Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule no 69 - Témoignages du 7 juin 2018
OTTAWA, le jeudi 7 juin 2018
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 12 h 15, afin de poursuivre son étude du Budget principal des dépenses pour l’exercice se terminant le 31 mars 2019.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs et honorables sénatrices, bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
[Traduction]
Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, président du comité.
Je souhaite la bienvenue à toutes les personnes présentes dans la salle et à tous ceux qui nous regardent à la télévision ou en ligne. Je rappelle à nos auditeurs que les audiences du comité sont publiques et accessibles en ligne à sencanada.ca.
[Français]
Maintenant, je demanderais aux sénateurs de se présenter, en commençant par ma gauche, s’il vous plaît.
La sénatrice Jaffer : Mobina S. B. Jaffer, de la Colombie-Britannique. Bienvenue.
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Cools : Anne Cools, de Toronto, en Ontario.
[Français]
Le sénateur Day : Joseph A. Day, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l’Ontario.
La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.
[Français]
Le président : Aussi présents sont la greffière du comité, Mme Gaëtane Lemay, ainsi que nos deux analystes, Alex Smith et Shaowei Pu qui, ensemble, soutiennent les travaux de notre comité.
[Traduction]
Chers collègues, nous poursuivons aujourd’hui notre étude du Budget principal des dépenses du Canada pour l’exercice se terminant le 31 mars 2019.
Pour clore nos audiences sur le sujet et discuter de manière générale du Budget principal des dépenses de 2018-2019, nous avons invité à notre séance le président du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Nous accueillons donc le ministre Scott Brison.
Merci d’avoir accepté, comme toujours, notre invitation à nous faire part de vos observations et à discuter de vos points de vue.
[Français]
Accompagnant le ministre Brison, du Secrétariat du Conseil du Trésor, nous accueillons Mme Renée LaFontaine, dirigeante principale des finances et secrétaire adjointe, Direction des services ministériels, de même que Mme Marcia Santiago, directrice exécutive, Secteur de la gestion des dépenses.
[Traduction]
Monsieur le ministre, je vous remercie de la lettre que vous nous avez envoyée hier concernant l’application et l’utilisation du crédit d’exécution du budget, le crédit 40, intégré au Budget principal des dépenses de 2018-2019. L’information a été distribuée à tous les membres du comité, mais nous pourrions bien avoir d’autres questions à ce sujet à la réunion d’aujourd’hui.
Cela dit, monsieur le ministre, vous avez la parole pour nous présenter vos observations, et les sénateurs vous poseront ensuite des questions.
[Français]
Monsieur le ministre, vous avez la parole.
L’honorable Scott Brison, C.P., député, président du Conseil du Trésor : Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier le comité de m’avoir invité ici aujourd’hui pour parler du Budget principal des dépenses de l’exercice se terminant le 31 mars 2019.
[Traduction]
Mesdames et messieurs les sénateurs, je suis ravi de comparaître de nouveau devant votre comité. J’ai trouvé très civilisé de votre part de faire les présentations, mais le fait que j’ai appris à connaître pas mal chacun de vous au fil des ans montre que je traîne dans les parages depuis un certain temps. J’attire également l’attention sur le fort contingent de sénateurs du Canada atlantique au sein du comité, ce qui fait toujours plaisir à voir.
Mes collaborateurs ont été présentés, et ils sont ici pour me soutenir et appuyer votre travail aujourd’hui.
Je suis parlementaire depuis un peu plus de 21 ans, et j’ai siégé au Cabinet de deux premiers ministres différents pendant environ cinq ans. Pendant les 16 années que j’ai passées au Parlement au cours des 21 dernières années, j’ai toujours considéré la capacité de faire un suivi de l’argent comme étant primordiale. L’examen des dépenses gouvernementales par le Parlement est effectivement de la plus haute importance. Les parlementaires et les citoyens méritent de savoir comment les fonds publics sont dépensés et doivent être en mesure de demander des comptes au gouvernement.
[Français]
C’est pourquoi nous avons apporté des changements au processus budgétaire afin de faciliter le suivi des dépenses pour les Canadiens et les parlementaires.
[Traduction]
On a déjà annoncé dans le budget de nouvelles initiatives qui ne figuraient pas dans le Budget principal des dépenses, car le Budget principal des dépenses avait été déposé avant. Les parlementaires ignoraient en grande partie comment les fonds annoncés dans le budget seraient accordés aux ministères. Le Globe and Mail a dit à juste titre que le système était mauvais au point d’être absurde, alors que le budget des dépenses était déposé avant le budget, et au moyen d’une approche comptable différente, ce qui le rendait pratiquement vide de sens. En fait, le Globe est allé jusqu’à le qualifier de pratique dénuée de toute crédibilité qui ne servait qu’à laisser les députés dans l’ignorance quant aux deniers publics dépensés.
[Français]
C’est pour répondre à ces problèmes que notre gouvernement a mis en place certains changements.
[Traduction]
Premièrement, nous avons revu le règlement de manière à ce que le Budget principal des dépenses soit beaucoup plus susceptible d’être déposé après le budget.
Deuxièmement, nous avons intégré un crédit d’exécution du budget dans le Budget principal des dépenses. Le changement de l’ordre de dépôt fait en sorte que le Budget principal des dépenses de 2018-2019 peut comprendre toutes les mesures annoncées dans le budget pour cette année, ce qui signifie que les parlementaires ont des renseignements plus exacts pour demander des comptes au gouvernement.
Selon la loi, monsieur le président, l’argent ne peut être affecté qu’à des mesures annoncées dans le budget déposé le 27 février 2018. Le Conseil du Trésor n’a pas le pouvoir discrétionnaire lui permettant de s’en servir autrement. Le vérificateur général a fait remarquer qu’il fallait affecter les fonds dans cet esprit, qu’on ne peut pas simplement décider que quelqu’un devrait en avoir plus et quelqu’un d’autre, moins.
En fait, nous montrons exactement au Parlement comment le gouvernement envisage d’utiliser les fonds prévus dans le budget. Plus précisément, les parlementaires pourront retracer chaque affectation de ce nouveau crédit central jusqu’à un poste du tableau A2.11 du budget, qui est répété à l’annexe 1 du Budget principal des dépenses.
De plus, nous améliorons la transparence en offrant dans le budget des précisions sans précédent sur les nouvelles dépenses des ministères.
Au fil des ans, les parlementaires pourront faire un meilleur suivi des crédits budgétaires puisqu’ils seront déclarés dans les rapports mensuels en ligne, le prochain Budget supplémentaire des dépenses, le rapport sur les résultats ministériels à la fin de l’exercice ainsi que l’outil de suivi de l’exécution du budget dans la base de données du gouvernement du Canada.
Monsieur le président, certaines personnes estiment que les contraintes juridiques concernant l’utilisation des fonds dans le crédit d’exécution du budget ne sont pas assez contraignantes. C’est tout simplement faux. L’annexe 1 du Budget principal des dépenses décrit poste par poste les limites juridiques du crédit, ce qui comprend les mesures, le ministère et le financement maximal disponible pour le budget de 2108 au moyen du crédit central.
L’utilisation du crédit d’une façon qui dépasse les montants énumérés à l’annexe 1 du Budget principal des dépenses constituerait un usage non autorisé de fonds publics. Le Conseil du Trésor ne peut pas accorder de fonds supplémentaires ou réaffecter autrement le financement d’autres initiatives pour soutenir ces programmes.
[Français]
Si les circonstances changent, une nouvelle décision de financement distincte sera nécessaire. Le gouvernement serait alors invité à approuver cet item séparément dans un prochain budget des dépenses.
[Traduction]
Par exemple, le budget de 2018 propose des investissements considérables, y compris 154 millions de dollars pour permettre à Santé Canada de lutter contre la crise des opioïdes. Ces fonds se retrouvent dans le crédit d’exécution du Budget principal des dépenses de 2018-2019. Disons qu’au cours de l’année, la crise des opioïdes s’aggrave, et que le gouvernement décide de dépenser davantage pour y remédier. Si le gouvernement veut accroître le financement à cette fin ou pour toute autre mesure budgétaire visée par le crédit d’exécution du budget, une décision distincte sera nécessaire, et le Parlement devra approuver ce crédit séparément dans un autre budget.
J’ai parlé récemment avec le directeur parlementaire du budget de la possibilité de pousser plus loin l’idée de modifier le libellé de manière à le rendre encore plus clair afin d’améliorer encore davantage, pour lui et les parlementaires, la garantie offerte. Nous nous assurerons qu’aucune autre interprétation n’est possible et que le libellé du crédit établit clairement un lien avec les initiatives et les montants — pas juste les initiatives, mais aussi les montants — précisés à l’annexe 1 du Budget principal des dépenses. Une fois de plus, le libellé du crédit établira clairement un lien avec les initiatives et les montants énumérés à l’annexe 1 du Budget principal des dépenses.
Nous avons également entendu que le crédit d’exécution du budget ne permet pas aux parlementaires d’exercer une surveillance adéquate. Au contraire, les parlementaires peuvent encore étudier et mettre aux voix le budget, le budget des dépenses et les projets de loi portant affectation de crédits pour ce qui est du Budget principal des dépenses et des budgets supplémentaires. De plus, monsieur le président, les parlementaires peuvent déjà voir, poste par poste, les soldes ainsi que les sommes allouées aux ministères pour donner suite aux mesures budgétaires dans des rapports mensuels diffusés sur le site web du Conseil du Trésor. Cette information se trouvera également dans le prochain budget des dépenses.
Nous avons pris un certain nombre de mesures pour améliorer la transparence et la reddition de comptes. Nous avons apporté d’importants changements dont j’ai parlé au comité à quelques reprises, notamment l’adoption d’un ordre de parution plus logique du budget et du budget des dépenses, afin que le Budget principal des dépenses suive le budget. C’est chose réglée.
J’ai également mentionné que c’est un important changement pour lequel l’intégration au système demandera un certain temps aux ministères, notamment celui des Finances, et à l’organisme central, c’est-à-dire le Conseil du Trésor. C’est une étape importante. L’établissement du bon ordre de parution représente un grand pas. L’ensemble du processus, au fil du temps, nous rapprochera de ce que je considère comme un modèle, à savoir l’Australie, où le budget et le budget des dépenses sont présentés en même temps. C’est l’objectif d’une grande partie du travail accompli entre le ministère des Finances, le Conseil du Trésor et les autres ministères concernés. Je crois que c’est ainsi que nous y parviendrons au fil du temps.
[Français]
Nous avons beaucoup de travail à faire, et je suis persuadé que nous allons y arriver. J’apprécie énormément le travail que fait votre comité en partenariat avec nous dans le cadre de notre initiative de modernisation du budget.
[Traduction]
Vous apportez une grande contribution au travail que nous avons accompli ensemble pour faire avancer le dossier. Je suis impatient de poursuivre cette relation. Merci.
Le président : Merci, monsieur le ministre. Nous allons passer aux questions.
La sénatrice Marshall : Monsieur le ministre, je vous remercie, ainsi que vos collaborateurs, d’être ici.
Je voulais commencer mes questions en parlant du crédit 40. Je pense que nous avons assisté à toutes les séances d’information que vos collaborateurs et vous avez organisées sur la réforme budgétaire. Quand j’ai pris connaissance du crédit 40, je dois dire que j’ai été profondément déçue. Il a d’ailleurs fait l’objet de nombreuses critiques. L’actuel directeur parlementaire du budget a produit un rapport à ce sujet. Il nous a parlé hier, tout comme le directeur précédent. De plus, plusieurs parlementaires n’ont pas mâché leurs mots à propos du crédit.
Même si la réponse du vérificateur général était positive ou discrète — je ne saurais dire —, il s’est prononcé en indiquant que si les fonds n’ont pas été dépensés poste par poste comme il se doit selon lui, c’est exactement le genre de chose que nous pourrions auditer.
L’actuel directeur parlementaire du budget a dit que les initiatives budgétaires ne sont pas reprises dans les plans ministériels; aucune initiative de 2018 dans le crédit 40 n’a fait l’objet d’une analyse du Conseil du Trésor; et le gouvernement demande l’approbation du Parlement avant l’examen. Je crois que la solution au crédit 40, s’il y en a une, n’a toujours pas donné de résultat.
Que verrons-nous exactement au bout du compte, lorsque le budget des dépenses aura été remanié? Ce ne sera pas le crédit 40. Que verrons-nous? Quel est le plan? J’aimerais le savoir.
J’ai l’impression que nous avons presque été menés en bateau — ce n’est peut-être pas la bonne expression — en ce qui a trait au crédit 40. Ce n’est pas ce que je pensais, car on a beaucoup parlé de ce que fait l’Australie, et je m’attendais à voir quelque chose de semblable. À quoi ressemblera le processus au bout du compte? Quel est votre plan de sortie?
M. Brison : Merci beaucoup, sénatrice Marshall. Je suis reconnaissant de votre expérience à Terre-Neuve-et-Labrador. C’est utile dans le cadre de notre travail aujourd’hui.
Vous avez tout à fait raison. J’ai présenté l’Australie comme un modèle d’excellence pour ce qui est de fusionner le budget et le budget des dépenses. Cela demande du temps. L’établissement du bon échéancier est nécessaire à toutes les autres démarches qui peuvent et qui doivent être faites pour intégrer au système le genre de travail qui permet de regrouper ce qui est accompli tant par le Conseil du Trésor que par le ministère des Finances.
L’objectif que je vois et la vision que j’ai pour l’avenir — et cela demande du temps; le changement de l’échéancier n’est qu’une première étape — sur une certaine période, c’est le modèle australien qui consiste à analyser et à faire rapport en même temps. Le travail du Conseil du Trésor et du ministère des Finances peut être fait en même temps et conjointement.
Le ministère des Finances et le Conseil du Trésor travaillent en étroite collaboration, ce qui s’est accentué au fil des ans. Depuis que j’occupe mes fonctions, soit environ deux ans et demi, la collaboration entre le ministère des Finances et le Conseil du Trésor s’est accentuée dans le cadre du processus budgétaire.
Le crédit 40 nous permet d’avoir les crédits budgétaires dans le Budget principal des dépenses. Si nous devons revenir sur un de ces crédits et les montants pour diverses raisons, nous aurions à repasser par le processus du Budget supplémentaire des dépenses au Parlement. Cela ne rend pas inutile le rôle du Parlement ou la nécessité qu’il approuve tout autre changement. Dans le libellé du projet de loi de crédits, un lien clair sera établi entre les initiatives et les montants prévus à l’annexe 1, qui est également associée au tableau A2.11.
Je suis impatient comme vous, sénatrice Marshall, de bien faire les choses et de faire avancer le dossier. Cependant, lorsque nous faisons ce genre de choses, la perfection peut être l’ennemi du bien. Nous devons régler la question et nous assurer que l’objectif auquel nous parviendrons au fil du temps est de renforcer la reddition de comptes et la transparence au Parlement. Je crois que c’est un important pas en avant.
La sénatrice Marshall : Quels sont les délais? Vous avez formé le gouvernement en 2015. Nous sommes en 2018 et nous avons maintenant le crédit 40. En quelle année verrons-nous le modèle d’excellence australien dans notre budget des dépenses?
M. Brison : C’est très difficile à dire. Je ne peux pas vous dire que ce sera fait l’année prochaine, mais je peux vous dire que nous aurons progressé en ce sens.
Il y a une transition opérationnelle, méthodologique et culturelle pour ce qui est du budget et du budget des dépenses dans le système. Cette transition suscite de l’enthousiasme tant au ministère des Finances qu’au Conseil du Trésor. Le Conseil du Trésor, en tant qu’organisme central, possède une grande capacité analytique qui peut aider à renforcer le processus budgétaire à cette étape. C’est reconnu et cela peut également être utile dans le processus budgétaire.
La sénatrice Marshall : Si l’on se fie au passé, on sait que les initiatives budgétaires ne sont pas toutes associées en même temps à un ministère. Certaines se sont retrouvées dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) ou (B); d’autres n’ont pas paru avant les années subséquentes. À la fin de l’exercice, il restera de l’argent dans le crédit 40. Les ministères ne mettront pas en œuvre toutes les initiatives. Que se passera-t-il avec le montant non affecté?
M. Brison : Tout d’abord, les affectations et les progrès que nous réalisons pour ce qui est du versement de ces fonds se poursuivront tout au long de l’exercice. Les parlementaires et les Canadiens seront informés régulièrement de la façon dont l’argent est versé.
La sénatrice Marshall : Mais ce n’est pas tous les fonds qui seront affectés; c’est ce qu’on a vu par le passé. Des sommes destinées à des initiatives budgétaires ne sont pas affectées. Que se passera-t-il avec le montant non affecté dans le crédit 40?
M. Brison : Tout d’abord, nous ne pouvons pas décider de reporter les fonds. Nous nous adressons plutôt encore une fois au Parlement.
Nous avons modifié la façon de signaler les crédits périmés pour être en mesure de fournir des renseignements à jour à ce sujet, qu’on ne pouvait pas obtenir auparavant.
Je vais demander à Renée ou à Marcia de parler des fonds non dépensés, car cela posait problème auparavant sur le plan de la transparence. Certains des changements que nous avons apportés feront en sorte qu’il sera plus facile de faire un suivi des fonds non utilisés.
Marcia Santiago, directrice exécutive, Secteur de la gestion des dépenses, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Pour répondre au premier volet de votre question, tous les fonds non affectés à la fin de l’exercice seront reportés dans le cadre budgétaire. Ils ne sont pas transférés ou réaffectés automatiquement.
La sénatrice Marshall : Dites-vous qu’ils ne sont pas réaffectés ailleurs?
Mme Santiago : Non; ils ne peuvent pas l’être. Le Parlement doit en être ressaisi dans d’autres budgets des dépenses.
La sénatrice Marshall : Je suis vérificatrice de profession, et j’ai tendance à être très méfiante. Merci.
La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup d’être ici, monsieur le ministre. Je vous suis reconnaissant de toujours prendre le temps nécessaire.
Monsieur le ministre, dans votre déclaration liminaire, je m’attendais à ce que vous parliez de l’excellent travail que vous faites en ce qui a trait à l’analyse comparative entre les sexes. Si mon ancienne collègue, la sénatrice Nancy Ruth, était ici, elle serait heureuse des progrès réalisés et aurait beaucoup de questions. Je vais donc les poser en son nom.
Monsieur le ministre, comme vous le savez, je travaille avec de nombreux groupes partout dans le monde. On me demande sans cesse si le Canada va rendre publique sa méthode d’analyse comparative entre les sexes. Je sais que le gouvernement a décidé de ne pas publier votre façon de procéder. On se contente de nous dire que vous faites le travail. Je n’en doute pas, mais j’espère, dans votre sagesse, que vous allez publier votre façon de procéder, car nous ne savons pas ce qu’il en est en tant que parlementaires. Nous savons seulement que vous faites l’analyse.
Je sais que vous n’allez pas me dire en quoi consiste le fond de l’analyse, mais pouvez-vous me parler du processus? Des représentants d’autres ministères qui ont témoigné ici disent que vous êtes le seul responsable. Vous pourriez me dire que votre ministère se charge entièrement de l’analyse comparative entre les sexes.
Vous n’avez pas besoin de tout me dire. Pouvez-vous nous parler du processus et de la manière dont sont déterminées les priorités? Je comprends que vous réalisez aussi une analyse comparative entre les sexes plus, ce qui est une très grande étape, et je vous en félicite. Je suis très fière de ce que vous faites. J’en suis fière, mais je ne sais pas ce que vous faites. Quelles sont les priorités?
Je vous serais reconnaissante de nous expliquer le fonctionnement du processus. Je sais que vous ne me parlerez pas du processus.
M. Brison : En ce qui a trait au processus, lorsqu’un dossier est soumis au Cabinet, nous nous attendons à ce que l’analyse comparative entre les sexes soit réalisée par le ministère qui présente ce dossier au Cabinet; c’est exigé. Le dernier budget en particulier a fait l’objet d’une analyse comparative entre les sexes sans précédent pour vraiment en comprendre les effets, soit l’analyse comparative entre les sexes plus, comme vous l’avez dit.
Lors de l’examen des dossiers aux comités du Cabinet et au Conseil du Trésor, c’est quelque chose qui est déjà inclus dans le processus. Cet aspect a joué un rôle important en ce qui concerne la rigueur de l’analyse, et je crois que cela s’améliorera au fil du temps. Il y a des propositions qui ont peut-être fait l’objet d’une analyse comparative entre les sexes plus rigoureuse que d’autres. Si un ministre présente un dossier au Cabinet qui n’a pas fait l’objet d’une rigoureuse analyse comparative entre les sexes, cette personne sera rappelée à l’ordre dans le cadre des discussions pour éviter de contrevenir au principe relatif aux documents confidentiels du Cabinet.
Vous demandez ce que nous pouvons faire pour diffuser à grande échelle ce processus sur la scène internationale, et c’est important. Nous devrions réfléchir à la partie de notre rôle de renforcement des institutions et à notre contribution dans le monde. Lorsque nous aurons réussi à mieux maîtriser le tout, nous pourrons faire part de notre expérience aux autres pays. Je suis d’accord pour dire que ce serait une contribution positive.
Renée aimerait peut-être compléter ma réponse.
Renée LaFontaine, dirigeante principale des finances et secrétaire adjointe, Direction des services ministériels, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : L’explication du président était très bien. La seule chose que j’aimerais ajouter est que le Canada le fait depuis plusieurs années. Donc, comme le président l’a mentionné, les nouvelles propositions sont soumises au Cabinet et au Conseil du Trésor; une analyse comparative entre les sexes est obligatoire pour tout nouveau financement, et les ministères le font de mieux en mieux. Le problème a toujours été d’obtenir des données sur la manière dont les Canadiens utilisent nos services et nos programmes.
Nous mettons aussi l’accent sur la base des dépenses. Vous commencerez à le voir dans nos plans ministériels, et nous le faisons de mieux en mieux. C’était la première année où les ministères ont dû parler de leur analyse comparative entre les sexes pour leurs programmes permanents. Bref, nous ajoutons aussi cet aspect. Au fil du temps, vous verrez que l’analyse comparative entre les sexes sera entièrement intégrée.
Pour ce qui est de la transparence accrue à ce sujet et de la présentation aux parlementaires ou aux sénateurs, c’est ce à quoi le président a fait allusion; nous devons obtenir de meilleures données et aller de l’avant à ce chapitre. Nous nous penchons sur ces enjeux.
La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, de mon point de vue, avec le plus grand respect — je ne veux pas me montrer impolie —, d’un côté, c’est ce que vous dites; de l’autre, nous voyons ce qui a été fait avec la répartition du revenu, et cela touche vraiment les femmes. Qu’est-ce que disait l’analyse comparative entre les sexes à cet égard? Je ne vous demanderai pas de me répondre, parce que le président va m’interrompre. J’ai posé la question au ministre des Finances. Monsieur le ministre, nous nous connaissons depuis longtemps, et je m’ennuie de travailler avec vous, et c’est à ce titre que je vous demande si vous réaliserez une analyse postérieure. Présenterez-vous une analyse comparative entre les sexes postérieure en vue de déterminer les groupes qui ont été aidés et la manière dont vous l’avez fait — après les faits, même si vous ne pouvez pas le faire avant — pour que nous sachions que vous faites quelque chose? À l’ère de la transparence, c’est insuffisant de dire que vous le faites, alors que vous affirmez que c’est transparent et que vous affirmez que c’est un Cabinet féministe, mais nous ne le voyons pas.
M. Brison : Vous avez posé cette question au ministre Morneau. Je peux dire, en ce qui concerne l’équité fiscale...
La sénatrice Jaffer : Je ne veux pas prendre de temps pour discuter de la répartition du revenu. Ce n’est pas juste pour vous.
M. Brison : Je peux vous répondre. Je suis fier de dire que près de 70 p. 100 des cadres supérieurs au Conseil du Trésor sont des femmes, et notre organisme est premier parmi les organismes centraux du gouvernement du Canada. J’ai un autre commentaire dans la même veine, si vous me le permettez, sénatrice.
Le Cabinet actuel est bien entendu le premier Cabinet paritaire. Certains me diraient que c’est excellent pour les femmes. Je peux vous dire que ce n’est pas le bon argument à faire valoir. C’est une bonne chose pour les décisions que nous prenons. Nous prenons de meilleures décisions, parce que 50 p. 100 des membres du Cabinet expriment le point de vue des femmes...
La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, je sais tout cela, et j’en suis fière, et le président va m’interrompre. Pouvez-vous me répondre par oui ou non? Présenterez-vous après cela une analyse comparative entre les sexes postérieure?
M. Brison : Pour faire un suivi longitudinal, je souhaite y réfléchir. J’aime l’idée, parce que je crois qu’au fil des ans, si nous avons un gouvernement qui met l’accent sur les résultats, l’examen des effets des initiatives est une bonne idée. Mobina, j’aime vraiment l’idée d’examiner le tout sur une certaine période. Ainsi, nous ne ferions pas seulement l’analyse comparative entre les sexes avant la mise en œuvre de la politique; nous réaliserions aussi en quelque sorte un examen horizontal au fil du temps pour vraiment être en mesure d’en connaître les effets. J’adore cette idée du point de vue non seulement de l’analyse comparative entre les sexes, mais aussi des résultats que nous cherchons à obtenir. Cela permettrait d’expliquer aux Canadiens les résultats réels des investissements.
J’aime l’idée en théorie, mais je souhaite y réfléchir plus en détail.
Le sénateur Neufeld : Je remercie le ministre et son personnel de leur présence ici aujourd’hui pour répondre à nos questions. Je vous en suis reconnaissant.
Vous avez dit au début de votre exposé que vous avez passé 21 ans au Parlement et que vous avez été ministre durant un certain nombre de ces années. Vous êtes maintenant ministre du Conseil du Trésor. J’ai moi aussi passé un peu de temps au gouvernement. Je me rappelle que, durant les huit années où j’ai été ministre, je me rendais très souvent au Conseil du Trésor pour expliquer ce que je voulais faire et que mes faits et gestes étaient scrutés à la loupe pour confirmer que je répondais aux attentes.
Êtes-vous d’accord pour dire que le Conseil du Trésor est chargé de surveiller les programmes pour lesquels les ministres vous demandent de l’argent pour s’assurer qu’ils sont bel et bien mis en œuvre? Diriez-vous que cela fait partie de votre travail?
M. Brison : Oui. Nous avons eu ce matin une réunion du comité du Cabinet du Conseil du Trésor. En fait, comme vous n’êtes pas sans le savoir, nous approuvons les demandes, ou il nous arrive parfois de ne pas les approuver; nous pouvons aussi imposer des conditions qui obligent le ministère à faire rapport au Conseil du Trésor de l’avancement de certains éléments précis. Nous établissons aussi des jalons dans le cas de projets précis pour en surveiller l’avancement.
Pour le dire franchement, nous commençons à le faire beaucoup plus concernant les projets numériques complexes, parce que nous savons que c’est un défi pour le gouvernement. J’aimerais revenir vous parler à un moment donné de ce que nous avons fait par rapport à la gouvernance concernant les gros projets et la gestion de projets en vue d’encadrer également la mise en œuvre et l’exécution de ces projets au fil du temps.
Le sénateur Neufeld : Vous êtes donc d’accord avec moi pour dire que c’est important pour le Conseil du Trésor de le faire.
Au moyen du crédit 40, le gouvernement cherche à obtenir 350,8 millions de dollars pour réparer Phénix ou ne pas le réparer, mais plutôt le maintenir dans son état de fonctionnement actuel. Le vérificateur général vient de publier son rapport, et ce n’est pas très reluisant.
Compte tenu de ce que vous m’avez répondu plus tôt au sujet de la surveillance des programmes, étiez-vous d’accord avec le lancement de Phénix?
M. Brison : Phénix a été lancé en février 2016. Sa conception s’est étalée sur une certaine période. Je crois que cela remonte à 2010. Le gouvernement précédent a défini la portée du projet, et c’est en fait le même gouvernement qui en a réduit la portée. Lorsque je parle de définir la portée du projet, il a fallu définir tout ce qui touche au numérique, aux TI et au système des ressources humaines.
Pour économiser de l’argent, avant d’en arriver à une entente, il n’y avait aucun ancien système. Lorsque vous éliminez 700 postes de conseillers à la paie, ce que le précédent gouvernement a fait, pour économiser 70 millions de dollars par année et essayer de dégager un excédent trompeur à la veille des élections, le problème est que vous éliminez l’ancien système. Vous avez le choix d’aller de l’avant ou de vous retrouver sans système sur lequel vous rabattre.
Sénateur Neufeld, l’un des bons principes d’une gestion efficace de projets numériques est de ne pas éliminer l’ancien système tant que le nouveau n’est pas fonctionnel, et vous faites des essais circonscrits à un endroit.
La ministre de SPAC au moment du lancement était Judy Foote. Elle a été informée par des fonctionnaires à l’époque que le système était prêt à être déployé, et elle est allée de l’avant en se fiant aux renseignements qu’elle avait reçus. De surcroît, l’ancien système avait été éliminé.
À mesure que...
Le sénateur Neufeld : Monsieur le ministre, le président va très bientôt me demander de céder la parole à un autre.
Je le comprends, parce que nous avons entendu beaucoup d’histoires concernant ce qui s’est passé. Toutefois, nous savons qu’en début janvier, le Secrétariat du Conseil du Trésor a reçu des extraits de comptes rendus, et nous les avons. En voici certains : le taux de succès des tests est inférieur à 50 p. 100; l’état de préparation du système n’est pas évident; sur 25 défauts qu’il reste à corriger, 10 demeurent critiques et non corrigés; les résultats des tests montrent des erreurs dans 30 p. 100 des cas, et c’est insatisfaisant; au moment de l’entrée en service, ce sera difficile; et les résultats des tests concernant PeopleSoft sont inconnus, la partie la plus importante.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor a reçu ce rapport en janvier; or, à la fin de février, vous avez lancé le tout. Je présume que ce que vous me dites c’est que vous étiez tout à fait d’accord pour dire que tout allait bien. Vous m’avez dit plus tôt que des gens des ressources humaines du ministère ont en fait informé Judy Foote que tout allait bien. Cette note affirme que tout n’allait pas bien. C’est l’information que nous avons.
M. Brison : Le Conseil du Trésor a en fait commandé un rapport à l’époque. Je crois que c’était le rapport Gartner.
Sénateur, lorsque vous commandez un rapport, que le rapport relève des problèmes et que l’ancien système n’existe plus, c’est un défi. Cela revient à l’absurdité d’éliminer l’ancien système avant que le nouveau soit fonctionnel.
J’aimerais ajouter que nous avons apporté des changements fondamentaux à la gouvernance numérique, et j’aimerais revenir vous en parler à un moment donné. Cela inclut les pouvoirs du dirigeant principal de l’information du gouvernement du Canada en vue de permettre au titulaire de ce poste d’avoir une vue d’ensemble des ministères et des organismes et de nouvelles normes numériques, ce qui comprend des essais de bout en bout et des essais pour utilisateurs.
Nous avons étudié les pratiques exemplaires d’autres pays et du secteur privé. Nous avons également mis sur pied un Conseil d’examen de l’architecture intégrée qui doit approuver les nouveaux projets numériques et qui veille à ce qu’ils soient examinés rigoureusement, comme ils devraient l’être.
Par le passé, il n’y avait aucune norme numérique pour les projets de TI, ce qui était un peu comme essayer de veiller au bon fonctionnement du gouvernement du Canada sans normes financières. Le gouvernement du Canada n’est pas le premier à avoir de la difficulté avec un projet de TI.
Le sénateur Neufeld : Les gens auraient dû regarder du côté de l’Australie, la référence.
M. Brison : Vous avez raison, mais l’Australie a eu le même problème avec leur système de paie au Queensland. Aux États-Unis, le 1er octobre 2013, le gouvernement américain a lancé l’Obamacare. Environ 4,7 millions d’Américains ont essayé de s’inscrire le jour du lancement, et seulement six ont réussi à le faire.
Par ailleurs, les normes numériques que nous mettons en place et la gouvernance relative au dirigeant principal de l’information n’empêcheront pas de futurs problèmes de TI de survenir, mais cela favorisera un échec précoce et des portes de sortie au lieu d’avoir des projets qui s’éternisent après y avoir englouti des sommes irrécupérables, ce qui arrive souvent au gouvernement.
J’aimerais revenir au comité. Par ailleurs, dans le budget de 2018, il y a une décision de financement relativement au Conseil du Trésor concernant l’élaboration d’un nouveau système de paie. C’est un projet auquel nous travaillons actuellement de bonne foi en vue d’élaborer un nouveau système de paie. Ainsi, pendant que nous veillons à stabiliser le système de paie actuel, ce qui est important et difficile, nous élaborons aussi un nouveau système de paie, qui tirera profit de la prochaine génération de technologies et de méthodes.
La sénatrice Moncion : Pourquoi envisageriez-vous actuellement la création d’un nouveau système de paie?
M. Brison : Les méthodes et les technologies auxquelles avait accès le présent gouvernement il y a 10 ans sont très différentes de ce qui est disponible actuellement. Sur le plan technologique, nous avons récemment adopté une stratégie de priorité à l’infonuagique au gouvernement au lieu de miser sur de vieux systèmes centraux de bases de données ou des systèmes de données.
Il y a eu un changement radical dans les systèmes de paie et la manière dont le tout est géré, y compris la complexité des mouvements que les systèmes de paie actuels sont capables de traiter sur le plan technologique. Les méthodes ont également changé pour ce qui est de la manière dont les gouvernements et les grandes entreprises abordent les projets numériques.
J’aimerais vous recommander un livre; parmi tous les livres que j’ai lus sur ce domaine, c’est probablement celui qui résume le mieux le numérique moderne par rapport à ce qu’il était, par exemple, il y a 10 ans. C’est Delivering on Digital de William Eggers. Cela ne révolutionne pas la façon d’analyser l’information sur la gouvernance ailleurs dans le monde, mais ce livre, mieux que tout autre livre, passe méthodiquement en revue les pratiques exemples de certains pays, comme l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis.
Je souligne aussi que notre nouveau dirigeant principal de l’information, Alex Benay, apporte de nombreux changements importants dans l’ensemble du gouvernement. Son équipe et lui accomplissent un excellent travail.
Nous avons aussi attiré le grand manitou des services numériques du gouvernement sous le président Obama. Aaron Snow est l’un des anciens membres de l’équipe des services numériques du gouvernement américain, soit le 18F, qui a été mise sur pied après le fiasco de l’Obamacare. Aaron Snow, qui s’est joint à notre équipe, était directeur général des services numériques du gouvernement américain sous le président Obama. Il déménage avec sa femme et ses enfants de Washington à Ottawa. Il a pris cette décision durant l’hiver, ce qui vous montre à quel point il est déterminé à nous aider à bien faire les choses.
C’est un domaine d’étude très intéressant qui me passionne énormément, parce que nous devons bien faire les choses. De nos jours, si une entreprise ne réussit pas à bien faire les choses avec le numérique, elle signe son arrêt de mort. Si un gouvernement ne réussit pas à bien faire les choses avec le numérique, il est déconnecté de la réalité. C’est un sujet dont j’aimerais vraiment revenir vous parler à un moment donné.
Le président : Merci, monsieur le ministre. Vous en aurez l’occasion.
La sénatrice Eaton : Merci, monsieur le ministre. Merci d’essayer de remettre en ordre les dépenses dans le budget.
L’un des aspects que je trouve très difficiles lorsque nous regardons les ministères responsables est qu’il ne semble y avoir aucune reddition de comptes pour bon nombre de programmes. Nous votons les crédits, et les responsables se présentent l’année suivante et ils ne sont pas en mesure de nous répondre.
Par exemple, si je prends le ministère de la Défense nationale, le problème est que, même si le ministère établit des cibles, les indicateurs de rendement sont différents des exercices précédents. Il est donc très difficile de voir si les choses s’améliorent ou progressent. L’information est aussi très souvent non disponible.
Je vais vous donner des exemples. Mesure dans laquelle l’évaluation de l’environnement de sécurité de l’avenir demeure valable : pour 2014-2015, non disponible; 2015-2016, non disponible; 2016-2017, non disponible. Date d’atteinte de la cible : 31 mars 2019. C’est dans un an.
Mesure dans laquelle les futures évaluations de la sécurité et déductions des capacités restent cohérentes avec celles de nos alliés et partenaires : encore une fois, non disponible.
Mesure dans laquelle les capacités futures requises pour assurer un avantage opérationnel par rapport aux menaces à la défense et à la sécurité ont été prises en compte dans les plans de défense : lorsque l’on vérifie, pour 2014-2015, cette information n’est pas disponible; idem pour 2016 et, encore, pour 2017.
Le Conseil du Trésor prévoit-il quoi que ce soit pour faciliter la vérification de l’atteinte des cibles antérieures lorsque les ministères responsables présentent leurs budgets, pour vérifier si l’argent a bel et bien été dépensé comme prévu et pour jauger les résultats? Pensez-vous que nous serons un jour en mesure d’avoir toute l’information?
M. Brison : Je suis content que vous souleviez cette question. La raison pour laquelle cette information n’était pas disponible pour les exercices que vous avez mentionnés, c’est que nous avons remplacé l’ancienne architecture de rendement par un tout nouveau système de rapports sur les résultats ministériels.
Les anciens rapports ne donnaient pas tellement d’informations. Ils étaient très bureaucratiques et ils ne mettaient pas vraiment l’accent sur les résultats. Ils insistaient beaucoup sur les extrants, mais pas vraiment sur les résultats.
Ce que nous avons fait avec les rapports sur les résultats ministériels, c’est que nous avons ciblé les résultats qui sont importants pour les gens, et pas seulement pour les parlementaires — ce qui, en soi, serait un objectif louable —, mais pour tous les Canadiens. Nous avons intégré un processus au système : chaque ministère, ministre et sous-ministre doit venir au Conseil du Trésor et défendre ses rapports sur les résultats ministériels.
La sénatrice Eaton : Oui, sauf que, quand ils comparaissent ici, ils nous servent des « ces renseignements ne sont pas disponibles » et du contenu en style télégraphique. Nous n’essayons pas de les harponner. Nous cherchons simplement à nous assurer que l’argent a bel et bien été utilisé aux fins prévues, et qu’il a donné les résultats annoncés ou souhaités.
M. Brison : À mon sens, ce système de rapports sur les résultats ministériels est plus transparent et plus pertinent que celui qu’il a remplacé. La raison pour laquelle les indicateurs dont vous avez parlé ne sont pas disponibles pour ces exercices, c’est qu’il s’agit d’une nouvelle façon de procéder. Beaucoup de renseignements se rajouteront au fil du temps.
Par exemple, en ce qui a trait à l’analyse comparative entre les sexes, on pourrait faire une étude longitudinale sur l’incidence que ce programme a pu avoir durant une période donnée. De la même façon, pour certaines catégories, pour certains indicateurs, ces rapports sur les résultats peuvent devenir très détaillés. Sauf que, pour l’instant, il est impossible de faire des comparaisons avec le passé, car ces indicateurs n’existaient pas encore. D’ici trois, quatre ou cinq ans, nous allons être en mesure de jauger les résultats des investissements qui auront été faits en cours de route.
Je le répète, je veux que notre attention en tant que gouvernement se focalise davantage sur les résultats plutôt que sur les extrants.
La sénatrice Eaton : Allez-vous le signaler au ministère de la Défense?
M. Brison : C’est ce que nous avons fait. Il n’y a pas de risque à prendre avec ceux qui détiennent les armes.
Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère de la Défense nationale en matière d’approvisionnement, et notre comité spécial du Cabinet sur l’approvisionnement en matière de défense. L’approvisionnement en matière de défense et l’approvisionnement dans le domaine des TI m’accaparent beaucoup, mais je ne sais pas lequel est le plus demandant. Parfois, Percy, je me dis que j’aimerais avoir le poste de celui qui va sur le terrain pour couper les rubans. Ce serait bien agréable, mais ils me donnent toujours les dossiers difficiles.
Le président : Permettez-moi de signaler qu’il reste deux sénateurs. Je vous demanderais d’y aller assez rapidement, car le ministre a des responsabilités parlementaires, et je sais que nous allons dépasser les 45 minutes qui étaient prévues.
M. Brison : Si vous voulez me garder ici pendant un certain temps, arrangez-vous pour me garder pendant toute la période des questions.
Le président : Dans ce cas, il y a effectivement quelques questions.
La sénatrice Andreychuk : Si vous aviez attendu encore un peu, je n’aurais pas été en mesure de placer un seul mot dans cette pièce froide.
Pour revenir au sujet discuté, il est très bien de parler du fait d’avoir des indicateurs et de mettre dorénavant l’accent sur les résultats. Le problème, c’est que les programmes changent. Les responsabilités changent au sein des ministères, et il arrive que les ministères soient scindés. Je crois que nous n’aurons jamais la possibilité de faire cette étude longitudinale. Voilà le problème.
Le vérificateur général affirme que la culture de l’organisation doit changer et que cela doit s’accompagner d’obligations redditionnelles. Les ministères sont sur la défensive, ils protègent leurs programmes, car la culture en est une d’aversion au risque, attendu qu’ils ont été mis sur la sellette. Ce n’est pas quelque chose qui est arrivé du jour au lendemain. Cela fait partie de la difficulté de travailler avec la fonction publique.
Que faites-vous à propos du changement de culture? Que faites-vous pour faire en sorte que les gens soient à l’aise de parler non seulement de leurs réussites sur le plan longitudinal ou d’un programme particulier, mais aussi de leurs résultats moins reluisants. Il faudrait veiller à ce que le changement soit doublé d’une sorte de système fondé sur l’honnêteté, un système où les gens ne craindraient pas de dire : « Ce programme n’a pas fonctionné, et cela peut s’expliquer par certaines raisons très valables. »
Examinez-vous seulement les données numériques ou si vous vous intéressez aussi aux choses fondamentales? Nous voulons le savoir. Il est question de problèmes sociaux complexes, de problèmes d’approvisionnement. Nous devons savoir ce qui se passe.
Prenons l’exemple de l’OTAN. Si nous voulons parler d’approvisionnement, on nous a dit plus ou moins : « Eh bien, nous ne pouvons pas dire tout ce qui se passe aux parlementaires. » Et les parlementaires avaient demandé : « Quel est le processus? Quels en sont les objectifs? » Si je parle de l’analyse comparative entre les sexes, vous pouvez répondre à cela. Je ne pense pas que je veux savoir ce que vous avez fait dans un programme donné, mais je veux savoir quels sont les objectifs de l’analyse comparative entre les sexes et comment cette analyse est appliquée dans le ministère de manière à ce que nous sachions, pour commencer, en quoi consiste le processus.
M. Brison : Pour en revenir à ce que vous disiez, je crois que le gouvernement a une culture d’aversion face au risque depuis longtemps, et qu’il est loin d’être le seul. Je crois qu’il y a eu une sorte de culture de peur et d’intimidation pendant un certain temps. J’essaie de ne pas montrer de parti pris, mais la relation que le gouvernement précédent entretenait avec la fonction publique a connu une période difficile. Je crois que cet épisode a mis à mal la capacité qu’avaient les fonctionnaires de donner l’heure juste aux autorités au sujet de certains jeux clés.
Lorsque j’ai été élu pour la première fois, attendu que nous sommes l’employeur de la fonction publique, je m’efforçais de les inciter à encourager les fonctionnaires à prendre davantage de risques. Alors, ils ont fait en sorte que mes discours se mettent à mentionner que nous voulions édifier une culture de prise de risque intelligente, comme je n’arrêtais pas de le répéter. Je n’étais pas tout à fait à l’aise avec cela, car ce que vous dites aux gens, c’est de prendre des risques, oui, mais pourvu que tout aille bien. Alors, ce que je dis désormais dans mes discours, c’est que je leur demande de créer une culture de l’expérimentation et d’y travailler, culture en vertu de laquelle nous encourageons les fonctionnaires à tenter des choses nouvelles en équipes et sur une base individuelle, et à soutenir les projets pilotes comme moyens d’essayer quelque chose de nouveau et d’apprendre par l’expérience. En cas d’échec, il conviendra d’en faire rapport, car les échecs nous apprennent des choses bien concrètes. Vous n’essayez pas quelque chose pour que l’expérience reste cachée.
Présentement — et il y a certains membres ici présents qui viennent des provinces de l’Atlantique —, nous avons un projet pilote sur l’immigration dans cette région du Canada. Nous mettons à l’essai une nouvelle approche visant à aligner l’immigration sur les besoins du marché de l’emploi. Nous tenons l’expérience dans le Canada atlantique, parce que c’est la région du pays où les prévisions démographiques sont les plus préoccupantes. Nous empruntons certains éléments du modèle manitobain — un modèle unique en son genre qui donne de très bons résultats depuis fort longtemps — et nous les appliquons à une région donnée.
Or, la rumeur veut que le système et les ministères qui sont à Ottawa n’aiment pas particulièrement les projets pilotes. En fait, ils ne les aiment vraiment pas. L’argument qu’on nous sert est le suivant : « Eh bien, si vous essayez cela dans une région, il va falloir que vous l’appliquiez partout. » Non. Nous allons mettre le projet à l’essai dans une région. Nous allons voir comment les choses vont fonctionner et, si tout va bien, cela nous permettra peut-être de tirer des leçons de l’expérience et de refaire la même chose ailleurs. Si les choses ne se passent pas bien, nous pouvons examiner les causes de l’échec et adapter la formule en conséquence.
Nous nous efforçons d’instaurer une culture qui serait davantage axée sur l’expérimentation. L’autre chose, c’est que…
La sénatrice Andreychuk : Monsieur le ministre, nous allons être interrompus par le président.
M. Brison : Pour que les choses soient bien claires, permettez-moi quand même d’ajouter ceci. Nous avons une fonction publique de calibre international. C’est l’une des meilleures au monde. L’Université d’Oxford a dit, si je ne m’abuse, que sur le plan de l’efficacité, nous étions les meilleurs au monde. Il est toujours possible de s’améliorer, et je crois que l’un des domaines qu’il convient de renforcer, c’est cette idée qu’il faut encourager les gens et les fonctionnaires à prendre des risques et à essayer de nouvelles choses et subséquemment, à rendre compte tant des réussites que des échecs. Il faut des mesures incitatives pour soutenir cette culture.
L’autre aspect, c’est la capacité en matière de ressources humaines, mais c’est une discussion qui demande beaucoup de temps.
La sénatrice Andreychuk : On me fait signe d’arrêter, alors je tiens simplement à vous signaler, monsieur le ministre, que ce n’était pas le gouvernement précédent ni l’autre d’avant. C’est un problème de longue date dans la fonction publique. Ce que je veux, ce n’est pas une culture d’aversion au risque en tant que telle, mais une culture qui dit : « Nous sommes au service des Canadiens. » Voilà ce qu’il faut viser. La transparence et l’ouverture suivront, et les fonctionnaires seront à l’aise avec cela.
Le président : La dernière question est pour la sénatrice Deacon. Soyez concise, je vous prie.
La sénatrice Deacon : Je vais faire court et condenser mes deux questions en une seule. Je vais poursuivre dans la même veine que ce que vient de dire la sénatrice à propos de cette culture et de la culture de progression, du vieillissement du numérique, de cette opposition structure-fonction, fonction-structure au Conseil du Trésor. Faites-vous parfois un pas en arrière pour vous demander si les gens qui sont à la table du Conseil du Trésor sont les meilleurs pour représenter les Canadiens? Avez-vous ce qui convient? Je ne parle pas de la personnalité du jour. Je veux dire, est-ce que les personnes à la table ont ce qui convient pour s’acquitter de cette fonction consistant à servir tous les Canadiens? Vous arrive-t-il de passer le Conseil du Trésor en revue est de dire : « Savez-vous quoi? Nous devons regarder ceci de plus près, car nous essayons d’être progressistes, mais ce n’est pas ce que la table laisse entrevoir. » J’aimerais simplement savoir ce que vous pensez de cela.
M. Brison : À la direction du Conseil du Trésor, nous avons une équipe solide de gens qui ont travaillé dans divers ministères, et je ne dis pas cela seulement parce que je suis le président de cette organisation.
Peter Wallace, notre nouveau sous-ministre adjoint et secrétaire, était un fonctionnaire de qualité qui a occupé des postes haut placés dans la fonction publique ontarienne et torontoise. Avant lui, Yaprak Baltacioğlu, l’une des meilleures fonctionnaires de sa génération, a mis sur pied une équipe émérite qui est encore avec nous. Je crois que le Conseil du Trésor peut se vanter de réunir des fonctionnaires de très haut calibre.
Au comité du Cabinet du Conseil du Trésor, les ministres exercent une fonction de remise en question très rigoureuse avec d’autres ministres et d’autres ministères. Voilà qui répond à votre question et à la question précédente de la sénatrice Andreychuk.
Il y a des problèmes de ressources humaines dans certains domaines clés, problèmes qui nous empêchent de gouverner de manière optimale, ou qui empêchent le gouvernement d’être vraiment efficace. Ces objets brillants qui attirent les gens — tant dans le domaine de la politique qu’au gouvernement —, ce sont les politiques et les communications. L’idée est qu’une politique qui tient la route et qui est communiquée de manière efficace se mettra en œuvre d’elle-même.
Selon moi, le gouvernement a besoin d’un plus grand nombre de plombiers, si on peut dire. Avant d’avoir une marre d’eau sur le plancher de la salle de bain, personne ne se soucie de la plomberie. Nous nous retrouvons aux prises avec ces énormes projets dont la mise en œuvre pose problème. Le gouvernement doit renforcer ses ressources humaines en matière de gestion de projet et d’approvisionnement. Il est important d’assortir les emplois en gestion de projet de profils professionnels prestigieux si nous voulons réussir la mise en œuvre des projets du gouvernement du Canada. Les ministres doivent se pencher sur ces lacunes.
Comme exemple de bonne pratique en matière de gouvernance, les directions des organisations ont maintenant des membres qui comprennent quelque chose aux projets numériques, car ce serait vraiment une grande faiblesse de ne pas avoir cette compétence et cette intelligence du numérique à l’échelon le plus élevé.
Nous sommes en train d’édifier ces capacités. Nous reconnaissons le besoin de le faire et nous posons des gestes concrets. Outre cette idée de culture, c’est une question de savoir-faire : il faut s’assurer que le gouvernement du Canada a ce savoir-faire dans ses rangs. Nous en avons déjà. Il nous en faut plus, c’est tout.
Le président : Merci, sénatrice. Monsieur le ministre, merci d’avoir été si généreux de votre temps. Comme vous avez parlé de plombier, convenons que chaque maison a besoin du sien.
Notre objectif est et a toujours été la transparence, la responsabilisation, la prévisibilité et la fiabilité. Si vous avez un mot de la fin à notre intention, nous l’accueillerons favorablement. Dans la négative, je vais lever la séance.
M. Brison : Mesdames et messieurs les sénateurs, merci beaucoup. Je me fais une joie à l’idée de revenir vous voir pour vous parler de certains autres de ces points, et sachez que c’est toujours un plaisir pour moi de comparaître ici. J’apprécie le travail que fait votre comité et je salue sa contribution à la bonne gouvernance de notre pays. Merci.
(La séance est levée.)