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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 39 - Témoignages du 28 mars 2018


OTTAWA, le mercredi 28 mars 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, se réunit aujourd’hui, à 16 h 13, afin d’en étudier la teneur.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m’appelle Art Eggleton, sénateur de Toronto et président du comité. Je vais demander aux sénateurs de se présenter.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec, et je suis vice-présidente du comité.

[Français]

La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick. Bienvenue, madame la ministre.

[Traduction]

Le sénateur Manning : Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, de Montréal, au Québec.

[Traduction]

Le sénateur White : Vernon White, d’Ottawa, en Ontario. Je siège en remplacement du sénateur Doyle.

Le sénateur Dean : Tony Dean, Ontario.

Le sénateur Munson : Jim Munson, Ontario.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

Le président : Aujourd’hui, nous commençons notre examen du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois.

Je devrais préciser que, même si notre comité est le principal à s’occuper de cette question, quatre autres comités se penchent actuellement sur divers aspects du projet de loi, comme vous le savez. Ces comités devront présenter un rapport d’ici le 1er mai, et ces rapports seront envoyés ici en même temps.

Pour l’instant, nous avons décidé, par l’intermédiaire du comité directeur, de nous concentrer sur les questions touchant la santé, puisque la santé compte parmi nos domaines de compétence, ainsi que sur les questions touchant les jeunes. Tout est interrelié dans le projet de loi C-45; néanmoins, nous allons tenter de laisser de côté les aspects dont les autres comités s’occupent jusqu’à ce que nous obtenions leurs rapports, puis nous nous y attarderons davantage, et nous voudrons probablement rappeler d’autres ministres à comparaître à ce moment-là.

Ces rapports doivent nous être envoyés d’ici le 1er mai. Nous devrons avoir terminé notre travail avant la fin du mois de mai et être prêts pour la troisième lecture au Sénat. Toutes les parties concernées ont accepté que le vote de troisième lecture se tienne le 7 juin.

Je dois signaler que, comme la plupart d’entre nous le savent, notre ordre du jour est problématique en raison de la tenue d’un vote au Sénat. Il s’avère qu’on tient également un vote à la Chambre en même temps. La sonnerie va retentir à 17 h 15 dans les deux Chambres, et nous devrons quitter la salle à ce moment-là. Voilà pour la première séance avec la ministre, qui se déroulera dès maintenant jusqu’à 17 h 15.

Dans le cadre de la séance suivante, nous accueillerons divers représentants afin de leur poser les questions supplémentaires que nous pourrions avoir.

Nous pourrons revenir après le vote et reprendre la séance; du moins, nous aurons jusqu’à 18 h 15. Nous pourrions probablement nous rendre à 18 h 30, un peu plus tard que l’heure habituelle, afin de compenser le temps perdu. Y a-t-il qui que ce soit qui ne pourra pas revenir après le vote ou qui pense que nous devrions ajourner la séance au moment d’aller voter et ne pas revenir? Non? Ainsi, nous reviendrons, et les représentants pourront patienter pendant une demi-heure pendant que nous allons de l’autre côté de la rue.

Le sénateur Munson : Est-il possible que d’autres votes soient tenus?

Le président : Je ne pense pas; je vais vérifier. Nous y reviendrons.

Je veux souhaiter la bienvenue à l’honorable Ginette Petitpas Taylor, C.P., ministre de la Santé, soit la principale personne responsable au sein du Cabinet du projet de loi C-45, qui est accompagnée de Bill Blair, député, secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice et procureure générale du Canada et de la ministre de la Santé.

Sur ce, madame la ministre, la parole est à vous.

Ginette Petitpas Taylor, C.P., députée, ministre de la Santé : Merci beaucoup, mesdames et messieurs les sénateurs. Je suis ravie de comparaître devant vous aujourd’hui. Eric Costen, directeur général, Secrétariat de la légalisation et de la réglementation du Cannabis, m’accompagne également. Il sera présent pendant l’heure qui suivra notre comparution.

Monsieur le président, je voudrais remercier les honorables sénateurs de m’avoir invitée à parler du projet de loi C-45, Loi sur le cannabis.

Laissez-moi tout d’abord souligner le travail impressionnant que vous tous au sein du comité avez fait pour ce qui est d’aborder les nombreux enjeux en matière de santé qui touchent les Canadiens, dont certains m’intéressent considérablement, notamment les soins palliatifs, l’obésité et la démence. Vos recommandations contribuent à orienter notre pays vers un avenir plus sain. Je crois que l’approche axée sur la santé publique que nous adoptons à l’égard du projet de loi C-45 fait partie de cet avenir plus sain.

L’approche actuelle à l’égard du cannabis ne fonctionne pas. Elle ne réussit pas à tenir le cannabis hors de la portée des jeunes Canadiens et permet au crime organisé de s’enrichir. Selon les dernières statistiques tirées de l’Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues, 21 p. 100 des jeunes âgés de 15 à 19 ans et 30 p. 100 des jeunes adultes âgés de 20 à 24 ans ont consommé du cannabis au moins une fois dans l’année précédente, malgré le fait que le cannabis est illégal. En outre, Statistique Canada estime que les Canadiens ont dépensé en 2017 plus de 5,7 milliards de dollars en cannabis; ils s’en sont procuré la majeure partie auprès de sources illégales.

[Français]

Je suis fière de vous dire que notre gouvernement prend des mesures pour aborder cette question.

Le projet de loi C-45 a été défini au moyen de vastes consultations auprès des provinces et des territoires, des organismes d’application de la loi, des experts en santé et sécurité du travail et du Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis.

Il repose également sur les leçons retenues des autres administrations aux États-Unis et ailleurs où le cannabis a été légalisé et réglementé. Nous avons intégré des pratiques éprouvées par d’autres régimes de réglementation, comme le tabac, afin d’orienter et d’éclairer notre approche en santé publique relative au cannabis.

Notre approche en matière de légalisation et de réglementation du cannabis est fondée sur des éléments probants. Elle cherche à réduire au minimum les méfaits et la probabilité d’une consommation problématique. Elle comprend de solides mesures législatives et réglementaires pour protéger nos jeunes. Notre approche comprend également l’éducation, la sensibilisation et la surveillance afin de fournir aux Canadiens et aux Canadiennes des données factuelles sur le cannabis qui leur permettront de comprendre les effets que notre approche aura sur la société.

[Traduction]

Des lois et des règlements rigoureux permettant de contrôler strictement le cannabis sont essentiels à la protection de la santé et de la sécurité du public. Au moment où nous procéderons à la légalisation et à la réglementation du cannabis, notre principale priorité sera de le tenir hors de la portée de nos jeunes. Nous savons que l’emballage peut être un puissant outil de marketing. Des études ont montré que les jeunes sont particulièrement sensibles aux emballages attrayants.

Voilà pourquoi le projet de loi C-45 comprend des restrictions relatives à l’emballage et à l’étiquetage du cannabis, y compris des dispositions selon lesquelles ils ne doivent pas être attrayants pour les jeunes ni contenir d’éléments ou de témoignages associés à un style de vie ou toute autre forme d’approbation. La semaine dernière, nous avons annoncé que nous allions exiger un emballage neutre pour tous les produits du cannabis. Toutefois, l’approche sera légèrement différente de celle qui avait été adoptée dans le cas du tabac. Ces exigences limiteront strictement l’image de marque et les logos, de même que l’utilisation de certaines couleurs et d’autres caractéristiques sur l’emballage du cannabis. Cette approche a été recommandée par le Groupe de travail fédéral sur la légalisation et la réglementation du cannabis et a été appuyée par la majorité des Canadiens dans le cadre de nos récentes consultations réglementaires.

En plus de l’emballage neutre, nous avons annoncé plusieurs autres exigences qui contribueront à réduire au minimum l’attrait du produit pour les jeunes et à les protéger contre une consommation accidentelle.

L’emballage des produits du cannabis devra être inviolable et à l’épreuve des enfants, afficher des avertissements obligatoires relatifs à la santé clairement imprimés et comprendre un symbole obligatoire de cannabis, soit un panneau d’arrêt rouge sur lequel figureront une feuille de cannabis et les lettres THC, en bas. Quand nous avons soumis le symbole du cannabis à des essais auprès d’enfants et de jeunes, ils ont clairement compris que ce symbole signifiait « arrêt ».

Examinons maintenant la sensibilisation du public.

[Français]

Nos efforts continus en matière d’éducation du public complètent les mesures législatives et réglementaires visant à protéger les jeunes. Nous sommes tous d’accord pour dire que l’éducation du public sur le cannabis est essentielle pour protéger la santé et la sécurité, et cette sensibilisation sera tout aussi pertinente dans le cadre du projet de loi sur le cannabis. Les Canadiens doivent obtenir les faits afin que le projet de loi C-45 puisse atteindre l’objectif de protéger la santé publique. Nous souhaitons que les Canadiens fassent des choix éclairés et responsables et nous voulons donner des outils aux parents et les encourager à parler à leurs enfants à propos des risques sur la santé et la sécurité liés à la consommation du cannabis.

Vous avez été nombreux à nous demander comment ce gouvernement prépare le pays à la légalisation et à la réglementation du cannabis. Je voudrais vous rassurer en vous disant que l’éducation du public sur le cannabis est sur la bonne voie et qu’elle se poursuivra après l’entrée en vigueur du projet de loi sur le cannabis.

Depuis le printemps dernier, Santé Canada a mené une campagne numérique en continu qui cible les parents et prévoit des publicités, des médias sociaux, des contenus web et des articles et des reportages radiophoniques dans les médias locaux. De plus, dans le but d’encourager les parents à s’informer sur le cannabis et à discuter avec leurs adolescents de la consommation du cannabis, Santé Canada a établi un partenariat avec Jeunesse sans drogue dans la brochure intitulée Parler cannabis. Plus de 180 000 copies de la brochure ont été distribuées, téléchargées et demandées par les Canadiens. Cette initiative a été renforcée par une campagne publicitaire de plusieurs millions de dollars de trois mois à la télévision, à la radio et sur Internet au cours de l’été 2017, et Jeunesse sans drogue Canada lancera une deuxième campagne publicitaire en septembre 2018.

Santé Canada a lancé récemment une campagne publicitaire à l’échelle nationale sur les effets de la consommation du cannabis sur la santé en ciblant les jeunes et les jeunes adultes. Les publicités apparaissent déjà sur les plateformes des médias sociaux et sur les écrans numériques des collèges de tout le pays. De plus, les provinces et les territoires ont exprimé le souhait de diffuser davantage nos messages nationaux dans leurs administrations. Cette campagne se prolongera après la sanction royale afin d’aider les Canadiens à comprendre le nouveau cadre juridique lié au cannabis.

Dans le but d’accroître la portée des activités du gouvernement du Canada en matière d’éducation du public, nous collaborons avec un ensemble d’organisations et finançons ces organisations en vue de promouvoir les conversations sur la consommation du cannabis.

[Traduction]

Je voudrais maintenant souligner quelques-uns de ces partenariats. Santé Canada financera plusieurs organisations par l’intermédiaire de son Programme sur l’usage et les dépendances aux substances, y compris la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, l’Association des infirmières et infirmiers du Canada et la Société canadienne de schizophrénie.

Dans le cadre de ces accords de financement, nous permettrons aux organisations d’élaborer des outils et des ressources de sensibilisation du public qui leur permettront de joindre leur population cible, y compris les femmes enceintes et qui allaitent et les personnes ayant des antécédents de maladie mentale.

L’Agence de la santé publique du Canada travaille avec ses partenaires afin d’appuyer les professionnels de la santé et des services sociaux et les fournisseurs de services communautaires afin qu’ils comprennent mieux le risque lié à la consommation de cannabis et qu’ils mettent en œuvre des approches fondées sur des données probantes qui pourront prévenir une consommation problématique de cannabis.

Notre gouvernement travaille également en étroite collaboration avec des organisations autochtones afin de répondre aux besoins particuliers des collectivités autochtones. Nous avons l’intention de les appuyer en dirigeant la préparation et le déploiement d’efforts de mobilisation et de sensibilisation du public qui sont efficaces et adaptés à la culture.

Par exemple, notre gouvernement verse des fonds à la Thunderbird Partnership Foundation, une organisation d’experts travaillant à l’amélioration des résultats en santé et à la réduction des problèmes liés à la toxicomanie au sein des Premières Nations, afin de diriger des séances de dialogue structuré dans l’ensemble du pays.

Ce n’est qu’un aperçu de ce que fait le gouvernement afin de sensibiliser les gens au sujet des faits concernant la santé et la sécurité associés au cannabis. Nous nous attendons à ce que davantage d’accords de partenariat et de financement soient parachevés au cours de semaines et des mois à venir.

Nous effectuons des investissements importants dans l’information, la sensibilisation et la surveillance du public en ce qui a trait au cannabis. En plus des 46 millions de dollars annoncés en octobre 2017, dans le budget de 2018, nous avons proposé un autre investissement de 62,5 millions de dollars destinés aux initiatives d’information du public. Ce nouveau financement appuiera le travail des organisations et des administrations communautaires et autochtones afin qu’elles puissent informer leurs collectivités des risques associés à la consommation de cannabis.

Au-delà de ces initiatives, on a annoncé dans le cadre du budget de 2018 une somme de 10 millions de dollars affectée à la Commission de la santé mentale du Canada afin de contribuer à l’évaluation des conséquences de la consommation de cannabis sur la santé mentale des Canadiens.

On propose également dans le budget une autre somme de 10 millions de dollars de financement destinée au Centre canadien de lutte contre les toxicomanies afin d’appuyer la recherche sur la consommation de cannabis. Je suis convaincue que notre campagne de sensibilisation du public complète permettra aux Canadiens de mieux comprendre les faits relatifs au cannabis et qu’au bout du compte, elle protégera leur santé et leur sécurité.

[Français]

En conclusion, honorables sénateurs, le gouvernement a présenté le projet de loi C-45 le printemps dernier afin d’aborder un problème existant : le taux élevé de consommation du cannabis chez les jeunes et les profits élevés réalisés par le crime organisé. Nous devons changer les choses. Le projet de loi C-45 nous mène dans la bonne direction. Nous ne partons pas de zéro, et on doit le reconnaître. Le Canada possède déjà un système de calibre mondial pour la production et la réglementation du cannabis à des fins médicales. Avec ce projet de loi, nous proposons de miser sur un régime réglementaire solide.

J’ai parlé de la façon dont notre approche réglementaire proposée améliorera la santé et la sécurité du public en mettant l’accent sur la protection des jeunes. J’ai souligné également certains de nos efforts et partenariats en matière d’éducation et de sensibilisation du public. Nous adoptons une approche dans l’ensemble du gouvernement — en fait, dans l’ensemble du Canada — afin d’approfondir le dialogue sur le cannabis qui est au cœur de la santé et de la sécurité du public canadien.

Je sais que les responsables des provinces et des territoires ont travaillé avec ardeur afin de préparer la mise en œuvre de l’initiative une fois que le projet de loi C-45 recevra la sanction royale. Nous continuons de collaborer étroitement avec eux et avec d’autres partenaires afin d’appuyer une transition ordonnée vers la légalisation.

Je vous remercie encore une fois de m’avoir donné l’occasion de comparaître devant vous. Nous serons très heureux de répondre maintenant à vos questions.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup. Il y a beaucoup de questions à poser, au point que nous allons devoir nous limiter à une question par personne. Si nous pouvons nous rendre à la fin de la liste en temps voulu, nous passerons à une deuxième série de questions. Alors, vous pourrez indiquer que vous voulez intervenir durant le deuxième tour de table, si vous avez une autre question à poser. Sur ce, je commencerai la période de questions en cédant la parole au parrain du projet de loi, le sénateur Dean.

Le sénateur Dean : Madame la ministre, je vous remercie de l’exposé et vous souhaite la bienvenue.

Tout d’abord, je vous félicite pour le projet de loi. Je vais vous poser une question au sujet de l’âge minimal d’accès au cannabis légal. Le projet de loi contient une disposition prévoyant un âge minimal de 18 ou de 19 ans — je pense que l’on présume qu’il sera harmonisé avec les lois provinciales régissant l’alcool — pour l’accès au cannabis légal. À ce que je crois savoir, à peu près toutes les provinces et tous les territoires ont tranché pour l’âge de 18 ou de 19 ans, la plupart pour 19 ans. Je vous inviterais à nous faire part de vos observations à ce sujet et de certaines des réflexions qui ont contribué à la proposition initiale, qui semble avoir été bien reçue par les collègues de partout au pays.

Mme Petitpas Taylor : Merci de votre question, monsieur le sénateur. Aucune décision en ce qui a trait à la légalisation du cannabis au moyen du projet de loi C-45 n’a été prise à la légère.

Nous nous sommes réjouis des recommandations formulées par le groupe de travail et de l’excellent travail effectué par ses membres. Le groupe de travail a précisé très clairement l’âge minimal qu’il recommandait, soit 18 ans. À partir de là, nous avons laissé les provinces et les territoires décider; s’ils ont choisi d’augmenter l’âge, ils en avaient le droit.

Nous observons maintenant que la plupart des provinces et des territoires suivent l’âge légal pour l’alcool; quel que soit l’âge auquel l’alcool est permis dans la province, on opte pour le même âge. Par exemple, au Nouveau-Brunswick, c’est 19 ans, et il s’agit de l’âge en vigueur. Nous observons ce phénomène.

Les raisons pour lesquelles nous avons fixé l’âge minimal à 18 ans sont que nous reconnaissons le fait que les jeunes Canadiens âgés de 15 à 24 ans comptent parmi les plus grands consommateurs de cannabis dans tous les pays développés. Ainsi, nous reconnaissons que, si nous avions fixé l’âge minimal à un âge plus avancé, nous ne détournerions pas ces jeunes du marché noir. Nous voulions nous assurer de faire tout notre possible pour empêcher cela de se produire.

Nous voulons également reconnaître le fait que nous pouvons restreindre l’accès au cannabis dès maintenant. Comme nous sommes nombreux à l’avoir entendu dire dans le cadre des témoignages, et comme de nombreuses personnes nous l’ont dit, il est plus facile pour les jeunes d’acheter du cannabis que d’acheter du tabac. Par conséquent, nous voulons fixer un âge minimum permettant de nous assurer que nous pouvons limiter l’accès aux jeunes, mais nous voulons aussi veiller à ce qu’il s’agisse d’un âge où nous allons faire en sorte que la population plus âgée ne s’approvisionne pas en produits non réglementés auprès du marché illégal.

Voilà la réflexion qui a sous-tendu l’établissement de l’âge minimal. En outre, compte tenu de la mine d’information fournie par le groupe de travail, nous étions très à l’aise avec cette décision.

La sénatrice Seidman : Madame la ministre, notre étude du projet de loi a donné lieu à de nombreuses comparaisons avec les efforts déployés par le gouvernement dans le but d’aider les gens à abandonner le tabagisme. Dans les deux cas, il s’agit d’un produit hautement réglementé dont on connaît les effets néfastes. Dans le cas des cigarettes, les taux de tabagisme ont diminué constamment grâce aux efforts pour la réduction des préjudices. Nous pouvons toujours en faire plus, alors j’ai été très heureuse de constater que le renouvellement de la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme visera à réduire le taux d’usage du tabac afin de l’établir à moins de 5 p. 100 d’ici 2035.

Madame la ministre, vous avez affirmé que la légalisation et la réglementation du cannabis est aussi une question de réduction des préjudices. Pouvez-vous nous dire de quel pourcentage vous cherchez à réduire le taux de consommation de cannabis et quels points de référence et cibles de réduction le Canada a établis dans le but de quantifier le succès ou l’échec de la légalisation?

Mme Petitpas Taylor : Je vous remercie de votre question.

J’ai aussi été heureuse de constater dans le budget de 2018 que d’importants investissements ont été prévus en ce qui a trait à notre stratégie de lutte contre le tabagisme. J’appuie fermement le déploiement de tous les efforts possibles pour réduire le tabagisme au minimum et atteindre les cibles ambitieuses qui s’y rattachent; je suis convaincue que nous pourrons le faire, grâce à des investissements appropriés, dans le cas de l’information et de la sensibilisation du public.

En ce qui concerne la légalisation du cannabis, nous allons de l’avant parce qu’à ce stade nous reconnaissons que notre marché n’est pas réglementé, et nous voulons nous assurer de pouvoir imposer des limites. Nous voulons empêcher les jeunes d’avoir accès au cannabis. En ce qui a trait à la proposition que nous avons faite au moyen du projet de loi, nous considérons que l’établissement d’un âge minimal rendra la tâche plus difficile aux jeunes qui souhaitent accéder au cannabis.

Les limites que nous avons mises en place concernant le marketing et la promotion du produit sont également semblables aux stratégies que nous avions présentées relativement au tabac et aux mesures que nous avions prises; nous prenons des mesures semblables en ce qui concerne le marketing et la promotion des produits du cannabis. Pas plus tard que la semaine dernière, nous avons annoncé toute la réglementation que nous présentons relativement à l’emballage et à l’étiquetage. Encore une fois, nous cherchons à établir une réglementation stricte, car nous voulons nous assurer que ce produit ne sera aucunement attrayant pour les enfants.

Nous souhaitons continuer d’adopter ces types d’approches. Nous adoptons une approche axée sur la santé publique au moment d’établir ces dispositions législatives, car nous voulons réduire au minimum les préjudices et nous assurer que les gens sont au courant des effets néfastes; nous n’affirmons aucunement que la consommation de cannabis n’a pas d’effets sur la santé.

Toutefois, nous voulons faire tout notre possible pour donner la priorité à l’information du public afin de veiller à ce que le produit ne soit pas attrayant pour les enfants, de sorte que nous puissions nous assurer que nous faisons tout notre possible pour empêcher les Canadiens de consommer ce produit et veiller à ce qu’il ne soit pas attrayant pour eux.

La sénatrice Seidman : J’essaie d’obtenir des précisions afin de comprendre la réponse, si je le puis.

Le président : Très rapidement.

La sénatrice Seidman : Il y a une absence de cibles. Soit que vous ne souhaitez pas réduire le nombre de consommateurs, soit que vous croyez que les politiques n’auront pas l’effet voulu. J’essaie de comprendre.

Bill Blair, député, secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice et procureur général du Canada et de la ministre de la Santé : La cible, c’est l’élimination de la consommation de cannabis chez les jeunes. Il y aura une prohibition exécutoire partout au pays, pas au moyen du droit pénal, car nous imposerions un préjudice supplémentaire aux jeunes en recourant au code, mais au moyen d’un règlement provincial qui créera une sanction civile. Il s’agit d’une prohibition exécutoire. Grâce à la réglementation, nous avons l’intention de limiter l’accès qu’ont les jeunes à la drogue et de pouvoir ainsi faire appliquer une prohibition au moyen de sanctions civiles prévues dans le projet de loi. L’autre élément — comme le disait la ministre —, c’est une campagne solide de sensibilisation du public, qui avertira les gens au sujet des risques pour la santé et des risques sociaux liés à la consommation de cannabis.

Nous n’avons aucunement l’intention de promouvoir la consommation de cette drogue; nous voulons plutôt limiter considérablement l’accès des jeunes à cette substance, notamment en leur fournissant de meilleurs renseignements, parce que, honnêtement, le simple fait de dire non n’est pas efficace, comme le prouvent les données. Dans un environnement réglementé, nous croyons que les possibilités qu’auront les enseignants, les professionnels de la santé, les parents et les pairs de communiquer des renseignements factuels au sujet des risques réels liés à la consommation de cannabis; à la fréquence de la consommation et à la puissance élevée des produits auront un effet important pour ce qui est de dissuader les jeunes dès le début de leur consommation de cette substance.

Nos cibles sont d’amener les enfants à abandonner la consommation de cette substance, car elle n’est pas saine pour eux.

Mme Petitpas Taylor : Pour ce qui est de notre investissement dans la recherche, nous voulons pouvoir mesurer cet aspect. Dans le passé, il n’y a pas eu beaucoup de recherche dans ce domaine, alors j’ai été heureuse de constater que le budget de 2018 contient des investissements importants à faire dans ce domaine, car nous voulons mesurer les résultats. Dans l’avenir, nous serons heureux de voir ce travail effectué.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Madame la ministre, merci de comparaître devant le comité aujourd’hui. J’aimerais parler d’un groupe qui m’inquiète quelque peu. Il s’agit des jeunes de moins de 18 ans qui représentent 21 p. 100 de la population, mais mes préoccupations concernent aussi le groupe des 20 à 24 ans.

On sait que la consommation de cannabis sera légale à partir de 18 ans et que plusieurs organismes médicaux sont d’accord avec l’harmonisation de la légalisation avec l’âge légal de consommer de l’alcool. Par contre, il y a un assez large consensus médical quant aux préoccupations liées à la consommation de cannabis jusqu’à l’âge de 25 ans.

J’ai du mal à concevoir comment on pourra cibler ce groupe qui, on le sait, est plus vulnérable que les 25 ans et plus, et qui pourra acheter et consommer légalement du cannabis. Comment va-t-on cibler ce groupe des moins de 25 ans? Lorsqu’on entend les messages de mise en garde, on entend parler des jeunes, des femmes enceintes, des risques pour la santé mentale, mais nulle part on ne dit qu’on va s’assurer de protéger et de bien informer les moins de 25 ans. Quelle est votre réponse précise à ce sujet?

Mme Petitpas Taylor : Encore une fois merci, madame la sénatrice, pour votre question.

Absolument, nous reconnaissons très bien que, lorsqu’on parle des jeunes de 15 à 24 ans, on sait que ceux de 18 à 24 ans auront l’âge d’acheter du cannabis légalement. On reconnaît aussi que cette population-là en achète à l’heure actuelle. Ce n’est pas un enjeu qui est nouveau. Finalement, nous tentons de réglementer un problème existant pour veiller à ce que la consommation soit sécuritaire pour eux.

Pour cibler cette population, il sera important de faire en sorte qu’il y ait des programmes d’éducation qui véhiculeront les messages appropriés. Dernièrement, j’ai entendu plusieurs personnes nous dire qu’elles n’avaient pas encore vu beaucoup de programmes de sensibilisation. Souvent, les gens qui me disent ce commentaire, ce ne sont pas les jeunes qu’on tente de cibler. Ce sont des gens peut-être de mon âge. Je ne suis pas sur les médias sociaux comme eux, mais finalement, avec nos campagnes de sensibilisation, on va chercher les jeunes où ils sont. Souvent, ce n’est pas par la télévision, ce n’est pas par la radio. On a élaboré des outils pour leur transmettre les messages.

Je vais vous donner un aperçu de l’investissement qu’on a fait et du nombre de personnes qu’on a pu atteindre avec ces campagnes de sensibilisation. Premièrement, on a fait une campagne de sensibilisation par l’intermédiaire de Santé Canada, de mars 2017 jusqu’à maintenant. On voulait cibler les jeunes de 13 et 24 ans. Avec cela, nous avons fait des campagnes. Les moyens que nous avons utilisés, ce sont les médias sociaux, comme Facebook et Twitter, et des bannières publicitaires web. C’était vraiment la clientèle cible. Avec ce programme-là, nous avons rejoint 7,9 millions de personnes. Finalement, 47 millions de personnes ont vu les bannières web. On peut quand même voir que ces campagnes de sensibilisation atteignent les jeunes.

Voici une autre campagne de sensibilisation qu’on a mise sur pied. Mon collègue, Ralph Goodale, avait lancé une campagne de sensibilisation intitulée « Ne conduis pas gelé », de novembre 2017 jusqu’en mars 2018. Encore une fois, on a vraiment utilisé les médias sociaux comme Facebook, Instagram, YouTube, Spotify et Facebook Chatbox. De plus, on a affiché des enseignes au cinéma. Encore une fois, nous avons voulu cibler les jeunes où ils sont, peut-être pas des gens de notre âge, mais les jeunes. Regardons le nombre de fois que les jeunes ont vu ces messages : 58 millions de personnes les ont vus sur Facebook et Instagram et 6 millions de personnes les ont vus sur Spotify. De plus, des annonces ont été mises dans 210 cinémas partout au pays.

La troisième campagne que l’on mène maintenant avec Santé Canada a commencé le 13 mars. Nous sommes en train de développer la deuxième phase de cette campagne. Encore une fois, c’est une campagne de sensibilisation pour les jeunes. Elle est très différente, puisqu’on a demandé à des Canadiens et Canadiennes de poser des questions qu’ils poseraient à des professionnels. Ce pourrait être un policier, une infirmière, une travailleuse sociale, un psychologue, mais on leur demande de poser des questions s’ils sont curieux. Ce sont des Canadiens et des Canadiennes, monsieur et madame Tout-le-monde, qui peuvent poser ces questions. Finalement, les professionnels ont répondu aux questions. On a documenté tout cela. On a aussi élaboré des outils dans les médias sociaux où les jeunes peuvent aller chercher ces informations.

Nous voulons utiliser tout ce que nous pouvons pour faire en sorte de donner la bonne information aux jeunes. Nous reconnaissons que les jeunes de 18 à 24 ans consomment déjà, mais nous voulons tout faire pour veiller à ce qu’ils reçoivent les bons messages, qu’ils comprennent exactement les risques associés au cannabis et qu’ils connaissent exactement le produit qu’ils sont en train d’acheter.

[Traduction]

M. Blair : Très brièvement, la réglementation proposée concernant l’emballage et l’étiquetage contient des avertissements obligatoires relatifs à la santé qui seront affichés bien en évidence à l’avant de l’emballage, lequel fournira également de l’information concernant les risques pour la santé des femmes en âge de procréer et des gens de ce groupe d’âge qui sont plus à risque. Ce sont des avertissements obligatoires relatifs à la santé qui figurent sur l’emballage.

Le président : Madame la ministre et monsieur Blair, vous avez mentionné beaucoup de messages différents, des messages publicitaires et des messages de sensibilisation. Il serait utile que vous puissiez fournir des exemples de ces messages afin que les membres du comité puissent les voir. Nous ne sommes peut-être pas tous tombés dessus dans les médias sociaux.

Mme Petitpas Taylor : Je serais ravie de vous fournir cette information à la première heure demain matin et, ensuite, vous pourrez en distribuer des copies aux membres du comité. Je sais que, en ce qui concerne le nombre de visionnements, de visites et le reste, c’est vraiment beaucoup d’information, et nous ne disposons que d’une heure, alors je veux tout inclure. Toutefois, je serais ravie de vous fournir ces messages.

Le président : Envoyez des exemples. Ce serait excellent.

[Français]

La sénatrice Poirier : Merci encore, madame la ministre. Je vais poser une question concernant l’âge. Je comprends que vous nous avez expliqué que le groupe de travail a recommandé l’âge de 18 ans. Mais je suis aussi au courant, et on entend tous les jours des professionnels de la santé, des experts en santé publique qui ont tendance à favoriser l’âge de 21 ou 25 ans, parce qu’ils disent que la consommation du cannabis peut avoir des effets sur le développement du cerveau de certaines personnes.

Je comprends que vous avez fixé l’âge de consommation à 18 ans, parce que vous dites que les jeunes de cet âge-là fument d’une manière ou d’une autre. J’ai un peu de difficulté à comprendre. Est-ce que la priorité du gouvernement était d’éliminer le marché estimé à 6,2, ou est-ce qu’on n’aurait pas été plus sage en décidant de protéger nos jeunes? En fixant l’âge à 25 ans ou au moins à 21 ans, il me semble qu’on aurait passé le message qu’on écoute les experts qui affirment qu’il s’agit d’un danger. Au lieu de dire qu’on veut simplement l’éliminer du marché noir, est-ce qu’on ne pourrait pas envisager d’éliminer complètement l’accès du cannabis aux jeunes de ce groupe d’âge? Est-ce que la priorité du gouvernement est d’aller chercher les profits du marché noir ou de protéger nos jeunes et leur santé?

Mme Petitpas Taylor : Merci beaucoup, madame la sénatrice, pour votre question. Je dois vous dire que, comme ministre de la Santé, ma priorité est la santé et la sécurité des Canadiens et des Canadiennes. C’est l’objectif très clair depuis le début. Nous proposons le projet de loi C-45 pour légaliser le cannabis, mais aussi pour restreindre l’accès qu’ont les jeunes au cannabis et pour nous assurer d’avoir un produit réglementé.

À ce point-ci, c’est plus facile pour les jeunes d’acheter du cannabis que de l’alcool ou du tabac. Nous voulons faire en sorte de fixer un âge et de mettre fin au marché noir, mais nous devons fixer un âge où les jeunes ne seront pas attirés vers le marché noir.

Finalement, dans le projet de loi que nous proposons, nous avons suivi les recommandations du groupe de travail, qui a fait un travail énorme. Plusieurs groupes de santé ne soutiennent pas l’âge que nous avons choisi, mais il y a aussi beaucoup de groupes qui sont d’accord avec l’âge de 18 ans, l’âge minimum qui a été choisi. La Société canadienne de pédiatrie a dit qu’elle soutenait l’âge minimum de 18 ans. Dans ce projet de loi, nous voulons nous assurer que l’âge de consommation soit comparable à celui d’autres substances, comme l’alcool, puisque nous voulons empêcher les jeunes d’aller vers le marché noir. Nous avons aussi choisi un âge où nous savons qu’il y a déjà des jeunes qui consomment. Nous pensons que l’âge minimum de 18 ans est tout de même une bonne norme, mais les provinces et territoires peuvent aussi l’augmenter à un âge qu’elles choisiront.

La sénatrice Mégie : Merci, madame la ministre. J’ai été très heureuse d’entendre que des investissements seront faits en recherche et que la planification des mesures de prévention est déjà faite, ou du moins qu’elle est en cours. Les jeunes ont accès aux réseaux où toute la publicité est faite. Un petit groupe de jeunes âgés de 12 à 17 ans peut être en possession de cinq grammes. Comment peut-on concilier cela et le fait que des parents peuvent cultiver quatre plantes dans leur résidence? Comment voyez-vous ce scénario? La publicité et les campagnes de sensibilisation, à votre avis, peuvent-elles gérer cette situation?

Mme Petitpas Taylor : Je ne suis pas certaine de bien comprendre.

La sénatrice Mégie : On interdit aux enfants âgés de 12 à 17 ans d’être en possession de plus de cinq grammes. Toutefois, ils peuvent avoir accès à plus de cinq grammes si leurs parents cultivent quatre plantes chez eux.

[Traduction]

M. Blair : Si je le puis, madame la sénatrice, le fait pour un jeune d’être en possession de moins de cinq grammes ne constituerait pas une infraction criminelle, mais ce sera une infraction provinciale. Dans pratiquement toutes les provinces et tous les territoires, il s’agira d’une infraction. Nous ne criminalisons pas ces enfants. Nous faisons appliquer cette prohibition au moyen d’une sanction civile, par le truchement de la réglementation provinciale. Il s’agit donc, bien franchement, d’une fausse déclaration. Aucun enfant âgé de 12 à 18 ans au Canada ne pourra légalement posséder toute quantité de cannabis, car il y a une prohibition exécutoire prévue par la loi, mais on la fera appliquer sous le régime d’un règlement provincial. La loi ne permet pas aux enfants d’avoir du cannabis en leur possession. L’application de la loi sera effectuée par le truchement d’un règlement provincial. En outre, dans le cas d’une quantité dépassant cinq grammes, le droit pénal s’appliquera.

Toutefois, bien franchement, lorsque nous avons voyagé dans l’ensemble du pays et étudié les manières de réduire les préjudices, nous nous sommes penchés sur la santé et sur l’aspect social, mais l’un de ces préjudices qui nous ont été clairement mentionnés, c’était la criminalisation des enfants, le fait de les entraîner dans le système de justice pénale, de leur donner un casier judiciaire pour cette infraction. Alors, nous tentons d’atténuer ce préjudice également en employant une méthode plus appropriée d’application de cette prohibition prévue par la loi relative à la possession. Cependant, aucun enfant âgé de 12 à 18 ans au pays ne pourra posséder légalement de cannabis, sauf si son médecin l’y autorise pour une raison médicale.

[Français]

La sénatrice Mégie : Je ne le considérais que du point de vue de la santé et non du point de vue criminel.

[Traduction]

Le sénateur White : Je remercie la ministre, le personnel du ministère et le secrétaire parlementaire de leur présence. Ma question va faire suite au commentaire que vous avez formulé au sujet des préoccupations que suscite la consommation accidentelle. Comment peut-on régler ce problème tout en permettant la culture de quatre plantes dans un domicile, compte tenu du potentiel élevé de consommation accidentelle et du fait que ces plantes ne porteront aucune étiquette indiquant qu’il ne faut pas y toucher? Pourquoi, sous le régime d’un système véritablement réglementé, ne rendons-nous pas tout simplement illégale la culture personnelle de cannabis?

Mme Petitpas Taylor : Encore une fois, nous nous sommes certainement penchés de près sur la situation, et le groupe de travail a formulé la recommandation de permettre la culture personnelle à domicile.

Pour ce qui est de la recommandation qui a été formulée, nous avons affirmé très clairement que nous ne recommandons pas plus de quatre plantes par ménage. En outre, si le ménage est composé de cinq personnes, c’est tout de même quatre plantes. Alors, nous devons certainement le préciser très clairement.

Pour ce qui est de la consommation accidentelle, compte tenu de l’emballage et de l’étiquetage, comme vous le savez probablement très bien…

Le sénateur White : En ce qui concerne la culture.

Mme Petitpas Taylor : En ce qui concerne la culture, à l’échelon des provinces et des territoires, diverses provinces ont fait des mentions différentes concernant les limites et les exigences relatives à la culture à domicile. Je parlerai seulement de ma province d’origine, le Nouveau-Brunswick. Le gouvernement de cette province a précisé très clairement que, si du cannabis doit être cultivé à domicile, il doit l’être dans un milieu fermé et verrouillé. Alors, diverses provinces et divers territoires adoptent des approches différentes à ce sujet, et nous surveillons la situation de très près. Peut-être que mon collègue, Bill, pourra répondre à la question.

M. Blair : Il n’y a pas grand-chose à ajouter aux propos de la ministre, à l’exception du fait que, tout d’abord, l’ingestion de cannabis — le simple fait de manger la feuille brute — n’est pas une méthode d’ingestion suffisante. Le cannabis doit être brûlé afin d’être ingéré.

Par ailleurs, je pense que le principal point d’accès à l’alcool pour un jeune de 12 ans consiste à le chiper dans le bar de son père et, bien franchement, les parents ont la responsabilité de protéger leurs enfants de quoi que ce soit, qu’il s’agisse de la pharmacie ou de tout ce qui peut leur causer du tort. S’ils ont fait le choix légal d’avoir du cannabis dans la maison, qu’il s’agisse d’une culture personnelle ou d’un achat légal, ils ont tout de même, en tant que parents, la responsabilité, aux termes de la loi, de ne pas exposer leurs enfants à ce risque. Je pense qu’une partie de la campagne de sensibilisation publique adressée aux parents vise à mieux leur faire comprendre quels sont ces risques pour leurs enfants et à leur faire savoir qu’ils ont la responsabilité de les protéger.

La sénatrice Raine : Je pense que nous tous, au Sénat, souhaitons vraiment procéder à un autre examen objectif de cet enjeu, et, personnellement, j’ai l’impression que nous avançons, trop vite.

Je sais que vous avez mis sur pied le groupe de travail et qu’il a accompli sa tâche. Je ne suis pas certaine qu’il se soit adressé à tout le monde. Je ne sais pas exactement à qui il s’est adressé, quoique j’ai regardé la liste, et elle était longue. Toutefois, à mesure que les choses progressent et que d’autres renseignements sont présentés, de plus en plus de préoccupations sont exprimées au sujet de l’âge limite.

Quand je vous entends parler du choix de l’âge limite visant à tenir le cannabis illicite et néfaste hors de la portée des enfants, je me pose la question suivante : n’y a-t-il pas d’autres moyens de procéder? Je considère vraiment qu’en affirmant que le cannabis est légal à l’âge de 18 ans, vous envoyez aux jeunes un message très puissant selon lequel il est acceptable, dès l’âge de 18 ans, de fumer de la marijuana. Nous recevons des données probantes de plus en plus convaincantes indiquant que ce n’est pas acceptable. Ce n’est pas bien de fumer de la marijuana à tout âge du point de vue des préjudices pour la santé.

Je veux vraiment savoir : seriez-vous disposée à tenir compte d’un amendement concernant l’âge et à peut-être envisager de l’augmenter, sachant que nous pourrons toujours l’abaisser à nouveau plus tard? Une fois qu’il aura été établi à 18 ans, il sera très difficile de le faire passer à un âge plus avancé, qui nous permettra de vraiment protéger les jeunes.

Mme Petitpas Taylor : Je pense que nous devons regarder la situation actuelle au pays, au moment d’envisager l’âge de consommation du cannabis. Encore une fois, si nous examinons la recherche, elle nous montre que les jeunes âgés de 15 à 24 ans comptent parmi les plus importants consommateurs de cannabis au monde. Alors, si nous voulons les dissuader d’obtenir leur substance non réglementée auprès d’une source non réglementée, nous devons certainement nous assurer de leur permettre d’accéder à l’autre système. Nous estimons que l’adoption de l’âge de 18 ans — encore une fois, l’âge minimal qui a été établi — est le bon équilibre. Nous reconnaissons certainement que, de nos jours, nous observons 30 p. 100 des jeunes accéder au cannabis par l’intermédiaire du marché illégal. Nous voulons nous assurer de les empêcher de se procurer cette substance, et voilà pourquoi nous proposons l’adoption de l’âge minimal de 18 ans. Nous ne voulons certainement pas que les membres de ce groupe d’âge aient accès au cannabis. Dans le cas de ceux qui ont l’âge légal, il est certain que nous voulons veiller à ce qu’ils aient accès à un produit réglementé qui sera vendu dans un établissement gouvernemental.

M. Blair : Le droit fédéral reconnaît que l’âge de majorité dans nos provinces est de 18 ou 19 ans. Le libellé du projet de loi énonce qu’il s’agit de l’âge minimal. Dans la loi fédérale, c’est 18 ans, mais nous avons donné aux provinces le droit d’harmoniser l’âge auquel on peut acheter d’autres substances néfastes avec l’âge de la majorité. C’est précisément ce qu’elles ont fait.

Il y a un âge, et une partie de ce qui a été pris en considération dans le cadre des discussions du groupe de travail — et je pense que je peux vous faire part de cette information —, c’est le fait que nous avons examiné un certain nombre de comportements risqués à l’égard desquels les adultes ont le droit de faire des choix, comme l’usage de tabac, la consommation d’alcool, le fait de se marier ou d’avoir des enfants, l’obtention d’une hypothèque, le port d’une arme à feu pour un policier, ainsi que le fait de s’enrôler dans l’armée, d’aller à la guerre et de voter, aussi. Nous affirmons que, à l’âge de la majorité, dans notre société et dans notre régime de droit, nous sommes considérés comme ayant atteint l’âge nécessaire pour prendre des décisions éclairées au sujet de notre propre santé et sécurité. Nous avons reconnu cette tradition en vigueur dans notre société et avons conclu que, à l’âge de la majorité, qui est déterminé par les provinces, ce pouvoir devrait être étendu aux décisions concernant la consommation de cette drogue également.

Bien franchement, les risques pour la santé que présentent d’autres substances, plus particulièrement le tabac et l’alcool, sont, de nombreuses façons, bien plus importants et graves que ceux que présente le cannabis. Nous essayons également de suivre la manière dont la société canadienne a abordé ces autres substances risquées dans le passé.

Le sénateur Manning : Je remercie la ministre et le secrétaire parlementaire de comparaître aujourd’hui.

Je suis certain que c’est le cas de nombre de mes collègues : j’ai de nombreuses questions à poser, mais nous ne pouvons en poser qu’une aujourd’hui.

Madame la ministre, le site web du Parti libéral énonce ce qui suit :

[…] le gouvernement libéral a présenté un plan ambitieux qui vise à légaliser, réglementer et restreindre l’accès à la marijuana.

Ce qui a commencé par une proposition politique de base lors d’un congrès est maintenant devenu une loi concrète et fondée sur des faits à la Chambre des communes.

Toutefois, votre propre Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis a déclaré ce qui suit :

Il est plus approprié de se référer à nos recommandations comme étant « appuyées par des preuves » au lieu de « fondées sur des preuves ».

Qu’est-ce que cela signifie, et le gouvernement est-il toujours d’avis que le cadre fourni par le projet de loi C-45 et par le règlement qui s’y rattache est fondé sur des données probantes?

Mme Petitpas Taylor : Oui, les recommandations formulées par le groupe de travail sont fondées sur des données probantes. Les membres de ce groupe ont écouté les déclarations de centaines de témoins au sujet des recommandations qu’ils ont formulées. De nombreux groupes de professionnels ont comparu devant le groupe de travail et témoigné devant le comité, et ils ont fondé leurs recommandations sur les témoignages qu’ils avaient entendus.

En ce qui concerne la légalisation du cannabis, je dois insister sur le fait que nous adoptons une approche axée sur la santé publique relativement au projet de loi. Il est question de légaliser, de réglementer strictement et de limiter l’accès; nous voulons faire tout ce qui doit être fait pour nous assurer d’empêcher les enfants mineurs d’accéder à la substance. Nous le ferons d’une manière réfléchie et en suivant un grand nombre des recommandations qui ont été formulées par le groupe de travail.

Le sénateur Munson : Je pense que ma question s’adressera à M. Blair.

Selon les rumeurs, les forces de police locales ne sont pas prêtes ou ne disposent pas des outils ou des moyens nécessaires pour détecter la quantité de THC dans le système d’une personne. Nous avons entendu de nombreux représentants des forces de l’ordre affirmer que la question a été tranchée, que ce projet va trop vite pour eux. On s’attend à ce que toute la réglementation soit en vigueur dès septembre, alors cela va avoir lieu.

Vous êtes un ancien agent de police. À ce stade, êtes-vous convaincu que les municipalités du pays disposent des moyens nécessaires et qu’elles sont prêtes à procéder, ou bien le gouvernement va-t-il leur fournir les moyens de faire leur travail? On s’inquiète sérieusement à ce sujet.

M. Blair : En 2013, l’Association canadienne des chefs de police a adopté à l’unanimité une résolution exhortant le gouvernement du Canada à rendre accessibles les tests de dépistage de sécrétions buccales. En 2008, ses membres ont adopté à l’unanimité une résolution exhortant le gouvernement du Canada à leur fournir les ressources nécessaires à la formation d’experts en reconnaissance de drogues.

Dans les documents qu’ils ont fournis, il était question de la situation qui prévaut actuellement dans leurs rues, où ils ne disposent ni de la technologie, ni de la formation, ni des ressources nécessaires pour détecter cette substance; pourtant, ils savaient qu’elle présentait une menace importante pour la sécurité publique.

Ils ont exhorté le gouvernement du Canada à agir. Nous avons écouté et les avons rencontrés, et ils ont affirmé avoir besoin d’un accès à la technologie et aux pouvoirs nécessaires pour la détecter. Ils ont ajouté qu’ils avaient besoin de ressources pour former leurs agents, alors nous les leur avons fournies. Le ministre de la Sécurité publique a annoncé l’affectation d’une somme de 161 millions de dollars aux fins de la formation d’agents de police en tant qu’experts en reconnaissance de drogues spécialisés dans les tests normalisés de sobriété administrés sur place et dans l’utilisation des nouvelles technologies.

Les services de police ont affirmé qu’ils n’avaient pas nécessairement l’argent qu’il leur fallait pour accéder à ces nouvelles technologies. Dans le cadre de l’annonce de l’affectation de 274 millions de dollars aux fins des efforts déployés par les forces de l’ordre pour maintenir la sécurité du public, notre gouvernement a affirmé qu’il allait payer pour ces appareils et les rendre accessibles.

La formation a commencé rapidement. Cela faisait 10 ans qu’ils demandaient les ressources nécessaires à la formation. Les experts en reconnaissance de drogues sont autorisés par la loi depuis l’entrée en vigueur du projet de loi C-2, lors de la 39législature, en 2008, mais on n’a jamais disposé des ressources nécessaires pour former les agents. Nous avons rendu ces ressources accessibles. Déjà, 22 cours sur la reconnaissance de drogues sont prévus cette année, et nous espérons, grâce à la formation offerte, doubler le nombre d’agents qualifiés en matière de tests normalisés de sobriété administrés sur place.

Pour revenir au projet de loi C-45 et à l’application de la Loi sur le cannabis et de son règlement afférent, les agents de police de l’Ontario donnent environ un million et demi de contraventions par année. Ils savent comment en rédiger une. Il s’agira d’une infraction passible d’une contravention. Le traitement d’une accusation au criminel pour possession simple de cannabis prenait environ 22 heures de travail, du début à la fin, pour les policiers et le procureur. Ce processus prendra maintenant 18 minutes. Il est beaucoup plus efficient pour les policiers chargés de l’application de la prohibition. Il sera bien plus proportionnel, du point de vue de ses conséquences, au problème en cause.

Les policiers ont déclaré, à juste titre : « Nous avons besoin de la formation. Nous avons besoin des ressources. Nous avons besoin d’un accès à la technologie. » Nous avons écouté ces demandes, et ces éléments ont été fournis, non seulement dans le projet de loi C-45, mais aussi dans les annonces de financement connexes que nous avons faites.

Le sénateur Munson : Alors, vous n’avez aucune inquiétude?

Le président : Nous devons passer au suivant.

M. Blair : Je suis convaincu qu’ils feront le travail que nous leur avons demandé de faire.

La sénatrice Omidvar : Merci de votre présence. J’ai une question qui comporte deux volets.

Je voudrais que vous réexpliquiez quelque chose, même si vous l’avez déjà fait. J’ai besoin d’une réponse que je pourrai consulter dans le compte rendu. Premièrement, vous auriez pu faire le choix stratégique d’opter pour la décriminalisation au lieu d’adopter une approche de réduction des préjudices pour la santé publique, alors, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez choisi la deuxième option? Deuxièmement, quels sont certains des éléments clés de cette approche en matière de santé publique? Dans le but d’acquérir une certaine expérience à ce sujet, je suis allée en Californie, et j’ai visité un point de vente situé à Monterey, où le cannabis a récemment été légalisé. J’ai été soumise à des vérifications de sécurité de haut niveau, et on offrait de l’information et du service à la clientèle. Quels sont les éléments de votre approche en matière de santé publique qui misent sur certaines de ces expériences acquises par d’autres administrations?

Mme Petitpas Taylor : Je vais tenter d’être la plus brève possible. Nous avons choisi la légalisation plutôt que la décriminalisation parce que, si nous avions choisi cette deuxième option, nous n’aurions pas été en mesure de limiter l’accès au produit et de le réglementer. Il serait encore fourni par le marché illégal. Nous voulions nous assurer de mettre en place un cadre — un texte de loi — qui pourrait faire deux choses : légaliser et réglementer strictement le cannabis, et limiter son accès aux jeunes. Voilà pourquoi nous choisissons cette option. Nous voulons nous assurer qu’un âge minimal est établi et qu’une fois que le produit deviendra légal, les gens auront accès à un produit réglementé qui sera sur le marché. Voilà la raison pour laquelle nous avons choisi cette option.

En ce qui a trait à notre approche axée sur la santé publique, elle comporte probablement deux ou trois éléments sur lesquels je voudrais donner des détails. Nous parlons de la question de l’emballage et de l’étiquetage. C’est une façon d’appliquer l’approche axée sur la santé publique, car nous voulons veiller à ce que ces éléments n’encouragent ni n’incitent d’aucune manière les enfants à vouloir consommer ce produit.

Pour ce qui est de la réglementation que nous avons annoncée la semaine dernière, vous savez peut-être que nous avons adopté un règlement en ce qui concerne l’emballage neutre. La définition du terme « emballage neutre » peut varier, mais certaines personnes ont indiqué dans les médias que ce type d’emballage n’a pas un aspect attrayant pour les enfants. Quand j’ai lu cette manchette, cela m’a fait plaisir. C’était aller dans la bonne direction. Voilà le but que nous voulons atteindre dans tout cela.

En ce qui a trait à l’approche axée sur la santé publique, il s’agit de nous assurer que les avertissements appropriés figurent sur l’emballage, tout comme les renseignements pertinents concernant le produit que les gens vont consommer, ainsi que les taux de THC et de CBD. Nous voulons nous assurer que tout cela y figure.

Le dernier élément, ce sont les avertissements en matière de santé qui figureront sur l’emballage. Ils ressemblent beaucoup à ceux des produits du tabac et des cigarettes. Nous voulons nous assurer que les avertissements relatifs à la santé figureront clairement sur l’emballage et que les gens recevront ces messages.

La question des campagnes de sensibilisation du public est un autre volet de notre approche axée sur la santé publique. Je suis heureuse de constater qu’un investissement de plus de 108 millions de dollars au cours des deux dernières années permettra de miser sur les campagnes de sensibilisation du public qu’a offertes Santé Canada ainsi que sur les partenariats que nous avons établis avec d’autres organismes.

Plus tôt, j’ai abordé le travail que nous avons fait, et je crois que c’est à la sénatrice Petitclerc que j’en ai présenté un bref aperçu. Nous avons également établi des partenariats avec des groupes, notamment — pour n’en mentionner que quelques-uns — Jeunesse sans drogue, la Société canadienne de schizophrénie et l’Association des infirmières et infirmiers du Canada. Nous voulons faire tout notre possible pour nous assurer que ces renseignements sur la santé publique seront diffusés.

Le président : La parole est maintenant à notre toute nouvelle sénatrice. Bienvenue, madame la sénatrice Deacon. Votre question sera la dernière de la première série.

La sénatrice Deacon : Je vous remercie tous de votre présence ici aujourd’hui. Nous parlons toujours de l’objectif d’atténuation des préjudices pour la population en général. Vous avez mentionné l’approche axée sur la santé publique, ce qui est une bonne chose. Dans votre exposé, plus tôt cet après-midi, vous avez mentionné l’éducation et certains groupes et partenaires.

Je porte mon attention sur des groupes marginalisés qui peuvent être constitués de personnes ayant des antécédents de consommation précoce et fréquente et aussi de grands consommateurs adultes. Vous avez parlé de santé mentale plus tôt et évoqué des mesures ciblées utilisées pour atténuer les effets néfastes sur ces groupes.

Y a-t-il d’autres mesures ciblées, à part l’élément important de l’éducation? Y a-t-il autre chose que vous souhaitez mettre en lumière?

Mme Petitpas Taylor : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. En ce qui concerne les partenariats que nous avons établis, nous visons plusieurs groupes vulnérables. C’est pourquoi nous voulons collaborer avec ces organisations. Les responsables connaissent leur clientèle et la population vulnérable à laquelle s’adressent leurs services.

À l’avenir, nous établirons d’autres partenariats avec ces organisations pour nous assurer que nous sommes en mesure de cibler cette population. Nous devons aussi examiner les investissements que nous avons déjà effectués en santé mentale. Je suis fière de pouvoir dire que notre gouvernement est un champion de la santé mentale, et que, de fait, nous avons consenti des investissements importants en collaboration avec les provinces et les territoires pour nous assurer que les Canadiens ont accès aux services adéquats dont ils ont besoin.

Mis à part les investissements, en ce qui a trait à la légalisation du cannabis, des sommes importantes sont octroyées aussi, parce que nous voulons être en mesure d’offrir des services à ceux qui en ont besoin. Nous voulons aussi nous assurer d’être en mesure de fournir des investissements aux organisations qui travaillent auprès de ces populations vulnérables pour faire en sorte qu’elles puissent nous aider à réaliser notre campagne de sensibilisation du public et à mettre en œuvre notre approche axée sur la santé publique.

Le président : Le temps est presque écoulé. Dans deux minutes, la cloche retentira dans les deux Chambres pour nous appeler à voter, donc nous ne pouvons pas commencer une autre série de questions. J’ai noté le nom de trois personnes pour la deuxième série de questions et je vais commencer par elles à notre retour du vote. Espérons que nous revenions vers 17 h 45.

Des fonctionnaires seront présents à ce moment-là. Je dois ajouter, monsieur Blair, qu’il serait très apprécié que vous reveniez, si c’est possible pour vous de le faire.

Nous allons maintenant suspendre la séance et nous reprendrons un peu plus tard.

(La séance est suspendue.)

(La séance reprend.)

Le président : Nous examinons le projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois.

La présente séance devait au départ durer de 17 h 15 à 18 h 15, mais, en raison du vote, nous commençons beaucoup plus tard. Je propose de poursuivre jusqu’à 18 h 30, si cela convient et qu’il y a encore des questions.

Des fonctionnaires sont ici présents. M. Bill Blair viendra nous rejoindre. Mon invitation était à brûle-pourpoint, mais il sera en mesure de revenir. Toutefois, il est encore retenu par les votes à la Chambre des communes. Celui tenu au Sénat est terminé, et nous sommes de retour.

Je demanderais aux personnes qui sont au bout de la table de se présenter, s’il vous plaît.

John Clare, directeur, Affaires politiques, législatives et réglementaires, Santé Canada : Je m’appelle John Clare, je suis directeur, Affaires politiques, législatives et réglementaires, du Secrétariat sur la légalisation et la réglementation du cannabis de Santé Canada.

Eric Costen, directeur général, Secrétariat sur la légalisation et la réglementation du cannabis, Santé Canada : Je m’appelle Eric Costen. Je suis directeur général du Secrétariat sur la légalisation et la réglementation du cannabis.

Paul Saint-Denis, avocat-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Je m’appelle Paul Saint-Denis, et je suis avocat-conseil auprès de la Section de la politique en matière de droit pénal du ministère de la Justice du Canada.

Diane Labelle, avocate générale, ministère de la Justice Canada : Je m’appelle Diane Labelle, avocate générale auprès des services juridiques de Santé Canada.

Le président : Il y a quelqu’un à l’arrière qui fait partie de cette équipe. Je crois qu’il s’agit de Trevor Bhupsingh, directeur général, Application de la loi et des stratégies frontalières, à Sécurité publique Canada.

Voilà les fonctionnaires qui sont présents pour répondre à d’autres questions, et, chers collègues, sauf indication contraire de votre part, je vais garder les noms inscrits sur la liste de la deuxième série de questions établie quand la ministre était présente. Nous pouvons tenter de faire preuve d’un peu plus de souplesse, mais cela ne durera peut-être pas longtemps. Nous devrons peut-être accélérer, mais allez-y, madame la sénatrice Petitclerc.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Ma question est assez précise et concerne une information que je n’ai pas été capable de trouver.

On parle de tout ce qui pourrait être attirant pour les enfants. L’article 26 du projet de loi C-45 indique que, de façon générale, une étiquette ou un emballage attrayants pour les jeunes ne sont pas permis. Lorsque j’étais marraine du projet de loi S-5 sur le tabac et les produits de vapotage, il y avait eu beaucoup de débats à ce sujet, et je me souviens très bien qu’on ne parlait pas seulement de « motifs raisonnables de croire », mais qu’on allait jusqu’aux noms des produits.

En consultant Internet pour regarder ce qui se vend présentement, je suis allée sur un site canadien où on peut commander des produits. J’y ai vu des produits avec des noms comme « Vegan Gummy Bears », qui sont des produits comestibles de cannabis. Ce genre de noms n’étaient pas permis en vertu du projet de loi S-5. Pouvez-vous me dire s’ils le seraient en vertu du projet de loi C-45?

M. Costen : Si vous me le permettez, je vais répondre en anglais.

[Traduction]

Je vais donner un début de réponse. Ensuite, je vais céder la parole à mon collègue pour qu’il réponde de façon précise à votre question. Je crois que le point que vous soulevez concernant la variété et le type de produits qui sont accessibles très facilement sur le marché illicite est très important. Il n’y a aucune restriction, et, de bien des façons, le fait d’essayer d’exercer un contrôle sur cette situation touche directement le cadre de contrôle qui existe dans la loi — c’est sur ce sujet que je vais laisser John s’exprimer dans un instant —, lequel sera toutefois complété par la réglementation proposée. Je suis presque certain que John parlera des mesures de contrôle qui figureraient dans la loi, et qui sont proposées dans le projet de loi C-45, et du fait que la réglementation viendra les préciser.

M. Clare : Pour répondre à votre question très rapidement et de façon directe, ce genre de nom de produit, toute autre caractéristique du produit — pas seulement le nom du produit même ou celui de la variété, mais aussi l’apparence du produit —, tout ce qui pourrait donner à penser que les jeunes sont visés — un film ou une chanson en particulier — et tout ce qui pourrait rendre le produit attirant pour les jeunes, de quelque façon que ce soit, seraient interdits par la loi.

Le président : J’ajouterais, à l’intention des autres fonctionnaires, y compris les messieurs assis à l’arrière, que même si M. Costen et M. Clare, de Santé Canada, sont présents et que nous portons notre attention principalement sur ce ministère, si vous souhaitez ajouter quelque chose ou formuler un commentaire par rapport à une question, veuillez me faire signe. Je serai heureux de vous permettre de vous exprimer.

Est-ce que cela a répondu à votre question?

La sénatrice Petitclerc : Oui.

[Français]

La sénatrice Mégie : Tout à l’heure, j’ai posé une question aux invités qui vous ont précédés à savoir ce qui arrive, pour un jeune âgé de 12 à 17 ans, s’il se trouve en possession d’une quantité de cinq grammes, parce que ses parents cultivent quatre plantes à la maison.

D’après ce que la ministre nous a dit, il y a beaucoup de publicité, beaucoup de campagnes de prévention et de sensibilisation qui ont été faites pour les jeunes sur les réseaux sociaux, et cetera.

J’ai participé à un groupe de discussion, il y a deux semaines, et personne n’a rien vu à ce sujet. Mais là n’est pas ma question. Ma question concerne les parents de ces jeunes. Est-ce que quelque chose a été prévu pour eux, par exemple, de la sensibilisation quant à l’éducation de leurs enfants en ce qui touche le cannabis ou pour ceux qui constatent que leurs enfants ont commencé à en consommer?

[Traduction]

M. Costen : De fait, quand la ministre a décrit les différentes étapes de la campagne d’éducation à l’intention du public, à partir des tout premiers efforts consentis pour mener une recherche sur l’opinion publique afin de bien comprendre ce que les gens connaissent du cannabis et ce qu’ils en pensent, pour ensuite cibler les domaines où, comme gouvernement, nous devons effectuer des interventions fondées sur les faits, nous avons pu constater que le premier volet, qui constitue toujours une priorité, vise les parents de façon spécifique et a pour but de les outiller pour qu’ils puissent tenir des discussions intelligentes et fondées sur des faits avec leurs enfants à propos du cannabis.

Je crois, mais je ne suis pas certain, que la ministre a fait référence à des travaux que nous avons menés avec un organisme communautaire appelé Jeunesse sans drogue. Les responsables de cet organisme ont créé une trousse à l’intention des parents, et il s’agit d’un document assez exhaustif qui s’adresse aux parents de jeunes enfants pour les aider à tenir des discussions concernant la consommation de cannabis et ses conséquences néfastes, dans le but d’empêcher toute personne qui songe à commencer à en consommer à ne pas le faire et d’aider ceux qui en consomment déjà à arrêter de le faire. Si ma mémoire est bonne, il y a environ 180 000 copies de cette trousse qui ont été distribuées. Nous serions très heureux de remettre ce document aux membres du comité, si vous souhaitez le consulter à titre d’exemple.

Le président : C’est une bonne idée. Merci.

Le sénateur Dean : J’aimerais revenir à la discussion sur l’âge légal d’accès au cannabis. C’est une question qui soulève des préoccupations, à mon avis, au Sénat et ailleurs. Voici ma question : la ministre et le secrétaire parlementaire nous ont donné des renseignements probants concernant les taux de consommation, le détournement du marché illicite et l’âge de la majorité. En ce qui concerne la question des risques, ce que nous savons avec certitude, de façon incontestée, c’est que les conséquences néfastes des substances intoxicantes, y compris le cannabis, sont à leur apogée au début de l’adolescence. C’est ce dont nous devons vraiment nous préoccuper, à mon avis. C’est ce que les données probantes nous montrent. J’imagine que — et cela est lié au développement du cerveau et à d’autres informations qui nous sont communiquées — le risque qui existe à l’âge de 13 ou 14 ans chute de façon très importante jusqu’à l’âge de 22 ans. Si nous nous fions aux données probantes, le jour de nos 25 ans, la dernière synapse s’établit et, tout à coup, nous sommes en mesure de prendre des décisions rationnelles et d’agir de façon sécuritaire.

Nous aurons des jeunes de 19, 20 et 21 ans qui, dans ce nouveau contexte, auront beaucoup plus accès à des renseignements offerts au public concernant la consommation sécuritaire et l’atténuation des incidences néfastes, lesquels leur seront aussi communiqués au point de vente. Ils auront déjà dépassé depuis longtemps le sommet de la courbe du risque qui touche les jeunes de 13 et 14 ans.

En plus des questions relatives au fait de détourner les gens du marché illicite et à l’âge de la majorité, s’agit-il d’un aspect dont on tient compte? Est-ce que les responsables de l’élaboration de politiques au sein des ministères provinciaux et fédéraux ont tenu compte de cet aspect?

M. Costen : Je peux formuler quelques commentaires en guise de réponse.

Comme vous le savez — et je suis certain que c’est le cas pour de nombreuses autres personnes —, et comme la ministre l’a décrit et M. Blair l’a souligné, la question de l’âge minimum a fait l’objet de vifs débats et a été examinée attentivement par le groupe de travail. Les discussions se sont poursuivies depuis.

Je crois que votre description des incidences néfastes de la consommation est exacte. Il existe trois facteurs qui influencent les effets néfastes sur la santé, et, comme vous l’avez mentionné, monsieur le sénateur Dean, l’âge du début de la consommation est l’un d’eux. Les dommages sont beaucoup plus grands si une personne commence à consommer à un jeune âge. C’est là le premier facteur.

Le deuxième facteur est la fréquence de consommation. Si une personne consomme quotidiennement, une fois par semaine ou une fois par année, ce facteur influence aussi la gravité des effets néfastes. Le troisième facteur tient à la période de temps où la consommation est soutenue. Quand ces trois facteurs sont réunis — une personne commence à consommer à un jeune âge, consomme fréquemment et pendant un certain nombre d’années —, les données scientifiques montrent que c’est dans cette situation que les dommages sont les plus importants.

La ministre a fait référence plusieurs fois pendant son exposé à une approche axée sur la santé publique. Je crois qu’un commentaire a été formulé plus tôt au cours de la séance concernant les leçons tirées des initiatives de lutte contre le tabagisme. Je crois que l’on peut dire que le cadre de lutte contre le tabagisme et la littérature portant sur les interventions en santé publique qui fonctionnent — quand il s’agit d’empêcher des gens de commencer à fumer, d’aider ceux qui fument à le faire d’une façon qui pose moins de risque et, au bout du compte, à arrêter — sont reconnus.

En toute franchise, nous nous en sommes servis, à bien des égards, comme modèle pour réfléchir à un cadre de contrôle différent. Donc, ce modèle, ainsi qu’une compréhension des nuances liées au risque, est très utile pour arriver à comprendre la vraie nature des risques pour la santé qui touchent les personnes de 13 ans, par rapport à celles de 18, 25 ou 45 ans. J’espère que cela est utile.

La sénatrice Omidvar : J’ai parlé du projet de loi C-45 à la Chambre et on m’a posé une question concernant le marché illicite. Je souhaite entendre votre point de vue à ce sujet. On a souligné que, au Québec, le marché illicite des cigarettes a grandi de façon exponentielle.

Je cherche à comprendre de quelle façon la légalisation et la réglementation du cannabis nuira au marché noir, le limitera et en diminuera l’importance. D’après ce que je comprends, il y aura toujours des acteurs qui continueront d’agir, mais quelle est votre stratégie sur ce plan?

M. Costen : Encore une fois, permettez-moi de solliciter l’aide mes collègues.

Lorsque nous parlons de remplacer les marchés, je crois qu’il est utile d’adopter le point de vue du consommateur. Le marché illicite existe parce que des consommateurs demandent un produit à quelqu’un. Le produit n’est pas disponible sur le marché légal, ils cherchent donc à l’obtenir sur le marché illicite. La stratégie consiste à déterminer comment créer un système où le consommateur — la demande d’approvisionnement — passe du marché illicite au marché légal. Puis, cela devient une question de principes économiques de base en matière de concurrence en ce qui concerne la disponibilité du produit, la compétitivité des prix et l’accessibilité.

Lorsque nous avons présenté le projet de loi dont vous êtes saisi, nous nous sommes penchés sur le programme réglementaire et toutes les conversations que nous avons eues avec les gouvernements provinciaux et territoriaux — je sais que le ministre des Finances et ses collègues en ont parlé dans le cadre de leur proposition de politique d’accise — et nous avons pensé à créer un environnement où la demande basculera vers un contexte réglementé. La proposition de valeur présentée au consommateur est égale ou supérieure à ce qui existe actuellement sur le marché illicite, et on élimine réellement le marché en réorientant le consommateur et en détournant la demande du milieu de l’approvisionnement.

À cela s’ajoute une série de mesures d’application de la loi. Le projet de loi énonce clairement que quiconque en vend, en cultive ou en distribue à l’extérieur du cadre légal enfreint la loi, et cela entraîne de graves conséquences. Un certain nombre de mesures d’application de la loi visent à sévir contre ceux qui continuent de se livrer à des activités illégales, et, parallèlement, on s’efforce de comprendre le marché et de rendre l’achat légal plus attrayant pour le consommateur.

C’est un peu ce que nous avons vu aux États-Unis. En quelques années, la majorité des consommateurs ont fait le transfert. Après trois ou quatre ans, 75 ou 80 p. 100 des consommateurs achètent sur le marché légal.

La sénatrice Seidman : Ma question s’adresse à vous, monsieur Costen. J’aimerais revenir sur les points que vous avez soulevés au sujet des effets nocifs sur la santé liés à l’intensité et à la fréquence de la consommation, puisque cela est d’une importance capitale.

Le Cadre stratégique sur le cannabis de 2014 — le rapport du CAMH — aborde la mesure dans laquelle les effets nuisibles pour la santé augmentent avec l’intensité de la consommation. Cela est particulièrement vrai lorsque la consommation est quotidienne ou presque; le cannabis est associé à divers types de problèmes pouvant toucher les capacités cognitives, les fonctions psychomotrices et le système respiratoire. Les consommateurs réguliers de cannabis s’exposent à un très grand risque, et c’est pourquoi je suis de plus en plus inquiète. Depuis la publication du rapport du CAMH en 2014, il y a un nombre croissant de données probantes, de publications dans des revues examinées par des pairs et d’études européennes et américaines qui mènent toutes à la même conclusion : les enfants qui consomment déjà du cannabis en consomment encore plus une fois qu’il est légal.

Intuitivement, cela semble logique, puisque la légalisation normalise sa consommation. Comme l’une de nos collègues vous l’a indiqué plus tôt — je pense que c’était la sénatrice Raine —, le gouvernement le légalise, les jeunes croient donc que c’est bien, et ils ne se sentent pas aussi intimidés. Ils n’ont pas à téléphoner à leur père du poste de police et ils n’ont plus à trouver d’excuse pour expliquer à leurs amis pourquoi ils ne veulent pas en consommer. C’est légal, maintenant; il n’y a pas de problème.

Avant tout, savez-vous que les données probantes montrent que les adolescents, dans les administrations où la consommation du cannabis est légale, en consomment encore plus? Pourquoi aller de l’avant avec la légalisation, sachant qu’elle risque d’avoir une incidence négative sur ceux qui sont les plus vulnérables aux dommages causés par le cannabis?

M. Costen : Merci de poser la question. Nous avons passé beaucoup de notre temps à examiner attentivement ce que nous pouvions apprendre des autres administrations, au moyen d’un examen théorique des données dont nous disposions et, à dire vrai, grâce à beaucoup de travail sur le terrain. Nous nous sommes rendus dans la majorité des États américains et nous entretenons des relations assez bien établies avec les organes de réglementation là-bas. J’aimerais croire que nous y avons réfléchi autant que possible. Nous avons appris des erreurs dont ils ont bien voulu nous faire part.

J’avoue que je ne suis pas au courant de la recherche dont vous parlez, qui établit une corrélation sans équivoque entre la légalisation et la propension plus grande à consommer. Je ne dis pas qu’il n’y en a pas; cela ne m’évoque rien.

Il y a eu pas mal de rapports concernant l’expérience du Colorado en particulier, je connais donc mieux les données qui concernent cette administration.

Le gouverneur du Colorado a écrit une lettre au procureur général, M. Sessions, pour répondre à certaines questions que ce dernier lui avait posées. L’une des questions concernait l’impact qu’avait eu la législation au fil des ans en ce qui concerne l’accès des jeunes au cannabis. Le gouverneur lui a répondu que c’était sans incidence. J’ai oublié le nom de l’enquête, mais l’enquête de santé publique de Rocky Mountain, ou peu importe, montre une stagnation en ce qui a trait à l’accès des jeunes, et je pense que cela s’inscrit dans le contexte où l’État a adopté une approche plutôt permissive à l’égard de la réglementation du cannabis.

Lorsque nous examinons la proposition que nous envisageons, par exemple en ce qui a trait à l’emballage ou à l’étiquetage, pour en revenir au point soulevé plus tôt, les restrictions énoncées dans le projet de loi concernant la commandite, la promotion, la commercialisation et toutes sortes de publicités n’existent pas à l’échelon des États, le public est donc beaucoup plus exposé à la promotion qu’il le serait au Canada. Il est difficile d’extrapoler précisément à partir de l’expérience du Colorado.

La sénatrice Seidman : Je ne veux pas paraître impolie et vous interrompre, mais, sauf votre respect, je ne pense pas que le Colorado soit un bon exemple à utiliser, dans la mesure où la situation est tout de même assez nouvelle là-bas. Cela fait peut-être deux ou trois ans. Les données que l’État a recueillies comportent beaucoup de préjugés et de lacunes. Si nous parlons de l’augmentation de la fréquence de la consommation et de la consommation plus régulière chez les jeunes, il existe beaucoup plus de données disponibles que celles du Colorado.

Je vais m’en tenir à cela pour le moment, mais c’est un problème croissant.

M. Costen : À ma connaissance, le Colorado est la première administration au monde à l’avoir légalisé. Il s’agit d’un phénomène trop nouveau pour qu’on puisse en suivre les répercussions sur un certain nombre d’années, mais le Colorado et l’État de Washington ont été les premiers. Je suis d’accord avec vous pour dire qu’il faut porter un regard critique sur les données recueillies, mais, du point de vue de l’examen des répercussions au fil des ans, il s’agit probablement du meilleur indicateur, avec toutes les réserves qui s’imposent.

La sénatrice Raine : J’ai tant de questions à poser, et c’est vraiment difficile puisque nous n’avons droit qu’à une seule. Je vais reconnaître que le cannabis possède des vertus pharmaceutiques, le THC et le CBD, et vous demander en quoi la légalisation du cannabis et la capacité d’en acheter ou de s’en faire prescrire se comparent-t-elles avec tout autre produit pharmaceutique qui serait mis sur le marché au Canada?

Nous savons que ces produits sont forts, qu’ils ont des vertus, mais ce qui me préoccupe, c’est qu’il n’y a aucune façon de les prescrire et qu’ils n’ont pas été soumis au processus normal d’approbation des médicaments pharmaceutiques. Pouvez-vous me dire comment il se fait que nous avons parcouru tout ce chemin en si peu de temps alors que, en réalité, les médecins à qui je parle refusent d’en prescrire parce qu’ils ne savent pas quelle est la bonne quantité, quels en sont les effets et tous ces autres aspects? Pouvez-vous simplement me donner de l’information à ce sujet?

M. Costen : Certainement, et je vais essayer d’être le plus bref possible.

Je crois comprendre que la question concerne surtout l’utilisation thérapeutique du cannabis et la façon dont le système fonctionne à l’heure actuelle. Vous avez tout à fait raison. L’accessibilité au cannabis pour des gens qui en ont besoin pour des raisons médicales ne s’est pas faite comme c’est normalement le cas pour les médicaments qui font leur entrée sur les marchés au Canada. Habituellement, une entreprise présente une demande au ministère, il y a un certain nombre de données scientifiques concernant la sécurité et l’efficacité, le ministère examine le tout, donne son approbation, puis le médicament est distribué.

C’est en grande partie en raison de décisions des tribunaux que le cannabis à des fins médicales a vu le jour au Canada. Je ne veux pas parler au nom de mes collègues du ministère de la Justice, mais les tribunaux ont reconnu que les personnes ayant des besoins thérapeutiques avaient le droit d’y avoir accès. À la suite d’une série de décisions différentes, le gouvernement a dû créer un mécanisme d’accès légal, et il y a eu diverses moutures de ce système.

En gros, ce que vous avez décrit aujourd’hui est le système en place, c’est-à-dire qu’un patient consulte son médecin, le médecin détermine si le cannabis est approprié ou non, puis le patient se procure du cannabis auprès d’une entité détenant un permis fédéral, laquelle est assujettie au programme réglementaire plutôt rigoureux qui est en place à l’heure actuelle.

Quant au point que vous avez soulevé au sujet du THC, je vais vous donner un petit exemple : il existe des exigences réglementaires assez importantes selon lesquelles les concentrations de THC et d’autres composants dans le cannabis doivent être étiquetées avec exactitude pour faciliter les questions relatives à la dose, à l’utilisation et ce genre de choses.

La sénatrice Poirier : Ma question s’adresse à M. Costen également, et elle porte sur les limites de THC. Les professionnels de la santé nous ont parlé du danger particulier aux produits très puissants à base de THC, particulièrement pour les jeunes âgés de 18 à 25 ans. Simplement pour donner un exemple, une entreprise canadienne qui s’appelle Boutique Cannabis vend des vaporisateurs stylos ayant une teneur en THC de 90 p. 100, dont un qui s’appelle le « Durban Poison ».

Je n’ai qu’une seule question, je vais donc tout dire en même temps. Est-ce que la vente de toute forme de produits du cannabis contenant 90 p. 100 de THC est légale à l’heure actuelle? Si c’est le cas, est-ce que ce sera légal avec le nouveau cadre proposé dans le projet de loi C-45? Le gouvernement prévoit-il imposer d’autres limites relatives au THC à l’aide de propositions réglementaires supplémentaires qui n’ont pas encore été rendues publiques?

M. Clare : Je peux répondre à la question. La première consiste à savoir si un produit de vapotage dont la teneur en THC est de 90 p. 100 est légal au Canada aujourd’hui. Non, pas en vertu du régime d’accès au cannabis à des fins médicales que mes collègues ont décrit ni sous aucun régime législatif. Sera-t-il légal d’en faire la vente après l’entrée en vigueur du projet de loi proposé sur le cannabis? Non, ce ne le sera pas.

Il y a dans le projet de loi proposé une annexe qui énonce les catégories de cannabis qui pourront être vendues après l’entrée en vigueur, soit le cannabis séché, le cannabis frais, l’huile de cannabis, les plantes de cannabis et les graines provenant d’une plante de cannabis. L’huile de cannabis, en vertu du cadre réglementaire proposé, sera limitée à une teneur maximale de 3 p. 100.

En ce qui concerne les futures propositions réglementaires qui pourraient permettre que d’autres catégories de cannabis soient vendues en vertu du régime législatif, selon un amendement apporté par la Chambre des Communes, les produits comestibles contenant du cannabis et ceux qu’on désigne comme les « concentrés de cannabis », qui incluraient des solutions destinées au vapotage, le haschich et des choses comme ça, seraient ajoutés à la liste de catégories de cannabis autorisées pour la vente, sans réserve des règlements établis par le gouverneur en conseil en ce qui a trait à l’emballage et à l’étiquetage, au dosage, à la quantité de THC par unité et possiblement aux limites de puissance de ces catégories de produits.

Le sénateur Manning : De nombreuses questions fondamentales qui détermineront de quelle manière la législation sera mise en vigueur sont laissées sans réponse dans le projet de loi. Compte tenu de la décision du présent gouvernement de ne pas publier à l’avance les règlements, les parlementaires comme nous se font dire d’être confiants, que tout fonctionnera et que tout se passera bien. Les préoccupations que nous soulevons seront abordées en marge du processus législatif.

J’aimerais savoir, pour ce qui est d’une décision de cette nature, pourquoi ne publieriez-vous pas la réglementation à l’avance, du moins pour donner l’occasion aux parlementaires de poser des questions sur ces préoccupations. Nous pouvons parler de notre projet de loi ici. Nous pouvons, si nous le voulons, proposer des amendements au projet de loi. Il y a un processus que nous connaissons tous, la façon dont cela fonctionne ici, mais nous n’avons pas notre mot à dire sur les règlements. Ils sont élaborés à l’échelon ministériel. Je me demande seulement pourquoi, avec un projet de loi aussi important, à mon humble avis, nous ne pourrions pas publier à l’avance les règlements.

M. Costen : Je vais peut-être faire un petit pas en arrière. Comme tout le monde le sait, le cannabis est actuellement régi par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, ainsi que par toute une série de règlements. Il y a le règlement sur le chanvre, et nous avons déjà discuté un peu du règlement sur le cannabis thérapeutique. Il y a des permissions pour les personnes qui font de la recherche et du travail de laboratoire et toute une série de règlements qui existent à l’heure actuelle.

Comme nous envisageons en fait de retirer le cannabis de la LRCDAS et de l’inclure dans la Loi sur le cannabis, la réglementation devra être mise en place dès le moment prévu de l’entrée en vigueur de la Loi sur le cannabis. C’est la situation actuelle.

Je vais dire deux choses pour répondre à votre question. La première est que la réglementation qui doit être mise en place sous le régime de la Loi sur le cannabis, si on présume qu’elle recevra la sanction royale, est en très grande partie une formulation de la réglementation qui existe actuellement. Il s’agit donc vraiment d’un transfert des pouvoirs de réglementation qui existent sous le régime de cette loi vers une autre loi, et je crois que le chanvre industriel en est un exemple très utile.

Une série d’activités et de permissions sont décrites dans la réglementation, et elles sont simplement recréées sous le régime de la Loi sur le cannabis.

La deuxième chose est que, pour ce qui est des différences, parce que, bien sûr, il y a des différences assez importantes entre la LRCDAS et la Loi sur le cannabis, nous les avons décrites de manière assez détaillée dans un document sur les dispositions réglementaires qui a été publié en novembre. Depuis, nous avons fait un suivi après avoir tenu une consultation de 60 jours dans le cadre de laquelle nous avons rencontré les parties réglementées afin d’essayer de tenir des conversations détaillées sur nos intérêts, d’un point de vue réglementaire, pour que, à la publication de la réglementation, nous, en tant qu’autorité de réglementation, tout d’abord, puissions tirer profit des commentaires qu’on nous aura transmis, mais la communauté réglementée est assez certaine de ce qu’aura l’air cette réglementation.

Nous avons donc essayé de réduire au minimum l’effet d’aller directement à la Gazette du Canada, partie II, dans le cadre de ces consultations en nous appuyant sur la réglementation existante et, autant que possible, en révélant les caractéristiques finales des dispositions réglementaires.

Le sénateur Munson : Il s’agit peut-être d’observations naïves, mais je regarde les quatre plantes de cannabis et je pense à la police de la marijuana et au sentiment général que quelqu’un, quelque part, possède six plantes. J’essaie seulement d’imaginer ce qui se produit dans ce type de scénario, parce que j’aimerais brosser un tableau sommaire de ce qui se présente devant nous.

Au Canada, vous ne pouvez pas aller dans un magasin d’alcool, en sortir, ouvrir une bière et marcher dans la rue. À quoi devrons-nous nous attendre, par exemple, à l’extérieur des bureaux de Santé Canada? Y aura-t-il un endroit réservé aux fumeurs de marijuana comme pour la cigarette? Lorsque les gens fument aujourd’hui, on passe à côté d’eux, et c’est légal. Il est parfois difficile de passer près d’eux lorsqu’on est un ancien fumeur.

À quoi devrions-nous nous attendre? Vous parlez de campagnes publiques d’éducation et de toutes ces choses en place, et je pense que certains pourraient se dire : « Voilà ce qui en est, amusez-vous bien. » Lorsque nous quitterons la maison pour aller à l’école ou au travail, est-ce que c’est ce que nous verrons?

M. Costen : Je suis heureux de signaler que, à l’extérieur des bureaux de Santé Canada, comme il s’agit d’un lieu de travail sous réglementation fédérale, une fois que les amendements corrélatifs décrits dans le projet de loi sont apportés à la Loi sur la santé des non-fumeurs pour élargir la définition de l’expression « usage du tabac », qui se limite actuellement au tabac, l’usage du cannabis… Alors imaginons la situation, et je ne veux pas la décrire de façon trop générale ici, ce que nous verrons probablement, que ce soit aux échelons municipal ou provincial, c’est le même type d’approche où il y a des systèmes bien établis qui établissent les endroits où les gens peuvent fumer la cigarette. La façon la plus simple et la plus directe de contrôler la consommation publique, pour utiliser votre exemple, c’est d’étendre les règles qui existent aujourd’hui pour le tabac afin qu’elles s’appliquent au cannabis. On constate, dans toutes sortes d’administrations, qu’on élargit les règles sur la fumée secondaire qui existent pour les terrasses, les rues, les parcs ou peu importe, afin qu’elles visent le tabac.

Je pense que les comités tiennent une discussion importante sur le contrôle de la consommation publique et la détermination des endroits où elle sera permise. On constate que d’autres ordres de gouvernement agissent à cet égard afin de s’assurer que des règles sont en place en vue de répondre à la question que vous posez.

Le sénateur Munson : Mais il ne sera pas illégal de marcher dans la rue et de fumer du cannabis.

M. Clare : Ce sera illégal, mais ce ne sera pas illégal en vertu du droit criminel fédéral; ce sera illégal sous le régime d’une loi provinciale sur la santé des non-fumeurs. Cela permet une plus grande souplesse pour les agents d’application de la loi ou de règlements administratifs afin qu’ils appliquent ces règles d’une manière qui est proportionnelle à l’infraction qu’ils constatent. Il ne s’agit plus d’une infraction criminelle pour laquelle vous pouvez être accusé et ensuite jugé devant un tribunal pénal et vous retrouver possiblement avec un casier judiciaire, mais vous devrez certainement faire face à la police ou à un agent chargé de faire appliquer le règlement à cet endroit qui vous dira : « Vous n’avez pas le droit de faire cela. Je vais vous le confisquer. Je vais vous donner une contravention et vous allez payer une amende. »

Mme Labelle : Il y a des exemples où une province a interdit la consommation en public, et je crois que c’est le cas en Ontario. Pour ce qui est de votre question à savoir si on verra des gens fumer ou consommer du cannabis dans la rue, selon la législation de l’Ontario, ce serait interdit. La province n’a pas encore déterminé s’il y aura des endroits où il sera légal d’en consommer et quels seront ces endroits, comme commerce de détail ou un certain type de salon. Pour le moment, la consommation est seulement légale en privé.

Le président : D’accord. La bonne nouvelle, c’est que M. Blair est de retour. La mauvaise, c’est que nous avons quatre minutes et quatre intervenants pour la troisième série de questions. Nous avons terminé la deuxième série. À mon avis, la seule façon d’y arriver, et nous allons peut-être déborder un peu même si les gens ici ont d’autres obligations à remplir dans quelques minutes, c’est que les sénateurs que j’ai ici posent chacun leurs questions sans préambule, et ceux qui sont au bout de la table prennent des notes et, lorsque vous aurez posé vos questions, j’irai au groupe de témoins.

La sénatrice Petitclerc : Merci. Selon ce que je comprends, des taxes perçues, 75 p. 100 iront aux provinces et 25 p. 100 iront au gouvernement fédéral. J’aimerais savoir s’il est prévu qu’une partie de ces recettes aille à la sensibilisation et à l’éducation du public.

La sénatrice Seidman : Hier soir, vous avez tenu une séance d’information sur la réglementation et les propositions réglementaires et vous avez présenté les exigences en matière d’emballage et d’étiquetage, mais, si j’ai bien compris, il n’y avait aucune restriction supplémentaire concernant la publicité sur le cannabis. Le projet de loi C-45 n’interdit pas la publicité sur le cannabis en ligne à moins que la personne responsable ait pris « des mesures raisonnables pour que les jeunes ne puissent avoir accès à la promotion ».

Quelles sont ces mesures raisonnables et comment peut-on comparer cette approche aux règles existantes pour le tabac et l’alcool?

La sénatrice Raine : Je veux savoir pourquoi vous permettez la culture de quatre plantes dans une maison d’habitation étant donné qu’il y a déjà des sites de vente de marijuana par correspondance et qu’il est facile d’en acheter par correspondance partout au Canada. Je sais que la culture de marijuana dans des immeubles pose d’énormes problèmes.

La sénatrice Omidvar : Si le cannabis est légalisé, que devrait faire le gouvernement pour faire la paix avec les communautés ethniques qui sont touchées de manière disproportionnée par la prohibition?

Le président : Cela fait quatre questions. Je demanderais à M. Blair s’il désire répondre à l’une d’entre elles, et ensuite M. Costen ou tout autre fonctionnaire pourront poursuivre.

M. Blair : Je suis heureux de répondre, et je le ferai aussi rapidement que possible, monsieur le sénateur. Vous savez que je ne suis pas reconnu pour mes réponses courtes, mais je ferai de mon mieux.

Pour ce qui est de la taxe d’accise, je vais souligner que la taxe d’accise et la taxe de vente s’appliqueront. Cependant, pour ce qui est de la part de 25 p. 100 des recettes de la taxe d’accise qui reviennent au gouvernement fédéral, le premier ministre s’est engagé très clairement à investir cet argent dans la recherche, la prévention, le traitement et la réadaptation.

Nous avons également reconnu que, même avant d’encaisser les recettes après que les processus parlementaires auront pris fin et que le nouveau régime sera établi, nous devions réaliser ces investissements. Nous avons donc effectué des investissements initiaux, mais nous avons pris l’engagement de financer dans l’avenir la recherche, la prévention, l’éducation du public, le traitement et la réadaptation avec la partie des recettes qui revient au gouvernement fédéral.

En réalité, la deuxième question concernait particulièrement la réglementation. Pour ce qui est de la possession de quatre plantes, il s’agit d’une réglementation intéressante. Je reconnais le défi, et nous avons tenu un certain nombre de discussions avec les provinces et les territoires. Ce que nous avons dit, c’est que plus de quatre plantes serait une infraction criminelle et que la production devait être à des fins de consommation personnelle. Quiconque tente de vendre le produit de ces plantes commettrait en réalité une infraction criminelle grave. Cela demeurerait une infraction criminelle grave. La limite de quatre plantes a été établie compte tenu de notre expérience, au cours des 15 dernières années, avec le cannabis thérapeutique. En 2002, il y a d’abord eu le RAMFM, renforcé ensuite par le RMFM et le RACFM, il y a eu trois versions de règlement sur le cannabis thérapeutique, mais la culture personnelle est permise avec des limites. La réglementation permet également des producteurs désignés, ce qui, du point de vue de l’application de la loi, pose de véritables problèmes. Nous ne permettons pas, dans le projet de loi, les producteurs désignés. Nous avons fixé une limite très stricte de quatre plantes par maison d’habitation. Ce n’est pas quatre plantes par personne qui vit dans la maison d’habitation, mais quatre plantes maximum par maison d’habitation. C’était en raison de ce que nous avons entendu dans les témoignages, particulièrement devant le groupe de travail, concernant les défis auxquels font face les organismes d’application de la loi. Je vais vous dire que, pendant une longue période dans la Ville de Toronto, où j’étais chef de police, nous comptions jusqu’à 10 000 immeubles d’habitation où l’on cultivait illégalement du cannabis. Ces immeubles étaient devenus inhabitables. Il y avait des vols d’électricité et des risques d’incendie. Il y avait de la moisissure et d’autres risques pour la santé liés à cette culture. On menait toutes sortes d’activités illicites autour de ces endroits. Nous voulions nous assurer d’éviter cela. C’est la raison pour laquelle nous avons imposé une limite stricte de quatre plantes.

Un sénateur : Pourquoi pas aucune?

M. Blair : Nous avons regardé ce que font d’autres administrations. Par exemple, la Californie, l’Oregon, le Colorado et d’autres États qui ont instauré un régime légal ont tous mis en place la possibilité d’une culture personnelle. Elle commence à quatre plantes. Dans un de ces États, il s’agit de quatre plantes. Plusieurs États permettent 12 plantes. Nous pensions que l’approche la plus prudente était de quatre plantes, mais nous avons également dit aux provinces — et je crois que cela est extrêmement important — qu’elles avaient le pouvoir d’adopter un règlement approprié pour que la culture des quatre plantes soit pratiquée de telle façon à ne pas compromettre la sécurité ou l’ordre public. Par exemple, elles peuvent mettre en place des règlements qui restreignent le type d’immeuble où la culture peut avoir lieu, sa proximité des écoles et l’accès des enfants. Elles peuvent adopter des règlements qui exigent la prise de mesures concernant la sécurité, la bonne circulation de l’air et l’hygiène afin de s’assurer que la situation non réglementée qu’on a constatée antérieurement puisse vraiment être contrôlée aux bons échelons de gouvernance, qui sont les échelons municipal et provincial. C’est ce que nous proposons pour nous occuper de la situation.

Enfin, pour répondre à la question très importante concernant les communautés ethniques, la première fois que je me suis levé dans la Chambre des communes et que j’ai parlé de l’intention du gouvernement de présenter un nouveau régime réglementaire à ce sujet, nous avons parlé du problème de la disproportion, des inégalités au chapitre de l’application de la loi, des répercussions qu’elles ont sur les communautés ethniques, les communautés pauvres, les communautés noires et les communautés autochtones. C’est un des préjudices que nous cherchons à réparer grâce à cette initiative.

Nous reconnaissons que, à l’avenir, cela réduira en réalité, je crois, de manière importante l’effet préjudiciable que ces inégalités ont sur les communautés minoritaires, mais nous reconnaissons également — et le premier ministre a été très clair — que les personnes qui ont un casier judiciaire en raison du cannabis ne sont pas, très franchement, prises en compte dans ce projet de loi. Il existe déjà des lois au Canada concernant la suspension de casier judiciaire, et le premier ministre a pris un engagement selon lequel, lorsque ce travail important… On ne peut pas abroger les lois existantes, le seul système de contrôle du cannabis qui est actuellement en place. Jusqu’à ce qu’il soit abrogé et remplacé par un régime plus efficace, nous encourageons tous les Canadiens à continuer à respecter la loi. Mais lorsque nous aurons abrogé et remplacé cette loi par un système plus exhaustif et plus efficace de contrôle du cannabis, alors je crois que ce sera le bon moment pour tenir une conversation importante sur la façon de remédier à l’effet négatif que ces condamnations pour possession simple ont eu sur tellement de gens. Presque 500 000 Canadiens ont une déclaration de culpabilité pour possession de cannabis. Nous connaissons toutes sortes de gens qui, à la suite d’une erreur de jeunesse, ont été arrêtés pour cette infraction et ont un casier judiciaire, et ils sont autrement des citoyens exemplaires. Ce sont des gens qui sont productifs, décents, honnêtes et honorables, pourtant, ils portent le fardeau de ce casier judiciaire. Nous allons donc tenter de trouver une façon appropriée pour remédier à ce problème, mais cela peut seulement être réalisé après avoir terminé ce travail important.

M. Costen : Je vais répondre à la question de la sénatrice Seidman parce que je crois que M. Blair a répondu aux autres. Très directement, les interdictions de publicité qui sont décrites dans la loi sont tout à fait cohérentes avec celles qui figurent dans la Loi sur le tabac, alors il s’agit de toutes les restrictions que vous pourriez imaginer et qui concernent votre question sur les jeunes. Différents articles décrivent ces interdictions en détail, mais la publicité ne peut pas être vue par les jeunes. Une des contraintes fondamentales est qu’aucune activité promotionnelle ne peut être fausse, trompeuse ou évoquer une série de choses différentes, mais, de façon plus importante, elle ne peut pas être menée d’une manière qui pourrait raisonnablement être vue par un enfant ou un jeune. Alors pour répondre plus précisément à votre question sur la façon dont cela s’applique à Internet, cela exigerait… Et c’est quelque chose qui est immédiatement abordé dans le cadre des discussions que nous tenons avec les provinces et les territoires. Comme vous le savez, ils déploient beaucoup d’efforts pour poursuivre avec leurs plans de construire des magasins ayant pignon sur rue, mais également de créer une plateforme et un commerce électroniques. Nous avons entendu plusieurs exemples ce soir de personnes qui disent que la disponibilité du cannabis est omniprésente.

Il y a des méthodes assez bien établies pour ce qui est de vérifier l’âge. Prenez, par exemple, les autorités de réglementation de la province de l’Ontario. Vous pouvez acheter de l’alcool dans les magasins, et des mécanismes en place exigent un certain niveau de diligence afin de s’assurer que la personne qui achète de l’alcool n’est pas mineure, tant à l’achat qu’à la livraison. Compte tenu du temps, je ne vais pas en parler, mais il existe un éventail de moyens technologiques qu’on peut utiliser. Vous avez tout à fait raison : le projet de loi n’est pas normatif à cet égard. Il reconnaît simplement que ces mécanismes doivent être en place.

Le président : La séance est presque terminée, et nous n’avons seulement qu’effleuré la surface. Il pourrait y avoir beaucoup d’autres questions. Je n’ai pas eu la chance d’en poser une.

Je remercie particulièrement M. Blair d’être revenu à court préavis, et nous espérons vous revoir de même que les autres fonctionnaires, monsieur Costen et tous les autres qui vous accompagnaient aujourd’hui.

Chers collègues, nous reprendrons l’examen du projet de loi C-45 demain matin à 10 h 30. Demain, nous accueillerons les municipalités, un de mes ordres de gouvernement préférés. Nous aurons donc la Fédération canadienne des municipalités et quelques représentants et maires municipaux ici pour parler de l’effet de la loi sur les municipalités.

(La séance est levée.)

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