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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 27 - Témoignages du 15 juin 2017


OTTAWA, le jeudi 15 juin 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi S-228, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (interdiction de faire de la publicité d'aliments et de boissons s'adressant aux enfants), se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour poursuivre son étude de ce projet de loi.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie, je viens de la Nouvelle-Écosse et je suis président du comité. J'aimerais demander à mes collègues de se présenter, en commençant à ma droite.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Dean : Tony Dean, de l'Ontario.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto. Je suis également vice-président du comité.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le président : Merci beaucoup, chers collègues. J'aimerais rappeler à tous que nous sommes ici pour discuter du projet de loi S-228, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (interdiction de faire de la publicité d'aliments et de boissons s'adressant aux enfants).

Aujourd'hui, nous accueillons trois groupes de témoins. D'après ce que je comprends, nous entendrons d'abord les représentants de Restaurants Canada. Nous accueillons donc Joyce Reynolds, vice-présidente exécutive, Affaires gouvernementales, et David Lefebvre, vice-président, Fédéral et Québec.

Je crois que vous partagerez votre temps. Allez-y.

Joyce Reynolds, vice-présidente exécutive, Affaires gouvernementales, Restaurants Canada : Je vous remercie de me donner l'occasion d'être ici au nom de l'industrie de la restauration du Canada, une industrie qui représente 80 milliards de dollars. Cette industrie est une partie essentielle de l'économie de notre pays. En effet, on trouve des restaurants canadiens dans chaque coin du pays, des grands centres métropolitains aux collectivités éloignées. Nous sommes le quatrième employeur en importance dans le secteur privé au Canada, car notre industrie emploie directement plus de 1,2 million de personnes et profite de l'appui indirect de 286 000 partenaires. Notre plus grande fierté est d'être le principal fournisseur de premier emploi au pays. Nous ouvrons ainsi la porte aux jeunes, aux nouveaux Canadiens et à ceux qui font face à des obstacles à l'emploi.

Plus des deux tiers des 95 000 restaurants, cafétérias, cafés et bars du Canada sont des entreprises locales qui sont exploitées par des entrepreneurs indépendants.

Les restaurants participent activement à la vie de leur collectivité et ce sont habituellement les premiers commerces auxquels on s'adresse pour acheter des chèques-cadeaux et demander des dons et de l'aide pour des événements locaux et des œuvres de bienfaisance. Malgré des marges extrêmement minces, notre industrie effectue, au total, des dons d'environ 300 millions de dollars par année.

Nous sommes très reconnaissants de participer aux consultations sur le projet de loi S-228. Nous croyons que notre industrie peut jouer un rôle important pour cerner certaines conséquences imprévues de ce projet de loi à portée générale. Nous comprenons l'intention du projet de loi, mais nous croyons que dans sa forme actuelle, il va au-delà de cette intention et qu'il réduira injustement la capacité des restaurants de communiquer avec leurs clients adultes et de commercialiser leurs produits et services à tous les publics au Canada.

Nous sommes également préoccupés par l'impact potentiel de ce projet de loi sur les organismes caritatifs, les événements sportifs et les activités communautaires d'un bout à l'autre du pays.

Nous craignons aussi que les restrictions liées à l'emballage et à l'étiquetage aient des répercussions sur les communications à l'intérieur des restaurants.

Nous sommes surtout préoccupés par l'amendement qui vise à élargir la définition du mot « enfant » pour inclure les adolescents et les jeunes adultes. C'est un changement fondamental au projet de loi.

Il est possible d'isoler les émissions pour enfants dans le cadre des restrictions sur la publicité, mais l'amendement actuellement proposé éliminerait presque toutes les autres émissions. En effet, les adolescents regardent habituellement les mêmes événements sportifs, téléséries, comédies, et cetera, que leurs parents.

Les adolescents cherchent habituellement leur premier emploi entre 14 et 17 ans, et un grand nombre d'entre eux acquièrent une précieuse expérience en milieu de travail dans les restaurants. Comment peuvent-ils, d'un côté, être suffisamment âgés pour apprendre à préparer et à vendre de la nourriture dans le cadre d'un emploi, mais d'un autre côté, être trop jeunes pour être exposés aux mêmes produits alimentaires lorsqu'ils ne travaillent pas?

Dans le monde d'aujourd'hui, où les médias sont omniprésents et où il n'y a aucune frontière, il est logique de donner aux enfants et aux adolescents les outils dont ils ont besoin pour être responsables, faire preuve de discernement et avoir une pensée critique face aux médias lorsqu'ils sont exposés à la publicité dans le cadre d'émissions destinées aux adultes.

Deuxièmement, j'aimerais parler de l'article 7.5 du projet de loi, qui concerne l'interdiction sur les promotions des ventes. Chaque année, les entreprises de services alimentaires dépensent des millions de dollars dans la commandite d'activités et des promotions qui visent à aider les Canadiens à être plus actifs et à dépenser des calories. Cela se produit à l'échelle nationale et dans pratiquement toutes les collectivités du Canada. Cela comprend les entreprises familiales qui appuient des équipes sportives de ligue mineure et des activités sportives comme le hockey, le soccer, le baseball, le basketball, le jeu de crosse, le football, le patinage, la natation, le curling, le vélo, le golf, le ballet, le tennis, la course — et la liste continue.

Tout le monde connaît, par exemple, le Programme des sports Timbits pour mineurs. Ce programme a appuyé plus de 345 000 enfants qui ont participé à des activités sportives pour mineurs l'an dernier. Comme je l'ai souligné plus tôt, les restaurants sont l'un des premiers organismes auxquels on demande de commanditer des événements comme des courses amusantes et des triathlons. Les parents qui dépendent du financement offert par les commandites pour inscrire leurs enfants à des activités sportives seront frustrés et déçus par les éléments qui pourraient être visés dans ce projet de loi.

Le projet de loi pourrait également viser, entre autres, les dons de charité à des organismes tels la Fondation des maladies du cœur et de l'AVC, les Jeux olympiques spéciaux, les Clubs Garçons et Filles du Canada, Kiwanis, les ateliers d'alimentation saine, les programmes pour apprendre à cuisiner, les organismes caritatifs qui appuient les familles avec un enfant gravement malade et les camps d'été pour les enfants défavorisés.

Par exemple, à ce jour, le Grand McDon a permis d'amasser plus de 67 millions de dollars pour l'Œuvre des Manoirs Ronald McDonald du Canada et les organismes de bienfaisance pour les enfants d'un bout à l'autre du pays par l'entremise de dons, notamment un montant de 1 $ sur la vente de chaque Joyeux festin, Big Mac, et boisson McCafé chaude lors du Grand McDon. Le Grand McDon de 2017 a permis d'amasser 5,6 millions de dollars. La contribution de 10 cents provenant de la vente de chaque repas Joyeux festin à l'Œuvre des Manoirs Ronald McDonald du Canada a créé une source de revenus durable pour ces œuvres de bienfaisance respectées.

De la même façon, en 2016, la Fondation Tim Hortons pour les enfants a permis à plus de 19 000 enfants et jeunes d'aller gratuitement dans un camp. Le Jour des camps a permis d'amasser plus de 13 millions de dollars l'an dernier.

Le fait d'interdire ces commandites et ces promotions créerait un grand vide pour les parents et les familles, et nous espérons que ces éléments seront traités de façon appropriée dans les règlements.

Nous craignons également que le libellé général du projet de loi ait des répercussions sur ce qu'on peut communiquer aux clients dans les restaurants. Contrairement au milieu de la vente au détail, on ne voit pas l'emballage des aliments avant d'acheter le produit. Les menus et les tableaux d'affichage sont les principaux moyens de communiquer les choix offerts aux consommateurs et ils sont conçus pour vendre rapidement les produits offerts sur le menu. De nombreux restaurants offrent des repas plus petits à prix réduit pour les enfants. Une interprétation du projet de loi pourrait laisser entendre qu'il interdit d'offrir les repas destinés aux enfants, et les parents devraient alors commander des portions d'adultes pour leurs enfants.

J'aimerais maintenant donner la parole à David.

[Français]

David Lefebvre, vice-président, Fédéral et Québec, Restaurants Canada : Enfin, je vous présente quelques propos sur les sommes liées à la publicité qui pourraient être perdues. Les diffuseurs et médias imprimés canadiens font face à des revenus en déclin et à une base de clients de moins en moins large. Une législation trop restrictive sur la publicité des aliments pourrait avoir des ramifications néfastes pour eux. En ce sens, nous vous demandons d'inclure une analyse économique complète dans votre réflexion.

En terminant, Restaurants Canada tient à vous remercier de votre temps et de votre écoute sur un enjeu aussi important. Comme vous pouvez le constater, nous ne sommes pas contre les objectifs du projet de loi S-228 tel qu'il est rédigé, mais nous voulons vous mettre en garde contre certaines conséquences malencontreuses qu'il pourrait entraîner.

Notre industrie se fait une fierté de servir 18 millions de Canadiens chaque jour et d'être le lieu de rencontre de familles et d'amis lors d'occasions spéciales. Nous voulons aussi continuer de jouer un rôle important au sein des communautés en appuyant leurs initiatives et en redonnant aux gens, qui sont le tissu de nos quartiers et de notre vie locale. Nous estimons que notre rôle social dépasse le simple rôle de servir de la nourriture. Chaque jour, nos actions démontrent que nous sommes de bons citoyens corporatifs qui veulent s'investir davantage dans la société. Nous espérons pouvoir continuer à le faire. Merci.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup.

Chers collègues, les témoins ont apporté des exemplaires de leurs exposés, mais ils sont rédigés dans une seule langue. Si vous souhaitez obtenir un exemplaire, vous devez le demander. Il vous sera remis, mais vous devez le demander. Nous ne pouvons pas les distribuer s'ils sont dans une seule langue.

J'invite maintenant Jim Goetz, président de l'Association canadienne des boissons, à livrer son exposé.

Jim Goetz, président, Association canadienne des boissons : Merci, monsieur le président. J'aimerais également remercier les membres du comité. Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui. Je m'appelle Jim Goetz, et je suis président de l'Association canadienne des boissons.

Nous représentons plus de 60 marques de boissons non alcoolisées et non laitières fabriquées et distribuées par des Canadiens d'un océan à l'autre. Nos lignes de produits diversifiés comprennent des jus à 100 p. 100, de l'eau embouteillée, des boissons gazeuses, des thés glacés, de l'eau de coco et tout le reste.

Notre industrie emploie 60 000 Canadiens dans plus de 200 installations d'un bout à l'autre du pays. Cela fait 60 000 familles, 60 000 membres actifs dans des collectivités de partout au Canada, et 60 000 habitants de ce pays qui se soucient énormément de leur santé et de celle de leurs enfants.

J'aimerais préciser que nous avons les mêmes aspirations en ce qui concerne les résultats en matière de santé pour les Canadiens de tous les âges, surtout les jeunes. Nous voulons réduire les taux d'obésité, diminuer les cas de diabète et sensibiliser davantage les gens à l'égard des choix sains et d'une alimentation équilibrée.

Les membres de l'ACB investissent d'innombrables heures de bénévolat et des fonds dans les initiatives locales des collectivités dans lesquelles ils mènent leurs activités. Nos contributions à Centraide, aux Jeux olympiques spéciaux, à ParticipACTION, au Club des petits déjeuners du Canada et au programme Let's Play représentent seulement quelques-unes des façons dont nous redonnons à nos collectivités.

Récemment, plusieurs organismes ont remis en question les pratiques utilisées par l'industrie des aliments et des boissons pour commercialiser ses produits. À titre de représentants nationaux du secteur des boissons non alcoolisées du Canada, nous comprenons que des enfants se trouvent parmi les Canadiens qui consommeront nos produits, ainsi que d'autres produits alimentaires. Toutefois, on a laissé entendre que nous nous efforçons en quelque sorte de décourager les Canadiens de prendre des décisions qui leur permettent d'avoir une alimentation saine et équilibrée, et cela va à l'encontre de tout ce que nous représentons. Oui, nous commercialisons nos boissons dans un environnement de plus en plus compétitif, mais nous respectons les normes en matière de publicité et de commercialisation que nous avons établies et qui ont été établies par d'autres organismes.

Les membres de l'Association canadienne des boissons sont fiers d'offrir aux Canadiens des outils utiles qui les aident à prendre des décisions éclairées pour eux-mêmes et leur famille. Notre industrie est aux premières lignes des initiatives facultatives qui visent à permettre aux parents d'exercer un plus grand contrôle dans les décisions prises dans leur foyer, afin qu'ils puissent jouer un rôle plus actif dans l'orientation des choix de leurs enfants. Nous avons également ouvert la voie dans le domaine de l'innovation et du choix des produits.

En 2006, il y a plus de 10 ans, nous avons mis en œuvre les lignes directrices facultatives de notre industrie relativement à la vente de boissons dans les écoles. En 2009, ces lignes directrices avaient été mises en œuvre dans les écoles élémentaires et secondaires d'un bout à l'autre du pays. Les boissons gazeuses à teneur élevée en calories ont été volontairement éliminées des écoles et remplacées par de l'eau et des jus à 100 p. 100 dans les écoles élémentaires, et de l'eau, des jus, du lait et des boissons de remplacement à faible teneur en calories dans les écoles secondaires.

En ce qui concerne le projet de loi sur la publicité dont nous discutons ici aujourd'hui, nos membres ont déjà des lignes directrices facultatives sur la publicité destinée aux enfants et elles sont en œuvre depuis des années. Les seuls produits qu'il est permis de commercialiser aux enfants de moins de 12 ans sont les jus à 100 p. 100, le lait et l'eau. Certains membres vont encore plus loin et ne font aucune publicité de boissons aux enfants de moins de 12 ans.

Les normes canadiennes de la publicité est un organisme qui examine régulièrement la performance de nos membres. Dans le rapport le plus récent, publié en 2015, les membres qui participent à l'Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et boissons destinée aux enfants respectent entièrement leur engagement visant à limiter la publicité à la télévision, dans la presse écrite, dans Internet et sur les sites web de l'entreprise. De plus, des recherches présentées à la conférence de l'APMCC qui s'est tenue en 2014 ont démontré que l'industrie des boissons avait complètement éliminé sa présence publicitaire sur les chaînes de télévision pour enfants.

En ce qui concerne la proposition de limiter la publicité aux jeunes, le terme proposé — principalement destinée aux enfants — n'a pas encore été défini, ce qui pourrait fixer des limites d'une portée excessive en matière de publicité et de commandite, et imposer des interdictions dans le cadre d'émissions regardées par les adultes et d'événements fréquentés par les adultes. Augmenter l'âge limite à 17 ans pour les parts d'auditoire de certaines émissions pourrait limiter la capacité de nos membres de faire de la publicité dans 90 p. 100 des émissions de télévision diffusées au Canada. Encore une fois, étant donné que le processus de politique publique n'a pas encore été clairement défini dans ce cas, les conséquences négatives de cette décision pourraient largement dépasser l'effet recherché.

Assurons-nous de cibler un âge limite approprié. Si l'âge limite est 17 ans ou moins, par exemple, cela signifie qu'une personne peut s'enrôler dans les Forces armées canadiennes, mais qu'elle ne pourrait potentiellement pas regarder une publicité d'aliments ou de boissons non alcoolisées dans le cadre de l'émission La soirée du hockey.

C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas appuyer une loi fédérale qui élimine la publicité de produits et les commandites d'événements axés sur les adultes ou d'événements auxquels les enfants accompagnent les adultes. Ce sont surtout les parents qui décident pour leurs enfants, et nous croyons que les parents devraient conserver ce droit et cette responsabilité. Lorsque nous commençons à douter qu'ils soient les mieux placés pour prendre ces décisions, nous entamons une tout autre discussion de politique.

Les initiatives facultatives actuellement en œuvre dans l'industrie des boissons démontrent clairement que nous nous sommes engagés à encourager les Canadiens à adopter un mode de vie équilibré. Même si selon le Conference Board du Canada, la consommation de boissons sucrées a diminué de 20 p. 100 par habitant depuis 2004 au Canada, les taux d'obésité continuent malheureusement d'augmenter. Les produits des membres de l'ACB représentent seulement 7 p. 100 de l'apport calorique quotidien des Canadiens, mais nous assumons la prise en charge et la pleine responsabilité de ce petit rôle.

Enfin, permettez-moi de répéter que nous appuyons et que nous partageons les objectifs du gouvernement et les résultats souhaités en matière de santé pour les Canadiens de tous les âges. Toutefois, la question de savoir ce qui constitue des décisions solides en matière de politique publique nous préoccupe toujours lorsque la capacité de nos membres de faire de la publicité dans un milieu concurrentiel est compromise. Il est également tout aussi important que nos membres aient la capacité de participer à des événements et à des initiatives communautaires dans lesquels ils sont une présence complémentaire et bien accueillie depuis longtemps. Nous croyons que ces collaborations offrent toujours un grand avantage réciproque, et nous ne croyons pas qu'il existe des preuves solides que cela a eu un impact négatif sur les résultats souhaités en matière de santé pour les Canadiens, surtout pour les enfants canadiens.

Je vous remercie, et je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Nous entendrons maintenant les représentants de Produits alimentaires et de consommation du Canada. Nous accueillons donc Michelle Sanders, vice-présidente, Affaires provinciales et territoriales. Elle est accompagnée de Byron Shaw, avocat pour PACC et partenaire chez McCarthy Tétrault LLP.

D'après ce que je comprends, madame Saunders, vous livrerez l'exposé.

Michelle Saunders, vice-présidente, Affaires provinciales et territoriales, Produits alimentaires et de consommation du Canada : Bonjour. Produits alimentaires et de consommation du Canada est la plus importante association commerciale nationale du Canada. Elle représente des entreprises qui fabriquent et distribuent des aliments, des boissons et des biens de consommation sécuritaires, abordables et de grande qualité. Notre industrie est le plus grand employeur dans le secteur de la fabrication du Canada, car elle emploie directement près de 300 000 Canadiens d'un océan à l'autre.

Aujourd'hui, je suis accompagnée de Byron Shaw, un conseiller juridique qui peut m'aider à répondre à vos questions sur notre évaluation de la portée et des conséquences potentielles du projet de loi S-228. Étant donné que certaines des questions posées lors d'audiences précédentes étaient de nature juridique et que je ne suis pas avocate, nous avons pensé qu'il serait utile de retenir les services de Byron.

J'aimerais vous remercier de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui et de participer à cette discussion très importante. J'aimerais surtout remercier la sénatrice Raine de son engagement ouvert et franc à l'égard de PACC. Nous avons tiré parti de sa perspective et de sa franchise.

PACC et ses membres accordent une grande importance à la santé et au bien-être des Canadiens. Nos entreprises membres continuent d'investir dans le développement et la reformulation de produits visant à améliorer le profil nutritionnel et à accroître le nombre de choix sains offerts aux consommateurs. Conformément aux lignes directrices actuelles sur l'alimentation saine, une vaste gamme de produits à teneur réduite en calories, en sucre, en gras et en sel est aisément accessible sur les marchés d'aujourd'hui.

Nous sommes très fiers du partenariat que nous avons depuis de nombreuses années avec Santé Canada dans le cadre de la Campagne d'éducation sur le tableau de la valeur nutritive. Cette campagne a aidé les Canadiens à mieux comprendre les informations nutritionnelles qui se trouvent déjà sur les aliments et les boissons emballés.

Notre industrie est très réglementée, mais elle est également axée sur les consommateurs. Nous reconnaissons que le dialogue sur la publicité destinée aux enfants a évolué avec le contexte mondial.

Il y a une décennie, les entreprises se sont volontairement réunies pour établir des restrictions liées à la publicité destinée aux enfants par l'entremise de l'Initiative pour la publicité destinée aux enfants, et pour rediriger, dans certains cas, les fonds destinés à la publicité les investir dans la promotion d'un mode de vie sain et actif. Plusieurs entreprises ont cessé toute publicité destinée aux enfants. L'Initiative pour la publicité destinée aux enfants a toujours été un programme qui évolue au fil des années.

L'industrie est prête à faire davantage et fera davantage pour limiter la publicité destinée principalement aux enfants. Toutefois, nous craignons que ce projet de loi, dans sa forme actuelle, soit tellement vaste et général qu'il pourrait dépasser son intention déclarée de limiter la publicité d'aliments et de boissons destinée aux enfants, et finir par interdire la publicité d'aliments et de boissons destinée aux adultes.

Nous avons écouté très attentivement l'exposé qu'a livré la sénatrice Raine devant ce comité et d'après ce que nous comprenons, elle proposera des amendements au projet de loi pendant l'étude article par article. Nous pensons que ces amendements représentent des changements fondamentaux. On nous demande de formuler des commentaires sur le projet de loi qui se trouve devant nous, et non sur le projet de loi que le comité demandera au Sénat de renvoyer à la Chambre des communes, et il serait utile d'examiner et de commenter les amendements qui seront apportés.

Jusqu'à ce que ce soit le cas, j'aimerais formuler des commentaires sur trois éléments précis du projet de loi, à savoir l'âge, l'étiquetage et l'emballage, et l'utilisation du mot « nocif ».

Le projet de loi S-228, dans sa forme actuelle, fait référence aux enfants de moins de 13 ans. Même si cette limite diffère de la limite d'âge de 12 ans actuellement établie dans le Code de la publicité radiotélévisée destinée aux enfants, nous appuyons l'augmentation de cette limite à 13 ans, car cela correspond aux restrictions en vigueur au Québec. Augmenter cet âge limite à 16 ans vise directement la publicité axée sur les adultes, et la sénatrice a affirmé clairement que ce n'était pas son intention. Le projet de loi parle de la publicité destinée principalement aux enfants sans définir ce terme ou la façon dont on pourrait l'appliquer.

L'âge est également un facteur important lorsqu'il s'agit des restrictions proposées sur les commandites et la publicité. Si l'on tient compte de la proposition d'augmenter l'âge limite à 16 ans et de l'expression « principalement destinée aux enfants », l'interdiction des commandites pourrait-elle s'appliquer aux Sénateurs d'Ottawa, aux Blue Jays de Toronto ou aux Jeux olympiques? Ces événements ne sont pas principalement destinés aux enfants. Les adolescents regardent des émissions comme la cérémonie des Oscars, le Super Bowl, La soirée du Hockey et Grey's Anatomy. Ces émissions ne sont pas principalement destinées aux enfants. Les publicités d'aliments et de boissons seront-elles interdites dans le cadre de ces émissions diffusées au Canada?

L'interdiction visant l'étiquetage et l'emballage proposée dans l'article 7.1 interdirait potentiellement un large éventail d'activités qui permettent aux consommateurs d'identifier rapidement et efficacement le produit de leur choix grâce aux étiquettes et à la reconnaissance de la marque. Cela aurait des répercussions sur l'ensemble de l'emballage ou de l'étiquette, y compris la police de caractère, les couleurs et la description du produit, et cela éliminerait la capacité des fabricants et des consommateurs de distinguer un produit d'un autre. Cela préoccupe l'industrie et cela ne correspond pas au programme en vigueur au Québec.

De plus, cet article ne tient pas compte d'autres changements à l'étiquetage et à l'emballage prévus dans le cadre de la stratégie sur une saine alimentation de Santé Canada et des changements apportés par l'Agence canadienne d'inspection des aliments par l'entremise de sa modernisation de la réglementation. Nous recommandons d'éliminer l'article 7.1.

Nous sommes préoccupés par l'amendement proposé qui vise à définir les aliments nocifs. PACC et ses membres sont d'accord avec Bill Jeffery et d'autres témoins qui ont comparu devant le comité avant nous. Les critères nutritionnels compliqueront énormément l'application de l'interdiction.

Si ce projet de loi interdit la publicité d'aliments et de boissons destinée aux enfants sur le fondement que cela manipule leur cerveau en développement — et le comité a déjà entendu cet argument —, dans ce cas, il est inapproprié de commercialiser tout aliment et toute boisson aux enfants. Si c'est inapproprié, c'est inapproprié, sans exception.

Il est beaucoup plus important de se concentrer sur les habitudes alimentaires saines et équilibrées durant toute la vie. La stigmatisation d'aliments individuels ne permettra pas d'atteindre l'objectif déclaré de réduire l'obésité chez les enfants.

L'industrie des aliments et des boissons est prête à en faire davantage pour limiter la publicité principalement destinée aux enfants. Toutefois, ce projet de loi dépasse son intention déclarée. L'industrie souhaite participer aux discussions qui se tiendront à l'avenir. Nous avons hâte d'en avoir l'occasion.

Merci.

Le président : J'aimerais remercier tous les témoins. Nous passons maintenant aux questions. Étant donné que trois différents groupes comparaissent ce matin, veuillez préciser à qui s'adressent vos questions dès le départ. Si une question s'adresse à l'un des témoins et que les autres souhaitent formuler des commentaires, veuillez le signaler par l'entremise du président; je vous reconnaîtrai et je vous donnerai la chance de répondre à la même question. Cela dit, nous entendrons d'abord le sénateur Eggleton.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais d'abord m'adresser aux représentants de Restaurants Canada, mais mes questions s'adressent aux trois groupes de témoins. J'aimerais d'abord vous remercier de vos exposés. Vous avez énuméré, dans vos exposés — tous les témoins, surtout ceux de Restaurants Canada —, toutes les initiatives utiles menées par votre industrie, notamment le travail communautaire effectué bénévolement et les commandites qui contribuent à appuyer diverses œuvres de bienfaisance.

Toutefois, il y a l'envers de la médaille, comme nous l'avons découvert lorsque nous avons mené notre étude sur l'obésité l'an dernier, et je parle de l'augmentation du taux d'obésité. Dans son exposé, M. Goetz a admis que ce taux continuait d'augmenter rapidement dans sa collectivité. Depuis 1980, il a triplé trois fois chez les enfants, ce qui a fait augmenter le risque de souffrir d'une maladie chronique. Ces enfants continuent d'être obèses ou de faire de l'embonpoint pendant le reste de leur vie, ce qui entraîne des répercussions sur la population en général, car cela cause des augmentations importantes des dépenses en matière de soins de santé. Nous avons appris que selon la Cour suprême du Canada — certainement dans sa décision précédente —, les enfants sont très vulnérables à la publicité.

De plus, Tom Warshawski, professeur de pédiatrie à l'Université de la Colombie-Britannique, qui a comparu devant notre comité, a affirmé que le cerveau des adolescents se construisait pendant les premières années de la vie et, sur le fondement des principes d'Ottawa, il a suggéré de fixer la limite sous l'âge de 17 ans, c'est-à-dire de fixer l'âge maximum à 16 ans.

Vous avez également cité le caractère facultatif de la conformité aux lignes directrices et l'Initiative pour la publicité destinée aux enfants, mais nous avons également entendu des témoignages, par exemple, qui découlent d'une étude menée par l'École d'épidémiologie et de santé publique de la faculté de médecine de l'Université d'Ottawa, selon laquelle ces choses ne fonctionnent pas. Ces témoins ont suggéré, dans une étude préalable, de vérifier si le caractère sain des aliments et des boissons qui font l'objet de publicité destinée aux enfants avait changé depuis que les nouveaux critères uniformes — c'est-à-dire les lignes directrices volontaires de l'Initiative pour la publicité destinée aux enfants — avaient été mis en œuvre et ils ont constaté que rien n'avait changé. Ils ont dit que les enfants et les adolescents étaient ciblés plus souvent, c'est-à-dire environ 92 p. 100 plus souvent. Ils ont également été choqués de découvrir que les enfants étaient davantage exposés aux publicités d'aliments et de boissons depuis la mise en œuvre des lignes directrices facultatives.

De plus, un sondage de l'opinion publique révèle que la population en général appuie les limites imposées à la publicité destinée aux enfants. Environ 70 p. 100 des répondants étaient d'avis que les enfants étaient trop exposés à la publicité faite par l'industrie des aliments et des boissons.

De plus, un rapport publié cette année par la Fondation des maladies du cœur et de l'AVC soutient que les enfants ne vont pas bien, et que l'industrie des aliments et des boissons fait de la publicité à outrance aux enfants et aux jeunes.

Il y a donc des opinions bien arrêtées au sujet de l'influence exercée par vos industries.

La sénatrice Nancy Greene Raine a proposé certains amendements. Elle a suggéré d'augmenter l'âge maximum à 16 ans, c'est-à-dire sous l'âge de 17 ans. De plus, au lieu de cibler tous les aliments — c'est ce que vous avez observé dans le projet de loi qui a fait l'objet de vos commentaires —, elle suggère de cibler les aliments nocifs et, à cet égard, d'utiliser le système de profilage nutritionnel utilisé dans certains pays et approuvé par l'Organisation mondiale de la Santé. Troisièmement, elle suggère d'éliminer de nombreux éléments spécifiques du projet de loi et de les intégrer à un système réglementaire où vous aurez davantage l'occasion de formuler des commentaires.

Pourriez-vous vous prononcer sur les trois modifications qu'elle propose que nous apportions au projet de loi?

Mme Reynolds : Merci de votre question. Nous reconnaissons la gravité de la question de l'obésité et nous voulons participer à la solution. Je pense que vous aurez remarqué que les menus de restaurant ont changé considérablement au cours des dernières années. Nous offrons beaucoup plus d'options santé que nous le faisions il y a 10 ans. Vous pouvez maintenant trouver des options saines comme des salades, des fruits frais et des légumes dans n'importe quel restaurant, qu'il s'agisse de restauration rapide ou traditionnelle.

Les menus offerts sont aussi beaucoup plus transparents qu'ils l'étaient sur le plan de la composition, du profil nutritionnel de nos aliments. Nous avons travaillé en partenariat avec le gouvernement de la Colombie-Britannique pour faire en sorte que les consommateurs puissent faire des choix éclairés au restaurant. C'est un projet que nous aimerions mettre en œuvre à la grandeur du pays. Nous avons parlé à Santé Canada de prendre les devants. Une des choses qui nous préoccupent est celle d'avoir une approche fragmentée. Nous souhaitons que les calories soient indiquées sur les menus pour que les clients puissent faire des choix éclairés dans les restaurants à la grandeur du pays, mais nous voulons que l'on applique le même programme partout au Canada. Les programmes visés ont tendance à être multi-juridictionnels; il est donc compliqué d'avoir un programme différent dans chaque région.

Pour répondre à vos trois questions précises, notre principale préoccupation concernant la limite d'âge est de pouvoir faire la distinction entre le marketing et la publicité pour un adolescent et pour un adulte, et de déterminer si cela influera sur notre capacité de commercialiser nos produits auprès d'un quelconque public. Voilà notre principale préoccupation.

Pour ce qui est de retrancher plus de points de la loi pour les mettre dans le règlement, oui, en ce moment, certains points sont si universels qu'ils couvriraient tout. Certaines de ces choses devront être déterminées dans la réglementation. Une chose que nous voulions faire aujourd'hui était de soulever certaines de nos préoccupations au stade de l'élaboration de la réglementation pour éviter les conséquences involontaires.

Nos membres sont très tournés vers la communauté, mais il s'agit d'une industrie où la concurrence est très forte et, je le répète, dans 65 p. 100 des cas, il s'agit de petits exploitants indépendants. Ils ont besoin de pouvoir transmettre aux Canadiens les renseignements concernant les produits et services qu'ils offrent. Ils ne peuvent pas simplement ouvrir un restaurant et s'attendre à ce que les gens y viennent. Ils doivent pouvoir faire connaître leurs restaurants. C'est l'autre point qui nous préoccupe.

Quelle était la troisième suggestion?

Le sénateur Eggleton : Qu'au lieu de tous les aliments, il ne s'agirait que des aliments malsains.

Mme Reynolds : C'est, en quelque sorte, complexe dans le contexte de la restauration en raison du niveau élevé de personnalisation. C'est une situation où un produit pourrait être sain, mais si vous y ajoutez tous les condiments et du fromage, il ne l'est plus. De notre point de vue, il est toujours difficile de cibler des mets particuliers sur un menu quand les aliments sont toujours mangés ensemble dans un restaurant.

Le président : Quelqu'un aimerait-il ajouter quelque chose?

Mme Saunders : Je serais ravie de le faire. Sénateur Eggleton, vous avez englobé beaucoup de points dans cette question.

En général, grâce aux travaux de recherche que le comité a menés et aux audiences exhaustives qu'il a tenues en 2015, et au rapport complet qu'il a publié, vous savez fort bien que l'obésité juvénile et l'obésité en général est une question complexe, si bien qu'il faut opter pour une approche multidimensionnelle afin de la régler. La publicité s'adressant aux enfants ne représente qu'un seul aspect de la question.

Le point qui nous préoccupe aujourd'hui est que le projet de loi à l'étude va bien au-delà de son objectif déclaré. Sans définitions claires qui ciblent les enfants, il ne nous semble pas évident que le projet de loi les vise réellement.

Pour ce qui concerne les modifications précises concernant l'âge, aussitôt qu'on hausse l'âge à 16 ans, on tombe immédiatement dans la publicité s'adressant aux adultes, car les jeunes regardent les programmes destinés à ce groupe d'âge.

La question des aliments malsains nous préoccupe beaucoup. Elle modifie fondamentalement le libellé. Je pense qu'il est beaucoup plus utile de se concentrer sur des habitudes et un régime alimentaires sains plutôt que sur des aliments en particulier. Nous sommes favorables aux restrictions qui s'appliquent à tous les aliments.

Nous estimons que les critères nutritionnels que vous avez mentionnés, ceux qui sont appliqués en Amérique latine, devraient être applicables ici. Tout critère nutritionnel doit s'appliquer au contexte canadien pour refléter nos aliments à nous ainsi que nos préférences culturelles et alimentaires dans notre économie. Notre situation diffère grandement de celle où ces critères nutritionnels sont actuellement en vigueur.

Quant aux modifications générales, la sénatrice a mentionné qu'elle retrancherait de nombreux détails de la loi pour les mettre dans le règlement. Or, je comprends fort bien qu'il est plus facile de modifier un règlement qu'une loi, mais j'ignore quel en sera le résultat.

Si, en fait, il nous reste le cadre d'une mesure législative qui définit simplement la portée ou l'intention et que tout sera déterminé dans le règlement, alors je dirais qu'il m'est très difficile de me prononcer. Cela diffère fondamentalement du projet de loi à l'étude. Il est essentiel que les représentants de l'industrie participent aux discussions et qu'ils se réjouissent de pouvoir le faire dans le cadre de l'élaboration d'autres règlements.

M. Goetz : Je veux revenir sur trois points que vous avez soulevés. Premièrement, l'étude de la Fondation des maladies du cœur et de l'AVC qui a été publiée récemment. Deux de mes membres y ont été mentionnés. L'un d'entre eux a communiqué avec la fondation pour demander les données et le contexte à ce sujet dans le but de voir si on commet des erreurs qu'il est possible de corriger. À ce jour, nous n'avons toujours pas reçu de renseignements sur les points exacts auxquels on fait allusion dans cette étude.

J'aimerais revenir aux commentaires formulés hier par les Normes de la publicité :

À titre d'exemple, le rapport mentionne expressément deux produits qui figurent parmi les plus souvent annoncés sur les sites web populaires auprès des enfants. Cependant, comme on l'a vu dans les vérifications de conformité des normes de la publicité, les entreprises n'ont pas placé de publicités s'adressant aux enfants dans un quelconque média canadien pour vendre ces produits, y compris les sites web destinés aux enfants. En fait, un des produits n'est pas même en vente au Canada.

En outre, il semblerait qu'un seul des 10 sites web pour enfants qui ont été passés en revue soit canadien.

Pour répondre au commentaire de Michelle, nous devons rester dans le contexte canadien.

Pour ce qui concerne la question des aliments sains par rapport aux aliments malsains, nous sommes aussi d'avis que, si on donne suite au projet de loi, il faut que tous les aliments et toutes les boissons soient visés. Si on appliquait des critères, par exemple, il serait beaucoup plus probable que les boissons-diètes soient placées dans la catégorie des boissons malsaines même si Santé Canada, le Secrétariat américain aux produits alimentaires et pharmaceutiques, l'Autorité européenne de sécurité des aliments et l'autorité néo-zélandaise de sécurité des aliments ont jugé que les boissons contenant des édulcorants artificiels étaient une solution sécuritaire et positive pour remplacer les boissons contenant uniquement du sucre.

Pour ce qui concerne l'âge, le fait de le hausser à 16 ou à 17 ans — comme tous les participants l'ont déjà mentionné ici — aurait probablement pour effet de nous placer dans une situation ridicule où un jeune de 17 ans pourrait visionner un épisode du Trône de fer sur HBO Canada, mais pas une publicité pour du jus d'orange pendant cette émission.

Le président : Nous avons formulé des commentaires au sujet du jus d'orange dans un document publié. Nous ne sommes pas impressionnés.

La sénatrice Seidman : Le jus contient toujours 100 p. 100 de sucre.

Je veux vous poser une question concernant la situation au Québec — car aucun d'entre vous n'en avez vraiment parlé — et son incidence sur les entreprises que vous représentez. L'interdiction dans cette province de diffuser des publicités s'adressant aux enfants de moins de 13 ans est en vigueur depuis plus de deux décennies. J'aimerais savoir comment vos entreprises y ont répondu et l'incidence, le cas échéant, que cette mesure a eu sur eux.

Pouvez-vous nous donner des détails sur les types de marchés susceptibles d'avoir été touchés? L'interdiction québécoise fait-elle directement allusion à l'emballage et aux recommandations publicitaires ou se limite-t-elle aux publicités imprimées et diffusées? Pourriez-vous répondre à cette question? J'aimerais que vous répondiez tous. Je demanderais peut- être à Mme Saunders de bien vouloir commencer, et nous continuerons ensuite en ordre.

Le président : La raison pour laquelle je procède ainsi est pour éviter que les témoins discutent entre eux pour déterminer qui commencera.

La sénatrice Seidman : Je comprends. Merci.

Mme Saunders : Je ne peux pas vous parler d'une incidence précise sur une entreprise en particulier, mais je peux vous dire que le cadre législatif au Québec n'englobe pas l'emballage et l'étiquetage. La loi québécoise a été adoptée il y a de nombreuses années pour une raison précise. Elle ne ciblait pas l'obésité à l'époque. En outre, elle se limite au marché francophone et a été mise en œuvre il y a fort longtemps.

Une des choses que les données révèlent est la différence d'exposition de part et d'autre de la frontière. En comparant nos questions de langue et d'exposition avec celles des États-Unis, nous avons une idée de la façon dont nous pourrions nous y prendre pour appliquer ces règles à la grandeur du Canada. Je pense que cela pourrait poser problème.

M. Goetz : Je n'ai rien à ajouter.

Mme Reynolds : Le marché québécois est très différent du reste du marché canadien sur le plan de la composition de l'industrie. Il y a, dans cette province, plus d'exploitants indépendants que de chaînes comparativement au reste du pays. Le ratio restauration rapide-restaurants traditionnels n'est pas le même non plus. Bien sûr, il existe aussi des différences entre l'anglais et le français.

Je crois comprendre que les entreprises qui ciblent les enfants de moins de 13 ans font principalement la publicité de produits santé ailleurs au Canada. Ils ne font pas de publicité au Québec, mais ceux qui ciblent les moins de 13 ans annoncent des produits faibles en sucre, en sodium et en calories. C'est ce que je crois savoir.

David, voulez-vous ajouter quelque chose?

[Français]

M. Lefebvre : En ce qui concerne la question de l'obésité, malgré la loi qui est en vigueur au Québec depuis bon nombre d'années, il y a aussi des problèmes. Des témoins ont parlé de divers problèmes, notamment en ce qui a trait à l'activité physique. Au Québec, les entreprises ont dû s'adapter. Comme le mentionnait Mme Saunders, il ne s'agit pas d'une interdiction de la publicité aussi large que celle qui est proposée ici. C'est la possibilité pour les restaurateurs — les entreprises indépendantes comme les chaînes — de s'impliquer dans leur communauté en commanditant certaines activités. Cela se fait au Québec pour les activités destinées aux jeunes et moins jeunes, notamment en ce qui concerne les tournois de hockey. Il s'agit simplement de trouver le juste équilibre entre les objectifs du projet de loi et la réalité, à la lumière de certains amendements présentés, afin d'éviter des conséquences fâcheuses au niveau de la législation canadienne.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Madame Saunders, vous avez mentionné que la réglementation québécoise avait été adoptée avant que le débat sur l'obésité soit lancé, et c'est peut-être le cas. Cependant, la loi québécoise a été contestée devant les tribunaux. En fait, la Cour suprême l'a maintenue, car elle a reconnu que les cerveaux et les esprits des enfants de cet âge sont vulnérables et peuvent être très influencés par la publicité.

Je crois que le comité a entendu des témoins soulever des arguments semblables. Ils suggéraient que la règle s'applique après l'âge de 13 ans, que les enfants plus vieux sont très influencés par ce qu'ils voient dans les médias. Leurs cerveaux n'ont pas fini de se former. Ils sont toujours extrêmement vulnérables.

J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus, si possible.

Mme Saunders : Bien sûr, et je sais que Byron peut se prononcer sur le cas du Québec.

Je n'essaie pas de dire que la question de l'obésité ne faisait pas l'objet d'une discussion publique à l'époque, mais ce n'est pas elle qui a motivé le projet de loi. La loi québécoise ne porte pas précisément sur la nourriture. C'est le seul commentaire que j'ai à formuler à ce sujet.

Byron Shaw, avocat, partenaire, McCarthy Tétrault LLP, Produits alimentaires et de consommation du Canada : Merci, madame la sénatrice. La décision rendue par la Cour suprême en 1989 a suscité un certain nombre de commentaires. La loi québécoise a été instaurée en 1978 comme complément à la Loi de la protection du consommateur du Québec.

Il est important de noter une partie des différences entre la loi québécoise et le projet de loi à l'étude, surtout en ce qui concerne les amendements les plus récents qu'a proposés la sénatrice Greene Raine.

La loi québécoise visait uniquement la publicité. L'interdiction ne frappait nullement l'étiquetage et l'emballage; pas plus qu'elle ne frappait les témoignages, les recommandations publicitaires, les ventes de promotion et les ventes contrairement à celle qui est actuellement proposée à l'article 7.6 du projet de loi S-228. Elle ne ciblait aussi que les enfants de moins de 13 ans.

Tous les membres ayant participé à la décision de la Cour suprême ont convenu que l'interdiction portait atteinte au droit à la liberté d'expression. Conformément à toutes les décisions précédentes de la cour, ils ont convenu qu'il revenait au gouvernement de montrer que l'interdiction qu'il proposait pour modifier la Loi de la protection du consommateur était la façon qui empiétait le moins sur le droit constitutionnel à la liberté d'expression.

Trois membres de la cour étaient d'avis que l'interdiction était la façon qui empiétait le moins sur la liberté d'expression tandis que deux autres n'étaient pas d'accord. La décision a été rendue avec une faible majorité. La cour a fait attention de noter que le gouvernement devait prouver que toutes les interdictions qu'il proposait d'imposer au Québec reposaient sur un solide fondement probatoire, interdictions qui se limitaient à la publicité.

Il est important de noter ici que la cour, même la majorité en faveur de la mesure législative, a précisé que les annonceurs étaient toujours libres de faire la publicité de leurs produits auprès des adultes. Ce fut un élément important qui a fait en sorte que, pour la majorité des juges, ce projet de loi était celui qui empiétait le moins sur la liberté d'expression. En haussant l'âge à 16 ans, comme d'autres l'ont mentionné, il est difficile de faire la distinction entre la publicité qui s'adresse aux adultes et celle qui s'adresse aux enfants. Il est important de se souvenir de ce que la Cour suprême a dit concernant la façon de procéder qui empiète le moins sur la liberté d'expression, surtout pour ce qui est de hausser l'âge.

Le président : Merci, maître Shaw.

Le sénateur Dean : Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Ma question s'adresse à vous, monsieur Goetz, et elle renvoie à la page 5 de votre mémoire où vous faites remarquer que les produits des membres de l'Association canadienne des boissons ne représentent que 7 p. 100 des calories quotidiennes que consomment les Canadiens. Je présume qu'il s'agit d'une moyenne.

Comment pouvez-vous concilier cela avec le témoignage du Dr Tom Warshawski, praticien clinique adjoint en pédiatrie à l'Université de la Colombie-Britannique? Il nous a dit que non seulement nous savons que d'importants montants d'argent sont investis dans la publicité qui cible les jeunes, mais que l'adolescent canadien moyen consomme plus de 500 millilitres de boissons sucrées chaque jour — plus du double d'un adulte — et que cette consommation dépasse considérablement l'apport quotidien maximal de sucre recommandé par l'OMS et la Fondation des maladies du cœur et de l'AVC.

Si nous revenons à votre nombre de calories qui équivaut à 7 p. 100 de l'apport quotidien, je présume que c'est un nombre qui varie considérablement en fonction de l'âge et du revenu, et je présume aussi qu'il augmente de façon appréciable lorsqu'il est question de jeunes et de personnes à faible revenu.

Avez-vous des données ou des preuves en ce sens?

M. Goetz : Premièrement, les 7 p. 100 ne sont pas des données de l'industrie, mais bien des données gouvernementales, car elles sont tirées de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes. Elles datent de 2004, donc de la dernière enquête qui a été menée. Nous croyons comprendre que nous obtiendrons de nouvelles données de cette enquête d'ici la fin du mois et nous nous en réjouissons.

Avec la diminution de la consommation de boissons sucrées hypercaloriques que nous avons connue depuis 2004, et que le Conference Board du Canada a confirmée, nous nous attendons vraiment à ce que ce chiffre soit plus bas lorsque les prochaines données seront publiées.

Pour ce qui est des habitudes de consommation, il est clair que des personnes surconsomment nos produits, et que certains mangent trop de hamburgers, de sandwichs au saucisson de Bologne et de fromage. Nous ne sommes pas uniques lorsqu'il est question de surconsommation.

L'industrie a fait ce qu'elle pouvait pour réduire cette surconsommation. Certaines des initiatives que nous avons menées au Canada ont fait en sorte que près de 50 p. 100 des produits non alcoolisés vendus au pays soient faibles en calories ou n'en contiennent pas du tout. C'est quelque chose d'unique en Amérique du Nord. Nous savons que la consommation de boissons hypercaloriques au Canada est bien moins élevée qu'au Mexique et aux États-Unis — elle représente presque la moitié de celle du Mexique et le tiers de celle des États-Unis.

En ce qui concerne les tendances économiques et sociales en matière de consommation de boissons, je n'ai pas ces renseignements en ma possession aujourd'hui, mais je peux vous fournir quelques données préliminaires à cet égard. Je crois me souvenir que le niveau est plutôt stable pour tous les groupes d'âge.

Est-ce qu'il est probable que les adolescents — et je mentionne encore une fois que je n'ai pas ces renseignements sous les yeux — consomment plus de boissons sucrées que les adultes? Une augmentation existe, mais les adolescents consomment également plus de tablettes de chocolat, de croustilles, et d'autres produits.

Je le répète, lorsqu'il est question des enfants, ce sont les adultes qui prennent ces décisions à leur place. La raison pour laquelle nous sommes préoccupés par la hausse de l'âge limite qui passerait à 17 ans, c'est le fait qu'une personne de cet âge peut s'enrôler dans les forces armées, mais ne peut pas choisir la boisson qu'elle boira?

Le sénateur Dean : Comme question complémentaire, j'aimerais savoir si vous contesteriez les données du Dr Warshawski qui laissent entendre que les adolescents canadiens moyens consomment 500 millilitres de boissons sucrées, soit le double de la quantité consommée par les adultes. Cela vous semble-t-il à peu près exact?

M. Goetz : Malheureusement, je n'ai pas étudié son travail dans ce domaine. Je ne sais pas quelle source il cite. Après la séance, je peux faire un suivi à cet égard, sénateur, car j'ignore la source qu'il cite.

[Français]

Le sénateur Cormier : Ma question s'adresse principalement à Restaurants Canada. Merci beaucoup de vos présentations et de nous avoir présenté avec beaucoup d'éloquence ce que vous faites pour soutenir le développement des communautés. Je suis principalement préoccupé par l'impact de cette loi sur les petites entreprises dans les régions du pays.

Madame Reynolds, vous avez parlé, dans votre allocution, des stratégies de communication et des enjeux qui seraient liés à cet aspect et auxquels font face les restaurateurs. J'aimerais vous entendre davantage là ce sujet pour comprendre vraiment quel est l'impact. Si je pense à ma propre région, par exemple, il y a des restaurateurs qui ne font pas la publicité d'un produit spécifique, mais qui font, dans le cadre d'une implication communautaire, la promotion de leur entreprise, de façon générale, et ils le font de façon créative. J'aimerais vous entendre davantage à ce sujet, pour savoir quels sont vraiment les enjeux sur le plan des communications pour les entreprises.

Le deuxième aspect concerne M. Lefebvre, et c'est au sujet de l'analyse économique que vous avez mentionné qui devrait être faite. Il me semble que c'est un projet qui serait ambitieux pour le gouvernement. Que comporterait pour vous cette analyse économique?

[Traduction]

Mme Reynolds : Je vous remercie, sénateur, de votre question.

Je pense que les gens pensent à quelques entreprises dont ils connaissent bien le rôle en matière de soutien des œuvres de bienfaisance ou des activités sportives. Toutefois, les gens ne se rendent pas compte que tous les restaurants, qu'ils soient petits ou grands, partagent ces activités. Ils ont tendance à axer fortement leurs activités sur leur collectivité. La restauration est un secteur d'activité difficile. Les restaurants sont ouverts 16 heures par jour et sept jours par semaine. Leur gagne-pain, c'est leur marché local. Ils doivent participer activement à leur collectivité, et ils doivent faire la promotion de leurs services pour tenter de se différencier de tous les autres restaurants de leur collectivité.

Ce qui nous inquiète, c'est la réaction négative que les parents et les membres de la collectivité auraient si les restaurants n'étaient plus en mesure de participer aux événements communautaires et s'ils ne pouvaient plus communiquer aux clients ce qu'ils ont à offrir.

Lorsqu'on songe à un restaurant, ce n'est pas comme si des touristes étaient en ville et qu'ils se rendaient à un restaurant. Qu'est-ce que j'ai envie de manger ce soir? Lorsqu'ils empruntent une rue pour atteindre un restaurant, la première chose que les gens veulent faire, c'est examiner le menu et les plats offerts. L'exploitant du restaurant désire attirer des clients. Ce qui est inquiétant, c'est la portée de l'interdiction de commercialiser ses produits et d'en faire la publicité, ainsi que la question de savoir ce que les restaurants pourront faire pour indiquer aux clients ce qu'ils offrent. C'est ce qui nous préoccupe.

[Français]

M. Lefebvre : Quand je mentionnais tout à l'heure la question d'une analyse d'impact économique, évidemment, il ne s'agirait pas d'une analyse d'impact économique sur l'ensemble de l'industrie. Je parlais davantage des émissions de télévision, des réseaux de télévision et des publications canadiennes.

On entend souvent parler d'une crise dans les médias quant aux revenus publicitaires ou en général. Dans certains secteurs, les revenus issus de l'alimentation en général sont importants, qu'il s'agisse des chaînes, des restaurants, des distributeurs ou des supermarchés, y compris dans les hebdomadaires et les publications locales. On parle souvent aussi, au sein du gouvernement fédéral, et avec raison, de protéger et de défendre le contenu canadien. Il faudrait simplement reconnaître que l'industrie de l'alimentation en général joue un rôle quant à ces dépenses publicitaires. Malheureusement, on ne retrouve pas, dans le projet de loi, la question d'une analyse économique de cette perte de revenus pour les médias, qu'il s'agisse de grands médias, mais aussi d'hebdomadaires locaux ou de chaînes de télévision locales. On aimerait que cette réflexion se fasse dans le cadre de ce projet de loi, de manière à faire ressortir l'impact réel sur les dépenses publicitaires.

Je peux simplement vous donner un exemple. Pour ma part, je suis un consommateur d'émissions sportives : le soccer de l'Impact, le hockey du Canadien, ou autres. Il y a évidemment un nombre important de publicités du secteur de l'alimentation, pas seulement des restaurants, mais de l'ensemble du secteur. Or, le projet de loi va un peu loin à cet égard, car de tels émissions ou événements ne pourraient plus diffuser de publicité relative au domaine de l'alimentation. C'est l'un des exemples pour lesquels nous trouvons que la distinction concernant les jeunes n'est pas assez précise, alors que cela va toucher essentiellement un contenu qui est d'abord et avant tout destiné aux adultes. C'est davantage dans cet esprit que se situait mon intervention à ce sujet.

Le sénateur Cormier : D'accord, merci.

[Traduction]

M. Goetz : Je vous remercie d'avoir posé cette question, en particulier à propos des petits exploitants. Certaines des observations formulées plus tôt cette semaine semblent être axées sur le fait que ces mesures visent simplement les vilaines multinationales.

Par exemple, une partie du projet de loi concerne la commandite. L'un de nos membres est Cape Breton Beverages en Nouvelle-Écosse. Parmi nos autres membres, on retrouve Browning Harvey à Terre-Neuve et Arctic Beverages à Winnipeg. Ces embouteilleurs et distributeurs sont établis tous les trois dans des régions du Canada qui ont connu des périodes économiques difficiles, et tous trois participent activement à leur collectivité en commanditant des équipes sportives et en faisant don de leurs produits dans le cadre d'événements ou de pique-niques, des produits qui vont de l'eau embouteillée aux produits riches en calories, en passant par les jus. Le projet de loi mettrait fin à ces activités. Et dans quel but?

[Français]

La sénatrice Mégie : Ma question s'adresse à M. Goetz. Ce matin, j'ai entendu parler des boissons sucrées et caloriques et de l'obésité. Tout le monde affirme que l'obésité, c'est grave, mais je pense à long terme. Je n'ai pas entendu parler, peut-être que cela m'a échappé, de l'élément le plus grave qui est, dans l'immédiat, les boissons énergisantes, qui contiennent un taux de caféine élevé, ce qui entraîne un nombre important de cas d'arythmie et d'enfants qui doivent être hospitalisés. Après l'âge de 18 ans, on doit au moins faire un choix éclairé. Le projet de loi propose une hausse de l'âge de 13 à 16 ans, et c'est la tranche d'âge dans laquelle ce danger est prévalent. En effet, la publicité de ces boissons fait croire aux jeunes qu'elles peuvent améliorer leur performance aux examens. Donc, ils en achètent tous pour augmenter leur performance aux examens; le problème, c'est qu'ils ne savent pas où s'arrêter.

Si je fais le lien avec la question du sénateur Cormier sur la publicité, ces marques de boisson sont des sources importantes de fonds publicitaires. Prenez, par exemple, le grand événement Red Bull Crashed Ice au Québec, qui est le fournisseur de commandite. Que pensez-vous de cet aspect et comment le positionnez-vous par rapport à la loi? Jusqu'ici, ce matin, je n'ai pas entendu parler de cet aspect.

[Traduction]

M. Goetz : Je vous remercie de votre question. Je vais aborder quelques points et, si cela ne répond pas à votre question, vous pourrez réorienter votre question.

Premièrement, il y a beaucoup de mythes à propos des boissons énergisantes. Au Canada, les boissons énergisantes sont encadrées par un régime de réglementation solide qui diffère de celui des États-Unis. Par exemple, les niveaux de caféine sont plafonnés au Canada. Une canette normale de boisson énergisante, c'est-à-dire la canette plus petite de taille standard — il y a des cannettes plus grandes, mais leurs teneurs en caféine sont également plafonnées —, contient la moitié de la caféine qu'on retrouve dans une tasse de café.

Je pense que nous devons faire attention lorsque nous lançons des paroles comme « forte teneur en caféine », parce que tels sont les faits. Même dans les plus grandes cannettes, la teneur en caféine est limitée. Je pense qu'au Canada, la quantité la plus importante de caféine que vous êtes autorisé à ajouter s'élève à 179 milligrammes.

Santé Canada juge sécuritaire une dose d'environ 400 milligrammes de caféine par jour, et un grand café dans un café- restaurant bien connu peut vous fournir une dose d'environ 390 milligrammes de caféine. Il est bien connu que 92 p. 100 de la caféine que les Canadiens consomment proviennent du café, et non des boissons énergisantes.

En ce qui concerne votre observation à propos des jeunes âgés de 13 à 17 ans, il y a quelques années, Santé Canada a procédé à une évaluation rigoureuse des risques que présentent les boissons énergisantes — et je serais heureux de vous en fournir une copie — à l'époque où son personnel s'employait à faire passer ces boissons de la catégorie des produits de santé naturels à la catégorie des produits alimentaires. Les boissons énergisantes sont maintenant réglementées comme des aliments, comme n'importe quel autre produit offert sur le marché, et leur consommation a été jugée sécuritaire. Pour les enfants de cet âge, Santé Canada évalue la quantité de caféine selon le poids, à savoir quel poids et quelle quantité de caféine vous devriez consommer quotidiennement.

Nous devons examiner ce que les organismes de réglementation ont déclaré à propos des boissons énergisantes. L'Autorité européenne de sécurité des aliments a mené l'étude sur les boissons énergisantes la plus récente et la plus vaste du monde — et je peux vous remettre également cette étude. Elle a été effectuée il y a environ une année et demie. Ils ont découvert que les enfants ne devraient pas boire de caféine, un point c'est tout, mais que, dans ces groupes d'âge, les boissons énergisantes consommées avec modération ne constituent pas un risque pour la santé, même si, tout comme le café, elles ne devraient pas être consommées de façon excessive.

Je ne peux pas parler de cas particuliers ou d'insinuations. Tout ce que je peux pointer du doigt, c'est ce qu'ont déclaré très récemment les plus importants organismes de réglementation, dont Santé Canada et l'Autorité européenne de sécurité des aliments, à propos de la catégorie.

[Français]

La sénatrice Mégie : Je ne veux pas alimenter le débat. J'aimerais simplement ajouter un commentaire pour le bien de l'étude. Certes, une grande tasse de café Starbucks de 300 ml contient beaucoup de caféine. Cependant, une personne qui consomme une canette de Red Bull en prendra deux, trois ou quatre, même si la quantité de caféine semble moins élevée. Selon une publicité de Red Bull, cette boisson donne des ailes. Il y a un plus grand risque d'en consommer trois ou quatre. Je ne sais pas si les études donnent un profil de la consommation, parce qu'on ne vérifie pas auprès des gens pour savoir la quantité de boisson énergisante qu'ils consomment. C'est la différence entre une grande tasse de café et une canette de boisson énergisante. Les gens en boivent plus, parce qu'ils se sentent plus autorisés à le faire que d'aller acheter quatre cafés d'un coup chez Starbucks, par exemple. C'est la nuance.

[Traduction]

M. Goetz : Je ne sais pas si les choses ont changé depuis que j'ai quitté l'université, mais je sais que la consommation de trois ou quatre tasses de café par jour était fréquente.

Je ne peux pas parler de ce qu'une personne ressent après avoir bu une certaine boisson, mais, il y a probablement cinq ans, l'Association canadienne des boissons a travaillé directement avec Santé Canada et recueilli des données sur la consommation que Santé Canada a approuvées. Les données montrent clairement que les gens ne boivent pas quatre ou cinq boissons par jour. Je serais ravi de vous fournir ces données sur la consommation que nous avons recueillies en collaboration avec Santé Canada.

Il y a deux semaines, Santé Canada a publié un communiqué de presse à propos de la consommation globale de caféine, et le ministère a recommandé que nous surveillions notre consommation de caféine de toutes provenances. Autrement dit, il n'y a pas qu'une source de caféine.

[Français]

La sénatrice Mégie : Il serait utile qu'on nous fournisse ces données-là. Merci.

[Traduction]

Le sénateur Eggleton : L'association de restaurants a mentionné qu'elle était préoccupée à propos du sort d'un grand nombre de petites entreprises. Vous avez clarifié cette question, mais parlez-vous de petits restaurants locaux établis à l'autre bout de la rue ou au prochain tournant, de restaurants de quartier ou même de restaurants plus grands à service complet? Je crois que nos inquiétudes sont axées sur la publicité achetée par les grandes chaînes de restauration rapide. Je ne suis pas sûr, mais je ne connais aucun petit restaurant dont la publicité vise les enfants.

En fait, il se peut qu'ils ne fassent pas beaucoup de publicité, du moins dans les médias, mais, dans la plupart des cas, je ne crois pas qu'ils cibleraient les enfants, à moins qu'ils possèdent un restaurant pour enfants. Pourriez-vous établir cette distinction à propos de la façon dont la loi pourrait avoir une incidence sur le propriétaire d'un petit restaurant?

Mme Reynolds : Cela a trait à notre inquiétude relative à la formulation du projet de loi et au passage aux moins de 17 ans qui a pour effet d'englober tous les genres d'activités de promotion qu'ils entreprennent.

C'est ainsi que les propriétaires se manifestent et font la promotion de leurs produits. Ils s'investissent dans leur collectivité. Ils commanditent des courses amicales ainsi que des équipes locales de baseball et de hockey. Il n'y a pas que les restaurants à services rapides qui font cela. Les restaurants de quartier de tout le Canada participent activement à ce genre d'activités. C'est ce à quoi je tentais de faire allusion.

De plus, ils utilisent les journaux locaux pour promouvoir leurs services. En ce moment, nous faisons face à un projet de loi dont le libellé pourrait indiquer que toutes ces activités sont interdites. C'est la raison pour laquelle nous tenons vraiment à nous assurer que vous comprenez l'incidence que le projet de loi pourrait avoir sur un grand nombre d'entreprises que vous ne pensiez peut-être pas voir perturber.

Le sénateur Eggleton : Monsieur Goetz, vous avez mentionné trois entreprises sur lesquelles le projet de loi aurait une incidence. Toutefois, si le projet de loi est modifié de manière à viser les boissons et les aliments malsains en fonction de leur profil nutritionnel, comme le font un certain nombre de pays d'Amérique latine, je crois, mais aussi d'Europe, ces trois entreprises ne seront-elles pas épargnées? Elles commercialisent sûrement des aliments sains ou des boissons saines, n'est-ce pas?

M. Goetz : Pourriez-vous reformuler un peu cette question?

Le sénateur Eggleton : L'une des propositions présentées par la sénatrice Raine consisterait à modifier le projet de loi pour qu'il s'attaque aux aliments malsains en appliquant des lignes directrices fondées sur un profil nutritionnel. Santé Canada suivrait ces lignes directrices pour déterminer ce qui est sain ou non. Vous avez mentionné trois entreprises qui, selon vous, seraient touchées par le projet de loi, mais je présume que, si nous le modifiions pour nous attaquer aux boissons et aux aliments malsains, le projet de loi n'aurait plus aucune répercussion sur elles, parce qu'elles vendent des produits sains.

M. Goetz : Cet enjeu a deux facettes. Il y a les dons de produits. Si l'on passe des aliments sains aux aliments malsains, les entreprises pourraient, selon l'endroit où la ligne de démarcation est tracée, continuer de donner de l'eau. Il est probable qu'aux termes de cette définition, elles seraient toujours en mesure de le faire, mais je parle aussi de leurs activités de commandite.

Cape Breton Beverages commandite plusieurs équipes de hockey du Cap-Breton.

Le sénateur Eggleton : Est-ce qu'ils vendent des produits sains ou malsains?

M. Goetz : Ils vendent une grande gamme de produits. Par conséquent, je crois comprendre que leurs activités de commandite seraient visées en vertu des dispositions relatives à la commandite.

Le sénateur Eggleton : Leurs produits malsains le seraient assurément.

M. Goetz : Non, l'entreprise ne pourrait plus, par exemple, acheter des maillots pour une équipe.

Le président : Vous nous avez donné un assez bon aperçu des questions en jeu. L'une des choses que M. Goetz a mentionnées et sur laquelle nous devrions vraiment mettre l'accent dans l'ensemble, c'est la question d'équilibre. La vie est vraiment une question d'équilibre dans tous les domaines, et c'est ce qui sous-tend bon nombre d'éléments. Le déséquilibre nous a conduits à la crise de l'obésité que nous observons au Canada, et nous savons que c'est un genre de problème cumulatif. Lorsque la masse corporelle dépasse les niveaux habituels, des mécanismes biologiques s'enclenchent, et le corps résiste grandement à toute tentative d'abaissement de son poids.

De plus, il y a l'effet psychologique que nous connaissons, selon lequel, une fois qu'une personne a atteint un état de surpoids ou d'obésité, cette tendance se poursuit tout au long de sa vie.

Pour en revenir à la question d'équilibre — et je n'ai pas l'intention de débattre cette cause en ce moment, mais je tiens à souligner l'observation —, lorsque nous examinons un seul ingrédient d'une boisson, comme vous l'avez fait au cours de la discussion que vous venez d'avoir à propos de la caféine, nous constatons que le problème ne se limite pas au fait qu'un enfant de quatre à huit ans boit une boisson qui contient de la caféine, mais plutôt au fait que cette boisson contient au moins une quantité égale de sucre en milligrammes, et que le sucre et la caféine ont un effet synergétique sur les personnes.

En ce qui concerne l'enjeu général à long terme, je souligne, madame Reynolds, qu'au cours de vos observations, vous avez parlé, par exemple, du fromage d'une façon péjorative, en évoquant sa consommation excessive ou quelque chose de ce genre. En fait, le fromage est un élément très sain; il faut simplement que nous le consommions d'une façon équilibrée et que notre diète soit équilibrée dans l'ensemble.

En fin de compte, notre comité doit examiner cette mesure législative, après avoir entendu tous les commentaires de nos témoins, et déterminer comment nous nous sentons par rapport à cette tentative de nous assurer que nos jeunes, au moins, bénéficient d'une approche relativement raisonnable en ce qui concerne ce qu'ils devraient consommer dans leur diète.

Personnellement, je pense que vous avez représenté vos secteurs respectifs avec beaucoup d'efficacité et d'éloquence, compte tenu des arguments que vous avez fait valoir. Je tiens à vous remercier infiniment d'avoir comparu devant nous, et je vous assure que nous avons écouté attentivement vos témoignages. Nous espérons nous occuper de cette question dans un avenir rapproché.

(La séance est levée.)

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