir du lendemain du budget.

Le sénateur Massicotte : C’est compliqué. Permettez-moi de vous poser une question simple. Dans cinq ans, le total sera-t-il plus élevé, si l’on tient compte de la capitalisation, ou sera-t-il le même que si nous avions conservé l’ancienne méthode?

M. Coulombe : Je vous dirai que le taux sera le même dans cinq ans.

Le sénateur Massicotte : Il y a donc une capitalisation annuelle.

M. Coulombe : Il y a cependant une mise en garde importante à faire, parce que les dates ne sont pas les mêmes. Avant, l’ajustement survenait le 1er décembre tous les cinq ans. Il surviendra maintenant au début de l’exercice, si bien qu’il est difficile de comparer les taux avec exactitude, mais en théorie, ils se fondent sur les mêmes taux d’ajustement.

Le sénateur Massicotte : Je n’en doute pas, mais je pense que vous vous trompez. Je suis presque sûr que vous vous trompez.

La sénatrice Marshall : Par ailleurs, tenez-vous compte du fait que cela aura une incidence sur les sommes empruntées par le gouvernement? Encore une fois, la différence sera infime, mais il y en aura une, parce qu’on touchera les revenus plus tôt. Le gouvernement n’aura pas besoin d’emprunter autant. Tenez-vous compte de l’intérêt dans vos calculs?

M. Coulombe : Non. En fait, il pourrait effectivement y avoir une capitalisation dans d’autres comptes du gouvernement, en fin de compte. Cela ne paraîtra pas dans le droit d’accise et les revenus que je vous montre ici, cependant.

La sénatrice Marshall : J’attendrai de recevoir l’information, et je l’examinerai de près.

Le président : Honorables sénateurs, nous avons terminé la partie 2.

Passons maintenant à la partie 3, qui porte sur les articles 68 à 119 du projet de loi C-74 et qui correspond à l’onglet C. On parle ici de la Modification de la Loi de 2001 sur l’accise (taxation du cannabis), de la Loi sur la taxe d’accise et de textes connexes.

M. Coulombe fera une courte présentation.

M. Coulombe : Merci, monsieur le président.

La partie 3 comprend les articles 68 à 119 et met en œuvre un nouveau cadre du droit d’accise sur les produits de cannabis, une mesure proposée dans le budget du 27 février et dont on trouve les détails à la page 46 du document présentant les renseignements supplémentaires sur les mesures fiscales.

La proposition s’appuie sur le cadre que le gouvernement a publié aux fins de consultations en novembre dernier et tient compte de l’accord sur le partage des recettes qui a fait l’objet d’une entente de principe lors de la réunion des ministres des Finances qui s’est déroulée en décembre 2017 et à laquelle les ministres de la plupart des provinces et territoires ont participé.

Le droit, qui sera instauré dans le cadre de la Loi de 2001 sur l’accise, s’appliquera généralement à tous les produits offerts en vente légale, ce qui inclura, au début de la légalisation, le cannabis frais et séché, les huiles de cannabis et les graines et semis pour la culture à domicile. Les cultivateurs et les fabricants de cannabis devront obtenir une licence de cannabis auprès de l’Agence du revenu du Canada et verser le droit d’accise, le cas échéant.

[Français]

Des droits d’accise seront imposés à un producteur sous licence fédérale appelé ci-après « titulaire d’une licence de cannabis ». Le droit d’accise sera le plus élevé entre un taux uniforme appliqué sur la quantité de cannabis contenu dans un produit final et un pourcentage de la somme passible de droit du produit tel que vendu par le producteur. La somme passible de droit représente généralement la part du prix de vente du producteur qui n’inclut pas les droits sur le cannabis en vertu de la Loi de 2001 sur l’accise.

[Traduction]

Le cadre proposé du droit d’accise s’appliquera, de façon générale, de la manière suivante. Un droit uniforme sera imposé sur la quantité de matières florifères et de matières non florifères de plantes de cannabis appelées fleur et retaille respectivement, ainsi que sur les graines et les semis de cannabis dans le cas de la culture à domicile. Le droit uniforme sera imposé selon le principe du dollar le gramme, ou du dollar la graine ou du dollar le semis, dans le cas de ces derniers. C’est le concept du dollar le gramme. Un taux inférieur, le gramme, s’appliquera à la retaille relativement à la fleur de cannabis, pour tenir compte du fait que la retaille contient moins de THC que la fleur. Un produit sera également considéré comme emballé par un titulaire de licence de cannabis lorsqu’il se trouvera dans un contenant destiné à la vente au détail à un consommateur final.

Au moment de la livraison d’un produit du cannabis à un acheteur — par exemple, un distributeur ou un détaillant autorisé par la province — par le titulaire d’une licence fédérale qui l’a emballé, un taux ad valorem — de 10 p. 100 — sera également imposé sur la somme passible de droit de la transaction.

Les titulaires de licence de cannabis qui vendent à des acheteurs seront responsables d’acquitter la somme la plus élevée entre le taux uniforme et le taux ad valorem sur le produit. Le droit applicable ne sera payable qu’au moment de la livraison à l’acheteur. Le titulaire de licence de cannabis qui a emballé le produit du cannabis pour la vente au détail finale sera responsable d’acquitter le droit d’accise applicable.

En termes simples, si un producteur et non le détaillant pour la vente finale vend un gramme de produit en gros à un prix inférieur à 10 $, le droit exigé sera de 1 $. Si le même produit est vendu à un prix supérieur à 10 $, c’est le droit ad valorem qui s’appliquera, à un taux de 10 p. 100.

[Français]

Tous les produits du cannabis qui sortiront des locaux d’un titulaire de licence de cannabis dans le but d’entrer sur le marché canadien pour vente au détail devront porter un timbre d’accise. Les timbres d’accise porteront des couleurs spécifiques indiquant le marché territorial ou provincial auquel le produit est destiné à être vendu. Le titulaire d’une licence de cannabis qui a emballé le produit de cannabis devra déterminer et apposer le timbre d’accise approprié avant l’entrée du produit sur le marché canadien des marchandises acquittées.

[Traduction]

Le cadre du droit d’accise s’appliquera généralement aux produits qui contiennent du THC, le composé psychoactif principal du cannabis. Cependant, les produits emballés dont la teneur en THC ne dépasse pas 0,3 p. 100 et qui ne présentent donc que peu ou pas d’effets psychoactifs ne seraient généralement pas assujettis au droit d’accise en vertu du cadre proposé.

Les produits pharmaceutiques approuvés par Santé Canada possédant un numéro d’identification de drogue (DIN) qui sont dérivés du cannabis et qui ne peuvent être obtenus que sur ordonnance ne seront pas assujettis au droit d’accise.

Le gouvernement fédéral a conclu un accord avec la majorité des gouvernements provinciaux et territoriaux sur un cadre de taxation coordonné du cannabis pour les deux premières années suivant la légalisation. En pratique, le cadre coordonné prévoit l’application du droit d’accise fédéral ainsi que d’un droit d’accise additionnel relativement aux provinces et aux territoires. Ce droit d’accise additionnel relativement aux provinces et aux territoires s’appliquera dans les provinces et les territoires ayant accepté de participer au cadre coordonné et s’appliquera à la même assiette fiscale, selon une proportion fixe, au taux fédéral.

Cette partie modifie également les règles sur les produits alimentaires de base dans l’application de la taxe de vente harmonisée sur les produits et services aux termes de la Loi sur la taxe d’accise pour s’assurer que toute vente de produits du cannabis qui seraient autrement considérés comme des produits alimentaires de base est assujettie à la TPS/TVH de la même façon que la vente de tout autre produit du cannabis. En outre, les règles d’allègement visant divers produits agricoles seront changées afin de s’assurer que la vente de produits du cannabis, y compris les graines et les semis, ne bénéficie pas d’un allègement en application de ces règles.

En vertu de l’accord de principe conclu avec les provinces et les territoires, 75 p. 100 des revenus iront aux gouvernements provinciaux et territoriaux, alors que le gouvernement fédéral en conservera 25 p. 100. Les taux indiqués dans ce projet de loi sont donc du fédéral en tenant compte de cette part de 25 p. 100 des revenus. Les taux provinciaux seront établis ultérieurement par voie réglementaire, car nous n’avons pas encore réglé tous les détails des ententes avec les provinces et les territoires.

Cette mesure entrera normalement en vigueur au moment où le cannabis à des fins non médicales sera offert légalement sur le marché de la vente au détail. Il faudra donc attendre que le projet de loi C-45, la loi proposée sur le cannabis, soit adopté par le Sénat et reçoive la sanction royale.

Compte tenu de sa part de 25 p. 100, les revenus tirés du droit d’accise sur le cannabis représenteront pour le gouvernement fédéral environ 220 millions de dollars en 2022-2023, soit une fois la loi en pleine application. Vous trouverez également ces chiffres dans les renseignements supplémentaires sur les mesures fiscales.

Voilà ce que j’avais à dire concernant la partie 3.

Le président : Merci. Nous passons aux questions des sénateurs.

La sénatrice Marshall : Tout cela m’apparaît plutôt complexe. Est-ce que les producteurs, les détaillants et les distributeurs ont tous été avisés de la teneur des nouvelles règles? Comment va-t-on s’assurer que le système puisse fonctionner dès l’adoption de la loi et la légalisation de la marijuana? Quelles dispositions avez-vous prises pour faire en sorte que tout se passe comme prévu?

M. Coulombe : Merci de la question. Disons, d’abord et avant tout, que nous avons consulté la population canadienne, y compris les représentants des secteurs liés actuellement à la production de cannabis. Ces consultations se sont déroulées sur une période d’environ deux mois. Le cadre provisoire qui a fait l’objet de consultations à l’automne 2017 est essentiellement similaire à celui que vous avez sous les yeux, bien que quelques ajustements aient été apportés à la suite des consultations menées. Il était primordial que nous consultions les Canadiens à ce sujet.

En outre, les fonctionnaires du ministère des Finances ont travaillé en étroite collaboration avec leurs collègues de Santé Canada, du ministère de la Justice, de Sécurité publique Canada et de nos partenaires provinciaux et territoriaux pour veiller à ce que le processus de légalisation se déroule bien. Ces consultations se poursuivent.

Nous travaillons aussi, bien sûr, en consultation avec les gens de l’Agence du revenu du Canada, l’organisme fédéral responsable de l’émission des licences. Nous nous assurons par ailleurs de concert avec Santé Canada que les gens qui obtiennent une licence dans le cadre du régime fiscal en reçoivent également une aux fins du processus de gestion du cannabis.

Il y a donc des échanges réguliers entre les différents organismes responsables, et l’ARC rendra accessibles dans un avenir rapproché les lignes directrices, les formulaires et toutes les informations nécessaires sur le mode d’administration du régime.

Vous avez parlé de complexité. Il ne faut pas oublier que ce droit d’accise est imposé aux producteurs. Le nombre de ceux qui devront payer ce droit d’accise est moins élevé que dans le cas d’un régime comme la TPS ou la TVH auquel les détaillants sont également assujettis. Il s’agit effectivement de règles très détaillées, mais elles ne s’appliqueront qu’à un nombre relativement restreint de producteurs devant payer ce droit d’accise. Ceux-ci pourront d’ailleurs obtenir au cours des premiers mois l’aide des agents de l’ARC pour s’assurer de bien se conformer à toutes les règles du nouveau régime.

La sénatrice Marshall : Le gouvernement doit déjà avoir une assez bonne idée de l’identité de ceux qui auront à payer ce droit. Où en est-on rendu dans les communications avec ces gens-là? Nous sommes le 1er mai. Dans le meilleur des scénarios, la loi entrerait en vigueur en juillet, soit dans quelques mois à peine. Où en est-on rendu dans ce processus? Est-ce que toutes les personnes visées ont été identifiées? Ont-elles toutes été informées de la teneur de la loi? Où en est-on rendu exactement?

M. Coulombe : Du point de vue strictement administratif, car c’est essentiellement de cela, dont il est question ici, l’Agence du revenu du Canada travaille en étroite collaboration avec Santé Canada pour veiller à ce que les deux régimes puissent être mis en œuvre…

La sénatrice Marshall : Ils seront prêts à fonctionner et à engranger les revenus dès l’adoption de la loi?

M. Coulombe : Oui. Je crois que l’on a indiqué publiquement à maintes reprises qu’une certaine période s’écoulera entre l’adoption du projet de loi C-45 et la légalisation à proprement parler. Je ne peux pas vous en dire davantage sur le temps que cela pourrait prendre. S’agit-il de deux mois, de six semaines ou de cinq semaines? C’est à d’autres fonctionnaires qu’il faudrait poser la question. Je ne suis pas ici pour vous parler du projet de loi C-45. Reste quand même que les règles proposées, notamment concernant le paiement du droit d’accise, n’entreront en vigueur qu’au moment de la légalisation.

L’Agence du revenu du Canada aura sans doute mis en place d’ici là des mesures préalables à l’octroi de licences de telle sorte que les participants au régime puissent se conformer aux règles.

La sénatrice Marshall : Et prendre effectivement part au programme.

Il est question ici de timbres d’accise. Qui gère cet aspect?

M. Coulombe : Ces timbres seront émis par l’Agence du revenu du Canada. Je ne sais pas si vous connaissez les timbres d’accise pour le tabac.

La sénatrice Marshall : C’est le même processus.

M. Coulombe : C’est le même processus. Ils seront contrôlés et remis aux détenteurs d’une licence pour le cannabis uniquement en vertu de la Loi sur l’accise.

La sénatrice Marshall : On fait aussi mention du cannabis pouvant être égaré. De quoi s’agit-il exactement?

M. Coulombe : D’une manière générale, il s’agit des marchandises assujetties à l’accise dont on perd la trace au cours du processus de production.

La sénatrice Marshall : Voilà qui est intéressant.

M. Coulombe : Pour faire en sorte que les droits d’accise applicables puissent être pleinement perçus, un régime de tarification approprié s’applique à l’égard de ces quantités de tabac, d’alcool ou de cannabis qui sont égarées afin que les détenteurs d’une licence ne puissent pas frauder le gouvernement.

La sénatrice Marshall : Qui exerce la surveillance nécessaire à l’égard de ce cannabis égaré?

M. Coulombe : C’est l’Agence du revenu du Canada qui sera chargée de toutes les mesures de contrôle et de vérification nécessaires à l’administration de ces règles. Nous y avons fait allusion tout à l’heure en parlant du tabac. Les détenteurs d’une licence sont traités de façon particulière dans le cadre du régime d’accise. Ils ont le droit de produire des marchandises soumises à l’accise, mais ils sont par ailleurs assujettis à des obligations plus strictes que les autres contribuables.

La sénatrice Marshall : Le processus relève en grande partie de l’ARC, mais c’est vous qui vous occupez des fonds une fois qu’ils sont dans les coffres de l’État?

M. Coulombe : Le ministre des Finances est surtout responsable des politiques à mettre en œuvre. Ce sont ces politiques qui guident en fait la conception des différentes règles. Nous les avons bien sûr analysées avec soin avec nos collègues de l’ARC. Celle-ci intervient par la suite pour gérer le processus d’application du droit d’accise.

Les recettes sont remises au receveur général du Canada, comme c’est le cas lorsque nous remplissons notre déclaration de revenus. L’ARC est responsable de l’ensemble du processus de consignation, de comptabilité et d’évaluation. Le montant est transmis au ministère des Finances de telle sorte que nous puissions transférer aux provinces les sommes prévues en vertu des ententes fédérales-provinciales.

La sénatrice Marshall : J’ai une dernière question. Le montant indiqué dans les renseignements supplémentaires correspond uniquement à la portion du gouvernement fédéral?

M. Coulombe : C’est exact.

La sénatrice Andreychuk : Il est possible que j’aie mal compris ce que vous avez dit. Je veux m’assurer qu’il est uniquement question du cannabis cultivé au Canada. Parlez-vous d’importation dans ce contexte? Dans un autre comité, on nous a en effet indiqué qu’il n’y aurait ni importation ni exportation de cannabis, sous quelque forme que ce soit, sauf en vertu des règles déjà en vigueur à des fins thérapeutiques et scientifiques. Les mesures proposées font-elles en sorte que cette loi aura des incidences au-delà des frontières canadiennes?

M. Coulombe : J’ai compris exactement la même chose que vous quant à savoir ce qui peut être importé et exporté. Voilà qui est bien. Nous avons reçu les mêmes renseignements de nos collègues qui ont vu à ce que des règles appropriées soient établies en vertu du projet de loi C-45. Il y a actuellement très peu d’importations de produits du cannabis. Il s’agit de produits très spécialisés dans le secteur médical.

Shane Baddeley, analyste de politique, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : De l’huile de cannabis, plus précisément. Pour certaines souches particulières que l’on ne trouve pas au Canada, on peut obtenir une exemption. C’est aussi le cas aux fins de la recherche.

La sénatrice Andreychuk : Ou à des fins scientifiques? Parce qu’on nous a dit que c’était seulement à des fins scientifiques et…

M. Baddeley : Je pense que c’est essentiellement la même chose. C’est pour la recherche scientifique.

La sénatrice Andreychuk : Vous parlez seulement du marché interne au Canada?

M. Coulombe : Si ces produits satisfont à la définition de produits du cannabis et sont importés en vertu de ces règles, ils seront assujettis à la taxation à nos frontières.

La sénatrice Andreychuk : Contrairement à ce qui se passe actuellement?

M. Coulombe : Il n’y a actuellement aucun droit d’accise sur les produits du cannabis.

La sénatrice Andreychuk : Le cannabis thérapeutique sera désormais taxé?

M. Coulombe : Oui. Il faut toutefois bien sûr qu’il fasse partie de la catégorie de produits assujettis à la taxation, ce qui n’est pas forcément toujours le cas.

[Français]

Le sénateur Massicotte : J’aimerais revenir un peu à votre résumé. Vous avez servi le taux de 10 p. 100, le plus élevé de 10 p. 100 ou de 1 $ le gramme. Ce sont des exemples. La législation ne cite pas ces chiffres, n’est-ce pas?

M. Coulombe : La législation ne réglemente pas les prix. Par contre, la législation mentionne ces taux, et ils sont situés à l’annexe 1.

M. Mercille : À la page 541.

J’aimerais préciser quelque chose qui a été dit pour appuyer le message. Les taux inclus dans le projet de loi en ce moment sont les taux de la composante fédérale des droits sur le cannabis. Lorsque des ententes seront conclues avec les provinces, la législation donnera le pouvoir au gouverneur en conseil, par règlement, de légiférer essentiellement la composante provinciale, le droit relatif à une province.

Le sénateur Massicotte : À l’échelon fédéral, c’est le plus élevé de 10 p. 100 ou de 1 $ le gramme, et on va ajouter plus tard une portion provinciale. Admettons que c’est le même chiffre, disons 10 p. 100 puis 1 p. 100. Cela veut dire qu’on est rendu à des taxes de 2 $ le gramme et de 20 p. 100. N’est-ce pas?

M. Coulombe : Non. À l’heure actuelle, nous avons un taux de 2,5 p. 100 ad valorem pour la portion fédérale, et à ces 2,5 p. 100, avec les ententes conclues, il y a 7,5 p. 100 de droits additionnels qui amènera le fardeau de taxation à 10 p. 100 au niveau du dollar le gramme. Présentement, si vous regardez les taux fixes, on parle de 25 cents le gramme. À cela, s’ajouteront 75 cents le gramme.

Le sénateur Massicotte : Cette entente avec les provinces est déjà établie. Toutes les provinces acceptent que leur portion soit de 75 p. 100 de 1 $.

M. Coulombe : Ce partage a été avalisé en principe aux réunions des ministères des Finances, et les fonctionnaires finalisent avec les ministres les ententes finales.

Le sénateur Massicotte : Est-ce que les 25 p. 100 font aussi partie de cette entente?

M. Coulombe : C’est la composante majeure de l’entente.

Le sénateur Massicotte : Hier soir ou avant-hier, à Radio-Canada, il y avait un tableau indiquant le prix de la marijuana à travers le Canada, soit de 6 $ à 7 $. La crainte que nous avons tous, c’est qu’il faut concurrencer avec le marché noir qui est très concurrentiel et très efficace. Il pourrait progresser et essayer de vendre son produit moins cher que le vôtre.

Y a-t-il une flexibilité à ces tarifs, si le producteur invoquait l’argument suivant : « Je ne peux pas concurrencer, compte tenu des taxes et de mes frais d’administration, et mon prix est de 10 $. À 10 $, je suis désolé, mais il ne fonctionne pas, votre marché. On va continuer avec le marché noir tel qu’il existe aujourd’hui.  » Que faites-vous dans de telles circonstances? Il y a une concurrence chaque jour, dans chaque ruelle.

M. Coulombe : Le taux de 10 p. 100, ce n’est pas un chiffre qui est tombé du ciel. L’an dernier, différentes analyses ont été faites. Les gens ont examiné quelles étaient les pressions fiscales dans certains États américains. On a essayé d’arriver à un montant qui permettait d’atteindre les objectifs de la légalisation, soit de retirer les profits des mains des criminels tout en protégeant les jeunes.

L’idée de l’entente avec les provinces également, au moins pour les deux premières années, c’est d’être en mesure de se rencontrer, d’être en constante collaboration avec elles pour veiller à ce que les règles de la légalisation, y compris en matière de fiscalité, soutiennent ces objectifs.

Je ne me sentirais pas à l’aise d’aller plus loin dans l’analyse des données qui sont rapportées dans les médias ces jours-ci. Ce sont des données qui seraient rapportées par les Canadiens en ligne. Elles sont fondées sur des sondages. Quelle sera exactement la relation entre les marchés licites et illicites au cours des premières années? Le proche avenir nous le dira. Il y a un ensemble de facteurs qui font en sorte que la part du marché légal du cannabis va augmenter au fil du temps.

[Traduction]

Shane, avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?

M. Baddeley : J’ajouterais que nous avons examiné au cours des derniers mois les différents taux d’imposition en vigueur aux États-Unis et les prix qui ont cours sur ces marchés. Ce que nous proposons ici, en combinant la taxe d’accise et la TPS, correspond à un taux similaire ou inférieur à ce que nous avons pu observer dans bon nombre d’États américains.

À titre d’exemple, le taux de taxation atteint 37 p. 100 dans l’État de Washington qui en est, je crois, à sa quatrième année de légalisation et qui réussit à s’accaparer de 75 p. 100 du marché total. Nous ne croyons pas nous écarter largement de la norme avec le niveau de taxation que nous proposons ici, mais comme Gervais l’a indiqué, nous allons collaborer de près avec les provinces pour nous en assurer.

[Français]

Le sénateur Massicotte : D’après l’expérience américaine, il y a des producteurs très efficaces, très organisés. Je présume que, avec le temps, ils deviendront de gros producteurs qui seront encore plus concurrentiels, qui vont permettre que le produit coûte moins cher, et tant mieux, dans un sens. Conséquemment, le prix du cannabis sera peut-être plus bas que prévu, ce qui va augmenter la demande. Cela va à l’encontre de l’objectif du gouvernement, parce qu’il y a un effet de l’offre et de la demande. Si le prix diminue à 4 $ ou 5 $, cela pourrait augmenter la consommation, parce que le prix est encore plus bas, mais cela va à l’encontre de l’objectif principal de la législation. Alors, qu’est-ce qu’on fait?

Ce qui me dérange, c’est votre imposition de 10 p. 100. C’est la législation qui nécessite encore une autre loi pour modifier une disposition. Or, le vrai marché bouge chaque jour et il est très compétitif. Il s’ajuste très vite. On aura besoin d’une autre loi, ce qui nous prendra plusieurs mois pour réagir au marché très concurrentiel.

[Traduction]

M. Baddeley : Quant à la possibilité que vous évoquez d’une éventuelle baisse des prix, je vous dirais que notre régime a été conçu pour être aussi souple que possible. Le montant de 1 $ sert en fait de plancher. Si les prix baissent trop, il y aura encore ce droit à payer pour dissuader en quelque sorte toute augmentation de la consommation. Par ailleurs, comme vous le savez, les produits comestibles seront probablement légalisés d’ici un an, ce qui va amener une valeur ajoutée. C’est pourquoi nous avons prévu le taux de 10 p. 100 pour le cas où le prix dépasserait 10 $ le gramme.

Le régime a donc été pensé de manière à laisser une marge de manoeuvre suffisante pour s’adapter à la fluctuation des prix dans la mesure où nous pouvons la prédire, mais il y a tout de même beaucoup d’incertitude quant à ce que l’avenir nous réserve.

Le sénateur Massicotte : Je suis d’accord. C’est très difficile à prévoir d’autant plus que vous allez faire face à une concurrence fortement motivée et très bien organisée, il ne faut pas l’oublier.

[Français]

M. Coulombe : Si je peux me le permettre, sénateur Massicotte, le marché illicite de l’alcool au Canada, malgré les prix très élevés du vin, des spiritueux et tout, est très négligeable. Pourquoi? Parce que les consommateurs recherchent une certaine garantie, et le régime mis en place à l’heure actuelle par nos collègues de Santé Canada permettra d’assurer un contrôle de la qualité, comme l’absence de moisissures et de champignons dans les produits finaux livrés.

Il est fort probable qu’une partie des consommateurs se sente plus à l’aise de se procurer des produits légaux que des produits illicites dont on ne connaît pas la composition. On pourrait vous montrer des analyses sur le tabac illicite, entre autres, dans lequel on trouve un peu de tout, et c’est la même chose pour l’alcool frelaté. On peut s’attendre à ce qu’il y ait une normalisation des produits qui fera en sorte qu’une certaine partie de la consommation va se faire... J’espère qu’une grande partie de la consommation va se faire de façon légale.

La sénatrice Moncion : J’ai une question complémentaire à celle du sénateur Massicotte. Il y a une comparaison avec les 37 p. 100 aux États-Unis. Aux États-Unis, à 37 p. 100, ils ne partagent pas les revenus entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des États, alors que pour nous, il sera à 1 $ ou à 10 p. 100, et on doit partager les revenus entre le gouvernement fédéral et les provinces. Le gouvernement fédéral collecte 25 p. 100, et les provinces, 75 p. 100, alors qu’aux États-Unis, c’est 37 p. 100.

Le sénateur Massicotte : Plus la TVH et la TVQ.

M. Coulombe : L’analyse qu’on a mentionnée incluait toutes ces charges fiscales. La comparaison faite est sur l’ensemble de la charge fiscale au Canada avec les provinces, par rapport à certains États américains qui ont fait l’exercice.

La sénatrice Moncion : Le groupe de travail qui a fait l’analyse sur toutes les composantes de la légalisation du cannabis a mentionné un prix qui devrait être inférieur. Il me semble que c’était moins de 8,50 $. Or, vous arrivez à 10 $, ce qui est plus élevé que ce qui a été recommandé.

M. Coulombe : Le tarif de 10 $, sénatrice Moncion, n’est pas le prix recommandé. On devait tout simplement établir un certain montant à partir duquel un produit commençait à être assujetti au taux ad valorem, à la production, par rapport au taux fixe. C’est surtout pour les huiles et des produits concentrés faits à partir de plusieurs sous-produits.

Il n’y a pas nécessairement de corrélation directe entre ce seuil, à partir duquel le taux ad valorem commence à s’appliquer, et le prix moyen de production ou le prix moyen de vente. On devait établir un seuil, il a été établi à 10 $. Pour l’instant, on ira de l’avant avec ce prix.

[Traduction]

La sénatrice Andreychuk : À la lumière de ce que l’on peut entendre, il faut conclure que nous ne savons pas vraiment comment les choses vont tourner au Canada. Nous nous posons différentes questions. Est-ce que ce sera comme le tabac? Comme l’alcool? Comme le Colorado? Il est possible qu’aucun de ces scénarios ne convienne. Le Colorado est un État où tout est rapproché. Les distances ne sont pas du tout les mêmes qu’au Canada.

Je pense que la Saskatchewan a eu raison de ne pas inclure ces revenus dans son budget, pas plus que les dépenses d’ailleurs. Il est simplement impossible de savoir à quoi s’en tenir. J’ai l’impression que nous devrions tous adopter la même approche, car nous n’avons aucune idée de l’ampleur que cela prendra. Ne vaudrait-il pas mieux avouer que l’on fixe les taux à un certain niveau en espérant que cela fonctionne, mais qu’il nous faudra revoir le tout pour apporter les correctifs que l’avenir nous dictera?

Il n’y a pas de données empiriques nous permettant de savoir ce qui fonctionnera ou non. Je ne sais pas où on a pris le montant de 8 $ ou de 10 $. J’ai certains indices ou éléments de comparaison, mais je ne pense pas qu’ils soient vraiment utiles. Ils nous apprennent certaines choses, mais ils ne correspondent à la situation au Canada. J’essaie d’éviter de faire intervenir les sentiments.

M. Baddeley : Je crois effectivement qu’il y a beaucoup d’incertitude quant au prix, mais nous avons une bonne idée de ce que sera la demande. Nous ignorons toutefois encore quelle proportion de la demande totale pourra être absorbée par le marché légal. Il y a donc un lien avec le prix. D’après ce que nous avons pu observer dans d’autres pays et États qui ont vécu des situations similaires, nous estimons que nous n’allons pas nous accaparer de la totalité du marché dès le départ. Nous allons plutôt nous emparer lentement et progressivement de parts de marché de plus en plus grandes. Nous avons ainsi été très prudents dans nos estimations quant à la part de marché à laquelle nous pouvons raisonnablement nous attendre au départ, par rapport à celle qui nous reviendra quelques années plus tard.

M. Coulombe : Ce « nous » inclut nos collègues de Santé Canada, qui sont chargés de déterminer quelle proportion du marché représenteront les ventes légales. Les chiffres indiqués dans le budget sont fondés sur des hypothèses auxquelles en sont arrivés les deux ministères après une analyse approfondie. C’est un défi très intéressant. Est-ce que les hypothèses échafaudées ainsi que les chiffres et les autres considérations qui en découlent sont tout à fait exacts? J’espère bien que oui — non, je plaisante.

Quoi qu’il en soit, nous avons fait de notre mieux. Les propositions approuvées par le Cabinet et soumises au ministre des Finances nous procureraient l’un des régimes les plus rigoureux que vous puissiez trouver parmi les pays et les États qui ont légalisé le cannabis au cours des dernières années.

La sénatrice Andreychuk : Est-ce la meilleure estimation que vous puissiez faire pour l’instant?

M. Coulombe : Tout à fait.

La sénatrice Andreychuk : J’ai peur que ce soit un peu comme l’alcool dont la vente a été interdite avant d’être autorisée. Tout dépend des heures où on peut obtenir le produit, de sa qualité, des quantités accessibles et des emplacements de vente. Ce sont autant de variables à considérer. Je me demande non seulement si vous avez estimé correctement les revenus, mais également si vous avez mis de côté des fonds suffisants pour les dépenses liées à l’administration de la justice, plutôt que seulement à la santé. Vous dites en effet que les consommateurs actuels vont probablement passer du marché noir au marché légal. Nous ne savons toutefois pas s’il y aura augmentation de la consommation et si une nouvelle clientèle se développera. Nous ignorons aussi si les problèmes de santé seront les mêmes qu’actuellement. À mon sens, les questions à se poser ne concernent pas uniquement les revenus. Il faut se demander comment nous allons pouvoir composer avec les conséquences inattendues en plus de celles qui sont connues relativement à la conduite automobile, au comportement des enfants et à leur accès au produit. Si nous adoptons ce budget et le projet de loi en question, nous nous embarquons avec vous dans un périple vers l’inconnu.

J’essaie de vous tirer d’embarras. On vous a confié une tâche et vous vous en acquittez du mieux que vous pouvez, mais reste quand même que nous nageons dans l’inconnu.

M. Coulombe : Vos observations sortent légèrement du cadre de la partie 3. Je peux tout de même vous dire que vous trouverez à la page 200 du plan budgétaire, sous la rubrique « Taxation du cannabis, réglementation et protection du public », un bref résumé des mesures prises et des investissements consentis pour se préparer en vue de la légalisation. On a également prévu des sommes suffisantes pour s’attaquer aux problèmes qui pourraient se poser une fois le cannabis légalisé. J’estime donc que le gouvernement a adopté une approche exhaustive en essayant notamment de prévoir des fonds pour gérer les situations délicates qui sont susceptibles de se présenter.

La sénatrice Andreychuk : C’est simplement une préoccupation que je voulais exprimer. C’est bien beau d’avoir des revenus, mais il faut penser à en allouer une part suffisante au titre des enjeux qui pourraient selon moi devenir problématiques. Les générations à venir risquent en effet de devoir composer avec une nouvelle crise en matière de santé, de justice, de protection et de sécurité. Je voulais juste exprimer ces craintes officiellement.

Le président : J’ai moi-même une question pour nos témoins. Pouvez-vous m’expliquer comment les choses vont se dérouler exactement? Du producteur jusqu’au consommateur, en passant par le distributeur, à quelles étapes les taxes vont s’appliquer?

M. Coulombe : Le cadre proposé qui est soumis à votre examen s’appliquerait à l’étape de la production.

Le président : Dites-moi comment cela va fonctionner. Supposons que je sois producteur et que je vende mon cannabis à 8 $. À quelle étape les taxes à payer vont intervenir dans ce processus qui va amener le produit jusqu’au consommateur dans son salon? Donnez-nous un exemple pour nous expliquer exactement qui paie quoi et à quel moment en application des mesures fiscales.

M. Coulombe : Supposons deux joints faisant moins de 0,5 gramme chacun qui sont vendus à 8 $ par le producteur. Suivant les règles proposées, et sachant qu’il y a une part additionnelle pour la province ou le territoire, un droit d’accise de 1 $ devrait être payé pour ces deux joints. Le prix transféré au niveau suivant de la chaîne de distribution serait donc de 9 $, en présumant que l’on veuille éponger ainsi la totalité du droit d’accise payé.

Ce qu’il advient par la suite, ceci dit très respectueusement, ne relève pas de notre compétence. Le produit est ensuite distribué et vendu au détail à l’échelle provinciale, en ajoutant bien sûr la TVP et la TPS.

Le président : Et le consommateur va payer des taxes sur les taxes?

M. Coulombe : Il est important de savoir que les droits d’accise sont généralement intégrés au prix des produits. C’est comme pour l’essence. Les 10 cents qui sont payés à l’étape de la production vont sans doute être refilés au consommateur à la pompe. D’un point de vue juridique, ces droits sont payés par les producteurs. On s’assure ainsi d’un certain prix à cette étape tout en limitant aux seuls producteurs l’obligation de payer ces droits. De cette façon, il y a un moins grand nombre de payeurs à gérer.

Le président : Honorables sénateurs, je veux vous rappeler avant de terminer que nous nous réunirons demain à 13 h 30, dans la pièce 160-S de l’édifice du Centre, pour examiner les sections de la partie 6 dont notre comité a été saisi.

Pour que les choses soient bien claires, sachez que sept autres comités étudient différentes portions du projet de loi C-74. J’aimerais d’ailleurs nommer aux fins du compte rendu ces comités qui ont reçu un ordre de renvoi semblable du Sénat du Canada. Il s’agit du Comité sur l’Arctique, du Comité des banques, du Comité des affaires étrangères et du commerce international, du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, du Comité de la sécurité nationale et de la défense, du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, et du Comité de l’agriculture et des forêts.

(La séance est levée.)

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