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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 95

Le mardi 24 novembre 1998
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mardi 24 novembre 1998

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La coupe Vanier

Le prochain match entre les Stingers de l'université Concordia à Montréal et les Huskies de la Saskatchewan

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, une des exigences premières de la direction du caucus est de ne pas prendre partie sur une question pendant que l'on en discute et que l'on recherche un consensus. Au risque de perturber l'harmonie qui règne depuis que notre caucus est dans l'opposition, et au risque également de m'attirer les foudres de cinq distingués et loyaux collègues de la Saskatchewan, je dois porter à l'attention de cette Chambre le brillant résultat des Stingers de l'Université Concordia à Montréal, qui sont revenus de l'arrière pour l'emporter 25-24 contre les Axemen d'Acadia dans la coupe de l'Atlantique, la demi-finale nationale, samedi dernier. Les Stingers rencontreront les Huskies de la Saskatchewan, samedi, pour la coupe Vanier.

Normalement, j'aurai dû prévenir le leader de la majorité de cette déclaration, dans l'espoir qu'il se joigne à moi, sinon pour féliciter les Stingers de s'être rendus en finale, du moins pour leur souhaiter de ramener la coupe Vanier à Montréal. Si je ne l'ai pas fait, ce n'est pas par manque de courtoisie, mais bien parce que je ne voulais pas nuire à l'harmonie de son caucus, sachant que ses collègues de la Saskatchewan peuvent réagir à des positions qu'ils désapprouvent.

De toute façon, j'espère pouvoir, la semaine prochaine, annoncer la victoire des Stingers de l'Université Concordia, en supposant que les résultats soient divulgués après la fermeture des bureaux de scrutin au Québec, le 30 novembre.

 

La coupe Grey

Le match de 1998 à Winnipeg, au Manitoba

L'honorable Richard H. Kroft: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour faire part au Sénat de certains événements survenus en fin de semaine dernière en plein coeur du Canada central. Je parle, bien sûr, de la ville de Winnipeg, et les sénateurs m'excuseront de déformer légèrement les faits sur le plan géographique. En fait, Winnipeg se situe à quelque 30 kilomètres à l'ouest de la longitude qui traverse exactement le centre de notre pays.

C'est la première fois que les honorables sénateurs m'entendent prendre la parole au sujet de ma ville et de ma province - c'est même la première fois tout court - mais ce ne sera pas la dernière. Je crois fermement à l'importance du Manitoba et de Winnipeg et à leur position centrale dans le concept même du Canada.

Dans le peu de temps que j'ai passé ici, j'ai appris que nous, sénateurs, jouons plusieurs rôles, dont plusieurs sont très méconnus de l'ensemble des Canadiens. J'en profite pour donner avis, puisque cinq de mes compétents et dévoués collègues manitobains sont à la Chambre, que je suis prêt à accepter plus que ma part de responsabilités pour faire en sorte que Winnipeg et le Manitoba soient mieux compris et appréciés de vous tous.

Je veux parler aujourd'hui du match de la coupe Grey, qui s'est tenu dimanche à Winnipeg, et de tout ce qui entoure cet événement. Encore une fois, c'est chez nous que se tenait cette manifestation sportive qui a été marquée par l'enthousiasme, un esprit communautaire sans faille et un engagement qui valaient bien et même qui surpassaient ce qu'on aurait connu dans toute autre ville. Un temps merveilleusement doux et ensoleillé rappelait à tous ceux qui étaient là que Winnipeg a le climat le plus mal compris - et le plus injustement discrédité - du Canada.

Nous savons tous que Winnipeg est l'endroit tout désigné pour le match de la coupe Grey et, bien sûr, pour beaucoup d'autres manifestations typiquement canadiennes. C'est là que l'Est rencontre l'Ouest, géographiquement et culturellement. En fait, dans leur histoire, les Blue Bombers sont passés, aisément et avec aplomb, de l'Association de football de l'Est à celle de l'Ouest, au sein de la Ligue canadienne de football.

Nous faisons naturellement partie des deux moitiés de notre pays. Nous vivons à la lisière des grandes prairies de l'Ouest et nous allons en vacances là où le Bouclier canadien dépasse de la frontière de l'Ontario jusqu'au Manitoba. Nos langues et nos cultures anglaises et françaises se côtoient sans peine et nous enrichissent tous.

Samedi dernier, avant le match, nous avons eu un défilé de la coupe Grey qui a connu un énorme succès. Vous auriez tous pu le voir si l'économie télévisuelle n'avait pas déterminé que les émissions The Red Green Show et Mr. Bean étaient plus importantes pour le Canada qu'une occasion de partage.

(1410)

Mais ne craignez rien. Avec les Jeux panaméricains, l'été prochain, vous pourrez tous voir à la télévision - ou mieux, en personne - comment le Manitoba organisera cette manifestation multisportive qui arrivera au troisième rang en importance dans l'histoire de l'Amérique du Nord, après les Jeux olympiques d'Atlanta et de Los Angeles. Je vous promets que ce sera un événement dont tous les Canadiens pourront être fiers.

 

La Maison Vimy

L'entrepôt de souvenirs de la Première Guerre mondiale

L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, j'ai eu l'occasion, vendredi dernier, de visiter ici, à Ottawa, la Maison Vimy. Je recommande très fortement aux sénateurs qui ne connaissent pas cet endroit de se familiariser avec ces installations incroyables.

On y retrouve un très grand nombre de trésors de guerre nationaux qui ne peuvent être exposés au Musée canadien de la guerre. Le personnel de la Maison Vimy a supervisé la restauration des huit tableaux exposés dans cette enceinte. Ce sont les tableaux qui ont été redédicacés au Sénat le 3 novembre 1998.

Durant ma visite de la Maison Vimy, j'ai été stupéfait par le nombre de tableaux d'artistes internationaux et canadiens portant sur la guerre. Il y a littéralement des milliers de peintures à l'huile et d'aquarelles, notamment certaines venant de notre célèbre Groupe des Sept. Je crois que la population aurait beaucoup de plaisir à voir ces oeuvres, si elle pouvait seulement le faire.

On retrouve également une merveilleuse collection d'armes de petit calibre, de médailles, de véhicules, de chars d'assaut et de pièces d'artillerie qui ont été utilisés au cours des divers conflits et des diverses guerres et missions de maintien de la paix auxquels le Canada a pris part.

Au cours des dernières années, on a beaucoup discuté de l'espace disponible pour exposer toutes ces pièces. J'exhorte les sénateurs à appuyer l'initiative annoncée récemment au sujet de la construction d'un nouveau Musée canadien de la guerre à côté du Musée national de l'aviation, à Rockliffe.

Je voudrais féliciter le sous-comité des anciens combattants présidé par le sénateur Phillips, ainsi que l'honorable Barney Danson, président du Musée canadien de la guerre, et d'autres personnes qui ont aidé à signaler à la population canadienne que le musée actuel ne répondait plus aux besoins. J'espère que leurs efforts conduiront à la construction de nouvelles installations pour le Musée canadien de la guerre.

Je crois que la population canadienne souscrirait à ce projet. Plus les Canadiens seront exposés à ces artefacts, plus ils comprendront les incroyables sacrifices et le rôle des Canadiens qui ont servi sur les divers théâtres de guerre. On pourra ainsi mieux sensibiliser les Canadiens, surtout nos enfants et d'autres qui n'ont pas vécu à une époque où le Canada participait à une guerre. Cela nous aidera à mieux comprendre nos gardiens de la paix. Cela permettra également aux Canadiens de mieux comprendre le rôle que la participation du Canada à des guerres tout au cours de notre histoire a joué dans l'évolution de notre pays. Les Canadiens pourront mieux voir pourquoi les anciens combattants et les membres de la Légion royale canadienne sont si fiers de leur contribution à la paix et à la liberté dont jouissent les Canadiens et croient si fortement que les Canadiens ne devraient jamais l'oublier.

 

Les droits de la personne

Les propos favorables du premier ministre en Malaisie et en Asie

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, j'ai été très intéressé et, en fait, agréablement surpris par les actions et les observations du premier ministre en Malaisie et en Chine la semaine dernière. Depuis leur arrivée au pouvoir, son gouvernement et lui-même ont simplement mis fin à la tradition de longue date du Canada consistant à parler en faveur des droits de la personne. Lorsque les libéraux en ont parlé, c'était généralement au sujet de questions mineures et de gens ou de pays de moindre importance.

Cependant, la semaine dernière, M. Chrétien a semblé adopter une tout autre attitude. En Malaisie, il s'est montré énergique, du moins jusqu'à ce qu'interviennent certains représentants de grandes sociétés. En Chine, s'adressant à des étudiants, il a traité des droits de la personne et du lien existant entre ces droits et le développement économique.

Je n'irais pas jusqu'à comparer ces quelques gestes à la célèbre conversion sur le chemin de Damas, mais à tout le moins le premier ministre a fait quelque chose - enfin.

On pourrait se demander si son discours était sincère ou s'il s'inspirait de motifs politiques. Les Canadiens bien pensants auront tôt fait de qualifier les déclarations du premier ministre de paroles creuses, de tentative pour camoufler son peu d'engagement envers les droits de la personne et pour faire oublier son rôle de plus en plus décrié dans le scandale de la conférence de l'APEC de l'année dernière, et il se pourrait bien qu'ils n'aient pas complètement tort, car, on le sait, M. Chrétien est avant tout une bête politique. Il sait pertinemment que le peu de cas qu'il fait des droits de la personne en a choqué plus d'un parmi les adeptes traditionnels de son parti mais pas, semble-t-il, les Chinois.

La semaine dernière, le premier ministre chinois est allé jusqu'à dire que le Canada était le meilleur ami de la Chine. Pensez donc. Grâce aux initiatives de notre premier ministre, notre meilleur ami aujourd'hui est un pays qui supprime la dissidence, qui lance les chars d'assaut contre les étudiants qui manifestent, et expédie dans des camps de rééducation ceux qui osent le critiquer. M. Chrétien a toutes les raisons d'être fier que sa récente conversion à la cause des droits de la personne en Chine lui ait valu et nous ait valu un tel ami.

Cela étant dit, voici que débute la saison de la paix et de la bonne volonté. Dans cet esprit, je tiens à saluer la décision du premier ministre d'aborder le dossier des droits de la personne. C'est un tout petit pas, mais il faut toujours un premier pas. Espérons qu'il manifestera un engagement encore plus grand partout ailleurs dans le monde.

 


AFFAIRES COURANTES

La Loi sur la défense nationale

Projet de loi modificatif-Rapport du comité

L'honorable Lorna Milne, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant:

Le mardi 24 novembre 1998

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son 

QUINZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d'autres lois en conséquence, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 18 juin 1998, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec la modification et les observations suivantes:

1. Page 89, article 96: Remplacer les lignes 1 à 6 par ce qui suit:

«96. (1) Le ministre fait procéder, à l'occasion, à un examen indépendant des dispositions et de l'application de la présente loi.

(2) Au plus tard cinq ans après la date de la sanction de la présente loi, et, par la suite, au plus tard cinq ans après le dépôt du rapport précédent, le ministre fait déposer devant chacune des Chambres du Parlement le rapport de l'examen auquel il a fait procéder en application du paragraphe (1).».

Le comité appuie en général le projet de loi C-25 qui comprend des modifications dont la Loi sur la Défense nationale a grandement besoin et qui, en fait, constitue la plus importante série de modifications de cette loi depuis son adoption en 1950. Cependant, il a des réserves à propos de certains aspects du projet de loi. Ayant modifié l'article 96 du projet de loi pour faire en sorte que des examens indépendants et réguliers des dispositions et de l'application de la loi proposée seront faits, le comité s'attend à ce que le ministère de la Défense nationale ait étudié ces préoccupations et qu'il les ait réglées pendant le premier examen de la loi, sinon auparavant.

Même s'ils reconnaissent que les mesures prises à l'article 42 renforcent l'indépendance institutionnelle des juges militaires (notamment: faire en sorte que les juges militaires soient nommés par le gouverneur en conseil, comme dans le cas des autres juges nommés par le gouvernement fédéral; prolonger la durée du mandat et en faire une durée fixe de cinq ans, et établir des comités consultatifs spéciaux sur la nomination, le renouvellement de mandat et la rémunération des juges militaires), les membres du comité sont préoccupés par le fait que l'on conserve des mandats renouvelables pour les juges militaires, particulièrement si l'on compare cette situation aux autres juges nommés par le gouvernement fédéral qui occupent leur charge jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge fixé pour la retraite. Les membres du comité craignent que l'article 42 du projet de loi n'assujettisse entièrement au règlement la composition du comité d'examen qu'il est proposé d'établir et les critères que ce comité doit utiliser pour faire ses recommandations sur le renouvellement du mandat des juges militaires. Le comité estime que ces points importants devraient être expliqués bien clairement de manière à empêcher toute ingérence importune dans le processus de renouvellement de mandat.

De fait, le comité s'inquiète en général du nombre de points importants concernant le système de justice militaire que l'on continuera à mettre en oeuvre au moyen de règlements (spécifiquement les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes) qui sont soustraits au processus habituel de publication dans la Gazette du Canada et d'examen parlementaire en vertu de la Loi sur les textes réglementaires.

Le comité est également préoccupé par la différence dans la durée garantie des nouvelles fonctions de directeur des poursuites militaires et de directeur du service d'avocats de la défense dont il est question respectivement aux articles 42 et 82 du projet de loi. On a souligné que, tandis que la recommandation d'un comité d'enquête spécial est nécessaire pour retirer de son poste le directeur des poursuites militaires, le projet de loi n'envisage pas de mesure de protection semblable pour le directeur du service d'avocats de la défense. Cet écart est inquiétant, étant donné la responsabilité du directeur du service d'avocats de la défense pour la représentation de personnes accusées. Il y aurait alors un rapport d'opposition avec le système hiérarchique, qui comprend le ministre de la Défense nationale, la personne responsable de la nomination du directeur, du renouvellement de son mandat et de la révocation possible de son poste.

Pour terminer, le comité appuie la recommandation du Groupe consultatif spécial sur la justice militaire et les services d'enquête de la police militaire, dirigé par feu Brian Dickson, selon laquelle le Code de discipline militaire devrait être adopté de nouveau comme instrument législatif distinct. Même si le comité est conscient de la difficulté que pose l'intégration d'un tel changement dans la série exhaustive de modifications proposées dans le projet de loi C-25, nous exhortons le ministère de la Défense nationale à donner suite le plus rapidement possible à cette recommandation.

Respectueusement soumis, 

La présidente,
LORNA MILNE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Milne, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

 

L'ajournement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit au mercredi 25 novembre 1998, à 13 h 30.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le solliciteur général

Le dispositif de sécurité à la conférence de l'APEC à Vancouver-Le rôle du Cabinet du premier ministre relativement à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, demain, ce sera le premier anniversaire de la conduite scandaleuse au cours de la conférence de l'APEC à Vancouver. Hier, cette saga des forces du mal est revenue hanter l'édifice Langevin. Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire, en termes très clairs, si le premier ministre ou des fonctionnaires de son cabinet ont participé à la planification et à l'exécution des mesures de sécurité pour la conférence de l'APEC, à Vancouver?

(1]420)

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Je crois comprendre que le chef du cabinet du premier ministre et son ancien directeur des opérations, soit M. Pelletier et M. Jean Carle, ont accepté de venir témoigner devant la Commission des plaintes du public. Espérons que toutes les questions soulevées par l'honorable sénateur Kinsella trouveront leur réponse à ce moment.

Le sénateur Kinsella: Le leader du gouvernement est-il en train de dire au Sénat que la conduite des fonctionnaires du cabinet du premier ministre relève du mandat de la Commission des plaintes du public contre la GRC?

Le sénateur Graham: Ce que je dis, en réponse aux questions soulevées aujourd'hui et plus tôt, c'est que je suis sûr qu'on répondra pleinement et honnêtement à toutes ces questions durant les audiences de la commission, et peut-être que la chose se fera tout de suite.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, les Canadiens veulent savoir si le premier ministre du Canada ou des membres du personnel de son cabinet sont impliqués dans la violation des droits de la personne des Canadiens et si des membres du cabinet du premier ministre ou le premier ministre lui-même ont ordonné à la Gendarmerie royale du Canada de mener à terme les objectifs politiques que le premier ministre avait en tête. C'est donc la conduite des membres du personnel du cabinet du premier ministre qui est visée, qui doit faire l'objet d'une enquête. Si le gouvernement tente une fois de plus de masquer les faits ou de faire diversion en utilisant la Commission des plaintes du public contre la GRC, qui présentera son rapport au solliciteur général, et nous ne savons pas encore qui ce sera, et qui fait également rapport au commissaire de la GRC, comment pourrons-nous faire la lumière sur la conduite du personnel du cabinet du premier ministre?

En posant ma question, j'attire l'attention des honorables sénateurs sur le paragraphe 45.35(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, dont voici le texte:

Tout membre du public qui a un sujet de plainte concernant la conduite, dans l'exercice de fonctions prévues à la présente loi ou à la Loi sur le programme de protection des témoins, d'un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la présente loi peut, qu'il en ait ou non subi un préjudice, déposer une plainte auprès, selon le cas...

Le leader du gouvernement peut-il dire au Sénat si la conduite du premier ministre tombe sous le coup de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada ou si des membres du personnel de son cabinet sont nommés ou employés sous le régime de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada? Si la réponse est non, le leader du gouvernement pourrait-il nous expliquer en vertu de quelle autorité la Commission des plaintes du public contre la GRC fait enquête au sujet du rôle du premier ministre et de son personnel et de la tragique saga des violations des droits de la personne commises durant le sommet de l'APEC?

Le sénateur Graham: À ma connaissance, la réponse à la première partie de votre dernière question, puisque vous avez posé plusieurs questions dans le préambule de votre question finale, est qu'ils ne relèvent pas de la Loi sur la GRC. Vous avez affirmé que le premier ministre et des membres de son cabinet étaient impliqués dans la violation des droits de la personne de Canadiens. Je réfute catégoriquement cette affirmation.

Comme le sait l'honorable sénateur, la Commission des plaintes du public a été créée en vertu d'une loi du Parlement sous le gouvernement précédent. Cette commission s'est mérité le respect des Canadiens et elle jouit d'une réputation enviable sur la scène internationale pour le travail qu'elle a accompli. Je crois que nous devrions la laisser continuer ses travaux.

Le sénateur Kinsella: Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il préciser aux sénateurs la partie de la Loi sur la GRC qui autorise la commission à enquêter sur la conduite du premier ministre du Canada ou du personnel de son cabinet?

Le sénateur Graham: Si je comprends bien, le mandat de la Commission des plaintes du public l'autorise à convoquer n'importe qui à venir témoigner. Toutefois, elle n'a pas eu à le faire dans le cas du chef de cabinet du premier ministre et de l'ancien directeur des opérations du cabinet du premier ministre parce que ces derniers ont volontairement accepté de témoigner.

 

Les anciens combattants

Le traitement équitable des anciens combattants de la marine marchande-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, quatre anciens combattants de la marine marchande se sont de nouveau présentés sur la colline du Parlement cette semaine pour tenter d'attirer l'attention sur une injustice qui dure depuis beaucoup trop longtemps. La marine marchande était le cordon ombilical des troupes canadiennes engagées dans les hostilités outre-mer. Elle leur apportait des munitions, des vivres et d'autres approvisionnements. Les marins marchands ont souvent navigué dans les zones de combat très dangereuses et ont essuyé de nombreuses attaques en n'ayant souvent pour se défendre que des moyens plutôt restreints. Il ne fait aucun doute que ces braves marins méritent la rémunération et d'autres avantages qu'ils réclament rétroactivement. Il est honteux que leurs efforts et leur courage n'aient pas été récompensés pendant si longtemps.

Je demande au leader du gouvernement au Sénat de nous préciser la position du gouvernement à ce chapitre et de nous expliquer pourquoi on refuse à ces gens la rémunération rétroactive à laquelle ils ont certainement droit.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois comprendre qu'un projet de loi omnibus sera déposé très bientôt par le gouvernement dans le but d'accorder aux anciens combattants de la marine marchande le même statut légal que les anciens militaires. Le projet de loi en question sera déposé probablement dès la semaine prochaine et je suggérerais à mon honorable collègue d'attendre de voir sa teneur.

Le sénateur Oliver: Le leader du gouvernement laisse-t-il également entendre que ce projet de loi pourrait être étudié selon la procédure accélérée de façon à pouvoir être adopté avant Noël?

Le sénateur Graham: Je suis sûr que ce serait possible si le sénateur pouvait persuader ses amis et les députés à l'autre endroit qui désirent aider les braves et courageux membres de la marine marchande qui ont bien servi leur pays pendant de nombreuses années, et particulièrement en temps de guerre. Si le projet de loi recevait l'appui de ces députés, il pourrait être adopté rapidement. Si nous pouvions envoyer un message exhortant l'autre endroit à donner sa collaboration, ce serait fort utile. Je suis convaincu que le gouvernement voudra adopter très rapidement cette importante mesure législative.

 

L'agriculture

La crise économique dans le Canada rural-L'efficacité des programmes actuels d'assurance-revenu-La position du gouvernement

L'honorable Terry Stratton: Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et a trait aux réponses fournies à des questions que des sénateurs de ce côté-ci ont posées au sujet de la crise qui sévit toujours dans le secteur agricole.

Mercredi dernier, appelé à commenter le programme similaire au RARB qu'a proposé le Parti progressiste-conservateur pour remédier aux fluctuations des prix à long terme, le leader du gouvernement a déclaré que son gouvernement examinerait la proposition très attentivement. En fait, il est allé jusqu'à dire qu'il réserverait le plus grand respect et la plus haute considération à tout ce que pourrait proposer le très honorable Joe Clark.

(1430)

Malheureusement, le ministre de l'Agriculture ne semble pas partager l'avis du leader. Ainsi, dans des lettres récemment envoyées à l'Association des producteurs de maïs de l'Ontario, M. Vanclief remet en question le maintien en Ontario, dans le cadre du RARB, du programme d'assurance-revenu du marché, puisqu'il n'existe plus dans l'Ouest du pays. Et cela, même s'il y a de plus en plus de raisons de reconduire le programme et de plus en plus de pressions pour qu'on le fasse à l'intention des agriculteurs à court d'argent des provinces de l'Ouest et des autres provinces. Contrairement à son collègue, le leader du gouvernement au Sénat, le ministre de l'Agriculture a contesté officiellement la raison d'être d'un programme céréalier comme le RARB en Ontario, même si des programmes de ce genre sont toujours en vigueur au Québec, en Europe de l'Ouest et aux États-Unis.

Le leader pourrait-il sonder la position de son collègue sur les programmes céréaliers de type RARB, essayer de la concilier avec les vues qu'il a lui-même exprimées mercredi dernier et en faire rapport à la Chambre?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Avec plaisir, honorables sénateurs. Comme je l'ai dit la semaine dernière, le ministre de l'Agriculture a été saisi du problème. Il est régulièrement en communication et en consultation avec ses homologues provinciaux. Je l'ai encouragé personnellement à examiner les propositions que le très honorable Joe Clark a présentées au nom du parti qu'il dirige à nouveau. Comme je l'ai signalé la semaine dernière, je suis persuadé que ces recommandations seront prises très au sérieux.

Le sénateur Berntson: C'est Roy Romanow qui a mis fin au RARB. Vous n'avez pas à accepter la responsabilité de cela.

 

La crise économique dans le Canada rural-La chute des prix du grain-La position du gouvernement

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, selon les manchettes des journaux, les prix du grain sont même inférieurs à ce qu'ils étaient au cours de la Grande Crise. Les subventions augmentent dans les pays de l'Union européenne et aux États-Unis. Nous constatons que leurs subventions augmentent en même temps que leur production céréalière. La demande mondiale a beau être faible, ils produisent de plus en plus de céréales par suite de ces subventions. Il est urgent d'agir.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire ou découvrir pour nous si un tel programme est prévu?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Le sénateur Stratton a parfaitement raison: les prix du grain sont faibles. En outre, il faut reconnaître que les prix du porc et du boeuf connaissent un déclin cyclique. Tout cela est aggravé par la situation économique en Asie. Il s'ensuit cette année dans l'ensemble un déclin du revenu agricole net par rapport au revenu agricole élevé de 1997.

Je puis seulement assurer à mes collègues d'en face que le ministre de l'Agriculture travaille à ce dossier tous les jours et espérons qu'il aura une annonce opportune à faire dans un avenir très proche, certainement avant Noël.

 

Le Cabinet du premier ministre

La nomination d'un conseiller indépendant en matière d'éthique-La position du gouvernement

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. La démission du solliciteur général, Andy Scott, hier, illustre encore une fois le fait que le présent gouvernement croit ne devoir rendre de comptes à personne. Encore hier, le premier ministre et le leader parlementaire du gouvernement blâmaient l'opposition pour la destitution de M. Scott.

Cela m'amène à une question que j'ai déjà posée dans cette enceinte. En 1993, le gouvernement promettait ce qui suit dans la première édition du livre rouge, à la page 91 du chapitre 6, intitulé: «Pour restaurer l'intégrité parlementaire»:

 

Nous désignerons un conseiller indépendant pour émettre des avis à l'intention des titulaires de charges publiques et des groupes de pression sur l'application du Code de déontologie. Le conseiller sera nommé après concertation avec les chefs de tous les partis représentés à la Chambre des communes et fera rapport au Parlement.
Je répète: «fera rapport au Parlement».

Étant donné les événements des derniers mois, le ministre n'est-il pas d'avis que le moment est venu de tenir cette promesse et de demander au conseiller en déontologie de faire rapport directement au Parlement au lieu de traiter uniquement avec le premier ministre dans le plus grand secret, comme il le fait actuellement?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis heureux que le sénateur se soit tourné vers le livre rouge pour s'instruire. Je lui recommande pour son édification de lire non seulement ce chapitre, mais la totalité de l'ouvrage.

Hier a été une triste journée pour moi à titre personnel en raison de la démission de l'un de mes très bons amis, M. Scott. Je n'accuse personne de sa démission. M. Scott était un remarquable membre du Cabinet et un remarquable solliciteur général. Pour avoir parlé à de nombreuses personnes d'un bout à l'autre du pays, je sais que les mesures qu'il était en train de mettre en oeuvre étaient très novatrices, que ce soit dans le domaine de la justice réparatrice ou pour moderniser notre système judiciaire. Son départ va se faire cruellement sentir.

En ce qui concerne le conseiller en éthique, nous avons un conseiller qui fait rapport au premier ministre sur les ministres et sur les députés. Quant au fait qu'il puisse faire rapport directement au Parlement, cela reste à débattre.

 

La nécessité de rendre publiques les règles et les lignes directrices régissant les ministres-La position du gouvernement

L'honorable Marjory LeBreton: Il est intéressant de constater que, fidèle à votre style en tant que leader du gouvernement au Sénat, vous n'avez tenu personne responsable. Cependant, certains de vos collègues dans l'autre endroit ont clairement accusé l'opposition.

Soit dit en passant, sénateur Taylor, je garde le livre rouge sur ma table de chevet et je m'en sers pour écraser les moustiques.

Honorables sénateurs, la population et le Parlement sont tenus complètement dans l'ignorance. Nous avons ce qu'on appelle un conseiller en éthique qui fait rapport au premier ministre, en recourant à un ensemble de lignes directrices secrètes. En plus de respecter leur engagement de demander au conseiller en éthique de faire rapport au Parlement, le leader du gouvernement au Sénat et son gouvernement s'engageront-ils à ce que soient divulguées publiquement les règles et les lignes directrices que les ministres sont censés devoir respecter?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois qu'il appartient au premier ministre d'examiner cette question. Je lui ferai part des recommandations du sénateur.

 

Les Nations Unies

La visite du haut-commissaire aux droits de l'homme à Ottawa-La possibilité d'une comparution devant le comité des affaires étrangères-La position du président

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question s'adresse au président du comité sénatorial permanent des affaires étrangères. Je crois savoir que le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, son Excellence Mary Robinson, ancienne présidente d'Irlande, sera en visite au Parlement cette semaine. Les honorables sénateurs pourront-ils la rencontrer au cours d'une séance du comité?

L'honorable John B. Stewart: Je remercie le sénateur de sa question. Le sénateur Andreychuk pourrait lui fournir beaucoup de renseignements au sujet de la visite du haut-commissaire. Si je comprends bien, Mme Robinson n'aura que 45 minutes à sa disposition pour rencontrer les membres des deux Chambres. J'ai pris des dispositions pour organiser une réunion mixte. Cependant, on m'a informé que, étant donné la brièveté de la réunion et le fait que chacun des partis des Communes désire disposer d'une part égale de temps, les sénateurs disposeront à peu près des deux septièmes du temps total pour poser des questions. Je crois que nous pourrons faire un bon usage de cette période. J'espère que les membres du comité sénatorial qui siégeront au comité mixte seront bien préparés et utiliseront beaucoup mieux leurs deux septièmes du temps total que les membres du comité de la Chambre des communes n'utiliseront leurs cinq septièmes de temps.

Le sénateur Kinsella: Je remercie le sénateur de ces renseignements. Je suis heureux qu'ils soient consignés au compte rendu, car je sais que les sénateurs qui ne sont pas membres de ce comité voudront peut-être profiter de l'occasion pour assister à cette réunion mixte.

(1440)

C'est également une occasion de faire connaître les préoccupations de nombreux sénateurs. Lorsqu'un visiteur de marque vient au Parlement, il faut montrer bien clairement que le Parlement est formé de deux Chambres et non d'une seule. Les gens du ministère des Affaires étrangères et d'autres ministères ou organismes devraient consulter le leader du gouvernement au Sénat ou son adjoint, car le visiteur et les sénateurs peuvent trouver mutuellement avantageux de se rencontrer.

 

Le patrimoine canadien

L'Organisation des États américains-La non-ratification de la Convention américaine relative aux droits de l'homme-L'annulation de la réunion des ministres-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai une autre question à poser au leader du gouvernement au Sénat. Je crois savoir que l'une des réunions prévues pour le haut-commissaire devait lui faire rencontrer les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux chargés des lois sur les droits de la personne au Canada. En fait, une réunion de ces ministres était prévue pour jeudi prochain et devait être présidée par madame la ministre du Patrimoine canadien. Or, elle a annulé la réunion. Le leader du gouvernement pourrait-il se renseigner auprès du ministre sur les motifs de l'annulation de cette importante réunion de ministres qui ne se sont pas rencontrés depuis une dizaine d'années?

Certains d'entre nous espéraient qu'un des points à l'ordre du jour de cette réunion serait le fait que le Canada n'a toujours pas ratifié la Convention américaine relative aux droits de l'homme, de sorte que le Canada n'a aucun contact avec le mécanisme chargé des droits de la personne à l'Organisation des États américains. Ceux d'entre nous qui ont appuyé l'entrée du Canada à l'OEA espéraient vivement que le Canada deviendrait un partenaire à part entière de cette organisation, mécanisme des droits de l'homme compris. Tant que nous n'aurons pas ratifié cette convention, nous ne pourrons pas siéger au tribunal des droits de l'homme ni à la commission des droits de l'homme.

Depuis l'affaire des années 30 relative à la convention concernant le travail, la coutume constitutionnelle au Canada veut que, pour les questions intéressant des champs de compétence fédérale et provinciale, le Canada ne ratifiera un instrument international que si les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux sont d'accord. La consultation à ce sujet dure depuis maintenant plus de huit ans. Il nous reste encore à ratifier cette entente. On espérait que la question soit abordée à cette réunion ministérielle qui devait se tenir sous la présidence de la ministre Copps. La réunion a cependant été annulée.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur Kinsella de sa question, de même que de ses instances. Il n'y a pas de plus grand défenseur des droits de la personne ni personne qui s'y connaisse autant sur le sujet que mon ami, le sénateur Kinsella.

Je serai heureux de faire les instances appropriées à la ministre Copps et de tâcher de savoir pourquoi la réunion a été annulée. Je suppose qu'elle a été, en fait, simplement reportée à plus tard.

 


Le programme d'échange de pages avec la Chambre des communes

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je voudrais vous présenter le page qui est parmi nous cette semaine dans le cadre du programme d'échange de pages avec la Chambre des communes. Il n'y en a qu'un cette semaine, mais quand je vous dirai d'où il vient, vous verrez que nous serons néanmoins bien servis.

[Français]

Je vous présente donc notre page de la Chambre des communes, Pierric Le Dorze, qui étudie l'histoire à la faculté des arts de l'Université d'Ottawa.

 


ORDRE DU JOUR

Projet de loi de mise en oeuvre du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires

Troisième lecture

L'honorable Eymard G. Corbin propose: Que le projet deloi C-52, Loi portant mise en oeuvre du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, tel que modifié, soit lu une troisième fois.

- Honorables sénateurs, ces 50 dernières années, le Canada a mis tout en oeuvre pour empêcher la prolifération des armes nucléaires grâce à l'édification d'un régime international efficace de non-prolifération et de désarmement nucléaires.

La Loi de mise en oeuvre du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires constitue un volet important de ces efforts. De plus, les gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays ont appuyé sa conclusion. Au chapitre de la prolifération, ce traité vise avant tout à établir une norme mondiale d'interdiction des essais nucléaires, applicable à tous les États, même à ceux qui n'adhèrent pas encore au traité.

La force de la Loi de mise en oeuvre du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires réside dans le consensus indiscutable dont il jouit au sein de la communauté internationale. Des 193 pays membres des Nations Unies, 151 l'ont signé, dont les cinq puissances nucléaires, de sorte qu'il bénéficie de la caution morale de la communauté internationale.

La Loi de mise en oeuvre du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires prévoit en outre l'instauration du Système de surveillance international, réseau de 321 stations de surveillance mettant à contribution quatre technologies, à savoir la surveillance sismologique et hydroacoustique, ainsi que la détection des infrasons et des radionucléides. Ainsi, il sera possible de détecter et de localiser avec une grande précision toutes les explosions nucléaires de plus d'une kilotonne dans l'atmosphère, sous l'eau ou sous terre, partout dans le monde. En outre, un système d'inspection sur place permettra d'établir si une activité suspecte était une explosion nucléaire.

Il sera possible, notamment, de détecter des accidents nucléaires comme celui de Tchernobyl, si bien que la communauté internationale pourra intervenir plus rapidement qu'auparavant.

Grâce à son régime de vérification et d'inspection sur place, ce traité peut prévenir la mise au point d'armes nucléaires mieux que tous les traités de désarmement qui l'ont précédé. De plus, il contribue efficacement à la mise en oeuvre d'un processus progressif, à la fois pratique et soutenu, de réduction, voire d'élimination, des armes nucléaires.

Nous avons la conviction intime que, lorsque le régime de vérification de la Loi de mise en oeuvre du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires sera en vigueur, il sera pratiquement impossible de procéder à des essais clandestins d'armes nucléaires, notamment à des explosions.

Même déployé partiellement, le système a déjà démontré son efficacité, en détectant facilement les essais nucléaires de l'Inde et du Pakistan l'été dernier.

Ces deux pays n'ont pas signé le traité. Cependant, par suite des pressions de la communauté internationale en réaction à ces essais, ils se déclarent disposés à envisager sa signature, ce qui témoigne du respect dont jouit ce document.

J'espère qu'ils le signeront et le ratifieront bientôt, sans exiger de modifications ni d'amendements. Ce geste accélérerait l'entrée en vigueur du traité.

[Traduction]

Le Canada accorde une très grande importance à la non-prolifération des armes nucléaires et au désarmement nucléaire. Le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires n'est pas simplement un traité pour se donner bonne conscience. Il traite du volet de non-prolifération du régime de désarmement et de non-prolifération. Comme je l'ai déjà mentionné, il contribuera grandement à la prévention de la prolifération des armes nucléaires entre les États et de la mise au point de nouvelles armes nucléaires par les puissances nucléaires existantes.

Les essais nucléaires menés par l'Inde et le Pakistan ont défié fondamentalement le régime de non-prolifération à l'échelle mondiale. Le Canada a été un des pays qui a exercé le plus de pressions afin que la communauté internationale réagisse fermement et efficacement à la menace créée par ces essais. Une résolution qui était coparrainée par le Canada et qui déplorait vivement ces essais a reçu, le 12 novembre, un vaste appui de la Première Commission de l'Assemblée générale des Nations Unies. Le gouvernement du Canada a aussi à coeur de promouvoir le désarmement nucléaire. Certains progrès ont été accomplis, mais il faut encourager les puissances nucléaires à faire davantage et, de préférence, plus tôt que tard.

(1450)

Certains sénateurs se sont demandé pourquoi le Canada s'est abstenu de voter sur la résolution de la Première Commission des Nations Unies qui concernait le «nouveau programme». Le Canada a décidé de s'abstenir de voter après avoir mûrement réfléchi à la question et après avoir consulté de hautes instances.

Le Canada a estimé que la résolution n'avait pas l'appui de la base nécessaire pour une action concertée. De plus, le gouvernement ne voulait pas, en se prononçant sur cette résolution, préjuger des conclusions de l'étude sur la politique de non-prolifération et de désarmement nucléaires menée par le comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes.

Le gouvernement reconnaît qu'il est possible et impérieux de faire davantage en faveur du désarmement. Au cours des mois qui viennent, le Canada entend travailler activement à ce dossier avec ses alliés.

Quelques sénateurs ont aussi demandé pourquoi on a créé à Vienne une organisation du Traité d'interdiction totale des essais nucléaires distincte plutôt que de confier la responsabilité de la mise en oeuvre de ce traité à une organisation existante comme l'Agence internationale de l'énergie atomique.

L'agence a certaines responsabilités, dont la protection et l'inventaire du matériel nucléaire et la promotion de la sécurité dans l'industrie nucléaire. Elle possède l'expertise nécessaire pour s'acquitter de ces responsabilités, mais elle n'a pas l'expertise voulue pour détecter les explosions nucléaires. Au cours des longues et difficiles négociations, les experts ont fait valoir la nécessité de créer une organisation distincte qui acquerrait l'expertise voulue pour mettre en oeuvre le Traité d'interdiction totale des essais nucléaire.

L'organisation du Traité d'interdiction totale des essais nucléaire et l'Agence internationale de l'énergie atomique seraient logées dans le même immeuble, à Vienne. Nous prévoyons qu'il y aura une synergie entre les deux organisations. Elles s'épauleront dans le renforcement du régime de non-prolifération des armes nucléaires et du désarmement. Cependant, compte tenu des différences entre les deux mandats, il est apparu que l'existence de deux organisations était la meilleure solution.

Enfin, je souligne que la majeure partie des ressources requises pour mettre sur pied l'organisation du Traité d'interdiction totale des essais nucléaires auraient quand même été nécessaires si ses responsabilités avaient été confiées à l'Agence internationale de l'énergie atomique ou à toute autre organisation internationale.

[Français]

Permettez-moi maintenant de revenir à la raison d'être du projet de loi C-52. La loi dont nous sommes saisis aujourd'hui nous permettra de satisfaire à nos obligations nationales aux termes de la Loi de mise en oeuvre du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, auquel la plupart des Canadiens accordent leur appui.

Cette loi criminalisera toute explosion nucléaire expérimentale, ou toute autre explosion nucléaire au Canada, provoquée en vue de mettre au point des armes nucléaires; donnera au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, à Ressources naturelles Canada et à Santé Canada le mandat d'exercer leurs responsabilités respectives au sein de l'Autorité nationale de la Loi de mise en oeuvre du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, qui se chargera du respect, sur le territoire canadien, de nos obligations aux termes du traité; obligera l'industrie canadienne à rendre compte à l'Autorité nationale des explosions chimiques d'une intensité équivalente à l'explosion de 300 tonnes ou plus de TNT, qui pourraient être confondues avec des explosions nucléaires.

L'Autorité nationale de la Loi de mise en oeuvre du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires se composera d'éléments existants de Ressources naturelles Canada, de Santé Canada, d'Environnement Canada et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Sa création n'entraînera pas la mise sur pied de nouvelles structures administratives ni l'embauche de nouveaux employés au Canada.

Le Canada s'emploie à établir un régime international efficace de non-prolifération et de désarmement nucléaires. Le Canada poursuivra avec constance ses efforts pour libérer le monde de la menace que constitue les armes nucléaires, tout en lui permettant de profiter des avantages de la technologie nucléaire utilisée à des fins pacifiques.

Honorables sénateurs, je me suis efforcé au cours de mon intervention de réagir aux commentaires et aux questions que des sénateurs avaient soulevés pendant l'étude du projet de loi à l'étape de l'étude en comité. Je veux, en terminant, remercier tous nos collègues pour leur coopération et leur contribution à toutes les étapes de l'examen du projet de loi.

[Traduction]

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je me permets d'ajouter quelques observations concernant le discours que j'ai prononcé au cours de l'étude à l'étape de la deuxième lecture. Mais d'abord, je remercie le sénateur Corbin, qui a fait des remarques réfléchies et qui a répondu à toutes les questions posées par les membres du comité au cours de l'étude de cette mesure. Cet esprit de collaboration fait beaucoup pour conforter l'appui que donnent depuis longtemps les deux Chambres aux projets ayant trait au Traité d'interdiction complète des essais nucléaires et à l'objectif ultime de désarmement.

Je voudrais m'arrêter sur certains points. Depuis longtemps, le Canada ne cesse de militer ardemment en faveur des traités d'interdiction complète des armes nucléaires et du désarmement. Il est regrettable qu'il n'ait pas souscrit à la résolution de la Première Commission. Même si les deux réponses qui ont été fournies expliquent pourquoi le Canada n'a pas souscrit à la résolution et s'est abstenu, je crois néanmoins qu'il aurait dû appuyer la résolution du nouveau programme d'action. L'abstention du Canada fournit aux pays qui n'ont pris aucun engagement sur la question du désarmement nucléaire une justification, un espoir et une certaine marge de manoeuvre. Ils ont ainsi une certaine latitude de se joindre ou non au mouvement.

C'est une deuxième occasion qui se présente. Dans mon premier discours, j'ai fait remarquer que le Canada n'avait pas réagi assez fermement aux tests nucléaires menés par la France dans le Pacifique. Si le Canada s'était montré plus catégorique et s'il s'était joint à la coalition contre ces tests, est-ce que le Pakistan et l'Inde auraient osé poursuivre leurs tests? Toute hésitation de notre part permet à d'autres d'agir avec indifférence. Cette résolution et notre abstention à cet égard représentent une deuxième chance pour ceux qui n'ont pas pris d'engagement. Je sais que de nombreuses négociations se déroulent dans les coulisses des Nations Unies et que certains de nos partenaires ne se sont pas engagés à appliquer le nouveau programme d'action. Ils veulent avoir plus de temps et peut-être plus de liberté pour traiter cette question.

Même si je crois que le fait de se joindre à ces pays et de ne pas être assez nombreux justifie peut-être une abstention, ce n'était certes pas une raison suffisante dans ce cas-ci. Le Canada aurait dû donner un signal clair que, depuis plusieurs décennies, il s'est engagé à appuyer les traités d'interdiction des armes nucléaires et l'objectif ultime d'un désarmement militaire. Je crois que chaque fois que nous nous esquivons, nous donnons aux détracteurs l'occasion de s'esquiver eux aussi.

J'espère que le gouvernement du Canada reviendra sur sa position et décidera d'appuyer de façon constante et vigoureuse le désarmement total.

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, mon intervention à l'étape de la troisième lecture de ce projet de loi sera brève. Je suis en faveur de cette mesure. Quelle personne saine d'esprit s'opposerait à un projet de loi ayant pour objet de mettre un terme aux explosions expérimentales d'armes nucléaires, étant donné qu'il y a eu 2 000 tests de ce genre ces 40 dernières années?

(1500)

Je formulerais deux importantes réserves à l'égard de ce projet de loi. Premièrement, le projet de loi et le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires n'empêcheront pas la modernisation des armes nucléaires. Deuxièmement, il ne s'agit pas d'une mesure de désarmement, comme il avait été prévu à l'origine; c'est une mesure de non-prolifération. Il y a tout un monde entre les deux.

Quand notre ministre des Affaires étrangères, l'honorable Lloyd Axworthy, s'est rendu aux Nations Unies cet automne, il a parlé dans son discours du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Il a dit alors qu'il était crucial de prévenir la prolifération horizontale. Or, ce projet de loi ne mettra pas fin à la prolifération horizontale des armes nucléaires. Il a également dit qu'il n'était pas moins vital ou urgent d'empêcher la prolifération verticale et que le désarmement nucléaire constituait l'autre volet de l'engagement nucléaire. La modernisation des armes nucléaires se poursuit malgré la mise en oeuvre du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires.

J'attire l'attention des honorables sénateurs sur le rapport d'un organisme américain baptisé le National Ressources Defence Council, où on peut lire ceci:

 

Le gouvernement américain a clairement l'intention, tout en adhérant au Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, de maintenir, voire de renforcer considérablement ses capacités scientifiques et techniques pour favoriser le développement de nouveaux types avancés d'armes nucléaires.
Selon ce rapport, qui s'intitule: «End Run: The U.S. Government's Plan for Designing Nuclear Weapons and Simulating Nuclear Explosions Under the Comprehensive Test Ban Treaty», les États-Unis se sont engagés dans un programme visant à:

 

... concevoir, développer une ogive nucléaire d'une tout nouvelle conception devant équiper le missile Trident II, en construire un prototype et l'essayer, afin de remplacer les ogives nucléaires W76 et W88 actuelles.
Ce programme, appelé «Stockpile Stewarship and Management Program», est financé à raison de plusieurs milliards de dollars par année. Il est jugé nécessaire de maintenir et de renforcer l'arsenal nucléaire des États-Unis afin de convaincre le Sénat américain que la ratification du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, que le Sénat américain est invité à faire, ne mettra pas en péril la supériorité des armes nucléaires des États-Unis.

Autrement dit, les États-Unis seront disposés à ratifier le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires si le Sénat américain reçoit l'assurance que les États-Unis pourront continuer de moderniser leurs armes nucléaires.

La Western States Legal Foundation de Californie, une ONG en vue, a qualifié cela «d'aubaine faustienne». Les représentants de cet organisme ont déclaré:

 

Aux États-Unis, on modernisera la conception des armes nucléaires au moyen d'essais de simulation effectués à l'aide d'ordinateurs ultra-rapides et coûtant des centaines de millions de dollars, ainsi que de données d'archives sur plus de 1 000 essais précédents, et de nouveaux renseignements diagnostiques obtenus auprès d'installations de fusion par confinement inertiel...
Honorables sénateurs, nous ne devons pas nous bercer de l'illusion que le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, aussi bienvenu soit-il, mettra fin à la course aux armes nucléaires, car il ne le fera pas.

Cela m'amène à ma deuxième réserve. Cet après-midi, nous avons entendu dire que les critiques des essais nucléaires menés en Inde et au Pakistan ont remis cette question à l'avant-plan des préoccupations de la population cette année. Parlons clairement de l'Inde et du Pakistan. Je déplore les essais effectués par l'Inde et le Pakistan. Cela étant dit, il ne sert pas à grand-chose que nous critiquions les essais nucléaires de l'Inde et du Pakistan alors que nous permettons à ceux qui ont déjà l'arme nucléaire de continuer à la fabriquer, afin de la conserver. Je ne parle pas seulement des États-Unis, mais aussi de la Russie, de la France, de la Grande-Bretagne et de la Chine. Tous ces pays ont conservé des stocks nucléaires à des fins de dissuasion. Quoiqu'ils n'existent plus en aussi grande quantité, ils restent un élément fondamental de leur défense militaire. L'OTAN a insisté là-dessus dernièrement en disant que l'arme nucléaire était essentielle.

Cela réduit à néant l'opinion de la Cour internationale de justice, qui a rendu le fameux avis consultatif de 1996 selon lequel la menace ou l'utilisation de l'arme nucléaire contrevenait, d'une façon générale, à toutes les règles du droit humanitaire.

Allons-nous rester silencieux en cette Chambre, au gouvernement et au pays? Allons-nous permettre le maintien des armes nucléaires en vertu des programmes des pays qui les possèdent et croire que ceux qui ne les possèdent pas se satisferont du statu quo?

L'Inde et le Pakistan ont fait savoir au monde que, à moins d'une interdiction des armes nucléaires à l'échelle mondiale afin que plus personne n'en possède, d'autres pays se joindront au club nucléaire.

Honorables sénateurs, nous avons un choix à faire au Canada. Nous devons nous montrer fermes et prendre la parole au nom des Canadiens qui veulent l'élimination des armes nucléaires. Selon un sondage récent mené par Angus Reid, 92 p. 100 des Canadiens veulent que le Canada joue un rôle de chef de file en favorisant la tenue de négociations à l'échelle mondiale sur l'élimination des armes nucléaires. Nous devons décider si nous allons défendre les valeurs des Canadiens et dire aux États qui possèdent l'arme nucléaire - et pas seulement aux États-Unis mais aux autres également - que le Canada votera aux Nations Unies en faveur d'une résolution demandant l'élimination des armes nucléaires et le début d'un processus de négociation à cette fin.

J'ai trouvé très intéressante l'intervention du sénateur Andreychuk, au nom du Parti progressiste-conservateur, selon laquelle le Canada aurait dû appuyer la résolution de la coalition pour un nouveau programme d'action que les Nations Unies ont présentée il y a seulement une semaine. Le sénateur a raison: le Canada aurait dû appuyer cette résolution.

Pour que les honorables sénateurs puissent savoir sur quoi le Canada s'est abstenu, j'aimerais rapporter une partie du paragraphe central de la résolution. Si l'on est d'accord avec cette partie du texte, on sera certainement d'accord avec le reste de la résolution.

La résolution:

Demande aux États dotés d'armes nucléaires de s'engager sans équivoque à éliminer promptement et en totalité leurs armements nucléaires et de poursuivre de bonne foi et mener à terme sans tarder des négociations aboutissant à l'élimination de ces armes, s'acquittant ainsi des obligations que leur impose l'article VI du Traité de non-prolifération des armes nucléaires.

Honorables sénateurs, le Canada a bien fait de s'abstenir en ce sens qu'il a ainsi emboîté le pas à 11 autres pays de l'OTAN. Ces 12 pays membres de l'OTAN ont clairement fait savoir aux principales nations nucléaires, soit les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France, qu'elles ne pourront pas garder d'office leur arsenal nucléaire à l'ère de l'après-guerre froide. À l'aube du nouveau millénaire, les gens en ont assez. Il est temps de construire pour le XXIe siècle une nouvelle structure en matière de paix et de sécurité qui ne s'appuiera pas sur les armes nucléaires.

La Cour internationale de justice, diverses commissions et coalitions ainsi que d'innombrables dirigeants militaires et politiques du monde affirment que les risques que pose le maintien des arsenaux nucléaires au XXIe siècle sont inacceptables et qu'ils sont bien supérieurs à celui que pose leur élimination.

Personne ne parle d'éliminer les armes nucléaires du jour au lendemain. Il faudra au moins un quart de siècle pour y parvenir. Mais, comme l'a souligné l'honorable sénateur Andreychuk, si nous ne commençons pas maintenant, cela compromettra le régime de non-prolifération.

L'ancien dirigeant de la Division du contrôle des armes nucléaires du gouvernement américain, M. Tom Graham, a envoyé au premier ministre ou au chef d'État de tous les pays membres de l'OTAN, y compris à notre premier ministre, une lettre dans laquelle il écrit:

 

Une réaffirmation de la stratégie qui était en place lors de la guerre froide nuirait au régime international de non-prolifération.
(1510)

D'ailleurs, comme le soutient M. Graham, le régime de non-prolifération sera gravement menacé si de véritables progrès ne sont pas réalisés pour mettre en vigueur les dispositions du Traité de non-prolifération qui prévoient la tenue de négociations en vue d'éliminer les armes nucléaires.

Honorables sénateurs, au bout du compte, nous sommes confrontés à une décision que notre gouvernement devra prendre. Il ne suffit pas de réclamer l'interdiction du principe d'emploi en premier des armes nucléaires, qui fait actuellement l'objet de discussions. C'est probablement ce que fera le rapport du comité de l'autre endroit. Il ne suffit pas d'interdire aux puissances nucléaires d'utiliser leurs armes nucléaires en premier. L'interdiction porte sur la possession même de telles armes. La Cour internationale de justice l'a affirmé. Le monde doit centrer son attention sur ce principe s'il veut commencer à se débarrasser des armes nucléaires.

Il nous est inutile de critiquer l'Inde et le Pakistan pour ce qu'ils ont fait, à moins de nous lever et de déclarer que tous les pays qui possèdent des armes nucléaires doivent eux-mêmes participer à un processus de négociations multilatérales et exhaustives qui interdira à jamais la possession ou l'emploi des armes nucléaires, afin que mes petits-enfants et ceux de tous les sénateurs vivent dans un monde plus sûr que ne l'est le nôtre à l'heure actuelle.

[Français]

L'honorable Roch Bolduc: J'ai bien apprécié le discours du sénateur Roche. La question que je me pose - et je ne mets pas en cause les excellents discours que nous venons d'entendre - est la suivante: est-ce que le monde se sentirait plus en sécurité s'il y avait une police internationale qui a les capacités d'intervenir et de régler, par exemple, un problème majeur qui pourrait se poser dans une région du monde? On sait qu'actuellement, il y a un pays qui peut le faire: les États-Unis.

[Traduction]

Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa question. Il va sans dire que le monde a besoin que les États-Unis, avec toute leur force, leurs capacités, leur histoire, leur perspective, leurs ressources, jouent un rôle de premier plan dans l'édification d'une nouvelle architecture mondiale pour assurer la sécurité au XXIe siècle.

C'est un risque trop grand pour l'humanité que les pays nucléarisés, dont les États-Unis, conservent leurs armes nucléaires. Pour répondre à la question de l'honorable sénateur, je cite comme principal témoin lord Carver, ancien ministre de la Défense du Royaume-Uni. Selon lui, il est très clair que les risques que comporte l'élimination des armes nucléaires sont bien inférieurs à ceux que présente le maintien du statu quo. Les risques d'affrontement subsistent. L'Inde et le Pakistan ne seront pas les derniers. D'autres pays s'engageront dans la même voie. On ne l'a pas encore fait remarquer aujourd'hui, mais, chose curieuse, l'Inde et le Pakistan ont affirmé clairement avant et après leurs essais qu'ils se joindraient à un processus de négociation en vue d'une interdiction totale des armes nucléaires.

La question est de savoir si le monde est bien mieux ou plus en sécurité avec ou sans les armes nucléaires. Les preuves s'accumulent, montrant que le monde se porterait bien mieux sans ces armes.

Le leader du gouvernement au Sénat a essayé de répondre à ma question sur les raisons pour lesquelles le Canada s'est abstenu, lors d'un vote au sujet des armes nucléaires la semaine dernière, à l'ONU. J'espère que le leader du gouvernement n'ira pas croire que l'exposé fort louable que le sénateur Corbin a fait cet après-midi a répondu à la question. Il n'en est rien. Il n'a fait que réitérer l'explication voulant que, selon le Canada, il reste encore du travail à faire avant que nous ne puissions appuyer la résolution. Je voudrais savoir avec précision ce qui, dans la résolution de l'ONU, fait l'objet des objections du Canada. J'ai lu le paragraphe clé, qui dit très clairement que nous souhaitons obtenir des négociations. Le Canada devra décider ce qu'il fera pour être en mesure d'appuyer la résolution de la coalition l'an prochain.

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à l'honorable sénateur Roche. Si je comprends bien l'article 7 du projet de loi, si un citoyen canadien, un particulier ou une société participe à un essai à l'extérieur du Canada, il est passible de poursuites au Canada. Mon interprétation est-elle juste?

Le sénateur Roche: Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Sans préavis ni étude préalable, je ne peux me prononcer sur un point de détail comme celui-là.

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, j'ai une brève question. J'ai écouté attentivement le sénateur Roche. En fait, ma question concerne la façon dont les armes nucléaires seront retirées progressivement à l'échelle internationale. Il y a eu d'autres précédents du genre. Les traités internationaux START I et START II étaient respectés par les deux camps et prévoyaient un mécanisme de surveillance.

Je veux me renseigner. Je suis loin d'être aussi bien informé que le sénateur Roche en la matière. Si la volonté était là, si les États étaient d'accord, à quoi correspondrait ce mécanisme et que faudrait-il pour le mettre en place? C'est une chose de dire que les pays membres de l'OTAN devraient réduire leur arsenal nucléaire, mais cela ne sert pas à grand-chose qu'ils le fassent si les autres pays conservent le leur. Ce doit être un effort collectif. Il faut pour cela une structure de surveillance internationale. Je me demande si l'honorable sénateur pourrait me dire ce qu'il en pense.

Le sénateur Roche: Je remercie le sénateur Rompkey de sa question et de la manière dont il l'a posée. Naturellement, il a parfaitement raison. La question tourne autour de la volonté politique des États concernés.

Sur la question de la réduction, les États-Unis et l'Union soviétique - puis, plus tard, la Russie - ont commencé à réduire leurs stocks dans le cadre de START I, le premier niveau des pourparlers de réduction des armes stratégiques. Il s'agissait alors de ramener le nombre d'armes nucléaires stratégiques déployées à 7 000 de chaque côté. Le traité a été signé et ratifié par les deux pays. Plus tard, il y a eu START II, signé par les États-Unis et par ce qui est devenu aujourd'hui la Russie. Il devait ramener à 3 500 le nombre d'armes nucléaires stratégiques déployées. Le traité START II a été ratifié par le gouvernement américain, mais pas par la Douma russe, qui l'a maintenant depuis environ sept ans, encore que l'on parle de le ressusciter et de le ratifier au mois de décembre.

Si tout allait bien et si START II était ratifié - ce qui est loin d'être fait - il y aurait encore, en 2007, 17 000 ogives nucléaires dans le monde. Cela comprend toutes les catégories d'ogives détenues par les puissances nucléaires.

(1520)

Il est faux de penser qu'il y a un processus mondial de désarmement. On parle en ce moment de START III. Si les négociations entre les États-Unis et la Russie peuvent reprendre et être menées à terme, la mise en oeuvre du traité ramènerait le nombre des armes nucléaires stratégiques déployées à 2 500 de part et d'autre. C'est un progrès, bien sûr, mais les trois autres grandes puissances nucléaires, soit la Chine, la Grande-Bretagne et la France, ne sont pas parties à ces négociations. C'est l'absence de négociations générales, avec une date limite, qui soulève les critiques du monde entier.

Même si le processus progressif dont a parlé le sénateur Corbin dans son discours cet après-midi a certains avantages, il permet à la modernisation de se poursuivre. Les gens du monde entier croient, à tort, que le problème des armes nucléaires a disparu, alors qu'il se pose toujours. Cette illusion permet de conserver les armes nucléaires comme la pierre angulaire de la doctrine militaire.

Personne ne parle d'un désarmement nucléaire unilatéral. Bien entendu, ce doit être fait de façon globale, en ayant recours à un système d'inspections sur place dans le cadre d'un système international de vérification. Ces choses existent.

Le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, qui éliminait toutes les armes nucléaires à portée intermédiaire entre la Russie et les États-Unis, prévoit des vérifications sur place, des inspecteurs de chaque pays se rendant dans l'autre pays pour effectuer des vérifications.

Cela revient à la volonté politique. Ce ne sont pas des détails techniques ou l'absence de connaissances techniques qui nous empêchent d'aller de l'avant au sujet de cette question tout à fait critique pour toute l'humanité. C'est plutôt la volonté politique des États en cause, ce qui nous ramène à la résolution de la coalition pour un nouveau programme au sujet de laquelle le Canada s'est abstenu. Lorsque le Canada votera en faveur d'une telle résolution, nous défendrons les valeurs canadiennes et dirons aux dirigeants de pays possédant des armes nucléaires que nous devons entrer dans un nouveau siècle et un nouveau millénaire d'où seront absentes les armes nucléaires, car elles sont trop dangereuses pour le monde.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne souhaite intervenir, je vais poser la question.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu une troisième fois, est adopté.)

 

Le Code criminel
La Loi réglementant certaines drogues et autres substances
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Wilfred P. Moore propose: Que le projet deloi C-51, Loi modifiant le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, je voudrais parler aujourd'hui de la motion de deuxième lecture du projet de loi C-51, le projet de loi d'ensemble modifiant le Code criminel, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Ces modifications ne sont pas suffisamment importantes ou complexes pour justifier à elles seules une mesure législative distincte, mais certaines prévoient des changements marqués de politique et je voudrais attirer l'attention des honorables sénateurs sur certains des éléments plus importants du projet de loi.

Après examen, le gouvernement a décidé de proposer d'abolir la règle «d'un an et un jour» contenue à l'article 227 du Code criminel. Cette règle, qui trouve son origine dans l'ancienne common law, interdit d'accuser quelqu'un d'homicide si la mort de sa victime survient plus d'un an et un jour après l'acte ayant causé sa mort.

Dans les temps anciens, cette règle limitait la période au cours de laquelle une personne risquait d'être poursuivie pour homicide et elle permettait d'éviter des problèmes judiciaires liés à l'établissement de la preuve de la causalité. Aujourd'hui, grâce aux progrès de la science, il est plus facile de déterminer si la mort d'une personne a été causée ou non par l'accusé, même si la mort de la victime est retardée ou si elle est attribuable à de multiples causes.

La règle a été contestée ces dernières années. Elle empêche les poursuites dans les cas d'homicide, de négligence criminelle entraînant la mort, de conduite avec facultés affaiblies causant la mort et d'autres actes criminels semblables. La Couronne se voit donc obligée de porter des accusations d'infraction moins grave, même si la causalité peut être prouvée. La médecine moderne a également accru le nombre de cas possibles en prolongeant les périodes de survie des victimes qui succombent par la suite à leurs blessures.

Suite aux critiques formulées et après examen de la question, le gouvernement propose, dans le projet de loi à l'étude, d'abroger cette règle contenue dans la législation. La règle de common law a été abrogée lorsque l'article 227 a été intégré au Code criminel et, conformément à la Loi d'interprétation, elle ne sera pas rétablie par l'abrogation de l'article 227.

L'abrogation de cet article aura également pour effet que les infractions entraînant la mort de la victime seront assujetties aux mêmes règles que toute autre infraction. Elles pourront faire l'objet de poursuites sur la même base, que la victime meure immédiatement après la perpétration de l'infraction ou plus tard.

Les principes qui régissent la preuve du décès font déjà partie de la jurisprudence des cours d'appel et cette jurisprudence s'appliquera dans tous les cas, et pas seulement lorsque la victime meurt à l'intérieur d'une période d'un an et un jour. Aucune modification de ces règles n'a été nécessaire.

La Cour suprême du Canada a statué que tout acte qui contribue de façon plus que minime ou négligeable à la mort d'une personne entraîne la responsabilité de l'auteur de l'acte. Si l'acte ou l'omission qui contribue à la mort de la victime constitue un crime en soi, l'accusé sera responsable, peu importe quand l'acte ou l'omission a eu lieu.

Un autre groupe de modifications importantes contenues dans le projet de loi vise les règles qui régissent les condamnations avec sursis visées dans le Code criminel. Ces règles découlent d'une mesure législative qui est entrée en vigueur à la fin de 1996. Des causes où des ordonnances de sursis avaient été prononcées et dont l'application posait des problèmes sont actuellement en instance devant la Cour suprême du Canada.

Le gouvernement a l'intention d'attendre jusqu'à ce que la cour ait rendu une décision sur une série de problèmes avant de songer à apporter des changements importants au régime, mais on a identifié un problème qui exige et permet d'apporter plus tôt des modifications à la loi pour y remédier, et ces modifications sont proposées dans le projet de loi C-51.

À l'heure actuelle, quand il y a manquement aux conditions d'une ordonnance de sursis, une audience doit se tenir dans un certain délai après la délivrance d'une assignation à comparaître ou d'un mandat d'arrestation, et la compétence du tribunal qui entendra l'affaire prend fin à l'expiration de l'ordonnance. Il en résulte que les tribunaux perdent leur compétence à cet égard soit parce qu'une audience ne peut se tenir dans le délai prévu ou parce que l'ordonnance elle-même est expirée.

Pour remédier à ce problème, le gouvernement propose des modifications qui suspendront l'exécution de l'ordonnance dès qu'une procédure en cas de prétendu manquement aux conditions est engagée. Lorsque le contrevenant est arrêté ou lorsqu'un mandat d'arrêt est délivré, l'exécution de la sentence est suspendue et l'ordonnance demeure en vigueur tant que l'audience sur le manquement n'est pas terminée. Les audiences devront se tenir aussitôt que cela est possible, mais non dans un délai précis. Au cours de cette période, qu'il soit ou non en détention, le contrevenant restera assujetti aux conditions de l'ordonnance de sursis.

La suspension de l'exécution de l'ordonnance cesse lorsque prend fin l'audience à l'égard d'un manquement. Le tribunal peut également ordonner qu'une partie ou la totalité du temps perdu soit reportée au crédit du contrevenant s'il juge qu'il n'y a pas eu manquement ou que le contrevenant avait une excuse raisonnable, ou en d'autres circonstances exceptionnelles. Si le tribunal juge que le contrevenant a enfreint, sans excuse raisonnable, une condition de l'ordonnance, les dispositions actuelles du Code criminel continueront de s'appliquer. Le contrevenant peut être condamné à purger une partie ou la totalité de l'ordonnance en détention.

Les changements proposés visent à établir un équilibre en assurant que la condamnation avec sursis demeure une option viable à l'égard des délinquants pour lesquels la détention n'est pas la meilleure option, que ceux qui violent les conditions de leur peine en assument les conséquences, que le système de justice ne perde aucune compétence et que les droits et les intérêts des délinquants condamnés avec sursis soient protégés.

Les modifications proposées traitent aussi de plusieurs autres questions de condamnation.

Les mêmes modifications principales qui ont créé les condamnations avec sursis, en 1995-1996, par l'intermédiaire du projet de loi C-41, ont aussi créé un certain nombre de règles générales concernant les amendes et autres mesures. Les modifications ici proposées clarifieraient leur application à l'égard de mesures spécifiques de condamnation prévues dans le Code criminel et dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

(1530)

Dans la loi, une règle prévoyant des facteurs aggravants à considérer dans la détermination des sentences par les tribunaux a été vue dans certains cas comme exhaustive, empêchant l'examen de facteurs aggravants non prévus. Cela serait modifié de telle sorte qu'on puisse examiner tout facteur aggravant en tant que tel.

Dans le Code criminel, les règles générales régissant les amendes seraient clarifiées de telle sorte que lorsqu'un délit rend passible d'une peine minimale obligatoire, une amende puisse accompagner et non remplacer cette peine.

Le projet de loi C-51 apporte aussi deux modifications aux dispositions du Code criminel régissant les jeux de hasard et cela, à la demande des provinces. Ces modifications visent à assurer que les maisons de jeu canadiennes soient concurrentielles. Le gouvernement est persuadé qu'elles n'entraîneront aucune hausse importante du niveau général des jeux de hasard au Canada.

Selon les dispositions actuelles, organiser des jeux de hasard, participer à un jeu de hasard et importer du matériel de jeu sont des infractions, à moins que les activités ne soient menées et gérées par le gouvernement d'une province. Certains types de jeu peuvent aussi être tenus dans une province sous réserve de l'obtention d'un permis provincial.

Les modifications proposées élargiraient les exemptions de deux manières. Tout d'abord, les jeux de dés, qui sont entièrement interdits, seraient inclus dans la liste des activités permises sous la responsabilité des provinces. Cela permettrait aux casinos canadiens de faire efficacement concurrence aux casinos américains, notamment dans les zones frontières, où les clients peuvent facilement se déplacer d'un pays à l'autre. En outre, les jeux de dés seront limités aux endroits où les provinces auront pris les mesures nécessaires pour éviter la tricherie.

Deuxièmement, les jeux qui peuvent maintenant être exploités par les provinces seront aussi permis sur les navires de croisière internationale qui font escale dans des ports canadiens ou traversent les eaux canadiennes. Cette modification vise à permettre à ces navires de faire escale dans des ports des provinces atlantiques, du Québec et de la Colombie-Britannique en suivant les itinéraires existants, et à stimuler l'industrie des croisières, qui apporte des revenus touristiques dans d'autres régions du Canada aussi.

Les dispositions proposées empêcheront que des navires soient utilisés comme établissements de jeux purement canadiens. Les croisières doivent nécessairement passer par des eaux internationales et aucun jeu n'est permis lorsque le navire se trouve à moins de cinq milles marins d'une escale canadienne.

Quelques sénateurs savent probablement que la première mine de diamants a été inaugurée le mois dernier dans les Territoires du Nord-Ouest, ce qui crée des emplois et stimule le développement économique dans la région. Le gouvernement a appuyé ce projet qui ouvre une nouvelle ère dans le secteur minier canadien. Cependant, vu leur petite taille et leur grande valeur, les diamants bruts sont des cibles idéales pour les voleurs et se prêtent bien à la contrebande et au blanchiment des produits de la criminalité.

Pour répondre à ces préoccupations, le gouvernement propose de modifier plusieurs dispositions du Code criminel qui ont toujours traité des métaux précieux. Le gouvernement propose ainsi de modifier ces dispositions applicables aux minéraux précieux pour veiller à ce que les minéraux non métalliques comme les diamants soient maintenant compris. Les dispositions laissaient entendre que les personnes en possession de minéraux précieux les avaient volés, les avaient obtenus frauduleusement ou dans le but de commettre une fraude. Pareilles dispositions enfreignent le droit d'être présumé innocent en vertu de la Charte des droits et libertés. Les modifications régleraient ce problème, rendant les règles conformes à la Charte et à la jurisprudence.

Ont également été soulevées quelques questions d'ordre technique relativement aux dispositions sur la surveillance électronique, la perquisition et la saisie, et le gouvernement propose de les modifier dans le projet de loi C-51. La loi prévoit actuellement la surveillance électronique et l'installation des dispositifs nécessaires, si cela est autorisé par le tribunal pour des motifs satisfaisant aux critères du Code criminel et de la Charte des droits et libertés.

La loi n'est pas aussi limpide en ce qui a trait aux procédures qui conviennent pour enlever ces dispositifs une fois l'enquête conclue, et les modifications proposées régleraient le problème de deux façons. D'abord, les dispositions régissant les autorisations relatives à la surveillance seraient clarifiées de manière à ce que l'autorisation du tribunal porte sur l'installation, l'entretien et l'enlèvement des dispositifs nécessaires. Ensuite, pour le cas où l'autorisation initiale aurait expiré avant l'enlèvement des dispositifs, le tribunal pourra émettre une seconde autorisation pour les enlever et fixer les conditions à cet égard.

La plupart des dispositions législatives sur les mandats de perquisition permettent actuellement que les perquisitions soient effectuées par n'importe quel agent de la paix ou personne dont le nom figure sur le mandat. Cela soulevait des inquiétudes. On craignait que des personnes qui n'ont pas suffisamment d'expérience de l'application de la loi puissent devoir exécuter de tels mandats. C'est pourquoi les amendements proposés limiteraient cette possibilité aux agents de la paix et fonctionnaires publics ayant pour fonction de faire observer la loi.

Une autre préoccupation importante pour le gouvernement est le problème croissant du télémarketing frauduleux. Ce type de commerce génère de tels profits qu'il est devenu une activité type dans le domaine du crime organisé au Canada. Récemment, un examen conjoint du problème a aussi permis de conclure qu'il avait des effets exceptionnellement néfastes, parce que beaucoup des victimes sont des personnes âgées qui ne peuvent pas remplacer facilement les épargnes ou les biens qu'elles ont ainsi perdus.

Le gouvernement croit que les dispositions actuelles sur les fraudes dans le Code criminel sont suffisantes pour traiter le problème des véritables fraudes, mais des modifications ont été proposées récemment à la Loi sur la concurrence afin d'élargir les pouvoirs pour tenir compte d'autres infractions qui sont moins graves ou qui visent à permettre l'accomplissement de fraudes. Ces modifications ont été étudiées en cette enceinte dans le cadre de l'étude du projet de loi C-20.

Une stratégie fondamentale mise au point pour combattre ce type d'activités consiste à cibler les profits, de manière à priver les délinquants de leurs gains et à faciliter la restitution aux victimes. Le projet de loi C-51 présente une modification qui ferait que les nouvelles infractions à la Loi sur la concurrence seraient traitées en vertu des dispositions du Code criminel concernant la saisie et la confiscation des produits de la criminalité, ce qui permettrait aux forces policières de cibler ces produits.

Tous les Canadiens sont préoccupés par le problème de la violence familiale. Les efforts pour punir les délinquants et protéger les victimes sont souvent entravés par l'influence ou les contraintes indues exercées par les délinquants, qui peuvent communiquer avec leurs victimes ou leurs témoins même quand ils sont en détention. En réponse à ce problème, le Parlement a pris des mesures en 1997 pour créer les pouvoirs permettant aux juges qui refusent tout cautionnement à une personne accusée d'ordonner également que celle-ci ne puisse communiquer avec aucun témoin ni aucune personne dont le nom figure sur l'ordonnance.

Les autorités provinciales ont fait remarquer que ce pouvoir ne peut être utilisé que lorsque l'accusé a été entendu pour la libération sous caution, même s'il a été incarcéré auparavant, alors que l'accusé contacte souvent ses victimes ou les témoins dès qu'il le peut. Pour prévenir cette situation, on propose un amendement qui permettrait au premier juge devant lequel l'accusé comparaît de prendre une telle ordonnance.

J'ai mentionné que les modifications proposées visent aussi la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, en plus du Code criminel. Depuis l'adoption de mesures pour combattre le gangstérisme, en 1997, certains se plaignent du fait que ceux qui commettent des infractions au nom du crime organisé peuvent néanmoins demander à être libérés sous condition en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, si les infractions elles-mêmes ne sont pas spécifiquement mentionnées.

Le gouvernement considère l'appartenance à un groupe criminel organisé comme quelque chose de grave et propose de modifier la loi pour que les personnes condamnées en vertu des modifications de 1997 pour avoir participé directement aux activités d'une organisation criminelle ou pour avoir commis toute autre infraction pour le compte d'une groupe criminel organisé, ne soient pas admissibles à la procédure d'examen expéditif.

Les modifications permettraient aux tribunaux d'ordonner que l'appartenance à un groupe criminel organisé ces condamnés servent une période supplémentaire avant d'être admissibles à la libération sous condition, et de s'assurer que, si l'appartenance à un groupe criminel organisé est prouvée, le dossier pour la Commission nationale des libérations conditionnelles le mentionne.

Le projet de loi apporte également deux modifications à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Comme je l'ai mentionné, une de ces modifications touche la liste des facteurs qui peuvent être invoqués pour imposer des peines plus longues aux contrevenants. La liste des facteurs demeure la même, mais le préambule est modifié de sorte que d'autres circonstances aggravantes peuvent également être prises en considération.

L'autre modification corrige une omission faite dans les modifications apportées à la loi en 1997, soit dans l'article 140 du chapitre 18 des Lois du Canada de 1997. Cette omission a été corrigée temporairement par un règlement qui sera révoqué une fois que le texte de la loi aura été modifié.

En terminant, honorables sénateurs, les modifications que propose le projet de loi C-51 n'apportent pas des changements majeurs au système de justice pénale du Canada, mais apportent tout de même des changements importants. Ces changements ont été demandés par les responsables du système de justice pénale, aux paliers fédéral et provincial. Ces changements se traduiront par des améliorations qui accroîtront l'efficacité de ce système. Je vous demande d'appuyer ce projet de loi.

(Sur la motion du sénateur DeWare, au nom du sénateur Ghitter, le débat est ajourné.)

(1540) 

Régie interne, budgets et administration

Adoption du vingt-septième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du vingt-septième rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (budgets de certains comités), présenté au Sénat le 19 novembre 1998.

L'honorable Bill Rompkey propose: Que le rapport soit adopté.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

 

Adoption du vingt-huitième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du vingt-huitième rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (échelle salariale des employés non représentés), présenté au Sénat le 19 novembre 1998.

L'honorable Bill Rompkey propose: Que le rapport soit adopté.

(La motion est adopté, et le rapport est adopté.)

 

Projet de loi sur la Sanction royale

Étude du rapport du comité-Motion d'amendement-Report du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Milne, appuyée par l'honorable sénateur Bryden, tendant à l'adoption du douzième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi S-15, Loi relative aux modalités d'octroi par le Gouverneur général, au nom de Sa Majesté, de la sanction royale aux projets de loi adoptés par les Chambres du Parlement, avec des amendements), présenté au Sénat le 18 juin 1998;

Et sur la motion en amendement de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Pépin, que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour une étude plus approfondie.-(L'honorable sénateur Cools).

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, j'ai été fasciné l'été dernier par la lecture des origines, des antécédents et de l'historique de la sanction royale, qui fait actuellement l'objet du projet de loi S-15. Je m'attends à prendre la parole brièvement à ce sujet la semaine prochaine dans le but de tenter de renvoyer ce projet de loi au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour étude plus approfondie.

(Le débat est reporté.)

 

Les pays en développement

L'éducation et la santé chez les jeunes filles et les femmes-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Losier-Cool, attirant l'attention du Sénat sur la population, l'éducation et la santé dans de nombreux pays en voie de développement, en particulier chez les jeunes filles et chez les femmes.-(L'honorable sénateur Andreychuk).

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je voudrais aujourd'hui répondre aux observations faites précédemment par l'honorable sénateur Losier-Cool au sujet de l'interpellation portant sur l'éducation et la santé des jeunes filles et des femmes dans de nombreux pays en développement. Le sénateur a attiré notre attention sur la situation des femmes en Afrique, en particulier sur le désavantage qu'elles subissent en matière d'éducation et de soins de santé. Je suis d'accord avec les inquiétudes exprimées par le sénateur Losier-Cool, qui siège également avec moi à l'Association multipartite des parlementaires canadiens pour la population et le développement, ou l'APCPD.

Comme les honorables sénateurs le savent, l'APCPD a récemment célébré son premier anniversaire en organisant un atelier sur l'éducation sexuelle des adolescents au Canada et dans le monde, auquel de nombreuses personnes ont assisté. Je voudrais m'arrêter sur un sujet qui revêt un caractère particulièrement urgent et qui a été abordé par le sénateur Losier-Cool dans ses observations ainsi que par des intervenants à l'atelier-événement de l'association à la fin d'octobre. Il s'agit de la mortalité liée à la maternité.

Même si, Dieu merci, ce problème est pratiquement inconnu au Canada, la mortalité liée à la maternité atteint néanmoins des taux épidémiques dans une grande partie du monde en développement, mais reçoit pourtant relativement peu d'attention. Ce problème est le sujet du premier dossier documentaire de l'APCPD à l'intention des parlementaires.

Puisque l'honorable sénateur a fourni une description frappante de la vie des jeunes filles et des femmes en Afrique francophone, je vais centrer la plupart de mes observations sur une autre partie du monde où la souffrance est aussi évidente, soit l'Asie du Sud.

Honorables sénateurs, depuis le peu de temps que j'ai commencé mon intervention aujourd'hui, deux femmes sont mortes de complications liées à la grossesse. D'ici à ce que je l'aie terminée, plusieurs autres seront mortes. Six cent mille femmes chaque année, soit une chaque minute, meurent de complications liées à la grossesse, la principale cause d'infirmité et de décès chez les femmes en âge de procréer dans les pays en voie de développement. Certaines d'entre elles sont des adolescentes, d'autres sont dans la vingtaine ou la trentaine, et la plupart ont déjà d'autres enfants. Elles meurent d'hémorragie incontrôlable, de graves infections, de convulsions causées par éclampsie, d'arrêt de progression du travail quand leur pelvis est trop jeune et trop petit pour permettre le passage de la tête du bébé, et de tentatives d'avortement en cas de grossesse non désirée. Elles meurent dans la douleur et l'angoisse, souvent seules et souvent après plusieurs jours de souffrances.

Pour traduire ces chiffres en termes canadiens, cela équivaudrait à perdre 85 p. 100 de la population de la ville de Québec en une année, ou l'ensemble de la population réunie de Regina et de Saskatoon en huit mois. Si une épidémie d'une telle ampleur se produisait dans notre pays, la réaction serait immédiate, mais, dans le monde en voie de développement, cette tragédie n'a pas reçu l'attention qu'elle mérite.

La mort d'une mère a de graves conséquences pour la famille et les enfants survivants. La famille perd la contribution de la mère à la gestion du ménage de même que les soins qu'elle prodiguait aux enfants et aux autres membres du ménage. La santé, l'éducation et même la survie des jeunes enfants qui restent peuvent être compromises. Une étude effectuée au Bangladesh a révélé que lorsque meurt une mère, les enfants survivants courent de trois à dix fois plus de risques de mourir dans les deux ans. La famille perd également la contribution économique de la mère.

Des études commandées par la Banque mondiale et d'autres instances nous ont fort bien appris que les femmes sont plus susceptibles que les hommes de consacrer leur revenu à l'amélioration du bien-être familial: alimentation, soins de santé, fournitures scolaires, vêtements pour les jeunes enfants. Cependant, les coûts et les conséquences de la mortalité maternelle vont bien au-delà de la famille immédiate. Les collectivités perdent un membre important qui, souvent, travaille beaucoup, sans rémunération, pour diverses activités locales, par exemple les récoltes, le soin des malades, le travail dans les jardins communaux, la transmission des arts traditionnels aux jeunes de la collectivité et l'organisation des célébrations. Les économies nationales perdent aussi la production de ces femmes.

Malheureusement, on ne calcule guère, de façon directe, l'impact économique de la mortalité maternelle. On peut faire des comparaisons en s'appuyant sur ce qu'on sait actuellement de l'impact économique de l'épidémie de sida dans diverses régions, par exemple en Afrique.

En 1997, ONUSIDA, organisme de l'ONU qui s'occupe du sida, estimait que 2,3 millions d'adultes étaient morts de causes liées au sida, dont environ un million de femmes. Selon un article paru dans le New York Times le 15 novembre 1998, en Afrique, où l'épidémie a été la pire, le sida a réduit le PIB par habitant de 0,3 p. 100, ce qui est environ le tiers du taux de croissance annuel de 1 p. 100 que la plupart des pays d'Afrique s'efforcent d'obtenir. La mortalité maternelle touche environ quatre fois moins de personnes, bien que le problème dure depuis beaucoup plus longtemps. Par conséquent, il est probable que les conséquences économiques sont quatre fois moins importantes.

(1550)

Toutefois, l'incidence du décès de la mère est loin d'être aussi lourde que celle de la mauvaise santé générale de la mère, qui contribue considérablement au cycle de la pauvreté que connaît le quart environ de la population mondiale. Lorsque les femmes tombent malades, elles ne peuvent pas travailler à la maison ni à l'extérieur. Une étude menée en Inde par la Banque mondiale montre que la productivité des femmes serait supérieure de quelque 20 p. 100 si les problèmes de santé des femmes étaient réglés. On estime que 60 p. 100 des femmes des pays en développement souffrent d'anémie par manque de fer, ce qui réduit leur énergie et leur capacité quotidienne de travailler et fait qu'elles risquent leur vie chaque fois qu'elles sont enceintes.

Pour chaque femme qui meurt par suite de complications liées à une grossesse, de 30 à 40 connaissent des problèmes de santé dont les plus graves ne les quittent pas de toute leur vie. Jusqu'à 300 millions de femmes, soit plus du quart des femmes d'âge adulte vivant maintenant dans les pays en développement, meurent par suite d'une grossesse.

Honorables sénateurs, pourquoi ces femmes meurent-elles? Les causes médicales directes ont déjà été signalées, mais les raisons derrière la mortalité maternelle méritent d'être examinées. L'Organisation mondiale de la santé, qui a fait de la maternité sans danger le thème de la Journée mondiale de la santé, en avril dernier, atteste que la plupart des décès pourraient être évités si les femmes avaient accès à des soins de santé de base au cours de la grossesse, aux services d'un bon professionnel de la santé au moment de l'accouchement et à des soins obstétriques d'urgence en cas de complications.

Chaque année, on enregistre 60 millions de naissances au cours desquelles un seul parent ou une accoucheuse traditionnelle sans formation aide la mère à accoucher. Il est indispensable d'avoir une accoucheuse formée capable d'assurer une bonne hygiène afin de protéger la mère et l'enfant contre les infections et de reconnaître les complications afin d'adresser la femme à une personne plus compétente.

La situation inférieure des femmes dans de nombreux pays en voie de développement, notamment en Asie du Sud, fait en sorte qu'on accorde généralement moins de prix à la santé d'une femme qu'à celle d'un homme. Sans les conseils de professionnels qualifiés, les familles peuvent tarder ou même éviter de confier la mère à des services d'urgence nécessaires ou même à lui permettre de bénéficier de soins prénataux adéquats durant sa grossesse. Les femmes n'ont qu'un faible pouvoir de décision et les familles tiennent souvent à éviter les coûts directs liés au transport et aux soins et les coûts occasionnés par l'absence des femmes des champs et de la cuisine.

On estime qu'en améliorant la santé génésique des femmes et en leur facilitant l'accès à la planification familiale, on pourrait réduire d'un cinquième à un quart le taux de mortalité maternelle. Les naissances qui posent le plus de risques sont celles qui surviennent trop tôt ou trop tard dans la vie d'une femme, ou encore les naissances trop rapprochées ou trop nombreuses. En faisant en sorte que toutes les femmes qui désirent espacer ou empêcher leurs futures grossesses aient accès à des méthodes contraceptives sûres et fiables, on pourrait réduire la mortalité maternelle de 150 000 cas par année.

L'Organisation mondiale de la santé estime qu'il en coûterait moins de 5 $ par personne par année pour dispenser des soins postnataux, des services de planification familiale et des soins néonataux de base. Les soins néonataux de base à eux seuls ne coûteraient qu'environ 3 $ canadiens. Il serait plus coûteux, dans les pays plus pauvres, de doter les établissements de santé de l'équipement nécessaire pour traiter les cas d'obstétrique urgents, mais l'amélioration de l'infrastructure sanitaire et la mise en place, dans les communautés, de systèmes efficaces permettant d'adresser les gens aux personnes compétentes contribueraient à améliorer la santé de toute la population, et non seulement celle des mères.

L'adoption d'un point de vue à long terme à l'égard de l'amélioration de la situation de la femme sera essentielle pour mettre un terme à cette épidémie mondiale de décès liés à la maternité. Cela a été reconnu par le Canada et d'autres pays lors de la Conférence internationale sur la population et le développement qui a eu lieu au Caire, en 1994 et lors de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes qui a eu lieu à Beijing, en 1995.

En Asie du Sud, la discrimination à l'égard des femmes en ce qui concerne l'accès aux soins de santé commence dès la naissance et même avant. La préférence marquée pour un fils entraîne encore l'avortement de milliers de foetus féminins chaque année, malgré le fait que des tests de détermination du sexe ont été rendus illégaux, par exemple en Inde, en 1987 environ. Chez les bébés, le taux de mortalité est beaucoup plus élevé chez les filles que chez les garçons au Pakistan et au Bangladesh car elles sont moins susceptibles d'être allaitées au sein ou d'être transportées vers une clinique de santé si elles sont malades. Selon le Rapport mondial sur le développement humain de 1995, l'Asie du Sud est la seule région du monde où l'espérance de vie des femmes est inférieure à celle des hommes. Il manque près de 60 millions de femmes si on compare les ratios hommes-femmes aux ratios hommes-femmes naturels qu'on retrouve dans la majeure partie des autres régions du monde.

Honorables sénateurs, en 1997, le Canada a été un chef de file mondial dans la lutte pour mettre un terme à l'un des plus grands fléaux de notre époque, l'utilisation de mines terrestres antipersonnel, qui ont estropié ou tué au hasard environ 26 000 hommes, femmes et enfants, dans les pays touchés. Il est évident que les initiatives canadiennes ont nettement accru le rythme du changement de l'opinion mondiale au sujet de ces armes et accéléré l'intervention internationale.

Je sais que vous vous joignez à moi pour applaudir ces efforts essentiels. J'espère, cependant, que vous êtes aussi troublés que moi par les faits que j'ai présentés aujourd'hui. La campagne mondiale sur la maternité sans risque a été lancée en 1997. Pourtant, selon les estimations quant au nombre annuel de décès liés à la maternité, ce nombre avait augmenté, en fait, en 1996, passant de 500 000 à 600 000 malgré les efforts entrepris. L'engagement pris par les gouvernements au Caire et à d'autres conférences de réduire les décès liés à la maternité de moitié par rapport aux niveaux de 1990 d'ici l'an 2000 risque fort de ne pas être respecté dans la plupart des pays les plus touchés.

On peut sûrement faire davantage pour s'attaquer à cette épidémie silencieuse. Si le Canada, avec sa réputation internationale et son engagement à l'égard du développement humain, peut jouer un rôle de chef de file, nous pourrons peut-être obtenir autant de mesures concrètes pour les mères et les enfants que pour les victimes des mines terrestres depuis quelques années.

J'exhorte le gouvernement du Canada, par l'entremise de l'ACDI, à formuler une stratégie nationale sur la population et le développement pour combattre la mortalité liée à la maternité et d'autres questions connexes. Pour une raison quelconque, le Canada n'a pas adopté une stratégie de ce genre dans les pays en développement. Cela entraîne le décès de femmes chaque jour, à chaque heure et à chaque minute. Cela ne peut durer.

(Sur la motion du sénateur Pépin, le débat est ajourné.)

 

Les Nations Unies

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels-Les réponses récentes à des questions du comité-Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition), conformément à l'avis donné le 17 novembre 1998:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur les réponses aux questions supplémentaires posées par le comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels relativement au troisième rapport du Canada sur le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

- Honorables sénateurs, le but de l'interpellation est d'attirer l'attention du Sénat sur un événement très important qui a lieu cette semaine à Genève.

L'ambassadeur du Canada à la mission permanente au bureau des Nations Unies à Genève dirigera une délégation composée de représentants du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires qui comparaîtra devant le comité des Nations Unies des droits économiques, sociaux et culturels. Ce comité examinera alors le troisième rapport du Canada sur le respect des obligations imposées par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, auquel nous avons souscrit en en 1976.

(1600)

Le leader du gouvernement au Sénat a aidé les honorables sénateurs en leur procurant une copie de la réponse du Canada aux quelque 81 questions que le comité a posées lorsqu'il a examiné pour la première fois le rapport du Canada. Pour que les sénateurs puissent comprendre ce dont il est ici question, il faut revenir quelques années en arrière.

Plus tôt aujourd'hui, pendant la période des questions orales, nous avons pu nous rappeler d'une convention très importante, une convention au sens constitutionnel du terme qui a été établie en 1937. Cette convention a vu le jour à la suite d'un différend qui est survenu entre les provinces et le gouvernement fédéral, lorsque ce dernier a tenté de ratifier certaines conventions internationales relatives au travail qui traitaient des heures de travail, une question relevant clairement des provinces. Le gouvernement avait contracté certaines obligations ayant des incidences sur les compétences de provinces sans avoir obtenu l'assentiment de ces dernières.

L'affaire a été renvoyée au comité judiciaire du Conseil privé parce que, à l'époque, nous n'avions pas encore notre propre Cour suprême. Il a été établi que, pour les questions qui relèvent de la compétence des provinces, le gouvernement fédéral doit obtenir l'assentiment des provinces avant de pouvoir ratifier des traités internationaux qui leur imposent des obligations.

Les honorables sénateurs se souviendront que ce principe a été très important pendant les exercices constitutionnels de la fin des années 70 et du début des années 80, lorsque la question de savoir si le gouvernement fédéral pouvait rapatrier unilatéralement la Constitution a fait l'objet d'importantes décisions de la part des tribunaux. C'est ce principe même de consultation des provinces que le gouvernement du Canada a reconnu et auquel il s'est conformé après l'établissement par les Nations Unies de deux importants traités internationaux sur les droits de la personne, en 1966.

Le 10 décembre prochain, nous célébrerons le cinquantième anniversaire de ce grand événement qu'a été la proclamation, par l'Assemblée générale des Nations Unies, de la Déclaration universelle des droits de l'homme à titre de norme universelle de réalisation du monde civilisé. La Déclaration universelle des droits de l'homme a certes acquis une grande autorité en fonction de ses propres mérites et est devenue partie intégrante du droit coutumier des nations, mais elle n'était pas un traité. Elle ne prévoyait aucun pouvoir d'application. Les Nations Unies voulaient qu'elle prévoie un mécanisme semblable. La communauté internationale a reconnu que, dans la Déclaration universelle, on pouvait distinguer au moins deux grandes catégories de droits de l'homme, l'une étant celle des droits civils et politiques. Il s'agit, notamment, du droit à la vie ou de la protection contre toute arrestation arbitraire, des droits que l'on pourrait considérer, à bien des égards, comme allant de soi, c'est-à-dire des droits dont on pourrait jouir si l'État n'intervenait pas.

Tous les pays démocratiques du monde ont acquis une grande expérience dans le traitement des violations de ces droits devant les tribunaux. Ainsi, nous n'hésitions pas à considérer les droits civils et politiques comme des droits pouvant être appliqués par recours direct aux tribunaux. Cependant, il a également été reconnu que des droits comme le droit à l'éducation ou le droit à la santé n'étaient pas aussi facilement déterminés par les tribunaux que ne l'étaient les droits civils et politiques.

Il a été décidé qu'un mode d'application différent devait être élaboré. En fait, le mode qui a été élaboré était une forme de vérification sociale. Il était fondé sur la reconnaissance que le droit à l'éducation en tant que droit de la personne, ou le droit à la santé en tant que droit de la personne, signifierait peu de chose sans système d'éducation ou de soins de santé. À la différence des droits civils et politiques, qui exigent la non-intervention de l'État, les droits culturels, sociaux et économiques requièrent l'intervention de l'État. Pour déterminer dans quelle mesure les pays faisaient respecter les droits économiques, culturels et sociaux, on a conçu un modèle de vérification sociale ou un mécanisme de production de rapports.

Donc, les deux pactes internationaux ayant trait aux droits de la personne, l'un traitant des droits civils et politiques, l'autre traitant des droits sociaux, économiques et culturels, ont été soumis pour ratification par les Nations Unies en 1966. De 1966 à 1976, de grandes discussions ont eu lieu entre le gouvernement fédéral et les provinces pour déterminer s'il fallait ratifier ces deux traités internationaux.

Un accord est intervenu. Les ministres responsables des droits de la personne au Canada ont fait savoir au premier ministre de l'époque qu'à leur avis, le Canada devait déposer l'instrument de ratification, ce qui fut fait. En août 1976, le Canada a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que son protocole facultatif, qui fonctionne sur la base d'un modèle de judiciabilité directe. Les plaignants peuvent s'adresser à un comité des droits humains qui peut rendre des décisions.

L'autre instrument, celui dont nous parlons aujourd'hui, soit le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, est mis en oeuvre par le truchement d'une vérification sociale. Autrement dit, le Canada, de concert avec l'ensemble des provinces et des territoires, soumet des rapports périodiques au comité des Nations Unies responsable de ce pacte. Ces rapports font état des mesures que nous avons prises pour assurer une plus grande protection et une meilleure mise en oeuvre des droits sociaux, économiques et culturels.

Ceci est des plus importants, honorables sénateurs. À l'époque de l'Accord de Charlottetown, un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat a soumis un tel rapport. Les honorables sénateurs s'en souviendront, il était alors question d'une charte sociale canadienne. Ce rapport parlementaire concluait que les droits économiques, sociaux et culturels étaient des privilèges, et non pas de véritables droits humains. Le comité parlementaire avait tout à fait tort. Il s'agit bel et bien de droits humains. Il y a une unité par rapport aux droits humains. C'est l'obligation de les faire appliquer.

Honorables sénateurs, ces instruments qui ne sont pas très bien connus ont une grande importance aux yeux des Canadiens qui oeuvrent à la promotion des droits humains. Il y a tout lieu pour la Chambre de s'intéresser au travail énorme qui a été accompli par les provinces et le gouvernement fédéral en vue de l'établissement de ces rapports.

Le Sénat, qui est particulièrement chargé des dossiers régionaux et provinciaux, a intérêt à se renseigner sur les mesures que les provinces et les régions de notre pays entendent adopter pour enrichir encore davantage nos droits économiques, sociaux et culturels. Voilà pour l'historique. L'obligation de rendre compte est un processus tout ce qu'il y a de plus simple. Tous les cinq ans, nous devons soumettre des rapports sur l'état de réalisation de nos engagements en matière du droit à l'éducation, du droit au travail, et cetera.

(1610)

Je le répète, lorsque le rapport a été présenté pour la première fois, le comité a posé une série de questions au Canada, qui y a répondu. Au sujet du droit à l'éducation, l'article 13 du pacte prévoit que «l'enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous [...] notamment par l'instauration progressive de la gratuité». L'expression «enseignement supérieur» désigne l'enseignement postsecondaire. Ce passage veut dire que, comme droit à l'éducation, l'enseignement postsecondaire doit être progressivement rendu gratuit.

Il n'a pas fallu longtemps au comité pour soulever des questions au sujet du droit à l'éducation. Les questions 59 et 60 portent sur l'augmentation de 62 p. 100 des frais de scolarité dans les établissements d'enseignement postsecondaire entre 1990 et 1995, de même que sur les résultats des sondages internationaux sur l'alphabétisme qui ont été menés au Canada en 1994, et qui révèlent que près de la moitié des Canadiens semblent ne pas posséder les aptitudes minimales nécessaires pour reconnaître et surmonter des problèmes élémentaires.

La réaction du Canada à ces questions supplémentaires ne donnait pas à entendre que le gouvernement avait l'obligation morale de respecter les droits énumérés dans le pacte. Le ton des réponses du gouvernement fédéral à ces questions laissait plutôt supposer que le Canada estimait ne pas être définitivement lié par le pacte international et que «si les dispositions d'une loi nationale sont en contradiction avec les obligations internationales du Canada, la loi nationale doit primer».

Honorables sénateurs, c'est là une position qui devra faire l'objet d'une analyse approfondie si c'est celle que le gouvernement du Canada compte adopter. On ne se penche pas du tout sur la possibilité de discuter des moyens et des mécanismes qui pourraient permettre de rendre les dispositions du pacte compatibles avec les lois fédérales, provinciales et territoriales. En réalité, la réponse du Canada traite du fait que la Cour suprême du Canada ne dispose pas du cadre analytique nécessaire pour interpréter le degré de conformité.

La réponse du gouvernement fédéral aux questions posées par le comité relativement à l'équilibre entre les obligations du pacte, les lois nationales et les accords existants et proposés en matière de commerce et d'investissements semble comporter un certain nombre de lacunes qui seront certainement examinées aussi à Genève cette semaine.

De plus, pour ce qui est de la question du comité relativement à la protection des droits des personnes handicapées, qui était la question no 6, le gouvernement fédéral a souligné dans sa réponse que le gouvernement du Canada avait tenté de renforcer les mesures de protection des personnes handicapées et de leur permettre un meilleur accès au système judiciaire.

Lorsqu'on lui a demandé à la question no 8 si le gouvernement allait prendre des mesures pour faire suite à la recommandation de la Commission canadienne des droits de la personne en vue de l'ajout des droits sociaux et économiques dans la liste des droits de la personne à protéger, le gouvernement fédéral a souligné qu'une étude approfondie de la Loi canadienne sur les droits de la personne devait être entreprise sous peu.

C'est un sujet de grand intérêt pour les honorables sénateurs, car nous semblons avoir une bonne longueur d'avance sur le gouvernement dans ce domaine, puisque nous avons adopté à l'unanimité le projet de loi S-11, qui propose d'ajouter la condition sociale aux motifs de distinction illicite prévus dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je m'attends à ce que notre ambassadeur présente ce projet de loi comme une mesure positive adoptée par le Parlement. Nous savons cependant que le projet de loi, qui est maintenant dans l'autre endroit, est en cours de débat. Par ailleurs, la ministre de la Justice a déclaré qu'elle ne tient pas à ajouter la condition sociale aux motifs de distinction illicite.

Honorables sénateurs, j'aurais encore beaucoup à dire, mais mon temps de parole est terminé. Je suis heureux d'avoir pu vous signaler que cet important rapport fait l'objet d'une étude cette semaine aux Nations Unies.

(Sur la motion du sénateur Cohen, le débat est ajourné.)

 

L'état actuel et les perspectives d'avenir de l'exploitation forestière

Autorisation au comité de l'agriculture et des forêts de reporter le dépôt de son rapport final

L'honorable Nicholas W. Taylor propose, conformément à l'avis donné le 19 novembre 1998:

Que, par dérogation à l'ordre que le Sénat a adopté le 18 novembre 1997 d'étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture au Canada, le comité permanent de l'agriculture et des forêts soit habilité à présenter son rapport au plus tard le 30 juin 1999; et

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

- Honorables sénateurs, le rapport devait à l'origine être déposé en janvier, mais le comité a eu plus de travail qu'il ne l'avait prévu. Nous avons entendu 131 témoins au cours de 37 séances et nous nous sommes rendus dans sept endroits différents. Il nous reste encore un endroit à visiter et quatre témoins à entendre. Nous tenterons de tirer de toutes ces délibérations un rapport qui marquera l'histoire. Personne n'osera venir visiter le Sénat sans demander un exemplaire du rapport sur la forêt boréale.

Honorables sénateurs, je demande au Sénat d'approuver la motion tendant à permettre au comité de reporter le dépôt de son rapport à une date ultérieure.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 25 novembre 1998,à 13 h 30.) 


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