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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 69

Le lundi 8 juin 1998
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le lundi 8 juin 1998

La séance est ouverte à 20 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction

Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence de visiteurs de marque à notre tribune. Il s'agit d'une délégation du Pakistan qui comparaîtra demain devant le comité des affaires étrangères de la Chambre des communes. Le chef de la délégation est le sénateur Muhammad Akram Zaki, président du comité sénatorial permanent des Affaires étrangères, des Affaires du Cachemire et des Affaires du Nord; il est accompagné du colonel Gaulam Sarwar Cheema et de M. Mohammed Ijaz ul Haq, tous deux membres de l'Assemblée nationale, ainsi que du haut commissaire de ce pays au Canada, Son Excellence Rafat Mahdi.

Bienvenue au Sénat canadien.

 


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les droits de la personne

L'élimination du racisme-La récente décision de la Cour suprême du Canada

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, je prends la parole pour attirer votre attention sur une décision historique rendue vendredi par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Williams c. la Reine. Ce jugement est un pas important sur le chemin de l'élimination du racisme, qui nous rapproche du jour où tous les Canadien seront égaux. Dans l'affaire Williams, la Cour suprême a décidé à l'unanimité que, si un juré potentiel avait des préjugés raciaux, le tribunal avait le pouvoir de l'éliminer du tableau des jurés. Cela permettra de limiter la possibilité que les préjugés raciaux soient un facteur dans la détermination de la culpabilité ou de l'innocence de l'accusé.

Dans cette affaire, l'accusé, un autochtone de Colombie-Britannique qui plaidait non coupable à des accusations de vol, avait choisi d'être jugé par un juge et un jury. Le jury a jugé l'accusé coupable de vol. Cette décision a été renversée en appel parce que la Cour suprême a décidé qu'il y avait d'amples preuves que les tensions entre les autochtones et les non-autochtones s'étaient intensifiées au cours des dernières années par suite de développements survenus au plan des revendications territoriales et à celui des droits de pêche. La cour a jugé que ces tensions augmentaient le risque que des jurés racistes ne se rangent du côté de la Couronne en tant que représentant perçu de l'intérêt de la majorité. Par conséquent, la Cour suprême a décidé que Williams n'avait pas eu droit à un procès équitable et a ordonné un nouveau procès.

En vertu de l'alinéa 638(1)b) du Code criminel, un procureur ou un accusé a droit à n'importe quel nombre de récusations pour le motif qu'un juré n'est pas impartial entre la Reine et l'accusé. L'accusé doit prouver qu'il y a réel risque de partialité. Le manque d'indifférence ou la partialité fait référence à la possibilité que les connaissances, les préjugés ou les croyances d'un juré peuvent influencer sa décision. Maintenant, la Cour suprême considère le racisme comme un motif de récusation d'un juré. Le juge Beverly McLachlin, qui a rédigé la décision unanime de la Cour suprême, a déclaré:

Le racisme est profondément enfoui dans la psyché humaine; les préjugés racistes ne peuvent facilement ni efficacement être décelés et écartés - même si une personne veut le faire.

Il est extrêmement rare pour la Cour suprême de rendre une décision à l'unanimité comme elle l'a fait dans cette affaire. Cette décision est l'attaque la plus directe jamais lancée de mémoire récente contre le racisme et témoigne avec vigueur de la volonté du Canada de se débarrasser de toutes les formes de racisme. Les préjugés raciaux sont aussi envahissants et exclusifs que corrosifs. Les instructions du juge ou autres mesures de sauvegarde n'élimineront pas les préjugés qui peuvent être profondément enracinés dans l'esprit du juré. La décision de la Cour suprême est dans l'intérêt de tous les Canadiens. Le juge Beverly McLachlin a déclaré:

Lorsqu'il y a doute quant aux préjugés raciaux d'un juré, la meilleure politique est de pêcher par prudence et de permettre d'examiner ces préjugés de façon à veiller à ce que le procès soit juste et impartial. Il est préférable pour la cour de permettre des récusations inutiles plutôt que de risquer d'interdire des récusations nécessaires.

L'alinéa 11d) de la Charte des droits et libertés garantit à chacun le droit d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable. Ce droit ne veut rien dire si l'on n'a pas les moyens de le faire respecter. Cette décision de la Cour suprême permet maintenant de le faire respecter parce que l'inculpé peut contester les jurés dont les préjugés peuvent trahir une partialité insoupçonnée ou inconsciente.

Comme l'a dit le juge McLachlin:

Le droit garanti par la loi à l'inculpé de contester les éventuels jurés pour raison de partialité est le seul moyen direct qui lui soit donné d'obtenir un procès impartial.

Son Honneur le Président: Je regrette d'interrompre le sénateur, mais sa période de trois minutes est terminée.

Honorables sénateurs, est-ce que le sénateur Oliver peut finir sa déclaration?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Oliver: On ne saurait sous-estimer l'importance du processus de contestation. La décision rendue par la Cour suprême autorise maintenant l'avocat à demander à la cour de récuser un juré à cause de ses préjugés raciaux. La Cour suprême du Canada a fait un autre pas vers l'éradication du racisme et la garantie de l'égalité des chances qui est inscrite dans la Charte des droits et libertés.

[Français]

 

L'unité nationale

L'érosion du bilinguisme et du multiculturalisme

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, d'après les reportages dans les journaux, nous apprenons que Preston Manning, Lucien Bouchard et Gilles Duceppe proposent un ménage à trois afin de mieux planifier le futur du Canada.

Pour les Québécois et les Québécoises qui ne connaissent pas M. Manning, voici un individu qui a lutté contre l'Accord du lac Meech et qui a mené une campagne antiquébécoise lors de la dernière élection fédérale. C'est le même M. Manning qui veut éliminer le protection accordée aux communautés francophones et acadiennes du Canada en situation minoritaire.

Messieurs Bouchard et Duceppe commettent une erreur en appuyant la position de Preston Manning et le futur régressif qu'il envisage pour les minorités du Canada. Il devient alors essentiel que les Québécois et les Québécoises maintiennent leur appui légendaire à toutes les minorités.

J'aimerais lire quelques commentaires du porte-parole de M. Manning, M. Ezra Levant, exprimant les raisons pour appuyer le OUI lors du dernier référendum. Je vous les cite dans la langue maternelle de M. Levant afin de ne faire aucune erreur de traduction.

[Traduction]

Éliminons le bilinguisme et le multiculturalisme. Une fois le Québec parti, le bilinguisme et le multiculturalisme n'auraient plus leur raison d'être. D'un seul coup, les anglophones pourraient trouver un emploi au sein du Service extérieur et de la fonction publique. Plus besoin de traduire tous les documents.

Disons non aux autres groupes d'intérêts spéciaux. Faut-il que le Canada compte autant de groupes d'intérêts spéciaux? Ils sont à même de constater que le harcèlement constant du Québec, c'est payant. Si on se débarrasse du Québec, on pourrait alors avoir le courage de régler le sort des autres séparatistes ethniques du Canada, les Indiens qui réclament leurs «Premières nations».

Viendrait ensuite le tour du comité canadien d'action sur le statut de la femme. Et, immédiatement après, les groupes environnementalistes extrémistes. Adieu les lobbyistes.

Finie la corruption du Parlement. Pendant des décennies, le principal article d'exportation du Québec vers Ottawa, ça été les politiciens pratiquant le favoritisme à l'ancienne au Parlement.

Cessons de piller l'Ouest. Comme nous n'aurions plus à consoler nos séparatistes geignards, nous pourrions cesser de piller les ressources comme ce fut le cas avec le programme énergétique national en 1981.

Les barrières commerciales tomberaient. Les Albertains ont toujours été les champions du libre-échange. Un vote pour le oui signifie plus de subventions au Québec; les autres obstacles aux investissements étrangers pourraient être levés.

Air Canada pourrait déménager. La compagnie aérienne «nationale» du Canada a son siège social à Montréal. Ainsi en est-il des Chemins de fer nationaux du Canada, alors que le gros des activités de cette société est concentré dans l'Ouest.

[Français]

J'invite donc les Québécois et les Québécoises à examiner la position de M. Manning et à se poser cette dernière question: est-ce le futur du Canada que vous envisagez? Absolument pas. Êtes-vous en mesure de respecter des chefs qui ne respectent pas les minorités et qui appuient si peu les aspirations de la population du Québec?

[Traduction

Le Pakistan

La comparution prévue du ministre des Affaires étrangères et de l'ambassadeur devant le comité des affaires étrangères de la Chambre des communes

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je tiens à faire écho aux bonnes paroles de bienvenue de la présidence à l'endroit de la délégation pakistanaise. Elles signifient beaucoup pour d'autres personnes pour bien des raisons. La délégation comprend le sénateur Muhammad Akram Zaki, le colonel Gaulam Sarwar Cheema, ancien ministre de la Défense, et M. Mohammad Ijaz ul Haq. Cela me rappelle que, en 1982, lorsque je présidais le comité des affaires extérieures de la Chambre des communes, le distingué père de ce membre de l'Assemblée nationale, le président Zia ul Haq, est venu au Canada et a eu la bonté de consentir à comparaître devant le comité.

Je tiens aussi à remercier le sénateur Stewart, président du comité sénatorial permanent des affaires étrangères, qui a accepté sans préavis de venir saluer ces distingués visiteurs. Aux sénateurs qui sont ou non d'accord - et cela fait partie de la façon canadienne de faire les choses - aux sénateurs qui veulent participer à ce débat, je rappelle que demain, à 15 h 15, ces distingués visiteurs comparaîtront devant le comité des affaires étrangères de la Chambre des communes, à la salle 269. Ils répondront aux questions de tous les députés. Je suis persuadé que les sénateurs voudront être présents.

Je souhaite la bienvenue à nos visiteurs ainsi qu'au haut commissaire du Pakistan, Son Excellence Rafat Mahdi.

 


AFFAIRES COURANTES

La quatorzième conférence des présidents d'assemblée du Commonwealth

Dépôt du rapport

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la quatorzième conférence des présidents d'assemblée du Commonwealth qui a eu lieu à Port of Spain, dans la République de Trinité-et-Tobago, du 2 au 8 janvier 1998.

[Français

Projet de loi visant à changer le nom de certaines circonscriptions électorales

Rapport du comité

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le neuvième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles portant sur le projet de loi C-410.

Le lundi 8 juin 1998

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son 

NEUVIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-410, Loi visant à changer le nom de certaines circonscriptions électorales, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 4 juin 1998, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec les modifications suivantes:

 

1. Page 2, article 6: substituer la ligne 15 par ce qui suit:
«port - Montmorency - Côte-de-Beaupré -».
2. Page 4, Nouvel article 19: ajouter après la ligne 17 ce qui suit:
«19. Dans le décret de représentation déclaré en vigueur par proclamation du 8 janvier 1996 en vertu de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, le paragraphe 17 de la partie relative à la province de la Colombie-Britannique est modifié par la substitution du nom «Port Moody-Coquitlam-Port Coquitlam» au nom «Port Moody-Coquitlam».»
Respectueusement soumis, 

Le président intérimaire,
PIERRE CLAUDE NOLIN

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Nolin, et nonobstant l'article 58(1)g) du Règlement, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance plus tard aujourd'hui.)

 

La Loi électorale du Canada

Projet de loi modificatif-Rapport du comité

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs j'ai l'honneur de présenter le dixième rapport du comité sénatorial permanent des affaire juridiques et constitutionnelles portant sur le projet de loi C-411.

Le lundi 8 juin 1998

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son 

DIXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-411, Loi modifiant la Loi électorale du canada, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 4 juin 1998, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis, 

Le président intérimaire,
PIERRE CLAUDE NOLIN

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Avec la permission du Sénat, plus tard aujourd'hui.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs y consentent-ils?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: La permission est refusée.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

 

La Loi sur les grains du Canada
La Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire
La Loi sur les marchés de grain à terme

Projet de loi modificatif-Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-26, Loi modifiant la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire et abrogeant la Loi sur les marchés de grain à terme.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour du mercredi 10 juin 1998.)

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les droits de la personne

La formation d'un comité sénatorial-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Les violations des droits de la personne dans le monde inquiètent beaucoup les sénateurs des deux côtés de la Chambre. Des craintes au sujet de l'exploitation des femmes et des enfants dans beaucoup de pays en développement ont été soulevées ici. Presque aussi souvent, nous avons demandé au leader du gouvernement au Sénat de créer un comité sénatorial, soit un comité permanent, soit un sous-comité, de sorte qu'il existe un forum au sein du Parlement pour débattre des crises concernant les droits de la personne dès qu'elles se produisent, afin que l'on puisse parvenir à une résolution informée.

Le Canada a longtemps été à l'avant-garde de la réforme des droits de la personne et nous nous demandons pourquoi le Sénat ne pourrait pas faire quelque chose? Le ministre pourrait-il nous dire quand il procédera à la création de ce comité?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Je sais que cette question est examinée par le comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure et qu'il ne reviendrait pas au leader du gouvernement de fournir au Sénat un nouveau comité permanent ou spécial. Il reviendrait à ce comité de le faire, et je crois savoir qu'il examine de près cette question en ce moment.

Soit dit en passant, je conviens, sénateur Oliver, qu'il serait fort sage que le comité prenne vos recommandations au sérieux.

 

Énergie atomique du Canada Limitée

L'aide et l'information fournies aux acheteurs du réacteur CANDU-La mesure de protection qu'est la signature d'un accord de non-prolifération-La position du gouvernement

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, un article du Ottawa Citizen d'aujourd'hui dit clairement que le Canada a offert et offre toujours une aide technique à l'Inde et au Pakistan, ce qui enfreint l'esprit, sinon la lettre de l'interdiction, vieille de 22 ans, d'une aide canadienne aux efforts d'armement nucléaire dans ces pays. Qui plus est, le Canada a accueilli des scientifiques nucléaires de l'Inde qui travaillent auprès de réacteurs CANDU clonés dans le Groupe des propriétaires de réacteurs CANDU, où ils assistent à des colloques et reçoivent des renseignements utiles. Leurs réacteurs ne sont cependant pas assujettis aux mesures de protection et aux inspections internationales et, selon la publication Jane's Intelligence Review, qui fait autorité, l'Inde a extrait du tritium militaire de ses réacteurs civils.

La question que je pose au leader du gouvernement au Sénat, et à laquelle je sais qu'il sera disposé à répondre, est la suivante: le gouvernement devrait-il songer à interdire immédiatement aux experts nucléaires canadiens d'aider l'Inde et le Pakistan tant que ces pays ne consentiront pas à faire l'objet d'inspections et de mesures de protection et à signer des accords de non-prolifération?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est une excellente question tout à fait opportune. Le sénateur Spivak a parlé d'une période de 22 ans. Je crois que c'est tout à fait exact. Le Canada a mis fin à sa coopération dans le domaine nucléaire avec l'Inde et le Pakistan en 1976, lorsque les deux pays ont refusé d'accepter de nouvelles exigences plus strictes du Canada en matière de non-prolifération nucléaire.

Cependant, en réponse à des préoccupations croissantes dans le monde entier au sujet de la sécurité des installations nucléaires à la suite de l'accident de Tchernobyl, en 1986, si je ne m'abuse, le Canada a accepté de laisser l'Inde et le Pakistan participer à ce qu'on appelle le Programme d'échange de renseignements du Groupe de propriétaires du CANDU. Grâce à ce programme, l'Inde et le Pakistan ont eu accès à des renseignements non exclusifs, reliés à la sécurité, qui sont du domaine public.

Ensuite, en 1990, l'Agence internationale de l'énergie atomique, mieux connue sous le nom de AIEA, a demandé au Canada de lui permettre, sous les auspices internationales, d'apporter une aide limitée en matière de sécurité pour répondre à des préoccupations graves et urgentes en matière de sécurité dans le cas du réacteur canadien au Pakistan et des deux réacteurs canadiens fournis à l'Inde, tous ces réacteurs étant conformes aux exigences de protection de l'AIEA.

Cependant, l'Inde a rejeté l'offre. On n'a offert à ce pays aucune aide en matière de sécurité. Le Pakistan, par contre, a accepté l'offre et on a autorisé un programme bien géré d'aide limitée en matière de sécurité sous les auspices de l'AIEA. Cette aide prend la forme de services de diagnostic et elle est destinée seulement à déterminer la sécurité des réacteurs eux-mêmes.

Le sénateur Spivak: Le fait est que ces scientifiques de l'Inde travaillant sur les clones des réacteurs CANDU ne font pas l'objet d'un examen international et qu'aucune information ne filtre.

Je reviendrai peut-être là-dessus à un autre moment, mais je voudrais maintenant poser une autre question connexe. Là encore, selon une déclaration sous serment, le ministère des Finances n'a pas supervisé ou étudié le contrat de vente de réacteurs CANDU à la Chine ou le contrat de financement de l'entente même des mois après la signature de ces contrats. Étant donné que les contribuables canadiens ont offert une garantie d'emprunt de 1,5 milliard de dollars au cours des 22 prochaines années pour soutenir cette vente, cette révélation est incroyable. Le quotidien The Ottawa Citizen affirme également que l'ancien ministre des Affaires extérieures n'a reçu aucune aide ni aucun conseil de son ministère avant de cosigner la garantie d'emprunt de 1,5 milliard de dollars.

La question que je pose au leader du gouvernement est donc celle-ci: pourquoi le gouvernement s'est-il fié seulement aux vendeurs, c'est-à-dire Énergie atomique du Canada Limitée et la Société pour l'expansion des exportations, pour ses conseils financiers?

Le leader peut-il nous assurer que le gouvernement a reçu des conseils et une analyse plus approfondis et plus objectifs lorsqu'il a envisagé sa garantie d'emprunt dans le cadre de la vente d'un réacteur CANDU à la Turquie?

Le sénateur Graham: J'aimerais répondre par l'affirmative, mais je tiens à donner des renseignements plus précis à l'honorable sénateur.

[Français

L'éducation postsecondaire

La Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire-Les études définissant les priorités du gouvernement-Demande du dépôt des résultats des études

L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, le gouvernement canadien a décidé d'investir 2,2 milliards dans un programme de bourses du millénaire. Est-ce que le ministre pourrait déposer au Sénat les études faites par le gouvernement canadien qui l'ont incité à choisir cet aspect très particulier des problèmes que connaissent l'ensemble des étudiants canadiens dans nos systèmes d'éducation? Pourquoi le gouvernement a-t-il préféré cet aspect du système d'éducation plutôt que celui de l'amélioration de l'enseignement élémentaire, de la formation des maîtres, de l'enfance inadaptée ou de la recherche universitaire? Qu'est-ce qui a amené le gouvernement à choisir spécifiquement un programme de bourses très délimité, puisqu'il ne concerne pas les deuxième et troisième cycles?

Je suppose que le gouvernement canadien a fait des études pour arriver à ce choix pour intervenir dans le domaine de l'éducation? Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat pourrait déposer, dans cette Chambre, les études sur lesquelles se base le gouvernement canadien?

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il ne fait aucun doute que l'éducation est un domaine de compétence provinciale. Le gouvernement du Canada a cependant pour rôle d'assurer aux Canadiens l'égalité d'accès à l'éducation...

Le sénateur Simard: Répondez à la question.

Le sénateur Graham: ... et au savoir.

Le sénateur Simard: Répondez à la question.

Le sénateur Graham: Les bourses d'études canadiennes du millénaire portent précisément sur l'accès au savoir et aux compétences, non sur les programmes d'études et les structures. Je ne suis pas au courant d'études particulières qui auraient été utilisées pour préparer l'annonce de cette mesure, mais si de telles études sont disponibles, je serai heureux de les porter à l'attention de mon honorable collègue.

[Français]

Le sénateur Rivest: Cela veut dire que nous allons étudier un projet de loi sans que ce choix et cette décision du gouvernement ne reposent sur quelque étude que ce soit? Est-ce que vous croyez que cette intervention du gouvernement dans le domaine de l'éducation, n'apparaît pas - s'il n'existe pas de telles études - comme étant totalement improvisée et sans doute passablement opportuniste?

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): C'est la façon du Canada de célébrer le nouveau millénaire. Nous investissons dans les Canadiens et dans l'avenir des Canadiens au lieu d'investir dans de nouveaux édifices et dans des monuments. Malgré l'absence d'entente entre le Canada et le Québec, nous devons aller de l'avant. Nous devons le faire sans nous ingérer dans les priorités du Québec dans le domaine de l'éducation et sans pénaliser de façon injustifiable les étudiants qui habitent au Québec.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et qui ne veulent pas du fonds sous sa forme actuelle.

[Français]

Le sénateur Rivest: Cela veut dire qu'il n'y a pas d'études précises, de documents ou de recherches pour appuyer le choix. Pourquoi ne pas avoir souligné le millénaire en favorisant, par exemple, la formation des enseignants? Pourquoi ne pas célébrer le millénaire en combattant le décrochage scolaire, en favorisant la recherche dans les universités du Canada, en favorisant les étudiants des deuxième et troisième cycles?

Selon quelles études et suivant quelle logique le gouvernement a-t-il choisi cet aspect particulier du domaine de l'éducation pour intervenir dans les champs de compétence des provinces?

[Traduction]

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, comme le sénateur Rivest l'a dit, il y avait plusieurs choix. Le gouvernement a retenu celui-ci, le fonds des bourses d'études du millénaire, dans l'intérêt de l'avenir des jeunes Canadiens et dans l'intérêt de l'avenir du pays dans son ensemble.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pourquoi attendre deux ans? Faites-le maintenant.

 


ORDRE DU JOUR

Projet de loi d'exécution du budget de 1998

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Bryden, appuyée par l'honorable sénateur Pearson, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-36, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget de 1998, déposé au Parlement le 24 février 1998.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, le projet de loi d'exécution du budget de 1998 dont nous sommes saisis met en évidence la nécessité de séparer les divers changements législatifs entraînés par le budget. Un projet de loi omnibus force les assemblées législatives du Parlement à se pencher en réalité sur plusieurs projets de loi, ce qui dans ce cas rend impossible à mon avis le vote sur ce projet de loi en principe.

On peut avoir recours à un projet de loi omnibus pour entreprendre une vaste réforme fiscale devant toucher plusieurs lois et avoir des répercussions sur bon nombre de ministères, le principe du projet de loi en demeurant la réforme fiscale sous une forme ou une autre.

Le projet de loi omnibus sur le budget prévoit à la fois des modifications à la façon dont nous considérons les prestations de retraite pour les personnes âgées, ce avec quoi je ne suis pas d'accord; la vente des intérêts du gouvernement dans le projet Hibernia, sur quoi je suis d'accord, et les bourses pour les étudiants, lesquelles relèvent clairement de la compétence des provinces.

Comme bon nombre d'entre vous le savez déjà, je me pose de nombreuses questions sur la gestion du fonds des bourses d'études, sans toucher à la question des ramifications constitutionnelles qu'elles peuvent entraîner. J'ai écrit une lettre à tous les dirigeants provinciaux et territoriaux soulignant mes préoccupations au niveau de l'administration de ce fonds, et présentant une suggestion de solution. Je crois que tous les sénateurs en ont reçu une copie.

Je ne sais pas encore avec certitude, et le gouvernement ne l'a d'ailleurs pas indiqué clairement, si les bourses d'études seront accordées en fonction du besoin, ce qui en ferait effectivement des bourses, ou exclusivement selon le mérite, ou il s'agira tout simplement de bourses d'études pour les défavorisés: la personne qui l'obtiendrait serait le meilleur étudiant d'un groupe défavorisé. Puisque ces questions demeurent sans réponses, je me demande si le gouvernement répond à un besoin ou crée un programme dans le seul but, comme certains l'ont dit, et notamment l'honorable sénateur qui a soulevé la question durant la période des questions, d'envoyer des chèques aux couleurs de la feuille d'érable, ce qui serait certainement une mauvaise raison dans ce cas-ci.

Honorables sénateurs, durant le débat de ce projet de loi mercredi dernier, le sénateur Bolduc a déclaré qu'en comparaison de la fondation, visée dans le projet de loi C-36, l'Office d'investissement du RPC est un modèle d'obligation redditionnelle et de transparence. J'aurais cru qu'après le travail du comité des banques sur l'Office d'investissement du RPC, le gouvernement aurait appris une chose ou deux. Le projet de loi propose de créer une fondation qui sera dotée d'un capital de 2,5 milliards de dollars. Or, les provinces, qui sont responsables de l'éducation, n'auront pas voix au chapitre. La fondation n'aura pas à rendre de comptes sur la façon dont elle dépense l'argent et il n'existera aucun cadre pour s'assurer que le capital de 2,5 milliards de dollars qu'elle devra investir sera bien géré. Le projet de loi ne prévoit aucune protection des renseignements personnels que des centaines de milliers de candidats communiqueront chaque année et le Parlement n'aura aucun pouvoir d'examen des activités de la fondation.

Honorables sénateurs, le gouvernement a déposé, la semaine dernière, un projet de loi visant à faire de Revenu Canada une agence. Cette agence responsable du revenu comptera des représentants provinciaux à son conseil d'administration. Pourquoi n'en serait-il pas de même dans le cas de la fondation? Il devrait au moins y avoir un comité des candidatures constitué par les provinces et chargé de dresser une liste de noms des candidats au conseil d'administration de la fondation, comme on l'a fait dans le cas de l'Office d'investissement du RPC.

Le projet de loi C-36 exige que les membres du conseil d'administration de la fondation connaissent l'éducation et les besoins de l'économie. Étant donné que la fondation sera dotée d'un capital de 2,5 milliards de dollars à investir, la loi ne devrait-elle pas exiger que le conseil d'administration compte un membre qui sache faire la différence entre des dividendes et des dérivés? Le conseil ne devrait-il pas être tenu de constituer, en plus du comité de vérification visé dans le projet de loi, un comité d'investissement?

Comment la fondation choisira-t-elle ses investissements? S'en occupera-t-elle elle-même, ou engagera-t-elle Gordon Capital? Le vérificateur général est le chien de garde des contribuables et un mandataire du Parlement, même s'il est aussi un mandataire de l'autre endroit. Je sais que le gouvernement n'aime pas le vérificateur général. Bien sûr, le ton employé par le ministère en réponse au rapport d'avril du vérificateur général était à la limite du mépris, mais le vérificateur général ne devrait-il pas être au moins admissible au titre de vérificateur de la fondation, et ne conviendrait-il pas que ce vérificateur soit choisi par le gouvernement, compte tenu de la somme de recettes fiscales en jeu?

La règle habituelle veut que le vérificateur protège les intéressés, c'est-à-dire les actionnaires dans le cas d'une entreprise publique et les contribuables représentés par le gouvernement dans le cas d'une société d'État. Dans ce cas particulier, le gouvernement désigne des membres qui tiendront lieu d'actionnaires, et ces membres choisiront le vérificateur.

Nous devrions nous poser une question fondamentale, à savoir si les intéressés dans cette fondation sont les membres ou les contribuables du Canada? Si ce sont les contribuables du Canada, et c'est certainement le cas, la loi doit donner à la Couronne le pouvoir d'engager ou de congédier le vérificateur.

L'Office d'investissement est tenu par la loi de restreindre ses coûts de fonctionnement. Ne devrait-il pas être tenu également de fournir assez d'information au Parlement pour que nous puissions juger s'il respecte cette obligation? La transparence et la reddition de comptes sont essentielles à la bonne administration.

Au printemps, le comité sénatorial permanent des banques et du commerce a examiné attentivement la structure administrative établie pour l'Office d'investissement du RPC. Certains des problèmes que nous jugions important de régler concernant l'Office d'investissement du RPC se trouvent de nouveau dans le projet de loi C-36, cette fois concernant un autre organisme. Nous voulons un maximum de transparence dans le fonctionnement, l'administration et les investissements de l'Office d'investissement du RPC. Le projet de loi C-36 assure un minimum de transparence concernant le conseil d'administration de la fondation.

Nous avons recommandé que le rapport annuel de l'Office d'investissement du RPC et les résultats de tout examen spécial ou de toute vérification spéciale soient renvoyés au comité compétent de la Chambre et du Sénat. Rien au sujet de la fondation ne sera renvoyé à qui que ce soit.

Nous avons recommandé que le vérificateur et au moins un membre du conseil d'administration soient obligés d'assister aux assemblées publiques tenues par l'Office d'investissement du RPC. Bien que le projet de loi C-36 oblige la fondation à tenir une assemblée publique chaque année, il ne précise pas qui doit y assister.

Nous avons recommandé que les nominations au conseil d'administration soient faites à partir d'une liste établie par un comité de mise en candidature, que ce processus soit ouvert et que le public en soit informé de façon appropriée. Il n'existe aucune exigence à cet égard dans le projet de loi C-36.

Nous avons recommandé que toutes les nominations au conseil d'administration soient fondées sur la compétence et l'expertise. Encore une fois, il n'y a rien de précisé à ce sujet dans le projet de loi.

Nous avons recommandé que le vérificateur soit choisi par le ministre afin d'accroître la responsabilisation. Comme je l'ai fait remarquer plus tôt, le vérificateur sera choisi par un groupe de membres créé artificiellement.

Honorables sénateurs, mes remarques portent sur les aspects liés à la gestion de la fondation, mais il ne faut pas oublier que le projet de loi a aussi une incidence sur les relations fédérales-provinciales, comme l'ont souligné à juste titre un bon nombre de mes collègues du Québec. La mesure prévoit que la fondation peut négocier des ententes avec les provinces intéressées relativement à l'administration des bourses d'études. Toutefois, comme l'a souligné le sénateur Bolduc, le mot clé est «peut» et non pas «doit». C'est là un autre aspect du projet de loi qui doit être modifié.

Je veux revenir sur le fonds du millénaire, parce que je veux traiter d'une question plus fondamentale mise en relief au cours de la session en cours par la création de l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada et, dans le cadre du projet de loi dont nous sommes saisis, de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire. Cette question, c'est celle de la responsabilité envers le Parlement. Ces deux organismes du gouvernement ont des caractéristiques uniques qu'on trouve rarement dans d'autres créations hybrides du gouvernement telles que les sociétés d'État et les sociétés et organismes du Conseil du Trésor. Les vérificateurs ne sont pas nommés par les actionnaires, mais bien par le conseil lui-même, et il n'est nulle part fait mention du vérificateur général. Ce sont des organismes à but non lucratif qui exercent leur activité sous les auspices de la Couronne et qui sont financés avec l'argent des contribuables, contrairement aux véritables organismes sans but lucratif, qui doivent constamment expliquer à leurs bénévoles et à leur donateurs pourquoi ceux-ci devraient les appuyer. Les conseils établis par le gouvernement n'ont pas à rendre de comptes à qui que ce soit. Les gens de l'autre endroit ne semblent pas s'être aperçus de la menace qui pèse sur leur raison d'être, qui est d'approuver et de vérifier les fonds de l'État.

Il est bien étrange que je sois en train de faire ce discours, pendant que le chef du Parti réformiste critique le Sénat dans l'autre endroit. Franchement, honorables sénateurs, lui et sa bande de députés réformistes examinent les projets de loi de façon bien superficielle. L'opposition est très faible et elle se permet d'attaquer l'essence même du Parlement. Ce n'est guère reluisant.

On constate la même tentative afin d'éliminer la notion de responsabilité au niveau des aéroports, où les organismes sans but lucratif se voient confier de l'argent provenant des contribuables canadiens. Je reconnais que cette tendance a commencé sous le gouvernement précédent et s'est poursuivie de façon accélérée sous le gouvernement actuel. Il n'en demeure pas moins que les aéroports du pays se voient confier l'argent des contribuables canadiens. On leur demande de se servir de l'activité générée à l'aéroport et des frais imposés aux consommateurs - qui sont une autre forme de taxe - pour payer l'infrastructure des aéroports. En fait, le terme «à but non lucratif» est trompeur dans ce cas-ci. Ils devront réaliser un profit pour payer la dépréciation et le capital engagé. Mais ils n'ont pas bénéficié d'une baisse correspondante des impôts sur le revenu. Le gouvernement a déclaré qu'il allait donner à ces organismes sans but lucratif tous les éléments d'actif, mais que, contrairement à ce qu'il faisait, il ne dépensera plus d'argent pour soutenir les infrastructures, les aéroports par exemple. Toutefois, cet argent ne sera pas redonné aux contribuables. Non seulement les contribuables vont-ils continuer de verser les mêmes impôts pour payer les coûts des aéroports, mais ils vont désormais payer 10 $ pour monter dans un avion et 56 $ chaque fois qu'ils achèteront un billet d'avion.

Les voyageurs paient à la barrière. Toute cette cession des éléments d'actif traduit un comportement terriblement négligent à l'égard des fonds publics. Pour moi, le conseil d'administration du RPC et le fonds d'études du millénaire sont exactement sur le même pied, parce qu'ils sont financés par des fonds publics. Dans le cas du conseil du RPC, on se sert de la loi pour forcer les contribuables à cotiser à un régime de pension sur lequel ils n'ont vraiment pas un mot à dire, parce que le Parlement va renoncer à son droit de regard sur le fonctionnement du conseil d'administration du régime. C'est abominable et, peu importe leur allégeance, les sénateurs devraient faire très attention. Je sais que de nombreux sénateurs, dont le sénateur Bolduc, redoutent cette négligence parce qu'elle signifie que nous renonçons à notre devoir de parlementaire.

Il semble y avoir deux raisons à ce dangereux glissement de la politique d'intérêt public. La responsabilité politique est perçue comme négative. Ce commentaire étonne quand il est question du Parlement. De plus, le gouvernement s'est égaré et ne sait plus où sont ses priorités, et le projet de loi C-36 en est une parfaite illustration.

Le droit d'un représentant élu de siéger au conseil d'administration d'une société d'État ou d'une organisation sans but lucratif pour défendre les intérêts des actionnaires disparaît. Nous sommes aujourd'hui embarrassés parce que d'autres partis politiques disent que c'est politique. Bien sûr, que c'est politique. Nous vivons dans un système politique. Au lieu de défendre notre système politique, nous renions nos responsabilités, mais nous faisons un mal plus grand en reniant notre responsabilité à l'égard de ceux qui paient les impôts au Canada. Le terme «politique» a une connotation négative, comme si les gens qui ne sont pas élus étaient des purs et ceux qui le sont, surtout s'ils font partie du gouvernement, étaient nécessairement corrompus. Le processus électoral corrompt, sauf qu'il ne corrompt personne, à part ceux qui font partie du gouvernement, selon les forces qui s'opposent au système politique.

Un avocat, un banquier, un agriculteur ou un plombier qui s'est distingué dans sa collectivité pourrait se porter candidat et obtenir l'appui de la majorité des électeurs. Ils pourraient dire: «Nous aimons cette personne et nous voulons qu'elle représente nos intérêts dès qu'elle sera élue.» On ne peut leur faire confiance pour représenter les intérêts du gouvernement ou de l'État. Nous devons nommer à ces conseils des gens qui n'ont absolument rien à voir avec le système électoral parce que personne n'est responsable devant la Chambre des communes.»

(2050)

Craignant d'être considérés comme politiques, les gouvernements délèguent leurs pouvoirs à des gens n'ayant pas de comptes à rendre - c'est-à-dire pas de vérificateur général ni de ministres directement comptables à la Chambre des communes.

D'après ce que j'ai lu, la deuxième raison expliquant cette mesure, c'est le manque de priorités au sein du gouvernement. Le gouvernement fédéral abandonne son rôle traditionnel qui consiste à maintenir la cohésion du pays par ses ports, ses aéroports, ses réseaux routiers et ses lignes ferroviaires, pour que l'on puisse transporter voyageurs et marchandises d'un point à l'autre du pays. Cet abandon se fait au profit de champs de compétence provinciaux, où le gouvernement fédéral n'a aucun pouvoir. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral s'occupe plus de santé, d'éducation et du filet de sécurité sociale. Il préfère être vu comme le sauveur de ces programmes et imposer ses volontés aux provinces au lieu de veiller à ce que celles-ci disposent de ressources suffisantes pour régler elles-mêmes leurs problèmes comme elles l'entendent.

En réponse à la question, le leader du gouvernement a dit qu'ils ne construiraient pas d'immeubles. Certes, nous avons déjà renoncé au droit de construire des aéroports. Nous sommes en train de renoncer à celui de construire des ports. Nous installons des péages sur les routes. Nous ne maintenons plus la cohésion du pays. Nous avons abandonné le transport des voyageurs. Nous avons dit: «Non, nous ne nous occuperons plus de cela. Nous ne sommes pas responsables de tout ce dont le gouvernement fédéral est responsable. Nous voulons nous occuper de secteurs relevant des provinces.»

Nous accordons des subventions aux entreprises au lieu de susciter le climat économique grâce auquel les entreprises pourront survivre et d'établir un régime fiscal permettant aux entreprises de faire des bénéfices, de verser des dividendes et de créer de la richesse dans tout le pays. Nous aidons les élites en leur offrant des allégements fiscaux, en versant des subventions aux artistes, aux cinéastes, aux écrivains et aux réalisateurs d'émissions de télévision, pendant que les militaires canadiens...

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je regrette de devoir interrompre le sénateur Tkachuk, mais sa période de 15 minutes est écoulée.

Le sénateur a-t-il la permission de continuer?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Tkachuk: Le pouvoir du gouvernement de préserver le caractère souverain de nos lois s'est détérioré au point où le ministre Eggleton décrit les viols comme des «comportements déplorables».

Nous, du Sénat, devons être les gardiens de la souveraineté du Parlement. Nous devons mettre à profit l'expérience de cet endroit pour dénoncer ces créations du gouvernement que sont le fonds du millénaire et le fonds de placement du RPC. Honorables sénateurs, je vous demande de rejeter ce projet de loi.

L'honorable Thérèse Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, j'interviens ce soir pour parler du projet de loi C-36, Loi d'exécution du budget.

Je m'inquiète vivement du fait que le projet de loi ait été adopté à la Chambre des communes, malgré les objections que tous les partis d'opposition et, surtout, les citoyens que nous servons ont formulées au sujet de différents aspects. Il semble que le gouvernement soit déterminé à mettre en oeuvre le budget, quoi qu'en pensent les Canadiens.

La semaine dernière et ce soir, nous avons entendu des sénateurs exprimer leurs préoccupations par rapport au projet de loi C-36. Nous avons écouté leurs craintes respectueusement. Je ne veux pas répéter ce qui a déjà été dit, mais je sens que je dois soulever certains points au sujet des effets préjudiciables que la mise en oeuvre de ce projet de loi aura sur les enfants, les jeunes et les personnes âgées, de même que sur les relations fédérales-provinciales.

Honorables sénateurs, je vous prie de ne pas interpréter mes objections à l'égard du projet de loi comme un rejet intégral de celui-ci. Au contraire, le projet de loi comporte plusieurs idées intéressantes. Cependant, parce qu'il s'agit d'une mesure omnibus, le projet de loi C-36 prête à controverse parce que sa portée est vaste. Il y a donc plus de risques que des gens s'opposent à une partie ou une autre du projet de loi. Je me contenterai de parler de quatre éléments.

La partie I du projet de loi crée la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, nouvel organisme fédéral chargé d'accorder, à partir de l'an 2000, à des étudiants du niveau postsecondaire des bourses d'études qui totaliseront 2,5 milliards de dollars. Honorables sénateurs, c'est par principe que je désapprouve fortement la Fondation des bourses du millénaire. Il est précisé dans la Constitution canadienne que l'éducation est un champ de compétence provinciale. La répartition du pouvoir - qui était et qui est encore consensuelle - veut que le gouvernement fédéral remette aux provinces des fonds publics au titre de l'éducation et que chacune des provinces veille à gérer son propre système d'éducation.

Mercredi dernier, le sénateur Bolduc nous a dit que le Québec a choisi, en 1964, d'établir son propre régime de prêts et bourses, ce qui réglait un différend que le gouvernement réveille aujourd'hui en remettant en question l'accord qui avait été conclu à l'époque. Étant donné les relations tendues qui existent entre le gouvernement fédéral et le Québec, il est crucial de favoriser le respect mutuel, d'observer les ententes fédérales-provinciales et surtout de ne pas les enfreindre.

[Français]

Honorables sénateurs, ceci n'est pas une question partisane. J'aimerais citer un extrait de ma réponse au discours du Trône de 1991, alors que le gouvernement conservateur était au pouvoir. À ce moment, je défendais et soulignais la juridiction provinciale en matière d'éducation, et je cite:

Ces problèmes réels ne justifient cependant pas que le gouvernement fédéral, par son pouvoir de dépenser, s'ingère directement dans le domaine de l'éducation. C'est sans doute le domaine où le Québec se sent le plus jaloux de son autonomie.

De toutes les juridictions qui appartiennent aux provinces, pour le Québec, l'éducation et la culture demeurent les plus importantes.

J'ai aussi relu à ce moment un passage du livre beige qui avait été rendu public par le Parti libéral du Québec en 1979, et je cite:

Dans les deux domaines de l'éducation et de la culture, nous désirons maintenir la position historique du Québec, laquelle a toujours affirmé le rôle primordial de la province et a toujours vu d'un oeil plutôt défavorable les initiatives fédérales. La Constitution de 1867 appuyait entièrement cette attitude. Le Québec est le premier responsable de la protection et de l'épanouissement de son patrimoine culturel français. Son gouvernement est le mieux placé pour juger des mesures requises pour maintenir l'originalité de la société québécoise et en favoriser l'épanouissement.

Si je répète ces deux citations, c'est pour vous dire que, quel que soit le gouvernement fédéral, sa couleur, ses objectifs, il y a certains principes des juridictions provinciales qui ne doivent pas souffrir d'accrocs ou d'exceptions. Je pense à l'éducation en particulier.

[Traduction]

Que le gouvernement fédéral ait quoi que ce soit à voir avec l'attribution de prêts et de bourses pose un problème. Je rappelle aux honorables sénateurs que le comité sénatorial spécial sur l'enseignement postsecondaire - dont j'étais membre - faisait allusion dans son rapport de décembre 1997 au problème des divergences entre les systèmes de notation fédéral et provinciaux et réclamait un système mieux harmonisé. La création d'une Fondation des bourses du millénaire ne fait que compliquer un système déjà embrouillé.

Je rappelle aux honorables sénateurs que nous avons entendu des témoins de toutes les provinces et que la seule province qui a déjà un programme de bourses d'études - et depuis un certain nombre d'années, je le précise - est le Québec. Cela rend la situation encore plus compliquée.

Dans le même rapport, on signalait aussi que, en dépit du nombre croissant d'inscriptions dans les établissements d'enseignement postsecondaire, en dépit de la demande croissante, des attentes plus élevées et de l'augmentation du coût de l'enseignement supérieur, le soutien financier gouvernemental de l'éducation était à la baisse. Personne ici ne sera surpris si je dis que les universités ont des problèmes. La qualité de l'enseignement qu'elles dispensent est de plus en plus souvent remise en question.

(2100)

Le comité sénatorial spécial a recommandé que le gouvernement fédéral, tout en continuant de respecter la compétence des provinces dans ce domaine, réitère son ferme engagement à l'égard de l'enseignement postsecondaire. Il est compréhensible que les ressources gouvernementales aient été réduites en période d'austérité financière. Il va de soi que, lorsque le gouvernement a les ressources financières qu'il se vante d'avoir, ces ressources devraient être réinvesties dans des bases qui ont été érodées.

N'est-il pas alors surprenant que le gouvernement fédéral décide d'ignorer la multitude de besoins des systèmes d'enseignement de nos provinces, exposés dans le rapport de même que, sans aucun doute, dans d'innombrables autres études et rapports? Prenez la qualité de l'enseignement, l'égalité d'accès - qui, on le sait, pose de terribles problèmes au niveau secondaire - et la recherche, pour ne citer que quelques exemples. Au lieu de cela, le gouvernement a pris la décision unilatérale et arbitraire d'utiliser les fonds excédentaires pour créer un autre système de bourses. Ce n'est pas là faire preuve de respect à l'égard de la compétence des provinces ou d'un ferme engagement à l'égard de l'enseignement. C'est induire le public en erreur en prenant une mesure symbolique, une mesure exclusive, étant donné qu'elle ne vise qu'une fraction d'étudiants dans le besoin, et peut-être pas ceux qui en ont le plus besoin.

Honorables sénateurs, outre les préoccupations que nous avons soulevées, le projet de loi C-36 grouille de problèmes en ce qui concerne la façon dont la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire sera régie. Au Sénat, la semaine dernière, on nous a dit que la fondation ne sera pas obligée de conclure des accords avec les provinces, que celles-ci n'auront pas directement voix au chapitre en ce qui concerne le choix des membres du conseil d'administration de la fondation, qu'aucun processus n'a été établi concernant l'investissement des fonds, que l'on a pas dûment tenu compte de la protection des renseignements privés sur les étudiants, de l'obligation du conseil d'administration de rendre des comptes, du fait que la fondation ne prend pas en considération les étudiants qui font des études postdoctorales. Un certain nombre de suggestions ont été faites au Sénat et à la Chambre des communes afin de régler ces problèmes. On se doit au moins d'adopter la recommandation du sénateur Beaudoin de renvoyer ce projet de loi à un comité pour plus ample examen.

[Français]

Je suis aussi d'accord avec l'intervention du sénateur Bolduc proposant l'obtention d'un accord administratif et je fais mienne la proposition adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 14 mai dernier, et je cite:

Dans l'intérêt des étudiants québécois, l'Assemblée nationale demande instamment au gouvernement fédéral et au gouvernement du Québec de reprendre les négociations sur la question des bourses du millénaire pour en arriver à une entente qui respecte les principes suivants:

la part attribuable chaque année à des étudiants québécois déterminée à l'aide d'une formule basée sur des paramètres démographiques;

le Québec sélectionne les étudiants qui recevront une bourse et transmet la liste à la fondation;

la fondation envoie, selon les modalités convenues avec le gouvernement du Québec, les bourses aux récipiendaires;

Ils sont prêts à y ajouter le petit drapeau canadien si vous voulez.

De plus, l'Assemblée nationale prend acte de la volonté du gouvernement du Québec d'allouer les sommes ainsi économisées à son programme de bourses du financement des institutions collégiales et universitaires.

[Traduction]

J'ai dit au tout début que j'avais l'intention d'aborder quatre parties du projet de loi. En ce qui concerne les trois parties restantes, honorables sénateurs, je serai brève.

La partie 9 du projet de loi a trait à la prestation fiscale canadienne pour enfants. Même si les dépenses supplémentaires que l'on entend engager vont contribuer à atténuer le problème de la pauvreté chez les enfants au Canada, le Conseil canadien de développement social estime qu'il y aura encore plus d'un million d'enfants vivant dans la pauvreté. Qui plus est, étant donné que la prestation ne sera pas entièrement indexée au coût de l'inflation, la valeur réelle des crédits dégagés sera réduite d'environ 100 millions de dollars par an.

Il faut également tenir compte du fait que la désindexation partielle amoindrit les prestations pour enfants puisqu'il y aura de plus en plus de familles à faible ou modeste revenu qui toucheront le montant maximum. Depuis l'adoption à la Chambre des communes en 1989 de la résolution en faveur de l'élimination de la pauvreté chez les enfants d'ici l'an 2000, le Canada compte paradoxalement, et malheureusement, 482 000 enfants pauvres de plus. La prestation fiscale pour enfants est le principal outil servant à accroître le revenu des familles démunies. Le moment est venu de ne pas se limiter strictement à la pauvreté chez les enfants.

[Français]

Les ingrédients de la pauvreté sont l'instabilité familiale, les problèmes familiaux et le peu de soutien que l'on donne aux familles. J'avais suggéré, il y a déjà six mois, qu'on s'intéresse à la question de la famille dans sa globalité.

[Traduction]

Plus préoccupante encore est la réduction générale des dépenses fédérales dans les domaines de la santé, du bien-être social et de l'éducation. La prestation fiscale canadienne pour enfants pourrait certes constituer une stratégie efficace, mais elle est loin de compenser les fonds que le gouvernement fédéral a puisés au titre des dépenses consacrées à ces domaines. Pour le seul Québec, le gouvernement, depuis son élection, a retranché 1,7 milliard de dollars dans les paiements de transfert qu'il verse à la province. On estime que d'ici l'an 2002, les paiements en espèces versés au Québec auront diminué de deux milliards de dollars.

Le gouvernement a promis d'accroître de 1,5 milliard de dollars les paiements versés à l'ensemble des provinces au titre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Mais, dans le même temps, il réduit de 6,3 milliards de dollars ses dépenses dans les domaines de la santé, du bien-être social et de l'éducation. Ces compressions auront un impact très sérieux sur les conditions de vie des plus démunis, comme vous pouvez en juger par vous-mêmes.

[Français]

Ainsi, tel que je le disais lors de ma réponse au discours du Trône en 1991, et je cite:

Les efforts d'amélioration de l'éducation, de meilleure intégration sur le marché de travail resteront en grande partie vains car la pauvreté est la source de mauvaise santé, d'échecs scolaires, de décrochage scolaire, enfin du développement de cette sous-culture de pauvreté avec toutes les conséquences qu'elle entraîne.

[Traduction]

Honorables sénateurs, les personnes âgées seront aussi touchées par la Loi d'exécution du budget, en particulier les plus pauvres d'entre elles. La partie 12 de la loi vise le Supplément de revenu garanti, qui est une prestation accordée aux personnes âgées ayant un très faible revenu. La disposition de récupération et l'arrondissement du revenu des bénéficiaires du supplément de revenu garanti entraînent une érosion des gains de ces personnes. Il est tout à fait déraisonnable de chercher à aggraver la situation financière des Canadiens âgés les plus pauvres, même si le gouvernement peut avoir l'intention de corriger le problème en adoptant une mesure législative dans l'avenir.

[Français]

En conclusion, j'aimerais dire quelques mots sur cette partie du projet de loi qui exige que le ministre des Finances approuve l'assistance financière à l'étranger. Si ceci était adopté, on donnerait au ministre des Finances l'autorité la plus totale pour distribuer jusqu'à deux milliards et demi de dollars américains, sans que le ministre des Affaires étrangères ait accordé une approbation préalable. Ceci veut dire enlever le contrôle gouvernemental sur des dépenses très significatives dans l'aide à l'étranger. Il a été suggéré à la Chambre des communes que deux conditions soient ajoutées à l'approbation d'une dépense du genre: entre autres que les droits humains et la ratification du traité sur les mines antipersonnel soient examinés avant d'accorder une assistance financière. Tel quel, le projet de loi n'oblige pas à respecter ces conditions.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je vous ai fait part de mes préoccupations relativement au projet de loi C-36, dans la mesure où celui-ci touche les enfants, les jeunes et les personnes âgées, ainsi que les relations fédérales-provinciales et les affaires internationales. Je crois fermement que nous ne pouvons, en toute conscience, adopter cette mesure. Celle-ci est caractérisée par des contradictions et par des risques sur lesquels nous devons nous pencher en tant que parlementaires responsables. Les Canadiens demandent au Sénat d'exercer son rôle de chambre de réflexion afin de protéger l'intérêt public.

[Français]

Je lance un appel particulier à tous mes collègues de l'autre côté de la Chambre, et en particulier à ceux du Québec. Pourquoi créer ce genre de problème au moment où les relations entre Québec et Ottawa sont tendues? Qu'est-ce que ceci va nous donner? Je pense que le sénateur Bolduc suggérait de trouver des arrangements administratifs qui permettront à chaque niveau de gouvernement d'agir dans sa propre sphère de responsabilité.

Je le demande à tous mes collègues, et en particulier à mes collègues du Québec.

[Traduction]

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, j'aimerais moi aussi parler du projet de loi C-36. Je n'ai pas l'intention de répéter ce qu'ont dit les autres sénateurs. Je voudrais parler des mesures du projet de loi C-36 concernant l'éducation postsecondaire et de l'allégement de la dette des étudiants.

Plusieurs sénateurs ont déjà parlé en long et en large de l'une de mesures proposées, à savoir la Fondation des bourses d'études du millénaire. J'aurai moi aussi quelque chose à dire à ce sujet. Mais avant de le faire, j'aimerais commenter les autres mesures concernant l'éducation postsecondaire contenues dans le projet de loi et parler de celles qui auraient dû s'y trouver.

Les honorables sénateurs se souviendront des préoccupations premières du comité sénatorial spécial sur l'éducation postsecondaire. Je vous recommande de lire les cinq points qui ont servi de base à ses recommandations.

Dans son rapport, le comité a fait 27 recommandations en vue d'atteindre les objectifs qu'il avait fixés. Depuis les délibérations du comité qui ont abouti à la publication du rapport, il s'est produit trois événements qui justifient que nous revenions sur le sujet de l'éducation postesecondaire. Premièrement, le comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées a déposé son premier rapport à la Chambre des communes; ce document porte sur des sujets voisins de ceux que nous avons abordés dans notre rapport. Deuxièmement, le ministre des Finances a déposé un budget riche en mesures concernant l'éducation postsecondaire. Troisièmement, Développement des ressources humaines Canada a publié un document intitulé: Garantir l'égalité des chances: Accès à l'enseignement postsecondaire, en réaction au rapport du comité permanent.

Il est regrettable que le gouvernement n'ait pas jugé utile de répondre à notre rapport. Vu ces événements, je pense qu'il convient de faire une mise au point et de voir dans quelle mesure la politique actuelle du gouvernement reflète les recommandations du comité sénatorial spécial.

Je suis reconnaissante de l'attention que le gouvernement prête dans le budget aux problèmes associés à l'éducation postsecondaire et à l'accessibilité aux études de niveau postsecondaire. Par exemple, le financement des organismes subventionnaires doit être ramené à son ancien niveau. Toutefois, il est évident que l'ancien niveau de financement était nettement insuffisant pour soutenir la compétitivité du Canada dans l'économie mondiale. Une seule statistique illustre l'ampleur du problème: les dépenses par habitant que le gouvernement canadien consacre à la recherche s'élèvent à 9,25 $, comparativement à 73 $ aux États-Unis.

Il nous faut des initiatives stratégiques visant à accroître la proportion du produit intérieur brut consacrée à la recherche et au développement au Canada au moins au niveau des dépenses qu'engagent à ce titre nos principaux concurrents internationaux. Malheureusement, j'ai vu peu de choses à ce sujet dans les documents que j'ai mentionnés. Ce serait pourtant des sujets de préoccupation légitimes pour le gouvernement fédéral. Si nous n'adoptons aucune nouvelle mesure importante, nous continuerons de perdre nos plus grands espoirs chez les jeunes et nos chercheurs les plus imaginatifs. Cette question cruciale mérite une attention immédiate.

Dans un domaine connexe, je m'inquiète toujours de l'importance excessive qu'on accorde, il me semble, aux accords de partenariat en matière de recherche et de développement qui sont conclus avec le secteur privé. Comme je l'ai dit un peu plus tôt, il est évidemment souhaitable de nous assurer le concours de nos entreprises privées afin d'appuyer la recherche dans nos universités. Toutefois, il faut reconnaître qu'il nous est impossible de trouver ces partenaires privés dans toutes les régions du Canada ou pour tous les établissements d'enseignement. Par conséquent, il faut absolument que les accords de partenariat soient complétés par d'autres programmes, afin de profiter au maximum des avantages et du potentiel de tous nos établissements d'enseignement postsecondaire. Nous ne nous sommes pas encore attaqués à ce problème.

Pour ce qui est de l'accès aux études postsecondaires, le gouvernement a annoncé une série d'initiatives dans le cadre de la Stratégie canadienne pour l'égalité des chances. Cette stratégie se fonde en grande partie sur les recommandations formulées par notre comité dans le but d'améliorer l'accès aux études postsecondaires et de réduire le fardeau de la dette des étudiants du niveau postsecondaire.

Bien que notre recommandation visant à restructurer les régimes enregistrés d'épargne-études sur le modèle des régimes enregistrés d'épargne-retraite n'ait pas été adoptée, j'applaudis à l'annonce du versement d'une subvention canadienne pour l'épargne-études, qui devrait contribuer à faire augmenter les sommes que les familles épargnent grâce aux régimes enregistrés d'épargne-études. Je suis aussi heureuse de l'adoption d'un crédit d'impôt relatif aux intérêts sur les prêts étudiants du Canada. Cette mesure atteint l'objectif que visait la déduction proposée par le comité du Sénat.

Je suis toutefois déçue que le budget ne permette pas des crédits d'impôt remboursables pour frais de scolarité et études postsecondaires. Comme les crédits inutilisés peuvent maintenant être reportés et utilisés plus tard, après l'obtention du diplôme, quand les circonstances le permettent, ils ne seront pas gaspillés. Pourquoi ne pas les rendre remboursables de manière que les étudiants puissent en profiter quand ils en ont le plus besoin, soit pendant qu'ils sont encore étudiants?

Le projet de loi prévoit aussi des améliorations au système de bourses d'études du Canada pour les étudiants handicapés et les bénéficiaires de prêts étudiants ayant des personnes à charge. Elles correspondent aux recommandations que nous faisions dans notre rapport. Toutefois, encore une fois, je suis déçue qu'on ait négligé d'établir une stratégie de financement de l'infrastructure qui rendrait nos institutions postsecondaires plus accessibles aux personnes handicapées, comme nous l'avions si fortement recommandé.

Je crois que c'était l'une des forces du rapport du comité spécial du Sénat. Il insistait sur l'importance de notre régime d'éducation postsecondaire comme étant un facteur déterminant dans la compétitivité du Canada dans l'économie mondiale. Ce sont des questions que j'ai signalées et auxquelles le gouvernement aurait pu s'attacher s'il voulait améliorer l'éducation postsecondaire au Canada, plutôt que d'adopter certaines des mesures qu'il défendait, notamment la Fondation des bourses d'études du millénaire.

Le rapport du comité spécial du Sénat insistait sur le fait que, pour combler les besoins et réaliser le potentiel du Canada dans le domaine de l'éducation postsecondaire, il faudrait réunir les efforts des gouvernements fédéral et provinciaux ainsi que de nos institutions postsecondaires. Autrement dit, le sous-comité reconnaissait que le gouvernement fédéral avait un rôle à jouer, que les gouvernements provinciaux avaient un rôle majeur et que les institutions postsecondaires devaient aussi faire leur part. Si nous voulons une stratégie fructueuse concernant l'éducation postsecondaire au Canada, il faut que ces trois secteurs y participent.

Plus important encore, les deux niveaux de gouvernement doivent être guidés par un plan d'action ou un plan stratégique qui convienne aux deux parties. La mise au point commune d'un tel plan d'action est indispensable à une action concertée. Les diverses initiatives prévues dans la Stratégie canadienne pour l'égalité des chances, et donc dans le projet de loi C-36, sont des mesures fédérales en grande partie unilatérales. Cela est bien sûr particulièrement vrai dans le cas de la Fondation des bourses d'études du millénaire. La structure proposée pour ces bourses d'études est sans contredit ce qui inquiète le plus.

J'appuie les objectifs des bourses d'études en ce qui a trait à l'accroissement de l'accessibilité et à la réduction du niveau d'endettement des étudiants, en tenant compte à la fois des besoins et du mérite scolaire des étudiants. Je considère toutefois qu'il est déplorable, mal à propos et absurde d'ajouter inutilement une couche de paperasserie fédérale à un dossier qui relève à mon avis de la responsabilité provinciale.

Il est également dommage que la méthode de distribution des bourses constitue une intrusion directe dans un domaine de compétence reconnue aux provinces par la Constitution. Je reconnais qu'il y a avait de nombreuses difficultés à ce niveau. Pendant de nombreuses années, le gouvernement fédéral a financé environ la moitié des coûts de l'enseignement postsecondaire au Canada, mais bon nombre des étudiants bénéficiaires n'étaient pas du tout au courant du fait que le gouvernement national offrait cette aide. Il aurait certainement été possible de faire appel à la collaboration entre le gouvernement fédéral et le conseil des ministres de l'Éducation pour mettre sur pied un processus de distribution des bourses d'études basé sur les structures existantes qui aurait garanti que les bénéficiaires de bourses soient au courant de l'importance des contributions de chacun des gouvernements en cause.

Faciliter l'accès à nos établissements d'enseignement postsecondaire est trop important pour que les egos politiques s'opposent à une solution mutuellement acceptable.

Je sais aussi ce qu'ont signifié les coupures du gouvernement pour le régime d'enseignement postsecondaire des provinces. Il a fallu réduire les frais et on a aussi manqué d'argent. Les réductions des ressources des provinces en raison de leur propre lutte contre le déficit ont encore amplifié le problème. Les méthodes utilisées par les différentes provinces ont multiplié les pressions sur l'enseignement postsecondaire.

Certains gouvernements provinciaux ont opté pour une augmentation des frais de scolarité, tandis que d'autres les ont maintenus au même niveau. Au Québec, les frais de scolarité n'ont pas augmenté, ce qui fait que les étudiants n'ont pas la dette de leurs collègues des autres provinces, mais ils sont néanmoins touchés par les autres frais occasionnés par les études, comme le logement et l'accès à la technologie moderne et aux études. Plus important encore, les établissements d'enseignement postsecondaire n'ont pas été convenablement appuyés. Cela a eu un effet négatif sur la qualité de l'enseignement et l'infrastructure de ces établissements. Par exemple, l'Université McGill accuse des déficits énormes et il y a des restrictions sur les options pour les étudiants désirant étudier à l'extérieur du Québec. L'Ontario a proposé des augmentations massives des frais de scolarité dans les collèges professionnels. L'absence d'appui pour les diplômés qui font de la recherche conduit beaucoup d'entre eux à quitter le Canada. L'avantage concurrentiel pour nos entreprises, venant de nos technologies, se trouve ainsi menacé.

Les premiers signes de balkanisation de notre enseignement postsecondaire commencent a se manifester. Le Québec impose déjà des frais de scolarité plus élevés aux étudiants de l'extérieur de la province, et la Colombie-Britannique menace d'en faire autant. C'est pourtant de la folie que d'essayer d'enseigner toutes les spécialités dans chaque région. C'est une garantie de médiocrité. Nous devrions au contraire encourager un système qui permette aux Canadiens d'étudier dans l'établissement qui correspond le mieux à leurs besoins, quel que soit leur emplacement au Canada, voire à l'étranger dans certains cas.

La mobilité interrégionale des étudiants de niveau postsecondaires contribuerait énormément à une meilleure compréhension et à un enseignement plus compétitif. Nous devons nous assurer que nous avons une stratégie nationale cohérente en matière d'enseignement postsecondaire, dans laquelle les deux niveaux de gouvernement seront prêts à s'engager.

Les sénateurs Bolduc et Rivest sont intervenus avec éloquence sur la nécessité de respecter le rôle des provinces en matière d'éducation. Dans son rapport, le comité sénatorial spécial de l'enseignement postsecondaire a exhorté le gouvernement fédéral à mettre en oeuvre une stratégie à long terme pour favoriser le développement futur de notre système d'enseignement postsecondaire. Nous sommes d'avis qu'il serait possible de le faire sans empiéter à tort dans un domaine qui est de compétence provinciale en vertu de la Constitution, tout en garantissant de meilleures relations intergouvernementales dans les questions touchant l'enseignement postsecondaire.

Avec une telle stratégie, je crois que nous pourrions tous avoir meilleur espoir que l'enseignement postsecondaire se développera uniformément et permettra à ce secteur crucial de la société de contribuer comme il doit le faire pour assurer la prospérité du Canada au cours du nouveau millénaire.

Je suis troublée de constater qu'il n'est pas question d'une telle stratégie, ou même d'une reconnaissance de la nécessité de se doter d'une telle stratégie, dans les trois documents auxquels je me suis reportée.

Le gouvernement fédéral laisse entendre que la collaboration avec les provinces, surtout le Québec, a fait défaut. Je ne suis pas d'accord. Un processus politique a été élaboré en vue du millénaire; comme l'enseignement postsecondaire n'était pas au goût du jour, le fonds du millénaire du premier ministre a fait surface. Le comité sénatorial l'a rejeté. Il a refait surface dans un document provisoire avant les dernières élections. De nouveau, nous avons opposé un refus.

Un fonds du millénaire géré par le gouvernement fédéral n'était pas une option, mais le financement versé aux provinces en était une, de même qu'une collaboration et une coordination nécessaires de la part des provinces. À mesure que cette étrange comédie se déroulait sous les yeux des membres de notre comité, tous les fonctionnaires, y compris ceux des provinces, montraient du doigt le conseil des ministres de l'Éducation comme étant le véhicule approprié pour une stratégie nationale.

Son Honneur le Président: Je regrette d'interrompre le sénateur Andreychuk, mais son temps de parole est écoulé.

La permission est-elle accordée au sénateur de continuer, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Andreychuk: Merci.

La stratégie nationale concernant l'enseignement postsecondaire devait être dirigée depuis le conseil des ministres. Elle devait avoir un caractère national et non pas fédéral. La distinction mérite d'être signalée.

Le consensus des provinces et la participation du gouvernement provincial sont nécessaires. Dans un domaine aussi délicat que l'éducation, Ottawa devrait faire preuve de sensibilité. Cela renforcerait la confiance envers le Canada.

Les étudiants se souviendront peut-être d'un chèque signé par M. Chrétien. J'espère que ce ne sera pas un monument à la mémoire de son ego, au détriment des meilleurs intérêts d'un Canada uni. Il n'est pas trop tard pour réaliser les deux, en utilisant l'article 29 du projet de loi C-36 ou en revenant à la solution du conseil des ministres.

Nos efforts seront peut-être vains si le gouvernement fédéral oublie l'avenir des jeunes Canadiens en ne tenant pas compte de la fédération et en ne la respectant pas. La véritable éducation peut se faire par l'exemple. La participation du gouvernement fédéral à l'enseignement postsecondaire est nécessaire, mais le gouvernement ne doit pas usurper le rôle des provinces.

L'éducation est une question personnelle et un sujet très délicat. Le fait que les provinces aient compétence dans ce domaine donne à beaucoup de gens l'assurance de pouvoir contrôler leur propre destinée. Remercions les pères de la Confédération d'avoir placé l'éducation dans le champ de compétence des provinces.

Mes préoccupations concernant la Fondation des bourses d'études du millénaire tiennent également au fait que la fondation sera gérée de façon indépendante. Nous n'avons pas besoin d'un aréopage pour des nouveaux projets de ce genre. Le gouvernement fédéral doit être entièrement responsable des stratégies intégrées d'éducation, d'emploi et de recherche innovatrice, dans un contexte de coopération avec les provinces. Nous n'avons pas à confier notre avenir à un organisme extérieur. Cette tendance qui consiste à nommer des agences, des instituts, des tsars et des groupes pour stimuler la conscience collective du gouvernement est une chose admirable à titre de complément, mais il n'y a pas de substitut à l'administration des affaires par le Parlement.

Chose ironique, tout le monde parle d'une intervention urgente pour les étudiants, pour le Canada, pour l'unité nationale. Or, après toutes les mesures prises, la Fondation des bourses d'études du millénaire n'entrera en vigueur qu'au tournant du siècle, mais nous sentons déjà l'impact négatif des actions politiques au sein de la fondation du millénaire.

C'est pourquoi le moment est venu d'apporter des changements. J'exhorte le gouvernement à travailler avec et non pas contre les provinces, afin d'élaborer une stratégie d'enseignement global à laquelle participeront pleinement le gouvernement fédéral, les provinces et le milieu de l'enseignement postsecondaire. Il n'est pas trop tard. Il existe des moyens d'intégrer le projet de loi C-36.

L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, je suis heureuse d'avoir l'occasion de participer au débat sur le projet de loi C-36, particulièrement en ce qui concerne la Fondation des bourses du millénaire.

Le sénateur Bolduc a parlé longuement du projet de loi C-36 la semaine dernière. Dans son examen de cette mesure législative, il a fait des remarques très sensées au sujet des problèmes liés à l'organisation et à l'administration de la Fondation des bourses du millénaire proposé. Il a également exprimé son inquiétude à l'égard de cette intrusion dans un domaine de compétence provinciale.

J'ai quelques préoccupations additionnelles à soulever au sujet de la Fondation des bourses du millénaire. Premièrement, je traiterai du moment où les dépenses seront faites.

Le gouvernement reconnaît que de nombreux étudiants sont dans une situation critique, et c'est pourquoi il a décidé de créer ce fonds. Ce dernier vise à aider les étudiants dans le besoin, et il y en a beaucoup, ce que nous reconnaissons tous. Des dizaines de milliers d'étudiants sortent des collèges et des universités avec plus de 20 000 $ de dettes. Plus de 20 p. 100 des diplômés n'arrivent pas à rembourser leurs emprunts, et des milliers doivent déclarer faillite. Les institutions financières hésitent de plus en plus à prêter aux étudiants.

Cette situation, honorables sénateurs, est loin de s'améliorer. Au contraire, elle s'aggrave. La hausse des frais de scolarité continue d'être à l'ordre du jour. Pour les programmes de premier cycle, des augmentations de l'ordre de 10 p. 100 semblent être la norme d'un bout à l'autre du pays. Pour les programmes des professions libérales, les augmentations sont beaucoup plus importantes. À l'Université d'Ottawa, les nouveaux étudiants en médecine verront leurs frais de scolarité augmenter de 20 p. 100 l'an prochain. L'Université de Toronto fera plus que doubler les frais de scolarité pour la médecine, le droit et d'autres programmes des professions libérales au cours des deux prochaines années.

Le gouvernement fédéral a créé ce problème des coûts croissants pour les étudiants. Avec les fortes compressions dans les paiements de transfert aux provinces qui ont été prévues dans le budget de 1995 du ministre des Finances, ainsi que les réductions dans le financement de l'enseignement postsecondaire et de la santé, les provinces reçoivent désormais 6 milliards de dollars de moins par année en transferts en espèces. Cela a entraîné la fermeture d'hôpitaux, une hausse des frais de scolarité et l'endettement croissant des étudiants.

Le gouvernement agit de façon honteuse face à cette situation. La Fondation des bourses d'études du millénaire de 2,5 milliards de dollars a été inscrit dans les registres en tant que dépense pour l'année 1997-1998. L'argent a été affecté et le fonds est en banque, et pourtant, pas une seule bourse d'études ne sera remise à un étudiant dans le besoin avant deux ans. Pourquoi? Pourquoi le gouvernement refuse-t-il d'aider les étudiants cette année, ou l'année prochaine, alors qu'il a déjà dépensé l'argent pour le faire? Pourquoi 100 000 étudiants doivent-ils s'endetter encore de milliers de dollars pour chacune des deux prochaines années? En réaction à ce budget, M. Brad Lavigne, président national de la Fédération canadienne des étudiants, a dit:

Nous avons besoin d'un système national de subventions immédiatement, pas en l'an 2000.

Je partage son avis. Le gouvernement a enregistré un excédent de 4 milliards de dollars l'année dernière, et les prévisionnistes s'attendent à un excédent d'environ 10 milliards de dollars au cours de cet exercice, mais le gouvernement refuse d'accorder un sou sur ce fonds des bourses d'études avant l'an 2000.

Ma deuxième préoccupation concerne l'effet de ce programme sur les priorités des provinces. Le gouvernement fédéral a un excédent budgétaire et a déjà mis de l'argent de côté pour les bourses d'études, mais comme il refuse d'aider les étudiants cette année, le gouvernement de ma province, Terre-Neuve et le Labrador, a été obligé de mettre de côté 4 millions de dollars pour l'aide aux étudiants cette année. La province la plus pauvre du Canada accumule un déficit et doit emprunter cet argent. Pourquoi la province devrait-elle s'endetter encore davantage parce que le premier ministre et le ministre des Finances refusent d'aider immédiatement les étudiants?

Je sais que la situation est fort différente au Québec. Les frais de scolarité y sont environ deux fois moins élevés qu'ailleurs au Canada, à moins que l'étudiant ne vienne d'une autre province, mais il s'agit là d'une autre question. Résultat: la dette des étudiants québécois s'élève en moyenne à quelque 11 000 $, soit moins de la moitié de la dette moyenne d'un étudiant d'un autre établissement au Canada. En Colombie-Britannique, on a bloqué les frais de scolarité ces dernières années.

Ces provinces pourraient raisonnablement prétendre que leur priorité pourrait être d'effectuer des dépenses dans d'autres domaines comme les soins de santé. Je vois un certain danger en ce sens que, dans les années à venir, au moins certaines provinces pourraient utiliser le fonds du millénaire comme excuse pour réduire encore davantage le financement de l'enseignement postsecondaire. Cela pourrait entraîner une augmentation encore plus marquée des frais de scolarité et même un accroissement des prêts étudiants. Ces bourses ne s'adresseront qu'à environ 7 p. 100 des étudiants du postsecondaire selon les estimations de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants. Les autres 93 p. 100 de nos étudiants pourraient faire face à un endettement supérieur à l'avenir. Ce pourrait être une conséquence imprévue de ce programme.

Il pourrait y avoir également des changements importants dans le nombre d'inscriptions. Il est possible, en fait, il est probable que les bourses du millénaire inciteront des étudiants du secondaire à poursuivre des études postsecondaires alors qu'ils ne l'auraient pas fait autrement. C'est, bien entendu, tout à fait souhaitable, mais nous devrions reconnaître que les frais de scolarité ne couvrent qu'une partie des coûts de l'enseignement postsecondaire. Un plus grand nombre d'étudiants pourrait signifier pour les provinces des coûts supplémentaires, des coûts que le gouvernement fédéral devrait envisager d'alléger par l'entremise d'une augmentation des paiements de transfert aux provinces au titre de l'enseignement postsecondaire.

Ma dernière préoccupation ne touche pas le fonds du millénaire ou les dispositions du projet de loi C-36, mais plutôt ce que le projet de loi C-36 ne renferme pas, c'est-à-dire une aide utile pour les jeunes Canadiens. En plus des bourses d'études, il y a plusieurs autres mesures dans le budget pour aider les étudiants, soit des subventions pour les étudiants avec des enfants, des crédits d'impôt partiels sur l'intérêt des prêts étudiants, un allégement des intérêts, des périodes de paiement prolongées pour les diplômés à faible revenu, ainsi que des encouragements pour épargner pour l'éducation et un allégement fiscal pour les étudiants à temps partiel.

Tout cela représente des dépenses prévues de 3,15 milliards de dollars dans ce budget pour les étudiants du postsecondaire, mais la majorité des jeunes Canadiens ne poursuivent pas des études postsecondaires. Le taux de chômage chez les jeunes continue de tourner autour des 16 p. 100 au niveau national, mais il est beaucoup plus élevé que cela dans des provinces comme la mienne. La seule nouvelle initiative dans ce budget pour les jeunes chômeurs Canadiens, c'est l'affectation de 50 millions de dollars supplémentaires au Programme pour jeunes à risque qui s'adresse aux décrocheurs qui cherchent à acquérir de l'expérience professionnelle ou à se perfectionner. La majorité des jeunes Canadiens devraient être très déçus que le gouvernement fédéral les ait pratiquement oubliés.

En résumé, honorables sénateurs, c'est une honte nationale qu'un gouvernement qui a maintenant d'importants excédents budgétaires fasse fi pendant encore deux ans d'une crise en ce qui concerne l'endettement des étudiants, dont il est largement responsable. Je constate d'importants problèmes pour les gouvernements provinciaux et je trouve tout à fait regrettable que la majorité de nos jeunes soient laissés de côté.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais moi aussi dire quelques mots au sujet de cette section du projet de loi C-36 portant sur la Fondation des bourses d'études du millénaire. Je répéterai peut-être ce que certaines de mes collègues ont dit. Je ne m'en excuse pas, car certains des opinions exprimées de ce côté-ci me paraissent extrêmement importants. Je vais tâcher autant que possible de ne pas répéter, mais si je le fais, ce sera à dessein.

Quelques-uns de mes collègues ont déjà exposé les raisons expliquant la condamnation universelle que suscite la fondation au Québec, non seulement sous la forme d'une résolution unanime de l'Assemblée nationale, mais aussi de la part de ceux qui y sont directement concernés par l'éducation: les professeurs et les étudiants aussi bien que les administrateurs. Avant d'aborder la question, cependant, je tiens à signaler certains des aspects de la fondation qui, si on les interprète bien, mèneront à la création d'un organisme de plusieurs milliards de dollars, qui n'aura de comptes à rendre à personne d'autre que lui-même et composé de personnes dont l'association avec les objectifs de la fondation n'a qu'à être superficielle au mieux.

La fondation se composera de 15 administrateurs et de 15 membres. Les six premiers administrateurs, dont le président, seront nommés par le gouvernement. Les six premiers membres, nommés eux aussi par le gouvernement, nommeront à leur tour les neuf autres membres après, et je cite le projet de loi:

 

[...] avoir pris des mesures raisonnables pour consulter les ministres provinciaux de même que les représentants d'organisations de leur choix [...]
Les 15 membres nommeront ensuite les neuf derniers administrateurs après avoir, eux aussi, pris des mesures raisonnables et ainsi de suite.

On ne définit nulle part ce qu'il faut entendre par «mesures raisonnables». On ne définit nulle part non plus ce qu'il faut entendre par «organisations de leur choix». Je crois que ces omissions sont voulues.

Le moins qu'on aurait pu espérer, c'est que chaque province et territoire soit représenté au sein du conseil et de la fondation, ce qui aurait permis une participation directe d'une majorité de membres ayant une expérience de première main dans le domaine de l'éducation, qui est après tout un domaine de compétence provinciale exclusive. En réalité, le libellé des articles qui portent sur la composition du conseil et de la fondation est tel que les deux peuvent être formés de personnes plus soucieuses de l'intérêt partisan de la fondation que des vrais besoins des Canadiens en matière d'éducation.

Cette impression est renforcée par les articles 10 et 14, qui disent que les membres du conseil ou de la fondation doivent:

 

[...] (posséder) les connaissances nécessaires concernant le monde de l'éducation postsecondaire et les besoins de l'économie canadienne.
La fondation pourra compter sur un montant pouvant aller jusqu'à 2,5 milliards de dollars qui, avec les intérêts, doivent être versés sur une période de dix ans à compter du jour où la fondation accordera la première bourse. C'est en vain qu'on chercherait une disposition qui guide la politique de placement du conseil. Après tout, il s'agit d'environ 2,5 milliards de l'argent des contribuables, montant déjà mis de côté dans le budget de cette année malgré les vives objections du vérificateur général, qui voit là une dérogation grave aux pratiques comptables de base. Tout ce qu'on peut trouver, c'est l'article 22, qui dit que le conseil doit:

 

[...] établi(r) des principes, normes et procédures de placement sur le modèle de ceux qu'une personne prudente mettrait en oeuvre dans la gestion d'un portefeuille de placements afin, d'une part, d'éviter des risques de perte indus et, d'autre part, d'assurer un juste rendement, compte tenu des obligations réelles et éventuelles de la fondation.
J'ai l'impression qu'on a dû aller chercher cela dans l'un des nombreux prospectus de fonds mutuels qu'on ne retrouve que trop fréquemment sur son bureau. Il n'est pas tenu compte de la limite de dix ans de la fondation ni de la nécessité d'insister sur le revenu. Fait inexplicable, il n'y a aucune restriction sur les types de placement possibles, à l'exception de l'immobilier, et le conseil est autorisé, sans plus de façons, à investir dans tous les titres, partout dans le monde, à sa guise. De plus, il peut agir sans crainte de surveillance de l'extérieur, car, là non plus, le vérificateur général ne pourra pas remplir ses responsabilités même s'il s'agit de deniers publics qui seront exposés à des risques.

Ce qu'on demande au Parlement, c'est d'approuver une fondation qui sera sous la surveillance du gouvernement et qui aura des pouvoirs d'investissement illimités et non assujettis à une supervision externe, des pouvoirs permettant à un groupe d'individus d'investir plus de 2,5 milliards de dollars de deniers publics, des individus dont les compétences se limitent à connaître l'enseignement postsecondaire, ce qui, à mon avis, n'exempte pas un très grand nombre de Canadiens, selon l'interprétation que je fais de ces compétences. Ils n'auront pas besoin d'avoir de l'expérience dans l'évaluation de demandes de bourses ni dans l'octroi de ces dernières. Ils n'auront pas besoin de connaître les modalités d'investissement. J'espère simplement que le comité des finances trouvera des témoins qui pourront réfuter l'évaluation que j'ai faite de certaines dispositions du projet de loi, parce que, dans le cas contraire, cela signifiera que la fondation, telle qu'elle est proposée actuellement, ne devrait pas voir le jour.

Enfin, je signale aux honorables sénateurs certaines remarques qu'a faites récemment le ministre des Affaires intergouvernementales, remarques qui confirment le bien-fondé de certaines inquiétudes exprimées précédemment par un certain nombre de sénateurs de ce côté-ci. Même si je ne suis pas convaincu que le ministre a déjà fait ses preuves comme politicien, j'avoue qu'il connaît bien les questions constitutionnelles et je l'écoute respectueusement lorsqu'il parle à titre d'universitaire.

C'est en cette qualité que, le 28 mai dernier, il a parlé sur le fédéralisme à l'Institut des affaires intergouvernementales de l'Université Queen's. Les extraits que je vais lire ne sont pas, je vous l'assure, tirés de leur contexte:

J'ai soutenu que c'est une question d'identité plutôt que de division des pouvoirs qui est à l'origine de notre problème d'unité nationale. Les Québécois francophones veulent avoir l'assurance que leur langue et leur culture fleuriront avec l'appui des autres Canadiens. Ils veulent avoir la certitude que les autres Canadiens considèrent leur langue et leur culture comme un important atout plutôt que comme un boulet. Ils veulent avoir l'assurance qu'ils peuvent être à la fois Québécois et Canadiens, et ils ne veulent pas avoir à choisir entre le Québec et le Canada.

Le ministre a poursuivi en disant:

La Constitution doit être respectée. Nous devons renoncer à l'excuse trop commode qu'une initiative gouvernementale donnée répond à un besoin trop urgent pour être bloquée par des questions de «compétence». Les empiétements sur les compétences sont source de confusion et nuisent à la qualité des orientations publiques.

Le ministre Dion a ajouté:

Il existe peu de politiques que le gouvernement peut mettre en oeuvre tout seul sans la coopération active des provinces.

Les sphères d'activités autonomes sont importantes dans notre fédération; elles ne doivent pas être inutilement éliminées, ce qui aurait pour effet de nous faire tomber dans ce que les Européens appellent le piège des décisions conjointes.

En recherchant l'action commune, nous devons également tenir compte de la diversité du pays. Les provinces ont leurs propres caractéristiques et, parfois, elles adoptent des politiques différentes. Ainsi, par exemple, les ententes sur la formation de la main-d'oeuvre permettent aux provinces de choisir entre une formule de gestion commune avec le gouvernement fédéral ou une plus grande autonomie. De la même manière, le financement fédéral de la nouvelle prestation pour enfants présente une flexibilité budgétaire permettant aux provinces d'utiliser les fonds en fonction de leurs propres orientations relatives à l'enfance et à la pauvreté familiale.

Comme le prouvent les passages suivants, on peut déceler une approche similaire dans un autre discours que le ministre Dion a prononcé, le 28 mars, à l'Université d'Ottawa:

Permettez-moi de tirer des manchettes un autre exemple qui place notre fédération dans une perspective comparative: les bourses du millénaire. Le gouvernement fédéral a décidé de créer une fondation privée et de lui accorder un financement initial de 2,5 milliards de dollars sur dix ans afin de donner des bourses d'études à des étudiants à revenu faible ou moyen. Le gouvernement fédéral est déterminé à consulter les gouvernements provinciaux afin de s'assurer que la fondation ne fasse pas double emploi, se serve des mécanismes provinciaux existants d'évaluation des besoins et ait le pouvoir de s'entendre avec les autorités provinciales pour choisir les récipiendaires. En outre, le conseil des ministres de l'Éducation du Canada jouera un rôle clé dans le choix des administrateurs de la fondation.

Cela répondrait en soi à beaucoup de préoccupations du Québec, mais figure bien peu dans le projet de loi dont nous sommes saisis.

Le ministre Dion a ajouté ceci:

Le gouvernement du Québec est naturellement préoccupé par le risque de double emploi. En fait, cette province a mis au point un programme très complet de bourses depuis qu'elle a exercé, en 1964, son option de retrait avec compensation financière dans ce domaine. Les gouvernements doivent donc négocier et trouver une solution pour s'aider les uns les autres à venir en aide aux étudiants.

Mais j'ajouterai simplement ici que toutes les fédérations ont un pouvoir fédéral de dépenser, mais que seule notre fédération offre une option de retrait avec compensation financière.

En outre, tout nouveau programme à frais partagés dans un domaine de compétence provinciale exclusive sera conçu de telle sorte que les provinces qui exercent leur option de retrait soient indemnisées pourvu qu'elles offrent des programmes équivalents ou comparables.

Honorables sénateurs, ces sentiments ont été reflétés aux séances du comité mixte spécial qui a examiné une modification à l'article 93 de la Loi constitutionnelle concernant le système scolaire du Québec.

À ce moment et encore devant le comité plénier du Sénat, le ministre a insisté sur le large consensus autour de l'amendement: deux résolutions à l'Assemblée nationale du Québec, un accord général parmi les catholiques et les protestants, des lettres d'appui du président de l'Assemblée des évêques du Québec et de l'évêque anglican de Montréal. Cet appui a été le principal argument an faveur de l'amendement et a été un argument déterminant au moment du vote à l'autre endroit et ici.

Nous sommes aujourd'hui devant une situation semblable. L'Assemblée nationale a condamné à l'unanimité la fondation telle que proposée, tout comme des individus et des groupes qui oeuvrent directement dans le domaine de l'éducation au Québec, qu'il s'agisse d'étudiants, d'enseignants ou d'administrateurs. Pourtant, pour le gouvernement libéral, tout cela ne veut rien dire. En d'autres mots, nous sommes revenus à l'ancienne philosophie libérale centralisatrice dont la devise est: on fait comme je le veux ou on ne fait rien. En termes simples, le gouvernement croit que, en brandissant des chèques, il peut acheter des appuis. Ce qu'il oublie, c'est que, au Québec en tout cas, la responsabilité exclusive, particulièrement dans le domaine de l'éducation, n'est pas un vain mot et n'est certainement pas à vendre.

Le sénateur Lavoie-Roux a déjà lu la motion adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 14 mai dernier. Je recommande à tous les honorables sénateurs de lire les Débats du Sénat demain.

Je termine en disant que, au moment du débat sur l'amendement à l'article 93, le Sénat a tenu compte de la volonté de l'Assemblée nationale et a appuyé cet amendement, en grande partie à cause des résolutions de l'Assemblée nationale. Nous sommes devant une autre résolution unanime de la même Assemblée nationale sur le même sujet, l'éducation, qui est un sujet très cher au coeur des Québécois. Le Sénat peut certainement montrer aujourd'hui le même respect pour l'Assemblée nationale qu'il y a quelques mois.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

 

Renvoi au comité

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Bryden, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des finances nationales.)

 

Le Code canadien du travail
La Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Maheu, appuyé par l'honorable sénateur Fitzpatrick, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-19, Loi modifiant le Code canadien du travail (partie I), la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats et d'autres lois en conséquence.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, le projet de loi C-19, adopté par l'autre endroit, est un autre exemple de texte législatif très mal rédigé, qui est plus que médiocre.

Honorables sénateurs, ce que je vais dire à propos du projet de loi C-19 a trait au processus législatif et à la qualité de l'analyse législative. Je n'ai pas l'intention d'aborder les questions dites de fond. En ce qui concerne ces questions, on peut arguer dans un sens ou dans l'autre. Toutefois, je pense que nous avons ici un échantillon du très mauvais travail législatif qui se fait à l'autre endroit.

Le projet de loi C-19 a été déposé à l'autre endroitle 6 novembre 1997, il y a environ huit mois, dans le but déclaré - comme le dit le communiqué du ministre - de moderniser le Code canadien du travail. Malheureusement, ce projet de loi a été adopté le 26 mai par la Chambre des communes. Si les honorables sénateurs le lisent - ce que de toute évidence peu de députés de l'autre endroit ont fait - ils verront qu'il est rédigé dans des termes qui s'adressent à un sexe particulier, ce qui est inexcusable. Les députés devraient avoir honte, tout comme les fonctionnaires du ministère du Travail qui ont participé à sa rédaction.

Honorables sénateurs, je ne condamne pas le ministre du Travail. Comme j'ai déjà été sous-ministre, je sais comment un projet de loi prend forme dans un ministère. Dans le cas qui nous intéresse, c'est le ministère du Travail et les agents de ce ministère qui ont proposé une ébauche de projet de loi et qui ont donné aux rédacteurs législatifs du ministère de la Justice des instructions pour produire le texte du projet de loi. Je n'interviens pas ce soir pour condamner le ministre pour la piètre formulation de ce projet de loi, mais des têtes devraient tomber au ministère du Travail ou au ministère de la Justice pour la piètre qualité du travail effectué.

Un mot au sujet de nos collègues législateurs de l'autre endroit et de leur incapacité à examiner attentivement les projets de loi. Honorables sénateurs, le chef de l'opposition de l'autre endroit donne souvent l'impression que le Sénat du Canada n'est pas, au sein de notre Parlement, une seconde chambre efficace. Quand je pense à la piètre qualité de la rédaction des projets de loi que la chambre basse étudie et approuve, je me demande à quel point le chef de l'opposition et ses collègues à l'autre endroit sont efficaces. Se donnent-ils même la peine de lire les projets de loi dont ils sont saisis? Assistent-ils aux débats sur ces projets de loi? Quelle sorte d'analyse des textes législatifs font-ils en comité?

Je veux être juste, honorables sénateurs, parce que je crois que, depuis 131 ans, la liberté a eu beaucoup de succès au Canada et que ce succès, nous le devons peut-être à notre système de gouvernement. Il se peut que notre démocratie parlementaire soit excellente. Le Sénat canadien est peut-être un élément efficace dans l'équilibre des forces du système de gouvernement que prévoit la Confédération canadienne. Le rôle que joue le Sénat en tant que Chambre de seconde réflexion qui se penche sur le travail législatif de l'autre endroit a peut-être été un moyen efficace pour donner au Canada les meilleures lois possibles.

Honorables sénateurs, regardons le projet de loi C-19. J'ai déclaré que c'était une mesure bien mauvaise. Voici un autre exemple ou une autre étude de cas classique qui confirme pourquoi il est très important que le Sénat agisse comme Chambre de seconde réflexion ou d'examen des mesures législatives.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Kinsella: Le Sénat peut montrer son efficacité en corrigeant le libellé sexiste disgracieux qui caractérise le projet de loi C-19. Si nous ne le faisons pas, nous manquerons au devoir qui incombe à la chambre d'examen efficace des mesures législatives.

Pour ce qui est de l'art de rédiger des lois, les honorables sénateurs seront déçus de découvrir que les modifications du projet de loi C-19 qui touchent plus de 15 articles du Code canadien du travail sont rédigées dans un libellé sexiste. En examinant le projet de loi et le Code canadien du travail, on est renversé de constater le libellé sexiste désuet d'un grand nombre des articles du code.

Honorables sénateurs, il est clair que ces articles doivent être modifiés. Cela va de soi. Cette impression est également renforcée par le discours du Trône, dans lequel le gouvernement indiquait sa volonté de moderniser le Code canadien du travail. Lorsque le ministre du Travail de l'époque, M. MacAulay, a présenté le projet de loi C-19, qui a précédé le projet de loi C-66, il a déclaré que le Code canadien du travail n'avait pas fait l'objet d'un examen sérieux depuis 25 ans et que le moment était venu de le moderniser.

Ces faits, en soi, prouvent la nécessité de modifier le Code du travail. Le discours du ministre et le discours du Trône indiquaient que le projet de loi vise à moderniser le Code du travail, et cela justifie d'autant, a fortiori, les amendements de forme que le Sénat doit apporter au projet de loi.

Honorables sénateurs, il ne s'agit pas ici d'une affaire de partisanerie, mais d'une affaire qui met en évidence la raison d'être même du Sénat. Le projet de loi doit être vu par rapport aux autres projets de loi que le Sénat a améliorés, notamment le projet de loi C-70 concernant l'harmonisation des taxes de vente, qui a permis à ma région de faire des progrès considérables; le projet de loi C-41 concernant le divorce; le projet de loi C-24 concernant la Loi sur les juges et, plus récemment, le projet de loi C-4 visant à modifier la Loi sur la Commission canadienne du blé. Les honorables sénateurs se souviendront que lorsque tous ces projets de loi sont arrivés au Sénat, les ministres responsables sont intervenus énergiquement pour que nous les adoptions. Ces projets de loi étaient pour eux des mesures incontournables et le leader suppléant du gouvernement au Sénat a été soumis à des pressions pour que ces mesures soient adoptées.

Or, le Sénat a constaté que ces projets de loi avaient des lacunes et devaient être améliorés. Le projet de loi adopté à l'autre endroit comportait des lacunes de fond aussi bien que de forme. Nous avons fait notre travail, comme je suis certain que nous le ferons dans le cas du projet de loi actuel, et nous avons remédié à ces lacunes.

Honorables sénateurs, outre la question du libellé et compte tenu du fait que l'autre endroit et le ministre, ainsi que ses fonctionnaires, ont pu bénéficier de l'étude du projet de loi C-66 au Sénat avant les dernières élections, je ne peux m'empêcher de m'interroger au sujet de la sagacité des rédacteurs du projet de loi, en ce qui concerne non seulement le libellé, mais également sur le fond.

Comprenez que je dis simplement que, lorsqu'ils ont rédigé le projet de loi C-19, les intéressés avaient en main l'étude que le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie avait déposé au Sénat. Vous vous rappelez que c'était le dix-septième rapport de ce comité au cours de la dernière législature. Les ministériels formaient la majorité au comité. Le comité a soumis un rapport unanime qui renfermait de très importantes recommandations.

Dans le cadre de l'étude par le comité du projet de loi C-66 et du rapport qui a été déposé au Sénat le 25 avril 1997, le comité recommandait des améliorations dans un certain nombre de domaines, comme le respect de la vie privée, l'accréditation et les travailleurs de remplacement.

Honorables sénateurs, la première version du projet de loi C-19 sur laquelle les fonctionnaires du ministère et le ministre à l'autre endroit ont travaillé ne tenait pas compte des préoccupations que nous avions soulevées au sujet du respect de la vie privée. Lentement, la lumière a commencé à se faire sur cette question, et les députés ont commencé à comprendre ce que le comité sénatorial disait au sujet du respect de la vie privée des employés dans le cadre de la négociation collective. Lorsque le comité de la Chambre a étudié ce projet de loi, on a enfin donné suite à nos recommandations. La Chambre a modifié le projet de loi en ce qui concerne la question du respect de la vie privée en fonction de ce que nous avions dit.

L'un des domaines importants qu'on devait étudier, selon notre comité, était la question de l'accréditation. On peut se demander ce que les rédacteurs de ce projet de loi ont appris de l'étude du Sénat en ce qui concerne l'accréditation d'un syndicat qui est contraire au vote majoritaire des employés. À la lecture du projet de loi, on s'aperçoit qu'ils ont appris très peu de nous.

En effet, l'article 46 du projet de loi C-19 dit ceci:

Le conseil est autorisé à accorder l'accréditation même sans preuve de l'appui de la majorité [...]

Honorables sénateurs, dans son rapport sur le projet de loi C-66, notre comité a dit clairement que nous étions fortement en faveur du principe de l'appui de la majorité comme base de l'accréditation. C'est le principe auquel le Sénat, par l'entremise de son comité, avait souscrit. Nous avons donc un principe accepté par le Sénat par l'intermédiaire de son rapport et un projet de loi basé sur le principe contraire.

Honorables sénateurs, comment pouvons-nous adopter le projet de loi C-19 à l'étape de la deuxième lecture alors qu'il s'agit d'accepter le projet de loi en principe? Comment pouvons-nous accepter cela alors que nous avons dit publiquement que nous souscrivions au principe contraire de l'appui de la majorité comme base de l'accréditation d'un syndicat?

De plus, le rapport du comité sénatorial sur le projet de loi C-66 reflétait une grande prescience de la part du Sénat lorsqu'il a recommandé:

 

[...1 dans son interprétation et application de l'article 99.1, le Conseil canadien des relations industrielles respecte les conclusions du Groupe de travail Sims, soit que ce recours inhabituel doit être réservé aux cas de «conduite vraiment intolérable» de la part de l'employeur.
En s'attaquant à cette question de principe, notre comité a ajouté que, si le Conseil continuait de faire fi de la volonté démocratique des employés, on devrait alors supprimer cette disposition. C'est ce que nous avions dit déjà.

Son Honneur le Président: Je regrette d'interrompre le sénateur, mais son temps de parole est écoulé.

Honorables sénateurs, autorisez-vous le sénateur Kinsella à continuer?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kinsella: Étant donné la situation en Ontario et en Colombie-Britannique, on devrait accepter le conseil de notre comité. Il n'y a que deux endroits en Amérique du Nord où l'on permet à un conseil des relations de travail de passer outre à la majorité et d'accréditer un syndicat.

La solution au problème, honorables sénateurs, est de ne pas inclure ce principe antidémocratique, mais d'exiger du conseil qu'il tienne un autre scrutin. Ce deuxième scrutin devrait respecter toutes les exigences d'un vote dans une société libre, c'est-à-dire être secret et tenu dans des conditions où il n'y ait pas de risques d'intimidation.

En supposant que nous acceptions cette mesure antidémocratique - contrairement aux principes qui nous sont chers au Sénat - une mesure qui permet au conseil de passer outre à un vote, nous donnerions au Conseil canadien des relations industrielles des pouvoirs énormes que même Salomon hésiterait à utiliser. Cela soulève la question de l'expertise et de l'expérience de tous les membres d'un conseil doté de tels pouvoirs.

Comme vous le savez, honorables sénateurs, le projet de loi C-19 n'exige une expérience dans les relations de travail que du président et du vice-président. Étant donné le pouvoir que le projet de loi donne au conseil, il ne serait pas déraisonnable d'avoir des membres connaissant les règles de la justice naturelle et ayant de l'expérience dans les relations de travail. N'est-il pas plus que raisonnable de vouloir un conseil hautement qualifié, considérant son pouvoir de passer outre à la démocratie?

C'est ce qu'ont demandé certains groupes qui ont étudié le projet de loi C-66. C'était un principe admis et défendu par le gouvernement à l'époque où le projet de loi S-5 a été rappelé. Dans les discussions sur le projet de loi S-5, modifiant la Loi sur les droits de la personne et créant les nouveaux tribunaux des droits de la personne, le gouvernement a dit que ces tribunaux étaient importants et que nous devions les doter de personnel ayant beaucoup de connaissances et d'expérience. Il a jugé que l'expérience et les connaissances requises exigeaient que ces personnes soient membres du barreau. Vous vous souviendrez que nous en avions discuté. Le gouvernement a fait valoir, et de façon convaincante, puisque le projet de loi S-5 est maintenant loi, que certains tribunaux administratifs comme le Tribunal des droits de la personne et, dans le cas présent, le nouveau Conseil canadien des relations industrielles devaient pouvoir compter sur des spécialistes. Si ce tribunal peut faire fi de la démocratie, c'est une raison de plus de faire en sorte qu'il puisse compter sur les connaissances de spécialistes.

Honorables sénateurs, un certain nombre d'autres enjeux méritent d'être discutés, mais j'ai dépassé mon temps de parole. Il y a aussi la question des travailleurs de remplacement, entre autres. Malheureusement, il ne semble pas que beaucoup de sénateurs participeront à ce débat de principe, à l'étape de la deuxième lecture. C'est malheureux, surtout que nous avons en cette enceinte d'anciens ministres du Travail et quelques distingués collègues qui comptent parmi les plus grands juristes du Canada en droit du travail. Il aurait été utile de profiter de leurs connaissances.

Essentiellement, j'ai démontré, honorables sénateurs, que nous débattons du principe du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. L'un des principes a trait au processus d'accréditation, qui permet de faire fi des principes démocratiques. Le principe du projet de loi contredit ce que le Sénat défendait dans le dix-septième rapport du comité des affaires sociales présenté durant la dernière législature. J'ai aussi démontré la piètre qualité du libellé et le fait que les termes employés ne désignent pas indifféremment les deux sexes. Tous ces éléments doivent être corrigés.

 

Motion d'amendement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Je propose donc, avec l'appui de l'honorable sénateur DeWare:

Que le projet de loi C-19, Loi modifiant le Code canadien du travail (partie I), la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats et d'autres lois en conséquence, ne soit pas maintenant lu une deuxième fois mais que l'objet du projet de loi soit renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix: Non

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux sénateurs s'étant levés.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai reçu une lettre me prévenant que le sénateur Gigantès est officiellement le whip du parti ministériel.

Êtes-vous d'accord pour que le timbre retentisse pendant cinq minutes?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Le timbre retentira pendant cinq minutes; le vote aura lieu à 22 h 21.

(La motion d'amendement est rejetée à la majorité.)

 

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk, Beaudoin, Berntson, Bolduc, Buchanan, Cohen, Comeau, DeWare, Grimard, Gustafson, Johnson, Keon, Kinsella, Lavoie-Roux, LeBreton, Lynch-Staunton, Murray, Nolin, Spivak, Tkachuk-20 

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams, Austin, Bacon, Bryden, Butts, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Cook, Cools, Corbin, Fairbairn, Ferretti Barth, Fitzpatrick, Gigantès, Graham, Hervieux-Payette, Johnstone, Joyal, Kenny, Kirby, Losier-Cool, Maheu, Moore, Pépin, Pearson, Perrault, Poulin, Prud'homme, Robichaud (L'Acadie-Acadia), Rompkey, Stewart, Taylor, Watt-34 

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucune

 

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous passons maintenant à la motion principale.

Si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, je vais mettre la motion aux voix.

L'honorable sénateur Maheu, appuyée par l'honorable sénateur Fitzpatrick, propose que ce projet de loi soit lu une deuxième fois.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois avec dissidence.)

 

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

 

La Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada

Projet de loi modificatif-Troisième lecture

L'honorable Thelma J. Chalifoux propose: Que le projet de loi C-12, Loi modifiant la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, soit lu une troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

 

Projet de loi sur l'Agence Parcs Canada

Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Ross Fitzpatrick propose: Que le projet de loi C-29, Loi portant création de l'Agence Parcs Canada et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, c'est un honneur pour moi que de prendre la parole au Sénat aujourd'hui pour traiter du projet de loi C-29, Loi portant création de l'Agence Parcs Canada, en deuxième lecture.

Depuis plus d'un siècle, le gouvernement du Canada s'emploie à protéger les zones naturelles exceptionnelles et à commémorer des aspects importants de l'histoire du Canada. Le Canada est reconnu au niveau international comme un chef de file mondial dans la gestion des zones patrimoniales protégées. Notre réseau de parcs nationaux et de lieux historiques nationaux fait la gloire du Canada. Tout a commencé en 1885, lorsque 26 kilomètres carrés ceinturant quelques sources thermales minérales, près de l'endroit connu actuellement sous le nom de Banff, en Alberta, ont été mis de côté à l'usage du public. Aujourd'hui, Parcs Canada gère plus de 38 parcs nationaux, 130 lieux nationaux possédés et exploités par Parcs Canada - y compris 9 canaux historiques - quelque 660 lieux historiques nationaux exploités par des tiers, et trois aires marines nationales de conservation.

Les responsabilités de Parcs Canada ne s'arrêtent pas là. L'organisme gère également 165 gares de chemin de fer patrimoniales, 27 cours d'eau patrimoniaux, plus d'un millier d'édifices fédéraux patrimoniaux ainsi qu'un dynamique programme fédéral d'archéologie.

Douze lieux canadiens revêtent une telle valeur universelle qu'ils ont été désignés sites du patrimoine mondial par l'UNESCO. Ces lieux représentent un aspect particulier de la gérance assurée dans le cadre du programme Parcs Canada du ministère du Patrimoine canadien.

Au total, les parcs nationaux et les sites historiques nationaux reçoivent plus de 24 millions de visiteurs par an. L'activité économique qu'ils génèrent est extrêmement importante. Au cours de l'exercice 1994-1995, les visites aux parcs nationaux et aux sites historiques nationaux ont rapporté plus de deux milliards de dollars en recettes directes et indirectes.

Parcs Canada emploie actuellement environ 5 000 personnes, dont plus de 1 000 à titre de travailleurs saisonniers. Plus de90 p. 100 de ces personnes dévouées travaillent à l'extérieur de la région de la capitale nationale.

Il s'agit, cela va s'en dire, honorables sénateurs, d'un organisme canadien qui a peu d'équivalents vu l'ampleur de son champ d'action, le grand nombre de ses employés et la multitude de ses biens.

Ajoutons une autre différence. Une société est comptable envers ses actionnaires de la valeur des biens qui lui appartiennent. Parcs Canada est comptable envers tous les Canadiens de la valeur inestimable de notre patrimoine national et du tissu même de notre histoire.

Nous sommes tous des actionnaires des biens que le programme gère. Nous avons tous notre mot à dire dans la façon dont la société doit assumer ses responsabilités et protéger ses biens pour les générations à venir. Voilà pourquoi le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui revêt une telle importance.

Dans le budget du 6 mars 1996, le gouvernement annonçait son intention de créer une agence Parcs Canada. Le projet de loi C-29 permettra au programme de devenir une nouvelle entité gouvernementale adaptée à notre époque et aux circonstances économiques actuelles.

La création de la nouvelle agence procurera trois avantages clés qui garantiront le maintien d'une excellente intendance du patrimoine précieux maintenant confié à Parcs Canada. Premièrement, l'Agence Parcs Canada sera une organisation autonome chargée de rendre des comptes à la ministre du Patrimoine canadien et, par le fait même, au Parlement, une organisation capable de prendre les décisions qui s'imposent dans des délais plus opportuns et moyennant des coûts moins élevés pour les contribuables canadiens. Deuxièmement, la nouvelle agence pourra offrir en permanence des services efficaces et efficients aux visiteurs des parcs et des lieux historiques nationaux ainsi que des autres lieux patrimoniaux protégés. Troisièmement, l'Agence Parcs Canada aura de nouveaux pouvoirs financiers et la latitude voulue pour conserver et réinvestir les recettes. Des crédits pourront ainsi servir à créer de nouveaux parcs et lieux historiques nationaux ainsi que d'autres lieux patrimoniaux protégés, d'un océan à l'autre.

Le mandat du programme ne changera pas une fois que la nouvelle entité aura vu le jour. La loi portant création de la nouvelle agence appuiera et renforcera, dans la mesure du possible, le mandat actuel.

L'Agence canadienne des parcs sera mieux placée pour continuer de remplir sa mission à l'égard du réseau actuel de parcs nationaux, de lieux historiques nationaux et d'autres lieux patrimoniaux protégés du Canada. Elle continuera de fournir des services de qualité aux Canadiens et aux visiteurs et travaillera à la création de réseaux de parcs nationaux, de lieux historiques nationaux et d'aires marines de conservation. Elle continuera de renforcer et de refléter les valeurs et l'identité du Canada, d'accroître la fierté des Canadiens, et de favoriser l'unité canadienne, et elle assurera une contribution permanente au tourisme et à l'économie aux niveaux national et local.

En conclusion, honorables sénateurs, l'étendue et la grandeur de nos parcs et lieux historiques nationaux, ainsi que des autres lieux patrimoniaux protégés - sans oublier la passion et le dévouement des intervenants - sont une source d'inspiration.

Ces endroits bien spéciaux méritent qu'on adopte des mesures particulières en vue d'assurer leur protection et leur préservation pour que les générations futures continuent d'en jouir, tout comme les Canadiens en profitent et en sont fiers aujourd'hui. Ces endroits spéciaux méritent l'attention d'un organisme spécial et spécialisé dont le seul objectif et la seule fonction seraient de les développer, de les promouvoir et de les présenter aux Canadiens et au monde entier. Nous devons nous assurer que le programme des parcs et les gens qui en sont responsables ont les outils nécessaires pour que les Canadiens puissent continuer de jouir de ces endroits extraordinaires au pays.

Honorables sénateurs, chacun de nos parcs nationaux est un écosystème unique mais caractéristique qui doit constamment se renouveler pour pouvoir survivre. Les organismes qui les gèrent doivent aussi pouvoir se renouveler, et c'est pourquoi nous mettons sur pied la nouvelle Agence canadienne des parcs. Le Service canadien des parcs est le plus vieux service du genre au monde. Il a un passé glorieux et un avenir prometteur.

La création de l'agence constitue un important pas en avant, un pas qui permettra de garantir que nous pourrons remplir nos obligations envers les Canadiens et le monde pour protéger et conserver nos symboles les plus durables et les plus chers. Le projet de loi C-29 est un excellent exemple d'une mesure législative qui représente et reflète les besoins et les valeurs des Canadiens.

Honorables sénateurs, je suis fier de présenter ce projet de loi en deuxième lecture au Sénat. Je suis persuadé que les sénateurs sauront en reconnaître l'importance. En appuyant le projet de loi C-29, nous, sénateurs, pouvons participer au renouvellement de l'organisme auquel les Canadiens ont confié leurs chers parcs nationaux, leurs lieux historiques et les autres secteurs protégés de leur patrimoine.

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné.)

 

La Loi sur le Nunavut
La Loi constitutionnelle de 1867

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'honorable Willie Adams propose: Que le projet de loi C-39, Loi modifiant la Loi sur le Nunavut et la Loi constitutionnelle de 1867, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, je veux dire quelques mots sur le projet de loi C-39, qui modifie la Loi sur le Nunavut et la Loi constitutionnelle de 1867. Je me réjouis de proposer que ce projet de loi soit lu une deuxième fois au Sénat.

Le 1er avril 1999, le Nunavut sera à la veille d'une nouvelle ère. Un nouveau gouvernement sera né. Ce gouvernement sera en grande partie entre les mains des Inuits de l'Est de l'Arctique, un peuple qui attend depuis les débuts de la Confédération de reprendre la maîtrise de ses institutions, de ses affaires régionales et de son avenir.

Ce gouvernement devra rendre des comptes à la population du Nunavut dès son arrivée au pouvoir. Par-dessus tout, il devra avoir une assemblée législative élue. Honorables sénateurs, je vous exhorte à adopter rapidement le projet de loi dont nous sommes maintenant saisis.

Près de cinq ans ont passé depuis que les deux Chambres ont unanimement adopté la Loi sur le Nunavut, une mesure législative historique qui modifiera la carte du Canada pour la première fois en 50 ans. Ces cinq dernières années ont été une période intensive de planification, de consultation et de négociation dans le Nord - un processus beaucoup plus complexe, compte tenu des réalités d'un gouvernement moderne, que ne l'avait été la division des Territoires du Nord-Ouest visant à créer le Yukon, le Manitoba, l'Alberta et la Saskatchewan.

Au moment où nous nous réunissons aujourd'hui, il reste moins d'un an avant la création du Nunavut. Le 1er avril 1999, après plus de deux décennies de négociations et d'efforts, les Inuits et les autres habitants de l'est de l'Arctique reprendront la maîtrise de leurs affaires locales et de leur avenir politique. Je sais que ce renforcement du gouvernement et de la responsabilité politique du Nord est quelque chose que tous les sénateurs peuvent et vont appuyer.

Je voudrais prendre quelques minutes pour donner un aperçu du nouveau gouvernement du Nunavut, afin que les honorables sénateurs puissent comprendre ce qui justifie l'adoption de ce projet de loi. Le gouvernement du Nunavut aura le même statut et les mêmes pouvoirs que ceux actuellement conférés aux gouvernements des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon. Il comprendra une assemblée législative élue, un Cabinet, une cour territoriale et une fonction publique.

Les Inuits seront toutefois nettement majoritaires dans le nouveau territoire et ils pourront s'exprimer au sein du gouvernement en élisant démocratiquement des représentants qui feront part de leurs vues et de leurs aspirations.

Depuis quatre ans, la Commission d'établissement du Nunavut, sous la direction de M. John Amagoalik, a conseillé le Canada, la Nunavut Tunngavik et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest sur un certain nombre de questions liées à l'établissement du Nunavut. La commission a fait un excellent travail en consultant les parties visées et en formulant des recommandations équilibrées, abordables et réalistes.

Il y a environ un an, M. Jack Anawak a été nommé commissaire intérimaire; il a été chargé de mettre en oeuvre certaines de ces recommandations et d'exécuter diverses fonctions de transition importantes qui sont énoncées dans la Loi sur le Nunavut. Le travail de M. Anawak est de veiller à ce qu'un gouvernement et une fonction publique fonctionnels soient en place au Nunavut le 1er avril 1999. C'est une tâche difficile, compte tenu des délais serrés et du manque d'administrateurs publics compétents et expérimentés au Nunavut. Quoi qu'il en soit, des progrès sont réalisés quotidiennement.

Le concept de la structure gouvernementale abordable et rentable a été établi. Iqaluit a été choisie comme capitale. Des sous-ministres ont été recrutés, et l'infrastructure du nouveau gouvernement et de ses employés est mise en place à Iqaluit et ailleurs. Plus de 500 habitants du Nunavut reçoivent actuellement une formation en vue de leur nouvel emploi.

On peut maintenant avoir l'assurance que la date cible du1er avril 1999 sera respectée. Cependant, pour que le Nunavut puisse, lorsqu'il verra le jour, s'appuyer sur un gouvernement entièrement fonctionnel et viable, il faut régler un certain nombre de problèmes de transition importants par le biais de modifications à la Loi sur le Nunavut.

Le projet de loi C-39 permettra des élections anticipées au Nunavut de sorte que le nouveau gouvernement territorial puisse se réunir le 1er avril 1999. L'idée d'élections anticipées a été appuyée par tous les chefs politiques au Nunavut afin de renforcer la capacité de contrôle politique, d'autonomie et de responsabilité du territoire dès son établissement. Sans cette disposition, il faudrait attendre au milieu de l'été de 1999 avant que le nouveau territoire bénéficie du leadership d'une assemblée législative élue.

Si l'on veut que des élections se tiennent au début de 1999, il faut les organiser et les préparer dès maintenant. La nécessité de mettre une machine électorale en branle d'ici quelques semaines est une des raisons fondamentales pour lesquelles nous cherchons à faire adopter rapidement le projet de loi C-39. Le projet de loi renferme également des dispositions visant à assurer la continuité et la stabilité de la gestion et de l'administration publique une fois que le nouveau territoire sera établi. Par exemple, le projet de loi C-39 clarifie l'octroi de l'antériorité des lois des Territoires du Nord-Ouest au Nunavut et la création d'un système judiciaire similaire à celui des Territoires du Nord-Ouest. Ces dispositions sont importantes pour assurer que le Nunavut possède un système juridique fiable et efficace le 1er avril 1999.

Le projet de loi C-39 précise également de quelle façon on traitera les affaires administratives et judiciaires en cours. Il établit clairement les pouvoirs du commissaire provisoire, qui joue un rôle essentiel dans l'établissement du Nunavut. Par exemple, certaines dispositions donnent au commissaire provisoire un pouvoir plus clair de passer des contrats de fourniture de biens et de services et de conclure des ententes intergouvernementales qui lieront le nouveau gouvernement au cours de la période précédant l'établissement du Nunavut.

Dès le premier jour de son existence, le gouvernement doit disposer de ce dont il a besoin pour exercer son activité. À cette fin, le Bureau du commissaire provisoire et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest négocient actuellement le partage de l'actif et du passif. C'est une solution nordique visant à ce que le gouvernement du Nunavut dispose d'une part équitable des éléments d'actif, y compris les véhicules, le mobilier de bureau et les ordinateurs.

Le projet de loi C-39 prévoit la cession des baux du gouvernement du Canada à celui du Nunavut pour les bureaux et les immeubles qui sont construits spécialement pour le nouveau gouvernement territorial. Ainsi, le gouvernement fédéral ne sera pas responsable des coûts de location.

En vertu d'une autre disposition du projet de loi C-39, les conventions collectives signées par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest devront être respectées par le gouvernement du Nunavut. Cette modification prévoit également la prolongation des conventions au-delà de leur date d'expiration prévue, avec le consentement du gouvernement du Nunavut et le syndicat en cause, évidemment.

Enfin, le projet de loi apportera des modifications à d'autres lois fédérales par suite de la création du territoire du Nunavut. Par exemple, nous proposons de modifier la Loi constitutionnelle de 1867 pour garantir, tant au Nunavut qu'aux Territoires du Nord-Ouest, la représentation à la Chambre des communes et au Sénat. Même si nous avons notre propre gouvernement, nous voulons aussi être représentés au Parlement.

L'objectif global de ces modifications est d'obtenir une certitude et une prévisibilité maximales pour le processus de transition. Les modifications sont conformes aux engagements pris envers les Inuits du Nunavut, et elles n'altéreront en rien les engagements du Canada dans le cadre de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut envers les peuples autochtones voisins qui utilisent les terres et les eaux du Nunavut.

Le projet de loi C-39 est ce qu'on appelle communément un projet de loi d'ordre administratif, mais il ne faut pas en sous-estimer l'importance. Cette mesure législative est essentielle à la création en douceur du Nunavut et au bon départ du nouveau gouvernement territorial.

Pour les habitants de l'est et du centre de l'Arctique, la création du Nunavut, c'est comme s'ils rentraient chez eux. Le Nunavut est une patrie où ils pourront rester fidèles à leur langue et à leur culture ancestrales tout en profitant des possibilités qu'offrent les nouvelles technologies. Les habitants de l'Arctique ne sont plus isolés. Nos gens peuvent se servir d'ordinateurs dans les écoles et les bureaux.

Honorables sénateurs, nous ne quittons pas le Canada. Nous continuons d'en faire partie, et nous aurons part à l'avenir du Canada et du territoire du Nunavut.

Le projet de loi C-39 jette les fondements d'un nouveau partenariat entre les Inuits du Nunavut et le Canada, partenariat qui repose sur le respect, la reconnaissance et la responsabilité mutuels, et sur le partage.

Le ministre a répondu au rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones en janvier dernier. Nous savons tous ce qui s'est passé dans les pensionnats, et nous voulons que quelqu'un rende des comptes. L'adoption du projet de loi C-39 est un progrès important dans la poursuite de cet objectif.

Je me permets de rappeler aux honorables sénateurs que le projet de loi à l'étude jouit d'un énorme soutien dans le Nord, sans oublier la majorité des témoins qui ont comparu devant le comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de la Chambre des communes.

John Amagoalik travaille sur le projet de loi depuis août 1996. Les modifications ont fait l'objet de beaucoup de réunions et de conférences téléphoniques. Il a fait un excellent travail.

Le directeur exécutif d'Inuit Tapirisat du Canada, Alan Braidek, s'est également prononcé en faveur des modifications. Il a rappelé au comité permanent que la création du territoire du Nunavut était l'un des objectifs initiaux de son organisation.

Dans l'ensemble, les observations faites au comité permanent ont servi à souligner le ferme appui dont jouit le projet de loi et la nécessité d'agir rapidement.

Il est essentiel que toutes les parties coopèrent si nous voulons ménager une transition sans heurt au moment de la création du Nunavut. J'invite les sénateurs à participer avec moi à cet effort de coopération en appuyant pleinement le projet de loi C-39 à l'étape de la deuxième lecture, pour que ce projet de loi soit renvoyé rapidement au comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

L'honorable Janis Johnson: Honorables sénateurs, je suis très heureuse d'exprimer mon soutien au projet de loi C-39, la Loi sur le Nunavut, qui en est à l'étape de la deuxième lecture. Ce projet de loi est la dernière étape d'un processus amorcé il y a de nombreuses années en vue de la création d'un nouveau territoire dans le nord du Canada. Ce projet de loi s'inscrit dans la tradition d'édification du Canada et des institutions démocratiques canadiennes.

De ce côté-ci du Sénat, nous félicitons le gouvernement pour être allé de l'avant et avoir mené à bien le processus d'établissement du nouveau territoire. Comme nous le savons tous, une bonne partie du travail, comme le règlement des revendications territoriales et l'adoption de la loi habilitante pour le processus qui nous a menés ici aujourd'hui, a été faite par le gouvernement progressiste-conservateur précédent.

Les deux partis politiques représentés au Sénat, en dépit de leurs différences idéologiques, croient à l'édification du Canada. Nous croyons à l'autonomie gouvernementale pour les peuples autochtones du Canada. Nous croyons que nos peuples autochtones devraient être représentés dans le Nord dans leur propre institution parlementaire. C'est ce désir de bâtir le Canada qui sépare les partis représentés au Sénat du Bloc québécois et du Parti réformiste.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Johnson: Il est important de raconter l'historique de la proposition de création du Nunavut. C'est une longue histoire de consultations et de compromis dont le résultat bénéficie tant aux habitants du Nord qu'à l'ensemble des Canadiens.

En 1976, Inuit Tapirisat du Canada, une organisation inuite nationale, a proposé la création d'un nouveau territoire dans le nord du Canada. Pour les Inuits, c'était l'évolution normale dans le Nord puisque les Territoires du Nord-Ouest actuels avaient été créés par la division de la Terre de Rupert et du territoire du Nord-Ouest. Les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta aussi ont été créées par la division de cet immense territoire.

Parallèlement à l'établissement des frontières de cette grande région, un système de gouvernement a émergé au fil des ans. Les Territoires du Nord-Ouest ont été administrés directement par le gouvernement fédéral jusque dans les années 1950. Le conseil territorial, qui était à l'origine composé de fonctionnaires supérieurs, est devenu un conseil territorial élu en 1975. Pendant cette période, les Territoires du Nord-Ouest ont commencé à récupérer d'Ottawa de plus en plus de responsabilités dans la gestion de leurs affaires, notamment en éducation, dans les services sociaux et dans l'établissement d'administrations municipales.

Même avant que l'organisme Inuit Tapirisat recommande, en 1976, la création d'un nouveau territoire, la commission Carruthers, nommée par le gouvernement fédéral, avait dit dans son rapport, en 1976, que la création d'un nouveau territoire était inévitable, mais que ce nouveau territoire devrait avoir son propre gouvernement représentatif élu.

En 1982, on a tenu un plébiscite dans les Territoires du Nord-Ouest pour déterminer le niveau d'appui à l'égard de la division du territoire. Bien que l'idée ait été appuyée par une majorité globale de seulement 56,6 p. 100, l'appui était particulièrement fort dans l'est de l'Arctique. Le principe de la création d'un nouveau territoire a été acceptée à la fois par le gouvernement fédéral et par le gouvernement territorial. Après de longues discussions, qui ont été infructueuses, le gouvernement fédéral a chargé John Parker, ancien commissaire des Territoires du Nord-Ouest, de déterminer une frontière acceptable entre l'Est et l'Ouest. Sa recommandation a été approuvée lors du plébiscite de mai 1992.

La création du Nunavut a également été appuyée dans l'entente de principe signée en 1990 pour régler les revendications territoriales des Inuits. Les négociations ont pris fin en décembre 1991, et l'entente a été signée officiellement en octobre 1992. Cette entente engageait les partis à négocier un accord politique qui établirait comment le Nunavut serait créé. Cette entente de règlement des revendications territoriales a été ratifiée par une majorité écrasante d'électeurs dans les Territoires du Nord-Ouest en novembre 1992.

Durant la première moitié de 1993, la mesure législative nécessaire à la création de ce nouveau territoire a été présentée par le gouvernement progressiste conservateur et adoptée par le Parlement. La Loi sur le Nunavut, que le projet de loi C-39 cherche à modifier et qui établit le cadre juridique pour le nouveau gouvernement territorial, a reçu la sanction royale le 10 juin 1993.

Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui est le fruit du travail de la Commission d'établissement du Nunavut, du gouvernement fédéral, du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et de la société Nunavut Tunngavik Incorporated. Il vise la mise en place d'une structure de gouvernement d'ici le 1er avril 1999. Le projet de loi nécessite donc la tenue d'élections territoriales avant cette date pour permettre l'établissement d'un gouvernement et d'une législature avant le 1er avril 1999.

Je signale que le projet de loi traite d'un certain nombre de questions transitoires et de l'établissement d'une fonction publique au Nunavut pour appuyer le nouveau gouvernement. Le projet de loi C-39 contient des articles sur la transition qui prévoient de nouveaux tribunaux, l'administration de la justice, le partage des actifs du territoire, le maintien des conventions collectives et le transfert de questions législatives de l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest à celle de Nunavut.

L'optimisme que suscite cette grande entreprise dans le Nord, dans l'est aussi bien que dans l'ouest des Territoires du Nord-Ouest, m'encourage beaucoup. Le plan d'action adopté par l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest, qui porte sur le nouveau territoire, stipule ceci:

Les habitants de l'Ouest affrontent la division à partir d'une position de départ forte. L'Ouest est riche en ressources naturelles et il existe un grand potentiel d'emplois pour les générations actuelle et à venir. Nous avons un gouvernement qui a élaboré un caractère nordique unique au fil de plusieurs décennies. Nous avons maintenant l'occasion de le développer davantage pour mieux l'adapter aux habitants du nouveau territoire de l'Ouest au seuil du nouveau millénaire.

Cet optimisme est partagé par ceux qui participent à la création du Nunavut. Dans son témoignage devant le comité permanent des affaires autochtones de l'autre endroit, Alex Campbell, de la Nunavut Tunngavik, a déclaré:

Le Nunavut aura un gouvernement représentatif souhaité depuis longtemps. Le Nunavut aura des effectifs représentatifs croissants qui s'occuperont des affaires du gouvernement territorial grâce à un gouvernement décentralisé entre onze localités. Le nouveau territoire encouragera, protégera et préservera la langue et la culture dans le milieu de travail, dans nos lois et parmi nos citoyens grâce à la prestation de programmes et de services. Comme toujours, le Nunavut profitera des leçons du passé pour faire du Nunavut un endroit où il fait mieux vivre. Tels sont la volonté et le désir des Inuits du Nunavut.

De même, le porte-parole de la Commission d'établissement du Nunavut a appuyé dans son témoignage le projet de loi C-39 en disant y voir un juste équilibre entre les points de vue concurrents défendus par ceux qui participent à la création du Nunavut.

Il serait naïf de croire que la création de ce nouveau territoire se fera sans problème. Ce sera coûteux, et j'espère que le gouvernement pourra continuer à trouver les moyens nécessaires pour soutenir le nouveau gouvernement du Nunavut ainsi que le gouvernement qui continuera à siéger à Yellowknife. Pour que les assemblées législatives et les gouvernements puissent fonctionner d'une façon efficace pour desservir la population du Nord, il faudra beaucoup de ressources et de formation.

Tout le monde le sait, la population de ce vaste territoire atteint à peine 25 000 habitants, dont la vie est sérieusement affectée par le chômage, le suicide, l'alcoolisme et la toxicomanie. Le nouveau gouvernement aura à relever d'énormes défis. Il lui faudra avant tout attirer et développer l'industrie. Si le nouveau gouvernement réussit à régler le problème du chômage, bien d'autres problèmes se régleront tout seuls.

Nous croyons dans l'autonomie gouvernementale des autochtones. Le Nunavut en sera un exemple concret. Il continuera cependant d'avoir besoin de l'aide soutenue du gouvernement fédéral, ainsi que d'une surveillance continue des problèmes qui vont de pair avec une telle autonomie.

J'aimerais que l'on procède à un examen de la mise en oeuvre de la Loi sur le Nunavut tous les cinq ans. Il ne saurait être question de diviser ainsi les Territoires du Nord-Ouest et de faire d'importants débours sans examens approfondis. Je propose donc au gouvernement et au comité sénatorial permanent des peuples autochtones que l'on procède à cet examen tous les cinq ans afin de déterminer ses points forts et ses lacunes et d'y apporter les correctifs nécessaires.

Il s'agit d'une expérience, et il y a donc lieu de vérifier de temps à autre si l'expérience mérite d'être poursuivie. Je suis néanmoins persuadée que la population du Nord canadien, si elle dispose de l'autonomie gouvernementale et de l'appui voulus, saura opérer un changement radical dans l'environnement socio-économique de l'Arctique de l'Est.

Avant de conclure, honorables sénateurs, j'aimerais attirer votre attention sur deux questions qui, à mon avis, touchent à la rédaction du projet de loi C-39. Je les soulève ce soir afin que la ministre et ses fonctionnaires soient prêts à y répondre s'ils comparaissent devant le comité.

Le premier problème se trouve à la page 18 du projet de loi C-39, entre les articles 19 et 20. Le projet de loi C-39, dans sa forme actuelle, donne l'impression que l'article 20 est une modification non corrélative de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers, mais ce n'est pas le cas. Bien que l'article 19 modifie la Loi sur les ressources extracôtières, l'article 20 apporte des modifications corrélatives au Code criminel. Le problème de rédaction est que les articles 20, 21, 22, 23, 24 et 25 du projet de loi C-39 concernent tous des modifications corrélatives du Code criminel, bien qu'ils figurent sous la rubrique Loi de mise en oeuvre de l'Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers. Pour plus de clarté, sinon par souci de bonne rédaction législative, ce problème devrait être résolu.

Le second point concerne la création d'un nouveau siège au Sénat, par le truchement d'une loi ordinaire qui vise à modifier la Loi constitutionnelle de 1867. Je sais que les sièges du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest au Sénat ont été créés par une loi ordinaire que le Parlement fédéral a adoptée en 1975, la Loi constitutionnelle (No 1) de 1975. À l'époque, c'était la façon appropriée de faire les choses. Toutefois, en 1982, pour le meilleur et pour le pire, le Canada a rapatrié la Constitution et adopté une formule de modification.

Aux termes de l'alinéa 42(1)c), la formule de modification générale s'applique au nombre de sénateurs auquel une province a droit. Je ne suis pas convaincu que les articles 21 et 28 de la Loi constitutionnelle de 1867 puissent être modifiés de manière à permettre la création d'un siège supplémentaire au Sénat, simplement en disposant, comme l'article 44 du projet de loi C-39, qu'une province peut être assimilée à un territoire pour les fins de la Loi d'interprétation. J'espère qu'une solution satisfaisante sera trouvée à l'étape de l'étude en comité.

En terminant, en mon nom et au nom de l'opposition officielle au Sénat, je voudrais offrir mes meilleurs voeux au peuple du prochain territoire du Nunavut qui s'engage dans cette aventure nouvelle et excitante.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne veut prendre la parole, plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

 

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des peuples autochtones.)

 

Privilèges, Règlement et procédure

L'Étude du cinquième rapport du comité-Report du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Maheu, appuyée par l'honorable sénateur Ferretti Barth, tendant à l'adoption du cinquième rapport du comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure (présences aux séances du Sénat), présenté au Sénat le 3 juin 1998.-(L'honorable sénateur Pitfield, c.p.).

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, ce débat a été ajourné au nom du sénateur Pitfield. Je crois que le sénateur sera présent demain. Si je ne m'abuse, nous avons convenu jeudi dernier d'attendre son retour pour aller de l'avant avec le rapport.

(Le débat est reporté.)

[Français]

 

Projet de loi visant à changer le nom de certaines circonscriptions électorales

Adoption du rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du neuvième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles portant sur le projet de loi C-410, Loi visant à changer le nom de certaines circonscriptions électorales, présenté au Sénat le 8 juin 1998.

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je propose l'adoption de ce rapport.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

[Traduction]

 

Recours au Règlement

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je trouve regrettable que, souvent, nous ne recevions pas d'exemplaires des rapports lorsqu'ils sont déposés et lus. Ce soir, le rapport sur le projet de loi C-410 n'a pas été distribué. Comme j'en connais le contenu, je ne m'en formalise pas, mais, par courtoisie pour les sénateurs à qui on demande d'adopter le rapport, on pourrait déposer un exemplaire sur nos bureaux avant que nous ne prenions une décision.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Je suis d'accord.

Son Honneur le Président: La proposition semble raisonnable.

(Sur la motion du sénateur Nolin, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

 

La loi canadienne sur les droits de la personne

Projet de loi modificatif-Adoption du rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du huitième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi S-11, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'ajouter la condition sociale comme motif de distinction illicite, avec un amendement), présenté au Sénat le 4 juin 1998.

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je propose l'adoption de ce rapport.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la troisième lecture est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

 

Agriculture et forêts

L'étude de l'état actuel et des perspectives d'avenir des forêts-Adoption du rapport du comité demandant l'autorisation d'engager du personnel et de se déplacer

Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts (budget - étude de l'état actuel et des perspectives d'avenir des forêts) présenté au Sénat le 14 mai 1998.

L'honorable Leonard J. Gustafson propose: Que le rapport soit adopté.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

 

La Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension
La Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières

Projet de loi modificatif-Message des communes

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension et la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières, accompagné d'un message où elles disent avoir adopté le projet de loi sans proposition d'amendement.

[Français]

 

Projet de loi sur les lettres et billets de dépôt

Message des communes

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes un message informant le Sénat qu'elle retourne le projet de loi S-9, Loi concernant les lettres de dépôt et les billets de dépôt et modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques, et informe le Sénat qu'elle a adopté le projet de loi sans amendement.

[Traduction

L'Office d'investissement du régime de pensions du Canada

Rapport du comité des banques et du commerce-Motion demandant une réponse du gouvernement-Ajournement du débat

L'honorable David Tkachuk, conformément à l'avis donné le 3 juin 1998, propose:

Que, dans les 90 jours de l'adoption de la présente motion, le Leader du gouvernement communique au Sénat la réponse du gouvernement au onzième rapport du comité sénatorial permanent des banques et du commerce, intitulé «L'Office d'investissement du régime de pensions du Canada: partir du bon pied», déposé au Sénat le 31 mars 1998.

- Honorables sénateurs, j'ai donné avis de cette motion mercredi dernier. Quelque deux mois et demi ont passé depuis que le comité des banques a remis son onzième rapport. Nous n'avons toujours pas reçu de réponse du ministre responsable sur ce qu'il entend faire.

Le rapport a été déposé au Sénat après consentement unanime du comité - et je souligne unanime. Il est resté à l'étude au Sénat pendant le temps maximum pour permettre aux voix dissidentes de se faire entendre. Honorables sénateurs, personne n'a parlé. Mardi dernier, le Sénat a adopté le rapport.

Au cours d'un débat dans cette Chambre en décembre dernier, on nous a dit qu'il était essentiel que ce projet de loi soit adopté. Le ministre nous a promis qu'on accorderait une grande importance à l'étude qui en serait faite. C'est là toute la raison de l'entente que nous avons alors conclue en vue de permettre au comité du Sénat d'étudier le rapport. Nous l'avons fait. Nous comprenons également qu'aucun conseil d'administration ni aucun président n'a encore été élu. Il semble donc que cette question ne soit pas urgente à ce moment-ci. Peut-être - et j'espère que cela s'avérera - le ministre est-il prêt maintenant à accepter nos recommandations sur la façon de choisir le conseil d'administration. Si c'est ce qui explique le retard, nous en sommes heureux.

Honorables sénateurs, je ne suis pas assez naïf pour croire que les promesses sont toujours tenues. Toutefois, je me fais une gloire de dire qu'ici, au Sénat, lorsqu'on donne sa parole, même s'il s'agit d'un adversaire politique, c'est un engagement. Je suis persuadé que le ministre Martin pense de même. Je crois que, dans ce dossier, nous serons tous en faveur de cette résolution parce que tous les membres du comité des banques ont appuyé le rapport présenté au ministre et que le Sénat l'a adopté la semaine dernière.

Avec cet appui des deux partis représentés au Sénat, nous recommandons fortement que l'on réponde aux recommandations adoptées par cette Chambre. Je vous exhorte à appuyer cette motion.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le débat est ajourné.)

 

Affaires étrangères

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable John B. Stewart, conformément à l'avis donné le 4 juin 1998, propose:

Que le comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à siéger à 16 heures le mardi 9 juin 1998, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, c'est un cas où l'exception à la règle générale s'applique. Le sénateur Stewart a fait savoir qu'il y aurait des visiteurs spéciaux au Canada et qu'ils comparaîtront devant le comité des affaires étrangères à 16 heures. Ces distingués visiteurs ne sont ici qu'aujourd'hui et demain. C'est le genre de circonstances qui, nous l'avons déjà dit, justifient une exception à la règle. Nous n'avons aucune objection.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)

 


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