Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule no 69 - Témoignages du 5 juin 2018
OTTAWA, le mardi 5 juin 2018
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, se réunit aujourd’hui, à 9 h 2, en séance publique, pour étudier la teneur complète du projet de loi, et à huis clos, pour étudier une ébauche de rapport.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
Le président : Bienvenue à tous à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
[Traduction]
Je m’appelle Percy Mockler, je suis unsénateur du Nouveau-Brunswick et je suis président du comité. J’aimerais souhaiter la bienvenue à tous ceux qui sont présents ici dans la salle et à tous les Canadiens qui nous regardent, à la télévision ou en ligne. Je rappelle au public que les audiences du comité sont ouvertes au public et accessibles en ligne, sur le site sencanada.ca.
J’aimerais maintenant demander aux sénateurs de se présenter.
La sénatrice Jaffer : Mobina Jaffer, Colombie-Britannique.
[Français]
Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, Alberta.
La sénatrice Deacon : Marty Deacon, Ontario.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, Québec.
Le sénateur Day : Joseph Day, Nouveau-Brunswick.
[Français]
Le président : Je voudrais vous présenter également la greffière du comité, Mme Gaëtane Lemay, ainsi que nos deux analystes, Alex Smith et Sylvain Fleury, qui soutiennent ensemble les travaux du comité.
[Traduction]
Ce matin, nous complétons nos audiences sur la teneur du projet de loi C-74, c’est-à-dire la pré-étude du projet de loi avant qu’il ne soit transmis au Sénat par la Chambre des communes. Ce type de législation s’inscrit au coeur même du mandat du comité des finances nationales, qui lui a été confié par le Sénat du Canada.
Au cours de la première heure, ce matin, pour discuter du projet de loi C-74, Loi no 1 d’exécution du budget de 2018, nous recevons Bill Morneau, C.P., député et ministre des Finances, ministère des Finances Canada. Je vous remercie encore une fois de votre présence, monsieur le ministre. Chaque fois que nous vous demandons de comparaître devant le comité, vous nous dites oui.
L’honorable Bill Morneau, C.P., député, ministre des Finances : Je ne savais pas qu’il y avait une autre option.
Le président : Honorables sénateurs, le ministre est accompagné ce matin de M. Andrew Marsland, sous-ministre adjoint principal, Direction de la politique de l’impôt.
Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue, à vous et à votre équipe. Je sais que plusieurs autres de vos collaborateurs sont dans l’audience, prêts à venir, au besoin, répondre aux questions qui pourraient se poser.
Vous pouvez donc nous présenter notre déclaration d’ouverture, après quoi les sénateurs vous poseront des questions.
[Français]
Monsieur le ministre, je vous remercie encore une fois. La parole est à vous.
[Traduction]
M. Morneau : C’est pour moi un plaisir de comparaître de nouveau devant le comité au sujet de la loi d’exécution du budget.
Comme je l’ai dit quand j’ai déposé le budget à la Chambre, cette année, nous nous trouvons à doubler notre plan d’investir dans la classe moyenne et les personnes qui travaillent très fort pour joindre les deux bouts. C’est un plan financièrement responsable, qui mise sur l’égalité et la croissance, vise à renforcer et à élargir la classe moyenne et à prendre des mesures pour que les Canadiens soient plus nombreux à pouvoir contribuer à la prospérité du Canada et à profiter de ses succès.
[Français]
Parce qu’on peut bel et bien parler de succès. Depuis novembre 2015, plus de 600 000 emplois ont été créés au Canada, la plupart à temps plein. Le taux de chômage était près de son plus bas niveau en plus de 40 ans. Le Canada est à la tête des pays du G7 en ce qui a trait à la croissance économique depuis 2016. Ces chiffres sont impressionnants. L’économie canadienne va très bien, mais nous savons que nous pouvons faire encore mieux, et nous voulons faire encore mieux.
[Traduction]
Grâce à notre fort bilan de croissance économique, nous avons l’occasion et la responsabilité d’investir dans une croissance au service de tous. C’est ce que nous essayons de faire avec le budget de cette année.
Les mesures qu’il contient reflètent l’engagement continu de notre gouvernement à renforcer et à élargir la classe moyenne, en aidant concrètement les personnes qui travaillent fort et de manière responsable sur le plan financier.
J’aimerais prendre quelques minutes pour décrire quelques-unes des mesures contenues dans le budget de 2018 qui feront, selon nous, une véritable différence dans la vie des Canadiens.
[Français]
L’une des mesures importantes du budget de 2018 et du projet de loi C-74 est l’instauration de l’Allocation canadienne pour les travailleurs. C’est une version améliorée de la prestation fiscale pour le revenu de travail. Grâce à cette allocation, les travailleurs à faibles revenus auront plus d’argent dans leurs poches.
[Traduction]
La nouvelle allocation canadienne pour les travailleurs, ou ACT, permettra aux travailleurs à faible revenu de gagner plus d’argent quand ils travaillent, ce qui encouragera un plus grand nombre de personnes à se joindre à la population active et à demeurer sur le marché du travail. Pour vous donner une idée de ce que cela signifiera pour les Canadiens, un travailleur à faible revenu qui gagne 15 000 $ par année pourrait recevoir presque 500 $ de plus grâce à l’Allocation canadienne pour les travailleurs qu’il n’en aurait reçus avec l’ancienne prestation fiscale pour le revenu de travail.
[Français]
De plus, dès l’an prochain, le gouvernement apportera les changements nécessaires pour permettre à l’Agence du revenu du Canada de calculer la valeur de l’allocation, même pour les travailleurs qui ne l’ont pas demandée. Tous ceux qui ont droit à l’allocation la recevront en soumettant leur déclaration de revenus. La mesure ne fait pas partie de ce projet de loi de mise en œuvre du budget, mais je serai heureux de répondre à vos questions à ce sujet.
[Traduction]
En rendant cette allocation plus généreuse et en la versant automatiquement à toutes les personnes admissibles, nous aiderons à sortir environ 70 000 Canadiens de la pauvreté d’ici 2020. Au total, notre gouvernement investira presque 1 million de dollars en nouveaux fonds pour l’Allocation canadienne pour les travailleurs à compter de l’an prochain pour aider les travailleurs à faible revenu à se sortir la tête de l’eau et à la garder.
L’Allocation canadienne pour les travailleurs ne fait pas partie de la Loi d’exécution du budget, mais je me ferai un plaisir de répondre aux questions à son sujet.
Le budget de 2018 vient également renforcer l’Allocation canadienne pour enfants. Grâce à cette allocation, 9 familles canadiennes sur 10 reçoivent désormais de l’aide supplémentaire tous les mois afin de payer les choses importantes pour elles. Au Canada, presque 6 millions d’enfants bénéficient de ce programme. Concrètement, les familles ayant droit à la prestation reçoivent en moyenne environ 6 800 $ par année. Depuis sa création, en 2016, l’Allocation canadienne pour enfants a permis de sortir environ 300 000 enfants canadiens de la pauvreté.
La Loi d’exécution du budget viendra tabler sur ces succès en renforçant l’Allocation canadienne pour enfants grâce à une indexation permettant de l’ajuster au coût de la vie à compter de juillet. Je dois souligner que cette indexation survient presque deux ans plus tôt que prévu, grâce à la croissance de notre économie et à l’amélioration de la situation financière du gouvernement.
[Français]
L’indexation de l’Allocation canadienne pour enfants permettra aux familles canadiennes de recevoir plus de 5,5 milliards de dollars d’ici 2022-2023. L’Allocation canadienne pour enfants et l’Allocation canadienne pour les travailleurs sont deux exemples d’investissements intelligents et responsables qui permettent à ceux qui en ont le plus besoin d’avoir davantage d’argent.
Le projet de loi de mise en œuvre du budget permet également au gouvernement de tenir des promesses faites aux Canadiens, par exemple, la légalisation, la réglementation et la restriction de l’accès au cannabis pour le tenir à l’écart des jeunes et s’assurer que les criminels ne profitent pas de ce commerce. Le projet de loi C-74 établit donc le cadre fédéral de droit d’accise pour les produits de cannabis. Ce cadre entrera en vigueur lorsque la vente au détail du cannabis à des fins non médicales sera autorisée plus tard cette année.
[Traduction]
Je crois que le secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice et procureure générale du Canada et de la ministre de la Santé vous a déjà parlé des mesures contenues dans le projet de loi C-74 concernant la légalisation du cannabis. Je suis conscient de tout le travail réalisé dans ce dossier. Je souhaite également souligner le travail du Sénat, particulièrement pour la prise en compte des préoccupations autochtones.
Notre gouvernement continuera de travailler avec ses partenaires provinciaux, municipaux et autochtones afin de légaliser le cannabis de manière responsable et adaptée.
J’aimerais également remercier le comité de son travail sur la planification fiscale au moyen de sociétés privées, une question complexe que votre étude a grandement contribué à comprendre. Comme vous le savez peut-être, nous avons reçu beaucoup de commentaires sur nos propositions à cet égard, et nous en avons pris acte. La preuve en est que le projet de loi C-74 présente des mesures simplifiées afin de limiter le fractionnement du revenu des propriétaires de sociétés privées. Cela fera en sorte que les membres de la famille qui contribuent substantiellement aux affaires d’une entreprise ne soient pas touchés par les modifications apportées.
Nous limitons aussi le report de taxes des investissements passifs détenus dans une société privée en autorisant un seuil de revenu passif annuel de 50 000 $.
Cela correspond à des économies d’un million de dollars, selon un taux de rendement nominal de 5 p. 100, afin de donner aux propriétaires d’entreprise la marge de manoeuvre dont ils ont besoin afin de détenir des économies pour diverses utilisations.
[Français]
Les changements mis en oeuvre sont différents des propositions faites à l’origine par le gouvernement. Grâce à vos propositions et aux suggestions des Canadiens, nous pouvons aller de l’avant avec ces modifications tout en nous assurant que les propriétaires de sociétés privées sont en mesure de mettre de l’argent de côté pour gérer un congé de maternité ou de maladie, un départ à la retraite ou d’autres situations.
Enfin, monsieur le président, j’aimerais dire quelques mots sur l’engagement de notre gouvernement à offrir un plus grand soutien aux petites entreprises qui créent les emplois dont dépendent les Canadiens.
[Traduction]
Les petites entreprises créent de bons emplois et contribuent à aider les communautés et les familles partout au pays. En fait, elles génèrent environ 7 emplois sur 10 dans le secteur privé. Nous savons que des taux d’imposition bas et concurrentiels permettent aux entrepreneurs du Canada d’investir dans leurs entreprises et de créer de meilleurs emplois, mieux rémunérés. C’est la raison pour laquelle nous abaisserons le taux d’imposition des petites entreprises à 10 p. 100 à compter de janvier 2018, et nous prévoyons l’abaisser encore à 9 p. 100 à compter de janvier prochain.
Ainsi, à la même période l’an prochain, le taux moyen combiné d’imposition du revenu fédéral-provincial-territorial des petites entreprises sera de 12,2 p. 100, ce qui en fera le taux le plus bas au sein des pays du G7 et le troisième plus bas au sein des pays membres de l’OCDE.
Pour la petite entreprise moyenne, cela représentera une économie de 1 600 $ chaque année, qu’elle pourra réinvestir dans de nouveaux emplois, de nouveaux produits et du matériel.
Monsieur le président, les mesures contenues dans la LEB font foi de la volonté inaltérable du gouvernement d’accorder la priorité aux gens, de leur offrir l’aide dont ils ont besoin maintenant pour faire des investissements intelligents qui généreront de la croissance pendant les années à venir. Elles sont le reflet de l’engagement permanent du gouvernement à renforcer et à élargir la classe moyenne, et ce, de manière responsable sur le plan financier.
Sur ce, je suis tout disposé à répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur le ministre.
Honorables sénateurs, pour donner une chance égale à tous les sénateurs de poser des questions, je vous informe que chaque sénateur disposera de cinq minutes pour la question et la réponse du ministre.
La sénatrice Marshall : Je vous remercie d’être ici aujourd’hui, monsieur le ministre. Pouvez-vous nous parler des derniers développements sur le pipeline Trans Mountain et de l’entente conclue avec Kinder Morgan? Il n’y a rien dans le budget de cette année à cet égard, mais je m’attends à ce que cela génère des dépenses un moment donné.
J’aimerais particulièrement que vous me parliez du nouveau pipeline, celui dont l’évaluation se situe actuellement à environ 7 milliards de dollars.
M. Morneau : J’en serais ravi. Comme vous le savez, nous avons fédéralement approuvé le prolongement du pipeline Trans Mountain, et le gouvernement de la Colombie-Britannique y a donné son approbation provinciale après une évaluation environnementale rigoureuse et la mise en place de notre plan de protection des océans, pour que ce pipeline soit prolongé de manière respectueuse de l’environnement.
Nous avons décidé d’autoriser le prolongement du pipeline parce que nous craignions que le secteur privé ne puisse pas gérer les difficultés politiques qui se posent entre la Colombie-Britannique et l’Alberta.
La sénatrice Marshall : Avez-vous déjà décidé qui réalisera ce prolongement? Est-ce que ce sera le gouvernement lui-même ou est-ce que ce sera fait en sous-traitance? Qu’arrivera-t-il? Pour l’instant, je crois comprendre que Kinder Morgan poursuivra ses activités jusqu’à la signature d’un accord final avec le gouvernement, quelque part en août.
Que se passe-t-il en ce moment concernant ce prolongement?
M. Morneau : Nous avons signé une convention d’achat-vente.
La sénatrice Marshall : Il y a une convention?
M. Morneau : Oui.
La sénatrice Marshall : Déjà?
M. Morneau : Oui, pour l’achat des actifs du pipeline Trans Mountain et du prolongement Trans Mountain. Cette convention comprend évidemment des conditions, qui devront être remplies au cours des prochains mois. Nous nous attendons à ce que la transaction se conclue quelque part vers la fin de l’été.
Dans l’intervalle, nous avons également pris entente nous garantissant que le travail nécessaire pour permettre la réalisation du projet commence immédiatement.
La sénatrice Marshall : Vous voulez parler du prolongement?
M. Morneau : Je parle des travaux de prolongement qui auront lieu cet été. Ces travaux se poursuivront cet été.
Nous avons déjà assuré la reprise des travaux pour que le projet avance. Ces travaux sont garantis grâce au filet de sécurité fédéral parce que nous voulons qu’ils avancent pendant que nous terminons la vente.
La sénatrice Marshall : C’est là où la garantie entre en jeu. J’ai lu qu’il y a une garantie. On ne semble toujours pas savoir exactement ce qu’elle couvre. Qu’est-ce qu’on garantit à Kinder Morgan?
M. Morneau : Pendant la période où nous finalisons l’achat et la vente, nous voulions nous assurer que les travaux se poursuivent. Nous devions pour cela nous assurer que ces travaux aient bel et bien lieu cet été. C’est la raison pour laquelle nous avons procédé ainsi.
La sénatrice Marshall : Vous les avez garantis. À la fin de l’été, rembourserez-vous Kinder Morgan?
M. Morneau : Non. Il est prévu à la convention que ces travaux continuent. C’est la solution que nous avons trouvée pour nous assurer que les travaux avancent et confirmer que nous assumerons la responsabilité du projet, comme nous en avons déjà convenu.
Pour ce qui est de la poursuite du projet à long terme, notre principal objectif est d’assurer son parachèvement. Cela demeurera toujours le but premier dans notre esprit. Nous avons l’intention de reconfier le pipeline et son prolongement au secteur privé en temps et lieu.
La sénatrice Marshall : Avez-vous déjà une estimation des coûts du prolongement du pipeline? J’ai vu le chiffre de 7 milliards de dollars. Je crois qu’il date un peu. Avez-vous une évaluation plus récente, en dollars? Y a-t-il aussi une date approximative du parachèvement du projet?
M. Morneau : Pendant les négociations, bien sûr, nous avons fait preuve de toute la diligence voulue, tant pour ce qui est du pipeline existant que du projet de prolongement. Le chiffre que vous citez est le plus récent fourni par Kinder Morgan. Il n’a pas été mis à jour officiellement.
Bien sûr, nous avons fait preuve de toute la diligence voulue et avons envisagé divers scénarios. C’est le chiffre le plus récent dont nous disposons.
La sénatrice Marshall : Avez-vous une idée de la date de parachèvement?
M. Morneau : Encore une fois, nous avons examiné tous les éléments de la planification. Je pense que l’idée de base, c’est qu’on ne peut terminer un projet si l’on ne le commence pas, d’où notre exigence de le mettre en marche dès maintenant.
C’est la raison pour laquelle il était si important pour nous d’assurer la réalisation du projet en garantissant la reprise des travaux le 1er juin. C’est la date dont nous avons convenu. Bien sûr, si nous avons décidé d’une date, c’est parce que Kinder Morgan avait interrompu les travaux. En les relançant, nous augmentons la certitude entourant le projet.
La sénatrice Marshall : Très bien. Quelle est la somme garantie par le gouvernement? Y a-t-il une limite financière ou est-elle infinie?
M. Morneau : La garantie porte sur la construction cette saison-ci seulement.
La sénatrice Marshall : Quelle que soit la somme.
M. Morneau : La période visée va bien sûr du 1er juin à la fermeture des travaux. Je n’ai pas le chiffre exact en tête, mais il est relativement modeste.
La sénatrice Marshall : Devrons-nous attendre de recevoir les comptes publics de l’an prochain pour découvrir quel est le montant de cette garantie ou sera-t-il publié avant?
M. Morneau : Je ne suis pas certain qu’il sera déclaré de cette façon. On parle ici de la poursuite des travaux. Je crois que ce qui va se passer, c’est qu’il s’agira d’une organisation séparée. Ce montant sera inclus dans le bilan des profits et des pertes associés aux travaux réalisés pendant cette période.
Le président : Merci, sénatrice. Vos cinq minutes sont écoulées.
Le sénateur Pratte : Concernant le projet de loi C-74, monsieur le ministre, comme vous le savez, beaucoup de comités sénatoriaux ont participé à sa pré-étude. Plusieurs témoins ont comparu devant le Comité des banques, qui a lui aussi participé à cette pré-étude, et ils ont exprimé des inquiétudes à l’égard de l’information échangée par les banques avec les entreprises de technologies financières.
En réalité, la Loi sur la protection des renseignements personnels et des documents électroniques s’y appliquera, mais bien des personnes ne se sentent pas rassurées pour autant. J’aimerais savoir si vous êtes sensibles à ces préoccupations, aux problèmes de l’échange d’information par les banques avec les entreprises de technologies financières, et si vous avez l’intention d’y remédier d’une quelconque façon. Le commissaire à la protection de la vie privée a exprimé les mêmes inquiétudes.
M. Morneau : Il faut toujours être sensible aux préoccupations des Canadiens sur la confidentialité de leurs renseignements personnels. Cela demeurera une question importante.
En essayant de permettre au secteur bancaire de travailler davantage avec les sociétés de technologies financières, nous voulions, d’une part, reconnaître l’importance fondamentale de systèmes efficaces dans le secteur bancaire et de l’innovation dans leur développement. Il s’agit véritablement de reconnaître que leur façon d’établir ce genre de système change et de leur permettre d’acquérir des sociétés de technologies financières.
Il n’y avait rien et il n’y a toujours rien dans ces propositions qui change en quoi que ce soit la protection des données. Cette mesure ne modifie en rien les règles sur la protection des données. La protection des données des Canadiens demeure tout aussi stricte qu’avant l’entrée en vigueur de la loi. Comme vous l’avez mentionné, cela ne change absolument en rien la réglementation associée à la LPRPDE sur la sécurité des données et des renseignements des Canadiens.
Je comprends l’angoisse que suscite la protection des données et je reconnais que nous devrons demeurer vigilants. Cela n’a toutefois rien à voir avec cette mesure, puisqu’elle ne change rien à la sécurité des données.
Le sénateur Pratte : Des préoccupations ont également été exprimées à l’égard des articles 222 et 223, qui modifient la Loi sur la monnaie et l’utilisation qu’on peut faire des sommes contenues dans le Compte du fonds des changes. D’après ce que je comprends — et c’est très technique, donc ma compréhension est limitée —, ce fonds sera intégré à ce qu’on appelle le plan de liquidité prudentielle du gouvernement, qui sera utilisé, par exemple, si les marchés sont perturbés et que le gouvernement a besoin de liquidités parce qu’il ne peut avoir accès à certains marchés. Le but de la modification, c’est que le gouvernement puisse utiliser les fonds du Compte du fonds des changes. Certaines personnes se disent inquiètes parce que libellé de la modification est très général et que le gouvernement pourrait peut-être utiliser cet argent différemment, notamment pour équilibrer son budget.
Y a-t-il quoi que ce soit dans la loi actuelle ou dans la modification qui interdirait l’utilisation des fonds à cette fin?
M. Morneau : C’est une question très technique, donc je demanderai à une personne qualifiée d’y répondre.
Le président : Auriez-vous l’obligeance de vous présenter, s’il vous plaît?
Leah Anderson, sous-ministre adjointe, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Certainement. Je m’appelle Leah Anderson. Je suis sous-ministre adjointe, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada.
Le but de cette modification est purement technique; elle vise à clarifier que ces fonds ne servent pas exclusivement à faciliter les interventions sur le marché des changes pour garantir la sécurité du taux de change. C’est l’un des objectifs du Compte du fonds des changes, mais il vise aussi à gérer les liquidités dans le bilan du gouvernement. Ainsi, si nous avions besoin d’emprunter en situation d’urgence, en cas de crise financière, par exemple, cela viendrait ajouter au fonds que nous avons en réserve pour les jours les plus sombres, et nous en avons, mais cette modification ne fait que clarifier les dispositions existantes.
Le président : Merci. Sénateur Pratte, nous devons poursuivre.
[Français]
La sénatrice Moncion : J’aimerais revenir à la question du sénateur Pratte au sujet des données personnelles. Quand une institution financière conclut une entente avec Equifax, par exemple, à qui appartiennent les données? C’est l’une des questions soulevées par le commissaire à la protection de la vie privée.
M. Morneau : Vous voulez dire en ce moment?
La sénatrice Moncion : Oui.
M. Morneau : Aucun changement n’a été apporté au système dans les mesures budgétaires pour ce qui est de l’information personnelle. Si des questions surviennent sur le fonctionnement actuel, on pourra y répondre.
Annette Ryan, sous-ministre adjointe déléguée, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : La responsabilité de la protection des données incombe à l’institution et est gérée en vertu d’accords signés avec les consommateurs. Ce genre de contrat régit le contrôle des données.
La sénatrice Moncion : Merci.
[Traduction]
Le président : Sénatrice Moncion, attendez une seconde.
Auriez-vous l’obligeance de vous présenter?
Mme Ryan : Absolument. Je m’appelle Annette Ryan. Je suis sous-ministre adjointe déléguée à la Direction de la politique du secteur financier, au ministère des Finances Canada.
[Français]
La sénatrice Moncion : Ma question touche les personnes âgées de 18 à 25 ans en ce qui a trait aux nouvelles mesures sur l’impôt. Il y a beaucoup d’incertitude quant aux règles sur le partage du revenu. Les règles d’application ne sont pas claires. L’ARC aura sans doute un rôle très arbitraire à jouer dans l’application de ces règles.
Pourriez-vous nous indiquer l’intérêt que vous auriez à modifier la règle pour la rendre applicable après l’âge de 25 ans?
M. Morneau : À notre avis, il est important d’avoir des règles qui fonctionnent et qui sont bien comprises. Il est nécessaire que des règles soient mises en place de sorte qu’une famille puisse inclure les enfants et le conjoint dans son entreprise. Les règles sont maintenant très claires. Si quelqu’un travaille pour l’entreprise plus de 20 heures par semaine, on considère que cette personne est vraiment impliquée dans les affaires de l’entreprise. Il est alors possible de partager le revenu. Si une personne investit un montant d’argent dans l’entreprise, il en va de même. Les règles sont claires. On a choisi l’âge de 25 ans afin que la règle soit bien comprise.
Il est toujours possible d’expliquer aux agents de Revenu Canada que, dans une situation spécifique, il serait préférable de partager les revenus. Il y a des règles, donc les gens pourraient s’assurer que la situation ne pose aucun problème. Si la situation était différente, ils pourraient contacter les agents de Revenu Canada pour vérifier s’il serait possible de partager leurs revenus, en tenant compte de leur situation spécifique.
La sénatrice Moncion : Avez-vous considéré l’indexation en ce qui concerne les revenus passifs?
M. Morneau : Nous avons pris en considération qu’il était nécessaire d’avoir une règle facile à administrer. Donc, nous avons choisi le niveau d’environ 1 million qui diminuera jusqu’à 3 millions. Les chiffres sont clairs, et c’est pour cette raison que nous les avons choisis.
C’est la même chose avec les autres règles, telle la règle des capitaux de 10 millions de dollars. Les règles sont claires et, de cette façon, il est plus facile de gérer une entreprise.
La sénatrice Moncion : Donc, il n’y a pas d’indexation.
M. Morneau : Non.
La sénatrice Moncion : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Jaffer : Merci, monsieur le ministre et monsieur Marsland d’être ici. Nous vous sommes reconnaissants de vous être libérés pour nous.
J’ai une question générale à vous poser sur l’analyse comparative entre les sexes. Je sais que c’est une grande partie de votre travail : vous effectuez une analyse comparative entre les sexes. Ce qui me pose problème, c’est que nous ne savons pas ce que vous avez fait; nous devons seulement accepter que vous l’avez fait, et nous l’acceptons, bien sûr. J’aimerais simplement savoir s’il y aurait moyen... Dans certains pays, notamment dans les pays scandinaves, il y a une analyse comparative entre les sexes obligatoire dans le cas d’un projet pilote, il faut indiquer quand elle a été réalisée et quelle différence elle a faite. Je m’intéresse non seulement à l’analyse comparative entre les sexes, mais aussi à l’analyse plus, qui inclut, par exemple, les membres des communautés LGBTQ2, des minorités et des minorités visibles.
M. Morneau : Je voulais simplement comprendre en profondeur ce que nous avons publié et ce que nous avions l’intention de publier. Comme vous l’avez dit, c’est un enjeu important pour notre gouvernement. Nous voulons nous assurer de prendre toutes les mesures nécessaires pour avoir un effet positif et adéquat sur tous les segments de la société. Plus particulièrement, nous voulons tenir compte de la façon la plus appropriée de faire augmenter la participation au marché du travail parmi les groupes qui n’y sont pas aussi bien représentés et d’améliorer les résultats de ceux qui n’ont pas de résultats tellement positifs jusqu’ici.
Nous commençons par les femmes, parce qu’elles constituent la moitié de la population. Nous constatons qu’elles participent moins au marché du travail, qu’elles ont moins de résultats et qu’elles n’ont pas nécessairement accès à un salaire égal à travail égal, par exemple.
Nous avons travaillé très fort pour améliorer nos outils d’analyse. Ainsi, nous nous sommes améliorés depuis notre première analyse réalisée en vue du budget de 2016. Aujourd’hui, j’estime que les ressources de nos ministères se sont énormément enrichies pour effectuer ce genre d’analyse. Nous avons présenté une description de ce que nous faisons, mais nous présenterons notre analyse plus en détail l’an prochain. Plus nous nous améliorons, plus nous essaierons de faire connaître nos pratiques.
Vous avez raison de dire que certains pays en divulguent davantage que nous le faisons au sujet de leurs analyses. Bien évidemment, il y en a beaucoup d’autres qui ne font absolument rien à ce chapitre. Certains ont l’avantage de se prêter à l’exercice depuis plus longtemps que nous, ce qui leur a permis d’acquérir une plus grande expertise. Nous nous efforçons d’être de plus en plus transparents, année après année. Comme vous l’indiquiez, il ne s’agit pas seulement de s’intéresser au sort des femmes, mais d’analyser également la situation d’autres groupes dont les conditions économiques sont semblables.
C’est l’objectif visé. Nous voulons chaque année accroître notre transparence ainsi que notre efficacité. Il va de soi que je tiens à ce que nous soyons aussi transparents que possible de telle sorte que les gens comprennent bien ce que nous faisons.
La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, je vous suis reconnaissante pour ce travail que vous accomplissez. Je ne vous demande pas de prendre un engagement aujourd’hui, car je sais que vous devez réfléchir à la question. Je souhaiterais que vous envisagiez la production d’un rapport bilan nous indiquant dans quelle mesure vos efforts ont porté fruit. Je suis persuadée que vous mettez en oeuvre toutes les politiques applicables, mais nous n’avons pas vraiment le moyen d’en être assurés. Un tel rapport nous permettrait d’en avoir le coeur net.
Ma deuxième question porte sur la répartition du revenu. Les témoins que nous avons entendus lors de nos déplacements et ici même à Ottawa nous ont parlé de l’incidence de la répartition du revenu sur les femmes. Avez-vous mené une analyse sexospécifique à ce sujet? D’après ce que je puis entendre, il est surtout problématique de savoir comment consigner les heures pour déterminer si l’on atteint le seuil de 20 ou 25. Si vous me répondez de poser la question aux gens de l’Agence du revenu du Canada, l’ARC, je vous proposerai très respectueusement d’essayer un bon jour de les joindre par téléphone. Vous êtes mieux de vous armer de patience, car c’est presque chose impossible.
Monsieur le ministre, je veux que ce soit bien clair. Je suis moi-même agricultrice. De nombreux agriculteurs me disent qu’il est impossible de déterminer le nombre d’heures consacrées à la ferme. Ils craignent qu’un agent de l’ARC se présente dans trois ans d’ici pour leur dire qu’ils n’ont pas fait les choses comme il se doit. Il n’y a aucune ligne directrice quant à la façon de consigner les heures. Comment doit-on s’y prendre? J’aimerais que vous puissiez nous dire ce qu’il en est dès maintenant ou nous communiquer une réponse ultérieurement.
M. Morneau : L’administration du régime fiscal exige toujours la mise en place de règles qui, nous l’espérons, sont aussi claires que possible. Des groupes de tout le pays nous ont dit que les règles que nous avons instaurées sont nettement plus simples que les précédentes. Je sais bien que certains ne seront jamais à l’aise avec quelque règle que ce soit, mais nous croyons que les choses sont suffisamment claires pour ce secteur où les gens travaillent extrêmement fort. Pour eux, 20 heures c’est presque l’équivalent d’une journée de congé. Nous ne croyons pas que cela puisse poser des difficultés importantes. Nous allons tout de même prêter une oreille attentive aux préoccupations de ces groupes afin de nous assurer d’en tenir compte pour la suite des choses.
La sénatrice Jaffer : Merci, monsieur le ministre.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup, monsieur le ministre, de votre présence aujourd’hui.
Des témoins nous ont dit qu’ils jugeaient inéquitable le nouveau droit d’accise sur le cannabis thérapeutique pour les Canadiens vulnérables qui doivent en consommer pour gérer leurs douleurs et autres malaises chroniques. Ce projet de loi prévoit un droit d’accise d’un dollar le gramme qui vient s’ajouter à la facture de ces nombreux patients qui disent ne pas avoir les moyens de se procurer ce cannabis qui, contrairement aux autres médicaments, est assujetti à la taxe de vente. On ajoute un 10 p. 100 supplémentaire à ce que ces malades doivent déjà payer. Pourquoi voulez-vous imposer une nouvelle taxe à ces Canadiens qui ont des problèmes de santé?
M. Morneau : C’est une préoccupation que nous avons effectivement entendue. Il y a différentes solutions possibles dans ce contexte. Il y en a deux qui viennent tout de suite à l’esprit. Premièrement, le cannabis à faible teneur en THC n’est pas assujetti à la taxe de vente. Deuxièmement, si un produit dérivé du cannabis obtient un numéro d’identification du médicament et s’il est clairement démontré qu’il est nécessaire à des fins thérapeutiques, il y aura également exemption de taxe. Nous avons actuellement des gens qui font le nécessaire pour qu’il en soit ainsi.
Par ailleurs, nous offrons également un crédit d’impôt pour frais médicaux, et je vais demander à Andrew de vous fournir quelques précisions à ce sujet.
Andrew Marsland, sous-ministre adjoint principal, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Le crédit d’impôt pour frais médicaux est accessible aux gens qui doivent payer pour leurs médicaments des sommes dépassant un certain montant préétabli ou 3 p. 100 de leur revenu imposable. Le crédit s’applique à un taux de 15 p. 100 et est assorti d’une mesure équivalente à l’échelle des provinces pour aider à éponger le coût des médicaments d’ordonnance. Le cannabis thérapeutique est admissible dans le cadre de ce crédit d’impôt.
La sénatrice Seidman : Monsieur le ministre, j’aimerais revenir aux deux solutions que vous avez avancées qui exigent notamment l’obtention d’un numéro d’identification du médicament. Je me demande où cela s’inscrit exactement dans le processus, car bien des gens nous ont dit que tout cela était fort complexe.
M. Marsland : Il y a actuellement un médicament d’ordonnance dérivé du cannabis qui s’est vu attribuer un numéro d’identification. Je crois qu’il y en a plusieurs pour lesquels le processus est en cours, mais je ne sais pas combien exactement. Il s’agit, bien sûr, d’un mécanisme très rigoureux. Le gouvernement s’est engagé à trouver des moyens d’accélérer ce processus d’approbation tout en maintenant la rigueur des tests effectués. C’est ce que je peux vous dire à ce sujet.
La sénatrice Seidman : Tous ces éléments complexes doivent s’emboîter. Je reviens toutefois à la question initiale. Il y a toutes sortes de mécanismes régulateurs dans le système en place. On nous a dit que les choses pourraient se compliquer si certains en viennent à consommer du cannabis thérapeutique à des fins récréatives. Cependant, les mécanismes régulateurs existants nous assurent notamment que les médecins doivent établir une ordonnance comme ils le font pour les autres médicaments. Pourquoi ne fonctionnerait-on pas simplement de cette manière?
M. Morneau : Je peux comprendre que les gens puissent percevoir les choses de différentes manières. Les ordonnances sont établies au titre de médicaments nécessaires d’un point de vue thérapeutique qui détiennent un numéro d’identification. C’est ainsi que nous en sommes arrivés à la conclusion qu’il fallait exiger un numéro d’identification du médicament pour que cette exemption puisse s’appliquer.
Il est bien évident que nous voulons protéger l’intégrité de notre régime fiscal en veillant à traiter ceux qui consomment du cannabis à des fins récréatives différemment de ceux qui en ont besoin pour des raisons de santé. Si l’objectif est effectivement thérapeutique, on présume qu’un numéro d’identification du médicament pourra être obtenu.
Je suis conscient que la mise en œuvre d’un nouveau système entraînera des changements qui causeront des difficultés à certaines personnes. Nous essayons d’élaborer une approche qui tiendra compte de leur situation actuelle tout en reconnaissant la nouvelle réalité d’un cannabis en vente libre qui deviendra une source de revenu pour certains.
Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur le ministre. Vous savez sans doute qu’il y a eu du côté du Sénat certaines discussions au sein du comité de l’agriculture concernant l’application d’exemptions à l’égard de la tarification du carbone dans le secteur agricole. Je sais que cette mesure est justifiée à différents égards, et je m’en réjouis. Premièrement, le modèle mis en place en Colombie-Britannique a bien fonctionné. Deuxièmement, il y aura des fonds disponibles pour rembourser les agriculteurs si la province ou le fédéral juge bon de le faire. Troisièmement, il y a relativement peu d’endroits au pays où ce nouveau régime va s’appliquer, car la plupart des provinces et des territoires ont déjà des mesures en ce sens. Et je pourrais vous citer également d’autres justifications.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il y a exemption à l’égard de la tarification pour seulement certains des carburants utilisés dans l’industrie agricole?
M. Morneau : Il faut préciser d’entrée de jeu que nous avons prévu un filet de sécurité fédéral en matière de tarification du carbone en vue d’encourager les provinces à prendre en charge la mise en place d’une approche en la matière. Comme vous l’avez si bien indiqué, la grande majorité des Canadiens vivent déjà dans une province où il y a tarification du carbone. Vous savez que c’est le cas chez vous en Alberta. Il y a aussi la Colombie-Britannique, l’Ontario et le Québec. Une vaste majorité de Canadiens sont donc déjà assujettis à cette tarification.
Le filet de sécurité fédéral va servir uniquement dans les cas où il n’y a pas de régime provincial et territorial en vigueur. Il est possible que, dans certains endroits du pays, ce soit la meilleure façon de faire à long terme par souci d’efficience. Je sais par exemple que l’un des territoires du Nord envisage de s’en remettre pour de bon au régime fédéral.
Il est important de noter que nous ne croyons pas avoir à nous mêler de toutes les modalités de la mise en oeuvre d’un tel régime. C’est la raison pour laquelle nous remettons les revenus de la tarification aux provinces et aux territoires. Il reviendra donc à ces gouvernements de déterminer la manière dont ils comptent gérer ces fonds.
Nous avons convenu d’exempter d’une manière générale les éléments fondamentaux des secteurs de l’agriculture et des pêches, car nous estimons que c’est ce que les provinces voudront faire également. Si une province décide d’accorder des conditions encore plus avantageuses aux agriculteurs, ce sera son choix. Ce seront les provinces, et non pas le gouvernement fédéral, qui encaisseront les recettes. Nous allons laisser cet argent aux provinces et aux territoires.
J’espère que l’on pourra discuter comme il se doit de ces enjeux à l’échelon provincial et territorial.
Le sénateur Mitchell : Il a été bien sûr beaucoup question des effets de cette tarification sur l’économie. Selon les estimations du gouvernement, le déficit de croissance du PIB d’ici 2022 sera de 2 milliards de dollars, ce qui n’est pas grand-chose par rapport à un total de 2 billions de dollars. On n’a pas beaucoup tenu compte, tout au moins à ma connaissance, de l’effet de stimulation que cette mesure pourrait avoir sur la manière dont les entreprises sont gérées et la façon dont les gens composent avec ces pressions qui s’exercent. L’effet de stimulation de la croissance pourrait en fait être encore plus grand au sein d’une économie qui en a grandement besoin au XXIe siècle.
Je sais qu’il est difficile de se projeter dans l’avenir. On ne veut pas spéculer, car comment savoir exactement dans quelle mesure notre économie sera stimulée encore davantage par l’apport de toutes ces entreprises et personnes qui feront bon usage de leur créativité, de leur sens de l’innovation et des nouvelles technologies?
M. Morneau : Je crois qu’il y a deux façons de procéder à une modélisation. On peut d’abord le faire au niveau microéconomique, soit en considérant la situation dans chaque industrie. Nous pouvons aussi passer au niveau macroéconomique en analysant les perspectives générales de croissance. De nombreuses études ont été menées quant aux répercussions des incitatifs pouvant être offerts aux fins d’une approche fondée sur les technologies vertes dans les différents secteurs. Nous tenons bien évidemment compte de ces évaluations.
Du point de vue macroéconomique, nous procédons à des analyses plus générales nous permettant de nous faire une idée de la croissance économique à venir. Nous établissons ainsi nos budgets en fonction de ces estimations des niveaux de croissance.
Par ailleurs, il ne faut pas considérer uniquement les avantages au niveau sectoriel, mais aussi les difficultés qui nous attendent si nous ne faisons rien à ce chapitre. Les changements climatiques mettent en effet sérieusement en péril notre santé économique à long terme. Notre économie est donc menacée tout comme d’ailleurs notre situation financière, car nous devons composer avec toutes ces catastrophes climatiques qui se multiplient, comme nous ne le savons que trop bien.
Il y a des avantages possibles à agir, mais aussi des risques à craindre si nous ne faisons rien. Nous sommes d’avis qu’il ne faut pas laisser la prochaine génération se débrouiller avec ces risques qui pourraient fort bien s’aggraver. Nous devons plutôt agir de façon responsable en essayant de mieux gérer l’impact de nos activités.
Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, nous avions convenu avec le ministre que nous aurions une heure en sa compagnie. Il nous reste donc 10 minutes, avec quatre sénateurs qui ont des questions à lui poser.
Je vous prierais donc de passer directement à votre question.
La sénatrice Andreychuk : Monsieur le ministre, c’est toujours lorsque mon tour arrive que le président nous sert cette mise en garde. J’aimerais beaucoup discuter de la Saskatchewan et des autres moyens que l’on peut prendre pour lutter contre les changements climatiques, mais je vais devoir y renoncer.
Je veux revenir à la question de Kinder Morgan. Je ne sais pas trop quoi penser. Je connais la somme qui a été payée pour les actifs existants. Vous nous dites maintenant autre chose. Est-ce qu’une entente a été conclue d’ici à ce que vous déterminiez si vous allez vendre les actifs à une autre entreprise? Est-ce que vous avez confié à Kinder Morgan le mandat de construire l’oléoduc? Vous avez indiqué souhaiter que les travaux débutent dès maintenant.
Est-ce qu’un contrat a été établi pour préciser que l’entreprise va construire l’oléoduc, indiquer la manière dont elle va s’y prendre et à quel prix, et est-ce que cela explique en partie les primes versées à deux de ses cadres supérieurs? Est-ce que tout cela est prévu dans le cadre de la même entente? Pourrons-nous prendre connaissance de cette entente? À quel moment? Est-ce une entente ouverte?
M. Morneau : Nous avons acquis l’oléoduc existant ainsi que les investissements consentis dans le projet d’expansion de Trans Mountain. Comme c’est toujours le cas pour l’acquisition de ce genre d’actifs, il y a un délai entre l’établissement du contrat, qui remonte à la semaine dernière, et la conclusion officielle de l’entente. Il y a des approbations à obtenir et des modalités à suivre. Nous devons nous y conformer. Le vendeur, Kinder Morgan, doit soumettre la transaction à un vote de ses actionnaires. L’entreprise doit préparer une circulaire sollicitant des procurations de la part de ses actionnaires. Ce vote doit être tenu.
Ce délai peut varier selon la transaction. Dans ce cas particulier, nous nous attendons à ce qu’il soit d’environ trois mois. Je ne peux toutefois pas vous donner de date exacte.
C’est ainsi que nous voulons procéder. Nous achetons ces actifs. Nous allons les intégrer à une entreprise qui fonctionnera de façon similaire à celle qui existe actuellement. Nous nous attendons à pouvoir éventuellement revendre ces actifs à une entreprise privée. C’est la stratégie que nous avons adoptée.
Nous estimons important que les travaux débutent dès cette saison de telle sorte que l’oléoduc puisse être construit sans tarder. Comme cet objectif est crucial à nos yeux, nous avons dû prendre les arrangements nécessaires à cette fin, étant donné que nous ne serons propriétaires des actifs qu’une fois l’entente officiellement conclue.
Le vendeur n’a aucune raison d’entreprendre la construction, car il se départit de ces actifs. Nous lui avons toutefois indiqué que nous voulions qu’il le fasse. C’est la raison pour laquelle nous avons offert à l’entreprise la garantie qu’elle n’aurait aucun coût à éponger dans le cadre de ce mandat. Cela fait partie des modalités prévues pour l’acquisition de ces actifs.
C’est l’approche que nous avons retenue.
La sénatrice Andreychuk : Je veux parler des coûts et des échéanciers. Nous savons pour quelle raison ces actifs ont été acquis et nous connaissons les travaux à mener à terme. Nous savons aussi qu’il y a une période de transition pendant laquelle Kinder Morgan va poursuivre ses activités. J’aimerais savoir quels sont les coûts engagés par l’entreprise qui sont pris en charge par le gouvernement.
Vous allez ensuite créer une entreprise à cette fin. Tant qu’elle ne sera pas revendue, il sera important pour nous de connaître les coûts engagés pour cette entreprise dans l’éventualité de sa revente. En plus de la question des coûts, nous devons avoir l’assurance que le travail effectué sera de qualité et qu’il sera réalisé à un coût raisonnable et conformément aux normes en matière de sécurité.
Ce n’est pas d’hier que nous avons des pipelines au Canada, et nous savons qu’il ne s’agit pas seulement de les construire, mais aussi de s’assurer que cela se fasse en toute sécurité et avec un maximum d’efficience. Allez-vous éventuellement être en mesure de nous indiquer les coûts engagés?
M. Morneau : Nous avons l’intention de poursuivre ce projet en le gérant de la même manière qu’il a été géré jusqu’à maintenant. Le transfert des gestionnaires responsables des travaux est prévu dans la transaction. Nous avons convenu de poursuivre le travail avec toute la rigueur qui a déjà été démontrée, soit en respectant des normes très élevées et en satisfaisant aux 157 conditions établies dans le cadre du processus d’évaluation environnementale.
Quant aux perspectives d’ensemble, nous nous donnons la possibilité de prolonger l’oléoduc, un investissement qui va rapporter des dividendes. En garantissant que le projet sera bel et bien mené à terme, nous augmentons la valeur des actifs. Comme je l’ai déjà indiqué, nous avons pris toutes les mesures nécessaires pour nous assurer de non seulement tenir compte dans notre approche de la valeur actuelle de ces actifs, mais aussi de la bonifier par l’ajout de nouveaux éléments.
Le président : Merci, monsieur le ministre.
La sénatrice Andreychuk : Je n’ai pas eu de réponse à ma question. Je veux savoir qui est responsable. Qui assume les risques?
Le président : Merci. Monsieur le ministre, si vous avez des compléments d’information à nous transmettre à ce sujet, veuillez demander à vos collaborateurs de le faire par l’entremise de notre greffière.
La sénatrice Deacon : Merci de votre présence aujourd’hui. Nous encourageons toujours l’innovation et les idées nouvelles pour favoriser la croissance économique au Canada. Au cours des dernières semaines, nous avons entendu de nombreux témoins relativement au projet de loi C-74. Parmi les plus convaincants, il y avait des chefs d’entreprise et des représentants d’organisations nationales parlant au nom des petites entreprises. Il règne un sentiment d’inquiétude et d’urgence. On nous a présenté toutes sortes de graphiques, de chiffriers et de tableaux pour nous faire comprendre que certaines de ces entreprises — plutôt essentielles et risquant de ne pas être remplacées — doivent envisager de vendre leurs actifs à une plus grande entité nationale ou encore de déménager. Plusieurs témoins nous ont parlé de la possibilité de déménager leur entreprise aux États-Unis en nous expliquant clairement certains des avantages qu’ils entrevoient en pareil cas. D’autres songent à carrément fermer leurs portes. Il peut s’agir d’une entreprise agricole qui ne sera jamais remplacée.
Il y a toujours une crainte du changement. J’aimerais savoir ce que vous pensez de ces préoccupations qui nous ont été exprimées.
M. Morneau : Il est toujours important d’écouter les préoccupations des gens. Les faits ont cependant aussi leur importance. On ne devrait donc pas oublier que nous avons le plus bas taux d’imposition pour les petites entreprises parmi les pays du G7. Il est difficile de comprendre que quelqu’un puisse prétendre vouloir déménager sa petite entreprise aux États-Unis pour y trouver un taux d’imposition plus bas, alors que c’est tout à fait le contraire.
Les gens peuvent dire toutes sortes de choses, mais encore faut-il voir dans quelle mesure tout cela est fondé.
C’est la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Nous avons voulu mettre en place les conditions permettant de réinvestir suffisamment dans une petite entreprise grâce au taux d’imposition en vigueur, et c’est exactement ce qu’elles vont pouvoir faire. Nous ne voulons toutefois pas qu’elles puissent en profiter pour économiser des sommes trop considérables par rapport à ce que peuvent faire les entreprises plus grandes ou celles qui ne sont pas constituées en société privée.
Selon nos règles fiscales, une petite entreprise qui atteint une certaine taille devient assujettie au taux d’imposition des entreprises plus grandes. Je crois qu’il est important de souligner que ce dernier taux est également avantageux. Comme je l’ai indiqué dans mes observations préliminaires, notre taux d’imposition moyen pour les petites entreprises se situe à 12,2 p. 100, alors qu’il est d’environ 27 p. 100 pour les entreprises de plus grande taille.
Lorsque les profits annuels d’une entreprise atteignent un certain seuil — plus de 500 000 $ en profits annuels —, cette entreprise devient assujettie au taux d’imposition des grandes entreprises. Si l’entreprise dépasse 10 millions de dollars en capitaux, elle devient une grande entreprise. Ce que nous disons maintenant, c’est qu’une fois qu’elle dépasse un certain revenu de placements passifs, c’est-à-dire 150 000 $ en revenus de placements passifs, elle est assujettie au taux d’imposition des grandes entreprises.
Cela commence à 50 000 $ et va jusqu’à 150 000 $, ce qui signifie que lorsqu’une entreprise atteint environ 3 millions de dollars en revenus de placements passifs, elle est assujettie au taux d’imposition des grandes entreprises.
Certaines personnes n’aiment aucune forme d’imposition. Je comprends cela. Mais nous croyons que cela nous permet de générer le type d’activités que nous souhaitons générer, c’est-à-dire l’investissement dans les petites entreprises. C’est particulièrement important, car l’économie est dans une phase d’automatisation et de plus en plus de gens pourraient considérer que les petites entreprises offrent d’excellentes occasions d’emploi. Nous croyons donc que notre démarche est équilibrée.
Le président : Sénateur, nous devons poursuivre la réunion.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Étant donné qu’il faut être rapide, monsieur le ministre, je le serai. Je siège normalement au Comité de l’agriculture et des forêts, et beaucoup d’agriculteurs trouvent que la taxe sur le carbone réduit leur marge bénéficiaire et les rend moins concurrentiels vis-à-vis de leurs voisins des États-Unis, entre autres, de ceux qui sont aux frontières limitrophes. Vous avez mentionné que certains groupes sont exemptés de la taxe sur le carbone. Est-ce que c’est volontaire ou accidentel? Est-ce qu’avec le temps, votre gouvernement va tenter de corriger la situation?
M. Morneau : Je crois que vous venez du Québec?
Le sénateur Dagenais : Oui, effectivement.
M. Morneau : Donc, il n’y a aucun changement pour les gens du Québec. Notre approche est de trouver une solution pour les provinces ou les territoires qui déterminent qu’il est préférable pour eux de profiter du filet de sécurité fédéral. On ne parle que des provinces ou territoires qui sont dans cette situation. Ce n’est pas le cas du Québec. Nous avons décidé que, pour les fermiers, il y aurait une exemption. Donc, on commence avec cela.
Je sais qu’il y a des détails importants, mais s’il y a une situation spécifique dans une province qui décide d’adhérer au filet de sécurité fédéral, les provinces elles-mêmes pourraient offrir un rabais à leurs fermiers et agriculteurs. Je crois que nous avons trouvé une solution qui fonctionne pour la grande majorité des gens avec l’approche provinciale. Finalement, s’il y a quelque chose d’important pour les autres provinces, elles peuvent trouver une solution elles-mêmes pour leur situation.
Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le ministre.
[Traduction]
Le président : La dernière question, brève et précise, sera posée par la sénatrice Griffin.
La sénatrice Griffin : J’ai reçu mes ordres. Je vais vous dire d’où je viens. Je suis présidente du Comité permanent de l’agriculture et des forêts. Le sénateur Mitchell et le sénateur Dagenais ont déjà soulevé quelques bons points. L’exemption sur les coûts liés aux combustibles de chauffage et de refroidissement est très importante pour les agriculteurs; ils nous l’ont d’ailleurs souvent répété lors de leur comparution devant le comité. Ils ont également suggéré d’inclure expressément le propane et le gaz naturel dans la définition de « combustible agricole admissible ». Ce n’est pas une modification, mais ils ont demandé une définition précise de l’agriculture, afin qu’elle corresponde à la définition ordinaire des activités agricoles de la Loi de l’impôt sur le revenu et à celle de l’Agence du revenu du Canada. En effet, certains agriculteurs ne se reconnaissent pas dans cette définition, par exemple les producteurs de sirop d’érable, les producteurs de sapins de Noël, et cetera. Je vous encourage à faire cela.
Toutefois, le point que je tiens à soulever, c’est que je suis déçue — ma question arrive —, et je vais vous expliquer pourquoi je suis déçue. Il semble que vous poussez cela sur les provinces et que le Parlement accorde très peu d’importance aux enjeux agricoles. Au sein du Sénat, une ou deux personnes viennent d’un milieu agricole et presque personne ne vit sur une exploitation agricole maintenant.
Si le Sénat présentait ces modifications liées aux combustibles, les examineriez-vous sérieusement à la Chambre des communes?
M. Morneau : J’aimerais d’abord revenir sur deux ou trois choses que vous avez mentionnées. Les producteurs de sapins de Noël et de sirop d’érable sont inclus.
Deuxièmement, la définition d’agriculteurs de l’Agence du revenu du Canada correspond à ce dont nous parlons. Nous avons vérifié. Il n’y a aucune différence entre ces définitions.
Troisièmement, nous avons prévu une exemption pour les agriculteurs. Nous cherchons toujours un moyen de travailler adéquatement avec les provinces. Dans un cadre fédéral-provincial, nous devons trouver la meilleure façon de déterminer à qui reviennent les différentes responsabilités.
Nous avons accordé une vaste exemption, mais nous voulons veiller à ce que les provinces aient le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour gérer cela de la meilleure façon dans leur situation respective. Même dans le secteur agricole, les provinces sont différentes. En retournant les revenus aux provinces qui choisissent d’utiliser un filet de sécurité fédéral, nous permettons à chaque province de gérer sa situation potentiellement unique.
Nous croyons que cette vaste exemption pour les agriculteurs et les pêcheurs crée un équilibre qui nous permet d’avoir une approche globale adéquate, mais dans laquelle on reconnaît que la situation peut être différente dans chaque cas. Cette taxe ne nous fournit aucun revenu. Ce sera un revenu à l’échelle provinciale, car il sera retourné. Chaque province sera en mesure de juger ce qui est approprié dans sa situation.
Le président : Honorables sénateurs, avec l’indulgence du président, je dois vous communiquer que le ministre nous a accordé plus de temps que prévu.
Cela dit, honorable ministre, au nom des sénateurs, je vous remercie beaucoup de votre temps. Si vous souhaitez nous communiquer des renseignements supplémentaires, n’hésitez pas à le faire.
M. Morneau : J’ai également une responsabilité parlementaire. Je suis de service à la Chambre aujourd’hui.
Le président : Absolument. Nous vous remercions donc, monsieur le ministre. Mesdames et messieurs les sénateurs, nous allons suspendre la séance afin de nous réunir à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)