Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule no 49 - Témoignages du 1er novembre 2018
OTTAWA, le jeudi 1er novembre 2018
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel ont été renvoyés le projet de loi S-244, Loi instituant la Semaine de la gentillesse, et le projet de loi S-248, Loi instituant la Journée nationale des médecins, se réunit aujourd’hui, à 10 h 31, pour faire l’étude article par article des projets de loi.
La sénatrice Chantal Petitclerc (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Soyez les bienvenus au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Français]
Je m’appelle Chantal Petitclerc. Je suis une sénatrice du Québec. C’est avec plaisir que je préside la réunion d’aujourd’hui.
[Traduction]
Avant de céder la parole aux témoins, j’invite mes collègues à se présenter, en commençant par ma voisine de droite.
La sénatrice Seidman : Bonjour, sénateur Munson. Je vous remercie d’être ici pour discuter de ce projet de loi.
Je suis la sénatrice Judith Seidman, de Montréal.
[Français]
La sénatrice Poirier : Bonjour et bienvenue. Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Mégie : Bonjour. Marie-Françoise Mégie, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Ravalia : Bonjour. Bienvenue à tous. Je suis Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, de Toronto.
Le sénateur Manning : Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, de l’Ontario.
[Français]
La présidente : Aujourd’hui, nous amorçons notre étude du projet de loi S-244.
[Traduction]
Présentons nos témoins. Nous sommes heureux d’accueillir le parrain du projet de loi, l’honorable sénateur Jim Munson, et les représentants de Kind Canada Généreux, le rabbin émérite Reuven Bulka, de la congrégation Machzikei Hadas.
Monsieur le rabbin Bulka, avant de poursuivre, je tiens à vous assurer de notre entière solidarité avec vous et la communauté juive à la suite de la tragédie de Pittsburgh.
Les autres représentants de votre organisation sont le vice-président et chef du développement, Jeff Turner, et Mme Jennifer Levine, bénévole.
[Français]
Bienvenue à vous tous.
[Traduction]
Entendons d’abord le sénateur Munson. Je tiens à rappeler à chaque témoin qu’il dispose de sept minutes pour sa déclaration préliminaire.
[Français]
Vous avez la parole, sénateur Munson.
[Traduction]
L’honorable Jim Munson, parrain du projet de loi : Je vous remercie de nous accueillir tous les quatre.
Aujourd’hui, c’est une journée particulière. On devrait consacrer chaque journée à la gentillesse, et chaque semaine aussi. Ma présence aux côtés du rabbin, une semaine après la tragédie de Pittsburgh, montre la victoire compréhensible de l’amour sur la haine.
Peut-on s’imaginer que la maison du véritable M. Rogers se trouvait dans le quartier où est survenue cette tragédie? Cet animateur d’émissions pour enfants parlait sans cesse d’amour. Et, bien sûr, on l’a répété sans cesse aussi, aux États-Unis et dans le monde entier, que c’était son quartier. Il a tellement parlé d’amour, de gentillesse et de leur victoire sur la haine à tellement d’enfants et d’adultes.
Depuis 20 ans, je me rends au Monument commémoratif de guerre et j’y écoute, le 11 novembre, l’éloquent rabbin Bulka. Il rappelle à mon souvenir le sacrifice de l’oncle que j’ai perdu pendant la Seconde Guerre mondiale, et mes autres oncles qui y ont survécu. Dans ce moment de bonté et de compassion qui viennent du pardon, il parle en notre nom à tous, nous, Canadiens. J’en suis toujours ému, et ses paroles sont une source de grande consolation.
Dans mon bureau, la gentillesse se manifeste au moins une fois par semaine en cette personne que vous connaissez, Michael Trink, qui a le syndrome de Down. Michael travaille avec moi une fois par semaine depuis huit ans. Non seulement accepte-t-il tout le monde et serre-t-il chaleureusement tout le monde dans ses bras, mais il multiplie les signes de gentillesse avec les gardes de sécurité, les sténographes et les employés de son entourage. Il exprime sa gentillesse tous les jours, par ses étreintes, sa conversation, une gentillesse visible, et ça, c’est vraiment important.
Il me rappelle un fils que ma femme et moi avons perdu il y a quelque temps, qui a succombé au syndrome de Down. Michael est l’esprit de Timmy Munson au quotidien. À propos, nous allons voir jouer les Sénateurs d’Ottawa ce soir, et, pendant le trajet, il projette de faire jouer dans l’auto des pièces des Beach Boys, que nous accompagnerons de nos voix jusqu’au stade. Qui a ce genre d’idées? Ce sont des souvenirs importants.
J'ai déjà travaillé une fois avec Jean Chrétien. Il est originaire du Nord du Nouveau-Brunswick, d'où je viens. C’était au beau milieu de l’hiver, en mars 2002. Le thermomètre était sous zéro. Aucune caméra ne nous surveillait. Avant de monter dans l’avion, il est sorti de notre auto et il s’est dirigé vers un groupe d’Acadiens assis à côté d’une clôture. Ils avaient froid. Il leur a parlé une vingtaine de minutes, pendant que je restais dans l’auto. À son retour, je l’ai félicité de sa bonne action. Il m’a répondu : « Mais qu’est-ce que ça m’a coûté? » Moi : « Un peu de votre temps. » Lui : « Rien que ça. » Le temps d’être gentil. Rien ne l’y obligeait, mais il l’a fait, un petit moment. Alors je prends ce temps, ce matin, pour vous conter ces anecdotes.
Ce matin, je porte ma cravate de SOS Villages d’enfants avec laquelle je travaille. Elle symbolise les gestes de gentillesse qu’on multiplie dans notre pays et dans le reste du monde pour les enfants qu’on nourrit et dont on prend soin dans les villages de leurs communautés. Elle me le rappelle quand on m’interroge sur sa signification. Je réponds que je suis heureux qu’on me le demande, parce qu’elle rappelle et raconte cette histoire particulière.
Je tenais à vous en parler. Que de belles conversations j’ai eues avec Jeff et le rabbin sur le projet de loi et que de recherches j’ai faites à ce sujet. Si on s’arrête un instant pour y réfléchir, l’oxytocine et la production de sérotonine dans le cerveau, c’est bon quand on inspire et qu’on s’entend réfléchir et parler.
La gentillesse soulage le stress, l’anxiété, la dépression et elle contribue à abaisser la pression artérielle. Les chercheurs ont aussi remarqué qu’elle était contagieuse. Par exemple, la gentillesse d’un tiers nous rend plus susceptibles d’être gentils pour autrui à notre tour, ce qui contribue à la propager, à la démultiplier. L’intimidation recule. Je peux m’imaginer ce projet de loi devenir loi et les écoles de tout le pays et les universités se donner des programmes favorisant la simple gentillesse. C’est bon pour la santé.
J’ai constaté, à la faveur de mon projet de loi sur la Journée mondiale de la sensibilisation à l’autisme, adopté en 2012, que la loi a contribué à la sensibilisation à l’autisme. Des organisations de partout dans le pays parlent d’une même voix, le 2 avril et un jour sur deux, et elles organisent des manifestations dans un plus grand nombre d’écoles où les enfants prêtent attention à l’ami qui est à leur côté. Cet ami, en effet, peut agir un peu différemment, mais on ne le juge pas. « Comment vas-tu? Tu fais partie de nous. Tu fais partie de l’humanité. »
Je n’en dis pas plus, parce que d’autres témoins ont des choses très importantes à dire, des gentillesses, et c’est très gentil de votre part d’être ici. Merci.
La présidente : Merci beaucoup.
Au tour maintenant du rabbin Bulka.
Rabbin Reuven Bulka, rabbin émérite, congrégation Machzikei Hadas, Kind Canada Généreux : Merci beaucoup, madame la présidente. Merci beaucoup, chers sénateurs. J’apprécie vraiment votre gentille invitation à venir exposer le fruit de mes réflexions sur le projet de loi S-244 qui, je l’espère, deviendra un appel à la gentillesse dans les générations à venir.
Pour commencer, j’exprime ma gratitude à l’honorable sénateur Jim Munson, qui est non seulement le parrain du projet de loi, mais qui s’est chargé de le piloter avec tant d’ardeur et d’enthousiasme.
Dans mon esprit, il n’y a aucun doute que l’assistance, les sénateurs et les députés sont des promoteurs enthousiastes de la gentillesse. Le problème que nous devons résoudre est de traduire cet enthousiasme en un projet de loi qui institue la Semaine de la gentillesse dans tout notre grand pays.
Avec l’aide et l’appui des dirigeants de la communauté d’Ottawa, j’ai eu le bonheur de lancer la Semaine de la gentillesse à Ottawa, en 2007. Mon collègue à ma gauche, Jeff Turner, en a été un acteur important, parce que cela s’est passé par l’entremise de Centraide. J’ai vu de mes yeux comment cette semaine de la gentillesse fonctionnait. Des centaines d’écoles se dotent de programmes reliés à la gentillesse; les manifestations de gentillesse se multiplient dans la ville; les dirigeants locaux, notamment le maire, participent au lancement de la Semaine de la gentillesse, dont le clou est la proclamation, par le maire, de la Semaine de la gentillesse.
La réussite évidente de la Semaine de la gentillesse à Ottawa a conduit à l’étape suivante, l’institution de la Semaine de la gentillesse en Ontario, il y a un certain nombre d’années, sous l’impulsion d’un député local à la l’assemblée législative de la province, le futur procureur général de la province, Yasir Naqvi. J’ai toujours essayé de le convaincre que sa conversion à la gentillesse l’avait conduit au sommet du gouvernement de la province, ce qu’il n’a jamais contredit.
La prochaine étape, naturellement, est la Semaine nationale de la gentillesse au Canada.
Mes motifs, dans la constitution de la Semaine de la gentillesse à Ottawa, étaient de stopper l’épidémie d’intimidation qui s’était répandue dans nos écoles. Ils obéissaient à une logique simple : inviter les enfants à l’apathie n’est d’aucun secours, et on risque parfois d’obtenir le contraire des résultats recherchés. Si on aide les enfants à agir avec bonté les uns avec les autres et à se dire de bonnes choses, on produit le type d’énergie positive qui étouffe l’intimidation.
Il se fait beaucoup de recherche sur la gentillesse et ses conséquences, qui sont essentielles à notre compréhension de leur grande efficacité. Nous savons que la gentillesse permet d’abréger d’une journée en moyenne les séjours comparables de longue durée à l’hôpital. Sans parler des économies évidentes.
La gentillesse favorise la production de sérotonine que mon cher collègue... Un rabbin est-il le collègue d’un sénateur?
Le sénateur Munson : Absolument.
Rabbin Bulka : D’accord. Accepté. Les problèmes de santé mentale coïncident souvent avec des carences en sérotonine. Étant donné le nombre étonnant de Canadiens aux prises avec ces problèmes, la propagation de la gentillesse semble, à grande échelle, une solution efficace et peu coûteuse.
La gentillesse en mégadoses peut non seulement extirper l’intimidation, mais la haine aussi, un problème de premier plan, particulièrement maintenant. À une échelle moins grande, la gentillesse peut contribuer à réduire au minimum l’incidence de la rage au volant, pour ne citer que cette manifestation parmi toutes les autres qui ne sont pas tellement sociales.
Notre expérience de la Semaine de la gentillesse à Ottawa nous a tous enseigné que la participation des dirigeants de tous les niveaux a changé beaucoup de choses. Les choses ont également changé à l’échelle de la province.
Nous sommes convaincus que l’institution d’une Semaine nationale de la gentillesse aura de vastes répercussions dans notre pays.
Je prévois la proclamation, par notre premier ministre, de la Semaine de la gentillesse au Canada; que tous les députés en feront la promotion dans leur circonscription et que les sénateurs leur emboîteront le pas; que l’adhésion à la gentillesse, à la grandeur du Canada, du fait du projet de loi S-244, sera générale. S’il est adopté, comme je le souhaite ardemment, il est susceptible d’élever la conscience du Canada à l’importance de la gentillesse, et l’adhésion consécutive à la gentillesse rendra encore plus grand notre pays et lui permettra de régler certaines des crises qu’il affronte, notamment celles de la santé mentale, des coûts du système de santé et de l’intimidation.
Enfin, en cette époque trouble, le fait que le Canada deviendra le premier pays — le premier, j’insiste là-dessus — à instituer la gentillesse à l’échelle nationale sera l’expression de son influence sur le monde entier dont nous serons éternellement fiers.
Je conclus avec ces paroles de Yasir Naqvi, le promoteur susmentionné de la constitution de la Semaine de la gentillesse en Ontario.
Il écrit — et c’est à ma demande, parce qu’il aurait été ici aujourd’hui, n’eût été son obligation de s’absenter de la ville : « La troisième semaine de février est la Semaine de la gentillesse en Ontario », grâce au travail du rabbin Reuven Bulka. Il ajoute : « À l’époque, en 2009, le projet de loi avait été adopté à l’unanimité par l’Assemblée législative de l’Ontario. Une action simple, mais d’un effet puissant. Les petites gentillesses peuvent agir profondément sur les individus et les communautés. Notre objectif est de renforcer une culture de compassion, de prévenance et de bonté et de combattre le cynisme ambiant. Résultat : des collectivités ontariennes organisent des manifestations comme le patinage libre pour les réfugiés syriens, la promotion du respect et de l’unité. Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin de motiver les gens pour qu’ils agissent avec gentillesse avec leurs voisins, les étrangers, les jeunes et les vieux, chacun allant vers l’autre pour construire un Canada plus gentil. »
Sur cette note, je vous remercie tous pour votre temps et votre dévouement.
La présidente : Merci, monsieur le rabbin Bulka.
Au tour maintenant de M. Turner.
Jeff Turner, vice-président et chef du développement, Kind Canada Généreux : Bonjour. Quel plaisir d’être ici et, comme tous l’ont dit, c’est très gentil de nous avoir invités. Nous avions hâte de venir et de collaborer, pendant un certain temps, avec le sénateur Munson. Nous sommes émerveillés d’être rendus à ce point.
« Le monde a besoin de plus de gentillesse. » « Je voudrais que vous puissiez intervenir à mon travail. » « Nous semblons avoir oublié ce que sont la compassion, l’empathie et la gentillesse. » Voilà certaines des observations que j’entends tous les jours quand je parle de mon travail avec le rabbin Bulka, à Canada Généreux, dont l’objectif est de mobiliser les Canadiens dans la gentillesse et de leur inspirer la gentillesse. Pas une journée ne passe sans que je suscite ce genre de réactions et que les conversations auxquelles je participe s’animent. C’est vrai depuis quatre ans — parmi de grands groupes, de petits groupes, des associations communautaires et dans des réseaux nationaux —, et le message reste le même.
Malheureusement, j’ai aussi appris que, dans un certain nombre de lieux de travail et de secteurs professionnels de notre pays, des gens souffrent. Le rabbin Bulka a parlé de problèmes de santé mentale, lesquels, aussi, entraînent des coûts considérables, en milliards de dollars. Comme Wayne Wouters, ancien greffier du Conseil privé l’a calculé, il en coûte annuellement à l’administration fédérale 9 milliards de dollars en congés de maladie, et elle sait qu’une forte proportion de ces coûts est reliée à des problèmes de santé mentale. J’ai parlé à un certain nombre d’occasions au Dr Zul Merali, président et chef de la direction de l’Institut de recherche en santé mentale de l’hôpital Royal. Il cite rapidement la sérotonine, comme l’ont fait le rabbin Bulka et le sénateur Munson, et la production d’oxytocine et d’autres neurotransmetteurs dont nous avons besoin dans nos rapports sociaux. La sérotonine favorise l’élasticité cérébrale, qui aide à se rétablir d’incidents qu’on trouve troublants ou contrariants. Le Dr Merali affirme que 8 patients sur 10 des centres de santé mentale de notre pays sont carencés en sérotonine. Vous avez tous connu des bouffées de sérotonine, peut-être sans vous en apercevoir. Quand vous êtes gentil ou quand vous êtes témoin d’un acte de gentillesse — ce que nous appelons l’effet du témoin — souvent sans le vouloir, votre visage s’éclaire d’un petit sourire et vous ressentez un peu de bien-être. Le rabbin Bulka se préoccupe beaucoup de la rage au volant; nous le taquinons toujours à ce sujet. Quand, dans la circulation, on laisse passer quelqu’un qui attend depuis quelque temps — ça ne coûte qu’une seconde — et qu’on est payé d’un signe amical et d’un sourire, quelle sensation remarquable! On ressent le contraire quand on n’est pas payé de retour ou si nous attendons trois minutes et demie pour sortir du stationnement d’un Tim Hortons le matin, sans pouvoir comprendre pourquoi personne n’a pris une seconde pour nous laisser passer et sortir.
Nous avons accordé beaucoup d’attention à la situation à laquelle nous faisons face dans de nombreux endroits tout en établissant des partenariats et en menant ces conversations d’un bout à l’autre du pays. Un récent livre blanc de l’Association des cadres de la fonction publique révèle que 25 p. 100 de leurs répondants sont exposés à l’intimidation. Cela représente une augmentation de 4 p. 100 au fil des années depuis la dernière fois que ce sondage a été mené.
Nous avons ensuite commencé à tenter de trouver des façons d’aider. Nous avons établi un partenariat avec Santé publique Ottawa et nous avons créé des ateliers sur la gentillesse. Nous avons mené plusieurs de ces ateliers sous la direction et le soutien de cet organisme.
Nous avons récemment établi un partenariat avec l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, l’IPFPC, pour l’élaboration d’un cours de certification en ligne que les gens peuvent suivre dans le cadre de leur perfectionnement professionnel. Il s’agit d’aider des particuliers tout en travaillant à une plus grande échelle pour fournir des outils aux organismes qui tentent de trouver des façons de changer les comportements et la culture dans leur milieu.
La proposition de la création d’une Semaine nationale de la gentillesse a été chaleureusement accueillie par des centaines de personnes à qui j’ai parlé. La seule mention de cette idée parvient à soulever l’enthousiasme chez les gens. Dans les écoles, les milieux de travail et les collectivités d’un bout à l’autre du Canada, les gens sont prêts à célébrer cette initiative et à y participer.
Nous nous sommes rendu compte, dans le cadre de la Semaine de la gentillesse à Ottawa dont le rabbin Reuven Bulka a parlé... J’ai été la personne-ressource de Centraide Ottawa pendant presque 10 ans. À certains moments, nous ne parvenions pas à répondre à la demande de toutes les écoles et milieux de travail qui invitaient le rabbin ou notre équipe à leur parler. À certains moments, des centaines d’écoles et d’entreprises de la ville participaient pleinement à cette initiative et cherchaient toutes une façon d’améliorer la vie et l’expérience des gens dans leur milieu.
Dans un récent atelier sur l’intimidation auquel j’ai participé avec la police d’Ottawa, les données indiquaient que 50 p. 100 des étudiants des écoles secondaires de la ville sont régulièrement victimes de cyberintimidation. Comme le rabbin l’a dit, notre approche ne consiste pas à parler contre les choses, mais à dire que les enfants gentils n’intimident pas les autres et qu’ils appuient plutôt leurs pairs. D’autres gens interviendront. C’est ce que nous espérons accomplir.
Une semaine par année pour nous rappeler qu’un simple geste de gentillesse peut avoir de telles répercussions nous touche tous. Une telle semaine contribuerait grandement à créer un changement de culture et de comportement d’un bout à l’autre du pays.
C’est une semaine. C’est un excellent début. Cela pourrait être une expérience amusante, puissante et potentiellement transformatrice pour des milliers de personnes. Il serait tout à fait spectaculaire de participer à une telle initiative et de devenir le premier pays du monde à adopter une loi qui créerait une telle initiative. J’espère que cela se concrétisera. Je vous remercie de votre temps.
La présidente : Merci, monsieur Turner.
Nous entendrons maintenant notre dernier témoin, Mme Levine.
Jennifer Levine, bénévole, Kind Canada Généreux : Je vous remercie de m’accueillir devant votre comité. Je suis enseignante et j’appuie fermement l’idée d’enseigner la gentillesse dans les écoles. Je dirige des ateliers de sensibilisation à la gentillesse pour les étudiants en enseignementà l’Université d’Ottawa, et je suis heureuse de vous communiquer certaines des expériences que j’ai vécues en enseignant la gentillesse aux enfants dans les écoles publiques d’Ottawa.
De 2016 à 2017, dans le cadre d’un projet pilote avec Canada Généreux, j’ai enseigné la sensibilisation à la gentillesse de façon hebdomadaire à des élèves de troisième, quatrième et sixième années à l’école publique Steve MacLean. Le programme comprenait des leçons axées sur l’enseignement et la pratique de la compassion, de l’empathie, du respect, de l’acceptation, de la gratitude, de la générosité et de beaucoup d’autres choses. J’ai enseigné aux élèves l’importance d’être gentils avec eux-mêmes, avec les autres personnes dans leur vie et avec les gens qu’ils ne connaissent pas dans leur quartier et partout dans le monde.
Ce programme a très bien été accueilli par les enseignants, les administrateurs, les parents et surtout les élèves. En effet, ils ont participé avec enthousiasme à toutes les activités et à tous les volets du programme.
L’intérêt qu’ils manifestaient pendant les sessions hebdomadaires d’échange d’idées, pendant lesquelles ils avaient l’occasion de discuter ouvertement d’actes de gentillesse, était souvent la meilleure partie de nos classes hebdomadaires. C’est à ce moment-là que nous célébrions la gentillesse.
Il est devenu évident, au cours de l’année, que les enfants étaient de plus en plus enclins à faire des bonnes actions. J’ai réussi à mesurer cette augmentation d’enthousiasme en me fondant sur leur comportement et leur niveau de participation. Souvent, dès qu’ils me voyaient, ils avaient de la difficulté à se retenir tellement ils avaient hâte de raconter leurs histoires.
Puisque j’étais seulement avec les enfants une heure par semaine, je comptais sur les enseignants pour me parler des effets du programme sur les élèves pendant le reste de leur temps à l’école. Selon les enseignants, le programme avait des effets tout simplement incroyables sur les élèves. Voici quelques exemples : les élèves acceptaient de plus en plus les différences des autres, ils s’aidaient entre eux et aidaient aussi les élèves des autres classes dans la cour de récréation, ils s’aidaient les uns les autres dans leur apprentissage en classe, ils utilisaient fréquemment des mots gentils, ils devenaient des ambassadeurs de gentillesse dans toute l’école et, l’effet le plus important, les incidents d’intimidation et les actes de méchanceté en général avaient grandement diminué.
Les enseignants ont accueilli avec enthousiasme les leçons de gentillesse hebdomadaires, car elles leur permettaient de prendre une pause dans le programme général et cela créait de la joie et de l’enthousiasme dans la classe. Les enseignants ont adoré les résultats positifs. Ils ont également assuré le suivi des leçons que j’enseignais en intégrant la sensibilisation à la gentillesse dans leurs leçons hebdomadaires régulières. Ils ont transmis ces leçons à d’autres enseignants qui souhaitaient intégrer dans leur propre classe un peu de la magie qu’ils observaient dans mes classes sur la gentillesse.
Les parents étaient tout aussi enthousiastes. Ils ont appuyé le programme, et un parent nous a même dit que c’était l’activité préférée de son enfant pendant l’année scolaire.
La sensibilisation à la gentillesse est très importante pour la croissance et le développement positifs de tous les enfants. Une semaine consacrée à la gentillesse suscite souvent cet enthousiasme et motive les enseignants, le personnel administratif et les étudiants à favoriser une culture de gentillesse dans les écoles.
Nous observons la mise sur pied de clubs de gentillesse et l’émergence de leaders étudiants. Les enfants, comme les adultes, récoltent les avantages de la gentillesse, qu’ils en soient les auteurs ou les personnes qui la reçoivent. Cela leur permet de se sentir bien, ce qui les inspire à continuer. Imaginez l’inspiration qui pourra être générée lorsque tous les habitants d’un pays feront preuve de gentillesse en même temps. Je sais d’expérience que les effets d’une semaine nationale de la gentillesse seront puissants et qu’ils pourront transformer la culture dans nos écoles.
La présidente : Merci beaucoup. Nous entendrons maintenant les questions des sénateurs.
J’aimerais rappeler à mes collègues que nous avons cinq minutes pour les questions et les réponses. Étant donné que nous avons quatre témoins, je vous demanderais de préciser le témoin auquel s’adresse chaque question. Manifestement, les autres témoins peuvent répondre s’ils ont quelque chose à ajouter.
Nous entendrons d’abord notre vice-présidente.
La sénatrice Seidman : J’aimerais remercier tous les témoins de leur exposé et de leur présence. C’est une expérience spéciale d’être ici et d’entendre parler de gentillesse, car presque chaque jour, lorsque nous allumons le téléviseur, nous voyons des actes de haine. Nous vous sommes donc tous très reconnaissants. Nous avons peut-être déjà tous ressenti le bien-être émotionnel lié à la notion de gentillesse. Le simple fait d’écouter parler des effets de la gentillesse suscite probablement les mêmes émotions chez les gens que lorsqu’on fait preuve de gentillesse à leur égard. Je sais que je souris en ce moment. C’était merveilleux d’écouter vos témoignages et je pouvais sentir que je souriais pendant que je vous écoutais parler de gentillesse.
Que ce soit pour des raisons altruistes — donner au suivant, une notion dont nous avons déjà entendu parler — ou qu’il s’agisse d’améliorer notre santé, nous reconnaissons la valeur de la gentillesse. Je vous suis donc reconnaissante, et sénateur Munson, je vous remercie d’avoir proposé ce projet de loi.
J’aimerais poser une question au rabbin Reuven Bulka. C’est formidable d’avoir l’occasion d’être le premier pays à instaurer une journée nationale de la gentillesse. Ce serait un excellent exemple pour le reste du monde. Pourquoi avez-vous choisi la troisième semaine de février? Y a-t-il une raison particulière?
Rabbin Bulka : C’est une bonne question. Nous sommes passés par tout cela. Pour de nombreuses personnes, il est logique d’organiser cet événement pendant l’été, car nous n’avons pas à nous inquiéter des tempêtes de neige. Nous avons examiné chaque mois de l’année, et chaque mois semblait déjà pris.
Lorsque le projet de loi pour établir le jour de la Famille a été présenté, cela nous semblait un point de départ naturel. Nous faisons le lancement le vendredi précédant le jour de la Famille; le premier jour de la Semaine de la gentillesse est donc le jour de la Famille. L’un des points sur lesquels nous avons beaucoup insisté, c’est qu’il faut être gentil avec les membres de sa famille. En effet, nous sommes souvent plus méchants avec les gens qui sont le plus près de nous. C’est donc la façon dont cela commence, mais vers la fin de la semaine, cette idée s’étend à l’ensemble de la collectivité. Il y avait donc une méthode dans notre folie.
La sénatrice Seidman : Absolument. Merci. C’est utile. Je ne sais pas si le sénateur Munson aimerait ajouter quelque chose.
Le sénateur Munson : J’ai seulement un commentaire. C’est la semaine après la Saint-Valentin. Cela convient donc tout à fait.
La sénatrice Seidman : D’accord. Je crois qu’on appelle l’oxytocine l’hormone de l’amour.
Le sénateur Munson : Plus que le cannabis.
La sénatrice Seidman : C’est excellent. Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissante.
Le sénateur Manning : J’aimerais remercier nos témoins. J’appuie pleinement ce projet de loi et j’aimerais féliciter le sénateur Munson de l’avoir proposé.
J’ai grandi dans une famille de neuf enfants. Ma mère a passé 12 des 16 premières années de sa vie dans un orphelinat. Son père est décédé à un très jeune âge, et elle et sa sœur se sont retrouvées dans un orphelinat. C’était une femme très gentille et généreuse. J’ai une carte, en fait elle est dans mon bureau, et l’une des choses qu’elle disait était : « On peut oublier le numéro de téléphone et l’adresse d’une personne, et peut-être même oublier son nom, mais on n’oubliera pas sa gentillesse. » Elle nous disait toujours cela pour que nous tentions de faire de notre mieux. Elle disait aussi qu’il y avait du bon dans chacun. Parfois, il faut creuser un peu plus chez certaines personnes pour le trouver que chez d’autres.
C’est très agréable d’avoir l’occasion d’être ici ce matin, d’écouter votre discussion et de parler de choses positives — car il y a beaucoup de choses négatives dans le monde d’aujourd’hui. Dans le cadre de nos travaux, parfois, nous faisons face à une opposition très ferme sur certains enjeux. Nous réussissons très bien à faire cela ici, mais je crois que toutes les personnes assises à cette table acceptent à l’unanimité de faire adopter au Parlement un projet de loi qui propose la création d’une Semaine de la gentillesse au Canada. C’est une très bonne chose d’être un chef de file mondial à cet égard, et je félicite tous les participants à ce processus. J’ai hâte d’appuyer le projet de loi.
J’ai voyagé d’un bout à l’autre du pays à plusieurs reprises, ainsi qu’à l’extérieur du pays avec le sénateur Munson. Il est lui-même un homme très gentil et généreux. Parfois, il me tape sur les nerfs, pour être honnête, mais pas d’une mauvaise façon, et j’ai parfois besoin de lui pour la traduction.
Je voulais vous poser une question sur l’apprentissage. Rabbin, vous avez parlé de certaines activités qui se déroulent dans les écoles d’Ottawa et que vous avez présentées ou que des groupes ou des personnes qui collaborent avec vous ont présentées. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ces activités, afin que nous puissions ramener ces idées dans nos provinces et peut-être lorsque cette semaine se déroulera en février prochain, si Dieu le veut, nous pourrons proposer certaines de ces activités dans nos écoles?
Rabbin Bulka : Je vous remercie de votre question. Nous nous réinventons chaque année. Chaque année, nous tentons de nous concentrer sur un nouveau domaine dans lequel la gentillesse est peut-être négligée. Par exemple, une année, on a rappelé aux enfants de remercier leurs parents d’avoir préparé leur dîner lorsqu’ils quittaient la maison. C’est une chose simple que les enfants ne font probablement pas, n’est-ce pas?
Une autre année, la gentillesse était axée sur les concierges des écoles qu’on tient pour acquis, même si ce sont eux qui nettoient les salles de bain et les planchers et qui s’assurent que les lumières sont allumées. S’ils n’étaient pas là, les écoles ne resteraient pas fonctionnelles.
À d’autres occasions, la gentillesse était axée sur les enseignants, et nous rappelions aux enfants de saluer leurs enseignants le matin et de les remercier de leur enseignement au moment de partir, plutôt que de courir vers l’autobus.
Une autre année, la gentillesse était axée sur les conducteurs d’autobus scolaires qui, encore une fois, passent leur temps à demander aux enfants de parler moins fort et de ne pas causer de problèmes sur l’autobus. On a donc demandé aux enfants de remercier leur conducteur d’autobus de les avoir amenés à l’école et de les avoir ramenés à la maison lorsqu’ils descendaient de l’autobus.
Essentiellement, nous avons enseigné aux enfants à être conscients de ce qui se passe autour d’eux. En effet, il y a tant de choses autour d’eux qu’ils tiennent pour acquises, mais ils devraient reconnaître ces choses et en être reconnaissants. Nous espérons que lorsqu’ils seront plus vieux, ils pourront reconnaître ces notions dans d’autres domaines. Ce sont donc des choses que nous avons faites. Nous avons également organisé des assemblées de gentillesse et dans certaines écoles, les élèves participaient avec enthousiasme aux compétitions de gentillesse et organisaient des collectes de fonds pour des refuges ou des banques d’alimentation. Dans certaines écoles, la participation était très élevée et on organisait des concours, ce qui permettait d’amasser plus de fonds. Nous continuons de faire toutes sortes d’activités dans les écoles pour renforcer cela.
Le sénateur Manning : Madame Levine, lorsque vous allez dans une classe — et nous reviendrons aux questions de santé mentale, car nous travaillons également sur cet enjeu — et que vous enseignez des gestes de gentillesse et encouragez les jeunes à être gentils — car certains étudiants de la classe n’ont peut-être pas vécu beaucoup de gentillesse à l’extérieur de la classe —, est-il possible de déterminer qu’un élève n’a pas cette gentillesse, car il n’en profite pas lui-même, et d’améliorer sa situation dans la classe en ce qui concerne ses amis et ses pairs?
Mme Levine : C’est ce qui était bien lorsque je passais une année complète dans une école, car il était alors possible d’établir des relations avec les élèves et d’apprendre à connaître ceux qui ont besoin d’un peu plus d’encadrement et de conseils. Toutefois, on peut vraiment observer, tout au long de l’année scolaire, un développement et des changements chez les élèves lorsqu’ils sont exposés à des leçons sur la gentillesse et à l’utilisation de mots gentils.
Une semaine de la gentillesse serait une chose merveilleuse dans les écoles, car cela permettrait d’établir une pratique permanente de la gentillesse. Donc, oui, ce type de semaine serait formidable pour chaque école qui y participerait, mais les effets concrets découlent de la pratique répétée de la gentillesse. Cela donne aux enfants ou aux élèves qui ne profitent pas de ce type de gentillesse à la maison ou dans leur quartier un endroit très sécuritaire pour développer ces compétences et ces pratiques.
Je présume que la réponse courte est oui, cela a un certain type de répercussions.
Le sénateur Munson : Sénateur Manning et madame Levine, vous me rappelez tout ce que la gentillesse peut faire quand vous parlez du programme pilote déployé en troisième, quatrième et sixième années. À la fin des années 1960, ma femme a lancé, à la St. Lambert Elementary School, en collaboration avec l’Université McGill, le premier projet pilote dans une commission scolaire protestante de langue anglaise pour les enfants de ces âges, puis elle a enseigné ce programme pendant quatre ou cinq ans. Des milliers d’enfants au Québec, dans la population anglophone, sont parfaitement bilingues aujourd’hui. Ils ont brisé la barrière du bilinguisme en raison de tout ce qui se passait au Québec. Certains de ces enfants sont aujourd’hui des avocats, des politiciens et des gens d’affaires qui connaissent beaucoup de succès, ils ont désormais la quarantaine ou la cinquantaine, parlent français, le parlent au travail, et ils sont restés au Québec.
Ce genre de projet de promotion de la gentillesse aura des effets bien au-delà des troisième, quatrième et sixième années, pour se poursuivre au secondaire et à l’université, et même toute la vie. Merci.
La sénatrice Cordy : Je vous remercie infiniment d’être ici ce matin. Après avoir regardé la télévision, avant de me coucher hier soir, et avoir écouté les nouvelles en me réveillant ce matin, je suis ravie d’être assise ici pour parler de gentillesse. Comme la sénatrice Seidman le disait un peu plus tôt, le monde semble de plus en plus divisé, mais nous savons qu’il y reste énormément de gentillesse.
Dans mon église, nous préparons des sacs à dos pour les personnes itinérantes. Nous préparons des repas chauds pour les bénéficiaires d’un refuge pour itinérants, deux repas par mois. La Société Saint-Vincent de Paul aide les gens dans le besoin. Elle aide les malades mentaux, en répondant à leurs besoins de base. Il y a beaucoup d’organismes dans notre communauté qui le font, mais nous sommes parfois submergés par la négativité et les divisions, dans la société, par les nous contre eux et toutes les distinctions entre ceux qui ont ou n’ont pas ceci ou cela. Quand je vous écoute, je me sens bien dans mon cœur.
L’un d’entre vous a mentionné un peu plus tôt que quand on voit quelqu’un faire quelque chose de gentil, sourire ou nous dire bonjour, cela nous accroche non seulement un sourire au visage, mais aussi un sourire au cœur. On se sent bien. Peu importe ce qui pousse la personne à poser ce geste, il nous donnera à tous un sentiment positif.
Monsieur Turner, pouvez-vous me parler un peu de ce que fait Canada Généreux? Comment cet organisme est-il né?
M. Turner : Le rabbin et moi travaillons ensemble depuis bien longtemps déjà. Cela fait probablement presque 10 ans déjà qu’il a commencé à me parler d’une semaine nationale de la gentillesse. Le rabbin Bulka travaille pour Canada Généreux depuis cinq ans et moi, depuis quatre ans.
Le rabbin a démarré ce projet dans le but de reproduire le succès de la Semaine de la gentillesse, à Ottawa, mais à plus grande échelle. Nous avons uni nos forces, et le projet a grandi depuis, dans le but d’inspirer de la gentillesse aux Canadiens. En cours de route, nous avons établi trois domaines prioritaires : le milieu de travail, le milieu de l’éducation et le milieu de la santé. Dans chacun de ces milieux, nous concevons des programmesen fonction des besoins et cherchons à interpeller les organisations, les personnes, les communautés et le système d’éducation pour susciter un changement.
J’écoutais le sénateur Munson parler du bilinguisme, et si nous arrivions à reproduire ce programme pour la gentillesse, notre pays changerait, et le monde changerait avec lui.
Nous avons créé un certain nombre de partenariats. Nous levons des fonds pour nos programmes. Nos partenariats visent à mobiliser les organisations qui partagent notre vision et les personnes qui souhaitent faire partie du mouvement. On entend souvent les gens parler de « mouvement », dire qu’il faut créer un mouvement de la gentillesse d’un océan à l’autre. C’est justement ce que nous essayons de faire.
La sénatrice Cordy : Madame Levine, je suis une ancienne enseignante au primaire, et je trouve que c’est une excellente porte d’entrée pour ce genre de programme. L’enseignez-vous comme bénévole ou fait-il partie du programme scolaire?
Mme Levine : Je l’enseigne comme bénévole. J’ai créé ce programme, qui se fonde sur beaucoup de recherches et d’expérience pratique. Je l’enseigne depuis de nombreuses années dans les salles de classe, mais le projet pilote que nous avons mené dans trois classes différentes était très structuré. Il proposait des activités, des programmes et un vocabulaire éprouvés, que j’avais déjà utilisés dans différentes classes. Le but était vraiment d’en évaluer l’effet. C’est ce qu’on observait : son effet sur les élèves.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
La sénatrice Cordy : Y a-t-il des efforts ou des activités en cours pour l’intégrer au programme pédagogique, pour qu’il soit enseigné dans toutes les écoles de l’Ontario?
Mme Levine : Ce serait fantastique.
La sénatrice Cordy : Oui, ce serait fantastique.
Rabbin Bulka : Cela fait partie de nos objectifs, mais c’est un défi sur le plan bureaucratique. C’est presque mission impossible que d’essayer d’ajouter cinq minutes par année au programme pédagogique, mais nous gardons espoir.
La sénatrice Cordy : Peut-être que s’il y avait une semaine de la gentillesse, cela vous donnerait un coup de pouce.
Rabbin Bulka : Cela aiderait, c’est sûr.
La sénatrice Cordy : Je vous remercie tous et toutes du travail que vous faites, et je vous remercie, sénateur Munson, d’avoir déposé ce projet de loi.
La sénatrice Omidvar : Merci à tous. Je sais qu’il y a beaucoup de sénateurs qui sont gentils, mais je pense que le sénateur Munson est vraiment l’un des sénateurs les plus gentils que j’aie eu la chance de croiser. Je vous remercie d’être si gentil avec moi.
Le sénateur Munson : Sauf sur la glace.
La sénatrice Omidvar : Je ne joue pas au hockey, donc je ne peux pas le savoir.
Les gestes de méchanceté semblent tellement dominer la réalité, de nos jours, mais récemment, au Sénat, nous entendons parler d’actes de méchanceté intentionnels et non. Je pense à l’enquête sur le racisme envers les Noirs, et je constate que le contraire de la gentillesse est la méchanceté. J’espère que nous pourrons aussi parler de la méchanceté un moment donné.
J’aimerais mentionner une chose, puis poser une question. D’autres gouvernements ont embrassé d’autres idées, et j’aimerais savoir ce que vous en pensez. Le Bhoutan mesure le bonheur national brut et produit un rapport à cet égard. Il existe aussi un indice du bonheur mondial. Je pense que le Canada figure systématiquement au sixième ou au septième rang et que la Norvège trône toujours au sommet du palmarès. Aux Émirats arabes unis, il y a un ministre du bonheur national.
Est-ce le commencement d’un plus grand bonheur ou la création d’une semaine de la gentillesse est-elle l’aboutissement de vos efforts?
Rabbin Bulka : Je ne voudrais pas parler au nom du sénateur, mais je peux vous dire ceci : je cite le regretté Viktor Frankl, qui affirmait avec verve que plus on cherche le plaisir, plus il devient difficile à trouver et que si l’on se concentre sur quelque chose de plus grand que soi, comme la gentillesse, la gentillesse envers les autres, on est plus heureux. Autrement dit, ce serait davantage un effet collatéral qu’un résultat intentionnel. Donc, si l’effet collatéral est de faire de notre pays le plus heureux au monde, j’en serai ravi.
La sénatrice Omidvar : C’était une bonne réponse philosophique à ma question.
Personne ne peut être contre la gentillesse. Pas moi, en tout cas. J’aimerais qu’on puisse recevoir un vaccin pour la gentillesse, comme on reçoit un vaccin contre la grippe, et j’espère que la science avancera dans cette direction. Il y a tout de même déjà la journée mondiale du bonheur, qui est le 17 novembre, si je ne me trompe pas. Il n’y a pas de loi qui l’établisse, mais c’est un mouvement, auquel divers pays se joignent. Il est né d’une ONG.
Je me demande si nous avons vraiment besoin de notre propre semaine du bonheur ou si nous devrions simplement ajouter notre voix aux mouvements qui existent déjà. Si nous avons une journée nationale du bonheur, une idée qui me plaît, aurons-nous aussi une journée nationale de l’humilité, une journée nationale de l’empathie?
Plus précisément, ma question est la suivante : avez-vous une idée de ce que cela coûtera au gouvernement?
Le sénateur Munson : Cela ne coûtera rien. Cela nous coûtera un sourire.
La sénatrice Omidvar : C’est la bonne réponse. Je voulais qu’elle soit consignée au compte rendu.
Le sénateur Munson : Vous parlez de la reconnaissance de journées particulières, et je suis conscient que ces journées sont très importantes. Je vous donne toutefois un exemple, celui de la Journée de sensibilisation à l’autisme. Le Canada a longtemps attendu pour légiférer afin de reconnaître la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, même si des centaines d’autres pays l’avaient déjà reconnue juridiquement, en vertu de la convention de l’ONU. Quand j’ai exercé des pressions en ce sens le 2 avril, j’ai senti une certaine résistance, on me disait : « Pourquoi la ministre ne déclare-t-elle pas simplement la tenue de cette journée chaque fois? » En l’inscrivant dans une loi adoptée par le Parlement, on a envoyé un message à tous les groupes de sensibilisation à l’autisme, au Canada, qui l’utilisent maintenant comme modèle pour s’organiser et éduquer la population. Vous parliez des écoles. L’école tout près d’ici, à Ottawa, a changé tout son programme afin que chacun soit gentil avec son petit voisin de pupitre, en cinquième année, qui veut vivre dans un monde d’inclusion, mais qui ne peut pas le verbaliser de la même façon que les autres.
C’est le genre d’émancipation que permet la structure juridique.
Il faudra peut-être investir un peu dans l’éducation, la production de dépliants et tout et tout, mais pouvez-vous imaginer à quel point cela pourrait changer la donne que 338 députés et 105 sénateurs qui savent que c’est désormais une semaine instituée par la loi en parlent? Elle pourrait se tenir pendant une semaine de relâche, où chacun rentre dans sa circonscription. On ne parlerait alors pas seulement de ce qu’on fait au Parlement, on ne ferait pas qu’écouter ce que les autres ont à dire, on le ferait avec gentillesse, parce que c’est ce que dicte la loi.
C’est extrêmement important.
Le sénateur Ravalia : Merci beaucoup. C’est effectivement très inspirant.
Ma propre vie a été fortement influencée par des actes de gentillesse. J’ai grandi dans une société d’apartheid. Quand je suis entré à l’école de médecine, ma planche de salut et ce qui m’a touché au plus profond de mon cœur a été mon professeur de médecine qui venait de la Lituanie. Sa famille et lui avaient survécu aux horreurs de l’Holocauste. Il a pris le temps de s’asseoir avec les étudiants en situation minoritaire, individuellement, et de nous dire que si l’apartheid était un système répréhensible, il ne devait pas nous briser, puis il nous a assurés de son soutien inconditionnel. Cette main tendue avec gentillesse a énormément touché bon nombre d’entre nous qui nous sentions un peu marginalisés par le système dans lequel nous avions grandi.
Chacun d’entre nous, ici, pourrait parler des personnes qui ont été ses mentors parce qu’elles étaient prêtes à faire ce petit quelque chose de plus pour faire preuve de gentillesse.
Y a-t-il des études qui portent à croire que les gens seraient plus gentils en milieu rural qu’en milieu urbain? J’ai passé plus de 30 ans dans une communauté de Terre-Neuve-et-Labrador qui m’a adopté, m’a aimé, m’a nourri et m’a fait me sentir si spécial que quand je la quitte pour venir dans un endroit comme Ottawa, je me sens souvent anxieux, inquiet, et j’ai hâte de revenir à mes racines.
Je me demande si le climat fait une différence. Les gens sont-ils plus ou moins gentils dans les endroits où il y a 300 journées d’ensoleillement, plutôt que 20? Ce sont des questions hypothétiques, mais j’aimerais bien savoir comment vous réagissez à cela.
Madame Levine, je vous remercie de votre superbe discours. Vous nous avez parlé du vocabulaire de la gentillesse. Pouvez-vous nous en parler plus en détail et nous donner des références?
Rabbin Bulka : Parmi les autres fonctions que j’occupe, je suis président du Trillium Gift of Life Network, qui est responsable du don d’organes et de tissus en Ontario, et l’une des façons dont nous évaluons notre rendement et essayons de faire augmenter les dons consiste à demander aux gens de s’inscrire au registre des donneurs d’organes. Ce n’est pas pour alimenter la vieille rivalité entre Ottawa et Toronto, mais plus une ville est grande, plus le taux d’inscription y est bas. Toronto affiche probablement le taux d’inscription le plus bas. Je ne veux pas insulter les Torontois, même si je ne suis pas un fan des Leafs, mais les villes qui se distinguent à ce chapitre sont des villes plus rurales, parce que d’une façon ou d’une autre, le fait de cohabiter avec les autres, de s’occuper les uns des autres, favorise la gentillesse que nous voudrions voir partout.
Bref, selon mes observations, si l’on se fie aux inscriptions au registre des donneurs d’organes, c’est tout à fait vrai.
Concernant l’autre question que vous soulevez, il est établi que les personnes qui vivent dans des régions plus sombres, comme l’Alaska, où l’ensoleillement peut ne pas dépasser une heure par jour pendant l’hiver, le taux de dépression augmente. Or il n’y a pas meilleur antidépresseur que la gentillesse envers autrui. Dès qu’on pose des gestes pour les autres, on se sent mieux. Et nous semblons avoir besoin d’antidotes dans la population, puisqu’on estime, au mieux, qu’une personne sur cinq est déprimée. Bien que l’idée de venir en aide à autrui ne soit pas magique, qu’elle ne fonctionne pas pour tous, elle peut certainement contribuer à dissiper le malaise général de tous ceux qui ont l’impression que la vie n’a pas de sens, qui se sentent mal, qui ont le sentiment de ne pas avoir de but dans la vie, que tout est sombre. Quand on ensoleille un peu la vie des autres, cela change beaucoup de choses.
Mme Levine : Votre question portait sur le vocabulaire de la gentillesse. J’ai été assez surprise de constater que les élèves ne connaissaient pas la signification de certains mots. On utilise des mots comme « empathie », « compassion » et « respect ». Ils les entendent tout le temps. Il faut respecter les personnes plus âgées, mais quand on leur demande ce que cela signifie, ils ne le savent pas vraiment. Donc le seul fait de leur enseigner des définitions simples de certains mots et de faire en sorte qu’ils les intègrent à leur vie quotidienne, puis qu’ils expriment de la reconnaissance les uns envers les autres en utilisant ces mots, a vraiment changé leur façon de voir.
Quand on enseigne que le mot « respect » signifie de traiter les autres comme ils le méritent, puis qu’on amène les élèves à reconnaître des actes de gentillesse chez les autres en utilisant le mot « respect », il est intéressant de voir qu’ils commencent ensuite à utiliser ce vocabulaire. Ils le reproduiront dans leurs jeux, où ils commenceront à montrer de la compassion. Ils pourront même utiliser le mot.
Même le mot « générosité » est mal compris : tout le monde pensait qu’il signifiait de donner de l’argent. « Je suis un enfant, je n’ai pas d’argent », mais nous leur avons parlé d’être généreux de ses compliments, de sourires et de toutes les façons dont les humains peuvent être généreux. Pour leur enseigner le vocabulaire de la gentillesse, nous avons accroché une liste au mur, et chaque semaine, nous révélions un nouveau mot de la gentillesse et sa définition, puis c’était le mot vedette de la semaine. Quand je revenais la semaine suivante, l’enthousiasme qu’ils manifestaient pour apprendre ce que le mot « courage » signifie vraiment était incroyable, d’où l’importance d’enseigner le vocabulaire de la gentillesse et le succès du programme.
La présidente : Merci.
La sénatrice Dasko : Je vous remercie infiniment de vos témoignages d’aujourd’hui. Cela semble être une formidable idée. Cela fait vraiment chaud au cœur d’écouter votre discussion et d’entendre parler de vos plans pour une campagne de sensibilisation.
Avez-vous sondé l’opinion publique sur cette idée d’une semaine de la gentillesse? Vous voulez que nous adoptions une loi pour en faire une semaine nationale. Avez-vous sondé les Canadiens, par un sondage d’opinion publique, pour savoir ce qu’ils pensent de l’idée d’une semaine de la gentillesse? Savez-vous, en particulier, ce qu’ils pensent des effets qu’une telle semaine pourrait avoir?
Peut-être n’avez-vous pas mené d’étude à ce sujet, mais si vous l’avez fait, dans quelles régions — dans quels groupes démographiques, chez les gens de quel sexe, âge ou statut socioéconomique —, avez-vous constaté le plus ou le moins d’appui?
Rabbin Bulka : Nous aimerions bien avoir les moyens de mener ce genre de sondage, mais notre organisation n’est pas aussi riche, donc nous nous fondons sur des données anecdotiques. Nous nous fondons sur les rapports qui existent. Jeff a mentionné que nous n’avons croisé personne qui nous dise que c’est une mauvaise idée. Au contraire, ceux qui en ont fait l’essai, un peu partout, dans les milieux de travail comme dans les écoles, nous disent que cela fait ressortir le meilleur des gens.
D’une façon ou d’une autre, j’ai l’impression que si l’on sondait la population... Je ne veux pas banaliser votre question, et il est probable qu’un bon sondeur aurait la chance de formuler ses questions de manière assez subtile pour que les gens ne se disent pas : « C’est une question stupide. » Il pourrait trouver un moyen de savoir ce que les gens en pensent vraiment, mais toutes les études sur la gentillesse montrent qu’elle a toujours un effet positif.
Vous le savez de par votre propre expérience, presque intuitivement. Chacun sait que quand on dit quelque chose de mesquin à quelqu’un ou qu’on le dénigre, il sera ébranlé d’une manière ou d’une autre. Si on lui dit quelque chose de gentil, il sera encouragé. L’idée de ce genre de projet est excellente, mais je pense que nous en connaissons déjà les résultats.
Le sénateur Munson : Je sais que la sénatrice Yonah Martin est enthousiaste à l’égard de ce projet de loi. Elle voulait inviter un directeur et les enfants d’une école de Vancouver à comparaître devant le comité, parce qu’ils pratiquent la gentillesse. Quand ils ont entendu parler de cette initiative, ils ont été très emballés, à Vancouver. Nous faisons le pont avec d’autres personnes en transmettant ce message aujourd’hui. Et qu’on se fonde sur des anecdotes ou autre chose, nous n’en sommes qu’aux premiers stades du projet. Il serait excellent de mener des recherches. Vous êtes une excellente chercheuse vous-même.
La sénatrice Dasko : Je ne travaille plus dans ce domaine; je voulais seulement que vous le sachiez.
Le sénateur Munson : Non, mais je pourrais vous imaginer poser un acte de gentillesse en en parlant avec vos anciens collègues chercheurs de Toronto. Vous pourriez leur demander : « Savez-vous ce qui se passe à Ottawa en ce moment? Le croiriez-vous? Je me demande s’il y a des études qui sont menées à ce sujet. »
La sénatrice Dasko : On pourrait leur demander de nous proposer gratuitement une question. Oui, c’est possible. Je suis certaine qu’il serait très facile de rédiger une question. Elle neporterait pas sur le concept de la gentillesse, bien sûr, mais plutôt sur l’idée d’y consacrer une semaine, comme on nous le demande ici au Sénat.
Je n’ai qu’une autre question. Vous avez parlé de l’organisation, et soit dit en passant, j’adore cette petite carte. J’aimerais en avoir quelques-unes pour les donner à mes enfants adultes. Je pense qu’ils pourraient les apprécier. Des actes de gentillesse. J’espère qu’ils ne m’entendent pas.
Vous espérez que votre organisation, Canada Généreux, soit la principale responsable d’en faire la promotion. Vous parlez de partenariats. Voudriez-vous collaborer avec quelques-unes des grandes organisations nationales établies, par exemple, pour en faire la promotion? Cela coûte de l’argent aussi. Si vous voulez créer un mouvement ou faire connaître vos initiatives, vous devrez payer très cher pour faire tout ce qu’il faut pour créer une semaine nationale de sensibilisation.
Je me demande si vous entrevoyez des partenariats en particulier. Je pense à de grandes organisations comme le YWCA ou le YMCA, que je ne nomme qu’à titre d’exemple, ou comment voudriez-vous établir des partenariats pour créer un mouvement? C’est ma question.
Rabbin Bulka : Jeff a travaillé là-dessus et a noué des partenariats très solides.
Pour répondre à votre observation, l’adoption d’un projet de loi qui fournirait une grande visibilité rendrait cela beaucoup plus intéressant. Nous ne voudrions pas revendiquer la responsabilité. Nous aimerions beaucoup le faire, mais nous aimerions que tout le monde se mobilise et dise : « Nous voulons participer », plutôt que la situation se transforme en lutte interne. Il serait mesquin de procéder ainsi. Jeff a de merveilleux exemples. Allez-y.
M. Turner : Excellente question, sénateur. Merci. Bien des gens avec qui j’ai discuté ces dernières années — le sénateur Munson a mentionné la sénatrice Martin —, nous sommes des partenaires de la Journée mondiale de la dignité et avons participé au dernier atelier qui a eu lieu à Ottawa. La Journée mondiale de la dignité a eu lieu il y a deux semaines.
La semaine dernière, j’ai assisté au Forum pour jeunes Canadiens en vue de présenter la Semaine nationale de la gentillesse — bien entendu, ce que je dis à tout le monde, c’est que nous y travaillons, nous avons des objectifs et des aspirations, mais lorsque le moment sera venu, nous serons très prêts à nous engager. Lorsque j’ai discuté avec les gens au Forum pour jeunes Canadiens, ils croyaient que les étudiants adoreraient l’idée et deviendraient des ambassadeurs.
Mon travail consiste en partie à nouer des partenariats. J’ai mentionné l’IPFPC. Il a 57 000 membres. Leur conseil exécutif national a voté en faveur de devenir un partenaire de financement de notre initiative et de travailler avec nous, et il est prêt à commencer à véhiculer ce message. L’Association professionnelle des cadres supérieurs de la fonction publique du Canada, ou l’APEX, a offert son appui également, de même qu’un groupe dans l’Ouest canadien, le NIDMAR, ou l’Institut national de recherche et de gestion de l’incapacité au travail. Il compte de nombreux membres au pays, dans le monde, et il s’attend aussi à ce que cette initiative puisse l’aider dans le travail qu’il effectue pour veiller à ce que les personnes handicapées reprennent le travail. De plus, le mouvement Fondations communautaires du Canada est prêt. Nous avons donc une longue liste de personnes à qui nous avons parlé, qui appuient tous l’initiative et qui ont hâte de commencer à créer ce mouvement de gentillesse.
Rabbin Bulka : Un autre partenaire que nous voulons avoir, Jeff — et je dois le lui rappeler —, c’est l’Association canadienne des automobilistes, pour promouvoir comment la gentillesse peut avoir une incidence sur la sécurité routière et sur la rage au volant.
La sénatrice Poirier : Merci, sénateur Munson, d’avoir présenté ce projet de loi. Je tiens à vous remercier sincèrement de ce dont vous nous avez fait part. C’est inspirant. Je pense que la sensibilisation à l’importance de la gentillesse dans notre vie quotidienne est une responsabilité à laquelle nous devons tous travailler, et je pense que cette initiative sera excellente.
Je ne suis pas la meilleure pour utiliser les médias sociaux, mais je dois dire que cela montre les proportions importantes qu’une initiative peut prendre. Nous avions une jeune femme de Moncton, au Nouveau-Brunswick, dans la région de Riverview, Becca Schofield, qui était atteinte du cancer et qui est décédée il y a quelques temps. Lorsqu’elle est devenue très malade, des gens ont créé ce que l’on appelle, je crois, un mot-clic. Elle a commencé un mouvement qui était seulement #BeccaToldMeTo, qui est devenu viral. Les gens faisaient toutes sortes de bonnes actions. Lorsque quelqu’un leur demandait : « Pourquoi avez-vous fait cela? », les gens répondaient : « Becca m’a dit de le faire. » Le mouvement a pris de l’ampleur. Je pense que bien des gens de partout se souviendront de ce mouvement pendant des années.
Sénateur Munson, dans le cadre de votre expérience avec la Journée de l’autisme, vous avez pu soulever la question avec succès et continuer d’en parler. Quels sont vos plans pour vous assurer que les Canadiens sont au courant de la Semaine nationale de la gentillesse, puisque ce sera la première fois qu’elle aura lieu? Je sais que nous avons tous la responsabilité, chacun de nous, de nous assurer que nos collectivités soient mises au courant.
Comment y êtes-vous parvenu avec la Journée de l’autisme? En avez-vous parlé sur les médias sociaux? Comment en avez-vous fait la promotion?
Le sénateur Munson : En ce qui concerne Becca, elle occupait une place centrale dans le discours que j’ai prononcé au Sénat, comme vous vous en souviendrez sans doute. Je suis Néo-Brunswickois, alors j’ai suivi le mouvement #BeccaToldMeTo.
Il y a eu des discussions ce matin à propos de sénateurs qui n’affichent pas de gazouillis, et j’en affiche beaucoup.
La sénatrice Poirier : D’accord. Ce n’est pas mon cas.
Le sénateur Munson : J’utilise les réseaux sociaux comme instrument de changement social. Je les utilise comme instrument pour promouvoir les bonnes actions des autres et les bonnes actions que nous faisons à mon bureau chaque jour. Je pense que c’est un instrument important, plus particulièrement pour les jeunes, de pouvoir utiliser Instagram, où peu importe, afin d’envoyer des messages très positifs.
En ce qui concerne l’autisme, la promotion ne s’est pas faite sur les médias sociaux. C’est grâce à un monsieur que j’ai rencontré sur la Colline du Parlement lorsque je suis arrivé sur la Colline — pas au tout début, car je suis arrivé en 1972 —, mais il y a de cela 15 ans dans le cadre de mes fonctions en tant que sénateur. Il avait une affiche sur laquelle on pouvait lire : « Mon fils est atteint d’autisme, aidez-moi. » Il m’a regardé et m’a dit: « Vous travailliez autrefois dans les médias et posiez beaucoup de questions. Je veux que vous répondiez à quelques questions. Vous êtes sénateur. » Il est donc venu à mon bureau et nous avons discuté. Il faut tout simplement prendre le temps.
Nous nous sommes fait une accolade, avons pleuré ensemble, et il a parlé de son fils de 9 ou 10 ans à l’époque qui ne recevait pas des services appropriés. Nous avons trouvé l’idée de faire progresser le dossier en faisant une déclaration au Sénat, et je me suis demandé ce que je pourrais faire par la suite. Lorsqu’on s’adresse au Sénat, qui écoute? On m’a ensuite dit: « Lancez une commission d’enquête, ce qui n’est plus une déclaration ». D’accord. Que dois-je faire ensuite? C’est la fin. J’ai dit non. C’est le sénateur Art Eggleton et le sénateur Willy Keon qui ont dit: « Saisissez le Comité des affaires sociales de ce dossier. »
Par la suite, nous avons effectué six semaines d’étude. Un rapport a été présenté par une personne atteinte d’autisme du Nouveau-Brunswick qui est très douée en technologie informatique. Il nous a dit dans cette salle: « Sénateurs, si nous n’agissons pas tout de suite, vous allez devoir payer maintenant ou plus tard. » C’est ce qu’il a dit. Ce qui s’est passé est un modèle utilisé dans l’ensemble de la communauté de l’autisme.
À l’époque, il y avait de nombreuses opinions différentes. Il y a maintenant l’ACTSA, l’Alliance canadienne des troubles du spectre autistique. Les gouvernements ont pris des mesures. Ils n’ont pas mené une stratégie nationale, et j’espère qu’ils le feront, mais il y a eu des chaires d’excellence dans les universités. Du financement a été versé pour les partenariats canadiens sur l’autisme. Il y a maintenant l’initiative Prêts, disponibles et capables, un programme de travail pour les adultes atteints d’autisme, et de nombreuses autres initiatives. C’est grâce à ces initiatives que des mesures ont été prises.
Donc, quand, en tant que sénateur, cette occasion se présente, ne fermez pas la porte. C’est une option, en bout de ligne, où l’utilisation de divers éléments des médias sociaux nous rapprocheront tous dans cette ère dans laquelle nous vivons.
[Français]
La sénatrice Mégie : Je tiens d’abord à vous remercier de vos présentations. J’aimerais apporter des suggestions à la liste des actions bénéfiques de la gentillesse. Il pourrait s’agir d’un médecin ou d’un professionnel de la santé qui fait preuve de gentillesse. C’est déjà un bon début quand on parle d’actions thérapeutiques de la gentillesse. Là où je veux en venir, c’est l’autre action bénéfique qui a déjà été mentionnée par mon collègue, le sénateur Ravalia. Je pense aux écoles où il y a beaucoup d’élèves de différentes ethnies. Avez-vous déjà enseigné ou présenté des ateliers dans des écoles où les enfants sont de différentes ethnies? Cela pourrait peut-être les rapprocher et réduire les préjugés. L’avez-vous déjà fait? Dans l’affirmative, avez-vous constaté des effets?
[Traduction]
Mme Levine : Merci de votre question. Les écoles où j’ai travaillé jusqu’à présent sont multiculturelles dans une certaine mesure. Il y a des enfants de différentes classes sociales et de différents milieux socioéconomiques, si bien qu’il y a une diversité dans les salles de classe.
Lorsque nous discutons de l’acceptation d’autrui, cela suscite beaucoup de sentiments bruts chez certains élèves qui ont été la cible de discrimination, même à un jeune âge, où ils ne comprennent pas vraiment ce qui se passe. Lorsqu’on se penche sur ces sujets avec les élèves à un âge approprié, on favorise des discussions, des conversations et des attitudes ouvertes les uns envers les autres. De plus, l’acceptation d’autrui ne se rapporte pas forcément à la couleur de la peau, aux aptitudes et à ce que nous faisons bien ou mal. Dans n’importe quel groupe de 20 à 30 enfants, il y aura de 20 à 30 différences multipliées par 100.
La réponse est donc oui. Il y a une incidence considérable lorsqu’on a un dialogue ouvert avec les enfants. Ils veulent apprendre et avoir des expériences positives ensemble.
[Français]
La sénatrice Mégie : Monsieur Turner, j’ai cru comprendre tout à l’heure que vous avez parlé de cours en ligne et que vous avez été sollicité par des fonctionnaires de la fonction publique. Est-ce votre organisme, Canada Généreux, qui a été appelé ou invité à donner ces ateliers, ou s’agit-il de cours en ligne?
[Traduction]
M. Turner : Nous sommes à l’origine du programme. Je cherche des partenaires depuis un certain temps. Il y a un coût associé à la mise en œuvre. Le cours serait conçu en tant qu’occasion de perfectionnement professionnel sur une période donnée, où les gens suivront différents volets du programme.
Aux différentes occasions où j’ai parlé du programme, j’ai cherché des partenaires. C’est la raison pour laquelle je me suis adressé à l’IPFPC et à d’autres organismes.
En cours de route, lorsque nous nous sommes associés à Santé publique Ottawa, c’était parce que des gens nous demandaient de les aider — si nous pouvions participer d’une façon quelconque pour enseigner aux gens — pour leur montrer ce que la gentillesse peut accomplir. C’est ce qui a donné lieu au programme.
Santé publique Ottawa nous en a fait la demande à plusieurs occasions. Nous avons maintenant commencé un programme avec l’IPFPC, et on vient de nous demander d’offrir notre deuxième atelier en Saskatchewan. Nous étions en Colombie-Britannique il y a deux semaines.
C’est une combinaison de facteurs — qui ont en grande partie donné lieu à la création du programme —, mais quand les gens apprennent l’existence du programme, ils nous demandent d’offrir plus d’ateliers. Nous espérons que le programme continuera de prendre de l’expansion.
Le sénateur Munson : Je dois poser la question suivante, monsieur Turner. Pour les centaines de milliers de gens qui vont regarder ces délibérations, qu’est-ce que l’IPFPC? En dehors des fonctionnaires, d’autres personnes peuvent porter une attention à ces délibérations, ou je l’espère. Pourriez-vous expliquer ce qu’est l’IPFPC?
M. Turner : Merci.
Le sénateur Munson : C’est monnaie courante ici, soit dit en passant.
M. Turner : L’IPFPC est l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada.
Rabbin Bulka : Nous avons dit que nous étions l’organisme KCG, qui est Kind Canada Généreux. C’est notre nom officiel, mais nous ne voulions pas que les gens se trompent et pensent que l’acronyme signifie Kentucky Fried Chicken.
La sénatrice Omidvar : Je sais que nous devrions tous être bons, mais je suis assez pragmatique, alors je veux vous poser une question pragmatique. Vous avez beaucoup parlé de la gentillesse chez les enfants, et je pense que, si on inculque aux enfants de bonnes habitudes de bonté, on aura une société plusbienveillante, plus gentille et meilleure. Les écoles ne sont pas du ressort du gouvernement fédéral, car elles relèvent des provinces.
Monsieur le rabbin, vous avez tout à fait raison. J’ai essayé d’apporter un tout petit changement dans le programme scolaire d’un conseil scolaire local. C’était comme escalader le mont Everest, et je n’ai pas réussi.
Quels plans avez-vous mis en place pour institutionnaliser la semaine du bonheur dans le système scolaire en travaillant avec les provinces?
Rabbin Bulka : Le plan — il ne fonctionne pas aussi rapidement que nous le voudrions — consiste à avoir un produit où nous irions dans les écoles, en collaboration avec le ministre de l’Éducation de chaque province essentiellement. On nous a dit que cela pourrait prendre de 5 à 10 ans et qu’il n’y a aucune garantie que ce sera utile. Nous avons donc commencé à examiner des solutions de rechange pour mobiliser les jeunes par l’entremise des médias sociaux.
Plutôt que d’avoir un objectif initial, nous avons en quelque sorte laissé tomber le plan, car nous ne voulons pas perdre de temps. Nous ne l’avons pas oublié. Nous aimerions le mettre en œuvre.
Je rêve peut-être en couleur, mais l’idée d’avoir une semaine nationale de la gentillesse pourrait amener les provinces à dire: « Eh bien, si nous avons cette semaine à l’échelle nationale, essayons de voir ce que nous pouvons faire à l’échelle provinciale. » C’est ce que nous espérons.
La sénatrice Omidvar : Ce serait la bonne façon de procéder. Merci.
Le sénateur Munson : Avec l’autisme, il est également question des réalisations provinciales au chapitre des fonds consacrés à la santé notamment. C’est grâce au comportement collectif de pratiquement tous les gens au gouvernement fédéral qui ont fait circuler ces messages. Dans les écoles, on procède à des cérémonies de lever du drapeau. Un drapeau de l’autisme est levé le 2 avril dans de nombreuses écoles. Dans les hôtels de ville — où le gouvernement fédéral n’a pas son mot à dire —, ils tiennent aussi des cérémonies de lever du drapeau et des discussions, entre autres. Je pense que cela va au-delà de cette barrière.
La présidente : Le temps file. Votre témoignage m’inspire à être gentille, et je ne peux pas dire non au sénateur Manning, qui a promis d’être très bref.
Le sénateur Manning : Ce n’est pas une question, mais une observation, et les propos de la sénatrice Omidvar s’inscrivent dans la même logique de ce que je m’apprête à dire. Le monde ne s’est pas bâti en un jour, mais nous avons fini par envoyerun homme sur la lune. À mon avis, la gentillesse commence avec chacun de nous et se répand. Comme le rabbin l’a dit tout à l’heure, la gentillesse est contagieuse.
J’ai mentionné la citation de ma mère il y a quelque temps. J’ai créé une carte de remerciements à mon bureau que j’envoie régulièrement aux gens, dans laquelle on peut lire une citation de ma mère à l’intérieur. La gentillesse se transmet, est contagieuse, et elle commence ici.
La présidente : Merci de cette remarque. Je veux remercier nos témoins. D’après ce que je vois ici, vous êtes la preuve de l’effet boule de neige de la gentillesse et du sourire.
Je demanderais aux témoins de rester à leur place quelques instants, car quelqu’un veut prendre une photo avant que nous passions à l’étude article par article.
Nous allons maintenant entreprendre l’étude article par article de deux projets de loi, le projet de loi S-248, Loi instituant la Journée nationale des médecins, et le projet de loi S-244, Loi instituant la Semaine de la gentillesse. Ce sont tous les deux des projets de loi assez simples. Je veux seulement signaler que si, à un moment donné, un sénateur a besoin de précisions ou a une question sur la façon de procéder, n’hésitez pas à poser des questions.
Le comité est-il d’accord pour procéder à l’étude article par article du projet de loi S-248, Loi instituant la Journée nationale des médecins?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’étude du titre est-elle réservée?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’étude du préambule est-elle réservée?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’étude de l’article 1, le titre abrégé, est-elle réservée?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 2 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 3 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’étude de l’article 1, le titre abrégé, est-elle réservée?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le préambule est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le titre est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le comité souhaite-t-il que le rapport soit accompagné d’observations?
Des voix : Non.
La présidente : Est-il convenu que je fasse rapport du projet de loi au Sénat?
Des voix : D’accord.
La présidente : Merci.
Est-il convenu de procéder à l’étude article par article du projet de loi S-244, Loi instituant la Semaine de la gentillesse?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’étude du titre est-elle réservée?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’étude du préambule est-elle réservée?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’étude de l’article 1, le titre abrégé, est-elle réservée?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 2 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 1, le titre abrégé, est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le préambule est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le titre est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le comité souhaite-t-il que le rapport soit accompagné d’observations?
Des voix : Non.
La présidente : Est-il convenu que je fasse rapport du projet de loi au Sénat?
Des voix : D’accord.
La présidente : Merci beaucoup.
Félicitations, sénateur Munson et monsieur le rabbin Bulka.
(La séance est levée.)