Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule no 49 - Témoignages du 31 octobre 2018
OTTAWA, le mercredi 31 octobre 2018
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 17, pour examiner, en vue d’en faire rapport, des questions concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général (sujet : étude sur la santé mentale des enfants et des adolescents) et pour étudier le projet de loi S-248, Loi instituant la Journée nationale des médecins.
La sénatrice Chantal Petitclerc (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bienvenue à tous à la réunion du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Français]
Mon nom est Chantal Petitclerc, je suis une sénatrice du Québec et j’ai le plaisir de présider cette réunion.
[Traduction]
Avant de donner la parole à notre témoin — et nous vous remercions d’être là aujourd’hui —, je vais demander à mes collègues de bien vouloir se présenter.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.
[Français]
La sénatrice Poirier : Bienvenue. Sénatrice Rose-May Poirier, de Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Ravalia : Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Munson : Jim Munson, du Canada.
La sénatrice Dasko : La sénatrice Dasko, de Toronto, en Ontario.
[Français]
La présidente : Merci. Pour la première heure, nous continuons notre étude sur la santé mentale des enfants et des adolescents.
[Traduction]
J’aimerais commencer par présenter notre témoin. Je suis heureuse d’accueillir ce soir Dakota Laliberte, représentant du Conseil des jeunes Autochtones de l’Association nationale des centres d’amitié. Bienvenue.
Je vous rappelle que vous avez sept minutes pour présenter votre déclaration préliminaire. Nous vous poserons ensuite des questions.
Dakota Laliberte, représentant du Conseil des jeunes Autochtones, Association nationale des centres d’amitié : Je suis un Métis d’une petite collectivité nordique appelée Île-à-la-Crosse, en Saskatchewan. Je suis un représentant du Conseil des jeunes Autochtones de l’Association nationale des centres d’amitié, l’ANCA. Avant de commencer, je tiens à souligner que nous nous rencontrons aujourd’hui sur le territoire non cédé des Algonquins. Je vous remercie de me donner l’occasion de discuter de la santé mentale des enfants et des jeunes et, plus précisément, du point de vue des Autochtones en milieu urbain.
Selon le recensement de 2016, plus de 61,1 p. 100 des Autochtones vivent dans les villes canadiennes. En outre, les jeunes Autochtones sont le groupe démographique qui affiche la croissance la plus rapide au Canada. Le point de vue des Autochtones urbains est souvent oublié dans le cadre de l’approche de nation à nation.
Je tiens à vous remercier de me permettre de vous présenter ce qui suit.
Pour commencer, je veux vous faire part de trois choses : premièrement, je vais vous donner un très bref aperçu du mouvement des centres d’amitié, deuxièmement, je vais vous parler des principaux obstacles en matière de santé mentale que j’ai constatés et dont nos jeunes Autochtones ont parlé et, troisièmement, je vais vous parler de certaines des façons utilisées par les centres d’amitié pour composer avec ces obstacles et vous mentionner des solutions dont les jeunes nous ont parlé directement.
Les centres d’amitié sont l’infrastructure de prestation de service à l’intention des Autochtones qui vivent à l’extérieur des réserves. Ces centres sont les principaux fournisseurs de programmes et services adaptés sur le plan culturel à l’intention des Autochtones qui vivent en ville et de ceux qui y viennent temporairement.
Depuis plus de 60 ans, les centres d’amitié travaillent en collaboration avec les communautés autochtones urbaines et auprès d’elles sans tenir compte de leur statut, et la jeunesse est au cœur même du mouvement des centres d’amitié.
Les centres d’amitié soutiennent les Autochtones en milieu urbain grâce à plus de 1 800 programmes et services différents adaptés sur le plan culturel dans les domaines de la santé, de l’hébergement, de l’éducation, des loisirs, de la langue, de la justice, de l’emploi, du développement économique et du bien-être culturel et communautaire. En 2015, il y a eu 2,3 millions d’interactions avec des clients. Du nombre, plus de 16 000 interactions visaient de jeunes clients.
Les services sont adaptés en fonction des besoins de chaque personne qui entre dans un centre d’amitié, ce qui peut inclure les obstacles liés à la santé mentale auxquels les jeunes Autochtones en milieu urbain sont confrontés. La culture et l’identité de nos jeunes doivent être au cœur de toutes nos initiatives.
En 2016, l’ANCA a adopté une résolution liée à la santé mentale selon laquelle elle allait mobiliser les gens et trouver des fonds pour offrir des services appropriés en matière de santé mentale dans ses centres d’amitié partout au pays de façon à pouvoir aider nos frères et nos sœurs touchés par ces maladies.
Grâce à la collaboration avec le CJA et l’ANCA, on a lancé une initiative nationale de prévention du suicide chez les Autochtones par l’intermédiaire de notre mouvement des centres d’amitié.
Durant l’exercice 2014-2015, environ 19 000 clients ont eu accès à des programmes liés à la santé mentale. Cette situation reflète les importants besoins en matière de mesures de soutien propres aux Autochtones dans le domaine de la santé mentale.
Je veux vous parler de certains des principaux obstacles liés à la santé mentale pour les enfants et les jeunes Autochtones, dont, premièrement, l’épidémie de suicides chez les jeunes Autochtones. Beaucoup de jeunes Autochtones tentent de se suicider, y parviennent ou ont des idées suicidaires, particulièrement dans les collectivités nordiques éloignées. Les tentatives ou les pactes de suicide sont souvent communiqués, exprimés et parfois aussi diffusés sur les médias sociaux.
Les jeunes Autochtones en crise ou leur famille sont souvent envoyés dans les centres urbains pour y obtenir des services en santé mentale en raison du manque de soutien dans leur propre collectivité. Les centres d’amitié peuvent fournir un lien direct vers des services culturels lorsque des jeunes se retrouvent dans de tels centres urbains.
Pour ma part, je travaille comme ambulancier paramédical dans le Nord de la Saskatchewan et je vois couramment des jeunes et des adultes en crise. C’est moi qui réponds à ces appels. Je suis la solution temporaire pour ces personnes; une solution temporaire à un problème beaucoup plus grand qu’eux. J’ai vu directement le système envoyer des jeunes et des adultes vers le Sud parce que nous n’avons pas les ressources nécessaires pour les aider.
Pour ce qui est de l’avenir, le rapport du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord intitulé Point de rupture : la crise de suicide dans les communautés autochtones, publié en juin 2017, présente des recommandations tangibles formulées par de nombreux témoins, y compris des jeunes Autochtones.
Le comité permanent a formulé 28 recommandations, dont deux, particulièreent dignes de mention, soit la recommandation no 14 :
Que le gouvernement du Canada veille à ce que les centres d’amitié obtiennent un financement adéquat et pluriannuel pour qu’ils puissent continuer d’offrir des programmes, des services et des investissements en infrastructure pour appuyer les personnes autochtones.
Et la recommandation no 24 :
Que le gouvernement du Canada mette des espaces sûrs à la disposition des jeunes et de leur famille en cas de crise pour que les jeunes puissent se rétablir en cas de détresse ou de tentative de suicide.
Les stratégies actuelles qui visent à lutter contre l’épidémie de suicides chez les jeunes Autochtones n’ont pas encore obtenu le niveau de soutien communautaire nécessaire. Les centres d’amitié peuvent fournir des espaces sécuritaires et misent sur les réseaux communautaires pour y arriver.
Le Secrétariat du mieux-être des jeunes et des communautés autochtones a été créé en juillet 2017 pour aider à régler les crises liées à la sécurité en cours et les hauts taux de suicide de jeunes dans les collectivités des Premières Nations et les centres urbains du Nord. Les responsables ont estimé que le suicide d’un jeune coûte 1 million de dollars. Il faut absolument investir dans la vie des jeunes Autochtones.
Deuxièmement, l’inaccessibilité d’installations de santé mentale pour les Autochtones en zone urbaine est un autre obstacle rencontré.
Lorsqu’on cherche à obtenir un soutien médical ou lié à la santé mentale, il manque de programmes fondés sur le principe de non-distinction. Il manque souvent de places et de liens culturels au moment de tenter d’obtenir un soutien médical ou lié à la santé mentale.
La réalité, c’est que l’Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis et l’Inuit Tapiriit Kanatami ne nous représentent pas et ne servent pas tous les Autochtones. La majeure partie des Autochtones n’ont pas le statut d’Indienvivant dans les réserves. En outre, ils ne peuvent pas retracer leurs origines jusqu’aux terres des Métis et ne viennent pas des territoires inuits.
Si les décideurs canadiens continuent d’utiliser un cadre fondé sur la distinction, alors les Autochtones en milieu urbain n’auront pas accès aux programmes pour Autochtones.
Troisièmement, le principal obstacle que nous constatons au moment de répondre aux besoins en matière de santé mentale, c’est qu’il n’y a pas actuellement de volet de financement de base pour les jeunes qui permettrait de s’attaquer aux problèmes de santé mentale. Il n’y a pas non plus de services et de programmes culturels dans les centres urbains.
Les programmes pour les jeunes en milieu urbain, les conseils de jeunes et la participation des jeunes n’ont pas été soutenus comme ils auraient pu l’être vu que les centres d’amitié ont reçu un financement de base lié précisément aux jeunes depuis 2014; ce financement était lié au renforcement des capacités culturelles des jeunes Autochtones.
Il n’y a pas eu de volet de financement précis depuis cette époque, et les centres d’amitié ont besoin de soutien spécifique aux jeunes.
Les jeunes Autochtones qui vivent en milieu urbain et viennent dans nos centres d’amitié nous ont dit directement qu’ils voulaient des programmes permettant de soutenir une santé mentale positive et de réduire le nombre de suicides, d’appuyer les conseils de jeunes et d’encourager leur participation, de favoriser l’égalité des genres et la représentation des esprits LGBTQ2, non binaires et transgenres, de fournir des occasions d’apprendre les langues autochtones et de réaliser des activités culturelles, comme l’apprentissage axé sur le territoire.
Rien de tout cela ne peut se produire au niveau que nous souhaitons sauf s’il y a un volet de financement de base pluriannuel ciblé pour les jeunes visant précisément les jeunes Autochtones qui fréquentent nos centres d’amitié.
Nous demandons au gouvernement d’appliquer l’appel à l’action no 66 de la CVR :
Nous demandons au gouvernement fédéral d’établir un financement pluriannuel destiné aux organisations communautaires œuvrant auprès des jeunes pour leur permettre d’offrir des programmes sur la réconciliation, et de mettre en place un réseau national de mise en commun de renseignements et de pratiques exemplaires.
Nous avons besoin d’un coordonnateur de la jeunesse dans chaque centre d’amitié. Nous encouragerons ainsi la participation des jeunes tout en nous attaquant au nombre important d’enfants et de jeunes Autochtones qui ont des problèmes de santé mentale.
Merci beaucoup de m’avoir accordé du temps et de m’avoir permis de présenter un exposé à des gens aussi extraordinaires.
La présidente : Merci, monsieur Laliberte. Nous avons des questions à vous poser.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup d’être parmi nous aujourd’hui et de nous aider à comprendre certains de ces grands enjeux.
J’aimerais comprendre certaines choses au sujet des services de santé et quant à la façon dont ils sont offerts, surtout aux jeunes en milieu urbain. Vous avez dit que 61 p. 100 des jeunes vivent dans des zones urbaines.
Premièrement, j’aimerais essayer de comprendre : est-ce que les gens ont tendance à vivre et à rester dans des zones urbaines ou est-ce qu’ils ont tendance à passer d’une région à l’autre, de retourner à la réserve, puis de revenir en ville? Dans l’affirmative, quels sont les enjeux de compétence qui s’appliquent ici? Y a-t-il des problèmes en raison du trop grand nombre d’administrations, de parties, d’administrations municipales, de gouvernements provinciaux et d’entités du gouvernement fédéral? Y a-t-il des problèmes liés à la coordination des services?
M. Laliberte : À la lumière des observations liées à ma propre collectivité — parce que je viens d’une collectivité rurale —, je constate que beaucoup de nos jeunes, mais aussi des adultes, partent vers le Sud, dans les centres urbains, pour obtenir des ressources et pour permettre à leurs enfants d’aller à l’école ou d’obtenir des services, des choses comme ça. Pouvez-vous me préciser ce que vous voulez dire par « administrations »?
La sénatrice Seidman : Qui coordonne les services de santé dont vous avez besoin? Y a-t-il différents ordres de gouvernement qui participent et essaient de fournir ces services urbains en zone urbaine?
M. Laliberte : Nous allons devoir vous revenir là-dessus. Je suis désolé, mais je ne peux pas répondre à cette question aujourd’hui.
La sénatrice Seidman : Pourriez-vous alors peut-être être un peu plus précis pour nous aider à comprendre les genres de services dont les jeunes qui vivent en milieu urbain ont vraiment besoin?
M. Laliberte : Lorsqu’il est question de santé mentale et des services connexes, je crois qu’il est important que ces services soient accessibles dans les centres urbains. Je travaille comme ambulancier, et nous envoyons constamment des gens vers le Sud, parce que nous n’avons pas les ressources pour prendre soin d’eux nous-mêmes.
Il n’y a pas d’occasion d’obtenir des services de santé mentale adaptés d’un point de vue culturel dans les centres urbains. Vous savez, ces services ne serviraient pas uniquement aux gens qu’on envoie dans les centres urbains : ils seraient à la disposition des jeunes qui sont déjà là et qui ont besoin d’un endroit où aller et de quelqu’un à qui parler.
La sénatrice Seidman : En ce qui concerne les jeunes qui vivent dans les centres urbains, vous parlez d’espaces sûrs pour les jeunes. Essayez-vous de dire que ces endroits sûrs où les jeunes peuvent être à l’aise, ce sont des environnements familiers d’un point de vue culturel où il y a des professionnels à même de les aider d’une façon qui leur est adaptée, et que cela n’existe pas à l’heure actuelle?
M. Laliberte : Dans mon cas, je vivais à Regina, en Saskatchewan, et il n’y avait pas d’endroit que je pouvais considérer comme un foyer. Je n’avais nulle part où aller et je ne pouvais pas me tourner vers les miens. La création d’endroits sûrs dans les centres urbains serait bénéfique pour des gens comme moi. Je vis dans la ville, et, parfois, je me sens très seul.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup. C’est très utile.
M. Laliberte : Merci.
Le sénateur Munson : Merci d’être là, Dakota. Le pourcentage dont vous avez parlé au début, c’était 61 p. 100?
M. Laliberte : C’était 61,1 p. 100.
Le sénateur Munson : Des gens qui vivent à l’extérieur des réserves?
M. Laliberte : C’est ce qu’on apprend des centres d’amitié.
Le sénateur Munson : Je dis toujours qu’on doit avoir un équilibre dans notre approche à l’égard des jeunes Autochtones et des enjeux auxquels sont confrontés ceux qui vivent à l’intérieur et à l’extérieur des réserves de la Saskatchewan, en particulier. Je le dis, parce qu’il s’agit du segment de la population qui affiche la plus forte croissance en Saskatchewan, non?
M. Laliberte : Oui.
Le sénateur Munson : Dans l’ensemble, il y a tellement d’histoires de réussite. Il y a tellement de jeunes qui vont à l’université, qui deviennent des avocats, des jeunes comme vous, qui êtes ambulancier.
De quelle façon décririez-vous les jeunes Autochtones qui partent à l’université et qui ont découvert des choses et ceux qui n’en ont pas découvert? Est-ce que la majorité se porte bien? Avez-vous des chiffres sur la façon dont les choses se passent?
M. Laliberte : J’aimerais parler des 61,1 p. 100. C’est le pourcentage d’Autochtones qui vivent dans les villes canadiennes.
Pouvez-vous poser de nouveau la question? Je ne suis pas sûr de très bien comprendre.
Le sénateur Munson : Ça va. C’était probablement une question mal formulée.
Je pense que, parmi les Autochtones, il y a de nombreux jeunes hommes et de nombreuses jeunes femmes qui se portent bien, même s’il y en a beaucoup qui ont besoin d’aide. J’essaie de trouver un juste équilibre dans ma question en tenant compte de ceux qui vont bien au sein du groupe. Aident-ils ceux qui ne vont pas bien? Font-ils partie intégrante du travail auprès d’autres jeunes Autochtones seuls et perdus dans la ville? Est-ce quelque chose qu’on fait par l’intermédiaire des centres d’amitié — je parle ici de bénévolat — afin de dire aux gens qu’il y a peut-être une autre façon de régler certains de leurs problèmes de santé mentale?
M. Laliberte : D’accord. Vous me demandez simplement si les jeunes qui réussissent...
Le sénateur Munson : Certaines personnes en prennent-elles d’autres sous leur aile, comme mentors ou pairs? Et se pourrait-il que, avec l’aide du milieu universitaire, du gouvernement ou des services sociaux, on déploie un effort coordonné pour aider ceux qui se sentent perdus et sentent le besoin de s’enlever la vie? Est-ce incohérent ou est-ce quelque chose d’intégré qui se produit dans la province?
M. Laliberte : Je vais prendre mon cas comme exemple. J’essaie d’aider le plus de gens possible. L’une des raisons pour lesquelles je suis devenu ambulancier, c’était pour me considérer comme une réussite parce que j’avais quitté ma collectivité natale. Je suis maintenant de retour chez moi et j’offre mes services. Je fais aussi partie du conseil de mon centre d’amitié local et je suis membre d’autres conseils qui s’occupent d’enjeux liés à la santé mentale et à la santé. Je suis membre du groupe sur le mieux-être mental dans ma collectivité en compagnie de médecins, d’infirmières et d’infirmiers et de membres de la collectivité. J’essaie de redonner le plus possible. Je ne suis pas le seul. J’encadre d’autres jeunes pour qu’ils puissent aider au sein de la collectivité.
C’est là un premier grand pas important vers quelque chose de grand.
Le sénateur Munson : J’ai une autre question. Connaissez-vous le Congrès des Peuples autochtones, le CPA?
M. Laliberte : Pas nécessairement, non.
Le sénateur Munson : Il s’agit d’une organisation nationale qui représente les Métis hors réserve. Il tire son origine du Conseil national des Autochtones, avec Harry Daniels, et il a ensuite changé de nom pour devenir le CPA. Vous ne connaissez pas ce groupe. J’aurais pensé qu’il aurait joué un rôle relativement aux enjeux dont on parle aujourd’hui, mais il ne serait pas juste de ma part de vous poser cette question si vous ne savez pas ce que le CPA fait.
M. Laliberte : J’ai entendu le nom, mais je ne suis pas sûr à 100 p. 100 de ce que fait le CPA.
Le sénateur Munson : Vous avez parlé d’une personne perdue dans la ville, qui se sent seule et ainsi de suite. Elle pense au suicide et pense à mettre fin à ses jours. Vous en avez parlé dans votre déclaration préliminaire. Dans le système, y a-t-il un endroit vers lequel cette jeune personne peut se tourner pour dire : « Voici comment je me sens »? Y a-t-il une façon de régler le problème avant qu’elle passe à l’acte, et ce, dans la collectivité où vous travaillez?
M. Laliberte : Je ne dis pas nécessairement que les gens envisagent le suicide, mais la situation pourrait assurément mener à cela.
Le sénateur Munson : À la dépression.
M. Laliberte : Le simple fait de se sentir seul et d’être dans un endroit complètement étranger... Offrir des services et des programmes aux jeunes Autochtones... Je n’avais pas accès à cela. Tout ce que j’avais, c’était les services pour les étudiants autochtones à l’école polytechnique de la Saskatchewan. Je me tenais là, mais je ne disais pas aux gens comment je me sentais ni quoi que ce soit. D’une certaine façon, je me sentais un peu chez moi. La situation aurait définitivement pu mener à la dépression. C’est ainsi que je me sentais, parfois.
Le sénateur Munson : Merci. J’aurais peut-être d’autres questions à poser tantôt. Merci beaucoup.
La sénatrice Poirier : Merci, Dakota, d’être là et de nous faire part de certaines de vos expériences et de vos connaissances. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Je sais que vous en avez parlé rapidement, mais j’aimerais que vous nous en disiez plus sur les défis auxquels les personnes sont confrontées lorsqu’elles déménagent dans un centre urbain. Quel genre de programmes et de ressources sont accessibles pour les aider durant cette période de transition?
M. Laliberte : Comme dans nos centres d’amitié?
La sénatrice Poirier : Oui.
M. Laliberte : Actuellement, mon centre d’amitié local n’offre rien pour faciliter la transition. Je crois que certains centres d’amitié aident les jeunes durant leur transition dans les centres urbains.
Je peux assurément vous revenir là-dessus. Je ne veux pas vous induire en erreur.
La sénatrice Poirier : Le plus grand défi auquel les centres d’amitié sont confrontés, c’est la prestation de programmes et de services de santé mentale appropriés d’un point de vue culturel. Actuellement, quel genre d’aide le gouvernement fédéral offre-t-il aux centres d’amitié partout au pays? Et ce soutien est-il suffisant? Dans la négative, que pourrait-il faire de plus?
M. Laliberte : Je ne crois pas que ce soit suffisant. Il y a beaucoup de jeunes partout au Canada qui n’ont nulle part où aller, et ce, même dans les collectivités rurales. Dans les centres urbains, les jeunes peuvent aller au cinéma, à la piscine... Il y a plein de choses à faire. Les jeunes Autochtones ont certains endroits où ils peuvent aller, mais nos centres d’amitié ne fournissent pas assez de services de santé mentale.
Je crois — tout notre conseil croit — que nous devrions offrir des services de santé mentale dans nos centres d’amitié ou même miser sur un coordonnateur des jeunes pour aider les jeunes durant ces transitions... Les déménagements en ville ou un soutien lié à ce genre de choses.
La sénatrice Poirier : Est-ce que les centres d’amitié obtiennent une aide quelconque du gouvernement fédéral?
M. Laliberte : Un soutien fédéral?
La sénatrice Poirier : Oui. Soit de la main-d’œuvre, de l’argent, peu importe. Obtenez-vous une aide quelconque?
M. Laliberte : Je vais devoir vous revenir là-dessus. Je pourrais vous dire que, dans le cas de mon conseil des jeunes, il y a un financement, je suis à peu près sûr que ça s’appelle... Je vais devoir vous revenir là-dessus. Je suis désolé.
La sénatrice Poirier : Ça va.
J’aimerais savoir quelle est la différence en ce qui concerne les services que vous offrez... À Ottawa, il y a un centre d’amitié et un Centre d’accès aux services de santé pour les Autochtones. Quels sont les rôles et quelles sont les différences entre les deux? Le savez-vous?
M. Laliberte : Je ne connais pas bien le centre pour les Autochtones dont vous venez de parler. Pour ce qui est de notre centre d’amitié, nous n’offrons pas ce genre de programmes et services complets aux Autochtones.
La sénatrice Poirier : Quelle est la chose principale que vos centres d’amitié offrent actuellement à l’échelle du pays? Les centres en milieu urbain... Quelle est la principale chose que vous offrez lorsqu’une personne entre dans un de vos centres d’amitié en milieu urbain?
M. Laliberte : Je ne sais pas exactement ce que chaque centre d’amitié offre, mais il y a des programmes, comme l’accès à des travailleurs de soutien communautaires et des auxiliaires parajudiciaires. Je ne connais pas vraiment ce que font les autres. Nous pouvons certainement vous revenir là-dessus.
La sénatrice Poirier : Ces travailleurs, ils sont fournis par les gouvernements provinciaux ou le gouvernement fédéral ou s’agit-il de bénévoles?
M. Laliberte : Je suis assez sûr que les auxiliaires parajudiciaires sont fournis par le gouvernement provincial. Dans le cas des travailleurs de soutien communautaire, je suis à peu près certain qu’ils sont fournis par le gouvernement fédéral. Oui.
La sénatrice Poirier : Merci.
Le sénateur Ravalia : Merci, Dakota. Vous avez fait allusion à des services de santé adaptés sur le plan culturel. Si vous aviez une quantité de ressources illimitées, quelles sont les choses précises que vous mettriez en place dans votre centre d’amitié, les choses qui, selon vous, pourraient soutenir la bonne santé mentale de vos jeunes? Y a-t-il des choses que vous aimeriez avoir ou des domaines pour lesquels vous aimeriez obtenir des ressources?
Par exemple, est-ce que des travailleurs de la santé autochtones, des équipes autochtones, des groupes de soutien autochtones seraient mieux adaptés et plus appropriés pour votre communauté que des personnes qui ne comprennent pas complètement votre culture?
Si vous vouliez vraiment avoir une équipe à vos côtés, à quoi cette équipe ressemblerait-elle?
M. Laliberte : Je crois que ce serait tout simplement merveilleux d’avoir tous les types de ressources que notre centre d’amitié pourrait bien vouloir. Je crois que beaucoup de jeunes, et pas seulement les jeunes, mais les gens en général... Pouvoir compter sur un travailleur de la santé mentale, pouvoir embaucher un Autochtone dans ce rôle ou encore avoir des coordonnateurs des services pour les jeunes... Bon nombre de nos centres de jeunes ne bénéficient pas d’un coordonnateur responsable d’assurer la prestation des programmes, et il y a donc beaucoup de personnes qui n’ont rien à faire.
Le sénateur Ravalia : Un peu comme des mesures de soutien pour les loisirs?
M. Laliberte : Je crois qu’un soutien pour les loisirs est très bon pour la santé mentale. C’est bon pour moi. J’aime les sports récréatifs, l’entraînement et ce genre de choses.
Le sénateur Ravalia : En ce qui concerne la composition d’une équipe de soins de santé en tant que telle, croyez-vous qu’une infirmière ou un infirmier ou une équipe de personnes qui connaissent la culture autochtone seraient mieux adaptés pour travailler dans un centre d’amitié comparativement à une visite traditionnelle au cabinet d’un médecin?
M. Laliberte : Je me sentirais plus à l’aise en tant qu’Autochtone d’aller dans un centre d’amitié et de pouvoir parler à quelqu’un. Cela n’a pas nécessairement à être du personnel infirmier. Des travailleurs en santé mentale, qui seraient là pour écouter une personne qui a mal, qui a besoin de soutien...
Le sénateur Ravalia : Merci beaucoup.
[Français]
La sénatrice Mégie : Bonjour. J’aimerais savoir si vous avez un intervenant au centre d’amitié qui tient compte du nombre de jeunes qui viennent y chercher des services. Pour faire une demande de budget, il faut savoir combien de jeunes sont passés chez vous, quels sont les résultats de vos interventions, ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné. Y a-t-il quelqu’un qui est chargé de cette tâche?
[Traduction]
M. Laliberte : Quelqu’un compte-t-il le nombre de jeunes qui entrent chez nous? Oui. Il y a définitivement des gens qui tiennent compte des jeunes. Parce que les jeunes, comme je l’ai dit, sont au cœur des activités de notre centre d’amitié. Ils constituent l’une de nos nombreuses priorités, alors il y a assurément quelqu’un qui fait un suivi des personnes qui entrent chez nous. Peu importe qu’il s’agisse d’aînés ou de jeunes.
[Français]
La sénatrice Mégie : Vous pourriez savoir s’ils sont satisfaits des services, si les services ont été couronnés de succès. Il sera important pour vous d’avoir de telles statistiques, si vous voulez obtenir des subventions.
[Traduction]
M. Laliberte : Il y a beaucoup de programmes qui fonctionnent bien au sein de notre centre d’amitié. Dans mon centre, par exemple, nous avons beaucoup de programmes efficaces comme les travailleurs de soutien communautaire et les auxiliaires parajudiciaires. Nous avons des travailleurs en garderie. Il y a beaucoup de programmes qui fonctionnent au sein du centre d’amitié. Les services fournis sont excellents.
C’est l’une des nombreuses raisons pour lesquelles je me suis joint aux centres d’amitié. Il s’agit d’une organisation absolument extraordinaire.
[Français]
La sénatrice Mégie : Merci.
La présidente : Nous ferons le suivi pour tenter d’obtenir ces statistiques qui vont beaucoup nous aider.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Merci d’être là aujourd’hui.
Je veux vous poser une question qui est en quelque sorte une variante de celle que vous a posée le sénateur Ravalia. Il vous a demandé ce que vous feriez avec des fonds illimités. Dans le monde réel, nous savons que le financement fourni est toujours limité, alors où dépenseriez-vous les fonds? Quel est le premier endroit où vous dépenseriez l’argent afin de soutenir la santé mentale des clients et des jeunes qui entrent dans les centres? Que feriez-vous avec l’argent?
M. Laliberte : Où est-ce que je dépenserais l’argent et qu’est-ce que j’en ferais?
La sénatrice Dasko : Quelle serait la meilleure façon de dépenser l’argent, la façon la plus efficace de l’utiliser pour obtenir les meilleurs résultats et le meilleur soutien pour les gens?
M. Laliberte : Ce serait assurément pour embaucher des travailleurs en santé mentale autochtones. Je vais continuer de parler des travailleurs en santé mentale. Ils ne se limitent pas à des services de santé mentale de nature autochtone, mais le travail qu’ils font est merveilleux. J’ai parlé à des amis qui ont parlé à ces personnes, et cela les a aidés beaucoup. Ce genre d’intervention les aide à composer avec leurs émotions et leur dépression.
Puisque la santé mentale est un enjeu tellement important au pays, c’est là que j’affecterais les fonds, pour aider non seulement les jeunes, mais les gens de façon générale. Je vois des problèmes de santé mentale chez des gens âgés de 10 à 80 ans, et c’est fou. Nous offririons ce genre de service par l’intermédiaire de notre centre d’amitié, qui est un endroit agréable, confortable et gratuit, un endroit où les gens peuvent venir prendre un café ou un thé en compagnie d’une personne en qui ils ont confiance qui fait partie de leur cercle autochtone.
La sénatrice Dasko : Cette personne serait donc un conseiller et elle aiderait juste les gens qui franchissent la porte en discutant de ces enjeux avec eux? Ce serait une personne formée, n’est-ce pas? Ce serait un travailleur social ou un psychologue?
M. Laliberte : Oui.
La sénatrice Dasko : Voyez-vous des différences entre les jeunes hommes et les jeunes femmes qui entrent dans les centres d’amitié en ce qui concerne les enjeux auxquels ils font face?
M. Laliberte : Oui, j’en vois. Quand je parle avec de jeunes femmes, je vois que les médias sociaux sont leur exutoire et leur planche de salut. Si elles ne reçoivent pas beaucoup de « J’aime » sur une image ou de commentaires sur leur photo, juste au chapitre des relations, des choses comme celles-là peuvent vraiment abaisser leur estime d’elles-mêmes.
Dans le cas des jeunes hommes, je trouve que les problèmes naissent plus souvent dans leur famille. Leurs parents boivent beaucoup ou vendent leurs effets personnels pour avoir un autre high. En tant qu’ambulancier paramédical, je trouve que les femmes éprouvent souvent plus de problèmes de santé mentale.
La sénatrice Dasko : Des problèmes plus graves?
M. Laliberte : Assurément plus graves, oui. Les garçons n’aiment pas vraiment parler aux gens. Je n’aime pas vraiment parler aux gens, mais il faut le faire, et il y a donc cette différence entre les garçons et les filles. Les gars n’aiment pas vraiment parler de ce qu’ils ressentent, et les filles l’expriment aisément.
La sénatrice Dasko : C’est comme une affaire de gars, n’est-ce pas?
M. Laliberte : Oui.
La sénatrice Dasko : Merci.
La sénatrice Eaton : Merci, Dakota. J’essaie d’imaginer à quel point cela doit être difficile. C’est assez difficile de déménager d’une ville à une autre, même si c’est la même culture que celle dans laquelle vous avez grandi. Si vous venez d’une collectivité du Nord qui compte 300 ou 400 personnes et que vous déménagez à Ottawa ou à Toronto, où la culture est très différente, j’imagine qu’un jeune serait exposé à de nombreux enjeux, même s’il a un travail ou va à l’école.
Si je venais d’une des collectivités autochtones du Nord du Manitoba, par exemple, et que j’étudiais à l’Université d’Ottawa, y aurait-il un système de mentorat si je me présentais au centre? Je pourrais évidemment rencontrer d’autres gens de mon âge, mais y a-t-il une forme de système de mentorat pour que les gens qui sont passés par là puissent aider?
M. Laliberte : C’est une des raisons pour lesquelles nous voulons obtenir du financement afin d’offrir ce type d’occasion. Beaucoup de travailleurs vont juste cesser de faire ce qu’ils font et parler à cette personne, parce qu’elle leur fait confiance. Elle les a rencontrés dans la collectivité, et ce sont des personnes à qui elle peut parler et faire confiance, par rapport à n’importe quoi.
La sénatrice Eaton : Ce sont des gens qui ont vécu ce qu’elle a vécu?
M. Laliberte : Oui.
La sénatrice Eaton : Veniez-vous d’une collectivité autochtone à l’extérieur d’une ville ou avez-vous toujours vécu dans un centre urbain?
M. Laliberte : J’ai vécu dans une collectivité rurale d’environ 2 000 âmes. J’ai déménagé à Regina, en Saskatchewan, qui est un centre urbain et notre capitale.
La sénatrice Eaton : Est-ce que cela a été un grand changement culturel pour vous?
M. Laliberte : C’en a été un, assurément. J’ai été victime de beaucoup de racisme, et cela m’a amené dans une spirale descendante. Je n’avais pas de bonnes notes en classe pour cette raison.
La sénatrice Eaton : Y avait-il un centre d’amitié à Regina?
M. Laliberte : Oui, il y en a un.
La sénatrice Eaton : Ce centre vous a-t-il aidé?
M. Laliberte : Je n’ai pas communiqué avec lui parce que je n’étais pas vraiment au courant de l’existence des centres d’amitié à l’époque.
La sénatrice Eaton : Croyez-vous que c’est le cas de beaucoup de jeunes qui viennent des collectivités nordiques, c’est-à-dire qu’ils ignorent votre existence? Ou sont-ils au courant de votre existence?
M. Laliberte : La plupart des gens sont au courant de notre existence. Je connaissais les centres d’amitié, mais je ne savais pas tout à fait ce qu’ils faisaient.
La sénatrice Eaton : Nous étudions le suicide. Dans votre centre d’amitié, y a-t-il des experts formés en santé mentale ou des gens ayant une formation suffisante en santé mentale qui reconnaissent les signes du fait qu’une personne est sur le point de se suicider, veut le faire ou a des idées suicidaires?
M. Laliberte : En ce moment, il n’y a pas d’experts en santé mentale, mais nous avons des gens qui suivent une formation de prévention ou encore des formations comme safeTALK ou ASIST. Juste en suivant ces formations, les travailleurs peuvent remarquer des signes chez les personnes qui franchissent nos portes et souffrent de dépression ou ont ces pensées et ces idées suicidaires.
La sénatrice Eaton : Vous occupez-vous aussi des dépendances dans les centres?
M. Laliberte : Je crois que dans certains centres, oui, mais pas tous.
Le sénateur Manning : Merci, Dakota, du temps que vous nous accordez aujourd’hui. Les centres d’amitié collaborent-ils les uns avec les autres et font-ils part de leurs pratiques exemplaires, de leurs préoccupations ou de leurs enjeux? Votre centre collabore-t-il avec d’autres pour que vous puissiez mettre en œuvre certaines des choses qui fonctionnent dans certains centres que vous ne connaissez peut-être pas?
M. Laliberte : Assurément, oui, nous collaborons beaucoup. Nous nous écoutons les uns les autres et nous nous demandons : « Qu’est-ce qui fonctionne dans votre centre d’amitié? » Nous avons essayé de le faire quand les choses ne fonctionnaient pas pour nous. Il y a assurément beaucoup de collaboration et de discussions entre les centres d’amitié et notre association provinciale-territoriale. Oui, il y en a assurément.
Le sénateur Manning : Il y a un vieux dicton qui dit que mieux vaut prévenir que guérir. Les centres d’amitié tendent-ils la main à la collectivité? Parfois, il y a un préjugé associé au fait, pour les jeunes, de vous faire part de leurs problèmes et de chercher de l’aide, et ils vont donc se tenir à l’écart, particulièrement s’ils traversent une période difficile. Ils ne sont peut-être pas au courant de ce qui existe, comme vous en avez parlé plus tôt. Les centres d’amitié ont-ils une façon d’aller dans la collectivité, de faire des activités de sensibilisation, d’offrir des services et de parler aux jeunes au sujet de ce qui est offert dans le centre d’amitié et de ce à quoi ils peuvent participer?
M. Laliberte : Nous organisons assurément des événements communautaires. Nous publions constamment du contenu sur notre page Facebook ou posons des affiches dans toute la collectivité et invitons les gens à assister à nos activités et à nos événements. Nous faisons beaucoup de publicité au sujet de notre centre d’amitié.
Le sénateur Manning : Lorsque vous collaborez ou dialoguez avec d’autres centres d’amitié, avez-vous l’impression que les ressources qui vous manquent ou que les services que vous êtes incapables de fournir, parce que vous n’avez pas les ressources financières pour le faire, sont semblables à ceux des autres centres d’amitié? Les préoccupations propres à votre centre, pour ce qui est des services, sont-elles semblables à celles des autres centres d’amitié avec lesquels vous parlez?
M. Laliberte : Je ne comprends pas vraiment la question.
Le sénateur Manning : Vous éprouvez des problèmes dans votre centre d’amitié, et il y a des choses que vous aimeriez offrir, des fonds que vous aimeriez pouvoir obtenir pour pouvoir fournir ces services dans votre collectivité. Lorsque vous collaborez avec d’autres centres d’amitié, trouvez-vous qu’ils éprouvent les mêmes problèmes pour ce qui est de fournir ces services?
M. Laliberte : Je peux dire que les collectivités partagent beaucoup des mêmes préoccupations au sujet du suicide, de la dépression et des problèmes de santé mentale. Certains programmes fonctionnent pour certains centres, mais pas pour tous.
Le sénateur Manning : Est-ce en raison d’un manque de ressources?
M. Laliberte : Absolument, oui.
La présidente : C’est tout le temps que nous avons, Dakota. Merci. Meegwetch. Tout le monde est reconnaissant que vous ayez pris le temps de venir ici, et cela a été utile à notre étude. Merci d’être ici.
[Français]
Nous allons poursuivre notre étude du projet de loi S-248, Loi instituant la Journée nationale des médecins.
[Traduction]
Je suis heureux d’accueillir nos deux témoins. Nous sommes ravis d’entendre, par vidéoconférence depuis Toronto, notre ancien collègue et président, qui a pris sa retraite tout récemment, le sénateur Art Eggleton.
Je suis heureuse de vous recevoir et je trouve cela un peu étrange, je dois dire, parce que vous avez pris votre retraite et occupiez ce siège tout récemment. Vous avez d’abord parrainé ce projet de loi au Sénat. Vous êtes accompagné du Dr Sandy Buchman, président désigné de l’Association médicale canadienne. Bienvenue à vous deux. Nous commencerons par le sénateur Eggleton.
Monsieur Eggleton, vous connaissez la formule. Vous avez sept minutes pour présenter votre déclaration liminaire.
L'honorable Art Eggleton, C.P., ancien sénateur, ancien parrain du projet de loi, à titre personnel : Oui, je connais la formule. Merci beaucoup. J’aurais aimé assister à la séance en personne, mais je suis heureux de renouer avec mon comité favori du Sénat.
J’ai le plaisir de parler du projet de loi S-248, la Loi sur la Journée nationale des médecins, qui désignerait le 1er mai de chaque année la Journée nationale des médecins. Je remercie la sénatrice Cordy, qui reprend le parrainage du projet de loi pour moi.
C’est le 1er mai que l’on souligne l’anniversaire d’une des personnes les plus influentes de l’histoire médicale canadienne, la Dre Emily Stowe, la première femme à pratiquer la médecine au Canada et une fondatrice du mouvement féministe du pays. La Dre Stowe est née en 1831 dans le canton de Norwich, dans le comté d’Oxford, en Ontario. Elle a été inspirée à poursuivre une carrière en médecine à la suite de la maladie d’un être cher causée par la tuberculose. Or, comme aucun collège ni aucune université au Canada n’acceptaient de femmes à l’époque, elle a été obligée d’obtenir son diplôme aux États-Unis, au New York Medical College for Women. À la suite de ses études, elle a ouvert une pratique médicale à Toronto.
C’est durant cette période dans la ville qu’elle a aussi fondé le Women’s Literary Club de Toronto, qui allait rapidement devenir l’Association des suffragettes de Toronto. Lorsque la Dominion Women’s Enfranchisement Association a été fondée en 1889, la Dre Stowe allait devenir sa première présidente.
La Dre Stowe a été une source d’inspiration pour la génération de médecins qui ont suivi. Tout au long de sa carrière, elle a repoussé les limites, remis en question les conventions et ouvert la voie à un plus grand nombre de femmes pour qu’elles puissent pratiquer la médecine au Canada. Son héritage perdure. Aujourd’hui, la profession médicale est plus que jamais près d’être à parité. Les deux tiers des médecins de famille âgés de moins de 35 ans sont des femmes. Nous pouvons aussi voir la même tendance parmi les étudiants et les résidents.
Les étudiants en médecine, les résidents, les médecins praticiens et les médecins retraités sont une composante inhérente et essentielle de notre système de soins de santé, un de nos programmes sociaux les plus précieux.
Ils contribuent chaque jour à la vie des Canadiens, grâce à leur travail dans des hôpitaux et d’autres établissements de santé et collectivités, en région tant urbaine que rurale, dans des écoles et dans des universités. Non seulement ils jouent un rôle essentiel en s’occupant des patients et en s’assurant qu’ils obtiennent les soins dont ils ont besoin, mais ils contribuent aussi à l’innovation médicale, en aidant les Canadiens à vivre plus longtemps, mieux et en meilleure santé, et en faisant en sorte que notre système de santé soit efficace, efficient et durable.
Les médecins canadiens ont contribué notamment à l’innovation dans la recherche sur les cellules souches, à la découverte de l’insuline et à des technologies médicales de calibre mondial.
Sur le plan de la défense des intérêts, l’Association médicale canadienne, l’organisation nationale qui représente les médecins, a aussi joué un rôle prépondérant. En 2017, l’AMC a souligné 150 ans de défense des intérêts en ce qui concerne la santé des Canadiens; l’association a le même âge que le Canada. Elle a défendu la santé publique durant la grippe espagnole, l’épidémie de sida et la flambée du SRAS. Elle a été parmi les premiers à reconnaître les effets dévastateurs de la cigarette, émettant les premières mises en garde publiques en 1954. L’association a fondé la Société canadienne du cancer, entre autres réalisations. Ces exemples ne sont qu’une fraction de ce que la profession médicale au Canada a fait et va continuer de faire pour améliorer la santé de tous les Canadiens.
La médecine est un travail extraordinairement gratifiant. L’influence que les médecins ont sur la vie des gens est énorme, mais la pratique de la médecine, à l’instar de toutes les professions, s’accompagne de ses propres défis, comme des difficultés à atteindre la conciliation entre le travail et la vie personnelle, de lourdes charges de travail et des attentes de plus en plus élevées.
Dans ses remarques au Sénat en vue d’appuyer le projet de loi, la sénatrice Seidman a mentionné une étude selon laquelle 54 p. 100 des médecins étaient au stade ou près du stade de l’épuisement professionnel.
Les médecins de notre pays, malgré toutes les difficultés qu’ils vivent, sauvent des vies chaque jour et travaillent d’arrache-pied pour donner aux Canadiens les meilleurs soins de santé possible. Il est temps, je dirais, de les remercier officiellement de toutes leurs contributions et de leurs sacrifices au nom de tous les Canadiens.
L’Ontario et la Nouvelle-Écosse tiennent déjà leurs propres célébrations le 1er mai. Je crois toutefois qu’une journée nationale devrait être créée pour célébrer la profession médicale canadienne et ses contributions à l’histoire et à l’identité nationale. On emboîterait le pas à de nombreux autres pays qui désignent déjà officiellement une journée des médecins, comme le Brésil, Cuba, l’Inde et les États-Unis.
En bref, une journée nationale de reconnaissance au Canada s’impose depuis longtemps. Le fait de désigner le 1er mai Journée nationale des médecins permettrait aux patients et à tous les Canadiens de témoigner leur reconnaissance à l’égard du travail acharné et du dévouement de nos plus de 125 000 médecins, résidents et étudiants en médecine. J’espère que vous vous joindrez à moi pour demander cette reconnaissance et cette célébration de la profession médicale au Canada. Merci.
La présidente : Merci.
C’est maintenant à vous, docteur Buchman.
[Français]
Dr Sandy Buchman, président désigné, Association médicale canadienne : Merci, madame la présidente. Je suis le Dr Sandy Buchman. Je suis heureux d’être ici à titre de président désigné de l’Association médicale canadienne.
[Traduction]
Je suis un médecin de famille œuvrant dans les soins palliatifs et je suis un ardent défenseur des intérêts de mes patients, de ma collectivité et du système de santé depuis le début de ma carrière.
À titre d’organisation nationale représentant plus de 85 000 médecins et médecins en formation, l’Association médicale canadienne, l’AMC a pour mission de donner le pouvoir aux patients et de les soigner, et a pour vision une profession dynamique et une population en santé.
À titre de représentant d’un si grand nombre de médecins et étudiants en médecine talentueux, dévoués et travaillants, je suis heureux d’être ici aujourd’hui pour me prononcer en faveur du projet de loi.
Comme le sénateur Eggleton l’a souligné, il est tout à fait approprié de choisir le 1er mai comme Journée nationale des médecins. Encore une fois, comme vous le savez tous, c’est la date de naissance, en 1831, de la Dre Emily Stowe,la première femme médecin qui a pratiqué la médecine au Canada. Sans la détermination de la Dre Stowe, nous n’aurions pas la diversité et la profession médicale dynamique que nous avons aujourd’hui.
Que nous parlions de la Dre Stowe ou des nombreux étudiants en médecine, résidents, médecins praticiens et médecins retraités de notre pays aujourd’hui, une chose demeure inchangée : ils sont tous motivés par la même passion, et c’est la passion pour la médecine et pour le fait d’aider les autres.
Il est important de prendre le temps de reconnaître nos médecins et nos étudiants en médecine et de les remercier de leur dur labeur et de leurs réalisations. Personnellement, je ressens une profonde gratitude et une reconnaissance de pouvoir faire partie d’une telle communauté.
Le 1er mai de cette année, nous avons décidé, à l’AMC, d’aller de l’avant et d’organiser notre propre journée spéciale de reconnaissance de nos membres. Nous avons saisi cette occasion de célébrer tous les médecins et médecins en formation du Canada et de réfléchir à la valeur qu’ils apportent et au travail qu’ils font.
Un très grand nombre de médecins inspirants sont à l’avant-garde des soins de santé aujourd’hui. Je vous donne quelques exemples. La Dre Christy Sutherland, médecin de famille, qui travaille dans le quartier est du centre-ville de Vancouver, fournit des soins aux itinérants; elle fait bien plus que seulement traiter ses patients, et elle travaille souvent une semaine complète de sept jours pour fournir des soins et éliminer les préjugés associés à la dépendance.
Le médecin résident David Kim est un jeune urgentiste qui travaille à Vancouver. Même s’il doit maintenant composer avec les longues heures et la grande charge de travail associées à la résidence, il prend aussi le temps d’établir des services de soutien pour que ses collègues puissent garder une bonne santé physique et mentale.
Le Dr Keith MacLellan, de Pontiac, au Québec, est un des plusieurs milliers de médecins engagés qui travaillent dans des régions rurales et éloignées du Canada. Il s’est vu décerner l’Ordre du Canada pour avoir aidé à paver la voie dans le domaine de la médecine rurale et pour avoir joué le rôle de cofondateur de la Société de la médecine rurale du Canada.
Enfin, la Dre Linda Dalpé, d’une région rurale du Nouveau-Brunswick, a passé sa carrière à examiner les conséquences de la pauvreté sur la santé. À sa retraite, elle a fait la promotion d’un outil qui aide les fournisseurs de soins à dépister la pauvreté pour qu’ils puissent mieux fournir des soins à leurs patients les plus vulnérables.
Ce n’est qu’une petite fraction des médecins exceptionnels qui définissent les soins de santé aujourd’hui dans notre pays, pas seulement au chapitre des soins aux patients, mais aussi aux chapitres de la recherche, de l’enseignement et de l’innovation.
Nous sommes impatients de faire participer tout le Canada aux célébrations de l’année prochaine.
Au nom de l’AMC, je tiens à exprimer ma reconnaissance — partagée par tous — à l’égard de nos médecins et de nos étudiants en médecine d’un océan à l’autre. Je tiens à les remercier de ce qu’ils font, chaque jour.
[Français]
Nous continuons de travailler ensemble pour construire notre vision d’une profession dynamique et d’une population en santé.
[Traduction]
Je suis disposé à répondre à toutes vos questions.
[Français]
La présidente : Merci à vous deux. C’est le moment de poursuivre avec la période des questions.
[Traduction]
La sénatrice Seidman : Merci, docteur Buchman, d’être ici avec nous. Et monsieur Eggleton, je suis heureuse de vous voir, même si ce n’est que par vidéoconférence.
Comme vous l’avez dit, j’ai été porte-parole de ce projet de loi. Toutefois, je ne critiquais pas le projet de loi, car je pense effectivement qu’il est bon. Je le dis, car nous voyons souvent les médecins comme des professionnels qui nous fournissent des soins de santé, mais nous ne pensons pas à eux, à leur vie, à leurs besoins et aux conséquences que leur profession peut avoir sur eux. Une journée des médecins pourrait nous aider à mettre un certain accent sur les conséquences que cette pratique professionnelle peut avoir sur la vie des médecins.
Comme vous le dites, l’AMC a mené une enquête et a constaté que 54 p. 100 des médecins manifestent des signes d’épuisement professionnel et ne réussissent pas à trouver le type de conciliation travail-vie personnelle qui leur permettrait de fournir les meilleurs soins à leurs patients et d’avoir un bon état de santé mentale afin de bien fonctionner pour nous tous.
Je n’ai pas vraiment de questions pour vous. Peut-être que je pourrais vous demander, docteur Buchman, si vous êtes d’avis que, pendant que nous célébrons les médecins, nous pouvons aussi examiner un système qui est surchargé et voir comment nous pourrions l’améliorer à l’avenir pour atténuer une partie des pressions qui pèsent sur les médecins.
Dr Buchman : Merci de vos commentaires, madame Seidman. Vous avez raison; tout ce que vous avez dit était vrai.
Une des façons de composer avec le moral à la baisse des médecins qui existe partout au pays, à cette époque-ci, serait d’avoir une Journée nationale des médecins en guise de reconnaissance. Ce serait incroyable pour remonter le moral des médecins et leur faire savoir que leur travail, leur dévouement et leur dévotion sont reconnus. Nous sommes des êtres humains qui s’occupent d’êtres humains. Nous le faisons, parce que nous nous soucions de leur bien-être.
Toutefois, en tant qu’humains, nous profiterions grandement de cette reconnaissance de la part des Canadiens — juste cette reconnaissance —, et ce serait aussi le cas de tous nos autres fournisseurs de soins de santé avec lesquels nous travaillons en équipe. Ce serait une réelle déclaration de la part des Canadiens qui, je sais, plairait à tous les médecins.
La sénatrice Seidman : Je demanderais peut-être au sénateur Eggleton s’il a quelque chose à ajouter.
M. Eggleton : Vous vous êtes bien exprimée, madame Seidman, et vous le faites toujours. J’ajouterais que cela nous donne non seulement l’occasion de reconnaître les sacrifices qu’ils font et la passion qu’ils ont pour la médecine et pour le fait d’aider les Canadiens, mais aussi l’occasion de nous concentrer sur certains des enjeux préoccupants au sujet de la pratique médicale. Par exemple, l’AMC pourrait organiser sur la Colline du Parlement une activité où elle pourrait inviter un intervenant à s’exprimer au sujet de certains des enjeux. C’est une occasion d’apprendre et de se concentrer sur des questions touchant la pratique ainsi que de reconnaître l’histoire et le bon travail qui est fait.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup.
La sénatrice Cordy : Merci à vous deux d’être ici aujourd’hui. Je suis très heureuse de vous voir, monsieur Eggleton.
J’ai rapidement accepté de parrainer ce projet de loi, à la demande du sénateur Eggleton, car je crois qu’il est bon. Je me rappelle que, il y a un certain nombre d’années, j’avais l’habitude de me demander s’il était réellement productif et utile de désigner des journées spéciales. J’ai parrainé — et heureusement, on l’a adopté rapidement au Sénat — un projet de loi concernant la Journée nationale de la sensibilisation à la drépanocytose. Je connais les types de choses que nous avons faites pour célébrer la première journée l’an dernier. Je suis heureuse de voir que ma province, la Nouvelle-Écosse, a une journée des médecins, tout comme l’Ontario.
Quels types de choses pourraient se produire, à votre avis, si on tenait une Journée nationale des médecins le 1er mai? Quels types de choses verriez-vous se produire — si vous avez réfléchi à la question —, afin que les Canadiens prennent conscience du fait qu’il s’agit d’une journée spéciale et d’un moment pour rendre hommage à nos médecins très travaillants?
Nous tenons pour acquis qu’ils seront là, et ce n’est pas toujours le cas. Ils vieillissent, et beaucoup d’entre eux essaient de concilier leur vie professionnelle et leur vie avec de jeunes enfants, du moins ceux qui viennent juste d’arriver dans le domaine. Les Canadiens s’attendent juste à ce qu’ils soient toujours là.
Avez-vous pensé aux choses sur lesquelles on doit se concentrer pour que les Canadiens manifestent plus de reconnaissance à l’égard du travail que font nos médecins?
Dr Buchman : Je suis d’accord avec le sénateur Eggleton. Il a soulevé le fait qu’il s’agit d’une occasion de parler des enjeux et de célébrer les médecins. Au sein de l’AMC et de nos collèges d’éducation nationaux, nous offrons des prix pour les médecins de l’année et ce genre de choses. C’est incroyable de voir comment les collectivités appuient leurs médecins et de voir les relations qu’établissent les médecins lorsqu’ils s’occupent de gens dans leur collectivité. Je vois la Journée nationale des médecins comme une occasion de porter ces questions à l’attention du public, mais aussi de célébrer partout au pays la contribution apportée par les médecins dans le cadre de leurs équipes de soins de santé.
Notre grande priorité, c’était juste de faire établir la Journée nationale des médecins, mais je crois que cela pourrait déboucher sur ce type d’idées par rapport à ce qui pourrait être fait.
Je crois que la question qui a été soulevée — la question de la santé des médecins — est importante. Je ne crois pas que le public comprenne vraiment les problèmes de stress et d’épuisement professionnel qui touchent les médecins, que ce soit dans le centre-ville ou dans des régions rurales et éloignées.
À mesure que le public commence à nous voir, encore une fois, comme des humains qui s’occupent d’humains, il peut reconnaître les enjeux entourant nos conditions de travail et voir comment les modes de négociation pourraient changer. Des médecins en santé signifient des patients en santé, mais des médecins qui ne sont pas en santé entraînent une mauvaise qualité des soins. Encore une fois, c’est une occasion de soulever des questions de ce type, mais j’aimerais aussi insister sur la célébration de la chance que nous avons tous.
La sénatrice Cordy : J’adore la raison pour laquelle vous m’avez choisie en premier, en passant, car je n’avais même jamais entendu parler auparavant de la Dre Emily Stowe.
Dr Buchman : C’est un bon exemple à soulever.
La sénatrice Cordy : J’adore cette idée. Merci beaucoup.
La présidente : Sénateur Eggleton, souhaitez-vous ajouter quelque chose?
M. Eggleton : Le comité a réalisé beaucoup d’études concernant les soins de santé. Il y a quelques années, nous avons effectué un examen législatif de l’accord sur la santé. Toutes sortes d’enjeux touchant les médecins sont ressortis de cette étude. C’est une occasion de les examiner. C’est aussi une occasion, si des prix sont décernés par l’AMC, de rassembler ces gens sur la Colline du Parlement et d’entendre leurs histoires. Cela permet de mieux renseigner les gens à l’échelon politique et le public.
Le sénateur Munson : Docteur Buchman, j’aimerais féliciter le Dr Jeff Turnbull. Vous aviez une liste de quatre personnes qui ont fait de bonnes choses. Il est ici, à Ottawa. Pouvez-vous imaginer qu’il s’agit de... Il est l’ancien responsable de l’Association médicale canadienne, l’ancien médecin-chef de l’Hôpital d’Ottawa et l’ancien responsable universitaire ici, à l’Université d’Ottawa? Il y a environ un an, il a abandonné tout cela pour travailler dans des refuges ici, à Ottawa. C’est un homme incroyable qui fait des choses incroyables. Si cette journée des médecins est adoptée, et elle le sera, je travaillerai fort avec lui pour montrer que les médecins ne font pas seulement le travail que nous les voyons faire, mais qu’ils se trouvent dans les ruelles de nos villes pour aider les sans-abri. Je crois que c’est une chose admirable à voir.
Pour ce qui est des journées, j’avais un projet de loi qui a été adopté et qui prévoyait la création de la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, le 2 avril. Les mêmes questions étaient posées : « Qu’est-ce que cela veut dire? Nous nous occupons de l’autisme qu’une seule journée? » Non. Il a fallu trois ans, en passant, pour faire adopter ce projet de loi; c’était une période difficile, mais il est là. Ce qui s’est passé, c’est qu’on est maintenant sensibilisés, dans des milliers d’écoles du pays — et je suis allé dans un très grand nombre d’entre elles — où les jeunes de l’école savent que l’ami qui se trouve à côté d’eux est peut-être atteint du syndrome d’Asperger ou d’un trouble du spectre de l’autisme.
Lorsque vous parlez de célébration, je pense qu’une façon de célébrer est de conquérir le cœur et l’esprit des jeunes enfants. Une jeune femme en sixième ou septième année m’a rendu visite hier, au nom de Diabète Canada. Elle est atteinte de diabète de type 1. Elle m’a présenté un exposé, qui s’adressait à Bill Morneau, le ministre des Finances, visant à maintenir le crédit d’impôt pour personnes handicapées et à en faire davantage. En cinq minutes — je ne pense pas qu’un politicien puisse être à la hauteur de ses capacités intellectuelles, étant donné la façon dont elle s’est exprimée à l’âge de 11 ans —, oui, j’ai tweeté à ce sujet, j’ai pris une photo avec elle, j’ai envoyé un message au ministre des Finances afin qu’il porte attention à cette jeune femme dans le prochain budget.
Pendant que vous et l’AMC célébrez dans l’ensemble du pays, je me demande si vous pouvez personnellement transmettre ces messages. Avec ces jeunes femmes médecins, quand vous parlez de la démographie, c’est merveilleux; c’est juste la première impression. Cela se produit en cinquième, sixième, septième et huitième années; je le propose simplement comme une des options. Pendant que vous célébrez, vous devez quand même travailler.
Dr Buchman : Merci de ce commentaire. Merci de mentionner le Dr Turnbull à titre d’exemple. Plusieurs d’entre nous savent qu’il est mon mentor et un bon ami. C’est important. Voici une occasion, un jour comme celui-ci, où nous pouvons reconnaître des personnes aussi talentueuses que le Dr Turnbull.
Vous m’avez donné une autre idée, en fait. Je reviens à la question précédente, lorsque vous avez évoqué la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme et son incidence ainsi que les récits présentés. Nous avons accueilli un jeune homme de la collectivité autochtone. Dans quelle mesure pourrait-il être important de célébrer des médecins autochtones, que ceux-ci servent de modèles de comportement et agissent comme mentors auprès de jeunes personnes comme le jeune homme qui était ici plus tôt, Dakota, qu’ils soient disponibles et voient ce qui est possible?
Il s’agit d’imaginer ce qui est possible. La Journée nationale des médecins peut le faire, parce que nous pouvons mettre en valeur des gens comme eux. J’ai plusieurs collègues d’origine autochtone. Cette journée célèbre notre diversité, notre inclusion, mais le fait de célébrer ces médecins comme des modèles de comportement à grande échelle en dit long. Nous voyons cela dans le sport, par exemple, quand ils peuvent idéaliser des célébrités et que des membres de groupes marginalisés ont de tels exemples qu’ils aspirent à émuler. Ils peuvent bénéficier d’un mentorat à partir de l’école secondaire et avoir la motivation de rester.
Je pense que la Journée nationale des médecins peut mener à quelque chose et avoir ce genre d’effet. Merci d’avoir évoqué ces exemples.
Le sénateur Munson : Merci beaucoup.
[Français]
La sénatrice Mégie : Quand j’ai pris part au débat pour appuyer ce projet de loi, une collègue m’a demandé pourquoi on ne prévoyait pas plutôt une journée pour les professionnels de la santé. Je sais qu’il y a déjà une semaine consacrée aux infirmières, une semaine pour les infirmières auxiliaires, et cetera.
De votre côté, est-ce que votre conseil d’administration y avait pensé, dans le cadre de la démarche pour la création d’une journée consacrée aux médecins?
[Traduction]
Dr Buchman : J’y ai réfléchi, et nous y avons réfléchi. Nous avons tellement une approche d’équipe maintenant; nous travaillons de façon interprofessionnelle. Je ne pourrais pas faire mon travail de médecin chaque jour sans l’aide d’une équipe complète — infirmières, infirmiers praticiens, travailleurs sociaux, pharmaciens, préposés aux services de soutien à la personne, tout le monde ensemble. Nous appuyons fermement la célébration de chacune de ces professions, car personne ne peut y arriver seul. Et ils ont été reconnus. Nous pouvons examiner les précédents. Je crois qu’il y a une journée ou une semaine nationale des soins infirmiers, plus tard, en mai. Il y a quelque chose pour les pharmaciens, et cetera.
Nous ne pensons pas que célébrer des médecins ou le fait d’avoir une journée nationale des médecins enlève quoi que ce soit à cela. Ce serait formidable d’organiser également une journée des professionnels de la santé, mais j’ai compris l’importance de célébrer le rôle essentiel des médecins au sein de l’équipe.
Nous prenons tous soin des patients. Nous sommes tous passionnés, mais les médecins ont également un rôle unique à jouer dans le système de soins de santé, et je pense que, pour certaines des raisons déjà mentionnées, le fait que cette journée soit unique — je sais que mes collègues des soins infirmiers, en service social et des services de pharmacie seraient ravis d’avoir une journée célébrant notre discipline, notre profession également.
Le sénateur Manning : Merci, docteur Buchman et sénateur Eggleton.
En Nouvelle-Écosse et en Ontario, existe-t-il une législation provinciale relative à une journée des médecins?
Dr Buchman : Oui.
Le sénateur Manning : Je crois fermement que ce projet de loi sera adopté, mais que se passera-t-il ensuite? Devons-nous simplement ne pas tenir compte de la législation provinciale? Comment faire?
Dr Buchman : Je ne suis pas sûr d’avoir la réponse à cette question. Je pense que le sénateur Eggleton l’a peut-être.
Le sénateur Manning : Sénateur Eggleton, je vous pose la question.
M. Eggleton : Ces législations pourraient aller de pair. Il reviendrait aux provinces de décider si elles veulent annuler leur journée et l’intégrer à la journée nationale ou simplement conserver leur propre journée.
Ce n’est pas un congé en soi, comme nous pouvons le concevoir. C’est une journée de reconnaissance. Cette reconnaissance se fait à un niveau ou l’autre. Je ne vois pas de conflit. Elles peuvent régler tout cela, j’en suis sûr.
Le sénateur Manning : C’est à peu près la même législation.
Je voudrais aborder quelques observations du Dr Buchman concernant le fait que les êtres humains aident les êtres humains.
D’expérience, je sais que les médecins à notre service à Terre-Neuve-et-Labrador sont égaux aux autres. Ce sont des êtres humains extraordinaires. Je pense au Dr Kevin Melvin, qui a donné à mes parents 10 ans de vie supplémentaires grâce au quadruple pontage qu’il a effectué sur eux.
Je pense que d’avoir l’occasion de reconnaître les médecins est une bonne chose. Je vous suggérerais de veiller à ce que cette occasion permette d’informer les citoyens de notre province du rôle que joue l’AMC en ce qui concerne les médecins afin que les gens puissent participer avec vous à la Journée nationale des médecins. Je sais qu’il est important de faire quelque chose à Ottawa, mais je pense que ce serait — et je sais que cela prendrait du temps — important de veiller à ce qu’une fonction ou une activité quelconque soit parrainée par l’AMC dans chaque province et territoire du Canada le 1er mai afin que les gens soient conscients que c’est une occasion pour eux de témoigner de la gratitude et de participer à la journée.
Ce n’est qu’une suggestion. Parfois, nous sommes dans la bulle ici à Ottawa, mais le monde entier ne s’arrête pas ici.
Dr Buchman : En fait, je pensais que c’était à Toronto, d’où je viens. Vos commentaires sont vraiment importants.
Je ne pense pas que les Canadiens connaissent bien l’AMC en tant que porte-parole des médecins au Canada; je pense donc que ce serait énorme. Par exemple, une partie de notre plan stratégique appelé Vision 2020 concerne le partenariat avec les patients. Nous croyons fermement que la collaboration et le partenariat avec les patients conduisent à un système de soins de santé considérablement amélioré. Bien des preuves viennent étayer la présence de patients qui participent à la collaboration, à la conception conjointe et à la définition d’une vision d’un système de soins de santé.
Le fait même de soulever ce point et de discuter de cette Journée nationale des médecins peut mettre en évidence le rôle des patients. À titre d’exemple, nous avons maintenant un programme appelé la Voix des patients à l’AMC. Des représentants des patients de différentes régions du pays se réunissent maintenant pour contribuer à la planification et travailler avec nous.
C’est là un exemple, lié à votre idée d’éduquer le public, où l’on peut saisir l’occasion qui nous est offerte de faire ce que nous pouvons faire ensemble dans le but d’améliorer le système de soins de santé au Canada.
Le sénateur Manning : C’est un bon point.
La présidente : Merci beaucoup. Avant de passer à une autre question au deuxième tour, j’ai une brève question à vous poser, sénateur Eggleton.
Au cours de la deuxième lecture, certains sénateurs ont mentionné l’existence de journées de reconnaissance, par l’entremise des dirigeants d’organisations ou à l’initiative d’organisations, et qui ne figuraient pas dans un projet de loi. J’aimerais savoir pourquoi il est important que cela devienne un projet de loi.
M. Eggleton : La sénatrice Mégie a également mentionné les infirmières. Il y a une Semaine nationale des soins infirmiers; c’était la Semaine nationale des infirmières et des infirmiers, puis, en 1993, elle a été remplacée par la Semaine nationale des soins infirmiers. Cela a été fait à la demande de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, qui souhaitait que cette journée soit en mai, le 12 mai, car c’est la date de naissance de Florence Nightingale. L’association a demandé au ministre de faire la déclaration. Ainsi, le ministre, tous les ans, fait cette déclaration par opposition à ce que la journée figure dans un projet de loi, comme je le suggère ici.
Je pense que l’avantage, pour cette journée, de figurer dans un projet de loi est que la journée intègre tous les gens, différents partis politiques et diverses organisations et non pas seulement le gouvernement au pouvoir. Donc, je pense que, de cette façon, il est préférable que la journée fasse l’objet d’un projet de loi. Toutefois, l’Association des infirmières et infirmiers du Canada a décidé d’emprunter une autre voie, et c’est bien.
Dr Buchman : Je pense que c’est est très clair, merci.
Le sénateur Munson : Merci encore. C’est l’occasion de parler des médecins de famille.
Il me reste deux ans et neuf mois au Sénat. Remontons dans le temps. Quand j’étais enfant, à Campbellton, au Nouveau-Brunswick, nous avions des médecins de famille dont nous nous souvenons du nom pour toujours : le Dr McClellan, le Dr McPherson, le Dr Swan, le Dr Rice. Vous pouviez toujours voir ces médecins de famille faire la navette entre les deux hôpitaux, mais, entre les deux, faire des visites à domicile. C’était peut-être l’âge d’or des services offerts par les médecins.
Aujourd’hui, des personnes nous disent : « La chance vous sourit ou vous avez de la chance; vous avez un médecin de famille. Vous êtes sénateur, vous avez sûrement un moyen de trouver un médecin de famille. » Avec toute cette célébration, dans notre pays de nos jours, des milliers et des milliers de personnes consultent de bons médecins dans des cliniques, mais ils doivent attendre en ligne et être là. Dans ce processus de célébration, voyez-vous le jour où chaque Canadien aura accès à un médecin de famille, et cette journée des médecins pourrait-elle le faciliter?
Dr Buchman : Voilà une excellente question. Ma vision et ma passion : je suis médecin de famille depuis le début de ma carrière. J’ai effectué des visites à domicile. J’ai travaillé dans la rue, avec les sans-abri. J’ai tenté d’offrir un accès à mes patients tout le temps.
J’ai été président du Collège des médecins de famille du Canada. Ma vision et notre vision, par l’entremise du collège et de l’AMC, sont que chaque Canadien ait accès à son propre médecin de famille. La médecine, la médecine familiale en particulier, concerne cette relation personnelle entre le médecin et le patient et sa famille ou son entourage, quelle que soit la définition de la famille. C’est cette dynamique sociale.
Voilà une occasion de pouvoir insister dans ce sens. C’est mon rêve personnel. C’est le rêve de toutes nos organisations médicales canadiennes que chaque Canadien ait un accès dans sa ville natale, dans sa collectivité, afin de pouvoir établir cette relation. C’est, en fait, le système de soins de santé le plus rentable et un excellent système de soins de santé primaires qui permet de sauver des vies.
La réponse est oui; c’est une occasion d’encourager et de faire avancer cela, et de faire en sorte que nos gouvernements d’un bout à l’autre du pays veillent à ce que ce soit un objectif que nous cherchons à atteindre.
Le sénateur Munson : Merci.
La sénatrice Cordy : J’aimerais revenir à la question du sénateur Manning sur ce qui se passe en Nouvelle-Écosse et en Ontario, où ils ont déjà une journée des médecins. Ma province, la Nouvelle-Écosse, a déjà eu une Journée de la sensibilisation à la drépanocytose avant que je dépose le projet de loi. Cela signifiait simplement une plus grande célébration; c’était le même jour, et je pense que la même chose se produira en Nouvelle-Écosse si nous avons le projet de loi sur la journée nationale. Ce sera simplement une plus grande célébration et une sensibilisation accrue.
En ce qui concerne les remarques qui ont été faites autour de la table, je pense que cela attirera l’attention sur les tâches méconnues des médecins. Nous pensons à aller consulter un médecin, mais le sénateur Munson a parlé plus tôt du médecin qui s’occupe des sans-abri, et il y a les exemples que vous avez donnés. Je pense que c’est une excellente initiative.
Dr Buchman : Sénatrice, vous avez suscité ma réflexion sur quelque chose. Je pense à une grande province comme l’Ontario et même la Nouvelle-Écosse. Dans certaines régions de notre pays, les territoires, par exemple — je suis allée au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest, notamment —, il leur est plus difficile d’organiser ce type de célébration. Une journée nationale des médecins, qui couvre le pays d’un océan à l’autre, transcende nos provinces individuelles.
Nous avons une vision nationale pour de nombreuses choses, et la capacité de faire une telle chose, en particulier dans les régions de notre pays qui en sont moins capables et où il y a beaucoup moins de médecins ou de ressources... C’est une prise de position.
La présidente : Docteur Buchman et sénateur Eggleton, merci infiniment d’avoir présenté vos exposés et pris le temps de participer à nos travaux ici aujourd’hui.
À titre d’information, nous nous attendons à procéder à l’étude article par article de ce projet de loi lors de notre prochaine séance, soit demain matin. D’ici là, je vous remercie.
M. Eggleton : Je tiens à dire que j’admire beaucoup l’expertise et le professionnalisme avec lesquels vous avez dirigé la séance. Je tiens à vous féliciter de m’avoir succédé à la présidence.
La présidente : J’apprécie vraiment d’entendre cela de votre part. Merci beaucoup.
(La séance est levée.)