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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 84

Le mercredi 19 mars 1997
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 19 mars 1997

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

 

DÉCLARATION D'UN SÉNATEUR

Le Règlement du Sénat

La prolongation de la durée des discours

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, à propos de mon recours au Règlement, j'ai procédé hier soir à un second examen... après avoir consommé un verre de vin rouge, ce qui équivaut à un médicament s'il faut en croire les médecins et les négociants en vin. Mon second examen était donc, foi de sénateur, tout à fait objectif et, je vous l'assure, dénué de tout esprit de parti.

Je me suis dit ceci: «Pourquoi devrais-je m'en faire? Pourquoi devrait-on s'en faire quand un sénateur prononce un discours que vous considérez, étant donné votre allégeance politique, comme inexact, ampoulé, ennuyeux, intéressé, incohérent et, qui plus est, interminable? Donnons au sénateur amplement l'occasion de faire perdre à son parti, quel qu'il soit, le vote du rare visiteur à la tribune.»

Votre pensée collective a-t-elle jamais été traversée par l'idée que, si on fait si peu attention à nous, c'est que nous disons si peu en un si grand nombre de mots... un trop grand nombre peut-être? Prenons par exemple nos discours d'adieu. Ne les lisez pas, je vous en supplie. Il faudrait plus qu'un verre de vin rouge pour éviter d'avoir la nausée. Vous savez de quel genre je veux parler. Ils se ramènent à peu près à ceci: «Ah! j'ai bien connu ce bon vieux sénateur untel qui nous quitte aujourd'hui pour passer plus de temps en compagnie de son épouse bien-aimée ou de sa perruche. Je me rappelle le jour où, alors que je n'étais encore qu'un gamin mais déjà brillant pour mon âge, j'ai réalisé un véritable exploit devant ses yeux ébahis, ou des nombreuses fois par la suite où j'ai sauvé le pays pour le plus grand plaisir du sénateur Untel».

Bien sûr, il y a des exceptions à la règle, comme le discours d'adieu délicieusement spirituel que le sénateur Murray a prononcé lorsque le sénateur MacEachen nous a quittés. Ce fut un régal. La plupart du temps, les discours sont si insipides que l'on préfère lire, faire sa correspondance ou aller piquer un somme au bureau sans être dérangé, ce qui a pour effet, bien sûr, de faire monter la tension de notre whip qui ne cesse de faire le compte de peur de ne pas atteindre le quorum de 15 sénateurs. Mais cela lui permet d'échapper à ce brouillard oratoire pour aller à la recherche de son troupeau errant.

Le sénateur Doyle, un vieil ami, se demandait pourquoi j'étais moins fringant ces temps-ci. Je répondrai que c'est à cause de la prolixité proverbiale du Sénat. Elle m'a anesthésié.

Alors, honorables sénateurs, allez-y avec vos discours, outrepassez les 15 minutes. Je vais m'asseoir à ma place et, pendant ce temps, je n'entendrai pas votre voix mais celle de mon petit-fils. C'est peut-être du babil, mais ça nous change tellement de l'ordinaire.

 


Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune d'une délégation de parlementaires de l'Irlande. Ils sont membres du comité mixte des affaires européennes. Je voudrais d'abord vous présenter M. Michael Ferris, président du comité et membre de la Dail.

Comme nous accueillons plusieurs autres membres du Sénat et de la Dail, je vous demanderais de n'applaudir que lorsque je les aurai tous présentés.

M. Ferris est accompagné par le sénateur Michael Calnan, ainsi que par David Andrews, membre de la Dail, Noel Davern, membre de la Dail, le sénateur Joe O'Toole, et John Browne, membre de la Dail.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: Au nom du Sénat, je vous souhaite la bienvenue.

 


(1340)

 

Le Conseil des arts du Canada

Quarantième anniversaire

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le Conseil des arts du Canada a été fondé en mars 1957. Cet organisme financé à l'aide de fonds publics avait pour mandat d'encourager et d'appuyer la création artistique professionnelle dans tout le Canada. Quarante ans plus tard, le succès que remportent les artistes canadiens, chez nous et dans le monde entier, témoigne avec éloquence de l'importance d'un organisme de ce genre.

[Français]

Honorables sénateurs, je voudrais saluer aujourd'hui les artistes extraordinaires qui sont venus souligner avec nousle 40e anniversaire du Conseil des arts et qui se trouvent à la tribune avec les membres du conseil d'administration. Je voudrais également mentionner la présence du père Georges-Henri Lévesque. Il a fait partie de la commission Massey qui est à l'origine de la création du Conseil des arts. Il a été le premier vice-président du conseil.

[Traduction]

Je voudrais maintenant vous présenter les artistes qui sont à la tribune à cette occasion. Étant donné qu'ils sont nombreux, je vous demande à nouveau de n'applaudir qu'une fois qu'ils auront tous été présentés.

J'invite chacun d'eux à se lever lorsque je mentionne leur nom: Marie-Claire Blais, romancière et poète; Angèle Dubeau, violoniste; Atom Egoyan, cinéaste; Celia Franca, fondatrice du Ballet national du Canada; Louise Marleau, comédienne; Guido Molinari, visualiste; John Kimura Parker, pianiste; Jean-Pierre Perrault, danseur et chorégraphe; Al Purdy, poète; etTakao Tanabe, visualiste.

Ils sont accompagnés par M. Roch Carrier, écrivain et directeur du Conseil des arts du Canada, et par Donna Scott, présidente du conseil d'administration du Conseil des arts du Canada.

Nous sommes heureux de vous souhaiter la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix: Bravo!

 


AFFAIRES COURANTES

Affaires étrangères

Autorisation au comité de siéger
en même temps que le Sénat

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose:

Que le comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à siéger à 15 h 30 aujourd'hui, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Si les honorables sénateurs veulent obtenir des explications, je serais heureux de le faire brièvement.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord!

Des voix: Explications!

Le sénateur Stewart: Honorables sénateurs, pour respecter ses obligations aux termes de la résolution sur l'Union européenne adoptée par le Sénat, le comité sénatorial permanent des affaires étrangères s'est rendu dans diverses capitales européennes, notamment Dublin. Une fois là-bas, nous avons été très bien reçus, mais chose plus importante, nous avons obtenu des renseignements tout à fait directs et francs. Nous avons eu un excellent dialogue avec les députés de la Dail de la République d'Irlande. Nous étions tous très heureux et, en fait surpris, de voir à quel point notre visite à Dublin était fructueuse. À la réflexion, nous n'aurions pas dû être surpris, car il y a une très longue tradition de bonnes relations entre les Irlandais et les Canadiens.

Cet après-midi, le comité sénatorial permanent des affaires étrangères va rencontrer une délégation du Parlement de l'Irlande, la délégation qu'on nous a présentée plus tôt cet après-midi. C'est pourquoi notre comité demande la permission de se réunir à 15 h 30 cet après-midi même si le Sénat poursuit ses travaux à ce moment-là.

(La motion est adoptée.)

 

Le Sénat

Révocation de certaines règles-Avis de motion

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 57(1) du Règlement, je donne avis que, dans deux jours, je proposerai:

Que le Sénat révoque les paragraphes 37(2), 37(3), 37(4), 37(5) et 44(5) du Règlement du Sénat du Canada.

 

Peuples autochtones

Avis de motion autorisant le comité à reporter
la date de présentation de son rapport final

L'honorable Landon Pearson: Honorables sénateurs, je donne avis que jeudi prochain, le 20 mars 1997, je proposerai:

Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénatle 24 avril 1996, le comité sénatorial permanent des peuples autochtones, en conformité de l'alinéa 86(1)q) du Règlement, autorisé à étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant aux peuples autochtones du Canada soit habilité à présenter son rapport final au plus tard le 15 dcembre 1997.

 

La taxe sur les produits et les services

L'élimination de la taxe sur les imprimés-
Présentation d'une pétition

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, j'ai reçu une pétition qui se lit comme suit:

Nous, soussignés, estimons que l'imposition d'une TPS de 7 p. 100 sur les imprimés est injuste et incorrecte.

L'éducation et l'alphabétisation sont indispensables au développement de notre pays. Une taxe régressive sur la lecture nuit à ce développement.

Nous prions instamment le Sénat d'adopter le projet de loi S-11, qui aurait pour effet de soustraire la lecture à l'application de la TPS.

Les pétitionnaires nous rappellent cette déclaration que le premier ministre Jean Chrétien a faite le 19 septembre 1992:

«Taxer les livres et les périodiques, c'est décourager la lecture [...] Le Parti libéral a adopté une résolution prévoyant l'élimination de la TPS applicable aux livres et aux périodiques [...] et je vais le faire.»

Cette pétition porte la signature de 90 Canadiens de la Colombie-Britannique.

w (1350)

 

Visiteur sur le parquet

Lila Rodriguez-Roberts, sténographe
parlementaire, Parlement de Trinité-et-Tobago

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'aimerais signaler la présence, à la première table des sténographes, d'un nouveau membre temporaire de notre équipe. J'ai le plaisir de vous présenter Mme Lila Rodriguez-Roberts, qui est sténographe parlementaire au Parlement de Trinité-et-Tobago. Elle utilise la même machine que nos sténographes et le même logiciel aussi.

Mme Rodriguez-Roberts passera une semaine parmi nous pour voir comment fonctionnent nos systèmes en temps réel et notre système de transcription assistée par ordinateur, communément appelé CAT.

Je vous souhaite la bienvenue au Sénat.

[Français]

 

Le Sénat

la Transparence des budgets et des dépenses
des opérations-Avis d'interpellation

Permission ayant été accordée de revenir aux avis d'interpellation:

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, je donne avis qu'à la reprise des travaux du Sénat après le congé de Pâques, j'attirerai l'attention du Sénat sur la question de la transparence entourant les budgets et les dépenses des opérations du Sénat. Notamment je soulèverai la question du droit du public à l'information, de l'imputabilité des sénateurs vis-à-vis des budgets qui leur sont assignés, et de la flexibilité essentielle qui doit exister dans la gestion de ces budgets.

 


[Traduction]

 

PÉRIODE DES QUESTIONS

Le développement des ressources humaines

Le taux de chômage chez les jeunes-
Les résultats en matière de création d'emplois-
La position du gouvernement

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je voudrais demander au leader du gouvernement au Sénat ce qu'il advient de mes interpellations portant sur le chômage, qui se maintient à 9,7 p. 100 dans la population en général età 17 p. 100 chez les jeunes.

Avec le recul, la lecture du livre rouge se révèle passionnante. Quand notre parti était au pouvoir, en 1993, le livre rouge nous a mis dans l'embarras en soulignant que le taux de chômage chez les jeunes atteignait 18 p. 100. Aussi mystérieux que cela paraisse, il est toujours de l'ordre de 17 p. 100. Autrement dit, le taux de chômage chez les jeunes n'a vraiment pas bronché depuis trois ans et demi.

Madame le leader du gouvernement devait m'expliquer pourquoi ces taux restent si élevés, étant donné que les gens d'en face nous ont pris à partie à ce propos, quand nous formions le gouvernement. Elle m'avait assuré qu'elle me fournirait une réponse dans les plus brefs délais.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur conviendra sûrement qu'une des réponses que je cherchais à obtenir consistait à lui fournir, conformément à sa demande, la comparaison entre la situation du chômage au Canada et celle qui règne aux États-Unis. Je m'en occupe toujours.

Quant à l'autre question de l'honorable sénateur, je répète la réponse que j'ai maintes fois donnée à lui ainsi qu'à d'autres sénateurs et qui est la suivante: c'est indiscutable, nos taux de chômage sont trop élevés. Il y a des raisons pour cela, notamment la récession du début des années 1990, qui a provoqué d'énormes changements dans notre système, y compris la rationalisation des entreprises et la mise à pied d'un grand nombre de travailleurs.

Un autre facteur est la révolution technologique qui est actuellement en cours au Canada. D'un océan à l'autre, de nombreuses entreprises ont des postes à combler, mais le Canada manque de travailleurs qualifiés pour les occuper. Des représentants de divers organismes d'alphabétisation se réunissent aujourd'hui sur la colline du Parlement, et j'espère que de nombreux sénateurs iront les rencontrer à la pièce 266. Ces organismes soulignent que plus de 40 p. 100 des adultes au Canada manient avec plus ou moins de difficulté les rudiments de la lecture et de l'écriture, ce qui leur cause d'énormes problèmes sur le marché du travail. Je dirais au sénateur Stratton que de nombreuses raisons expliquent la difficile situation de l'emploi.

Par ailleurs, je ferai remarquer au sénateur que, de mémoire récente, la conjoncture économique n'a jamais été aussi prometteuse qu'elle l'est actuellement. Les taux d'intérêt sont au niveau le plus bas depuis 40 ans et les taux d'hypothèque sont tombés à un niveau sans précédent depuis 30 ans. Les entreprises ont repris confiance dans le Canada depuis un an, surtout depuis quelques mois. La confiance des consommateurs est également en hausse. Je pourrais continuer sur cette lancée, honorables sénateurs. Notre marché de l'habitation est sur le point de connaître le genre de boom que nous désirons voir au Canada.

Le sénateur Lynch-Staunton: Où sont les emplois?

Le sénateur Fairbairn: Nos échanges, surtout avec les États-Unis, sont nettement supérieurs à ce qui était prévu. En fait, parmi les pays du G-7, c'est le Canada qui se trouve dans la meilleure position sur le plan économique. Le boom se propage à travers toute notre économie. Cette semaine encore, des sources, qui sont indépendantes du gouvernement, ont jugé qu'il y avait des possibilités d'emploi très prometteuses.

Je sais que ce n'est pas une consolation pour les 9,7 p. 100 de chômeurs, mais notre devoir et notre priorité consistent à corriger la situation. Ce sera justement l'objectif de la prochaine campagne électorale.

Le sénateur Stratton: Je sais gré à madame le leader du gouvernement de s'employer à nous convaincre que l'économie va bien, surtout qu'un bon nombre de points qu'elle a mentionné sont en fait le résultat d'initiatives prises par le gouvernement précédent. Je songe notamment au libre-échange qui jette les bases de la relance économique. Quoi qu'il en soit, si ce que les libéraux ont dit est juste, où sont les emplois? En 1993, les libéraux ont fait campagne sur le thème «des emplois, des emplois et encore des emplois». Où sont ces emplois?

Qui plus est, il y a un nombre record de faillites au pays. Madame le leader me dit «Tout va bien, ne vous en faites pas». Pourtant, il n'y a pas d'emplois et le nombre de faillites est plus élevé que jamais. Que se passe-t-il? Comment expliquez-vous toutes ces faillites?

Le sénateur Fairbairn: Si le sénateur Stratton avait écouté attentivement ce que j'ai dit, il aurait compris que je ne laissais absolument pas entendre que tout va pour le mieux. Je dis qu'en ce qui a trait à l'emploi au sein de la nouvelle économie, le Canada est aux prises avec un problème systémique complexe.

Le sénateur Lynch-Staunton: Qui a causé ce problème?

Le sénateur Fairbairn: La mémoire de mon honorable ami lui joue des tours. C'est l'honorable sénateur lui-même et son parti qui ont fait campagne avec le slogan «des emplois, des emplois et encore des emplois». Notre parti a fait campagne en parlant d'emplois, de croissance et d'économie équilibrée.

L'honorable sénateur a parlé des bases mises en place pour assurer la relance de l'économie qui est maintenant en train de se produire. Je lui rappelle que lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, ces bases se résumaient à un déficit de 42 milliards de dollars, déficit qui avait augmenté année après année sous le gouvernement conservateur de mon honorable ami. Puisque celui-ci semble vouloir livrer une bataille de chiffres, j'ajoute que les autres bases mises en place par son gouvernement incluaient un taux de chômage de 11,2 p. 100.

Mon ami et son gouvernement n'ont pas jeté les bases d'une économie florissante, loin de là. Quant à nous, nous avons réduit le déficit année après année. Nous avons atteint et dépassé nos objectifs. Nous aurons un budget équilibré et nous n'aurons plus à emprunter à compter de la prochaine année financière. Notre performance est axée sur des réalisations, des attentes et aussi l'espoir.

Mon honorable ami ne peut prétendre avoir jeté les bases de la relance économique alors qu'il faisait partie d'un gouvernement qui nous a refilé un déficit de 42 milliards de dollars.

(1400)

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, cela n'explique toujours pas le taux de chômage de 9,7 p. 100 dans la population en général ni celui de 17 p. 100 chez les jeunes. Nous enregistrons un nombre sans précédent de faillites, et nous apprenons maintenant du Conseil canadien de développement social que les familles pauvres perdent leur part de marché. Les pauvres sont perdants dans notre société. Pourquoi madame le leader du gouvernement essaie-t-elle de me faire croire que tout va bien et que nous assisterons à une reprise générale? Comment peut-elle dire que notre pays va bien?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je dois rappeler de nouveau à l'honorable sénateur que j'expose, comme il se doit, un tableau factuel des indicateurs économiques du pays, qui ont atteint un niveau très positif et qui réussiront à améliorer la situation grâce à leur interaction dans l'économie. Je n'essaie pas de faire croire à quiconque au Sénat, y compris au sénateur Stratton, que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je ne lui dis pas que tout est beau. Je lui dis que nous avons des problèmes très difficiles, auxquels notre gouvernement cherche à remédier. Je suis persuadée que mes honorables collègues souhaiteraient qu'on s'y attaque selon leurs propres méthodes, mais nous sommes au travail.

Nous nous préoccupons évidemment de la pauvreté au Canada, de la pauvreté infantile et de la pauvreté des familles et notamment celle des mères au travail; c'est précisément pourquoi, dans nos deux derniers budgets, nous avons amélioré le supplément du revenu gagné et la prestation nationale pour enfants et nous avons proposé des mesures afin d'assurer aux personnes handicapées une transition vers le marché du travail. Nous avons pris ces mesures, honorables sénateurs, parce que nous nous préoccupons de ces problèmes.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et la fermeture des hôpitaux?

 

Le manquement aux promesses pré-électorales
sur le financement des garderies-
La position du gouvernement

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, madame le sénateur dit que le gouvernement se préoccupe des pauvres et des enfants, mais qu'est-il advenu de l'engagement qu'il a pris dans le livre rouge de s'occuper des enfants? Où sont toutes les places de garderie que les libéraux avaient promis de créer dans le livre rouge une fois la dette ramenée à 3 p. 100 du PIB? Pourquoi ne créez-vous pas de places de garderie?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, nous avions en effet dans le livre rouge une promesse qui, au grand regret de beaucoup d'entre nous, n'a pas été tenue. La promesse en matière de garderies était subordonnée à l'accord des provinces. Nous n'avons malheureusement pas réussi à avoir l'accord de toutes les provinces pour établir un programme convenable de garderie.

Il y a cependant une chose que nous avons réussi à faire, et que mon honorable collègue ne devrait pas juger insignifiante: nous avons réussi à nous entendre avec les provinces pour instaurer une prestation nationale pour enfants, qui contribuera notamment à améliorer les garderies dans les provinces.

 

la justice

Le refus du ministre de payer les frais juridiques
de l'ancien ministre des Affaires indiennes et
du Nord canadien-Demande de réponse

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ignore si mon intervention doit se faire à la période des questions ou à l'appel des réponses différées, mais les deux occasions conviennent sans doute.

Les sénateurs se rappelleront que, avant le congé de Noël, à deux reprises je crois, des questions ont été adressées au leader du gouvernement au Sénat au sujet des frais juridiques de M. Munro.

À l'époque, le leader du gouvernement a manifesté une grande sympathie à l'égard de ce problème et a accepté de se renseigner et de communiquer les réponses au Sénat. Je me rappelle distinctement que j'avais une autre série de questions à poser, mais elles dépendaient évidemment des réponses que nous aurions, à supposer que des réponses nous soient données. J'ai fait preuve d'une grande patience, ce qui est dans ma nature. Madame le leader du gouvernement pourrait-elle me dire quand ces réponses pourraient venir?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai effectivement exprimé une certaine inquiétude à ce sujet. J'ai dit à l'honorable sénateur que je voulais débrouiller ce problème. Je ne suis pas encore prête à donner des réponses. J'espère l'être d'ici à notre retour du congé de Pâques. Je ne m'engage pas à fournir des réponses avant d'avoir la conviction d'avoir fait toutes les démarches nécessaires.

Le sénateur Berntson: Honorables sénateurs, nous sommes en mars, presque à la veille d'avril. J'ai posé les questions avant le congé de Noël. Je sais bien qu'il y a des formes à respecter, mais je n'arrive pas à concevoir ce qu'il peut y avoir de si compliqué. Je ne vois vraiment pas pourquoi il faut tant de temps.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je suis consciente des délais écoulés, mais je travaille sur ce dossier et je n'ai rien d'autre à ajouter pour l'instant.

 

La caisse de l'assurance-emploi

La répartition de l'excédent-La réduction possible
des cotisations-La position du gouvernement

L'honorable Jean-Maurice Simard: J'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat à propos de l'excédent de la caisse de l'assurance-emploi.

Le gouvernement libéral est en train d'établir un important excédent sur papier de la caisse de l'assurance-emploi. Comment peut-il justifier de continuer à accumuler un excédent? Le gouvernement libéral s'attend-il à une hausse marquée du nombre de prestataires dans un proche avenir? Le gouvernement libéral croit-il que sa politique va mettre des dizaines de milliers de Canadiens à la rue, à la recherche d'emplois qui n'existent pas? Le gouvernement peut-il nous donner une idée du niveau qu'atteindra, à son avis, le taux de chômage pendant son mandat?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je prendrai note de la plupart des questions de l'honorable sénateur afin de lui obtenir des réponses plus précises.

En fait, mon collègue n'ignore pas que la caisse de l'assurance-emploi a été déficitaire pendant un certain temps. Elle affiche maintenant un excédent et si l'on s'efforce de maintenir cet excédent, c'est afin d'avoir un coussin de sécurité si jamais la conjoncture économique était telle que nous nous retrouvions dans une situation similaire à celle où nous étions, il y a plusieurs années, lorsque la caisse était déficitaire.

Le sénateur n'ignore pas que nous nous penchons sur ce problème; nous ne nous entendons tout simplement pas sur les méthodes à prendre. Le gouvernement est très préoccupé par les difficultés qu'éprouvent des travailleurs et nous essayons de résoudre les problèmes de la meilleure façon possible, de la façon la plus constructive possible. Nous avons adopté un projet de loi et nous mettons maintenant en place des mesures bien financées afin d'offrir aux personnes qui se retrouvent sans travail une meilleure chance de trouver un autre emploi grâce à des programmes de formation et à d'autres programmes de soutien actif.

Je vais certes transmettre toutes les questions du sénateur à mon collègue, le ministre du Développement des ressources humaines, afin qu'il donne des réponses plus complètes à l'égard de certains points qui y sont soulevés.

Le sénateur Simard: Honorables sénateurs, à l'instar des sénateurs des deux côtés de cette Chambre, j'espère qu'il ne nous faudra pas attendre six mois ou un an avant d'obtenir une réponse. On nous dit que nous sommes à la veille d'élections fédérales. Je crois que les Canadiens aimeraient bien connaître le plan d'action du gouvernement libéral.

(1410)

Honorables sénateurs, si le gouvernement ne prévoit aucune hausse vertigineuse du taux de chômage dans un proche avenir, et c'est ce que je conclus de la réponse du leader du gouvernement et des autres explications fournies par M. Martin, pourquoi ne s'empresse-t-il pas à ramener les cotisations à l'assurance-emploi et la caisse elle-même à un niveau plus raisonnable? D'ici la fin de l'exercice financier 1998-1999, sur papier, l'excédent accumulé s'élèvera à 17 milliards de dollars. Est-ci simplement une tactique de la part du ministre des Finances pour gonfler les fonds publics afin de donner l'impression erronée qu'il s'emploie à résorber le déficit, alors qu'il ne fait qu'accroître les recettes de l'État aux dépens des chômeurs canadiens?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je n'accepte pas les motifs que mon honorable collègue impute au ministre des Finances, dont la responsabilité première, comme il nous l'a prouvé, est de mettre de l'ordre dans les finances publiques, afin que nous soyons en mesure d'offrir les genres de programmes et de soutien que mon collègue appuierait sûrement.

Pour ce qui est des retenues, l'honorable sénateur se souviendra que, lorsque nous avons pris le pouvoir en 1993, les cotisations étaient à la hausse. Nous avons procédé avec méthode pour les réduire de 10 cents au cours des derniers...

Le sénateur Lynch-Staunton: Dix gros cents!

Le sénateur Simard: Seulement dix cents?

Le sénateur Fairbairn: C'est ahurissant comment les gens oublient rapidement, mais lorsque nous avons été élus, les cotisations devaient grimper à 3,30 $. Nous avons annulé la hausse prévue et avons petit à petit réduit les cotisations. Dès que le ministre des Finances se sentira en mesure d'en faire davantage, il agira. Il faut reconnaître qu'il va dans le bon sens.

Mon collègue fait non de la tête. Je dois lui rappeler que le ministre des Finances tient ses promesses depuis qu'il dirige son portefeuille. Il vise systématiquement à équilibrer le budget national. J'invite mon collègue à examiner attentivement les réalisations de M. Martin.

 

La justice

Le comité mixte spécial sur la garde et l'accès-
Le calendrier de mise en oeuvre-
Demande de réponse

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, la semaine dernière, j'ai pu demander au leader du gouvernement au Sénat de se renseigner auprès de l'honorable Allan Rock sur le moment où il compte constituer un comité mixte chargé d'étudier les dispositions du projet de loi sur le divorce qui concernent l'accès et la garde. Je demande à nouveau à madame le leader du gouvernement au Sénat si elle a pu aborder cette question avec le ministre.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je serai tout à fait honnête avec mon honorable collègue. Je ne l'ai pas fait. Elle vient de me le rappeler. Je compte le faire, mais je ne prétendrai pas l'avoir déjà fait.

Le sénateur DeWare: Honorables sénateurs, si je pose à nouveau la question, c'est parce qu'un de nos témoins, une certaine dame Forbister, m'a téléphoné le week-end dernier pour me rappeler qu'elle avait contacté le cabinet de M. Rock et qu'elle avait discuté avec lui de cette question qui constitue une grande préoccupation pour elle et de nombreux témoins qui ont comparu devant notre comité. Des membres du personnel lui ont dit qu'ils n'avaient jamais entendu parler d'un comité mixte. Je saurais gré au leader du gouvernement au Sénat de s'enquérir de cela.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je trouve évidemment cela curieux, car le comité mixte faisait partie d'un ensemble de conditions auxquelles M. Rock s'est vivement intéressé et qu'il a appuyées. Lorsque j'ai répondu à mon honorable collègue, je savais que mon bureau avait été en rapport avec le cabinet du ministre. Je n'ai pas parlé personnellement au ministre, mais je compte le faire. Il ne fait toutefois pas l'ombre d'un doute que le comité mixte faisait partie des conditions qui ont permis l'adoption du projet de loi C-41 au Sénat.

 

Le montant des honoraires juridiques dus par
l'ancien ministre des Affaires indiennes et du Nord
canadien-Demande de complément d'information

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, ma question est un complément à celle que le sénateur Berntson a posée au leader du gouvernement au Sénat. Lors de la discussion visant à déterminer si les honoraires juridiques de M. Munro seraient payés, j'avais demandé à madame le leader du gouvernement si elle pourrait renseigner le Sénat sur le montant des honoraires et sur le cabinet auquel ils devaientêtre versés. Depuis, j'ai lu dans les journaux qu'ils totalisent entre 445 000 $ et 495 000 $ payables à Nelligan Power. Madame le leader pourrait-elle vérifier l'exactitude des sommes mentionnées et de l'identité du cabinet auquel elles sont payables?

Le sénateur Berntson: Au moins, les médias nous renseignent plus que le gouvernement.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai pris note de la question de l'honorable sénateur et je me renseignerai.

 


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur les additifs à base de manganèse

L'étude du rapport provisoire du comité de l'énergie,
de l'environnement et des ressources naturelles sur
des questions particulières-Motion visant le renvoi
du rapport au comitÉ-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'étude du sixième rapport du comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles (rapport provisoire sur le projet deloi C-29, Loi régissant le commerce interprovincial et l'importation à des fins commerciales de certaines substances à base de manganèse, qui a été présenté au Sénat le 4 mars 1997;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Kinsella, appuyé par l'honorable sénateur Doyle: que le rapport provisoire sur le projet de loi C-29, Loi régissant le commerce interprovincial et l'importation à des fins commerciales de certaines substances à base de manganèse, ne soit pas étudié maintenant, mais qu'il soit renvoyé au comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, que celui-ci soit instruit de mettre en oeuvre la recommandation présentée à la page 45 du rapport provisoire, à savoir:

«Nous recommandons que la Société royale du Canada effectue une évaluation approfondie de toutes les informations présentées au sujet du projet de loi C-29 et fasse part de ses constatations au comité dans les plus brefs délais»; et

Que le Sénat ne procède à aucune étude du projet deloi C-29 avant que le comité ait déposé lesdites constatations auprès du Sénat.-(L'honorable sénateur Taylor)

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, nous avons beaucoup entendu parler du projet deloi C-29. Des amendements ont d'ailleurs été présentés pour retarder l'entrée en vigueur dudit projet de loi jusqu'à ce que des tests concluants aient été faits sur le MMT.

Honorables sénateurs, en m'opposant à cette motion d'amendement et en demandant à la Chambre de ne pas l'adopter, je dois vous rappeler que le problème n'est pas le manganèse. La question n'est pas de savoir si le manganèse est un poison. Je suis de l'école de pensée selon laquelle il importe de prouver que la substance en cause n'est pas poison plutôt que l'inverse. À l'aube du XXIe siècle, on pourrait assister à l'avènement d'une société où les gens proposant de nouveaux additifs seront tenus de prouver que ceux-ci ne sont pas dangereux plutôt qu'il nous incombe à nous de prouver qu'ils sont nocifs.

Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas de cela aujourd'hui. Le problème est de savoir si le manganèse nuit suffisamment aux systèmes de diagnostic à bord des voitures pour que ces derniers ne puissent signifier aux propriétaires des véhicules que le système de combustion doit être réparé. Plus précisément, le contrôle des émissions n'est peut-être pas nécessaire, sauf dans la vallée du bas Fraser en Colombie-Britannique ainsi que, sans doute, en Californie et dans bien d'autres pays du G-7. Il est tout à fait possible de produire une voiture qui peut être conduite partout au Canada, sauf dans la vallée du bas Fraser en Colombie-Britannique et, peut-être, à Toronto et à Montréal les jours où la pollution atmosphérique est élevée. Nous préférons le faire de façon différente en demandant aux fabricants de voitures qu'ils construisent des voitures admissibles dans n'importe laquelle de ces zones polluées, plutôt que certaines voitures seulement qui seraient admissibles.

Le terme technique des systèmes de diagnostic de bord des voitures est OBD-II. Quand le projet de loi a été présenté au Sénat, j'ai demandé aux sénateurs Ghitter et Kinsella de quand dataient leurs données parce que le système OBD-II n'équipe que les voitures les plus récentes. Les fabricants de voitures eux-mêmes ont dit qu'ils ne garantissent pas ce système si l'essence utilisée contient du manganèse. Cela s'applique aux voitures fabriquées par Mercedes en Allemagne ou aux voitures fabriquées ici ou au Japon.

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En fait, des cadres supérieurs de Mercedes-Benz, de sociétés nord-américaines comme General Motors, Ford et Chrysler et de sociétés japonaises ont dit devant le comité qu'ils ne croyaient pas que leurs nouveaux dispositifs pourraient fonctionner selon la norme que nous voulons atteindre au Canada et selon la norme que ces sociétés visent sur le plan des émissions si on continue d'utiliser de l'essence contenant du manganèse.

L'autre question qu'on mentionne souvent, c'est celle des pertes d'emplois si nous devons modifier nos raffineries qui, jusqu'à maintenant, utilisaient des additifs à base de manganèse. Un additif à base de manganèse ne représente qu'environ huit milligrammes par litre, ce n'est donc pas un problème de volume. On obtiendrait le même résultat en utilisant de l'éthanol ou de l'alcool, mais cela représenterait environ 10 p. 100 de l'essence. C'est l'une des raisons pour lesquelles le gouvernement de l'Alberta a changé son témoignage devant le comité - il était contre ce projet de loi - parce que cela nuirait aux raffineries et constituait une entrave au commerce interprovincial.

Découvrir que le premier ministre de l'Alberta veut plus de pouvoir, c'est comme découvrir que les banques exigent de l'intérêt. Il n'est pas inhabituel que les provinces s'opposent à toute mesure susceptible de les empêcher d'ériger leurs propres barrières commerciales. Cependant, un pays où les provinces pourraient toutes ériger leurs propres barrières commerciales ne serait pas vraiment un pays.

Les Maritimes s'inquiètent de pertes d'emplois possibles. Je peux donner deux réponses ici. Premièrement, lorsqu'ils ont témoigné devant le comité, les directeurs généraux de toutes les raffineries - sauf celle de Come By Chance, à Terre-Neuve - ont nié catégoriquement qu'il faudrait fermer des raffineries à cause de l'élimination du manganèse. C'est merveilleux! Notre comité a découvert par la suite que presque toutes les raffineries au Canada - à quelques rares exceptions près - produisent déjà de l'essence sans manganèse aux fins d'exportation aux États-Unis. Ce n'est pas comme si elles allaient soudainement devoir fabriquer du cidre de pommes au lieu de la compote de pommes. Elles produisent et exportent déjà de l'essence sans manganèse. Il est donc faux de penser qu'on verrait des pertes d'emplois massives d'un bout à l'autre du pays si les raffineries devaient produire un autre type d'essence. De plus - et cette remarque s'adresse particulièrement au sénateur Buchanan - s'il faut réoutiller ces usines pour pouvoir desservir de plus grands marchés, cela mènera peut-être à la création d'emplois.

Un des sénateurs d'en face a dit que les substituts du MMT ne fonctionnaient pas. La communauté agricole est heureuse de fournir un produit à base d'éthanol pour remplacer le MMT. Après tout, le MMT accroît l'indice d'octane de l'essence et augmente aussi les composés oxygénés présents dans l'essence. L'éthanol a le même effet. En Alberta, nous produisons un substitut connu sous le nom d'éther méthyltertiobutylique. Environ 100 p. 100 de la production est exportée aux États-Unis et sert à accroître l'indice d'octane de l'essence vendue là-bas. Comme le manganèse coûte moins cher, c'est ce qu'on utilise ici. Si le manganèse devait disparaître, on pourrait utiliser l'éther méthyltertiobutylique comme substitut.

L'autre argument qu'on entend souvent, c'est que le nouvel additif fera augmenter le coût de l'essence. L'essence est très semblable au whisky. Le coût de production est très peu élevé. Lorsqu'on achète l'essence à la pompe - de la même façon qu'on achète du whisky au magasin d'alcools - le prix peut être jusqu'à trois fois plus élevé que le coût des intrants, mais c'est à cause des taxes gouvernementales. Même si nous augmentions le prix de l'essence de 10 p. 100, cela ne représenterait qu'un cent et demi ou deux cents puisqu'il n'en coûte que 18 ou 19 cents pour produire un litre d'essence. Le reste du prix, ce sont les taxes. Il y a déjà quelques années, tous les gouvernements ont constaté que la population était prête à payer cher pour acheter de l'essence.

L'augmentation du prix de l'essence ne sera pas un facteur déterminant. En fait, même si c'était 10 p. 100 - et même les plus ardents partisans du manganèse n'iraient pas jusqu'à dire que l'augmentation serait de plus de 10 p. 100 - c'est un écart inférieur à celui que l'on peut observer les longuesfins de semaines d'été, lorsque l'essence augmente de plusde 2 cents le litre. Après ces longues fins de semaine, vous voyez que le prix de l'essence redescend à ce qu'il était quatre jours plus tôt.

Par ailleurs, beaucoup ont allégué qu'il y avait une preuve scientifique. Étant moi-même ingénieur, il me déplaît de l'admettre, mais les ingénieurs sont comme les avocats - et il y a beaucoup d'avocats ici -, c'est-à-dire qu'ils feront le travail que leur client, c'est-à-dire celui qui paie, leur demande de faire. Il n'existe pas plus de réponse d'ingénieur infaillible que d'avis juridique infaillible. Il peut y avoir des avis scientifiques divergents. La réponse obtenue dépend du scientifique à qui vous vous adressez et de l'argent que vous avez les moyens de payer.

Évidemment, lorsque le comité a opposé les fabricants aux grandes pétrolières, il a constaté qu'ils avaient beaucoup d'argent. La salle était pleine de gens bardés de diplômes qui étaient tous prêts à témoigner les uns contre les autres. Il était tout simplement impossible d'obtenir un avis scientifique définitif compréhensible sur le manganèse. En s'imaginant que l'on pourrait donner à des chercheurs de la Société royale du Canada cinq ou six mois pour réaliser les analyses qui n'ont pas été faites au cours des 10 dernières années, l'honorable sénateur Kinsella, dont je ne doute pas un instant de la sincérité, rêve en couleur.

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Il ne fait aucun doute que des tests sont faits depuis un certain temps. Il y a sept ou huit ans, les fabricants d'automobiles ont discuté avec les producteurs d'essence pour tenter d'arriver à une solution. Ils n'y sont jamais parvenus. Je ne suis pas convaincu qu'il faille en faire porter le blâme aux grandes pétrolières ou à la société Ethyl sous prétexte que leur produit est très rentable. Il n'y a rien de mal à cela. La libre entreprise et les profits font tourner le monde, mais il vient un moment où il faut se demander si la chose en vaut la peine. On pourrait presque faire valoir que si ce produit est sans danger et que nous pouvions démontrer qu'il n'encrasse pas les diagnostiqueurs de bord II, ces compagnies pourraient aller de l'avant et effectuer les tests elles-mêmes. Je suis sûr que les Canadiens et les fabricants d'automobiles sont à ce point compréhensifs que si un test prouvait que les États-Unis ne savaient pas ce qu'ils faisaient lorsqu'ils ont interdit le manganèse une première fois et que les autres pays du G-7 n'ont pas davantage agi en connaissance de cause, ils saisiraient l'occasion. En définitive, il n'est pas possible que tout le monde ait tort sauf nous. Le Canada est le seul pays membre du G-7 qui autorise l'utilisation du manganèse dans l'essence. Certains pays en permettent l'utilisation, comme les États-Unis, mais dans ce cas les fabricants n'honorent pas leurs garanties.

Enfin, je voudrais parler des deux conclusions qui ont amené le comité et moi-même, qui ai une formation d'ingénieur et ai travaillé toute ma vie dans l'industrie du pétrole et l'essence, à recommander au Sénat de rejeter cette mesure. Premièrement, au cours des dix dernières années, l'essence a très peu changé. Les fabricants d'automobiles ont cependant réduit les émissions polluantes des véhicules de 90 p. 100. Autrement dit, ils sont peut-être dirigés par les Ralph Nader de ce monde, qui ont beaucoup fait pour réduire les émissions. Le point de vapeur a peu changé. Quoi qu'il en soit, le moment est peut-être venu pour les grandes sociétés pétrolières de faire leur part en réduisant les émissions polluantes dans les régions plus densément peuplées du continent.

La seconde conclusion concerne le motif. Il s'agit d'un jésuitisme que le sénateur Kinsella aimerait. Pourquoi l'industrie de l'automobile se préoccuperait-elle du manganèse dans l'essence tant que cela n'encrasse pas ses dispositifs? Où y gagnera-t-elle si ce n'est de se couvrir de ridicule dans le cas où le manganèse serait retiré de l'essence et que les diagnostiqueurs de bord soient tout de même encrassés. L'industrie prend un gros risque.

La motivation de la société Éthyl est claire; pour elle, c'est une question de dollars et de cents. Je recommande au Sénat d'examiner les motifs et la performance passée de l'industrie automobile. Le moment est venu d'épurer l'essence. Aussi je recommande au Sénat de voter contre cet amendement.

L'honorable John Buchanan: L'honorable sénateur Taylor sait sans doute que le MMT n'est pas utilisé en Californie. L'industrie automobile a demandé de surseoir à l'application de certaines dispositions de la Clean Air Act car, même sans MMT, les diagnostiqueurs de bord s'encrassent. Le sénateur était-il au courant?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le temps de parole du sénateur Taylor est écoulé. Il devra donc demander la permission de poursuivre. Les honorables sénateurs accordent-ils leur permission?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Taylor: Je sais qu'en Californie on éprouve des difficultés avec les diagnostiqueurs de bord II, mais la situation serait pire si l'essence contenait du manganèse. Sans manganèse dans l'essence, les diagnostiqueurs de bord II éprouvent des problèmes dans certains cas, mais c'est un départ. Si l'essence sans manganèse cause des problèmes à ces dispositifs, la présence de manganèse dans l'essence ne fera rien pour améliorer la situation. La question ne se pose même pas.

Le sénateur Buchanan: Dans ce cas, pourquoi ne pas avoir recours à l'étude pour trancher la question?

(Sur la motion du sénateur Buchanan, le débat est ajourné.)

 

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Rapport du comité
des affaires juridiques et constitutionnelles-
Motion visant le renvoi du rapport au comité-
Report du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Losier-Cool, tendant à l'adoption du seizième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi S-3, Loi modifiant le Code criminel (accord sur le chef d'accusation), présenté au Sénat le 7 novembre 1996;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Cools, appuyée par l'honorable sénateur Robertson, que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour étude plus approfondie.-(L'honorable sénateur Corbin).

L'honorable Anne Cools: Honorables sénateurs, cet article de l'ordre du jour est inscrit au nom de l'honorable sénateur Corbin, qui a ajourné le débat mercredi dernier, le 12 mars 1997. Je me demande si le sénateur Corbin pourrait nous dire s'il a l'intention d'intervenir sur cet article. Je crains que la session ne tire rapidement à sa fin et je crois que d'autres sénateurs souhaitent intervenir à ce sujet. Il serait bien d'en terminer avec cet article.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Cools, l'honorable sénateur Corbin n'est pas à son siège et ne peut donc répondre. Cependant, si un autre sénateur désire prendre la parole, il peut le faire même si le débat sur cette question a été ajourné par l'honorable sénateur Corbin.

Le sénateur Cools: Merci.

Les travaux du Sénat

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Avant de proposer l'ajournement, je rappelle aux sénateurs qu'un certain nombre de comités siègent cet après-midi. J'invite tous les sénateurs à être à l'heure car d'importants témoins comparaissent.

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)

 


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