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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 54

Le mercredi 27 novembre  1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 27 novembre 1996

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La justice

Le rôle de la société dans la protection des enfants

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, aujourd'hui, la Cour suprême du Canada entend les arguments des avocats sur la question de savoir si Robert Latimer pourra ou non en appeler de sa condamnation pour avoir enlevé la vie à sa propre fille. Entre-temps, un autre procès se prépare dans l'affaire Brenda Drummond, qui est accusée de tentative de meurtre après avoir apparemment tiré, à l'aide d'une arme à plombs, sur son fils non encore né qui se trouvait toujours dans son utérus. Dans cette affaire, les avocats débattront la question de savoir si un foetus est une personne.

Étant ceux à qui on a confié la tâche de rédiger des lois visant à protéger les membres les plus vulnérables de notre société, nous devons nous demander si nous nous acquittons très bien de cette tâche. En fait, pas plus tard que la semaine dernière, deux mères d'enfants assassinés, Mme Boyd et Mme Mahaffy, ont dû se battre pour comparaître devant le comité sénatorial chargé d'étudier les modifications qu'on propose d'apporter à l'article 45 du Code criminel, qui permet à des meurtriers de demander une libération anticipée.

Honorables sénateurs, devons-nous croire que le Canada est un pays où quelqu'un peut décider si la vie d'une autre personne est importante et si cette personne devrait vivre ou mourir? Devons-nous croire qu'un enfant, à quelques jours de sa naissance, n'a aucune protection ni aucun droit? En outre, devons-nous croire que les meurtriers ont droit à une libération anticipée pendant que les parents d'enfants assassinés doivent se battre pour faire entendre leurs opinions? Écoutons-nous les Canadiens ou uniquement les universitaires, les avocats et les lobbyistes?

En tant que législateurs, notre principale responsabilité est de rédiger des lois qui protègent les membres de la société qui ne peuvent pas se protéger eux-mêmes. J'espère que nous ne sommes pas ici uniquement pour protéger les droits des meurtriers. J'espère aussi que nous n'avons pas perdu de vue le caractère sacré d'une vie humaine innocente.

 

Terre-Neuve

Les changements apportés au système scolaire-
La modificationde la clause 17 de la Constitution

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, permettez-moi de revenir sur un sujet dont je ne peux plus traiter pendant le débat, à savoir la clause 17. Je résumerai mes propos de lundi, car j'estime que c'est important. Il y a deux points[...]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je suis désolé, mais ce n'est pas le moment de se lancer dans un débat à l'étape des déclarations de sénateurs.

Le sénateur Gigantès: Mais il ne s'agit pas d'un débat.

Le sénateur Doody: D'ici, on dirait que oui.

Son Honneur le Président: C'est la poursuite du débat, et cela n'est autorisé que si le Sénat est d'accord. Honorables sénateurs, est-ce d'accord?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

 

Les Transports

Le rôle des hélicoptères dans les
missions de recherche et de sauvetage

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, les événements héroïques qui se sont produits il y a environ une quinzaine, à la pointe nord du Labrador, ne devraient pas passer inaperçus au Sénat. Je voudrais dire quelques mots pour saluer cet acte d'héroïsme véritable.

Comme bien des sénateurs le savent, au cours d'une mission visant à sauver un pêcheur qui s'était trouvé mal sur un chalutier danois, les membres de l'équipe de techniciens en sauvetage aéromaritime no 421 ont eux-mêmes eu besoin de secours quand leur hélicoptère a sombré dans un détroit le long de la côte du Labrador. Pendant que des avions Hercule prenaient la relève et terminaient la mission de sauvetage du pêcheur, d'autres équipes de techniciens en sauvetage aéromaritime de Goose Bay et de Greenwood ont été chargées de rechercher leurs collègues qui manquaient à l'appel.

(1340)

Nous savons tous que, deux jours plus tard, les quatre membres de l'équipe ont été retrouvés dans une cabane vide où ils s'étaient réfugiés contre la pluie verglaçante et la neige épaisse. Ils avaient subi des engelures et diverses blessures, ils étaient déshydratés et incommodés par la fumée, mais, Dieu merci, ils étaient vivants. Nous savons aussi maintenant qu'au moins l'un d'eux était gravement blessé. L'équipage de l'hélicoptère du Labrador a pu atterrir sur le terrain inégal pour sauver des collègues qui étaient évidemment reconnaissants qu'on les retrouve vivants et en assez bon état, compte tenu de ce qu'ils avaient enduré.

Pour bon nombre d'entre nous, toutefois, l'histoire ne s'arrête pas là. C'est peut-être même là qu'elle commence. À tout le moins, elle a attiré notre attention sur la question de savoir pourquoi le gouvernement en place n'a toujours pas donné suite aux engagements pris il y a plus d'un an de remplacer les flottes vieillissantes d'hélicoptères de recherche et de sauvetage et de Sea King. Le Canada possède 15 petits hélicoptères qui ne peuvent fonctionner dès que la terre n'est plus en vue ou quand il gèle. Ils ne peuvent servir pour les opérations au nord du 60e parallèle, encore moins pour les opérations de sauvetage dangereuses sur l'océan.

Honorables sénateurs, je voudrais rendre hommage à l'équipe de techniciens en sauvetage aéromaritime qui, à bord d'un canot pneumatique sur le détroit de Grenville la nuit et en criant, s'est rendue jusqu'au chalutier danois pour prodiguer de l'aide. Ce ne sont pas simplement des paroles, ce sont des actes. Nous sommes très obligés envers cette équipe. Je suis heureux de la saluer.


AFFAIRES COURANTES

Les travaux du Sénat

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je voudrais prendre un instant pour clarifier à l'intention de tous les honorables sénateurs la procédure dont nous avons convenu pour procéder aux votes au sujet de la clause 17.

Nous avons un ordre du Sénat selon lequel le Président doit interrompre toutes les délibérations à 17 heures aujourd'hui afin de mettre aux voix les questions nécessaires pour disposer des motions d'amendement et de la motion principale. Sans passer en revue tous les articles du Règlement à ce sujet, je précise que le timbre sonnera durant 15 minutes, après quoi nous procéderons aux votes.

Je répète, le Président interrompra toutes les délibérations à 17 heures et, dès qu'on aura demandé la tenue d'un vote par appel nominal sur la motion d'amendement du sénateur Cogger, on procédera au vote. On peut présumer qu'on tiendra ensuite un vote sur la motion d'amendement du sénateur Doody, après quoi nous procéderons au vote sur la motion principale.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je suis d'accord avec ce que nous venons d'entendre. Nous avons eu amplement d'avis sur la procédure à suivre. Malheureusement, plusieurs interprétations différentes du Règlement circulaient à ce sujet. Il y a environ une heure, nous avons reçu ce qui nous paraît être la bonne interprétation du Règlement. Elle correspond à ce que mon collègue, le sénateur Graham, a dit.

Sauf erreur, le Président doit donc interrompre les délibérations à 17 heures, mettre aux voix toutes les questions concernant la clause 17, et faire sonner le timbre. Je suppose que nous procéderons d'abord au vote sur la motion d'amendement du sénateur Cogger pour que ceux qui sont en faveur et ceux qui sont contre se prononcent. Je suppose que deux sénateurs tiendront à ce qu'on procède à un vote par appel nominal. Dans ce cas, le timbre sonnera durant 15 minutes. Le vote se tiendra sur la motion d'amendement, et toutes les questions seront ensuite mises aux voix successivement sans plus de débat ni de sonnerie du timbre.

Voilà ce que je crois comprendre, et le sénateur Graham est sûrement lui aussi de cet avis. J'invite tous les collègues au Sénat, notamment ceux de ce côté-ci, à veiller à ce que leurs collègues qui ne sont pas présents en ce moment soient informés de la procédure.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, on me laisse encore à l'écart de toutes ces délibérations. Cependant, je suis entièrement d'accord avec l'interprétation que l'on vient d'exposer au Sénat. À moins qu'il ne m'arrive quelque chose, je serai sûrement présent. Je n'y manquerai pas.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, pour plus de précision, j'ai bien cherché à entrer en contact avec les sénateurs indépendants afin de leur faire savoir comment nous allions procéder cet après-midi.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le Règlement sur l'attribution des permis aux propriétaires d'armes à feu

À l'appel du dépôt de documents:

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, conformément à l'article 118 de la Loi sur les armes à feu, le règlement d'application de cette loi. Aux termes du paragraphe 18(3) de la Loi sur les armes à feu, notre comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a maintenant la possibilité d'étudier ce projet de règlement.

La procédure permettant de renvoyer directement une question à l'un de nos comités en vertu d'une disposition législative expresse n'est pas nouvelle. Au printemps de 1995, des projets de décret donnant des instructions au CRTC au sujet de la diffusion directe par satellite ont été déposés au Sénat et renvoyés à notre comité permanent des transports et des communications en vertu du paragraphe 8(2) de la Loi sur la radiodiffusion. C'est la même procédure qui s'applique aujourd'hui, conformément à la Loi sur les armes à feu, pour le projet de règlement que je dépose maintenant.

Je sais que le sénateur Carstairs, qui préside le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, souhaite que le comité étudie ce projet de règlement. Au nom de tous les honorables sénateurs, j'adresse mes meilleurs voeux au comité dans l'exécution de ce travail.

 

Énergie, environnement
et ressources naturelles

Dépôt du rapport du comité
sur sa visite d'observation en Alberta

L'honorable Ron Ghitter, président du comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, dépose le rapport suivant:

Le mercredi 27 novembre 1996

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a l'honneur de présenter son

 

QUATRIÈME RAPPORT

Votre comité, autorisé par le Sénat le mercredi 27 mars 1996 à étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles au Canada, présente son rapport intérimaire intitulé «Compte rendu de la mission d'observation du comité à Calgary et à

Fort McMurray (Alberta), L'industrie pétrolière et gazière: problèmes actuels et défis à venir, 3-7 juin 1996».

Respectueusement soumis,

 

Le président,
RON GHITTER

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Ghitter, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

 

La Loi électorale du Canada
La Loi sur le Parlement du Canada
La Loi référendaire

Projet de loi modificatif-Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-63, Loi modifiant la Loi électorale du Canada, la Loi sur le Parlement du Canada et la Loi référendaire.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Graham, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance de mardi prochain, le 3 décembre 1996.)

(1350)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Première lecture

L'honorable Sharon Carstair: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le projet de loi S-13, Loi modifiant le Code criminel (protection des soignants).

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance de mardi prochain, le 3 décembre 1996.)

 

La Colombie-Britannique

Les répercussions des activités du ministère
des Pêches et des Océans et de la Garde
côtière sur les habitants des localités côtières-Avis d'interpellation

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, je donne avis que mardi prochain, le 3 décembre 1996, j'attirerai l'attention du Sénat sur les répercussions des mesures prises par le gouvernement concernant la Garde côtière et le ministère des Pêches et des Océans sur les collectivités côtières de la Colombie-Britannique.

 


PERIODE DES QUESTIONS

Les transports

Le programme de remplacement des hélicoptères de recherche et de sauvetage-La nécessité de moderniser le matériel actuel-La position du gouvernement

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, il y a quelques minutes, le sénateur Forrestall a mentionné un incident qui s'est produit au Labrador, où nous avons été témoins d'actes d'héroïsme de la part des membres de l'équipe de recherche et de sauvetage. Je ferai remarquer à la ministre que c'est lundi de cette semaine que débutait la saison de la pêche au homard dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Je devrais également rappeler que la pêche sur l'Océan atlantique peut être cruelle, dure et impitoyable à l'endroit de ceux qui vivent de la pêche d'hiver. Malheureusement, le gouvernement continue de refuser de fournir à ces braves hommes et à ces braves femmes du matériel adéquat, comme des hélicoptères de recherche et de sauvetage. Il ne semble pas se préoccuper non plus de ces incidents qui se produisent chaque année pendant la saison de la pêche d'hiver.

La ministre peut-elle nous donner aujourd'hui l'assurance que ces hommes et ces femmes pourront un jour compter sur du matériel adéquat, sur l'équipement dont ils ont besoin pour sauver des vies sur la côte est du Canada?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, mon honorable collègue sait bien que le gouvernement s'est engagé à acheter du matériel neuf. Le gouvernement a annoncé les décisions qu'il a prises au sujet des hélicoptères Labrador. Il a également pris un engagement ferme en ce qui concerne les appareils Sea King. Cependant, je n'ai pas d'autres renseignements à fournir à mon honorable collègue aujourd'hui.

Le sénateur Comeau: Honorables sénateurs, je signale à la ministre que j'ai bien parlé de matériel «adéquat» et non seulement de «matériel». J'exhorte la ministre à rappeler à ses collègues au Cabinet que le matériel que le gouvernement envisage d'acheter, si jamais il est acheté, doit pouvoir permettre aux sauveteurs d'intervenir dans le genre de situations urgentes qu'ils rencontrent.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je peux assurer mon honorable collègue que la priorité des ministres concernés sera d'acheter du matériel permettant aux sauveteurs d'accomplir efficacement leur travail.

 

La défense nationale

Le cas du lieutenant Marsaw, de la Marine
royale-La possibilité qu'un médiateur
soit nommé-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. D'abord, peut-elle nous dire ce qu'il y a de neuf dans l'affaire du lieutenant Marsaw qui, comme le savent les sénateurs, en est à sa 28e journée de grève de la faim à Halifax? Le gouvernement a-t-il changé d'avis pour ce qui est d'interjeter appel tôt ou, mieux encore, de faire toute la lumière possible sur les circonstances qui ont amené le lieutenant Marsaw devant une cour martiale?

On peut comprendre que le ministre de la Défense se trouve dans une situation très délicate. Madame le leader du gouvernement comprendra aussi la situation difficile du lieutenant Marsaw.

Si l'affaire n'a pas évolué le moindrement, un conseiller privé ou un sénateur pourrait-il être nommé pour servir de médiateur dans cette affaire et tenter de trouver le moyen de nous sortir de cette terrible impasse? La ministre peut-elle nous éclairer quelque peu là-dessus?

Madame le leader du gouvernement au Sénat envisagerait-elle d'appuyer une motion de ma part ou de la part d'un autre sénateur pour que le Sénat charge un comité spécial d'examiner ce problème au cours de la semaine qui vient et de revenir conseiller le Sénat, les Canadiens et le gouvernement lui-même sur des façons de régler ce problème?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je comprends la question de mon collègue et l'esprit dans lequel il la posée. Je reconnais aussi que la situation est extraordinairement délicate et triste.

La première chose que je vais faire, c'est m'enquérir de l'évolution de la situation auprès de mon collègue. Je lui transmettrai par la même occasion les propositions du sénateur quant à la nomination d'un genre de médiateur spécial.

 


ORDRE DU JOUR

Projet de loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Israël

Deuxième lecture-Report du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Stollery, appuyée par l'honorable sénateur Riel, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-61,Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Israël.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'ai informé le sénateur Graham de mon intention de parler aujourd'hui de ce projet de loi inscrit à l'ordre du jour. Je veux montrer ma bonne foi en ne retardant pas le renvoi du projet de loi au comité, après son adoption à l'étape de la deuxième lecture.

Il a maintenant été convenu que je prendrai la parole demain. Si je ne le fais pas, je ne retarderai pas l'étude du projet de loi, car celui-ci sera renvoyé au comité, étant donné qu'aucun autre sénateur ne veut prendre la parole à ce sujet. Autrement dit, cela ne changerait rien à l'ordre des choses.

(1400)

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour reporter ce point jusqu'à demain?

Des voix: D'accord.

(La motion est reportée.)

[Français]

 

La Loi sur le divorce
La Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales
La Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions
La Loi sur la marine marchande

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool propose: Que le projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada, soit lu une deuxième fois.

-Honorables sénateurs, il me fait plaisir aujourd'hui de présenter en deuxième lecture le projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur le divorce et les mesures législatives fédérales concernant l'exécution des ordonnances alimentaires. Le projet de loi C-41 établit un cadre pour l'utilisation des lignes directrices visant le calcul des pensions alimentaires pour enfants et prévoit de nouveaux mécanismes améliorant l'exécution des ordonnances alimentaires. Le projet de loi a été déposé à la Chambre des communes en mai 1996 et il a reçu sa deuxième lecture en novembre 1996. Les individus, les groupes représentant les parents séparés et divorcés, les organisations juridiques ont présenté des mémoires et comparu devant le comité permanent de la justice et des questions juridiques. La Chambre des communes a terminé la troisième lecture du projet de loi C-41 le 18 novembre 1996.

Au cours des six dernières années, les fonctionnaires des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont travaillé en collaboration dans le cadre du comité du droit de la famille afin d'étudier la question des pensions alimentaires pour enfants. Le comité en est arrivé à la conclusion que l'élaboration de lignes directrices pour les pensions alimentaires pour enfants était la meilleure façon d'arriver à des montants justes et cohérents lors de la détermination des montants de pensions alimentaires.

Le projet de loi établit un cadre pour l'utilisation des lignes directrices qui seront introduites par voie de règlements dès que le projet de loi sera adopté. Il est important de noter que le ministère de la Justice a publié un document de travail sur les lignes directrices à des fins de consultation en juin 1996 et il révise actuellement ces dernières à la lumière des résultats obtenus lors des périodes de consultation.

Par conséquent, les lignes directrices ne figurent pas dans le présent projet de loi mais je crois qu'elles sont tellement importantes au sein de la présente réforme que je dois expliquer en quoi elles consistent. Les lignes directrices sont une méthode de fixation des pensions alimentaires pour enfants plus directe que l'approche actuelle et elles reposent sur les moyens et les besoins des enfants. Les lignes directrices sont utilisées dans tous les États américains, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Australie, en Nouvelle-Zélande et dans certains pays de l'Europe de l'Est.

L'élaboration de lignes directrices en matière de pensions alimentaires pour enfants qui soient adaptées à la situation canadienne s'est avérée un processus long et exigeant. Il a fallu investir six ans de recherche, de consultation et de négociation entre les diverses juridictions afin d'arriver à un ensemble de lignes directrices adaptées à la réalité canadienne. Plusieurs formules de calcul du montant de base ont été examinées, mais le comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille a conclu que le modèle du pourcentage fixe constituait le meilleur moyen de conférer aux enfants le montant de pension alimentaire qui reflète le mieux la capacité de payer des parents.

Le modèle est simple à appliquer étant donné qu'il nécessite uniquement le revenu des parents non gardiens, sauf si l'on démontre qu'il existe des dépenses spéciales, auquel cas, il faut tenir compte du revenu des deux parents. L'enfant peut bénéficier des augmentations de revenus des deux parents tout en reconnaissant que le parent débiteur n'aura pas une plus grande capacité de payer du fait que le parent gardien subit une baisse de revenu.

Les lignes directrices sont introduites grâce au règlement pour trois raisons: premièrement, pour être facilement lisibles; deuxièmement, pour être en mesure de répondre plus rapidement aux modifications; troisièmement, pour permettre à une province d'adopter ses propres lignes directrices et d'appliquer ces dernières aux ordonnances de pensions alimentaires pour enfants rendues conformément à la loi provinciale et à celles rendues conformément à la Loi sur le divorce.

En collaborant avec les provinces en ce qui a trait à l'élaboration des lignes directrices, le gouvernement fédéral espérait l'adoption des mêmes lignes directrices par le plus grand nombre possible de provinces. Dès lors, on obtiendrait la cohérence dans l'ensemble du pays. Toutefois, le Québec a annoncé dès le début du processus qu'elle élaborerait ses propres lignes directrices relatives aux pensions alimentaires pour enfants. Quelques autres provinces pourraient agir de la même façon.

Le gouvernement fédéral a accepté cet état de choses. Le projet de loi prévoit que le gouverneur en conseil peut permettre l'application des lignes directrices provinciales aux actions de divorce lorsque les deux parents résident dans la même province. Le gouverneur en conseil se doit d'utiliser son pouvoir discrétionnaire afin que les lignes directrices provinciales soient complètes et qu'elles ne créent pas un vide dans la législation fédérale. Lorsque les deux conjoints ne résident pas dans la même province, les lignes directrices fédérales s'appliqueront. Une des raisons à cette situation provient du fait que dans le cas d'une ordonnance provisoire ou confirmative, les tribunaux seront tenus uniquement à l'interprétation des lignes directrices fédérales et à celles adoptées dans leur province. Elle n'auront donc pas à appliquer les lignes directrices des diverses provinces et territoires.

Si une administration décide d'adopter ses propres lignes directrices, l'article 26.1 énumère la liste des sujets et des critères qui doivent être abordés dans celles-ci. Il faut s'assurer que ces lignes directrices soient complètes et qu'elles ne créent pas de vide législatif.

Honorables sénateurs, par le biais de ces réformes, nous donnons la priorité aux pensions alimentaires pour enfants. Le projet de loi C-41 élimine l'ancien article 15, qui faisait référence à la fois à la pension alimentaire pour les enfants et pour les époux. Il prévoit des articles distincts pour les deux types de pensions alimentaires, étant donné que les montants sont désormais fixés en tenant compte de critères différents.

L'essentiel de la question figure désormais à l'article 15.1, qui précise que le montant prévu dans les ordonnances de pensions alimentaires pour enfants, fixé de façon provisoire ou finale, doit être rendu conformément aux lignes directrices. Les pensions alimentaires pour enfants doivent également être déterminées séparément des pensions alimentaires pour les époux étant donné qu'elles seront soumises dès le 1er mai 1997 à des traitements fiscaux différents.

La priorité accordée aux pensions alimentaires pour enfants se trouve à l'article 15.3. Lorsque le payeur ne peut pas assumer les deux pensions, la cour devrait ordonner un montant inférieur de pension alimentaire pour les époux et non réduire le montant de pension alimentaire pour enfants. Le paragraphe 15.3 (3) prévoit que dans le cas où le revenu est insuffisant, la priorité est accordée à la pension alimentaire pour enfants et le reste des sommes disponibles est versé à titre de pension alimentaire pour l'époux ou l'épouse.

Toute réduction ou suppression de la pension alimentaire pour enfants constitue un changement dans la situation des ex-époux. Une demande de modification d'une ordonnance de pension alimentaire pour époux peut alors être faite, et cette disposition reconnaît l'importance des pensions alimentaires pour époux tout en accordant la priorité à la pension alimentaire pour enfants.

En ce qui a trait à la pension alimentaire pour enfants, je désire mettre l'accent sur deux autres dispositions du projet de loi. La première figure à l'article 25.1. Cette disposition permet aux gouvernements fédéral et provinciaux de nommer un service provincial de pensions alimentaires pour enfants afin d'aider les tribunaux à déterminer le montant de la pension alimentaire pour enfants. De plus, ce service peut effectuer périodiquement un nouveau calcul des ordonnances de pensions alimentaires pour enfants sur la base des renseignements à jour sur le revenu. Ceci n'est pas impératif, mais des dispositions sont prévues afin que les provinces puissent l'appliquer si elles le désirent.

Les lignes directrices comportent trois éléments: premièrement, des tables de montant applicable à chaque province selon le revenu et le nombre d'enfants à l'annexe 1; deuxièmement, les règles d'application d'ajout et de dérogation des montants prévus dans les tables, ce qui représente le corps principal des lignes directrices; troisièmement, les critères énoncés à titre consultatif concernant les comparaisons des niveaux de vie, lesquelles s'inscrivent dans le cadre du critère de dérogation en raison des contraintes excessives que l'on retrouve à l'annexe II.

[Traduction]

Honorables sénateurs, la règle d'application de départ se fonde sur la présomption. À moins que les lignes directrices ne prévoient autre chose, le montant de la pension alimentaire pour enfants est le montant figurant dans la table, plus les dépenses spéciales, le cas échéant. On ne peut déroger à ce montant que si celui-ci risque de causer un préjudice indu au parent ou à l'enfant. Toutefois, dans quatre situations, les lignes directrices n'ont que valeur consultative et pourraient ne pas s'appliquer. Il s'agit des cas où, premièrement, le payeur gagne plus de 150 000 $ par année; deuxièmement, l'enfant a dépassé l'âge de la majorité; troisièmement, la garde est partagée de manière substantiellement égale; et quatrièmement, il y a une décision consensuelle.

Si le tribunal a appliqué le montant prévu dans la table, à la demande de l'une des parties, il peut également considérer la nécessité de cinq catégories de dépenses spéciales. Il convient de mentionner que cette liste est exhaustive: (1) des frais de garderie; (2) des dépenses médicales extraordinaires ou des dépenses extraordinaires liées à la santé; (3) des dépenses extraordinaires pour l'éducation primaire ou secondaire, ou pour tout programme répondant aux besoins particuliers de l'enfant; (4) des dépenses pour l'éducation postsecondaire; (5) des dépenses extraordinaires pour des activités périscolaires.

Ayant appliqué le montant figurant dans la table et songé à des dépenses spéciales, le cas échéant, l'un des conjoints ou un conjoint représentant l'enfant peut demander une dérogation au montant prévu dans les lignes directrices pour le motif qu'il subirait un préjudice indu si le montant de la pension alimentaire était ainsi fixé. À la différence des dépenses spéciales, la liste des facteurs pouvant causer un préjudice indu n'est pas exhaustive. Parmi ces facteurs, on compte un niveau d'endettement exceptionnellement élevé et raisonnablement causé par des dépenses engagées pour subvenir aux besoins de la famille ou toucher un salaire; des dépenses exceptionnellement élevées pour les visites; l'obligation en vertu d'une ordonnance d'un tribunal ou d'une entente de séparation de subvenir aux besoins d'une autre personne; l'obligation juridique de subvenir aux besoins d'un enfant.

L'article 11 des lignes directrices comporte deux normes de variation. D'abord, si l'ordonnance est prise conformément aux lignes directrices, tout changement de situation qui se traduirait par la fixation d'une pension alimentaire pour enfant différente justifierait une variation. En second lieu, si l'ordonnance a été prise en vertu des critères existants, l'entrée en vigueur des lignes directrices et le changement du traitement fiscal seront reconnues comme un changement de situation. En outre, l'alinéa 11b) prévoit un changement de situation ayant pour effet que toutes les ordonnances de pension alimentaire pour enfant existantes prises conformément à la Loi sur le divorce sont admissibles à la variation, en conformité des lignes directrices et du nouveau traitement fiscal prenant effet le 1er mai 1997.

En plus d'établir le cadre applicable aux lignes directrices, le projet de loi C-41 vise surtout à instaurer de nouveaux mécanismes pour faire appliquer les ordonnances de pension alimentaire. Partant du principe que les parents doivent assumer leurs responsabilités et que l'entretien des enfants n'est pas facultatif, le projet de loi modifie les lois d'exécution actuelles en élargissant l'éventail des outils d'exécution.

La responsabilité de l'exécution des ordonnances incombe en premier lieu aux provinces. Cependant, le gouvernement fédéral joue un rôle complémentaire important en finançant les programmes d'exécution provinciaux, en exécutant des saisies-arrêts sur certaines sommes payées par lui et en aidant à retrouver l'adresse des débiteurs en défaut grâce à ses banques de données. Les deux lois où sont prévues ces mesures sont la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales et la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions.

L'ajout des banques de données de Revenu Canada aux banques de données où il est possible de chercher l'adresse des débiteurs accroîtra l'efficacité des moyens fédéraux mis en oeuvre pour retrouver l'adresse des payeurs de pension en défaut. Ces banques de données contiennent les données les plus récentes et les plus complètes. Il est important de préciser que seule l'adresse sera divulguée et que de bons mécanismes de protection de la vie privée sont en place lorsque le renseignement est communiqué aux programmes d'exécution provinciaux.

Ce qui est plus important encore, c'est que la possibilité de refuser différentes autorisations a été ajoutée à la partie III de la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales. Il s'agit d'un outil innovateur que certaines provinces utilisent déjà ou envisagent d'utiliser et que le gouvernement fédéral a ajouté à son arsenal pour appuyer les mesures d'exécution des provinces et des territoires. Les agents des agences provinciales et territoriales, mais pas les particuliers, pourront demander officiellement par affidavit un refus d'autorisation. Nous reconnaissons par là que toutes les provinces et tous les territoires ont des services d'exécution possédant le mandat et la compétence pour bien utiliser cet instrument. La disposition permet au gouvernement fédéral de suspendre ou de refuser de délivrer ou de renouveler un passeport ou différents permis prévus dans la Loi sur l'aéronautique et la Loi sur la marine marchande du Canada.

Pour le moment, la disposition ne vise que les passeports ainsi que des permis et des certificats fédéraux du domaine de l'aviation et de la marine marchande. Cependant, le gouvernement fédéral continue d'examiner l'inclusion d'autres permis et certificats délivrés par lui.

Le projet de loi C-41 précise que le payeur d'une pension alimentaire doit être en défaut de façon répétée avant qu'une demande de refus d'autorisation ou de permis puisse être faite par une agence d'exécution provinciale ou territoriale.

[Français]

Honorables sénateurs, l'expression «manquement chronique» est définie dans le projet de loi, c'est-à-dire soit des arriérés parce que le débiteur n'a pas acquitté intégralement les montants en cause pour trois périodes de paiement ou soit des arriérés pour une somme d'au moins 3 000 $.

Cette définition constitue une norme raisonnable qui reflète le type de manquement important justifiant le recours à la mesure sévère qui consiste à refuser de délivrer un permis ou une licence.

Ce régime vise principalement à motiver les débiteurs en défaut à respecter leurs obligations alimentaires plutôt que de continuer à y passer outre. On insiste tout particulièrement sur l'avis au débiteur afin de s'assurer qu'il a l'occasion d'éviter les mesures de refus de délivrance d'un permis ou d'une licence en prenant des ententes de paiement auprès de l'autorité responsable de l'exécution.

Les mesures législatives proposées prévoient que la procédure de refus de délivrer un permis ou une licence prend fin lorsque le débiteur n'est plus en défaut s'il se conforme à un accord raisonnable conclu en ce qui a trait au paiement, l'application des mesures concernant le refus de délivrer un permis ou une licence n'est pas raisonnable dans les circonstances ou encore lorsque le service d'exécution cesse l'exécution de l'ordonnance alimentaire.

Le projet de loi préconise également la création d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire dans les cas où le débiteur refuse de retourner ou utilise son passeport après avoir reçu l'avis selon lequel le passeport a été suspendu conformément au régime de refus d'autorisation.

Cette disposition a été édictée à la suite de l'avis du bureau des passeports du ministère des Affaires étrangères, afin de prévoir un mécanisme additionnel permettant de prendre des mesures subséquentes si le titulaire du passeport ne le retourne pas volontairement. En prévoyant cette nouvelle infraction dans la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, un agent de la paix aurait des motifs, si le passeport n'est pas retourné, de lancer une enquête et demander un mandat conformément à l'article 487 du Code criminel l'autorisant à saisir le passeport.

Le projet de loi prévoit également des amendements visant l'amélioration des services fédéraux de saisies. Le gouvernement fédéral saisit environ 53 millions de dollars chaque année en provenance des remboursements d'impôt, des paiements d'assurance-chômage et autres paiements fédéraux. Les salaires et pensions des employés du gouvernement fédéral peuvent également être saisis.

Les amendements à la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions simplifieront la saisie des salaires provenant du gouvernement fédéral. Ce qui, auparavant, était un processus d'exécution à deux étapes, sera réduit à une seule étape grâce à l'élimination du besoin de soumettre un avertissement de l'intention de saisir avant de servir une convocation de saisie. Cette procédure est conforme aux saisies-arrêts pratiquées dans les provinces et dans l'industrie privée, qui ne prévoient pas d'exigence de cette nature.

Les modifications proposées à la partie II de la loi supprimeront également l'exigence selon laquelle le demandeur doit être domicilié et résider habituellement au Canada. Cette modification est nécessaire parce que certains ex-conjoints, surtout des femmes, se voient refuser le bénéfice de la distraction de pensions prévue dans la loi parce qu'elles ont quitté le Canada.

Les modifications conféreront également aux tribunaux le pouvoir d'ordonner la distraction de certains bénéfices spécifiques de pensions en vertu de la Loi sur la pension dans la fonction publique. Actuellement, les anciens employés qui ont le droit de retirer une pension avant l'âge de 60 ans peuvent demander le paiement immédiat de celle-ci, compte tenu des diminutions prévues, ou déférer les prestations de retraite jusqu'à l'âge de 60 ans, ce qui a pour effet de retarder la distraction des pensions afin de satisfaire à l'obligation alimentaire.

Les nouvelles dispositions du projet de loi supprimeront cette échappatoire. Elles permettront à un créancier alimentaire de demander à la cour une ordonnance enjoignant de verser immédiatement au débiteur alimentaire l'allocation annuelle payable; celle-ci serait immédiatement susceptible de distraction. Il est évident que cette nouvelle disposition a pour effet de priver le débiteur de son droit de choisir quand il veut commencer à toucher un revenu de pension et de diminuer le montant des pensions de retraite. Pour cette raison, le tribunal qui rend une ordonnance de cette nature doit être convaincu qu'il existe des arriérés importants et que d'autres mesures raisonnables d'exécution ont été prises.

Le projet de loi permet également aux administrateurs des pensions de distraire plus que le montant maximal, actuellement fixé à 50 p. 100 des prestations nettes de retraite. La règle maximale de 50 p. 100 avait été retenue à l'origine afin de soustraire une partie de la pension parce qu'on était conscient du fait que les pensions constituent des droits prévus dans la loi et qu'elles représentent probablement, sinon exclusivement, la source de revenu après la retraite. Cette approche est toujours appropriée dans les situations normales de distraction des pensions. Toutefois, conformément à la philosophie selon laquelle l'obligation alimentaire familiale constitue une obligation principale, cette nouvelle modification reconnaît que la protection n'est pas justifiée dans les situations d'arriérés.

Enfin, le projet de loi C-41 propose une modification à l'alinéa 203(1)a) de la Loi sur la marine marchande du Canada. Cette modification illustre l'engagement du gouvernement de prendre les mesures nécessaires qui s'inscrivent dans son champ de compétence afin de faciliter l'exécution des ordonnances alimentaires. Cette modification supprimerait l'obstacle législatif interdisant la saisie des gages d'un marin lorsque la saisie-arrêt vise l'exécution d'une ordonnance alimentaire familiale.

En conclusion, le projet de loi prévoit de nouveaux mécanismes visant à fixer des montants justes et cohérents de pensions alimentaires pour enfants grâce à l'application des lignes directrices en matière de pensions alimentaires pour enfants, et un régime d'exécution plus efficace des ordonnances alimentaires dont le résultat final sera à l'avantage des enfants.

[Traduction]

Projet de loi de crédits no 3 pour 1996-1997

Deuxième lecture

L'honorable Philippe Deane Gigantès propose: Que le projet de loi C-68, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 1997, soit lu une deuxième fois.

-Honorables sénateurs, le projet de loi à l'étude aujourd'hui, soit le projet de loi de crédits no 3 pour 1996-1997, prévoit le déblocage des montants indiqués dans le Budget des dépenses supplémentaire (A) pour l'exercice 1996-1997, totalisant quelque 1,5 milliard de dollars. Le Budget des dépenses supplémentaire a été déposé au Sénat le 24 octobre 1996 et renvoyé au comité permanent des finances nationales. C'est le premier Budget des dépenses supplémentaire pour l'exercice se terminant le 31 mars 1997.

[Français]

Honorables sénateurs, ce Budget des dépenses supplémentaire s'élève à environ 1,5 milliard de dollars. Du point de vue de la planification financière, les différents montants qui le composent ont été prévus dans le budget du 6 mars 1996, sont conformes à la mise à jour économique et financière déposée le 9 octobre dernier et n'empêcheront pas l'atteinte de l'objectif visé en matière de réduction du déficit.

[Traduction]

Ce projet de loi demande aussi au Parlement d'autoriser l'acquittement d'obligations prévues dans les déficits des exercices précédents. Même si des crédits d'environ 1,5 milliards de dollars doivent être approuvés par l'entremise de ce projet de loi de crédits, les exigences nettes en matière de dépenses indiquées dans le Budget des dépenses supplémentaire(A) sont de 924,6 millions de dollars. Cette réduction d'environ 600 millions de dollars est attribuable à une diminution des prévisions de dépenses conformément à un certain nombre de postes législatifs qui ont déjà été approuvés par le Parlement et qui sont inclus dans le Budget des dépenses supplémentaire à titre d'information.

[Français]

Vous vous souviendrez sans doute que ce Budget des dépenses avait été examiné en détail avec des représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor lors de leur comparution devant le comité sénatorial permanent des finances nationales le 30 octobre dernier.

(1430)

[Traduction]

Les principaux postes contenus dans ce Budget des dépenses supplémentaire comprennent 432,8 millions de dollars pour permettre à 44 ministères et organismes de répondre à des exigences opérationnelles qui étaient prévues à l'origine dans le budget de 1995-1996. Ce montant reflète une pratique que le gouvernement a intégrée aux budgets de fonctionnement afin de réduire les dépenses de fin d'exercice et d'améliorer la gestion de la trésorerie. Cette pratique permet aux gestionnaires de reporter d'un exercice à l'autre un montant équivalant à 5 p. 100 du budget de fonctionnement de l'exercice précédent. Le budget de fonctionnement comprend les salaires, les dépenses de fonctionnement et les dépenses en capital mineures.

[Français]

Cent trente-deux millions de dollars sont prévus pour que le ministère du Développement des ressources humaines puisse accroître ses subventions aux termes de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique. Ces dépenses n'entraîneront pas une hausse du coût total de 1,9 milliard de dollars du programme lancé en mai 1994.

Un montant de 118 millions de dollars est alloué à Transports Canada au titre des indemnités de départ liées à la commercialisation du système de navigation aérienne.

[Traduction]

Honorables sénateurs, un montant de 117,7 millions de dollars est alloué à Agriculture et Agroalimentaire Canada pour le versement de subventions et de contributions à des particuliers et à des organisations, surtout dans le contexte des changements concernant le système de transport du grain et la commercialisation des produits agricoles canadiens.

Le gouvernement a alloué 100 millions de dollars à Patrimoine Canada à titre de contribution au fonds de production d'émissions canadiennes pour la télévision et la câblodistribution qui sera établi en tant qu'organisme privé indépendant sans but lucratif afin d'améliorer la programmation télévisuelle canadienne.

Un montant de 73 millions de dollars est alloué à Industrie Canada pour le programme de partenariats technologiques. Ces contributions visent à appuyer le développement technologique dans les secteurs de l'environnement, de l'aérospatiale et de la défense.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je crois comprendre que la pratique en ce qui concerne les projets de loi de crédits veut qu'ils ne soient généralement pas débattus longuement. Le débat sur ces projets de loi reste en suspens jusqu'au débat sur le budget.

Nous ne nous opposons donc pas à ce que le projet de loi passe à la prochaine étape.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Son Honneur le Président: Quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Graham, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Terre-Neuve

Les changements apportés au système scolaire-La modification de la clause 17 de la Constitution-Le rapport du comité-La motion d'amendement-Fin du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, c.p.. appuyée par l'honorable sénateur De Bané, c.p., tendant à l'adoption du treizième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (modification de la Constitution du Canada, clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada), déposé auprès du greffier du Sénat le 17 juillet 1996;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Doody, appuyée par l'honorable sénateur Kinsella, que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit modifié par substitution aux mots «sans amendement, mais avec une opinion dissidente», des mots:

«avec l'amendement suivant:»

Supprimer le passage de l'alinéa b) de la clause 17 qui précède le sous-alinéa (i) et le remplacer par les mots «là où le nombre le justifie:»;»

Et sur le sous-amendement de l'honorable sénateur Cogger, appuyé par l'honorable sénateur Bolduc, que la motion d'amendement soit modifiée par substitution aux mots «avec l'amendement suivant:» des mots «avec les amendements suivants: a)», par suppression du point à la fin de l'amendement et par adjonction des mots suivants:

«b) Supprimer les mots «d'y régir» à l'alinéa c) de la clause 17 et y substituer les mots «d'y déterminer et d'y régir».»

L'honorable Duncan J. Jessiman: Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole pour apporter ma modeste contribution au débat sur le projet de modification de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada.

En tant que membre du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, j'ai écouté attentivement les nombreux exposés faits devant le comité en juin et juillet 1996 à Ottawa et à St. John's, Terre-Neuve. Il ne fait aucun doute que cette question est une source de grave controverse pour cette grande province.

J'ai écouté et lu les déclarations de tous les sénateurs qui ont pris la parole au Sénat à ce sujet jusqu'à maintenant. Des discours exemplaires ont été livrés de part et d'autre. Je suis d'avis que les droits reconnus aux sept groupes confessionnels chrétiens de Terre-Neuve en 1949 et 1977 étaient et demeurent protégés contre toute loi provinciale de Terre-neuve et du Labrador qui porterait atteinte à tout droit ou privilège dont jouissent les écoles confessionnelles.

La clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada en 1949 est claire et sans équivoque. On me permettra de lire le passage pertinent:

En ce qui concerne la province de Terre-Neuve, la clause suivante devra s'appliquer au lieu de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867: Dans la province de Terre-Neuve et pour ladite province, la Législature aura le pouvoir exclusif d'édicter des lois sur l'enseignement, mais la Législature n'aura pas le pouvoir d'adopter de lois portant atteinte aux droits ou privilèges [...] relativement aux écoles confessionnelles...

Le texte se poursuit, mais je m'arrête là.

En 1949, on comptait six catégories de personnes, puis en 1987 l'Église pentecôtiste a demandé et obtenu que ses droits confessionnels soient garantis en vertu de la Constitution. D'autre part, l'article 29 de la Loi constitutionnelle de 1982 stipule que les dispositions de la Charte ne portent pas atteinte aux droits ou privilèges garantis en vertu de la Constitution du Canada concernant les écoles séparées et autres écoles confessionnelles. La raison d'être de ces dispositions est de protéger chacune de ces sept minorités contre la majorité. Je suis d'avis que les droits de ces minorités ne peuvent leur être retirés sans le consentement d'une majorité de membres de chacune d'elles.

Certaines minorités religieuses de Terre-Neuve ont accepté de se voir retirer leurs droits. C'est très bien, mais cela n'enlève pas les droits des minorités qui ne veulent pas les perdre, comme le prévoit la modification de l'article 17 proposée par le gouvernement.

Nos adversaires sur cette question disent qu'ils ne se fondent pas sur le fait qu'une majorité de Terre-Neuviens ont voté au référendum sur l'article 17, mais ils croient que c'est un facteur qu'il nous faut considérer dans notre décision à savoir si nous, en tant que Sénat, devons adopter la résolution proposée par le gouvernement.

Je signale aux honorables sénateurs que, avant la tenue de ce référendum, le gouvernement de Terre-Neuve avait, à l'époque, distribué dans tous les foyers de la province, sans exception, un dépliant qui disait notamment ceci:

L'article révisé préservera le droit à l'éducation religieuse dans toutes les écoles. Le nouvel article ne prévoira pas le maintien de conseils scolaires confessionnels séparés. Toutefois, il permettra le maintien d'écoles d'une confession particulière là où le nombre le justifie et l'élection des deux tiers des membres du conseil scolaire suivant la répartition confessionnelle.

Ces mots, «là où le nombre le justifie», sont exactement les mêmes que ceux que le sénateur Doody a employés dans son amendement.

Je dois dire également que cela n'a pas d'importance que tous les politiciens provinciaux de Terre-Neuve veuillent ce changement. À mon avis, ce type de mesure dépasse les compétences de la province. La question est donc de savoir si le Parlement peut, en collaboration avec l'assemblée législative de Terre-Neuve, adopter des lois qui abolissent des droits que la Constitution garantit aux minorités. D'après moi, il ne le peut pas.

Si la modification proposée par le gouvernement était soumise à un vote auprès des différents groupes, c'est-à-dire si les Catholiques, les Pentecôtistes, les Adventistes du septième jour et tous les autres pouvaient voter pour ou contre, elle deviendrait légalement obligatoire seulement auprès des groupes qui auraient voté en sa faveur.

(1440)

Durant les audiences tenues à Terre-Neuve, ceux qui étaient en faveur de modifier la clause 17 ont déclaré que «d'y régir» les activités d'enseignement touchant aux croyances religieuses signifiaient la même chose que «d'y déterminer et d'y régir».

En vertu du sous-amendement proposé par le sénateur Cogger, les écoles confessionnelles non seulement dirigeraient, mais aussi détermineraient les activités d'enseignement touchant aux croyances religieuses. À mon avis, la modification que le gouvernement propose d'apporter à la clause 17 par le gouvernement est ultra vires et va à l'encontre des minorités qui se sont vu accorder ces droits dans la Constitution et qui ne veulent pas d'une telle modification. Cette modification devrait donc être rejetée.

On me dit que les représentants de l'Église catholique, de l'Église pentecôtiste et de l'Église adventiste du septième jour, les trois seules qui se sont opposées à la modification que le gouvernement propose d'apporter à la clause 17 préféreraient qu'elle soit rejetée, point. Toutefois, on nous a dit que si l'amendement du sénateur Doody et le sous-amendement du sénateur Cogger étaient adoptés, les trois Églises - catholique, pentecôtiste et adventiste du septième jour - accepteraient les changements et ne les contesteraient pas devant les tribunaux.

Pour toutes ces raisons, et bien que je pense qu'il serait préférable de rejeter la modification que le gouvernement propose d'apporter à la clause 17, je voterai en faveur de l'amendement du sénateur Doody et en faveur du sous-amendement du sénateur Cogger.

Pour terminer, je voudrais rappeler ce qu'un politicien fédéral a dit en 1980 à propos des écoles confessionnelles de Terre-Neuve alors que nous débattions de la Loi constitutionnelle de 1982:

- certains milieux à Terre-Neuve ont suggéré qu'idéalement, la protection du système d'enseignement confessionnel devrait être inscrite dans le béton. Il serait souhaitable, voire nécessaire que la Loi constitutionnelle de 1980...

qui est devenue la Loi constitutionnelle de 1982,

- protège le système d'enseignement confessionnel non seulement contre tout risque de réforme par suite d'initiatives fédérales, mais le protège aussi contre toute risque de réforme par suite d'initiatives de l'Assemblée législative provinciale.

Ce politicien, c'était Brian Tobin.

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, je prends très au sérieux la proposition du gouvernement de Terre-Neuve. Je pense qu'il est de mon devoir de m'occuper d'une question qui, à mon avis, n'a pas reçu une attention adéquate des groupes intéressés. J'ai énormément de difficulté à comprendre le concept de ce qu'on appelle les «groupes minoritaires», qui semble être à l'ordre du jour aujourd'hui. Je ne sais pas exactement ce que l'on entend par «minorité».

Lorsque je parle d'une «minorité», je pense à des gens. Pourtant, j'entends ici des sénateurs discuter d'une minorité qui est une institution. Il s'agit d'une institution religieuse, en tous points semblable à toute autre institution.

Contrairement à certains groupes autochtones, je ne peux pas dire que j'ai vécu des expériences déplorables au contact de groupes religieux. Ils ne m'ont jamais maltraité et je n'ai donc aucune rancune. Cependant, je crois qu'il est important d'aborder la question car mon peuple, y compris les Innus, qui sont des Indiens, négocie actuellement avec le gouvernement de Terre-Neuve pour résoudre des problèmes qui sont en suspens depuis fort longtemps au sujet des droits et autres questions intéressant les autochtones.

Il y a quelque temps, j'ai abordé cette question et j'ai attiré l'attention des sénateurs sur le fait que les autochtones n'avaient pas reçu la même garantie que les groupes religieux au moment où Terre-Neuve est entrée dans la Confédération en 1949.

À mon avis, lorsque le gouvernement de Terre-Neuve a décidé d'entrer dans la Confédération, une entente est intervenue qui a donné aux institutions religieuses un pouvoir supérieur à celui du gouvernement dans le domaine de l'éducation.

Comme je l'ai demandé plus tôt: où nous situons-nous? Qui a la préséance? Les autochtones ont l'article 35. Je n'irai pas jusqu'à appuyer l'idée d'amender cette résolution car je crois que l'article 35 est explicite, mais si vous ne donnez pas au gouvernement de Terre-Neuve les outils nécessaires pour faire ces changements, une fois encore notre peuple autochtone ne pourra pas obtenir ce qu'il mérite quant au droit de contrôler sa propre destinée.

Pour cette raison, j'exhorte chacun d'entre vous à appuyer l'adoption de cette résolution, sans amendement. Il faut donner le pouvoir au gouvernement. L'une des raisons pour lesquelles le gouvernement de Terre-Neuve a demandé au gouvernement fédéral d'apporter une modification à la Constitution est qu'il n'arrive pas à régler le problème tout seul. Cela fait des années qu'il essaye, mais en vain.

Je me souviens également que, quand la question a été débattue pour la deuxième fois par l'Assemblée législative de Terre-Neuve, la majorité des libéraux et des conservateurs étaient en faveur de la modification. Je pense même qu'elle a été adoptée à l'unanimité.

Pour cette raison, je ne considère pas la question comme une simple épreuve de force entre institutions religieuses et institutions gouvernementales. Il doit y avoir autre chose. Autrement, le problème aurait pu être réglé il y a des années.

Prenez la décision qui s'impose. Notre pays et nos concitoyens n'en attendent pas moins de nous.

Le gouvernement de Terre-Neuve sait ce qu'il fait. Les gouvernements précédents n'ont sans doute pas eu le courage de s'y attaquer, mais celui-ci a pris le taureau par les cornes, cela mérite que les sénateurs, dont le rôle est de procéder à un second examen objectif, y prêtent attention. Prenons la décision qui s'impose.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je pense que tout a été dit, ou presque, à ce sujet. Pour revenir à la source du débat, je m'adresse aux honorables sénateurs de mon parti, puisque j'ai été toute me vie membre du Parti libéral du Canada. Comment un libéral peut-il m'expliquer, lui qui est le champion des minorités, ce qu'est un droit constitutionnel? Qu'est-ce un droit d'une minorité protégée? Il s'agit d'un droit protégé non pas parce que cela fait plaisir à une majorité mais parce que cela est écrit. Dans un esprit que je ne comprends pas venant des libéraux, et ce n'est pas une attaque que je fais, comment peut-on diminuer les droits des minorités? Je ne comprends pas.

C'est mon anniversaire en fin de semaine. Je ne comprends pas que l'on puisse adopter des lois qui diminuent des droits acquis. Récemment, j'ai vécu une expérience extraordinaire.

[Traduction]

J'étais invité à l'université Mount Allison pour une remise de diplômes. Je voulais honorer une grande libérale, Catherine Callbeck, qui était une de mes collègues à la Chambre des communes. Elle recevait un doctorat. J'aime bien les traditions de l'Université Mount Allison. La veille, on a chanté le God Save the Queen. Je respecte cela et j'ai chanté aussi. Il y a eu une série de cérémonies religieuses qui n'étaient pas celles de mon Église, mais j'ai participé. Le lendemain, il y a eu la cérémonie de remise des diplômes.

(1450)

Plus tard, j'ai eu un argument avec une modératrice de l'église protestante qui disait pour quelles raisons il fallait abolir toutes ces traditions à l'Université Mount Allison. J'ai demandé pourquoi. Cette modératrice, que je ne nommerai pas, m'a répondu: «Vous ne comprenez pas, sénateur Prud'homme, nous vivons dans une société inclusive.» J'ai alors demandé ce qu'était une société inclusive.

Est-il juste de faire du Canada «un je ne sais quoi», simplement pour pouvoir dire que nous vivons dans une société inclusive, comme si tout ce que nous avions fait par le passé était mauvais et comme si tous ceux qui sont passés par le système scolaire de Terre-Neuve étaient des idiots? Je peux vous dire, honorables sénateurs, que Terre-Neuve a produit de grands Canadiens. Je pourrais vous en citer plein, mais je ne veux pas me lancer là-dedans aujourd'hui. En tout cas, c'étaient de grands Canadiens.

Je pourrais citer le nom de Jamieson. J'ai été son secrétaire parlementaire pendant de nombreuses années. Il y en a d'autres, notamment des leaders religieux de diverses confessions. Leur système scolaire était-il si mauvais? C'est comme l'attitude de ceux qui persistent à parler de la grande noirceur au Québec.

Regardez autour de vous, honorables sénateurs. Regardez les Canadiens français du Québec, des deux côtés de la Chambre. Ce sont tous des produits du régime que l'on a qualifié naguère de grande noirceur. Je ne comprends pas que des gens soient prêts à enlever d'un trait de plume des droits existants.

J'ai eu une expérience ce matin. J'étais avec M. McTeague, un député à l'autre endroit. Je l'avais invité à se joindre à moi pour rencontrer les membres d'une délégation du Bangladesh. Ils étaient à la tribune du Sénat hier; vous les avez applaudis. Ils nous ont dit: «Nous aimerions que ce qui existe au Canada existe un jour dans notre pays. Ici, les groupes sont sensibles aux différences, tous les droits sont protégés et vous n'essayez pas de tout uniformiser.»

Qu'est-ce c'est d'être un Canadien? Est-ce réunir Marcel Prud'homme avec le sénateur Spivak, avec le sénateur Doody, avec le sénateur Cohen ou avec le sénateur Rompkey?

Honorables sénateurs, c'est un pays unique où l'on traite les gens différemment les uns les autres. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui croient que tout le monde devrait être traité dela même façon. Ce n'est pas vrai. Voyez le système électoral. L'Île-du-Prince-Édouard est représentée par quatre parlementaires parce qu'il y a quatre sénateurs. Elle ne mérite pas d'en avoir autant. Nous disons: «Une province doit en avoir quatre; elle ne peut en avoir moins.» Le Nouveau-Brunswick devrait avoir sept députés à la Chambre des communes; il en a 10 parce qu'il y a 10 sénateurs. Ce n'est pas juste pour l'Ontario. Je ne parle pas du Québec. Ce n'est pas juste pour la Colombie-Britannique et l'Alberta non plus, parce que ces provinces n'ont pas le nombre de députés auquel elles auraient droit. Ce n'est pas la faute du Québec. Le Québec représente le quart de la population canadienne, mais on le blâme toujours. Le Manitoba a 14 députés; il devrait en avoir 11. La Saskatchewan a 14 députés; elle devrait en avoir 10. Est-ce la même chose partout? Non. Y a-t-il des protestations? Non. Voilà en quoi consiste le Canada: des provinces qui s'accommodent les unes aux autres, aux petites provinces et aux minorités de toutes sortes. Que pouvons-nous dire aux étudiants quand nous leur parlons du Canada? Nous pouvons déclarer qu'au Canada nous avons un comportement différent; nous nous protégeons et respectons mutuellement.

Quand je vais en Colombie-Britannique, j'aime me rendre à Victoria pour assister à la belle cérémonie du thé et des crumpets. Les gens disent que c'est fou. Mais si, en visite à Québec, vous allez au Château Frontenac dans l'après-midi, vous siroterez un café au son d'un violon joué par des musiciens à perruque blanche. Ça fait partie de la tradition de notre pays que d'avoir des traditions différentes d'un océan à l'autre.

D'aucuns diront que tout le monde devrait être pareil et que le système scolaire devrait être le même partout. Ce n'est pas mon avis. Tant que nous enseignerons dans les écoles que ma dignité...

[Français]

Ma fierté s'arrête là où la fierté de madame commence.

[Traduction]

C'est cela, être un Canadien. Cela n'a rien à voir avec le fanatisme religieux, pas du tout. C'est dire simplement: Je suis Canadien français et catholique, et j'en suis fier. C'est ce que je dis dans tout le pays et on m'applaudit toujours dans le reste du pays lorsque je défends ce que je suis. Cependant, je sais que ma fierté s'arrête là où celle des sénateurs Forest et Hays commence. C'est cela être un Canadien.

Parfois, nous devenons impatients les uns envers les autres et nous ne voulons pas courir de risques. C'est pourquoi nous avons rédigé une constitution. La constitution sert à s'assurer que, poussée par l'impatience, la majorité ne foule jamais aux pieds les droits des minorités. Ce serait une bonne définition d'une constitution qu'on pourrait donner aux étudiants. Ce qui importe, c'est ce qui est écrit.

Je préférerais avoir l'esprit britannique. Je suis Britannique. Après tout, je suis très privilégié. Je dois à la France mes origines culturelles et à la Grande-Bretagne, ma constitution politique. Je défends les deux.

Les gens ont dit toutes sortes de choses insensées durant le débat. Ils ont affirmé que nous avions besoin de 10 conseils scolaires et non de 27. Honorables sénateurs, j'ai lu le rapport de la commission royale l'été dernier. On est passé de 27 conseils scolaires à 10. Si je me trompe, j'invite un honorable sénateur de Terre-Neuve à me le signaler.

J'en conviens, il est insensé d'avoir des conseils scolaires multiples et de nombreux autobus pour des petits villages. J'ai visité Terre-Neuve. J'étais là durant le référendum. J'ai eu des échanges de vues animés avec le premier ministre Wells sur la question. On peut bien rire des nombreuses écoles et des nombreux autobus qu'on retrouve dans certains villages, mais tout cela disparaît maintenant. Il suffit simplement de maintenir la pression et les gens comprendront que cela n'a aucun sens. Il est stupide d'avoir de nombreux autobus pour diverses écoles. Hier, on nous a servi cet argument comme s'il s'agissait d'une grande entreprise pour le système scolaire de la province.

Je suis un grand partisan de Laurier. J'ai lu tout ce qu'on a écrit à son sujet, y compris le dernier livre. Je sais comment il voterait sur cette question aujourd'hui. Il a pris position en tant que Canadien. Il a dit: «Je suis Canadien, mais je défendrai les droits de tous les autres.» Il l'a fait au Québec, en français.

(1500)

Le sénateur Oliver: Faites-vous référence aux droits des minorités?

Le sénateur Prud'homme: Oui.

Je suis heureux de siéger au Sénat parce que j'adore écouter les débats. Je ne pense pas qu'il soit frivole de ma part de dire que je crois passionnément en ce dossier. Face à un argument bien meilleur que le mien, je suis prêt à m'incliner. C'est ce que nous devrions faire.

Cependant, rien de ce qui a été dit ne m'a convaincu que la volonté de la majorité devrait permettre de supprimer les droits des minorités. Cette attitude n'est pas digne du Canada.

Je connais le premier ministre Tobin. J'ai siégé à ses côtés pendant 15 ans dans le caucus du Parti libéral. Il m'avait remplacé - et je dis cela par euphémisme - comme président du caucus libéral national. J'avais été élu lors d'un scrutin secret. Je n'aurais jamais été élu dans un scrutin public. Chaque fois que j'ai posé ma candidature dans le caucus libéral, que ce soit au Québec ou sur la scène fédérale, j'ai remporté la victoire parce que les scrutins étaient secrets.

Je serai positif aujourd'hui. Je pense que, fort de son énorme pouvoir de conviction, M. Tobin devrait continuer de travailler à convaincre les confessions religieuses pour obtenir le même système possible. Il peut parvenir à ses fins en s'armant de patience et en faisant des compromis, deux mots clés. En politique, l'essentiel est de se respecter les uns les autres.

Mes amis les sénateurs Watt, Marchand et Adams savent que, de nos jours, la politique représente plus que jamais un engagement. Je suis en train d'organiser des rencontres avec tous les chefs indiens et inuit du Québec. Je le fais pour favoriser le rapprochement entre eux et nous. Le sénateur Marchand sait que j'ai fait ce genre de choses par le passé.

Je suis inquiet lorsqu'on touche à des droits, quels qu'ils soient, et qu'on invoque la volonté d'une majorité pour le faire.

Son Honneur le Président: Je regrette d'interrompre l'honorable sénateur Prud'homme, mais son temps est écoulé.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, je demande quelques minutes de plus.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Prud'homme: Voici ce qui me préoccupe: Qui est le suivant? Qui est la prochaine victime de la volonté d'une majorité au Canada qui dit: «Votons. Tenons un référendum.» Ils disent cela, mais voici ce qu'ils pensent «Nous allons écraser ces gens qui nous énervent.» Non seulement cela me préoccupe, mais cela inquiète de nombreux Canadiens qui se demandent: «Qui est le suivant?»

Nous ne devrions pas accepter pareil précédent, parce que le Canada que nous connaissons et voulons préserver jouit d'une excellente réputation dans le monde. Ailleurs dans le monde, on dit: «Dans ce pays, les gens agissent intelligemment les uns envers les autres, même s'ils sont bien différents. Pourtant, en trouvant des terrains d'entente, ils donnent un excellent exemple à suivre.»

[Français]

En mon âme et conscience, j'aurais aimé me rallier au point de vue gouvernemental, mais je ne peux pas. C'est une question de profonde conviction. Je suis certain que nous ferions une erreur. Je suis certain que nous allons faire une erreur.

[Traduction]

Si le vote correspond à ce que je souhaite cet après-midi, j'espère que des libéraux diront à M. Tobin: «De grâce, n'insistez plus là-dessus. Essayez d'arriver à vos fins en y mettant de la patience et du temps. Les Églises sont maintenant forcées de comprendre. Essayez de nouveau. Peu à peu, vous convaincrez les gens.»

Nous montrerons au reste du monde qu'au Canada, quand nous disons qu'une chose est protégée par la Constitution, nous respectons ce qui y est inscrit. La Constitution prescrit que, si une certaine province s'unissait au Canada, elle bénéficierait d'un réseau de chemins de fer, qui compte d'ailleurs parmi les meilleurs dans le monde. Je le sais, puisque je l'ai emprunté. Nous avons donc été obligés de lui fournir un réseau de chemins de fer. Toutefois, les chemins de fer ne comptent plus. Allons voir les bonnes routes qui existent là-bas. C'est le Canada à son meilleur.

Je n'hésite pas à parler de mon pays. Le pays que j'aime, c'est celui où l'on peut montrer ce que l'on veut vraiment dire.

Honorables sénateurs, je ne pense pas pouvoir vous influencer pour que vous votiez comme je crois que vous devriez le faire. J'espère que ceux qui songent à s'abstenir reviendront ou resteront avec nous. Ces votes sont les plus importants au Sénat. Comme je l'ai dit au début du débat, le Sénat a été créé justement pour traiter des questions de ce genre. Par conséquent, nous nous prononcerons sur la question. Partisan de la démocratie, je respecterai la décision.

[Français]

L'honorable Céline Hervieux-Payettte: Je voudrais poser une petite question pour éclairer la conscience et l'âme de l'honorable sénateur. J'aimerais savoir s'il a considéré, en consultant son âme et conscience, et aprés avoir reçu tant de lettres de toutes les Églises du Canada - je n'ai ailleurs jamais vu de ma vie les Églises faire autant de lobbying - que le Québec a fait la séparation entre l'État et l'Église dans le domaine de l'éducation après la publication d'un rapport rédigé par Paul Gérin-Lajoie?

Ce rapport faisait suite à l'époque de la grande noirceur sous Duplessis, lors de laquelle les femmes devaient rester à la maison et n'avaient pas accès à l'enseignement supérieur. On a donc accordé l'universalité.

Ma question est la suivante: est-ce une question de droit minoritaire ou de séparation entre l'État et l'Église? En ce qui me concerne, je vais appuyer la résolution non amendée. Je crois que les questions de l'État doivent être réglées par l'État et que l'Église doit s'occuper de religion.

(1510)

[Traduction]

Le sénateur Prud'homme: C'est une question dangereuse, parce que j'ai déjà dépassé mon temps de parole. Me permettez-vous de répondre à la question, Votre Honneur?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Prud'homme: Pour parler avec une franchise brutale, je ne saisis pas la pertinence de la question. Il était assez astucieux de demander si j'avais considéré la question dans mon âme et conscience. Je connais trop bien et depuis trop longtemps l'honorable sénateur pour ne pas savoir qu'elle ne dédaigne pas la plaisanterie. Nous pourrions avoir un excellent débat.

[Français]

Honorables sénateurs, nous pourrions tenir un très bon débat sur les résultats de la commission Parent, qui a aboli les collèges classiques et les a remplacés par le système d'éducation que nous avons aujourd'hui. Ce n'est pas moi, honorables sénateurs, qui soutient que cela a été une grande erreur historique: abolir les collèges classiques au Québec pour les remplacer par les cégeps, un fourre-tout de quelques milliers d'étudiants. Qu'est-ce qu'ils y font, d'ailleurs?

Je vois d'honorables sénateurs qui s'y connaissent mieux que moi. Je ne suis pas certain de ce qui s'est passé au moment de ce bouleversement. Je ne vois pas non plus la raison pour laquelle il s'est produit.

J'ai favorisé l'élection des premières femmes du Québec. En 1961, je trouvais qu'il n'y avait pas suffisamment de femmes élues au Québec. J'ai failli perdre la présidence de l'association des étudiants en droit de l'Université de Montréal, où j'avais comme adversaire des gens comme Bernard Landry, parce que j'avais donné mon appui à Claire Kirkland Casgrain. Je lui ai donné un mois de mon temps alors que j'étais président de l'association des étudiants parce que je trouvais anormal qu'il n'y ait pas de femmes élues à ce poste.

La société évolue! Ce n'est pas parce que cela n'était pas inscrit dans la Constitution que les femmes ne pouvaient pas accéder à ces fonctions. Je ne vois pas ce que cela vient faire dans le débat. Il y avait un certain contrôle sur l'éducation.

Toute femme qui sait se battre, honorables sénateurs, peut écraser n'importe quel homme. Vous le savez très bien. À un certain moment, il a fallu faire de l'action positive dans le cas de l'élection de Jeanne Sauvé et dans le cas de l'élection de Monique Bégin. Ce ne sont pas des curés qui les ont empêchées de devenir des députés, ce sont des politiciens machos. Vous les connaissez! C'étaient vos amis et les miens. Nous avons retiré, de force, quelques députés plus âgés. Nous leur avons accordé les meilleures nominations possibles. Jeanne Sauvé a été élue députée. Je vous jure une chose: elle n'a pas eu besoin des machos pour se faire réélire, pas plus que la regrettée Albanie Morin. Il fallait que des gens croient à l'égalité. Chacun doit mener sa lutte. J'aurais vraiment préféré connaìtre l'opinion de chacun d'entre vous.

Vous dites croire en la séparation de l'État et de l'Église. Moi aussi! Cela n'est pas inscrit dans aucune Constitution, à ce que je sache? Ce n'est pas écrit chez nous. Nous avons une Constitution qui prescrit que certaines institutions sont protégées. Je vous repose la question: qu'est-ce qu'une constitution? Deuxièment, qu'est-ce qu'un vrai liberal? Enfin, donnez-moi une définition du Canada, un pays né du respect des spécificités qui fait l'envie du monde entier? Cela doit être basé sur quelque chose, honorables sénateurs! Ce pays ne s'est pas construit sur un je-ne-sais-quoi! Il est bêti sur une réalité.

[Traduction]

«Donnez-moi ceci, et je vous donnerai cela.» «Peut-être, mais je ne vous fais pas confiance.» «Nous allons inscrire cela dans la Constitution.» Pourquoi M. Trudeau tenait-il tellement à avoir une Constitution écrite? Parce qu'il ne faisait pas confiance aux politciens.

Une voix: Il était bien placé pour le savoir.

Le sénateur Prud'homme: C'est lui qui a insisté sur cette période de six mois. Certains prétendent, sans trop d'élégance, que c'est parce qu'il n'aimait pas le Sénat. Il disait que, si jamais il arrivait à une entente avec les provinces, le Sénat n'allait pas lui barrer pas la route. Il a donc prévu un veto suspensif de six mois. Il y a des libéraux qui rient, parce qu'ils sont au courant. Il n'aimait pas le Sénat.

Les sénateurs se rappellent-ils le projet de loi C-60 de Marc Lalonde visant à réformer le Sénat? Il ne vous plaisait pas, et à moi non plus. Comme M. Trudeau n'aimait pas le Sénat, il s'est dit: «Je vais prévoir dans la Constitution un veto suspensif de six mois sur les questions qui se rapportent uniquement à la Constitution. Si j'arrive à une autre entente avec les provinces, le Sénat ne va pas me barrer la route plus de six mois.»

Les six mois se termineront le 1er décembre. Je remercie le ministre. Je tiens à dire ma reconnaissance au sénateur Fairbairn.

[Français]

Je remercie le parti et les autorités gouvernementales qui ont permis de tenir un vote sur cette question. J'aurais été extrêmement dèçu, en fait, je serais devenu un adversaire farouche du Sénat si on ne nous avait pas permis de voter sur cette importante question, quel qu'en soit le résultat. Le premier devoir du Sénat est de représenter les régions et les minorités.

[Traduction]

L'honorable Peter Bosa: Honorables sénateurs, je voudrais prendre brièvement la parole à ce sujet. Je n'avais pas l'intention d'intervenir dans le débat, mais je tiens à dire que je voterai contre les motions d'amendement et contre la motion d'amendement de la clause 17, et je le ferai en sachant parfaitement bien que je ne foule pas aux pieds les droits des minorités.

Je sais gré au sénateur Rompkey de m'avoir expliqué la question succinctement et clairement. Il a dit que la clause 17 avait pour seul but de mettre Terre-Neuve sur le même pied que les autres provinces du Canada - autrement dit, lui remettre les cordons de la bourse.

Je ne crois pas que la clause 17 aura pour effet de fouler aux pieds les droits des minorités religieuses. Elle ne fera qu'enlever le pouvoir de dépenser aux Églises pour le remettre au gouvernement, c'est-à-dire ce qui existe dans le reste du Canada. Voilà pourquoi je voterai contre les amendements et pourquoi j'appuie entièrement la clause 17.

Une voix: Bravo!

Le sénateur Prud'homme: Vous êtes très affable aujourd'hui, et je me réjouis de voir que mes collègues ont l'affabilité de permettre toutes ces interventions.

Son Honneur le Président: Sénateur Prud'homme, est-ce là une question?

Le sénateur Prud'homme: Le sénateur a profité de ce que j'avais la parole, et maintenant je veux lui poser une question.

Son Honneur le Président: Sénateur Prud'homme, veuillez donc poser votre question au sénateur Bosa.

Le sénateur Prud'homme: Mon cher sénateur et ami, si l'on tenait aujourd'hui un référendum dans tout le pays afin de faire disparaître le multiculturalisme de la Constitution, pensez-vous que la majorité des Canadiens ne voteraient pas en faveur?

Le sénateur Bosa: Je fais partie d'un groupe minoritaire, et je protégerais le reste des minorités.

Le sénateur Prud'homme: Vous ne faites pas partie d'un groupe minoritaire, vous êtes Canadien.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je n'avais pas l'intention de participer au présent débat, mais je le fais par suite surtout des observations du sénateur Milne, qui ont été relevées par les sénateurs Pearson et Lewis, voulant que le Sénat risque de s'aventurer sur un terrain dangereux en se penchant et en se prononçant sur autre chose que la résolution elle-même. Madame le sénateur Milne craint que, en approuvant autre chose que la résolution originale, le Sénat ne déclenche, et je cite, «une crise constitutionnelle». Comme elle le fait remarquer à juste titre, le Sénat n'a fait cela qu'une seule fois déjà. À l'époque du débat sur l'Accord du lac Meech, le Sénat avait modifié la résolution, qu'il avait renvoyée à la Chambre des communes et en avait informé toutes les assemblées législatives provinciales et un certain nombre de groupes autochtones.

Autre chose intéressante à cet égard, au cours du débat au Sénat sur la Constitution elle-même en 1981, les sénateurs conservateurs avaient proposé d'apporter des amendements à la loi sans que le gouvernement ne conteste le moindrement leur pertinence, comme c'est le cas aujourd'hui. Et on n'avait encore moins parlé de crise dans l'éventualité qu'ils soient adoptés. L'imposante majorité libérale de l'époque avait sans doute quelque chose à voir avec le peu d'intérêt accordé à la procédure. La situation est tout autre aujourd'hui.

De toute façon, la réaction du gouvernement aux amendements de l'Accord du lac Meech était conforme à celle de tout gouvernement devant un Sénat qui ne répond pas à ses voeux tels que confirmés par la majorité des députés, à savoir : colère, ennui et sentiment de frustration.

(1520)

Dans le discours qu'il a prononcé le 19 mai 1988 en présentant de nouveau la «modification constitutionnelle» - car c'était là l'appellation officielle de l'Accord du lac Meech -, le ministre de la Justice de l'époque, l'honorable Ray Hnatyshyn, a fait part de sentiments semblables, de manière non équivoque. Alors qu'il dénonçait la décision du Sénat, il n'en a tenu aucun compte, car l'Accord du lac Meech qui a été présenté de nouveau correspondait, mot à mot, à celui dont la Chambre des communes avait été saisie sept mois plus tôt. Autrement dit, les amendements du Sénat n'ont jamais été acceptés.

Le ministre de la Justice a expliqué la procédure en ces termes:

Heureusement, les sénateurs n'ont pas le pouvoir de passer outre à la volonté collective des représentants du peuple démocratiquement élus aux assemblées législatives provinciales et au Parlement fédéral. Les Canadiens doivent s'assurer que la volonté populaire dans un dossier d'une importance aussi fondamentale pour notre pays n'est pas réprimée par les membres de l'opposition non élus à l'autre endroit. En fait, la Constitution prévoit explicitement qu'un amendement peut être adopté sans l'accord du Sénat si la Chambre des communes adopte de nouveau la résolution après un délai de 180 jours.

Si les sénateurs nommés avaient un veto absolu, comme le sénateur Milne, j'estimerais que l'adoption d'un amendement à une résolution constitutionnelle causerait une impasse constitutionnelle grave, voire une crise. Il ne peut toutefois en être ainsi, puisque, pour les questions d'ordre constitutionnel, notre agrément est demandé, mais n'est pas indispensable. Nous pouvons faire part de notre opinion et, même si celle-ci est tout à fait valable, elle peut être complètement ignorée.

Pourquoi alors, diront certains, consacrer autant de temps et d'énergie à débattre de la résolution concernant la clause 17 puisque, en dernière analyse, ce sont la Chambre des communes et l'Assemblée législative de Terre-Neuve qui, dans les faits, décideront du sort qui lui sera réservé? Si notre façon d'aborder la résolution avait été déterminée uniquement par cette réalité juridique, nul doute qu'elle ne serait pas restée bien longtemps au Feuilleton.

Heureusement, le Sénat, l'opposition en particulier, ne s'est pas laissé distraire par son impact limité sur le façonnement de la Constitution. Il a soumis cette résolution à un examen et à une analyse tellement approfondis qu'il ne peut faire autrement que ses délibérations et ses conseils fassent l'objet d'une étude sérieuse ou, à tout le moins, qu'ils soient matière à réflexion pour les personnes qui s'inquiètent des répercussions à long terme de la proposition dont nous sommes maintenant saisis si elle est adoptée dans son libellé initial.

Certes, nous nous sommes tous entendus sur une question qui est des plus évidentes: l'éducation est de compétence provinciale, et Terre-Neuve, comme n'importe quelle autre province, est libre d'établir et d'administrer un système scolaire sans ingérence de l'extérieur. Cela ne fait aucun doute. Néanmoins, Terre-Neuve et les autres provinces sont tenues de respecter des exigences constitutionnelles qui ont été confirmées au moment de leur entrée dans la Confédération. Comme bien d'autres éléments de la Constitution, cette disposition peut maintenant sembler archaïque et mal adaptée au contexte socio-politique actuel - c'est le cas, notamment, du Sénat dont les membres sont nommés, du poste de lieutenant-gouverneur, de la formule de modification.

Il n'en reste pas moins que la Constitution, malgré toutes ses imperfections, demeure la loi fondamentale du pays. Si elle n'est pas respectée, la primauté du droit perd tout son sens. Nous devons nous contenter de déterminer si les mesures de protection prévues par la Constitution qu'on nous demande maintenant de modifier et qui ont été confirmées par toutes les parties dans les Conditions de l'union de 1949 ont reçu l'agrément des mêmes parties. La résolution dont nous sommes maintenant saisis ne répond pas à cette exigence fondamentale, comme nous l'avons entendu à maintes reprises de la part des témoins - et non pas uniquement de ceux qui représentaient les diverses confessions religieuses -, lorsqu'ils ont comparu devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au début de l'été, et de la part de nombreux sénateurs des deux côtés de cette enceinte.

C'est la troisième fois au cours des trois dernières années que l'on nous demande d'approuver une modification touchant une seule province. La modification qui se rapprochait le plus de celle que nous étudions aujourd'hui visait à confirmer le statut bilingue du Nouveau-Brunswick et faisait suite à des années d'efforts déployés pour y parvenir par la voie législative. Cela a pu être fait grâce à la persévérance de deux de nos éminents collègues, les sénateurs Robichaud et Simard. Pourquoi la minorité francophone du Nouveau-Brunswick voulait-elle voir confirmer son statut juridique dans la Constitution? Pour le mettre à l'abri des caprices de la législature provinciale.

Les honorables sénateurs se souviendront qu'un mouvement politique qui préconisait l'unilinguisme de la province était très actif à une certaine époque au Nouveau-Brunswick. Il y a même formé l'opposition officielle en 1991. En modifiant la Constitution pour dire que le Nouveau-Brunswick était une province officiellement bilingue, les Canadiens ont ajouté un droit aux droits des minorités, qui contribuent pour beaucoup à faire du Canada ce qu'il est.

Il y a seulement neuf ans - en juin 1987, pour être plus précis -, on avait demandé au Sénat d'apporter une modification à la clause 17 afin de donner aux pentecôtistes les mêmes droits scolaires que ceux qui avaient été accordés à différents groupes religieux en 1949. Le gouvernement de Terre-Neuve avait adopté une motion en ce sens le 10 avril précédent. La Chambre des communes a donné son accord le 23 juin et le Sénat le 30 juin. Il n'y a pas eu de référendum. Il n'y a pas eu d'audiences de comité ni à la Chambre des communes ni au Sénat. Le débat a duré un grand total de trois très courtes journées, un journée à l'autre endroit et deux au Sénat. Le sénateur Rompkey, alors député de Grand Falls-White Bay-Labrador, s'était prononcé pour l'inclusion des pentecôtistes aux groupes protégés par la clause 17.

Le sénateur Kinsella: Il avait fait un bon discours àl'époque.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le sénateur Rompkey avait alors déclaré:

À l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération en 1949, le système d'enseignement confessionnel a été garanti par les Conditions de l'union parce que les Terre-Neuviens voulaient préserver les fondements spirituels de l'enseignement donné dans nos écoles. Nous croyons toujours que cela est très important.

Le sénateur Rompkey a été très heureux d'attirer l'attention sur la présence du pasteur Roy King, le chef de l'Église pentecôtiste de Terre-Neuve, qui se trouvait à la tribune ce jour qui a été qualifié de «jour historique» par le sénateur. Ce dernier devait ajouter ce qui suit:

Je sais qu'il suit avec intérêt ce moment historique au nom de ses fidèles.

C'était effectivement un moment historique, mais dont la raison d'être n'aura pas vécu plus de dix ans si la résolution à l'étude est adoptée. En juin dernier, à St. John's, le même pasteur King terminait sa déposition devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles sur les paroles suivantes:

Les Assemblées pentecôtistes de Terre-Neuve peuvent affirmer catégoriquement et sans crainte de se faire contredire que la catégorie des personnes faisant partie de l'Église pentecôtiste n'appuie pas la modification que le gouvernement de Terre-Neuve propose d'apporter à la clause 17. Cette modification irait à l'encontre de la volonté affirmée des pentecôtistes.

Au Sénat, le sénateur Lewis, parlant au nom du Parti libéral, a demandé une approbation rapide de la résolution et déclaré ce qui suit:

Assurément, le moment est venu de rectifier la situation et de garantir les droits des Assemblées pentecôtistes dans la Constitution, comme elles le demandent.

Honorables sénateurs, tout cela s'est produit il y a moins de dix ans, lorsque le Parlement a décidé à l'unanimité, avec l'Assemblée législative de Terre-Neuve, de reconfirmer le caractère unique de l'enseignement dispensé à Terre-Neuve, comme il l'était à l'origine, presque quarante ans plus tôt.

Que s'est-il donc passé en moins de dix ans pour qu'un pareil moment historique, soit la reconfirmation des valeurs spirituelles, considérées alors comme très importantes, voire cruciales, perde sa valeur au point que, comme le disait hier le sénateur Rompkey:

Essentiellement [...], il ne s'agit pas ici de la question des droits de la minorité. Il faut plutôt déterminer qui devrait exercer le pouvoir sur l'éducation à Terre-Neuve.

Une franchise aussi brutale serait rafraîchissante si elle n'était pas aussi inquiétante.

Le sénateur Rompkey ajoutait ce qui suit:

L'assemblée législative devrait avoir la prééminence. C'est essentiel dans n'importe quelle démocratie, qu'il s'agisse d'un pays ou d'une province.

De tels propos démontrent un mépris inquiétant de la loi fondamentale de ce pays. Dans notre pays, dans toutes les provinces comme dans la sienne, ce n'est pas l'assemblée législative qui a prééminence, c'est la Loi constitutionnelle de 1982.

Pour mettre les choses simplement, le Parlement a accepté, sciemment ou non, de renoncer à une grande partie de son ancienne suprématie au profit de la Constitution. C'est dans ce contexte que nous devons examiner la clause 17.

(1530)

Aller au-delà de cette considération, invoquer des slogans qui ne sont plus valables n'apportera rien au débat, si ce n'est révéler la faiblesse des arguments avancés par certains en faveur de la résolution. On nous demande à présent de renverser le cours des choses, de diluer les droits protégés sans l'appui des minorités touchées et donc de mettre ces minorités à la merci de la législation provinciale en soustrayant leurs droits de la protection réconfortante de la Constitution.

D'aucuns diront que j'exagère, que j'ignore les garanties qu'ont données à plusieurs reprises ceux qui sont en faveur de la résolution. Je ne doute pas de la sincérité de ces garanties, mais elles ne sont valables que dans la mesure où les personnes qui les fournissent sont en mesure de les honorer. Ces garanties ne lient pas ceux qui suivent, certainement pas de la même façon que celles décrites dans la Constitution.

Permettez que je vous cite un extrait de l'intervention que le député de Kingston et les Îles a faite à la Chambre, le 3 juin de cette année. Vous constaterez qu'il y a tout lieu d'être inquiet au sujet des droits des minorités à Terre-Neuve au cas où la résolution serait adoptée sans changement.

M. Milliken a dit:

Je sais que certains de mes collègues, des deux côtés de la Chambre, ont dit que cette résolution diminuait en quelque sorte les droits des minorités. Il se peut que ce soit le cas à long terme.

Toutes les écoles sont des établissements confessionnels et la résolution les traite toutes de la même façon. Elle modifie légèrement la situation de toutes les écoles, mais il subsistera néanmoins des établissements confessionnels à Terre-Neuve jusqu'à ce que l'assemblée législative décide de modifier les règles en vigueur.

M. Milliken poursuit ainsi:

Elle n'a cependant pas manifesté l'intention de le faire. Les électeurs de la province de Terre-Neuve pourront régler cette question lorsqu'ils éliront leurs députés à l'assemblée législative. Ils sont responsables de l'éducation et ils devront assumer cette responsabilité, notamment par le choix de leurs représentants élus.

Honorables sénateurs, cette déclaration exprime à merveille les raisons des préoccupations exprimées à maintes reprises au cours des derniers mois. Il est révélateur de constater qu'on ne l'a pas relevée, mais cela n'a rien de surprenant. La Chambre des communes a accepté dès le départ de passer aussi peu de temps que possible sur cette résolution, dans les limites acceptables. Comme le disait le député de Notre-Dame-de-Grâce, M. Warren Allmand:

Il s'agit d'une modification constitutionnelle importante qui supprime certains droits reconnus par la Constitution. Malgré cela, nous liquidons la question en deux jours. La motion à l'étude a été déposée à la Chambre jeudi dernier, il y a à peine quatre jours. Le débat a commencé vendredi, journée où il y a peu d'heures de séance et où la plupart des députés sont en route vers leur circonscription. Le débat a repris aujourd'hui, et nous allons nous prononcer sur la question ce soir. Deux jours seulement ont été consacrés au débat sur une importante modification constitutionnelle qui pourrait avoir des répercussions sur les autres provinces.

M. Allmand dit ensuite:

Après toutes ces années, pourquoi faut-il disposer de cette importante motion en seulement deux jours et sans audiences publiques?

N'y a-t-il pas une certaine ironie dans le fait que la Chambre élue, avec tous les pouvoirs nécessaires pour fixer le sort d'un amendement à la Constitution, ait ainsi traité cette affaire à la légère, tandis que sa contrepartie tant conspuée, la Chambre nommée, ait étudié et examiné la question avec soin? C'est d'ailleurs le moins qu'on puisse faire quand on a affaire à une loi fondamentale qui régit toutes les autres questions d'ordre législatif.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Lynch-Staunton: On peut expliquer la quasi indifférence du gouvernement à l'égard de la clause 17 par sa détermination à ne pas toucher à la Constitution, dans la mesure du possible. C'est compréhensible.

Il semble que, pendant des décennies, on n'ait entendu parler de pas grand-chose d'autre que la Constitution. Ne serait-ce que depuis 15 ans, il y a eu la longue controverse autour du rapatriement, puis moult conférences et débats qui ont abouti à la Loi constitutionnelle de 1982; ensuite nous avons eu l'Accord du lac Meech, les propositions de Charlottetown et enfin, le référendum.

Dès qu'ils ont été élus, les libéraux ont proclamé haut et fort qu'ils feraient tout ce qui était en leur pouvoir pour éviter de rouvrir la Constitution. Ils estimaient que c'était trop risqué, voire politiquement suicidaire, et que les Canadiens voulaient que leur nouveau gouvernement se consacre à des questions plus terre à terre, en particulier celle de l'emploi.

Les provinces leur ont emboîté le pas, comme on l'a vu en juin dernier quand il a été convenu que le premier ministre et ses homologues provinciaux pouvaient satisfaire à l'obligation de revoir le mode de révision avant le mois d'avril 1997 en déclarant, en moins de temps qu'il n'en avait fallu au premier ministre Bouchard pour aller aux toilettes et revenir s'asseoir à la table de conférence, qu'ils avaient satisfait à l'obligation de revoir le mode de révision simplement en reconnaissant qu'ils devaient y satisfaire.

Cependant, tout gouvernement qui pense pouvoir remettre à plus tard la recherche de solutions qui se trouvent uniquement dans la réouverture de la Constitution leurre les Canadiens et aggrave les problèmes qui n'ont que des solutions constitutionnelles.

Les préoccupations constitutionnelles sont une caractéristique unique de notre vie politique. Notre pays a été édifié petit à petit à coup de lois adoptées par le Parlement britannique, processus qui a culminé avec l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. Les compétences fédérales et provinciales ont été définies par des modifications apportées à la Loi constitutionnelle et par des décisions du Conseil privé. Une certaine forme d'indépendance a été accordée à ce pays grâce à des événements majeurs comme la promulgation du Statut de Westminster en 1931 et l'élimination, en 1949, du comité judiciaire qui faisait partie du Conseil privé et constituait l'ultime tribunal d'appel.

Enfin, en 1982, les Canadiens ont pu proclamer qu'ils avaient leur propre Constitution; cependant, à toutes fins pratiques, cet événement a mis fin à une période de querelles et de rancoeur au sujet des questions constitutionnelles uniquement pour en amorcer une nouvelle. Il est illusoire de penser que, si l'on ne tient pas compte de la Constitution, les problèmes qu'elle cause vont disparaître.

Je ne connais aucun autre pays qui s'est engagé, pendant aussi longtemps que le Canada, dans ce qui semble des débats sans fin au sujet de sa loi constitutive. De même, je ne connais aucun autre pays qui s'est développé aussi pacifiquement que le Canada sur le plan constitutionnel; c'est ce qui nous distingue du reste du monde. Alors qu'ailleurs, les constitutions ont vu le jour après des guerres, des révolutions, la division d'empires et combien d'autres événements historiques qui ont coûté des vies, le Canada est unique en ce sens qu'il y est arrivé non pas par révolution, mais par évolution. Cela a donné lieu à ce qui est aujourd'hui l'une des plus anciennes constitutions du monde. Malgré toutes ses imperfections, notre Constitution fonctionne. Elle rend hommage à ceux qui, depuis plus de 130 ans, ont assuré son existence.

L'évolution est, par définition, un long processus qui peut sembler sans fin. C'est le prix à payer, mais comme il est mince lorsqu'on songe aux pays qui ont gagné leur Constitution au prix de soulèvements et de sacrifices humains. Notre façon d'élaborer la loi constitutive de notre pays n'est pas seulement la plus pacifique, c'est aussi la plus efficace. La nature même de notre processus constitutionnel exige qu'il soit permanent. Les gouvernements peuvent l'interrompre temporairement, mais ils ne peuvent pas le reporter indéfiniment.

Le premier ministre a dit clairement qu'il préférait, pour remplir certaines obligations, faire appel à d'autres moyens que la réouverture de la Constitution. Les gestes les plus évidents en ce sens ont été les récentes lois du Parlement qui ont attribué des droits de veto à cinq régions et ont reconnu le Québec à titre de société distincte. Toutefois, ces lois peuvent être abrogées par des parlements ultérieurs et elles n'ont donc pas la légitimité d'une garantie constitutionnelle.

Le gouvernement a annoncé son intention de supprimer les irritants fédéraux-provinciaux par la conclusion d'ententes bilatérales ou multilatérales, selon le cas, dans l'espoir de parer à la nécessité de recourir à la Constitution pour ce faire.

À Terre-Neuve, de efforts ont été déployés pour aboutir à un accord-cadre qui permette au gouvernement de Terre-Neuve de procéder à des réformes sans avoir recours à une modification constitutionnelle.

Le sénateur Rompkey: Ce n'est pas vrai.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le ministre de l'Éducation a déclaré catégoriquement qu'un accord entre le gouvernement et les Églises est impossible. Or, l'archevêque de St. John's, dans une lettre adressée au premier ministre du Canada et portant la date du 17 mai - lettre à laquelle, soit en dit en passant, on n'a pas encore répondu - affirme exactement le contraire et prétend même que le ministre de l'Éducation est de son avis.

À aucun moment l'archevêque reconnaît-il qu'un accord-cadre ne peut être conclu que si une nouvelle version de la clause 17 est adoptée. Bien au contraire, dans la même lettre adressée au premier ministre, il dit:

Dans mes lettres, j'ai signalé au premier ministre Tobin que nous croyions qu'un tel accord pouvait être conclu et mis en application sans aucune modification à la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve. Cependant, j'ai déclaré que dans le contexte d'un accord global, nous ne nous opposerions pas à une modification de la clause 17, sur laquelle le gouvernement et nous-mêmes nous nous serions entendus, à condition, bien sûr, qu'elle prévoie le maintien, garanti par la Constitution, d'écoles catholiques viables.

Le moins que je puisse dire, c'est que je suis plus impressionné par l'ouverture d'esprit dont fait preuve l'archevêque que par l'inflexibilité manifestée par le gouvernement de Terre-Neuve.

(1540)

Avant de conclure, je ne peux pas m'empêcher de toucher un mot sur l'affirmation que le sénateur Rompkey a faite hier et selon laquelle si l'amendement «là où le nombre le justifie» est adopté, il aura pour effet d'assurer le statu quo. La publication du gouvernement canadien, publiée de toute évidence avec le consentement et l'appui du gouvernement de Terre-Neuve, intitulée «La clause 17: la modernisation du système scolaire pour les enfants de Terre-Neuve et du Labrador», indique que l'engagement «là où le nombre le justifie» fera partie des modifications à apporter au système scolaire puisqu'il a été pris lors de la campagne référendaire de 1995. À la page 6 de ladite publication, on lit ceci:

Néanmoins, les écoles d'une confession religieuse en particulier continueront d'exister lorsque les parents en exprimeront le souhait et lorsqu'il y aura suffisamment d'élèves pour assurer le fonctionnement viable d'une école.

À la page 21 on trouve la question suivante:

Trouvera-t-on encore des écoles confessionnelles à Terre-Neuve? Le cas échéant, à quelles conditions?

La réponse est la suivante:

Oui, selon les réformes législatives proposées par Terre-Neuve et le Labrador, des écoles confessionnelles existeront lorsque les parents en exprimeront le souhait et lorsqu'il y aura suffisamment d'élèves pour assurer le fonctionnement viable d'une école.

Le sénateur Berntson: Cela ressemble à «là où le nombre le justifie».

Le sénateur Lynch-Staunton: À la page 24, on dit:

De plus, lorsqu'il y aura suffisamment d'étudiants, on créera des écoles pour tenir compte des parents qui souhaitent que leurs enfants soient éduqués dans une école administrée par leur propre confession.

L'amendement du sénateur Doody ne fait que confirmer ce que le gouvernement terre-neuvien a dit être prêt à faire. Je me demande pourquoi le sénateur Rompkey n'accueille pas avec plaisir cette garantie, et pour quelle raison il n'accepte pas cette assurance comme une partie de la résolution? La raison pour laquelle il agit ainsi est tout aussi confuse que contradictoire.

La meilleure façon de terminer mon intervention est de citer le sénateur Kirby qui a prononcé un discours extrêmement puissant, dont un paragraphe résume les angoisses de ceux qui s'opposent à la résolution. Il a dit alors:

- il s'agit d'une affaire très sérieuse. On demande à cette Chambre d'appuyer une modification constitutionnelle qui touchera les droits accordés aux minorités, droits qui, selon les minorités, devraient être protégés [...] dans la Constitution [...] sans apporter la moindre preuve de la nécessité absolue d'en priver les minorités.

Permettez-moi de vous rappeler à nouveau, chers collègues, l'évaluation candide de M. Milliken, qui a été confirmée par le sénateur Rompkey hier:

Elle...

C'est-à-dire la résolution.

- modifie légèrement la situation de toutes les écoles, mais il subsistera néanmoins des établissements confessionnels à Terre-Neuve jusqu'à ce que l'assemblée législative décide de modifier les règles en vigueur.

En gros, c'est ce qu'on entend par «sous réserve du droit provincial».

Nous ne pouvons intervenir dans le processus de changement à Terre-Neuve. Nous ne pouvons, en fait, donner des conseils sur une modification constitutionnelle. Le conseil donné par l'entremise de l'amendement du sénateur Doody et du sous-amendement du sénateur Cogger est direct. Le Sénat comprend parfaitement et appuie les réformes de l'éducation envisagées par le gouvernement de Terre-Neuve, mais il déplore les propositions visant à mettre en oeuvre ces réformes par le biais d'une réduction de certains droits accordés en 1949 et reconfirmés à nouveau en 1987. On n'a pas encore démontré qu'il était impossible de parvenir à ces réformes grâce à des négociations permanentes et à un accord mutuel.

Cependant, si Terre-Neuve persiste, avec l'appui du gouvernement fédéral, on devrait amender la résolution, comme l'ont proposé les sénateurs Doody et Cogger, afin de conserver certaines garanties fondamentales qui, si elles ne sont pas protégées par la Constitution, pourraient bien être perdues dans les années à venir.

J'exhorte le Sénat à voter dans ce sens et, par la suite, je propose qu'on avise en conséquence la Chambre des communes et l'Assemblée législative de Terre-Neuve pour qu'elles sachent que le Sénat ne fait que refléter les préoccupations des minorités qui, sans leur consentement, se voient retirer certaines garanties sur lesquelles on s'était entendu à l'unanimité en 1949 et encore tout récemment, en 1987.

Ce faisant, en amendant la résolution, je suis sûr que même le sénateur Milne finira par reconnaître que plutôt que de créer une crise constitutionnelle, le Sénat pourrait bien en avoir évité une.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, aujourd'hui, nous arrivons au terme d'un processus qui a débuté il y a presque six mois, le 6 juin, lorsque j'ai proposé l'adoption d'une résolution visant à modifier la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve et du Labrador avec le Canada. Il est juste de dire que beaucoup de choses se sont passées entre-temps. Je voudrais consacrer quelques instants à réfléchir au processus qui nous a menés à la décision que chacun de nous prendra cet après-midi.

Nous avons eu un débat vigoureux dans cette Chambre, les opposants et les partisans de cette résolution ayant exprimé leur point de vue respectif avec beaucoup de passion et de conviction. Les discours qui ont été prononcés cet après-midi en ont témoigné avec autant de force que ceux qui l'ont été précédemment.

Nous avons eu d'excellentes audiences dans notre comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Je tiens à témoigner mes remerciements et ma reconnaissance à tous les membres de ce comité, à tous les autres qui ont comparu devant le comité, au sénateur Rompkey et, tout particulièrement, au président, le sénateur Carstairs, et au coprésident, le sénateur Doody, pour l'excellent travail qu'ils ont accompli en veillant à ce que les personnes et les groupes intéressés puissent se faire entendre et nous présenter une analyse de premier ordre des enjeux. Je remercie particulièrement le sénateur Doody et le sénateur Carstairs des efforts qu'ils ont déployés pour organiser ces audiences du comité.

Les audiences ont eu lieu ici, à Ottawa, et à St. John's, Terre-Neuve. Les sénateurs ont entendu plus de 33 témoins, y compris le ministre de la Justice et procureur général du Canada, l'honorable Allan Rock, et les dirigeants des sept confessions religieuses directement touchées. Ils ont aussi entendu des spécialistes de la Constitution, d'autres témoins représentant les enseignants et les conseillers scolaires, diverses associations, des politiciens de toutes les allégeances, des membres de la collectivité autochtone et de simples citoyens. Ces audiences ont été télévisées et ont trouvé un auditoire vaste et, j'en suis sûre, intéressé, non seulement à Terre-Neuve, mais encore partout dans le pays.

Lorsque j'ai proposé l'adoption de la résolution visant à modifier la clause 17, je croyais qu'elle méritait l'appui du Sénat, opinion que je maintiens toujours aujourd'hui. Cependant, j'ai également appuyé très fortement les audiences du comité pour que les personnes ayant des intérêts particuliers dans le dossier puissent être entendues, et pour que nous puissions tous avoir une meilleure possibilité de nous informer avant de prendre nos décisions.

Honorables sénateurs, la clause 17 a été l'objet d'un vote libre à l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador. Ce processus a été suivi par le gouvernement du Canada à la Chambre des communes et, nous, de ce côté-ci du Sénat, respecterons ce processus aujourd'hui, étant donné la nature du dossier et les réactions profondes et personnelles qu'il suscite.

Le sénateur Prud'homme a demandé si un vote aurait lieu. Je désire lui assurer que cela n'a jamais été et ne serait jamais mis en doute pour ce qui est de l'exercice des fonctions des sénateurs.

Le Sénat a pris le temps d'examiner le dossier avec soin, et nous en avons appris beaucoup plus à cause de cela. Nous avons tous entendu parler de l'histoire et du caractère unique du système scolaire de Terre-Neuve. Six confessions religieuses, c'est-à-dire les Églises catholique, presbytérienne et anglicane, l'Église adventiste du septième jour, l'Armée du Salut et l'Église unie du Canada, ont été protégées par les Conditions de l'union de Terre-Neuve en 1949. Nous savons que les modifications apportées à ce système scolaire font l'objet de débats depuis des générations. Nous avons entendu que la commission royale d'enquête sur l'éducation et la jeunesse a amené, en 1969, les Églises anglicane et presbytérienne, l'Armée du Salut et l'Église unie du Canada à s'unir pour former un système scolaire intégré.

(1550)

Au Parlement, nous avons adopté en 1987 une modification à cette même clause 17, afin d'étendre la protection à l'Église pentecôtiste. On nous a dit que, en 1992, la commission royale d'enquête sur l'éducation avait recommandé d'autres modifications et que des mesures avaient été prises par voie de négociations et de consensus entre les divers intéressés. Honorables sénateurs, cette mesure n'a donné lieu à aucune précipitation. Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador y travaille depuis longtemps.

Toutefois, quand il est apparu qu'après des années de discussions et de négociations, les questions qui restaient ne pouvaient tout simplement pas être réglées par d'autres discussions, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a soumis la question de la réforme du système scolaire directement à sa population au moyen d'un référendum. C'étaitle 5 septembre 1995. Les habitants de Terre-Neuve et du Labrador ont voté en faveur de la proposition du gouvernement à 55 contre 45 p. 100. Le mois suivant, soit le 31 octobre 1995, l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador a adopté la résolution dont nous sommes aujourd'hui saisis par 31 voix contre 20, au cours d'un vote libre. Les chefs des trois partis se sont prononcés en faveur de la résolution.

En février 1996, le nouveau gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a été élu par une forte majorité, grâce à son programme qui incluait un engagement à aller de l'avant avec la réforme des écoles confessionnelles. Après ces élections,le 23 mai 1996, l'assemblée législative a reconfirmé sa position en adoptant unanimement une résolution faisant valoir l'importance de modifier la clause 17 et invitant le Parlement du Canada à agir rapidement.

Honorables sénateurs, cette unanimité des partis politiques représentés à l'assemblée législative a été soulignée lors de la comparution devant le comité sénatorial de M. Loyola Sullivan, chef de l'opposition officielle conservatrice, et de M. Jack Harris, chef du Nouveau Parti démocratique de la province, qui ont tous deux demandé l'adoption de la modification. De plus, quand il a comparu devant notre comité à Ottawa, M. Len Williams, président de la commission royale de 1992, a dit:

Je vous invite à admettre que c'est une étape logique, séquentielle et historique dans l'enseignement à Terre-Neuve et à adopter cette modification.

Honorables sénateurs, voilà le processus suivi jusqu'à maintenant. Il ne fait absolument aucun doute que la question soulève beaucoup d'intérêt. Les discours prononcés par les sénateurs des deux côtés l'ont montré. Les questions que nous traitons touchent à la fois la religion, l'éducation et les droits et privilèges des minorités. Je doute qu'il y ait d'autres sujets qui exercent autant d'influence sur les familles, les enfants et la société. Une modification suscite toujours de l'angoisse, voire de la peur, surtout quand elle touche ses propres enfants. Les honorables sénateurs qui se sont rendus à St. John's avec le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ont constaté par eux-mêmes à quel point la question soulevait de vives émotions tant chez les partisans que chez les opposants.

Honorables sénateurs, nous sommes saisis d'une requête de la part de l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador pour apporter une modification à la Constitution. Nous avons le devoir de traiter cette requête avec soin et avec respect comme nous le ferions et comme nous l'avons fait dans le cas de requêtes d'ordre constitutionnel venant d'autres provinces, y compris déjà de la province de Terre-Neuve, comme je l'ai mentionné. Les interventions des sénateurs qui ont pris part au débat montrent qu'ils ont pris la question très au sérieux.

Qu'on le veuille ou non, honorables sénateurs, nous ne pouvons pas déléguer nos responsabilités, et nos décisions ne devraient pas être soumises à l'approbation de quelque groupe ou organisation que ce soit. Nous sommes un corps législatif indépendant, et il nous incombe de prendre des décisions fondées sur notre évaluation des mérites des propositions dont nous sommes saisies. Cette évaluation doit être fondée sur un examen de tous les intérêts opposés, y compris ceux de l'ensemble de la société.

Honorables sénateurs, nous avons le devoir d'évaluer les diverses opinions et les divers engagements qui ont été exprimés pour ensuite décider nous-mêmes si nous croyons que les minorités continueront d'être protégées sous le régime de la modification apportée à la Clause 17. Seront-elles bien protégées dans un système d'éducation qui sera élaboré de manière à offrir les meilleures chances d'éducation possible aux élèves qui en dépendent?

La nature humaine étant ce qu'elle est, il est difficile d'imaginer qu'une proposition de modification de la Constitution puisse passer facilement sans dissension. L'unanimité, comme nous le savons très bien, est à peu près impossible dans une population de 30 millions au Canada ou d'un demi-million à Terre-Neuve. Exiger l'unanimité, ce serait transformer notre Constitution, de bouclier protecteur qu'elle est, en carcan rigide.

Je ne crois pas, honorables sénateurs - et je doute que quelqu'un au Sénat puisse le croire - que notre Constitution soit rigide. Le processus selon lequel notre pays peut grandir, se développer et évoluer doit inclure la possibilité pour notre Constitution elle-même d'évoluer afin de permettre à notre pays de relever les défis des décennies successives et de faire face aux défis du siècle prochain.

Honorables sénateurs, il faut toujours se demander si les droits sont touchés, si la mesure est acceptable, si on s'y prend de manière équitable. Ces questions ont été au coeur du débat sur les nombreuses préoccupations de Terre-Neuve et du Labrador et de la clause 17.

Un certain nombre de sénateurs se sont demandé sincèrement si une modification constitutionnelle s'imposait vraiment. Ils ont attiré l'attention sur les longues négociations qui ont eu lieu dans la province et ont ouvert la voie à un certain nombre de réformes de l'éducation. Ils ont demandé si de nouvelles négociations n'aboutiraient pas aux réformes souhaitées, ce qui aurait permis d'éviter de modifier la Constitution.

Nous pouvons bien souhaiter que les discussions rendent inutiles la mesure à l'étude, mais des années de négociation n'ont pas permis de dégager un consensus. Le ministre de l'Éducation de Terre-Neuve, Roger Grimes, à qui cette mesure a été confiée, a expliqué la situation au comité en ces termes:

Le problème est que sept groupes détiennent des droits. Le gouvernement ne peut pas s'entendre avec un ou deux d'entre eux et pas avec les autres. Nous pensions qu'une entente était nécessaire. Quand nous étions sur le point de nous entendre avec un ou deux de ces groupes, les perspectives d'entente avec plusieurs autres devenaient plus lointaines.

(1600)

Il a ajouté:

Cette tentative de réalisation d'un accord-cadre a échoué. Aucune entente n'a été conclue ni signée. [...] Le gouvernement est d'avis qu'il lui est impossible de parvenir à un accord avec les Églises et que cela ne se produira pas à Terre-Neuve et au Labrador dans un avenir prévisible.

On nous a dit que les groupes ne pouvaient arriver à un consensus après des efforts répétés sur une longue période.

Honorables sénateurs, nous n'avons pas pris part à ces discussions. J'oserais dire avec le plus grand respect que nous ne sommes pas en mesure de juger combien de temps elles devraient durer.

Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador et l'assemblée législative qui ont proposé cette modification ont décidé que trois ans, c'était beaucoup, et qu'il fallait modifier la clause 17 pour améliorer le fonctionnement du système d'éducation de la province.

La clause 17 qui est proposée garantira les droits des sept confessions à un enseignement religieux financé par l'État. Le droit provincial s'appliquera aux écoles interconfessionnelles et uniconfessionnelles ainsi qu'à toute nouvelle école. L'alinéa (1)b) de la clause 17 proposée parle clairement du «droit provincial d'application générale prévoyant les conditions de la création ou du fonctionnement des écoles».

M. Grimes a expliqué ce passage au comité:

Nous adoptons ici une démarche différente en énonçant ces droits dans la Constitution elle-même avec la formule «sous réserve du droit provincial» qui impose à la législature, sous l'autorité de la Constitution, d'adopter des lois d'application générale. Cela veut dire qu'on ne peut pas demander une norme différente, plus élevée ou plus stricte, pour les écoles uniconfessionnelles que pour les écoles interconfessionnelles partagées. Les dispositions doivent avoir une application générale. Tout le monde doit être traité de la même façon. Toute loi doit être conçue ainsi.

Ce sera garanti par la Constitution.

Honorables sénateurs, les écoles de Terre-Neuve demeureront des écoles confessionnelles. Même si les droits et les privilèges accordés aux termes de la clause 17 actuelle seront modifiés, il reste que les sept confessions protégées continueront de pouvoir exercer le droit de dispenser de l'enseignement religieux, d'organiser des activités religieuses et d'observer leurs pratiques religieuses dans les écoles interconfessionnelles et que ces droits représentent les éléments clés du droit à l'enseignement confessionnel dans notre pays, tel que défini par la Cour suprême du Canada. Le droit à des écoles uniconfessionnelles sera consacré dans la Constitution.

Cet après-midi, nous devons déterminer si la modification proposée protégera de façon adéquate le droit à l'enseignement confessionnel. Je sais que d'autres sénateurs ne partagent nullement mon avis, mais je crois que la modification protège en effet ce droit. La nouvelle clause 17 maintiendra la protection accordée au droit à l'enseignement confessionnel.

Je voudrais dire quelques mots au sujet du sous-amendement à la nouvelle clause 17. Notre honorable collègue, le sénateur Doody, a proposé un sous-amendement qui remplacerait le pouvoir de la province d'établir des normes de viabilité pour les écoles par une norme qui a déjà fait l'objet d'interprétations judiciaires, «là où le nombre le justifie».

Honorables sénateurs, on nous a déjà fait savoir que l'Assemblée législative de Terre-Neuve a rejeté cette formulation. Le ministre de l'Éducation et le chef du Nouveau Parti démocratique de Terre-Neuve, M. Harris, ont déclaré à notre comité que cette solution était inacceptable. M. Sullivan, le chef de l'opposition officielle - lui-même un catholique, un parent et un ancien enseignant dans le système d'éducation catholique de Terre-Neuve - a rejeté cette proposition.

Le droit de fréquenter une école confessionnelle soutenue par les deniers publics correspond exactement à un droit fondamental que consacrera la clause 17. Le premier paragraphe de la modification à la clause 17 précise bien:

[...] sont confessionnelles les écoles dont la création, le maintien et le fonctionnement sont soutenus par les deniers publics.

Ce droit n'est pas conféré par une loi provinciale.

Le deuxième sous-amendement proposé par le sénateur Cogger nous invite à remplacer le pouvoir «d'y régir» les activités académiques touchant aux croyances religieuses, à la politique d'admission des étudiants et au congédiement des professeurs par l'expression «d'y déterminer et d'y régir». Plusieurs témoins ont informé le comité que des conseilleurs juridiques tant du gouvernement que de l'extérieur ont convenu que ces deux expressions veulent dire la même chose, que cet amendement est redondant et qu'il n'ajoute rien aux pouvoirs déjà conférés uniquement par le verbe «régir».

Honorables sénateurs, cette question ne fait pas l'unanimité chez les habitants de Terre-Neuve. Cette question ne fait pas l'unanimité chez les membres du comité qui l'a étudiée. Elle n'a certainement pas fait l'unanimité chez les sénateurs qui ont participé à ce débat et je ne m'attends pas à ce que les résultats du vote qui aura lieu cet après-midi soient unanimes.

Toutefois, j'espère que les Terre-Neuviens sauront que nous, sénateurs, avons examiné la question attentivement et consciencieusement. Nous nous sommes efforcés de comprendre et nous avons tous voté dans ce que nous croyons être l'intérêt de la province, de ses habitants et, surtout, de ses jeunes.

Honorables sénateurs, avec ce vote, nous aurons assumé cet après-midi nos responsabilités constitutionnelles. En tant que leader du gouvernement au Sénat, je vais appuyer cette mesure. Le gouvernement a manifestement bien appuyé la résolution à la Chambre des communes. Toutefois, j'appuie aussi personnellement cette résolution en sachant très bien ce que je fais dans le cadre de ce vote libre. Comme chacun d'entre vous ici, j'ai soigneusement pesé les dimensions complexes de cette demande de l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador.

Je voudrais citer ici un vieux collègue pour qui j'ai beaucoup de respect et qui a la réputation, tant ici que dans sa propre province, de toujours dire ce qu'il pense dans l'intérêt des Canadiens qu'il représente. Au cours du présent débat, le sénateur Petten nous a dit ceci:

La population de Terre-Neuve et du Labrador est prête à aller de l'avant. Nous sommes prêts à nous donner la main et à travailler ensemble. Même si je respecte profondément ceux qui s'opposent à cette résolution, je crois que le temps est venu de modifier la clause 17. Il est temps de permettre à la province de réformer son système d'enseignement. Le temps est venu de centrer notre attention sur ce qu'il y a de mieux pour nos enfants.

Comme toujours, je respecte moi aussi ceux qui s'opposent à cette résolution, de quelque côté qu'ils siègent ici, mais je crois que cette résolution est la bonne chose à faire pour Terre-Neuve et le Labrador, et je crois qu'elle mérite notre appui.

(1610)

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, depuis le début, j'exhorte mes collègues à tenir des audiences, non seulement ici, mais aussi à Terre-Neuve parce bien des gens à Terre-Neuve n'ont pas d'argent pour venir à Ottawa.

Quant au vote, je suis persuadé que certains auraient aimé prolonger le supplice en ne votant pas. Il ne reste que deux jours. Or, j'ai entendu des collègues dire que nous pourrions laisser la période de six mois arriver à expiration.

Je me réjouis du résultat final. J'espère que nous réglerons la question en rejetant les amendements. La motion serait alors acceptée. Si les amendements étaient adoptés, le projet de loi serait renvoyé à la Chambre des communes.

J'ai parlé du débat qui a eu lieu et je ne veux pas abuser de votre amabilité en répétant ce que je vous ai déjà dit. J'ai assisté à chaque minute du débat à la Chambre des communes. Le vendredi en question, il n'y a jamais eu plus de sept députés. Je me souviens de m'être fait dire, en bon militant du Parti libéral, que si un projet de loi posait des difficultés, il fallait le faire adopter à toute vapeur un vendredi. Cela m'a rappelé ce qui arrive à des questions d'une telle importance. Le lundi, il n'y avait pas plus de députés, mais le vote a eu lieu.

Son Honneur le Président: L'honarable sénateur a-t-il une question à poser?

Le sénateur Prud'homme: Oui, j'en ai une.

S'il y avait eu un référendum dans la province, je ne pense pas que celle-ci aurait opté pour le bilinguisme.

J'espère que le sénateur Fairbairn essaiera de convaincre ses collègues. Si un référendum avait lieu, voudrait-elle, en notre nom, exhorter ses collègues de l'autre endroit à tenir des audiences?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je transmettrai le message du sénateur Prud'homme à mes collègues de l'autre endroit.

Le sénateur Murray, plus que quiconque, apprécierait que nous fassions tout notre possible pour que les liens entre les deux chambres du Parlement soient excellents. On réussit parfois mieux dans certains cas que dans d'autres.

Je ne suis pas au Sénat depuis aussi longtemps que d'autres sénateurs, mais je pense que, au bout du compte, nous avons fait un travail valable en menant nos propres débats, en tenant nos propres audiences de comité et en produisant nos propres rapports, à notre manière. Il n'est pas facile de convaincre l'autre chambre à l'autre bout du couloir. Cependant, tant que je serai ici, je ferai tout mon possible pour faire valoir que le Sénat peut mener ses études et ses débats afin de prendre ses décisions de la manière la plus éclairée possible.

L'honorable P. Michael Pitfield: Honorables sénateurs, le gouvernement fédéral demande au Parlement de faire une chose qui soulève des questions fondamentales. Personne ne devrait croire qu'il s'agit simplement d'une question d'éducation confessionnelle à Terre-Neuve, si importante soit-elle. En fait, il s'agit en l'occurrence d'une question revêtant une grande importance qui intéressa fortement les Canadiens où qu'ils soient. Cette question, c'est dans quelle mesure les citoyens peuvent s'attendre à ce que le gouvernement fédéral remplisse on non ses obligations de protecteur de la Constitution.

Le sénateur Kirby a expliqué, dans ses observations au Sénat il y a quelques semaines, que ce débat portait sur les fondements des droits de la personne. Il a montré que le gouvernement fédéral se soustrayait à son devoir qui consiste à protéger ces droits. Il a expliqué comment le gouvernement fédéral a tendance à voir les choses du point de vue des pouvoirs de la majorité. Il a présenté une politique qui visait à substituer à la justice réelle l'apparence de l'équité.

Les réactions aux arguments du sénateur Kirby sont intéressantes parce qu'elles ont clairement mis en évidence la justesse et la solidité de son analyse. Ceux qui ont répliqué au sénateur Kirby, dans le rapport de notre propre comité notamment, ont tendance à revenir à la justification des pouvoirs de la majorité. Ils ne s'intéressent pas vraiment à la question de la protection de la minorité.

Personne ne prétend que les questions dont nous sommes saisis ne sont pas complexes, mais il reste que le Canada est un pays qui comprend des minorités. Notre Constitution regorge de difficultés, dont certaines remontent à un passé plus lointain et concernent plus de gens que même la clause 17. En pareils cas, il incombe au gouvernement fédéral de continuer à chercher des solutions. Cela, nous le savons, est un important aspect de ce qu'est le Canada, même si c'est une tâche ingrate.

Je suis d'accord sur les cinq points du sénateur Kirby qui concernent les questions sous-jacentes à la clause 17. Ses observations constituent un excellent exposé sur notre citoyenneté. Elles méritent attention et réflexion de la part non seulement des étudiants et des jeunes, mais aussi, de façon plus particulière, de certains d'entre nous, qui sommes plus vieux, plus fatigués et plus blasés. Au Canada, de nos jours, les droits des minorités, qu'il s'agisse des droits individuels ou collectifs, sont un sujet particulièrement important et délicat. Je crois que c'est, en partie, la raison pour laquelle les gouvernements fédéral et provinciaux sont prêts à dire au diable les conséquences et à foncer à toute vapeur. Tout se passe comme si on pouvait balayer la question du revers de la main.

(1620)

Pas dans le débat sur la clause 17 ni dans un autre débat. Un tel geste crée l'incertitude. Nous ne devons pas laisser en héritage à nos jeunes ce genre de solutions. Le Canada ne peut pas trouver l'harmonie en niant qu'il existe un problème. Honorables sénateurs, nous ne pouvons pas nous attaquer à ces problèmes sans une idée plus claire de nos responsabilités à cet égard.

Les dispositions constitutionnelles applicables ne sont pas mystérieuses. Parmi ses fonctions, le Sénat a un rôle particulier à jouer dans les relations fédérales-provinciales. Le Sénat doit au moins être un observateur attentif des affaires constitutionnelles. Voter à la fin du débat sur la question veut dire que chacun d'entre nous a porté des jugements sur la nature de notre gouvernement, l'objectif de notre fédéralisme et, en fait, les fonctions du Sénat lui-même.

Ce n'est pas à nous qu'il appartient de trouver une solution aux problèmes qui minent la clause 17. Ce n'est pas notre rôle. Nous devons émettre un jugement sur le respect des engagements pris, la protection des droits des minorités et le respect des ententes officielles. Selon moi, la vérité est indéniable et notre devoir incontournable.

Je n'appuierai pas la résolution et, en l'occurrence, j'appuierai les amendements proposés.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur ne veut prendre la parole, notre débat prendra fin ici. Conformément à l'ordre adopté par le Sénat, j'interromprai les travaux à 17 heures, je lirai les motions et, après l'appel du timbre, ces motions seront mises aux voix.

Projet de loi sur le gouvernement des premières nations

Recours au Règlement-Suspension du débat dans l'attente de la décision de la présidence

L'Ordre du jour appelle:

Deuxième lecture du projet de loi S-12, Loi prévoyant l'autonomie gouvernementale des Premières nations du Canada.-(L'honorable sénateur Tkachuk).

L'honorable Richard J. Stanbury: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Il y a une question de procédure qui a été soulevée plusieurs fois relativement à certains éléments de ce projet de loi lors de ces diverses apparitions. Je crois que tous les sénateurs aimeraient que cette question soit réglée avant que nous ne renvoyions cette mesure au comité, le cas échéant.

Les sénateurs se souviendront que nous avons déjà été saisis de cette mesure législative à deux reprises. Il y a d'abord eu le projet de loi S-10, dont le sujet a fait l'objet d'un examen approfondi en comité, puis il y a eu le projet de loi S-9, qui a été rayé du Feuilleton après la première lecture parce que le délai prévu était écoulé.

Le sénateur Tkachuk a présenté de nouveau la même mesure législative, qui est maintenant devenue le projet de loi S-12. Ce projet de loi est peut-être valable. Cependant, en mai 1995, on s'est demandé si le Sénat avait été saisi du projet de loi S-10 en conformité du Règlement parce qu'il pouvait être considéré comme une mesure financière, ce qui nécessite une recommandation royale.

La question n'avait pas été réglée à ce moment-là. Avant que nous n'entreprenions l'étude du projet de loi en comité, le Président devrait rendre une décision pour déterminer si le Sénat a été saisi de ce projet de loi en conformité du Règlement. Ainsi, s'il convient que nous étudions ce projet de loi, nous pourrons le faire sans que ce doute ne subsiste dans notre esprit.

Comme tous les sénateurs le savent, l'article 81 du Règlement du Sénat du Canada dit ceci:

Le Sénat ne doit pas procéder à l'étude d'un projet de loi comportant l'affectation de fonds publics, sauf si, à la connaissance du Sénat, le représentant de la Reine a recommandé cette affectation.

Il existe aussi une convention parlementaire bien établie selon laquelle les projets de loi comportant l'affectation de fonds publics ne peuvent pas être présentés au Sénat. Le projet de loi S-12 a clairement des répercussions financières importantes pour le gouvernement fédéral. Il nécessiterait l'affectation de fonds fédéraux.

Les articles 16 à 27 du projet de loi S-12 prévoit le transfert des terres de réserve aux premières nations qui choisissent de s'assujettir à cette mesure législative. Toutefois, avant que de tels transferts ne soient effectués, le gouvernement devrait faire des levés pour s'assurer de l'exactitude des limites et pour définir les intérêts des tiers. Selon leur envergure et leur complexité, ces levés pourraient coûter au moins 100 000 $ chacun. Avec plus de 600 premières nations et plus de 2 300 réserves d'un bout à l'autre du Canada, le coût total pourrait être considérable.

Pour s'acquitter de ses obligations à l'égard des premières nations et pour s'assurer que les terres transférées ne présentent aucun problème environnemental, le gouvernement serait également tenu d'effectuer une vérification environnementale avant que les terres de réserve ne puissent être transférées. Chacune de ces vérifications de phase 1 pourrait coûter environ 50 000 $. Cela ne comprend pas les mesures correctives qui pourraient s'avérer nécessaires. Encore une fois, le coût serait considérable.

Le projet de loi S-12 accorderait aussi aux société indiennes l'exemption fiscale dont bénéficient actuellement les particuliers en vertu de la Loi sur les Indiens. Ce changement éliminerait immédiatement une partie des recettes que les gouvernements fédéral et provinciaux reçoivent au titre de l'impôt des sociétés. On ignore exactement le montant de ces pertes, mais il s'agit néanmoins d'une somme importante.

Honorables sénateurs, il ne serait pas réaliste de prétendre que la mise en oeuvre de ce projet de loi prévoyant l'autonomie gouvernementale des autochtones ne coûterait rien. Il y a certainement des coûts associés à cette mesure législative.

Je rappelle aux sénateurs que, le 27 février 1991, le Président a jugé irrecevable le projet de loi S-18, qui portait aussi sur l'autonomie gouvernementale des autochtones. Il a jugé qu'il s'agissait d'une mesure financière qui n'était pas accompagnée de la recommandation royale nécessaire.

Je crois que ce projet de loi est aussi une mesure financière. Il ne peut donc pas être présenté au Sénat, mais doit plutôt venir de l'autre endroit.

Je tiens à dire clairement que je ne cherche aucunement à contester le bien-fondé de ce projet de loi, qui est certainement très valable. Toutefois, je veux que nous réglions cette question de procédure avant que les témoins, le personnel et le Sénat tout entier ne consacrent beaucoup d'argent et d'efforts à l'étude de cette mesure législative.

L'honorable David Tkachuk: Je voudrais faire quelques observations au sujet du rappel au Règlement fait par le sénateur Stanbury.

Bien entendu, je m'attendais à ce rappel au Règlement. On compte d'innombrables documents et discours traitant des recommandations royales et des projets de loi de finances. Certains des meilleurs documents que j'ai lus ont été rédigés par les anciens sénateurs Frith et MacEachen et par le sénateur Molgat, notre Président actuel. J'ajoute, monsieur le Président, que les vôtres m'ont paru les meilleurs. Je me considère encore comme un nouveau sénateur et je ne suis pas un expert en procédure. Je suis néanmoins un parlementaire, un sénateur, même si je ne suis pas élu. Nous nous en remettons beaucoup à vous, Votre Honneur, pour les fins de la discussion du projet de loi S-12.

(1630)

Notre préoccupation va au-delà du projet de loi S-12; elle porte sur l'avenir de cette institution qu'on appelle le Sénat.

On a souvent dit que nous sommes inutiles et inefficaces. Honorables sénateurs, si nous réduisons la latitude concernant le dépôt des projets de loi du Sénat pour discussion au Sénat et au Parlement, nous deviendrons inutiles et inefficaces. Des décisions trop restrictives feront en sorte que des projets de loi, comme celui du sénateur Kenny examiné au Sénat, ne franchiront même pas l'étape de la deuxième lecture.

Je voudrais citer une lettre de M. Raymond du Plessis, l'ancien légiste et conseiller parlementaire du Sénat, où il décrit ce que n'est pas un projet de loi de finances. Il écrit ce qui suit:

À notre avis, un projet de loi qui imposerait de nouvelles fonctions à un ministère sans accorder les fonds nécessaires à leur exécution... nécessiterait une affectation future de crédits par le Parlement (c'est-à-dire un projet de loi de finances) pour en permettre l'exécution. La future affectation serait imputée au Trésor et le projet de loi portant cette affectation serait clairement conforme à l'article 53. Pour la même raison, ce projet de loi devrait faire l'objet d'une recommandation de la Couronne conformément à l'article 54.

Le sénateur cite ensuite Beauchesne:

Un projet de loi qui confère au gouvernement un pouvoir dont l'application nécessitera l'affectation de crédits, mais au gré du Parlement, sans entraîner de dépense directe, n'est pas une mesure financière et n'a pas à être précédé de la recommandation royale pour être présenté.

Un projet de loi visant la mise en place d'un mécanisme de dépense de certaines sommes tirées des revenus de l'État, sous réserve de l'autorisation ultérieure du Parlement, peut être présenté à la Chambre sans la recommandation de la Couronne.

Il s'agit des commentaires 613 et 614 de la sixième édition de Beauchesne, sous la rubrique «Lois n'exigeant pas la recommandation royale».

Que fait le projet de loi S-12? Je cite ici M. James Ryan, c.r., conseiller législatif auprès du bureau du greffier, qui a rédigé le projet de loi S-12.

Il donnerait à un groupe défini de personnes physiques les moyens de se constituer en personne morale ayant l'identité d'une société et le pouvoir de se régir elles-mêmes conformément à la loi. Cela n'est pas, en soi, différent de la création d'une personne morale qui exploite une entreprise commerciale, dirige une municipalité ou une université ou gère les affaires temporelles d'une Église.

Sous ce rapport, le projet de loi S-12 ne devrait pas soulever plus d'objections que la constitution d'une université, si cela n'entraîne pas de dépense de fonds publics.

Nous savons tous que nous ne devons pas permettre une dépense à même le Trésor public. Seul l'exécutif peut autoriser une telle dépense. L'autre endroit resserre les conditions applicables aux simples députés essentiellement parce que ces derniers ont accès aux fonds. Les 295 députés ne peuvent pas tenter de s'approprier les fonds inutilisés qui restent à la fin de l'exercice financier - seuls les fonctionnaires ont ce pouvoir - mais nous savons que les sénateurs ont plus de latitude. Je suis convaincu que le projet de loi S-12 respecte les critères applicables à la Chambre des communes. Nous n'avons pas à nous préoccuper des affaires de l'autre endroit. Il lui appartient de prendre la décision.

Pour notre édification à tous, nous devrions savoir d'où vient la recommandation royale. C'était Lord Durham qui avait constaté à son grand désarroi que les députés de l'assemblée des colonies avaient le droit de déposer des lois de crédits et, bien entendu, le faisaient. Ce qui suit est tiré de la Revue parlementaire canadienne, numéro de l'été 1994, où R.R. Walsh reprend les propos de lord Durham:

Je me dois aussi de recommander ce qui semble être une limite essentielle des pouvoirs actuels des organes représentatifs dans ces colonies. J'estime qu'on ne peut avoir un bon gouvernement tant que l'assemblée aura le pouvoir illimité qu'elle a actuellement de voter des crédits et de gérer les dépenses locales de la collectivité. Tant que les recettes perçues permettront d'accuser un important excédent une fois les dépenses nécessaires du gouvernement civil payées, et tant que n'importe quel député de l'assemblée pourra sans restriction proposer un vote de crédits...

Et de poursuivre:

... souvent sacrifiés dans cette bousculade pour obtenir des crédits locaux, qui sert principalement à donner une influence indue à certains individus ou partis.

Messieurs les sénateurs, ce n'est pas ce que nous sommes en train de faire. Comme je l'ai dit plus tôt, il s'agit d'une question plus vaste. Je fait appel à vous tous, et spécialement à vous, Votre Honneur. J'ai lu toutes vos interventions et je sais que nous sommes sur la même longueur d'ondes. On vous a forcé à rendre une décision sur un recours au Règlement qui a été fait ici aujourd'hui. Si nous réduisons continuellement notre champ de vision, nous deviendrons inutiles. L'appareil gouvernemental peut nous maintenir en vie, mais nous n'aurons plus ni le coeur ni l'esprit à l'ouvrage car nous ne serons pas à même de faire adopter des projets de loi auxquels nous croyons fermement. Nous savons que l'adoption de ce projet de loi n'aura aucun effet sur le Trésor public du Gouvernement du Canada. John A. Macdonald disait que le Sénat était un chaudron où il versait les mesures législatives pour les laisser infuser, mais personne n'a jamais dit que nous ne pouvions pas faire nos propres infusions. Laissons donc infuser pour éduquer, apprendre et réfléchir à l'écart des passions exacerbées de l'autre endroit.

Disons que le projet de loi S-12 est adopté. Aurons-nous dépassé les limites constitutionnelles? Aurons-nous enfreint une règle de cet endroit? Aurons-nous fait main basse sur les deniers de l'État pour les dépenser? Non. Ce projet de loi ira alors à l'autre endroit où il sera examiné. Et tant pis si le corps exécutif s'en empare. Si un député le propose, le Président décidera. C'est leur affaire. Si les députés ont une vision si restreinte des initiatives parlementaires qu'ils voteront contre, c'est leur problème. S'ils veulent devenir des eunuques, c'est leur affaire, mais je refuse d'en faire autant. Je demande donc à la Présidence de prendre une décision sage, de nous accorder la latitude prévue par les Pères de la Confédération, de nous permettre de faire notre travail plutôt que de semer la zizanie.

Prenons plaisir à poursuivre les questions et non pas seulement à répondre à l'autre endroit.

L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, je cède la parole au sénateur Cools.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je tiens à ajouter quelques mots à ce débat. Je n'ai pas eu le temps de me préparer aussi soigneusement et attentivement que je l'aurais voulu; je demande donc aux sénateurs de se montrer indulgents.

Je commencerai par éclaircir ce que je crois être le sens de l'intervention du sénateur Stanbury. Je crois comprendre que le sénateur Stanbury demande au Président du Sénat, le sénateur Molgat, de rendre une décision concernant l'article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867.

L'article 53 de la Loi constitutionnelle dit, essentiellement, que les projets de loi d'appropriation d'une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d'impôts, devront originer dans la Chambre des communes.

Honorables sénateurs, les articles 53 et 54 sont les deux éléments de la Constitution qui limitent les pouvoirs du Parlement à bien des égards. En fait, l'article 54 limite le pouvoir de la Chambre des communes, puisque cette dernière doit obtenir la recommandation royale pour tout projet de loi de crédits. Donc, le seul élément qui nous intéresse est l'article 53.

Honorables sénateurs, je suis très préoccupée par le fait que nous demandions constamment au Président du Sénat de rendre des décisions et des jugements qui, à mon avis, relèvent de l'ensemble du Sénat et des sénateurs. Pour aider le sénateur Molgat, qui s'est toujours vivement intéressé à ces questions, j'ai l'intention de rappeler certaines de ces demandes au Sénat.

(1640)

Je veux d'abord traiter la question des projets de loi de finances. À cette fin, je me reporte à une étude réalisée par le comité sénatorial permanent des finances nationales au sujet des droits des sénateurs quant aux questions d'ordre financier. Je lirai des passages des témoignages présentés dans le fascicule no 14 des délibérations du comité, en date du jeudi 5 octobre 1989. Je vous lis d'abord une question posée à un témoin, M. Graham Eglington, que le regretté Eugene Forsey a décrit comme le plus grand avocat constitutionnaliste qu'il ait jamais rencontré. Lors de cette réunion du comité, M. Eglington nous a présenté un excellent témoignage, détaillé et exhaustif, sur ces questions. À la fin du témoignage de M. Eglington, le sénateur Stewart a dit ceci:

J'ai quelques questions à poser. Très souvent, quand des discussions ou des controverses commencent ici à Ottawa au sujet des crédits ou même des questions fiscales, on entend l'expression «projet de loi de finances». Si j'épluche la Loi constitutionnelle de 1867, je ne trouve cette expression nulle part. C'est vrai que, après l'article 52 se trouvent cinq articles, soit les articles 53, 54, 55, 56 et 57, qui sont précédés des mots en italiques «Législation financière: Sanction royale». D'après ce que je peux voir, l'expression « législation financière », dans ce titre, se rapporte aux articles sur lesquels notre témoin a attiré notre attention, soit les articles 53 et 54.

Le sénateur Stewart poursuit ainsi:

Bien sûr, quand on examine ces articles, on constate qu'ils ne parlent pas de projets de loi de finances comme tels. J'en arrive donc à la conclusion que l'expression «projet de loi de finances» est en fait une expression qui titre ses origines - du moins ses origines immédiates - d'une loi anglaise, soit le Parliament Act de 1911...

Ce projet de loi avait été proposé par Herbert Asquith, alors premier ministre du Royaume-Uni, et David Lloyd George, alors ministre, qui cherchaient, par voie constitutionnelle, à court-circuiter la Chambre des lords.

Le sénateur Stewart poursuit en ces termes:

... et que lorsque nous utilisons cette expression au Canada, il se pourrait fort bien que nous nous leurrions. Techniquement parlant, l'expression «projet de loi de finances» est-elle utile pour comprendre les dispositions constitutionnelles qui gouvernent le Parlement du Canada?

M. Eglington répond:

La réponse est non. L'expression «projet de loi de finances» est utilisée par différentes administrations pour désigner des choses différentes. Le seul endroit où je sais qu'elle est définie est dans la Parliament Act qui renferme une définition applicable au Royaume Uni et concernant les mesures financières qui peuvent recevoir la sanction royale sans l'approbation de la Chambre des lords...

Je ne pense pas qu'elle ait la moindre utilité dans le contexte canadien. Elle est utilisée de façon très vague pour désigner les mesures fiscales et les crédits, mais je suis sûr que ceux qui utilisent cette expression ont probablement chacun une idée différente de ce qu'elle représente. Il serait donc probablement sage de l'éviter.

Allons donc voir dans la Parliament Act de 1911 du Royaume Uni le seul endroit où l'expression «projet de loi de finances» a un sens précis. Le paragraphe 1.(2) de cette loi la définit aux seules fins de la Chambre des communes britannique et le paragraphe 1.(3) explique comment on détermine ce qu'est un projet de loi de finances. J'en fais la lecture à Votre Honneur.

Le paragraphe 1.(3) précise ce qui suit:

Tout projet de loi de finances envoyé à la Chambre des lords et soumis à la sanction de Sa Majesté sera accompagné d'une déclaration du président de la Chambre des communes, dûment signée par ce dernier, certifiant que c'est un projet de loi de finances. Avant d'émettre ce certificat, le président doit consulter...

On explique ensuite comment le président de la Chambre des communes du Royaume Uni procède pour déterminer si une mesure est financière.

Honorables sénateurs, cette Chambre a étudié en profondeur la question des projets de loi de finances. Compte tenu de la Constitution du Canada et des pratiques du Parlement du Canada, nous avons conclu que l'expression «projet de loi de finances» était inefficace.

Le Président du Sénat a, à différentes occasions récemment, été appelé à se prononcer sur ce qui constituait un point de droit et un point d'ordre constitutionnel; ce fut le cas par exemple il y a quelques semaines, pour le projet de loi C-42 et, il y a quelques mois, pour le projet de loi C-28 sur les accords de l'aéroport Pearson. Son Honneur a refusé d'engager le Sénat en entier dans cette décision. Le 8 mai 1996, il a déclaré, comme on peut le lire à la page 287 des Débats du Sénat:

Comme le précise le manuel Jurisprudence parlementaire de Beauchesne au commentaire 317(2), à la page 99 de la sixième édition:

Le rappel au Règlement a trait à l'interprétation des règles de procédure...

Il a poursuivi en disant:

Si la présidence devait ne serait-ce que se pencher sur un tel argument-sans parler de devoir peut-être juger de sa validité-, elle serait ipso facto entraînée dans des questions constitutionnelles et juridiques. Or, à titre de Président, je n'ai ni le pouvoir ni le droit d'examiner de telles questions. L'ouvrage qui fait autorité en matière de procédure parlementaire est très catégorique à ce sujet. Voici ce que dit le commentaire 324 à la page 100 de la sixième édition:

Le président ne décide d'aucune question d'ordre constitutionnel ni juridique, bien qu'il soit permis de soulever une question de ce genre par rappel au Règlement ou question de privilège.

Le Président conclut ainsi:

Quelle que soit la solidité de son argument [...] ce ne sont pas des questions que je peux trancher en tant que Président de cette Chambre.

Honorables sénateurs, je m'excuse de mes commentaires un peu impromptus. Cependant, je demande à tous les sénateurs de considérer un autre cas où les droits du Sénat à l'égard de ces questions avaient été examinés attentivement. C'était en 1949. J'ai ici un exemplaire d'un document en date de mai 1918 que l'on appelle le rapport Ross et qui se trouve dans les Journaux du Sénat. Il s'agit en fait du deuxième rapport du comité spécial sur la question des droits du Sénat en matière de législation financière ou de projets de loi de finances. Je prie Son Honneur de bien vouloir examiner ces documents.

En conclusion, le président du Sénat du Canada détient un poste très particulier. Ce poste diffère notablement de celui de président de la Chambre des communes. J'invite les sénateurs, à un moment donné, à réfléchir sur les différences.

Il y a des questions importantes en cause ici. Celles qui font surface de plus en plus fréquemment sont celles-ci: Quels sont les droits et privilèges des sénateurs et des députés individuels en ce qui a trait à la présentation d'initiatives dans l'une des deux chambres? Est-ce que les initiatives ministérielles dominent entièrement les travaux des deux chambres?

Le président du Sénat qui a un poste supérieur à celui du président de la Chambre des communes est chargé de protéger les droits et privilèges de cette institution en tant que telle, mais aussi les droits et privilèges des parlementaires pris individuellement. Je demande au président du Sénat, lorsqu'il considérera ces questions, de prendre en compte le facteur suivant. Le président du Sénat a le devoir d'être le premier défenseur des droits et privilèges des parlementaires pris individuellement, et en particulier des sénateurs.

(1650)

Honorables sénateurs, il me semble de plus en plus évident que le moment est venu pour cette chambre ou pour certains sénateurs d'entreprendre des études sérieuses de cette question, parce que nous sommes en train de perdre nos privilèges très rapidement sur de nombreux points importants.

Je remercie les sénateurs de leur attention. Comme je l'ai déjà dit, ces déclarations sont plutôt improvisées. Je m'excuse de ne pas m'être préparée aussi assidûment que je le fais d'habitude.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, tout comme le sénateur Cools, je n'ai pas de documentation. Je n'ai pas ce commentaire de 1948. J'ai écouté attentivement le sénateur Cools et le sénateur Tkachuk, ainsi que le rappel au Règlement du sénateur Stanbury.

Si je comprends bien le rappel au Règlement du sénateur Stanbury, il y a deux points. L'un relatif à l'article 80 du Règlement du Sénat qui dit:

Si un projet de loi émanant du Sénat a été adopté ou rejeté, aucun autre projet de même visée n'y sera présenté au cours de la même session.

Le sénateur Maheu: C'est l'article 81.

Le sénateur Kinsella: En ce qui concerne cet article, l'objection n'était pas que le même sujet a été abordé dans les projets de loi S-10 et S-9.

Le sénateur Stanbury: Non.

Le sénateur Kinsella: Permettez-moi donc de revenir à l'article 81 du Règlement du Sénat. Je pense qu'on a soulevé une importante question de procédure.

L'honorable sénateur Stanbury a attiré notre attention et celle du Président sur les articles 16 à 27 du projet de loi S-12, et a fait valoir qu'à son avis le projet de loi constituait une mesure financière.

J'ai parcouru rapidement le projet de loi et je suis tombé sur l'article 12. J'attire l'attention de Son Honneur sur un article du projet de loi autre que celui qu'a évoqué le sénateur Stanbury.

L'article 12 dit ceci:

«Les amendes [...] les taxes [...] infligées sous le régime d'une loi de la première nation [...]»

La question que je me pose est de savoir si cet article vise à accorder le pouvoir de lever des impôts. Le pouvoir fiscal, à mon avis, entre dans la rubrique de ce qui constitue une affectation de fonds publics. C'est donc tout à fait différent d'un projet de loi de crédits, ce qui est prévu à l'article 22. J'attire simplement l'attention du Président sur l'article 12.

De plus, honorables sénateurs, j'attire votre attention sur la définition de l'expression «mesure financière» que l'on trouve à la page 751 de l'ouvrage d'Eskine May, 21e édition. On y explique ce que feraient les présidents de la Chambre des communes, ici ou à Westminster.

On y définit ainsi l'expression «mesure financière»:

... projet de loi public qui, de l'avis du Président...

il s'agit toujours du Président de la Chambre des communes

... ne contient que des dispositions relatives à n'importe lequel ou tous les sujets suivants: imposition, abrogation, remise, modification ou réglementation de l'impôt.

Honorables sénateurs, je veux simplement faire valoir qu'il nous faut examiner l'aspect fiscal de cette mesure. J'espère que cela sera utile au Président quand il statuera sur la question.

Le sénateur Stanbury: Honorables sénateurs, je tiens à remercier l'honorable sénateur Kinsella de ses observations. Je n'avais pas remarqué l'article 12 du projet de loi, qui, selon moi, est un élément important de l'argumentation. J'étais parfaitement au courant des interventions du sénateur Tkachuk. Je remercie aussi le sénateur Cools de ses propos. J'attire cependant votre attention sur le fait qu'il s'agit en l'occurrence d'une question de procédure, non pas d'une question d'ordre constitutionnel. Voilà pourquoi j'estime que cela relève tout à fait du Président.

L'autre raison pour laquelle j'ai attiré l'attention du Président sur cette question, c'est qu'il en a déjà été question quand le projet de loi S-10 était au Feuilleton. Plusieurs d'entre nous, dont le sénateur Berntson, le sénateur Gauthier, le sénateur Stewart et d'autres, ont exprimé leur avis à ce sujet, mais le Président n'a jamais établi si ce projet de loi constituait une mesure financière, pour employer l'expression générale. J'estimais qu'il était important pour tous les sénateurs que cette question soit tranchée avant que l'on s'engage dans un autre débat qui pourrait être long en comité.

Le sénateur Tkachuk: Le sénateur Stanbury a soulevé deux questions. Tout d'abord, il a parlé de la constitution en société et de l'imposition. La Loi sur les Indiens exempte déjà les particuliers de tout impôt. Aux termes du projet de loi S-12, seuls les autochtones qui vivent sur la réserve peuvent faire partie de cette société. Il n'y a donc aucune conséquence fiscale pour le gouvernement du Canada ou pour quiconque. C'est une façon pour les intéressés de s'organiser et de se protéger contre toute responsabilité.

En ce qui concerne la question de l'imposition, il est normal que des organisations soient financées. Certaines se financent en exigeant une contribution de leurs membres ou en leur faisant payer des impôts, comme dans le cas des municipalités, par exemple. Cependant, le projet de loi C-12 n'entraîne l'imposition d'aucun impôt. Plutôt, il va reconnaître le pouvoir législatif des communautés indiennes de percevoir de l'argent par le biais d'impôts et d'autres mesures fiscales. Le pouvoir d'imposition découle de la Loi sur les Indiens et c'est une action déjà autorisée par le Parlement. Les Indiens peuvent déjà faire cela. Nous ne leur accordons pas un nouveau pouvoir. Le projet de loi ne fait que reconnaître ce pouvoir et le transférer de la Loi sur les Indiens au projet de loi S-12.

Je voulais simplement expliquer ces deux points à Son Honneur pour lui faciliter les choses.

L'honorable Walter P. Twinn: Honorables sénateurs, je voudrais remercier l'honorable sénateur Stanbury. Cela faisait longtemps que j'avais entendu parler d'économies d'argent au sujet des affaires autochtones. Je tiens à le féliciter, même si je suis persuadé que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ne sera pas d'accord avec lui.

Selon les renseignements que j'ai en main, toutes les réserves ont été arpentées. Il y a deux réserves. Je ne vois aucun coût supplémentaire dans le cas présent.

Quant à savoir s'il s'agit d'une mesure financière, cela va probablement permettre au gouvernement d'épargner de l'argent. Nous aimerions avoir la chance de discuter de cette question.

(1700)

J'enfreins peut-être le Règlement, honorables sénateurs, mais je tiens à dire que la raison pour laquelle nous voulons une nouvelle loi, une nouvelle modification, c'est parce que le ministère des Affaires indiennes a toujours empêché le développement économique ou communautaire sur ces réserves d'une façon ou d'une autre. Le premier ministre, M. Chrétien, qui était alors ministre des Affaires indiennes, a déjà rendu une décision aux termes de la Loi sur les Indiens qui était en faveur de notre bande. Deux ministres plus tard, cette décision était renversée. Je veux que vous ayez cela à l'esprit, Votre Honneur, lorsque vous rendrez votre décision.

L'honorable Len Marchand: Honorables sénateurs, je voudrais faire une brève intervention au sujet de l'importance de cette question. Je suis heureux que le sénateur Stanbury soit intervenu pour demander au Président de rendre une décision sur la recevabilité de ce projet de loi et de mettre les choses au point au sujet de cette question. C'est un projet de loi important. Cela a commencé à la base, quand des bandes ont dit que c'était ce qu'elles souhaitaient.

Le projet de loi touchant la bande indienne sechelte, sur la côte ouest, a été la seule autre mesure législative qu'on a adoptée de cette façon. J'ai parlé aux intéressés il y a deux ou trois jours; ils viennent de célébrer le dixième anniversaire de cette loi. Ce qui importe, c'est que 92 p. 100 des membres de la bande ont approuvé ce processus et ce projet de loi. Des principes importants sont en jeu.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je remercie tous les sénateurs qui ont participé à ce débat. Je vais prendre la question en délibéré.

(Le débat est ajourné en attendant la décision de la présidence.)

Terre-Neuve

Les changements apportés au système scolaire -La modification de la clause 17 de la Constitution-Le rapport du comité-Adoption de la motion d'amendement telle que modifiée

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, c.p., appuyée par l'honorable sénateur De Bané, c.p., tendant à l'adoption du treizième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (modification de la Constitution du Canada, clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada), déposé auprès du greffier du Sénat le 17 juillet 1996.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Doody, appuyée par l'honorable sénateur Kinsella, que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit modifié par substitution aux mots «sans amendement, mais avec une opinion dissidente», des mots:

«avec l'amendement suivant:

Supprimer le passage de l'alinéa b) de la clause 17 qui précède le sous-alinéa (i) et le remplacer par les mots «là ou le nombre le justifie.»

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Cogger, appuyé par l'honorable sénateur Bolduc: Que la motion d'amendement soit modifiée par substitution aux mots «avec l'amendement suivant:» des mots «avec les amendements suivants: a)», par suppression du point à la fin de l'amendement et par adjonction des mots suivants:

«b) Supprimer les mots «d'y régir» à l'alinéa c) de la clause 17 et y substituer les mots «d'y déterminer et d'y régir».»

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il a été proposé par l'honorable sénateur Cogger, appuyé par l'honorable sénateur Bolduc: Que la motion d'amendement soit modifiée par substitution aux mots «avec l'amendement suivant:» des mots «avec les amendements suivants: a)», par suppression du point à la fin de l'amendement et par adjonction des mots suivants:

«b) Supprimer les mots «d'y régir» à l'alinéa c) de la clause 17 et y substituer les mots «d'y déterminer et d'y régir».»

Que les sénateurs qui sont en faveur du sous-amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre le sous-amendement veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés:

Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs.

(1720)

(Le sous-amendement du sénateur Cogger, mis aux voix, est adopté.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Berntson, Bolduc, Buchanan, Carney, Cogger, Cohen, Comeau, Cools, DeWare, Di Nino, Doody, Doyle, Eyton, Forrestall, Ghitter, Grimard, Gustafson, Jessiman, Kelly, Keon, Kinsella, Kirby, Lavoie-Roux, LeBreton, Lynch-Staunton, MacDonald (Halifax), Meighen, Murray, Nolin, Oliver, Ottenheimer, Pitfield, Prud'homme, Rivest, Robertson, Rossiter, St. Germain, Simard, Sparrow, Spivak, Stratton, Tkachuk, Twinn, Wood-47

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams, Anderson, Bonnell, Bosa, Bryden, Carstairs, De Bané, Fairbairn, Forest, Gigantès, Grafstein, Graham, Hébert, Hervieux-Payette, Kenny, Landry, Lewis, Losier-Cool, Maheu, Marchand, Mercier, Milne, Moore, Pearson, Perrault, Petten, Poulin, Riel, Robichaud, Rompkey, Stanbury, Stewart, Stollery, Watt, Whelan-35

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucune
Son Honneur le Président: Le vote porte maintenant sur la motion d'amendement, telle que modifiée.

Il est proposé par l'honorable sénateur Doody, appuyé par l'honorable sénateur Kinsella:

Que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit modifié par substitution aux mots «sans amendement, mais avec une opinion dissidente», des mots:

«avec l'amendement suivant:

«a) Supprimer le passage de l'alinéa b) de la clause 17 qui précède le sous-alinéa (i) et le remplacer par les mots «là ou le nombre le justifie.»; et

«b) Supprimer les mots «d'y régir» à l'alinéa c) de la clause 17 et y substituer les mots «d'y déterminer et d'y régir».»

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement, telle que modifiée, veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés:

Son Honneur le Président: Le vote se tiendra immédiatement. Il n'y aura pas de délai.

(La motion d'amendement de l'honorable sénateur Doody, telle que modifiée, mise aux voix, est adoptée.)

 

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Berntson, Bolduc, Buchanan, Carney, Cogger, Cohen, Comeau, Cools, DeWare, Di Nino, Doody, Doyle, Eyton, Forrestall, Ghitter, Grimard, Gustafson, Jessiman, Kelly, Keon, Kinsella, Kirby, Lavoie-Roux, LeBreton, Lynch-Staunton, MacDonald (Halifax), Meighen, Murray, Nolin, Oliver, Ottenheimer, Pitfield, Prud'homme, Rivest, Robertson, Rossiter, St. Germain, Simard, Sparrow, Spivak, Stratton, Tkachuk, Twinn, Wood-47 

 

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams, Anderson, Bonnell, Bosa, Bryden, Carstairs, De Bané, Fairbairn, Forest, Gigantès, Grafstein, Graham, Hébert, Hervieux-Payette, Kenny, Landry, Lewis, Losier-Cool, Maheu, Marchand, Mercier, Milne, Moore, Pearson, Perrault, Petten, Poulin, Riel, Robichaud, Rompkey, Stanbury, Stewart, Stollery, Watt, Whelan-35

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucune
Son Honneur le Président: Le vote porte maintenant sur la motion principale, telle que modifiée.

Il est proposé par l'honorable sénateur Rompkey, appuyé par l'honorable sénateur De Bané, que le rapport, tel que modifié, soit adopté.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés:

Son Honneur le Président: Le vote se tiendra immédiatement.

(La motion, telle que modifiée, mise aux voix, est adoptée.)

 

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Atkins, Beaudoin, Berntson, Bolduc, Buchanan, Carney, Cogger, Cohen, Comeau, Cools, DeWare, Di Nino, Doody, Doyle, Eyton, Forrestall, Ghitter, Grimard, Gustafson, Jessiman, Kelly, Keon, Kinsella, Kirby, Lavoie-Roux, LeBreton, Lynch-Staunton, MacDonald (Halifax), Meighen, Murray, Nolin, Oliver, Ottenheimer, Pitfield, Prud'homme, Rivest, Robertson, Rossiter, St. Germain, Simard, Sparrow, Spivak, Stratton, Tkachuk, Twinn, Wood-46

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams, Anderson, Bonnell, Bosa, Bryden, Carstairs, De Bané, Fairbairn, Forest, Gigantès, Grafstein, Graham, Hébert, Hervieux-Payette, Kenny, Landry, Lewis, Losier-Cool, Maheu, Marchand, Mercier, Milne, Moore, Pearson, Perrault, Petten, Poulin, Riel, Robichaud, Rompkey, Stanbury, Stewart, Stollery, Watt, Whelan-35

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk-1
(1730)

 

La Loi sur le divorce
La Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales
La Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions
La Loi sur la marine marchande du Canada

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-
Suite du débat

Permission ayant été accordée de revenir à l'article 2 de l'Ordre du jour, Affaires émanant du gouvernement:

L'Ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Losier-Cool, appuyée par l'honorable sénateur Mercier, portant deuxième lecture du projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada.-(L'honorable sénateur Jessiman).

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je voudrais vous entretenir, à l'étape de la deuxième lecture, du projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada.

Ce projet de loi porte sur la rupture du couple et son effet dévastateur sur les enfants de foyers désunis. Le projet deloi C-41 définit notamment un nouveau cadre régissant l'allocation d'une pension alimentaire pour enfants et renforce les moyens d'exécution dont on dispose pour forcer le parent qui n'a pas obtenu la garde à verser la pension alimentaire. Des lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants seront établies en application des règlements, lesquelles viseront à limiter le pouvoir judiciaire discrétionnaire en cette matière.

Honorables sénateurs, le moment est venu de réviser les principes fondamentaux de la Loi sur le divorce. Depuis quelques années, d'énormes progrès ont été accomplis sous le rapport de l'égalité économique des femmes et des hommes. Il faudrait que la Loi sur le divorce témoigne dorénavant de cette réalité. Le moment est venu d'examiner de nouveau nombre des principes démodés qui sous-tendent le rôle des femmes. Il faut absolument que le Sénat se penche sur les problèmes sociaux qui expliquent le divorce et l'éclatement de la famille et la conclusion qui s'impose est que, ce qui importe avant tout, c'est le bien-être des enfants. Il faut que le comité du Sénat chargé d'étudier le projet de loi C-41 examine attentivement la question de la garde et du droit de visite.

Honorables sénateurs, «garde» est un terme désuet et insidieux, survivance d'une époque révolue. Il n'a pas sa place dans la Loi sur le divorce. Aux fins de l'article 16 de la Loi sur le divorce, telle qu'elle figure dans les Lois révisées du Canada de 1985, article qui porte sur la garde, on assimile à la garde «le soin, l'éducation et tout autre élément qui s'y rattache». Or, les connotations du terme «garde», un terme au sens fort élastique selon le Black's Law Dictionary, sixième édition, ne suffisent plus à protéger l'intérêt des enfants. En effet, le Black's nous dit que «garde»:

... désigne tantôt l'emprisonnement ou la détention, tantôt le simple pouvoir, juridique ou physique, d'emprisonner ou de prendre possession.

Sous-entendu, on assimile l'enfant à un bien meuble que veulent posséder ou que se disputent les ex-conjoints. J'espère que le comité sénatorial étudiera sérieusement la définition de la notion de garde et celles qui conviendraient mieux à notre époque.

Quand les parents se marient et ont des enfants, ils considèrent la garde des enfants comme une responsabilité commune qu'ils se partagent. Au moment du divorce, cette notion disparaît. Tout à coup, il incombe à l'État de décider à qui revient la garde. Pourquoi en est-il ainsi? La loi ne l'explique pas.

Je me disais, honorables sénateurs, que, de nos jours, nous ne serions sûrement pas saisis de projets de modification à la Loi sur le divorce qui ne feraient pas de la garde et de l'éducation conjointe une réalité courante de la vie des enfants.

J'aimerais faire état d'un jugement pertinent rendu dans une affaire relevant du droit de la famille. Il s'agit de l'affaire Talsky c. Talsky, entendue en 1973. Cette affaire a fait jurisprudence en matière de garde et de visite. Le juge de première instance, le juge Lloyd Houlden, avait accordé la garde des enfants Talsky à leur mère et ordonné à leur père de leur verser une pension alimentaire.

M. le juge Lloyd Houlden, de la Cour suprême de l'Ontario, a décrit M. et Mme Talsky dans les termes suivants:

Le mari est un jeune dentiste prospère et travaillant dont le revenu augmente constamment. Il est très intelligent et est d'une apparence des plus soignées. Il est un père dévoué etaffectueux [...]

Sa femme est des plus séduisantes. Elle est également très intelligente. Elle gardait la maison propre, bien rangée et bien organisée pour son mari et sa famille. Elle était très sociable et elle gardait le rang social que son mari lui avait assigné. Je pense aussi qu'elle aime autant leurs enfants que son mari, et qu'elle est une mère aimante et affectueuse.

M. le juge Houlden a aussi décrit M. Talsky comme étant:

[...] un mari relativement attentionné. Il semble avoir pris bien soin de sa femme quand celle-ci était malade. Le week-end, il avait coutume de servir le petit déjeuner au lit à sa femme. Il avait coutume de prendre congé tous les mercredis matins pour s'occuper des enfants et laisser sa femme aller faire les courses.

(1740)

Il aidait à nourrir les enfants et à s'en occuper [...] Il a payé de temps à autre à la requérante une aide-ménagère à temps partiel, même si sa situation financière ne justifiait pas cette dépense [...] Jusqu'à la date de la séparation, M. Talsky a été un homme attentif au bien-être de sa femme.

En dépit des allégations de cruauté de Mme Talsky,M. le juge Houlden a conclu ceci:

Mme Talsky a exagéré des incidents qui étaient sans grandes conséquences. Elle a gonflé hors de proportions des faits anodins en leur donnant une importance qu'ils n'avaient pas. Une femme aussi intelligente aurait pu, si elle y avait réfléchi, résoudre facilement les problèmes dont elle se plaint. Pour une raison ou pour une autre, elle a conclu très tôt après le mariage qu'elle avait fait une erreur et qu'elle voulait se séparer. Il est malheureux qu'elle ait porté les deux enfants de l'intimé puisqu'elle avait cette perception de son mariage, car elle a sérieusement aggravé les difficultés que vivait le couple.

Cependant, M. le juge Houlden a accordé la garde des enfants à Mme Talsky en dépit du fait que M. Talsky était prêt à réorganiser sa vie professionnelle et personnelle pour s'en occuper. Il était prêt à acheter une nouvelle maison et à ouvrir un cabinet de dentiste dans son sous-sol pour être toujours là quand ses enfants auraient eu besoin de lui. Il avait aussi proposé de fermer ce cabinet les mercredis après-midi pour passer plus de temps avec ses enfants. Finalement, il proposait de faire presque tout cela sans les ressources financières et autres de son ex-conjointe. M. Talsky a présenté d'excellents arguments pour obtenir la garde de ses enfants. Cependant, M. le juge Houlden a accordé la garde des enfants à Mme Talsky. M. le juge Houlden a conclu que les enfants devaient être avec leur mère.

La décision a fait l'objet d'un appel. M. le juge Arthur Jessup, de la Cour d'appel de l'Ontario, a renversé la décision deM. le juge Houlden en 1973. M. le juge Jessup a déclaré que:

[...] la règle voulant que les enfants en bas âge doivent être confiés à leur mère est une règle reposant sur les sentiments et non pas une règle de droit, comme le conclut à tort le juge de première instance; [...] Ce n'est qu'un des facteurs qui entre en ligne de compte dans tous les cas.

Le juge Jessup a également écrit que la décision du juge Houlden:

...ne tient pas compte du fait que la situation des enfants ne pouvait pas demeurer ce qu'elle était au moment du procès et ne compare pas les conditions de vie futures probables avec leur mère à leurs conditions de vie probables avec le père.

Le juge Jessup a conclu:

À mon avis, l'éminent juge a fait erreur en considérant le bien-être de l'enfant comme le seul facteur, plutôt que le facteur primordial, et en ne tenant pas compte de la conduite des parties comme il était censé le faire aux termes du paragraphe 1(1) de la Loi concernant les enfants, L.R.O., 1970, c. 222.

La Cour d'appel de l'Ontario a annulé le jugement initial et a accordé à M. Talsky la garde des enfants. Mme Talsky a contesté la décision, et la Cour suprême du Canada, dans une décision partagée à trois contre deux, a accueilli l'appel et lui a accordé la garde des enfants.

Honorables sénateurs, au moment de l'audience, on a notamment tenu compte de la Loi concernant les enfants,L.R.O. 1970, c. 222, dont voici un extrait du paragraphe 1(1):

Le tribunal peut, sur demande du père ou de la mère d'un enfant, [...] rendre l'ordonnance qu'il juge appropriée au sujet de la garde de l'enfant et le droit d'accès de l'un ou l'autre des parents, en tenant compte du bien-être de l'enfant, ainsi que de la conduite des parents, et des souhaits de la mère et du père, et peut aussi modifier ou annuler l'ordonnance à la demande de l'un ou l'autre des parents...

La garde d'un enfant dans le cadre d'une procédure de divorce est maintenant régie par l'article 16 de l'actuelle Loi sur le divorce, dont voici un extrait:

16(1) Le tribunal compétent peut, sur demande des époux ou de l'un d'eux ou de toute autre personne, rendre une ordonnance relative soit à la garde des enfants à charge ou de l'un d'eux, soit à l'accès auprès de ces enfants, soit aux deux.

16(8) En rendant une ordonnance conformément au présent article, le tribunal ne tient compte que de l'intérêt de l'enfant à charge, défini en fonction de ses ressources, de ses besoins et, d'une façon générale, de sa situation.

Je le répète, honorables sénateurs, le seul facteur qu'il faut prendre en considération, c'est l'intérêt supérieur de l'enfant. C'est ce que le juge Archibald Twaddle, de la Cour d'appel du Manitoba, a fait ressortir en 1994 dans l'affaire Gunn c. Gunn:

Aucun des deux parents n'a davantage le droit à la garde des enfants que l'autre. La seule considération à retenir est celle de l'intérêt supérieur des enfants, et si cela exige un changement dans la garde des enfants, qu'il en soit ainsi.

Cependant, il s'agit là de la loi, non de la pratique. La plupart du temps, c'est la mère qui obtient la garde des enfants issus du mariage, rarement le père. En 1990, d'après Statistique Canada, dans les affaires de divorce où il fallait décider de la garde des enfants, celle-ci a été accordée à la mère dans 73,3 p. 100 des cas, et au père dans 12,2 p. 100 des cas; il y a eu garde partagée dans 14,3 p. 100 des cas et, dans moins de 1 p. 100 des cas, la garde des enfants a été accordée à une personne autre que la mère ou le père. Dans la société d'aujourd'hui, peu de pères obtiennent la garde de leurs enfants. De plus, on prive les pères de la possibilité de jouer vraiment le rôle de parent auprès de leurs enfants.

Le professeur de droit Julian Payne, de l'Université d'Ottawa, le reconnaît. Voici ce qu'il écrivait en 1993 dans son ouvrage Payne on Divorce:

À une époque où les parents ne sont pas limités à leurs anciens rôles traditionnels, il n'est pas bon de supposer qu'un parent a une plus grande aptitude que l'autre à s'occuper des enfants. Malgré la reconnaissance officielle de l'égalité entre les parents, cependant, la doctrine du bas âge - ou son équivalent moderne, la doctrine des premiers dispensateurs de soins - reflète encore la réalité persistante selon laquelle la mère assume habituellement un rôle beaucoup plus considérable dans la vie quotidienne des jeunes enfants.

Dans son oeuvre, le professeur Payne fait référence au jugement dans l'affaire Doe c. Doe, en citant la suivante:

Que la doctrine de la tendre enfance soit ou non dictée par le bon sens, le fait est que la tâche de s'occuper des enfants et en particulier des enfants d'âge scolaire est assumée par la mère... La doctrine de la tendre enfance reconnaît qu'un jeune enfant est le plus souvent aux soins de sa mère et que, dans ce cas, il est dans son meilleur intérêt de rester avec sa mère à moins qu'on ait des raisons irréfutables de déraciner l'enfant dans son meilleur intérêt.

Honorables sénateurs, la loi de la famille et du divorce est aujourd'hui tellement trouble qu'elle est devenue le champ de bataille des idéologies et des idéologues. Les procès en divorce et les conflits pour la garde des enfants ne devraient pas être le champ des idéologues. Notre comité sénatorial doit tenir compte de cela pour assurer le meilleur intérêt de l'enfant dans les causes de divorce et de garde des enfants.

Honorables sénateurs, le Sénat doit réexaminer les prémisses originales de la Loi sur le divorce étant donné que le contexte a changé. Le rôle de la femme a changé considérablement depuis 20 ans. La Loi sur le divorce doit tenir compte de notre monde moderne lorsqu'il s'agit du sort de l'enfant. Le Sénat doit examiner attentivement ce que l'on entend par «garde des enfants» et ce que cela suppose pour l'enfant. En tant que parlementaires, nous avons, honorables sénateurs, la grave responsabilité de nous assurer que les enfants du divorce ont le soutien, financier et psychologique, des deux parents. Les enfants ont besoin de l'amour et de l'attention des deux parents. Les sénateurs le doivent à ces enfants.

Je dirais en outre aux sénateurs Losier-Cool et Jessiman, qui écoutent attentivement, que c'est avec énormément de diligence que le comité sénatorial doit examiner tout cet aspect amer, pénible et tragique du droit et des relations humaines.

Sur la motion du sénateur Jessiman, le débat est ajourné.

[Français]

 

Projet de loi visant à changer le nom
de certaines circonscriptions électorales

Deuxième lecture

L'honorable Roch Bolduc propose: Que le projet de loi C-347, Loi visant à changer le nom de certaines circonscriptions électorales, soit lu une deuxième fois.

(1750)

- Honorables sénateurs, il s'agit en somme d'un projet de loi modifiant les noms de certaines circonscriptions électorales. Il y en aurait 19 réparties à travers le Canada. Ce projet de loi résulte d'une entente entre les partis représentés aux Communes.

Ce n'est pas un projet de loi très contentieux. Pour prendre le cas de la Gaspésie que je représente, on ajoute le mot «Pabok» parce que la méthodologie habituelle des noms comporte le nom de chacune des municipalités régionales de comté. C'est la raison de la présentation du projet de loi.

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, ce projet de loi a été adopté à l'unanimité, et il a eu l'appui de tous les partis à l'autre endroit. En conséquence, nous semblons être d'accord pour le transmettre, comme nous en avons l'habitude, au comité approprié qui, dans ce cas, est le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Le sénateur Bolduc: Est-ce que l'on pense généralement qu'il faut renvoyer le projet de loi au comité ou ne pourrait-on pas passer directement à la troisième lecture?

Le sénateur Graham: Non.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Bolduc, appuyé par l'honorable sénateur Berntson, propose que ce projet de loi soit lu une deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Bolduc, le projet de loi est renvoyé au comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

La Région Asie-pacifique

Adoption du rapport du comité des affaires étrangères demandant l'autorisation de se déplacer afin de poursuivre son étude

Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport du comité permanent des affaires étrangères (Budget - Étude spéciale sur la région Asie-Pacifique), présenté au Sénat le 25 novembre 1996.

L'honorable John B. Stewart, président du comité sénatorial permanent des affaires étrangères, propose l'adoption du rapport.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)

 


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