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OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule no 5 - Témoignages du 30 mai 2016


OTTAWA, le lundi 30 mai 2016

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 heures, pour poursuivre son étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.

La sénatrice Claudette Tardif (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Je déclare la réunion ouverte. Je m'appelle Claudette Tardif et je suis sénatrice de l'Alberta. Je suis heureuse de présider la réunion de ce soir. Avant de passer la parole aux témoins, j'inviterais les membres du comité à bien vouloir se présenter en commençant à ma droite.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, sénateur du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, sénatrice du Manitoba.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.

La sénatrice Jaffer : Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique.

La présidente : Le comité poursuit son étude spéciale sur l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant au sein des institutions assujetties à la loi.

Nous avons le plaisir d'accueillir ce soir l'honorable Scott Brison, député et président du Conseil du Trésor, Mme Anne-Marie Smart, dirigeante principale des ressources humaines du Secrétariat du Conseil du Trésor, et M. Marc Tremblay, directeur exécutif du Centre d'excellence en langues officielles du Secrétariat du Conseil du Trésor.

Monsieur le ministre, au nom des membres du comité, je vous remercie de votre participation à notre réunion ce soir. C'est votre première visite devant le comité, et nous tenons à vous remercier de votre précieuse présence ainsi que de celle des membres de votre équipe. Je sais que vous avez une présentation à faire, ensuite les sénateurs vous poseront des questions. Je vous donne la parole, monsieur le ministre.

L'honorable Scott Brison, C.P., député, président du Conseil du Trésor : Merci beaucoup. Tout d'abord, je constate que Graham Fraser est ici aujourd'hui. J'aimerais le remercier et le féliciter à titre de commissaire aux langues officielles pour l'excellent travail qu'il a accompli depuis 10 ans pour le Canada. C'est toujours un plaisir de vous voir, Graham.

J'aimerais remercier tous les membres du comité de m'avoir invité à comparaître ici ce soir. C'est avec plaisir que je vous parlerai de l'engagement de notre gouvernement envers les langues officielles et, en particulier, de mon rôle en tant que président du Conseil du Trésor.

Comme les membres du comité le savent, notre premier ministre a à cœur nos deux langues officielles. Il a vécu l'expérience de notre dualité linguistique partout au Canada. J'ai grandi en Nouvelle-Écosse dans une communauté anglophone. Je n'avais pas à me poser beaucoup de questions sur le bilinguisme. Je n'écoutais pas beaucoup de Robert Charlebois ni La Soirée du Hockey. J'ai appris le français, comme d'autres, à Ottawa.

[Traduction]

Aujourd'hui, j'ai deux adorables petites filles de 27 mois qui grandissent dans les deux langues. Je passe souvent des vacances avec ma belle-famille qui habite à la campagne, près de Drummondville.

[Français]

Mes filles s'appellent Rose et Claire. Nous avons choisi des noms qui se prononcent parfaitement dans les deux langues officielles. En fait, nous leur parlons dans les deux langues tout le temps, mais je crains qu'elles ne développent mon accent en français.

[Traduction]

C'est un magnifique cadeau d'être marié à un Québécois, parce que je suis ainsi entré dans une famille francophone, ce qui m'a donné la chance de vivre dans les deux langues et les deux cultures.

[Français]

Aujourd'hui, j'aime la musique du groupe Les Trois Accords et écouter des films comme Crazy ou La grande séduction.

[Traduction]

C'est dans cet état d'esprit — ayant grandi dans un milieu et dans une famille anglophones dans la campagne en Nouvelle-Écosse, mais marié à un francophone et intégré à une famille québécoise qui parle presque exclusivement le français lorsque je suis avec elle et qui fait maintenant partie de ma vie — que j'assume mes responsabilités à l'égard de la Loi sur les langues officielles en qualité de président du Conseil du Trésor. Ces responsabilités ont été formulées clairement par le premier ministre dans ma lettre de mandat qui, naturellement, est affichée publiquement.

Les langues officielles constituent l'une des grandes priorités établies dans ma lettre de mandat. J'ai reçu notamment le mandat suivant : « En collaboration avec la ministre du Patrimoine canadien, veiller à ce que tous les services fédéraux soient offerts en parfaite conformité avec la Loi sur les langues officielles. »

Les responsabilités qui m'incombent relèvent principalement de trois parties de la loi : la partie IV, qui concerne les communications avec le public et la prestation des services; la partie V, qui régit la langue de travail — les fonctionnaires fédéraux devraient pouvoir travailler dans la langue officielle de leur choix dans les limites du raisonnable —; et la partie VI, qui concerne l'embauche de Canadiens d'expression française et d'expression anglaise dans les organismes fédéraux de façon à assurer une pleine participation des deux groupes.

[Français]

À titre de président du Conseil du Trésor, je dois présenter un rapport annuel au Parlement qui décrit les progrès accomplis au sein des institutions fédérales en ce qui concerne l'application de la loi. J'aimerais partager avec le comité quelques points saillants du dernier rapport annuel.

[Traduction]

Le gouvernement du Canada offre des services à la population dans plus de 11 000 bureaux et points de service rattachés à près de 200 organismes fédéraux répartis partout au pays et à l'étranger. Trente-cinq pour cent de ces bureaux offrent des services en français et en anglais. Le dernier rapport portant sur l'exercice 2014-2015 montre que plus de 95 p. 100 des employés qui fournissent des services de première ligne aux Canadiens et des superviseurs de toute la fonction publique fédérale satisfont aux exigences en matière de langues officielles de leur poste.

La participation des anglophones et des francophones est demeurée assez stable depuis 10 ans.

[Français]

En date du 31 mars 2015, la participation des anglophones dans toutes les institutions fédérales était d'à peu près 73 p. 100, et celle des francophones, de 26 p. 100.

[Traduction]

Ces données ressemblent beaucoup à celles du recensement de 2011, selon lesquelles 75 p. 100 des Canadiens ont indiqué parler l'anglais et 23 p, 100, le français. Elles montrent donc que la participation des deux groupes de langues officielles à la fonction publique demeure proportionnelle à leur représentation dans la population canadienne et que les deux groupes ont des possibilités justes et équitables d'obtenir un emploi dans la fonction publique.

Le rapport annuel met également en lumière les mesures prises par les organismes fédéraux pour créer et maintenir un milieu de travail bilingue, en plus de veiller à ce que tous les services et toutes les communications destinés à la population respectent la loi.

[Français]

Les institutions ont également établi des objectifs de rendement en lien avec les parties IV, V et VI de la loi et les ont inclus dans l'entente de rendement des fonctionnaires, le cas échéant.

[Traduction]

Une autre mesure importante a été la nomination de champions et de personnes chargées des langues officielles dans les ministères et les organismes. Ces gens se réunissent régulièrement pour mettre en commun leurs pratiques exemplaires, étant donné qu'ils doivent favoriser et faire respecter les langues officielles dans leurs organismes. Ils parlent de leur rendement et élaborent des stratégies pour conserver et surveiller les progrès.

[Français]

Ce sont des mesures importantes, mais nous devons en faire plus. Nous savons que les ministères et agences font face à des défis dans leur mise en œuvre de la loi. Par exemple, on peut facilement perdre de vue les pratiques exemplaires et le partage des connaissances en raison du roulement des champions des langues officielles et des responsables des langues officielles. Nous avons besoin de réseaux sociaux efficaces afin d'échanger et d'améliorer les pratiques exemplaires et les bons conseils.

Nous avons la chance d'avoir une fonction publique bilingue. Il est important que les compétences linguistiques continuent d'être valorisées au travail et que les nouveaux employés prennent des mesures pour développer les compétences nécessaires en début de carrière. Les institutions doivent continuer à promouvoir un endroit de travail qui encourage l'usage des deux langues officielles et le maintien des compétences linguistiques acquises.

[Traduction]

Il n'est pas facile pour les organismes fédéraux de suivre l'évolution des médias sociaux et des autres avancées technologiques, mais cela représente également de bonnes occasions à saisir. Les médias sociaux constituent l'un des moyens les plus efficaces et les plus populaires pour joindre la population. Il est toutefois important de veiller à ce que tout ce que nous faisons respecte la loi.

[Français]

Nous avons aussi des occasions en or devant nous. J'y pense souvent lorsque mes beaux-parents communiquent avec mes filles par Skype. Ils sont francophones. Si mes beaux-parents francophones peuvent communiquer d'un bout à l'autre du pays avec mes filles, comment se fait-il qu'on ne tire pas partie de ces technologies pour tisser des liens entre tous les Canadiens qui se trouvent dans un contexte de langue minoritaire? Les outils à notre disposition devraient nous permettre d'offrir un accès sans précédent à des services bilingues. Non seulement notre gouvernement s'engage à ce que tous les services fédéraux soient offerts dans le strict respect de la loi, mais il existe aussi des occasions d'aller au- delà de nos obligations.

[Traduction]

Lorsque nous communiquons avec mes beaux-parents francophones par Skype et que nos filles parlent avec leurs grands-parents en français, je pense parfois aux usages possibles que nous pourrions faire de la technologie dans la fonction publique. Je vais vous donner un exemple. Un bureau de Services Canada d'une petite ville de la Nouvelle- Écosse peut ne pas avoir un francophone pour servir le public, mais il y a un téléphone que quelqu'un peut utiliser pour parler avec un fonctionnaire francophone au sujet d'un service requis du gouvernement du Canada. Quelle possibilité s'offre à nous d'ajouter à la capacité de parler avec un fonctionnaire dans la langue officielle de son choix celle de voir cette personne également pendant la prestation du service? Nous savons que la possibilité existe.

Ce qui me plaît beaucoup de votre travail et de celui du comité que je viens de rencontrer à l'autre endroit, c'est d'avoir, entre autres, vos idées sur les utilisations possibles de la technologie.

[Français]

Pour fournir davantage de services aux Canadiens dans les deux langues officielles.

[Traduction]

Je suis heureux d'être ici avec vous, aujourd'hui. Je vous suis reconnaissant de m'offrir cette possibilité de m'adresser à vous.

[Français]

Je tiens à féliciter le comité pour son travail. Je suis très heureux de discuter avec vous aujourd'hui et de pouvoir compter sur votre engagement continu.

La présidente : Je vous remercie, monsieur le ministre. Avant de passer à la période des questions, j'aimerais présenter la sénatrice Fraser, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur McIntyre : Merci d'être avec nous aujourd'hui et merci pour votre déclaration. Au fil des ans, le Secrétariat du Conseil du Trésor a mis sur pied divers groupes de travail, comme ceux sur l'offre active, sur la langue de travail, sur la formation linguistique et le maintien des acquis et sur la recherche en langues officielles. Auriez-vous l'obligeance de nous donner des détails sur ces groupes de travail?

M. Brison : Le Conseil du Trésor est l'employeur pour le gouvernement du Canada; il travaille avec tous les ministères et les organismes. Je vais demander à Anne-Marie ou à Marc de vous parler plus en détail d'une partie du travail qui y est effectué.

Même dans nos séances d'information, il est très important que les fonctionnaires se sentent libres d'utiliser la langue de leur choix.

[Français]

J'aimerais remercier nos fonctionnaires du Conseil du Trésor pour leur patience. Je sais que c'est exigeant pour eux quand je parle en français.

[Traduction]

Toutefois, nous essayons de le faire, dans tous les ministères et tous les organismes. Le Conseil du Trésor encourage ces groupes de travail. Marc ou Anne-Marie pourraient peut-être ajouter quelque chose à ce sujet.

Anne-Marie Smart, dirigeante principale des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Marc peut vous parler du groupe de travail.

Marc Tremblay, directeur exécutif, Centre d'excellence en langues officielles, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Vous avez probablement lu sur ce sujet dans notre rapport annuel. Nos réseaux de responsables et de champions des langues officielles repèrent les questions qui nécessitent un examen ou des discussions plus approfondis ou encore la mise en commun des pratiques exemplaires. Ils nous informent de l'aide dont ils ont besoin pour améliorer les choses. Fondamentalement, ce que nous faisons au Secrétariat du Conseil du Trésor, c'est de fournir la salle, les conférenciers, l'information, les documents et les experts pour leur permettre de discuter de divers sujets, comme l'offre active de services, et de repérer, lorsque cela est requis ou possible, les pratiques exemplaires ou certains outils ou encore de voir si une stratégie qui a donné de bons résultats dans un ministère ou un organisme peut être mise à profit ailleurs. Tous ces groupes de travail reposent essentiellement sur le même principe. Nous réunissons des responsables et des champions avec nos ressources pour fournir des conseils avisés et un soutien actif.

Le sénateur McIntyre : Monsieur le ministre, lorsque vous êtes entré en fonction, vous avez reçu une lettre de mandat faisant état d'engagements précis en matière de langues officielles. Quelles sont actuellement vos priorités dans ce domaine? Qu'est-ce qui est le plus important dans votre lettre de mandat et qui nécessite une intervention immédiate?

M. Brison : Vous avez tout à fait raison, monsieur le sénateur. Ces priorités ont été énoncées dans ma lettre de mandat et dans celle de la ministre Joly, parce que nous partageons cette responsabilité.

Dans la fonction publique, des progrès ont été réalisés pour que les fonctionnaires aient la possibilité de travailler et de communiquer dans la langue de leur choix, mais je crois très sincèrement qu'il faut faire davantage. Actuellement, nous poursuivons plusieurs objectifs dans la fonction publique que nous cherchons à moderniser et à rajeunir. L'âge moyen des recrues est de 36 ans. Nous ne réussissons donc pas à attirer les post-boomers comme nous le devrions. Dans les efforts que nous déployons pour moderniser la fonction publique et attirer plus de post-boomers, nous cherchons également à moderniser les façons de permettre aux gens de devenir bilingues.

[Français]

J'ai appris le français ici à Ottawa. C'est un grand défi à relever, mais je crois que nous devons modifier notre approche en ce qui concerne les députés, les sénateurs et les fonctionnaires.

[Traduction]

Je partage le mandat et les responsabilités en matière de langues officielles avec la ministre Joly. Le travail que nous faisons est très important pour accroître le bilinguisme dans la fonction publique et veiller à ce que les services fournis aux Canadiens respectent la loi. Toutefois, je crois qu'il y a quelque chose de plus important, et j'en ai parlé avec la ministre Joly. Je crois que le gouvernement fédéral peut faire davantage tout en respectant les compétences des provinces en éducation.

Je crois que nous pouvons faire plus, tout particulièrement à l'âge numérique — et Patrimoine canadien est au centre de cela — en produisant du contenu pour les enfants qui est bilingue et biculturel. Rendez-vous dans un magasin Apple et regardez les enfants sur les iPads, ou regardez-les faire dans leurs propres familles; quiconque a des petits comme mes filles de 27 mois est à même de le constater. C'est une chose d'aider des adultes à devenir bilingues, mais c'en est une autre d'aider des enfants à le devenir.

Le gouvernement fédéral peut faire davantage tout en respectant intégralement les compétences des provinces en éducation. Je crois que nous pouvons faire davantage en produisant du contenu pour les enfants dans les deux langues officielles. Malgré tout ce que nous faisons au Conseil du Trésor, rien ne pourra battre une intervention de plus grande envergure pour rendre réellement le Canada plus bilingue, non seulement nos fonctionnaires, non seulement nos parlementaires, mais les Canadiens. Je suis ici en qualité de président du Conseil du Trésor, mais je parle en qualité de citoyen pour qui le bilinguisme est très important.

La présidente : Merci, monsieur le ministre. En fait, nous avons notamment recommandé dans un de nos rapports précédents d'encourager les investissements dans les produits destinés aux enfants. Nous trouvions cela très important pour le travail que nous faisions.

[Français]

M. Brison : Nous avons maintenant la technologie pour le faire, et je sais que ma collègue, la ministre du Patrimoine canadien, Mme Joly, s'intéresse vivement à cette approche.

La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, j'aimerais tout d'abord vous remercier de votre présence ici aujourd'hui. Je suis certaine que vous allez renforcer le bilinguisme au Canada.

Une de mes préoccupations en tant que sénatrice de la Colombie-Britannique est que les fonctionnaires fédéraux de la Colombie-Britannique n'aient pas la même possibilité que les fonctionnaires fédéraux des autres provinces d'apprendre le français.

Corrigez-moi si j'ai tort, mais si je comprends bien, l'offre de services bilingues et les ressources financières sont contrôlés par le chef du département de chaque ministère. Pourquoi ne pas développer davantage une vision nationale où le bilinguisme prendrait une plus grande importance dans chaque ministère?

[Traduction]

Monsieur le ministre, les fonctionnaires fédéraux qui travaillent dans ma province viennent me voir tout le temps pour me dire qu'ils ne sont pas traités sur un pied d'égalité. Je dois dire que s'il y a jamais eu un ministre qui peut changer les choses, c'est bien vous. Vous avez une telle passion. Les fonctionnaires fédéraux de ma province n'obtiennent pas la même formation qu'ils auraient s'ils étaient ici. Ils me demandent tout le temps : « Quand donc aurons-nous des promotions? Comment pourrons-nous donc devenir sous-ministres? Nous n'avons pas les mêmes possibilités que ceux qui travaillent à Ottawa. »

Je viens à la réunion d'aujourd'hui pour vous demander de me rassurer. Vous le savez peut-être; en fait, je suis sûre que vous avez ces données. Combien de fonctionnaires partout au pays obtiennent des cours de français, tout particulièrement dans ma province, comparativement à ceux d'Ottawa? Je veux obtenir l'assurance de vous, monsieur le ministre, que les fonctionnaires de partout au pays seront traités sur un pied d'égalité pour obtenir des cours de français.

[Français]

M. Brison : Merci de votre question. Je n'ai cette information que pour le gouvernement fédéral, où le pourcentage des employés bilingues dans l'administration publique centrale a augmenté comme suit : 35 p. 100 en 2000, 41 p. 100 en 2010 et 46 p. 100 en 2015. Je n'ai malheureusement pas cette information par province, mais c'est une question très importante. Je suis certain que les occasions pour les fonctionnaires sont différentes selon leur province d'emploi.

J'aimerais connaître la différence entre les occasions d'emploi selon les provinces et au sein du gouvernement fédéral. Nous devrons évaluer les approches afin d'augmenter ces occasions et d'améliorer la situation. C'est une question très importante à laquelle je n'ai pas de réponse en ce moment. Peut-être que Mme Smart ou M. Tremblay auront une réponse.

La présidente : Est-ce que vous pouvez faire parvenir l'information au greffier, monsieur le ministre?

M. Brison : D'accord.

La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup, monsieur le ministre. J'apprécie beaucoup votre aide. Beaucoup de fonctionnaires m'ont fait savoir qu'ils trouvaient étrange que ce soit le chef du ministère qui décide qui va apprendre le français.

[Traduction]

En Colombie-Britannique, les responsables ne sont pas motivés à faire suivre des cours de français à leurs employés parce que les ressources sont limitées. On envoie plutôt les gens suivre des cours de planification de projets que des cours de français, mais c'est une vision locale à court terme, alors qu'on devrait plutôt avoir une vision nationale des choses et fournir des cours de français aux employés.

Je suis certaine que le commissaire aux langues officielles a toutes les réponses, mais je veux vous mettre sur la sellette. Je veux que vous preniez devant moi et devant le comité un engagement personnel, monsieur le ministre. Je vous y incite, sans vouloir vous bousculer. Travaillons ensemble pour que tous les fonctionnaires puissent sentir qu'ils ont les moyens d'agir. Ils doivent être en mesure d'apprendre le français s'ils le désirent.

[Français]

M. Brison : Je suis d'accord avec vous. Lorsque nous renouvellerons la fonction publique, et c'est un objectif de notre gouvernement, nous devrons considérer et mettre en place les changements afin d'améliorer la capacité des fonctionnaires à devenir bilingues.

[Traduction]

C'est très important, et tout particulièrement pour beaucoup de post-boomers. Lorsque nous avons commencé à poser des questions sur les raisons pour lesquelles les post-boomers n'étaient pas attirés par la fonction publique, certains nous ont dit que c'était à cause des exigences linguistiques. Cela m'a beaucoup troublé. Les exigences linguistiques ne devraient pas constituer un obstacle pour entrer dans la fonction publique. Nous devons donc faciliter l'apprentissage d'une langue seconde. Que la langue seconde soit considérée comme un obstacle est troublant, et nous devons corriger la situation.

La sénatrice Seidman : Monsieur le ministre, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. J'ai une question qui donne suite à celle qui vous a été posée sur les groupes de travail mis sur pied par le Conseil du Trésor. M. Tremblay a déclaré très clairement qu'il n'a pas beaucoup de détails sur ces groupes, mais que ces groupes se rencontrent dans les locaux du Conseil du Trésor, qui les aide à tenir leurs réunions, tout simplement. J'aimerais savoir plus particulièrement si M. Tremblay a des informations sur les priorités du groupe de travail qui s'occupe de la recherche sur les langues officielles.

M. Tremblay : Je n'en ai pas. Le groupe chargé de la recherche relève de Patrimoine canadien.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor participe aux travaux du groupe. Nos champs d'intérêt sont liés au mandat et au travail du Secrétariat du Conseil du Trésor; la démographie nous intéresse beaucoup, mais les champs d'intérêt du groupe de travail débordent de cette question et touchent à des domaines comme l'immigration. Je sais que le groupe a fait une étude sur l'incidence économique du bilinguisme et sur la définition de collectivités francophones en milieu minoritaire; le travail de ce groupe se poursuit donc.

Le groupe de travail compte 12 membres, je crois, provenant de différents ministères — des ministères à vocation économique et des ministères à vocation scientifique ainsi que du nôtre, de Patrimoine canadien et de Statistiques Canada. Il recense une gamme de sujets qui présentent un intérêt pour les membres, et ce, de façon continue.

La sénatrice Seidman : Pourriez-vous nous envoyer des renseignements détaillés sur les projets de recherche dont vous parlez en termes généraux ici aujourd'hui et du genre de travail que ce comité fait?

M. Tremblay : Je peux transmettre votre demande à Patrimoine canadien, qui serait en meilleure position pour vous fournir cette information.

M. Brison : C'est quelque chose, Marc, dont nous pouvons parler avec Patrimoine canadien. S'il y a des questions à résoudre sur ce sujet, nous devrions être en mesure d'y réagir pour le compte du gouvernement dans son ensemble.

La sénatrice Seidman : Si je peux me le permettre, monsieur le ministre, j'ai pour vous une question sur le site en ligne que vous avez le mandat de mettre en place, mais j'aimerais d'abord revenir à la discussion que vous avez eue avec la sénatrice Jaffer. Vous avez parlé des problèmes de recrutement des post-boomers et déclaré que les exigences linguistiques des postes peuvent constituer un facteur de dissuasion pour eux. Plus précisément, le commissaire aux langues officielles a recommandé de réaffecter l'argent des primes au bilinguisme aux cours de langue; j'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.

M. Brison : Nous voulons mettre en place les mesures qui fonctionnent et prendre des décisions fondées sur des faits montrant ce qui donne de bons résultats et ce qui présente le plus de chances d'accroître le bilinguisme dans la fonction publique.

J'ai participé à une émission de radio dernièrement portant sur les post-boomers. Un des membres du panel a déclaré que les exigences linguistiques du gouvernement fédéral constituent l'une des raisons pour lesquelles les post- boomers ne postulent pas pour les emplois dans la fonction publique. Or, j'aimerais renverser la vapeur et faire du bilinguisme un incitatif à entrer dans la fonction publique. J'aimerais que la possibilité de devenir bilingue, d'accroître sa capacité de comprendre une autre langue devienne dans les faits un attrait. Les exigences linguistiques ne devraient pas être un facteur de dissuasion, mais d'incitation. Toutefois, la question revêt une portée plus large.

De plus, concernant la question de la sénatrice Jaffer, les sous-ministres partout au gouvernement ont l'information et les budgets. Ils ont les budgets pour les cours de langue. Ce n'est pas la première fois que j'entends dire que les cours de langue entrent en concurrence avec d'autres besoins et cela me préoccupe. Nous aurons également les états détaillés des dépenses par province pour mieux comprendre ce phénomène; nous voulons prévenir les situations où quelqu'un est envoyé suivre une formation liée à son travail sans que ce soit des cours de langue, mais avec les ressources prévues pour ces cours.

Nous devons également tenir compte des possibilités que nous offre maintenant la technologie pour faire les choses de façon plus économique qu'auparavant dans les régions éloignées. Il ne faut pas voir la technologie comme quelque chose qui nous permet de remplacer des fonctionnaires. Il faut plutôt voir la technologie comme une façon d'accroître et d'améliorer nos services. Nous avons beaucoup trop souvent perçu la technologie par le passé, je crois, comme une façon de couper les coûts liés aux ressources humaines. Il faut plutôt voir la technologie comme un outil pour améliorer et étendre nos services, y compris l'apprentissage du français.

Nous ne planifions pas de changer la prime au bilinguisme. Je prends toujours très au sérieux ce que dit Graham Fraser, mais, contrairement à lui, je n'exerce pas mes fonctions actuelles depuis 10 ans et je dois donc réfléchir à la question. Le budget de la prime s'élève actuellement à 71 millions de dollars par année. Nous n'envisageons pas de changer la prime au bilinguisme, mais nous sommes ouverts aux idées qui peuvent nous permettre d'être les plus efficaces possible dans l'atteinte des objectifs de tous nos programmes. Nous voulons accroître le bilinguisme dans la fonction publique, et nous examinerons tous les secteurs en cause ainsi que toutes les politiques et tous les outils dont nous disposons à cette fin.

[Français]

La sénatrice Gagné : Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue parmi nous et je vous remercie de votre présence. Je souhaite vous mentionner que j'ai été heureuse d'entendre votre point de vue sur l'importance d'investir dans du contenu francophone avec des références culturelles, et ce, autant pour la petite enfance que pour le contenu des niveaux primaire, secondaire et postsecondaire. C'est la clé pour assurer l'enrichissement de notre langue et pour faire la promotion de contenus et d'autres perspectives sur le monde. Bravo! Je suis heureuse. Si vous pouviez transmettre ce point de vue à la ministre Joly, nos communautés en situation minoritaire vous en seraient très reconnaissantes.

Le 19 mai dernier, Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, a déposé son dixième et dernier rapport, dans lequel il relate l'importance de la mise en œuvre des obligations relatives à la partie IV de la Loi sur les langues officielles au sujet des communications et des services destinés au public. Il a aussi signalé l'importance de mener à terme l'étude du projet de loi S-209, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles qui, pratiquement, propose des modifications au règlement.

Comment entrevoyez-vous la mise en œuvre des recommandations? Y a-t-il des changements qui s'imposent à la loi? Si oui, lesquels?

M. Brison : Je vous remercie de votre question. J'ai parlé récemment avec la sénatrice Tardif au sujet du projet de loi S-209. Il est important de considérer que la réglementation a été mise en place en 1991.

La sénatrice Gagné : C'est cela.

M. Brison : Depuis ce temps, il y a eu beaucoup de changements sur le plan de la technologie. Pendant la même période, aucun changement n'a été apporté à la réglementation. Au fur et à mesure, nous devrions moderniser la réglementation, et nous sommes ouverts à l'idée de recevoir les recommandations du comité sur les façons de moderniser la réglementation. Il est évident qu'il reste encore beaucoup à faire.

Je crois que nous avons la possibilité de moderniser la réglementation afin d'atteindre les objectifs du projet de loi S- 209. Nous comprenons bien les objectifs de ce projet de loi et nous sommes d'accord avec eux. À mon avis, il est possible d'utiliser l'approche qui vise à modifier la réglementation.

Encore une fois, je suis ouvert aux suggestions du comité. J'ai parlé avec la sénatrice Tardif récemment et je lui ai fait savoir que je serais très heureux de recevoir vos suggestions à ce sujet.

La sénatrice Gagné : Je vous remercie infiniment. Je suis heureuse de vous l'entendre dire. Cette approche est beaucoup plus pratique, et vous pouvez certainement compter sur notre avis. C'est avec plaisir que nous vous transmettrons nos opinions à ce sujet.

Le sénateur Maltais : Bienvenue, monsieur le ministre. Tout d'abord, permettez-moi de vous féliciter pour la qualité de votre français. Vous vous êtes amélioré de façon remarquable.

M. Brison : Vous êtes patient. Mon conjoint n'est pas aussi patient avec moi. En fait, il refuse de parler français avec moi. Lorsque j'essaie, il me répond : « Je ne suis pas Berlitz. » Lorsque je suis avec ma famille et mes parents, je m'améliore beaucoup.

Le sénateur Maltais : Je vous encourage à continuer, car vous vous défendez très bien.

À titre de président du Conseil du Trésor, vous tenez les cordons de la bourse du Canada. Comme vous le savez, en 2017, nous fêterons le 150e anniversaire de la fondation du Canada. En jetant un coup d'œil autour de la salle, je constate que le commissaire Fraser et moi étions là lors du 100e anniversaire, en 1967. À ce moment-là, la Loi sur les langues officielles n'existait pas encore et, malheureusement, les francophones avaient été complètement oubliés lors de ces célébrations.

Pourtant, l'une des provinces fondatrices était francophone et il y avait des francophones en Ontario, au Nouveau- Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Au Québec, cela avait attisé la colère contre le gouvernement fédéral.

Je suis un fédéraliste endurci, mais j'avoue que mes convictions avaient été drôlement ébranlées à ce moment-là. De plus, cette inaction de la part du gouvernement de l'époque avait été un facteur exacerbant pour renforcer le nationalisme québécois, dont on subit les conséquences encore aujourd'hui.

Je sais que c'est la ministre responsable de Patrimoine Canada qui aura à gérer les fêtes du 150e anniversaire, mais c'est vous qui tenez les cordons de la bourse. Pouvez-vous m'assurer que des fonds suffisants seront fournis de sorte que les francophones soient bien représentés lors du 150e anniversaire de la fondation du Canada? Nous nous attendons à une reddition de comptes de votre part.

Il est très important pour tous les francophones du Canada, qu'ils vivent à Terre-Neuve ou à Victoria, en Colombie- Britannique, qu'ils puissent fêter ensemble le 150e anniversaire de leur pays.

M. Brison : J'apprécie beaucoup votre question. Je suis convaincu que les célébrations du 150e seront une grande occasion de promouvoir le bilinguisme au pays, et plus particulièrement dans les communautés linguistiques en situation minoritaire. En Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, au Manitoba et partout au Canada, c'est une priorité pour moi, pour ma collègue, Mme Joly, ainsi que pour notre gouvernement.

Pour ouvrir une parenthèse, je suis né en 1967. Mes parents ont visité l'Expo 67.

Le premier ministre croit qu'il faut appuyer les célébrations dans chaque collectivité du Canada. Nous avons la capacité de fournir des prestations dans les deux langues officielles. Avec les nouvelles technologies, il n'y a aucune raison de ne pas pouvoir le faire. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

J'en discuterai avec Mme Joly et avec notre équipe du Conseil du Trésor. Nous allons nous assurer que les célébrations du 150e anniversaire du Canada se fassent dans les deux langues officielles, partout dans le pays. Je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Maltais : Je vous remercie de votre réponse, elle est très claire.

Au fil de témoignages que nous avons entendus lors des réunions de notre comité, bon nombre de francophones et d'anglophones du Canada se sont plaints que les fonds octroyés par le gouvernement fédéral dans différentes provinces n'étaient pas nécessairement investis en faveur de la francophonie.

À titre de président du Conseil du Trésor, comment pouvez-vous vous assurer que les sommes d'argent que vous distribuez ne servent pas à la construction de routes ou de ponts, mais bien aux communautés francophones ou anglophones en situation minoritaire? Y a-t-il moyen d'obtenir une reddition de comptes en tant que telle?

La présidente : Surtout dans le domaine de l'éducation, en ce qui concerne les transferts de fonds pour l'éducation.

M. Brison : Je ne pourrais pas vous répondre maintenant. Au sein du gouvernement du Canada, c'est la responsabilité du ministère des Finances, de chaque ministère et agence. Il y a aussi le dossier géré par Patrimoine canadien, mais je n'ai pas de réponse sur la francophonie et les questions liées à l'éducation. Cependant, nous pourrons vous fournir une réponse ultérieurement.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : Monsieur le ministre, je vous prie de m'excuser encore une fois pour mon retard. Vous nous avez demandé de nous prononcer sur le projet de loi S-209, je vais donc le faire et j'aurai ensuite une question sur quelque chose d'autre. C'est une excellente idée de moderniser les règlements. N'arrêtez pas. C'est toujours une bonne chose à faire.

M. Brison : Je n'arrêterai pas, mais je veux connaître l'opinion de votre comité. Je veux que vous y participiez en quelque sorte.

La sénatrice Fraser : Il me semble qu'on doit pouvoir faire deux choses en même temps. À mon sens, il est plus facile de modifier un règlement qu'une loi. Je ne doute pas que vous et votre gouvernement soyez tout à fait sincères dans votre détermination à assurer le bilinguisme de la fonction publique, mais cela ne veut pas dire qu'il en sera toujours ainsi. Je vous exhorte donc à examiner le projet de loi S-209 d'un œil favorable.

M. Brison : C'est un processus en constante évolution, en quelque sorte.

Dans un tout autre ordre d'idée, l'accès à l'information n'a pas non plus fait l'objet de révision, de mise à jour ou de modernisation depuis les années 1990. Les règlements devraient être constamment revus et mis à jour; nous devons garder cet objectif en tête. Les choses évoluent constamment; il faut donc moderniser et mettre à jour ce qui les régit. Il ne faudrait pas attendre 25 ans avant de moderniser les règlements. Le processus devrait être continu.

La sénatrice Fraser : Nous venons tout juste de mener le dernier recensement, et nous ne connaîtrons pas les données sur les langues officielles avant encore un certain temps, mais vous savez, j'en suis certaine, que les anglophones du Québec ont tendance depuis longtemps à se concentrer dans la région de Montréal. Le phénomène a cours depuis longtemps, mais il y a également de petites collectivités anglophones ailleurs.

Je formule une hypothèse. Je présume que les nouvelles données du recensement révéleront que certaines collectivités ont perdu tellement de leurs membres qu'elles n'auront plus droit à des bureaux bilingues, si elles en ont actuellement. Si les exigences passent du bilinguisme à l'unilinguisme, quel plan avez-vous pour consulter chaque collectivité concernée? Même si les petites collectivités peuvent se ressembler à bien des égards, elles diffèrent à beaucoup d'autres et peuvent donc avoir des besoins bien différents. Pouvez-vous vous engager à consulter les collectivités? Je prêche pour ma paroisse, mais, naturellement, la même situation se présenterait pour les francophones des autres provinces.

M. Brison : J'ai entendu parler de collectivités francophones dynamiques en milieu minoritaire qui, sans que le nombre de leurs membres diminue, deviennent de plus en plus minoritaires à cause de l'arrivée d'immigrants de langue anglaise; ces collectivités tombent alors en deçà d'un certain seuil de représentativité et perdent des services.

Nous devons être sensibles à cette réalité et travailler de concert avec les collectivités. Le gouvernement peut accélérer le déclin d'une collectivité de langue officielle en milieu minoritaire s'il fonde ses services uniquement sur un seuil numérique. Je crois qu'il faut plutôt appuyer de toutes les façons possibles les minorités de langue officielle qui se développent bien. Que ces collectivités représentent 6 p. 100 ou 4 p. 100 de la population locale, nous avons toujours, à mon sens, la responsabilité de faire tout ce que nous pouvons pour les appuyer. Lorsque nous intervenons de la sorte, l'ensemble de la population locale en profite, parce qu'elle a tout intérêt à avoir en son sein une minorité de langue officielle dynamique.

J'ai grandi à Cheverie, en Nouvelle-Écosse, un endroit magnifique qui porte un nom français et acadien, mais sans la présence de francophones. Aujourd'hui, je souhaiterais avoir grandi près de francophones parce que j'aurais ainsi connu leur culture et leur langue plus jeune. J'ai dû travailler très fort pour épouser un francophone et avoir accès à tout cela. Nous augmentons considérablement les francophones dans ma collectivité. Tout d'abord, il y a eu Maxime, et maintenant Rose et Claire, mais je ne veux pas me marier plus d'une fois, et il n'y aura donc plus beaucoup d'autres occasions pour moi d'augmenter leur nombre. Un seuil numérique ne peut pas être nécessairement représentatif à lui seul du dynamisme ou de l'importance d'une collectivité.

Il y a également des mesures que nous pouvons prendre pour améliorer la prestation des services bilingues. J'ai parlé plus tôt de la possibilité pour un francophone d'utiliser un service téléphonique dans un bureau de Services Canada, à Kentville, en Nouvelle-Écosse, pour obtenir l'aide requise. Or, nous savons tous qu'il est bien mieux de voir la personne à qui on parle. Même si ce n'est pas la même chose que de se trouver dans la même pièce avec quelqu'un, nous savons qu'il est possible d'améliorer réellement la qualité des services offerts dans les deux langues officielles aux Canadiens partout au pays grâce à la technologie.

Il est important de respecter intégralement la Loi sur les langues officielles. Nous le savons. C'est dans ma lettre de mandat. Toutefois, cela ne nous dispense pas de la responsabilité que nous avons de chercher réellement à accroître de façon substantielle nos services, au-delà de ce que la loi nous dicte de faire, et de trouver des façons novatrices pour y arriver.

Je vais vous dire un petit secret, parce que je n'en ai pas encore parlé à Graham Fraser. Je ne sais pas ce qu'il entend faire à la retraite, mais j'ai l'intention de le consulter régulièrement, parce qu'il a consacré 10 ans à un travail qu'il a très bien fait. Voilà ce que j'entends faire. Alors, nous allons nous parler, Graham.

Je ne veux pas que nous agissions comme si la Loi sur les langues officielles était une sorte de gourdin que nous devions brandir. Allons au-delà de cela, et considérons que ce que nous faisons est important pour les collectivités et pour le pays, que nous ne l'imposons pas, mais que cela fait partie intégrante de notre réalité de Canadiens.

C'est quelque chose que je trouve stimulant au Conseil du Trésor. Le Conseil du Trésor est un organisme central qui joint tous les ministères et tous les organismes. Je vous parle en qualité de citoyen qui a eu sa part de frustrations à apprendre le français à l'âge adulte.

[Français]

C'est une frustration, pour moi, lors d'un événement social, par exemple. Je ne suis pas à l'aise lors de conversations avec Maxime et ses amis dans un restaurant à Montréal. Il est très difficile pour un anglophone d'apprendre le français et de pouvoir comprendre facilement toutes les conversations.

C'est une priorité, pour moi et pour notre gouvernement, de rendre la fonction publique plus bilingue, ses services plus bilingues, et le pays plus bilingue. C'est une priorité pour moi, personnellement.

La présidente : Monsieur le ministre, avez-vous encore quelques minutes à nous accorder ou devez-vous partir?

M. Brison : Je peux rester encore cinq minutes.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, vous parlez avec une telle passion du fait que vos filles parlent français. Je me suis mariée à l'âge de 10 ans, et j'ai des petits-enfants de trois ans. Je blague. Je ne veux tout simplement pas avoir l'air d'être beaucoup plus âgée que vous; c'est tout.

M. Brison : Ne craignez rien.

La sénatrice Jaffer : Pour que mes petits-enfants puissent apprendre le français en Colombie-Britannique, ma belle- fille a dû s'adresser à 14 écoles et, même à cela, ma petite-fille est sur une liste d'attente. S'il vous plaît, ne vous contentez pas de vous intéresser avec passion à vos enfants, pensez également aux enfants de tout le pays. Je ne m'adresse pas à vous en qualité de chef du Conseil du Trésor, mais en qualité de membre du Cabinet. Nous devons faire avancer le bilinguisme et, cela, pas seulement dans les collectivités francophones. Lorsque j'ai présidé le comité des droits de la personne, nous avons proposé d'accorder un bonus aux sous-ministres qui nomment des gens de couleur dans des postes de direction. Pouvez-vous réfléchir à la possibilité de donner un bonus aux sous-ministres qui encouragent l'apprentissage du français à l'extérieur du Québec?

La présidente : Je considère qu'il s'agit d'une proposition pour vous, monsieur le ministre. Nous passons maintenant au sénateur McIntyre.

[Français]

Le sénateur McIntyre : Ma question s'adresse au groupe. Au fil des ans, le commissaire aux langues officielles, M. Fraser, a fait plusieurs recommandations, dont deux s'adressaient au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. En 2011, il avait recommandé au Conseil du Trésor de se pencher sur la possibilité d'inclure le profil de compétences en leadership axé sur les langues officielles. Par la suite, en 2013, il avait recommandé aux administrateurs généraux des institutions fédérales de continuer d'investir des ressources en faveur de la formation linguistique. Quelles mesures ont été prises pour donner suite aux recommandations du commissaire aux langues officielles?

M. Tremblay : En effet, il y a eu plusieurs recommandations. Dans le cadre de sa mission, le Secrétariat du Conseil du Trésor tente, dans la mesure du possible, de donner suite aux recommandations. En ce qui concerne les compétences clés en matière de leadership, il existe un nouveau profil dans le préambule qui comporte une mention expresse sur l'importance de la dualité linguistique pour le leadership, qui sert de guide de lecture pour l'ensemble des compétences. Pour ce qui est de la formation, chaque sous-ministre et administrateur général doit voir à la formation linguistique. Donc, cette recommandation dépassait le cadre des attributions du Secrétariat du Conseil du Trésor et du Conseil du Trésor.

La présidente : Monsieur le ministre, au nom de tous les membres du comité, je vous remercie sincèrement, ainsi que les membres de votre équipe, de votre participation à notre comité. Nous ressentons votre intérêt et, plus particulièrement, votre passion pour renforcer le bilinguisme au Canada. Vous avez parfaitement compris les objectifs de la Loi sur les langues officielles. Nous sommes convaincus de votre engagement envers le bilinguisme. Nous sommes très encouragés, parce que vous faites preuve d'ouverture en proposant de modifier la réglementation de la partie IV, qui porte sur les communications et les services publics.

Vous avez raison de dire que la société a changé. Il faut tenir compte de tous les finissants des programmes d'immersion, de tous les immigrants qui ne maîtrisent ni le français ni l'anglais lorsqu'ils arrivent au Canada, et aussi des ménages exogames pour lesquels on sent votre désir de les aider. Vous êtes conscient que ce n'est pas simplement une question de statistiques, mais de vitalité des communautés. Pour cela, nous vous remercions très sincèrement.

M. Brison : Je vous remercie de vos efforts en faveur de l'amélioration et de l'augmentation des services bilingues dans la fonction publique et du bilinguisme au Canada. C'est un dossier qui nous tient à cœur, moi, ma collègue, Mme Joly, et notre premier ministre. Il s'agit d'une priorité pour notre gouvernement. Je vous remercie infiniment de votre intérêt et, surtout, de votre patience avec mon français.

J'ai une petite histoire personnelle que j'aimerais vous raconter. C'est parfois embarrassant lorsque je fais de petites erreurs en français. Il y a environ cinq ans, nous étions à la campagne et, après le dîner, je me suis entretenu avec ma belle-mère à propos des nombreux pommiers que je venais de planter. J'ai demandé à ma belle-mère : « Madame St- Pierre, avez-vous vu ma nouvelle verge? » Il est très important de faire la distinction entre une verge et un verger. Je continue de faire des efforts en français. Je vous remercie beaucoup pour votre patience.

La présidente : Je vous remercie infiniment.

Le comité poursuit son étude spéciale sur l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.

L'article 66 de la Loi sur les langues officielles stipule ce qui suit, et je cite :

Rapport annuel

66 Dans les meilleurs délais après la fin de chaque année, le commissaire présente au Parlement le rapport d'activité du commissariat pour l'année précédente, assorti éventuellement de ses recommandations quant aux modifications qu'il estime souhaitable d'apporter à la présente loi pour rendre son application plus conforme à son esprit et à l'intention du législateur.

Nous avons donc le plaisir et l'honneur d'accueillir ce soir M. Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, Mme Mary Donaghy, commissaire adjointe, Direction générale des politiques et des communications, Mme Pascale Giguère, avocate principale et gestionnaire, Direction des affaires juridiques, et Mme Ghislaine Saikaley, commissaire adjointe, Direction générale de l'assurance de la conformité. Je vous souhaite à tous la bienvenue.

Monsieur Fraser, vous allez nous présenter votre dixième et, malheureusement, votre dernier rapport annuel. Le mandat du commissaire des langues officielles se terminera dans quelques mois. Monsieur le commissaire, j'aimerais souligner votre engagement sincère et votre travail remarquable pour la promotion et la progression de la dualité linguistique au pays au cours des 10 dernières années. Nous apprécions vos efforts à la réalisation de l'égalité des deux langues officielles du Canada et votre contribution à défendre le respect des droits linguistiques. Un grand merci, monsieur le commissaire.

Sur ce, je vous invite à faire votre présentation, une dernière fois à titre de commissaire devant notre comité et, ensuite, les sénateurs vous poseront des questions.

Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, Commissariat aux langues officielles : Je vous remercie beaucoup, madame la présidente. Honorables sénateurs, je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour vous présenter un survol de mon dixième et dernier rapport annuel, que j'ai déposé au Parlement le 19 mai dernier.

[Traduction]

Ce rapport annuel porte sur différents enjeux qui ont émergé ou qui ont été traités au cours de la dernière année. Certains enjeux révèlent les progrès — ou les reculs — observés au cours des 10 dernières années, durant lesquelles j'ai été commissaire. Parmi ces enjeux, il y a l'immigration, l'égalité des services, le développement de la petite enfance et l'importance accordée au bilinguisme lors d'événements nationaux d'envergure. Cependant, deux enjeux se démarquent particulièrement.

[Français]

Tout d'abord, il est évident qu'il existe un problème persistant en ce qui concerne l'accès à la justice dans les deux langues officielles. Les Canadiens qui veulent être entendus dans la langue officielle de leur choix devant nos tribunaux se heurtent à des obstacles parfois insurmontables. Les avocats se sentent souvent tenus d'avertir leurs clients que, s'ils insistent à faire valoir leur droit d'être entendus dans leur langue officielle de préférence, les recours judiciaires seront plus longs et plus coûteux.

Parmi les raisons expliquant cette situation, il y a le fait que la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures demeure problématique dans plusieurs provinces et territoires. On n'évalue pas les compétences linguistiques des candidats qui se déclarent eux-mêmes bilingues au moment de poser leur candidature pour un poste de juge. Or, une fois nommées juges, ces personnes découvrent souvent qu'elles sont incapables de présider un procès dans leur langue seconde.

Le gouvernement fédéral précédent était récalcitrant à prendre des mesures pour mettre en œuvre les recommandations que j'ai formulées dans une étude de 2013 sur l'accès à la justice dans les deux langues officielles, réalisée conjointement avec mes homologues de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick. C'est la raison pour laquelle la première recommandation de mon rapport annuel demande au gouvernement actuel et, tout particulièrement, à la ministre de la Justice, de se pencher sur cette question.

[Traduction]

Le deuxième enjeu est une question soulevée de manière répétée par l'ancienne sénatrice Maria Chaput, ainsi que par plusieurs chefs de file dans la collectivité. C'est dorénavant votre présidente, la sénatrice Claudette Tardif, qui s'en charge avec son projet de loi S-209.

Depuis des décennies, les services fédéraux sont fournis dans les deux langues officielles dans différentes régions du pays là où la demande pour des services dans la langue de la minorité est importante. Une communauté minoritaire peut prospérer et croître. Cependant, si la croissance de la majorité est plus rapide, il y a perte de services. Cela est tout simplement injuste. La vitalité d'une communauté devrait aussi être prise en compte, pas seulement le taux de croissance de la communauté majoritaire.

Le projet de loi S-209 prévoit une façon de remédier à cette injustice, tout comme le ferait une revue du Règlement sur les langues officielles.

Dans trois ans, nous célébrerons le 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles. Nous devrions déjà commencer à planifier un examen de l'application de la partie IV de la loi, qui porte sur les communications avec le public et la prestation de services.

Dans mon rapport annuel, ma deuxième recommandation demande au gouvernement d'en faire une priorité.

[Français]

Entre-temps, dans le milieu de travail fédéral en 2015-2016, les plaintes déposées en vertu de l'article 91 de la Loi sur les langues officielles à propos des exigences linguistiques des postes au sein de la fonction publique ont augmenté de 13 p. 100 par rapport à l'an dernier. Cela s'explique notamment par une mésentente de longue date entre le Commissariat aux langues officielles et le Secrétariat du Conseil du Trésor. Le secrétariat informe les institutions qu'un profil linguistique BBB est approprié pour la plupart des postes de supervision, tandis que je continue d'insister sur le fait que le profil CBC est le niveau minimal requis pour assurer une communication claire et efficace avec les employés dans les régions désignées bilingues aux fins de la langue de travail.

[Traduction]

En plus de déposer mon rapport annuel au Parlement le 19 mai, j'ai dévoilé de nouveaux bulletins de rendement qui évaluent la conformité de 33 institutions fédérales à la Loi sur les langues officielles. J'ai aussi publié un rapport sur mon rôle devant les tribunaux au cours des 10 dernières années.

Le 7 juin, je prévois déposer un rapport spécial au Parlement, qui proposera des options que le gouvernement fédéral devrait examiner afin de veiller à ce qu'Air Canada respecte avec efficacité ses obligations en matière de langues officielles.

Au cours des 10 années durant lesquelles j'ai occupé ce poste, j'ai prononcé 528 discours et je suis intervenu dans 23 causes judiciaires, y compris 9 affaires présentées à la Cour suprême du Canada. Le commissariat a traité 7 156 plaintes. La présente comparution constitue la 18e et probablement dernière occasion de me présenter devant votre comité.

[Français]

Lorsque je regarde vers l'avenir, j'ai néanmoins une préoccupation. J'ai parfois l'impression que l'attitude envers la politique linguistique est que « cela va sans dire », donc on n'en parle pas. Cependant, il faut en parler. En adhérant à l'idée que « cela va sans dire », on passe sous silence, et ce qui passe sous silence est souvent négligé ou oublié.

Dans ce contexte, je m'en voudrais de ne pas dire à quel point j'ai été ravi de l'annonce du gouvernement selon laquelle le Collège militaire royal de Saint-Jean retrouvera son statut d'université. Depuis plus de deux décennies, les Forces armées canadiennes souffrent de l'absence d'une université militaire francophone, et cette mesure vient résoudre un sérieux problème.

[Traduction]

Comme je l'ai mentionné dans le passé, la réussite n'est jamais le fruit du hasard. Cette année, je présenterai mon huitième Prix d'excellence, qui est remis annuellement, à Canadian Parents for French pour sa contribution remarquable à la promotion de la dualité linguistique. Je félicite l'organisme pour son travail exceptionnel ainsi que pour le respect qu'il manifeste à l'égard du français qu'il considère comme étant une caractéristique de l'identité canadienne.

[Français]

Les célébrations de l'anniversaire du Canada en 2017 offrent aussi une occasion unique de mettre en valeur la dualité linguistique. Plusieurs groupes partout au pays travaillent avec acharnement à organiser des activités qui marqueront notre 150e anniversaire. La dualité linguistique doit être un élément clé de tous les efforts déployés.

[Traduction]

Honorables membres de ce comité, je vous félicite pour vos efforts continus visant à promouvoir et à protéger nos langues officielles. Je vous remercie de votre attention ce soir et serai heureux de répondre à toute question que vous pourriez avoir. Merci.

[Français]

La sénatrice Poirier : Merci, madame la présidente. Bienvenue, monsieur le commissaire. Premièrement, s'il s'agit de votre dernier rapport en tant que commissaire, je veux vous remercier pour votre travail et tout ce que vous avez fait pour les langues officielles en situation minoritaire. C'est grandement apprécié, et je peux vous garantir que la personne qui vous remplacera aura de grands souliers à chausser.

Comme vous le savez sans doute, le gouvernement canadien n'a maintenant plus de ministre des Langues officielles. Selon l'explication qu'a donnée la ministre du Patrimoine canadien, il semblerait qu'il s'agit de diriger le trafic en pointant les bonnes directions plutôt que d'en être le représentant. Selon vous, est-ce que l'élimination de ce ministère est un pas en arrière pour les communautés francophones en situation minoritaire? Quel en sera l'impact pour les communautés francophones?

M. Fraser : C'est difficile à dire, puisqu'on n'a pas fait d'étude sur l'impact de cette décision, et je suis mal à l'aise d'improviser une réponse. C'est ce que je voulais dire quand je disais que le message que « cela va sans dire » me préoccupe. L'explication de la ministre en ce qui a trait au changement de la nomenclature de son ministère était que c'est inhérent à la position du gouvernement, une priorité partagée par tous les ministères. Effectivement, je trouve cela préoccupant, parce que si on ne souligne pas l'importance du dossier, si on ne travaille pas continuellement à valoriser le dossier, on risque de reculer. Dans le rapport annuel, j'ai utilisé comme métaphore un escalier mécanique : si on monte l'escalier descendant, il faut courir et, si on s'arrête, on descend.

Les noms sont importants. La nomenclature est importante, car elle envoie un message. Je partage votre préoccupation, mais je ne suis pas en mesure de commenter l'impact potentiel.

La sénatrice Poirier : Ce serait peut-être une bonne chose, si c'est possible, que votre successeur fasse un suivi de ce dossier.

Ma deuxième question est la suivante : en se dirigeant vers un monde plus branché à distance, qu'il s'agisse d'Internet, des numéros sans frais, des médias sociaux, des cellulaires, et cetera, le contact humain se fait de moins en moins. Est-ce qu'une telle évolution est profitable pour les communautés francophones en situation minoritaire en ce qui concerne les services offerts dans leur langue? Comment pouvons-nous atteindre un juste milieu?

M. Fraser : Le ministre Brison a dit que cela représente un défi, mais également une occasion en or, non seulement pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, mais pour l'ensemble du Canada. Dans mon rapport annuel, j'ai fait la distinction entre des espaces linguistiques et des réseaux linguistiques. Un espace linguistique est un endroit physique où la langue est visible et audible, utilisée, accessible et évidente, tandis qu'un réseau existe souvent par des méthodes technologiques. Il est maintenant possible de commander son passeport, de demander sa pension, de communiquer avec le gouvernement, et de commander des billets en ligne. Tout cela est très important au niveau individuel, mais cela ne fait pas grand-chose pour la collectivité.

Comme je l'ai dit lorsque le ministre Brison est sorti, il y a des façons d'utiliser les moyens technologiques pour rendre plus visibles les deux langues officielles. Je pense, par exemple, à l'aéroport international d'Ottawa. Au point d'arrivée où on attend les bagages, il y a un grand écran où les nouvelles alternent entre l'anglais et le français. C'est une façon de dire implicitement qu'il y a deux langues officielles à statut égal, et on présente de façon visuelle les deux langues officielles du Canada. Pour moi, la présence visuelle et audible des deux langues officielles est très importante, et on peut utiliser des moyens technologiques pour renforcer ce message.

La sénatrice Poirier : Encore un gros merci pour votre travail, monsieur le commissaire.

Le sénateur McIntyre : Monsieur le commissaire, comme vous l'avez mentionné, vous avez déposé votre 10e et dernier rapport.

Cela dit, vous avez bien respecté l'article 66 de la Loi sur les langues officielles, selon lequel le commissaire doit déposer son rapport dans les meilleurs délais à la fin de chaque année. Dans votre rapport, vous ne faites que deux recommandations, mais ce sont deux recommandations très importantes.

Ma question porte surtout sur Air Canada. Comme vous le savez, ce transporteur aérien ne se conforme toujours pas à la Loi sur les langues officielles. Je crois qu'une de vos préoccupations est justement liée au nombre de plaintes qui s'accumulent à cause d'un certain laxisme de la part de la compagnie aérienne. Vous le mentionnez d'ailleurs à plusieurs reprises dans votre rapport.

Si j'ai bien compris, le 7 juin prochain, vous envisagez de présenter un rapport spécial au Parlement. Pourriez-vous nous donner un avant-goût des grandes lignes de ce rapport?

M. Fraser : Je serai assez limité dans ma réponse, puisqu'il faut que tous les parlementaires reçoivent le rapport en même temps. Cependant, je peux vous dire que, dans ce rapport, je ne fais pas qu'un résumé de nos conflits d'interprétation des obligations et du statut actuel d'Air Canada en termes linguistiques. Je fais également le résumé de toutes les interventions faites par tous mes prédécesseurs depuis l'acte de vente d'Air Canada, où ces dispositions ont été appliquées au transporteur aérien.

La loi prévoit aussi que ce rapport puisse inclure une réponse préliminaire d'Air Canada à certains de nos points. J'avais écrit au président d'Air Canada pour l'informer de notre décision de faire cela, en faisant un résumé de ce rapport spécial. Or, Air Canada a répondu à cet argument qui perdure depuis des années, non seulement entre Air Canada et moi, mais aussi entre Air Canada et le commissariat et tous mes prédécesseurs.

Pascale, est-ce que je peux aller plus loin ou est-ce que je devrais me limiter à ces interventions?

Pascale Giguère, avocate principale et gestionnaire, Direction des affaires juridiques, Commissariat aux langues officielles : Il y a peut-être une chose que vous pourriez dire, c'est que le rapport examinera les mécanismes d'application de la loi et proposera des solutions pour les rendre plus efficaces. C'est dans le titre du rapport, et ce sera examiné dans le rapport.

La sénatrice Jaffer : Merci, monsieur le commissaire, pour votre travail, que j'apprécie beaucoup. Vous me manquerez. Je voudrais également remercier votre épouse pour son travail.

[Traduction]

Vous avez tous les deux servi les Canadiens pendant de nombreuses années. Il se pourrait certes que nous désirions vous faire revenir, mais vous voudrez sûrement avoir un peu de temps pour vous. Nous vous sommes réellement reconnaissants d'avoir œuvré en toute sincérité et renforcé ainsi nos collectivités, parce que si nous pouvons communiquer les uns avec les autres, nous faisons avancer les choses. Merci beaucoup, monsieur le commissaire.

Vous avez parlé du bilinguisme des juges dans votre rapport. Je ne sais pas si vous avez parlé avec la ministre de la Justice. Toutefois, compte tenu de l'intention du gouvernement, estimez-vous qu'il nous faut toujours un projet de loi?

M. Fraser : J'ai bel et bien parlé avec la ministre de la Justice. Pour ce qui est de la nomination de juges bilingues, nous avons recommandé de façon précise dans notre dernier rapport et dans celui de 2013 de mettre en place un protocole d'entente avec les provinces pour l'élaboration d'un processus de consultation. Nous ne recommandons pas nécessairement d'adopter un projet de loi pour la nomination de juges bilingues. Toutefois, j'appuie bel et bien le projet de loi d'initiative parlementaire pour la nomination de juges bilingues à la Cour suprême. J'estime que c'est essentiel pour les juges nommés à la Cour suprême et que l'intégration d'une exigence en ce sens dans la loi mettra clairement en évidence l'importance du bilinguisme partout dans le réseau, depuis la magistrature jusqu'aux facultés de droit.

J'ai bonne confiance que les avocats sont des gens ambitieux. Je crois que l'obligation d'être bilingue pour pouvoir être nommé à la Cour suprême sera un facteur incitatif très puissant pour la progression du bilinguisme dans le monde juridique.

Les gouvernements changent et le nôtre a fait savoir très clairement qu'il prend le bilinguisme au sérieux. C'est une promesse qui a été faite pendant la campagne électorale et que le premier ministre a réitérée depuis. Il y a maintenant un poste vacant à la Cour suprême et la question devient d'actualité.

Je sais qu'on se demande actuellement au ministère de la Justice si, en raison de la décision rendue dans l'affaire Nadon, il est maintenant impossible de changer la procédure de nomination des juges à la Cour suprême.

J'estime que l'une des façons d'atteindre le but visé par le projet de loi d'initiative parlementaire serait tout simplement de modifier la Loi sur les langues officielles, qui prévoit actuellement une exception pour la Cour suprême. Il suffirait de retirer les cinq mots suivants : « autres que la Cour suprême » dans l'article se rapportant aux tribunaux fédéraux pour rendre le bilinguisme automatiquement obligatoire sans revoir la Loi sur la Cour suprême.

La sénatrice Jaffer : Comme vous le savez, je suis avocate. Le sujet est souvent discuté dans les cercles dans lesquels j'évolue. Certains se demandent pourquoi ils doivent apprendre la langue. Vous convenez avec moi, je crois, qu'il ne s'agit pas simplement d'apprendre une langue. La langue veut également dire quelque chose — si vous pouvez comprendre quelqu'un dans sa langue maternelle — parce que les mots désignent des concepts différents et que passer par un interprète, ce n'est pas la même chose.

Pour comprendre 25 p. 100 de notre population ou plus, il est à espérer, il faut être capable de parler sa langue, et ce, tout particulièrement dans le cas de la Cour suprême. La question déborde de la langue parlée; il s'agit de comprendre les gens de notre pays. Êtes-vous d'accord avec moi?

M. Fraser : Je suis parfaitement d'accord avec vous. Un certain nombre de choses abondent en ce sens que ceux qui ne suivent pas de près les travaux de la Cour suprême ignorent peut-être.

Quelque 30 p. 100 des causes renvoyées devant la Cour suprême par les provinces proviennent du Québec. Toutes ces causes ont été traitées par les tribunaux inférieurs en français. Toute la documentation, tous les factums et tous les arguments sont donc en français. Le juge unilingue anglophone qui se retrouve avec une pile de documents de tribunaux inférieurs doit alors se fier à une note sur une affaire en cours préparée par un greffier qui, même s'il est brillant, est, par définition, un nouveau diplômé d'une faculté de droit.

J'ai le plus grand respect pour les interprètes, et surtout pour les interprètes judiciaires, mais j'ai moi-même été témoin d'erreurs graves. J'ai aussi parlé à des avocats qui avaient plaidé leur cause devant les tribunaux inférieurs en français et qui, arrivés à la Cour suprême, devaient prendre une décision stratégique en très peu de temps. Devaient-ils plaider dans la langue dans laquelle ils étaient le plus à l'aise et dans laquelle ils avaient plaidé leur cause précédemment, sachant qu'un ou deux juges devraient recourir aux services d'un interprète? Devaient-ils plaider en partie en français et en partie en anglais ou encore plaider entièrement en anglais, étant donné que tous les juges étaient anglophones? Dans le dernier cas, leur argumentation n'allait pas avoir le même ton.

Un avocat de mes connaissances qui comparaît régulièrement devant la Cour suprême et qui est en désaccord avec moi m'a dit : « J'ai changé d'avis à ce sujet parce que je me suis retrouvé obligé de prendre une décision stratégique sur la façon d'utiliser le temps très limité que j'avais. »

Il y a un autre élément. Tous les arguments invoqués contre le bilinguisme des juges de la Cour suprême sont exactement les mêmes que ceux qui avaient été utilisés contre la Loi sur les langues officielles en 1969, à savoir que l'exigence du bilinguisme va exclure diverses parties du pays et empêcher de choisir les meilleures personnes. La présence de juges unilingues anglophones reproduit exactement la situation qui avait cours dans la fonction publique avant la Loi sur les langues officielles, soit que tous les juges francophones sont obligés de travailler dans leur langue seconde. L'une des injustices que la Loi sur les langues officielles devait corriger était précisément d'éviter qu'un groupe de fonctionnaires soit obligé de travailler tout le temps dans sa langue seconde. Il suffit d'un seul juge sur neuf qui ne comprenne pas le français pour que les échanges se tiennent en anglais.

Vous avez parlé d'un enjeu plus large qui revêt une importance cruciale : la compréhension de notre pays et de sa culture. Il ne faut pas oublier que notre pays n'est pas seulement bilingue, mais bijuridique. Cela ne veut pas dire pour autant que tous les juges doivent connaître la common law et le droit civil, mais qu'il est difficile d'avoir seulement une idée du cadre de pensée des collègues francophones qui prennent la parole si on ne comprend pas un peu leur langue.

Le projet de loi d'initiative parlementaire n'exige pas le même niveau de bilinguisme pour les juges que celui des fonctionnaires occupant des postes bilingues; les juges doivent simplement être capables de comprendre les témoins lorsqu'ils parlent. Il n'y a pas d'obligation pour eux de rédiger leurs jugements en français.

J'ai parlé à des juges anglophones qui, un peu comme le ministre Brison qui dit ne pas être nécessairement à l'aise de parler français dans un restaurant, peuvent éprouver une gêne à parler cette langue, mais qui peuvent néanmoins comprendre le vocabulaire et l'historique des causes présentées dans les piles de documents qui leur sont remis et qui sont capables de comprendre et de remettre en question les arguments présentés par les avocats en Cour suprême. C'est un critère limité et ciblé, mais efficace pour les juges de la Cour suprême.

[Français]

La sénatrice Gagné : Je me joins à mes collègues pour vous remercier du travail exceptionnel que vous avez accompli pendant les 10 dernières années. Je vous ai suivi de près, et j'ai été présente lors de plusieurs de vos discours. J'ai lu tous vos rapports.

Je dois avouer que chaque fois que je lisais l'un de vos rapports, j'en ressortais avec une impression de recul. J'allais dire que j'étais presque déprimée. Je ressentais un petit creux dans l'estomac après chaque lecture de vos rapports. Cependant, je vais citer une métaphore que j'ai vraiment appréciée en lisant votre dernier rapport. Elle se lit comme suit :

Favoriser la vitalité et la prospérité d'une communauté de langue officielle en situation minoritaire, c'est un peu comme gravir à contresens un escalier roulant : l'immobilisme entraîne le recul. La majorité et le marché exercent des pressions constantes.

C'est un peu comme cela que je me sentais après avoir lu chacun de vos rapports, parce que, justement, on se retrouve toujours devant cette pression de la majorité, la pression de plus en plus économique, au détriment, finalement, de la vitalité de nos communautés.

Ma question en est une d'ordre général. Après vos 10 années comme commissaire aux langues officielles, quittez- vous vos fonctions avec beaucoup d'optimisme ou avec un optimisme mitigé?

Remarquez, j'ai bien utilisé le terme « optimisme ».

M. Fraser : Je suis de nature optimiste. Si je n'avais pas été optimiste, je n'aurais pas postulé pour devenir commissaire et je n'aurais pas accepté de m'engager pour trois années supplémentaires.

Une chose qui m'a énormément impressionné durant les 10 années de mon mandat, c'est l'engagement et la détermination des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Ces communautés sont très différentes d'un bout à l'autre du pays. Chaque communauté a sa culture propre, son histoire, ses défis. À chacune des visites que j'ai faites dans tout le Canada, j'étais de plus en plus impressionné non seulement par la vitalité de ces communautés, mais également par leur détermination.

Je ne dirais pas que je quitte mes fonctions avec un optimisme mitigé, mais avec un optimisme réaliste. Vivre dans une communauté minoritaire, ce n'est pas la même chose que de vivre dans une communauté majoritaire. On doit comprendre les gens qui aimeraient vivre dans une société où tous parlent la même langue, où ils n'auraient pas besoin de parler une autre langue dans leur milieu de travail de façon quotidienne. Il y aura toujours une certaine migration de gens des communautés minoritaires francophones vers le Québec et des communautés anglophones au Québec vers le reste du Canada.

Il n'en demeure pas moins qu'il y a une richesse, tout de même, de vivre dans une communauté de langue officielle en situation minoritaire. C'est une richesse de pouvoir vivre entouré de cultures différentes, d'avoir un sentiment de travailler pour l'épanouissement d'une communauté en situation minoritaire.

D'ailleurs, je m'en voudrais si je ne profitais pas de cette occasion pour vous féliciter pour votre nomination au Sénat et vous dire à quel point j'ai apprécié le travail que vous avez fait à l'Université de Saint-Boniface. S'il y a une institution qui fait preuve de la vitalité d'une communauté, c'est bien cette université, et son épanouissement est dû en grande partie au travail que vous y avez effectué pendant des années.

Le sénateur Maltais : Mon cher Graham, c'est à votre tour. Je me joins à mes collègues pour vous remercier d'avoir accepté cet immense défi, il y a 10 ans. C'était tout un défi.

Je me suis amusé, pendant ma convalescence, à lire vos cinq premiers rapports; j'avais déjà lu les cinq derniers. J'y ai trouvé une constante : les mêmes chevaux de bataille du début, Air Canada et la justice, se retrouvent dans votre dixième rapport.

Je pense qu'il y a de l'entêtement dans les deux cas. Vous avez fait tout ce qu'il était possible de faire, mais on s'aperçoit maintenant que l'on fait face à de la mauvaise volonté. J'ai soutenu Air Canada dans ses efforts, mais maintenant, j'ai jeté l'éponge.

Je vais vous donner un exemple. Il y a trois mois, nous étions quatre personnes à bord du dernier vol Québec- Toronto. Malgré le fait que nous étions trois francophones, ni le pilote, ni ses adjoints, ni l'agente de bord n'ont dit un mot en français.

Nous avons dû attendre pour sortir. Lorsque le pilote est venu nous voir, je lui ai dit :

[Traduction]

« Vivez-vous au Canada? » Il m'a répondu : « Oui. » Alors, je lui ai dit : « Il y a deux langues officielles — le français et l'anglais. Vous êtes dans un milieu français. Parlez français, s'il vous plaît. »

[Français]

Il est devenu de glace. C'est le même constat que vous avez fait.

On a beaucoup parlé, plus tôt, des nouvelles technologies au service des langues officielles, et je suis d'accord avec ces technologies, dans certains cas. Cependant, ce qui a fait votre succès — je l'ai lu dans les rapports, ainsi que dans les commentaires des gens qui viennent témoigner aussi —, c'est la poignée de main. Vous êtes allé à leur rencontre. Vous êtes descendu de votre bureau, vous êtes allé les rencontrer, de Victoria à Terre-Neuve, même en Basse-Côte-Nord. Je pense que les gens l'ont apprécié d'une façon extraordinaire. On aura beau dire qu'on est à l'ère numérique, les gens veulent se confier à quelqu'un qui prend la peine d'aller les voir, ce que vous avez fait, dans tous les coins du pays, à contre-courant.

Comme vous le savez, je viens du Nord, j'ai vécu toute ma vie avec les Autochtones, et je me disais : « Graham Fraser joue du tambour, il émet des sons. Il reçoit parfois un écho favorable, et parfois, il reçoit des bêtises, mais il continue à jouer du tambour. Et il n'a pas lâché. » Je crois que c'est la meilleure façon de vous remercier pour l'excellent travail que vous avez fait.

La perfection n'est pas de ce monde, mais avant de mettre des pierres à un édifice, on a bâti une fondation en béton armé, et c'est ce que vous avez fait. Il reste maintenant à mettre les pierres et à terminer la construction de l'édifice, et ce sera à votre successeur de le compléter. Cependant, vous aurez été celui qui a fait la fondation en béton armé. Merci beaucoup, monsieur Fraser.

M. Fraser : Merci beaucoup, j'ai beaucoup apprécié cela. Cela a toujours été un plaisir. C'était un privilège de pouvoir visiter les coins du pays, de rencontrer des gens qui étaient et qui continuent d'être très impliqués dans leur communauté. Cela a été un des grands privilèges de ma vie.

Le sénateur McIntyre : Monsieur le commissaire, tout comme l'ont fait mes collègues, je voudrais vous remercier et vous féliciter pour le beau travail que vous avez fait. Vous êtes une personne extraordinaire, et vous avez accompli un travail gigantesque.

Lorsque vous avez présenté votre rapport, le 19 mai dernier, vous avez mentionné que vous vous attendiez à ce que les plaintes affluent à la suite du dépôt du projet d'oléoduc Énergie Est à l'Office national de l'énergie. Comme vous le savez, cela n'a pas fait l'affaire des groupes environnementaux qui sont montés aux barricades et qui ont dénoncé le fait que les francophones disposent de moins de temps que les anglophones pour étudier la proposition.

Pourriez-vous nous en parler encore un peu, s'il vous plaît?

M. Fraser : Là encore, j'ai un certain devoir de discrétion qui s'impose, effectivement parce qu'on a reçu des plaintes. Il y a eu un rapport d'enquête pour donner suite aux plaintes, et nous sommes en mode de suivi. Maintenant, avec la nouvelle annonce, il y a de nouvelles plaintes qui arrivent. La situation dans laquelle je me trouve, c'est que, dès qu'une plainte est déposée, je ne peux plus en parler.

Madame Saikaley, est-ce qu'il y a certains détails liés aux éléments que nous pouvons divulguer?

Ghislaine Saikaley, commissaire adjointe, Direction générale de l'assurance de la conformité, Commissariat aux langues officielles : Malheureusement, les plaintes sont très récentes, nous sommes donc encore à l'analyse de recevabilité. Nous en avons reçu tout de même un certain nombre. Comme l'a dit M. Fraser, nous en sommes déjà à l'étape du suivi de notre autre rapport d'enquête en ce qui concerne les plaintes de 2014, et ce rapport de suivi sera publié cet été. C'est aussi dans le cadre de cette analyse qu'il faut examiner les nouvelles plaintes à la lumière de l'autre enquête que nous avons effectuée.

Le sénateur McIntyre : Votre mandat prendra fin officiellement en octobre cette année?

M. Fraser : Oui.

Le sénateur McIntyre : Vous terminez votre rapport avec une lettre qui est adressée à la personne qui vous succédera au poste de commissaire. Pouvez-vous préciser les défis auxquels votre successeur sera confronté?

M. Fraser : Pour les grandes lignes, j'ai écrit une lettre ouverte à mon successeur, dans le rapport annuel; c'était un peu ma conclusion. Cependant, j'ai l'intention de faire ce que Dyane Adam a fait avec moi lorsque j'ai été nommé. Il y a une période entre l'annonce de la nomination et l'arrivée de la personne. Mon nom a été divulgué le 13 septembre, et je suis arrivé en poste le 17 octobre 2006. Pendant cette période, il y a une zone grise, parce que c'est aux parlementaires de ratifier la nomination. Donc, tant qu'il n'y a pas de ratification, la personne n'a pas de statut légal. Cependant, il était tout de même possible pour Mme Adam de tenir des réunions discrètes, privées, très candides et franches avec moi, où elle m'a parlé des défis et de l'organisation. J'ai l'intention de faire la même chose avec mon successeur, et peut- être de lui écrire une lettre pour lui parler du cheminement que j'ai vécu et de la façon dont je perçois les défis.

Ce que je peux dire, c'est que nous préparons maintenant un plan de transition où nous cernons les éléments d'information nécessaires pour mon successeur. Certains éléments vont dépendre de la feuille de route de la personne qui me succède. Si c'est quelqu'un qui vient d'une communauté minoritaire, il y a certains éléments pour lesquels il est moins nécessaire de souligner certains enjeux. Par contre, si c'est quelqu'un qui a de l'expérience avec le gouvernement fédéral, d'autres enjeux seront moins essentiels. Il faut donc attendre de savoir exactement quels sont les dossiers particuliers à souligner pour le candidat ou la candidate au moment où cette personne arrive, mais mes collègues travaillent déjà à élaborer un plan de transition. Dès que toutes mes comparutions et le rapport spécial sur Air Canada seront déposés, une partie de l'organisation se dirigera vers la préparation des notes de synthèse pour mon successeur.

Le sénateur McIntyre : Chose certaine, vous ne pouvez pas vous retirer. Le ministre Brison a été clair à ce sujet, il a encore besoin de vous.

M. Fraser : J'aimerais revenir sur un point qui a été soulevé par la sénatrice Jaffer sur la question de la formation des fonctionnaires en région et, plus particulièrement, en Colombie-Britannique. La question de la formation linguistique a été à un moment donné centralisée ici, à l'école Asticou, entre autres. Il y avait aussi la tendance de donner aux fonctionnaires tout le temps qu'il leur fallait, lequel pouvait être très long, et ce, sans frais pour l'institution, ce qui faisait en sorte que ce n'était pas une façon très efficace d'allouer cette ressource. Le gouvernement a décidé de transférer cette responsabilité aux ministères, et au sein des ministères, aux gestionnaires.

Je n'ai jamais critiqué cette décision, parce que je croyais que cela pouvait améliorer l'efficacité et faire en sorte que la formation linguistique soit mieux adaptée aux besoins de la personne. Cependant, peu après mon arrivée en poste, j'ai reçu des plaintes informelles de la part de gens en région qui disaient qu'ils manquaient de financement de la part du Conseil du Trésor. Le Conseil du Trésor a répondu qu'ils n'en avaient pas besoin, parce qu'ils n'étaient pas dans une région désignée bilingue aux fins de la langue de travail. Ils ont répliqué que c'était parce qu'ils n'étaient pas dans cette région désignée qu'ils avaient besoin de financement, au risque que tous leurs employés soient condamnés à y rester.

Dans certaines provinces, le nombre de postes désignés bilingues est assez limité. En Colombie-Britannique, il y a 15 348 postes où l'anglais est essentiel et seulement 511 postes qui sont bilingues, ce qui représente 3,2 p. 100 des postes. Dans ce cas, pour un gestionnaire qui reçoit une demande de formation linguistique, il y a toujours d'autres formations qui sont nécessaires pour que la personne améliore son rendement dans son travail actuel. Donc, la formation linguistique, pour le gestionnaire, n'est pas un investissement en faveur de l'employé dans son travail actuel, c'est un investissement dans l'avenir de l'employé au détriment des budgets du gestionnaire actuel.

C'est demander énormément à la générosité d'esprit du gestionnaire que de faire un investissement dans l'avenir de son employé, qui n'aura rien à lui rendre en retour. Effectivement, il faut prévoir un financement particulier, un programme spécial. Il y a des limites aux attentes face à la générosité d'esprit d'un gestionnaire à investir dans l'avenir de l'employé qui n'aura pas à réaliser quoi que ce soit pour le gestionnaire, au détriment de l'amélioration des compétences de l'employé dans son poste actuel.

Je voulais ajouter cette information.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Fraser. J'espère que vous pourrez partager cette information avec le ministre Brison lorsqu'il vous demandera conseil. Je suis certaine qu'il sera sensible à l'information que vous pourrez lui transmettre. Monsieur le commissaire, mes collègues ont exprimé de façon très éloquente les témoignages qu'ils avaient à votre égard. Les éloges qu'ils vous ont faits sont bien mérités. Je ne peux pas en dire davantage, ils ont été très éloquents. J'aimerais vous dire un grand merci pour tout le travail que vous avez fait, pour votre service fidèle et assidu pendant 10 ans pour le pays et pour l'ensemble des Canadiens. Nous vous remercions très sincèrement et nous vous souhaitons bonne chance et bon succès.

M. Fraser : Merci beaucoup, je vous en prie, c'était un privilège.

(La séance est levée.)

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