Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 92

Le mardi 17 novembre 1998
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mardi 17 novembre 1998

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Madame Elsie Wayne, députée

Le lancement d'un ouvrage biographique

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, je voudrais attirer votre attention sur le lancement d'un livre publié aux éditions Neptune Publishing et écrit par Mme Linda Hersey, de Saint John, au Nouveau-Brunswick, le vendredi 4 novembre 1998.

La biographie, intitulée Elsie, raconte l'histoire d'une ménagère qui s'est hissée de la quasi-obscurité à d'éminentes fonctions politiques. L'auteur écrit:

Originaire de Saint John, Elsie Wayne a marqué l'histoire en devenant la première femme à être élue mairesse, un poste qu'elle a conservé pendant quatre mandats consécutifs.

Mme Wayne a été élue à la Chambre des communes il y a cinq ans et demi en tant que députée du Parti progressiste-conservateur. Samedi dernier, elle achevait son intérimat à la tête du Parti progressiste-conservateur du Canada. On peut lire dans le livre qu'«Elsie, esprit libre, a sa façon bien à elle de voir les choses». Le livre poursuit ainsi:

En définitive, peu soucieuse de se faire des amis ou des ennemis, Elsie est toujours prête à prendre position et à prendre des décisions. Elle a cette qualité de ne jamais se dégonfler, ce qui lui a valu un énorme respect.

Selon sa biographe:

Elsie Wayne ne perd pas de temps à essayer de se comprendre; elle n'est pas une femme compliquée. Elle a d'elle-même une vision aussi franche que l'approche qu'elle adopte dans tout ce qu'elle fait. Elle fonce droit devant, toutes voiles dehors.

Le journaliste Don Richardson, spécialiste des questions politiques, écrit dans le Saint John Times Globe:

La députée de Saint John s'est fait connaître sous un seul nom, Elsie, comme tout le monde l'appelle. Le style bagarreur de Mme Wayne a fait d'elle la coqueluche de la presse nationale.

L'ancien premier ministre Brian Mulroney déclarait:

Lorsque Elsie était mairesse, elle s'était probablement dit qu'au lieu d'aborder cent sujets différents, elle devrait n'en aborder qu'un mais y revenir sans cesse jusqu'à ce qu'elle obtienne gain de cause, et passer ensuite à autre chose. Elle est venue à bout de moi à plusieurs reprises.

Cette biographie autorisée de Mme Elsie Wayne nous donne un aperçu de la vie d'une femme bagarreuse, énergique, une meneuse infatigable, défenseur de Saint John, au Nouveau-Brunswick, et fière Canadienne. L'ouvrage illustre sa devise: Elsie est Elsie et elle fait les choses à sa manière.

 

L'honorable Calvin Woodrow Ruck
L'honorable Erminie J. Cohen

Hommages

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends aujourd'hui la parole pour vous entretenir de deux réceptions qui ont eu lieu récemment en l'honneur de deux de nos sénateurs. Le premier est une femme conservatrice et juive. L'autre est un homme libéral et noir. Leur contribution exceptionnelle à leurs communautés ethniques respectives a été soulignée.

La première réception avait été appelée:

Soirée de reconnaissance envers le sénateur Calvin W. Ruck.

La soirée a eu lieu à Halifax, en Nouvelle-Écosse, le 17 octobre 1998. Voici ce que j'ai dit lorsque j'ai été invité à commenter la vie et les nombreuses réalisations de l'honorable sénateur Ruck:

Sa nomination au Sénat, en juin dernier, a été un honneur bien mérité pour un homme qui a tant fait pour aider tant de gens. Sa manière propre de voir les choses fera de lui un atout précieux pour le gouvernement fédéral et plus spécialement pour le Sénat.

D'autres ont loué son dévouement à la lutte contre les inégalités raciales et à la promotion des droits de la personne. Parmi les autres invités qui ont pris la parole, notons le lieutenant-gouverneur, J. James Kinley, et le premier ministre, Russell MacLellan.

Le sénateur Ruck a été commissaire aux droits de la personne et travailleur social. Il a fait beaucoup de bénévolat dans sa collectivité et il a même écrit un livre sur les contributions militaires des Noirs canadiens durant la Première Guerre mondiale. Après avoir été témoin pendant des années des souffrances causées par les inégalités raciales, il est devenu un chef de file dans la lutte contre ces inégalités.

J'ai également assisté à Saint John, au Nouveau-Brunswick, à une soirée en l'honneur du sénateur Erminie J. Cohen. À son dîner annuel sur le Néguev, le Jewish National Fund a rendu hommage au dévouement du sénateur Cohen à l'égard de la collectivité juive du Canada. Le sénateur Cohen a pu choisir un projet que le fonds pourrait soutenir et elle a choisi un projet de reboisement. On va planter 25 000 semis dans le désert du Néguev, sur une surface qui portera le nom de forêt du Nouveau-Brunswick en hommage à la province du sénateur Cohen.

Parmi les 450 invités au Trade and Convention Centre de Saint John, il y avait David Sulton, ambassadeur d'Israël au Canada, ainsi que le conférencier invité Joe Schleisinger, de la Société Radio-Canada. M. Schleisinger a noté à quel point le sénateur Cohen avait réussi à bien équilibrer sa vie très diversifiée:

La politique n'est qu'une partie essentielle de tant d'autres activités d'Erminie Cohen, qui est également épouse, mère, militante au niveau communautaire, défenseur des pauvres et des causes touchant les femmes, écrivain, Néo-Brunswickoise, juive, et par-dessus tout, Canadienne.

Il a ajouté que sa plus grande réussite avait été de rassembler ses nombreuses identités dans une vie riche et réussie.

(1410)

Le sénateur Cohen appuie les opprimés et les aide à s'en sortir. Elle a été un chef de file dans le règlement des questions comme la violence familiale, l'égalité, les droits de la personne et la pauvreté. Comme l'honorable sénateur DeWare l'a récemment déclaré, «elle défend les opprimés». C'est pourquoi son travail est si apprécié et si utile.

J'ai été très heureux, honorables sénateurs, de participer aux célébrations en l'honneur de ces deux grands sénateurs. Les collectivités ethniques auxquelles ces deux sénateurs appartiennent - et, en fait, tous les Canadiens - ont profité de leurs contributions et de leur lutte ardue en faveur d'une amélioration des conditions sociales. J'exhorte tous les honorables sénateurs à se joindre à moi pour les féliciter tous deux pour l'excellent travail accompli.

 


Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant que nous ne passions au prochain point à l'ordre du jour, je voudrais vous signaler la présence à notre tribune d'éminents visiteurs. Il s'agit d'un groupe de hauts fonctionnaires de la Douma de l'Assemblée fédérale de Russie. Ils sont ici dans le cadre d'un programme d'échange avec le Parlement russe.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat.

 

Le Programme d'échange de pages avec la Chambre des communes

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je voudrais également profiter de l'occasion pour vous présenter les pages qui sont parmi nous cette semaine dans le cadre d'un programme d'échange avec la Chambre des communes.

[Français]

Kimberly Amyotte est inscrite à la faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa. Elle se spécialise en psychologie industrielle. Elle est native de Campbell's Bay, au Québec.

[Traduction]

Sarah Govan, de Montréal, au Québec, est inscrite à l'Université Carleton, à la faculté des affaires publiques et de la gestion, et elle se spécialise en journalisme.

Nous vous souhaitons la bienvenue au Sénat et nous espérons que vous passerez une agréable semaine avec nous.

 


AFFAIRES COURANTES

Garde et droit de visite des enfants

Rapport du comité mixte spécial demandant l'autorisation de reporter le dépôt de son rapport final

L'honorable Landon Pearson, coprésidente du comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants, présente le rapport suivant:

Le mardi 17 novembre 1998

Le comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants à l'honneur de présenter son 

PREMIER RAPPORT

Conformément à l'ordre de renvoi reçu du Sénat le 28 octobre 1997 et à celui reçu de la Chambre des communes le 18 novembre 1997, le comité a examiné la question des dispositions relatives à la garde et au droit de visite des enfants après une séparation et un divorce et a convenu:

Que le comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants soit autorisé à poursuivre ses délibérations au-delà du 30 novembre 1998 et qu'il présente son rapport final au plus tard le 11 décembre 1998.

Un exemplaire du procès-verbal pertinent est déposé à la Chambre des communes.

Respectueusement soumis, 

La coprésidente,
LANDON PEARSON

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce rapport sera-t-il étudié?

(Sur la motion du sénateur Pearson, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la séance de jeudi prochain, 19 novembre 1998.)

 

Les travaux du Sénat

L'ajournement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h)du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à demain, mercredi 18 novembre 1998, à 13 h 30.

Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, dois-je comprendre que la sanction royale est provisoirement prévue pour demain après-midi, à 15 h 15? Dans l'affirmative, pendant combien de temps madame le leader adjoint du gouvernement croit-elle que la cérémonie de demain va durer de façon à ce que les comités et leurs présidents puissent planifier leurs travaux?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Murray a raison: la sanction royale semble prévue pour demain après-midi à 15 h 15. Toutefois, si nous nous en tenons à l'horaire habituel dans ces circonstances, nous devrions être libres vers 15 h 30.

(La motion est adoptée.)

 

La Loi sur l'accès à l'information

Projet de loi modificatif-Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi sur l'accès à l'information.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance de jeudi prochain, 19 novembre 1998.)

 

La Loi sur les juges

Projet de loi modificatif-Message des Communes

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes le projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur les juges et d'autres lois en conséquence, accompagné d'une message ou elles disent avoir adopté les amendements apportés par le Sénat à ce projet de loi, sans autres amendements.

 

Agriculture et forêts

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose:

Que le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à siéger aujourd'hui à 16 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

 

Les Nations Unies

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels-Les réponses récentes à des questions du comité-Avis d'interpellation

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, je donne avis que, le jeudi 19 novembre prochain, j'attirerai l'attention du Sénat sur les réponses aux questions supplémentaires posées par le comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels relativement au troisième rapport du Canada sur le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

 


[Traduction

PÉRIODE DES QUESTIONS

Le solliciteur général

La commission d'enquête sur le traitement infligé par la GRC aux manifestants lors de la conférence de l'APEC-La pertinence du forum-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

(1420)

Le gouvernement croit-il toujours que la Commission des plaintes du public contre la GRC est l'organisme le mieux indiqué pour enquêter sur les prétendues violations des droits de la personne durant la conférence de l'APEC à Vancouver, étant donné tous les éléments d'information qui font surface autour de cet incident?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Je répondrai par l'affirmative, honorables sénateurs.

Le sénateur Kinsella: Le 7 novembre, un article a été publié dans les médias, selon lequel un ancien analyste principal et enquêteur de la Commission des plaintes du public contre la GRC, un certain François Lavigne, aurait dit que la GRC traite le personnel de la commission avec mépris et refuse souvent de dévoiler le contenu des dossiers. Selon Lavigne, l'ancien président de la commission aurait ordonné à des employés de réécrire des rapports et de changer les conclusions lorsque celles-ci étaient défavorables aux agents de la GRC. Lavigne aurait dit ceci:

La Commission des plaintes du public contre la GRC n'est pas un organisme indépendant. Ses enquêteurs n'ont aucun pouvoir. Elle ne remplit pas du tout le rôle pour lequel elle a été créée au départ. Elle fait un travail bâclé.

Compte tenu de ces commentaires qui viennent d'un membre de la commission, le leader du gouvernement pourrait-il expliquer pourquoi le gouvernement continue de croire que la commission se montrera équitable et impartiale?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, encore une fois, je répondrai par l'affirmative. Je suis sûr que la Cour fédérale et la commission sauront résoudre les problèmes auxquels elles font face.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, l'honorable leader du gouvernement compte maintenant sur la Cour fédérale. Étant donné que le gouvernement défend maintenant cette position, qui diffère de son ancienne position où il s'appuyait sur l'enquête de la Commission des plaintes du public contre la GRC et où il maintenait qu'il n'était pas nécessaire de fournir les services d'un avocat aux étudiants sous prétexte que l'enquête de la commission était informelle, le leader du gouvernement, qui compte maintenant sur la Cour fédérale pour garantir les principes d'équité, de justice et d'application régulière de la loi, ne convient-il pas que les audiences de la Cour fédérale sont un processus formel? On peut difficilement dire que c'est un processus informel et le principe de l'égalité devant la loi exige donc que les étudiants soient représentés par un avocat. Le gouvernement va-t-il maintenant changer d'avis et fournir aux étudiants les services d'un avocat?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, la réponse est non parce que, comme on l'a déjà expliqué, le solliciteur général a écrit directement au président de la commission.

Dans ma réponse de tout à l'heure, j'ai mentionné la Cour fédérale, en plus de la commission, uniquement pour dire que les avocats représentant la GRC avaient proposé un autre ajournement et avaient aussi demandé à la Cour fédérale d'examiner l'impartialité du président de la commission.

 

La commission d'enquête sur le traitement infligé par la GRC aux manifestants lors de la conférence de l'APEC-Les propos du ministre concernant le président de la commission-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, si la Cour fédérale est maintenant saisie de deux questions fondamentales portant sur la pertinence de la commission et sur la possibilité de sa partialité, il va sans dire que la nécessité pour les étudiants d'être représentés par un avocat devant ce tribunal est une nécessité qui s'ensuit du changement de forum. Cependant, dans sa réponse, l'honorable leader du gouvernement au Sénat a parlé de communications entre le solliciteur général et le président de la Commission des plaintes du public contre la GRC, M. Morin.

Le 12 novembre, honorables sénateurs, soit au cours de notre congé, M. Dick Proctor, député néo-démocrate, a rapporté dans une déclaration faite sous serment les grandes lignes de la conversation qu'il avait entendue par hasard entre le solliciteur général et son ami avocat, Fred Toole. Dans cette déclaration, M. Proctor mentionne que le solliciteur général Scott et son voisin de banquette s'étaient moqués du président de la commission, le même Gérald Morin, en particulier des difficultés financières de ce dernier. M. Proctor a également affirmé dans sa déclaration que le solliciteur général avait qualifié l'aspersion de gaz poivré comme étant la «première ligne de défense».

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il dire aux honorables sénateurs si le gouvernement rejette maintenant le compte rendu que M. Proctor a fait de M. Scott, le solliciteur général? Est-ce que le fait de ridiculiser les difficultés personnelles du président de la Commission des plaintes du public, M. Morin, ne traduit pas un certain mépris pour la présidence de la commission?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois comprendre que le solliciteur général a reçu et, bien sûr, examiné le contenu de la déclaration sous serment de M. Proctor. Il n'a cependant pas encore décidé s'il fera une déclaration sous serment pour répliquer.

Je crois aussi comprendre que le conseiller juridique de la Commission des plaintes a fixé au 18 novembre, c'est-à-dire à demain, la date limite pour le dépôt des déclarations sous serment. Attendons de voir ce qui se produira demain.

 

La défense nationale

L'envoi d'hélicoptères militaires pour aider le Honduras et le Nicaragua ravagés par l'ouragan-La position du gouvernement

L'honorable Orville H. Phillips: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. La tempête tropicale Mitch a semé le chaos au Nicaragua et au Honduras, surtout en ce qui a trait aux transports, puisqu'il a détruit des routes et des ponts. Le Canada a déjà fourni une première tranche d'aide de 9 millions de dollars, à laquelle s'est ajoutée l'aide des organismes de charité. Le Canada vient d'annoncer une aide supplémentaire de 100 millions de dollars sur une période de quatre à cinq ans. Il a aussi envoyé dans la région une unité médicale des Forces canadiennes.

Les Canadiens apprécient ces gestes. Toutefois, pour que les provisions puissent être livrées dans les régions les plus reculées, il faut des hélicoptères. Le Mexique a fourni des hélicoptères militaires à cette fin. Le gouvernement du Canada envisage-t-il de fournir des hélicoptères militaires qui s'ajouteraient à ceux qui ont été fournis par le Mexique?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur d'avoir posé cette question et d'avoir porté l'affaire à l'attention de nos collègues.

Mon collègue a raison quand il dit que le gouvernement s'est engagé à verser 9 millions de dollars, par l'intermédiaire de l'Agence canadienne de développement international. À l'origine, la somme était de 1 million, mais le gouvernement y a ajouté 8 millions. De plus, la ministre Marleau a annoncé une initiative relative au remboursement de la dette commerciale du Honduras, qui s'élève à 29,5 millions de dollars, et son appui à une proposition de rééchelonnement de la dette multilatérale pour les pays sinistrés. En fait, le gouvernement a suspendu le versement des intérêts sur la dette du Honduras et il se pourrait qu'il y ait de nouveaux développements à ce sujet. De plus, la ministre a aussi annoncé que l'Agence canadienne de développement international redistribuerait les fonds de manière à fournir 100 millions de dollars de plus à l'Amérique centrale au cours des quatre prochaines années.

Pour ce qui est des hélicoptères, je crois savoir qu'au moins cinq hélicoptères Griffon ont été envoyés dans la région pour appuyer les efforts de reconstruction.

Le sénateur Phillips: Honorables sénateurs, pourquoi ne pas fournir des hélicoptères Labrador, un appareil nettement supérieur aux fins du transport de provisions et des opérations de recherche et de sauvetage?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je suis heureux de constater que le sénateur Phillips fait confiance aux hélicoptères Labrador. Il me fera plaisir de faire part de ses observations aux ministres qui coordonnent les efforts d'aide dans le cadre du terrible désastre qui a touché cette partie du monde.

 

L'approbation officielle du programme de remplacement des hélicoptères Sea King-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, nous savons maintenant que le ministre de la Défense nationale a presque abandonné l'idée de persuader ses collègues du gouvernement de réorienter une partie de l'excédent budgétaire de quelque 10,5 milliards de dollars amassé dans les six premiers mois de l'année. Il reste encore six mois dans l'année et plusieurs autres six mois par la suite. Le ministre ne semble pas non plus très confiant de convaincre ses collègues de consacrer une partie de cette somme à l'augmentation des salaires et des prestations qu'il appuie d'ailleurs.

En ce qui a trait au remplacement des hélicoptères embarqués, le ministre se souviendra qu'il y a quatre ans environ, dans le livre blanc sur la défense, on nous demandait de trouver immédiatement des options et des plans qui permettraient de mettre en service de nouveaux hélicoptères à prix abordable au plus tard à la fin de la décennie. Nous savons maintenant que le terme «immédiatement» couvrait une période d'environ quatre ans.

Le ministre est-il prêt à faire comprendre à ses collègues du Cabinet qu'il n'en coûte rien de demander des appels de propositions pour le remplacement des Sea King? Je ne demande pas au gouvernement de dépenser de l'argent maintenant. Simplement d'approuver le projet. Cela n'a pas été fait encore. Le gouvernement n'a pas encore confirmé qu'il était prêt à remplacer les Sea King. Cette étape a délibérément été omise.

Le ministre est-il prêt à discuter avec ses collègues de la possibilité de mettre au point un programme approuvé qui permettrait au personnel de la Défense nationale d'étudier ce qui est offert dans le monde et de déterminer qui serait le mieux en mesure de remplir nos exigences lorsque nous serons en mesure de passer aux actes? À ce moment-là, nous aurons au moins déjà franchi cette étape qui peut durer de six mois à un an. Cela ne coûtera rien.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur Forrestall d'avoir porté cette question à mon attention. Le gouvernement a pour principe, avant de lancer un appel d'offres, de prévoir un budget, de voir d'où viendra l'argent et de définir les coûts. Pas plus tard que la semaine dernière, le ministre de la Défense nationale était en Nouvelle-Écosse. Il a dit qu'il voulait faire avancer le projet de remplacement des hélicoptères Sea King le plus rapidement possible.

Le sénateur Forrestall: Cela fait plus de deux ans qu'on attend!

Le sénateur Graham: Je pense que la lenteur du processus nous impatiente tous un peu, mais je puis assurer l'honorable sénateur que la stratégie d'acquisition pour remplacer les Sea King fait actuellement l'objet de discussions. Le ministre Eggleton n'a pas renoncé à remplacer les hélicoptères ni à améliorer la rémunération des membres des forces armées. Il défend ces dossiers avec acharnement et vigueur auprès de ses collègues du Cabinet.

Ce matin encore, avant la réunion du Cabinet, j'ai eu l'occasion d'en parler avec le ministre de la Défense nationale et il n'y a pour lui rien de plus prioritaire que les questions soulevées cet après-midi par l'honorable sénateur.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, je suis sûr que dans son esprit, il n'y a rien de plus prioritaire, mais là n'est pas la question. Le problème, c'est que nous ne gérons pas les risques, nous les prenons. Ce n'est pas loin de devenir immoral, voire même carrément scandaleux et criminel. Il ne coûterait rien d'approuver le programme, ce serait une première étape, et le public verrait que nous avons franchi la première étape.

Est-ce que le ministre pourrait au moins faire cela?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je me ferai un plaisir de porter cette question à l'attention non seulement du ministre de la Défense nationale, mais aussi de mes autres collègues qui sont directement touchés.

 

Le développement des ressources humaines

La réforme du système de numéros d'assurance sociale-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Dans son édition du 4 novembre, le Globe and Mail publiait un article dénonçant l'insouciance du gouvernement face aux problèmes relatifs au système de numéros d'assurance sociale. En dépit des nombreuses failles connues du système, qui donnent lieu à des fraudes et à l'inscription de citoyens décédés, le gouvernement ne prévoit aucune réforme.

Les honorables sénateurs se rappelleront la critique cinglante déposée par le vérificateur général le 29 septembre. Il a dit que le programme avait immédiatement besoin d'une refonte et, dans ses propres termes:

Le gouvernement doit établir clairement le niveau d'intégrité et de protection des renseignements personnels à attendre de la gestion du numéro d'assurance sociale. Des mesures urgentes s'imposent.

On n'a rien fait jusqu'à présent. L'honorable ministre peut-il nous dire quand le gouvernement prendra des mesures à cet égard?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois savoir que la question est actuellement à l'étude, et j'espère qu'on prendra des mesures dans un avenir rapproché.

Le sénateur Oliver: L'honorable sénateur pourrait peut-être expliquer la chose suivante: deux ministères se disputent pour savoir lequel est responsable en la matière. Deux hauts fonctionnaires des ministères concernés par le NAS ont tenté publiquement de se dissocier de ce problème. M. Bob Nichols, directeur du programme d'assurance au ministère du Développement des ressources humaines, aurait dit:

C'est au ministère de la Justice qu'il incombe de changer la structure du programme du NAS.

Brian Jarvis, du ministère de la Justice, dit:

Le ministère de la Justice n'a aucune responsabilité à l'égard du NAS ni aucun rapport avec le programme. Il s'agit vraiment du domaine du ministère du Développement des ressources humaines.

Lequel a raison, monsieur le ministre?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je dois endosser ma chemise d'arbitre et me retirer au vestiaire pour réfléchir au problème qu'on m'a soumis. J'apporterai une réponse, peut-être demain.

 

L'économie

L'utilisation de l'excédent des recettes publiques pour réduire les impôts-La position du gouvernement

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement. Elle a trait à l'excédent budgétaire de 10 milliards de dollars.

Je voudrais d'abord féliciter Joe Clark d'avoir remporté la direction de notre parti.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Stratton: M. Clark a fait, dimanche si je ne m'abuse, tout de suite après l'annonce de sa victoire, une déclaration qui portait sur l'excédent et son utilisation pour éponger la dette et réduire les impôts des Canadiens. L'excédent s'élevant à 10,4 milliards de dollars pour le premier semestre, quand donc le gouvernement agira-t-il pour réduire les impôts?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne serais pas surpris que le gouvernement fasse quelque chose à propos des impôts dans le prochain budget. Comme vous le savez, selon certaines indications, le ministre des Finances pourrait bien mettre l'accent sur les soins de santé dans le prochain budget. Toutefois, celui-ci portera sur bien d'autres choses, et je ne doute pas que tous les sénateurs et tous les Canadiens sont impatients de le savoir.

 

La défense nationale

L'Utilisation de l'excédent des fonds publics pour aider le personnel militaire et acheter du matériel-La position du gouvernement

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je reviens au sujet soulevé dans la question du sénateur Forrestall. Nos militaires des échelons inférieurs doivent aller aux soupes populaires avec leurs enfants. Ne pensez-vous pas qu'il est temps que le gouvernement s'occupe de ces gens-là avant le prochain budget?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, dans ma réponse précédente au sénateur Stratton, j'ai dit qu'il n'y avait rien de plus prioritaire pour le ministre de la Défense nationale que le bien-être du personnel des forces armées et l'état de son matériel.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, si l'on était vraiment inquiet, on aurait agi avant aujourd'hui.

Le budget de février dernier prévoyait de réduire les dépenses de programmes de 1,5 milliard de dollars par rapport à l'année dernière. Pourtant, au cours des six premiers mois de l'année, ces dépenses ont été supérieures de 600 millions à celles de la même période l'année dernière. Le gouvernement compte-t-il toujours limiter les dépenses de programmes de l'exercice financier en cours au montant qu'il a annoncé dans le budget?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, le gouvernement fait preuve d'une grande prudence dans ses prévisions. Bien que l'excédent semble plus élevé que prévu, le gouvernement préfère pécher par excès de prudence.

 

Les Nations Unies

Le caractère adéquat de la réponse présentée au comité des droits économiques, sociaux et culturels-La position du gouvernement

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je tiens à féliciter le gouvernement d'avoir obtenu un siège au Conseil de sécurité. Selon les déclarations du ministre Axworthy, ce siège était important pour que le Canada puisse influer sur le programme international.

Comment le gouvernement concilie-t-il son siège au Conseil de sécurité avec son incapacité d'intervenir convenablement face aux difficultés du Canada au chapitre des droits de la personne? Je suis sûre que le sénateur Kinsella traitera plus en détail du sujet dans son interpellation concernant les questions soulevées par le comité des Nations Unies des droits économiques, sociaux et culturels.

De l'avis des Nations Unies et, je crois, de celui de beaucoup de Canadiens, le gouvernement n'a pas répondu convenablement aux questions concernant les conditions de vie au Canada. Comment concilier cela avec le fait que le gouvernement a déclaré que, conformément au siège qu'il occupe au Conseil de sécurité, il compte respecter toutes les règles, tous les règlements et toutes les lois des Nations Unies?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il semble que les représentants du gouvernement présenteront un exposé au comité compétent des Nations Unies, le 24 novembre. Nous devrions attendre de voir la teneur de cet exposé avant de tirer des conclusions.

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, le gouvernement a-t-il modifié sa politique en matière de transparence et d'appui face à l'ONU dans sa collaboration avec des gouvernements étrangers? Nous avons souvent dit que nous pouvions nous attendre à ce que les autres respectent les lois sur les droits de la personne parce que nous nous soumettrions au même genre d'examen approfondi que celui que nous imposons à d'autres dans les enquêtes sur les droits de la personne.

Le leader du gouvernement au Sénat ne croit-il pas que le gouvernement n'a pas tenu parole puisqu'il n'a pas résolu convenablement les problèmes de pauvreté au Canada?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, il y a de la pauvreté dans bien des coins du pays. Le gouvernement fait de son mieux. Je pourrais décliner une longue liste de mesures qui ont été prises par le gouvernement, y compris en ce qui concerne l'amélioration de la situation du logement et la création d'emplois. Le taux de chômage est maintenant à son plus bas niveau depuis longtemps. Il est descendu à 8,1 p. 100 au plan national, quoiqu'il soit encore trop élevé dans bien des régions du Canada. Nous avons pris des mesures énergiques pour venir en aide aux plus nécessiteux.

Il ne fait aucun doute que le problème de la pauvreté est bien réel. La pauvreté existe au Canada. Il y a beaucoup de sans-abri. Le gouvernement fait de son mieux pour relever ces défis et pour être juste à tous égards envers tous les Canadiens.

 

Les affaires étrangères

Les dossiers au Conseil de sécurité de l'ONU-La possibilité d'un débat-La position du gouvernement

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, ma question est complémentaire de celle du sénateur Andreychuk.

Le Canada a eu l'honneur d'obtenir un siège au Conseil de sécurité. Les personnes qui sont le mieux en mesure de parler d'affaires internationales sont au Sénat et non à la Chambre des communes. Et je le dis sans vouloir manquer de respect aux députés.

Compte tenu du talent immense du Sénat en matière d'affaires internationales, le gouvernement conviendra-t-il de tenir un débat spécial sur l'ONU et sur la politique que le Canada devrait adopter à l'avenir? Nous avons reçu une immense responsabilité. Nous devrons voter sur tous les dossiers. Même lorsque nous ne le voudrons pas, nous devrons assumer nos responsabilités et le faire quand même.

Le gouvernement accepterait-il la tenue d'un débat de deux heures sur ce sujet avant Noël?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je me réjouirais de la tenue de pareil débat. J'invite tout sénateur, y compris l'honorable sénateur Prud'homme, à amorcer un débat de cette nature dans le cadre de la rubrique générale des «Interpellations». Je suis certain que les sénateurs des deux côtés seraient tout à fait disposés à participer pleinement à un tel débat. Je souscris à ce que mon honorable collègue a dit au sujet des talents qui existent au Sénat.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, ce qui m'inquiète, c'est que, dans une interpellation, un sénateur peut proposer l'ajournement du débat après un seul discours. Ce serait injuste pour les sénateurs de l'opposition et les sénateurs indépendants.

Je remercie le leader du gouvernement de sa suggestion relative à une interpellation, mais je me demande s'il serait disposé à aller plus loin que cela.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, sous réserve de la nature et du libellé de l'avis d'interpellation, j'encouragerais probablement tous les honorables sénateurs, particulièrement ceux de ce côté-ci, à participer à un tel débat, car je pense que cela enrichirait grandement les délibérations de cet endroit, que cela intéresserait la population et qu'il en serait officiellement rendu compte.

 

Les Nations Unies

La réponse au comité des droits économiques, sociaux et culturels-La communication au public-La position du gouvernement

L'honorable Lois M. Wilson: Honorables sénateurs, le week-end dernier, voici ce que j'ai reçu d'un électeur:

Des représentants d'ONG canadiennes...

Il s'agit des organisations non gouvernementales.

 

... ont demandé aux Nations Unies de déclarer le Canada en contravention du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Aujourd'hui, à Genève, ils ont parlé à des membres du comité. Le Canada est soumis à un examen quinquennal pour déterminer s'il se conforme au pacte.
L'électeur dit ceci:

Le comité de l'ONU a remis le 10 juin 1998 au Canada une liste de 81 questions auxquelles le gouvernement a depuis répondu. Ce document est un document public. Le seul problème, c'est que le gouvernement n'est pas disposé à le mettre à la disposition du public.

Comment et où peut-on l'obtenir?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai entendu parler de ce document. Je ne sais pas où on peut l'obtenir, mais je vais certainement me renseigner et m'assurer qu'il soit rendu public, si ce n'est déjà fait.

 


(1450) 

ORDRE DU JOUR

La Loi sur la concurrence

projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Callbeck, appuyée par l'honorable sénateur Poy, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-20, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et d'autres lois en conséquence.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, j'interviens dans le débat de deuxième lecture sur le projet de loi C-20, visant à modifier la Loi sur la concurrence et d'autres lois en conséquence.

Je félicite le sénateur Callbeck pour l'aperçu complet qu'elle nous a donné du projet de loi. Je la félicite tout particulièrement d'avoir soulevé les deux principaux éléments qui, à mon avis, doivent faire l'objet d'un examen attentif de la part du comité sénatorial. Je remercie le directeur du Bureau de la concurrence d'avoir aimablement envoyé ses trois plus hauts fonctionnaires à mon bureau pour m'informer et répondre à mes nombreuses questions sur le projet de loi, ce qui a pris deux heures.

Les honorables sénateurs savent peut-être que l'objectif général de la Loi sur la concurrence est de promouvoir la concurrence et l'efficience sur le marché canadien. La loi constitue le cadre législatif de quelques-uns des principes fondamentaux du commerce. La dernière modification majeure a été apportée à la loi en 1986.

En juin 1995, le ministre de l'Industrie, M. Manley, a annoncé le début d'un processus de consultation visant à mettre la loi à jour. Le projet de loi C-20 est conçu de manière à contrer la prolifération récente des techniques de télémarketing trompeur dont les consommateurs sont victimes et qui jettent une ombre sur les entreprises canadiennes de télémarketing qui font un travail honnête.

Les modifications proposées permettraient de s'attaquer plus rapidement et plus efficacement à la publicité trompeuse et aux techniques de marketing trompeur; elles clarifient les dispositions concernant la publicité des détaillants basée sur la comparaison des prix; elles autorisent l'interception, sans consentement, de communications privées en matière de complot, de truquage des offres et de télémarketing trompeur; elles améliorent l'administration du processus de notification en matière de transactions de fusionnement; elles ajoutent aux outils permettant aux tribunaux de sanctionner les comportements criminels au moyen de la motion de consentement et d'ordonnances après une déclaration de culpabilité; elles officialisent les attributions actuelles des directeurs dans l'application de certaines lois en matière d'étiquetage; elles remplacent le titre de directeur par celui de commissaire de la concurrence.

Je vais maintenant m'arrêter sur les dispositions portant sur la sollicitation trompeuse par télémarketing. Quand le ministre est intervenu à l'autre endroit concernant ce projet de loi, il a déclaré que la mise à jour de la Loi sur la concurrence qui est proposée était particulièrement nécessaire à cause de la sollicitation trompeuse par télémarketing. Il est important de se rendre compte que des milliers de Canadiens gagnent leur vie grâce à des activités de télémarketing qui sont parfaitement légitimes. Par exemple, des entreprises en vue dans les secteurs des services financiers, de la mise en marché, de la fabrication et de la technologie ainsi que de nombreuses organisations de bienfaisance dépendent du télémarketing et leurs activités sont parfaitement légitimes. Le véritable problème réside toutefois dans la sollicitation trompeuse par télémarketing qui se sert de l'anonymat du téléphone et d'habiletés à tromper sans en avoir l'air. Ainsi, des individus réussissent souvent à amener leurs victimes à faire confiance à des entreprises apparemment de bonne réputation. Dans bien des cas, des tactiques de vente sous pression sont utilisées pour convaincre le consommateur d'envoyer de l'argent ou de donner le numéro d'une carte de crédit par téléphone. La sollicitation trompeuse par télémarketing utilise le téléphone pour faire la promotion de produits ou d'intérêts commerciaux dont on exagère grossièrement la valeur ou qui n'existent même pas et que le consommateur ne recevra donc jamais.

Selon des spécialistes du domaine, il est difficile de retracer et d'arrêter ces individus à cause de nombreux facteurs. Il s'agit habituellement d'entreprises non établies qui sont installées sommairement dans des chambres louées et qui peuvent donc se déplacer rapidement. Elles peuvent facilement changer leur image de marque en vue d'un nouveau départ et dissimuler l'actif personnel des exploitants pour éviter la saisie.

Les dirigeants de ces entreprises peuvent aussi tirer leur épingle du jeu en niant toute connaissance ou toute responsabilité à l'égard des représentations que leurs employés font par téléphone. De plus, ces individus chevauchent diverses juridictions et rendent les mesures d'exécution particulièrement difficiles.

Selon des estimations prudentes établies par les représentants des ministères, cette sollicitation trompeuse par télémarketing inflige aux consommateurs et aux entreprises du Canada des pertes qui s'élèvent à quatre milliards de dollars par an.

Bien que les télévendeurs malhonnêtes visent tous les groupes de la société, ils ont tendance à se concentrer sur les plus vulnérables, soit les personnes âgées. Celles-ci présentent de nombreuses caractéristiques dont profitent les télévendeurs malhonnêtes. Elles ont en général un revenu disponible plus élevé et plus de temps à consacrer. Elles sont plus susceptibles d'être à la maison pour répondre au téléphone et, d'une façon générale, ne sont pas méfiantes, ayant vécu à une époque où les gens se faisaient davantage confiance les uns les autres et où ils étaient dignes de cette confiance. Ces éléments font des personnes âgées des victimes de choix pour les télévendeurs malhonnêtes.

La sensibilisation du public et l'attention suscitée par les médias ont contribué à rendre les gens plus conscients du problème. Toutefois, compte tenu de la diminution des ressources mises à la disposition des organismes chargés de faire respecter les lois, de nouvelles dispositions légales sont nécessaires pour renforcer l'application des lois.

La question de la fraude par télémarketing a été soulevée en avril 1997 au cours d'une rencontre entre le premier ministre canadien et le président des États-Unis. En conséquence, un groupe de travail binational sur la fraude par télémarketing a été établi et a remis son rapport au premier ministre et au président en novembre 1997. Le groupe de travail a examiné un certain nombre de secteurs où des changements législatifs ou des arrangements administratifs pourraient être utilisés pour régler les problèmes. Parmi les préoccupations qui ont été exprimées, on compte la nécessité de pouvoirs d'enquête efficaces, la nécessité d'une coordination fédérale lorsqu'une infraction a trait à plusieurs provinces ou États et la nécessité de pouvoirs de saisie des outils avec lesquels les télévendeurs malhonnêtes ont commis l'infraction.

Les dispositions de la Loi sur la concurrence interdisent actuellement l'utilisation de renseignements faux ou trompeurs pour faire la promotion d'un produit ou d'un intérêt commercial. En outre, certains articles portent sur les concours publicitaires. Cependant, la loi n'interdit pas spécifiquement certaines pratiques liées au télémarketing trompeur. Le projet de loi C-20 comblerait cette lacune.

Des représentants du Bureau de la concurrence ont souligné que la loi actuelle n'est pas assez spécifique pour que l'on puisse condamner ces escrocs et que la seule autre protection à la disposition des victimes se trouve dans les dispositions du Code criminel ou celles des lois de huit provinces qui reconnaissent cette infraction.

Les dispositions proposées concernant le télémarking viennent combler les lacunes que comporte la loi actuelle et sont donc les bienvenues. Une des questions que les sénateurs devraient se poser est de savoir si le projet de loi va assez loin.

La mesure législative proposée créerait une nouvelle infraction pénale visant l'utilisation de communications téléphoniques interactives dans le but de promouvoir un produit ou un intérêt commercial. Les personnes qui font du télémarketing devraient divulguer certains renseignements au cours de leurs conversations téléphoniques. Ces renseignements pourraient comprendre l'identité de l'organisme ou de la personne pour le compte duquel ou de laquelle la communication est effectuée, le but de la communication, la nature du produit ou des intérêts commerciaux dont la promotion est faite, le prix du produit, ainsi que les modalités de livraison.

Un certain nombre d'autres pratiques frauduleuses pourraient être interdites, comme celles qui consistent à verser des arrhes pour des produits vendus à des prix manifestement gonflés ou à demander aux consommateurs de payer une somme d'argent pour recevoir un prix. Des dispositions particulières élargiraient la responsabilité des sociétés, de leurs dirigeants ou administrateurs afin d'assurer le respect de la loi, notamment lorsqu'il s'agit de faits et gestes accomplis par leurs employés.

Ainsi, au paragraphe 52.1 (8) on peut lire:

En cas de perpétration par une personne morale d'une infraction au présent article, ceux de ses dirigeants ou administrateurs qui sont en mesure de diriger ou d'influencer les principes qu'elle suit relativement aux actes interdits par cet article sont considérés comme des coauteurs de l'infraction et encourent la peine prévue pour cette infraction, que la personne morale ait été ou non poursuivie ou déclarée coupable, sauf si le dirigeant ou l'administrateur établit qu'il a fait preuve de toute la diligence voulue pour empêcher la perpétration de l'infraction.

J'attire l'attention sur la défense de «diligence», à laquelle le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a consacré beaucoup de travail ces deux dernières années.

En outre, ces nouvelles dispositions permettraient aux tribunaux d'émettre plus facilement des injonctions provisoires afin de mettre un terme aux activités douteuses en réduisant la période d'attente requise pour le traitement de la demande par les tribunaux. Les pénalités seraient renforcées. Sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, la peine serait une amende maximale de 200 000 $ ou un emprisonnement maximal d'un an, ou les deux. Sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, la peine encourue serait une amende du montant que le tribunal estime indiqué ou un emprisonnement maximal de cinq ans, ou les deux. Actuellement, elle n'est que de deux à cinq mois.

Dans certains cas, les autorités policières pourraient intercepter des communications privées, sans le consentement des intéressés, mais après avoir obtenu une autorisation judiciaire cela grâce à un amendement proposé à la définition d'une «infraction» à l'article 183 du Code criminel. Cette nouvelle disposition serait utilisée pour réunir des preuves de télémarketing frauduleux et s'appliquerait aussi dans le cas des délits graves que constituent les complots ou les truquages d'offres.

Chaque fois qu'une mesure législative prétend conférer le pouvoir de faire certaines choses sans le consentement de l'intéressé ou sans préavis, je redoute toujours la violation potentielle des droits fondamentaux, intrinsèques et inhérents que cela peut entraîner. Il faut être très prudent quant à l'interception des communications sans le consentement des intéressés.

Les mesures proposées en vue de combattre le télémarketing frauduleux font partie d'une série d'amendements à la Loi sur la concurrence proposés dans le projet de loi C-20. J'ai exprimé aux fonctionnaires que j'ai rencontrés dans mon bureau plusieurs réserves à l'égard de certaines parties du projet de loi. Je vous dirai maintenant quelles sont mes principales réserves.

Il y a tout d'abord la définition du télémarketing. Selon l'article 52.1 proposé, le télémarketing serait défini ainsi:

[...] la pratique de la communication téléphonique interactive pour promouvoir directement ou indirectement soit la fourniture ou l'utilisation d'un produit, soit des intérêts commerciaux quelconques.

L'Association du Barreau canadien a jugé que la définition proposée du télémarketing était exagérément large et nécessitait des éclaircissements. À son avis, les mots «de vive voix» devraient être ajoutés après le mot «interactive» pour bien préciser que cela ne s'applique pas à d'autres modes de publicité pouvant utiliser les lignes téléphoniques, comme le marketing sur Internet ou par télécopieur.

Le Conseil canadien du commerce au détail et la Chambre de commerce du Canada, tout en appuyant l'ensemble des dispositions du projet de loi sur le télémarketing trompeur, ont dit partager les vues de l'Association du Barreau canadien au sujet de la définition et ils ont affirmé qu'elle devrait être resserrée pour mieux préciser les activités visées par la loi.

Comme l'Association du Barreau canadien, ces organismes ont suggéré que les mots «de vive voix» soient ajoutés à la définition, même si le comité a entendu les représentants du Bureau de la concurrence affirmer que c'était bien ce qui était visé selon les lignes directrices proposées par le bureau pour les dispositions sur le télémarketing. Les intervenants ont dit croire que l'ajout des mots «de vive voix» à la définition clarifieraient la loi et permettraient d'anticiper les progrès futurs, comme la communication interactive de vive voix par Internet. C'est donc une question qui mérite l'attention du comité sénatorial qui étudiera le projet de loi.

Ma deuxième préoccupation a trait à la possibilité qu'il y ait contradiction entre l'article 206 du Code criminel et certaines dispositions du projet de loi C-20 sur le télémarketing, particulièrement l'alinéa 52.1(3)b) proposé. Jusqu'à maintenant, certains organismes de bienfaisance, les banques et d'autres institutions ont utilisé des loteries comme moyens légitimes de récolter des fonds pour des oeuvres de bienfaisance importantes. L'article 206 du Code criminel crée des infractions relatives aux loteries et à certains jeux de hasard.

L'alinéa 52.1(3)b) du projet de loi C-20 prévoit ce qui suit:

3) Nul ne peut, par télémarketing:

b) tenir ou prétendre tenir un concours, une loterie, un jeu de hasard ou un jeu d'adresse ou un jeu où se mêlent le hasard et l'adresse, si:

(i) la remise d'un prix ou d'un autre avantage au participant au concours, à la loterie ou au jeu est conditionnelle au paiement préalable d'une somme d'argent par celui-ci, ou est présentée comme telle,

ii) le nombre et la valeur approximative des prix, les régions auxquelles ils s'appliquent et tout fait connu de la personne pratiquant le télémarketing modifiant d'une façon importante les chances de gain ne sont pas convenablement et loyalement divulgués.
Le projet de loi C-20 impose donc certaines obligations aux personnes qui tiennent un concours par télémarketing. Il reconnaît le manquement à ces exigences prévues par la loi comme étant une infraction.

Honorables sénateurs, bien que ces obligations diffèrent de celles imposées par le Code criminel, certains avocats pourraient prétendre que les dispositions du projet de loi sont incompatibles avec celles du Code criminel. Le Bureau de la concurrence m'a garanti que ces nouvelles dispositions, qui traitent de pratiques commerciales de nature à induire en erreur dans le contexte des concours, visent les méthodes abusives de vente forcée au cours de communications téléphoniques alors que les victimes sont vulnérables et qu'elles n'ont que peu de temps pour réfléchir à la proposition qui leur est faite. J'espère que les témoins de l'Association du Barreau canadien et du ministère de la Justice, ainsi que les avocats du Bureau de la concurrence, comparaîtront devant le comité sénatorial pour discuter de la question du conflit d'intérêts apparent. La nouvelle loi ne devrait certainement pas interdire les activités légitimes de collectes de fonds dans le cadre de loteries.

Si je m'inquiète, c'est parce qu'il peut y avoir des situations où des concours avec composante de télémarketing ne contreviennent pas au Code criminel, mais vont à l'encontre de l'article 52.1 qui est proposé, ou encore des situations où des concours sans composante de télémarketing peuvent être menés d'une certaine manière tandis que ceux qui ont cette composante peuvent être menés d'une autre façon pour être conformes au projet de loi C-20. Les Canadiens ne devraient pas avoir à se fier uniquement à l'objectif d'une loi pour se mettre à l'abri d'une inculpation.

Le troisième point qui me préoccupe est le paragraphe 52.1(2), qui précise les types d'information que doivent fournir ceux qui pratiquent le télémarketing. Les alinéas a) et b) de ce paragraphe précisent les renseignements à divulguer tandis que le c) stipule qu'il faut divulguer de façon juste, raisonnable et rapide toute autre information relative au produit qui peut être exigée par règlement.

L'Association du Barreau canadien et la Chambre de commerce du Canada sont d'avis qu'il y a trop d'incertitude au sujet de ce qui serait exigé et qu'il aurait été préférable de préciser la nature de cette «autre information» dans la loi plutôt que dans le règlement. La Chambre de commerce du Canada a proposé l'élimination de cette disposition. Le comité du Sénat verra quelle solution est préférable.

Ma dernière préoccupation porte sur ce qui est, sans aucun doute, la disposition la plus controversée du projet de loi, soit la disposition proposée sur l'écoute électronique, l'article 47. L'Association du Barreau canadien a précisé que cette disposition n'était pas incluse dans le projet de loi C-67 et n'avait pas fait l'objet des mêmes consultations que les autres modifications proposées dans le projet de loi. Elle s'est opposée à l'utilisation de ce qu'elle considère comme «un outil d'enquête aussi abusif» sans plus de consultations et sans un débat public. Compte tenu de ces préoccupations, on a modifié la disposition pertinente à l'autre endroit pour qu'on ne puisse procéder à de l'écoute électronique sans consentement relativement aux infractions liées au télémarketing dont il est question à l'article 52.1 que dans le cas des pratiques frauduleuses de télémarketing énumérées au paragraphe 52.1(3). Ainsi, on ne pouvait obtenir l'autorisation de procéder à de l'écoute électronique sans consentement dans les cas où les gens étaient accusés de ne pas avoir divulgué les renseignements nécessaires aux termes du paragraphe 52.1(2) proposé. De plus, la possibilité de procéder à de l'écoute électronique sans consentement relativement aux cas de complot prévus aux termes de l'article 45 de la Loi sur la concurrence était limitée aux infractions relatives à la fixation des prix ou au partage du marché. Le Bureau de la concurrence a donné son accord à tous les amendements actuels aux dispositions proposées sur l'écoute électronique.

Le comité sénatorial a l'intention d'entendre plusieurs témoins et il sera donc en mesure d'améliorer le projet de loi C-20 dans des domaines comme ceux dont j'ai parlé relativement au télémarketing frauduleux, ainsi que d'autres questions. Le télémarketing frauduleux est devenu un grave problème et les consommateurs méritent d'être protégés contre cela le plus tôt possible. Les gens vulnérables, surtout les personnes âgées, sont victimes de ce crime depuis trop longtemps. Comme on l'a noté récemment dans un article paru dans le Maclean's:

Le télémarketing frauduleux n'est pas une question d'argent. Il est plutôt question des souffrances humaines qu'il cause et du fait qu'il bouleverse la vie des gens.

C'est pour cette raison qu'une réforme de la loi dans ce domaine est si essentielle. Les outils prévus par les modifications proposées aideront dans une large mesure à mettre un terme aux activités des gens qui se livrent à du télémarketing frauduleux.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

 

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)

 

L'accès à l'information relative aux recensements

Avis d'interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Lorna Milne, ayant donné avis le 27 octobre 1998:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur l'inaccessibilité de tous les recensements depuis 1906 en raison d'une loi adoptée en 1906 par le gouvernement de sir Wilfrid Laurier.

- Honorables sénateurs, en 1918, le gouvernement Borden a fait adopter une nouvelle Loi sur la statistique. Cela n'a pas l'air particulièrement innovateur, mais cette loi comportait une disposition qui cause actuellement énormément de consternation. Il s'agit du paragraphe 15(1), dont voici quelques passages:

Nul rapport individuel fait aux fins de la présente loi, non plus qu'une partie d'un semblable rapport, ni aucune réponse à des questions posées pour lesdites fins, ne doivent être publiés sans le consentement préalable, par écrit, de la personne, et nul, autre qu'une personne employée par le Bureau, ne doit être autorisé à prendre connaissance de quelque semblable rapport individuel, ou d'une telle partie ou réponse.

Cette disposition codifiait ce qui n'était qu'un article de règlement sous le gouvernement Laurier et qui n'avait été en vigueur que depuis le recensement de l'Ouest de 1906. À partir de ce moment-là, personne ne pourrait plus avoir accès aux rapports individuels de recensement, sauf la personne qui les avaient remplis. Même si cela s'est produit il y a longtemps et ne semble pas avoir grande importance maintenant, cette disposition aura dorénavant d'énormes répercussions pour les généalogistes, les chercheurs en démographie et les historiens.

Aux États-Unis, les données de recensement sont accessibles après 72 ans et, en Grande-Bretagne, après 100 ans. Jusqu'à maintenant, tous les chercheurs au Canada ont pu avoir accès aux rapports individuels de recensement après 92 ans. Cependant, à cause de cette loi, le recensement de 1901 sera le dernier dont les données pourront être communiquées aux chercheurs. On m'a dit que 7,5 millions de personnes au Canada s'intéressaient à la recherche généalogique. Évidemment, les chercheurs se préoccupent beaucoup de cette situation.

Une lettre envoyée par le Upper Ottawa Valley Genealogical Group, dont je fais partie, dit ceci:

Les données de recensement ont facilité l'établissement des arbres généalogiques, elles ont permis de retracer l'origine de problèmes médicaux transmis de génération en génération. L'établissement du lignage a aussi permis d'établir les liens de parenté et de régler des questions d'héritage devant les tribunaux.

La recherche généalogique est une véritable aubaine pour l'industrie touristique canadienne. Toute personne qui veut connaître l'histoire de sa famille consulte habituellement les résultats de recensement publiés par Statistique Canada. Une fois qu'ils ont obtenu l'information voulue, les chercheurs finissent par aller visiter les endroits où ont vécu leurs ancêtres au Canada.

Des milliers de personnes viennent d'un peu partout dans le monde chaque année pour cela. La lettre poursuit:

Ces touristes dépensent de l'argent en repas, logement, transport et achat de souvenirs...

Sans parler de l'achat de pellicules pour leurs appareils photos.

La généalogie est l'un des passe-temps et des entreprises qui connaissent la croissance la plus rapide. De nombreuses entreprises canadiennes, qu'il s'agisse de chercheurs, d'éditeurs, d'auteurs, de fournisseurs de logiciels et d'imprimés, réalisent chaque année un chiffre d'affaires de plusieurs millions de dollars dans ce domaine. On compte au moins 35 éditeurs canadiens dont la principale activité est l'histoire des familles.

Le Canada compte environ 500 sociétés et groupes généalogiques et chaque province possède sa propre société de généalogie.

On trouve dans presque chaque famille une personne qui fait de la généalogie.

Honorables sénateurs, je suis moi-même la généalogiste de ma famille. J'ai publié trois histoires familiales et je sais à quel point les données de recensement peuvent être utiles pour retracer l'origine de nos familles. Ces données m'ont été indispensables pour établir la généalogie de ma famille par périodes de dix ans. Ces données constituent, en fin de compte, des photos en instantané.

En dépit de ce que peuvent croire de nombreux Canadiens, aucun des sénateurs qui siègent ici n'est né avant 1923. Aussi, à moins que cette loi ne soit abrogée, nos descendants n'auront pas cette merveilleuse chance de nous retracer dans les recensements. Les données de recensement ne seront plus aussi indispensables dans l'avenir en raison de l'informatisation des données, de la photographie et d'autres progrès technologiques, mais leur consultation demeurera pour toujours un important moyen de retracer nos origines familiales.

Un autre groupe qui sera considérablement touché par cette vieille loi, c'est celui des historiens. Ils se servent du recensement pour cerner les tendances au Canada - pour ce qui est notamment de la mobilité sociale des familles, de la modification des types de peuplement de quartier, du taux de natalité, du taux d'alphabétisation et de l'appartenance religieuse déclarée. Ils suivent souvent des familles qui habitent la même maison depuis des décennies et arrivent à se faire une idée de ce qu'était la vie à cette époque. En supprimant cette source d'information, nous limitons l'accès des historiens canadiens à l'information concernant notre passé.

Comme le disait avant de mourir, en 1971, l'éminent historien qu'était le père Joseph Gravelle, d'Otter Lake, au Québec:

La généalogie ne s'intéresse pas aux nobles ni aux grandes familles, mais aux petites gens qui forment le pivot central de notre pays, qui ont défriché et peuplé notre pays et qui ont contribué à son édification à leur modeste et humble manière.

Cela vaut aussi pour l'histoire. Si l'on coupe l'accès à l'information sur les «petites gens», les seules personnes qui seront mentionnées dans les ouvrages d'histoire seront les «nobles», les membres des «grandes familles» et les magnats de l'industrie du Canada. Ce travers deviendra évident dans la documentation écrite sur le Canada.

En toute justice, je dois présenter aussi l'autre côté de la médaille. Cette question ne peut pas être peinte seulement en blanc et noir. Une préoccupation importante qui se trouve de l'autre côté de la médaille est celle de la protection de la vie privée. En favorisant l'accès à cette information, on modifie les règles selon lesquelles l'information a été recueillie. Il faut nous demander comment nous nous sentirions si c'était nos données personnelles qui étaient utilisées dans 92 ans.

En outre, dans son rapport de 1994-1995, le commissaire à la protection de la vie privée recommandait que toutes les données personnalisées recueillies au cours du recensement de 1991, de même que toutes les données de recensement non encore du domaine public, soient détruites une fois que Statistique Canada les aura traitées pour s'assurer de leur exactitude et de leur qualité. Cette solution exigerait que Statistique Canada obtienne qu'on modifie le calendrier des délais de conservation et d'élimination approuvé par l'archiviste national conformément à la Loi sur les Archives nationales du Canada. Heureusement, Statistique Canada n'a jamais accepté de faire cela et le recensement de 1991 est toujours conservé en lieu sûr. Cependant, il faut prendre en considération les réserves du commissaire à la protection de la vie privée.

En quoi la divulgation des renseignements personnels d'un recensement porte-t-elle atteinte au droit d'une personne à la vie privée, en particulier lorsque ce droit a été garanti, même si 92 ans ont passé?

Je terminerai en disant que l'absence d'accès aux données du recensement me préoccupe. Avec cette modification, nous allons détruire une industrie en expansion et faire du Canada une nation de l'hémisphère Ouest qui n'encourage pas les gens à rechercher le passé de leur famille. Les considérations de protection de la vie privée doivent être mis en parallèle avec le désir des gens d'avoir accès à ce genre d'information. Peut-être que le débat nous amènera à une position d'équilibre entre les deux. J'invite mes collègues sénateurs à participer à la discussion à ce sujet. Je pense que c'est important et que nous devons trancher.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question au sénateur Milne.

Je remarque qu'elle n'a rien proposé à l'égard de la situation qu'elle vient de décrire.

Le sénateur serait-elle prête à envisager la rédaction d'un projet de loi pour régler ce problème, en tenant pour acquis que le projet de loi serait rapidement adopté en deuxième lecture? Nous le renverrions ensuite au comité, qui partirait du principe que les articles ne seraient pas sacro-saints et qu'il serait libre de modifier les dispositions pour réaliser le genre d'équilibre souhaité par le sénateur Milne.

Honorables sénateurs, je crains que nous n'arrivions à rien si nous continuons de discuter sans avoir de document devant nous, et nous serons alors victimes des effets désastreux dont le sénateur Milne a parlé. Je propose cette solution au sénateur Milne. A-t-elle des réactions à ma proposition?

Le sénateur Milne: Je remercie le sénateur de sa question. Mon collègue suit exactement la même ligne de pensée que moi. J'espérais que nous discutions de la question ici avant que je ne commence à rédiger un projet de loi comme j'envisage sérieusement de le faire. Je devrais peut-être présenter une motion demandant au Sénat de renvoyer la question à un comité pour étude approfondie. L'étude de ce comité pourrait alors donner naissance à un projet de loi d'initiative parlementaire.

(Sur la motion du sénateur Johnson, le débat est ajourné.)

 

Les programmes de logement social

Autorisation au comité des peuples autochtones de retarder la date de dépôt de son rapport final

L'honorable Sharon Carstairs, au nom de l'honorable sénateur Watt, et conformément à l'avis du 5 novembre 1998, propose:

Que, nonobstant l'ordre adopté par le Sénat le jeudi 28 mai 1998, le comité sénatorial permanent des peuples autochtones, qui a été autorisé à examiner en vue d'en faire rapport les conséquences néfastes de la décision qu'a prise récemment la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) de mettre fin à tous ses «programmes de logement social», à l'exception du Programme d'aide à la remise en état des logements ruraux (PAREL), soit habilité à présenter son rapport au plus tard le 28 avril 1999.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 18 novembre 1998, à 13 h 30.) 


Haut de page