Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 146
Le mardi 8 juin 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président
- AFFAIRES COURANTES
- ORDRE
DU JOUR
- Projet de loi sur les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers de périodiques
- Le
Code criminel
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition - La loi sur le casier judiciaire
- Projet de loi d'exécution du budget de 1999
- Projet de loi sur les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers de périodiques
- Projet de loi d'exécution du budget de 1999
- Projet de loi Canadien sur la protection de l'environnement 1999
- Le Code criminel
- Les travaux du Sénat
- Le Code criminel
- Projet de loi sur les perquisitions et les saisies internationales
- L'industrie de la construction navale
- La Loi de l'impôt sur le revenu
- La défense nationale
- Garde et droit de visite des enfants
- Revenu Canada
- Les enfants du divorce
- Affaires juridiques et constitutionnelles
LE SÉNAT
Le mardi 8 juin 1999
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.Prière.
[Traduction]
Visiteurs de marque
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je voudrais vous signaler la présence à la tribune d'une délégation que j'aimerais vous présenter. Il s'agit d'une délégation parlementaire venue d'Irlande et dirigée par M. Seamus Pattison, Président de la Chambre irlandaise des représentants. Il est accompagné par plusieurs membres de la Chambre des représentants ainsi que par Son Excellence Paul Dempsey, ambassadeur d'Irlande au Canada.Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada et un excellent séjour dans notre pays.
AFFAIRES COURANTES
Le commerce international
L'entente entre le Canada et les États-Unis sur les périodiques-Dépôt des documents pertinents
Au dépôt de documents:L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, une copie de l'entente signée entre le Canada et les États-Unis sur les périodiques, ainsi qu'une copie du communiqué et du document d'information.
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Fantastique. Cela nous laisse trois heures pour l'examiner.
Les travaux du Sénat
L'ajournement
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avant de proposer ma motion, je voudrais vous informer que jeudi, nous siégerons à 13 h 30. Ceci est dû au fait que jeudi, nous devons rendre hommage au sénateur Whelan, dont la soeur est malheureusement décédée et qui doit partir plus tôt pour assister à ses obsèques. Je donnerai avis à ce sujet demain.[Français]
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose:
Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le mercredi 9 juin 1999, à 13 h 30.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
(1410)
L'Association parlementaire Canada-Europe
Dépôt du rapport sur les réunions préparatoires du Conseil de l'Europe au débat sur la Banque européenne pour la reconstruction et le développement
L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la délégation de l'Association parlementaire Canada-Europe qui a représenté le Canada à la réunion préparatoire du Conseil de l'Europe au débat sur la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, tenue du 7 au 9 mars 1999 à Londres, Angleterre.[Plus tard]
Dépôt du rapport de la délégation sur la deuxième session de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe
L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la délégation de l'Association parlementaire Canada-Europe qui a représenté le Canada à la deuxième session de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe qui s'est tenue du 26 au 30 avril 1999 à Strasbourg, France.Banques et commerce
autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat
L'honorable Michael Kirby: Honorables sénateurs, avec votre permission, je propose:Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à siéger à 16 heures demain, le mercredi 9 juin 1999, même si le Sénat siège à ce moment-là et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.
Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
Affaires juridiques et constitutionnelles
Avis de motion portant autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat
L'honorable Lorne Milne: Honorables sénateurs, je donne avis que, le jeudi 10 juin 1999, je proposerai:Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger en même temps que le Sénat le lundi 14 juin 1999 et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.
L'Association parlementaire Canada-Europe
Rapport de la délégation à la deuxième partie de la session de 1999 de l'Association parlementaire du Conseil de l'Europe-Avis d'interpellation
L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, je donne avis que le jeudi 10 juin 1999, j'attirerai l'attention du Sénat sur le rapport de la délégation de l'Association parlementaire Canada-Europe à la deuxième partie de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe pour 1999 tenue du 26 au 30 avril 1999 à Strasbourg, France.ORDRE DU JOUR
Projet de loi sur les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers de périodiques
Motion d'adoption du rapport du comité-Motion d'amendement-Report des votes
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Callbeck, tendant à l'adoption du douzième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications (projet de loi C-55, Loi concernant les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers de périodiques, avec des amendements), présenté au Sénat le 31 mai 1999;
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Kinsella, appuyée par l'honorable sénateur Lynch-Staunton, que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit renvoyé au comité sénatorial permanent des transports et des communications afin qu'il puisse entendre des témoins au sujet des amendements proposés, puisque ceux-ci modifient radicalement le projet de loi C-55.
L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, je crois que le projet de loi C-55, sans amendement, aurait permis d'assurer la survie de l'industrie canadienne des périodiques. Ce point de vue a reçu l'appui, durant les délibérations du comité, non seulement de l'industrie de l'édition des périodiques, et jusqu'à tout récemment de la ministre du Patrimoine canadien, mais également d'importants témoins comme M. Gordon Ritchie, qui a été l'un des négociateurs de l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis.
Lors de sa comparution devant le comité sénatorial le 22 avril, M. Ritchie a résumé la situation de façon claire et nette, comme il en a l'habitude. Vu les caractéristiques de l'industrie, a-t-il dit, le fait que l'industrie vend de la publicité et pas seulement des périodiques, que le coût du contenu rédactionnel en amont, peu importe qu'un éditeur vende un exemplaire ou un million d'exemplaires, que les coûts de production sont relativement marginaux, si le marché canadien était ouvert, il serait inondé de périodiques, y compris des périodiques américains non modifiés et des périodiques à double tirage, dont le contenu s'adresserait au marché américain, plus étendu que le marché canadien.
Selon l'opinion de M. Ritchie, que partageait alors le sénateur Rompkey, entre autres, puisque ces périodiques se vendraient à des coûts marginaux, cette pratique constituerait, du point de vue économique, du dumping. En définitive, il a dit que le projet de loi C-55 constituait une mesure très défendable.
La ministre du Patrimoine canadien a justifié le projet de loi C-55 non seulement lors de sa première comparution devant le comité, mais également dans une lettre qu'elle adressait, le 21 avril dernier, à l'Association canadienne des annonceurs, où elle écrivait ce qui suit:
Lors de l'élaboration du projet de loi C-55, le gouvernement a examiné de nombreuses approches possibles pour tenir compte des répercussions que pourrait avoir la venue d'éditeurs étrangers sur le marché canadien des services publicitaires. En fin de compte, il est apparu évident que la meilleure solution consistait à s'attaquer au coeur du problème en réglementant l'accès étranger au marché des services publicitaires.
Au sujet des propositions de rechange, notamment des ententes entre les éditeurs canadiens et étrangers concernant les permis, la ministre a écrit:
L'objectif de la politique culturelle est de promouvoir une industrie des périodiques proprement canadienne, dont les publications peuvent correspondre aux intérêts des lecteurs canadiens. Une industrie qui ne compte que des reprises de revues américaines populaires ne permet pas d'arriver à cet objectif.
Concernant le contenu canadien minimum pour toutes les revues, tel que suggéré par les annonceurs, elle écrivait dans la même lettre:
L'intention de la politique culturelle n'est pas de faire en sorte que toutes les revenues étrangères ressemblent aux revues canadiennes, mais de ménager un espace pour les idées canadiennes aux côtés des idées étrangères.
En réponse aux suggestions des annonceurs, qui alléguaient qu'une subvention directe aux éditeurs de revues canadiennes pourrait être une solution acceptable du point de vue commercial, la ministre écrivait ceci:
Si les Canadiens ont un accès équitable aux revenus des services de publicité canadiens, ils pourront continuer à produire un contenu canadien de qualité sans avoir besoin de subvention gouvernementale.
Exactement. Ce sont des arguments très pertinents à l'appui de la version originale non amendée du projet de loi C-55.
En passant, M. Ritchie a aussi affirmé, dans son témoignage:
Aucune subvention ne rendrait une revue viable si vous en supprimiez le contenu publicitaire.
J'ai oublié de mentionner que M. Ritchie nous a dit qu'il siégeait aussi au conseil d'administration de Télémédia. Il connaît donc bien l'industrie du magazine.
Bien sûr, la raison des amendements au projet de loi C-55, c'est la peur, la peur de représailles majeures de la part des Américains et la peur que le projet de loi C-55 contrevienne encore une fois aux règles de l'Organisation mondiale du commerce et ne soit pas conforme aux obligations internationales du Canada. Pour commencer par ce dernier point, disons que, comme nous l'avons entendu à maintes et maintes reprises, la décision précédente de l'OMC sur les éditions dédoublées n'empêchait pas le Canada de protéger ses industries culturelles ni d'adopter des mesures de rechange. Au contraire, elle reconnaissait explicitement le droit du Canada de le faire.
Je considère que le projet de loi C-55 n'est pas contraire aux règles de l'OMC ni de l'ALENA pour les raisons suivantes. Tout d'abord, les Américains n'ont pas payé pour avoir accès au marché canadien des services de publicité ni dans le cadre de l'OMC ni dans celui de l'ALENA. Deuxièmement, le Canada n'a contracté aucune obligation à l'égard des services de publicité dans le cadre de l'ALENA. Troisièmement, la disposition de l'exception culturelle dans le cadre de l'ALENA stipule que le Canada peut prendre n'importe quelle mesure pour protéger ses industries culturelles et que c'est uniquement si ces mesures enfreignaient les dispositions de l'ALENA que les Américains auraient le droit de solliciter l'autorisation d'user de représailles au moyen de mesures de valeur commerciale équivalente.
De l'avis des témoins experts, si les Américains n'ont pas le droit d'accès à notre marché des services de publicité, ils n'ont aucun droit de représailles. Bien sûr, en vertu des règles de l'Organisation mondiale du commerce, les États-Unis doivent saisir l'OMC du litige. Si l'OMC juge que les mesures enfreignent les règles et autorise le recours à des mesures de représailles d'une valeur jugée comparable, les États-Unis auront le droit d'user de représailles, mais non de l'ampleur dont ils menaçaient de frapper les secteurs du bois et de l'acier. Les Américains n'avaient évidemment pas accepté l'offre du Canada de saisir l'OMC du dossier du projet de loi C-55.
(1420)
Quant aux mesures de représailles américaines, M. Ritchie nous a dit qu'à moins que les États-Unis ne fassent examiner le dossier en suivant le processus prescrit, comme je viens de le décrire, leurs mesures seraient unilatérales et illégales. L'impact de leurs mesures de représailles serait loin des 4 milliards de dollars dont ils menaçaient de frapper les secteurs du bois et de l'acier, mais plus près des 400 à 600 millions de dollars de ventes de publicité au Canada, dont le marché des tirages dédoublés représente environ 150 millions de dollars.
Pour ces Canadiens - et cela inclut les personnes présentes ici, j'en suis sûre - qui soutiennent le critère politique de base du Canada qui est en vigueur depuis plus de trente ans et qui garantit aux Canadiens l'accès à des magazines faits pour eux, la question est la suivante: les récents amendements nous permettent-ils encore d'atteindre notre objectif? L'industrie de l'édition canadienne - comme l'indiquent les articles dans la presse, puisque la majorité des membres du comité ont refusé que des éditeurs reviennent témoigner devant le comité - considère ces amendements avec consternation.
«Les Américains nous volent le pain de la bouche et on est prêt à nous offrir l'aide sociale», dit Jean Paré, éditeur de L'actualité. «C'est un coup très dur qui est porté aux magazines», déclare l'éditeur du Outpost et du Traveller's Journal. François de Gaspé Beaubien, de l'Association des éditeurs canadiens, pense que cet accord va mettre l'industrie du magazine en grand danger en permettant aux magazines américains d'obtenir un pourcentage inacceptable du marché canadien des services publicitaires dans les magazines par des prix publicitaires injustement réduits.
Pour donner un exemple, selon les propres calculs de Patrimoine Canada, chaque point de pourcentage pour les annonces comparatives dans les magazines américains vaut 30 millions de dollars par an. Un accord sur un accès plafond de 18 p. 100, qui est prévu dans le projet de loi amendé, signifie que la part des États-Unis sur le marché canadien pourrait représenter 240 millions de dollars de plus que le plafond de 10 p. 100 que le ministère avait déclaré à l'origine être le maximum que pouvait se permettre l'industrie.
Les éditeurs soutiennent que 18 p. 100 de l'espace publicitaire dans une publication américaine pourrait représenter tout l'espace publicitaire dans un périodique canadien concurrentiel. On reconnaît qu'il y aura des pertes, surtout dans les publications canadiennes axées sur les questions féminines, les actualités et des niches, comme la nature et les activités de plein air. L'industrie de l'édition est d'avis que les revues féminines sont particulièrement vulnérables. Treize périodiques américains vendent au total 19 000 pages de publicité. Dix-huit pour cent de ces pages, qui seront désormais offertes aux Canadiens qui font paraître de la publicité dans les éditions canadiennes, correspondraient à 3 400 pages, mais les sept principales publications canadiennes pour femmes ne vendent que 4 800 pages, de sorte que 3 400 pages représenteraient 63 p. 100 du marché des périodiques pour femmes - ou nettement plus que 18 p. 100.
Ces calculs supposent que les publications américaines feraient directement disparaître toute la publicité canadienne dans les publications canadiennes. Les publications américaines pourraient facilement le faire, puisqu'elles auraient déjà récupéré leurs coûts au moment de produire une édition canadienne et pourraient aisément se permettre de réduire leurs tarifs publicitaires pour attirer les clients canadiens.
Selon la presse, les fonctionnaires ont dit qu'ils s'attendent à ce que l'industrie des périodiques subissent des pertes sur un maximum de revenus annuels de 98 millions de dollars, chiffre qui sert au calcul du montant d'indemnisation dont l'industrie pourrait avoir besoin par suite de ces mesures.
D'après l'Association des éditeurs canadiens, l'industrie des périodiques risquerait de perdre jusqu'à la moitié de ses revenus publicitaires simplement parce que les 18 p. 100 pourraient représenter la plus grande partie des fonds actuellement consacrés à la publicité canadienne dans un périodique canadien. Dans un éditorial réjouissant paru récemment dans le Globe and Mail, on croit que ce pourcentage pourrait atteindre 70 p. 100, ce qui serait un accès efficacement illimité. Dans ce cas, le fait d'autoriser la domination pratiquement libre des périodiques étrangers à tirage dédoublé au Canada n'est pas simplement un cheval de Troie pour l'industrie, comme certains l'ont déclaré, c'est un camion Mack qui passe à vive allure.
Les dispositions du projet de loi actuel vont plus loin que celles dont il était initialement question concernant la publicité dans les éditions américaines à tirage dédoublé. Pour la première fois, des étrangers pourront faire paraître de nouveaux périodiques au Canada renfermant un contenu canadien important et donnant droit à un traitement équitable aux termes de la loi fiscale. L'étendue du contrôle étranger sur les périodiques canadiens est aussi grandement augmentée et le gouvernement fédéral établira une certaine indemnisation. Des éditeurs canadiens sont maintenant d'avis que toutes les limites imposées à la propriété étrangère devraient être éliminées pour que leurs périodiques qui battent de l'aile aient une chance d'être vendus.
Est-ce une victoire pour la souveraineté culturelle? Entrons-nous dans une nouvelle ère excitante où les publications Hearst nous offriront les magazines Good Housekeeping/Bon Ménage et Cosmopolitan Eh? pour concurrencer d'autres publications canadiennes et étrangères de Time comme People, Sports Illustrated, et cetera? Certes, nous avons actuellement tous ces magazines, mais ils renfermeront dorénavant de la publicité canadienne. Devrions-nous être surpris que les Américains demandent d'autres concessions dans l'avenir ou qu'ils s'attaquent à d'autres secteurs culturels ou, pis encore, aux banques, d'autant que les deux principaux journaux nationaux du Canada demandent béatement le démantèlement «des barrières sectorielles démodées entre les secteurs de l'édition, de la télédiffusion, des services financiers, et cetera»? Qu'en est-il de la disposition d'exemption du secteur culturel, qui ne tient que si nous sommes prêts à résister à des mesures de rétorsion massives - intimidation, menaces - qui dressent différents secteurs de l'économie les uns contre les autres?
Comment survivront les écrivains canadiens puisque, comme l'a dit June Callwood, la plupart d'entre eux doivent travailler pour les magazines afin de pouvoir poursuivre leur carrière d'écrivain? C'est une composante essentielle de leur gagne-pain qui leur permet d'écrire de merveilleux romans.
À mon point de vue, la ministre du Patrimoine canadien est une ardente nationaliste qui se bat sans relâche pour défendre les valeurs canadiennes face aux pressions constantes exercées par notre puissant voisin. Je suis un de ses admirateurs. Cependant, en qualifiant une entente négociée de victoire parce que les États-Unis ont souscrit à des exigences relatives au contenu dans un domaine culturel, on ne peut garder sous silence le fait que le projet de loi C-55 fait maintenant de l'exemption culturelle faite dans l'ALENA une coquille vide, qu'il laisse l'industrie du magazine en péril et qu'il ne représente rien de bon pour l'avenir de la souveraineté culturelle du Canada. Si c'est ce qu'il faut faire pour éviter une guerre commerciale, c'est un bien lourd tribut.
Donald MacDonald, un des pères de l'Accord de libre-échange, a dit récemment, selon le Globe and Mail, que le Canada devrait être protectionniste en matière de culture. «Nous devons défendre notre pays sur des questions semblables», a-t-il dit relativement au projet de loi C-55. Eh bien, l'ouvrage de George Grant, Est-ce la fin du Canada? Lamentation sur l'échec du nationalisme canadien, qui était prophétique il y a des années, n'a jamais aussi bien convenu que maintenant.
L'honorable Fernand Roberge: Honorables sénateurs, je prends la parole cet après-midi pour participer au débat sur le projet de loi C-55. L'évolution de ce projet de loi au Parlement est sûrement la plus déroutante de l'histoire récente.
[Français]
Honorables sénateurs, nous devons aujourd'hui étudier les amendements qui vont modifier radicalement ce projet de loi. Cette situation, qui est embarrassante pour le Sénat, l'est d'autant plus pour l'autre Chambre, qui nous a envoyé ce projet de loi de bonne foi. Ce qui n'est pas facile pour nous, sénateurs, doit être drôlement difficile et compliqué pour les membres de l'autre Chambre. Ce projet de loi, sauf pour une clause rétroactive, ne touche que quelques revues. Il interdit complètement la publicité canadienne dans les publications américaines destinées au marché canadien.
[Traduction]
Ainsi amendé, le projet de loi permet la publication d'un certain pourcentage de publicité sans exiger de contenu canadien. En outre, les coûts ou les pertes que l'industrie canadienne du magazine subira à cause de la décision des libéraux seront épongés par les contribuables, puisque des crédits d'impôt ou des subventions directes seront accordées. Le projet de loi autorise ce qui était interdit à un moment donné et il exige que les Canadiens assument les coûts liés à ce revirement de la politique gouvernementale.
[Français]
Combien les contribuables canadiens seront-ils obligés de payer pour que le gouvernement Chrétien puisse sauver Mme Copps?
[Traduction]
Est-ce bien la peine de rappeler aux honorables sénateurs les causes de l'élection complémentaire de la ministre du Patrimoine canadien, au moment où le gouvernement a décidé que la TPS était un programme qu'il appuyait et voulait maintenir? Est-ce la peine de rappeler les 28 millions de dollars qu'il fallu dépenser pour régler le différend commercial avec Ethyl Petroleum lorsque la même ministre, qui était alors à l'Environnement, a interdit le commerce de l'additif MMT?
[Français]
Le gouvernement Chrétien a hérité d'une relation commerciale avec les États-Unis et le Mexique, qui a été fondée sur l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et l'ALENA, deux accords que l'actuel gouvernement appuie avec enthousiasme. Malheureusement, ce gouvernement ne sait pas gérer ces ententes ni les disputes commerciales qui en découlent.
L'inconscience du gouvernement dans ce domaine a coûté cher à tous les Canadiens et coûtera sans doute encore des millions si ce projet de loi est adopté. Il est difficile d'analyser la substance des amendements, parce que le comité n'a pu convoquer de témoins.
[Traduction]
Pour ma part, je n'ai jamais été tout à fait convaincu que nous avions besoin du projet de loi C-55, vu le manque d'intérêt de l'industrie américaine du magazine pour les éditions dédoublées et les nouvelles méthodes modernes qui donnent accès à l'information par Internet et autrement. J'ai du mal à croire que le projet de loi C-55, même dans sa version initiale, assurerait une grande protection à l'industrie canadienne du magazine.
[Français]
J'ai lu avec intérêt l'article, dans le Globe and Mail d'hier, qui soulignait la popularité des magazines québécois, et la conclusion du rapport Patterson à l'effet que l'industrie des revues québécoises et des revues d'affaires ne serait pas ou peu affectée.
[Traduction]
D'autres revues canadiennes pourraient être obligées de devenir plus concurrentielles. À mon avis, si jamais l'arrivée sur le marché d'éditions à tirage dédoublé devient un problème, alors là seulement le gouvernement devra intervenir, et certainement pas de la façon dont il propose de le faire aujourd'hui. Le gouvernement est revenu sur sa décision, il a cédé aux menaces de rétorsion et a instauré un régime qui permet aux Américains de s'emparer des recettes publicitaires canadiennes. Cela représente, à mon avis, la pire des solutions qui pouvaient être envisagées.
Toutefois, encore là, nous ne savons pas comment réagiront les annonceurs, les éditeurs et les juristes et s'ils jugeront cet arrangement raisonnable. Nous savons cependant que les députés ne seront pas en mesure, à cause de leur horaire chargé, de tenir des audiences sur ce projet de loi.
Que faut-il en conclure? Nous pouvons conclure que le gouvernement Chrétien a peur de tenir au Parlement un débat public sur la nouvelle entente et nous pouvons conclure que le gouvernement libéral a proposé des amendements qui changent complètement l'objet du projet de loi, en fonction d'un traité que nous n'avons jamais vu. Par-dessus tout, nous pouvons conclure que le gouvernement ne sait pas comment gérer les questions relatives au commerce international.
[Français]
L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, on sait que l'honorable ministre Sheila Copps s'était solidarisée avec de très nombreux pays de la Communauté économique européenne et en particulier avec le Québec qui, sur le plan culturel, défendaient avec la dernière énergie «l'exception culturelle» dans le cadre d'ententes internationales. J'ai été informé hier du fait qu'en Europe, et singulièrement au Québec, dans l'ensemble des milieux culturels, on était inquiet du fait que le gouvernement canadien ait cédé aux pressions américaines dans ce dossier.
On s'interroge encore dans ces milieux sur les conséquences de cette entente dans d'autres domaines de nature culturelle pour lesquels le Canada dit encore, même après cette entente, vouloir se solidariser avec les pays européens qui défendent l'exception culturelle contre l'invasion américaine. Plus particulièrement, le gouvernement canadien avait manifesté sa solidarité avec les milieux culturels québécois et le gouvernement québécois pour défendre à l'échelle internationale les particularismes culturels du Canada et du Québec.
Voilà que le gouvernement canadien, sans prévenir le Québec, les milieux culturels canadiens, ses partenaires des pays du marché commun, cède aux pressions américaines. Est-ce que le gouvernement canadien a bien mesuré les portées de cette entente qu'il a conclue avec le gouvernement américain?
[Traduction]
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, le projet de loi C-55 tel qu'amendé est tout simplement inacceptable, puisqu'il constitue un véritable abandon de la politique sur les périodiques qui a vu le jour il y a près de 40 ans et qui a été reprise sous une forme ou sous une autre par tous les gouvernements depuis, tous les gouvernements sauf le gouvernement actuel, bien sûr, qui a succombé aux menaces de sanctions commerciales, menaces d'ailleurs tout à fait illégales, de l'avis de certains députés et partisans.
D'autres ont parlé ici et ailleurs de certains événements récents dans le cadre du projet de loi C-55, particulièrement en ce qui a trait aux amendements apportés par le gouvernement. Le blâme a été quasi unanime. Je n'ai donc pas l'intention de m'étendre sur cet aspect particulier du débat. Il y a toutefois un autre aspect de ce projet de loi qui mérite une attention plus importante, et c'est la façon dont le Parlement a servi de monnaie d'échange dans les négociations avec les États-Unis.
Selon le compte rendu de la réunion d'information générale tenue par les responsables américains du commerce le 26 mai, les discussions sur le dossier du projet de loi C-55 ont été entreprises en juillet 1998, au moment où, selon la documentation de base:
Le projet de loi a été lu une première fois à la Chambre des Communes le 8 octobre, alors que les pourparlers avec les Américains se poursuivaient et s'intensifiaient sans aucun doute. Il aurait fallu être bien naïf pour croire que le projet de loi pourrait être adopté sous sa forme originale. Toutefois, la ministre du Patrimoine, brandissant son drapeau, a discouru sur l'importance pour les Canadiens de lire des oeuvres rédigées par des Canadiens et à propos de Canadiens. Le fait que la définition officielle du terme «contenu canadien» n'ait rien à voir avec sa définition personnelle n'a d'ailleurs aucune importance. Elle nous promettait que le projet de loi C-55 réglerait tous les problèmes.[...] les rumeurs d'un budget de dépenses ont commencé à circuler au Parlement.
La Chambre a transmis le projet de loi C-55 au Sénat le 16 mars dernier, et à l'étape de la deuxième lecture, deux jours plus tard, le leader du gouvernement au Sénat a insisté sur le fait qu'aucun amendement n'était prévu ou anticipé. Le sénateur Bolduc a demandé si le gouvernement pourrait résister à la pression des industries canadiennes menacées de représailles commerciales illégales, si le gouvernement saurait résister à la pression qui serait exercée pour qu'on abandonne le projet de loi C-55.
Le sénateur Bolduc a demandé:
Est-ce la décision du gouvernement?
Le sénateur Graham a répondu:
Honorables sénateurs, j'ai dit que quelles que soient les pressions qui sont faites, le gouvernement ne cédera pas. L'opposition n'écoute-t-elle pas?
On lui a demandé ceci:
Le gouvernement ne pliera pas?
Le sénateur Graham a répondu ceci:
Je suis le parrain du projet de loi et, en ce qui me concerne, le projet de loi restera tel qu'il est.
Plus tard, au cours du même débat, le leader du gouvernement a dit ceci:
La charade s'est poursuivie au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.Nous ne voyons aucune raison pour que nos amis américains n'aiment pas ce projet de loi.
Voici ce qu'y disait, le 13 avril, la ministre du Patrimoine canadien:
Le 11 mai, la ministre du Patrimoine canadien disait ceci:Je m'attends à une adoption rapide de ce projet de loi, sénateur.
Le 25 mai, le ministre du Commerce international a dit ceci:Voilà pourquoi je peux vous assurer ce matin que le projet de loi C-55 constitue toujours ce que nous avons de mieux à proposer en ce qui a trait à nos périodiques canadiens.
Chaque fois qu'ils en ont eu l'occasion, et encouragés par le soutien catégorique du projet de loi C-55 par la ministre, les députés de l'opposition au comité ont réclamé que l'on passe immédiatement à l'étude article par article du projet de loi, et ils se sont butés chaque fois au refus de la majorité libérale. Les négociations entre les États-Unis et le Canada étaient manifestement sur le point d'aboutir et le gouvernement retardait en conséquence l'amélioration du projet de loi.Je veux donc qu'il n'y ait aucun doute à ce sujet: le gouvernement appuie le projet de loi C-55 et il est bien décidé à ce qu'il soit adopté.
C'est ce que je veux dire lorsque je soutiens que le Parlement - les deux Chambres - a servi d'atout, qui, paradoxalement, n'a jamais été utilisé car, pour compléter la métaphore, le Canada a montré son jeu et a capitulé, avec le résultat dont nous sommes saisis aujourd'hui. Le Parlement n'a jamais été informé de l'évolution des discussions, même lorsqu'il débattait du projet de loi qui faisait l'objet de ces discussions. Un tel mépris pour le rôle du Parlement n'est qu'une autre manifestation du manque total de respect du gouvernement à son égard.
Honorables sénateurs, ce n'est pas tout. Quand le ministre du Commerce international a comparu devant le comité, le 25 mai, il a dit qu'un accord n'avait pas encore été conclu, mais qu'il s'attendait à ce que cela se produise sous peu. En réalité, selon les Américains, et je cite de nouveau la transcription:
... soit le jour précédant la comparution du ministre. Ce dernier n'était peut-être pas au courant, étant donné que l'accord final est intervenu par suite de l'intervention du cabinet du premier ministre et de notre ambassadeur aux États-Unis. Le ministre l'a peut-être appris en même temps que nous tous, le soir de sa comparution. Si c'est le cas, ce ne sera certes pas la première fois que le cabinet du premier ministre sape l'autorité et décide contre l'avis d'un ministre, une autre triste indication du fait que personne n'est à l'abri du manque de respect à l'égard des élus.[...] nous avons finalement conclu un accord le lundi pendant le congé au Canada...
(1440)
On a abandonné la notion de consensus du Cabinet et du caucus. Le pouvoir est bien installé à l'édifice Langevin et le rôle de l'autre endroit, à l'édifice du Centre, se limite à fournir l'équivalent canadien de l'émission Jerry Springer, soit la «période des questions».
Certains députés prennent leur pied en malmenant le Sénat, mais ils devraient plutôt consacrer leur temps à examiner à quel point ils ont permis que leur Chambre devienne inutile et à quel point le rôle qu'ils y jouent est devenu sans importance.
Des voix: Bravo!
Le sénateur Lynch-Staunton: Va pour une réforme du Sénat, mais elle doit s'accompagner en même temps d'une réforme de la Chambre des communes.
Des voix: Bravo!
Le sénateur Lynch-Staunton: Sans une réforme globale, le respect des Canadiens pour leurs institutions parlementaires continuera de s'éroder et tout le processus parlementaire en souffrira encore plus.
Au début de ma première intervention, j'ai fait état de mon appui aux objectifs du projet de loi C-55, mais ceux-ci ont été abandonnés avec les amendements apportés par le gouvernement. Le projet de loi comporte des faiblesses, dont certaines sont très graves.
Le gouvernement a imposé l'attribution de temps pour que les députés puissent respecter leurs plans de vacances. Je ne vois pas d'autres raisons ayant pu justifier l'adoption du projet de loi sans un débat suffisant à l'autre endroit. Il serait inutile de proposer des amendements puisque nous n'avons ni le temps ni le nombre pour les faire adopter.
Cependant, je tiens à expliquer brièvement comment le projet de loi aurait pu être amélioré avant que le gouvernement y apporte des amendements, tout en laissant intact le principe qui le sous-tend, peu importe comment chacun, y compris le Président, définit le mot «principe».
Tout d'abord, l'avocat principal de Patrimoine Canada a confirmé qu'une condamnation aux termes du projet de loi C-55 donnerait lieu à l'établissement d'un casier judiciaire. Il est pervers, pour ne pas dire plus, de la part du gouvernement de prétendre qu'une publicité vendue illégalement constitue un crime contre la société. La disposition donnant lieu à l'établissement d'un casier judiciaire devrait être éliminée.
Deuxièmement, on lit à l'article 15 du projet de loi que:
Dire que cela rappelle la loi Helms-Burton ne serait pas exagéré. Le Canada s'est opposé avec vigueur à cette loi, car elle impose des peines sévères aux étrangers qui font des affaires dans un pays étranger, à savoir Cuba. Le Canada a demandé à maintes reprises de quel droit les Américains pouvaient étendre l'application de leurs lois à des pays étrangers. Pourtant, c'est exactement ce que le gouvernement demande au Parlement de faire avec le projet de loi C-55.[...] l'éditeur étranger qui, à l'étranger, commet un acte qui, s'il était commis au Canada, constituerait une infraction à cet article est réputé l'avoir commis au Canada.
Selon la Bibliothèque du Parlement - dont je félicite en passant le personnel pour ses excellents travaux de recherche sur la question -, il existe des lois canadiennes contenant des dispositions selon lesquelles un acte commis à l'extérieur du Canada est réputé avoir été commis au Canada. Je cite le document de la bibliothèque:
Je crois que je ne risque pas de me tromper en disant que la disposition déterminative n'a jamais été utilisée dans la législation commerciale et n'y a pas sa place. Elle devrait être supprimée du projet de loi C-55.[...] la grande majorité des dispositions du genre se trouvent dans le Code criminel et ont trait à des infractions particulièrement odieuses que l'on qualifierait de crimes contre l'humanité ou à des affaires de domaine de compétence où le «traitement canadien» est nécessaire pour permettre des poursuites contre des auteurs de crimes de nature internationale.
Troisièmement, l'application de ce projet de loi ne dépendra pas tellement du projet de loi lui-même, mais plutôt des règlements qui en découleront. Voilà un autre exemple où on demande au Parlement d'adopter un projet de loi qui n'est rien d'autre qu'une déclaration d'intention, alors que les dispositions concernant sa mise en oeuvre seront rédigées par des fonctionnaires non élus qui ne respectent pas toujours les intentions du Parlement. On devrait au moins s'attendre à ce que les règlements soient déposés avant d'entrer en vigueur afin que l'une ou l'autre des Chambres, ou les deux, aient la chance de les examiner et d'en faire rapport, si elles le désirent.
Enfin, l'article 22 dit ceci:
La présente loi entre en vigueur à la date fixée par décret.
Cette disposition a fait l'objet d'un amendement de dernière minute à l'étape de la troisième lecture à la Chambre des communes. C'est un signal pas très subtil qui dit aux Américains que, quoi qu'il arrive au Parlement, le projet de loi deviendra loi quand le gouvernement le décidera après qu'une entente aura été conclue, quoi qu'en pense le Parlement.
On trouve aussi ce genre de disposition dans d'autres projets de loi et, encore une fois, cela reflète le désir du gouvernement de s'attribuer des responsabilités qui appartiennent au Parlement. Je modifierais cette disposition de la façon suivante:
[...] entre en vigueur à la date fixée par décret, mais au plus tard 60 jours après la sanction royale.
Après avoir lu les lettres que se sont échangées le représentant des États-Unis et l'ambassadeur du Canada aux États-Unis - et je remercie le sénateur Kinsella de les avoir trouvées à temps pour nous et non trois heures avant le vote, comme le leader du gouvernement l'a fait - je peux comprendre pourquoi le gouvernement a préféré ne pas discuter de leur contenu durant les audiences du comité. Il y a au moins trois éléments de cet accord qui ne favorisent pas le Canada.
Premièrement, l'une ou l'autre des parties peut se retirer à n'importe quel moment de l'accord, qui devient nul 90 jours après un tel avis. Pour citer le texte de l'accord:
L'accord est entré en vigueur le 3 juin. Le Parlement n'a pas encore adopté le projet de loi C-55. Par conséquent, on pourrait dire que les États-Unis ne seront pas assujettis au projet de loi C-55 s'ils se retirent de l'accord, puisque le Parlement l'aura adopté après l'entrée en vigueur de l'accord. Autrement dit, quel document a préséance, l'accord entre deux gouvernements ou les lois du pays? Nous aurions dû répondre à cette question au comité, avant qu'on nous demande d'approuver des amendements qui découlent de cet accord fort controversé et dont l'interprétation donnera lieu à encore plus de controverse avec le temps.[...] les droits et obligations respectifs des parties redeviendront alors ce qu'ils étaient immédiatement avant l'entrée en vigueur du présent accord.
Deuxièmement, il existe un désaccord fondamental entre les deux parties quant à la définition d'«avantage net» selon la Loi sur Investissement Canada. Le Canada insiste pour qu'il y ait un contenu éditorial original «majoritaire» et les États-Unis affirment que le mot crucial est «niveau substantiel». Il est facile de comprendre ce que signifie «contenu original majoritaire», mais comment interpréter «niveau substantiel»? Cela ne signifie pas la majeure partie, nous sommes tous d'accord sur ce point.
Troisièmement, la déléguée commerciale générale des États-Unis, dans sa lettre à l'ambassadeur du Canada, écrit à l'égard du projet de loi C-55:
En vertu de l'ALENA, les personnes et sociétés ont le droit de présenter une réclamation contre un signataire conformément au chapitre 11 de l'ALENA. Ai-je raison de dire que ce droit est maintenu?[...] les États-Unis ne prendront aucune démarche en vertu des accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA)...
Cela ne se trouve pas dans l'accord, mais dans un énoncé de principes transmis à la ministre du Patrimoine Canadien, le premier ministre annonce que le pouvoir d'examiner et d'approuver les investissements touchant toutes les industries culturelles est transféré à la ministre du Patrimoine Canadien. L'article 3 de la Loi sur Investissement Canada stipule clairement que le gouverneur en conseil ne désigne qu'un seul ministre aux fins de la loi. Les mots pertinents sont les suivants:
Ministre signifie le membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada chargé par le gouverneur en conseil de l'application de la présente loi.
Outre le fait que c'est une mauvaise politique, puisque plus d'un ministre pourra interpréter séparément la même loi pour atteindre des objectifs conflictuels, à mon avis, rien dans le processus de réglementation défini dans la loi, c'est-à-dire l'article 35, ne permet de donner à plus d'un ministre le pouvoir d'examen et d'approbation. Il serait ultra vires de le faire sans modifier la loi.
En ce qui concerne la politique gouvernementale, comment une décision convenable peut-elle être prise lorsque l'examen est effectué séparément par deux ministres, au sujet d'une société qui est engagée à la fois dans des activités culturelles et des activités non culturelles? Qu'on songe seulement au chaos qui s'ensuivrait.
Dans sa précipitation indécente à faire adopter par le Parlement le projet de loi C-55, le gouvernement ne nous donne pas le temps d'examiner cette question et d'autres préoccupations importantes. Cette façon de faire me rappelle trop, comme elle a rappelé au sénateur Roberge, le débat sur le MMT. Le gouvernement avait alors fait fi des avertissements selon lesquels le projet de loi enfreignait l'accord sur le commerce interprovincial, ce qui s'est révélé être le cas par la suite. Il avait fait fi des conseils de ses propres fonctionnaires pour satisfaire une industrie importante qui comptait des milliers d'employés, à la veille des dernières élections, ce qui lui a coûté en fin de compte, et à nous tous, 20 millions de dollars.
(1450)
Combien coûtera le projet de loi C-55? Dans un effort pour apaiser la colère de l'industrie canadienne de l'édition, qui était jadis le plus ardent défenseur du projet de loi C-55, la ministre du Patrimoine canadien a annoncé la création d'un fonds pour les périodiques. Pendant la deuxième lecture du projet de loi à la Chambre, en octobre dernier, la ministre a souligné que le projet de loi ne prévoyait ni impôts ni subventions.
Son discours est cohérent au moins sur ce point, car les amendements ne font aucune référence à un fonds pour les périodiques. Néanmoins, le fonds doit être discuté dans le cadre du débat, car il résulte du fait que le gouvernement a généreusement ouvert un marché, marché qui était jusqu'ici réservé exclusivement aux Canadiens, et a admis que les coûts qui en découleront seront tels que les personnes touchées seront indemnisées au moyen d'une aide gouvernementale.
Un allégement fiscal accordé à une industrie canadienne, peu importe la forme qu'il revêt, est justifié pour permettre à l'industrie de mieux soutenir la concurrence étrangère. Le fonds pour les périodiques est mis sur pied pour indemniser une industrie canadienne afin qu'elle puisse soutenir une concurrence étrangère créée par le gouvernement. Y a-t-il quelque chose de plus ridicule, voire de plus scandaleux? Cela sera-t-il la nouvelle politique du Canada en matière d'investissement: laissons la concurrence étrangère pénétrer un marché qu'elle n'a jamais été autorisée à pénétrer auparavant, et recourons aux impôts pour compenser toute perte financière qui s'ensuivra pour les Canadiens? Il n'est guère étonnant que le gouvernement fasse fi des appels pour qu'il dévoile la façon dont le fonds des périodiques sera créé et dont il sera financé, qui y sera admissible et, surtout, son coût estimatif au cours de ses cinq premières années d'existence. Je présume que le gouvernement ne le sait pas et ne souhaite peut-être même pas le savoir.
Puisque l'industrie canadienne des périodiques a été anormalement tranquille depuis l'annonce du fonds, salivant sans doute à l'idée de garanties financières inattendues, pourquoi le gouvernement ne resterait-il pas silencieux lui aussi? À son avis, le Parlement fait tout simplement preuve d'impertinence en posant des questions, notamment sur l'utilisation qui est faite des deniers publics. La priorité numéro un du gouvernement, c'est l'ajournement de la Chambre cette semaine, et les débats sur les projets de loi sont organisés en fonction de cet objectif.
Étant donné que le Sénat a vu sa capacité de soulever des questions clés et d'en discuter adéquatement limitée par une motion d'attribution de temps, on peut seulement espérer qu'il y ait suffisamment de députés à l'autre endroit - là où ce débat aurait dû être amorcé, de toute façon - pour faire part de ces questions aux ministres directement concernés, y compris le premier ministre. C'est s'exposer à des problèmes à long terme que d'adopter le projet de loi en laissant autant de questions clés sans réponse, en acceptant autant d'interprétations variées à son sujet et autant de lacunes, sans compter les lettres d'entente que le gouvernement n'a pas encore expliquées, le gouvernement d'un pays estimant que l'expression clé, c'est le «niveau substantiel», et l'autre considérant que c'est le «contenu majoritaire».
Ce n'est pas le traitement que l'on doit réserver à un projet de loi: on ne doit pas l'adopter aveuglément et se préoccuper plus tard de ses retombées. J'aurais pensé que le scandale au sujet des MMT aurait été un scandale de trop. Je crains maintenant que nous ne nous engagions dans la même voie et que les répercussions soient encore plus dévastatrices que celles qui ont résulté du fiasco des MMT.
J'aimerais terminer en lisant une lettre adressée au premier ministre par Greg MacNeil, PDG de la société Multi-Vision Publishing Inc., lettre qui, à mon avis, exprime mieux que tout ce que j'ai lu jusqu'à maintenant, en provenance du secteur des périodiques, la consternation qui règne dans ce secteur et l'anxiété suscitée par l'idée que le projet de loi C-55, une fois modifié, risque d'avoir force de loi. Cette lettre a un peu le même ton que l'ouvrage dont a parlé le sénateur Spivak, Est-ce la fin du Canada? La lettre est datée du 27 mai 1999.
Monsieur le premier ministre,
Je vous remercie pour tout le temps et les efforts qui ont été consacrés au projet de loi C-55 et aux questions connexes. Je voulais ajouter un point de vue tout à fait personnel à tout ce que vous avez déjà pris en considération.
Il y a environ quatre ans et demi j'ai quitté l'un des meilleurs postes du secteur canadien de l'édition pour monter une nouvelle maison de publication de périodiques. Aujourd'hui nous employons 40 personnes directement et des douzaines d'autres à titre de pigistes. Nous publions plusieurs périodiques destinés au grand public, notamment Elm Street et Owl Canadian Family; notre chiffre d'affaires est d'environ 14 millions de dollars.
Bien que nous ne publions ces titres que depuis trois ans, nous avons investi des millions de dollars pour produire ce qui est généralement considéré comme les meilleurs périodiques dans leurs catégories respectives.
Nous ne nous serions pas lancés dans cette entreprise sans l'assurance ferme et constante du gouvernement canadien qu'il protégerait la culture canadienne contre vents et marées. Bien que je me rende compte des défis que pose sur le plan politique le fait d'avoir à traiter avec un voisin aussi puissant que les États-Unis, l'élimination des exigences relatives à un contenu canadien substantiel suivie de l'instauration d'une règle limitant le contenu publicitaire à tout au plus 12, 15 et 18 pour cent n'est rien de moins qu'une capitulation totale, ne vous en déplaise, devant les procédés d'intimidation des Américains.
Dernièrement, j'ai regardé à la télévision un documentaire sur le Bismarck. Après qu'une torpille eut causé des dégâts irréparables au gouvernail, les marins du Bismarck furent contraints à attendre l'aube, sachant pertinemment quelle serait l'issue de la bataille qui s'annonçait. Selon les rares survivants, ils ne se faisaient aucune illusion sur leur sort.
Malheureusement, tel est aussi notre cas. Bien que nous soyons déterminés à nous battre vigoureusement jusqu'à la fin, il est plus que décevant d'avoir à livrer une bataille que notre gouvernement nous avait promis que nous n'aurions jamais à livrer, contre un ennemi que notre propre gouvernement a peur d'affronter.
C'est le premier jour de ma vie où j'ai été gêné d'être Canadien. Et maintenant, nous allons attendre la fin de la nuit.
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il y a un peu plus de deux mois, je suis intervenu au Sénat pour parrainer le projet de loi C-55, une mesure visant à faire en sorte que les périodiques canadiens, leurs rédacteurs, leurs éditeurs et leurs photographes, notamment, puissent continuer à nous parler du Canada et des Canadiens. Toutefois, au moment où je prenais la parole, nous savions tous très bien qu'une sombre menace planait sur le projet de loi. Les États-Unis, notre partenaire commercial le plus important, avec qui nous entretenons des échanges commerciaux d'une valeur de 1,5 milliard de dollars par jour, menaçaient de lancer une guerre commerciale si nous adoptions ce projet de loi.
Les Américains ont menacé de prendre pour cibles quatre secteurs importants de notre économie qui exportent annuellement surtout aux États-Unis des produits d'une valeur de 4 à 5 milliards de dollars. Des mesures de représailles commerciales contre les secteurs de l'acier, du bois, des plastiques et du vêtement auraient eu un impact terrible sur les nouveaux contrats d'exportation et les nouveaux investissements partout au Canada. Autrement dit, les conséquences des mesures que les États-Unis prévoyaient prendre étaient très graves.
En même temps, les questions en jeu dans le projet de loi C-55 sont aussi très sérieuses. Les États-Unis n'ont jamais vraiment compris notre souci de protéger la culture canadienne. Pour les Américains, la culture est seulement une autre industrie, et non seulement cela, une grosse industrie. Pour nous, c'est beaucoup plus. La culture, c'est préserver la façon unique que nous avons de regarder le monde face à un véritable raz-de-marée d'informations en provenance du géant qu'est notre voisin du sud. Nous savons que nos opinions et nos idées peuvent se défendre, mais il faut pour cela d'abord les faire entendre. Le projet de loi C-55, c'est essentiellement cela.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-55, tel que modifié par notre comité, nous permet d'atteindre deux objectifs très importants. Nous avons réussi à éviter une guerre commerciale et ce, tout en préservant notre capacité de veiller à l'avenir de notre culture. Nous avons aussi franchi un cap important de nos relations commerciales avec les États-Unis.
Pour la première fois, les États-Unis ont accepté, par écrit, qu'un gouvernement ait recours à ses lois pour protéger sa culture. Ils ont accepté que nous contrôlions notre marché des services de publicité aux fins de la politique culturelle. Ils ont accepté que nous ayons le droit de contrôler les nouveaux investissements dans le secteur de l'édition de périodiques en fonction de l'avantage net que ces investissements représentent pour le Canada. Ils ont accepté que le contenu canadien fasse partie des critères utilisés pour établir l'avantage net pour le Canada. Ils ont accepté que l'on continue d'utiliser dans la Loi de l'impôt sur le revenu la notion de contenu canadien comme moyen légitime de déterminer le montant de la déduction admissible pour frais de publicité.
Ce sont là des progrès importants et historiques, honorables sénateurs. Pour la première fois, les États-Unis ont reconnu que la protection et la promotion du contenu canadien constituaient un objectif légitime du Canada dans ses relations bilatérales avec les États-Unis.
(1500)
On s'est demandé, au cours du débat de deuxième lecture, si le projet de loi C-55, comme toutes les autres mesures visant à restreindre l'accès aux périodiques à tirage dédoublé au Canada, serait contesté par les États-Unis. Nous pouvons maintenant assurer à la Chambre qu'en vertu des termes de l'entente conclue avec les États-Unis, le projet de loi est à l'abri de toute contestation. Les États-Unis ont donné au gouvernement du Canada l'assurance écrite qu'ils ne prendraient aucune mesure de représailles commerciales contre l'adoption du projet de loi C-55, que ce soit en vertu des ententes commerciales de l'Organisation mondiale du commerce, de l'ALENA ou de l'article 301 de la Trade Act des États-Unis.
J'aimerais préciser, honorables sénateurs, que le gouvernement est convaincu que l'entente qui a été conclue est positive pour les Canadiens et qu'elle favorisera l'avenir de la culture canadienne.
Au cours du débat de deuxième lecture, le sénateur Spivak m'a posé une question sur les allégations voulant que «Time Warner ne se contentera pas de 98 p. 100 du marché et veut le contrôler à 100 p. 100. Time Warner pèse de tout son poids». Honorables sénateurs, je suis heureux de pouvoir vous dire que leurs efforts ont échoué. Les porte-parole américains en matière de commerce réclamaient l'accès illimité au marché canadien de la publicité faite dans les périodiques. Ils ne l'ont pas obtenu. Le gouvernement canadien a plutôt convenu de permettre deux formes d'accès limité aux services publicitaires destinés au marché canadien.
Tout d'abord, une exemption de minimis de l'interdiction générale prévue par le projet de loi C-55 permettra que, pendant les premiers 18 mois après l'entrée en vigueur de la loi, jusqu'à 12 p. 100 de la publicité paraissant dans un périodique américain soit destiné au marché canadien. Ce pourcentage passera ensuite à 15 p. 100 et 18 mois plus tard il atteindra 18 p. 100, soit le niveau maximum autorisé.
Il y aura également une exemption qui permettra aux éditeurs étrangers d'avoir accès à un pourcentage plus important des services publicitaires canadiens s'ils investissent au Canada, y créent des entreprises nouvelles et produisent une publication à contenu canadien majoritaire. L'acquisition de périodiques canadiens demeure interdite.
Afin de permettre aux éditeurs de périodiques canadiens de s'adapter à l'exemption, le premier ministre a demandé à la ministre du Patrimoine canadien de les consulter et de recommander la meilleure approche pour constituer un fonds de plusieurs millions de dollars à l'intention des éditeurs de périodiques canadiens. Les consultations sont en cours.
Avons-nous obtenu tout ce que nous voulions dans ces relations, honorables sénateurs? La réponse est non. Il n'est un secret pour personne que nous aurions préféré une exemption minimale moins élevée, mais les Américains réclamaient un accès à 100 p. 100. En fin de compte, nous nous sommes entendus sur une limite progressive allant de 12 p. 100 à 18 p. 100.
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous avez perdu par le compte de un à zéro, au lieu de dix à zéro.
Le sénateur Graham: Je crois que, vue dans son ensemble, l'entente est équilibrée. Elle reconnaît, enfin, qu'il n'y a rien de contradictoire ni d'incompatible entre une politique commerciale ferme et ouverte et une promotion tout aussi ferme de la culture nationale. Non seulement sommes-nous parvenus à cette reconnaissance, mais nous l'avons fait tout en évitant ce qui risquait d'être une guerre commerciale paralysante.
Bien que le sénateur Poulin ait déjà expliqué les conséquences des amendements proposés au projet de loi C-55, je voudrais saisir cette occasion pour les passer en revue encore une fois, pour qu'il n'y ait aucun malentendu sur les mesures qui sont prises.
La première série d'amendements modifie les dispositions de propriété qui sont énoncées dans l'article 2 du projet de loi. Avec ces amendements, les périodiques dont la propriété est majoritairement canadienne ou dont les participants, soit les administrateurs et des agents analogues, sont majoritairement canadiens, seront considérés comme canadiens et ne seront donc pas assujettis au projet de loi C-55. Auparavant, une participation ou une propriété de 75 p. 100 était nécessaire pour bénéficier d'une exemption à l'application du projet de loi.
Ce changement apporté à la définition de ce qu'est un éditeur canadien est conforme à ce que l'on trouve déjà dans la Loi sur les investissements au Canada. En baissant la barre, cette mesure devrait pouvoir attirer les investissements étrangers. Elle réduira les taux de propriété exigés des intérêts étrangers désireux d'investir dans l'industrie canadienne des périodiques.
C'est un changement raisonnable à tous égards. Traditionnellement, quand on tentait de déterminer si une entité était étrangère, on fixait le critère à 50 p. 100 plus un. Aussi ce changement s'inscrit-il dans l'approche qui avait cours jusqu'ici dans les autres secteurs de l'économie. Comme je l'ai mentionné, c'est en tous points conforme à ce que l'on trouve déjà dans la Loi sur les investissements au Canada.
Le deuxième amendement porte sur une modification de l'article 20 du projet de loi. Il se fonde en fait sur le troisième amendement, soit la disposition de minimis relative aux 12 p. 100, aux 15 p. 100 et aux 18 p. 100, celle dont on a tant parlé. C'est ainsi qu'au départ, un éditeur étranger serait autorisé à vendre de la publicité destiné au marché canadien jusqu'à la hauteur de 12 p. 100 du total des revenus du périodique. Ce deuxième amendement confère au Cabinet le pouvoir de fixer, par règlement, le pourcentage exact des revenus tirés de la vente de publicité destinée au marché canadien.
La méthode utilisée pour déterminer le pourcentage des revenus tirés de la vente de publicité visant le marché canadien a fait l'objet d'un récent échange de lettres entre l'ambassadeur du Canada, M. Raymond Chrétien, et la déléguée commerciale générale des États-Unis, Mme Charlene Barshefsky. Leur correspondance contenait la phrase suivante:
Il s'agit en gros, honorables sénateurs, de calculer le volume de toutes les annonces parues dans le magazine et de comparer cette donnée aux pourcentages atteints par les annonces canadiennes visant le marché canadien. Ce pourcentage est censé équivaloir au pourcentage du total des revenus que l'éditeur américain a tirés de ces publicités.Le pourcentage d'espace publicitaire contenant de la publicité destinée principalement au marché canadien dans un numéro canadien d'un périodique sera réputé équivaloir au pourcentage de revenus publicitaires générés au Canada par le numéro du périodique en question.
Le troisième amendement a trait à l'exemption de minimis dont j'ai déjà parlé et qui, aux yeux d'un bon nombre, est la modification fondamentale apportée à cette mesure législative.
(1510)
Je ne veux pas entrer dans les détails de cette disposition parce qu'ils sont déjà bien connus, mais je veux rappeler aux sénateurs que, sans le projet de loi C-55, les éditeurs étrangers pourraient faire paraître dans leurs publications une quantité illimitée de messages publicitaires canadiens sans avoir à produire une seule ligne de contenu canadien.
En étudiant ce projet de loi, nous devons garder à l'esprit ce qui ne manquerait pas de se produire si cette mesure législative n'était pas adoptée.
Le quatrième amendement prévoit une exception, dans le projet de loi C-55, qui conférerait aux éditeurs étrangers un accès illimité au marché publicitaire canadien s'ils obtenaient, en vertu de la Loi sur Investissement Canada, la permission de s'établir au Canada et d'y publier une revue. Cette permission ne serait accordée que si l'on constatait que l'investissement offre un «avantage net» pour le Canada. Ce qui serait «un avantage net» est décrit de façon assez détaillée dans une déclaration de principe émise par le ministère du Patrimoine à la fin de la semaine dernière. C'est aussi l'objet de la correspondance dont j'ai déjà parlé.
Dans sa lettre, la déléguée commerciale générale des Étas-Unis, Charlene Barshefsky, reconnaît que l'examen de l'avantage net que représente un investissement devrait exiger «un niveau substantiel de contenu rédactionnel original au marché canadien dans chaque périodique visé» et que la décision devrait aussi dépendre des engagements de l'investisseur étranger de «constituer ou d'agrandir un établissement» qui, selon ses propres termes, «créera une infrastructure d'emploi en embauchant directement un personnel de rédaction et de soutien composé de personnes résidant au Canada».
Selon Mme Barshefsky, l'appui de l'infrastructure d'édition pourrait aussi être considéré comme un avantage net, si les publications étaient éditées, composées et imprimées au Canada. En raison de ce changement, le seul moyen, pour un éditeur étranger, de vendre plus de 18 p. 100 de sa publicité destinée au marché canadien serait d'investir et de créer une nouvelle entreprise au Canada, d'engager des Canadiens et de produire des revues qui présentent une part importante de contenu canadien.
Le gouvernement du Canada, dans son document de politique générale, a déjà expliqué clairement qu'un contenu canadien important était un contenu en grande partie canadien.
Ce sont là les amendements apportés au projet de loi C-55 à la suite de l'accord conclu entre le Canada et les États-Unis. Cet accord est la conclusion honorable et positive d'un problème difficile. Elle a été considérée comme telle par un très grand nombre de personnes. En plus des nombreux éditoriaux de journaux qui la soutiennent, il y a une déclaration faite par Ron Atkey, sur laquelle j'aimerais attirer l'attention de mes collègues. Comme le savent bon nombre des sénateurs, M. Atkey est un ancien ministre du Cabinet conservateur et il est maintenant avocat chez Osler, Hoskin et Harcourt. Il est spécialisé dans les opérations commerciales internationales et dans le droit international. M. Atkey déclare dans le Globe and Mail du 27 mai 1999:
Il s'agit d'une réalisation importante. Les États-Unis n'ont jamais été d'accord dans aucun domaine culturel, pour accepter quelque nouvelle exigence relative au contenu que ce soit. Cela établit un précédent.
Alors réjouissons-nous, honorables sénateurs, de ce que nous avons accompli, au lieu de nous plaindre du fait que nous n'avons pas obtenu tout ce que nous voulions. Cependant, le projet de loi C-55, quoiqu'il soit loin d'être parfait, tel qu'amendé, mérite notre appui.
Au cours du débat en deuxième lecture, mes honorables collègues d'en face m'ont demandé de préciser clairement le principe du projet de loi C-55. Ils voulaient savoir ce qui avait été exclu lors des discussions avec les Américains. J'ai répondu:
Les principes énoncés dans ce projet de loi sont de protéger la culture canadienne et de donner aux auteurs et aux rédacteurs en chef des périodiques canadiens une chance de faire leur travail et de nous dire encore ce qu'être Canadien veut dire. Tels sont les principes derrière le projet de loi.
Rien dans ces amendements ne change ce principe. Notre position a été très claire tout au long des négociations avec les Américains. Nous n'étions pas prêts à parvenir à un accord à tout prix. Nous n'étions pas prêts à sacrifier la culture pour des questions commerciales.
Nous croyons fortement qu'il n'est pas nécessaire pour un pays de vendre son âme et sa culture pour vendre ses produits dans le monde. La mondialisation et la force de la culture nationale peuvent coexister. Dans le cadre des négociations qui entourent le projet de loi C-55, les Américains ont enfin compris et ont donné leur accord.
Il s'agit, à mon avis, d'un bon accord pour le Canada. Nous défendons tous les intérêts du Canada. Grâce à la version amendée du projet de loi C-55, il se trouvera des Canadiens pour exprimer de façon forte et éloquente le point de vue de leurs concitoyens sur des questions qui les intéressent.
Voilà pourquoi j'invite les honorables sénateurs à appuyer le projet de loi tel qu'amendé.
Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, le ministre accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Graham: Certainement.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ma première question est la suivante: le gouvernement canadien donne la même définition aux mots «substantiel» et «majoritaire». C'est du moins ce qu'il prétend. Le ministre peut-il nous dire si les Américains approuvent cette interprétation, afin qu'il n'y ait pas de mésentente sur la définition du terme lorsque les dispositions de l'entente seront appliquées?
Le sénateur Graham: Les négociateurs canadiens l'ont bien fait comprendre au gouvernement américain.
Le sénateur Lynch-Staunton: Les négociateurs canadiens nous disent que «substantiel» veut dire «majoritaire». Les négociateurs américains acceptent-ils cette interprétation? Dans l'affirmative, où l'ont-ils mis par écrit, comme le Canada a mis son interprétation par écrit?
Le sénateur Graham: La déléguée commerciale générale américaine utilise le terme «substantiel» et les négociateurs canadiens ont soutenu, je le répète, que «substantiel» signifie «majoritaire».
Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, c'est exact. Le ministre peut-il répondre à la question? Nous sommes d'accord sur le fait que les deux lettres utilisent le mot «substantiel». Ailleurs, les Canadiens affirment que «substantiel» veut dire «majoritaire». Dans quel document les Américains disent-ils que «substantiel» veut dire «majoritaire»?
Le sénateur Graham: Ces négociations ont été longues et ardues, honorables sénateurs. Après des pourparlers très difficiles, les autorités canadiennes croient les Américains sur parole.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je veux savoir dans quel document les Américains affirment officiellement qu'ils interprètent le mot «substantiel» comme il est interprété au Canada.
Le sénateur Graham: J'essaie d'expliquer d'une façon parfaitement limpide que la délégation canadienne a dit clairement aux délégués américains que «substantiel» veut dire «majoritaire».
Le sénateur Lynch-Staunton: Où les Américains ont-ils signifié clairement leur accord aux Canadiens? La réponse est: nulle part. C'est justement à cause de cela que l'entente aboutira à une impasse.
Le sénateur Graham: De toute évidence, les Américains étaient d'accord. Les délégués canadiens ont dit que «substantiel» veut dire «majoritaire», et les Américains comprenaient cela quand ils ont signé l'entente.
Le sénateur Lynch-Staunton: L'entente ne donne aucune définition du terme «substantiel». On s'en est rendu compte après coup. Il faudra voir comment les choses évoluent.
(1520)
Étant donné ce que dit la déléguée commerciale générale américaine dans sa lettre, le ministre doute qu'il y ait un différend aux termes de l'ALENA. Est-ce que cela inclut l'incapacité d'une société étrangère de faire une revendication en vertu du chapitre XI de l'ALENA?
Le sénateur Graham: Oui.
Le sénateur Lynch-Staunton: Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il m'indiquer où il est question de cela dans la lettre? Selon l'interprétation de spécialistes externes, quand la représentante commerciale générale parle des États-Unis, elle se reporte au gouvernement américain et ne peut engager les citoyens et les sociétés à l'égard de cette entente.
Le sénateur Graham: Les autorités canadiennes m'ont confirmé que c'est le cas, honorables sénateurs.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est toujours une garantie des autorités canadiennes; ce sont pourtant les Américains qui contesteront cette interprétation. Nous voulons des garanties américaines qui correspondent à celles que donnent les autorités canadiennes. Nous avons reçu des réponses qui n'en sont pas. Je vais cependant essayer une troisième fois. Après trois fois, je serai retiré.
L'accord prévoit que si une partie déclare simplement d'elle-même que l'accord est violé par l'autre partie, laquelle ne conteste pas cette prétention, et qu'elle se retire de l'accord, celui-ci devient nul et non avenu après 90 jours et les droits et obligations de chaque signataire redeviendront ce qu'ils étaient au moment de la signature, soit le 3 juin, dans ce cas-ci.
Le projet de loi C-55 n'est pas encore adopté. Est-ce que les droits et les obligations qui existaient avant le 3 juin comprennent les droits et les obligations prévus conformément au projet de loi C-55, qui n'est pas encore adopté?
Le sénateur Graham: Oui.
Le sénateur Lynch-Staunton: Le ministre peut-il nous expliquer comment il peut affirmer aussi catégoriquement que la Constitution ne l'assujettit pas à des accords internationaux?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, ce débat prendra fin plus tard aujourd'hui, lorsque nous passerons au vote. Je tiens à assurer à tous les sénateurs que ce que j'ai dit est la pure vérité.
Le sénateur Lynch-Staunton: Déjoué trois fois et retiré.
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, au second tour, le sénateur a déclaré dans son discours que l'accord conclu avec les Américains était une belle réussite puisque les Américains reconnaissaient au Canada le droit de protéger sa culture, ou ses mots. Le ministre peut-il nous donner des précisions à ce sujet et nous indiquer dans quel paragraphe de l'accord les Américains reconnaissent ce droit au Canada?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, nous pouvons protéger notre culture. Le rejet du projet de loi C-55 et de ses amendements aurait des répercussions très sérieuses sur les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis, que ce soit dans le secteur de l'acier, du bois d'oeuvre, des plastiques ou du vêtement. Le projet de loi C-55 et l'accord signé entre le Canada et les États-Unis assurent à notre culture la meilleure protection que nous puissions espérer.
Le sénateur Kinsella: L'honorable sénateur est incapable de préciser quel paragraphe de l'accord nous assure cette protection. En fait, il fait une interprétation de l'accord.
À la page 4 de l'accord, qui figure dans la lettre signée par l'ambassadeur Raymond Chrétien, le dernier paragraphe stipule:
Si une des deux parties estime que l'autre ne respecte pas l'accord, elle peut l'aviser par écrit de son retrait de l'accord. L'accord deviendra nul et non avenu dans les 90 jours suivant l'avis. À partir de ce moment les droits et obligations respectifs des parties redeviendront ce qu'ils étaient immédiatement avant l'entrée en vigueur du présent accord.
Si l'accord est censé entrer en vigueur le 3 juin 1999, le jour de la signature de la lettre, l'honorable sénateur peut-il nous expliquer quel était le statu quo avant le 3 juin 1999? Était-ce la situation qui prévalait en vertu du projet de loi C-55 en tant que projet de loi non amendé, du projet de loi C-55 en tant que projet de loi amendé, ou est-ce que le projet de loi C-55 ne s'appliquait pas?
Le sénateur Graham: Ce serait le projet de loi amendé.
Le sénateur Kinsella: L'honorable sénateur est-il en train de nous dire que si les Américains se disent insatisfaits de l'accord et que nous revenons au statu quo, nous aurons cédé 18 p. 100 du marché canadien de la publicité aux Américains?
Le sénateur Graham: Lorsque les Américains ont signé l'accord, ils étaient au courant du projet de loi amendé.
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, s'il y a un désaccord entre le Canada et les États-Unis sur la mise en oeuvre de cette entente, les dispositions de la page 4, dont j'ai déjà parlé, stipulent que nous reviendrons à la situation qui existait avant le 3 juin, 90 jours après que les États-Unis nous auront avisés qu'ils ne sont pas d'accord soit sur le point dont on vient de discuter, soit sur tout autre point. Ce traité sera nul et non avenu. Le leader du gouvernement au Sénat vient de nous dire que cette entente sera nulle, mais les Américains auront le projet de loi C-55 tel que modifié. Ils obtiennent 18 p. 100 pour rien.
Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, le but de la politique canadienne était que les magazines canadiens racontent des histoires canadiennes. La ministre elle-même a déclaré que nous ne voulons pas que des magazines étrangers deviennent canadiens, que nous voulons nos propres magazines canadiens. Puisque Hearst et d'autres éditeurs ont déjà déclaré qu'ils viendront au Canada, diriez-vous que le but de protéger la culture canadienne aura été atteint si la majorité des magazines à contenu Canadien appartiennent à des étrangers? Cela pourrait fort bien se produire. L'industrie de l'édition dit qu'elle pourrait disparaître dans une proportion de 70 p. 100.
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, nous parlons d'avantage net pour le Canada. Les conséquences d'une guerre commerciale seraient graves. Le gouvernement du Canada a négocié ce qu'il considère comme la meilleure entente possible, le meilleur accord pour les éditeurs canadiens.
J'ai expliqué à quelles conditions les publications appartenant à des Américains pourraient entrer sur le marché publicitaire canadien. J'ai aussi dit qu'un fonds serait créé pour venir en aide aux éditeurs canadiens et que nous sommes en période de discussion, en pleines négociations avec les éditeurs canadiens pour déterminer le montant exact qui sera versé dans ce fonds.
Le sénateur Spivak: Malgré tout le respect que je porte au leader du gouvernement, d'éminents témoins et l'un des pères de l'Accord de libre-échange, Donald MacDonald, ont dénoncé l'ampleur des dommages qui pourraient être causés en cas de guerre commerciale. Aucun chiffre n'a été associé aux menaces.
(1530)
Nous ne savons pas. Nous avons entendu dire que cela ne peut même pas se rapprocher des sommes qui ont été mentionnées. Même un des agents commerciaux américains a dit: «Eh bien, nous savons maintenant quoi faire pour obtenir ce que nous voulons. Nous n'avons qu'à faire des menaces et à montrer les dents, et nous pourrons nous approprier d'autres secteurs.»
Cela étant dit, j'ai une autre question à poser. On a également entendu dans les médias que les Américains estimaient qu'ils devaient être traités comme n'importe quelle autre société ici, au Canada. Par conséquent, si les éditeurs canadiens ont droit à une subvention, les Américains y ont droit aussi.
Étant donné que la subvention ne faisait pas partie du projet de loi, comme on l'a mentionné ici plusieurs fois, quel fondement juridique avons-nous au Canada? Quelle protection juridique avons-nous pour pouvoir dire aux Américains qu'ils n'ont pas droit à une subvention?
Le sénateur Graham: Lorsque nous parlons de subventions, nous parlons de subventions aux éditeurs canadiens et non aux éditeurs américains.
Le sénateur Spivak: C'est peut-être vrai, et je comprends ce dont on a parlé. Toutefois, les Américains ont dit que, s'ils viennent ici et s'ils sont actionnaires majoritaires d'une société et qu'ils respectent toutes les règles, ils ont droit aux mêmes subventions que les Canadiens. Je vous demande si cette position est exacte ou inexacte. Quelle protection juridique empêcherait les contribuables canadiens de subventionner les sociétés américaines qui veulent venir ici et nous enlever notre culture canadienne? Quel est le fondement juridique?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, cette protection sera prévue dans les arrangements qui seront pris lorsque les détails concernant le fonds seront rendus publics.
Le sénateur Spivak: Sauf le respect que je vous dois, ces détails concernent ce que le gouvernement canadien voudra donner aux éditeurs canadiens. Là n'est pas la question. Les sociétés américaines ont dit que, si elles sont installées au Canada et fonctionnent comme une société canadienne, elles ont droit aux subventions. Quelle protection juridique avons-nous contre cela? Quelle mesure législative ou accord invoquerez-vous pour dire à ces sociétés qu'elles ne peuvent pas avoir de subventions, que seuls les Canadiens y ont droit?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, comme je l'ai dit à d'autres occasions, les dispositions concernant les subventions aux éditeurs canadiens ne font pas partie du projet de loi C-55, et elles seront examinées à part.
[Français]
Le sénateur Rivest: Honorables sénateurs, maintenant que le gouvernement a cédé sur la question des magazines dans le domaine culturel, quels arguments le gouvernement canadien va-t-il utiliser pour empêcher les Américains d'obtenir des accords analogues dans d'autres secteurs d'activités culturelles?
[Traduction]
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, nous n'avons pas cédé. Nous avons accepté un arrangement qui, je le répète, n'est pas parfait. Il n'est pas parfait à 100 p. 100. Nous avons toutefois conclu avec les Américains un accord qui a permis d'éviter ce qui aurait pu être un affrontement commercial grave qui aurait touché des secteurs importants de l'économie.
[Français]
Le sénateur Rivest: Si l'entente n'est pas parfaite, quelles garanties les gens du cinéma, du disque, du théâtre et de toutes les autres expressions culturelles ont-ils que le gouvernement canadien ne signera pas, à leur détriment, des ententes imparfaites dans le domaine de l'édition? Il n'y a aucune garantie. Vous avez contredit les prétentions et la politique du gouvernement canadien d'affirmer la souveraineté culturelle canadienne face aux États-Unis. C'est ce que vous avez fait.
[Traduction]
Le sénateur Graham: Parlons de l'industrie du film. Le gouvernement du Canada accorde une aide généreuse à l'industrie du film, qui est vigoureuse dans différentes régions du pays, dont la province du sénateur Rivest, le Québec. Le sénateur Oliver doit savoir que, en Nouvelle-Écosse, nous avons cinq ou six plateaux de tournage, à Shelburne, Halifax, Darmouth ou Sydney. Une aide est accordée à l'industrie du cinéma et aux segments du secteur culturel qui ont les plus grands besoins.
[Français]
Le sénateur Rivest: Vous avez cité un commentaire d'un ex-ministre conservateur, qui mentionnait que l'entente signée par le gouvernement canadien avait de l'allure. Est-ce que vous avez reçu des félicitations de la part des partenaires du Canada - en particulier la France et le Portugal, les chefs de file de la protection des identités culturelles particulières - sur l'attitude du gouvernement canadien? Ces gouvernements étaient solidaires et partenaires du Canada pour contrer l'invasion américaine sur le plan culturel. Avez-vous reçu des félicitations de la part des pays du marché commun et d'autres pays qui se battent pour défendre leur souveraineté culturelle au moment où le Canada cède?
[Traduction]
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je suis certain que les messages de félicitations afflueront dès que le projet de loi C-55 sera adopté.
Le sénateur dit qu'un ex-ministre du Canada a parlé de problèmes. Permettez-moi de citer encore une fois un ex-ministre conservateur que la plupart des sénateurs connaissent bien, M. Ron Atkey. Cet ex-ministre conservateur, qui est spécialiste des opérations commerciales internationales et du droit international, dit que d'importants progrès sont accomplis. Dans le domaine culturel, les États-Unis n'avaient jamais accepté de nouvelles exigences en matière de contenu. Un précédent est créé.
Je regrette de reprendre les mêmes propos que j'ai cités dans mes observations, mais je pense qu'ils méritaient d'être soulignés aux sénateurs d'en face.
Le sénateur Lynch-Staunton: Qui représentait-il devant le comité? Si nous amorçons une nouvelle manche, je vais encore tenter de poser une question et faire des observations.
Je trouve ce débat désolant, contrariant, voire de mauvais goût. Certains ont aujourd'hui fait valoir des arguments en faveur de l'adoption d'amendements qui avaient été rejetés lorsqu'ils avaient été proposés il y a à peine trois mois.
Le sénateur Oliver: C'est exact.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je cite les Débats du Sénat du 18 mars dernier:
L'honorable Roch Bolduc: Est-ce que je comprends que le gouvernement a fait son nid? Peu importe les pressions de l'industrie de l'acier, du textile ou autre, a-t-on pris la décision de procéder avec le projet de loi? Est-ce la décision du gouvernement?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, j'ai dit que quelles que soient les pressions qui sont faites, le gouvernement ne cédera pas. L'opposition n'écoute-t-elle pas?
Le sénateur Lynch-Staunton: Le gouvernement ne pliera pas?
Le sénateur Graham: Je suis le parrain du projet de loi et, en ce qui me concerne, le projet de loi restera tel qu'il est.
Nous avions là une confirmation absolue que le gouvernement du Canada allait résister aux menaces de sanctions commerciales. Pour reconfirmer cela, le sénateur Graham a ensuite dit ceci:
Il est important pour nous de comprendre, en tant que Canadiens et sénateurs, que nous devons défendre les intérêts de notre pays. Nous ne pouvons pas toujours nous en laisser imposer. Cela suffit! Poursuivons nos travaux et appuyons cette mesure législative.
Nous sommes d'accord. Nous avons dit que nous devrions passer à l'étude article par article. S'il s'agit ici d'un principe lié à la culture et à l'identité canadiennes, nous mettrons de côté nos désaccords sur certains éléments du libellé parce que le principe est plus important. Poursuivons l'étude du projet de loi. Le représentant du gouvernement nous a convaincus que quels que soient les propos des Américains, que quelles que soient leurs tentatives d'intimidation, nous ne capitulerions pas.
On nous dit maintenant, moins de trois mois plus tard, que nous aurions été soumis à la pire guerre commerciale que l'on puisse imaginer. Nos industries auraient été acculées à la faillite, et Dieu sait quoi encore. En cédant sur ce point, nous avons cédé sous la menace d'une guerre commerciale illégale. Le sénateur Joyal nous a dit, pas plus tard qu'hier, comme l'ont fait à maintes reprises d'autres porte-parole du gouvernement, que les sanctions commerciales de cette nature sont illégales aux termes de tous les accords internationaux que nous avons signés, que ce soit l'OMC ou l'ALENA. En fait, nous avons capitulé sous la menace d'une action illégale.
Que croyez-vous que les Américains disent de nous aujourd'hui?
(1540)
Des voix: Bravo!
Le sénateur Graham: Je trouve plutôt ironique que mes vis-à-vis aient adopté la position qu'ils ont adoptée. Normalement, les défenseurs du libre-échange devraient être dans notre camp.
Le sénateur Lynch-Staunton: Cela n'a rien à voir avec le libre-échange.
Le sénateur Graham: Nous, du côté gouvernemental, écoutons tous les éléments de la société. Nous écoutons les secteurs industriels, qu'il s'agisse de l'industrie de l'acier ou du vêtement. Ils nous ont mis en garde contre les risques d'une grave guerre commerciale entre nos deux pays. Nous les avons écoutés, nous avons pris des mesures et nous avons fait des compromis. C'est pour cela que le gouvernement libéral réussit si bien.
Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, je crains d'avoir mal posé ma question plus tôt. Cependant, j'ai depuis obtenu l'avis d'un ancien ministre du Commerce.
La question que je voulais poser est celle-ci: lorsqu'une entreprise étrangère produit quelque chose au Canada, pas un service, mais un produit, elle a droit au même traitement qu'une entreprise canadienne. Comment alors empêcher les entreprises étrangères qui viennent s'installer au Canada de recevoir des subventions si, selon l'ALENA, elles ont droit au même traitement que les entreprises canadiennes?
Le sénateur Graham: Les règles applicables au «fonds» sont encore en négociation avec les éditeurs.
Je suis heureux que le sénateur Kelleher ait pu donner son avis à l'honorable sénateur. Il a été un fameux ministre du Commerce. Parlant d'anciens ministres du Commerce, je regrette que madame le sénateur Carney ne soit pas ici parce que je suis certain que, si elle était présente, elle serait dans notre camp. Il est déplorable que le sénateur Carney ait été laissée à l'écart des célébrations marquant le 10e anniversaire de la signature de l'ALENA à Montréal la semaine dernière.
Le sénateur Spivak: Tout accord qui est négocié ou qui lie le gouvernement du Canada et l'industrie de l'édition de périodiques est soumis à l'ALENA. N'est-ce pas le cas pour toute industrie? Si les éditeurs étrangers viennent au Canada et y produisent ce que l'on appelle un produit canadien, ils ont alors droit à un traitement favorable au même titre que les entreprises canadiennes.
J'aimerais entendre le chef de l'opposition nier cette éventualité. Je ne souhaite pas que cela arrive, mais je pense que cela se produira.
Le sénateur Graham: Je suppose que «honorable sénateur» s'entend du leader du gouvernement et non du chef de l'opposition. Cependant, je suppose que ce dernier aimerait répondre à la question.
Honorables sénateurs, on m'a donné l'assurance que nous respectons intégralement les dispositions de l'ALENA.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est ce que vous avez dit au sujet du MMT.
Le sénateur Kinsella: Je me demande si le ministre peut nous donner des éclaircissements concernant le problème qui a été soulevé à la suite de son discours au Sénat et la question de la Loi sur Investissement Canada.
Je crois comprendre que la prérogative du premier ministre en ce qui concerne l'appareil étatique ne lui donne pas le pouvoir d'étendre le mandat d'un ministre à des secteurs de responsabilité qui dépassent le cadre d'une loi.
Une sérieuse question a été soulevée dans le débat, soit celle de la désignation du ministre en conformité avec la loi. Un acte législatif détermine le ministre responsable en conformité avec la Loi sur Investissement Canada.
En ce qui concerne la prérogative du premier ministre de nommer des ministres, comment l'appareil étatique réagira-t-il devant le problème que pose la présence de deux ministres responsables alors que la loi ne prévoit qu'un ministre exerçant des responsabilités?
Le sénateur Graham: Le sénateur Kinsella soulève un point intéressant. Si j'ai bien compris, honorables sénateurs, il n'y aura qu'un ministre responsable de ce dossier.
Jusqu'à maintenant, la ministre du Patrimoine canadien était tenue de fournir au ministre de l'Industrie une évaluation précisant en quoi il était avantageux d'autoriser les investissements étrangers dans les industries culturelles. Toutefois, avec le transfert des responsabilités, cette étape va disparaître.
Je comprends ce que l'honorable sénateur dit au sujet des gouvernements. Je comprends aussi que le premier ministre a tout à fait le droit d'attribuer des pouvoirs.
La Loi sur Investissement Canada a toujours exigé que les investissements dans les industries culturelles soient compatibles avec les politiques culturelles nationales et le ministre du Patrimoine canadien a toujours été consulté au sujet des investissements étrangers dans l'industrie culturelle. Le transfert du pouvoir d'examen et d'approbation de ces investissements permettra de simplifier le processus pour les investisseurs du secteur culturel.
Le sénateur Lynch-Staunton: J'aimerais poser une question supplémentaire. Que nous soyons ou non d'accord avec la politique de partage des responsabilités du ministère entre deux ministres, en vertu de quelle autorité le premier ministre peut-il le faire unilatéralement?
Aux termes de l'article 3 de la loi, le gouverneur en conseil ne peut désigner qu'un ministre responsable de l'application de la loi.
Puisque l'article 35, qui concerne les pouvoirs de réglementation, indique qu'aucune autorité n'est conférée pour permettre le transfert des responsabilités du ministère de l'Industrie à un autre ministère, en vertu de quel pouvoir ce transfert peut-il être fait, si ce n'est au moyen d'une modification de la loi?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, le premier ministre a annoncé que la ministre du Patrimoine canadien continuera de fournir une évaluation et des conseils au ministre de l'Industrie, mais elle sera seule responsable des questions de ce genre.
Le sénateur Lynch-Staunton: La question n'est pas là. Je sais ce que le premier ministre a dit.
Je demandais en vertu de quel pouvoir le premier ministre peut-il transférer, autrement que par une modification de la loi, le processus décisionnel d'Investissement Canada dans les industries culturelles à un ministre autre que le ministre de l'Industrie?
Je ne veux pas savoir ce qu'a dit le premier ministre, mais comment sa décision, qu'on l'approuve ou non, sera mise en oeuvre?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, le premier ministre a le pouvoir de prendre une telle décision.
Le sénateur Lynch-Staunton: Le ministre peut-il nous dire en vertu de quelle autorité le premier ministre peut passer outre à une loi du Parlement qui stipule expressément qu'un seul ministre peut être responsable de l'application de la loi et conférer à un autre ministre la responsabilité d'une partie de la loi? Quelle loi du Parlement lui permet de le faire?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, ce sera un ministre seulement, la ministre du Patrimoine canadien.
Le sénateur Lynch-Staunton: Non, ce seront deux ministres se partageant les responsabilités d'une seule loi, alors que la loi stipule qu'un ministre seulement est responsable de la loi entière.
La ministre Copps est maintenant engagée dans un processus de consultation, ce qui est bien. J'espère que les décisions que prendra Investissement Canada en conformité avec cette loi résulteront de consultations entre tous les ministres et d'autres s'occupant directement des industries pouvant faire l'objet d'un examen. Cependant, nous faisons un pas de plus. Nous allons au-delà du processus de consultation et faisons glisser le processus de prise de décisions des mains du ministère de l'Industrie à celles du ministère du Patrimoine canadien. Je soutiens qu'on ne peut entreprendre une mesure unilatérale de cette nature. Cela ne peut se faire que par une modification à la loi.
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, c'est ce que pense le sénateur Lynch-Staunton. Je suis persuadé que le premier ministre a consulté les autorités compétentes et que c'est là sa décision. Il y aura un ministre responsable de cet aspect particulier de la loi, et ce sera la ministre du Patrimoine canadien.
Le sénateur Lynch-Staunton: Étant donné que le premier ministre rejette tout ce que veut le Parlement, de toute façon, je ne suis pas étonné d'entendre cela.
La décision a-t-elle déjà été prise? Dans l'affirmative, sous quelle forme? Pouvons-nous voir le document confirmant cette décision?
Le sénateur Graham: Je serai heureux de fournir ce document. Je ne l'ai pas ici en ce moment. Je vais certainement le fournir en temps opportun.
Le sénateur Kinsella: Non seulement les dispositions de la Loi sur Investissement Canada entrent en jeu en l'occurrence, mais celles de la Loi sur la gestion des finances publiques entrent elles aussi en jeu. Comment s'appliquera la Loi sur la gestion des finances publiques à ce rôle que jouera la ministre du Patrimoine canadien? Comment la fonction qu'exercera la ministre du Patrimoine canadien sera-t-elle financée? Comment s'appliquera la Loi sur la gestion des finances publiques et comment les fonds destinés à cette activité discrète seront-ils attribués?
(1550)
Le sénateur Graham: Je suis certain que ce sera fait dans le cadre des provisions budgétaires du ministère du Patrimoine canadien.
Le sénateur Kinsella: Le ministre ne croit-il pas que le comité ou le Sénat aurait dû se pencher sur le dossier? Il s'agit de questions techniques. Habituellement, nous examinons les questions techniques en comité. Voilà le genre de problèmes qui surviennent lorsque nous accélérons l'étude d'une mesure législative, comme nous le faisons dans ce cas.
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, le sénateur Kinsella et d'autres sénateurs présents aux réunions ont eu amplement le temps de consulter le ministre du Commerce international et la ministre du Patrimoine canadien, de même que leurs fonctionnaires.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ils ont essayé de s'esquiver autant que vous.
Le sénateur Kinsella: Je trouve un peu déconcertant que le principe de la primauté du droit, qu'on l'applique au droit national ou international, se trouve si malmené en l'occurrence. D'après les témoignages entendus, et même celui d'un ministre, selon le droit international, notamment les accords commerciaux et les textes de l'OMC, la menace des Américains est illégale.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est exact.
Le sénateur Kinsella: Le Canada semble dire que la primauté du droit importe peu, que c'est le plus fort qui l'emporte, que c'est la force qui prime et non la loi. J'espère que nous n'allons pas céder et que nous exigerons le respect qui s'impose, c'est-à-dire le respect de la primauté du droit même si nous traitons avec une hégémonie comme les États-Unis d'Amérique, et j'espère que le ministre nous éclairera à cet égard.
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, les États-Unis ont donné au gouvernement du Canada l'assurance écrite qu'ils ne prendront aucune mesure commerciale en réaction au projet de loi C-55 dans le cadre des accords de l'OMC, de l'ALENA ou de l'article 301 de la Trade Act des États-Unis.
Le sénateur Kinsella: Une politique du gouvernement du Canada affirme depuis longtemps que la publicité canadienne ne sera pas accessible aux publications américaines.
Le sénateur Lynch-Staunton: Cette politique existe depuis 40 ans.
Le sénateur Kinsella: Cet amendement leur donnera maintenant 18 p. 100 de la tarte publicitaire. Vous leur avez donné 18 p. 100 parce qu'ils ont menacé de prendre des mesures commerciales contre le Canada, ce qui n'était qu'une ruse. Vous vous êtes laissés prendre.
Le sénateur Lynch-Staunton: Le silence est d'or.
L'honorable Fernand Robichaud (Président suppléant): Si aucun autre honorable sénateur ne souhaite prendre part au débat, la question sera mise aux voix à 16 h 15, selon les arrangements qui ont été conclus, et nous allons passer à une autre question.
[Français]
Le Code criminel
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition
Projet de loi modificatif-Première lecture
Son Honneur le Président suppléant annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-251, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (peines consécutives).(Le projet de loi est lu une première fois.)
Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Cools, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour du jeudi 10 juin 1999.)
La loi sur le casier judiciaire
Projet de loi modificatif-Deuxième lecture
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Fraser, appuyée par l'honorable sénateur Ruck, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-69, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et une autre loi en conséquence.
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, la réhabilitation, en vertu des articles 5, 6 et 7 de la Loi sur le casier judiciaire, permet aux personnes de faire sceller leur casier judiciaire après avoir été condamnées pour une infraction criminelle, si elles ont purgé leur peine en totalité et ont montré qu'elles étaient devenues des citoyens respectueux des lois. Ces dispositions contribuent à faciliter la réinsertion sociale des délinquants.
En vertu de la Loi sur le casier judiciaire, la Commission nationale des libérations conditionnelles a le pouvoir de délivrer, d'octroyer, de refuser ou de révoquer une réhabilitation à l'égard d'une infraction à une loi fédérale ou à un de ses règlements. De plus, la loi Canadienne sur les droits de la personne interdit toute discrimination envers les personnes qui ont obtenu une réhabilitation du solliciteur général du Canada. Il est important de mentionner que la réhabilitation n'efface pas l'existence de la condamnation et qu'elle peut être automatiquement annulée si la personne est ultérieurement condamnée pour un acte criminel.
Les modifications proposées par le gouvernement à la Loi sur le casier judiciaire, par le biais du projet de loi C-69, visent à augmenter la sécurité de la population canadienne. Principalement, elles sont destinées à empêcher les délinquants sexuels d'occuper des postes de confiance auprès des enfants et d'autres personnes vulnérables. C'est ainsi que le projet de loi C-69 prévoit: l'imposition d'un délai de carence d'un an, après le refus d'une demande de réhabilitation; la révocation automatique de la réhabilitation sur condamnation subséquente pour infraction mixte, soit une infraction qui peut être poursuivie par procédure sommaire ou par mise en accusation; une disposition concernant le repérage dans le fichier automatisé des relevés de condamnations criminelles, des dossiers des personnes qui ont obtenu une réhabilitation afin de permettre leur communication dans le cadre de l'examen des candidatures à un emploi qui mettrait ces personnes en situation de confiance ou d'autorité par rapport à des enfants ou à des personnes vulnérables.
L'article 5 de la Loi sur le casier judiciaire prévoit actuellement les conséquences de l'octroi de la réhabilitation, comme la mise sous scellés du casier judiciaire du délinquant. Le paragraphe 6(2) prévoit que tout dossier visé par la réhabilitation que gardent le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, un ministère ou un organisme fédéral, doit être classé à part des autres casiers ou relevés relatifs à des affaires pénales. De plus, il est interdit de le communiquer, d'en révéler l'existence ou de révéler le fait de la condamnation sans l'autorisation préalable du solliciteur général du Canada.
L'article 6 du projet de loi C-69 propose d'ajouter une disposition supplémentaire pour ce qui est du cas particulier du casier judiciaire des délinquants sexuels réhabilités. Le nouvel article 6.3 de la Loi sur le casier judiciaire prévoit que le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada peut inclure dans le fichier automatisé des relevés de condamnations criminelles gérés par la GRC, un indicateur qui informera le service de police faisant une recherche à des fins de filtrage qu'il existe, relativement à une personne, un dossier scellé ou un relevé d'une condamnation pour une infraction à caractère sexuel à l'égard de laquelle il lui a été octroyé ou délivré une réhabilitation.
(1600)
Il faut noter que cette recommandation a été approuvée à l'unanimité par les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Justice lors de leur réunion d'octobre 1998, tenue à Regina.
Ainsi, tous les organismes qui offrent des services à des enfants et qui veulent engager les services d'un bénévole ou d'un employé pourront maintenant découvrir si ce candidat a obtenu une réhabilitation à l'égard d'une infraction sexuelle. En vertu du paragraphe 6.3(2), cette vérification ne pourra être effectuée qu'à deux conditions: d'une part, si l'emploi plaçait le postulant en situation d'autorité ou de confiance par rapport aux enfants ou d'autres personnes vulnérables; et d'autre part, si celui-ci a consenti par écrit à la vérification.
Si la vérification permet d'établir que la personne a déjà fait l'objet d'une condamnation pour une infraction à caractère sexuel, la GRC ou le corps policier en question qui a procédé à la vérification peut demander au commissaire de la GRC de remettre au solliciteur général tout dossier ou relevé de condamnation à l'égard de cet individu. En vertu du nouveau paragraphe 6.3(5), le solliciteur général pourra décider de la pertinence de divulguer le contenu du casier. Si ce dernier l'autorise, la GRC ou le service de police doit alors communiquer les informations à l'organisme qui en aura fait la demande.
En vertu du nouveau paragraphe 6.3(7), l'organisme ne pourra, par contre, utiliser ces informations que dans le cadre de l'examen de la demande d'emploi.
Honorables sénateurs, je suis pleinement en accord avec les objectifs et les principes soutenus par le projet de loi C-69. Il est clair que la sécurité de nos enfants et des personnes vulnérables de notre société sera mieux assurée par ces nouvelles mesures.
Le projet de loi C-69, en ce qui a trait au marquage du casier judiciaire d'un délinquant reconnu coupable d'une infraction sexuelle et à la divulgation de son dossier, est semblable au projet de loi C-284, qui est encore à l'étude dans l'autre endroit par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne. La politique commune qui sous-tend les deux projets de loi C-284 et C-69 a été fortement appuyée par les groupes de défense des droits des victimes.
Par contre, plusieurs associations comme la Société Elizabeth Fry et la Criminal Lawyers' Association pourraient avoir des réserves quant à la politique sur laquelle se fonde le projet de loi C-69.
Ce qui inquiète ces groupes, c'est que ces projets de loi pourraient compromettre l'intégrité du système de réhabilitation et son rôle dans la réadaptation et la réintégration des délinquants. Ceux-ci soutiennent qu'il n'est pas établi de façon satisfaisante que la loi actuelle ne suffit pas à protéger la société et que rien ne doit y être modifié. La Criminal Lawyers' Association a recommandé que, si ces mesures étaient adoptées, elles devraient au moins prévoir que la personne visée puisse donner son consentement à la divulgation, comme il est prévu dans le projet de loi C-69.
D'autres groupes, par contre, comme la Société John Howard, et la Société Saint-Léonard et Volunteer Canada, partageaient cette inquiétude lors de l'étude du projet de loi C-284 pour ce qui était de l'intégrité et de la valeur des réhabilitations et de leur rôle dans la réadaptation. La société John Howard et la Société Elizabeth Fry craignaient qu'en appuyant sur l'accès aux dossiers de réhabilitation, on ne donne un faux sentiment de sécurité, en reléguant dans l'ombre d'autres éléments clés de la sélection du personnel pour les postes de confiance par rapport à des personnes vulnérables et à des enfants. Cependant, les observations des trois organismes donnent à penser qu'ils préfèrent le projet de loi C-69 au projet de loi C-284. Le fait que le projet de loi C-69 préserve la discrétion ministérielle au sujet de la divulgation des dossiers et l'exigence du consentement de réhabilité à la divulgation semble être l'une des principales raisons de cette préférence.
Il n'y a aucun doute, honorables sénateurs, que le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles devra se pencher sur ces questions.
En terminant, j'aimerais aborder la question de la réglementation relative à l'application du nouvel article 6.3, concernant le marquage du dossier judiciaire.
L'article 8 du projet de loi prévoit modifier l'article 9.1 de la Loi sur le casier judiciaire pour que cette nouvelle disposition sur le marquage des dossiers des personnes réhabilitées suite à une condamnation pour une infraction à caractère sexuel soit appliquée correctement. Ainsi, le gouvernement pourra, par règlement: dresser la liste des infractions visées par le terme «à caractère sexuel»; régir l'inclusion du marqueur à l'égard des casiers judiciaires et relevés de condamnation et la vérification de ces derniers; définir les termes «enfants» et «personnes vulnérables»; régir les processus de consentement de l'individu visés au nouvel l'article 6.3, de la vérification des dossiers ou de la communication des renseignements que le casier contient à l'organisme qui en fait la demande; et préciser dans le règlement les facteurs que le solliciteur général prend en considération lorsqu'il décide d'autoriser ou non la divulgation du contenu du dossier d'une personne réhabilitée.
Lors du discours de l'honorable sénateur Fraser, j'ai soulevé que le pouvoir réglementaire défini à cet article du projet de loi C-69 était une question de politique gouvernementale. À cet effet, plusieurs questions me viennent à l'esprit.
Dans un premier temps, pourquoi la liste des infractions visées au paragraphe serait-elle dressée, modifiée, allongée ou réduite par le gouverneur en conseil?
Il me semble, honorables sénateurs, qu'on pourrait être capable de dresser cette liste. Je ne vois pas pourquoi on laisserait au gouverneur en conseil le soin de modifier la liste des infractions visées par le projet de loi.
Deuxièmement, pourquoi laisser au gouverneur en conseil le soin de définir les mots «enfants» et «personnes vulnérables»? Il me semble qu'on serait capable de définir cela. J'accorde au gouverneur en conseil le pouvoir de régir le processus de consentement de l'individu. Il n'y a rien de substantif dans ce règlement. On dit au gouverneur en conseil de mettre en place le mécanisme de l'octroi, la divulgation du consentement du réhabilité. On ne crée pas de droit substantif par ce règlement. Pourquoi accorde-t-on au gouverneur en conseil le pouvoir d'encadrer et de définir le processus d'autorisation ministérielle? Il me semble qu'il y a quasi conflit d'intérêt. Le Parlement devrait encadrer ce pouvoir discrétionnaire. Pourquoi laisser au gouverneur en conseil le soin de décrire lui-même l'exercice de son pouvoir discrétionnaire? Pourquoi ce pouvoir discrétionnaire ne peut-il être encadré que par une décision réglementaire?
Honorables sénateurs, je vous ai énuméré mes préoccupations quant à ce projet de loi, dont j'appuie les principes et les objectifs. On demande au Parlement d'autoriser, par une loi, un pouvoir réglementaire exorbitant. C'est malheureusement le lot de plusieurs projets de loi. Je ne vise pas un gouvernement plus qu'un autre, c'est une maladie, c'est un cancer. On étudie souvent les projets de loi à la sauvette. On pose quelques questions aux fonctionnaires et aux ministres et on se satisfait de leurs réponses. Dieu merci, depuis quelque temps, nous avons décidé d'inclure dans nos projets de loi des clauses de réexamen après la proclamation de la loi parce que le pouvoir réglementaire était exorbitant. Sans vouloir le restreindre, après une période de temps suffisante, on pourrait examiner le comportement du gouverneur en conseil ou du ministre responsable de la loi, et déterminer si cette loi a atteint les objectifs visés.
Honorables sénateurs, je vous recommande d'appuyer ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. J'espère que nous pourrons l'examiner à fond en comité.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?(Sur la motion du sénateur Fraser, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)
[Traduction]
(1610)
Projet de loi d'exécution du budget de 1999
Troisième lecture-Motion d'amendement-Suspension du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Kroft, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-71, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 février 1999.
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Bolduc, appuyée par l'honorable sénateur Beaudoin, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié:
a) aux pages 10 à 12, par suppression de la partie 3;
L'honorable Wilfred P. Moore: Honorables sénateurs, nous ne pouvons pas appuyer la motion proposée par l'honorable sénateur afin d'amender le projet de loi, et ceci pour les raisons suivantes: la partie 3 de ce projet de loi omnibus sur le budget contient essentiellement une disposition pour l'étendue de l'arbitrage exécutoire pendant deux années supplémentaires, jusqu'en juin 2001. J'aimerais rappeler aux honorables sénateurs que ce projet de loi est important à deux égards.b) par le changement de la désignation numérique des parties 4 à 9 et des articles 20 à 50 en conséquence et de tous les renvois qui en découlent.
Premièrement, et c'est le plus important, cette disposition est conforme à l'approche responsable sur le plan financier qui s'applique à nos relations de travail. Nous devons continuer de craindre que les décisions exécutoires par des tiers puissent mettre en péril le contrôle du gouvernement sur les priorités budgétaires. La gestion des coûts salariaux pour la fonction publique reste une préoccupation fondamentale et constante. Ce gouvernement a réalisé des gains budgétaires considérables et nous devons être vigilants si nous voulons que les priorités de tous les Canadiens soient respectées.
C'est l'une des raisons pour lesquelles nous proposons que la suspension de l'arbitrage exécutoire soit prolongée durant la prochaine série de négociations collectives. Cependant, cette raison n'est pas la seule.
L'autre raison, c'est que cette disposition est proposée à un moment où plusieurs initiatives importantes sont sur le point d'être mises en oeuvre, au cours des prochaines années, pour modifier la gestion des ressources humaines au sein de la fonction publique du Canada. L'une de ces importantes initiatives est la mise en place d'un nouveau mode non sexiste de classification des emplois qu'on appelle la Norme générale de classification, ou NGC.
Je suis d'accord avec le sénateur pour dire que la rationalisation de la structure de classification des emplois dans notre fonction publique est une entreprise nécessaire et qui aurait dû se faire il y a longtemps. C'est pourquoi nous voulons bien faire les choses du premier coup, quand nous le ferons. Nous voulons procéder en négociant avec les syndicats, d'une manière responsable sur le plan financier. C'est pourquoi le gouvernement doit continuer à gérer son programme. Il n'est pas souhaitable de confier tout cela, ou une partie de cela, à un tiers parti dont les décisions seraient d'application obligatoire.
Pour mettre en oeuvre la NGC, nous aurons à négocier avec nos syndicats de nouvelles échelles de salaire et les conditions de conversion au nouveau régime. Le principal défi sera de faire en sorte que les salaires correspondent à la valeur du travail. Ce ne sera pas facile. Il faudra que le gouvernement et les syndicats négocient de bonne foi. Il faudra que ces deux parties veuillent vraiment faire aboutir les négociations.
Au cours de ce processus de négociation collective, les parties devront faire tous les efforts pour atteindre un règlement négocié. Au besoin, l'employeur ou le syndicat pourront chercher à obtenir l'aide d'un tiers parti, par exemple des enquêteurs, des conciliateurs et des commissions de conciliation, pour les aider à résoudre les points litigieux.
Je veux signaler que, depuis que nous sommes retournés à la table de négociation en 1997, le gouvernement a négocié avec succès, avec l'aide conciliateurs dans certains cas, des conventions collectives pour plus de 97 p. 100 de ses employés syndiqués, notamment pour les groupes professionnels essentiels comme les travailleurs de la santé et les groupes qui évoluent dans un marché très concurrentiel comme les informaticiens. En fait, nous avons conclu un deuxième règlement négocié pas plus tard que le mois dernier, avec ces indispensables informaticiens. Les résultats obtenus grâce à ces règlements négociés constituent une grande réussite, et ce fut réalisé sans recours à l'arbitrage obligatoire.
[Français]
Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, je dois interrompre l'honorable sénateur Moore et suspendre la séance, comme il en a été convenu hier, sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Kinsella, afin de procéder au vote sur le projet de loi C-55.
(Le débat est suspendu.)
[Traduction]
(1630)
Projet de loi sur les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers de périodiques
Adoption du rapport du comité
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Callbeck, tendant à l'adoption du douzième rapport du comité sénatorial permanent des transports et des communications (projet de loi C-55, Loi concernant les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers de périodiques, avec des amendements), présenté au Sénat le 31 mai 1999;
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Kinsella, appuyée par l'honorable sénateur Lynch-Staunton, que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications afin qu'il puisse entendre des témoins au sujet des amendements proposés, puisque ceux-ci modifient radicalement le projet de loi C-55.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le premier vote porte sur la motion d'amendement.
(La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
| Andreychuk, Angus, Bal four, Beaudoin, Bolduc, Buchanan, Cochrane, Cohen, Comeau, DeWare, Di Nino, Doody, Eyton, Forrestall, Ghitter, Grimard, Gustafson, Johnson, Kel leher, Kelly, Keon, Kinsella, Lavoie-Roux, LeBreton, Lynch-Staunton, Meighen, Murray, Nolin, Oliver, Rivest, Roberge, Robertson, Rossiter, Simard, Spivak, Stratton, Tkachuk-37 |
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
| Adams, Austin, Bryden, Butts, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Cook, Cools, Corbin, De Bané, Fairbairn, Ferretti Barth , Fitzpatrick, Fraser, Gill, Grafstein, Graham, Hays, Hervieux- Payette, Joyal, Kenny, Kir by, Kroft, Lawson, Lewis, Losier-Cool, Maheu, Maho vlich, Maloney, Mercier, Milne, Moore, Pearson, Perrault, Pitfield, Poulin, Poy, Robichaud (L'Acadie- Acadia), Robichaud (Saint- Louis-de-Kent), Ruck, Spar row, Stewart, Stollery, Tay lor, Watt, Whelan, Wil son-48 |
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
| Aucune. |
Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent.
Le sénateur Kinsella: Avec dissidence
(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)
Troisième lecture
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose: Que le projet de loi C-55 soit lu une troisième fois.Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent.
Le sénateur Kinsella: Avec dissidence
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté, avec dissidence.)
Projet de loi d'exécution du budget de 1999
Troisième lecture-motion d'amendement-suite du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Kroft, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-71, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 février 1999;
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Bolduc, appuyée par l'honorable sénateur Beaudoin, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié:
a) aux pages 10 à 12, par suppression de la partie 3;
L'honorable Wilfred P. Moore: Honorables sénateurs, je vais poursuivre mes observations sur l'amendement proposé au projet de loi C-71. Comme je le disais, les résultats obtenus par voie de règlements négociés méritent d'être soulignés, d'autant plus qu'ils ont été atteints sans aucune forme d'arbitrage obligatoire.b) par le changement de la désignation numérique des parties 4 à 9 et des articles 20 à 50 en conséquence et de tous les renvois qui en découlent.
Dans le contexte de la modernisation de la fonction publique du Canada, le gouvernement doit continuer d'équilibrer les besoins et les priorités des Canadiens et ceux des employés qui leur fournissent des services. En prolongeant la suspension de l'arbitrage exécutoire, nous ferons en sorte que cet équilibre soit maintenu. Le but ultime du gouvernement, c'est d'offrir aux Canadiens de bons services à un coût raisonnable.
L'honorable James F. Kelleher: Honorables sénateurs, je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi C-71, une mesure législative qui assure des réductions d'impôt modestes et sélectives aux Canadiens.
Comme tous les honorables sénateurs le savent pertinemment, ce ne sont pas de modestes réductions d'impôt qui vont améliorer, au dire du ministre de l'Industrie, notre piètre bilan au chapitre de la productivité, et je cite:
C'est pour cela que je vais consacrer les cinq minutes qui vont suivre au problème de la productivité au Canada et à la nécessité de le régler définitivement en accordant des réductions d'impôt et en intensifiant les échanges commerciaux.[...] au cours des 25 dernières années, le Canada a affiché la plus faible croissance de la productivité de tous les pays du G-7.
(1640)
Honorables sénateurs, un grand nombre de Canadiens et de parlementaires se battent pour tirer au clair la question de savoir si le Canada a ou non un problème de productivité, étant donné les informations contradictoires à ce sujet. La réponse est oui, le Canada a un problème de productivité. Selon un rapport publié récemment par la Banque mondiale:
En matière de productivité, les pays comme l'Australie et le Canada dont les économies reposent sur une très faible population se classent au premier rang des pays industrialisés, à cette différence près que la productivité dans ces pays repose pour 20 p. 100 seulement sur le savoir, ce qui contraste vivement avec le Japon et les États-Unis où elle repose respectivement sur 80 p. 100 et 60 p. 100 sur le savoir.
Honorables sénateurs, c'est là le problème. Le Canada, dont l'économie est essentiellement primaire et qui est peu peuplé, a une productivité élevée par rapport à d'autres pays. Cependant, si l'on examine de près les domaines de croissance de l'avenir, la nouvelle économie, le Canada est nettement désavantagé. Nous n'avons pas les réserves de compétences techniques nécessaires pour l'économie de demain et misons encore trop sur les produits de base.
Comme le gouverneur Thiessen l'a dit dans un discours intitulé «La tenue future de l'économie canadienne», qu'il a prononcé en 1998:
Il convient de se demander comment le Canada s'en est tiré au chapitre de la productivité depuis les années 50 et 60. La réponse est, j'en ai bien peur, pas très bien. Après avoir connu une progression relativement vigoureuse de la fin de la Deuxième Guerre mondiale au début des années 70, la productivité au Canada s'est mise à piétiner. Selon les estimations, sa croissance, qui se situait en moyenne aux alentours de 2 p. 100 pendant les années 50 et 60, est tombée en deçà de 1 p. 100 durant les années 80 et 90 [...]
Honorables sénateurs, la solution à ce problème c'est de libéraliser les échanges commerciaux, de réduire le nombre de règlements et de réduire les impôts pour que les entrepreneurs restent ou viennent au Canada afin de favoriser les innovations technologiques.
Même mes collègues libéraux se rendent compte aujourd'hui que l'Accord de libre-échange et l'ALENA ont ouvert la voie à l'important processus de transformation industrielle. Comme l'a dit le premier ministre Brian Mulroney dans un discours qu'il a prononcé à l'occasion d'une conférence sur le libre-échange, à la fin de la semaine dernière:
Les honorables sénateurs ne sont pas sans savoir que les investissements sont cruciaux si nous voulons réduire l'écart au niveau de la productivité entre le Canada et les États-Unis, surtout dans le cadre de la nouvelle économie, étant donné le transfert nécessaire de connaissances technologiques. Par conséquent, le Canada doit continuer d'appliquer les politiques commerciales qui étaient en vigueur à la fin des années 80 et au début des années 90. L'ouverture de notre frontière ne réussira pas, à elle seule, à faire accroître les investissements dans le domaine technologique et, par conséquent, la productivité, si notre économie continue d'être grandement réglementée et taxée.[...] le libre-échange a multiplié les échanges commerciaux, créé des emplois et attiré des investisseurs.
À propos de la réglementation, je fais remarquer que l'augmentation de 4 p. 100 de la productivité aux États-Unis au cours du premier trimestre peut s'expliquer en partie par la déréglementation du secteur des télécommunications. Au Canada, ce secteur n'a pas été aussi déréglementé qu'aux États-Unis. Par conséquent, notre productivité continue de fléchir.
Le sénateur Meighen a bien résumé la situation dans le discours sur les gains en capital qu'il a prononcé hier, lorsqu'il a parlé des entrepreneurs canadiens fort compétents qui sont à la tête de certaines des plus grandes entreprises de technologie des États-Unis. La perte de ces gens talentueux, surtout dans le secteur des télécommunications, devrait nous donner matière à réfléchir.
Le sénateur Oliver: Bravo!
Le sénateur Kelleher: Honorables sénateurs, il est urgent de réduire les impôts. La chute du niveau de vie au Canada, malgré l'essor des exportations vers les États-Unis, devrait suffire pour nous faire comprendre qu'il importe de réduire les taux d'imposition des particuliers et des sociétés ainsi que l'impôt sur le capital.
Le président du comité des finances de l'autre endroit a reconnu qu'il existe un lien entre les impôts et la productivité lorsqu'il a dit que le gouvernement libéral devait réduire considérablement les impôts pour accroître la productivité et rehausser le niveau de vie des Canadiens. Il a de plus ajouté que le gouvernement devrait insister sur des politiques qui pourraient permettre de relancer la croissance économique, ce qui comprend la réduction des impôts, la privatisation et la déréglementation. Très bien dit. Je présume donc qu'il ne sera pas prêt à appuyer le ministre des Finances, Paul Martin, quand viendra le temps de la prochaine course à la direction du parti.
Pour terminer, honorables sénateurs, j'aimerais pouvoir dire que le gouvernement semble vouloir écouter ce que les Canadiens ont à dire, mais selon un article publié dans le Globe and Mail du 10 mai, cela ne semble pas être le cas:
Le gouvernement libéral semble de plus en plus perdu et divisé en ce qui touche la question économique de l'heure, c'est-à-dire l'équilibre à atteindre entre les dépenses et la réduction des impôts dans le but de rehausser le niveau de vie des Canadiens.
Les principaux stratèges libéraux sont d'avis que les Canadiens ne s'affairent pas à fomenter une révolte à l'échelle du pays, mais qu'ils souffrent plutôt d'un épuisement fiscal qui ne pourra être atténué que par [...] des réductions constantes, accordées année après année.
Honorables sénateurs, les libéraux ont raison de dire que les Canadiens souffrent d'épuisement fiscal, mais ils sont dans l'erreur s'ils croient que la révolte ne gronde pas. Il suffit de sortir un peu d'Ottawa pour constater la colère forte et persistante des Canadiens relativement à notre niveau d'imposition.
Les Canadiens n'ont pas l'habitude de se mettre en colère contre leurs dirigeants. Ils ont plutôt tendance à réagir d'une façon beaucoup plus dangereuse pour l'avenir du Canada, c'est-à-dire à rechercher des avantages économiques ailleurs, aux États-Unis aujourd'hui, en Amérique du Sud demain et pourquoi pas en Asie plus tard. C'est là une des pires révoltes qui soient, honorables sénateurs.
Pour terminer, le gouvernement enregistrera vraisemblablement un excédent de 7 milliards de dollars cette année et de 10 milliards l'an prochain. Honorables sénateurs, le gouvernement fédéral peut donc se permettre de réduire les impôts des particuliers, des sociétés ainsi que les impôts sur le capital pour tous. S'il ne le fait pas, on peut s'attendre à voir se poursuivre l'exode des entrepreneurs dont nous avons tant besoin et le maintien de notre économie à un niveau très peu productif et innovateur.
[Français]
L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, je voudrais porter à votre attention les difficultés considérables du monde de l'enseignement postsecondaire et l'incapacité dans laquelle le gouvernement du Canada s'est trouvé lors du dernier budget de donner suite aux nombreuses représentations formulées par les gouvernements des provinces.
L'honorable Fernand Robichaud (Président suppléant): Honorables sénateurs, il est difficile d'entendre l'orateur. J'aimerais avoir un peu plus de décorum pour que l'honorable sénateur Rivest puisse être entendu par tous.
Le sénateur Rivest: Je disais que le gouvernement n'a pas su répondre aux attentes et aux demandes pressantes formulées par l'ensemble des Canadiens en ce qui a trait au sous-financement au Canada de l'enseignement postsecondaire.
Comme on le sait, le projet de loi C-71 prévoit des augmentations substantielles des transferts aux provinces, principalement dans le domaine de la santé. Le projet de loi C-71 prévoit que ce montant sera porté à 13,5 milliards de dollars pour l'exercice financier de 2000-2001, à 14,5 milliards de dollars l'année suivante, et à 15 milliards de dollars l'année d'après.
Le gouvernement fédéral prévoit augmenter les sommes allouées aux provinces par le biais du Transfert social canadien de plus de 11,5 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Seulement en 1999-2000, plus de 3 milliards de dollars ont été injectés dans les transferts aux provinces à condition que ces fonds servent uniquement dans le domaine de la santé, comme en fait foi l'entente intervenue entre les premiers ministres.
C'est donc dire que l'effort de redressement, après les réductions que le gouvernement canadien a effectuées dans le domaine de la santé, accorde une certaine marge de manoeuvre à l'ensemble des provinces et à tous les intervenants dans le domaine de la santé.
Cependant, force est de constater qu'en ce qui concerne le domaine de l'enseignement postsecondaire, le gouvernement n'a malheureusement pas jugé bon d'agir. Comme on le sait, les besoins dans ce secteur d'activités extrêmement important pour le développement économique du Canada restent totalement insatisfaits.
Malgré les crises profondes que connaissent les collèges et les universités au Canada, le gouvernement n'a pas encore pris l'engagement de rétablir les transferts aux provinces dans ce secteur au niveau de 1993. Depuis cette date, le gouvernement fédéral a d'ailleurs réduit de plus de 3 milliards de dollars les transferts aux provinces dans le domaine de l'éducation postsecondaire. Les conséquences de ce geste ne sont pas visibles aujourd'hui et ne feront probablement pas les manchettes des journaux. Comme il s'agit de l'ensemble de la jeunesse canadienne, le retard que nous prenons depuis maintenant près de deux ans dans ce domaine risque d'avoir des conséquences catastrophiques pour l'ensemble du pays.
La seule mesure du gouvernement se résume, dans le domaine de l'enseignement postsecondaire, au très controversé projet de loi de création de la Fondation des bourses du millénaire. Cet organisme, officiellement indépendant du gouvernement, a été doté d'un budget de 2,5 milliards de dollars. Il a pour mission d'accorder des bourses d'études de 3 000 dollars à 100 000 étudiants, sur une période de 10 ans.
(1650)
À l'époque de l'annonce de la création de cette fondation, de nombreuses critiques ont été faites. La principale critique dans la plupart des provinces était que cette aide aux étudiants s'opposait, mais pas avec la même acuité qu'au Québec, toutefois, à d'autres problèmes qu'on retrouve dans le domaine de l'éducation. C'était un mauvais choix de priorités imposé unilatéralement par le gouvernement fédéral, soi-disant parce que le Très honorable premier ministre du Canada, Jean Chrétien, voulait s'ériger un monument en faisant un legs à la nation. Il l'a choisi artificiellement et arbitrairement. Nous avons donc la Fondation des bourses du millénaire pour commémorer le passage en politique du député de Shawinigan.
Honorables sénateurs, le premier ministre mérite sans doute qu'on lui rende hommage, mais pas à même les fonds publics et pas sur un projet qui peut avoir son intérêt, bien sûr, mais qui reste extrêmement marginal eu égard aux vraies priorités dans le domaine de l'éducation.
D'ailleurs, il n'est pas inutile de rappeler les principales contestations auxquelles a donné lieu ce projet de loi. De très nombreux membres de cette Chambre et de la Chambre des communes ont soulevé le caractère dérisoire et aléatoire d'une telle initiative. Comme nous l'avons déjà indiqué, le gouvernement du Québec, depuis plusieurs années, dispose d'un projet d'aide aux étudiants pour l'enseignement postsecondaire qui fonctionne très bien et qui satisfait les besoins des étudiants.
Le gouvernement fédéral, arbitrairement, vient y greffer une initiative. On n'a pas encore trouvé la façon d'harmoniser les deux initiatives tant la doctrine de l'un et de l'autre, à Québec et à Ottawa, peuvent être divergentes.
Je tiens à rappeler l'initiative du député libéral de Verdun, M. Henri-François Gautrin. Pour régler le différend entre Québec et Ottawa, il proposait que dans l'intérêt des étudiants québécois, l'Assemblée nationale demande au gouvernement fédéral et au gouvernement du Québec de reprendre les négociations sur la question des bourses du millénaire, pour arriver à une entente qui respecte les principes suivants: la part attribuable chaque année à des étudiants québécois est déterminée à l'aide d'une formule basée sur des paramètres démographiques; le Québec sélectionne les étudiants qui recevront une bourse et par la suite, il transfère la liste à la fondation. La fondation envoie, selon les modalités convenues avec le gouvernement du Québec, les bourses aux récipiendaires.
Depuis l'adoption de cette résolution par l'Assemblée nationale, il y a eu un chassé-croisé, un ballet assez dérisoire entre le ministre de l'Éducation du Québec et le ministre du Développement des ressources humaines à Ottawa, l'un ne voulant pas parler à l'autre, l'un renvoyant l'autre à la Fondation des bourses du millénaire, comme si le gouvernement du Québec ou d'une quelconque province pouvait négocier avec un troisième gouvernement dans un domaine de juridiction exclusivement réservé aux législatures provinciales et, en l'occurrence, à l'Assemblée nationale du Québec.
Il s'agissait d'une espèce de fantaisie inutile de la part du gouvernement canadien, qui a eu pour effet de politiser les relations fédérales-provinciales et d'offrir, une fois de plus, au gouvernement du Parti québécois une occasion de faire valoir sa thèse souverainiste au détriment de l'option politique canadienne.
Ce projet de loi était très mal conçu et ne correspondait pas aux besoins du Québec. On l'a imposé unilatéralement et encore à ce jour, les deux ministres n'ont pas réussi à conclure une entente dans les délais imposés pour que les étudiants québécois puissent bénéficier de cette aide, puisque l'argent est disponible. Il semble qu'on n'y arrive pas.
Encore en fin de semaine, le ministre du Développement des ressources humaines, M. Pettigrew, disait qu'on était sur le point de conclure une entente. Cela a été démenti par Québec. Il y a eu tout un chassé-croisé de «politicailleries» entre les deux gouvernements qui n'ont strictement rien donné aux étudiants ou au monde de l'éducation.
Honorables sénateurs, il est dramatique que le gouvernement canadien consacre dans les prochaines années des centaines de millions de dollars dans le domaine de l'éducation. Le problème fondamental avec cette initiative du gouvernement canadien, c'est qu'elle déborde complètement du cadre constitutionnel canadien. L'éducation relève des provinces. Si le gouvernement fédéral dispose de certains fonds, normalement, comme cela existait dans le passé, il devrait plutôt les transférer aux provinces, de façon à ce que celles-ci puissent s'occuper de leur juridiction.
Je parlerai spécifiquement des besoins de l'éducation au Québec. Prenons l'actualité très immédiate. Le gouvernement canadien devrait remettre ces fonds aux gouvernements des provinces, et plus paticulièrement au Québec, à des fins d'éducation.
Les premiers ministres de l'Ouest se sont réunis il y a quelques semaines et ont demandé au gouvernement canadien de respecter la Constitution canadienne. Ils ont aussi demandé au gouvernement canadien d'augmenter le transfert des fonds fédéraux dans le domaine de l'éducation.
Les premiers ministres se sont engagés. Le Québec pourrait adhérer à cela, le Québec utilisera ces fonds comme bon lui semble à des fins d'éducation. Les premiers ministres sont prêts à s'engager de la même façon par écrit dans le domaine de la santé: «Oui, ces fonds qui seront librement donnés seront consacrés à des fins d'éducation, comme cela s'est fait dans le domaine de la santé.»
Honorables sénateurs, il s'agit de connaître la réalité du monde de l'éducation au Québec. De quoi parle-t-on au Québec dans le domaine de l'éducation? Quels sont les besoins prioritaires? Il y a d'abord toute la question des enseignants et de l'équité salariale.
En fin de semaine dernière, la Fédération des commissions scolaires du Québec tenait son congrès, et elle a dit clairement au ministre de l'Éducation: «Nous avons des responsabilités à prendre, nous les exerçons, donnez-nous plus d'argent, nous allons permettre à l'ensemble du milieu de l'éducation du Québec de progresser.»
Si des fonds sont disponibles, que le gouvernement du Canada les donne au gouvernement du Québec, qui saura les transmettre aux commissions scolaires. Cela aurait été une initiative beaucoup plus intelligente et valorisante pour le monde de l'éducation que cette espèce d'initiative artificielle que constituent les bourses du millénaire, dont nous n'avions pas besoin au Québec.
(1700)
Il y a des besoins urgents pour les enseignants et la relève des enseignants. L'équité salariale est un dossier qui coûtera des centaines de millions de dollars au gouvernement. Il y a des problèmes dans les domaines du financement scolaire et du sous-financement de la formation professionnelle.
Honorables sénateurs, quiquonque réfléchit un tant soit peu aux besoins de l'éducation ne peut que déplorer les sommes dépensées par le gouvernement canadien pour les bourses du millénaire. Cet argent provient non pas du gouvernement canadien, mais de l'ensemble des contribuables, dont, bien sûr, une partie des contribuables québécois. Voilà que, d'une façon fantaisiste, unilatérale et complètement aléatoire, le gouvernement canadien a fait un mauvais choix en investissant cela dans les bourses du millénaire.
Honorables sénateurs, nous devons regretter cette façon de faire. Le régime fédéral canadien ne doit pas fonctionner ainsi.
(Sur la motion du sénateur Oliver, le débat est ajourné.)
[Traduction]
Projet de loi Canadien sur la protection de l'environnement 1999
Deuxième lecture
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Butts, appuyée par l'honorable sénateur Milne, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-32, Loi visant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable.
L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, notre pays a besoin d'une loi rigoureuse pour prévenir la pollution qui nuit à la santé des Canadiens et qui détruit notre environnement. Nous pouvons mesurer ce besoin, et non seulement dans les alertes au smog comme celle qui a été donnée récemment pour le sud de l'Ontario. Pour la première fois, nous pouvons le mesurer dans les taux d'asthme chez les enfants, les taux de cancer chez les personnes qui habitent près d'installations de produits toxiques, dans les malformations congénitales et dans la diminution de la stérilité chez les hommes. Comme le comité de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes nous l'a rappelé, il y a quatre ans, dans son excellent rapport sur le genre de mesure législative dont nous avons besoin, la loi Canadienne sur la protection de l'environnement porte sur notre santé.
En traitant du projet de loi C-32, je voudrais d'abord énumérer quelques faits qui ont été révélés ces derniers mois au sujet des mauvaises conditions de santé causées par l'environnement. Statistique Canada nous a dit que le nombre de décès attribuables à l'asthme chez les enfants augmente et que les taux d'asthme ont quadruplé au cours des 20 dernières années. Lors du Sommet sur l'écologie qui a eu lieu sur la colline du Parlement il y a quelques semaines, un médecin nous a dit qu'il a été stupéfait d'apprendre que, après des années de progrès, la qualité de l'air en Ontario est en train d'empirer à cause de l'ozone au niveau du sol et d'autres composantes du smog. Un médecin de la Colombie-Britannique qui traite des malades ayant des troubles respiratoires a dit que la pollution atmosphérique constituait un danger immédiat. Il a déclaré carrément:
Les seules personnes qui refusent de l'admettre sont celles qui en profitent, ou celles qui sont redevables à celles qui en profitent, ou celles qui n'ont pas examiné les preuves scientifiques.
Le mois dernier, environ deux douzaines de familles ont été évacuées de leur foyer, près des étangs bitumineux de Sydney. Pendant des années, elles avaient habité près de 700 000 tonnes de boues toxiques. Ce printemps, une matière visqueuse de couleur orange suintait dans leur sous-sol et dans les cours du quartier. L'année dernière, le gouvernement fédéral a testé et emporté du sol provenant de ce voisinage. Les tests ont montré que la contamination à l'arsenic y était 18 fois plus élevée que le niveau réglementé. Dans la localité, les taux de cancer sont de 45 p. 100 supérieurs à la moyenne de la Nouvelle-Écosse.
La semaine dernière, la ministre de l'Environnement a annoncé que les gouvernements allaient dépenser 62 millions de dollars pour procéder à la décontamination préliminaire du site, site dont son prédécesseur avait dit il y a trois ans qu'il était une honte nationale pour le Canada. Cette opération va coûter 37,9 millions de dollars au gouvernement canadien.
On peut prendre des mesures pour prévenir la pollution ou attendre que la pollution compromette notre santé, auquel cas on peut dépenser littéralement des dizaines de millions de dollars pour commencer à régler le problème, sans compter les coûts en soins de santé, les coûts en productivité perdue et les coûts assumés par les familles affectées et qui ne seront probablement jamais calculés avec exactitude.
Le mois dernier, la première nation dénée a demandé l'aide du fédéral pour se débarrasser de 260 000 tonnes de trioxyde d'arsenic emmagasinées sous terre à la mine Giant, à Yellowknife, mine qui est contaminée. Là aussi le taux de cancers chez les 1 145 membres de deux collectivités dénées est anormalement élevé.
Par ailleurs, une usine de plastiques située à Edmonton a relâché un nuage noir au-dessus de ses voisins, c'est pour cette usine le huitième cas de pollution en cinq mois. Les voisins disent que beaucoup de gens souffrent de bronchite ou d'allergies.
Selon un rapport publié par la fondation David Suzuki, chaque année, 1 900 Montréalais meurent prématurément des effets de la pollution de l'air.
Des chercheurs de l'Université de Buffalo ont trouvé que les femmes qui mangeaient du poisson du lac Ontario produisaient du lait contenant jusqu'à 30 p. 100 de plus de PCB que celles qui n'en mangeaient pas. Il y a six ans, un groupe de travail de la Commission mixte internationale avait fait état de résultats similaires. Il avait également fait rapport des effets de ces substances toxiques sur les enfants qui y étaient exposés in utero. Leur poids à la naissance était plus faible, leur tête était plus petite et, à l'âge de quatre ans, ils manifestaient des signes de retard de la croissance et de troubles de la mémoire à court terme.
Chacune des situations que je viens de décrire est intolérable, particulièrement pour les personnes qui payent le prix de la pollution sous forme d'une mauvaise santé ou d'une vie plus courte. Ce n'est pas une exagération de dire que des milliers de Canadiens savent personnellement ce que la pollution fait à leur famille.
Un sondage fait récemment pour le compte de l'Association des exportateurs et des fabricants du Québec révèle que l'environnement est à nouveau en tête de liste des préoccupations des Canadiens, avant l'emploi. Ils n'ont pas besoin d'être convaincus. Ils ont besoin que nous nous réveillions, que nous les écoutions et que nous passions à l'action.
Le gouvernement se plaît à dire que le Canada est le meilleur pays du monde, mais voici ce que certains disent de notre bilan en matière de prévention de la pollution.
Une étude récente du British Journal of Political Science classe le Canada au quinzième rang parmi 17 pays industrialisés, pour la lutte contre la pollution. Seules l'Espagne et l'Irlande ont un pire bilan en matière de réduction des émissions de polluants courants.
Notre propre commissaire à l'environnement a signalé que 23 000 produits chimiques étaient en usage au Canada, mais que nous n'avions des conclusions fermes que sur les effets de 31 d'entre eux. Nous n'avons réglementé aucune des substances qui, depuis des années, sont sur la liste prioritaire des mesures de contrôle. D'ici l'an 2000, nous n'aurons évalué les effets toxiques que de 69 d'entre elles. Sur 22 pays industrialisés, seuls le Canada et la République slovaque ne tiennent pas de données sur les ventes de pesticides. Nous commençons à peine à réfléchir à des moyens de recueillir cette information.
Le mois dernier, le dirigeant du comité de l'énergie de l'État de New York, le procureur général de l'État, la section de l'American Lung Association de l'État et neuf groupes américains ont écrit au premier ministre de l'Ontario. Ils soutiennent que la faiblesse du règlement ontarien sur le smog et le laxisme avec lequel il est appliqué aggravent leurs problèmes de pollution atmosphérique et de santé. Deux années de suite, l'Ontario a été bon troisième, derrière le Texas et la Louisiane, parmi les États et les provinces les plus pollueurs de l'Amérique du Nord.
Soit dit sans ménagements, telle est la situation dans laquelle nous nous trouvons. La question est de savoir si le projet de loi C-32 fera l'affaire. Est-il beaucoup mieux, un peu mieux seulement ou pire, en fait, que la loi existante? Les belles paroles du préambule du projet de loi seront-elles suivies par des mesures fermes et efficaces qui permettront au gouvernement de prévenir la pollution? Franchement, je n'en suis pas persuadée, même si le projet de loi comporte de nouvelles dispositions qui sont bonnes. Les nouvelles dispositions de mise en vigueur et les pouvoirs nouveaux quoique limités des citoyens de demander une enquête ou de poursuivre les pollueurs si le gouvernement n'agit pas constituent des améliorations souhaitables. Sont souhaitables aussi les nouveaux délais imposés au gouvernement pour au moins jeter un coup d'oeil sur les 23 000 substances qui sont utilisées au Canada. Toutefois, à l'instar des personnes qui suivent ce dossier depuis plus d'une décennie, je crains que le projet de loi C-32 n'empire les choses.
(1710)
À la mi-mai, peu après que le gouvernement eut présenté ses derniers amendements à l'étape du rapport, aux Communes, le directeur exécutif de l'Association canadienne du droit de l'environnement, Paul Muldoon, a été interviewé à l'émission This Morning du réseau anglais de Radio-Canada. Il a dit que l'actuelle loi Canadienne sur la protection de l'environnement confère à la ministre de l'Environnement le pouvoir de faire ce qu'il faut. Il a ajouté ceci:
Pour savoir si cela résume bien la situation, le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles devra examiner le projet de loi en profondeur.Ce projet de loi complique la vie de la ministre et celle des bureaucrates à tel point qu'il nous empêche de faire les choses que nous devons faire pour protéger l'environnement contre de dangereuses substances toxiques.
Il est utile de rappeler ici l'historique de ce projet de loi. Le projet de loi initial a été présenté et adopté en 1988. Il exigeait un examen parlementaire obligatoire aux cinq ans. Il est déjà tard pour apporter les modifications que l'examen aurait dû susciter.
En rétrospective, on peut s'entendre pour dire que la loi initial était un bon premier pas. Compte tenu de ce que l'on sait maintenant, on peut s'entendre pour dire qu'elle doit être améliorée. Il y a une douzaine d'années, nous ne possédions pas les connaissances scientifiques que nous avons actuellement au sujet des substances toxiques persistantes qui s'accumulent dans la chaîne alimentaire. Il y a une douzaine d'années, nous commencions à peine à constater les répercussions des produits chimiques qui ont des effets perturbateurs sur le système hormonal. Nous n'étions pas confrontés à de grandes inconnues concernant les produits de la biotechnologie et leur risque de prolifération dans l'environnement et nous ne nous interrogions pas non plus sur leur innocuité dans les aliments.
Nous ne pensions certainement pas que, 11 ans plus tard, seulement 31 des 23 000 produits chimiques utilisés dans notre pays auraient fait l'objet d'une évaluation de toxicité. Ce fut là une des grandes faiblesses de la loi.
Le projet de loi à l'étude prévoit que la tâche sera en partie accomplie sept ans après son adoption. La première étape consiste à déterminer lesquels de ces 23 000 produits chimiques doivent faire l'objet d'une évaluation complète. Les autorités devront déterminer si les substances sont persistantes dans l'environnement, si elles s'accumulent dans la chaîne alimentaire naturelle, s'il y a un risque que les humains et la faune soient exposés à ces substances et si elles peuvent être toxiques. C'est tout ce que le gouvernement est tenu de faire pendant les sept premières années. Il est faux de laisser entendre que les 23 000 produits chimiques auraient fait l'objet d'une évaluation complète de la toxicité. Le travail laborieux visant l'évaluation de la toxicité prévue dans la LCPE ne sera fait qu'à l'égard de la courte liste des 23 000 produits chimiques et il y a peu de chances qu'on puisse s'acquitter de cette tâche rapidement.
Le projet de loi prévoit aussi des échéances une fois que les ministres de la Santé et de l'Environnement ont déterminé qu'une substance donnée est toxique, et l'inscription de cette substance sur la liste est soumise au Cabinet. C'est un autre aspect intéressant du projet de loi présenté par le comité de l'environnement de la Chambre des communes. C'est préférable à l'imbroglio réglementaire qui existe en vertu de la loi actuelle. Le processus qui est établi dans le projet de loi C-32 prendra toutefois du temps. Il ne faut pas se méprendre et penser qu'après l'examen initial des 23 000 substances, tout le travail sera terminé. Cela permettra seulement de classer les substances. Cela ne fera rien pour les éliminer.
Dans son rapport d'il y a quatre ans, le comité de la Chambre des communes a proposé une série de mesures pour remédier aux lacunes de la loi en vigueur. Le gouvernement a bien accepté certaines des bonnes idées du comité. Par exemple, il a accepté la suggestion que les industries soient tenues d'élaborer des plans de prévention de la pollution à l'égard de certaines substances, plans dont le comité a dit qu'ils permettraient à l'industrie de faire preuve d'une plus grande initiative, tout en réduisant ses coûts. Il a accepté l'idée que les citoyens ont le droit d'exiger qu'il agisse, en demandant et en obtenant la tenue d'enquêtes. Il a accepté l'idée qu'il existe des substances toxiques d'origine humaine qui requièrent un traitement spécial.
Ces produits chimiques restent dans l'environnement pendant de nombreuses décennies et s'accumulent. Tout commence par des montants infinitésimaux provenant d'innombrables sources éloignées, qui finissent par se concentrer dans les plantes et le gras animal au point de devenir dangereux pour quiconque mange de la viande ou du poisson. Nous le constatons maintenant dans les poissons des Grands Lacs et de l'Arctique. Un autre participant au sommet écologique a souligné que les concentrations de substances toxiques dans les aliments de base des populations de l'Arctique approchent des niveaux dangereux.
Le gouvernement a accepté certains de ces bons principes, mais a perdu sa détermination à prendre des mesures pour remédier aux problèmes.
Les sénateurs se souviendront que le projet de loi C-74 est mort au Feuilleton. Ce projet de loi, quand il a été renvoyé au comité de l'environnement de la Chambre des communes il y a plus d'un an, était un projet de loi bien faible comparativement aux recommandations du comité énoncées dans «Notre santé en dépend».
La faiblesse du projet de loi n'avait rien à voir avec une quelconque restriction du pouvoir constitutionnel du gouvernement fédéral l'empêchant d'agir. La Cour suprême a rendu un arrêt ferme en cette matière après qu'Hydro-Québec eut tenté d'affaiblir la LCPE en vigueur. Bien des gens qui ont écouté les arguments des avocats du gouvernement se sont franchement demandé si le gouvernement voulait avoir gain de cause. Néanmoins, l'arrêt de la cour rendu il y a deux ans était très important, et il l'est toujours. Dans sa décision majoritaire, la cour a statué:
Le gouvernement fédéral partage avec les provinces le devoir de prévenir la pollution. Cependant, lorsque la situation devient critique, comme on l'a vu il y a deux ans, le gouvernement fédéral a le pouvoir d'agir.[...] la pollution est un «mal» que le Parlement peut légitimement chercher à supprimer. En fait, comme je l'ai indiqué au début des présents motifs, c'est un objectif public d'une importance supérieure; il constitue l'un des principaux défis de notre époque. Il serait, en effet, surprenant que le Parlement ne puisse pas exercer son plein pouvoir en matière de droit criminel pour protéger cet intérêt et supprimer les maux qui lui sont associés au moyen d'interdictions pénales appropriées.
Dès que le gouvernement fédéral a reçu un message clair, il a présenté un accord d'harmonisation, qui est inclus dans le projet de loi C-32. Je reviendrai à cet accord tout à l'heure. Qu'il suffise de dire qu'il s'agit là d'une autre illustration du manque de volonté politique du gouvernement actuel lorsqu'il s'agit de protéger l'environnement en imposant des normes nationales, en faisant appliquer la loi ou en légiférant.
Le projet de loi à l'étude a été renvoyé à un comité de la Chambre des communes le 28 avril 1998, soit il y a quelque 14 mois. Le comité a tenu environ 60 jours d'audiences, dont 37 ont été consacrés à une étude article par article et à l'étude de plus de 400 propositions d'amendement. Quelques membres très dévoués de ce comité, tant du côté du gouvernement que de l'opposition, ont consacré 93 heures à cette tâche, faisant des compromis et essayant de rétablir un équilibre pour produire un projet de loi satisfaisant pour la majorité des gens.
Pendant le débat, le ministère de l'Environnement est allé jusqu'à élaborer avec l'aide d'employés du Parlement des tableaux présentant l'opposition des industriels aux modifications proposées par d'autres témoins ou par des membres du comité. À notre connaissance, il n'y avait pas de tableaux faisant état des préoccupations des groupes de défense de l'environnement face aux propositions des industriels. Il était clair que le gouvernement voulait un projet de loi qui ne bouleverserait rien. Pour améliorer le projet de loi, quelques simples députés du parti ministériel et le président du comité ont dû voter avec des membres des partis d'opposition.
Il est très inhabituel qu'un ancien ministre de l'Environnement fédéral, un ancien ministre de l'Environnement provincial et un ancien secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement, tous députés ministériels, se sentent obligés de voter contre un projet de loi.
Dès que le projet de loi a quitté le comité, le groupe du vendredi, un consortium de représentants de l'industrie dirigé par l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques, a lancé une des campagnes de peur les plus irresponsables jamais vue depuis des années. Entre autres choses, les membres du groupe prétendaient que, à moins que le projet de loi C-32 soit modifié à l'étape du rapport, il faudrait interdire les poêles à bois et les incinérateurs à déchets municipaux dans les villages de pêcheurs de Terre-Neuve.
Je vais vous dire une des choses qu'une LCPE plus stricte pourrait et devrait faire. Elle pourrait et devrait inclure les dioxines, y compris les BPC, dans la liste des polluants persistants que nous devons éliminer. La LCPE existante nous a permis de réduire grandement les émissions de dioxines et de furanes dans les effluents des usines de pâte à papier et de mettre un terme aux nouvelles utilisations des BPC. L'Association des fabricants de produits chimiques a tout à fait raison de dire que les poêles à bois et les incinérateurs municipaux sont des sources de dioxines. Si nous ne nous fixons jamais l'objectif de les éliminer et si nous ne progressons pas étape par étape vers cet objectif, qu'arrivera-t-il?
(1720)
Je peux dire exactement aux sénateurs ce que cela voudrait dire dans la région de Hamilton. Le mois dernier, le conseil régional de Hamilton-Wentworth a voté pour économiser un peu plus d'un dizième de 1 p. 100 de son budget des déchets urbains en augmentant la quantité de déchets brûlés dans son incinérateur. On s'attend à ce que cela entraîne une augmentation de 50 p. 100 des émissions de dioxines provenant de cette installation qui prend de l'âge, en faisant la plus importante source urbaine de dioxines au Canada.
Une étude publiée le même mois dans le Journal of the National Cancer Institute des États-Unis révélait que les travailleurs exposés aux dioxines ont 60 p. 100 plus de risques de mourir du cancer que la population en général. Ces produits chimiques bio-accumulables ont également été liés à des anomalies génétiques et à des troubles de reproduction.
Malgré ce que certains groupes peuvent dire, aucun ministre sain d'esprit ne ciblerait les poêles à bois avant de s'attaquer aux principales sources. Quant à l'incinération des déchets à certains endroits isolés de Terre-Neuve dans ce qui est essentiellement des dépotoirs à ciel ouvert, le problème peut être corrigé en grande partie simplement grâce au triage des plastiques avant l'incinération des déchets.
Lorsque l'ancien gouvernement a adopté une attitude ferme au sujet de la présence de dioxines et de furanes dans les effluents des usines de pâte, il a eu droit aux même jérémiades des industries concernant les coûts exorbitants et la nécessité de maintenir la compétitivité à l'échelle internationale. Le gouvernement a accordé à l'industrie une période assez longue pour s'adapter. Les objectifs ont été dépassés et une nouvelle technologie a vu le jour. Certaines des plus récentes usines ne déversent plus d'effluents dans les rivières et cours d'eau. Par conséquent, elles ont attiré des clients européens précisément parce qu'elles ne produisent pas de pollution. Ceux d'entre vous qui lisent le Harvard Business Review et son chroniqueur Michael Porter, le grand gourou de l'avantage comparatif auquel les entreprises font souvent appel, savent qu'il soutient qu'adopter la voie écologique, c'est être concurrentiel, ce qui est une bonne mesure pour améliorer le résultat net.
Le gouvernement actuel ne semble pas avoir de mémoire. Il prête plutôt l'oreille à des propos alarmistes. Les amendements qu'il a apportés au stade du rapport ont affaibli le projet de loi. Je vais vous donner un exemple. Un autre élément qui figurait haut dans la liste des changements souhaités par le groupe Friday, ce sont les amendements modifiant qui déciderait d'ordonner l'adoption de plans de prévention lorsque la pollution porterait atteinte aux eaux internationales ou franchirait les frontières et se répandrait dans l'atmosphère. Le groupe Friday a utilisé une hyperbole soutenant qu'à moins que des changements soient apportés, «toutes les entreprises canadiennes qui émettent des substances contribuant à la pollution aux États-Unis devront s'astreindre au fardeau d'établir des plans de prévention de la pollution». Il voulait que le Cabinet soit chargé de décider si le ministre de l'Environnement pouvait exiger l'établissement de plans de prévention en cas de pollution de l'air ou de l'eau à l'échelle internationale.
Le choix de mots du groupe Friday est révélateur. Il dit que l'établissement de plans de prévention de la pollution est un fardeau. La missive de l'industrie ne faisait pas mention d'une intervention à cet égard.
Il est important de se rappeler que nous ne parlons pas ici de bannir des substances ou de faire jouer pleinement la réglementation. Il est ici question de l'étape intermédiaire entre ne rien faire et faire jouer toute la réglementation. On parle ici de demander aux entreprises d'établir des plans destinés à prévenir la pollution. Seraient ici visées des substances faisant l'objet d'accords internationaux déjà approuvés par le Cabinet. Pourtant, le groupe Friday voulait un autre regard sur les pouvoirs du ministre de l'Environnement en accordant à ses collègues du Cabinet le dernier mot concernant l'obligation ou non d'établir un plan. Par conséquent, le gouvernement a présenté l'amendement qui fait désormais partie du projet de loi.
Si un chameau est un cheval conçu par un comité, le projet de loi C-32 est un chameau amputé de ses bosses et n'ayant qu'une faible capacité d'emmagasiner de l'eau. Ce n'est pas la monture que nous désirons avoir pour entreprendre le prochain siècle.
J'ai fait l'historique de ce projet de loi avant que nous en soyons saisis parce que j'estime révélateur du traitement que nous lui accordons. Je voudrais maintenant insister sur des choses importantes que le projet de loi ferait ou ne ferait pas.
Premièrement, il s'ensuivrait que la Loi canadienne sur la protection de l'environnement ne serait plus la principale loi fédérale concernant les substances toxiques ou les produits de biotechnologie qui entrent au Canada. Elle n'aurait plus qu'une valeur résiduelle. Elle ne s'appliquerait que si un autre texte législatif ne dispose pas d'une réglementation «équivalente». Ce ne serait plus au ministre de l'Environnement ou au ministre de la Santé de déterminer si une autre réglementation ferait l'affaire. Ce serait le rôle du Cabinet.
Le récent rapport du commissaire à l'environnement est très éloquent à ce sujet. Il a constaté que les compressions budgétaires et les luttes intestines au sein des ministères ont gêné le gouvernement dans sa lutte contre les pesticides et les autres toxines. Les pesticides ne sont pas assujettis à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, ce qui fait problème. Le commissaire à l'environnement a cité des cas où des ministères ne parvenaient pas à s'entendre sur la toxicité de certaines substances ou sur la façon d'interpréter les textes législatifs. Dans un cas, des ministères se sont contredits mutuellement lors d'une conférence internationale. Chose certaine, nous ne voulons pas multiplier les risques de désaccord ni aggraver les retards en conférant davantage de pouvoirs à d'autres ministres et à d'autres mesures législatives. Chose certaine, en ce qui concerne la protection de la santé et le prévention de la pollution, la décision de procéder par voie de réglementation devrait appartenir aux ministres de la Santé et de l'Environnement. Elle ne devrait pas revenir aux ministères à vocation industrielle comme les ministères des ressources naturelles, de l'agriculture, de l'industrie et des affaires étrangères.
Deuxièmement, comme je l'ai mentionné plus tôt, le projet de loi C-32 intègre l'accord d'harmonisation sans le mentionner expressément. Le règlement qui complète la Loi canadienne sur la protection de l'environnement ne s'appliquerait pas quand une province ou un territoire est doté d'un règlement «équivalent». L'harmonisation est désastreuse sur deux points. Nous savons déjà que certaines provinces, dont l'Ontario, n'appliquent pas les règles existantes. L'an dernier, dans cette province, qui est celle du Canada où l'air est le plus vicié, les infractions en matière de pollution de l'air ont presque doublé, dépassant les 3 000. Toutefois, seulement deux accusations ont été portées. Parmi les sociétés qui respectaient pas les règles, on retrouve Hydro Ontario et le Conseil national de recherches du Canada.
On peut facilement expliquer une partie de cette négligence dans l'application des règles en vigueur. Depuis 1995, le personnel du ministère ontarien de l'environnement a été réduit de 40 p. 100. Il ne faut pas oublier non plus la décision rendue récemment par la Cour fédérale sur cet accord. La cour devait décider si le gouvernement avait illégalement cédé des pouvoirs aux provinces en janvier 1998. La juge Barbara Reed, de la Cour fédérale, a estimé que l'accord était si peu basé sur des faits qu'il était impossible d'en déterminer la signification. Elle a établi que certaines des dispositions de l'accord étaient en contradiction les unes avec les autres et que l'entente sur les normes de pollution tout particulièrement était plutôt rudimentaire. La juge Reed a affirmé que les Canadiens devraient savoir ce que l'accord signifie en pratique, mais cela n'est pas possible. Elle a également souligné qu'il faudrait en savoir davantage, ce que je trouve plutôt troublant.
Comment peut-on en toute conscience enchâsser dans la loi une entente si dénuée de contenu que même le tribunal n'arrive pas à comprendre ce qu'elle signifie? Quelle espèce de tour de passe passe essait-on de nous faire gober?
Troisièmement, il y a toute la question de la quasi-élimination. Le concept est loin d'être nouveau, mais que les termes utilisés ont une consonance bien moderne. Cela signifie essentiellement que nous devons faire tout en notre pouvoir pour débarrasser notre environnement des pires atrocités chimiques, celles qui perdurent, qui se décuplent dans la chaîne alimentaire et qui sont toxiques. Certains de ces produits, mais pas tous, affectent le système endocrinien des êtres humains et des animaux sauvages. Parmi ceux-ci, soulignons la dioxine, le DDT, les BPC, le plomb et le mercure qui sont reconnus comme des substances hormonoperturbantes.
Il y a neuf ans, la Commission mixte internationale a rappelé aux Canadiens et aux Américains qu'ils s'étaient entendus pour éliminer en grande partie toutes les substances toxiques rémanentes. Nous en avons convenu dans le cadre de l'Accord sur la qualité de l'eau des Grands Lacs. Dans son huitième rapport biennal publié il y a trois ans, la commission a dit ceci relativement à l'élimination quasi totale:
Il existe diverses interprétations de l'élimination quasi totale et du rejet nul. L'élimination quasi totale ne correspond pas à une mesure technique mais à un objectif général. Cet objectif ne sera pas atteint tant qu'il n'aura pas été mis fin à toutes les émissions de substances chimiques rémanentes dues à l'activité humaine. Le rejet nul ne signifie pas simplement des rejets tellement faibles que l'on ne puisse les déceler. Ça ne signifie pas le recours à des contrôles basés sur la meilleure technologie disponible ou des pratiques de gestion optimales qui continuent de permettre le rejet aussi minime soit-il de substances toxiques, même si ces mesures sont importantes pour atteindre l'objectif. Le rejet nul signifie aucun rejet ou aucune émission de substances toxiques rémanentes dues à l'activité humaine. C'est une attente raisonnable et réalisable pour une stratégie visant l'élimination quasi totale. La question n'est plus de savoir si l'élimination devrait être quasi totale ou si l'on devrait imposer le rejet nul, mais quand et comment ces objectifs pourront être atteints.
(1730)
Selon le projet de loi C-32, ce n'est apparemment pas de sitôt, c'est même probablement jamais. La version que nous avons devants nous rendrait les mesures prises en vue de l'élimination quasi totale synonymes de point final. C'est un aspect important du projet de loi auquel l'industrie réagit vivement. L'industrie sait depuis près d'une décennie que le Canada est partie à un accord international qui exige que nous mettions en place des lois afin de mettre fin à ces poisons persistants dans l'environnement. Mis au pied du mur, le gouvernement a fait marche arrière.
Il y a aussi la question des substances chimiques qui créent des troubles endocriniens - ces substances chimiques qui mimiquent les estrogènes et réduisent la taille des organes génitaux du mâle, réduisent le nombre de spermatozoïdes, et provoquent des malformations à la naissance chez la faune dans la région des Grands Lacs et ailleurs. Les experts produisent depuis des années des documents à ce sujet. Ils nous disent que le nombre de spermatozoïdes chez l'homme diminue.
Il y a quelques années, un scientifique qui témoignait sur cette question devant un comité du Sénat américain a dit, et c'est assez dramatique: «Sénateur, vous êtes probablement la moitié de ce qu'était votre père.» On peut rire, mais on ne peut nier que plus de couples se tournent vers les cliniques de fertilité, et que les listes d'attente s'allongent.
Il y a six ans, un groupe de travail de la CMI a effectué des études qui ont démontré chez les mammifères une baisse de la fertilité, une féminisation et un affaiblissement du système immunitaire dû à ces problèmes endocriniens. C'est de l'arrogance de croire que les gens ne sont pas atteints de la même manière. Sur une note plus positive, un groupe de chercheurs britanniques a publié récemment ses conclusions selon lesquelles il existait un moyen facile et bon marché de retirer de l'eau les substances imitant l'oestrogène.
Quelle a été la réaction du gouvernement et de l'industrie à toute proposition d'inscrire dans la LCPE les composés chimiques favorisant le dédoublement sexuel? On veut limiter le rôle du gouvernement en matière de collecte d'information et on se chicane sur la définition de ces composés.
Finalement, il y a la question du traitement réservé aux droits des autochtones dans le projet de loi C-32. Ce projet de loi est parsemé de références à la participation par des gouvernements autochtones et, dans certaines dispositions, par des autochtones, à un nouveau comité consultatif national ou à des ententes administratives. La mesure législative définit clairement les notions de gouvernement autochtone et de terres autochtones, mais elle ne définit pas ce qu'est un autochtone. C'était peut-être voulu.
J'ai une lettre d'une avocate qui est hautement respectée dans ce domaine et j'aimerais vous en lire une partie. Selon cette avocate, bien qu'il soit possible que le projet de loi C-32 ne soit pas inconstitutionnel, il est le prolongement de la vision erronée de la politique gouvernementale qui dit qu'il n'existe que deux grands groupes d'autochtones au Canada, à savoir les Indiens et les Inuits. Il ne mentionne aucunement les Métis. Cette avocate fait remarquer qu'en 1982, les règles du jeu étaient censées changer. La Constitution a été modifiée afin de préciser que les peuples autochtones du Canada comprenaient les Métis. Nous en avons entendu parler au comité des forêts. Après 1990 et la décision de la Cour suprême sur l'affaire Sparrow, les gouvernements ont commencé à reconnaître que les droits des Indiens constituaient des obligations légales et pas seulement des obligations morales et politiques. Toutefois, pour les Métis, absolument rien n'a changé. Rien n'a changé en dépit du jugement sur l'affaire Delgamuukw affirmant la responsabilité fiduciaire du gouvernement de consulter et, dans certains cas, d'obtenir le consentement des autochtones concernés avant que les mesures gouvernementales ne nuisent à leurs intérêts.
La nouvelle mesure prévue dans le projet de loi C-32 pourrait être mise en péril par l'article 15 de la charte si le projet de loi C-32 ne définissait pas de façon étroite le gouvernement et les terres autochtones et ne l'appliquait pas ainsi à une partie des peuples autochtones du Canada. L'avocate a écrit ceci:
Je pense que le Sénat peut et devrait se pencher sur cette question.Le gouvernement semble faire preuve d'impartialité dans le projet de loi, dans la mesure où il n'accorde pas de rôle significatif à la plupart des peuples autochtones au Canada.
Honorables sénateurs, je suis tout à fait au courant de l'information que diffuse le gouvernement, selon laquelle le projet de loi renforcera la loi actuelle. Cette information est juste en partie, mais le projet de loi est si loin de répondre aux besoins de la situation qu'un ancien ministre fédéral de l'Environnement, un ancien ministre québécois de l'Environnement et un ancien secrétaire parlementaire ont refusé de l'appuyer. Ils ont voté contre les amendements gouvernementaux de dernière heure, qui auraient eu pour effet d'affaiblir le projet de loi.
En fin de compte, ces mêmes députés éclairés n'ont pas pu, en toute conscience, accepter que la puissante industrie réussisse, après seulement quelques semaines de lobbying, de réduire à néant les nombreux mois de délibération du comité.
Voici ce qu'aurait déclaré, selon des comptes rendus de la presse, l'ancien ministre de l'Environnement. Je crois qu'il s'agit de M. Charles Caccia, mais je n'en suis pas sûre.
Honorables sénateurs, si le Sénat a jamais été saisi d'un projet de loi devant faire l'objet d'un second examen objectif, c'est bien celui-ci. Pendant des siècles, les avertissements sur les dangers des substances toxiques pour la santé et pour la vie ont été faites par le truchement des travailleurs exposés à ces substances. Aujourd'hui, le nombre de cas d'asthme et les effets des polluants persistant sur les enfants de quatre ans nous indiquent que les choses changent. Ce ne sont plus seulement les travailleurs de l'industrie qui servent de «canaris dans les puits de mine». De plus en plus, ce sont nos enfants qui nous font comprendre que nous empoisonnons l'air, le sol, l'eau et les sources d'alimentation. Avant d'adopter le projet de loi C-32, nous devons nous assurer qu'il constitue la meilleure mesure que nous puissions prendre pour eux. Quelle que soit la valeur de ce projet de loi, il est absolument indispensable que le comité sénatorial prenne le temps de l'examiner afin de voir comment nous pouvons l'approuver.Ce projet de loi est encore loin des promesses du livre rouge. Ce projet de loi aurait pu être une bonne mesure si les améliorations apportées par le comité n'avaient pas été écartées, si les intérêts de l'entreprise ne l'avaient pas emporté sur la santé publique et si l'opposition officielle avait joué son rôle efficacement, ce qu'elle n'a pas fait.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?(Sur la motion du sénateur Butts, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.)
Le Code criminel
Projet de loi modificatif-Deuxième lecture
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Maloney, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-79, Loi modifiant le Code criminel (victimes d'actes criminels) et une autre loi en conséquence.
L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, je suis très heureuse de pouvoir vous parler aujourd'hui du projet de loi C-79, tendant à modifier le Code criminel en faveur des victimes d'actes criminels. Les mesures proposées dans le projet de loi sont très positives. La question des droits des victimes mérite tout à fait un intérêt public croissant, et il était grand temps. Nous avons la chance de vivre dans une société qui adopte une attitude progressiste à l'égard des questions concernant notre système de justice pénale, et l'importance que revêt ce projet de loi nous invite à adopter une approche dénuée de tout esprit de parti pour l'examiner.
Comme beaucoup d'entre vous le savent peut-être, je voue depuis longtemps un grand intérêt à la question des droits des victimes et à d'autres questions connexes. Après avoir été nommée au Sénat en 1993, j'ai décidé de m'informer davantage au sujet de l'impact, à court terme et à long terme, que les actes criminels peuvent avoir sur les victimes.
En août 1994, j'ai assisté à Hamilton, en Ontario, à une conférence de l'organisme appelé Canadiens contre la violence partout recommandant sa révocation, organisée par Priscilla de Villiers. J'ai assisté aux séances, j'ai écouté les gens qui avaient eu à affronter l'horrible réalité d'un acte criminel violent. J'ai été submergée de tristesse en entendant des gens raconter leur histoire les uns après les autres - le manque de soutien, l'exaspération à l'égard des tribunaux, et le sentiment que l'accusé jouissait de plus de droits que les victimes directes et leurs survivants qui devaient affronter les conséquences de ces tragédies. J'écoutais et je n'arrivais pas à imaginer comment ces gens avaient pu tenir le coup. J'étais loin de me douter que ma famille et moi-même serions dans la même situation à peine un an et demi plus tard.
(1740)
Je demande aux honorables sénateurs de penser aux droits des victimes; s'ils n'ont pas vécu une situation semblable eux-mêmes, je leur demande d'imaginer ce qu'ils feraient. Songez aux obstacles que les victimes doivent surmonter lorsqu'elles cherchent à obtenir justice auprès des tribunaux. Nous devons reconnaître que, en notre qualité de parlementaires, nous pouvons faire bien davantage pour répondre à leurs besoins. L'adoption de ce projet de loi arrive à un moment opportun; elle est importante pour les victimes de crimes qui veulent pouvoir donner leur avis sur notre façon de les protéger et d'assurer leur sécurité.
En juin 1998, après plusieurs années d'attente et de nombreux faux départs, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a enfin répondu à la demande de la ministre de la Justice et a amorcé des consultations dans le but ultime de répondre aux besoins des victimes. Le 26 octobre 1998, après cinq mois de consultations, le rapport du comité intitulé «Les droits des victimes - Participer sans entraver» a été déposé au Parlement. Il renfermait 17 recommandations portant sur divers sujets, y compris le financement des programmes d'aide aux victimes, la création d'un bureau fédéral pour les victimes d'actes criminels - j'y reviendrai plus tard - et la modification du Code criminel, de la Loi sur les jeunes contrevenants et de la Loi sur le système correctionnel pour assurer que les tribunaux répondent aux besoins des victimes. Le rapport a reçu l'appui de tous les partis politiques à la Chambre des communes.
En décembre, la ministre fédérale de la Justice a déposé sa réponse au rapport du comité. Elle y décrit les stratégies que le gouvernement avait l'intention d'adopter au cours des prochains mois. Elle a accepté la recommandation touchant la création d'un centre stratégique pour les victimes de crimes, qui veillerait à l'avenir à ce que toutes les initiatives politiques et législatives du gouvernement fédéral tiennent compte de la perspective des victimes de crimes. Ce centre sera responsable de la coordination et de l'amélioration des initiatives fédérales concernant les victimes et deviendra un centre d'expertise à mesure que de nouvelles questions et de nouvelles tendances émergeront concernant les droits, les lois et les services visant les victimes dans tout le Canada.
Cependant, le ministre n'a pas répondu à la deuxième recommandation du rapport, qui préconise la mise sur pied d'un office des victimes du crime au ministère de la Justice. Cette instance serait chargée d'informer et de conseiller les victimes et de leur assurer directement des services. Le modèle proposé est celui du cabinet de l'enquêteur correctionnel, qui est chargé de répondre aux demandes et aux besoins des détenus qui purgent leur peine dans un établissement fédéral.
La raison avancée pour ne pas retenir cette recommandation est qu'il pourrait y avoir empiétement sur les compétences provinciales. Il est vrai qu'un certain nombre de provinces ont nommé un directeur des services aux victimes. D'autres, comme la Colombie-Britannique et ma propre province, l'Ontario, ont créé une division distincte au ministère du Procureur général, dotée des ressources et du personnel nécessaires. Mon propre député provincial, John Baird, a joué un rôle crucial dans cette importante initiative ontarienne, et je le félicite, ainsi que le gouvernement de l'Ontario, d'avoir fait preuve de leadership à cet égard.
D'autres provinces ont également des entités distinctes chargées des services aux victimes. Le Québec, notamment, s'est opposé à la création de cette instance, soutenant que cela provoquerait un double emploi qui porterait atteinte à ses compétences. Le Bloc québécois a également remis en question la création du centre stratégique pour les victimes du crime, soutenant que, puisque le Québec a établi son propre service d'aide aux victimes du crime, il y aurait empiétement sur ses compétences.
Honorables sénateurs, il est évident que les principes et les dispositions des lois fédérales ne doivent pas remettre en question la répartition des pouvoirs, mais il serait possible de créer un centre de cette nature sans s'ingérer dans les compétences des provinces. De la sorte, nous pourrions fournir à l'ensemble des provinces et des territoires une information constante et à jour, leur permettant de rester au courant de ce qui se passe dans tout le Canada.
Du point de vue moral, la situation des victimes transcende assurément les questions de partage de pouvoirs et de politique sectaire. La coopération entre le gouvernement fédéral et les provinces, dans leurs champs respectifs de compétence, doit être assurée dans l'intérêt des victimes de crimes. Il incombe au gouvernement fédéral d'assurer que des mesures soient prises et que les provinces aient les ressources financières pour appliquer les nouvelles dispositions du projet de loi C-79 et l'énoncé des principes.
N'oublions pas pour un instant que ce projet de loi vise à répondre aux attentes et aux besoins des victimes, qui, pendant les procès, ont trop souvent été écartées du processus pour des raisons de procédure. Les membres du comité des affaires juridiques et constitutionnelles doivent obtenir de la ministre la garantie que les provinces recevront le soutien et les ressources nécessaires pour faire respecter le projet de loi C-79.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-79 respecte sept des 17 recommandations figurant dans le rapport du comité, surtout celles visant à modifier le Code criminel afin que nous puissions satisfaire davantage les besoins des victimes au cours des procédures judiciaires, qui peuvent être fort éprouvantes sur le plan psychologique pour de nombreuses victimes de même que leurs familles et leurs proches. Même les principes énoncés dans le projet de loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, dont nous serons saisis bientôt, reconnaissent le rôle important que les victimes doivent jouer dans le système de justice pour les adolescents et la nécessité de fournir aux victimes des renseignements sur le processus judiciaire.
Honorables sénateurs, le projet de loi renferme les dispositions suivantes. Le préambule rappelle que le gouvernement s'est engagé à tenir compte des préoccupations et des besoins des victimes et qu'il reconnaît que la collaboration des victimes est essentielle aux enquêtes et aux poursuites qui en découlent. De plus, le gouvernement désire affermir le principe selon lequel les victimes devraient être traitées avec courtoisie, compassion et respect par le système de justice. Il reconnaît que, bien que la Couronne soit chargée de la poursuite des infractions, l'avis et les préoccupations des victimes doivent être pris en compte, conformément au droit pénal et à la procédure pénale, particulièrement en ce qui concerne les décisions qui peuvent avoir une incidence sur leur sécurité et leur vie privée. Il désire aussi encourager et faciliter la diffusion aux victimes d'information portant sur le système de justice pénale et le rôle que les victimes sont appelées à y jouer.
Le projet de loi C-79 prévoit l'ajout dans le Code criminel de la définition du mot «victime», qui s'entend notamment de la victime d'une infraction présumée. Certains auraient préféré que l'expression soit définie en fonction de la définition de «victime» figurant à l'article 722 du Code criminel, qui renvoie uniquement au droit de la victime de faire une déclaration à l'audience de la détermination de la peine d'un accusé. On y définit la victime comme étant la personne qui a subi des dommages matériels ou moraux par suite de la perpétration d'une infraction. Les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles devront donc tenir compte du fait qu'il existe deux définitions du terme «victime».
Le projet de loi C-79 offre aussi aux jeunes de 18 ans et moins qui ont été victimes d'un crime d'ordre sexuel ou avec violence une protection faisant en sorte qu'ils ne puissent être contre-interrogés par un accusé qui se défend lui-même. Un accusé ne pourra plus, lors de son enquête préliminaire ou de son procès, contre-interroger une victime ou un témoin qui a 18 ans ou moins. Le juge devra dorénavant désigner un avocat pour mener le contre-interrogatoire.
Le projet de loi prévoit aussi que le tribunal devra protéger l'identité des victimes d'agression sexuelle ou de tout autre crime que l'accusé a commis à leur endroit. Cette protection s'appliquera non seulement aux infractions sexuelles, mais aussi à celles commises par des personnes qui sont en situation d'autorité par rapport à des enfants. La protection s'appliquera aussi aux cas où deux infractions ou plus ont été commises et sont traitées dans le cadre de la même procédure.
Dans son rapport, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de l'autre endroit a mentionné que le Code criminel présente des lacunes en ce qui concerne les dispositions permettant aux policiers ou aux autres officiers de justice de libérer un suspect ou un accusé en attendant que celui-ci comparaisse pour la première fois devant le tribunal ou pendant qu'il attend son procès. Selon les modifications proposées dans le projet de loi C-79, un officier de justice, un agent de la paix, un juge ou un juge de paix doit prendre en considération la sécurité des victimes ou des témoins de l'infraction quand il décide si le suspect sera libéré sous caution. Le projet de loi prévoit aussi que, lorsqu'un accusé est libéré en attendant son procès, le juge doit prendre en considération toute preuve concernant la nécessité de protéger la victime et d'assurer sa sécurité. À cet égard, le juge doit prendre en considération l'idée d'imposer comme condition à la libération de l'accusé le fait de ne pas communiquer directement ou indirectement avec la victime ni les témoins ou l'idée d'imposer toute autre condition nécessaire pour assurer leur sécurité.
Grâce aux modifications proposées, on tiendra davantage compte des préoccupations particulières de la victime ou des témoins, et ces préoccupations pèseront plus lourd dans les décisions rendues au sujet des conditions particulières imposées pour la mise en liberté sous caution, notamment pour ce qui est des infractions concernant la possession d'armes à feu et le harcèlement criminel.
Comme le savent les honorables sénateurs, une déclaration de victime est une déclaration écrite rédigée par la victime, qui est prise en considération par le tribunal au moment de la condamnation du contrevenant. Elle permet aux victimes de participer au procès en décrivant les conséquences du crime sur leur vie et sur celle de leurs familles. Cet important amendement a pour effet de permettre aux victimes de lire leur déclaration au moment de la détermination de la peine si elles le désirent. C'est important car, à l'heure actuelle, le juge est obligé de tenir compte de la déclaration écrite, mais il a la latitude de permettre ou non à la victime de la lire. Cela crée des disparités et des inégalités d'une juridiction à l'autre, au plus grand chagrin du grand nombre de ceux à qui on a refusé l'occasion d'avoir leur mot à dire devant le tribunal.
(1750)
Grâce à ces changements, le juge devra, avant de prononcer la peine, demander à la victime si elle a bien été informée de la possibilité de faire une telle déclaration. Le tribunal peut ajourner afin de permettre à la victime de préparer sa déclaration ou de présenter des preuves supplémentaires des conséquences du crime. Le tribunal peut également préciser que les renseignements fournis par la victime pourront être présentés, soit par écrit, soit oralement, aux audiences tenues afin de déterminer la date d'admissibilité à la libération conditionnelle pour les détenus condamnés à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 15 ans. À l'heure actuelle, le Code criminel stipule que tout renseignement fourni par la victime doit être pris en considération, mais il faut souligner que, dans la pratique, beaucoup de victimes ont été dissuadées de présenter des déclarations de vive voix.
Honorables sénateurs, je crois qu'il est approprié, et je le dis fièrement, sans parti pris, qu'un certain nombre des mesures que renferme le projet de loi C-79 aient été adoptées par le gouvernement précédent. Je n'en citerai que quelques exemples. D'abord, en 1988, le Parlement a promulgué le projet de loi C-89 afin de veiller à ce que les besoins des victimes de crime soient pris en considération au cours du procès et du prononcé de la peine. Il a prévu, entre autres, «une amende versée à la victime», une suramende qui serait imposée à un contrevenant reconnu coupable. Cette mesure a été instituée afin de permettre aux provinces et aux territoires d'utiliser cet argent pour offrir des programmes, des services et de l'aide aux victimes de crimes. Elle autorisait également le recours aux déclarations des victimes, qui devaient être prises en considération au moment du prononcé de la peine.
Ensuite, le gouvernement a mis un fonds à la disposition des provinces afin de les aider à élaborer des programmes et des services destinés aux victimes. Ce fonds pouvait également servir à former des employés des tribunaux au sujet des droits des victimes ou à mettre sur pied des programmes d'information destinés aux membres d'organismes bénévoles qui viennent en aide aux victimes. J'ai personnellement bénéficié d'un organisme de ce genre qui travaillait dans les tribunaux d'Ottawa.
En outre, j'ai été fière de jouer un rôle dans l'élaboration de notre programme électoral aux élections générales de 1997, lorsque nous avons proposé de rédiger un projet de loi dont l'objet était de créer une charte des droits de la victime, garantissant aux victimes le droit d'être mieux renseignées et de participer davantage aux procédures judiciaires.
Comme je l'ai dit en commençant, je voudrais parler de la création d'un bureau pour les victimes d'actes criminels. Comme bon nombre d'entre vous le savez, honorables sénateurs, je fais partie du conseil national de MADD Canada. L'organisation Mothers Against Drunk Driving demande qu'en élaborant les rôles et les responsabilités de ce nouveau bureau pour les victimes, on prenne en considération les critères ci-dessous. J'invite le comité à tenir compte de ces critères quand il se penchera sur le projet de loi et à obtenir de la ministre les garanties suivantes:
Premièrement, les besoins des victimes ne se limitent pas à un centre de référence et de ressources. Le bureau devrait être un point de communication entre la victime et le gouvernement fédéral, qui pourrait lui donner les moyens nécessaires pour s'y retrouver dans le labyrinthe administratif et venir à bout des diverses procédures à suivre.
Deuxièmement, le bureau devrait agir comme chien de garde des activités gouvernementales ayant pour objet de faire valoir les droits de la victime tout au long des procédures gouvernementales. Le bureau devrait être établi de manière à servir de source d'information sur les droits des victimes d'actes criminels pour les ministères et les organismes gouvernementaux.
Enfin, le bureau doit servir de liaison entre le gouvernement et les organismes de défense des victimes. Le bureau devrait favoriser la tenue d'une table ronde annuelle sur les droits des victimes d'actes criminels où serait établi et maintenu un dialogue officiel avec les intervenants nationaux et les organismes nationaux de défense.
Je le répète, honorables sénateurs, les événements tragiques que les victimes sont forcées d'endurer les laissent avec de profondes cicatrices psychologiques qui ne s'effacent jamais, contrairement aux blessures physiques.
Il ne faut pas oublier non plus que ces tristes événements n'influent pas seulement sur la vie des victimes, mais sur celle de leurs parents et amis, des gens qui les appuient souvent tout au long des procédures judiciaires qui leur sont la plupart du temps très pénibles. Ces gens-là sont souvent les seules personnes en qui les victimes peuvent vraiment avoir confiance.
Ces dernières années, malheureusement, les victimes d'actes criminels et les associations qui prennent leur défense ne croient plus dans la capacité du système judiciaire de vraiment s'intéresser à leur expérience. Il s'ensuit qu'un nombre croissant de victimes ne portent pas plainte contre les gens qui les ont agressées. Les victimes d'actes criminels hésitent à se vider le coeur de peur que les tribunaux n'écoutent pas ce qu'elles ont à dire.
Il arrive trop souvent que, selon les victimes notamment, notre système judiciaire semble s'intéresser uniquement aux droits des accusés. Le préambule du projet de loi C-79 semble rétablir l'équilibre entre les droits de l'accusé et ceux de la victime. Espérons que les tribunaux porteront attention à ce nouvel équilibre.
La dernière chose que je voudrais dire, c'est que la tragédie que constitue le fait d'être victime d'un crime peut également toucher une collectivité toute entière, qui peut craindre alors pour sa sûreté. En conséquence, honorables sénateurs, le concept de victime est bien plus large qu'il n'y paraît à première vue.
En terminant, je dirai que ce projet de loi est sûrement un pas dans la bonne direction, car il aide les victimes à obtenir justice et à en finir avec les expériences malheureuses qui leur ont été imposées.
Dans mon propre cas, ma famille et moi avons pu lire nos déclarations de victimes. Je ne puis imaginer ce que ce serait que de se voir nier ce droit, voire, pis encore, d'être soumis à un contre-interrogatoire. Cela s'est produit dans un certain nombre de provinces et de territoires du pays.
J'estime que ce projet de loi permettra à d'autres victimes d'obtenir les mêmes droits. Je puis témoigner du fait qu'avoir son mot à dire au tribunal aide beaucoup les victimes d'un crime à se rétablir de terribles tragédies.
Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne souhaite prendre la parole, je mettrai la motion aux voix.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président: Quand lirons-nous ce projet de loi la troisième fois?(Sur la motion du sénateur Carstairs, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)
Les travaux du Sénat
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avant de commencer mon discours sur le prochain article à l'ordre du jour, je souligne que je crois qu'il y a entente entre les partis pour ne pas tenir compte de l'heure à 18 heures.L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): C'est entendu.
Son Honneur le Président: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour ne pas tenir compte de l'heure à 18 heures?
Des voix: D'accord.
Le Code criminel
Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Suite du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lavoie-Roux, appuyée par l'honorable sénateur Butts, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-29, Loi modifiant le Code criminel (protection des patients et des soignants).-(L'honorable sénateur Carstairs).
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs:
Attendu:
Que le Comité sénatorial spécial de l'euthanasie et de l'aide au suicide, constitué le 23 février 1994, a délibéré sur les actes médicaux comportant l'abstention et l'interruption des traitements de survie, ainsi que sur ceux qui, visant à soulager la souffrance, risquent de causer l'abrègement de la vie;
Que, dans son rapport intitulé «De la vie et de la mort» et daté du 6 juin 1995, le comité a constaté l'existence d'incertitudes au sein du corps médical et du grand public sur les conséquences juridiques de tels actes;
Qu'il a recommandé à l'unanimité une modification du Code criminel qui permette aux soignants d'accomplir ces actes dans certains cas sans crainte de responsabilité pénale,
Sa Majesté, sur l'avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes, édicte [...].
Honorables sénateurs, c'était là le préambule de l'ancien projet de loi S-13, Loi modifiant le Code criminel (protection des soignants).
J'ai présenté ce projet de loi au cours de la dernière législature. Il visait à clarifier le Code criminel en ce qui a trait à l'abstention et à l'interruption des traitements de survie ainsi qu'aux traitements visant à soulager la souffrance. Malheureusement, ce projet de loi est mort au Feuilleton. Heureusement, le sénateur Lavoie-Roux, par son projet de loi S-29, a relancé le débat au Sénat. Je suis très heureuse d'y prendre part.
Cependant, honorables sénateurs, j'aimerais que le projet de loi soit modifié par la réintroduction du préambule. Je sais que l'ajout de préambules aux projets de loi n'est généralement pas vu comme une bonne pratique juridique. Le sénateur LeBreton vient de mentionner que le projet de loi C-79 sur les victimes d'actes criminels contient un préambule et nous a expliqué pourquoi celui-ci avait été inclus dans le projet de loi.
(1800)
Je voudrais que le préambule soit rétabli dans le projet de loi pour deux raisons. L'étude du comité spécial du Sénat sur l'euthanasie et le suicide assisté est, à mon avis, un des meilleurs que nous ayons produit au Sénat, et je voudrais que le Sénat ait la reconnaissance qu'il mérite à cet égard. Rétablir le préambule dans le projet de loi serait une façon d'avoir cette reconnaissance.
Je veux aussi que le préambule soit rétabli dans le projet de loi parce que, même s'il ne fait pas partie intégrante de ce dernier, il ferait penser à ceux qui examinent le projet de loi de prendre connaissance de l'étude du Sénat, et cela pourrait les aider à former leur jugement sur ce projet de loi. J'espère que le comité fera ce changement lorsqu'il étudiera ce projet de loi.
Comme le sénateur Lavoie-Roux l'a dit dans ses remarques, ce projet de loi se fait attendre depuis longtemps. Il y a déjà quatre ans que le comité a publié son rapport. Jusqu'à maintenant, le gouvernement a choisi de ne pas répondre. Nous devrions tous féliciter le sénateur Lavoie-Roux d'avoir porté de nouveau cette question à notre attention.
J'ai toutefois certaines réserves à l'égard de cette mesure législative, et j'aimerais en parler ici ce soir. La définition du terme «soignant» à l'article 2 du projet de loi vise à établir les paramètres qui détermineront qui sera protégé par cette modification au Code criminel. Un soignant est défini comme étant:
a) tout praticien habilité à exercer la médecine sous le régime des lois d'une province...
b) tout infirmier ou autre professionnel de la santé travaillant sous la supervision et sur les instructions du praticien...
c) toute personne qui administre un traitement ou des soins à une personne conformément aux instructions et sous la supervision...... d'un praticien, d'un infirmier ou autre professionnel de la santé. En fait, une personne qui prend soin de son conjoint à la maison serait, à mon avis, protégée par ce projet de loi, à condition qu'elle agisse conformément aux instructions d'un infirmier ou autre professionnel de la santé qui, à son tour, agirait conformément aux instructions d'un praticien.
Ainsi présenté, le projet de loi semble prévoir un régime de responsabilité à deux vitesses. À mon avis, cela entraînerait une situation très confuse. Comment le soignant est-il censé savoir si l'infirmier qui lui donne des instructions agit sous les ordres d'un médecin? De plus, le projet de loi ne définit pas l'expression «professionnel de la santé». On peut penser qu'un préposé aux soins est un professionnel de la santé. Le projet de loi protégerait une personne agissant sous les instructions d'un préposé aux soins ayant reçu des directives d'un médecin. Je ne suis pas convaincue que c'est bien là le sens que le sénateur Lavoie-Roux voulait donner à cette disposition et j'aimerais que le comité l'analyse en détail. À mon avis, il serait préférable de prévoir la défense de toute personne qui a agi sous les instructions d'un médecin. Le comité accepterait peut-être d'envisager un amendement au projet de loi pour éclaircir cette définition.
La deuxième disposition définit l'expression «traitement de survie» de la façon suivante:
La définition de l'expression «traitement de survie» n'inclut pas expressément l'hydratation artificielle et la nutrition. Les membres du comités spécial se souviendront que cette question a fait l'objet d'un long débat pendant nos délibérations. En bout de piste, le comité a recommandé que ces mesures soient considérées comme un traitement et que le fait de ne pas les appliquer ou de les interrompre est aussi acceptable que si l'on décide de ne pas ou de ne plus avoir recours à la respiration artificielle, à une transfusions sanguine ou à la RCR.[...] acte médical ou chirurgical destiné à maintenir, rétablir ou remplacer une fonction vitale en vue de retarder la mort.
Toutefois, certains témoins, dont Canadian Nurses for Life, ont soutenu qu'il y avait une différence entre ces deux genres de mesure. Il ont dit que le fait de ne pas entreprendre ou d'interrompre un traitement de survie est acceptable sur le plan de la déontologie, mais qu'à leur avis, cela ne comprend pas l'hydratation artificielle et la nutrition.
Pour plus de certitude, j'appuierais un amendement au projet de loi S-29 incluant explicitement l'hydratation artificielle et la nutrition dans la définition de l'expression «traitement de survie». Cela concorderait avec la recommandation qui figure dans le rapport du comité spécial.
Honorables sénateurs, le Code criminel n'interdit pas les soins palliatifs, même s'ils accélèrent le décès du patient, pourvu que ces soins soient prodigués conformément à la pratique médicale généralement acceptée. Cependant, beaucoup de soignants hésitent à prodiguer les soins palliatifs et un traitement de contrôle de la douleur car ils craignent de se voir attribuer une responsabilité pénale lorsque le traitement abrège la vie du patient. C'est ce qui a incité le comité à recommander qu'on apporte des éclaircissements au Code criminel à cet égard.
Le sénateur Lavoie-Roux a tenté de le clarifier en proposant d'ajouter un nouvel article 45.3 au Code criminel. À mon avis, ce nouvel article, tel que libellé, rendra en fait plus difficile aux patients d'obtenir des soins palliatifs et un traitement de contrôle de la douleur appropriés. L'article 45.3 fournira un moyen de défense en cas de poursuite à un soignant qui administre à une personne un médicament pour soulager ses souffrances ou autres symptômes physiques graves si la personne a donné son consentement librement et en connaissance de cause, si le soignant administre le médicament avec l'intention primaire de soulager les souffrances, et si le soignant agit conformément aux normes et aux lignes directrices prévues au nouvel article 45.5.
J'ai été étonnée de constater que le projet de loi S-29 ne parle pas du tout de traitement de contrôle de la douleur qui risque d'abréger la vie, ce qui constitue le véritable problème auquel nous faisons face et qui exige des éclaircissements. J'exhorte le comité à étudier si, en excluant une allusion directe à ce traitement, la loi n'est pas inutilement ambiguë.
Honorables sénateurs, nous devons établir un équilibre quand nous prévoyons des mesures de protection pour les patients: trop peu, et nous n'avons pas fait notre travail pour veiller à ce que les patients reçoivent des soins palliatifs adéquats; trop, et nous mettons également en péril les soins palliatifs adéquats. Si nous rendons le processus trop lourd ou trop ambigu, nous n'aurons rien accompli. Les médecins continueront d'hésiter à administrer un traitement de contrôle de la douleur qui risque d'abréger la vie du patient par crainte de poursuites. La mesure à l'étude a sûrement pour objectif d'éviter pareille chose.
Le projet de loi S-29 exige un consentement en la présence d'un témoin pour qu'on puisse administrer un traitement de contrôle de la douleur. Je suis, bien sûr, en faveur du droit d'une personne d'être consultée à propos des soins médicaux qui lui sont prodigués. Je me préoccupe cependant des cas où les patients ne sont pas capables d'exprimer leurs désirs.
Le docteur James Gordon, un neurologue qui a comparu devant le comité spécial, a parlé de cas de «syndrome de l'enfermement», où les patients peuvent comprendre mais sont incapables de communiquer, si ce n'est par mouvement oculaire, et de cas où les patients ne peuvent parler aucune langue connue dans un pays ou ont perdu l'usage de la parole. J'espère que le comité invitera des médecins pour nous dire si, selon eux, la mise en oeuvre de cet article serait trop coûteuse.
Le projet de loi S-29 parle de consentement donné «librement et en connaissance de cause», mais il ne donne aucune définition. Les tribunaux n'ont pas défini ce qu'est un consentement donné «librement et en connaissance de cause», bien qu'ils aient défini le mot «compétent». Je crois toutefois que cet article doit utiliser le langage approprié pour que le projet de loi puisse être efficace.
Le projet d'article 45.4 du Code criminel concerne l'autre moyen d'obtenir le consentement d'un patient qui est incapable de le donner. La difficulté dans ce cas est que le projet de loi ne fait aucunement mention de la famille du patient. Il fait plutôt référence aux tribunaux et aux lois des provinces qui, lorsqu'elles existent, diffèrent beaucoup les unes des autres.
Enfin, honorables sénateurs, le projet de loi fait référence aux lignes directrices à établir relativement à l'abstention ou à l'interruption d'un traitement de survie ou au soulagement de la souffrance, pour être à l'abri de la responsabilité pénale. Les lignes directrices sont une bonne chose. En fait, le comité spécial les a lui-même recommandées.
Je précise rapidement qu'aux termes de l'article 45.5 proposé dans le projet de loi S-29, le ministre de la Santé doit établir des règlements pour identifier dans quelles circonstances un acte chirurgical ou médical constitue un traitement de survie et pour déterminer qu'un acte chirurgical ou médical comporte abstention ou interruption d'un traitement de survie. À l'heure actuelle, ces décisions sont prises par les médecins.
Comment le ministre de la Santé va-t-il établir ces règlements en consultation avec les provinces? A-t-il compétence pour le faire?
Le ministre établira également des règlements pour fixer des limites raisonnables en matière de dosage et pour déterminer les circonstances dans lesquelles il est acceptable d'excéder les limites en matière de dosage.
(1810)
Honorables sénateurs, comment le ministre de la Santé peut-il imposer des doses maximales? Les médecins eux-mêmes ne sont pas en mesure de le faire. En fait, la quantité d'analgésiques qu'une personne peut prendre dépend de toute une gamme de facteurs et, selon les témoignages entendus par le comité spécial, elle semble être différente pour chacun. Toutefois, il importe de préciser que le ministre de la santé peut adopter des règles différentes dans chaque province, ce qui soulève un important débat d'ordre constitutionnel. Une défense en vertu du Code criminel ne devrait pas être illusoire.
J'aimerais vous rappeler la décision rendue dans la cause Morgentaler. L'une des raisons pour lesquelles la loi sur l'avortement a été renversée est que la défense en vertu du Code criminel n'a pas été appliquée de façon uniforme d'un bout à l'autre du pays. Dans ce cas, la procédure était différente dans chacun des comités des hôpitaux. En permettant à chaque province d'adopter des règlements différents, on permet également l'adoption d'un droit criminel fédéral qui s'applique de façon différente selon les provinces.
Honorables sénateurs, j'aimerais que ce soit bien clair. J'appuie de tout coeur le principe sur lequel ce projet de loi est basé. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer l'importance des détails.
L'honorable sénateur Lavoie-Roux a souligné qu'elle était prête à considérer les propositions de modifications et c'est pourquoi je ne me suis pas gênée pour proposer les changements qui doivent, à mon avis, absolument être apportés à cette mesure législative.
Honorables sénateurs, ce projet de loi vise à modifier le Code criminel. Dans ses remarques de clôture la semaine dernière, madame le sénateur DeWare a souligné qu'elle aimerait que cette question soit soumise au comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Honorables sénateurs, je regrette de dire que puisque ce projet de loi doit modifier le Code criminel, je ne suis pas du tout disposée à appuyer la recommandation visant à soumettre la question au comité des affaires sociales. Le projet de loi devrait plutôt être soumis au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles après la deuxième lecture. J'espère d'ailleurs qu'il lui sera soumis dans les plus brefs délais et que le comité en fera une étude très complète.
(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur les perquisitions et les saisies internationales
Deuxième lecture
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Beaudoin, appuyée par l'honorable sénateur Bolduc, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-24, Loi instituant l'autorisation judiciaire préalable aux demandes de perquisitions ou de saisies à l'extérieur du Canada devant être présentées à une organisation ou autorité étrangère ou internationale.-(L'honorable sénateur Carstairs).
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le projet de loi parrainé par le sénateur Beaudoin, qui institue l'autorisation judiciaire préalable aux demandes de perquisitions ou de saisies à l'extérieur du Canada, est une mesure législative fort intéressante.
Le sénateur Grafstein a dit qu'il avait de sérieuses réserves à l'égard du projet de loi S-24. Il a dit que, selon lui, le projet de loi n'atteindra pas les objectifs que le sénateur Beaudoin lui avait fixés. Nous, de ce côté-ci de la Chambre, sommes plutôt d'avis que le projet de loi devrait être renvoyé au comité, qu'il devrait faire l'objet de l'étude que le sénateur Grafstein a réclamée dans son intervention et que nous devrions entendre de la bouche même de l'auteur du projet de loi, le sénateur Beaudoin, les raisons pour lesquelles, selon lui, les arguments du sénateur Grafstein ne sont pas valables et pourquoi il est persuadé que ce projet de loi va atteindre les objectifs qu'il lui a fixés.
Honorables sénateurs, il n'y a pas d'autres sénateurs de ce côté-ci qui veulent intervenir. Si le sénateur Beaudoin veut clore le débat, nous aimerions bien qu'il le fasse aujourd'hui afin que nous puissions renvoyer ce projet de loi au comité.
[Français]
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, j'ai eu l'occasion, dans mon discours sur la substance du projet de loi S-24, d'exposer les raisons pour lesquelles il serait avantageux d'adopter ce projet de loi.
Ce projet de loi est basé sur la dissidence de deux juges de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Schreiber. Si une demande de perquisition ou de saisie est faite à l'intérieur du Canada, par une autorité canadienne, il faut un mandat. Je crois que le même principe devrait s'appliquer dans les mêmes circonstances si la perquisition ou la saisie est faite à l'extérieur du Canada.
En d'autres termes, le but de ce projet de loi est d'instituer une autorisation judiciaire préalable aux demandes de perquisition ou de saisie à l'extérieur du Canada devant être présentées à une organisation ou autorité étrangère ou internationale par le procureur général du Canada ou d'une province.
[Traduction]
Comme le prévoit l'article 3 du projet de loi S-24, avant de présenter une demande de perquisition ou de saisie à l'extérieur du Canada à une organisation ou autorité étrangère ou internationale aux fins d'une enquête relative à une infraction, l'autorité compétente doit présenter une requête à un juge ou un juge de paix pour que soit rendue une ordonnance autorisant la demande. On entend par «autorité compétente» le procureur général du Canada, le procureur général d'une province ou toute personne ou autorité chargée au Canada des enquêtes relatives aux infractions et à leur poursuite.
Voilà tout ce que j'avais à dire au sujet du projet de loi S-24.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?(Sur la motion du sénateur Beaudoin, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)
[Français]
L'industrie de la construction navale
défaut de soutien de la part du gouvernement-Interpellation
L'odre du jour appelle:Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Forrestall, attirant l'attention du Sénat sur le fait que le gouvernement fédéral n'a pas de politique nationale de soutien de la construction navale dont le but serait de protéger et de faire avancer l'expertise et les technologies qui ont fait la réputation des Canadiens et qui sont compromises en ce moment.-(L'honorable sénateur Bolduc).
L'honorable Fernand Roberge: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour appuyer mon collègue, le sénateur Forrestall, qui a interpellé les membres de cette Chambre sur le fait que le gouvernement fédéral n'a pas de politique nationale de soutien pour la construction navale dont le but serait de protéger et de faire avancer l'expertise et les technologies qui ont fait la réputation mondiale des Canadiens dans ce domaine et qui sont compromises en ce moment.
Cette affirmation n'est pas exagérée. Au contraire, depuis quelques années, l'industrie de la construction navale au Canada traverse une crise sans précédent. En 1990, elle employait 12 000 personnes dans les divers chantiers du pays et plus de 12 000 autres dans des entreprises de sous-traitance, pour un grand total de 24 000 travailleurs. En 1996, soit six ans plus tard, cette industrie n'employait plus que 5 400 personnes.
Contrairement à ce que plusieurs prétendent, il ne s'agit pas d'une industrie qui se concentre uniquement dans les provinces des Maritimes. On retrouve aussi des chantiers de construction navale au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique. Il s'agit donc d'une industrie importante puisqu'elle est implantée dans sept provinces de notre pays.
Au Québec seulement, au milieu des années 80, il y avait quatre chantiers maritimes en activité, soit ceux de Longueuil, Sorel, Lévis et Les Méchins, dans le Bas-Saint-Laurent. Après que l'industrie eut décidé d'entreprendre elle-même une rationalisation de ses activités pour assurer sa survie à long terme, les installations de Longueuil et de Sorel furent fermées. Malgré tout, la situation, loin de s'améliorer, s'est aggravée au cours des dernières années.
Pour le chantier du Groupe maritime Verreault, situé dans le village Les Méchins, dans le Bas-Saint-Laurent et dirigé par la très dynamique Denise Verreault, la situation est très pénible.
Bien que, depuis 1989, cette femme d'affaires ait réussi à créer plus de 500 emplois dans une région frappée durement par le chômage, il est de plus en plus difficile d'obtenir des contrats. Mme Verreault est tellement préoccupée par l'avenir de l'industrie navale au Canada que, depuis quelques années, elle parcourt le Canada d'un océan à l'autre pour convaincre les politiciens et les Canadiens de l'urgence de se doter d'une politique nationale dans ce domaine si on ne veut pas assister à la disparition de cette industrie. Il est à noter qu'une situation identique prévaut dans les chantiers situés au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, en Ontario et en Colombie-Britannique.
D'ailleurs, en 1997, l'Association de la construction navale du Canada, qui regroupe tous les propriétaires de chantiers maritimes du pays, déposait un livre blanc qui demandait au gouvernement d'élaborer rapidement une nouvelle politique pour la construction navale. Les responsables de l'association étaient catégoriques: nos chantiers maritimes ne sont plus concurrentiels face à ceux situés en Europe, aux États-Unis et en Asie, pays qui subventionnent largement la construction navale et où les avantages fiscaux consentis aux constructeurs et aux armateurs sont beaucoup plus alléchants que ceux qui sont offerts au Canada.
En 1996, on comptait 2 589 navires en construction dans le monde et, pourtant, les travailleurs canadiens étaient voués à l'inactivité. Les mesures mises en place par le gouvernement fédéral ne suffisent tout simplement plus à assurer le maintien à moyen terme d'une industrie navale viable et prospère au Canada.
Honorables sénateurs, il n'y a pas que les dirigeants de cette importante industrie qui font pression sur le gouvernement fédéral pour qu'il adopte une politique moderne de construction navale. En août 1997, lors de leur réunion annuelle qui se tenait à St. Andrews au Nouveau-Brunswick, les premiers ministres provinciaux, conscients de l'importance de l'industrie navale pour l'économie canadienne, ont invité le gouvernement fédéral à revoir sa politique en matière de construction navale afin de trouver des moyens appropriés d'aider cette industrie à relever les défis qui se posent à l'échelle internationale. Cette prise de position faisait suite à la publication du livre blanc de l'Association de la construction navale du Canada.
Présentement, les trois syndicats qui regroupent les travailleurs de la construction navale et celui des Travailleurs canadiens de l'automobile organisent une campagne nationale pour faire pression sur le gouvernement fédéral, notamment sur le ministre de l'Industrie, afin de le convaincre d'adopter une politique globale en matière de construction navale.
Le 3 mai dernier, les membres de mon parti à l'autre Chambre ont déposé une motion semblable à celle de mon collègue demandant au gouvernement d'élaborer une nouvelle politique nationale visant à favoriser la relance de l'industrie canadienne de la construction navale. Le texte de cette motion reprenait mot pour mot une motion adoptée par les militants du Parti libéral du Canada en 1993, lors d'un congrès qui visait à établir leur plate-forme électorale pour les élections générales qui se tenaient la même année.
En 1998, ces mêmes militants ont décidé, lors de leur congrès bisannuel, que cette motion deviendrait partie intégrante de la politique du gouvernement. Il va sans dire que l'aile libérale des Maritimes a aussi étudié longuement cette question et qu'elle a eu plusieurs contacts avec les représentants des chantiers maritimes situés dans les provinces de l'Atlantique.
Suite au débat sur cette motion, les quatre partis de l'opposition à l'autre endroit ont décidé de faire front commun pour forcer le gouvernement à adopter le projet de loi d'intérêt privé C-493 du député bloquiste de Lévis, Antoine Dubé. Ce dernier propose notamment des exemptions fiscales pour les navires construits au Canada et des crédits d'impôt remboursables pour la conversion et la réparation des navires. Ce projet de loi est en accord avec les demandes de l'Association de la construction navale du Canada et la position défendue par notre parti à ce sujet.
Comme on peut le constater, honorables sénateurs, il est clair qu'il se dégage un consensus tant chez les gens de l'industrie navale, les premiers ministres provinciaux, les syndicats, les députés de l'opposition ainsi que chez les militants libéraux pour dire que cette industrie traverse une crise importante et qu'elle ne peut plus concurrencer ses compétiteurs étrangers malgré l'excellente réputation mondiale dont nous disposons dans la construction de navires à la fine pointe de la technologie. Tous souhaitent maintenant que le gouvernement fédéral adopte une véritable politique de construction navale.
Le ministre de l'Industrie ne semble pas disposé à répondre à cette demande. Cela n'est pas nouveau, car l'attitude du ministre dans ce dossier tend à se rapprocher de celle qui dit que cette industrie anachronique est condamnée à disparaître au Canada et qu'il est donc inutile de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour la sauver. Alors que, dans un rapport publié fin 1993, début 1994, un groupe de consultants remettait en question la capacité de survie de la MIL-Davie dans un marché mondial très concurrentiel, le ministre déclarait le 7 décembre 1994 au journal The Ottawa Citizen, et je cite:
Je ne crois pas cela pertinent avec ce que je fais [...]. Cela ne cadre pas avec mes idées.
Cela en dit long sur son opinion envers cette industrie...
Lors du débat du 3 mai dernier dans l'autre Chambre, le ministre ne semblait pas être très optimiste quant à l'avenir des chantiers maritimes au pays. Il a affirmé que le Canada avait une politique de construction navale complète en énumérant les divers programmes et mesures qui s'adressent uniquement à cette industrie. Il a aussi vanté le fonds d'aide de 198 millions de dollars que le gouvernement progressiste-conservateur avait mis à la disposition de l'industrie de la construction navale entre 1986 et 1993, quand cette dernière avait décidé de rationaliser ses activités. Selon lui, ces mesures sont suffisantes pour assurer la compétitivité de l'industrie.
Toujours selon le ministre, le fait d'accorder un allégement fiscal et des prêts garantis aux constructeurs et aux propriétaires de navires n'améliorerait pas nécessairement la compétitivité dans cette industrie car il faut tenir compte d'autres facteurs, comme le coût de la main-d'oeuvre. Pourtant, comme le faisait remarquer la présidente du Groupe maritime Verreault dans une entrevue à la revue L'actualité en janvier 1996, elle affirmait, et je cite:
Il semble donc clair que le problème de l'industrie navale découle non seulement d'une politique fragmentaire qui est mal adaptée aux nouvelles réalités mondiales, mais aussi d'un ministre qui tente de réduire l'importance de cette industrie dans l'économie canadienne. Il est plutôt rare de voir une personnalité politique qui semble être en mesure de pouvoir se payer le luxe de sacrifier des milliers d'emplois bien rémunérés et ainsi faire perdre à notre économie plus de 625 millions de dollars par année. Il est important de rappeler au ministre et aux membres de cette Chambre que l'industrie navale au Canada, qui englobe celle de la construction, emploie plus de 40 000 personnes et génère des revenus de plus de 2 milliards de dollars par année.[...] qu'un soudeur coréen gagne 60 000 $ américains par année et que les succès de la construction navale au Danemark, en Corée et au Japon sont fondés sur des politiques fiscales intelligentes, pas sur de bas salaires.
C'est pourquoi, honorables sénateurs, il est important d'agir maintenant. Les mesures proposées par le sénateur Forrestall se basent aussi sur les demandes de l'Association de la construction navale du Canada. En résumé, ces mesures visent à exclure les nouveaux navires construits dans les chantiers maritimes canadiens des règlements en matière de crédit-bail de Revenu Canada, à créer un programme de financement pour l'industrie de la construction navale semblable au programme «Title Eleven» en vigueur aux États-Unis, à mettre sur pied un crédit d'impôt remboursable pour les constructeurs et les armateurs de navires et, enfin, à modifier l'ALENA ou à conclure une entente bilatérale avec les États-Unis pour mettre fin aux dispositions de la loi Jones qui défavorisent nettement les constructeurs canadiens par rapport à leurs vis-à-vis américains.
En terminant, à ceux qui vont répliquer que toutes ces mesures coûteraient trop cher, je répondrai que les revenus en taxes, en impôts et en déductions de toutes sortes générés par ce secteur d'activité vont sûrement disparaître car, à moyen terme, plus rien ne sera construit par nos chantiers maritimes. Je le rappelle une dernière fois. Ces mesures ont fait l'objet d'un large consensus dans notre pays. Elles méritent donc d'être étudiées attentivement.
[Traduction]
(1830)
L'honorable P. Derek Lewis (Président suppléant): Si personne d'autre ne souhaite intervenir, le débat sera considéré comme terminé.
La Loi de l'impôt sur le revenu
La majoration du plafond de la proportion de biens étrangers des régimes de revenu différé-Adoption de la motion d'amendement
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion, telle que modifiée, de l'honorable sénateur Meighen, appuyée par l'honorable sénateur Kirby,
Que le Sénat presse le gouvernement de proposer une modification à la Loi de l'impôt sur le revenu, tendant à porter à 30 p. 100, par augmentations de 2 p. 100 par année sur cinq ans, le plafond de la proportion de biens étrangers des régimes de revenu différé (régimes de pension, régimes enregistrés d'épargne retraite, régimes de pension agréés) comme cela a été fait entre 1990 et 1995, alors que le plafond de biens étrangers des régimes de revenu différé a été porté de 10 p. 100 à 20 p. 100:
a) parce que les Canadiens devraient avoir la possibilité de tirer avantage de meilleurs rendements sur leurs investissements dans d'autres marchés, ce qui aurait pour effet d'augmenter la valeur des avoirs financiers qu'ils détiennent en prévision de la retraite, de réduire le montant de supplément du revenu de sources gouvernementales dont les Canadiens pourraient avoir besoin et d'augmenter les recettes fiscales que le gouvernement tire des revenus de retraite;
b) parce que les Canadiens devraient avoir plus de flexibilité au moment d'investir les épargnes qu'ils accumulent en prévision de leur retraite tout en réduisant les risques que comportent ces placements grâce à la diversification;
c) parce qu'une amélioration de l'accès aux marchés boursiers mondiaux permettrait aux Canadiens de participer tant aux économies qu'aux secteurs industriels à plus forte croissance;
d) parce que le plafond actuel de 20 p. 100 est devenu artificiel depuis que les particuliers et les régimes de pension disposant de grandes ressources peuvent le contourner en ayant recours, par exemple, à des décisions stratégiques en matière d'investissement et à des produits dérivés;
L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs...e) parce que les problèmes de liquidité des gestionnaires de fonds de pension, qui constatent maintenant qu'ils doivent acquérir une participation significative dans une seule société pour satisfaire à l'obligation de détenir 80 p. 100 de biens canadiens, se trouveraient atténués.-(L'honorable sénateur Lynch-Staunton).
Son Honneur le Président: Je dois informer le Sénat que, si l'honorable sénateur prend la parole maintenant, son discours aura pour effet de clore le débat sur cette motion.
Le sénateur Meighen: Honorables sénateurs, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui pour clore le débat sur la motion que j'ai proposée et que le sénateur Kirby a appuyée.
Cette motion exhorte le gouvernement à augmenter de 2 p. 100 par année, sur une période de cinq ans, la proportion des biens étrangers des régimes de pension, des régimes enregistrés d'épargne retraite et des régimes de pension agréés, pour la porter de 20 à 30 p. 100.
Puisque les sénateurs débattent cette motion depuis décembre 1997, j'ai bien peu d'observations à ajouter aujourd'hui. Je vais donc limiter mon intervention à quelques minutes.
Je suis heureux de constater que cette motion, qui correspond aux conclusions récentes du comité des finances de la Chambre et du comité sénatorial sur les banques, recevra un appui impartial.
[Français]
Les membres de cette Chambre ne sont pas sans savoir que huit millions de Canadiens, dont plus de la moitié ont un revenu annuel inférieur à 40 000 $, dépendent de ces plans comme outil principal de préparation à la retraite. En appuyant cette motion, nous affirmons que le plafond des investissements étrangers doit être haussé afin de permettre aux Canadiens de diversifier leurs avoirs pour maximiser leurs investissements, en vue d'une planification financière sûre de leur retraite.
Honorables sénateurs, ceci ne veut pas dire que les marchés étrangers sont supérieurs aux marchés canadiens. Nous disons plutôt que nous favorisons le choix, que nous acceptons le fait que ces marchés fluctuent et qu'alors que certains marchés se portent bien, d'autres sont plutôt faibles.
Tout effort visant à l'amélioration de la valeur nette de ces plans de retraite constitue une bonne politique d'intérêt public, d'autant plus qu'avec chaque nouveau budget et suite aux pressions exercées par le gouvernement pour réduire les dépenses et les futures obligations fiscales, les Canadiens sont appelés à assumer une responsabilité accrue pour la préparation de leur retraite. Ces pressions découlent des changements démographiques et économiques anticipés ainsi que de l'ampleur de la dette nationale.
[Traduction]
Par conséquent, le fait de confier la responsabilité des économies de retraite aux individus tout en restreignant leur taux de rendement est contraire au bon sens et, en fait, à l'intérêt général. Je ne porte aucun blâme cependant, puisque le plafond s'appliquant aux biens étrangers date des années 1950, époque qui était fort différente du contexte actuel. De plus, je rappelle aux honorables sénateurs que le plafond a déjà été porté de 10 à 20 p. 100 entre 1990 et 1995.
On ne peut ouvrir un journal financier ces jours-ci sans tomber sur un rapport ou un commentaire en faveur de la hausse du plafond de 20 p. 100. La raison est que la mondialisation des marchés invite les Canadiens à la prudence en diversifiant et en créant la richesse au moyen de plus grandes possibilités d'investissement. Le problème qui se pose aujourd'hui est simple - le plafond actuel de 20 p. 100 des biens étrangers est inférieur au niveau naturel des avoirs étrangers, qui est de 30 p. 100. En d'autres termes, l'expérience d'autres pays a montré qu'en l'absence d'un plafond, le niveau des avoirs étrangers tend à se situer à environ 30 p. 100.
Les honorables sénateurs se rappelleront que le ministre des Finances, M. Martin, a déclaré qu'il ne fallait pas se demander si le plafond serait haussé, mais bien quand il le serait. Le sénateur Kirby a déclaré récemment que le changement proposé visant la règle du contenu étranger, pour le faire passer de 20 à 30 p. 100 correspondait clairement à une politique dont l'heure était venue.
On s'accorde aujourd'hui au Canada à accroître la proportion de biens étrangers des régimes de revenu différé. Si les deux partis approuvent la motion d'aujourd'hui, cela voudra dire que les sénateurs se rangent clairement du côté des Canadiens à revenu moyen. Je demande à tous les honorables sénateurs d'appuyer cette motion qui demande de porter de 20 à 30 p. 100, sur cinq ans, le plafond de la proportion de biens étrangers des régimes de revenu différé.
Son Honneur le Président suppléant: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Avec dissidence.
(La motion modifiée est adoptée avec dissidence.)
La défense nationale
Le débat sur le déploiement de troupes à l'extérieur du Canada-Interpellation
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Forrestall, attirant l'attention du Sénat sur le débat public concernant l'envoi de militaires canadiens au Kosovo.-(L'honorable sénateur Carstairs).
L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs...
Son Honneur le Président suppléant: Je dois informer le Sénat que si l'honorable sénateur Forrestall prend la parole maintenant, son intervention aura pour effet de mettre fin au débat sur cette interpellation.
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne veux pas empêcher le sénateur d'intervenir. Cependant, il aimerait peut-être continuer le débat, et je ne tiens pas à ce que cette question soit rayée du Feuilleton. Je n'avais pas remarqué que cela faisait quinze jours que ce point était inscrit à l'ordre du jour. Si le sénateur Forrestall souhaite clore le débat aujourd'hui, je suis bien sûr prête à l'entendre. Toutefois, s'il souhaite que ce débat se poursuive, la contribution que je viens de faire permettrait la poursuite de l'interpellation.
Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, je sais gré au leader adjoint du gouvernement pour sa généreuse proposition. Cette interpellation est inscrite à l'ordre du jour depuis un certain temps, et vu le manque d'intérêt apparent, en particulier de la part des sénateurs de l'autre côté, j'ai pensé aujourd'hui, après y avoir réfléchi, que, peut-être je devrais mettre fin au débat à ce sujet. Quand le Sénat reprendra ses travaux à l'automne, peut-être pour une nouvelle session du Parlement, et quand nous saurons ce que nous faisons au Kosovo, je la présenterai de nouveau.
Je suis tout à fait disposé à clore le débat, à moins qu'un autre sénateur ne veuille y participer.
Honorables sénateurs, comme je viens de le dire, c'est probablement la dernière fois ce printemps-ci que nous prenons la parole dans le cadre de l'interpellation sur le Kosovo. C'est honteux que nous n'ayons pas eu une plus grande participation des sénateurs d'en face. Il n'y a eu que l'intervention du sénateur Grafstein. En fait, je ne suis pas surpris de la faible participation à ce débat. Ce doit être difficile de prendre la parole sur une campagne de bombardement à laquelle on ne croit pas, surtout dans le cas des sénateurs d'en face qui se sont joints au Parti libéral du Canada sous la direction du très honorable Lester Pearson, qui croyait au maintien de la paix, au droit international et aux Nations Unies.
Peu de sénateurs et peu de Canadiens, en dehors de cette enceinte, s'il y en a, doutent de la nécessité d'arrêter Slobodan Milosevic. Il est grandement temps qu'il soit traduit devant la Cour internationale de La Haye.
On se creuse la cervelle depuis longtemps pour trouver comment s'y prendre. L'OTAN a décidé de bombarder la Yougoslavie pour mettre un terme à la tragédie du Kosovo. L'avenir nous dira si c'était la bonne décision. Je prie pour que ce soit le cas, comme bien d'autres.
(1840)
Le choix de l'OTAN de ne pas demander la bénédiction du Conseil de sécurité des Nations Unies et son appui à la résolution jettera toujours une ombre à la guerre douce de Clinton, Albright ou Axworthy. En vertu du droit international classique, l'OTAN a violé la charte des Nations Unies et est entré en guerre contre un État souverain pour la manière dont son gouvernement traitait son propre peuple. Je ne suis pas un expert dans le domaine, mais j'ai toujours cru que les moyens ne justifient jamais la fin. D'ailleurs, la fin ne justifie jamais les moyens non plus.
De nos jours, il y a des grands juristes qui s'écarteraient de la convention et diraient qu'on a eu raison de faire ces interventions, que le droit humanitaire international le permettait. La convention sur le génocide demande aux signataires d'intervenir. Ainsi, ils ont raison, mais ils oublient que le Conseil de sécurité demeure l'organisme d'autorisation de toute intervention militaire. Si l'OTAN est attaquée, elle a le droit de se défendre, mais elle ne l'a pas été, et cela jette une ombre au tableau - une ombre bien sombre sur l'OTAN, dont les principes moraux étaient stricts jusque-là.
Laissant le domaine du droit international pour en revenir à la stratégie terrestre, je dois me poser la question suivante: qu'est-ce que l'OTAN a accompli? Peut-être que les frappes aériennes suffisent à gagner la guerre, peut-être que non. Nous avons mis le holà au nettoyage ethnique maintenant qu'il y a près d'un million de Kosovars dans les camps de réfugiés à l'extérieur du pays et que quelque 800 000 vivent dans les collines dans des conditions effroyables. Les frappes aériennes n'ont pas suffi à éviter cette tragédie.
Peut-être verrons-nous la fin de Milosevic et de ses sbires, peut-être que non. Il a survécu jusqu'à maintenant et seul le temps nous dira s'il verra un jour les murs d'une cellule de prison. Si oui, qui le suivra, et comment met-on fin à des siècles de haine et de combats sanglants? Je ne sais pas.
Est-ce que les Yougoslaves vont respecter l'entente qu'ils ont conclue? Est-ce que l'UCK va déposer les armes, rentrer au Kosovo et attendre patiemment l'indépendance? Est-ce que les réfugiés, dont seule la confiance en Dieu n'a pas été ébranlée, vont vouloir retourner chez eux?
Qui va reconstruire leur pays? Qui va reconstruire la Yougoslavie? Ceux d'entre vous qui y sont allés connaissent l'étendue des dégâts et ont vu les ruines. Avons-nous affaibli la Yougoslavie à un point tel que plusieurs autres dominos sont sur le point de tomber? Où en sont les relations de l'Ouest avec la Chine et la Russie?
Je suis sûr que le jeune prodige de la puissance souple de la sécurité humaine essaie de trouver une sorte de réconfort dans tout cela et sa mémoire sélective qui oublie son passé avant la fin de la guerre du Golfe réussira peut-être à le sortir d'affaire encore une fois.
Honorables sénateurs, j'espère que les Canadiens n'oublieront pas. On a dit que le seul pays dont la démocratie a été remise en question à propos du Kosovo était le nôtre, le Canada. Nous avons vu le gouvernement recourir à des débats thématiques sur le maintien de la paix pour justifier ensuite une campagne aérienne par étapes. Il ne s'agissait pas d'un exercice humanitaire. Il n'y avait pas de sacs de blé marqués d'une feuille d'érable attachés aux armes intelligentes du Canada.
Nous avons vu des ministres se cacher au comité derrière des collaborateurs de faible niveau ou ne pas se montrer du tout. Nous avons vu un premier ministre parler à la presse, mais pas au Parlement, sur la conduite de la guerre. En fait, nous avons vu des comités de parlementaires élus et de sénateurs quémander littéralement des séances d'information sur la guerre.
Personne ne conteste le droit légitime de l'État de faire la paix ou la guerre, mais la démocratie parlementaire est fondée sur le principe de la consultation et sur la capacité de l'opposition d'interroger le gouvernement et d'obtenir des réponses convenables.
Je tiens à remercier le leader du gouvernement d'avoir répondu lorsqu'il le pouvait et de l'avoir fait beaucoup mieux que ses collègues à l'autre endroit - le ministre de la puissance souple et de la guerre et son collègue, le ministre de la Défense nationale.
Honorables sénateurs, notre démocratie est menacée. Tout observateur étranger doit se demander ce que font nos comités maintenant que le gouvernement a tellement émasculé le travail des comités que je m'interroge sur son avenir même.
Le gouvernement voudra peut-être revenir sur la guerre du Golfe et sur la façon, par exemple, dont mon parti a consulté les parlementaires. À l'instar de nombre d'entre vous, j'en suis sûr, je me rappelle que le premier ministre Brian Mulroney avait fait de madame le chef du Nouveau Parti démocratique un conseiller privé, en 1991, afin qu'elle soit bien informée sur la guerre. Je me rappelle aussi que les ministres tenaient des séances d'information pour les comités deux ou trois fois par semaine. Enfin, je me rappelle que nous avions obtenu de nos alliés un mandat de l'ONU pour déclencher la guerre avec l'Iraq au lieu d'attendre de le faire après des mois de bombardement. Les personnes mêmes qui se sont tellement lamentées en 1990 et 1991 ont passé leur temps, en 1999, à justifier leur opinion de la loi, du monde et de la guerre et à se cacher du Parlement.
Je voudrais maintenant parler des Forces canadiennes. Je tiens à remercier les militaires des Forces canadiennes de leur bravoure et de leur dévouement.
Le gouvernement a, dans une grande mesure, manifesté un mépris total envers les Forces canadiennes. Il n'a peut-être pas planifié délibérément des coupes énormes qui entraîneraient des décès, mais les conséquences ont certes été les mêmes.
Voilà le gouvernement qui, en grande pompe, a présenté le plan en vue de déployer une force d'intervention rapide des Nations Unies, mais qui n'a pas tenu compte de ses propres ressources. Il faut environ deux mois pour déployer 800 soldats, quelques hélicoptères et quelques véhicules en Europe, entre le moment où l'ordre a été donné et où les forces sont opérationnelles.
La seule ressource dont nous disposons pour intervenir rapidement est notre marine, et elle est coincée dans la région, avec un seul hélicoptère Sea King, qui ne prend pas les airs parce que les pilotes hésitent un peu, ce qui est compréhensible, à s'en servir pour de longues missions.
La force aérienne aussi manque de ressources de ravitaillement en vol pour envoyer ses CF-18 à l'étranger, de sorte que ces derniers doivent faire la queue derrière un avion-citerne étranger et faire plusieurs escales au Canada ou ailleurs pour se rendre à destination.
Lorsqu'on interroge le gouvernement au sujet du manque de capacités, il dit que nos alliés vont prendre la relève et faire toutes ces choses pour nous; cependant, les Canadiens ont découvert qu'en temps de guerre, nos alliés s'occupent d'abord d'eux-mêmes et de leurs biens et, s'il reste du temps ou des biens, ils en font profiter les autres.
L'armée avait le Régiment aéroporté du Canada, mais au lieu d'imposer une discipline et de faire preuve de leadership, le gouvernement a dissout la seule unité d'intervention rapide de l'armée, à l'exception de la deuxième Force opérationnelle interarmées, qui ne quitte jamais le pays, si l'on en croit le ministre, alors qu'il y a deux semaines, le National Post du samedi affirmait le contraire.
Il n'est pas surprenant que le ministre de la Défense nationale ne sache pas ce qui se passe au sein de son ministère. Il ne sait pas ce qui se passe outre-mer chez ses principaux alliés à qui il est censé parler régulièrement.
William Cohen, secrétaire à la Défense, se rend à une réunion en Europe, pour discuter avec ses collègues du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de la France et de l'Italie de l'invasion terrestre au Kosovo. Il ne parle pas à son voisin et allié le plus proche, M. Eggleton, et il ne l'invite pas à ces discussions. Dans la mesure où nous serons intégrés aux forces britanniques, nous aurons une capacité de reconnaissance et, à ce titre, nous irons à l'avant de ceux qui seront sur la ligne de front.
Le jour où la question a été posée en cette enceinte, le leader du gouvernement au Sénat a déclaré que le Canada considérait comme «inacceptable» son exclusion de ces réunions où il est question d'invasion au sol et de recours aux soldats Canadiens, entre autres, pour envahir le Kosovo.
(1850)
Le lendemain, le ministre responsable dit qu'il ne sait pas qui assistait à la réunion, ni ce qu'on y a discuté, ni quelles seraient les répercussions sur les troupes canadiennes. Le surlendemain, il a une meilleure version. Il s'agissait d'une réunion bilatérale peu importante de l'UE. Honorables sénateurs, j'ai une affirmation singulière à vous faire: les secrétaires à la Défense se déplacent en avion quotidiennement pour des réunions portant sur l'invasion terrestre de pays européens; c'est chose courante. Je signale à quiconque reprendrait ces propos que le terme «bilatéral» s'applique généralement à ce qui se passe entre deux États, et non entre cinq, six ou sept. Mais qui se donne la peine de compter et qui prête attention aux faits, de toute façon?
Comme le ministre de la Défense nationale semble incapable de compter ou de connaître les faits exacts, la plupart du temps, il est temps d'exprimer quelques préoccupations avant le déploiement et la participation de nos forces terrestres aux opérations.
Honorables sénateurs, que le gouvernement augmente ou non nos forces terrestres, nos unités de reconnaissance seront les premières à pénétrer au Kosovo, comme je l'ai dit. La zone frontalière sera probablement piégée ou minée. Le ministre ou les autres responsables devraient se méfier.
Les règles d'engagement doivent être limpides, et il est important que le Sénat et le Parlement les comprennent bien. Nous devons connaître clairement la position du gouvernement et celle des États-Unis et des autres pays au sujet du désarmement de l'UCK. Cette position n'est pas claire. Ces deux derniers jours, elle s'est beaucoup embrouillée.
D'après le livre blanc, le Canada est censé pouvoir déployer trois groupements tactiques de 1 300 personnes ou un groupe-brigade, pour un total d'environ 4 000 soldats - le premier groupement tactique en trois semaines, la brigade en 90 jours. Jusqu'à maintenant, nous avons échoué d'un côté comme de l'autre. Pour l'instant, nous avons du mal à déployer un groupement tactique en Bosnie, et un groupe qui ne représente même pas un bataillon au Kosovo, pour un total de 2 100 soldats, et il nous faut près de deux mois pour y arriver.
Le gouvernement pourra probablement trouver d'autres soldats, mais ils n'auront pas reçu la formation pour la mission, ils n'auront probablement pas été entraînés ensemble, il n'auront certainement pas été entraînés avec l'équipement, ou bien ils auront du vieux matériel qui n'est pas à la hauteur. Le ministre fait mieux de se préparer à répondre à des questions.
Si, comme le Globe and Mail le laisse entendre, le gouvernement déploie des chars de combat principaux Leopard 1, il aura à répondre de sa décision, car ces véhicules n'ont ni le blindage ni la puissance de feu nécessaires.
Nos militaires auront des problèmes avec les Serbes, les Kosovars, l'UCK et les paramilitaires serbes, et le gouvernement fera mieux d'avoir des réponses à donner.
Et finalement, dernier point mais non le moindre, cette crise aura servi à prouver à tous, y compris à M. Eggleton et à son collègue, le ministre de la puissance douce, que les crises peuvent survenir du jour au lendemain. Lorsqu'elles éclatent, les pays ont besoin de forces armées professionnelles, bien équipées et prêtes à se battre pour remporter la victoire ou faire régner la paix. Les missions organisées aux termes du chapitre 7 sont devenues courantes, et le maintien de la paix à la Pearson, si j'ai bien compris les témoignages recueillis par le comité des affaires étrangères, est chose du passé.
J'exhorte le gouvernement à mettre en oeuvre le livre blanc de 1994 avant que le premier ministre, qui offre le secours de nos troupes comme un parent offre des bonbons à ses enfants, s'aperçoive que nos ressources se font rares et que l'attitude nonchalante du gouvernement à l'égard de la sécurité militaire du Canada le place, lui et l'ensemble des Canadiens, dans l'embarras et peut-être même en péril.
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je me demande si l'honorable sénateur Forrestall accepterait de répondre à une question.
Le sénateur Forrestall: Certainement.
Le sénateur Kinsella: Ma question porte sur l'expérience qu'a vécue hier l'unité d'intervention rapide. Nos troupes attendaient de prendre l'avion pour se rendre à ville de Thessalonique, lorsqu'on s'est aperçu que l'avion retenu pour les transporter là-bas était coincé à New York et avait besoin de réparations. L'honorable sénateur a-t-il des renseignements concernant notre capacité de transporter nos troupes, les quelques troupes dont nous disposons encore, dans ce genre de conditions?
Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, oui, la situation m'a paru plutôt gênante et malheureuse. Dans un journal que j'ai lu ce matin, quelqu'un écrivait qu'il aurait peut-être été préférable d'envoyer nos troupes par voie maritime en leur faisant faire un détour par la Chine. Je n'ai pas trouvé cela drôle. Malheureusement, il n'a peut-être pas complètement tort. Nous n'avons pas les moyens d'assurer le transport aérien de nos propres troupes.
Lorsque le CAE était fort et maintenait les liens étroits entre le Canada et l'Europe, nous étions en mesure de le faire. Il n'y a pas si longtemps, nous avions une liste de navires qui pouvaient être réquisitionnés, quelle que soit l'activité dans laquelle ils étaient engagés, et amenés à des lieux de décharge pour les débarrasser des cargaisons qu'ils pouvaient avoir à bord et pour ensuite les charger de troupes, d'approvisionnements, de chars d'assaut, d'hélicoptères et de n'importe quoi d'autre dans des délais assez courts et sans la nécessité de prendre de multiples décisions. Nous pouvions déployer les troupes dont j'ai parlé plus tôt dans le nord de l'Europe en 21 jours. Maintenant, nous ne pouvons pas déployer des troupes au Kosovo dans un délai de deux mois. Cela doit être une détérioration. Je ne sais pas comment nous remédierons à ce problème. Nous ne pouvons même pas ravitailler nos aéronefs en vol. Nous dépendons des autres. Le transport par avion est donc impossible.
La réponse, évidemment, est un retour au livre blanc de 1994 pour ramener les Forces canadiennes à un niveau qui leur permettra de respecter les engagements que nous leur avons donnés.
Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, cette question est considérée débattue.
Garde et droit de visite des enfants
La réponse du gouvernement au rapport du comité mixte spécial-Interpellation-Ajournement du débat
L'honorable Landon Pearson, ayant donné avis le 11 mai 1999:Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la réponse du gouvernement au Rapport du comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants intitulé «Pour l'amour des enfants».
- Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole pour poursuivre les observations que j'ai faites le jour où le gouvernement a déposé sa réponse au rapport du comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants. À ce moment-là, je m'étais réjouie de ce que, dans l'ensemble, le gouvernement semblait avoir entendu et écouté le message que nous avions livré dans le rapport intitulé: «Pour l'amour des enfants». Je ne me trompais pas.
Depuis, j'ai discuté avec la ministre de la Justice et d'autres personnes et j'ai généralement acquis la conviction que le gouvernement est effectivement déterminé à aller de l'avant avec sa stratégie et à mettre en application la plupart des réformes que nous avons recommandées, à tout le moins, celles qui relèvent de la compétence fédérale, même si ce n'est peut-être pas exactement comme nous l'avions demandé ni aussi rapidement que nous l'aurions souhaité.
Je ne suis toutefois pas si pressée. Je voudrais que nous prenions tout le temps nécessaire pour bien faire les choses, étant donné que le gouvernement s'est engagé aussi fermement à modifier la Loi sur le divorce comme nous l'avions recommandé et puisque tout le monde qui participe au processus de la séparation familiale le fait déjà en sachant cela.
Permettez-moi d'expliquer brièvement aux honorables sénateurs la stratégie proposée par le gouvernement.
Tout d'abord, le gouvernement a établi quatre grands principes. Le premier reconnaît l'importance du point de vue de l'enfant; le deuxième concerne la nécessité pour les gouvernements de travailler ensemble; le troisième concerne l'approche globale et le quatrième établit le fait qu'il n'y a pas de solution unique convenant à tout le monde.
(1900)
Dans ce contexte, la stratégie du gouvernement comporte six éléments. Le premier élément portera sur les enfants, sur les intérêts supérieurs des enfants, sur les responsabilités parentales relativement aux enfants, sur les plans parentaux et sur le point de vue des enfants.
Le deuxième élément concerne le maintien de relations significatives et porte sur les aspects du maintien de la participation des deux parents, sans présomptions, la nouvelle technologie, l'application, le rapt d'enfants par le père ou la mère - qui nous préoccupait beaucoup - et de la reconnaissance de l'importance des grands-parents.
Le troisième élément de la stratégie sera consacré à la gestion des conflits, à la prise de mesures qui favoriseront des ententes parentales coopératives, au développement d'une meilleure compréhension des conflits sérieux et de leur résolution, aux préoccupations relatives au parentage adéquat et aux fausses accusations de violence - toute la question des conflits sérieux avec laquelle nous sommes si souvent aux prises.
Le quatrième élément sera une plus grande responsabilité financière et consistera à examiner les questions de la responsabilité financière et de sa répartition.
Le cinquième élément est la nécessité de la collaboration et d'un partenariat, non pas seulement entre les divers niveaux de gouvernement, mais entre les personnes et les groupes intéressés.
Le sixième élément est l'établissement d'une meilleure compréhension, qui illustre l'importance de la recherche.
Honorables sénateurs, un comité parlementaire constitue un instrument utile pour présenter les questions d'une manière qui reflète les points de vue du public et l'expérience des citoyens. Toutefois, les comités, du moins ceux auxquels j'ai siégé, ne disposent tout simplement pas des ressources voulues pour faire faire toutes les recherches nécessaires afin de veiller à ce que les réformes soient pleinement mises en oeuvre tel que prévu.
Au cours des audiences, nous avons mis au jour un grand nombre de problèmes, mais nous n'avons tout simplement pas été en mesure de trouver des solutions à tous ces problèmes. Nous n'avons pu non plus veiller à ce que les avocats et les autres professionnels engagés dans le processus de divorce et d'après-divorce, sans oublier les parents et les autres membres des familles, soient tout à fait prêts à se conformer à nos modifications législatives recommandées dans l'esprit dans lequel, nous l'espérons, elles seront conçues.
L'Australie est un bon exemple. Dans ce pays, la loi sur la réforme du droit de la famille, qui est entrée en vigueur le 11 juin 1996 et a des objectifs semblables à ceux que nous avons inclus dans notre rapport, n'a pas encore permis de réduire les litiges ou d'améliorer la quantité et la qualité des contacts entre les enfants et ce que nous appelons encore au Canada le parent qui n'en a pas la garde. Cette situation a été bien décrite dans un rapport très intéressant intitulé: «The Family Law Reform Act: Can Changing Legislation Change Culture, Legal Practice and Community Expectations?»
Le juge en chef de la cour de la famille d'Australie, l'honorable Alasdair Nicholson, qui a présidé un groupe avec moi mercredi dernier lors de la réunion de l'Association of Family and Conciliation Courts tenue à Vancouver, m'a mise en garde en me disant que nous devions prendre notre temps pour faire en sorte que toutes les personnes et tous les systèmes touchés sont bien préparés à travailler dans le même sens.
Cet avertissement a été confirmé par le docteur Janet Walker, chercheur devant faire rapport au gouvernement du Royaume-Uni sur la nouvelle loi britannique sur le divorce, qui a été adoptée en 1996, mais n'est pas encore entrée en vigueur.
Certains États américains éprouvent aussi de la difficulté à améliorer le sort des enfants du divorce par des réformes bien intentionnées et finissent par les repousser, voire à faire marche arrière. C'est le cas avec la présomption de garde partagée et les plans parentaux conjoints.
J'en arrive à la conclusion que nous devons agir avec beaucoup de prudence dans ce secteur complexe et difficile. Je suis convaincue que la majorité des recommandations de notre comité sont judicieuses mais, pour le bien des enfants, nous devrions prendre le temps nécessaire afin de veiller à ce que les provinces et territoires progressent au même rythme que le gouvernement fédéral en ce qui concerne les réformes du droit de la famille. Je crois comprendre qu'on prépare un document pour la prochaine réunion du comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille qui aura lieu en octobre et qui portera sur les changements nécessaires dans les provinces pour veiller à ce que toutes les compétences soient sur la même longueur d'onde. Toutefois, la mise en oeuvre de ces changements prendra du temps.
Nous avons besoin de temps pour en apprendre davantage sur la façon de faire participer effectivement les enfants au processus de divorce. De solides travaux de recherche sont effectués dans ce domaine, particulièrement aux États-Unis. On doit cependant avoir un certain nombre de modèles si on veut réussir à faire en sorte que les enfants se fassent entendre.
Nous avons aussi besoin de temps pour apprendre à mieux connaître le tribunal unifié de la famille et voir s'il s'agit d'une initiative aussi positive que le laissait entendre notre recommandation. Je crois que c'est le cas, mais une autre année d'observation des nouveaux tribunaux qui n'entreprendront leurs activités qu'en septembre sera très utile pour nous aider à déterminer si nous étendrons ou non leur application.
En outre, si l'on donne suite à notre recommandation voulant que les ordonnances de garde et de surveillance donnent lieu à des arrangements proposés par les parents, il faut prévoir du temps pour mener à bien un projet-pilote, ce qui sera peut-être possible l'année prochaine. Il nous faut également du temps pour saisir les composantes des programmes d'éducation parentale qui sont essentielles à leur réussite, surtout dans les régions rurales. Dès cette année, Santé Canada évaluera cinq modèles actuellement en vigueur.
Il y a d'autres aspects à approfondir, comme la médiation par exemple, mais il est essentiel qu'on apprenne à mieux connaître les implications de la violence conjugale, y compris les fausses allégations d'abus, si l'on veut assurer une bonne mise en oeuvre du concept de la garde partagée. Cela aussi prendra du temps.
Nous n'en saurons jamais assez pour être sûrs que tous les enfants sont protégés, mais plus nous en saurons, plus nous pourrons prendre nos responsabilités vis-à-vis d'eux.
Enfin, il me semble tout à fait normal que nous attendions que l'on procède à la révision des lignes directrices en matière de pensions alimentaires pour enfants avant de songer à réformer en profondeur la Loi sur le divorce. Bien que la révision de ces lignes directrices ne relève pas de notre compétence, nous en entendons tellement parler que nous savons que certains changements s'imposeront, changements qui peuvent aller dans le sens que propose notre comité, à savoir l'obligation pour les parents de partager leurs ressources financières avec leurs enfants.
Le rapport du comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants reflète une grande souffrance personnelle et une vive préoccupation de la part du public. Je pense que le gouvernement le reconnaît et s'est engagé à réformer le divorce dans l'intérêt des enfants. La stratégie du gouvernement est bonne et sera, espérons-le, bien appliquée. Cependant, nous devons nous assurer, dans l'intérêt des enfants, que nous savons ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Toute une foule de juges, d'avocats, de professionnels de la santé mentale et de membres de la famille prennent des mesures dans le même sens, mais nous devons compléter leurs efforts. Lorsque les gens seront assez nombreux, la loi fonctionnera et les enfants seront gagnants.
(Sur la motion du sénateur DeWare, au nom du sénateur Cohen, le débat est ajourné.)
Revenu Canada
Les pratiques de perception fiscale abusives et illégales-Interpellation-Ajournement du débat
L'honorable Donald H. Oliver, ayant donné avis le 3 juin 1999:Qu'il attirera l'attention du Sénat sur des méthodes permettant de mieux protéger les contribuables canadiens contre les pratiques de perception abusives et illégales utilisées par Revenu Canada, ses agents et ses employés, en faisant connaître les résultats d'une étude similaire faite par l'IRS.
- Honorables sénateurs, nous avons passé plusieurs semaines tant au comité qu'ici au Sénat à discuter du projet de loi C-43, la mesure d'initiative ministérielle qui institue la nouvelle Agence des douanes et du revenu du Canada. Nous avons passé beaucoup de temps à tâcher de trouver des moyens de mieux protéger les employés qui seront transférés à cette agence. Le sénateur Bolduc a exposé des arguments convaincants pour assurer la primauté du principe du mérite.
Au cours du débat, nous n'avons pas abordé en détail la question de la protection des contribuables contre les abus de la part de ce nouvel organisme. Comme cet organisme sera bientôt institué, je trouve maintenant indiqué de tenir un débat en bonne et due forme sur les méthodes permettant aux contribuables de faire respecter leurs droits et de se protéger contre les agents du fisc trop zélés. Chaque semaine, les sénateurs et les députés reçoivent des communications sous forme de courriels, de lettres, de télécopies et d'appels téléphoniques de la part de Canadiens, surtout du monde de la petite entreprise, qui sont en butte aux percepteurs d'impôt.
Il est extrêmement frustrant pour nous, les législateurs, d'essayer de résoudre ces plaintes une à la fois. Il doit exister un meilleur moyen, un moyen plus logique, de nous occuper de ces allégations d'abus. J'observe depuis maintenant un certain temps comment nos voisins du sud s'occupent de cette question et je crois que nous pouvons tirer des leçons de leurs expériences.
Au début de la présente décennie, un certain nombre d'actions illégales posées par le Internal Revenue Service, aux États-Unis, ont été mises au jour. À la suite de ces dénonciations, on a mis sur pied une commission nationale sur la restructuration de l'IRS, qui a eu pour mandat de réviser les pratiques de cet organisme et de formuler des recommandations en vue de sa modernisation et de l'amélioration de son efficacité et de ses services aux contribuables. Le rapport de cette commission a été présenté le 25 juin 1997, sous le titre «A Vision for a New IRS». Ce rapport présentait des recommandations à l'égard du pouvoir exécutif et de la gestion de l'IRS.
(1910)
En outre, des recommandations ont aussi été formulées concernant la surveillance par le Congrès, la souplesse du personnel, les services à la clientèle et le respect des normes, la modernisation de la technologie, la classification électronique, la simplification de la loi de l'impôt, les droits des contribuables et l'obligation de rendre des comptes. Autrement dit, ce service devait être entièrement remis à neuf.
Les deux Chambres ont été saisies du sujet de ce rapport. La Chambre des représentants a présenté le projet de loi de 1998 sur la réforme et la restructuration de l'IRS. Le comité sénatorial des finances, sous la présidence du très compétent Will V. Roth Jr, a commencé ses propres audiences en 1997 sur les pratiques et les procédures de l'Internal Revenue Service.
Je connais le sénateur Roth et j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec lui au sujet de son enquête. Les audiences, qui ont duré de septembre 1997 à mai 1998, ont dévoilé de surprenants problèmes. Voilà un organisme public qui se fiche de la loi, qui commet délibérément des actes illégaux et qui se livre à des tactiques alarmistes sous prétexte qu'il veut faire son travail et ce, sans se soucier de la légitimité de s'écarter des procédures normales. Les histoires entendues par le comité sénatorial des finances étaient tragiques et terrifiantes.
D'après ce que m'ont dit les PME, je crains que de tels abus existent au Canada tels que la pratique des exactions injustifiées contre des tiers dans le seul but d'embarrasser les commerçants aux yeux de leurs clients.
Mes recherches aux États-Unis ont mis au jour de nombreux cas de ce genre. On raconte que l'IRS était connu pour saisir les avoirs du couple alors que seul le mari lui devait de l'argent et qu'il refusait de libérer les avoirs de la femme même après qu'elle l'eut notifié qu'elle n'avait rien à voir avec la dette. J'ai lu qu'il recourait à des mensonges éhontés pour avoir accès à des dossiers personnels détenus par les avocats des contribuables et qu'il saisissait des avoirs d'un montant bien supérieur à celui de la dette puis les mettait en vente sans en restituer la différence au contribuable. Ces histoires, comme d'autres d'ailleurs, peuvent paraître scandaleuses, mais à titre de parlementaires auxquels on fait parfois appel en temps de crise, nous ne savons que trop bien que ces histoires se produisent également au Canada. Je ne voudrais pas avoir l'air d'insister indûment sur la question des abus, mais je serai heureux de partager le fruit de mes recherches avec les honorables sénateurs. Tout ce que j'ai réuni se trouve sur Internet.
Plutôt que d'insister davantage sur les cas d'abus, j'aimerais plutôt parler de ce qui a été fait aux États-Unis. Le commissaire de l'IRS a comparu devant le comité sénatorial des finances au cours des audiences de mai 1998. Il a parlé de son travail dans le cadre de la réforme de l'IRS. Dans ce que je considère être une solution originale aux problèmes soulevés par les contribuables au cours des audiences du Sénat, le comité sénatorial et le commissaire se sont entendus sur le fait que ces questions devraient être soumises directement à l'IRS.
Au début des audiences du mois de mai, le sénateur Roth, président du comité, a souligné:
Vendredi dernier, lorsque nous nous sommes rencontrés, le commissaire Rossotti et moi nous nous sommes mis d'accord sur le fait qu'il serait beaucoup plus utile pour la réforme de l'IRS que l'on se concentre sur les solutions plutôt que sur les décisions prises en regard de problèmes soulevés au cours de la surveillance effectuée.
Nous nous pencherons aujourd'hui sur les solutions aux problèmes graves qui ont été soulevés au cours de notre surveillance plutôt que de traiter de cas particuliers.
Cela signifie que ceux qui avaient fait part de problèmes particuliers relativement aux méthodes de l'IRS verraient le commissaire se pencher lui-même sur leur cas à l'interne, libérant ainsi le Sénat pour qu'il tente de trouver des solutions aux problèmes d'ordre systémique.
Le sénateur Roth a également soulevé au cours des audiences du comité que:
Le processus de surveillance est plutôt pénible. Il nous force à nous pencher sur les choses qui ne fonctionnent pas correctement, à voir des choses que nous préférerions ne pas voir et à entendre des choses que nous aimerions mieux ne pas entendre. Toutefois, une fois ce processus en cours, il devient alors possible d'apporter de réels changements.
Par suite de ces audiences et du travail du commissaire de l'IRS, Charles Rossotti, un rapport a reconnu les préoccupations soulevées par le comité sénatorial. Ce rapport renfermait également un engagement face à la réforme du service.
Deuxièmement, le comité sénatorial a rédigé et déposé un projet de loi qui a éventuellement été adopté par les deux Chambres et a reçu une approbation exécutive. Ce projet de loi intitulé «The IRS Restructuring and Reform Bill» prévoyait à la fois les mécanismes de surveillance et la protection des contribuables.
Le président Roth l'a décrit comme étant:
[...]débordant de mesures fortes et énergiques qui protégeront les contribuables et les employés Les contribuables auront plus de droits. Un préavis de 30 jours sera nécessaire avant qu'on puisse saisir leurs biens. Les conjoints innocents seront protégés. L'IRS sera l'objet d'une surveillance stricte et continue.
Le projet de loi de réforme reposait sur trois principes: premièrement, augmenter la surveillance de l'organisme afin d'éviter les abus; deuxièmement, tenir les employés de l'IRS responsables de leurs gestes et récompenser ceux qui traitent équitablement les contribuables; et troisièmement, garantir que les contribuables sont traités de façon équitable en mettant en place tout un arsenal de protections des contribuables.
Un bureau de défenseurs des contribuables fut créé; il est indépendant de l'organisme afin de pouvoir bien défendre les avocats défendent bien les intérêts des contribuables. Le problème de la conduite abusive des employés de l'IRS a été réglé par la loi qui les tient maintenant responsables de leurs gestes en exigeant que l'IRS licencie les employés qui se rendent coupables de parjure, qui falsifient des documents ou qui violent les règles pour se venger d'un contribuable. Par ailleurs, les activités de recouvrement doivent respecter les garanties procédurales.
Honorables sénateurs, j'ai passé du temps à parler d'une loi récemment adoptée aux États-Unis parce que je crois qu'elle traite de certains des abus qui ont été portés à mon attention comme existant au Canada. J'exhorte d'autre sénateurs à participer à cette interpellation. J'espère que, une fois que nous aurons exploré divers aspects liés à la perception des impôts au Canada, nous pourrons peut-être renvoyer cette question au comité des finances nationales ou au comité des banques pour qu'il en fasse une étude approfondie. Après une telle étude, j'espère que nous pourrons façonner une mesure législative à nous qui protégerait les droits des contribuables.
Je remercie les sénateurs de m'avoir donné l'occasion de lancer le débat sur cette interpellation aujourd'hui.
(Sur la motion du sénateur DeWare, au nom du sénateur Bolduc, le débat est ajourné.)
Les enfants du divorce
Motion d'affirmation et de résolution appuyant leurs droits-Ajournement du débat
L'honorable Anne C. Cools, conformément à l'avis du 1er juin 1999, propose:Que le Sénat du Canada confirme son intérêt et son rôle unique, historique, constitutionnel et parlementaire à l'égard du divorce et de l'adoption de projets de loi sur le divorce, comme l'a démontré l'ancien comité sénatorial permanent sur le divorce, et que le Sénat continue d'affirmer son rôle spécial et son intérêt à l'égard de la situation des enfants du divorce;
Que le Sénat affirme qu'il réitère vigoureusement cet intérêt par sa décision de défendre le droit qu'ont les enfants du divorce de bénéficier de l'appui financier des deux parents selon leurs capacités respectives et par sa décision d'amender le projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur le divorce et d'autres lois en conséquence, lequel a été amendé par le Sénat le 13 février 1997, accepté par la Chambre des communes le 14 février 1997 et sanctionné par la Couronne le 19 février 1997;
Que le Sénat affirme qu'un corollaire de l'adoption par le Sénat du projet de loi C-41 en février 1997 était la volonté, la décision et l'intention de former un comité mixte du Sénat avec la Chambre des communes pour examiner la question encore jamais étudiée et jusque là négligée de la situation et du fonctionnement des enfants dans le régime existant de garde et de visite des enfants après un divorce;
Que le Sénat affirme que ce comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes a été créé par une résolution conjointe, proposée au Sénat le 9 octobre 1997 et adoptée au Sénat le 28 octobre 1997 et proposée à la Chambre des communes le 5 novembre 1997 et adoptée à la Chambre des communes le 18 novembre 1997;
Que le Sénat affirme que ce comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la garde et le droit de visite des enfants après un divorce a voyagé partout au Canada, a tenu de nombreuses séances, a entendu le témoignage de plus de 520 témoins et a présenté son rapport, intitulé: «Pour l'amour des enfants», au Sénat le 9 décembre 1998 et à la Chambre des communes le 10 décembre 1998;
Que le Sénat affirme que ce comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes a conclu que les parents divorcés et leurs enfants ont le droit d'entretenir des rapports étroits et permanents les uns avec les autres et, conséquemment, a recommandé que la Loi sur le divorce soit modifiée par le Parlement de manière à exprimer la nature conjointe des responsabilités parentales en insérant la notion juridique de «partage des responsabilités parentales» dans la Loi sur le divorce et aussi en incluant dans la définition de l'«intérêt supérieur de l'enfant» dans la Loi sur le divorce l'importance pour les deux parents de participer de manière valable à la vie de leurs enfants;
Que le Sénat affirme que, le 10 mai 1999, soit six mois après le dépôt du rapport du comité aux deux Chambres du Parlement et plus de deux ans après l'adoption du projet de loi C-41 en février 1997, la ministre de la Justice, Anne McLellan, a remis sa réponse ministérielle aux conclusions et aux recommandations du comité dans son document intitulé Réponse du gouvernement du Canada au Rapport du comité mixte spécial sur la garde et le droit des enfants: Stratégie de réforme; qu'ayant accepté complètement les principales recommandations du comité et ayant reconnu que les lois actuelles sur le divorce ont des lacunes et auraient besoin d'être corrigées, elle a alors proposé un sursis de trois ans, soit jusqu'au 1er mai 2002, pour prendre des mesures législatives afin de corriger des lois sur le divorce qui sont manifestement lacunaires;
Que le Sénat affirme que la recommandation d'un comité du Parlement, le plus haut tribunal du pays, le Premier enquêteur de la nation, est la recommandation la plus élevée du pays et que les avis et conseils du Parlement représentent la forme la plus complète, la plus représentative, la plus constitutionnelle et la plus efficace des conseils qu'un gouvernement peut entendre; et que le Sénat affirme que le ministre responsable et le ministère ont une obligation morale, politique et constitutionnelle à l'endroit du Parlement d'accepter et de suivre les conseils du Parlement;
Que le Sénat affirme que le Parlement du Canada, par l'étude et l'examen qu'il a lui-même conduits et par ses conclusions, sait maintenant que les lois sur le divorce en vigueur au Canada sont lacunaires, insuffisantes et même nuisibles aux enfants du divorce, à leurs parents et aux membres de leur famille; et que le Sénat, connaissant les défauts des lois sur le divorce, a un impératif moral et une obligation parlementaire de corriger la situation immédiatement, parce que, étant au courant de la situation critique des enfants et du tort qui leur est fait, le Parlement se livre à un comportement déraisonnable par son inaction et sa négligence;
Que le Sénat affirme que la population du Canada appuie largement le droit qu'ont les enfants du divorce d'avoir des relations valables avec leurs deux parents et les membres de leur famille et, de plus, que le Sénat donne son soutien à tous les enfants, les parents et les familles affectés par le régime actuel de lois sur le divorce; et
Que le Sénat du Canada, en vertu de la théorie parens patriae et de son devoir en qualité de gardien et protecteur des enfants du divorce, prend la décision de défendre et de protéger les enfants du divorce; et que le Sénat prend la décision de faire valoir les besoins des enfants du divorce et leur droit de bénéficier du soutien émotionnel et financier de leurs deux parents; et que «pour l'amour des enfants» et dans l'«intérêt supérieur de l'enfant», le Sénat décide que le ministre responsable, soit la ministre de la Justice Anne McLellan, doit faire en sorte de présenter au Sénat ou à la Chambre des communes une loi sur le divorce afin de mettre en application sans tarder les recommandations du comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants.
- Honorables sénateurs, sur la question du divorce, le rôle des sénateurs, tant hier qu'aujourd'hui, est légendaire. En février 1997, lorsque le Sénat a étudié le projet de loi C-41, qui visait à modifier la Loi sur le divorce et d'autres lois connexes, il a réaffirmé sa volonté de protéger les enfants.
Je suis redevable aux sénateurs conservateurs, particulièrement au sénateur Duncan Jessiman, pour cette affirmation du rôle constitutionnel particulier du Sénat pour ce qui est de défendre, de protéger et de représenter les enfants du divorce. Je félicite le sénateur Jessiman, qui est maintenant à la retraite.
Honorables sénateurs, c'est le regretté Mark MacGuigan, ancien ministre libéral de la Justice du gouvernement du premier ministre Pierre Trudeau, qui a proposé pour la première fois d'insérer l'expression «dans l'intérêt des enfants» dans la Loi sur le divorce. Le 19 janvier 1984, le ministre MacGuigan a présenté à la Chambre des communes le projet de loi C-10 visant à modifier la Loi sur le divorce. Plus tard, ce projet de loi est resté en plan à la dissolution du Parlement, en juillet. L'article 10 du projet de loi C-10 proposait d'ajouter à l'article 12 de la Loi sur le divorce un nouveau paragraphe 12.1(3), ayant pour titre «Principes concernant les enfants», qui se lisait en partie comme suit:
12.1(3) En exerçant sa compétence conformément aux articles 10 à 12 à l'égard des enfants, le tribunal accorde une importance primordiale à la prise en considération de leur intérêt et applique les principes qui suivent:
a) l'obligation financière d'entretenir les enfants du mariage incombe aux conjoints et, dans la mesure du possible, est répartie entre l'un et l'autre suivant leur capacité respective à contribuer à cette obligation, en tenant compte des moyens et des besoins des conjoints et des enfants [...]
c) les enfants du mariage doivent avoir accès autant à l'un et à l'autre conjoint dans la mesure où les circonstances le permettent; ...(1920)
Le ministre MacGuigan pensait que les tribunaux et les hommes de loi appliqueraient l'expression «l'intérêt supérieur de l'enfant» comme si elle signifiait le droit de l'enfant à une relation ouverte avec ses deux parents. Dans le discours du Trône de novembre 1984, le nouveau gouvernement conservateur de Brian Mulroney avait promis un droit du divorce. Le ministre de la Justice, John Crosbie, avait réécrit le projet de loi C-10 et, en 1985, il avait présenté son projet de loi C-47, Loi concernant le divorce et les mesures accessoires, ainsi que les projets de loi C-46 et C-48, dont l'adoption en 1986 avaient créé le droit du divorce actuel. Dans le projet de loi C-47, le ministre Crosbie avait gardé l'expression «dans l'intérêt supérieur de l'enfant». Toutefois, son raisonnement n'était pas conforme à l'intention du ministre MacGuigan.
Depuis ce temps, l'évolution du droit de la famille et du divorce a pris d'étranges tournures, de sorte que «l'intérêt supérieur de l'enfant» est devenu l'intérêt supérieur des parents qui ont la garde, la plupart du temps des femmes, et les parents qui n'ont pas la garde, mais un accès, en majorité des hommes, sont devenus des visiteurs et des observateurs dans la vie de leurs enfants.
Dans son article paru en 1995, intitulé «The Best Interests of the Child» et portant sur cette question et sur la décision Young c. Young, le professeur de droit de l'Université Queen's, Nicholas Bala, écrivait à la page 455:
Au sujet de la juge L'Heureux-Dubé, il ajoutait, à la page 461:La juge L'Heureux-Dubé [...] a écrit un long jugement dissident dans lequel elle souligne que l'intérêt de l'enfant est servi quand on protège la position du parent qui en a la garde...
Concernant son jugement Young c. Young, il déclarait à la page 462:[...] elle présente une analyse explicitement féministe...
En ce qui concerne les droits des parents après la séparation, elle se prononce fermement favorable à un régime légal qui appuie le pouvoir décisionnel du parent qui a la garde. «Le rôle du parent qui jouit d'un accès est celui d'un observateur très intéressé, qui aime et appuie l'enfant au second plan.»
Dans le jugement rendu en 1995 par la Cour suprême dans l'affaire Gordon c. Goertz, la juge L'Heureux-Dubé répétait à la page 110:
Honorables sénateurs, la décision rendue en 1991 par le juge Robert Blair, de la Division générale de la Cour de l'Ontario, dans la cause Oldfield c. Oldfield est particulièrement instructive. Au sujet de la relation de M. Oldfield avec ses enfants, le juge Blair dit, au paragraphe 5:Aussi important que puisse être le contact avec le parent non gardien, il y a lieu de souligner que les experts ne s'entendent pas sur le poids qu'il convient d'attribuer à cet élément pour évaluer l'intérêt de l'enfant.
Il s'agit de la relation du père avec les enfants.Qu'il est clair que la relation en est une d'affection et de bienveillance.
Au sujet de Mme Oldfield, malheureuse de demeurer en Amérique du Nord et désireuse de déménager en France avec ses enfants pour épouser son nouvel ami, le juge Blair dit, au paragraphe 6:
Le juge Blair a permis à Mme Oldfield de s'installer en France et de se remarier. Elle est déménagée, mais ne s'est jamais remariée. Les montants élevés versés par M. Oldfield au titre de la pension alimentaire pour les enfants ont permis de financer les voyages de ceux-ci au Canada et ainsi, il a pu les voir.Est-ce «dans le meilleur intérêt des enfants» de statuer pour faire obstacle à cette perspective de nouveau mariage et confier les enfants aux soins d'une mère qui les aime, mais qui est opprimée par son mécontentement?
Honorables sénateurs, l'expression «meilleur intérêt des enfants» s'est éloignée des intentions de feu Mark MacGuigan. Elle s'est transformée en moyen d'éloigner les pères des enfants, de déposséder les enfants de leurs parents et les parents de leurs enfants.
Honorables sénateurs, passons maintenant à la présentation du projet de loi C-41 au Sénat en février 1997. Le projet de loi C-41 d'Allan Rock, le ministre de la Justice libéral d'alors, avait franchi sans problème les étapes à la Chambre des communes. Il proposait d'abroger les paragraphes 15.(8) et 17.(8) de la Loi sur le divorce, deux dispositions qui avaient imposé l'obligation de soutien financier des enfants conjointement aux deux parents et avaient instauré les lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants. Le Sénat a modifié le projet de loi C-41 en rétablissant l'article créant les lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants, en fait des règlements régissant ce devoir financier partagé et conjoint des parents. Cet article, maintenant le paragraphe 26.1(2) de la Loi sur le divorce, se lit comme suit:
Honorables sénateurs, la population a apporté un soutien sans précédent aux mesures préconisées par le Sénat. À la suite de l'adoption du projet de loi C-41, le Sénat a obtenu l'accord pour créer un comité parlementaire mixte sur la question négligée de la garde des enfants et de l'accès aux enfants après un divorce. J'étais d'accord avec la formation d'un comité mixte plutôt qu'un comité sénatorial seulement parce que, comme le sénateur Jessiman, je croyais qu'un comité mixte était le meilleur moyen de faire valoir nos préoccupations et nos opinions puisque deux des trois états du Parlement y seraient représentés, soit le Sénat et la Chambre des communes. Cela étant dit, nous savions que, en raison du nombre de représentants des différents partis politiques qui seraient membres de ce comité mixte, ses structures seraient plus lourdes que celles d'un comité du Sénat, mais nous étions convaincus qu'une étude et des recommandations provenant d'un comité mixte pourraient mieux toucher le gouvernement. Puisque le Parlement est la plus haute cour du pays, un ministre préoccupé par la question accueillerait favorablement l'opinion d'un comité mixte et se sentirait tenu de lui rendre des comptes.Les lignes directrices doivent être fondées sur le principe que l'obligation financière de subvenir aux besoins des enfants à charge est commune aux époux et qu'elle est répartie entre eux selon leurs ressources respectives permettant de remplir cette obligation.
Honorables sénateurs, la recommandation no 5, le concept de juridique de partage des responsabilités parentales, est la recommandation la plus importante du rapport du comité mixte intitulé: «Pour l'amour des enfants». Elle se trouve à la page 28 du rapport:
En mai 1999, Anne McLellan, ministre libérale de la Justice, déclarait à ce sujet dans sa réponse intitulée «Réponse du gouvernement du Canada au Rapport du comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants: Stratégie de réforme»:Le comité recommande de ne plus employer les termes «garde» et «accès» dans la Loi sur le divorce et de les remplacer par l'expression «partage des responsabilités parentales», qui inclut non seulement le sens de ces deux termes, mais doit être interprétée comme englobant aussi toutes les significations, les droits, les obligations et les interprétations dont ils sont assortis.
Je répète, une «priorité élevée». La ministre poursuit:Cette recommandation est importante, et l'étude plus approfondie de celle-ci constituera une priorité élevée pour le gouvernement.
Honorables sénateurs, les mots «visiteur» et «observateur» sont entrés dans le vocabulaire du divorce après que le juge L'Heureux-Dubé eut employé le mot «observateur» dans l'affaire Young c. Young. La ministre souscrit clairement aux principales recommandations et principes du rapport du comité. Elle reconnaît la nécessité d'apporter des correctifs à l'actuelle Loi sur le divorce. La ministre a eu le mérite de prêter une oreille attentive aux demandes du public en faveur de changements, mais le problème concerne les délais d'exécution qu'elle a fixés.Nous partageons la préoccupation du comité selon laquelle les termes actuels de la Loi sur le divorce peuvent exacerber le conflit qui oppose les parents en instance de divorce. En particulier, nous sommes d'accord avec la conclusion selon laquelle il faudrait redresser l'injustice et l'inégalité qui en sont venues à être associées avec l'expression «garde exclusive». Dans certains cas, cette expression est interprétée comme conférant au parent gardien des droits exclusifs sur les enfants et comme reléguant le parent non gardien au rang de «visiteur». Cette situation doit être modifiée.
Honorables sénateurs, j'ai étudié la douleur et la souffrance incalculables de milliers d'enfants, mères, pères, grands-parents et autres membres de la famille. Troublée par le peu d'empressement du Parlement et des tribunaux à reconnaître la nécessité affective, pour l'enfant, d'avoir ses deux parents, la mère et le père, j'ai été choquée par l'absence de considération collective pour la vie des enfants. Pendant des années, j'ai été inspirée et inondée par des milliers de lettres et de demandes de familles canadiennes débordées et angoissées qui faisaient appel à mon aide et qui, toutes, se demandaient pourquoi les gouvernements de leur pays bien-aimé permettaient à ces injustices de se perpétuer.
J'ai étudié la situation, son caractère injuste et ses conséquences pour les enfants du divorce et leurs familles. J'ai étudié les documents juridiques produits par des centaines de pères accusés faussement par la mère, durant les procédures de divorce et de demande de garde, d'agression sexuelle contre leurs enfants. C'est abominable. Ces fausses accusations ont des effets dévastateurs sur le moral des pères et des familles en cause.
M. Nicholas Bala et M. John Schuman ont récemment publié un ouvrage sur les fausses accusations, intitulé Allegations of Sexual Abuse When Parents Have Separated. J'y trouve un appui. Je signale que les auteurs citent dans leur étude de nombreux affaires et jugements que j'ai moi-même portés à l'attention du Sénat et que j'ai cités, notamment les affaires Reverend Dorian Baxter v. the Children's Aid Society of Durham Region, Barbosa v. Dadd, the Law Society of Upper Canada v. Carole Curtis, Metzner v. Metzner, Plesh v. Plesh, et d'autres. Les fausses accusations servent de stratégie pour obtenir la garde exclusive et pour vaincre l'autre parent tant sur le plan juridique qu'émotionnel et financier. Un parent peut utiliser ce moyen juridique puissant et destructeur pour déposséder l'autre parent de ses liens parentaux avec ses enfants.
Honorables sénateurs, les autres questions concernent l'aliénation des parents, des grands-parents et le refus d'accès. Le gouvernement a prévu de lourdes sanctions, et notamment le refus d'accorder un passeport, dans le cas des parents non gardiens, la plupart du temps le père, qui perdent leur emploi et sont incapables d'assurer le paiement de la pension alimentaire. Certains voudraient même créer de nouvelles infractions criminelles à ce sujet. Pourtant, il n'y a que silence et complicité systématiques dans le cas des parents qui ont la garde des enfants, habituellement les mères, et qui refusent l'accès aux parents non gardiens, habituellement le père.
Lord Hartley Shawcross écrivait ce qui suit à la page 35 de son célèbre ouvrage publié en 1959, intitulé Contempt of Court, au sujet de la garde, des enfants et du peu d'empressement des tribunaux à appliquer leurs ordonnances:
Je le répète, on refuse la protection des tribunaux à ces malheureux enfants.La Cour d'appel faisait remarquer dans l'affaire Gordon v. Gordon que la loi ne permet pas, dans certains cas, à un malheureux enfant d'obtenir la protection voulue de la cour à cause de l'absence de mesure efficace pour faire appliquer l'ordonnance de la cour.
(1930)
Il est scandaleux que les parents, surtout les pères, doivent dépenser des montants excessifs, des centaines de milliers de dollars, pour maintenir le contact avec leurs enfants. Je le répète, la répugnance du Parlement et des tribunaux à tenir compte des besoins des enfants au moment du divorce est une injustice. Le Sénat se porte cependant à la défense de ces enfants et il exhorte le ministre à agir.
Honorables sénateurs, six bons mois après que le comité spécial mixte eut remis son rapport au Parlement, ce qu'il a fait en décembre 1998, la ministre McLellan a fixé un délai de trois ans, qui prendra fin le 1er mai 2002. Cela fait donc trois ans et demi après le rapport du comité. Madame le ministre dit que cette date du 1er mai 2002 coïncidera avec l'examen quinquennal des lignes directrices sur la pension alimentaire des enfants, du règlement d'application du projet de loi C-41, cette mesure que le Sénat a amendée et adoptée à contrecoeur en février 1997 tout en en signalant les graves imperfections au gouvernement.
La ministre aura demandé cinq ans pour corriger un régime que le Sénat avait clairement qualifié de déficient et de néfaste pour les enfants du divorce. Nous lui avions dit que le droit en matière de divorce laissait à désirer. Un comité parlementaire mixte le lui avait dit. La population le lui avait dit. En outre, le 1er mai 2002 est au-delà du mandat du gouvernement et de la surveillance de la ministre.
Des éditoriaux de journaux ont unanimement condamné le délai proposé par la ministre. Leurs en-têtes sont instructives. En voici quelques-unes. Le Globe and Mail en date du 12 mai: «Qui agit au nom des enfants? La ministre de la Justice hésite étrangement à modifier la Loi sur le divorce»; la Gazette de Montréal en date du 12 mai: «Le courage d'agir»; le Toronto Star en date du 12 mai: «Un retard décevant»; le Vancouver Sun de la même date: «L'esquive législative nuit aux enfants du divorce»; le National Post en date du 13 mai: «Les pères sont vivement critiqués».
Ces éditoriaux, une pléthore d'autres médias et la population en général ont tous désapprouvé les délais proposés par la ministre McLellan. Ces commentaires sont révélateurs et en disent long sur l'attitude de certains ministres actuels par rapport à la responsabilité ministérielle et au Parlement. Par conséquent, bon nombre réfléchissent au rôle de plus en plus limité que jouent un ministre au service du Parlement et un ministre ayant des comptes à rendre à ce dernier.
J'espère que les délais proposés par la ministre visent à nous tenir en haleine et que, dans le discours du Trône qu'il devrait présenter pour inaugurer la nouvelle session parlementaire qui s'amorcera probablement l'automne prochain, le gouvernement - mon gouvernement - annoncera ses intentions à l'égard d'une nouvelle Loi sur le divorce qui sera juste, équitable et équilibrée et qui reconnaîtra que les enfants du divorce ont droit à l'amour et à l'aide de leurs deux parents, de leur mère aussi bien que de leur père. En vertu de la prérogative royale de Sa Majesté, la parens patriae, la ministre de la Justice, le Cabinet, le Sénat et le Parlement ont le devoir de reconnaître aux enfants du divorce le droit de bénéficier de l'appui émotif et financier de leurs deux parents.
Honorables sénateurs, il serait inacceptable, irresponsable et immoral de faire moins que cela. Comme je l'ai dit, ce serait déraisonnable. Sachant à quel point les dispositions législatives sur le divorce qui sont actuellement en vigueur sont injustes, il serait déraisonnable de ne rien faire pour rectifier la situation. De plus, pareille inaction va à l'encontre du principe même sur lequel le gouvernement se fonde et cela porte atteinte à tout ce que nous considérons juste, honorable et vrai. Cela porte atteinte à toute justice sociale et morale.
Honorables sénateurs, nous exhortons la ministre à présenter une nouvelle Loi sur le divorce, au nom des enfants du divorce, de leurs familles et de la population du Canada.
J'exhorte tous les honorables sénateurs à appuyer la motion.
(Sur la motion du sénateur DeWare, le débat est ajourné.)
Affaires juridiques et constitutionnelles
Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat
L'honorable Lorna Milne, en conformité avec l'avis donné le 3 juin 1999, propose:Que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger à 15 h 30, le mercredi 9 juin 1999 et le mercredi 16 juin 1999, même si le Sénat siège à ce moment-là et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.
(La motion est adoptée.)
(Le Sénat s'ajourne au mercredi 9 juin 1999, à 13 h 30.)