Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule no 8 - Témoignages du 5 décembre 2016
OTTAWA, le lundi 5 décembre 2016
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 heures, pour poursuivre son étude sur les défis liés à l'accès aux écoles françaises et aux programmes d'immersion française de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Claudette Tardif (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Honorables sénateurs, je m'appelle Claudette Tardif. Je suis de l'Alberta, et je suis heureuse de présider la réunion ce soir.
Avant de passer la parole à nos témoins, j'inviterais les membres du comité à bien vouloir se présenter.
Le sénateur McIntyre : Sénateur Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Gagné : Bonsoir. Sénatrice Raymonde Gagné, du Manitoba.
La sénatrice Fraser : Joan Fraser, du Québec.
Le sénateur Maltais : Bonsoir. Sénateur Ghislain Maltais, de Québec.
La présidente : Le comité poursuit son étude spéciale sur l'accès aux écoles françaises et aux programmes d'immersion française en Colombie-Britannique. Le comité veut particulièrement étudier la question de l'acquisition de terrains fédéraux afin de permettre la construction d'écoles francophones à Vancouver.
Ce soir, nous recevons la Société immobilière du Canada Limitée. Nous avons le plaisir d'accueillir M. John McBain, président-directeur général, Mme Deana Grinnell, directrice principale, Immobilier, et M. Robert Howald, premier vice-président, Immobilier.
Au nom des membres du comité, je vous remercie d'être avec nous ce soir.
[Traduction]
Monsieur McBain, je crois comprendre que vous parlerez en premier. Nous vous serions très reconnaissants d'être relativement bref afin que les sénateurs puissent vous poser des questions. Merci.
John McBain, président-directeur général, Société immobilière du Canada Limitée : Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, merci d'avoir invité la Société immobilière du Canada à venir vous rencontrer aujourd'hui.
[Français]
J'ai à mes côtés aujourd'hui, afin de vous donner plus de détails et de perspective, M. Robert Howald, premier vice-président, Immobilier, et Mme Deana Grinnell, directrice principale, région de la Colombie-Britannique.
[Traduction]
La Société immobilière du Canada, ou la SIC, a été fondée en 1956 et elle a été réactivée en 1995 par le gouvernement. En 2001, le Conseil du Trésor a confirmé le mandat de la société, soit l'aliénation de certains biens immobiliers fédéraux excédentaires afin de procurer la plus grande valeur possible aux contribuables canadiens, conformément aux conclusions d'une revue de son mandat.
[Français]
La structure de la Société immobilière du Canada limitée est composée d'une organisation mère et de trois filiales, soit la Société immobilière du Canada (CLC) limitée, Parc Downsview Park Inc, et la Société du Vieux-Port de Montréal Inc.
[Traduction]
Notre exposé portera principalement sur notre filiale immobilière, la Société immobilière du Canada CLC Limitée. Je désignerai cette filiale simplement par le nom de Société immobilière du Canada, ou SIC.
[Français]
— ou la SIC, en français.
[Traduction]
Je vais maintenant vous donner un aperçu de la SIC, avant d'inviter Deana Grinnell à discuter plus en profondeur de nos activités à Vancouver.
À titre de filiale immobilière, la SIC se définit entièrement comme une société d'État commerciale non mandataire, autofinancée et ne bénéficiant d'aucun crédit. Nous versons des impôts à tous les ordres gouvernementaux et nous réinjectons toutes les recettes nettes dans le cadre financier fédéral.
Nous menons nos activités indépendamment du gouvernement et nous relevons de notre unique actionnaire par l'intermédiaire de son représentant désigné, le ministre des Services publics et de l'Approvisionnement.
[Français]
Le rôle et les capacités de la SIC dans l'achat de biens immobiliers excédentaires du gouvernement sont définis par notre mandat, notre statut comme société d'État non mandataire, les lois applicables et la Directive sur la vente ou le transfert des biens immobiliers excédentaires du Conseil du Trésor.
[Traduction]
Une fois qu'un gardien fédéral a déterminé qu'un bien immobilier n'est plus nécessaire au fonctionnement d'un programme, et si le bien en question répond aux critères de vente à la SIC énoncés dans la directive du Conseil du Trésor, nous entreprenons des négociations pour acheter le bien immobilier au gardien, en tenant compte de sa valeur marchande.
[Français]
La SIC agit ensuite comme principal promoteur du bien immobilier. Nous lançons des processus de participation et de consultation, et nous obtenons l'approbation municipale pour le plan de développement.
[Traduction]
Vous vous souvenez sans doute de la phrase tirée de la revue de notre mandat, effectuée en 2001, que j'ai citée plus tôt : « afin de procurer la plus grande valeur possible aux contribuables canadiens ». Permettez-moi de vous en dire plus à ce sujet.
Ce qui rend la Société immobilière du Canada unique est que, d'un océan à l'autre, elle crée des avantages qui vont au-delà d'une simple contribution financière. Nous gérons des biens immobiliers complexes. Nous permettons aux propriétés excédentaires sous-utilisées d'être réintégrées de façon productive dans les collectivités. L'élaboration de nos projets tient compte de l'environnement, ainsi que des intérêts des communautés, des villes, des Premières Nations et du secteur privé, tout en suivant les conditions du marché. Nous incluons dans le terme « communautés » nos obligations prévues par la Loi sur les langues officielles.
[Français]
Nos nous conformons entièrement à toutes les exigences de planification municipales et provinciales. Nous créons des partenariats. Nous sommes fiers des partenariats novateurs établis avec certaines Premières Nations de la Colombie-Britannique et de l'Ontario, et, tout récemment, nous avons célébré l'ouverture d'un nouvel échangeur bâti et financé en partenariat avec la Ville de Calgary.
[Traduction]
Nos projets offrent des avantages communautaires. Ils ont permis de créer plus de 2 000 logements abordables, et nous avons élaboré des programmes visant à souligner de façon respectueuse la vocation militaire et patrimoniale des terres. Nous allons au-delà des normes municipales en matière de création de parcs et nous avons fourni des sites pour la construction d'écoles.
Le sceau de notre société est indéniablement notre processus de consultation approfondi. Pour citer un chiffre, nous avons organisé plus de 200 rencontres avec le grand public et les groupes d'intérêts particuliers avant de soumettre à la Ville d'Ottawa nos plans d'aménagement pour l'ancienne base Rockcliffe. Nos plans pour les projets situés à Ottawa et à Calgary ont tous deux été approuvés récemment par le conseil municipal respectif, sans la moindre modification ou objection.
Les aspirations de la collectivité et les exigences municipales sont des éléments moteurs de notre travail. Nous étudions les multiples points de vue et, le cas échéant, les idées opposées, et nous en discutons ouvertement. Tout cela contribue aux plans d'aménagement que nous soumettons. À ce sujet, j'invite Mme Deana Grinnell, directrice principale à Vancouver, à décrire le contexte et à expliquer notre approche relativement à nos biens immobiliers dans cette ville.
Deana Grinnell, directrice principale, Immobilier, Société immobilière du Canada Limitée : Madame la présidente, merci de nous permettre de nous adresser à vous aujourd'hui. Je vais vous parler du partenariat entre la Société immobilière du Canada et trois Premières Nations avec lesquelles nous possédons conjointement des propriétés situées en Colombie-Britannique. En outre, je vais vous fournir un aperçu du processus de planification dirigé par la Ville de Vancouver et je vais vous parler du travail que nous effectuons auprès des parties qui s'intéressent aux terrains.
La Société immobilière du Canada et les Premières Nations Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh, que nous appelons collectivement les partenaires de coentreprise, se sont associées pour acquérir trois anciennes propriétés du gouvernement du Canada : les terrains de la rue Heather et les terrains Jericho, situés à Vancouver, ainsi que les terrains de la promenade Marine, à West Vancouver.
En septembre 2014, les 3 nations ont reçu 28 p. 100 des intérêts dans ces terrains, dans le cadre d'une entente avec le Canada. La Société immobilière du Canada a acheté le reste des intérêts au ministère, c'est-à-dire 72 p. 100, et elle en a vendu 22 p. 100 aux nations afin de créer une coentreprise à parts égales; c'est ce que les nations envisageaient au moment de conclure l'entente avec le Canada. Les propriétés en question ne sont donc plus des biens fonciers fédéraux.
La Société immobilière du Canada et les trois nations ont des intérêts bénéficiaires égaux et indivisibles dans les terrains. L'objectif de la coentreprise est d'élaborer un plan pour les terrains, d'en modifier le zonage, d'en faire l'entretien, de les lotir, puis de les vendre ou de les louer. Le réaménagement sera à l'avantage mutuel des coentrepreneurs; il apportera notamment des avantages économiques et sociaux aux partenaires des nations, à la Ville de Vancouver et aux membres de la collectivité.
Puisque la Société immobilière du Canada est une société d'État non mandataire, elle doit respecter les exigences en matière de planification municipale. De plus, en vertu de notre coentreprise à parts égales, toute demande liée aux sites doit être examinée dans le contexte de notre partenariat. Les décisions concernant les terrains ne relèvent donc pas exclusivement de la société.
Je vais maintenant vous parler précisément des terrains de la rue Heather. Ils ont une superficie de 21 acres. Plusieurs édifices occupent actuellement le site, y compris l'Académie Fairmont, qui est inscrite sur la liste des édifices du patrimoine de la ville et qui devrait être conservée.
À Vancouver, c'est la ville qui dirige la planification urbaine pour les projets majeurs, à la demande des propriétaires. Les partenaires de coentreprise ont demandé à la ville d'élaborer un nouveau plan d'occupation du sol, appelé un énoncé de politique, pour orienter le réaménagement des terrains de la rue Heather.
Selon ce qui a été fait pour des complexes comparables dans la région, le plan de réaménagement des terrains pourrait inclure une dense combinaison d'usages urbains résidentiels et communautaires, dans des édifices ayant jusqu'à 15 étages. Dans le cadre du réaménagement, la ville exigera l'inclusion de logements abordables — 20 p. 100 des logements —, d'une garderie et de parcs. Nous devrons aussi apporter des améliorations aux espaces ouverts et au transport, ainsi que conserver l'édifice du patrimoine. Dans notre planification, nous devons également considérer la possibilité de construire une nouvelle gare de transport en commun rapide à moins de 200 mètres du site, un projet qui pourrait nécessiter des fonds additionnels.
Tout au long de son processus de planification, la ville identifie les intervenants à consulter. À mesure que la planification avance, la Société immobilière du Canada travaille aussi auprès des intervenants, dans le but de satisfaire ses obligations à l'égard de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, ainsi que de favoriser la participation des intervenants et des membres de la collectivité. Nombre de groupes ont déjà témoigné de l'intérêt envers le processus et les terrains, y compris le groupe de résidents du quartier; le Conseil scolaire francophone, que je vais appeler le CSF; le conseil scolaire de Vancouver; le service de police de Vancouver; des exploitants de garderies; des groupes artistiques; l'hôpital local; et d'autres encore.
Le conseil municipal a approuvé le processus de planification pour la rue Heather en juillet 2016, et la ville était prête à lancer le processus en octobre 2016. L'élaboration du nouveau plan d'occupation du sol devrait prendre de 12 à 16 mois; ensuite, il faudra 18 mois pour modifier le zonage, et le zonage sera suivi par le lotissement et l'entretien du site. Nous nous attendons à ce que les premiers travaux de construction sur les terrains de la rue Heather débutent en 2020 au plus tôt.
Le CSF et l'école Rose-des-vents nous ont informés, nous et la ville, qu'ils étaient à la recherche de sites pour créer deux nouvelles écoles à Vancouver et que les terrains de la rue Heather les intéressaient.
Les partenaires de coentreprise ont invité le CSF à participer pleinement au processus de planification. Ils lui ont demandé des renseignements pour les aider à comprendre ses besoins, y compris une étude menée dans le but de déterminer si l'Académie Fairmont pourrait être utilisée à des fins scolaires et un programme fonctionnel général décrivant l'ampleur des installations requises pour une nouvelle école à cet endroit. Nous n'avons toujours pas reçu les renseignements demandés, mais nous gardons espoir.
Nous étions ravis que le CSF puisse assister à notre première activité publique tenue le 24 septembre, à l'occasion de laquelle nous avons présenté notre partenariat de coentreprise et nous avons invité les gens à participer au processus de planification. Nous encourageons le CSF à continuer à participer au processus afin que la ville dispose des renseignements nécessaires pour l'appuyer dans ses réflexions sur la planification.
Nos travaux ne se limitent pas à ceux accomplis par rapport aux terrains de la rue Heather. En juillet 2016, nous avons rencontré des représentants du ministère de l'Éducation de la Colombie-Britannique et du CSF pour évaluer plusieurs sites en vue de la création d'une nouvelle école de langue française à Vancouver. Nous leur avons transmis de l'information pour les aider à évaluer les possibilités offertes par nos terrains de la rue Heather et nous demeurerons à leur disposition pour les appuyer dans leurs démarches.
La décision d'établir une école sur ces terrains doit tenir compte de nombreux facteurs. La ville décidera de la combinaison des usages des terrains et des avantages pour le public au moyen de son processus de planification exhaustif. Les partenaires de coentreprise s'efforceront de travailler avec la ville et la collectivité, et ils exploreront de nouvelles possibilités pour apporter des bienfaits à la collectivité tout en préparant un plan réalisable. Au final, ce sera le conseil municipal qui arrêtera l'énoncé de politique proposé pour les terrains.
J'espère que ces renseignements vous seront utiles. Je vous remercie de nous avoir permis de vous les présenter. Nous serons ravis de répondre à vos questions.
La présidente : Merci, monsieur McBain, merci, madame Grinnell.
La sénatrice Gagné posera la première question.
[Français]
La sénatrice Gagné : Je vous remercie pour votre présentation. Je suis ravie de vous entendre dire que vous constatez que la Société immobilière du Canada est assujettie à la Loi sur les langues officielles, mais, selon vous, s'acquitte-t-elle de ses responsabilités en ce qui a trait aux parties IV, V, VI et VII de la Loi sur les langues officielles?
[Traduction]
M. McBain : Nous croyons à l'amélioration continue; nous pouvons donc toujours faire mieux.
Concernant les parties IV, V et VI, nous sommes sûrs de bien travailler et de bien diriger nos activités. Dans le cas de la propriété en question, la partie VII pose un défi. Le contexte dans lequel la planification se fait est certainement complexe. Je pense que vous avez entendu Mme Grinnell parler des différents groupes qui ont des intérêts divergents dans les mêmes propriétés.
L'entente d'achat et de vente conclue avec le gouvernement au moment de l'achat des terrains comprenait l'exigence de tenir compte de nos obligations à l'égard des écoles et de la Loi sur les langues officielles. Sur ce plan, en travaillant comme nous l'avons fait avec le CSF et en expliquant notre processus, d'après moi, nous respectons notre obligation.
[Français]
La sénatrice Gagné : Lorsqu'on examine le bilan sur les langues officielles qui a été publié en 2014-2015, on constate que ce que vous venez de dire y est bien reflété, c'est-à-dire que vous vous êtes engagés à respecter les parties IV, V et VI. Cependant, vous dites également que la partie VII de la Loi sur les langues officielles ne s'applique pas dans le contexte de votre institution. Je trouve cela un peu curieux. Pouvez-vous me donner des explications?
Au sujet du développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire et de la promotion du français et de l'anglais dans la société canadienne, vous avez mentionné que vous n'aviez pas de résultats ou d'initiatives qui démontraient justement que vous respectiez la partie VII de la Loi sur les langues officielles. C'est la raison pour laquelle je me suis demandé pourquoi l'institution ne se voyait pas comme étant assujettie à la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
[Traduction]
M. McBain : Pour préciser, en fait, nous nous voyons comme étant assujettis à la partie VII de la loi. Nous étions d'avis que certains aspects de l'évaluation ne s'appliquaient pas à nous, mais la partie VII n'en était pas un. Nous nous considérons comme étant assujettis à la partie VII.
Par exemple, nous continuons à prendre des mesures pour appuyer le CSF à Vancouver.
[Français]
Et ce, malgré la différence qui existe entre les échéances du CSF et de la Société immobilière du Canada Limitée. Il y a un grand écart entre les deux échéances, malheureusement.
[Traduction]
Vous avez probablement entendu Deana expliquer que nous sommes dans l'obligation de suivre le processus de planification de la Ville de Vancouver. Nous collaborons avec le CSF, nous l'encourageons à jouer un rôle et nous lui avons demandé de nous fournir certaines de ses études pour étayer ses arguments. Or, cela fait partie d'un processus dirigé par la ville et non par nous. Nous sommes tout à fait prêts à considérer la demande comme étant réalisable et raisonnable, et à la promouvoir.
[Français]
La sénatrice Gagné : Lorsqu'on lit la Directive sur la vente ou le transfert des biens immobiliers excédentaires, la Société immobilière du Canada Limitée a l'obligation de tenir compte, et je cite :
[...] des intérêts des collectivités, incluant les communautés en situation de langue officielle minoritaire et des autres paliers gouvernementaux;
Depuis quand savez-vous que la Commission scolaire francophone de la Colombie-Britannique a besoin d'agrandir ses écoles?
[Traduction]
M. McBain : Je pense que nous sommes entrés en contact pour la première fois en août 2015. À cette époque, nous avons échangé avec le CSF huit ou neuf fois. Or, lorsque nous avons acquis le titre de propriété, nous avons passé les premiers temps avec nos partenaires, à former nos équipes et à nous établir.
Nous avons maintenant officiellement lancé le processus avec la ville, processus qui relève d'elle, et nous avons commencé les consultations. À cet égard, nous n'avons pas manqué d'inviter le CSF à jouer un rôle tout au long du processus.
[Français]
La sénatrice Gagné : Selon ce que la commission scolaire nous dit, la province et la commission scolaire ont exprimé le besoin d'agrandir l'école, et ce, depuis 2007. Au moment du transfert du gouvernement canadien à la société immobilière, est-ce que toute l'information concernant l'expression de ce besoin avait été transférée à votre corporation?
[Traduction]
M. McBain : Je n'étais pas là au moment du transfert. Je sais que nous comprenions le besoin et qu'il était mentionné dans l'entente d'achat et de vente, mais j'ignore si la documentation concernant l'ampleur du besoin a été transférée.
[Français]
La présidente : J'aimerais vous présenter un sénateur qui vient tout juste de se joindre à nous. Son retard est sûrement lié à des difficultés de transport. Sénateur, voulez-vous vous présenter?
Le sénateur Mockler : Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La présidente : Avant de donner la parole au prochain sénateur, j'aimerais poser une question complémentaire à celle de la sénatrice Gagné.
Je sais que la mémoire nous fait parfois défaut, monsieur McBain, mais j'ai une lettre adressée à vous, datée du 9 novembre 2011 et signée par M. Raymond Ouimet, qui était président du conseil scolaire à l'époque. Il y est écrit :
Comme on vous en a informés en septembre dernier, j'aimerais discuter de l'acquisition d'une portion du site Fairmont ou des terrains Jericho, qui sont considérés comme excédentaires étant donné le déménagement des quartiers généraux de la GRC et du MDN.
Il a déclaré que le gouvernement de la Colombie-Britannique avait déjà demandé au gouvernement du Canada de tenir compte des besoins du conseil scolaire en matière de terrains pour fournir de nouvelles écoles et pour apporter des bienfaits au public.
Une demande vous a donc été présentée en 2011, monsieur McBain. Qu'est-il arrivé?
M. McBain : La lettre était adressée à moi personnellement?
La présidente : Oui, elle était adressée à M. John McBain, sous-ministre adjoint, ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada.
M. McBain : Oui, dans mon ancien rôle de sous-ministre adjoint.
À l'époque, nous aurions tenu compte de cette question, mais je crois que parce que le gouvernement prévoyait se dessaisir de ces propriétés et qu'il était dans un processus de négociations... Je n'ai pas la réponse qui a été fournie — et j'en suis désolé —, mais parce que le gouvernement envisageait de s'en dessaisir, il aurait simplement, comme je l'ai dit, indiqué dans l'entente d'achat et de vente provenant, à l'époque, de Travaux publics, qui était le propriétaire du site de la rue Heather, l'obligation d'en tenir compte pour l'utilisation future de la propriété.
La présidente : Est-ce que des consultations ont été menées auprès du conseil scolaire à l'époque, compte tenu de l'obligation en ce sens qui est prévue dans la partie VII de la Loi sur les langues officielles?
M. McBain : Cela aurait pu être fait par notre division régionale de Travaux publics, à Vancouver. Je ne saurais dire avec certitude.
La présidente : Vous pourriez toujours nous envoyer cette information.
Le sénateur McIntyre : Je vous remercie de votre exposé.
Je constate que votre société est une société d'État commerciale qui, comme vous l'avez indiqué, monsieur McBain, relève de Services publics et Approvisionnement Canada. Laissez-moi vous rappeler que, comme l'a indiqué la sénatrice Gagné, votre société a des obligations à respecter en vertu de la Loi sur les langues officielles, à savoir les parties IV, V, VI et VII de la loi. De plus, je vous rappelle également qu'aux termes de la Directive sur la vente ou le transfert des biens immobiliers excédentaires, votre société doit tenir compte des intérêts des collectivités francophones pour la vente ou le transfert de biens immobiliers.
Si je le mentionne, c'est parce qu'au cours de l'automne, les francophones de la Colombie-Britannique nous ont fait part de leurs frustrations; ils essaient d'acquérir un terrain afin de pouvoir accroître l'accès à l'enseignement en français dans la province.
Après avoir écouté votre exposé, j'ai l'impression que vous avez tenu compte de vos obligations aux termes de la partie VII de la loi concernant les terrains de la rue Heather.
Parlons de ces terrains. Je crois comprendre qu'ils se trouvent près de l'École Rose-des-vents, qu'ils couvrent une superficie de 21 acres et qu'ils étaient occupés par la GRC auparavant. Ils ont été acquis par votre société et les Premières Nations en 2014, et un bâtiment qui était utilisé auparavant comme établissement scolaire s'y trouve. À l'heure actuelle, ce bâtiment est à louer, et le conseil scolaire qui représente l'École Rose-des-vents a besoin de trois à quatre acres pour construire une école, de sorte que le reste du terrain servirait au développement par votre société.
Je crois comprendre que votre société refuse de louer le bâtiment au conseil scolaire. Pourquoi est-il impossible de louer immédiatement l'un des bâtiments situés sur les terrains de la rue Heather à l'École Rose-des-vents, de sorte qu'il puisse être rénové et accueillir des élèves? Pourquoi ne peut-on pas séparer une partie des terrains pour la construction de l'école? J'aimerais que vous me l'expliquiez, s'il vous plaît.
M. McBain : Je vous remercie de la question. Votre question comporte plusieurs éléments sur lesquels j'aimerais intervenir.
Tout d'abord, nous connaissons et acceptons pleinement les obligations que nous devons respecter aux termes de la partie VII. En aucun cas je ne voudrais donner l'impression que nous pensons qu'elles ne s'appliquent pas pleinement à nous et ne constituent pas un élément essentiel de notre processus.
Ensuite, en ce qui a trait à la directive du Conseil du Trésor, elle s'applique aux ministères fédéraux, et non à nous. Elle les oriente dans les décisions qu'ils prennent sur l'aliénation de biens, mais elle ne s'applique pas à nous, à notre société d'État non mandataire.
Nous travaillons dans ce cadre, mais elle ne s'applique pas à nous. Il s'agit d'un aspect technique. Or, cela ne change rien au fait que nous respectons nos obligations et que nous collaborerons avec les groupes qui aimeraient utiliser notre propriété.
Concernant les biens dont vous avez parlé, à aucun moment les bâtiments situés sur ce terrain n'ont servi d'école. Il y a donc une différence majeure entre votre question et la réponse que je vous donne, sénateur.
Les biens que nous avons à cet endroit comprennent un immeuble des opérations, un centre administratif, l'académie, des bureaux portables et un laboratoire judiciaire de la GRC.
Le problème concernant ces bâtiments, c'est qu'ils ne sont pas conformes aux exigences du code pour les écoles. Le zonage pour le lieu ne convient pas à cet égard.
Si nous devions dire que l'école loue ce bien, il faudrait que des mesures soient prises pour le rendre conforme au code pour une école et pour qu'une modification au zonage soit apportée. Le processus, pour le changement de zonage seulement, dure 18 mois. La Ville de Vancouver nous a dit que parce que le terrain fait l'objet d'une étude sur la planification exhaustive de l'utilisation des terres, elle n'examinerait pas la possibilité d'un changement de zonage provisoire tant que ce processus ne serait pas terminé.
Le sénateur McIntyre : Je veux poursuivre un peu là-dessus. Comme vous le savez, votre société est l'une des institutions fédérales tenues de soumettre un bilan annuel sur les langues officielles pour l'application non seulement de la partie VII, mais également des parties IV, V et VI de la Loi sur les langues officielles. Je sais que selon le bilan que votre société a soumis en 2014-2015 — qui n'est guère reluisant —, les obligations — et nous parlons de votre société — découlant des parties IV, V, VI et VII de la loi sont rarement à l'ordre du jour du Comité de la haute direction de l'institution.
Ensuite, il est indiqué qu'il n'y a pas de mécanismes en place pour assurer un suivi régulier de la mise en œuvre des parties IV, V, VI et VII de la loi et pour informer l'administrateur général des résultats.
De plus, toujours selon le bilan, aucune activité n'est menée pour mesurer la disponibilité et la qualité des services offerts dans les deux langues officielles. Et il s'agit ici de la partie IV, et non de la partie VII.
Il n'y a pas de mesures prises pour s'assurer que l'institution est systématiquement au fait des priorités des communautés de langue officielle en situation minoritaire — partie VII —, ni de mécanismes en place pour déterminer et documenter l'impact des décisions prises par l'institution sur la mise en œuvre des parties IV, V, VI et VII de la loi, comme des décisions ayant trait à l'adoption ou à la révision d'une politique, à la création ou à l'abolition d'un programme, ou à la mise en place ou à l'élimination d'un point de service.
Il n'y a pas de suivi fait pour évaluer le degré d'application des exigences en matière de langues officielles. Le bilan ne souligne aucune initiative ayant contribué au développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire ou à la promotion du français et de l'anglais dans la société canadienne — partie VII.
Finalement, bien que l'institution — votre société — possède une politique interne en matière de langues officielles, celle-ci se concentre essentiellement sur les questions touchant les communications et les services destinés au public. Elle ne comporte aucune mention au sujet des obligations qui lui incombent à l'égard de la partie VII de la loi.
En ce qui concerne les consultations publiques, la politique mentionne que ces dernières seront effectuées dans la langue de la majorité en dehors de Montréal et d'Ottawa. Selon la politique en vigueur, les consultations qui ont lieu en Colombie-Britannique ne se tiennent donc qu'en anglais seulement.
Tout cela provient du bilan de 2014-2015. Qu'avez-vous à dire là-dessus?
M. McBain : Je crois que vous devez tenir compte du contexte de nos activités. À cet égard, nous acquérons des propriétés, nous faisons un examen des choses. Comme je l'ai déjà dit, notre processus de consultation auprès de la collectivité est notre sceau. Pour que les conseils municipaux approuvent à l'unanimité des plans d'aménagement officiels en un temps record, qu'il s'agisse de l'ancienne base Rockcliffe ou encore du projet Currie à Calgary, nous réalisons des travaux à l'avance pour nous assurer que nous prenons en compte le point de vue de la collectivité sur nos projets.
Nous achetons des propriétés partout au pays, nous nous occupons de l'aménagement, et cetera. Dans le cadre de chaque projet, nous prenons en compte des aspects à part entière. Nous sommes très conscients de notre offre de services concernant nos autres installations, comme pour le Vieux-Port de Montréal ou la Tour CN. Oui, comme je l'ai dit plus tôt, nous voulons améliorer constamment les choses. Nous pourrions inscrire un point permanent à l'ordre du jour de notre comité afin de discuter de la situation dans laquelle nous nous trouvons sur le plan des langues officielles.
Le sénateur McIntyre : Or, ce que nous disent les membres de la collectivité francophone de la Colombie-Britannique, c'est que vous ne les avez pas consultés depuis l'acquisition de ces terrains en 2014. C'est ce qu'il faut retenir, et nous en avons beaucoup entendu parler.
M. McBain : Nous avons eu des échanges avec eux à huit reprises.
Le sénateur McIntyre : Qu'est-ce qui a été dit?
M. McBain : Nous leur avons demandé de l'information. Ils n'ont pas fourni...
Le sénateur McIntyre : Ils vous ont fourni l'information.
M. McBain : Non, ils ne l'ont pas fait.
Le sénateur McIntyre : Ils vous en fournissent depuis le début.
M. McBain : Monsieur, je ne suis pas d'accord avec vous. Ils nous ont fourni quelques renseignements. Nous savons qu'ils ont une étude...
Le sénateur McIntyre : Vous engageriez-vous à nous fournir par écrit l'information que se sont échangée les deux groupes, soit votre société et la collectivité francophone de la Colombie-Britannique?
M. McBain : Certainement.
Le sénateur McIntyre : Vous vous engagez à le faire? Très bien. J'aimerais intervenir au prochain tour.
[Français]
Le sénateur Maltais : La Colombie-Britannique est entrée dans la Confédération en 1871, vous en souvenez-vous? Vous le saviez? Que faites-vous avec autant de terrain dans la ville de Vancouver? Pourquoi avez-vous autant de terrain à l'intérieur de cette ville?
[Traduction]
M. McBain : Parce que trois ministères fédéraux gardiens ont déterminé que leurs terrains étaient excédentaires par rapport aux exigences de leur programme et les ont déclarés comme tels. Conformément à la directive du Conseil du Trésor qui s'applique à ces ministères, ils les ont vendus à la Société immobilière du Canada en 2014. Nous sommes donc les propriétaires de ces terrains en partenariat avec trois Premières Nations, et il s'agit des terrains de la rue Heather, de Jericho et de la promenade Marine, à West Vancouver. Cette acquisition est assez récente.
[Français]
Le sénateur Maltais : Que faites-vous avec ces terrains, à l'exception des trois ou quatre associations avec les Autochtones, et cetera? Bâtissez-vous des résidences, des écoles, des hôpitaux, des hôtels, des bars? Qu'est-ce que vous en faites?
[Traduction]
M. McBain : Nous avons commencé un processus de planification très complexe qui est dirigé par la Ville de Vancouver. Elle gère le processus de consultation et de planification. Elle détermine la densité et ce qu'elle veut voir sur ces propriétés. Nous participons à ce processus et, en même temps, nous indiquons les groupes d'intervenants qui se sont montrés intéressés. Comme l'a indiqué Deana Grinnell, l'hôpital de Vancouver, le conseil scolaire de Vancouver, le CSF, le service de police de Vancouver, un groupe d'arts et une garderie se sont tous montrés intéressés à utiliser une partie de notre propriété à leurs fins.
[Français]
Le sénateur Maltais : Avez-vous visité cette garderie?
[Traduction]
M. McBain : Non.
[Français]
Le sénateur Maltais : Le terrain de la garderie est moins grand que cette table, et vous disposez de centaines de mètres carrés tout autour. Vous pourriez être généreux et en donner un peu. Il a fallu moins de temps pour céder le terrain où se trouve l'Assemblée nationale du Québec, soit huit mois de négociation avec le gouvernement. Le terrain lui appartenait depuis 1863.
Les Plaines d'Abraham forment l'un des plus grands parcs urbains, et c'est là où sera aménagé le Manège militaire de Québec qui a été détruit par un incendie. Des échanges ont lieu avec une petite école anglaise et une petite église de quelque confession. Il s'agit d'environ 200 kilomètres carrés. Or, la première base militaire du Canada se trouve à Valcartier. J'ai fait le trajet en hélicoptère et en Jeep. Des ententes sont conclues avec les Autochtones, avec le gouvernement du Québec, et cela prend un certain temps.
Je comprends que je ne suis pas avocat. Vous êtes régi par de nombreuses lois, et une cinquantaine de fonctionnaires s'occupent du dossier. Cependant, il ne se passe pas grand-chose. Pourquoi est-il difficile de céder 200 mètres carrés de terrain aux francophones de Vancouver? Donnez-moi des explications, parce que, logiquement, c'est incompréhensible. Sur le plan juridique, vous avez peut-être explications, des lois, des ententes avec la ville, avec les comités d'urbanisme, avec les comités autochtones. Je comprends tout cela, mais il n'est pas très compliqué de céder quelques centaines de mètres carrés de terrain quand tout le monde y met de la bonne volonté.
Je comprends que l'éducation relève des compétences des provinces, mais vous avez le terrain. Si jamais vous décidez de leur vendre ce terrain, j'espère que le prix sera de zéro. Il serait inadmissible, particulièrement dans le cadre des célébrations du 150e anniversaire de la Confédération du Canada, que la SIC vende un terrain ne serait-ce que pour la somme de 5 $ à des Canadiens et à des Canadiennes à part entière. Le gouvernement n'a pas le droit de les priver d'un espace vital. Je ne parle pas des gens de mon âge. Je parle d'enfants âgés de 18, 24 et 30 mois. Cette garderie n'a pas un pouce carré de gazon. Pas un pouce. Je suis généreux quand je dis que notre table est plus grande que leur cour. Vingt-huit enfants fréquentent cette garderie. Pourtant, le Canada est l'un des pays les plus grands au monde. Je ne parle pas du point de vue juridique; je parle du point de vue de la compassion. On ne demande pas la charité, simplement du terrain. Pourquoi? Non pas pour spéculer ou faire de l'argent, mais pour donner aux enfants une cour avec du gazon.
Je crois que les cadres supérieurs devraient regarder au-delà de la loi et faire preuve de compassion. Je vous invite à aller visiter cette garderie, monsieur McBain. Vous êtes une bonne personne, j'en suis certain. Vous avez sans doute des enfants ou des petits-enfants. Au-delà de la question juridique, il y a la compassion. Ce n'est pas facile pour les parents de ces enfants. Je vous fais une petite mise en garde : il me reste quatre ans au Sénat, et je ne vous lâcherai pas. Je serai sur vos talons tous les jours, ici et en Chambre, jusqu'au jour où vous m'enverrez un courriel en me disant : « Sénateur Maltais, on leur a donné quelques mètres carrés, on a planté quatre pouces de pelouse et un petit érable. » J'attends vos commentaires.
[Traduction]
M. McBain : Je vous remercie de vos questions et de vos observations. Je veux être très clair dès le départ. À aucun moment nous n'avons répondu « non » au CSF. Ce qui est vraiment malheureux, ce sont les délais et les calendriers dans le cadre desquels les intervenants travaillent. Nous n'avons pas le choix de suivre le processus de planification de la Ville de Vancouver. Nous n'avons pas l'option, mais bien l'obligation de le faire. Nous ne sommes pas la Couronne et nous n'avons pas la primauté. Nous devons donc suivre son processus. Nous n'avons pas répondu « non » au CSF.
Nous connaissons les renseignements détaillés sur les bâtiments et le zonage du site. De plus, nous savons que des aspects empêcheraient une école de les utiliser. Or, nous invitons ces gens à participer au processus.
Également, en Colombie-Britannique, l'éducation relève de la compétence de la province. Le conseil scolaire de Vancouver nous demande un site et le CSF fait de même. À un moment donné, la Ville de Vancouver nous fera part de sa décision sur cette propriété. À l'heure actuelle, pour qu'ils puissent utiliser ce terrain, il faudrait qu'il y ait un changement de zonage. La ville nous a dit qu'elle n'envisagerait pas de faire un changement de zonage provisoire pendant que ce terrain est examiné dans le cadre d'un plan de développement global.
[Français]
Le sénateur Maltais : Avez-vous, à la Société immobilière du Canada Limitée, demandé à la ville de Vancouver de dézoner une partie du terrain? Avez-vous l'intention de la vendre à la communauté francophone? Le prix sera sujet à une discussion plus tard.
[Traduction]
M. McBain : Nous lui avons demandé si elle envisagerait de faire un changement de zonage pour une autre utilisation, comme pour une école, et elle nous a répondu par la négative. Nous avons manifesté notre appui, et je pense que le CSF a écrit une lettre — que votre comité a reçue — dans laquelle il indique à la ville que la SIC appuie sa démarche concernant l'école.
[Français]
Le sénateur Maltais : Si je comprends bien, la Ville de Vancouver ne désire pas dézoner le terrain pour en faire une petite zone scolaire de garderie pour 25 ou 30 enfants francophones. Par contre, elle est prête à acheter le terrain de la Société immobilière du Canada Limitée pour en faire du développement industriel ou résidentiel.
[Traduction]
M. McBain : Non. Elle mène son processus normal de planification, de consultation et de développement organisé qui vient ensuite. Le besoin qu'a le CSF d'avoir un emplacement scolaire sera examiné par la ville en même temps que toutes les autres demandes. C'est la province de la Colombie-Britannique et le ministère de l'Éducation qui, au bout du compte, décideront — car nous avons deux demandes d'emplacement scolaire —, laquelle des deux demandes ils sont prêts à appuyer.
[Français]
Le sénateur Maltais : Madame la présidente, je terminerai en disant que c'est plus compliqué de céder quelques centaines de mètres carrés à une école francophone dans la ville de Vancouver qu'à un dictateur d'envahir la Pologne. C'est incroyablement compliqué, et ça ne s'explique pas dans un pays démocratique tel que le Canada. Je ne blâme personne, je regarde la situation froidement. Je viens du Nord de Québec et, lorsque nous avons besoin de 100 pieds de terrain, nous nous entendons ensemble et nous prenons une décision. Nous n'avons jamais eu de problème.
Je ne comprends pas qu'on empêche une communauté et leurs enfants de s'épanouir et de vivre dans des conditions acceptables. Si vous pouviez voir la garderie, je suis sûr que vous n'y inscririez pas vos enfants. Je souhaite qu'on trouve un dénouement à cette situation le plus rapidement possible.
La présidente : Il y a plusieurs sénateurs qui veulent encore poser des questions. Monsieur McBain et madame Grinnell, vous le savez, le ministère de l'Éducation appuie les démarches du Conseil scolaire francophone en ce qui concerne l'achat de terrains. J'ai en ma possession des lettres qui vous ont été envoyées indiquant cet appui. Vous savez qu'il y a un appui de la part de la province et qu'elle a l'obligation de respecter les enfants qui, selon l'article 23 de la Charte, ont droit à une éducation en français. En ce sens, le gouvernement fédéral a une obligation, la Société immobilière du Canada Limitée a une obligation et, bien sûr, la province également.
[Traduction]
La sénatrice Fraser : Le bilan de 2014 m'a fascinée : aucune mesure, aucune surveillance, pas de rencontres régulières, de rares discussions de la haute direction et aucune réussite à noter cette année. Ensuite, concernant le volet portant sur la partie VII de la loi, j'ai été ravie de vous entendre dire, monsieur McBain, que vous connaissez et acceptez pleinement vos obligations. Or, en réponse aux trois questions sur ce que vous avez fait, vous avez répondu que ce n'est pas applicable.
J'aimerais que vous me disiez que je me trompe lorsque je vous dis qu'en lisant cela, j'ai eu la nette impression que l'approche adoptée par la Société immobilière du Canada concernant ses obligations prévues dans la Loi sur les langues officielles est essentiellement passive, pour ne pas dire minimaliste.
M. McBain : Évidemment, je ne suis pas d'accord avec vous. Je comprends que le rapport dresse un tableau différent, mais, je le répète, si nous travaillons dans une collectivité où il n'y a pas d'intérêt à l'égard de la deuxième langue, que ce soit à Calgary ou à Edmonton, il nous est difficile d'agir.
Lorsque nous avons terminé le processus relatif à cette propriété, nous quittons la collectivité et passons à la prochaine. C'est l'engagement le plus important que nous avons eu de la part d'un groupe qui souhaite faire avancer les droits linguistiques des minorités. À cet égard, nous participons pleinement. Nous sommes très conscients qu'il s'agit d'une demande précise.
Je n'aime pas les processus de planification de quatre ans. Cela demande beaucoup de temps et de ressources de notre part. Or, nous sommes assujettis à ce que précise la municipalité.
La sénatrice Fraser : Je serais prête à parier que dans toutes les régions où la Société immobilière du Canada a des propriétés, il y a des communautés linguistiques minoritaires, et qu'en dehors de Montréal, Ottawa et possiblement Toronto, ces communautés sont de très petite taille, manquent de ressources et font face à une concurrence féroce. Dans le cadre de votre concept, de votre vision, de votre processus de planification idéal, est-il prévu de collaborer avec votre personnel administratif régulier, dont la tâche est de venir en aide à ces communautés, que ce soit des communautés francophones en dehors du Québec ou des communautés anglophones au Québec, pour déterminer s'il existe des moyens de les aider? Ce pourrait être aussi simple que de les aider à comprendre le processus de planification local, qui est un labyrinthe que très peu d'organisations de petite taille connaissent ou peuvent négocier.
Je sais que vous recevez des demandes de toutes sortes de circonscriptions. Vous avez parlé des hôpitaux et d'autres entités. Je respecte cela. Mais en vertu de la loi, vous avez des obligations particulières envers les communautés linguistiques minoritaires. Ne vous est-il pas possible d'adopter une approche plus proactive à la lumière de ces obligations?
M. McBain : Oui, c'est possible.
La sénatrice Fraser : Le ferez-vous?
M. McBain : Nous explorerons certainement cette option. Pour revenir à ce que vous disiez, l'une des premières choses que nous faisons lorsque nous nous rendons dans une communauté est de tenir une séance très publique.
Lorsque nous faisons l'acquisition d'une propriété, nous n'avons aucun plan. Nous avons carte blanche. Nous sommes la Société immobilière du Canada, nous venons d'acquérir cette propriété et nous aimerions l'aménager pour la réintégrer dans la communauté. Je pense à Shannon Park, par exemple, à Dartmouth.
Nous tenons une réunion et nous invitons tout le monde à y assister. Nous plaçons des annonces dans les journaux et nous nous assurons de communiquer avec les groupes que nous connaissons. Nous organisons ce que nous appelons un forum d'idées, où les gens proposent des idées sur la façon dont la propriété et la communauté peuvent être réintégrées. C'est ce que nous faisons.
Pour revenir à ce que vous avez dit, madame la sénatrice, nous pouvons faire notre part. Nous pouvons cibler ces groupes linguistiques minoritaires et communiquer avec eux. Qui sait? Ils n'ont peut-être pas vu l'annonce ou le dépliant. Nous communiquons avec eux pour les informer.
Je vous assure que dans toutes nos affiches, nos monuments et notre travail pour commémorer le patrimoine des Premières Nations et l'héritage militaire, nous veillons à ce que le libellé soit dans les deux langues officielles. Mais pour revenir à ce que vous avez dit sur notre travail avec des groupes précis, nous pouvons redoubler d'efforts pour cibler ces groupes et les inviter à prendre part à notre processus.
La sénatrice Fraser : Avant de me faire rabrouer vertement par les sénateurs McIntyre et Mockler, je tiens à signaler que le Nouveau-Brunswick, qui est la seule province officiellement bilingue, a des circonstances particulières, mais également des besoins particuliers, j'en suis certaine.
[Français]
La présidente : C'est la transition parfaite pour le sénateur Mockler.
Le sénateur Mockler : Monsieur McBain, j'ai déjà eu l'occasion de travailler en étroite collaboration avec la SIC lorsque j'étais à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Le rapport était avec Moncton, mais vous avez touché un peu à Fredericton.
J'aimerais revenir à la question de la sénatrice Fraser. Vous avez dit : « We can engage. » Est-ce qu'on peut espérer recevoir de vous, ce soir, l'engagement que, d'ici la fin janvier 2017, vous tenterez de recueillir l'information auprès de la communauté francophone pour comprendre l'urgence et le besoin de servir cette communauté?
[Traduction]
Vous êtes un professionnel. Nous ne remettons pas en question votre professionnalisme, monsieur, mais j'ai du mal à accepter — et c'est probablement parce que j'ai eu l'occasion de travailler avec la Société immobilière du Canada dans la région de Moncton — ce que vous avez dit, en réponse à la question de la sénatrice Fraser, à savoir que « Nous pouvons faire notre part ».
J'aimerais que vous disiez officiellement non seulement que vous ferez votre part, mais aussi que vous ferez quelque chose dans le contexte pour que vous puissiez être informés de la situation et obtenir de meilleurs renseignements sur cette situation alarmante qui persiste.
Je vais revenir aux discussions avec la Ville de Vancouver.
M. McBain : Puis-je demander des éclaircissements? Lorsque vous parlez de la situation alarmante, vous parlez du CSF à Vancouver?
Le sénateur Mockler : Absolument.
M. McBain : Nous avons l'intention de participer. Si vous voulez que nous prenions un engagement à nouveau, nous le ferons. Deana rencontre les responsables régulièrement et leur demande de participer à notre processus de planification et de consultation.
Le sénateur Mockler : Merci. Avez-vous un délai, une date? Le temps presse.
Mme Grinnell : Pour notre prochain engagement, je m'attends à ce que nous travaillerons avec la communauté au cours de la prochaine année pour poursuivre les consultations.
Le sénateur Mockler : Madame la présidente, je ne sais pas si la question suivante est appropriée : lorsque vous les rencontrerez, pouvez-vous envoyer l'information à la présidente de notre comité pour que nous sachions exactement, à la suite de la réunion que vous avez eue avec nous, l'orientation que nous prendrons?
M. McBain : Nous le pouvons, mais je répète, et je suis désolé d'avoir l'air d'un disque rayé, que c'est un processus qui est administré par la Ville de Vancouver. Nous ne pouvons pas apporter autant de changements que nous le souhaiterions.
Le sénateur Mockler : Je vais maintenant parler de la Ville de Vancouver et la comparer avec la Ville de Moncton. J'ai assisté à quelques réunions. Mes fonctionnaires ont assisté à toutes les réunions avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick. La Société immobilière du Canada était également présente à la table lorsque nous avons cédé cette grande parcelle de terre, et nous avons abordé la communauté des affaires, les activités communautaires et les activités scolaires.
Lorsque vous parlez de la Ville de Vancouver, pour négocier, vous avez besoin d'au moins deux personnes. Étiez-vous présent, ou qui était là si ce n'était pas vous, monsieur McBain? Qui était là pour représenter la Société immobilière du Canada lorsque la Ville de Vancouver devait déterminer les intervenants possibles qui souhaiteraient aménager le terrain? Qui était à la table, et est-ce que cela a été porté à l'attention de M. McBain?
M. McBain : Deana et Bob étaient à la table avec la ville. On m'a informé de la complexité de l'ensemble du processus de planification de la Ville de Vancouver. J'ai été mis au courant par l'entremise de lettres qui m'ont été envoyées.
Je ne sais pas, Deana ou Bob, si vous voulez intervenir au sujet des consultations.
Mme Grinnell : Je crois que je comprends la question correctement. Nous avons rencontré des représentants de la Ville de Vancouver, ainsi que des représentants du CSF, qui ont rencontré des représentants du service de planification de la Ville de Vancouver, et ils ont échangé des renseignements concernant leur travail pour trouver un nouveau site pour la construction d'une école.
Le sénateur Mockler : Quel suivi a été effectué? Y a-t-il eu de la correspondance entre les deux groupes?
Mme Grinnell : Nous avons reçu des renseignements et échangé des lettres par l'entremise de nos pratiques normales. Je ne sais pas ce que la ville a répondu au CSF.
Le sénateur Mockler : Donnez-nous un aperçu, monsieur McBain, de votre expérience avec la Ville de Vancouver et la communauté francophone de Vancouver, et dites-nous ce qu'ils devraient faire immédiatement pour relancer ce processus, obtenir une décision. S'ils doivent s'adresser à des ministres ou à des dirigeants communautaires responsables, nous devrions tous être à cette table. C'est urgent. Je vous demande de me donner un aperçu de la situation. Que feriez-vous?
M. McBain : Je vais adresser la question à Deana car elle connaît très bien les détails du processus de planification de Vancouver. Bien franchement, sénateur, il ne ressemble en rien à aucun autre processus au Canada. Il est plus complexe. Je vais demander à Deana de fournir une explication.
Mme Grinnell : Premièrement, je veux faire valoir un point qui vient d'être soulevé. Le ministère de l'Éducation fait la promotion de la nécessité du CSF d'avoir une école en ce moment et il s'est adressé à nous et à la ville à ce sujet pour échanger des renseignements. C'est ce qui s'est passé. Ils continuent d'évaluer la viabilité de trois lieux ciblés à Vancouver, dont les terrains de la rue Heather, mais il y a deux autres sites également.
Je suis désolée, mais j'ai oublié la question.
Le sénateur Mockler : Le processus.
Mme Grinnell : Le processus de la Ville de Vancouver pour préparer un plan d'utilisation des terres, que l'on appelle un énoncé de politique, est un processus d'une durée d'environ 16 à 18 mois. Il est enclenché à la demande du propriétaire foncier. Cependant, ces intervenants sont certainement en tête.
La planification des quartiers à la Ville de Vancouver est essentiellement un processus municipal. En collaboration avec la ville, notre exigence est de contribuer à la mise sur pied d'une équipe de planification de base et d'appuyer l'élaboration d'options pour le site. La ville établit un ensemble de politiques qui s'appliqueront aux terrains.
Chaque énoncé de politique est par conséquent quelque peu taillé sur mesure, comme vous pouvez l'imaginer. Un plan de quartier est élaboré sur mesure. Les promoteurs ont un ensemble d'obligations qu'ils veulent respecter sur le site, et ils ont déjà indiqué que des logements abordables et des garderies y seraient aménagés.
Par l'entremise du processus, ils commencent à mettre en œuvre un ensemble d'engagements pris par les intervenants. Ils commencent avec un engagement très vaste, qui vient d'être mis en œuvre.
Dans le même esprit que notre engagement, ils s'adressent à un vaste éventail d'intervenants afin de connaître ceux qui sont intéressés, puis ils ciblent plus précisément ces groupes d'intérêts pour comprendre leurs besoins, ce qui fait partie du processus à venir.
Je sais que le CSF plus particulièrement a communiqué avec la ville pour lui faire part de ses besoins, et la ville l'inclura certainement comme intervenant dans le cadre de ses travaux de mobilisation.
Au cours des prochains mois, à mesure qu'ils cibleront les groupes d'intérêts, ils commenceront à élaborer des options de plans et à les évaluer. Au final, je pense que l'utilisation des terrains se résumera à optimiser l'intérêt public et la façon d'atteindre les objectifs visés. On demandera au conseil d'examiner le plan.
C'est un processus un peu long. Il requiert beaucoup de détails de la part des groupes d'intérêts et de l'équipe technique qui planifieront l'utilisation de ces terres afin de trouver ce qui convient pour le quartier.
Le sénateur Mockler : Je vais passer à la deuxième série de questions.
La présidente : Merci, car nous manquons de temps, mais nous pourrons entendre d'autres questions, et c'est une question importante, alors je vais continuer sur ce sujet encore 10 minutes.
[Français]
La sénatrice Gagné : Ma question sera brève, car, en fait, il s'agit plutôt d'une demande. Étant donné que vous êtes la Société immobilière du Canada, est-il possible pour vous de communiquer avec les gens de la communauté dans leur langue officielle et de vous assurer que les consultations et les rencontres que vous ferez avec la communauté francophone se dérouleront en français?
M. McBain : Certainement.
[Traduction]
Le sénateur McIntyre : Je sais que les francophones de Vancouver ont récemment reçu du soutien pour l'acquisition de terrains. Comme vous le savez, en septembre de cette année, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a rendu une décision selon laquelle il y a eu violation de l'article 23 de la Charte en lien avec l'École Rose-des-vents à Vancouver et sa difficulté à trouver un site pour l'école. Cela dit, le juge n'a pas ordonné la construction de la nouvelle école dans le cas précis de l'École Rose-des-vents.
Cependant, la décision prévoit que la province de la Colombie-Britannique doit aider le conseil scolaire dans les négociations pour acquérir le site. De toute évidence, aucun progrès n'a été fait jusqu'à présent. Ma question est la suivante : le gouvernement de la Colombie-Britannique a-t-il pressenti votre entreprise, la Société immobilière du Canada, pour venir en aide à la communauté francophone dans ses efforts pour acquérir les terrains de la rue Heather ou les terrains de Jericho?
Mme Grinnell : Oui, comme on l'a mentionné, les agents du gouvernement provincial communiquent avec nous pour se renseigner au sujet des politiques et demander de l'information au sujet des sites pour les aider avec leur diligence raisonnable et la faisabilité. Ils connaissent certainement le processus dans lequel nous nous sommes lancés avec la Ville de Vancouver également, reconnaissent que la possibilité de participer à ce processus existe pour le CSF, et sont conscients du travail que nous effectuons.
Le sénateur Mockler : Je vais porter ce point à votre attention, car vous répondrez à la question que le sénateur McIntyre vous a déjà posée, et vous avez dit que vous fournirez l'information à la présidente. Vous êtes à la table et votre mandat le précise. Il prévoit ceci :
La Société immobilière du Canada est une société d'État fédérale autofinancée qui se spécialise en immobilier, en aménagement et en gestion d'attractions. La société a pour objectif de produire les meilleurs avantages possible pour les collectivités canadiennes et pour le gouvernement du Canada, tout en cherchant également à remplir son mandat en faisant preuve de compétences de premier plan. La société est fière de son approche fondée sur la consultation pour atteindre des objectifs axés sur la collectivité [...]
Je pense que l'exemple que ce comité porte à votre attention est très important, et des mesures doivent être prises. Sinon, nous continuerons de faire ce que nous faisons.
Monsieur McBain, j'aimerais que vous vous engagiez, puisque vous êtes au courant de la façon dont le gouvernement fonctionne, à nous dire si un suivi sera assuré sur ce que nous avons fait ce soir pour vous sensibiliser à la question. Vous faites partie du milieu communautaire, et vous avez voix au chapitre sur la décision finale de la Société immobilière du Canada si vous dites oui au projet.
M. McBain : J'ai mon mot à dire. Nous avons notre mot à dire. Mais c'est un processus de planification municipale de Vancouver, et pour répondre à ce que vous avez dit, sénateur, nous avons 10 sites pour construire une école sur nos propriétés. Ce n'est pas comme si nous n'avons pas de sites pour les écoles et que nous sommes contre ces projets.
Le sénateur Mockler : Nous n'avons pas dit cela.
M. McBain : Notre propriété à Rockcliffe a trois sites pour des écoles. Il y a des réservations pour les trois sites, un pour un projet distinct et deux pour des écoles anglophones, à savoir une école de premier cycle et une école de deuxième cycle. Nous avons inclus ces sites dans notre plan d'aménagement.
Ce que nous faisons valoir, c'est qu'à Vancouver, ce n'est pas seulement notre décision, et il y a aussi le processus et la durée. C'est frustrant pour tous les intervenants, mais plus particulièrement pour le CSF qui aimerait obtenir une réponse, et nous ne pouvons pas fournir cette réponse pour l'instant.
Le sénateur Mockler : Vous engagez-vous à assurer un suivi?
M. McBain : Bien entendu, nous assurerons un suivi. J'ai pris l'engagement que nous participerons et que nous continuerons à le faire. Cependant, je dois répéter que nous ne sommes pas les seuls à avoir notre mot à dire sur les préférences concernant cette propriété.
La présidente : Si je peux faire suite à ce qui a été dit, il semblerait que nous laissons le soin à la Ville de Vancouver de gérer le processus. C'est comme si nous nous en lavons les mains et que nous disons, « Nous ne pouvons rien faire; c'est la Ville de Vancouver qui décide. »
Êtes-vous en train de dire que vous êtes obligés en vertu de la Loi sur les langues officielles de chercher des groupes d'intérêts linguistiques minoritaires, dans ce cas-ci, des francophones, qui demandent quelque chose? Faites-vous très clairement savoir à la Ville de Vancouver que vous avez des obligations et des préoccupations quant à l'orientation qu'elle prend et que vous ne serez pas en mesure de respecter les obligations que vous avez en vertu de la Loi sur les langues officielles?
M. McBain : Comme je l'ai dit plus tôt, je n'ai pas communiqué directement avec la Ville de Vancouver, alors je ne peux pas parler d'expérience, mais je sais que cette partie de l'accord avec les partenaires dans l'entreprise conjointe prévoyait que nos obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles doivent être comprises. Deana, je ne sais pas dans quelle mesure cela a été fait, mais la représentation a été effectuée par le CSF à la ville, qui a dit appuyer les besoins.
La présidente : Je crois que vous êtes un joueur important. Vous avez 50 p. 100 des voix. Ce que vous dites est très important. Dans ce sens, votre soutien représenterait une mesure positive ainsi qu'une contribution en vertu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, puisque vous vous êtes engagés avec la communauté francophone et que vous les aidez dans l'achat de cinq acres de terrains de la rue Heather et de Jericho.
Allez-vous faire cela, monsieur?
M. McBain : Je ne peux affirmer que ce sont cinq acres, car je ne connais pas les détails, mais nous soutenons leur demande; nous en avons fait la déclaration.
La présidente : Vous allez donc prendre cette mesure positive?
M. McBain : Nous allons prendre une mesure positive en réitérant la demande de terrain du CSF pour une école.
Je n'ai un engagement précis que pour les terrains de la rue Heather. Je ne sais pas s'ils nous ont présenté une demande officielle pour les terrains de Jericho. Le processus de planification n'est pas aussi avancé que pour les terrains de la rue Heather, alors c'est de cela que nous nous occupons.
La présidente : Il serait donc possible d'agir maintenant, si le processus est plus avancé, afin de veiller à ce que ces souhaits soient tenus en compte.
Le sénateur McIntyre : Merci encore de votre présence à cette séance et de vos réponses à nos questions. Il n'y a pas eu de réponses à toutes les questions, mais vous avez répondu à certaines questions au moins.
Si j'ai bien compris, vous relevez de Services publics et Approvisionnement Canada. Permettez-moi de vous assurer que le comité va suivre ce dossier très étroitement. Nous ferons aussi un suivi du dossier avec la ministre responsable.
M. McBain : Nous rendons des comptes par l'entremise de la ministre. Nous ne relevons pas de ce ministère, je le précise. Nous rendons des comptes au client, en tant que représentant des actionnaires.
La présidente : À quel ministre faites-vous rapport?
M. McBain : L'honorable Judy Foote est notre ministre.
La présidente : Merci beaucoup.
[Français]
Au nom du Comité sénatorial des langues officielles, nous vous remercions. Vous avez vu à quel point les sénateurs ont à cœur ce dossier très important pour le respect des langues officielles, pour l'épanouissement des communautés francophones en situation minoritaire et, surtout, pour l'épanouissement des francophones de Vancouver, en Colombie-Britannique. Merci beaucoup.
Nous recevons, dans un deuxième temps, M. Jean-Pierre Corbeil, directeur adjoint de la Division de la statistique sociale et autochtone de Statistique Canada, pour parler des statistiques sur la francophonie en Colombie-Britannique et pour commenter des suggestions qu'ont faites certains témoins de revoir les questions en matière de langue posées lors du recensement et afin de tenir une nouvelle enquête post-censitaire portant sur la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Bienvenue, monsieur Corbeil, vous avez la parole.
Jean-Pierre Corbeil, directeur adjoint, Division de la statistique sociale et autochtone, Statistique Canada : Je remercie les membres du comité d'avoir invité Statistique Canada à comparaître devant eux afin de nourrir leur étude sur les défis liés à l'accès aux écoles françaises et aux programmes d'immersion française de la Colombie-Britannique.
J'aborderai trois points principaux dans ma présentation. D'abord, je présenterai quelques statistiques sur la fréquentation scolaire dans les programmes réguliers de français langue seconde, dans les programmes d'immersion en français et dans les programmes d'enseignement dans la langue officielle de la minorité, en Colombie-Britannique. Ensuite, je proposerai des statistiques sur les enfants d'ayants droit tirées de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langues officielles menée par Statistique Canada en 2006, en collaboration avec une dizaine de ministères et d'agences du gouvernement fédéral. Finalement, j'aborderai la question de l'estimation des ayants droit à partir des données de recensement.
Statistique Canada recueille, auprès des provinces et des territoires, des statistiques sur la fréquentation scolaire dans le cadre de son enquête sur l'enseignement primaire et secondaire et diffuse ces données sur une base annuelle. On peut notamment y distinguer les inscriptions dans les programmes réguliers de français langue seconde, dans les programmes d'immersion en français au sein des écoles anglaises, et dans les programmes d'enseignement dans la première langue officielle de la minorité linguistique.
Entre les années scolaires 1997-1998 et 2014-2015, la Colombie-Britannique présente une baisse graduelle de 12 p. 100 du nombre d'élèves inscrits dans ses écoles publiques primaires et secondaires. De même, on y constate une baisse parallèle de près de 32 p. 100 (ou 79 000 élèves) du nombre d'élèves inscrits dans les programmes réguliers de français langue seconde au cours de cette période.
En revanche, le nombre d'inscriptions dans les programmes d'immersion en français dans les écoles de langue anglaise est passé de 29 520 étudiants en 1997-1998 à 50 301 étudiants en 2014-2015. c'est-à-dire une hausse de 70 p. 100. De même, les inscriptions dans les programmes d'enseignement dans la première langue officielle de la minorité linguistique sont passées de 2 859 étudiants à 5 382 étudiants, sur la même période, ce qui équivaut à une hausse de 88 p. 100.
En examinant la proportion de l'ensemble des élèves du secteur public inscrits dans un programme de français langue seconde, on constate qu'entre les années 1997-1998 et 2014-2015, la part des élèves inscrits à un programme régulier d'enseignement du français langue seconde a diminué de 4,6 points de pourcentage. Cette baisse est essentiellement attribuable à celle de la proportion des élèves inscrits dans les programmes réguliers de français langue seconde, qui est passée de 40,7 à 31,6 p. 100, puisque la part des inscriptions dans les programmes d'immersion en français, elle, est passée de 4,8 à 9,3 p. 100 au cours de cette période.
[Traduction]
Les statistiques provinciales et territoriales sur la fréquentation scolaire colligées par Statistique Canada ne comportent aucune information sur la langue maternelle des enfants ou de leurs parents ni sur la langue de scolarisation des parents ou des frères et sœurs des étudiants inscrits. Elles ne permettent donc pas d'identifier les enfants d'ayants droit.
Bien que le recensement permette de dénombrer la population de langue maternelle française au pays, la seule source de données de Statistique Canada qui permet d'estimer directement le nombre d'ayants droit est l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle, qui a été menée en 2006. Cette enquête a également permis de mesurer le nombre d'enfants inscrits dans les écoles de la minorité ou dans un programme d'immersion française, et dont les parents sont des ayants droit. L'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle comporte également de l'information sur les principales raisons qui expliquent les choix des parents en ce qui a trait à la langue d'instruction de leurs enfants.
L'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle a permis d'estimer à environ 15 000 le nombre d'enfants d'âge scolaire dont les parents étaient des ayants droit en 2006, en Colombie-Britannique. La plupart d'entre eux fréquentaient une école de langue anglaise. Près de 3 enfants d'ayants droit sur 4 qui fréquentaient une école primaire étaient inscrits dans une école de langue anglaise. Au secondaire, c'était presque 9 enfants sur 10.
Cependant, environ 30 p. 100 des enfants d'ayants droit qui fréquentaient une école de langue anglaise étaient inscrits dans un programme d'immersion en français, et ce tant au primaire qu'au secondaire. Autrement dit, la proportion d'enfants d'ayants droit inscrits à l'école primaire française, 27 p. 100, est très près de la proportion de ceux qui sont inscrits dans un programme d'immersion en français, soit 23 p. 100.
À titre comparatif, dans l'ensemble du Canada hors Québec, 52 p. 100 des enfants dont au moins un parent est un ayant droit fréquentaient une école de langue française en 2006. Au primaire, c'était 56 p. 100 des enfants, alors qu'au secondaire, c'était 47 p. 100 des jeunes. Enfin, 15 p. 100 des enfants d'ayants droit étaient inscrits dans un programme d'immersion en français.
Pour l'année scolaire correspondante de 2006-2007 — la même que celle qui est couverte par l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle menée après le recensement —, les statistiques de la Colombie-Britannique sur la fréquentation scolaire indiquent que 3 816 élèves de la maternelle, du primaire et du secondaire étaient inscrits dans des programmes d'enseignement dans la première langue officielle de la minorité.
Les statistiques sur la fréquentation des écoles de langue française colligées dans le cadre de l'Enquête sur l'enseignement primaire et secondaire menée par Statistique Canada correspondent aux estimations provenant de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle, qui indiquent que la proportion d'enfants d'ayants droit inscrits à l'école de langue française s'élève tout au plus à environ un enfant sur quatre.
Dans le cadre de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle, on a posé aux parents des questions sur les raisons qui avaient justifié le choix de la langue de l'école primaire ou secondaire que l'enfant fréquente.
Dans le cas des enfants inscrits dans un programme d'enseignement régulier en anglais en Colombie-Britannique, les raisons le plus souvent évoquées par les parents sont, en ordre décroissant : la proximité des écoles, dans 18 p. 100 des cas; la qualité de l'école ou du programme, dans 14 p. 100 des cas; et le fait que l'anglais est la langue maternelle des parents ou celle qu'ils connaissent le mieux, dans 12 p. 100 des cas, ou même la langue principalement parlée par l'enfant, dans 7 p. 100 des cas.
Les deux principales raisons données par les parents ayant plutôt choisi d'inscrire leur enfant dans un programme d'immersion sont le désir que leur enfant soit bilingue, dans 25 p. 100 des cas, ou le désir que leur enfant apprenne le français, dans 26 p. 100 des cas.
Il importe de souligner que les parents d'un enfant sur deux inscrits dans un programme régulier à l'école anglaise ont déclaré qu'ils auraient cependant préféré que leur enfant fréquente une école de langue française. Les parents d'un enfant sur trois inscrits dans un programme d'immersion en français ont affirmé la même chose.
[Français]
Il est utile de souligner que, parmi tous les enfants de la Colombie-Britannique dont l'un des parents était de langue maternelle française en 2011, l'autre parent de 74 p. 100 d'entre eux était de langue maternelle anglaise. Les enfants de ces parents qui forment un couple dit exogame se sont vu transmettre l'anglais comme langue maternelle dans une proportion de 80 p. 100.
Le recensement de la population canadienne comprend une question sur la langue maternelle, soit la première langue apprise dans l'enfance et qui est encore comprise. On n'y retrouve pas de question sur la langue de scolarisation au niveau primaire ni sur la langue dans laquelle l'enfant d'un citoyen canadien a été scolarisé au niveau primaire ou secondaire. Le recensement de la population ne permet donc pas de dénombrer directement les ayants droit en fonction des paragraphes 23(1)b) et 23(2) de la Charte canadienne des droits et libertés.
Le recensement de la population permet de dénombrer les ayants droit seulement en fonction du paragraphe 23(1)a), celui qui porte sur la langue maternelle des parents. Dans quelle mesure cette seule information est-elle pertinente? Les données du recensement de 2006 permettent de dénombrer 12 060 enfants d'âge scolaire, soit des enfants âgés de 5 à 17 ans en Colombie-Britannique, dont au moins un parent est de langue maternelle française.
Ces 12 060 enfants âgés de 5 à 17 ans dénombrés grâce au recensement de 2006 représentaient près de 80 p. 100 des enfants d'ayants droit du même groupe d'âge estimés par l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle (EVMLO).
Pour l'ensemble du Canada hors Québec, le recensement de 2006 permet de dénombrer 185 675 enfants âgés de 5 à 17 ans dont au moins un parent est de langue maternelle française. Ceux-ci représentaient 88 p. 100 des enfants d'ayants droit du même groupe d'âge inscrits dans une école primaire ou secondaire selon les données de l'EVMLO.
Ces résultats sont cohérents avec les analyses produites uniquement à partir des données de l'EVMLO. En effet, en tenant compte de l'ensemble des enfants d'ayants droit en Colombie-Britannique, on constate que 91 p. 100 d'entre eux ont au moins un parent de langue maternelle française. Ainsi, les données du recensement ne permettent de dénombrer qu'une partie des ayants droit. Les analyses comparatives permettent tout de même d'estimer qu'il s'agit d'une forte majorité des ayants droit.
Je vous remercie, et c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Le sénateur McIntyre : Je vous remercie, monsieur Corbeil, pour votre présentation.
Statistique Canada a mené une enquête post-censitaire sur la vitalité des minorités de langue officielle en 2006. Je comprends que cela a été d'une grande valeur. D'ailleurs, si je ne m'abuse, l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques avait entrepris des démarches pour évaluer la possibilité d'en faire une autre en 2016, mais il a manqué de temps. Alors, ma question est la suivante : selon vous, y a-t-il lieu de réaliser une nouvelle enquête post-censitaire portant sur la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire? Lors de son passage devant le comité en novembre dernier, la coordonnatrice du Réseau de recherche sur les communautés québécoises d'expression anglaise a formulé la même suggestion. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
M. Corbeil : Ma réponse comportera deux parties. Il faut savoir que l'une des raisons — et il y en a plusieurs — pour laquelle Statistique Canada a mené cette enquête en 2006, qui a été rendue possible grâce à l'appui d'une dizaine de ministères et d'agences du gouvernement fédéral, est que nous avions tenté de poser des questions sur la langue d'enseignement à deux reprises, par le passé, c'est-à-dire lors des tests de recensement national de 1993 et de 1998, tests qui sont toujours menés entre deux recensements. Nous avions testé des questions sur la langue d'éducation. Pour toutes sortes de raisons, les résultats n'avaient pas été très concluants. Cela avait été un motif important pour encourager et stimuler la réalisation d'une enquête sur la vitalité, dans laquelle on retrouve pas moins de cinq modules distincts sur la langue d'enseignement chez les minorités de langue officielle.
Il est clair que c'est une enquête d'une très grande richesse qui permet d'effectuer des analyses très riches. Cela dit, ce sont les raisons qui ont été évoquées par l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques. Il s'agit d'une enquête qui doit se préparer au moins trois ans avant le recensement. Autrement dit, si on devait mener à nouveau une telle enquête, il faudrait commencer dès 2018. C'est la raison pour laquelle il n'était pas possible de la mener pour le recensement de 2016.
Cela dit, il est clair qu'il n'y a aucune autre enquête qui nous a permis d'obtenir un portrait aussi complet et détaillé des minorités de langue officielle à travers le pays. À ce titre, de 2010 à 2012, Statistique Canada a diffusé pas moins de 11 portraits provinciaux et territoriaux sur les minorités de langue officielle, pour un total de plus de 800 pages. Donc, il y avait beaucoup d'information sur les minorités.
Le sénateur McIntyre : Très brièvement, en vous écoutant tout à l'heure, j'ai noté l'importance de mesurer le nombre d'ayants droit en vertu de l'article 23 de la Charte. Ma question est la suivante : quelle pourrait être la question posée pour déterminer le nombre d'ayants droit en vertu de l'alinéa 23(1)b) de la Charte?
M. Corbeil : En 1993, lors du test du recensement national, Statistique Canada avait tenté, à partir d'une seule question, d'obtenir des résultats sur la langue d'enseignement. La question se lisait comme suit : « Depuis septembre 1993, quelle a été la langue d'enseignement de la plupart des cours suivis par cette personne à l'école, au collège ou à l'université? » Les résultats du test ont montré qu'il était extrêmement difficile d'obtenir l'information recherchée à l'aide d'une seule question en raison de la confusion qu'entraînaient les notions de programme d'immersion et d'enseignement du français langue seconde au sein des écoles anglaises et des écoles de la minorité.
À la suite de ces résultats, cinq ans plus tard, Statistique Canada a tenté, par l'entremise de deux questions, de distinguer les programmes d'immersion des programmes offerts dans les écoles de la minorité. Dans l'ensemble, les résultats ont été supérieurs, mais il y avait encore un certain nombre d'incohérences dans les réponses. Par la suite, nous avons fait des tests qualitatifs, et les recommandations pour améliorer la question étaient intéressantes, mais il aurait été nécessaire de mener une enquête d'importance, une enquête quantitative.
Il faut savoir que ce type de test de recensement est mené auprès de 75 000 personnes, et il était trop tard pour mener ce type d'enquête en 2016. Par contre, chaque fois que nous posons une question dans un recensement, il faut qu'elle ait été testée au préalable dans le cadre du test du recensement national. Le prochain aura lieu en 2018.
La sénatrice Gagné : Merci beaucoup de votre présentation. Une des difficultés qui existent quant à la capacité de comptabiliser les ayants droit, surtout dans le contexte des familles exogames, c'est que l'on pose la question par rapport à la langue maternelle. Cependant, il y a parfois plusieurs langues maternelles.
Comment ferait-on pour être en mesure de changer ou d'ajouter des questions et de recevoir des réponses multiples aux questions? Quel processus met-on en œuvre pour être en mesure de qualifier la réponse liée à une question sur la langue maternelle?
M. Corbeil : Statistique Canada n'empêche pas les gens de donner une réponse multiple lors du recensement. À titre d'information, si je fais la comparaison entre le recensement de 2006, où les questions étaient posées par l'entremise d'un questionnaire, et l'enquête sur la vitalité, où ce sont des intervieweurs qui ont interviewé des membres des minorités de langue officielle, le nombre de réponses multiples est à peu près équivalent. C'est-à-dire que, de toute la population, et on parle d'environ 850 000 personnes qui ont au moins le français comme langue maternelle, de 6 à 8 p. 100 des gens ont donné des réponses multiples.
En outre, le guide du recensement précise l'information suivante :
Si une personne a appris deux langues ou plus en même temps dans sa petite enfance, indiquez la langue qu'elle parlait le plus souvent à la maison avant d'aller à l'école. Indiquez deux langues ou plus si la personne les utilisait aussi souvent les unes que les autres et si elle les comprend encore.
Ce qu'il faut savoir, c'est que les réponses multiples sont extrêmement instables d'un recensement à l'autre. Au cours des dernières années, nous avons jumelé des fichiers pour examiner dans quelle mesure les gens qui fournissaient une réponse multiple dans un recensement fournissaient exactement le même type de réponse au recensement suivant.
Nous avons conclu que cette information est très cohérente depuis 25 ou 30 ans, car près de 80 p. 100 des gens qui fournissent une réponse multiple au recensement ne fournissent pas la même réponse au recensement suivant. Cela ne veut pas dire que ces réponses ne sont pas valables, mais Statistique Canada essaie de s'assurer que les personnes qui donnent plus d'une réponse ont effectivement appris ces deux langues en premier, tout simplement parce que les gens ont tendance à déclarer plus de langues que la première langue apprise, c'est-à-dire même les langues qu'ils utilisent à l'extérieur du foyer.
Notre objectif est d'obtenir la meilleure qualité possible. Cependant, à cet égard, il y a tout de même, à tous les recensements, de 1,5 à 2,5 p. 100 de Canadiens qui fournissent une réponse multiple à la question sur la langue maternelle.
La sénatrice Gagné : En ce qui concerne le processus qui est entamé pour prendre la décision de modifier des questions, d'ajouter des questions et d'offrir la possibilité d'une réponse multiple, comment vous y prenez-vous? Croyez-vous qu'il sera possible de modifier le questionnaire pour le prochain recensement en 2021?
M. Corbeil : Nous menons toujours une consultation publique avant la tenue de chaque recensement. Il faut savoir que la période de développement d'un recensement, c'est-à-dire de la préparation à la diffusion, s'étend sur une période d'environ sept années. Donc, durant ces sept ans, évidemment, on aura consulté les Canadiens pour avoir leur avis sur certaines questions. Statistique Canada a pour mandat, non seulement de permettre une comparabilité historique des données, mais de s'adapter aux nouvelles réalités.
Donc, il est clair que nous consultons la population canadienne à cet égard. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'en 1991, à la suite des tests de recensement, nous avons testé des façons différentes d'ordonner les questions. Puisque le nombre de réponses multiples au recensement était très élevé et que certaines études ont démontré que ces réponses étaient très instables, nous devions chercher des moyens de faire en sorte que les gens comprennent bien la question.
À l'origine, la question sur la langue maternelle apparaissait au tout début du module linguistique, et le taux de réponse avoisinait les 3 p. 100 ou 4 p. 100 pour les langues parlées à la maison. Lorsque nous avons refait l'ordre des questions et posé la question sur la langue maternelle en dernier, le nombre de réponses multiples a littéralement fondu pour se retrouver à 1,3 p. 100 de la population.
Il faut savoir que, dans le recensement canadien, nous posons, si on inclut les sous-questions, près de sept questions de nature linguistique, dont six portent sur les langues officielles. Il s'agit de permettre aux répondants de bien comprendre ce que nous cherchons comme information, soit la connaissance des langues, les langues parlées à la maison, la première langue apprise dans l'enfance, et cetera.
Cela dit, lorsque toute personne souhaite ou manifeste une volonté bien documentée de tester des questions nouvelles dans un recensement, Statistique Canada tiendra compte de ces demandes et de ces considérations, et elles pourraient faire l'objet d'un test dans le cadre du prochain recensement national. Évidemment, les décisions ne relèvent pas nécessairement de Statistique Canada, et cela dépend des résultats que nous obtenons dans ce type de test.
La sénatrice Fraser : Merci beaucoup. J'imagine que l'enquête post-censitaire couvrait le Québec aussi?
M. Corbeil : Bien sûr.
La sénatrice Fraser : Pour les ayants droit, comme vous le savez, les critères ne sont pas les mêmes. C'est beaucoup plus étroit au Québec, car la langue maternelle ne compte pas. Est-ce que cela a posé des problèmes pour déterminer qui sont les ayants droit au Québec?
M. Corbeil : Absolument. Lorsque nous avons diffusé l'information, en décembre 2007, sur les premiers résultats de cette enquête — par ailleurs, cela s'appelle « censitaire », parce que la base d'échantillonnage est celle du recensement —, nous n'avons pu diffuser l'information sur les ayants droit au Québec en raison du nombre d'exceptions. Vous l'avez mentionné, la question de la langue maternelle n'est pas reconnue à ce titre.
La sénatrice Fraser : Ou bien, on a fait son école primaire en anglais et...
M. Corbeil : Effectivement. On a posé toutes sortes de questions dans le cadre de cette enquête. Nous avons une approximation. Je n'ai pas les chiffres en tête en ce moment, mais le défi était très important. Nous avons simplement tenté d'énumérer la liste des exceptions au Québec et, finalement, nous nous sommes rendu compte qu'il y a d'autres questions que nous aurions dû poser pour arriver à cerner cette dimension. C'est une réalité très complexe pour les communautés anglophones du Québec.
La sénatrice Fraser : Je vous encourage à poursuivre votre travail, car c'est primordial.
M. Corbeil : Je suis d'accord. Comme vous devez le savoir, l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle de 2006 disposait d'un budget de près de 7,5 millions de dollars. C'est une enquête dont la base d'échantillonnage comptait près de 50 000 personnes. Cette enquête n'aurait pas été rendue possible sans le soutien financier de cette dizaine de ministères et d'agences du gouvernement fédéral. Donc, c'est un grand projet et, malgré tout l'intérêt, il faut une réelle volonté pour mener une telle enquête.
La sénatrice Fraser : On vous encourage à le faire.
Le sénateur Mockler : J'ai seulement deux petites questions. Ma question ne concerne pas que le Nouveau-Brunswick ou la Colombie-Britannique, mais toutes les provinces. Monsieur Corbeil, du point de vue de Statistique Canada, comment définissez-vous le terme « assimilation »?
M. Corbeil : Vous posez d'excellentes questions ce soir. Statistique Canada a toujours été extrêmement réticent à utiliser le terme « assimilation ». Au tout début, on parlait plutôt du terme « transfert linguistique » qui était mesuré, à partir de 1971, pour désigner les gens qui parlaient le plus souvent à la maison une autre langue que leur langue maternelle. Cette information témoignait en fait de la langue prédominante au foyer. Ce n'était pas nécessairement équivalent à ce qu'on pourrait appeler « assimilation » ou « anglicisation ».
On a reçu beaucoup de commentaires au fil des ans selon lesquels ce n'est pas parce qu'une personne ne parle pas une langue le plus souvent à la maison qu'elle est nécessairement assimilée. Il y a des gens qui ne parlent pas une langue le plus souvent à la maison, mais qui l'utilisent à l'extérieur du foyer. Or, comment définir l'assimilation? En anglais, on dirait qu'elle est « multifaceted », donc pluridimensionnelle. Évidemment, on peut utiliser le terme « anglicisation ».
Dans le cadre de l'enquête sur la vitalité dont nous avons parlé, nous avons posé une question aux membres des minorités de langue officielle qui se lisait comme suit : « Quelle est votre langue principale, c'est-à-dire celle dans laquelle vous êtes le plus à l'aise pour communiquer? » Nous avons constaté que près de 38 p. 100 des membres de la minorité francophone à l'extérieur du Québec mentionnaient l'anglais comme langue principale. Dans ce cas, on peut probablement utiliser le terme « anglicisation ».
Utilisons-nous le terme « assimilation »? Statistique Canada a tendance à ne pas l'utiliser. Puisqu'on parle d'assimilation culturelle, d'assimilation linguistique, est-ce que c'est une assimilation au foyer? C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, en 2001, il y a eu des pressions pour que Statistique Canada pose des questions sur les autres langues parlées régulièrement à la maison, autre que la langue parlée le plus souvent. En fait, nous avons été en mesure de constater que 40 p. 100 de ceux qui parlaient l'anglais utilisaient néanmoins le français de façon régulière à la maison.
C'est donc une question complexe à laquelle il n'y a pas de réponse simple, comme vous pouvez le constater.
Le sénateur Mockler : Les juristes francophones et les grands juristes nous disent souvent qu'ils ont une définition de l'assimilation. Si on utilisait leur définition de l'assimilation, Statistique Canada serait-elle en meilleure posture pour pouvoir cerner les problèmes de l'assimilation? Quels sont les facteurs d'assimilation qui frappent nos communautés, selon vous?
M. Corbeil : Ce qui est très clair, de toute façon, c'est qu'il serait très difficile pour Statistique Canada de poser une question à ce sujet dans un recensement. Même si on demandait aux gens quelle est la langue dans laquelle ils préfèrent communiquer, je ne suis pas sûr que cela fasse l'unanimité comme question. Cela dit, il est clair que le poids démographique à l'intérieur des communautés a une influence directe sur ce qu'on pourrait appeler l'anglicisation de ces communautés.
Ce que nous avons constaté...vous savez qu'il y a une très forte proportion des francophones à l'extérieur du Québec, peu importe le critère qu'on utilise pour les définir, qui vivent dans des municipalités où leur poids démographique est inférieur à 5 p. 100 de la population. Or, il est clair que, lorsqu'on représente de 5 à 10 p. 100 de la population d'une municipalité, l'anglicisation est importante. Le nombre de couples mixtes, linguistiquement parlant, est très élevé. Souvent, les enfants n'ont pas le français comme langue première et la plupart fréquentent l'école de langue anglaise.
Ce que l'enquête sur la vitalité a permis de mesurer, c'est justement un ensemble de facteurs qui contribuent à l'anglicisation de ces minorités, et c'est une réalité extrêmement complexe. Il y a plusieurs facteurs à considérer, mais il est clair que le poids démographique et la disponibilité des services dans la langue jouent un rôle important.
Le sénateur Mockler : Madame la présidente, je vous pose la question : pourrait-on cerner d'autres facteurs?
La présidente : Qui pourrait cerner d'autres facteurs?
Le sénateur Mockler : Le poids démographique est certainement un élément clé.
M. Corbeil : Beaucoup de gens croient que c'est l'exogamie, c'est-à-dire avoir un conjoint qui parle une autre langue. Or, le lien entre l'exogamie et l'anglicisation n'est pas à sens unique.
Encore une fois, les résultats d'enquêtes antérieures, y compris celle sur la vitalité, ont montré que près de 80 p. 100 des parents qui forment un couple dit exogame à l'extérieur du Québec s'étaient déjà anglicisés avant l'âge de 18 ans, avant même de rencontrer leur conjoint de langue anglaise. Donc, il est clair que l'anglicisation est associée au poids démographique, à la visibilité de la langue, aux institutions.
Ce qui est par ailleurs intéressant, c'est que, malgré le fait que la majorité des parents qui forment un couple exogame transmettent, dans une très forte proportion, l'anglais à leurs enfants, la transmission du français s'est accrue au fil du temps. C'est attribuable en partie, je ne dis pas uniquement, au fait que les conjoints de langue anglaise ont fréquenté des écoles d'immersion et ont une connaissance de la langue française. Ces parents, lorsqu'ils sont en âge d'avoir des enfants, souvent, vont choisir d'inscrire leur enfant dans une école de la minorité ou dans un programme d'immersion, même si la première langue apprise est l'anglais.
Le sénateur McIntyre : Monsieur Corbeil, vous avez mentionné l'importance de tester de nouvelles questions en prévision du recensement de 2021. Ma question est la suivante : combien de temps faudrait-il à Statistique Canada pour concevoir et tester de nouvelles questions?
M. Corbeil : La consultation est déjà amorcée. Au cours de la prochaine année, elle se fera à travers le pays. Le test du recensement national sera en préparation très rapidement. Donc, la consultation est déjà amorcée. Pour qu'un test puisse être mené en 2018, il faut agir.
Le sénateur McIntyre : Ma prochaine question concerne les allophones. Prenons le cas de ceux qui étudient en français au Québec et qui, par la suite, déménagent ailleurs au Canada et qui sont titulaires de droits pour l'instruction en français. À l'heure actuelle, est-il possible d'estimer leur nombre?
M. Corbeil : Nous l'avons estimé lors de l'enquête sur la vitalité. Ce qu'il faut savoir, c'est que dans le cadre de cette enquête, les participants n'étaient pas seulement des personnes de langue maternelle française. Pour vous donner une idée, il y avait 69 000 personnes qui avaient une langue maternelle autre que le français ou l'anglais. De plus, il y avait 17 000 personnes qui avaient déclaré à la fois le français et une autre langue. Donc, on estime grosso modo à 86 000 le nombre de ces personnes qui, dans le cadre de l'enquête sur la vitalité des minorités, faisaient partie des minorités francophones à l'extérieur du Québec. Mais dans le cadre du recensement, évidemment, en ce moment, nous ne pouvons pas dénombrer ces ayants droit.
La sénatrice Gagné : Je souligne le fait qu'il est très important pour les gouvernements provinciaux et territoriaux et pour les commissions scolaires de pouvoir dénombrer les ayants droit. Il y aura certainement des ajustements à faire en ce qui a trait aux questions à poser dans le contexte du recensement de 2021. J'ai l'impression que, étant donné qu'on ne pose pas suffisamment de questions, on pourrait sous-estimer le nombre d'ayants droit.
J'ai mentionné le fait qu'il y avait des réponses multiples à la question sur la langue maternelle et qu'on ne posait aucune question sur la scolarité des parents ou de leurs enfants. À mon avis, ces questions pourraient être ajoutées de façon à dresser un meilleur portrait qui pourrait aider les commissions scolaires et les ministères de l'Éducation des différentes provinces et des territoires dans leur planification.
M. Corbeil : Le Canada est le seul pays dans le monde à poser autant de questions linguistiques dans le cadre d'un recensement. Nous avons sept questions en ce moment, et si on prévoit poser des questions sur la langue d'enseignement, je crois que ce sera un beau défi.
La sénatrice Gagné : On aime les défis.
La présidente : Nous vous encourageons à entreprendre ce défi, monsieur Corbeil. Comme la sénatrice Gagné l'a indiqué, l'information est importante pour les gouvernements et pour les conseils scolaires, afin qu'ils puissent mieux estimer le nombre d'ayants droit.
Lorsque vous faites vos consultations, est-ce que les communautés sont invitées à y participer?
M. Corbeil : Absolument.
La présidente : Merci. Monsieur Corbeil, puisque mes collègues n'ont pas d'autres questions à vous poser, je tiens à vous remercier sincèrement d'avoir pris le temps de répondre à nos questions et, surtout, nous vous remercions du travail que vous faites. Comme tout ministère, vous êtes assujetti à la Loi sur les langues officielles. Une mesure positive pour les communautés de langue officielle serait de songer à ajouter certaines questions au recensement.
M. Corbeil : Le message est entendu.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Corbeil.
J'informe mes collègues que, étant donné que le programme législatif du Sénat est très chargé et que le Sénat siège en même temps que notre comité, c'était notre dernière réunion avant la période des Fêtes, même si nous avons la permission de siéger.
Je tiens à remercier notre analyste de la Bibliothèque du Parlement, Marie-Ève Hudon, notre greffier, Kevin Pittman et, bien sûr, je vous remercie tous, chers collègues.
(La séance est levée.)