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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 58

Le jeudi 5 décembre  1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 5 décembre 1996

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

 

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La journée nationale de commémoration

Le septième anniversaire de la
tragédie de l'École polytechnique

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, cette année, c'est la septième fois que les parlementaires marquent un temps d'arrêt pour souligner un anniversaire qui nous rappelle à tous que nous vivons dans une société où la violence faite aux femmes est un phénomène courant. Ce n'est pas nous qui avons décidé que demain,le 6 décembre, sera une journée pour commémorer le souvenir de 14 jeunes étudiantes mortes dans des circonstances fort tragiques, en 1989. Le choix de cette journée revient à un individu fort perturbé qui a pris une arme semi-automatique et qui s'est rendu dans une salle de cours de l'École polytechnique à Montréal, où il a placé les hommes à l'écart et abattu les femmes, mettant instantanément un terme aux espoirs et aux rêves que celles-ci entretenaient.

Nous ne pouvons oublier les noms des victimes: Geneviève Bergeron, Hélène Colgan, Nathalie Croteau, Barbara Daigneault, Anne-Marie Edward, Maud Haviernick, Barbara Marie Klueznick, Maryse Laganière, Maryse Leclair, Anne-Marie Lemay, Sonia Pelletier, Michelle Richard, Annie Saint-Arnault et Annie Turcotte. Il ne s'agit pas de simples statistiques, honorables sénateurs. Elles représentent nos soeurs, nos filles et nos amies.

Nous n'oublions pas non plus leurs familles, qui vivent quotidiennement avec le souvenir de ces êtres chers et la douleur de les avoir perdus. Nos pensées et nos prières les accompagnent.

Pour honorer leur mémoire, nous devons collaborer avec tous nos partenaires - tant les gouvernements que les entreprises, les syndicats, les collectivités, les groupes ou les individus - afin de contrer la violence sous toutes ses formes et contre toute personne, quel que soit son âge. Comme en témoignent les grands titres des journaux, chaque jour, au Canada, la violence à l'endroit des femmes continue de faire un nombre ahurissant de victimes. En 1993, Statistique Canada a révélé que 51 p. 100 de toutes les Canadiennes de plus de 16 ans avaient été victimes, au moins une fois, de violence physique ou sexuelle. Les souffrances dans les familles sont énormes. Un nombre croissant d'hommes ont épousé la cause et militent activement pour sensibiliser la population au problème et trouver des solutions.

Honorables sénateurs, ces dernières années, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures concrètes pour s'attaquer au problème. En décembre 1995, le projet de loi C-68 a renforcé les dispositions législatives canadiennes sur le contrôle des armes à feu. On a modifié le Code criminel afin d'infliger des peines plus sévères à ceux qui commettent des crimes haineux motivés, entre autres choses, par le sexe de la victime.

Parmi les autres modifications dont la Chambre des communes est actuellement saisie, mentionnons des dispositions visant à tenir les agresseurs loin des victimes et des modifications à la loi contre le harcèlement. On a adopté des dispositions législatives sur les contrevenants qui purgent une peine de longue durée, dispositions axées particulièrement sur les délinquants sexuels.

(1410)

En août dernier, à Ottawa, le Forum Canada-États-Unis sur la santé des femmes a permis la conclusion d'un accord prévoyant l'échange de recherches et d'informations sur le problème de la violence faite aux femmes.

Honorables sénateurs, nous devons, entre autres choses, composer avec des attitudes solidement ancrées, qui changeront seulement avec le temps. Cependant, nous avons aussi l'occasion et l'obligation de résoudre les problèmes économiques et sociaux qui engendrent la peur, l'insécurité et l'ignorance, lesquelles se transforment à leur tour en colère, en désespoir et en violence.

C'est avec tristesse que nous nous souvenons de ces 14 jeunes femmes et de leur famille, non seulement aujourd'hui, mais quotidiennement. Elles sont le symbole douloureux de tous ceux qui sont menacés et maltraités et qui perdent la vie dans des circonstances violentes, partout au Canada. Nous ne pouvons tolérer cela. En tant que parlementaires, nous devons faire tout notre possible pour jouer un rôle de premier plan dans la recherche de solutions et l'établissement d'une meilleure compréhension.

 

L'enseignement postsecondaire

Les détails sur les frais de scolarité
exigés par diverses universités

L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, en réponse à la question sur les frais de scolarité que le sénateur Prud'homme a posée mardi, je voudrais donner quelques renseignements sur les frais de scolarité exigés par certaines universités pour 1996-1997.

À l'Université Memorial de Terre-Neuve, les frais de scolarité sont de 2 670 dollars pour les étudiants du premier cycle en arts ou en sciences. L'Université de la Colombie-Britannique exige des frais de 2 295 dollars, et l'Université McGill, des frais de 1 668 dollars.

L'an prochain, le gouvernement du Québec prévoit d'imposer des frais de scolarité de 2 900 dollars aux étudiants venant de l'extérieur de la province, alors que les frais de scolarité resteront les mêmes - soit 1 668 dollars dans le cas de McGill, pour les résidents du Québec.

Ni la province de Terre-Neuve et du Labrador ni celle de la Colombie-Britannique n'ont annoncé une hausse des frais de scolarité pour les étudiants venant d'autres provinces. Le montant des frais n'était pas le sujet de la question que j'ai posée mardi. Ma question portait plutôt sur le caractère discriminatoire à l'égard des étudiants venant de l'extérieur du Québec de la politique du gouvernement du Québec sur les frais de scolarité.

Je vais faire parvenir une copie de la liste des frais de scolarité des universités canadiennes au sénateur Prud'homme.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je remercie infiniment le sénateur Cochrane de sa délicatesse de m'avoir fait parvenir les détails, mais je souhaiterais que les honorables sénateurs en prennent connaissance. Cela prouve exactement mon point. On peut choisir un peu au hasard un ou deux exemples.

Si je prends, par exemple, les étudiants en ingénierie au Québec, c'est 1 600 $, partout ailleurs c'est 2 005 $, 3 008 $, 3 004 $, 3 002 $.

Si je prends la faculté de médecine, au Québec, c'est 1 600 $, 1 500 $. À Terre-Neuve, c'est 3 125 $, en Ontario, 3 800 $, 3 700 $, 4 800 $, 4 700 $. C'est exactement le point que j'ai soulevé hier.

Je remercie le sénateur Cochrane de distribuer cette liste qui prouver exactement ce que j'ai essayé de dire hier. Une province ne charge pas assez et les autres chargent trop. Au Québec, on remarque que les étudiants universitaires sont les enfants chèris de la société. Ils ne le savent peut-être pas. Ils ne veulent pas l'accepter. C'est au Québec que les frais de scolarité sont les moins élevés.

Le point soulevé était que de nombreux étudiants viennent à l'Université McGill non pas pour apprendre le français, parce que la plupart d'entre eux ne l'apprennent pas, mais parce que les frais sont moitié moindres. Je comprends que le plaisir d'être à Montréal est énorme.

Je vous prie de croire que si nous voulons tenir un débat complet, et je me charge de le rendre complet, je serai très heureux de fournir tous les autres détails en temps utile, aux honorables sénateurs qui le désirent, concernant le nombre d'étudiants de l'extérieur du Québec, pas de l'étranger, mais de l'extérieur du Québec qui fréquentent des institutions telles Concordia, McGill et Lennoxville. Le total est énorme en pourcentage alors que les étudiants du reste du Canada qui vont à l'Université Laval, à l'Université de Montréal et à l'Université de Sherbrooke se comptent sur les doigts de la main en comparaison à ceux qui choisissent l'Université McGill.

Peut-être pourrons-nous, ensemble, faire les comparaisons nécessaires pour que l'on puisse tenir un débat intelligent sur cette question.

[Traduction]

 

Le Sénat

Les paroles désobligeantes d'un sénateur
à l'endroit du premier ministre

L'honorable Shirley Maheu: C'est la première fois que je me sens obligée de prendre la parole au Sénat pour revenir sur une déclaration faite par un sénateur.

La violence peut prendre bien des formes. Elle peut être physique, mais le plus souvent, elle est verbale. Hier, un honorable sénateur a dépassé les limites de l'acceptable. On peut être partial et on peut dire ce que l'on pense. Tout ce que je demande, c'est que nos vis-à-vis réfléchissent sérieusement à ce qui s'est passé lors des dernières élections quand on a tenté de mettre au pilori notre candidat, qui est aujourd'hui le premier ministre du Canada.

Le même sénateur a critiqué la femme du premier ministre, Mme Aline Chrétien. Nous devons nous souvenir qu'elle est notre «première dame,» et j'insiste sur le mot «dame».

Je ne peux pas accepter que quelqu'un critique publiquement notre premier ministre et sa femme. J'avertis les sénateurs qui le font qu'ils obtiendront ce qu'ils méritent. Qu'ils se souviennent de ce qui est arrivé pendant les dernières élections et qu'ils cessent de tenir le genre de propos sordides dont la place est au fond des poubelles.

 


AFFAIRES COURANTES

L'enseignement postsecondaire

Présentation et impression en annexe du rapport
du comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie demandant l'autorisation de se déplacer

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le 10e rapport du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui demande respectueusement que le sous-comité sénatorial de l'enseignement postsecondaire soit autorisé à se déplacer au Canada pour faire son étude et qu'il soit autorisé à comptabiliser ses dépenses conformément aux lignes directrices de procédure sur l'administration financière des comités du Sénat.

Je demande que le rapport soit imprimé en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui pour faire partie des comptes rendus permanents du Sénat.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour imprimer ce rapport en annexe?

Des voix: D'accord.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce rapport sera-t-il pris en considération?

(Sur la motion du sénateur DeWare, le rapport est inscrit à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

(1420)

 

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Rapport du comité

L'honorable Sharon Carstairs, présidente du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant:

Le 5 décembre 1996

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

 

DIX-SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle) et une autre loi en conséquence, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 22 octobre 1996, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement mais avec la proposition suivante:

Le comité propose que le ministre de la Justice prenne toutes les mesures dont il/elle dispose afin d'informer le public sur l'article 745.6, y compris des discussions avec les procureurs généraux des provinces, de manière à trouver des moyens pour informer pleinement les familles de victimes de la teneur de cet article.

Respectueusement soumis,

 

La présidente
SHARON CARSTAIRS

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Milne, la troisième lecture duprojet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

 

Affaires étrangères

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable John B. Stewart, président du comité sénatorial permanent des affaires étrangères, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, propose:

Que le comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à siéger à 15 h 30 aujourd'hui, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 

Affaires juridiques et constitutionnelles

Avis de motion autorisant le comité à siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, je donne avis que, mardi prochain, le 10 décembre 1996,je proposerai:

Que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger à15 h 15 le mercredi 11 décembre 1996, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les transports

L'aéroport international Pearson-La concession
à la Greater Toronto Airports Authority-
L'exactitude du communiqué concernant
les ententes précédentes conclues avec le
consortium privé-la position du gouvernement

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question fait suite à un communiqué diffusé par Transports Canada le 2 décembre 1996, qui explique les raisons de la cession de l'aéroport Pearson à la Greater Toronto Airports Authority.

Le communiqué était accompagné d'un document d'information intitulé: «Différences entre la cession d'aujourd'hui de Pearson international et l'entente T1T2». C'est le titre exact du document.

Voici le texte:

Il existe plusieurs différences importantes entre la cession d'aujourd'hui de l'aéroport international Lester B. Pearson à une administration aéroportuaire canadienne et l'entente annulée de vendre les aérogares 1 et 2 de l'aéroport à T1T2 Ltd. Partnership, un promoteur du secteur privé.

Le mot qui me frappe est «vendre», ce qui indique que le gouvernement précédent a convenu, dans l'entente qu'il a conclue avec le consortium privé, de vendre les aérogares 1 et 2 de l'aéroport. C'est tout à fait faux. L'entente ne fait nulle part mention de la vente des aérogares 1 et 2. Il a été convenu de concéder les aérogares 1 et 2 pendant 57 ans.

La ministre peut-elle m'expliquer pourquoi le ministère des Transports, dans le désespoir où l'a jeté toute l'affaire de l'aéroport Pearson, irait jusqu'à mentir au sujet de la condition fondamentale de l'entente entre le gouvernement et le consortium privé?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai n'ai pas vu le communiqué dont parle de sénateur Lynch-Staunton. J'en prendrai connaissance et je transmettrai sa question au ministre.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est une décision du Cabinet. On en a discuté au Cabinet. Je demande à la ministre de nous expliquer ce qui se passe lorsque le Cabinet prend des décisions fondamentales. N'a-t-elle pas un rôle à jouer?

Ce communiqué de presse renferme trois ou quatre affirmations tout à fait fausses. Permettez-moi d'en signaler une deuxième à la ministre. On dit:

En vertu de l'approche antérieure, ...

C'est à-dire l'entente conclue entre le gouvernement conservateur et le consortium.

... le contrôle sur l'aéroport aurait été partagé entre plusieurs intervenants.

Le communiqué ajoute:

Un groupe du secteur privé aurait exploité les aérogares. On proposait qu'un autre se charge des pistes de l'aéroport. Et il n'était pas clair qui s'occuperait du reste de l'aéroport...

Il n'y avait rien dans l'entente entre T1T2 et le gouvernement du Canada au sujet du contrôle des pistes et du reste de l'aéroport. Elle disait simplement que le consortium devrait rénover les deux aérogares et, en retour, espérer réaliser des profits.

Comment le gouvernement du Canada ose-t-il mentir aujourd'hui - et je pèse mes mots - au sujet des conditions de l'entente et prétendre qu'on est allé au-delà des termes de cette entente, qu'une autre partie devrait prendre le contrôle des pistes de l'aéroport? Comme la commission d'enquête sénatoriale présidée par le sénateur MacDonald l'a prouvé l'été dernier, il n'a jamais été question dans le cadre des négociations qui ont duré trois ans environ, que quiconque prenne le contrôle des pistes à Toronto. On n'a jamais prétendu que quelqu'un d'autre que le gouvernement du Canada serait responsable de l'exploitation de l'aéroport, y compris la supervision de l'administration des aérogares 1 et 2 par l'entreprise privée.

Comment la ministre peut-elle justifier cette déclaration qui est une pure invention de son gouvernement au sujet des ententes entre l'entreprise privée et le gouvernement précédent. Ce sont des mensonges - M-A-N-S-O-N-G-E-S -, des faussetés...

Le sénateur Doody: Quel langage caustique!

Le sénateur Maheu: Faites attention.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ce sont des mensonges.

Le sénateur Gigantès: Vous ne pouvez même pas épeler le mot.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je l'épelle pour souligner que je n'utilise pas le terme à la légère.

Le sénateur Gigantès: Vous le faites pour montrer que vous ne savez même pas comment l'épeler.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ces aérogares ne devaient jamais être vendues; pourtant le communiqué de presse du gouvernement du Canada dit qu'elles le seront. On n'a jamais dit non plus que les pistes seraient administrées par une partie et le reste de l'aéroport par une autre.

Comment le gouvernement de la ministre peut-il justifier de telles faussetés?

(1430)

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, mon honorable collègue utilise un langage très vif.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je peux vous épeler le mot à nouveau, si vous voulez. Je pourrais également parler de «menteur».

Le sénateur Fairbairn: J'ai écouté attentivement les observations de mon honorable collègue qui a utilisé un langage très vif. Je vais prendre ce document et obtenir des réponses pour lui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Avant Noël?

Le sénateur Fairbairn: Je vais m'engager à essayer.

 

 

Le premier ministre

La véracité des propos adressés aux étudiants
au Manitoba-La position du gouvernement

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, j'ai été quelque peu surpris en lisant les journaux ce matin et en regardant les informations télévisées hier soir. J'ignorais toutes ces choses au sujet de notre premier ministre. Choqué par ces révélations, je veux donner au cabinet du premier ministre une occasion de s'expliquer.

J'étais intrigué par un discours adressé par le premier ministre aux étudiants au Manitoba, dans lequel il a dit qu'il discute régulièrement avec un sans-abri au coin d'une rue d'Ottawa. Il a dit «Nous nous asseyons là sur une chaise, au coin de la rue.» Disait-il la vérité aux étudiants lorsqu'il leur a raconté la façon dont il cherchait conseil à Ottawa?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la série de questions éveille mon intérêt. On peut y voir peut-être la nature d'une stratégie à appliquer lors d'un événement prochain.

Le sénateur Lynch-Staunton: Parlez-en à «la meute» et parlons de ce que vous avez fait à Mulroney. Allons.

Le sénateur Berntson: Parlons d'intégrité.

Le sénateur Gigantès: S'il est des gens qui ne peuvent parler d'intégrité, c'est bien vous.

Le sénateur Lynch-Staunton: Si c'est là votre seule défense, dites la vérité pour une fois.

Le sénateur Tkachuk: Répondez à la question.

Le sénateur Fairbairn: En ce qui concerne le premier ministre, sa moralité, et la position de Mme Chrétien...

Le sénateur Lynch-Staunton: Nous parlons des sans-abri, non pas de Mme Chrétien.

Le sénateur Fairbairn: ... j'ai seulement quelques remarques à faire. Je les ferai et ce sera la fin de mes commentaires.

Cela fait 34 ans que je suis au Parlement. J'ai pu observer le très honorable Jean Chrétien depuis son arrivée ici alors qu'il était un jeune député. En 34 ans, je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi dévoué envers ce pays, je n'ai jamais vu quelqu'un travailler aussi fort et s'en sortir avec tant d'honneurs que le très honorable Jean Chrétien.

Le sénateur Tkachuk: Répondez à la question!

Le sénateur Graham: La réponse fera mal, voilà la raison; écoutez-là pour une fois!

Le sénateur Fairbairn: Je réponds à la question du sénateur. Le premier ministre du Canada est un homme extrêmement dévoué, honorable et intègre et c'est ainsi qu'il gouverne. C'est ainsi que les Canadiens voient son gouvernement.

Dans le cas de Mme Chrétien, il n'y a pas de dame au pays qui soit plus distinguée, plus gracieuse et plus forte qu'Aline Chrétien.

Le sénateur Gigantès: Et elle n'a pas consacré des millions à la redécoration du 24 Sussex.

Le sénateur Fairbairn: Ce sont mes réponses. Il n'y aura pas de «réponses différées» à ces questions.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement au Sénat n'a pas répondu à la question, alors qu'elle a une chance de le faire.

Ce grand type parlait à un groupe d'élèves du secondaire rassemblés dans un gymnase - des élèves de l'âge de mon fils ou de ma fille. Son histoire était cousue de fil blanc. Quand cet homme honorable, le premier ministre, s'est fait prendre à conter des balivernes ou à gaffer, il a dit: «Je vois. J'ai dit que j'avais vu. J'ai dit que j'avais vu une personne dans les rues, quand je circulais dans la ville. J'ai dit que je vois un homme à Ottawa. Je n'ai pas dit que je lui avais parlé.»

Quand on l'a pris à nouveau, il a alors dit: «Je lui ai parlé avant d'être chef de gouvernement.» Veut-il nous faire croire qu'il s'asseyait au centre-ville d'Ottawa avec un sans-abri, alors qu'il était chef de l'opposition ou ministre, pour demander conseil sur la manière de diriger le pays et qu'il ne s'en souvient pas? Je pense qu'on n'oublie pas ce genre de chose.

Le sénateur Gigantès: Ses ministres n'ont pas truffé la SRC de séparatistes!

Le sénateur Tkachuk: Je pense que nous avons touché un point sensible, hier soir. Je veux une réponse toute simple. Le premier ministre a-t-il rencontré un sans-abri et s'est-il assis sur une chaise - comme il l'a dit aux élèves du Manitoba - pour discuter avec lui de l'avenir du pays? Il leur a même rapporté ce que le sans-abri lui avait dit. Il a dit que cet homme lui avait confié qu'il aimait ne pas avoir de domicile fixe. Il leur a dit ça. Je veux une réponse à la question: est-ce vrai, «oui» ou «non»?

Le sénateur Maheu: La politicaillerie ne vous mènera nulle part.

Le sénateur Tkachuk: Je peux vous dire que je n'apprendrai rien des libéraux.

Le sénateur Gigantès: Vous en êtes incapable, parce que vous êtes un conservateur.

Le sénateur Tkachuk: Je n'apprendrai rien des libéraux, et surtout pas de vous!

Le sénateur Gigantès: La seule chose que vous puissiez apprendre, c'est ce que vous enseignent les autres conservateurs, c'est-à-dire être de mauvaise foi!

 

Réponses différées à des questions orales

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse différée à une question que l'honorable sénateur Atkins a posée au Sénat, le 31 octobre 1996, concernant la participation du Canada aux expositions de Lisbonne et de Hanovre.

 

Expositions mondiales

La participation du Canada aux expositions
de Lisbonne et de Hanovre

(Réponse à la question posée le 31 octobre 1996 par l'honorable Norman K. Atkins)

Le 28 mai 1996, le Cabinet fédéral a approuvé la participation du Canada à Expo 98, qui aura lieu à Lisbonne, au Portugal, du 22 mai au 30 septembre 1998. Le budget approuvé, soit 6,6 millions de dollars, provient de sept ministères fédéraux et de deux provinces. La participation canadienne à Expo 98 comprendra un pavillon canadien et un modeste programme culturel.

Aucune décision n'a été prise en ce qui concerne la participation du Canada à Expo 2000 qui aura lieu à Hanovre, en Allemagne, du 1er juin au 31 octobre 2000. Le thème central de l'exposition sera «L'humanité, la nature et la technologie». Le premier ministre a répondu à l'invitation du chancelier Kohl en indiquant que l'invitation de l'Allemagne était à l'étude. Une décision est prévue pour 1997. Le budget reste à déterminer.

 

Dépôt des réponses à des questions
inscrites au feuilleton

Les transports-Les détails de l'accord entre
le gouvernement et la Greater Toronto Airports Authority concernant l'exploitation de
l'aéroport international Pearson

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 60 inscrite au Feuilleton par le sénateur Tkachuk.

 

Les transports-Le coût de la documentation relative à l'enquête sur l'aéroport Pearson

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 61 inscrite au Feuilleton par le sénateur Tkachuk.

 

L'enquête sur l'aéroport Pearson-Les renseignements concernant la saisie informatique et l'indexage

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 62 inscrite au Feuilleton par le sénateur Tkachuk.

 


ORDRE DU JOUR

Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif-Troisième lecture

L'honorable Peter Bosa propose la troisième lecture du projet de loi C-35, Loi modifiant le Code canadien du travail (salaire minimum).

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

 

La Loi électorale du Canada
La Loi sur le Parlement du Canada
La Loi référendaire

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Bryden, appuyé par l'honorable sénateur Taylor, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-63, Loi modifiant la Loi électorale du Canada, la Loi sur le Parlement du Canada et la Loi référendaire.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je désire dire quelques mots au sujet du projet de loi C-63 pour faire suite aux excellentes interventions des sénateurs Murray et Oliver.

Je crois que le projet de loi C-63 est un projet bien lacunaire du gouvernement libéral. Nous avons déjà entendu cela. Voici une autre tentative de modifier la Loi électorale du Canada, tout comme le projet de loi sur les limites des circonscriptions électorales, qui a effectivement reporté toute possibilité de réaménagement des circonscriptions au prochain siècle environ. Ce projet de loi-là était motivé par des fins politiques, pour satisfaire le caucus libéral de l'Ontario, qui ne voulait pas que les circonscriptions électorales soient modifiées avant les prochaines élections. Autrement dit, ils voulaient flouer les électeurs de l'Ontario et de la Colombie-Britannique de leur juste part de sièges.

Dans ce cas-là, comme dans le cas qui nous occupe maintenant, l'opposition à la Chambre des communes s'est perdue dans les complexités de son nouvel environnement, à la recherche des salons de coiffeur et des repas à bon prix, et le Parti conservateur s'est retrouvé seul pour combattre les manipulations et les moyens détournés du gouvernement Chrétien et rétablir une représentation équitable pour l'électorat canadien.

Qu'est-ce qui me fait croire que ce projet de loi est défectueux, qu'il ne vise pas une véritable réforme, mais constitue plutôt une stratégie en vue des prochaines élections? Premièrement, il a été élaboré par les Libéraux, le même groupe qui a obligé un ancien premier ministre à poursuivre en justice le gouvernement fédéral.

(1440)

Honorables sénateurs, ce projet de loi a été présenté en vue des prochaines élections. Après tout, il a été imposé à la Chambre des communes au moyen de la clôture et la période d'attente réglementaire de six mois pour toute modification à la Loi électorale du Canada a été abrogée. Ce projet de loi a été pensé par le ministre Gray et ses collègues du Cabinet, probablement avec la collaboration du leader du gouvernement, qui ont présumé que, vu l'avance de leur parti dans les sondages, une période de campagne électorale plus courte serait à leur avantage. En fait, dans leur monde parfait, ils aimeraient déclencher les élections aujourd'hui et tenir le vote demain, de peur que les électeurs ne se réveillent.

Je veux m'attarder un peu au phénomène de la campagne électorale abrégée, honorables sénateurs. Pourquoi choisir 36 jours et non pas 30 ou 28? Je comprends toutes les questions concernant la technologie, les communications et le transport plus facile, mais en quoi ces progrès justifient-ils une campagne électorale plus courte? Selon la logique de cet argument, chaque amélioration dans ces domaines continuerait à réduire la période de campagne électorale; un jour viendra où les électeurs verront leurs chefs uniquement à travers les yeux des journalistes de la télévision, dont le pouvoir est déjà trop considérable, ou dans des messages publicitaires de 30 secondes vantant nos partis comme on vante des marchandises.

L'amélioration de la technologie et des transports devrait plutôt être vue par les chefs et les candidats comme une façon de rencontrer plus de Canadiens en personne. Des élections c'est cela, la rencontre des candidats et des électeurs. Les élections ne doivent pas être un mauvais moment à passer. Dans un pays démocratique, c'est l'acte le plus important d'un citoyen. C'est le moment où les sociétés comme la nôtre remettent les choses entre les mains de leurs citoyens. Ce n'est pas rien. Tous les quatre ans environ, pendant 45 jours sur 1460, nous écoutons les partis politiques. Nous passons 3 p. 100 de notre temps à parler de questions d'importance nationale comme la défense, les affaires étrangères, la santé, les emplois et les taux d'intérêts. Est-ce que l'on voudrait nous dire qu'une campagne électorale n'est pas le moment de discuter de questions politiques importantes? Ce n'est pas mon avis, j'estime que c'est un moment très important.

C'est aussi une question d'argent. C'est aux partis riches que la technologie profite - avions plus rapides, satellites, haute technologie, systèmes de communication et publicité. Les nouveaux partis ou les partis plus pauvres n'ont pas les ressources nécessaires pour profiter de ces technologies les plus récentes que l'on invoque pour raccourcir la campagne électorale. Les voix dissidentes, si importantes dans notre système politique, auront plus de difficulté à vendre leurs idées et à communiquer leur message.

Je voudrais parler brièvement de l'énumération. Au Canada, nous avons le meilleur système d'énumération au monde. Il est exact à 92 p. 100; 95 p. 100 après révision. Le système se fonde sur l'inscription des membres de la collectivité par leurs voisins. C'est une grande entreprise. Dans quel autre pays du monde inscrirait-on son voisin sur la liste électorale? Dans beaucoup de pays, les voisins feraient rayer de la liste le nom de leurs voisins. Au Canada ce n'est pas le cas. Le système fonctionne parce qu'il se fonde sur un système de bon voisinage, un système où l'on demande à nos voisins et amis d'exercer leur droit. Cette simplicité est magnifique. Il y a du génie dans ce système de basse technologie que nous partageons. On veut le remplacer par un système informatisé qui ne profitera à personne, qui ne fera que nourrir cet animal que l'on appelle la bureaucratie gouvernementale.

Je parie que, si nous adoptons le projet de loi, on ne pourra absolument pas se fier à la liste qu'il propose. Même si on dispose d'une statistique qui dit que 16 p. 100 des électeurs déménagent au cours d'une année donnée, c'est un renseignement trompeur car on ne fait pas la distinction entre région rurale et région urbaine. Dans une circonscription électorale à forte densité de population et qui compte de nombreux immeubles d'appartements, presque tout le monde déménage. Dans le centre-ville de Saskatoon, où tout le monde habite un appartement ou un condo, le rythme des déménagements est intense. Le voisinage se renouvelle presque tous les deux ans.

À quoi bon une liste électorale dont le tiers ou le quart des renseignements sont inexacts? Ça ne peut servir qu'à ceux qui cherchent par tous les moyens que leur offre la technologie actuelle à accéder à des listes. Je n'arrive pas à comprendre qu'on puisse demander à des ruraux de verser des impôts pour qu'on puisse tenir à jour la liste des électeurs en région urbaine. Dans le nord de Prince Albert ou dans la région de Melfort-Tisdale, cette liste sera bonne pour des années avec quelques changements mineurs. Le député d'une région rurale dispose d'une bonne liste grâce aux données obtenues lors des dernières élections et il est en mesure de la mettre à jour lui-même.

Si vous représentez une région à forte densité d'appartements, vous bénéficiez plus du système de mise à jour que les régions rurales. Actuellement, on paie un peu plus que le salaire minimum à des gens qui sont prêts à recenser tous les électeurs. Voilà que nous allons les remplacer par des fonctionnaires dont le traitement variera entre 40 000 de dollars et 60 000 de dollars par an qui recourront à la magie de la technologie pour dresser des listes qui ne seront pas fiables. Ils auront accès aux registres des permis de conduire et aux déclarations d'impôt. On nous dit que les électeurs auront la possibilité de dire s'ils souhaitent que leur nom ne soit pas divulgué. Procédons de la manière opposée et demandons aux électeurs de cocher la case s'ils souhaitent que leur nom soit divulgué. Voyons la réaction que nous obtiendrons des gens qui remplissent leur déclaration d'impôt. Se servir des déclarations d'impôt et des listes de décès, voilà une façon bien morbide d'établir une liste électorale qui, à mon avis, n'a aucune utilité entre les périodes électorales.

Le but premier d'une liste électorale est de permettre à nos citoyens d'exercer leur droit de vote et non pas de fournir au gouvernement canadien un rôle commode de tous ses citoyens.

Même si les libéraux croient aux prétextes douteux qui sont invoqués pour faire étudier le projet de loi à toute vitesse au sénat, comme ça été le cas à la Chambre des communes, un recensement est encore nécessaire cette année. Alors pourquoi se hâter ainsi? C'est uniquement dans le but de réduire la durée de la prochaine campagne électorale à 36 jours. Je vous parie, honorables sénateurs, que si les libéraux recueillaient 30 p. 100 des intentions de vote dans les sondages, ils ne se hâteraient pas de la sorte. En fait, nous n'aurions même pas été saisis de ce projet de loi. Il a fallu quelques jours à l'opposition de l'autre endroit pour s'en rendre compte. Je ne peux pas croire qu'il lui a fallu si longtemps, mais nous luttons contre les libéraux depuis longtemps. Nous les connaissons.

(1450)

Honorables sénateurs, prenons notre temps. Si nous voulons une réforme, faisons-en une. Qu'y a-t-il de si urgent? Renvoyons ce projet de loi à un comité pour qu'il l'étudie. Nous avons janvier, février et mars pour le faire. Les libéraux nous disent qu'ils ne déclencheront pas des élections avant l'automne. Qu'est-ce qui presse? Nos recenseurs ne partent pas en grève. Les gens sont là. Si des élections sont déclenchées, le recensement aura lieu et nous aurons des élections. Le système fonctionne depuis 1867. Je garantis aux honorables sénateurs qu'il fonctionnera une fois de plus.

Honorables sénateurs, rien ne justifie l'adoption de ce projet de loi aussi rapidement. Prenons notre temps, faisons les choses comme il faut et ne croyons pas tous ces experts qui nous parlent des économies que nous pouvons réaliser.

Nous sommes ici depuis longtemps. Quelqu'un ici croit-il un fonctionnaire fédéral qui dit que nous économiserons de l'argent? Le seul moment où nous économisons de l'argent, c'est lorsque nous nous débarrassons de quelque chose. Nous n'économisons pas de l'argent en modifiant quelque chose. Cela coûte toujours plus d'argent. Cela a toujours été ainsi et cela sera toujours ainsi.

Nous n'adoptons pas un projet de loi de retour au travail parce qu'il y a une urgence nationale; nous adoptons plutôt des mesures législatives qui sont au coeur de notre système électoral. Soyons vigilants, honorables sénateurs. Prenons notre temps et faisons les changements nécessaires, car nous le devons aux Canadiens.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'informe le Sénat que, si l'honorable sénateur Bryden prend la parole maintenant, son discours aura pour effet de clore le débat sur la deuxième lecture de ce projet de loi.

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, je voudrais maintenant dire quelques mots. D'abord, j'ai écouté et ensuite lu les observations du sénateur Murray avec attention. Il a exprimé des craintes, notamment à l'égard de la nécessité de conclure ces accords avec les provinces, pour que nous puissions garantir dans la mesure du possible l'exactitude du registre des électeurs.

En outre, le sénateur Murray s'est inquiété du recensement. Là où nous habitons, le sénateur Tkachuk et moi, le recensement fait de porte à porte ne cause aucun problème. Dans certaines parties du pays, ce recensement est compliqué parce qu'il faut assurer la sécurité des recenseurs.

Le sénateur Murray a dit craindre l'échelonnement des heures de fermeture des bureaux de scrutin qui corrigerait un peu l'iniquité du système actuel. J'ai écouté et lu ces observations avec beaucoup d'intérêt. J'espère que le comité se penchera sur les craintes que le sénateur a exprimées.

Honorables sénateurs, le sénateur Oliver s'est inquiété surtout de la protection de la vie privée et de tout ce qui la menace. Moi aussi, je m'inquiète de la protection de la vie privée. Je tiens à ma vie privée. Encore une fois, j'espère que le comité se penchera sur ces inquiétudes.

Honorables sénateurs, j'ai écouté le sénateur Tkachuk aujourd'hui. Même si la tentation est forte, je ne me donnerai pas la peine d'entamer une discussion savante, mais les craintes que le sénateur a formulées portent vraiment la marque d'un coprésident de campagne électorale. Il s'inquiète de la position de son parti aux prochaines élections. D'ailleurs, il a été intéressant d'entendre l'honorable sénateur dire que son parti se positionne pour les prochaines élections, parce qu'il serait illogique qu'il le fasse pour les dernières.

J'espère qu'on me pardonnera de le dire, mais une des raisons pour raccourcir la durée de la campagne électorale, c'est que cela avantagerait notre parti. Je me suis fait la réflexion suivante: je me demande pendant combien de temps devrait durer la prochaine campagne électorale pour avantager le Parti conservateur.

Honorables sénateurs, je sais que le sénateur Andreychuk a l'intention de traiter des principes du projet de loi et d'exprimer ses préoccupations. Je l'ai rencontrée cet après-midi et elle a déclaré que, pour sa part, elle ne retarderait pas le renvoi de ce projet de loi au comité et qu'elle ferait ses observations à l'étape de l'étude en troisième lecture.

Je recommande que le comité prenne le temps qu'il faut pour examiner en détail ce projet de loi, qu'il convoque autant de témoins qu'il lui en faut et que, si nécessaire, nous nous réunissions non seulement au cours de la semaine prochaine, mais aussi la semaine suivante pour nous assurer qu'il soit au moins possible d'examiner à fond toutes les inquiétudes que soulèvent cette mesure - dont certaines ont été exprimées par moi et dont un grand nombre l'ont été par des sénateurs d'en face.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le sénateur Bryden répondra-t-il ici à une question?

Le sénateur Bryden: Certainement.

Le sénateur Berntson: Le sénateur a fait savoir que le comité consacrera le temps qu'il faut à ce projet de loi et qu'il entendra autant de témoins qu'il faudra. C'est bien là ce qu'il a dit, je crois. Mon collègue peut-il nous dire qu'il ne s'agit pas là de ce que je qualifierais de projet de loi prioritaire dont l'étude doit être terminée avant le congé de Noël?

Le sénateur Bryden: Honorables sénateurs, je crois comprendre qu'il s'agit d'un projet de loi prioritaire et que, s'il faut en faire rapport d'ici au congé de Noël, nous sommes disposés à siéger jusqu'à Noël pour y arriver.

Le sénateur Berntson: «S'il le faut», dit le sénateur. Cela veut-il dire Noël, la Saint-Sylvestre ou Pâques? Le sénateur recommandera-t-il la clôture à un moment donné? Je veux le savoir afin que nous puissions planifier.

Le sénateur Bryden: Comme d'habitude, compte tenu de mon peu d'expérience au Sénat, je dirai que cette décision ne relève pas d'un simple sénateur, mais du leader.

Le sénateur Doody: Il n'y a pas de simples sénateurs.

Le sénateur Lynch-Staunton: De l'autre côté peut-être, mais pas du nôtre.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

(1500)

 

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Bryden, le projet de loi estrenvoyé au comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

 

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-deuxième lecture-
Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Milne, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-13, Loi modifiant le Code criminel (protection des soignants).-(L'honorable sénateur Lavoie-Roux).

L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs...

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. J'ai une question résultant de l'intervention d'hier. Cet article est inscrit au nom du sénateur Lavoie-Roux, qui est absente. A-t-elle cédé la parole?

Des voix: Oui, elle a cédé la parole.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je voudrais donc obtenir une précision. J'ai demandé hier au Président quelle était la règle à cet égard. Dans quelle mesure le sénateur au nom duquel un article est inscrit au Feuilleton en contrôle-t-il la disposition?

Son Honneur le Président: Sénateur Lynch-Staunton, ce n'est pas un rappel au Règlement que vous avez soulevé, mais une question. Je vous donnerai une explication à ce sujet la semaine prochaine. Entre temps, le sénateur Lavoie-Roux a-t-elle fait savoir au sénateur Keon qu'elle consentait à lui céder la parole?

Le sénateur Keon: Oui.

Son Honneur le Président: Le sénateur Keon peut donc prendre la parole, et l'article restera inscrit au nom de l'honorable sénateur Lavoie-Roux.

Le sénateur Keon: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour appuyer le projet de loi sénatorial S-13, tendant à modifier l'article 45 du Code criminel, que l'honorable sénateur Carstairs a présenté la semaine dernière.

La mesure à l'étude vise à donner suite à l'une des principales recommandations du comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide à propos de l'abstention ou de l'interruption des traitements de survie dans certaines circonstances.

Je voudrais exposer brièvement les principaux facteurs qui m'ont amené à appuyer l'objet de cette mesure. Le projet de loi se compose d'un seul article proposant d'ajouter un nouvel article 45.1 au Code criminel. Il clarifie le Code criminel en protégeant contre toute responsabilité pénale les soignants qui s'abstiennent d'administrer un traitement de survie ou l'interrompent, à la demande du patient ou de son représentant, ou qui administrent, dans l'intention de soulager ou de supprimer les douleurs physiques du patient, des calmants en doses susceptibles d'abréger sa vie.

Un élément fondamental à retenir dans le débat du projet de loi, c'est qu'il a le mérite de chercher à tirer au clair les ambiguïtés du texte actuel, au sujet notamment des obligations des médecins et des infirmières et autres professionnels de la santé quant au commencement et à la cessation d'un traitement.

C'est le droit du patient de choisir qui est primordial. La modification dissipera les doutes des médecins qui hésitent entre donner le meilleur traitement possible à leurs patients et répondre à leurs désirs sans crainte de poursuites judiciaires.

Les tribunaux canadiens ont établi que la common law reconnaît le droit des patients de refuser de consentir à un traitement médical ou d'en exiger la poursuite après son interruption. En fait, la mesure à l'étude codifie simplement ce qui se fait déjà partout au Canada en matière de soins médicaux administrés aux patients en phase terminale. Compte tenu de ce qu'ont dit de nombreux témoins de divers milieux devant le comité spécial du Sénat au sujet de la confusion qui règne dans les services de santé et le grand public, le comité a recommandé à l'unanimité que le Code criminel soit modifié pour préciser les circonstances dans lesquelles il est légal de ne pas donner ou de retirer des traitements qui servent à maintenir une personne en vie.

Les principes généraux qui sous-tendent la modification proposée à l'article 45 du Code criminel semblent bien acceptés par la société, les milieux professionnels et les tribunaux. Bien que les dispositions actuelles du code protègent jusqu'à un certain point les médecins contre les poursuites au criminel, leur portée est trop étroite pour qu'elles puissent s'appliquer clairement aux pratiques médicales modernes. Les tribunaux ont jugé que l'article 45 ne s'appliquait qu'à la chirurgie. Mais il y a bien d'autres pratiques, en dehors de la chirurgie, qui peuvent entraîner la mort ou des lésions. Il y a aujourd'hui d'autres pratiques qui sont acceptées comme légitimes même si elles n'apportent aucun soulagement au patient. On réfléchit à ce problème depuis des années, mais les progrès de la technologie médicale, surtout les techniques de maintien de la vie, ont porté à l'avant-scène les questions morales que soulève l'euthanasie. Depuis une centaine d'années, la science médicale a fait des progrès prodigieux. Au nombre des pratiques qu'on n'envisageait même pas à l'époque de la rédaction de ces dispositions, notons la chirurgie effractive, les transplantations, les transfusions, la recherche systémique et les mécanismes permettant de sauver, de maintenir ou de prolonger la vie.

Depuis 1992, l'Association médicale canadienne demande que soient précisées les dispositions du Code criminel sur la légalité de l'interruption de traitement pour protéger les dispensateurs de soins contre les poursuites. Le problème se discute depuis des décennies. En 1969, par exemple, le conseil général de l'Association médicale canadienne approuvait l'énoncé suivant:

Un médecin respectueux de l'éthique laissera le patient mourir dans la dignité et sans douleur lorsque la mort paraît inévitable. Il subviendra aux besoins du corps lorsqu'il y a eu mort clinique du cerveau, mais il n'a pas à prolonger la vie par des mesures exceptionnelles.

Honorables sénateurs, la société canadienne a également évolué depuis l'adoption de ce code. Parmi les changements importants observés, mentionnons l'importance désormais accordée aux libertés et aux droits individuels. Cela se traduit par l'adjonction récente de la Charte canadienne des droits et libertés à la Constitution du Canada, de même que par l'adoption de lois fédérales et provinciales concernant les droits de la personne et par les récentes décisions des tribunaux. Cela se traduit aussi par la modification de la relation entre le médecin et le patient, où les décisions sont désormais prises conjointement par le médecin et le patient, et non plus unilatéralement par le médecin.

Honorables sénateurs, tous ces changements ont contribué à agrandir l'écart entre les exigences en matière criminelle et les pratiques médicales jugées acceptables et souhaitables. Ils ont aussi suscité des questions délicates quant à savoir ce qui constitue un comportement adéquat pour un professionnel de la santé dans des circonstances particulières.

(1510)

Des recommandations à ces sujets figurent dans un certain nombre de documents publiés par la Commission de réforme du droit du Canada. Les recommandations de la commission tendent essentiellement vers l'ajout au Code criminel d'une disposition précisant que le patient a le droit de refuser un traitement ou d'exiger l'interruption de son traitement. De plus, le Code criminel ne devrait pas obliger le médecin traitant à violer ce droit du patient. La modification proposée à l'article 45 tient compte de ces recommandations.

De plus, le moyen de défense que procure l'article 45 est d'une portée qui en inquiète plus d'un. La Commission de réforme du droit a même laissé entendre que ce moyen de défense s'appliquerait uniquement aux cas de force majeure ou aux situations urgentes. La définition de «traitement médical» doit être élargie pour englober tout ce que comprend généralement les pratiques appliquées par les médecins qualifiés pour veiller au bien-être de leurs patients, surtout dans le cas des médecins oeuvrant dans le secteur de la santé publique.

Les médecins travaillent pour préserver et promouvoir la santé et prévenir la mort. Le droit pénal cherche lui aussi à protéger la santé et la vie. Des difficultés surgissent quand la loi semble obliger un médecin à agir de manière à préserver et à promouvoir la santé ou à prévenir la mort dans des circonstances où de telles actions pourraient ne pas convenir. La loi devrait reconnaître les souhaits d'un patient compétent et les respecter quant à la cessation d'un traitement ou au refus d'en recevoir un.

Il est clair que le Code criminel devrait être modifié pour garantir la reconnaissance et le respect de ce droit. C'est parce que je crois fermement que tout patient a le droit de choisir que je vous demande aujourd'hui, honorables sénateurs, d'appuyer le projet de loi S-13.

Je félicite madame le sénateur Carstairs du travail soigné qu'elle a accompli sur ce sujet. Son discours était excellent, et je le garderai à titre de référence sur le sujet pour un bon bout de temps.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il est convenu que la motion restera inscrite au nom du sénateur Lavoie-Roux.

(Sur la motion du sénateur Lavoie-Roux, le débat est ajourné.)

 

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-
Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Roberge, appuyé par l'honorable sénateur Cohen, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-10, Loi modifiant le Code criminel (organisation criminelle).-(L'honorable sénateur Losier-Cool).

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Je cède la parole au sénateur Carstairs.

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Roberge pour son projet de loi. Je suis prête à parler de ce projet de loi depuis déjà un certain temps et j'espérais pouvoir le faire en présence du sénateur Roberge, mais, comme je ne veux pas que cette mesure meure au Feuilleton, je vais faire mon discours aujourd'hui.

Le crime organisé au Canada et la façon dont nous traitons ce genre d'activités est une question importante qui mérite un examen approfondi. Si j'ai bien lu le projet de loi, son objectif premier est de faire en sorte que quiconque accepte entièrement ou en partie un bien, un bénéfice ou un avantage provenant d'une organisation criminelle soit coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement minimal d'un an et maximal de dix ans.

Le projet de loi définit une organisation criminelle comme étant un groupe d'au moins cinq individus qui ont commis un ou plusieurs crimes. Les bandes de jeunes, par exemple, pourraient-elles être considérées comme des organisations criminelles? Les membres de ces bandes de jeunes qui ont plus de 18 ans seraient-ils assujettis à cette loi? Devraient-ils l'être?

Dans une autre disposition du projet de loi, on présume que, si une personne vit ou se trouve habituellement en compagnie d'un membre d'une organisation criminelle, c'est là une preuve qu'elle est membre de cette organisation criminelle. La portée de cette disposition n'est-elle pas trop vaste? Quel impact cette disposition aurait-elle sur les conjoints, les enfants ou les membres de la famille étendue? Quel impact ce projet de loi aurait-il, le cas échéant, sur la Charte des droits et libertés et la liberté d'association?

Le sénateur Roberge a parlé de l'Italie et de la France, qui ont toutes deux des garanties constitutionnelles protégeant leurs citoyens, mais qui ont quand même réussi à adopter des lois semblables à celle qu'il a proposée.

Je n'ai pas de réponses en ce qui concerne ce projet de loi. Cependant, honorables sénateurs, j'ai beaucoup de questions. J'attends avec impatience l'examen de cette mesure législative en comité.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, c'est une de ces zones grises que comporte notre Règlement. Mon collègue, le sénateur Roberge, est tout à fait disposé à ce que ce projet de loi soit renvoyé au comité; toutefois, j'hésite à le renvoyer au comité en l'absence du sénateur. Je serai heureux que le débat soit ajourné en mon nom jusqu'à son retour.

(Sur la motion du sénateur Berntson, le débat est ajourné.)

 

Les travaux du sénat

Projet de loi sur l'autonomie gouvernementale
des premières nations-Demande de la date de communication de la décision de la présidence concernant le recours au Règlement

L'honorable David Tkachuk: Votre Honneur, cela fait déjà un certain temps que nous attendons votre décision sur le projet de loi C-12. Pouvez-vous nous donner une idée du moment où vous rendrez cette décision?

Son Honneur le Président: J'espère pouvoir rendre ma décision la semaine prochaine.

Le sénateur Tkachuk: Pourriez-vous être un peu plus précis?

Son Honneur le Président: Pour l'instant, non. D'ailleurs, la question est très complexe et nous y avons déjà consacré beaucoup de temps. J'en discuterai à nouveau avec mon personnel demain matin. J'espère que la décision sera prête au début de la semaine prochaine, mais je ne peux pour l'instant rien garantir.

Le sénateur Tkachuk: Nous approchons de Noël. Je ne voudrais pas faire travailler le personnel en temps supplémentaire, mais le temps file.

 

Ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion:

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à mardi prochain, le 10 décembre 1996, à 14 heures.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 10 décembre 1996, à 14 heures.)

 


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