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OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule no 16 - Témoignages du 30 octobre 2017


OTTAWA, le lundi 30 octobre 2017

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 17 heures, pour poursuivre son étude de l’application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.

La sénatrice Claudette Tardif (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bonjour. Je m’appelle Claudette Tardif, je suis une sénatrice de l’Alberta, et j’ai le privilège de présider la réunion de ce soir. Avant de passer la parole à nos témoins, j’inviterais les sénateurs à se présenter, en commençant à ma gauche, avec la vice-présidente du comité.

La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

La présidente : Nous recevons ce soir Mme Ghislaine Saikaley, commissaire aux langues officielles intérimaire, et son équipe composée de Mme Pascale Giguère, avocate générale et directrice, de Mme Mary Donaghy, commissaire adjointe à la Direction générale des politiques et des communications, ainsi que de M. Pierre Coulombe, commissaire adjoint intérimaire à la Direction générale de l’assurance de la conformité.

Mme Saikaley s’est jointe au Commissariat aux langues officielles en juillet 2008 à titre de commissaire adjointe à la Direction générale de l’assurance de la conformité et, en décembre 2016, elle a été nommée commissaire aux langues officielles intérimaire par le gouverneur en conseil. Elle vient nous présenter son rapport annuel de 2016-2017, qui a été déposé au Sénat le 8 juin dernier.

Madame la commissaire, encore une fois, merci d’être avec nous aujourd’hui. La parole est à vous.

Ghislaine Saikaley, commissaire aux langues officielles intérimaire, Commissariat aux langues officielles : Honorables sénatrices et sénateurs, bonsoir. Je vous remercie de me donner l’occasion de vous présenter mon rapport annuel de 2016-2017.

Le rapport annuel se divise en trois chapitres. Le premier traite du 150e anniversaire de la Confédération canadienne que nous célébrons cette année. Le second chapitre aborde un grand nombre de sujets liés aux nouvelles possibilités en matière de langues officielles. Enfin, letroisième chapitre traite du leadership au sein de la fonction publique. Jetons un coup d’œil à chacun de ces chapitres.

[Traduction]

D’abord, le Commissariat aux langues officielles a déployé de nombreux efforts en prévision du 150e anniversaire de la Confédération pour s’assurer que les ministères et organismes fédéraux tiennent pleinement compte de la dualité linguistique dans leurs activités et dans les services qu’ils offrent à la population durant cet événement marquant pour le pays.

Nous sommes aussi de la fête en organisant, le 30 novembre 2017, une conférence sur l’avenir de la dualité linguistique. Par ailleurs, au courant de l’année 2017, nous avons profité de nombreuses occasions pour faire connaître le rôle central qu’ont joué les langues officielles dans l’histoire du pays et leur importance pour l’avenir.

Vous me permettrez de rappeler que les célébrations ne se limiteront pas à l’année 2017, car, dans deux ans, nous célébrerons un autre anniversaire qui constitue un jalon important dans l’histoire canadienne. En 2019, la Loi sur les langues officielles soufflera ses 50 bougies. Le gouvernement doit saisir cette occasion pour réviser la loi en tenant compte des nombreux changements qui ont marqué la société canadienne depuis la révision de la loi en 1988.

J’ai d’ailleurs demandé à mon équipe d’entreprendre une analyse des points majeurs sur lesquels le gouvernement devra se pencher afin de moderniser la loi pour qu’elle reflète vraiment la réalité canadienne d’aujourd’hui. Nous terminerons cet exercice au cours des 12 prochains mois, en consultation avec les communautés de langue officielle en situation minoritaire et les autres parties intéressées.

Voilà la seule recommandation de ce rapport annuel, direz-vous, mais elle est, selon moi, essentielle pour assurer la pérennité de la loi. Bien qu’elle soit importante, cette recommandation s’ajoute bien entendu aux nombreuses autres recommandations faites dans divers dossiers au cours de l’année financière 2016-2017.

[Français]

Tout au long de l’année, l’évolution de certains dossiers a ouvert de nouvelles perspectives dans des domaines essentiels, tels que l’appui au développement de la petite enfance. Permettez-moi ici de vous reporter au 3 octobre 2016, jour où le commissaire Graham Fraser a dévoilé son rapport intitulé La petite enfance : vecteur de vitalité des communautés francophones en situation minoritaire. Ce rapport révèle que, dans les communautés francophones en situation minoritaire, le développement de la petite enfance est miné, notamment par un manque de ressources, une pénurie de personnel dans les centres de petite enfance et une fragmentation des services. Les communautés anglophones du Québec sont également vulnérables, non pas en termes de langue, mais plutôt en ce qui a trait au manque d’appui.

Le rapport permet également de confirmer que l’absence d’un financement spécifiquement consacré au secteur de la petite enfance dans la Feuille de route pour les langues officielles du Canada de 2013-2018 a rendu les communautés francophones en situation minoritaire vulnérables et souvent incapables de répondre à leurs propres besoins. Des défis particuliers sont également présents pour les communautés anglophones du Québec.

[Traduction]

L’année dernière, le commissariat a contribué aux consultations menées par Patrimoine canadien en vue de la préparation du prochain plan d’action sur les langues officielles, qui sera rendu public, d’après ce que je comprends, au début de la prochaine année. Nous avons noté que les groupes consultés ont mis l’accent sur la promotion de la dualité linguistique, la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire et le rôle actif du gouvernement fédéral.

En matière d’accès à la justice, en octobre 2016, le gouvernement fédéral a annoncé la modification du processus de nomination des juges des cours supérieures. De plus, en septembre 2017, un plan d’action visant à améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures a été annoncé.

Plusieurs de nos interventions en 2016-2017 ont eu pour but de soutenir le leadership manifesté par certaines institutions fédérales et d’appuyer leurs efforts pour actualiser la mise en œuvre de la loi dans leur champ de compétence respectif. Nous avons aussi adopté des approches plus stratégiques visant à trouver des solutions à des problèmes systémiques, et produit des outils qui pourront aider les institutions à mieux respecter l’esprit et la lettre de la loi.

[Français]

Malgré tous ces signes encourageants, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir en matière de respect des langues officielles, comme en témoigne le présent rapport annuel qui fait notamment état de la réception de 1 018 plaintes recevables au commissariat en 2016-2017. Nous n’avions pas vu un tel volume de plaintes depuis l’année 2009-2010, année où nous avions reçu 876 plaintes contre CBC/Radio-Canada dans le dossier concernant la station de radio CBEF Windsor, en Ontario, pour un total de 1 477 plaintes. Comme c’est généralement le cas, la majorité des plaintes reçues en 2016-2017, soit 565, touchaient les communications avec le public. Par ailleurs, 183 plaintes concernaient la partie V de la loi, qui porte sur la langue de travail. Cet enjeu reste toujours une préoccupation.

De plus, nous avons noté une forte augmentation des plaintes liées à l’article 91 de la loi, puisque nous avons reçu 192 plaintes concernant les exigences linguistiques des postes. Nous ne pouvons rester insensibles devant cette augmentation pour le moins inquiétante, lorsque ce résultat est comparé au nombre moyen de plaintes reçues au cours des neuf dernières années, soit 57 plaintes.

[Traduction]

Dans ce contexte, en mai 2016, le commissaire avait écrit au président du Conseil du Trésor pour lui demander de modifier la Directive sur les langues officielles pour la gestion des personnes dans le sens de sa recommandation au sujet du profil linguistique des postes de supervision, formulée dans son rapport annuel de 2010-2011. Nous avons entamé un dialogue avec le Secrétariat du Conseil du Trésor pour approfondir la question.

Des changements positifs sont déjà en cours dans certaines institutions fédérales concernant le niveau de compétences linguistiques requis pour les postes de supervision dans les régions désignées bilingues aux fins de la langue de travail. Durant l’année 2016-2017, plusieurs institutions ont souscrit à la position du commissariat concernant le niveau de compétences linguistiques requis.

Je suis ravie de constater que le récent rapport sur la langue de travail publié par le greffier du Conseil privé comprend une forte recommandation à cet effet.

[Français]

Il importe de célébrer les victoires, mais je reconnais qu’il reste d’importants défis à relever à l’échelle nationale. Selon les récentes données linguistiques publiées par Statistique Canada, l’augmentation du taux de bilinguisme dans presque chaque province et territoire est un bon signe. Toutefois, les projections de Statistique Canada montrent que d’ici 2036 la proportion de francophones au pays ne cessera de diminuer.

Quant à la situation des communautés anglophones du Québec, elle est bien différente. Malgré une stabilité relative sur le plan linguistique, ces communautés font face à d’importants défis sociaux et économiques. En somme, ces projections mettent à l’avant-plan l’importance des efforts actuels pour faire des communautés de langues officielles en situation minoritaire de tout le pays des sociétés d’accueil pour les immigrants.

Je vous remercie de votre attention et je suis prête à répondre à vos questions.

La présidente : Je vous remercie, madame la commissaire. J’aimerais souligner la présence du sénateur Maltais, qui vient de se joindre à nous.

La sénatrice Poirier : Bienvenue à vous tous. Depuis presque un an, vous exercez les fonctions de commissaire aux langues officielles par intérim. Avant d’aller plus loin, j’aimerais vous féliciter et souligner votre travail exceptionnel.

Ma question concerne la nomination du commissaire. Selon vous, afin d’éviter que la situation actuelle se répète, devrions-nous fixer un délai de vacance maximum pour ce poste?

Mme Saikaley : Voulez-vous dire dans le cadre de la modernisation de la loi?

La sénatrice Poirier : Non. Pour éviter que le poste de commissaire aux langues officielles reste vacant trop longtemps, devrions-nous examiner la situation actuelle et imposer un délai maximum afin de pourvoir le poste?

Mme Saikaley : La Loi sur les langues officielles prévoit déjà un poste de commissaire par intérim pour une période de six mois. Il y a déjà une disposition dans la loi à ce chapitre. Il est difficile de répondre à la question.

Je vous remercie de vos bons commentaires au début de votre intervention. Je l’apprécie énormément.

Il y a un commissaire aux langues officielles. Le fait que j’occupe ce poste par intérim m’empêche peut-être d’avoir une vision à long terme, mais je peux vous assurer que j’ai assumé toutes les fonctions du poste. En nommant quelqu’un à ce poste, le gouverneur en conseil a pris ses responsabilités pour s’assurer qu’il n’y ait pas de vacance. Il y a toujours eu un commissaire aux langues officielles, mais à savoir si des délais devraient être prescrits dans la loi pour que la période ne soit pas prolongée, le Parlement pourrait se pencher sur cette question dans le cadre d’une modernisation de la loi. À l’heure actuelle, une disposition existe déjà dans la loi afin de prévoir un poste par intérim.

La sénatrice Poirier : En 2013-2014, vous avez reçu 476 plaintes et, l’an dernier, 1 018. Le nombre de plaintes déposées durant cette période est frappant. Dans le rapport annuel, vous n’indiquez pas quelles institutions sont visées par ces plaintes, mais vous parlez de l’origine des plaintes. Pouvez-vous nous dire quelles institutions et quels ministères ont fait l’objet de plaintes?

Mme Saikaley : Oui, c’est possible. Au cours de la dernière année, les cinq institutions qui ont reçu le plus de plaintes sont Air Canada, avec 101 plaintes, l’Agence des services frontaliers du Canada, avec 85 plaintes, Services publics et Approvisionnement Canada, avec 73 plaintes, Service correctionnel Canada, avec 59 plaintes, et le Bureau du Conseil privé, aussi avec 59 plaintes. Vous vous souviendrez qu’il s’agissait de plaintes reçues à la suite des interventions du premier ministre à Sherbrooke et en Ontario, où il avait répondu en français à une question posée en anglais, et le contraire en Ontario. Ce sont les cinq institutions qui ont reçu le plus de plaintes l’année dernière.

La sénatrice Poirier : Selon vous, le commissaire devrait-il disposer de plus d’outils afin que la Loi sur les langues officielles soit pleinement appliquée?

Mme Saikaley : C’est une question importante. Dans le cadre de notre analyse sur la modernisation de la loi, nous nous pencherons sur cette question, comme plusieurs de vos témoins l’ont fait.

Actuellement, le commissaire dispose tout de même d’un bon éventail d’outils. Au cours des dernières années, M. Fraser a exercé des pouvoirs qui avaient été rarement utilisés, comme le dépôt du rapport au Parlement dans le cas d’Air Canada. Il a des pouvoirs de recours, mais il a aussi un grand pouvoir d’influence. Pour la grande majorité des institutions fédérales, ces pouvoirs sont assez larges et bien utilisés. Si le Parlement voulait donner plus de pouvoir au commissaire, il en ferait un bon usage, c’est-à-dire un usage stratégique, comme avec tous les bons outils. C’est un outil qui s’ajouterait aux pouvoirs actuels du commissaire. C’est au Parlement de décider si le commissaire devrait avoir plus de pouvoir. D’autres agents du Parlement ont des pouvoirs additionnels que le commissaire aux langues officielles n’a pas.

Dans le cadre de notre étude sur la modernisation de la loi, nous mènerons aussi des consultations. Nous serons à l’écoute de la population et nous déterminerons s’il s’agit d’un élément que nous devrions recommander.

La sénatrice Poirier : Merci.

Le sénateur Cormier : Je vous remercie, et je vous félicite pour tout le travail accompli lors de la dernière année. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre rapport de 2016-2017, et cela m’a incité à lire les rapports précédents.

Dans le contexte de l’étude que l’on mène sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, on a certaines questions. J’aimerais vous poser une question sur la partie IV de la loi en ce qui concerne les communications avec le public et la prestation de services. À la page 9 de votre rapport, vous parlez de la modernisation du Règlement sur les langues officielles, soit les communications avec le public et la prestation des services. Vous mentionnez que le Conseil du Trésor et le ministère du Patrimoine ont annoncé la décision du gouvernement d’entreprendre la révision du Règlement sur les langues officielles, notamment le volet des communications avec le public et de la prestation des services. Dans le rapport, vous indiquez ceci :

Une révision qui se limiterait à revoir les critères pour définir la demande importante ou la vocation du bureau et à confirmer les obligations linguistiques des autorités aéroportuaires et des gares serait une occasion manquée de véritablement moderniser le Règlement.

Vous énoncez cinq principes dont il faudrait tenir compte : favoriser une plus grande accessibilité à des services de qualité; viser l’atteinte de l’égalité réelle; prendre en compte le caractère réparateur des droits linguistiques; mettre de l’avant des mesures d’incitation; et, enfin, adopter une approche réglementaire claire et simplifiée. On entend souvent parler des enjeux liés aux définitions associées à cette réglementation, comme la définition du terme « bureau ». Pouvez-vous nous donner plus de détails quant à votre réflexion sur la nécessité de bien définir les éléments par rapport à la nécessité de tenir compte des principes que vous énoncez?

Mme Saikaley : Les principes que nous avons établis touchent tous les éléments qui sont importants, selon ce que nous avons pu constater de l’application du règlement à l’heure actuelle. Grâce aux années d’expérience que nous avons acquises en ce qui a trait à l’application de la loi et du règlement, nous sommes en mesure de déterminer où il y a des défis.

S’agissant de l’application des critères numériques, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas un certain pourcentage ou un certain nombre de personnes dans une communauté qu’il n’y a pas de vitalité. Donc, il devrait plutôt y avoir une approche fondée sur les besoins de ces communautés et qui répond à certains critères ou à certains indicateurs de vitalité qui ne sont pas simplement quantitatifs, mais aussi qualitatifs. Une communauté peut être petite, mais avoir des éléments qui illustrent sa vitalité, comme une école, un centre communautaire et des services organisés par la communauté. Or, on dit que s’il y a une vitalité, il devrait possiblement y avoir des services.

Le règlement est très compliqué à appliquer, ce qui fait que certaines institutions fédérales ont des obligations et que d’autres n’en ont pas. Il y a des bureaux qui sont désignés à l’intérieur d’une même région et d’autres qui ne le sont pas. Il est donc compliqué pour les communautés de recevoir les services et même de savoir à quels services elles ont droit.

Il y a aussi des aberrations. Ainsi, certaines communautés qui ne comptent pas un grand nombre de personnes recevront des services en raison du pourcentage plus élevé qu’elles obtiennent, alors qu’une autre communauté, où on retrouve un plus grand nombre de gens, ne recevra pas de services en raison de son pourcentage moins élevé. On préférerait une approche beaucoup plus qualitative des indicateurs au lieu de s’en tenir à des chiffres ou à des calculs mathématiques.

Il faut aussi que les services soient adaptés aux différents besoins des communautés. Les communautés n’ont pas toutes les mêmes besoins. Alors, nous demandons un règlement plus souple qui répond aux besoins des communautés en termes d’égalité réelle ou lorsqu’il s’agit de tenir compte de mesures mieux adaptées aux besoins. Nous avons la possibilité de revoir l’application du règlement d’une façon plus moderne, mieux adaptée aux besoins des communautés, et c’est dans ce sens que nous voyons une belle occasion. Nous affirmons qu’il s’agirait d’une occasion manquée que de ne pas faire le travail de façon étendue.

Le sénateur Cormier : Est-ce que l’approche qualitative aurait une influence sur la définition qu’on donne à la « demande importante »? Est-ce que cela a un impact sur la définition de ces termes?

Mme Saikaley : Le Conseil du Trésor doit se pencher sur cette question. On ne dit pas qu’il ne devrait pas y avoir de facteurs quantitatifs. On dit plutôt qu’il devrait y avoir ces facteurs et, peut-être là où les normes ne s’appliquent pas, il faudrait envisager d’autres indicateurs et ne pas seulement s’en tenir à ces critères quantitatifs.

Les communautés changent. Mary me rappelle la partie VII de la loi qui concerne les obligations des institutions fédérales à prendre des mesures positives pour développer les communautés et s’assurer de leur épanouissement.

La loi doit être vue dans son ensemble. On regarde l’application du Règlement en fonction de la partie IV seulement, mais qu’en est-il des autres parties de la loi? La partie VII indique que les institutions fédérales ont des obligations selon lesquelles elles doivent aller jusqu’à prendre des mesures positives pour favoriser l’épanouissement des communautés. Je crois qu’il faut également regarder la loi dans son ensemble et l’appliquer de façon généreuse. Je crois que c’est ce qu’on vise.

Le sénateur Cormier : Vous abordez la partie VII dans le rapport, aux pages 10 et 11, et vous insistez sur le fait que l’ère numérique pourrait offrir des possibilités inédites pour le contenu canadien, de sorte que la loi soit non seulement plus accessible aux communautés de langue officielle, mais qu’elle soit aussi à leur image. Nous savons que vous avez reçu deux plaintes à l’égard de l’entente conclue avec Netflix, et nous vous remercions d’examiner cette question.

Quels sont les principaux défis liés à la mise en oeuvre de l’article 41 de la Loi sur les langues officielles, et quelle est votre réflexion sur la place que pourrait occuper le numérique et sur la manière dont il devrait être inclus dans une modernisation de la loi?

Mme Saikaley : C’est un élément très important que nous avons soulevé, nous aussi. C’est inévitable, il y a de nouvelles technologies qui changent énormément la façon dont les services sont donnés. Maintenant, on a beaucoup plus de services en ligne. On a des médias sociaux qu’on n’avait pas avant, on a Internet, et cetera. Il faut que la loi s’adapte à ces nouvelles réalités. Les nouvelles technologies offrent de nombreuses opportunités, mais il faut voir comment les langues officielles peuvent continuer à être bien respectées avec l’utilisation de ces nouvelles technologies.

Donc, vous parlez de l’article 41 et des mesures positives. Dans le fond, tout ce qui est fait par rapport la loi devrait avoir pour objectif de bonifier l’offre de services et de favoriser l’épanouissement des communautés. Tant mieux si on peut utiliser les technologies pour donner de meilleurs services et pour mieux appuyer les communautés. Au cours de la dernière année, nous avons fait une enquête sur la presse minoritaire et sur l’impact que la transition vers le numérique peut avoir sur les journaux des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

On ne peut pas arrêter le progrès ni l’évolution, mais il faut s’assurer que les communautés soient appuyées dans ce virage numérique et leur donner les outils et l’appui dont elles ont besoin pour le faire. Oui, il y a des occasions avec les nouvelles technologies, mais il faut s’assurer que les droits continuent d’être respectés.

La sénatrice Mégie : Je remercie nos témoins de leur exposé.

À la page 6 de votre exposé, vous dites que « d’ici 2036 la proportion de francophones au pays ne cessera de diminuer » et vous continuez en disant que, « quant à la situation des communautés anglophones du Québec, elle est bien différente ». Dans ma tête, ceci veut dire que ces communautés grandissent. Enfin, vous dites que, « malgré une stabilité relative sur le plan linguistique, ces communautés font face à d’importants défis sociaux et économiques ».

En général, j’entends que les anglophones se disent lésés et qu’ils ont de la difficulté à trouver un emploi parce qu’ils ne parlent qu’en anglais. Lorsqu’on s’adresse aux francophones, ils disent également que, parce qu’ils ne sont pas bilingues, ils ne peuvent pas se trouver d’emploi. Quelle est la réalité et quels sont les défis sociaux pour les anglophones? Je les fréquente moins, donc je suis moins au courant de leur situation.

Mme Saikaley : Les communautés anglophones du Québec en situation minoritaire qui font face à des défis se retrouvent principalement dans les régions plus éloignées. On ne parle pas nécessairement d’endroits comme Montréal, où les anglophones n’ont pas de difficulté à trouver du travail. Par contre, lorsqu’on s’éloigne des grands centres, dans les petites communautés des régions comme la Gaspésie, l’Abitibi-Témiscamingue ou la Côte-Nord, ils sont réellement en situation minoritaire et ils sont normalement plus vulnérables du point de vue socioéconomique.

On mentionne dans le rapport que cinq des huit communautés de langue officielle les plus vulnérables au Canada sont situées dans les régions du Québec. On parle de régions comme la Côte-Nord, l’Estrie, Gaspé, les Îles-de-la-Madeleine et l’Abitibi-Témiscamingue. Ce sont des anglophones qui vivent dans des collectivités majoritairement francophones et qui ont de la difficulté à obtenir des services ou à trouver un emploi, car ils sont défavorisés du point de vue socioéconomique. C’est ce dont on parle. C’est cette réalité qu’on tente d’expliquer dans le rapport.

La sénatrice Gagné : J’aimerais à mon tour vous féliciter pour votre excellent travail à titre de commissaire par intérim.

Dans votre rapport, vous avez signalé l’évolution du nombre de plaintes recevables, et ce, depuis 10 ans. On note, pour ce qui est des services au public, donc de la partie IV, une importante augmentation des plaintes. Dans votre Plan ministériel de 2017-2018, vous avez indiqué que la modernisation du Règlement sur les langues officielles est une priorité. On sait que cette révision est en cours.

J’aimerais savoir quel genre de collaboration vous avez avec le Secrétariat du Conseil du Trésor, alors qu’il est en consultation. Je poserai cette première question, et j’en aurai d’autres par la suite.

Mme Saikaley : Merci de votre question. Nous tenons des rencontres régulièrement avec l’équipe du Conseil du Trésor au sujet du règlement. Nous avons un groupe de travail qui nous permet aussi d’échanger nos points de vue. Nous avons partagé les principes contenus dans notre rapport annuel avec le Conseil du Trésor. Les rencontres se poursuivent. Nous avons aussi présenté ces principes au comité consultatif que le ministre Brison a mis sur pied. Nous estimions qu’il était important de partager nos principes avec ce groupe.

Les discussions se poursuivent. Nous attendons de voir quelles seront les prochaines étapes pour le Conseil du Trésor. Toutefois, je puis vous dire que nous exprimons toutes nos préoccupations en ce qui a trait à la révision du règlement, nos attentes et ce que nous croyons qui devrait être fait pour donner lieu à un règlement modernisé qui répondra aux attentes des communautés.

La sénatrice Gagné : Est-ce que vous sentez que les priorités du Secrétariat du Conseil du Trésor, dans la révision du règlement, correspondent aux vôtres?

Mme Saikaley : Comme je l’ai déjà dit, jusqu’à maintenant, il semble qu’ils nous entendent, mais je ne sais pas s’ils nous écoutent. Nous tentons d’influencer les discussions au maximum. Le commissaire, dans ce processus, a un rôle d’influence. Nous pouvons faire des recommandations et présenter nos points de vue. Toutefois, ce que nous aimerions voir, c’est l’orientation qu’ils entendent prendre et les différents scénarios qu’ils élaboreront pour mener à un nouveau règlement. Ce qui nous intéresse, ce sont les résultats qui seront obtenus pour les communautés.

Je crois que c’est là où on en est. Il faudrait avoir plus d’information pour savoir dans quelle direction ils se dirigent. En ce moment, nous n’avons pas de contenu sur lequel nous prononcer, à part le fait d’avoir partagé nos points de vue et nos principes. Les choses s’arrêtent là pour l’instant.

La sénatrice Gagné : J’ai une dernière question quant au libellé de la partie IV. Croyez-vous que ce libellé permette l’élaboration d’un règlement qui prendra la vitalité des communautés comme point de départ, ou faudrait-il plutôt modifier la loi?

Mme Saikaley : Cela fera partie de notre analyse. Nous nous pencherons sur divers éléments qui toucheront la partie IV. Il est un peu tôt pour que je puisse me prononcer sur cette question. Comme je le mentionnais, notre objectif est de développer une position d’ici l’automne 2018. Toutefois, nous devrons examiner chaque partie de la loi et voir de quelle façon elle pourrait être améliorée afin d’en arriver à une meilleure interprétation. Encore une fois, comme je le disais plus tôt, le but est davantage d’obtenir une loi bonifiée et actualisée.

Le sénateur Maltais : La loi prévoit-elle pendant combien de temps votre mandat peut être reconduit? Est-ce six mois, un an ou deux ans? Y a-t-il une date limite ou une date d’échéance?

Mme Saikaley : Non, à ma connaissance, il n’y a pas de date. L’une des dispositions de la loi indique qu’un commissaire peut être nommé par intérim pour une période de six mois et que cette période peut être renouvelable.

Le sénateur Maltais : Dans votre mémoire, vous avez parlé des anglophones du Québec. J’ai remarqué que vous avancez la même proposition que M. Fraser et avec laquelle je suis totalement en désaccord. À mon avis, M. Fraser n’a pas fait un bon travail pour ce qui est des langues minoritaires au Québec, en particulier pour les anglophones — et je le lui ai dit. Je vous répète que je ne veux plus voir de telles choses dans vos rapports, parce que ce n’est pas la vérité.

Vous ne connaissez pas la Côte-Nord, madame. J’y suis né. J’ai été député pendant très longtemps. Ce que vous dites dans votre rapport ne s’applique pas à la Côte-Nord. C’est le seul endroit au Canada où il y a une commission scolaire qui, selon la loi 41, est financée à 100 p. 100 par le gouvernement du Québec. Il n’y a pas de taxe scolaire, alors que chez moi, il y en a. Trouvez-moi un autre endroit au Canada où la situation est la même.

Si vous êtes à Saint-Augustin, il est plus facile de se rendre à l’hôpital à Terre-Neuve. Vous avez 21 kilomètres à parcourir, alors que vous êtes à 2 200 kilomètres de Montréal, et le billet d’avion vous coûtera 1 300 $, alors que là-bas, il coûte 65 $. Le territoire du Canada est ainsi fait et on n’y peut rien.

La situation dans les Cantons de l’Est me fait rire. À Sherbrooke, ils ont leur propre université, il y a l’Université Sir George Williams. À Lennoxville, ils ont le cégep, l’école primaire, l’école secondaire et l’université.

Nous sommes allés à l’Île-du-Prince-Édouard. L’école Évangéline a l’air d’une cabane si on la compare à ce qu’on retrouve à Lennoxville. C’est une honte! Or, vous n’en parlez pas. Vous n’y êtes pas allée. Je ne vous reproche pas de ne pas avoir fait le tour du Canada en six mois. Toutefois, n’endossez pas les mauvais agissements de M. Fraser. Il a fait de bonnes choses. Lui et moi sommes de grands amis, nous nous connaissons depuis 40 ans. Toutefois, il a aussi fait de mauvaises choses, tout comme moi.

À Montréal, comme la sénatrice Mégie vous l’a dit, le problème n’existe pas. J’ai fait préparer un rapport sur la ville de Québec. Savez-vous combien il reste d’anglophones à Québec, sur 1 million de personnes? Statistique Canada n’en parle pas et n’est pas au courant. De toute façon, lorsque Statistique Canada donne des chiffres sur le Québec, c’est une farce monumentale et vous le savez fort bien. Il ne reste plus d’anglophones. Il en reste 0,5 p. 100 de la population. Ils ne sont pas partis. Ils ont décidé de vivre en français. Ils ont leur petite communauté anglophone. Ils ont leur petit journal, le Mercury, mais ils ont décidé de vivre en français, car la langue majoritaire au Québec est le français.

Je ne suis pas d’accord quand vous dites que les anglophones sont mal traités au Québec. Ils ont leurs universités, leurs hôpitaux, leurs cégeps, leurs commissions scolaires anglophones gratuitement, contrairement aux autres.

Je n’en peux plus et je ne le prends pas. Je vais vous envoyer à l’Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve, au Nouveau-Brunswick et à Vancouver, et vous verrez que ce n’est pas pareil.

À titre d’exemple, sur la Côte-Nord, on trouve des communautés autochtones. Certaines ne parlent ni l’anglais ni le français. Vous êtes au courant?

Mme Saikaley : Oui.

Le sénateur Maltais : J’espère bien. Que faites-vous de ces communautés? Rien. Vous n’êtes jamais allés les voir? Le Québec est obligé de leur enseigner leur langue maternelle. Ce n’est pas facile. Si Vancouver a de la difficulté à trouver des enseignants francophones, vous pouvez imaginer à quel point il est difficile d’en trouver quelques-uns qui connaissent l’attikamek.

Ne dites pas des choses dont vous n’êtes pas certaine. Cela fâche les gens. Si ce rapport était lu dans la ville de Québec, vous recevriez les tomates qu’il reste à l’île d’Orléans, parce que ce n’est pas vrai. Je ne le prends pas. Je ne dénigre pas votre travail, puisque vous vous êtes appuyée sur ce que M. Fraser a dit. Je suis certain que vous n’avez pas eu le temps de parcourir le Canada en six mois.

Ma dernière question a trait à la reddition de comptes. Scott Brison, président du Conseil du Trésor, est venu nous rencontrer il y a quelque temps, durant la première année de son mandat, je crois. Il nous a dit qu’il mettrait sur pied un comité sur la reddition de comptes. Pour le moment, on ne sait pas s’il manque de l’argent et on ne sait pas où va l’argent. Voilà le problème. Le ministre lui-même ne le sait pas. Il signe les chèques, mais il ne le sait pas. Il n’y a aucune façon de rendre des comptes. Les provinces ne sont pas obligées de lui rendre des comptes. Construisent-elles des ponts ou des écoles? Font-elles l’agrandissement des aéroports? Ce n’est certainement pas le cas en Colombie-Britannique. Que font les provinces avec ces fonds? On ne le sait pas. On ne sait pas où vont les fonds que Patrimoine canadien investit pour l’éducation. Avant de dire qu’on manque de fonds, j’aimerais bien savoir où ils vont. Le savez-vous?

Mme Saikaley : Comme vous le dites, il s’agit de transferts aux provinces et je n’ai pas le mandat de vérifier ce qui se passe dans les provinces. On a déjà fait une vérification sur la reddition de comptes, et c’était l’enjeu. Notre mandat nous donne une certaine latitude, mais pas au point de pouvoir faire des enquêtes auprès des provinces. Comme vous le dites, c’est un défi, et vous n’êtes pas le premier à soulever cette question.

La sénatrice Moncion : Bonjour. Je vous remercie de l’information que vous nous avez fournie. Ma question a trait à la formation.

Dans votre document, vous dites que la formation est l’un des cinq thèmes que vous développez concernant les préoccupations liées à la langue de travail. L’une des recommandations que vous faites est de mettre fin à la prime au bilinguisme et d’investir cet argent dans la formation linguistique. Pourquoi mettre fin à la prime?

Quelles sont vos impressions quant aux cours offerts, par exemple, aux gens qui ne connaissent pas la langue, qui doivent l’apprendre et qui le font en milieu de travail? J’ai trouvé cette question intéressante, parce qu’elle a peut-être frustré bon nombre de gens.

Mme Saikaley : Vous parlez probablement du rapport Mendelsohn-Borbey sur la langue de travail. Il ne s’agit pas de l’une de nos recommandations.

La sénatrice Moncion : Tout de même, j’aimerais connaître votre avis sur l’abolition de la prime au bilinguisme.

Mme Saikaley : La prime au bilinguisme fait partie des conventions collectives et elle doit être négociée entre l’employeur et le Comité national mixte, donc le représentant des employés. Je sais que cette recommandation a fait réagir beaucoup de personnes. Mon prédécesseur s’est déjà prononcé sur cette question en disant que, dans le fond, le plus important est de savoir si ces fonds sont bien investis et s’il y a d’autres options. C’est un peu ce que le rapport indique. Il suggère de la formation, mais est-ce que la prime au bilinguisme atteint les objectifs? C’est une question qui mérite d’être examinée. Est-ce que la réponse est l’abolition de la prime au bilinguisme purement et simplement? Est-ce qu’on devrait réinvestir l’argent ainsi récupéré dans la formation linguistique? M. Borbey et M. Mendelsohn en ont fait une recommandation. Je crois que les gens à qui s’adresse la recommandation devraient l’examiner pour déterminer si cette mesure a une certaine pertinence.

Comme je l’ai dit, cela doit être négocié avec les représentants des employés, parce que cela fait partie des conventions collectives des fonctionnaires fédéraux.

La sénatrice Moncion : Je vous remercie de l’information et de votre réponse. Je trouve intéressante la recommandation que vous faites, parce qu’elle est très large, surtout lorsque vous parlez d’évaluer la pertinence de moderniser la loi dans l’optique d’adopter une position claire en 2019.

Vous avez fait référence à certains aspects d’autres recommandations que vous avez faites dans des rapports précédents. Parlez-moi un peu de ce que vous anticipez en ce qui a trait à la modernisation de la loi, à la pertinence de moderniser la loi, et de ce que vous pensez de ce projet, à l’heure actuelle, au sein du gouvernement fédéral.

Mme Saikaley : Il est sûr que je n’ai pas eu d’indication ou de réponse à ma recommandation. Je n’ai pas proposé de date spécifique pour recevoir une réponse non plus. Je n’ai pas vraiment demandé de réponse, en fait. Par contre, je suis convaincue que le gouvernement doit examiner la recommandation.

Votre comité se penche sur cette question. Différentes associations communautaires ont commencé à examiner cette question. Beaucoup de monde semble prendre position quant au besoin de moderniser la loi. Il est difficile d’envisager ce que le gouvernement actuel fera avec cette recommandation. Attend-il de connaître les résultats de vos travaux, par exemple? Vous avez indiqué que vous vouliez rendre un rapport en juin 2019.

Malheureusement, je n’ai pas d’indication ni dans un sens ni dans l’autre pour l’instant. Il est peut-être un peu trop tôt pour savoir ce qui va se passer. Chose certaine, nous avons décidé de prendre position sur la question, comme beaucoup d’autres intervenants, et nous verrons où cela va nous mener. Cependant, le 50e anniversaire de la loi est définitivement un bon moment pour demander au gouvernement de se prononcer sur cette question.

Le sénateur McIntyre : Merci, madame la commissaire par intérim, pour votre présentation. Plusieurs de mes questions ont déjà trouvé réponse, mais j’aimerais soulever brièvement avec vous la question du poste de commissaire et les pouvoirs qui lui sont accordés. Personnellement, je crois que les pouvoirs accordés au Commissariat aux langues officielles devraient être renforcés afin d’améliorer la mise en œuvre et la surveillance de la loi.

Cela dit, je note que le Plan ministériel de 2017-2018 du Commissariat aux langues officielles indique que ce dernier doit composer avec des ressources financières limitées. Naturellement, cela soulève toute une polémique et des défis dans la réalisation du mandat du commissaire. Je pense que c’est très préoccupant. J’aimerais vous entendre sur cette question.

Mme Saikaley : Les ressources financières n’ont pas été coupées, mais il est certain que notre budget n’a pas augmenté depuis plusieurs années. Face à cela, il y a quelques années, des fonds importants ont été investis dans le renouvellement d’un système informatique de gestion de cas. On avait investi des sommes importantes pour pouvoir se procurer ce système. Présentement, le système est en place et il fonctionne très bien. Les fonds que nous avions investis dans ce poste pourront être alloués de nouveau à nos programmes.

De plus, au cours de la dernière année, nous avons fait une analyse des coûts par activité, ce qui a grandement aidé notre comité exécutif à accorder des ressources en fonction des priorités que nous nous étions données, et en fonction du mandat.

Donc, en ce moment, nous fonctionnons à l’intérieur des limites de notre budget et nous remplissons notre mandat avec les ressources que nous avons. N’importe quelle organisation vous dira que, avec plus d’argent, elle pourrait faire plus; c’est certain. Mais je pense que nous sommes en mesure de bien remplir notre mandat avec les ressources que nous avons.

Nous avons également optimisé nos processus, par exemple nos processus d’enquête; nous utilisons des approches différentes, nous sommes en train de mettre en place ce qu’on appelle la culture « lean» ou « d’amélioration continue », qui signifie que nous sommes capables de faire une meilleure utilisation de nos ressources. Cela se passe bien de ce côté et nous réussissons à mener à bien l’ensemble de nos activités avec le budget qui est le nôtre à l’heure actuelle.

Le sénateur McIntyre : J’aimerais revenir sur la question des plaintes. Comme vous l’avez mentionné, votre plus récent rapport annuel montre une hausse importante des plaintes. Je note que la hausse la plus importante est liée aux exigences linguistiques des postes bilingues. Pourriez-vous nous en dire un peu plus?

Mme Saikaley : Oui, c’est une nouvelle réalité. Depuis quelques années, nous recevons beaucoup plus de plaintes de la part de fonctionnaires qui jugent que la désignation linguistique de certains postes n’est pas appropriée. C’est une nouvelle réalité, comme je le disais. Pour gérer cette charge de travail, nous avons développé des approches différentes avec les institutions fédérales et notre équipe des enquêtes a une façon différente de travailler.

De plus, M. Fraser, avant son départ au printemps 2016, a écrit au président du Conseil du Trésor pour lui faire part de l’augmentation importante des plaintes et lui demander de revoir la directive mise en place par le Conseil du Trésor, qui est appliquée par les institutions fédérales, selon laquelle les postes de superviseurs dans les régions désignées bilingues devraient être au minimum de niveau BBB. Le commissariat croit que les postes de superviseurs dans les régions désignées bilingues devraient être au minimum de niveau CBC, donc exigeant une compréhension approfondie de l’autre langue et une plus grande maîtrise à l’oral.

Par la suite, nous avons développé une approche pour traiter ces dossiers, en indiquant aux plaignants et aux institutions fédérales que notre position, c’est le niveau CBC, et que nous sommes en discussion avec le Conseil du Trésor pour voir s’il y aurait une ouverture de sa part pour changer la directive.

Le rapport déposé le 14 septembre par MM. Mendelsohn et Borbey fait d’ailleurs une recommandation en ce sens. Donc, il vient appuyer la position du commissariat voulant que les postes de superviseurs dans les régions désignées bilingues doivent être de niveau CBC. J’étais très contente de voir cette recommandation. Si la recommandation est mise en œuvre, nous nous attendons à ce que, possiblement, le nombre de plaintes diminue, car ce dont semblent se plaindre les fonctionnaires, c’est que, entre autres, les superviseurs n’ont pas atteint le niveau linguistique nécessaire pour assumer leurs tâches de supervision dans les régions désignées bilingues.

La présidente : Avant de passer à un deuxième tour de questions, j’aimerais vous poser une question concernant les tests de compétence linguistique pour les immigrants économiques. Si je comprends bien, le commissaire a fait une enquête en 2015 qui a montré que les plaignants avaient raison : les tests en français coûtent plus cher et sont souvent plus difficiles, et la liste d’attente des candidats qui désirent se présenter à l’examen est plus longue. Est-ce que cette situation s’est améliorée, madame la commissaire?

Mme Saikaley : Comme vous le savez, dans certaines des enquêtes que nous faisons, lorsque les plaintes sont fondées, nous faisons des recommandations. Dans ce cas-ci, précisément, nous avons fait des recommandations au ministère concerné, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Habituellement, nous accordons un certain temps pour que nos recommandations puissent être mises en oeuvre. Ce dossier fera l’objet d’un suivi au cours de la prochaine année, pour voir où ils en sont avec la mise en œuvre de nos recommandations.

Nous n’avons pas eu d’autres plaintes pour l’instant, mais j’ai bon espoir que le ministère va prendre nos recommandations en considération et va faire les changements nécessaires. Il faut assurément donner un certain temps à l’institution pour réagir et s’adapter à nos recommandations.

La sénatrice Poirier : Plusieurs témoins nous ont parlé de la possibilité que la commissaire ait plus de pouvoirs, afin que les institutions fédérales les plus souvent ciblées par les plaintes respectent la loi et l’appliquent, notamment Air Canada et Radio-Canada. Êtes-vous d’avis que le fait d’accorder plus de pouvoirs au commissaire mènerait à une meilleure exécution de la loi?

Mme Saikaley : Comme vous le savez, le commissaire Fraser a déposé un rapport au Parlement sur Air Canada. Dans ce rapport, il a fait mention de certaines options qui s’appliqueraient précisément à Air Canada, et certaines de ces options donneraient plus de pouvoirs au commissaire, comme les ententes exécutoires ou les sanctions administratives pécuniaires. Cependant, ces options ont été développées précisément dans le cadre de l’application de la loi à Air Canada, et ce qu’on recommandait, c’était que ce soit ajouté à la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada, et non à la Loi sur les langues officielles.

Donc, comme je le disais plus tôt, dans le cadre de notre réflexion sur la modernisation de la loi, et comme pour beaucoup d’autres intervenants, c’est une question que nous allons examiner et analyser. Je pense que pour la majorité des institutions fédérales, les pouvoirs actuels du commissaire sont assez vastes et qu’il les utilise de façon stratégique.

Bon nombre des recommandations que nous faisons aux institutions fédérales sont mises en œuvre. Est-ce que le fait de donner plus de pouvoirs au commissaire est la seule solution? Il y a peut-être d’autres options. C’est quelque chose que nous allons certainement examiner et c’est un sujet sur lequel le Parlement doit aussi se pencher. Comme je le disais plus tôt, si le Parlement juge que le commissaire devrait avoir plus de pouvoirs, il revient au Parlement d’en décider.

La sénatrice Moncion : Si je peux me permettre une remarque, 45 millions de personnes voyagent tous les ans avec Air Canada et, dans ce contexte, 101 plaintes, ce n’est pas beaucoup. Proportionnellement, ce sont des pacotilles. Je veux simplement rappeler l’ordre de grandeur qui est associé à cela. J’aimerais donc connaître votre opinion quant aux sanctions. C’est pour cela que j’ai souhaité intervenir, car il y a une corrélation à faire à ce chapitre. On parle souvent d’Air Canada, mais lorsque 45 millions de personnes voyagent chaque année et qu’il y a 101 plaintes, et que ce sont toujours les mêmes choses qui reviennent, ce n’est peut-être pas énorme.

Mme Saikaley : Le nombre de plaintes est seulement un indicateur. Ce n’est pas tout le monde qui choisira de faire une plainte. J’ai déjà été témoin de certains cas où, lorsqu’une personne s’est plainte de ne pas avoir de service dans la langue de son choix, tous les autres passagers qui, en principe, auraient eu ce droit également ne se sont pas plaints nécessairement. Ainsi, ils n’auront pas davantage bénéficié de ce service.

Donc, il est difficile de juger de la question simplement en fonction du nombre de plaintes. Ce que je peux vous dire, c’est qu’au fil des ans, ce sont toujours les mêmes enjeux qui reviennent. Qu’il s’agisse des services au sol ou des services en vol, c’est le même problème qui se présente à répétition.

Alors, oui, il y a un certain nombre de plaintes. Cependant, par le passé, nous avons fait beaucoup d’exercices d’observation — un autre outil qu’il est possible d’utiliser — qui nous ont indiqué qu’il y avait encore des enjeux. Est-ce qu’il y a eu amélioration? Oui, je crois, à certains égards. Au fond, les institutions fédérales ne doivent pas simplement se contenter de dire qu’elles font l’effort de mettre en application la Loi sur les langues officielles. Elles ont aussi l’obligation d’atteindre des résultats. C’est bien beau de dire qu’on fait des efforts et qu’on tente d’embaucher du personnel bilingue, mais le fait est que toute institution fédérale doit offrir un service de qualité égale dans les deux langues officielles. Voilà ce que je voulais dire concernant le nombre de plaintes.

La sénatrice Poirier : Ma deuxième question est la suivante. Selon vous, quelle serait la solution pour briser le cycle perpétuel des plaintes et de la non-application de la loi?

Mme Saikaley : Selon moi, il s’agit d’un ensemble d’éléments. D’abord, il y a encore une méconnaissance de la loi de la part du public en général. Les Canadiens ne connaissent pas suffisamment la Loi sur les langues officielles et les droits qui s’y rattachent. Quant à la sensibilisation auprès des institutions fédérales, des employés et des gestionnaires, là aussi il y a du travail à faire. Je crois qu’il faut miser sur différents paliers pour arriver à une application pleine et entière de la loi. Il s’agit d’un ensemble d’éléments qui touchent à la fois la formation, la sensibilisation et l’éducation, et beaucoup de travail doit être fait pour en arriver à une meilleure application de la loi.

Le sénateur Cormier : Je vous remercie de la présentation visuelle très efficace qui, je présume, est liée à votre projet de travail sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

Votre rapport fait mention des principales nouvelles réalités canadiennes que sont les nouvelles technologies, les nouvelles méthodes de travail, l’immigration, l’urbanisation ainsi que l’évolution démographique. Le rapport fait également état d’un sondage téléphonique pancanadien mené par le commissariat en août 2016, et selon lequel 84 p. 100 des répondants déclarent être en accord avec l’énoncé qui se trouve en page 6 du rapport. Cet énoncé indique qu’on devrait faire davantage d’efforts pour que les jeunes deviennent bilingues. Vous déclarez que le commissariat entend utiliser les résultats de ce sondage en guise de tremplin pour faire avancer les objectifs de la loi.

Vous savez sans doute que nous venons de terminer une étude au cours de laquelle nous avons rencontré beaucoup de jeunes. Et ce qu’ils nous disent, c’est que l’enjeu de la langue ne concerne pas seulement les services. Pour eux, la culture est extrêmement présente et est au cœur des enjeux. Dans le fond, les jeunes nous parlent de l’importance de la culture dans l’apprentissage de la langue et dans le choix d’utiliser une langue, particulièrement pour les francophones. Ils parlent aussi de leur développement identitaire et de la sécurité linguistique.

La jeunesse et l’identité sont des questions importantes à mes yeux. Avec toutes ces réalités canadiennes, comment entendez-vous tenir compte de l’évolution et de l’identité culturelle des Canadiennes et des Canadiens, qui vont bien au-delà d’un simple service offert dans une langue?

Mme Saikaley : Je vous remercie de la question. Tous ces éléments contiennent possiblement une composante jeunesse et nous voulons définitivement nous pencher sur cette question. Comme vous le dites, les jeunes Canadiens s’identifient d’une façon différente qu’ils le faisaient il y a 50 ans en ce qui concerne la réalité des langues et du bilinguisme.

Lorsqu’on dit qu’on veut miser sur ces données, c’est qu’on veut tenter de joindre les Canadiens qui sont ouverts à l’avantage du bilinguisme. Il faut miser sur différents auditoires et les convaincre que les deux langues officielles font partie de notre identité canadienne, qu’elles représentent une richesse et une valeur ajoutée. Cette question rejoint les jeunes là où ils sont.

Depuis que je suis en poste, j’essaie de faire un usage accru des médias sociaux tels que Twitter et Facebook, parce que c’est la meilleure façon de joindre les jeunes. Au cours de la prochaine année, nous miserons sur nos stratégies de promotion auprès des jeunes.

Lorsqu’on parle de nouvelles méthodes de travail et des jeunes fonctionnaires, notre but est de leur faire comprendre qu’ils ont le droit de travailler dans la langue de leur choix, et c’est ce qu’ils veulent. Nous voulons leur faire voir que le bilinguisme constitue réellement une valeur pour la fonction publique et pour le Canada. Il est clair que beaucoup de nos stratégies de la prochaine année miseront sur la jeunesse.

Le sénateur Cormier : J’aimerais conclure avec une mini-question qui en est une grande, en fait. Personnellement, j’ai souvent l’impression que, pour beaucoup de Canadiens, la Loi sur les langues officielles et la question de l’enjeu des langues officielles, c’est l’histoire des minorités, que cela appartient aux minorités et que ce n’est pas un enjeu qui fait partie du contrat social de notre pays et que ça ne concerne pas la majorité des gens.

Vous avez parlé de sensibilisation et de promotion de la Loi sur les langues officielles. Avez-vous des recommandations quant à la façon de faire en sorte que la Loi sur les langues officielles soit perçue par l’ensemble des Canadiens comme une loi fondamentale pour l’identité et la cohésion de notre pays sur le plan social?

Mme Saikaley : Selon moi, il faut en faire davantage de ce côté. Dernièrement, je participais à un événement où nous avons clavardé avec de jeunes entrepreneurs. Nous leur avons demandé quel était l’avantage du bilinguisme pour les jeunes entrepreneurs canadiens, et ils ont répondu qu’ils voyaient cela comme un avantage.

Donc, je pense qu’il faut convaincre davantage de citoyens du fait que les deux langues officielles sont une richesse et un avantage pour le Canada. Elles le sont d’un point de vue économique et culturel. Elles le sont aussi du point de vue des services et des droits.

Il ne faut pas seulement insister sur les droits et les services, comme vous dites, mais davantage sur ce que cela apporte à une société d’avoir deux langues officielles, et sur ce qui fait de nous des Canadiens, ce qui fait de nous le Canada que nous sommes, et dont nous devrions être fiers.

Le sénateur Cormier : Est-ce que le préambule de la loi pourrait contenir un énoncé de ce genre?

Mme Saikaley : Certainement. Je pense que cela serait tout à fait approprié.

La sénatrice Mégie : Je reviens sur le sujet des plaintes. Quel est le cheminement des plaintes? Sont-elles présentées directement à la commissaire ou plutôt à d’autres instances? S’il n’y a pas de réponse satisfaisante, la plainte aboutit-elle à vos bureaux?

Mme Saikaley : La majorité des plaintes que nous recevons proviennent de citoyens ou de fonctionnaires fédéraux. Je ne sais pas jusqu’à quel point les citoyens s’adressent directement à l’institution pour porter plainte. Ce n’est pas un prérequis. Les gens ont le droit de se plaindre directement. La majorité des gens choisissent cette voie.

La sénatrice Gagné : J’aimerais revenir sur la question du pouvoir du commissaire. Je vais vous poser une question de façon différente pour connaître davantage ce qui se passe ailleurs.

Quels pouvoirs ont les autres agents du Parlement que le commissaire n’a pas et lesquels seraient les plus pertinents?

Mme Saikaley : Certains commissaires ont des pouvoirs, comme les options que nous avons présentées dans le rapport sur Air Canada. Certaines institutions ont des pouvoirs en matière d’ententes exécutoires, de sanctions financières, et cetera. Je ne sais pas jusqu’à quel point ces autres agents du Parlement utilisent ces pouvoirs. Ce serait une bonne idée pour vous de les faire comparaître et de leur poser la question, à savoir si c’est quelque chose qu’ils utilisent souvent ou pas du tout. On peut détenir un pouvoir sans nécessairement l’utiliser. Est-ce que cela donne des options? Oui, cela peut donner des options.

Je me pose souvent la question. La Loi sur les langues officielles devrait-elle accorder davantage de responsabilités aux institutions fédérales? Faudrait-il dire que ce n’est pas seulement une option de mettre en œuvre la Loi sur les langues officielles, mais que c’est obligatoire? Cela permettrait-il d’atteindre certains objectifs en accordant une plus grande importance au respect de la Loi sur les langues officielles, dont l’impulsion serait donnée par le gouvernement ou les hautes instances du gouvernement?

La sénatrice Gagné : Je vais changer de sujet. J’aimerais revenir au rapport sur la petite enfance. Le rapport publié en octobre 2016 indique clairement que la petite enfance est un secteur qui est absolument critique en ce qui concerne le développement et l’épanouissement de nos communautés. La semaine dernière, nous avons reçu la Commission nationale des parents francophones. Je crois que c’est Mme Legault qui a répondu que les langues officielles commencent dès la petite enfance, lorsque je lui ai posé une question sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

Étant donné l’importance de la petite enfance dans ce contexte et dans le continuum de l’éducation en français pour la vitalité continue des francophones en situation minoritaire, faudrait-il profiter de la modernisation de la Loi sur les langues officielles pour inclure également le droit à l’éducation dans sa langue officielle dès la petite enfance?

Mme Saikaley : C’est une question importante, comme vous l’avez dit. Je suis d’accord avec vous. C’est la base. La transmission de la langue se fait dès la petite enfance, entre autres, et cela peut avoir un impact sur les choix ou les décisions qui seront prises ensuite si les services ne sont pas accessibles dans la langue de la minorité. Il faut voir quel est l’objectif de la Loi sur les langues officielles. Dans son ensemble, la loi vise à appuyer les communautés de langue officielle en situation minoritaire et à assurer leur épanouissement et leur développement. Il faudrait savoir comment la Loi sur les langues officielles peut être modernisée dans ce contexte. Votre comité devrait examiner quels sont les aspects qui sont importants pour les communautés et voir si cela devrait s’inscrire ou non dans la loi. Par contre, puisque l’éducation relève de compétences provinciales, cela peut représenter certains défis.

La sénatrice Gagné : D’accord. Je vous remercie.

Le sénateur McIntyre : Madame la commissaire par intérim, j’aimerais attirer votre attention sur l’accès à la justice dans le cadre de la Loi sur les langues officielles. En 2013, le Commissariat aux langues officielles a publié un rapport et a fait des recommandations dans le but d’améliorer la capacité linguistique de la magistrature. Je comprends également que, récemment, la ministre de la Justice a mis de l’avant un plan d’action fondé sur les constats du rapport du commissariat qui a été publié en 2013. Êtes-vous satisfaite du contenu de ce plan d’action? Si on examine le plan d’action et les recommandations émises en 2013, y a-t-il des éléments marquants?

Mme Saikaley : Je suis assez satisfaite. J’étais heureuse de voir que la ministre avait présenté son plan d’action. À l’automne de l’année dernière, elle a annoncé certains éléments concrets qui donnaient suite aux recommandations du commissaire aux langues officielles en matière d’évaluation dans le cadre de la nomination des juges qui répondent aux exigences linguistiques. Le plan d’action actuel mise sur la formation des juges en matière linguistique et de droits linguistiques. Dans ce contexte, cela répond à l’ensemble des recommandations qui avaient été formulées dans le rapport. C’est définitivement un pas dans la bonne direction. Il reste à voir comment et quand cela sera mis en œuvre. Il aurait été intéressant de parvenir à des ententes avec les provinces afin de répondre aux exigences des cours dans les différentes provinces. Dans l’ensemble, je crois que c’est assez positif. Cela répond assez bien à nos recommandations.

Pascale, aimerais-tu ajouter des commentaires à ce sujet?

Pascale Giguère, avocate générale et directrice, Direction générale des affaires juridiques, Commissariat aux langues officielles : J’aimerais souligner un élément qui est absent du plan d’action et qui aurait certainement été un ajout intéressant, soit d’avoir une définition commune en ce qui concerne la capacité d’intervention bilingue des juges. Le plan d’action donne de nombreuses pistes de solution, mais en l’absence d’une définition commune à l’échelle nationale, il pourrait y avoir des inégalités dans l’ensemble du pays. Comme la commissaire par intérim l’a dit, il y a beaucoup de choses à surveiller dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action et des mesures qui ont été énoncées.

Le sénateur McIntyre : J’ouvre une piste au sénateur Cormier et aux autres sénateurs. La Chambre des communes a récemment voté contre un projet de loi traitant de la nomination de juges bilingues à la Cour suprême du Canada. Qu’en pensez-vous?

Mme Saikaley : Comme plusieurs, nous avons été déçus de ce résultat. Plusieurs projets de loi ont visé à apporter ces changements. J’avais appuyé le projet de loi, comme mon prédécesseur.

Tel que je l’avais mentionné devant le comité de la Chambre des communes, une autre option, dans le cadre de la modernisation de la loi, serait de revoir l’exception à la partie III, à l’article 16. Il y a présentement une exception pour les juges de la Cour suprême. Elle pourrait être retirée. Ceci ferait en sorte que les juges de la Cour suprême du Canada aient l’obligation d’avoir une connaissance des deux langues officielles. Ce serait là une autre option.

La sénatrice Moncion : Vous êtes commissaire aux langues officielles par intérim depuis plus d’un an. D’habitude, il faut environ six mois pour faire le tour des enjeux et être à l’aise dans le poste. Bien que vous fassiez un excellent travail, j’imagine qu’une autre personne sera nommée commissaire aux langues officielles. Étant donné que vous participerez à la passation des dossiers, quels éléments, selon vous, devraient faire partie des priorités de la prochaine personne qui occupera ce poste?

Mme Saikaley : La modernisation de la loi et du règlement est un enjeu d’actualité que la nouvelle personne devra faire valoir auprès des décideurs. Pour avoir fait le tour de plusieurs communautés en situation minoritaire au cours des 10 derniers mois, je mentionnerais les dossiers de l’immigration, de la petite enfance et le continuum de l’éducation de la petite enfance jusqu’au niveau postuniversitaire. J’ajouterais l’immersion et les programmes d’apprentissage d’une deuxième langue officielle pour les Canadiens qui le désirent. Nous espérons que ces questions seront abordées dans le prochain plan d’action sur les langues officielles et qu’elles seront des priorités pour le commissariat.

La sénatrice Moncion : Vous avez fait allusion à la modernisation de la loi et du règlement. Si je ne m’abuse, il n’y a pas beaucoup de règlements qui découlent ou qui sont rattachés à la Loi sur les langues officielles.

Mme Saikaley : Il n’y a que la partie IV qui a un règlement.

La sénatrice Moncion : Il n’y en a qu’un?

Mme Saikaley : Oui.

La sénatrice Moncion : Recommanderiez-vous qu’on ajoute des règlements?

Mme Saikaley : Cette question doit être étudiée dans l’ensemble du dossier de la loi. L’adoption de règlements est aussi une option dans l’application d’une loi. C’est peut-être une chose sur laquelle le Parlement devrait se pencher également.

Le sénateur Maltais : En réponse aux questions du sénateur McIntyre, vous avez mentionné que les juges à la Cour suprême devraient avoir une connaissance suffisante du français et de l’anglais. Ne serait-il pas plus facile de dire qu’ils devraient être parfaitement bilingues?

Mme Saikaley : Ce serait, en effet, un grand avantage. Je ne sais pas si j’ai utilisé l’expression « connaissance suffisante».

Le sénateur Maltais : Oui.

Mme Saikaley : Ce qui est mentionné, c’est qu’ils doivent être en mesure de comprendre les personnes qui comparaissent devant eux. C’est l’exigence minimale.

À savoir s’ils devraient être parfaitement bilingues, je crois que c’est...

Le sénateur Maltais : Si le commissaire aux langues officielles est, comme vous, parfaitement bilingue, le juge en chef, dans un pays bilingue, devrait à tout le moins être bilingue. On ne parle pas de connaissances suffisantes, mais d’être parfaitement bilingue, comme vous l’êtes. C’est incroyable!

Seriez-vous d’accord pour que tous les officiers du gouvernement soient entièrement bilingues?

Mme Saikaley : Que voulez-vous dire?

Le sénateur Maltais : Je parle des agents gouvernementaux nommés par la Chambre des communes, comme le vérificateur général.

Mme Saikaley : C’est déjà le cas. Une loi a été adoptée en ce sens voulant que tous les agents du Parlement soient bilingues.

Le sénateur Maltais : Pensez-vous qu’elle est appliquée?

Mme Saikaley : Oui, j’ai bon espoir qu’elle l’est.

Le sénateur Maltais : Avez-vous déjà conversé en français avec le vérificateur général?

Mme Saikaley : Monsieur Ferguson, je crois, a été nommé avant la mise en œuvre de cette loi. À ma connaissance, il continue de suivre des cours de français de façon assidue.

Le sénateur Maltais : Du niveau de la prématernelle. Pour avoir conversé avec lui, madame, il lui faudrait une personne comme madame la présidente, qui a été une excellente professeure.

Le sénateur Cormier : Plus on avance, plus on a des questions qui nous viennent en tête. Cela veut donc dire que la conversation était nécessaire et fort intéressante. J’aurais eu envie de mieux comprendre pourquoi ce projet de loi sur la question du bilinguisme des juges à la Cour suprême n’a pas été adopté. C’est l’une de vos suggestions qui circule dans le cadre de la modification de la loi. J’ai presque envie de vous demander si vous voyez des embûches à cette modification. Si on voulait apporter cette modification à la Loi sur les langues officielles, quels sont, à votre avis, les enjeux qui y sont liés?

Mme Saikaley : De notre point de vue, il n’y en a pas.

Le sénateur Cormier : Très bien.

Ma dernière question concerne la partie V sur la langue de travail. Vous en avez parlé plut tôt. Un témoin qui a comparu récemment nous a parlé de la question des nouvelles technologies dans l’application de la partie V. Il proposait, en matière d’utilisation des communications électroniques, que les régions désignées soient abolies dans ce contexte, et qu’il y ait plutôt une obligation à l’échelle nationale en ce qui concerne le bilinguisme dans l’utilisation des communications électroniques. Que pensez-vous de cette approche ou de cette obligation qui pourrait être imposée?

Mme Saikaley : C’est une bonne question. De plus en plus de gens travaillent de façon virtuelle. À l’heure actuelle, dans la fonction publique, on retrouve des équipes décentralisées. Il peut y avoir des gens situés partout au Canada. Certains peuvent se trouver dans une région alors que leur superviseur est dans une autre région. Il y a des gens qui collaborent dans le cadre de projets et qui se trouvent dans différentes régions. C’est une question intéressante et importante à considérer.

D’ailleurs, dans le cadre de notre analyse, ce sont des questions sur lesquelles nous nous pencherons. La réalité virtuelle et les équipes virtuelles à la fonction publique, il faut les examiner. Il faut se pencher sur toutes ces questions, comme l’utilisation des technologies à titre de différents moyens utilisés pour collaborer, par exemple, les forums de discussions. Ce sont des questions importantes.

Le sénateur Cormier : Je vous remercie encore une fois pour votre travail.

La présidente : Vous nous avez indiqué que vous avez entamé un processus visant à déterminer comment les communautés de langue officielle en situation minoritaire perçoivent la modernisation de la loi. Vous savez que notre comité a aussi entrepris une étude. Il a consulté les Canadiens et les Canadiennes sur la modernisation de la loi, et ce, depuis le printemps 2017. Auriez-vous des recommandations à nous faire en ce qui a trait à notre étude sur la modernisation de la loi?

Mme Saikaley : J’ai pris connaissance de votre plan de travail et je dois dire qu’il est excellent. Vous avez couvert tous les éléments importants. Je vous félicite d’avoir entamé cette étude. C’est une étude importante.

Je vous dirais de continuer votre travail. J’ai vu la liste des témoins qui sont invités à comparaître. Si nous pouvons contribuer à cette réflexion, nous serons heureux de le faire et de comparaître à nouveau dans le cadre de votre étude une fois que notre propre réflexion sera plus avancée.

Je n’ai pas d’autres recommandations spécifiques que celle de vous encourager à poursuivre dans la même voie, car je crois qu’elle est excellente, et aussi à parler aux jeunes et à écouter les différentes associations qui ont comparu devant vous jusqu’à maintenant et celles à venir.

La présidente : Merci, madame la commissaire. Puisqui'il n'y a pas d’autres questions, au nom du Comité sénatorial permanent des langues officielles, je tiens à vous remercier très sincèrement. Merci d’avoir accepté le poste de commissaire par intérim. Ce n’est pas un poste facile à occuper, surtout dans des circonstances difficiles. Merci encore pour votre excellent travail et merci à toute l’équipe qui vous appuie.

Honorables sénateurs, je vais déposer une motion demain au Sénat afin de demander la permission que le comité siège le mercredi 8 novembre, à 15 h 30, pour entendre l’honorable Scott Brison au sujet de son rapport annuel. Vous avez dû recevoir un message, il y a quelques semaines, vous demandant si vous seriez disponibles à 15 h 30 le 8 novembre, afin d’entendre l’honorable Scott Brison. La motion doit être déposée au Sénat, puisque cette réunion se tiendra à l’extérieur de la plage horaire normale du comité et que le Sénat siégera à ce moment-là.

(La séance est levée.)

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