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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 154

Le mercredi 8 septembre 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 8 septembre 1999

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Le décès de l'honorable Paul Lucier

Hommages

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, au début de ce siècle, le grand poète et écrivain Robert Service écrivait des vers au charbon sur de l'épais papier journal qu'il épinglait au mur de sa cabane. Ce merveilleux poète, romancier et chroniqueur du Territoire du Yukon a saisi l'âme et l'esprit de la terre qu'il aimait.

L'un des fameux «yukonismes», comme il les appelait, se composait seulement de quatre syllabes: «Le Nord l'a conquis.»

Quand le jeune Paul Lucier s'est rendu pour la première fois de LaSalle, en Ontario, à Whitehorse en 1949, il travaillait sur le plus grand vapeur à roue arrière qui naviguait sur le majestueux Yukon, le S.S. Klondike, qui a été magnifiquement restauré et a retrouvé aujourd'hui toute sa splendeur. Il a été ensuite sapeur-pompier, ambulancier, mécanicien, chauffeur d'autobus, un passionné des sports amateurs, entraîneur de boxe avant de devenir le maire de Whitehorse.

Durant les longues années passées au service du Sénat du Canada, Paul est toujours resté un homme du peuple travaillant pour le peuple. Il préférait nettement la conversation terre-à-terre des Canadiens ordinaires au café-restaurant aux discours parfois de pure forme des personnes situées à ce que l'on appelle les échelons supérieurs de la vie politique. Paul, avec son esprit aussi tranchant qu'une lame de rasoir, avait une façon à lui de couper court à la rhétorique et pouvait réduire les questions les plus complexes à leur plus simple expression.

Dans tous les métiers que Paul a exercés et dans toutes les activités de bénévolat qu'il a entreprises, dans la conviction et les principes dont il a fait preuve durant ces longues années passées au service du Sénat du Canada, du peuple de ce pays et de ce merveilleux territoire, une force a plus que toute autre influencé sa remarquable vie.

(1410)

C'est Robert Service qui l'a le mieux expliqué, lui qui mieux que tout autre avait compris ce sentiment. Le Nord l'avait charmé, lui avait donné une vision. Il avait puisé dans le Nord sa force et son courage.

Paul connaissait la route du canot, la liberté et l'appel de la nature. Il avait parcouru les vastes étendues, il connaissait l'appel de l'aventure et avait été témoin des migrations de l'énorme harde de caribous de la Porcupine, dans le nord du Yukon. Il comprenait la puissance de la solitude à l'extrême nord du monde. Il a eu la joie de voir les fleurs du printemps éclore à travers la neige et imprimer leurs couleurs et leur esprit enivrant à un paysage à peine sorti de l'hiver. Il a su décrire ces territoires immenses, vierges et majestueux où ne pousse aucune forêt et où le jour dure 24 heures. Il a souvent parlé de la toundra, des petites collectivités, de la vision et de l'esprit qui animaient leurs populations énergiques, de leur avenir, de leurs espoirs et de leurs rêves. Il savait parler non seulement de ce que le Yukon était, mais de ce qu'il serait.

Paul avait compris mieux que la plupart d'entre nous que le Nord est le plus grand défi et la plus grande aventure des Canadiens. Il avait compris que la destinée du Nord et de sa population nous en diraient long sur ce que nous sommes collectivement. Il savait que ce qui se passe dans le Nord nous éclaire sur ce que nous sommes en tant que peuple. Avec résolution et passion, Paul a mis son expérience et ses connaissances au service des Canadiens d'un océan à l'autre.

Durant ses dernières années, le sénateur Paul Lucier a appris à beaucoup d'entre nous ce qu'est le courage. De fait, sa vie a été pour ses nombreux amis et collègues l'illustration même du courage, le plus beau mot de la langue anglaise et sans doute aussi de toutes les langues du monde.

Le 29 juillet, en compagnie de Son Honneur le Président Molgat et de plusieurs autres honorables sénateurs, je me suis rendu à Whitehorse afin de prendre la parole à l'occasion d'une cérémonie commémorative tenue en l'honneur de notre vieil ami et collègue. Cette cérémonie nous a permis d'en apprendre beaucoup sur notre modeste et courageux ami, sur l'influence qu'il a exercée sur ses concitoyens du Yukon et sur la marque qu'il a laissée. L'une de nos toutes nouvelles collègues, madame le sénateur Ione Christensen, a parlé en termes émouvants de Paul et de l'influence incroyable qu'il a exercée dans la ville et dans le territoire.

Au cours des deux semaines qui ont précédé l'hommage rendu à l'existence fascinante de Paul, le monde a vu l'arrivée à Paris d'un Américain très spécial lors du grand prix cycliste, et j'ai pensé aux réflexions du champion du grand prix Lance Armstrong au sujet du courage, car je n'ai jamais entendu quiconque s'exprimer aussi bien à ce sujet. À tous ceux qui lui demandaient comment il avait pu réaliser un tel exploit dans le cadre du vénérable Tour de France, après avoir livré un combat acharné contre une forme de cancer particulièrement agressif, le Texan de 27 ans répondait ceci: «Il faut croire en soi. Il faut lutter. Il faut tenir bon.»

Croire, lutter, tenir bon, Paul Lucier a fait cela tous les jours ces dernières années, années qui ont été difficiles, et il a fait preuve d'un énorme courage en revenant travailler au Sénat du Canada entre ses traitements. Il est toujours resté, malgré sa maladie, un Canadien honnête, objectif et tenace et un parlementaire honorable et fidèle à ses principes jusqu'à la fin.

Je pense que bon nombre d'entre nous garderont de lui le souvenir de quelqu'un qui faisait corps avec ce pays qu'il aimait tant:

ce pays merveilleux dissimulé sous la neige
et où l'été arrive sans prévenir,
ce pays qui contemple le soleil dans un silence absolu,

Ces vers ont été écrits par l'avocat poète Frank Scott il y a plus de trois décennies.

Nous garderons de lui le souvenir d'un grand Canadien qui ne trouvait aucune montagne ni aucun cours d'eau impossible à franchir, d'un grand Canadien chérissant un pays empreint de magie et de mystère, d'un homme qui personnifiait la force de ce pays. Oui, le Nord l'a conquis et oui, le sénateur Paul Lucier appartiendra au Nord à jamais.

Je me joins à tous les honorables sénateurs pour exprimer à son épouse, Grace, à ses enfants, Edward, Frances et Tom et à ses nombreux parents et amis nos condoléances les plus sincères à l'occasion du décès de ce Canadien vraiment remarquable.

L'honorable C. William Doody: Honorables sénateurs, à l'instar de certains de mes collègues, je prends aujourd'hui la parole pour honorer la mémoire de notre regretté compagnon, Paul Lucier.

Paul a été nommé au Sénat en 1975, quelques années avant moi. Il était un sénateur très actif, débordant d'énergie et il participait à toutes les facettes des activités sénatoriales. Il se présentait bien, il aimait à rire et il était sympathique.

Il y a quelques années, Paul et moi avons fait partie de la délégation de l'APC en Inde. J'ai pu le connaître mieux pendant ce voyage d'une semaine ou d'une dizaine de jours et j'ai été fasciné par sa capacité d'absorber la culture et d'étudier les problèmes que pose la direction de ce pays complexe. C'était un plaisir de le connaître.

Il était un ardent défenseur du Nord canadien et ne manquait jamais une occasion de dire à qui voulait l'entendre à quel point la région qu'il représentait était merveilleuse. Même s'il n'était pas natif du Yukon, il a vite appris à aimer cette région incroyablement belle de notre pays. Il a voulu se faire le porte-parole de sa région d'adoption et a joué ce rôle avec beaucoup d'ardeur et d'éloquence.

J'ai eu la chance de connaître Paul Lucier assez bien durant nos années de service dans cette enceinte, ce qui m'a permis d'apprécier au plus haut point son honnêteté, son intégrité et son dévouement. Son absence se fera sentir au Sénat du Canada et, j'en suis certain, au Yukon.

J'aimerais offrir mes condoléances aux membres de sa famille et à ses nombreux amis.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, lorsque j'ai appris le décès de Paul Lucier, sachant qu'il habitait à Penticton à ce moment-là, j'ai appelé Son Honneur le Président pour lui dire que, même si je savais que le principal service funèbre aurait lieu à Whitehorse, je voulais que le Sénat soit représenté à Penticton. Je me suis donc rendue à Penticton, où le sénateur Fitzpatrick s'est joint à moi, pour assister au premier d'une série de services célébrés à la mémoire du sénateur Paul Lucier.

Paul était à Penticton à cause de l'impossibilité de trouver des soins palliatifs pour lui à Vancouver, où il recevait la majeure partie de ses traitements. Il avait une résidence d'été à Penticton, où vivaient certains membres de sa famille. Il est donc allé dans un centre de soins palliatifs à Pencticton, et c'est là qu'il a passé les dernières semaines de sa vie.

C'était un service funèbre traditionnel dans une église catholique, où les éloges ne sont pas coutume. Toutefois, les éloges sont venus plus tard, lors de la réception qui a suivi le service. Je veux décrire aux sénateurs ici présents et à tous ses anciens collègues le sentiment de joie qui régnait lors de cette réception où nous avons célébré la vie de Paul Lucier.

La salle était décorée de photos. Certaines de ces photos étaient des instantanés de Paul, d'autres étaient des photos plus officielles, mais la photo d'honneur dans la salle était une photo du Sénat et de ses collègues. Tous ceux qui entraient dans la salle pouvaient voir immédiatement le rôle important que le Sénat a joué dans la vie de Paul Lucier.

Comme vous tous, je connaissais Paul comme étant un homme jovial qui aimait la vie et je connaissais son attachement profond pour le Nord. Cependant, je dois dire que je ne connaissais pas Paul Lucier comme un plaisantin. Pourtant, ce trait de caractère était au coeur des conversations que j'ai entendues dans cette salle et des remarques que les gens ont faites, et c'est pourquoi je veux partager une histoire avec vous, honorables sénateurs.

(1420)

Il y avait une photo de Paul qui tenait un gros poisson d'environ 35 livres. Il le tenait vraiment comme si c'était lui qui l'avait pêché. Mais au cours de la réception, quelqu'un a révélé que ce n'était pas une prise de Paul, mais bien celle d'un de ses neveux. Paul avait demandé à être photographié avec le poisson et, sitôt la photo prise, il avait rejeté le poisson dans le lac avant même que le neveu en question puisse être photographié avec son trophée.

Tous ceux qui connaissaient Paul et le savaient farceur ont bien apprécié cette histoire, y compris le neveu qui la racontait en riant, même s'il n'a jamais été photographié avec son poisson.

Je n'oublierai jamais les moments passés en compagnie de cette famille parce que, même si j'admirais et respectais Paul, c'est à cette réception que j'ai appris à le connaître vraiment. J'aurais simplement voulu le connaître encore mieux du temps qu'il était avec nous.

L'honorable Jack Austin: Honorables sénateurs, permettez-moi d'ajouter quelques mots aux observations des sénateurs Graham, Doody et Carstairs concernant le sénateur Paul Lucier.

Le sénateur Paul Lucier et moi nous sommes rencontrés à Whitehorse, en septembre 1975. À l'époque, j'étais un nouveau sénateur poursuivant un intérêt de longue date au Yukon, où j'avais été admis au barreau en 1966. J'ai beaucoup entendu parler de Paul au cours de ce voyage. Maire de Whitehorse, il était réputé comme un administrateur exceptionnel et une personne connaissant à fond toute l'histoire du Yukon. J'ai communiqué avec lui. Nous avons parlé de l'activité minière au Yukon, un des sujets qui nous intéressaient tous les deux, de la vie dans les collectivités autochtones et de la perspective d'un règlement des revendications territoriales des autochtones.

Paul a alors décidé qu'il me fallait une véritable expérience du Yukon et il m'a amené pêcher. Son fils Ed, qui venait tout juste d'obtenir sa licence de pilote, nous a conduits dans un petit avion jusqu'à un lac situé à une certaine distance de Whitehorse. La pêche était merveilleuse. J'ai oublié le nom du lac, mais dans ma tête, ce sera toujours le lac Lucier.

Au fil des ans, nous avons eu de formidables conversations. J'ai découvert en Paul une personnalité passionnante dotée d'un jugement sûr en ce qui concerne la nature humaine. Je pense que mes collègues du caucus libéral se sont rendu compte que Paul voyait plus vite que n'importe qui d'autre dans le caucus où on voulait en venir dans une discussion. Paul n'hésitait pas à dire le fond de sa pensée quand il n'était pas d'accord.

Pendant ses années au Sénat, Paul fut un grand défenseur du Yukon. Il a travaillé très fort à l'élaboration d'un processus de règlement des revendications autochtones et à des projets de loi relatifs à l'économie du Yukon. Toutefois, il était aussi un Canadien. Paul n'a jamais oublié ses racines franco-ontariennes. Il est en effet originaire de la région de Windsor, où la vie politique est si merveilleusement active. Il avait une vision du Canada qui constituait l'idéal de ce que les Canadiens devraient croire quand vient le temps de croire en son pays.

J'ai toujours pensé que Paul aurait fait du très bon travail en tant que député du Yukon à l'autre endroit. Les années de carrière de Paul ont coïncidé avec celles de l'honorable Erik Nielsen, puis de Audrey McLaughlin. Nous avons eu de la chance d'avoir Paul au Sénat et de bénéficier de sa contribution.

Avant de partir pour la Chine, la troisième semaine de juillet, j'ai demandé des nouvelles de Paul à Ed Lucier. Je n'ai pas été surpris quand j'ai appris, pendant mon séjour en Chine, que Paul était mort. Je suis vraiment désolé de n'avoir pas pu assister à ses funérailles, mais j'en profite pour transmettre un témoignage de sympathie et de regrets à sa famille, à Grace et aux enfants.

L'honorable Ione Christensen: Honorables sénateurs, je suis honorée de prendre la parole aujourd'hui à titre de représentante du Yukon et de pouvoir offrir mes condoléances à la famille du sénateur Paul Lucier.

Bien que sa santé ne lui ait pas permis d'être aussi présent qu'il l'aurait souhaité depuis quelques années, Paul est toujours demeuré près des gens du Yukon, comme en font foi les nombreux appels téléphoniques que j'ai reçus deux jours avant de me rendre ici.

Paul défendait avec acharnement tous les dossiers concernant le Yukon. Les commentaires que j'ai entendus au cours des deux derniers jours montrent bien à quel point les sénateurs entretenaient à son égard une grande amitié et un profond respect.

Prendre la relève ne sera pas une mince tâche.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, le Nord mystérieux, invitant et inquiétant, le vrai Nord unit le Canada comme aucun autre lien tangible ou intangible. Notre cher ami disparu, Paul Lucier, était né en Ontario; il a choisi de s'établir dans le Grand Nord, le Yukon, vers la fin de son adolescence.

Le Nord l'a formé et, en retour, il a contribué à définir le Nord. Homme à tout faire, marin, camionneur, boxeur, joueur de cartes invétéré, mécanicien, pompier, ambulancier, collectionneur d'armes à feu, guide des régions sauvages, pêcheur, homme politique, propriétaire de petite entreprise, Paul était un touche-à-tout polyvalent et plein de talent. Sa vie durant, il a travaillé de ses mains et de sa matière grise et, ce faisant, il a développé avec les travailleurs un rapport exceptionnel dont il était très fier.

Il y a quelque temps, je me suis rendu au Yukon avec plusieurs parlementaires des deux chambres. Nous nous sommes arrêtés à un belvédère où nous pouvions voir, en contrebas, un petit lac brillant comme un diamant et, au-delà, des pics enneigés à des lieux à la ronde. L'air était sec, frais, propre et revigorant. J'ai demandé à un collègue bloquiste, pendant que nous étions là, bouche bée devant ce merveilleux paysage: «Tout cela est à vous et à moi. Pourquoi y renonceriez-vous?» Il s'est tourné vers moi et, songeur, m'a dit simplement «Je ne suis pas certain que nous y renoncions.»

Le Nord nous définit tous d'une façon difficile à imaginer. À mes yeux, Paul était l'exemple parfait de l'esprit de pionnier qui anime les Canadiens ayant choisi de vivre et de travailler dans le Nord. Paul était sûr de lui, solide, drôle et vif; il avait confiance en lui-même et offrait aux autres un sourire extraordinaire et un sens de l'humour absolument redoutable.

J'ai fait la connaissance de Paul en 1966, alors que j'étais en visite à Whitehorse au cours d'une campagne électorale nationale infâme. Déjà, on pressentait qu'il avait de l'avenir en politique. Tandis que nous nous promenions dans la ville, tout le monde s'arrêtait pour lui dire bonjour, lancer une plaisanterie ou lui demander conseil sur une question, importante ou non. Qui peut oublier le sourire éblouissant de Paul, ses petits rires, son esprit de parti tranquille, sa loyauté envers ses amis et ses idées libérales, qui étaient évidents et exemplaires?

Paul a été élevé en Ontario, dans une famille francophone, et son éducation s'est faite dans un environnement entièrement francophone. Cependant, il ne s'intéressait pas aux nationalistes francophones. Il s'est férocement opposé à l'Accord du lac Meech, dans cette chambre et ailleurs. Il pensait que cet accord n'unirait pas le pays, mais le diviserait. Il fut, honorables sénateurs, le premier sénateur du Yukon et il n'a pas ménagé ses efforts pour obtenir une reconnaissance des revendications territoriales des autochtones dans le Nord et ailleurs. Ce n'était que justice, selon Paul.

Paul a combattu jusqu'à la fin. Il a combattu la maladie avec courage et bravoure, jusqu'à ce qu'elle ait raison de lui. Il s'asseyait là, à quelques sièges d'ici, lorsqu'il revenait de temps à autre. Il me lançait toujours une plaisanterie irrévérencieuse, qui ne manquait jamais de me donner le fou rire, même dans les moments les plus solennels de cette chambre.

Paul avait un enthousiasme pour la vie et une véritable joie de vivre. Il ne se plaignait jamais, même lorsque ses yeux trahissaient la souffrance qu'il endurait. J'ai eu l'honneur, comme beaucoup d'entre nous ici, de le compter parmi mes amis.

(1430)

Je tiens à offrir à son épouse, Grace, à ses proches et à ses amis, qui sont tellement nombreux que je ne saurais les nommer ici, nos plus sincères condoléances.

Voici, pour terminer, un extrait du poème «Les véritables grands» qu'a écrit, il y a longtemps, l'auteur anglais Stephen Spender:

Près de la neige, près du soleil, dans les champs les
plus élevés,
Voyez comment leur nom est glorifié par les hautes herbes
Et par les chapelets de nuages immaculés
Et par le murmure du vent dans le ciel attentif.
Le nom de ceux qui ont consacré leur vie à combattre
pour la vie,
Qui portaient dans leur c9ur le centre du feu.
Nés du soleil, ils ont voyagé brièvement vers le soleil
Et ils ont signé l'air vif de leur honneur.
Lorsque Paul a quitté ce monde, l'air vif est resté signé de son honneur.

Honorables sénateurs, le nom français «Lucier» vient du latin lucere, qui signifie «briller». Le courage de Paul brillera toujours pour tous ceux qui auront eu le privilège de le connaître.

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, je voudrais dire quelques mots à la mémoire de quelqu'un qui a été un de mes tout premiers amis à mon entrée au Sénat. Il est devenu un de mes collègues et amis les plus proches au cours des 15 dernières années.

Paul et moi avions nos bureaux de part et d'autre du couloir du cinquième étage à mon arrivée au Sénat. Dès le tout début, il m'a tendu la main d'une façon qui me fut d'un grand réconfort. Certains croient peut-être qu'il est facile d'entrer au Sénat, mais chacun de nous ici sait qu'à prime abord, le Sénat est à tout le moins déroutant et, au maximum, je suppose, une source de joie.

J'en suis arrivée à connaître cet homme du Yukon comme une personne vraie. Il avait des principes bien ancrés, aucune prétention et un grand sens de l'humour. Paul Lucier illustrait bien ce que l'on veut dire en disant de quelqu'un qu'il est une «personne admirable».

Il estimait l'équité et la compassion envers autrui plus que la politique, plus que le Parlement, plus que tout. Cette valeur motivait sa vie personnelle. Elle motivait son travail ici au Sénat et était certes au centre de sa détermination à représenter son merveilleux territoire et tous ses habitants. Il tenait tout particulièrement à représenter les autochtones canadiens. Peu importe qu'ils habitent au Yukon ou ailleurs au Canada, il cherchait à défendre leurs espoirs et leurs aspirations.

Honorables sénateurs, je me trouvais aussi au service religieux, à Whitehorse. Même s'il s'agissait d'un événement très triste, j'étais heureuse d'être là parce que j'ai vu la vie de Paul dans un contexte dans lequel la plupart d'entre nous ne l'ont jamais connu. J'ai vu où il vivait, les montagnes, la rivière. Le service a eu lieu dans une salle communautaire dont une fenêtre donnait sur un paysage magnifique, et l'événement était véritablement une célébration. Comme le sénateur Graham l'a dit, cette occasion nous a permis de mesurer l'impact qu'une personne aussi humaine et d'une telle qualité avait eu sur ceux et celles qu'elle avait servis. Nous avons aussi pu voir la force qu'il avait tirée de ces gens.

Pour paraphraser le sénateur Lynch-Staunton, au moment où il souhaitait la bienvenue à nos nouveaux sénateurs hier, le Sénat est une institution qui, par l'entremise de ses membres, reflète certaines des plus belles qualités de la société canadienne. Selon moi, Paul était au tout premier rang parmi ces représentants.

Après le service commémoratif, j'ai pris un repas très agréable avec celle qui a toujours appuyé Paul, c'est-à-dire Anne Piché qui, sauf erreur, est présente à la tribune aujourd'hui avec d'autres amis. Par la suite, on m'a fait parvenir un exemplaire du journal local, ce qui m'a permis de mesurer la couverture que la presse a jugé que ce gentleman méritait. Le journal lui a dit au revoir d'une façon extraordinaire. La page couverture montrait des photos en couleur du sénateur Lucier et le journal renfermait des histoires extraordinaires, écrites de la façon dont elles l'étaient lorsque j'étais jeune. Le sénateur Carney s'en souviendrait. Le journal a fait un excellent travail pour ce qui est de décrire Paul et l'estime dont il jouissait auprès de ceux qui étaient présents.

Le nouveau sénateur Christensen était là. Le sénateur Graham a pris la parole, tout comme l'honorable Judy Gingell, commissaire du Yukon. Le père David Daws, le prêtre plein d'énergie qui a présidé le service commémoratif, a montré sous un nouveau jour la personnalité de Paul Lucier. Il a décrit la relation qu'il avait avec lui comme un reflet de sa relation avec Dieu, ce qui nous a tous un peu étonnés, après quoi il a ajouté:

Non pas que je prenne Paul pour Dieu. Après tout, il était libéral.

Cette réflexion a provoqué quelques gloussements dans la foule.

Permettez-moi de citer d'autres propos qui ont été tenus pendant ce service, car ils décrivent fidèlement notre ancien collègue et ami. Voici ce qu'a dit Jack Cable, ami de longue date de Paul, qui siège à l'Assemblée législative du Yukon:

Il n'avait pas fait des études très poussées, mais il avait beaucoup de bon sens, un excellent jugement et beaucoup d'entregent. Il avait beaucoup de qualités qu'on aime à trouver chez autrui.

Voilà qui résume pour moi une magnifique personnalité. Nous ne pouvons que redire à Grace et à tous les membres de sa famille quel honneur et quelle joie ce fut pour nous de l'avoir comme collègue au Sénat et de le côtoyer. Nous savons à quel point il nous manquera. Nous ne pouvons qu'imaginer les souvenirs que vous, vos enfants et vos petits-enfants conserverez précieusement pendant de longues années. Veuillez accepter nos condoléances et nos meilleurs voeux.

L'honorable Willie Adams: Honorables sénateurs, j'ai fait la connaissance de Paul Lucier au moment de ma nomination, en 1977. Les sénateurs autochtones n'étaient pas très nombreux, et peu de sénateurs connaissaient vraiment le Nord.

Lorsque ma nomination a été annoncée, le sénateur Lucier m'a appelé à Rankin Inlet pour me féliciter et me souhaiter la bienvenue au Sénat. Je lui ai dit que la tâche me semblait lourde, car je ne connaissais pas très bien le Sénat du Canada, et je me demandais ce que j'y ferais. Paul m'a rassuré, me disant de venir à Ottawa et que nous travaillerions ensemble sur les problèmes du Nord.

Je n'oublierai jamais son soutien. Grâce à lui, je me suis senti beaucoup mieux à l'idée de venir à Ottawa pour siéger au Sénat.

Au début des années 80, nous parlions de la Constitution du Canada. À ce moment-là, l'avenir du Nord, du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et de l'Arctique en général était un sujet difficile. Le comité présidé par le sénateur Molgat a parcouru le pays d'un bout à l'autre. À cette époque, on avait de la difficulté à s'entendre sur le sort des peuples autochtones dans la Constitution. En fin de compte, l'article 35 a été ajouté à la Constitution.

(1440)

On a ensuite discuté de l'établissement des limites territoriales dans l'Arctique et au Yukon. On a dit que le Yukon serait rattaché à la Colombie-Britannique, qu'une partie du Manitoba serait rattachée au Keewatin, que l'île de Baffin serait rattachée au Québec et qu'un autre secteur le serait à l'Île-du-Prince-Édouard.

Je n'oublierai jamais Paul. Quand nous nous battions au sujet de la Constitution et des droits des autochtones, nous avons appris bien des choses sur la Constitution grâce à lui. Il se préoccupait tellement du sort de la population du Nord!

Il a été question à ce moment-là de sièges pour les provinces. En 1982, nous ne nous attendions pas à ce que le Nunavut devienne réalité et que des ententes soient conclues sur des revendications territoriales. À cette époque, le gouvernement a accepté d'accorder un jour des sièges supplémentaires pour les territoires. Nous nous sommes battus très fort Paul et moi pour obtenir ces sièges, et hier, mon ami Nick Sibbeston a été nommé au Sénat. Aujourd'hui, les autochtones des territoires ont plus de représentants.

Nous avons beaucoup travaillé sur la Constitution au Sénat et au comité en 1982. À ce moment-là, le sénateur Watt était le président de la Société Makivik et de la Société des Inuit du Nord québécois, ainsi que membre du Conseil régional de Kativik. Il a comparu devant le comité en tant que témoin. Je ne m'attendais jamais à ce qu'il soit nommé un jour au Sénat.

Après quelques années, j'ai déménagé à Ottawa, et le sénateur Lucier et moi allions au restaurant parlementaire, où nous avions coutume de nous raconter des farces. Quand le sénateur William Guay était encore ici, nous étions trois ou quatre à aller au restaurant parlementaire. C'était moins cher à l'époque. Un repas coûtait 2,50 $ environ. Maintenant, il faut débourser près de 20 $ pour le même repas. Nous avions coutume d'aller au restaurant et de parler du bon vieux temps.

J'avais acheté une propriété à Ottawa et j'ai appris que des castors s'y étaient établis. Paul m'a dit de les piéger. J'ai dit non. Il m'a dit que des gens voulaient les piéger. Un jour, un homme blanc est venu faire du piégeage sur mes terres. Ils se moquaient toujours: «Willie, vous êtes un autochtone. Pourquoi engagez-vous un homme blanc pour venir faire du piégeage sur vos terres?» Je ne l'oublierai jamais.

Il fut un temps où je voyageais beaucoup. Je me rappelle qu'un jour, nous avons fait une petite fête dans un igloo avec quelques administrateurs régionaux. J'étais là-bas pour réaliser des travaux d'électricité. Un jour, l'un des administrateurs a acheté de la bière, et nous avons voulu prouver qu'il était possible de faire une fête dans un igloo. Une chandelle qui avait été installée dans une boîte de carton est restée allumée, et personne n'a pensé à l'éteindre avant de partir. Le lendemain matin, l'igloo avait complètement disparu. Il avait fondu. Paul Lucier et Peter Bosa, qui nous a également quittés, avaient l'habitude de me taquiner et de me demander si la compagnie d'assurances m'avait indemnisé pour mon igloo.

Ce sont là certains des souvenirs que j'ai de Paul Lucier. Je suis désolé de ne pas avoir pu assister à ses funérailles, qui ont eu lieu au Yukon. Il me manque beaucoup. Il a beaucoup fait pour nous. J'aimerais remercier tous ceux qui ont supporté Paul dans les moments difficiles, y compris tous les membres de sa famille, à qui je transmets d'ailleurs mes plus sincères condoléances.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous demanderais de vous lever et de garder une minute de silence à la mémoire de notre collègue, l'honorable Paul Lucier.

(Les sénateurs observent une minute de silence.)

[Français]

Le décès de l'honorable Hédard Robichaud

Hommages

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorables sénateurs, le lundi 16 août 1999, l'Acadie, le Nouveau-Brunswick et le Canada perdaient l'un de leurs plus grands politiciens, l'honorable Hédard Robichaud, qui est décédé à l'âge de 87 ans.

Né à Shippagan le 12 novembre 1911, M. Robichaud a connu une carrière politique remarquable en oeuvrant comme député, ministre, sénateur, lieutenant-gouverneur et ambassadeur spécial au Chili.

Élu en 1953, il fut député fédéral de la circonscription de Gloucester, aujourd'hui appelée Acadie-Bathurst, au nord-est du Nouveau-Brunswick, jusqu'en 1968. En 1963, le Très honorable Lester B. Pearson le nomma ministre des Pêches. C'est dans ces fonctions que M. Robichaud aura laissé sa marque la plus importante.

Comme l'a mentionné l'honorable Louis-Joseph Robichaud:

Il est le premier en tant que ministre à arriver au poste avec les connaissances voulues dans le domaine des pêcheries. Les autres l'étaient peut-être plus du côté administratif.

Un de ses successeurs comme ministre des Pêches, le Gouverneur général du Canada, le Très honorable Roméo LeBlanc, se rappelle aussi de la détermination de M. Robichaud à faire avancer cette industrie de la péninsule acadienne. Je le cite:

J'ai eu l'occasion de l'écouter et de le consulter. Il disait qu'il ne fallait pas qu'on prenne tous les poissons cette année, parce qu'ils n'auraient pas frayé pour l'année prochaine. C'était un avertissement qu'il y avait du poisson dans l'eau, mais qu'il fallait faire attention pour en garder pour les générations futures.

En 1968, M. Robichaud fut assermenté au Sénat. Il y resta trois ans et, en 1971, il devenait le premier Acadien nommé lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick. Il occupa ce poste pendant dix ans en rendant service au Nouveau-Brunswick et en consacrant à la représentation politique des francophones.

Cet homme ne fut pas que politicien, il fut aussi l'époux de Gertrude Léger, père de neuf enfants et ami de nombreuses personnes à travers l'Acadie, le Nouveau-Brunswick, le Canada et le monde entier.

Homme respecté et admiré, il a toujours été un grand serviteur du peuple. Il laisse à tous ses anciens collègues et compatriotes un souvenir ineffaçable.

En mon nom et au nom de tous les Acadiens et Acadiennes, pour qui il s'est tant dévoué, et au nom de tous mes collègues au Sénat, j'offre mes plus sincères sympathies à son épouse, Gertrude, à ses enfants et à ses petits-enfants. J'offre mes sincères remerciements pour avoir partagé avec nous ce mari, ce père et ce grand homme politique, Acadien et Canadien.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, les habitants du Nouveau-Brunswick ont été très attristés par l'annonce du décès de l'honorable Hédard Robichaud, le vingt-quatrième lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick et le premier Acadien à occuper cette charge.

Hédard Robichaud a été député à la Chambre des communes avant d'être nommé au Sénat en 1968. J'ai donc eu le privilège de côtoyer et d'admirer ce grand Canadien pendant plus de 30 ans.

M. Robichaud est né à Shippagan, au Nouveau-Brunswick. Il a fait ses études à Tracadie, à l'Académie Sainte-Famille et à l'Université Sacré-C9ur de Bathurst. Il était détenteur d'un diplôme de l'Université Saint-Joseph, devenue par la suite l'Université de Moncton. Il avait sa résidence à Caraquet, mais nous savons que son univers s'étendait bien au-delà du Canada et du Nouveau-Brunswick.

M. Robichaud a apporté un solide appui au secteur des pêches, d'abord comme inspecteur et directeur des pêches du Nouveau-Brunswick puis, de 1963 à 1968, comme ministre des Pêches du Canada.

(1450)

Dans l'exercice de ses charges publiques, Hédard Robichaud s'est montré un modèle de générosité et de renoncement, ce qui lui a valu non seulement une belle réussite professionnelle, mais aussi beaucoup de témoignages d'affection.

Au Conseil privé et dans ses fonctions de lieutenant-gouverneur, de sénateur et de ministre fédéral, il a mis son sens des responsabilités au service du Nouveau-Brunswick et du Canada, envers lesquels il a fait preuve d'une fidélité et d'une intégrité exemplaires. Sa loyauté nous a été une grande source d'inspiration et nous sommes assurés qu'il repose en paix parmi les justes.

L'honorable Fernand Robichaud: Honorables sénateurs, l'Acadie a perdu un homme qui a marqué son histoire de plusieurs façons. Hédard Robichaud, comme on l'a déjà dit, fut élu député de Gloucester, où il représentait une population très acadienne, celle de la péninsule acadienne.

Lorsqu'il fut nommé ministre des Pêches, c'est avec beaucoup d'enthousiasme et de conviction qu'il a accepté cette responsabilité. S'il connaissait bien ce domaine, ce n'était pas simplement en raison du fait qu'il demeurait à Caraquet, dans la péninsule acadienne, mais bien parce qu'il était près des gens, qu'il était à l'écoute des gens qu'il représentait.

Cette disposition à rencontrer les gens s'est souvent manifestée lorsqu'il fut nommé lieutenant-gouverneur de la province du Nouveau-Brunswick. C'est avec entrain qu'il parcourut tous les coins de la province pour établir des liens avec le peuple.

J'ai eu l'occasion de rencontrer Hédard à plusieurs reprises, en différents endroits. À toutes ces occasions, il était accompagné de son épouse, Gertrude, qui manifestait toujours autant d'intérêt et de jovialité que son mari. Hédard a toujours reçu l'appui inconditionnel de sa famille, qui savait comprendre le rôle qu'il avait à jouer dans sa carrière politique.

Hédard était originaire de Shippagan, où j'ai aussi vu le jour. Oui, nous avons des liens de parenté et j'en suis honoré! Hédard était fils de Jean, fils de Georges. Mon père, Albert, était fils de Pierre, communément appelé Peter, fils de Georges.

J'offre donc à toute la famille mes plus sincères condoléances et je vous assure que Hédard vivra longtemps dans la mémoire collective, surtout celle des Robichaud.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous demanderais de vous lever pour observer une minute de silence en l'honneur de l'honorable Hédard Robichaud.

(Les sénateurs observent une minute de silence.)


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La santé

Les blessures évitables-La Fondation SAUVE-QUI-PENSE

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, nous convenons tous, j'en suis sûr, qu'il est dans l'intérêt des Canadiens de faire tout en notre pouvoir pour réduire les coûts des soins de santé dans notre pays. J'ai récemment découvert la fondation SAUVE-QUI-PENSE, un organisme national de prévention des blessures qui s'emploie à signaler aux Canadiens les risques qu'ils courent dans leur vie quotidienne. L'objectif principal de l'organisation est de nous aider à comprendre comment nous pouvons éviter ces risques dans notre quotidien et adopter des comportements réfléchis afin de prévenir toute possibilité de blessure ou de décès.

En juillet dernier, j'ai participé à une activité de financement, un tournoi de golf, où j'ai rencontré le Dr Robert Conn, fondateur de SAUVE-QUI-PENSE. Cardiochirurgien spécialisé en pédiatrie, le réputé Dr Conn a commencé à remettre en question la cause d'un nombre considérable des blessures qui affligeaient et tuaient les jeunes Canadiens. Il s'est aperçu que la majorité de ces blessures n'étaient pas simplement des accidents ou ne tenaient pas uniquement au destin, et que neuf blessures sur dix étaient prévisibles. Le Dr Conn a donc décidé de créer SAUVE-QUI-PENSE, un organisme se fondant sur l'hypothèse que, si certaines blessures sont prévisibles, elles peuvent être évitées, ce qui sauverait des vies, éviterait des souffrances et des douleurs inutiles et réduirait les coûts des soins de santé.

Trop de Canadiens meurent inutilement. Chez les adolescents, sept décès sur dix sont attribuables à des blessures évitables. On n'a qu'à penser à ce jeune fiancé de 21 ans qui venait d'être accepté à la faculté de droit. En balade en voiture, il ne portait pas sa ceinture lorsqu'il a eu un accident et s'est fracassé le crâne. Il y a aussi ce jeune homme de 19 ans qui, après avoir consommé quelques bières, a enfourché sa motocyclette pour aller percuter un arbre, puis cet élève de huitième année qui a sauté du haut d'un toit dans la section peu profonde d'une piscine. Il y a aussi ces adolescents qui se sont éloignés des sentiers balisés, ont fait de la motoneige sur des cours d'eau à peine glacés et ont plongé dans l'eau pour s'écraser sur des rochers. Ces jeunes Canadiens ont perdu la vie dans des accidents qui étaient prévisibles et évitables.

Les blessures sont la principale cause de décès des Canadiens de moins de 44 ans et elles entraînent le décès de plus d'enfants que toutes les autres causes de décès combinées.

Selon une étude entreprise en 1995 par SAUVE-QUI-PENSE, en partenariat avec Santé Canada, les blessures évitables ont coûté aux Canadiens 8,7 milliards de dollars ou 300 $ par habitant. Environ 4,2 milliards de dollars ont été consacrés aux soins de santé alors que les 4,5 milliards restants représentent la perte de productivité qui résulte du fait que les victimes ont quitté la population active. Les chutes et les accidents de voiture représentent plus de 60 p. 100 de ces coûts totaux. En 1995, il y a eu chez les personnes âgées plus de 468 000 chutes, qui ont entraîné des coûts de presque un milliard de dollars, soit 2 100 $ par chute.

Les chiffres empirent, car, chaque année, plus de 2 millions de Canadiens sont blessés, soit en moyenne 6 000 blessures par jour. Plus étonnant encore, chaque jour, on enregistre 250 blessures par heure et chaque année, plus de 47 000 personnes sont partiellement ou totalement handicapées et ce, de façon permanente.

Honorables sénateurs, la triste réalité est que, aujourd'hui, 21 Canadiens vont mourir de blessures non intentionnelles. Cela équivaut à près d'une personne par heure.

Il est indéniable que les blessures évitables constituent une épidémie silencieuse qui représente pour le Canada un défi en matière de santé publique qui est à la fois extrêmement grave et coûteux. C'est un problème qui touche la vie quotidienne des Canadiens de façon significative, mais dont les institutions gouvernementales n'ont à peu près pas conscience.

SAUVE-QUI-PENSE a fait un pas de géant en éveillant les Canadiens aux dangers potentiels qui existent dans leur vie quotidienne. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire. Il faut améliorer les systèmes d'information et de dépistage afin de mieux guider les efforts de prévention. Selon l'étude de SAUVE-QUI-PENSE, les Canadiens pourraient économiser plus de 1,7 milliard de dollars par an en évitant 20 p. 100 de ces blessures grâce à la mise en place d'une stratégie nationale bien coordonnée.

En guise de conclusion, j'encourage tous les honorables sénateurs à appuyer la fondation SAUVE-QUI-PENSE et à demander que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie entreprenne une enquête sur l'élaboration d'une stratégie nationale de prévention des blessures.

Il nous faut apprendre aux Canadiens comment prendre des risques réfléchis et faire en sorte que nous puissions tous vivre des vies longues et satisfaisantes.

La journée internationale de l'alphabétisation

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, à l'occasion de la dernière Journée internationale de l'alphabétisation du siècle, je vous invite tous à renouveler notre engagement et nos encouragements envers tous les Canadiens aux prises avec des problèmes d'alphabétisation à une époque où la technologie exige que chacun fasse des études toujours plus poussées et se perfectionne toujours plus vite.

À l'approche d'un nouveau millénaire, il ne serait pas inutile de réfléchir aux progrès accomplis au cours des dernières décennies en matière d'alphabétisation, qui est un domaine difficile. Au fil des ans, le mouvement en faveur de l'alphabétisation, qui était animé par une armée de bénévoles dans toutes les villes et tous les villages du Canada, s'est transformé en un partenariat plus étroit entre les organismes d'alphabétisation, les gouvernements, les entreprises, les syndicats et une foule d'associations qui ont l'alphabétisation au coeur de leurs préoccupations. D'année en année, nous renforçons nos programmes et nous les rendons accessibles à un nombre toujours croissant de personnes.

Les Canadiens en sont venus à reconnaître que l'on ne peut pas tenir le savoir et l'éducation pour acquis. Mais le processus d'alphabétisation est lent, et notre plus grand problème, c'est qu'encore trop peu de gens savent que plus de 40 p. 100 des adultes canadiens éprouvent à des degrés divers des difficultés à lire, à écrire et à communiquer.

Nous commençons enfin à comprendre que les problèmes ne débutent pas à un certain moment, à l'école ou au travail, mais dès les premiers mois de la vie.

Dans le cadre de mes fonctions auprès du Secrétariat national à l'alphabétisation, j'ai trouvé intéressant de voir que les constatations se faisaient à la base même et n'étaient pas le fait des gouvernements et des conseils d'administration. Les simples citoyens nous ont dit de façon très claire que l'alphabétisation familiale est le facteur le plus déterminant dans le cheminement scolaire des jeunes Canadiens. Un soutien solide et créatif est nécessaire pour favoriser l'alphabétisation de tous les membres d'une famille et amener celle-ci à avoir une influence sur son entourage.

Honorables sénateurs, il faut que tous les citoyens du Canada aient une chance équitable d'apporter une contribution utile à la vie du Canada, peu importe leur âge et leur situation économique ou sociale. Il faut oeuvrer pour que tous puissent se faire une place au soleil.

J'exhorte tous les honorables sénateurs, puisque nous occupons une position privilégiée, à entendre les messages et à exprimer leur soutien et leur compréhension devant les progrès accomplis. En tant que société, nous devons faire encore beaucoup plus, et je sais que chacun d'entre nous peut apporter quelque chose d'utile à l'atteinte de cet objectif.

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, je suis heureuse de souligner que c'est aujourd'hui la Journée internationale de l'alphabétisation, ce qui représente à la fois une source de réjouissances et de préoccupations.

Il y a certes lieu de marquer la Journée internationale de l'alphabétisation, car des pays des quatre coins du monde ont reconnu l'importance vitale de l'alphabétisation et adoptent des mesures visant à en faire la promotion. L'aptitude à comprendre et à utiliser des écrits au foyer, au travail et au sein de la collectivité est indispensable à la réussite économique des particuliers et des sociétés dans lesquelles ils vivent.

L'alphabétisation revêt de plus en plus d'importance. On sait depuis longtemps que de faibles capacités de lecture et d'écriture constituent un important problème dans les pays en développement. On a maintenant de plus en plus conscience que le manque de capacités de lecture et d'écriture peut aussi poser un problème réel dans les pays industrialisés. Il faut s'attaquer à ce problème. L'alphabétisation des adultes est indispensable au rendement économique et à la cohésion sociale du Canada et d'autres pays industrialisés.

Des progrès ont été accomplis parce que l'on a su reconnaître les problèmes d'alphabétisation et adopter des mesures en conséquence. À l'échelle internationale, on estime qu'il y a cinquante ans, 45 p. 100 de la population était analphabète, taux qui se situe désormais à 23 p. 100. Toutefois, honorables sénateurs, les sources de préoccupation demeurent nombreuses. À l'échelle mondiale, on estime qu'un homme sur cinq et une femme sur trois sont analphabètes.

Au Canada, près de la moitié des personnes de 16 ans et plus présentent des lacunes sur le plan des capacités de lecture et d'écriture. L'Enquête internationale de 1994 sur l'alphabétisation des adultes a mesuré la compétence des Canadiens à cinq niveaux différents. Il vaut la peine de rappeler les résultats. On a constaté que 48 p. 100 des Canadiens se situent aux deux niveaux les plus bas. Un tiers des Canadiens sont au niveau trois, qui est largement considéré comme le niveau de compétence minimal pour être en mesure de participer avec succès à la vie en société. Seulement 20 p. 100 des Canadiens se retrouvent dans les deux niveaux supérieurs et présentent de fortes capacités de lecture et d'écriture qui leur permettront de comprendre des documents complexes.

Honorables sénateurs, la Journée internationale de l'alphabétisation, qui a été commémorée la première fois le 8 septembre 1967, a été établie en 1966 par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture. L'UNESCO donnait suite à une recommandation de la Conférence mondiale de 1965 des ministres de l'Éducation concernant la suppression de l'analphabétisme.

De nombreux événements importants ont eu lieu depuis cette époque. Je tiens en particulier à attirer l'attention de la chambre sur le prix de 1995 de l'Association internationale pour la lecture, qui a été présenté au programme communautaire de services universitaires du Nouveau-Brunswick, ma province d'origine.

Au Canada, nombreux sont les groupes qui travaillent au niveau de la base, depuis des décennies, pour promouvoir l'alphabétisation parmi les Canadiens. Cependant, ce n'est qu'à la fin des années 80 que le Canada a reconnu que l'alphabétisation constituait un enjeu national qui nécessitait une intervention dans tout le pays. Un ancien gouvernement progressiste-conservateur a créé le Secrétariat national à l'alphabétisation en 1988. C'était il y a 11 ans. Aujourd'hui, il continue de favoriser des partenariats parmi les Canadiens et leurs gouvernements, afin de sensibiliser la population aux questions d'alphabétisation et d'améliorer l'accès aux programmes d'alphabétisation pour les Canadiens de toutes les régions. Je suis heureuse que le gouvernement actuel ait jugé bon de maintenir cet organisme important. Je dois notamment féliciter notre collègue, l'honorable Joyce Fairbairn, pour ses efforts infatigables en vue de promouvoir l'alphabétisation, tant au Sénat qu'ailleurs.

Le sénateur Di Nino a présenté au Sénat un projet de loi qui visait à supprimer la taxe sur la lecture. En appuyant ce projet de loi, nous montrerions que nous voulons sérieusement améliorer l'alphabétisation.

Par conséquent, nos initiatives en ce sens peuvent être importantes ou minimes, elles peuvent être politiques ou personnelles ou encore, elles peuvent être ponctuelles ou permanentes. En déployant des efforts, non seulement à l'occasion de la Journée internationale de l'alphabétisation, mais tout au long de l'année, nous pouvons tous apporter un changement.

Les travaux publics

La Colombie-Britannique-Le projet d'expropriation de la zone d'essais de Nanoose Bay

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, le vendredi 3 septembre, Michael Goldie, commissaire présidant aux audiences tenues cet été sur le projet d'expropriation de la zone d'essais de torpilles de Nanoose Bay, en Colombie-Britannique, par le gouvernement fédéral, a présenté son rapport au ministre des Travaux publics, Alfonso Gagliano. Dans son rapport, il signalait que plus de 2 000 Britanno-Colombiens lui avaient soumis des objections à cette aquisition hostile sans précédent d'Ottawa d'une propriété de la Colombie-Britannique.

J'ai cinq graves sujets de préoccupation concernant le projet d'expropriation de la zone d'essais de Nannose Bay, que j'ai exposés devant le commissaire Goldie lors de ma comparution, le 5 août, et j'aimerais en faire clairement état.

Premièrement, la réaction dictatoriale du gouvernement fédéral à la rupture des négociations entre Ottawa et la Colombie-Britannique sur les conditions du renouvellement de la location du fond marin établit un précédent inquiétant pour d'autres provinces qui s'opposent aux initiatives fédérales et pour l'équilibre des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les provinces au Canada. Je crois que cela causera un tort irréparable à notre pays.

Imaginez, si vous voulez - et je suis convaincue que le sénateur Taylor le pourrait - que les fédéraux n'aiment pas ce qu'un premier ministre de l'Alberta se propose de faire en matière d'établissement des prix de l'énergie. En l'espace de quelques jours, Ottawa exproprie le polygone de tir de Cold Lake; ou bien le gouvernement d'Ottawa n'est pas content du premier ministre de Terre-Neuve et du Labrador, et il confisque le site d'entraînement de forces militaires étrangères de Goose Bay, au Labrador. Les deux installations ont été établies grâce à des accords entre les gouvernements fédéral et provinciaux qui les utilisent et, comme la zone d'essais de Nanoose, elles s'inscrivent dans le cadre des obligations internationales du Canada en matière de défense.

Vous croyez peut-être impensable qu'Ottawa décide d'exproprier des terrains appartenant à ces provinces. On suppose que les fédéraux se conduisent de façon dictatoriale envers la Colombie-Britannique uniquement parce que l'impopularité du gouvernement actuel de la province lui permet de prendre une mesure aussi révoltante.

Deuxièmement, le projet d'expropriation signifierait la confiscation d'un territoire qui, selon le jugement de la Cour suprême, appartenait à la colonie de la Colombie-Britannique avant qu'elle ne se joigne au Canada. Songez au précédent que cela pourrait présenter pour le Québec si le gouvernement québécois décidait de tenir un autre référendum sur la séparation. Songez au précédent et aux problèmes que cela pourrait présenter pour l'exploitation, la protection ou la conservation à venir des ressources pétrolières et gazières ou autres ressources marines de la Colombie-Britannique, ou pour les revendications territoriales des autochtones.

Ma troisième objection concerne l'effet dramatique qu'aurait l'expropriation sur la divulgation des activités maritimes sous-marines. Les gouvernements provincial et fédéral sont actuellement liés par un bail dont la teneur est accessible à toute personne qui désire en avoir copie. Cependant, qu'adviendra-t-il de la divulgation ou de la transparence si le gouvernement fédéral exproprie Nanoose Bay? Le gouvernement fédéral actuel est bien connu pour sa tendance au secret, même en matière d'évaluation environnementale. Les choses ne peuvent qu'empirer lorsque les Américains s'en mêlent, compte tenu de la paranoïa dont ils font actuellement preuve au sujet des questions de sécurité soulevées dans le rapport Cox et des présumées activités d'espionnage de la Chine dans le domaine nucléaire.

Ma quatrième réserve concerne le rôle que jouent les Américains dans cet exercice de jeux guerriers entre le gouvernement fédéral et la Colombie-Britannique. Le personnel de mon bureau a tenté en vain de connaître les modalités de renouvellement de l'accord entre le Canada et les États-Unis relativement à l'utilisation de la zone d'essais de Nanoose Bay. Cette situation vient ajouter au secret qui entoure le projet d'expropriation du gouvernement fédéral et donne à penser que la Colombie-Britannique est peut-être utilisée comme pion dans ces jeux politiques avec les Américains, à plus forte raison si l'on tient compte du rapport Cox, de la réglementation de défense américaine restrictive qui s'ensuit et des milliards de dollars de contrats de défense canadiens menacés par ces changements.

Ma dernière préoccupation, la plus sérieuse, est que la mainmise, par la force, d'Ottawa sur des biens provinciaux illustre l'échec de notre système politique et l'incompétence des dirigeants politiques en cause.

Ayant moi-même été ministre responsable de la Colombie-Britannique au sein d'un précédent gouvernement fédéral, je sais qu'il incombe au titulaire de ce poste d'assurer la liaison avec les gouvernements provinciaux, de s'entendre avec eux et de négocier des solutions aux différends. Les conférences de premiers ministres sont précisément un lieu de rencontre, sur un pied d'égalité, des dirigeants de la Confédération. Certains pouvoirs, comme la défense, sont conférés au gouvernement fédéral dans l'intérêt national, mais l'intérêt national exige également de négocier et non d'exproprier. Le règlement des différends au Canada a toujours reposé sur la négociation et il en va de même du cas de la zone d'essai de Nanoose Bay. D'ailleurs, les nombreux Canadiens de la Colombie-Britannique qui m'ont écrit à ce sujet privilégient la négociation.

[Français]

L'inauguration du Carrefour L'Industrielle-Alliance

Le dévoilement d'un buste en l'honneur de l'honorable Raoul Dandurand

L'honorable Lucie Pépin: Honorables sénateurs, j'ai participé le 25 août dernier à l'inauguration du Carrefour L'Industrielle-Alliance à Montréal et au dévoilement du buste érigé en l'honneur du sénateur Raoul Dandurand.

Le Carrefour L'Industrielle-Alliance est le fruit d'un projet de restauration d'un édifice historique situé au centre-ville de Montréal. Son inauguration donne un souffle et un dynamisme nouveaux à la ville.

Mais ce qui prime, c'est que le Carrefour L'Industrielle-Alliance est dédié à la mémoire d'un éminent canadien, le sénateur Raoul Dandurand. Peu de gens parmi nous sont familiers avec les réalisations de ce distingué Montréalais.

Né en 1861, il a étudié le droit et a amorcé sa carrière politique à l'âge de 18 ans, comme candidat aux élections fédérales. Il devenait collaborateur de premier plan au sein des Cabinets de sir Wilfrid Laurier et de Mackenzie King.

Toute sa vie durant, le sénateur Dandurand a défendu la cause de l'instruction publique et universelle, aidant à rendre obligatoire la fréquentation de l'école publique et il a fondé le collège Stanistlas, de même que l'Université de Montréal.

[Traduction]

Nommé au Sénat en 1898, il s'est donné pour mission de promouvoir le rôle du Canada sur la scène internationale et de faciliter l'évolution de nos relations avec la Grande-Bretagne. En 1924, le sénateur Dandurand a été nommé représentant du Canada à la Société des Nations, à Genève, et délégué au Conseil de la Ligue en 1927. Il a été nommé Grand Officier de la Légion d'honneur. Toute sa vie, il a été un ardent défenseur des droits de la personne et du règlement pacifique des conflits.

[Français]

Le sénateur Dandurand était un visionnaire, un grand Montréalais et un éminent Canadien. Quel magnifique idée que d'honorer sa mémoire dans un centre aussi populaire et aussi fréquenté que le Carrefour L'Industrielle-Alliance! Grâce à cette initiative, les Montréalais et les Montréalaises en apprendront davantage sur les réalisations peu connues mais néanmoins extraordinaires de l'un de nos prédécesseurs.


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

La Stratégie visant à répondre aux besoins des autochtones en matière de logement

Avis d'interpellation

L'honorable Thelma J. Chalifoux: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 57(2) du Règlement, je donne avis que vendredi prochain, le 10 septembre 1999, j'attirerai l'attention du Sénat sur la Stratégie visant à répondre aux besoins des autochtones en matière de logement.

le Projet de loi sur l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public

Pétitions

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter au Sénat plusieurs pétitions comportant la signature de plus de 3 650 de membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes. Les pétitionnaires demandent aux sénateurs de modifier le projet de loi C-78 de façon à veiller à ce que les négociations concernant leur régime de pension commencent immédiatement et, à défaut, d'encourager le Sénat à rejeter le projet de loi C-78.

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires étrangères

Le Programme de déplacements aux frais de l'État à l'intention des journalistes-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne l'utilisation de l'argent des contribuables pour l'envoi aux frais de l'État de journalistes canadiens dans des villes à l'étranger.

Dans un article paru aujourd'hui dans le National Post, on pouvait lire en gros titre «Les Affaires étrangères ont offert des voyages et de l'argent aux journalistes - dans un effort en vue de rehausser leur image». Il est dit dans l'article que le programme prévoit l'envoi tous frais payés de journalistes travaillant pour des journaux communautaires canadiens dans des villes à l'étranger, des tournées de conférences à travers le Canada pour les diplomates en vue, et que tout cela coûte 1,4 million de dollars. Est-ce là une façon correcte d'utiliser l'argent des contribuables? Est-ce là une nouvelle initiative du gouvernement Chrétien? Quand va-t-on mettre fin à cet abus de pouvoir?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, sans être d'accord sur les prémisses ni sur certaines des questions du sénateur Oliver, je n'ai pas connaissance qu'une telle aide soit offerte, mais je vais certainement me renseigner.

Le sénateur Oliver: Le leader du gouvernement n'a-t-il pas lu l'article en première page du National Post aujourd'hui? S'il l'a lu, ne sait-il pas que 4,6 millions de dollars sont réservés pour ces dépenses dans le cadre du programme?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je regrette beaucoup, quoique j'essaie de lire le National Post aussi souvent que je le peux, de ne pas avoir encore lu la une de ce journal aujourd'hui.

Le patrimoine canadien

La journée de sir Wilfrid Laurier-La reconnaissance d'autres premiers ministres-La position du gouvernement

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

On a annoncé pendant l'été que le gouvernement déclarerait bientôt le 20 novembre jour n'ayant pas le statut de fête légale célébrant la mémoire de sir Wilfrid Laurier, homme politique libéral. Honorables sénateurs, la contribution de Laurier au développement du Canada est indéniable. Il tient une place particulière dans notre histoire, comme d'autres qui ont suivi. Son successeur immédiat, sir Robert Borden, un conservateur, a aidé le Canada à traverser la Grande Guerre, comme on l'appelait alors. Sir Robert Borden aurait, à ce qu'on dit, présidé à l'entrée du Canada dans l'âge adulte et il mérite certainement la même reconnaissance.

On pourrait discuter ad vitam aeternam pour essayer de déterminer qui a des mérites et qui n'en a pas. Toutefois, même si beaucoup d'historiens révisionnistes voudraient qu'il en soit autrement, sir John A. Macdonald a été le premier premier ministre du Canada. Sir John A., comme nous le savons tous, était un conservateur. Naturellement, on en a souvent parlé comme du plus grand premier ministre du Canada, parce qu'il est le père de la Confédération. Il a façonné une magnifique coalition, notre Canada bien-aimé, et a dirigé le pays pendant 18 ans et 11 mois, de 1867 à 1873 et de 1878 jusqu'à sa mort, en 1891. C'était un visionnaire et un bâtisseur.

Parmi les réalisations de son gouvernement, mentionnons l'établissement de la Police à cheval du Nord-Ouest et la construction du Canadien Pacifique ainsi que l'adhésion de l'Île-du-Prince-Édouard, du Manitoba et de la Colombie-Britannique à la Confédération canadienne. Bien sûr, le premier parc national du Canada, Banff, a aussi été créé sous son gouvernement.

Au Parlement, nous déplorons souvent que les Canadiens connaissent assez peu notre histoire. Comment se fait-il alors que le gouvernement ait pu seulement penser à créer une journée pour sir Wilfrid Laurier sans penser à faire de même pour sir John A. Macdonald, notre premier premier ministre, faisant ainsi peu de cas des 30 premières années de l'histoire du Canada en tant que nation?

Le leader du gouvernement au Sénat est-il capable de nous dire catégoriquement que ce n'est pas le cas?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, ce serait difficile pour moi de faire peu de cas de sir John A., car je le vois tous les jours, sa statue étant située juste devant la fenêtre de mon bureau. Cela me rappelle son extraordinaire contribution à notre pays.

Je n'ai pas entendu dire qu'une décision précise ait été prise au sujet du très honorable sir Wilfrid Laurier ni qu'une fête ait été envisagée à sa mémoire. Je m'informerai, mais je ne peux qu'être d'accord avec le sénateur LeBreton concernant la part que sir John A. Macdonald a jouée dans l'histoire et le développement de notre pays.

La Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise

L'adoption du projet de loi S-10 pour souligner la Journée internationale de l'alphabétisation-La position du gouvernement

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Les honorables sénateurs ont entendu plusieurs sénateurs parler aujourd'hui de la Journée internationale de l'alphabétisation et de son importance, tant pour le Canada que pour le reste du monde, et notamment l'éloquent discours du sénateur Fairbairn - qui, soit dit en passant, aurait fait un excellent Gouverneur général!

Le sénateur Tkachuk: Cela aurait en effet été un meilleur choix!

Le sénateur Di Nino: Le projet de loi S-10, qui a obtenu bon nombre d'appuis des deux côtés de la Chambre, est toujours inscrit au Feuilleton. Ne serait-il pas approprié d'en finir avec lui en l'adoptant aujourd'hui? Ce projet de loi pourrait être adopté à titre de symbole en cette Journée internationale de l'alphabétisation, comme M. Peter Gzowski, l'un des plus grands défenseurs de l'alphabétisation au Canada, l'a d'ailleurs suggéré devant le comité.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, Peter Gzowski est non seulement un ardent défenseur de l'alphabétisation, mais également un excellent golfeur qui a parrainé bon nombre de tournois de golf pour recueillir des fonds à cette fin. Toutefois, il n'est pas plus dévoué à la cause de l'alphabétisation que notre collègue, madame le sénateur Fairbairn, qui a été ministre responsable de ce dossier et qui assume d'ailleurs toujours certaines responsabilités à cet égard au sein du ministère du Développement des ressources humaines, où elle est chargée de promouvoir l'alphabétisation, ce qu'elle fait d'ailleurs d'une façon très éloquente d'un bout à l'autre du pays. Je me rappelle bien d'un débat auquel nous avons participé à ce moment-là.

Six grands Canadiens sont venus se joindre à nous à titre de sénateurs hier. Je me rappelle du jour où huit nouveaux sénateurs ont été nommés de l'autre côté, tous de grands Canadiens.

Le sénateur Kelleher: Répondez à la question!

Le sénateur Graham: Nous avons l'habitude de nous occuper de tous les projets de loi, qu'ils soient d'initiative gouvernementale ou qu'ils soient proposés par des députés de l'opposition ou par des ministériels. Ce projet de loi sera étudié en temps et lieu, comme il le devrait.

Le sénateur Di Nino: Honorables sénateurs, en notant que le ministre a l'adresse de Frank Mahovlich lorsqu'il était joueur de hockey - il était aussi mon camarade de classe - j'ajouterais que le ministre sait très bien «esquiver».

Le ministre est-il prêt à nous garantir que le Sénat en finira avec ce projet de loi avant que nous ajournions cette semaine?

Le sénateur Simard: Ou la semaine prochaine!

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, n'importe quel sénateur peut parler du projet de loi S-10 quand bon lui semble. Or, le chef adjoint de l'opposition a dit que ce devait être avant l'ajournement de jeudi. Il veut peut-être ainsi nous faire comprendre que nous adopterons rapidement l'important projet de loi ministériel dont nous sommes saisis. Je constate que le chef de l'opposition, qui a pris place à la troisième rangée, hoche la tête, peut-être parce qu'il n'arrive pas à croire que le chef adjoint de l'opposition ait tenu ces propos.

Le projet de loi S-10 est une mesure importante. Le sénateur Di Nino a fait une importante contribution à ce débat, comme d'ailleurs d'autres sénateurs, mais il y a en peut-être d'autres encore qui veulent y participer.

Pour ce qui est de savoir manier le bâton de hockey, Frank Mahovlich a toujours joué à l'aile gauche. Pour ma part, je dois jouer au centre et à plusieurs autres positions en même temps.

L'Organisation des Nations Unies

Le conflit au Timor oriental-Le retrait possible de la mission-Le recours à la force d'intervention rapide pour assurer une protection-La position du gouvernement

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

L'ampleur de la crise humanitaire au Timor oriental vient d'être confirmée par l'annonce que l'ONU retirera de sa mission environ 400 membres de son personnel avec leurs familles parce que l'Indonésie et l'imposition de la loi martiale n'ont pu mettre un terme aux tueries auxquelles se livre la milice déchaînée.

Le Canada peut-il faire preuve de leadership au sein du Conseil de sécurité et travailler au maintien de la présence de l'ONU au Timor oriental en appuyant le déploiement rapide d'une force internationale réduite pour protéger le complexe de l'organisation et son site secondaire?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'accepte le point de vue exprimé par l'honorable sénateur Roche.

(1530)

Certains d'entre nous ont cru que, avec le temps, l'ONU devrait être dotée d'une force d'intervention rapide pour agir dans des situations comme celle-ci. J'ignore cependant si cette solution peut être envisagée dans le cas où l'Indonésie n'inviterait pas l'ONU à être présente dans une situation semblable. Selon les premières indications, l'Indonésie n'accepterait pas la présence d'une telle force.

Quant au Conseil de sécurité, le Canada a toujours soutenu qu'il fallait faire comprendre au gouvernement indonésien qu'il lui incombait de préserver la paix et la sécurité au Timor oriental. Cette responsabilité fait partie de ce que nous avons appelé hier l'accord du 5 mai. Celui-ci prévoit la protection du personnel de l'ONU et des Timorais.

Sauf erreur, le personnel de l'ONU est en sécurité pour l'instant, à l'intérieur du complexe de la capitale. On m'a demandé hier combien de Canadiens s'y trouvaient. Je crois qu'il y en a cinq, soit deux membres de la GRC et trois Canadiens qui sont directement au service de l'ONU.

Le sénateur Roche: Je remercie le ministre de sa réponse, mais je me permets d'attirer son attention sur le fait que la question n'est pas tant que l'Indonésie invite une présence étrangère, mais que les Nations Unies n'ont jamais accepté l'annexion du Timor oriental. Aux yeux de la communauté internationale, l'ONU est dans une position de force.

À cet égard, je me demande si on a porté à l'attention du ministre l'éditorial paru aujourd'hui dans le quotidien Irish Times, et selon lequel les 15 membres du Conseil de sécurité, dont le Canada, portent tous la responsabilité de l'abandon des habitants du Timor oriental, à qui l'on avait promis liberté et protection s'ils remportaient le référendum.

Dans ce contexte, est-ce que le leader du gouvernement au Sénat a vu la déclaration de l'évêque Belo, lauréat du prix Nobel et chef spirituel du Timor oriental, qui est en exil en Australie? L'évêque Belo en appelle à tous les pays influents du monde, dont fait partie le Canada, pour qu'ils interviennent afin que les massacres cessent dans ce territoire ravagé.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je le regrette, mais je n'ai pas encore vu cette déclaration. Je vais demander qu'on me la communique le plus rapidement possible. J'ajouterais que le Conseil de sécurité des Nations Unies a envoyé une délégation de représentants à Jakarta pour discuter avec le gouvernement indonésien de mesures concrètes en vue de la mise en 9uvre des résultats du scrutin. Les habitants du Timor oriental sont empêchés d'exercer leurs droits démocratiques, droits pour lesquels ils ont voté avec, on le présume, la bénédiction du gouvernement indonésien.

On me dit que la délégation de l'ONU a rencontré le ministre indonésien des Affaires étrangères et des membres de l'ambassade canadienne. Une rencontre est prévue demain avec le président Habibie, le chef de l'opposition, et peut-être avec le général Wiranto, commandant des forces armées indonésiennes.

J'assure le sénateur Roche et tous les honorables sénateurs que le Canada fait tout ce qui est en son pouvoir et essaye de convaincre le Conseil de sécurité des Nations Unies d'intervenir et de le faire dans les plus brefs délais.

[Français]

Les Affaires étrangères

Le conflit au Timor oriental-La possibilité d'imposer des sanctions à l'Indonésie-La position du gouvernement

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, hier, j'ai demandé au leader du gouvernement de nous expliquer pourquoi le ministre des Affaires étrangères a dit que ce serait une erreur d'imposer des sanctions à l'Indonésie. Le leader ayant demandé du temps pour obtenir des éclaircissements, est-il en mesure de répondre aujourd'hui?

[Traduction]

L'honorable B. Alisdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai pas de réponse officielle à vous transmettre, mais je crois que le ministre des Affaires étrangères a déclaré que nous commettrions une erreur, car ces sanctions ne nous permettraient pas de nous attaquer au coeur du problème. Nous offrons de l'aide non pas directement au gouvernement indonésien, mais bien aux plus pauvres des membres de la société dans cette région du monde. Les sanctions auraient des répercussions néfastes sur les pauvres de cette nation. Voilà pourquoi le ministre Axworthy a fait cette déclaration.

[Français]

Le sénateur Nolin: Je rappellerais au leader du gouvernement qu'il y a une dizaine d'années, lorsqu'on s'est interrogé au sein du Commonwealth sur les moyens de faire comprendre aux Africains du Sud que leur façon d'agir était inacceptable, le Canada a imposé des sanctions. Cela a fonctionné. Pourriez-vous consulter votre collègue, le ministre des Affaires étrangères, afin de comprendre pourquoi ce serait une erreur pour le Canada d'imposer des sanctions à l'Indonésie?

[Traduction]

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, les circonstances étaient très différentes, puisque les relations économiques étaient plus intenses à l'époque entre l'Afrique du Sud, le Canada et d'autres pays. Je me souviens fort bien d'avoir discuté avec le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Joe Clark, peu après qu'il eut rencontré M. Mandela, qui venait d'être libéré de prison. Le ministre Clark a demandé à un petit groupe d'entre nous de l'aider à recueillir des fonds pour financer l'éducation démocratique en Afrique du Sud. Je me souviens également très bien du rôle crucial qu'a joué le premier ministre Mulroney, qui a réussi à convaincre le premier ministre Thatcher et le président des États-Unis d'imposer des sanctions.

Sans vouloir exagérer, j'ai écrit dans un de mes bouquins que, en matière d'affaires internationales, les historiens pourraient en venir à qualifier cette intervention de la plus grande contribution du premier ministre Mulroney, de sa plus grande réalisation.

La situation ici est fort différente en ce qui concerne les sanctions qui pourraient être imposées à l'Indonésie, puisque l'aide est plutôt versée aux ONG.

Le développement des ressources humaines

La Fondation des bourses d'études du millénaire-La gestion du fonds-La date à laquelle seront octroyées les premières bourses-La position du gouvernement

L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, les étudiants du niveau postsecondaire reprennent leurs cours dans les universités et les collèges cette semaine. Des centaines de milliers d'entre eux devront encore demander des prêts pour pouvoir payer leurs frais de scolarité. Pourquoi le gouvernement refuse-t-il toujours d'accorder des bourses aux étudiants du niveau postsecondaire même si des sommes suffisantes ont déjà été réservées il y a deux ans et versées dans le Fonds des bourses d'études du millénaire?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai déjà eu l'occasion d'expliquer la situation. Je félicite encore une fois madame le sénateur Cochrane qui soulève la question. Elle continue toujours son rôle d'éducatrice. Le Fonds des bourses d'études du millénaire correspond exactement à son titre. Il s'agit d'une somme de 2,5 milliards de dollars qui a été mise de côté pour qu'on puisse accorder 100 000 bourses d'études sur une période de dix ans. Je crois comprendre que des ententes ont été conclues avec un territoire et toutes les provinces à l'exception de Terre-Neuve et du Québec. Il semble qu'il reste deux problèmes à régler avec le Québec, et j'espère qu'ils le seront très bientôt.

(1540)

Le Sénat

La réponse à une question encore au Feuilleton

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, j'aimerais savoir quand le gouvernement va répondre à une question que j'ai fait inscrire au Feuilleton du 17 novembre de l'an dernier. Je ne veux pas que la question no 135 reste en plan au Feuilleton à la fin de la semaine prochaine.

La question porte sur le contrat passé par le gouvernement avec BMCI Consulting Inc. Le leader du gouvernement pourrait-il dire quand j'obtiendrai réponse à ma question?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Je vais m'informer dès que je quitterai la chambre. J'espère qu'une réponse sera fournie bientôt.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public

Troisième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Michael Kirby propose: Que le projet de loi C-78, Loi constituant l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public et modifiant la Loi sur la pension de la fonction publique, la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur la continuation de la pension des services de défense, la Loi sur la continuation des pensions de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires, la Loi sur la Société canadienne des postes et une autre loi en conséquence, soit lu pour la troisième fois.

- Honorables sénateurs, avant de commencer mes observations sur le projet de loi C-78, j'aimerais attirer votre attention sur le fait qu'un document distribué hier à tous les sénateurs portait le titre de 28e rapport du comité sénatorial permanent des banques et du commerce, sur le projet de loi C-78. En fait, il manquait deux pages au document transmis à chaque sénateur. J'ai fait distribuer un exemplaire révisé du rapport au bureau de chaque sénateur.

Cela dit, il n'y a pas d'erreur dans les Journaux du Sénat d'hier, en ce sens que ceux-ci renferment une copie complète des observations. L'annexe au rapport est imprimée en appendice. Il manquait l'une des pages renfermant des observations imprimées des deux côtés dans le document distribué hier. J'apporte cette précision au cas où certains sénateurs se demanderaient pourquoi ils ont reçu un deuxième exemplaire ce matin. On le leur a transmis dès que l'on m'a signalé que le responsable de l'impression du rapport n'avait pas imprimé celui-ci correctement.

Je ferai maintenant quelques observations générales sur le projet de loi C-78, puis j'aborderai directement un certain nombre de questions qui ont préoccupé des membres du comité et un grand nombre de sénateurs.

Comme tous les sénateurs le savent, ce projet de loi renferme un certain nombre de modifications importantes aux régimes de pension de la fonction publique, modifications qui visent fondamentalement à améliorer la gestion financière des régimes et à en assurer la viabilité à long terme. Ces amendements comprennent non seulement de nombreux changements de forme, dont je commenterai certains en détail, mais ils comprennent aussi des changements dans l'établissement des taux de cotisation, des améliorations dans les prestations de retraite des employés, et des changements dans la gestion du régime.

Permettez-moi de dire d'abord, car c'est le point le plus important, que les prestations pour lesquelles les employés du gouvernement ont cotisé au cours de leur carrière sont toujours pleinement garanties par ce régime. Le régime de retraite du gouvernement est un régime de prestations défini. Les prestations dont chaque employé du gouvernement, qu'il soit retraité ou encore en fonction, prévoit pouvoir bénéficier ou bénéficie actuellement sont pleinement garanties et maintenues et, dans plusieurs cas, sont améliorées par ce régime.

Ces régimes sont parmi les meilleurs dans le pays. Ils procurent des avantages définis qui offrent une protection contre l'inflation. Il convient de noter qu'une protection contre l'inflation est présente dans moins de 10 p. 100 des régimes de retraite parrainés par l'employeur au Canada. En outre, aux termes des régimes actuels, les employés paient des cotisations qui représentent moins de 40 p. 100 du coût du régime - en fait, un taux se rapprochant davantage de 30 p. 100 à l'heure actuelle - soit un pourcentage considérablement moins élevé que dans la plupart des régimes du secteur privé.

Afin d'assurer la stabilité financière à long terme du régime de retraite fédéral, le projet de loi C-78 crée un office d'investissement indépendant des régimes de pension du secteur public, qui investira les futures cotisations de l'employé et de l'employeur dans les marchés financiers, en vue de réaliser le maximum de gains sans risque inutile. Cet organisme de gestion du régime rendra des comptes au gouvernement, aux employés, aux retraités et au Parlement de la manière expliquée dans le projet de loi.

Les sénateurs devraient également savoir que ce projet de loi comprend un ensemble de changements de forme qui visent à améliorer d'autres prestations liées aux régimes de retraite fédéraux. Permettez-moi de donner quelques exemples qui illustreront mon propos. Les prestations supplémentaires de décès doubleront par rapport au montant actuel, pour passer à 10 000 $ lorsque les prestataires atteindront l'âge de 65 ans. En outre, la prestation de décès ne commencera pas à être supprimée graduellement avant l'âge de 65 ans, de sorte qu'elle sera désormais en vigueur jusqu'à l'âge de 75 ans, et non plus de 70 ans.

Deuxièmement, la cotisation versée pour la prestation supplémentaire de décès sera réduite de 25 p. 100, de sorte que cette prestation coûtera moins cher à ceux qui sont assujettis aux régimes de retraite visés.

Troisièmement, le projet de loi C-78 étend l'admissibilité aux prestations de survivants aux conjoints de même sexe des cotisants aux régimes de retraite. Les régimes de retraite de la fonction publique respecteront ainsi un certain nombre de décisions récentes rendues par les tribunaux.

Enfin, le projet de loi établira aussi un régime de retraite distinct pour les employés de la Société canadienne des postes, de manière que cette dernière puisse gérer son propre régime de retraite comme toutes les autres grandes sociétés du secteur privé et, bien entendu, comme toutes les autres grandes sociétés d'État.

Permettez-moi de parler brièvement de la gestion de l'office - c'est-à-dire de la structure de gestion de l'office qui gérera l'argent investi dans le régime de retraite par l'employeur, en l'occurrence, le gouvernement, ainsi que par les employés.

Avant le dépôt du projet de loi, le gouvernement a essayé de s'entendre avec les représentants des employés sur une structure de gestion mixte et sur le partage des risques et des coûts. Pareille entente porterait sur la répartition des surplus à venir et des déficits éventuels du régime. Malheureusement, comme on a pu le constater à la lumière des témoignages présentés devant le comité en juin et août, il a été impossible d'arriver à une entente définitive sur la teneur d'une structure de gestion mixte. On a accepté le principe, mais on n'a pu s'entendre sur les modalités d'un accord.

Le sénateur Stratton a assisté aux audiences du comité qui portaient sur cette question parce que c'est un sujet qui l'intéresse vivement et il a posé d'excellentes questions aux témoins. À l'instar d'un certain nombre d'autres membres du comité des banques, il a exprimé des réserves au sujet des dispositions du projet de loi C-78 qui concernent la gestion de l'office d'investissement. Je ne reviendrai pas sur ces critiques maintenant, mais il en est fait état dans les observations que nous avons déposées en juin, qui ont été annexées à celles qui sont contenues dans le rapport que j'ai déposé hier.

Quoi qu'il en soit, étant donné ces critiques et compte tenu du fait que les syndicats et l'employeur ne se sont jamais officiellement entendus sur une structure de gestion mixte, le comité a conclu que la meilleure façon de régler la question est d'encourager les parties concernées à retourner à la table de négociation pour négocier les modalités finales d'un accord sur le partage des risques et une structure de gestion mixte. À notre avis, si ces négociations pouvaient être menées à bien, il serait alors possible d'inclure dans le projet de loi le genre de structure de gestion que nous avons préconisé.

Honorables sénateurs, nous aurions espéré que cela se produise pendant l'été. C'est d'ailleurs surtout pour cela que le Sénat a convenu de renvoyer le projet de loi au comité cet été. Malheureusement, l'impasse qui persistait depuis décembre 1998 a continué pendant tout l'été, en grande partie parce que les deux côtés tentaient d'imposer une condition préalable aux négociations. Les représentants syndicaux insistaient en disant que, oui, ils voulaient s'asseoir et discuter d'une convention de cogestion, mais qu'ils le feraient uniquement si la question de l'utilisation de l'actuel surplus des caisses de retraite était sur la table. Les représentants du gouvernement disaient que, oui, ils voulaient négocier une convention de cogestion avec les syndicats, mais qu'ils le feraient uniquement si la question de l'actuel surplus des caisses de retraite n'était pas sur la table. En fait, un côté mettait comme condition que la question soit sur la table tandis que l'autre avait comme condition préalable que cette question ne puisse pas être sur la table. Le résultat, c'est qu'il n'y a eu aucune négociation significative, voire aucune négociation du tout sur ce sujet pendant tout l'été. Je ne peux donc rien ajouter aux observations que j'ai faites en juin par rapport à des changements concernant le régime de cogestion et de partage des risques, puisqu'il n'y en a pas eu.

En fait, le projet de loi prévoit la constitution de l'Office d'investissement des régimes de pensions. Son rôle consistera à investir les futures cotisations versées aux termes des régimes de pension. L'office sera indépendant du gouvernement et des participants aux régimes, mais il devra rendre compte au Parlement, de sorte que nous pourrons surveiller la qualité des décisions d'investissement. Les administrateurs de l'office seront choisis avec l'aide du gouvernement et des participants aux régimes, ces derniers pouvant faire des recommandations au comité chargé des nominations. L'office sera assujetti à des dispositions sévères d'un code de conduite régissant les conflits d'intérêts, qui l'obligeront à divulguer ses pratiques gouvernementales, ses politiques d'investissement ainsi que ses états financiers.

(1550)

Certes, si nous aurions vraiment préféré avoir un accord de gestion conjointe dans ce projet de loi, mais aucune des deux parties ne pouvait ni ne voulait entreprendre des discussions à ce sujet. Donc, sur la question de la gestion conjointe et du partage des risques, le plan est resté exactement tel qu'il était en juin.

Le deuxième sujet de préoccupation pour le comité et pour beaucoup des témoins qui ont comparu devant lui - et je sais que cela préoccupe un certain nombre de sénateurs des deux côtés - est la question de l'excédent. La loi actuelle prévoit des mécanismes pour gérer les déficits, mais pas les excédents qui peuvent s'accumuler. La loi actuelle oblige le gouvernement, ce qui veut dire les contribuables, à combler tous les déficits, comme le gouvernement l'a fait de temps en temps au fil des ans, ayant comblé plus de 11 milliards de dollars de déficits depuis que le régime a été créé il y a une quarantaine d'années.

En effet, honorables sénateurs, un des principaux arguments invoqués pour justifier le droit du gouvernement à l'excédent actuel est le fait que, par le passé, le gouvernement a assumé la responsabilité des déficits du régime. Aucun de ces déficits n'a été comblé par les employés. Par conséquent, il semble tout à fait raisonnable que le gouvernement ait droit à tout excédent.

Pourtant, durant nos audiences sur ce projet de loi, tous les syndicats de la fonction publique et toutes les associations de retraités ont exprimé leur opposition à ce que le gouvernement mette la main sur l'excédent actuel. Un nombre minoritaire de membres du comité des banques, comme l'indique clairement notre rapport, appuient cette position, et je suis sûr que certains des orateurs d'en face ne manqueront pas de le signaler. Ils sont d'avis que le fait que le gouvernement a assumé tous les risques par le passé ne lui donne pas nécessairement droit à tout excédent.

Ces membres minoritaires du comité - qui sont essentiellement des sénateurs d'en face - croient que le gouvernement n'a jamais assumé la totalité des risques à l'égard du régime. Pour appuyer cette affirmation, ils disent qu'il y a eu des hausses des cotisations versées par les employés et que ces hausses pourraient d'une certaine façon avoir compensé les déficits antérieurs. Ils disent cela malgré le fait que les hausses se sont produites à une époque bien différente de celle où le régime était déficitaire.

Bon nombres de raisons font que j'ai de la difficulté à accepter cette idée. Premièrement, la loi en vigueur attribue clairement au gouvernement, et non aux employés, le fardeau d'éponger les déficits. Deuxièmement, les hausses des taux de cotisation qui ont été mises en question ne concordent pas avec la réalité. De 1974 à 1991, près de 90 p. 100 des coûts de l'indexation, soit un montant se situant entre 8 et 9 milliards de dollars, ont été payés par les contribuables canadiens, c'est-à-dire par le gouvernement qui a puisé dans le Trésor.

De plus, le projet de loi C-78 limite la capacité du gouvernement de procéder à des hausses des taux de cotisation dans l'avenir. De fait, en vertu du projet de loi, le régime bloquera les taux de cotisation actuels de la fonction publique jusqu'en l'an 2003. En 2004, le gouvernement pourra graduellement augmenter les cotisations aux régimes de pensions du secteur public. Toutefois, toute hausse sera limitée à un maximum de quatre dixièmes de 1 p. 100 des gains de toute année donnée.

Je suis impatient d'entendre les discours des sénateurs Tkachuk, Stratton, Kelleher et autres qui, j'en suis convaincu, préciseront la logique qui les amène à conclure que, compte tenu de l'historique de cette loi, le surplus ne revient pas d'office à l'employeur, comme ce serait le cas dans toute situation correspondante dans le secteur privé.

Enfin, en ce qui concerne le surplus, plusieurs personnes ont dit que le gouvernement ne respecte pas la Loi sur les normes de prestations de pension. De fait, cette loi établit un processus exigeant qu'il y ait consultation entre un employeur et un employé uniquement dans un cas où l'employeur n'a pas clairement droit au remboursement de l'excédent. Le gouvernement estime qu'il a droit au remboursement de l'excédent. Quoi qu'il en soit, c'est une question qui sera tranchée par les tribunaux. Par conséquent, le gouvernement estime qu'il respecte les dispositions de la Loi sur les normes de prestations de pension, et la majorité des membres du comité partagent cet avis.

On s'est aussi demandé pourquoi le gouvernement doit adopter une loi relative au surplus s'il est confiant d'y avoir droit. En réalité, le projet de loi ne crée pas directement de droit au remboursement du surplus. Il présente des modes de gestion possibles du surplus sur la foi d'avis donnés devant le comité par des spécialistes des pensions et d'avis juridiques. De fait, le projet de loi n'établit pas de droit au remboursement du surplus. Il précise qu'il peut y avoir une réduction graduelle des surplus actuels sur une période pouvant atteindre 15 ans. Le projet de loi offre toute une gamme de solutions possibles relativement à ce surplus, y compris une période d'exonération de cotisations pour les employés ou l'employeur, ou les deux, ainsi que des réductions de cotisations pour les employés ou l'employeur ou les deux. Il est clair que la question du droit du gouvernement d'utiliser le surplus sera soumise aux tribunaux. C'était clair durant les audiences et d'après les témoignages. Ce projet de loi laissera aux tribunaux le soin de déterminer si l'employeur a le droit de s'emparer du surplus.

J'ai déjà commenté la question de la gestion conjointe et, franchement, la déception du comité devant le peu de progrès réalisé à cet égard durant l'été. L'autre point qui a fait l'unanimité au sein du comité est notre déception à tous et c'est là un euphémisme car le mot que nous avons employé dans nos observations était plutôt «indignation». L'absence de consultation de la GRC et des forces armées nous a déçus. Comme la plupart des sénateurs le savent, les membres de la GRC et des forces armées n'ont pas le droit de se syndiquer. Par conséquent, leurs régimes de pension sont gérés par le truchement des associations d'employés. Ce ne sont pas des régimes séparés au sens où ils renfermeraient des fonds distincts. Cependant, au fil des ans, ces gens ont reçu des prestations de retraite comparables à celles des fonctionnaires. Néanmoins, il a semblé à tous les membres du comité que, si l'on présentait un projet de loi modifiant les régimes de pension pour tous les fonctionnaires, et implicitement les membres de la GRC et des forces armées, les associations d'employés de ces deux groupes auraient dû être consultées. Cela n'a pas été fait.

Le comité estimait que les membres à temps partiel de la GRC, qui ne participent pas à l'heure actuelle aux régimes de pension et de retraite, devraient y participer. Cette opinion découle du fait que les employés à temps partiel de la fonction publique, quant à eux, participent au régime de la fonction publique. La simple justice veut que les mêmes critères s'appliquent aux membres de la GRC et des forces armées. On nous a assuré qu'on était sur le point d'entreprendre des pourparlers avec les associations professionnelles de la GRC et des forces armées. Nous, membres du comité, avons fait savoir dans nos observations de même qu'aux témoins qui ont comparu devant nous que nous allions suivre de très près ces négociations. Nous estimons que les membres de la GRC et des forces armées doivent, en toute justice, être traités de la même manière que les employés de la fonction publique, qui participent au même régime de retraite.

Un autre important changement sera la modification qui sera apportée au régime de retraite de Postes Canada. Celui-ci entrera en vigueur le 1er octobre 2000 et comportera des modifications similaires à la Loi sur la pension de la fonction publique que celles contenues dans le projet de loi C-78. Ces modifications au régime de retraite de Postes Canada s'imposent pour une étrange raison. Il semble que, à partir du moment où la Société canadienne des postes est devenue une société d'État indépendante et a cessé d'être un ministère fédéral, le régime de retraite des employés s'est financé de la façon suivante: les employés contribuaient une somme donnée, Postes Canada contribuait une somme équivalente et le gouvernement contribuait le reste. Autrement dit, 30 p. 100 venaient des employés, 30 p. 100, de l'employeur et 40 p. 100, du gouvernement. Le résultat est que le gouvernement subventionnait clairement le coût du régime de pension de la Société canadienne des postes.

(1600)

Ce projet de loi élimine cette subvention en accordant à la Société canadienne des postes un an pour être à même de gérer son propre régime de pension et, en fait d'assumer le plein coût du régime en question. Néanmoins, le projet de loi précise que les prestations de retraite auxquelles ont droit les employés de la Société canadienne des postes en vertu du régime actuel resteront inchangées et que les employés ne perdront rien. La différence ici, c'est que l'employeur assume tout le coût du régime de pension au lieu qu'une partie du plan en question soit subventionnée par les contribuables au moyen d'une contribution versée par le gouvernement.

Une autre question soulevée à l'origine par le sénateur Lawson et aussi par le sénateur Mahovlich et quelques autres honorables sénateurs, au cours de la discussion que nous avons eue ici en juin, est celle du placement des régimes de pension en fiducie. La question était de savoir si l'accès à l'excédent était différent dans le cas de la pension de la fonction publique par rapport, par exemple, au régime de pension des joueurs de la Ligue nationale de hockey ou, pour utiliser un exemple plus récent dont on peut se servir, le régime de pension de la SCHL. La différence fondamentale, c'est celle-ci: dans le cas de la Ligue nationale de hockey, comme dans celui de la SCHL, les régimes de pension sont placés en fiducie. Cela veut dire que les fonds sont placés dans un fonds en fiducie où l'employeur détient en fiducie la contribution des bénéficiaires.

Dans le cas du régime de pensions de la fonction publique fédérale, il ne s'agit pas d'une fiducie. En fait, il n'y a pas de fonds. Essentiellement, chaque employé verse ses cotisations au Trésor, et le gouvernement paie les pensions à partir du Trésor, en tant que dépense d'exploitation. On parle du fonds de pension, mais la vérité, c'est qu'il n'y a jamais eu, au gouvernement fédéral, ni chez les gouvernements provinciaux, dans la plupart des cas, de fonds véritable. Par conséquent, le régime de pensions de la fonction publique, tel qu'il existe aujourd'hui, ne constitue pas un fonds en fiducie. Ce n'est même pas un fonds. Ce n'est certainement pas un fonds en fiducie comme celui de la LNH ou de la SCHL, par exemple.

Bien sûr, dans le cas des fonds en fiducie, il est souvent faux de dire qu'ils s'appliquent à des régimes à prestations déterminées. Même s'il s'agissait d'un fonds en fiducie s'appliquant à un régime de pensions à prestations déterminées, la question ne se poserait pas dans le cas qui nous occupe parce qu'il n'y a pas de document de fiducie et qu'il n'y a jamais eu de véritable fonds. Il s'agit essentiellement d'une transaction comptable inscrivant une dette au compte du gouvernement fédéral, telle qu'établie par les actuaires à partir des taux d'inflation présumés, de l'âge des employés, du salaire moyen et d'autres facteurs du genre.

Enfin, la dernier sujet qui a suscité de nombreuses questions lorsque j'en ai parlé en juin fut l'étendue des prestations de survivant. Les sénateurs Cools, Taylor, Prud'homme et plusieurs autres ont posé des questions à cet égard. Je résumerai cette question de façon un peu plus succincte que je ne l'ai fait en juin.

En ce qui concerne l'octroi des prestations de survivant aux partenaires de même sexe, le gouvernement tente de se conformer aux récentes décisions des tribunaux, qui comprennent la décision de la Cour suprême dans l'affaire M. c. H. et la décision de la Cour fédérale dans l'affaire Moore et Akerstrom. Même si nous ne sommes pas tous d'accord sur ce changement fondamental, les couples de même sexe ont droit aux prestations de survivant et nous devons manifestement adopter cette mesure législative qui respecte ces décisions des tribunaux. Les tribunaux ont clairement établi que le fait d'avoir différentes prestations de survivant en fonction de l'orientation sexuelle était en fait de la discrimination et la cour fédérale a statué de façon spécifique pour les prestations dont bénéficient les fonctionnaires fédéraux.

En un sens, ce que fait ce projet de loi, c'est ce qui a été décidé dans la plus récente affaire Moore et Akerstrom. La Cour fédérale a statué que le Conseil du Trésor, en tant qu'employeur, devait étendre les prestations aux partenaires de même sexe, comme il l'a fait pour les partenaires de sexe opposé vivant en union de fait. Le Conseil du Trésor ne pouvait pas créer une catégorie séparée pour les partenaires de même sexe, car cela reviendrait à perpétuer des stéréotypes nuisibles et une discrimination sur la base de l'orientation sexuelle. À mon avis, cela fournit la justification pour cette partie du projet de loi.

L'autre question qui a été soulevée relativement à cette partie du projet de loi était de savoir si les prestations de survivant devraient également être accordées dans les cas de relation comportant une personne à charge, par exemple le cas de deux s9urs, de deux frères ou d'une personne qui s'occupe de sa mère, et cetera. En d'autres termes, le projet de loi ne devrait-il pas comporter une disposition assurant le versement des prestations de survivant aux personnes à charge en général, indépendamment de la nature de la relation?

La nouvelle présidente du Conseil du Trésor a traité de cette question de façon assez détaillée lorsqu'elle a comparu devant le comité il y a quelques semaines. Elle a promis, à la demande instante de tous les membres du comité, que le Conseil du Trésor effectuerait une analyse détaillée des conséquences et coûts de ce genre de changement.

Les membres du comité ont dit très clairement au ministre, et nous l'indiquons très clairement dans les observations jointes au projet de loi, que nous suivrons de très près le travail du gouvernement sur cette question, parce que nous la considérons comme importante et tenons à ce qu'elle soit réglée rapidement.

Honorables sénateurs, je rappelle, en terminant, que le projet de loi a fait l'objet d'une étude approfondie. Nous avons tenu une série d'audiences en juin et une autre en août. D'importantes divergences d'opinion continuent d'opposer les deux partis au Sénat au sujet d'un nombre limité de questions, en particulier en ce qui concerne l'excédent. Les sénateurs des deux côtés reconnaîtront cependant que le projet de loi marque des progrès à de nombreux autres égards, quoique les progrès ne soient pas aussi rapides que nous l'aurions souhaité dans d'autres cas, en particulier en ce qui concerne le plan de gestion conjointe. Cependant, nos divergences d'opinion au sujet du projet de loi se limitent en fait à un ou deux aspects.

La majorité des membres du comité, principalement ceux de ce côté-ci de la Chambre, croient que, dans l'ensemble, le projet de loi est valable. Nous aurions évidemment souhaité un contenu plus substantiel. Nous voudrions en particulier que soit adopté le plan de gestion conjointe. Nous espérons que les négociations iront bon train et se dérouleront comme s'y sont engagées les deux partis et nous nous attendons à ce que le ministre veille, dès que les négociations seront terminées, à ce que des changements soient apportés immédiatement à la loi pour mettre ces mesures en 9uvre.

Certes, ce n'est pas un projet de loi parfait, honorables sénateurs, mais je n'en estime pas moins que, dans l'ensemble, c'est un bon premier pas. Il n'est pas parfait, mais il représente un bon premier pas. Par conséquent, il mérite l'appui du Sénat.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au sénateur Kirby. Le sénateur a dit quelque chose de nouveau pour moi et a dissipé l'impression que j'avais au sujet du statut du surplus dans ce projet de loi. J'avais l'impression que le projet de loi confirmait le fait que le surplus appartenait au gouvernement alors que vous avez dit qu'il n'appartenait pas au gouvernement et qu'il revenait aux tribunaux de trancher la question. Ai-je bien entendu?

Le sénateur Kirby: Le sénateur m'a bien entendu. Je pense que, s'il consulte le projet de loi, le sénateur Lynch-Staunton constatera qu'il ne dit pas, pour l'essentiel, que le surplus appartient au gouvernement. En ce sens, le projet de loi ne crée pas de droit. Le gouvernement estime qu'il a droit au surplus. Le projet de loi traite de la question de l'allocation du surplus ou, si vous voulez, de l'utilisation du surplus actuel, et fait deux propositions, dont l'une est une suppression échelonnée sur une longue période.

Je vois qu'un des avocats d'en face commence à se demander si j'ai raison ou si j'ai tort. Je me ferai un plaisir d'en discuter avec lui. Le sénateur Oliver semble être sur le point de le dire, mais pour répondre brièvement à votre question, oui, vous m'avez bien entendu.

Le sénateur Lynch-Staunton: Est-ce oui ou non? La question des 30 milliards de dollars, qui semble être une pomme de discorde entre l'Alliance de la fonction publique et le gouvernement, est-elle réglée dans le projet de loi ou est-elle encore laissée en suspens?

Le sénateur Kirby: Je voudrais revenir aux prémisses de votre question pendant quelques instants. Toutefois, je vais essayer de répondre directement à votre question.

(1610)

Je crois comprendre que la question n'est pas réglée. En fait, les syndicats entendus nous ont dit que la question serait portée devant les tribunaux. Et d'un.

Deuxièmement, je voudrais être très clair quant au surplus dont il est ici question. Le surplus du régime n'est pas la même chose que le surplus qui existerait s'il y avait un fonds réel.

Voici, en fait, ce qui se passe: les actuaires prédisent combien l'employeur devra débourser lorsque les employés prendront leur retraite. Les prévisions des actuaires sont fondées sur toute une série d'hypothèses. Les deux principales sont le taux d'inflation et la variation des salaires. Les deux sont par ailleurs souvent liées l'une à l'autre.

Si on regarde en arrière, sur une longue période, on voit que les taux d'inflation, particulièrement vers la fin des années 80, et les augmentations des salaires étaient assez élevés. Les actuaires prévoyaient donc que le gouvernement aurait de très fortes sommes à débourser pour les retraites des employés.

Au début des années 90, deux choses se sont produites. Tout d'abord, les salaires des fonctionnaires ont été gelés, de telle sorte que les prévisions des taux d'augmentation de ces salaires faites par les actuaires étaient trop élevées. Ensuite, le taux d'inflation a chuté.

Par conséquent, les actuaires ont déclaré qu'il y avait bel et bien des obligations financières au titre des régimes de pension, mais que celles-ci n'étaient pas aussi élevées que ce qu'ils avaient prévu au départ. Ils ont corrigé leurs hypothèses de départ en tenant compte de la diminution du taux d'inflation. Pendant une bonne partie des années 90, on a vu que les salaires des fonctionnaires, s'ils augmentaient, augmentaient très peu par rapport aux taux connus au cours des années 80, lorsque les hypothèses de départ ont été formulées.

En fait, nous discutons ici d'une écriture comptable. Ce qui se passe, c'est que l'obligation financière est inscrite comme telle dans les livres du gouvernement.

Je reconnais que ce dont il est question lorsque l'on parle d'un surplus, c'est de la réduction de l'obligation financière qui fait augmenter le passif du gouvernement. C'est de cela que nous discutons. Il n'est pas question d'une véritable caisse où quelqu'un irait puiser des billets de banque réels. Nous parlons de données comptables et actuarielles.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je suis au courant de la nature des 30 milliards de dollars. Il ne s'agit pas de 30 milliards à la banque; il s'agit d'un chiffre théorique.

Cependant, je crois que d'autres syndicats ont déjà intenté des poursuites judiciaires concernant d'autres excédents de caisse de retraite. Est-ce exact ou non?

Le sénateur Kirby: Je crois que c'est inexact. Les deux affaires devant les tribunaux n'ont pas trait à des excédents; elles ont trait aux hypothèses utilisées pour prévoir le taux d'inflation et les hausses de salaire. Les deux affaires n'ont pas directement rapport à la question des excédents. Je vois les sénateurs Meighen et Oliver, qui étaient avec moi. Je crois que c'est ce qu'ont dit les avocats des syndicats, et c'est certainement ce qu'ont dit les avocats du gouvernement. Je les vois faire un signe de la tête, si cela peut vous être utile.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je mettrais de côté ces deux affaires judiciaires, mais, encore une fois, je voudrais obtenir une réponse précise, peut-être de ce côté-ci, sinon de l'autre, quant à l'incidence que le projet de loi aura sur l'excédent de 30 milliards de dollars.

Il appartient aux tribunaux de se prononcer sur la question de la propriété, à savoir si elle devrait être partagée ou exclusive. Pourquoi le gouvernement a-t-il refusé de discuter avec les syndicats d'un programme de cogestion, si les tribunaux doivent se prononcer en fin de compte sur la question la plus litigieuse?

Le sénateur Kirby: Il faudrait poser la question directement au ministre; cependant, si j'ai bien compris, le gouvernement est convaincu d'avoir droit au surplus. Il est d'avis que le surplus lui appartient et il n'est pas prêt à négocier à ce sujet.

Dans une lettre du 28 juin environ, le comité qui négocie au nom du syndicat a écrit au ministre, le président du Conseil du Trésor d'alors, en disant que, pour négocier au sujet de la gestion conjointe, il demandait que la question du surplus soit aussi soumise à la négociation. Le gouvernement a affirmé dès le début de ces négociations, du moins je le suppose, qu'il ne négocierait pas à ce sujet, car il était convaincu que le surplus lui appartenait.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il appartiendra en définitive aux tribunaux de déterminer si ce projet de loi renferme certaines dispositions concernant le surplus de 30 milliards de dollars qui pourraient nuire à la cause du demandeur ou indiquer au juge comment ce surplus doit être utilisé. Le projet de loi renferme-t-il quoi que ce soit qui nuirait à la cause du demandeur devant le tribunal, à l'avantage de la Couronne qui réclame le surplus?

Le sénateur Kirby: Je crois comprendre, selon les témoignages entendus au comité, que ce projet de loi n'a aucun impact sur la question du droit au surplus. De même, il n'a aucun impact sur la façon d'utiliser le surplus si le gouvernement l'obtient; il précise les choix qui se présenteront au gouvernement si le surplus lui appartient. Cependant, il ne traite pas directement de la question du droit au surplus. Cela est ressorti très clairement des témoignages des avocats du gouvernement en juin, et encore une fois il y a 10 jours, lors de notre dernière rencontre.

Je crois que cela répond directement à votre question.

Le sénateur Lynch-Staunton: La deuxième question découle de la première. Pouvons-nous recevoir l'assurance que rien, dans ce projet de loi, n'empêchera quiconque autre que la Couronne de réclamer le surplus ou ne favorisera la Couronne devant les tribunaux?

Le sénateur Kirby: Je crois comprendre que c'est le cas. Le projet de loi ne présume aucunement de l'issue de la cause devant le tribunal.

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, tout en rendant hommage aux sénateurs Kirby et Tkachuk en leur qualité de président et de vice-président du comité pour leur leadership dans cette étude d'un projet de loi fort complexe, je pose la question à titre de parlementaire qui n'a pas participé aux travaux du comité, mais qui doit voter à l'étape de la troisième lecture.

J'aimerais demander au sénateur Kirby pourquoi aucun amendement n'a été rapporté au Sénat à la suite de l'étude effectuée par le comité. Vous me corrigerez si j'ai tort, mais, lorsque le Sénat a décidé en juin dernier de renvoyer le projet de loi au comité, il me semblait évident que cela signifiait que des amendements s'imposaient. C'était, selon moi, la raison pour laquelle le projet avait été renvoyé. Si je ne m'abuse, le projet de loi qui est revenu au Sénat n'a pas été amendé du tout.

J'aimerais bien qu'on m'explique pourquoi le comité nous renvoie le projet de loi sans amendement alors que le sénateur Kirby a souligné qu'il n'y avait eu aucune négociation en vue d'une entente de cogestion. Cette impasse pourrait entraîner des conséquences assez sérieuses pour l'avenir. Ne devrions-nous pas proposer que le projet de loi soit renforcé pour résoudre ce que nous considérons actuellement comme une impasse et une situation qui pourrait s'avérer beaucoup plus grave plus tard?

Le sénateur Kirby: Je ne suis pas certain d'avoir bien compris la dernière partie. Le sénateur Roche a raison de dire que tous les sénateurs auraient été heureux de voir dans ce projet de loi une entente de cogestion et de partage des risques si les deux parties avaient réussi à s'entendre. Nous n'étions pas prêts à imposer une telle entente. Il est bien entendu que nous ne voulions pas déterminer unilatéralement ce que l'entente de partage des risques ou de cogestion devait être.

Le comité était persuadé que les deux parties pourraient se rencontrer au cours de l'été et régler les détails dans les cas où on n'avait conclu qu'une entente de principe. Cela ne s'est pas produit.

Je crois que nous devrions à tout le moins être d'accord sur le fait que nous ne devrions pas imposer aux deux parties une entente de cogestion ou de partage des risques par laquelle nous présenterions des amendements qui n'auraient pas déjà été négociés entre l'employeur et les employés.

(1620)

Le dilemme était pour nous le suivant: nous voulions apporter des amendements, mais seulement si les deux côtés étaient d'accord. Or, ils n'étaient parvenus à aucun accord. Voilà pourquoi il n'y a aucun amendement. Au début de l'été, au cours d'entretiens privés entre des membres du comité, nous avions exprimé l'espoir que, face à un délai, on en viendrait à un accord. Malheureusement, cela n'a pas été le cas.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, le sénateur Kirby n'a certes pas volontairement omis de mentionner une certaine lettre et laissé aux sénateurs une fausse impression concernant les discussions que nous avions souhaitées.

Le 28 juin 1999, M. Sjoquist a adressé une lettre au président du Conseil du Trésor, poste qu'occupait alors M. Massé, lui disant que, au nom du Conseil national mixte qui régit leurs négociations, ils devraient discuter de l'excédent. Tous les membres du comité devront convenir que nous avons eu du mal, au comité, à obtenir du ministre qu'il nous dise s'il avait envoyé une lettre à ce même M. Sjoquist.

Puis, le 4 août, M. Sjoquist a écrit à la nouvelle présidente du Conseil du Trésor, Mme Robillard, pour lui faire savoir en ces termes qu'il était prêt à la rencontrer:

Le 28 juin, j'ai rejeté la demande de l'honorable Marcel Massé de m'engager plus avant dans des discussions parce que celui-ci posait comme condition préalable que la question de l'excédent de la caisse de retraite ne figure pas à l'ordre du jour.

Néanmoins, je suis persuadé que la réforme des pensions continue d'être une des grandes priorités du gouvernement fédéral et une de vos grandes priorités en tant que ministre. Par conséquent, je vous exhorte respectueusement à convoquer le Comité consultatif du régime de retraite de la fonction publique sans condition préalable, de sorte que toutes les parties soient libres d'aborder toute question jugée non réglée.

Cela a posé un problème aux séances du comité. Le ministre n'a cessé de nous reporter à la lettre du 28 juin, refusant de donner suite à la lettre du 4 août.

Mon honorable collègue pourrait-il nous éclairer sur les raisons pour lesquelles il ne s'est rien produit après le 4 août et après que cette condition préalable eut été éliminée et par M. Sjoquist et par M. Bean?

Le sénateur Kirby: Je ne sais pas très bien pourquoi il ne s'est rien produit, si ce n'est qu'il y a eu un remaniement ministériel et qu'un nouveau titulaire a été nommé et cela, 10 ou 15 jours avant la tenue de nos audiences. Le calendrier des audiences avait été établi en juin par le Sénat.

L'honorable sénateur a parfaitement raison; il y a eu un changement dans la position du syndicat entre la fin juin et le début août. M. Daryl Bean, président du Syndicat de la fonction publique, a dit qu'il ne pouvait y avoir d'entente sur la gestion conjointe tant que la question du surplus actuel ne serait pas réglée. La confusion règne des deux côtés quand à ce qui s'est passé. Il semblerait que le fait que le syndicat ait modifié sa position entre le mois de juin et le mois d'août, combiné au changement de ministre et au sentiment que le gouvernement n'était toujours pas prêt à négocier le surplus, explique qu'il n'y ait pas eu de négociations. En fait, autant que je le sache, il n'y en a toujours pas.

J'aimerais préciser quelque chose afin de dissiper toute confusion concernant la question du sénateur Lynch-Staunton. Les membres du personnel qui ont travaillé avec moi sur ce dossier pourront confirmer ce que j'ai dit il y a un instant en réponse au sénateur Lynch-Staunton. Ce projet de loi n'a absolument aucune incidence sur la question de savoir à qui appartient le surplus actuel. Cela a été confirmé par les avocats qui travaillent sur ce dossier dans une note à mon intention.

Ces deux affaires sont devant les tribunaux. J'ai eu tort de dire qu'elles portaient sur les prévisions du gouvernement. Dans un certain sens, c'est tout de même exact. Elles portent sur les principes comptables appliqués actuellement au calcul du surplus, mais elles ne portent pas sur la question du droit à ce dernier.

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, peut-être le sénateur Kirby pourrait-il répéter ce qu'il vient de dire, car il aborde une question qui préoccupe vivement tous les membres du comité. Je crois avoir entendu le sénateur dire que ce projet de loi ne porte pas atteinte aux droits de quiconque en ce qui concerne l'admissibilité ou la non-admissibilité à l'excédent

Le sénateur Kirby: C'est ce que j'ai dit. Je suis très heureux de faire lecture du texte que m'a fait parvenir le personnel du service juridique. Cette note dit: «Ce projet de loi n'aura aucun effet sur la propriété de l'excédent actuel prévu dans la LPFP.»

Le sénateur Meighen: En effet, il semble que le gouvernement agisse selon le bon vieux principe juridique qui veut que les questions de droit soient négligeables. Si on peut mettre la main sur l'excédent tout de suite et en débattre plus tard, c'est fichtrement mieux que de le soumettre à une partie aux fins de discussion.

Le sénateur Kirby: Je suis sûr que, en tant qu'avocat, c'est fort probablement le conseil que mon honorable collègue donnerait à ses clients. J'ai toujours pensé qu'une de mes plus grandes bénédictions était de ne pas être avocat.

À mon avis, le gouvernement agit tout simplement en présumant que l'excédent lui appartient. Le projet de loi dit que, si on présume qu'il lui appartient, voilà comment il peut s'en servir. Cependant, la question de savoir s'il lui appartient - et le syndicat l'a indiqué clairement - sera tranchée en définitive par les tribunaux.

Son Honneur le Président: Avant de donner la parole à l'honorable sénateur Oliver, je ferai remarquer aux honorables sénateurs que la période de 45 minutes est écoulée.

Les honorables sénateurs permettent-ils que la période soit prolongée?

Des voix: D'accord.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, j'ai trois questions fort simples à poser.

Premièrement, au cours de la dernière séance du comité, l'un des témoins - je crois qu'il s'agit de M. Daryl Bean - a déclaré avoir reçu une lettre du ministre proposant qu'ils se rencontrent le 1er septembre pour discuter du cadre de gestion conjointe et aborder d'autres questions. L'honorable sénateur pourrait-il nous dire si cette rencontre a eu lieu? Dans l'affirmative, la question de la gestion conjointe a-t-elle été abordée et jusqu'où sont allées les négociations?

Deuxièmement, l'honorable sénateur a parlé du cadre de gestion conjointe et des plans de risques partagés, mais il a dit que, malheureusement, il n'y a pas d'entente. Il a mentionné qu'il était question d'un surplus de 30 milliards de dollars. Il a aussi dit dans sa déclaration aujourd'hui qu'il ressort clairement des témoignages recueillis par le comité que le gouvernement a financé un déficit de 11 milliards de dollars. Si l'on soustrait du surplus actuel de 30 milliards de dollars le déficit de 11 milliards de dollars, il reste 19 milliards. Pourquoi ne pas partager ces 19 milliards avec ceux qui ont versé les cotisations?

Ma troisième question porte sur les termes que l'honorable sénateur a utilisés dans son discours. J'ai pris des notes. Il a dit que le projet de loi ne créait pas de droit au surplus et qu'il décrivait simplement la façon dont le gouvernement pouvait s'en servir. Si le projet de loi décrit la façon dont le gouvernement peut s'en servir, est-ce que cela ne sous-entend pas qu'il a vraiment un droit au surplus?

Le sénateur Kirby: À la première question, je dirai que j'ignore si le ministre a rencontré M. Daryl Bean le 1er septembre. Je serai heureux de me renseigner et de fournir une réponse demain. Je suis au courant de la lettre dont parle le sénateur. J'ignore simplement si la rencontre a eu lieu. Je ne peux donc pas répondre à la question concernant ce qui s'est passé.

Je ne me rappelle pas bien la deuxième question.

Le sénateur Oliver: Ma deuxième question portait sur le montant de 30 milliards et sur le déficit de 11 milliards de dollars qui a été comblé.

Le sénateur Kirby: La question consiste donc à demander qui devrait avoir droit au surplus de 19 milliards, et non au surplus de 30 milliards de dollars.

Premièrement, dans un sens, il s'agit d'un surplus «fictif». Ce surplus n'existe pas dans une caisse. Il existe en raison de la façon dont la comptabilité est tenue, comme je l'ai expliqué au sénateur Lynch-Staunton.

Deuxièmement, le gouvernement est fermement convaincu qu'il a droit au surplus, comme les employés participant aux régimes de pensions à prestations déterminées ont eu droit au surplus au fil des ans. Par conséquent, le gouvernement fonctionne comme s'il croyait simplement qu'il possède le surplus et il a décidé, selon vos termes, de ne pas partager le surplus du fait qu'il avait assumé les risques.

Quelle était votre troisième question, sénateur?

Le sénateur Oliver: Ma troisième question se rapporte à votre déclaration selon laquelle le projet de loi ne crée pas un droit au surplus.

(1630)

Le sénateur Kirby: Je ne voudrais certainement pas formuler des remarques sur les répercussions juridiques d'une loi. Je pense que le sénateur dit que, si un projet de loi précise de quelle façon le surplus devrait être traité, cela confère implicitement un droit. En tant que mathématicien, par opposition à avocat, je dirais: «Non, cela fait tout simplement ressortir le fait que les personnes qui ont rédigé la loi ont supposé que le surplus leur appartenait et ont donc entrepris de rédiger le projet de loi en conséquence.» Je ne pense pas qu'une supposition confère automatiquement un droit. Si c'était le cas, le Parlement adopterait un très grand nombre de mesures législatives intéressantes fondées sur des droits supposés. Tout comme on peut démontrer en mathématique qu'un postulat est erroné, je pense qu'on peut en faire autant en droit.

J'aurais de la difficulté à accepter la notion selon laquelle une supposition - et c'est ce que nous avons ici - crée, par définition, un droit. Cela dit, il y a beaucoup d'avocats bien plus qualifiés que moi ici, car je fais seulement semblant d'en être un.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, tout d'abord, je tiens à remercier le sénateur Kirby pour ses aimables paroles au sujet de ma présence aux audiences.

Vers la fin des audiences tenues il y a environ deux semaines, le sénateur Kelleher a posé au ministre une question sur la dimension morale du projet de loi. Il a dit que l'on pouvait bien sûr présenter autant d'arguments juridiques en faveur de la mesure que contre cette mesure, mais que la perception, surtout parmi les membres des régimes de pensions, est qu'ils ont subi un préjudice. Ils sont très mécontents et ont l'impression de s'être fait avoir.

S'il y a quelque chose que nos vis-à-vis doivent retenir dans tout cela, c'est que tout le dossier a été bien mal géré. Ils sont devant une grave question morale. C'est une question qui viendra les hanter chaque jour parce que les retraités sont très mécontents. Le sénateur peut-il nous dire comment il expliquerait le sentiment d'injustice ressenti?

Le sénateur Kirby: Honorables sénateurs, on ne peut pas faire disparaître ce sentiment en l'expliquant. Je suis entièrement d'accord avec l'honorable sénateur lorsqu'il dit qu'il existe un tel sentiment d'injustice. D'ailleurs, on dit souvent que, en politique, la perception du public est la réalité. Si c'est bien le cas, il y a certainement des gens malheureux. Cela a été très bien illustré par la pétition présentée aujourd'hui par le sénateur Tkachuk et aussi par les centaines de lettres reçues à mon bureau ainsi qu'aux bureaux de beaucoup de mes collègues, particulièrement les membres du Comité sénatorial des banques. Les déclarations des témoins aussi l'ont clairement établi.

Il s'agit simplement du fait que le gouvernement, en tant qu'employeur - comme d'autres employeurs l'ont fait en pareil cas - a déterminé, conformément à la pratique courante en ce qui concerne les régimes de pensions tant dans le secteur privé que dans le secteur public, qu'il avait droit au surplus. J'utilise le mot «surplus» entre guillemets parce que c'est un surplus quelque peu fictif. Quoi qu'il en soit, le gouvernement y a droit. Je comprends la perception erronée de certains et le fait que bien des gens sont en désaccord avec le gouvernement à cet égard. Cependant, la position du gouvernement semble être défendable, tant en ce qui concerne la pratique passée en matière de régimes à prestations déterminées qu'en ce qui a trait au droit au surplus. Je pense que ce que le sénateur veut vraiment dire, c'est que cela pose un problème politique, et je le comprends pleinement.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, je prends la parole à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-78. Puisque nous sommes si aimables aujourd'hui, je voudrais d'abord remercier le sénateur Kirby, le président du comité, de permettre à l'opposition de faire inclure dans le rapport principal la position de la minorité pour que nous ne soyons pas forcés de publier deux rapports. Nombre des points que nous avons soulevés, qui étaient des questions difficiles, ont reçu l'appui non seulement des membres de la minorité, les sénateurs conservateurs, mais également de quelques sénateurs libéraux. Néanmoins, nous sommes toujours ici devant vous aujourd'hui en train de parler de ce projet de loi.

En tant que parti de l'opposition, dès le départ, nous avions plusieurs réserves au sujet de loi C-78. L'un des principaux problèmes était celui-ci: qui parle pour les retraités? Qui parle au nom des gens qui sont touchés par le projet de loi? Bien qu'il n'y ait pas d'accord de fiducie entre le gouvernement et ses employés, le gouvernement et le Conseil du Trésor doivent agir en tant que fiduciaires et ils ont l'obligation de payer les pensions non seulement maintenant, mais encore dans l'avenir. Or, voici qu'en plus de modifier les modalités du régime, ils veulent mettre la main sur le surplus de 30 milliards de dollars. Nous ne croyons pas tous ceux qui prétendent que le surplus n'existe pas. Voyez-vous, si le surplus n'existe pas, le déficit, lui, est bien réel. N'est-ce pas intéressant?

Il n'y a pas vraiment de surplus. Le président du Conseil du Trésor a dit du surplus qu'il n'était que «la représentation exagérée d'un passif actuariel». Je lui ai dit ensuite: «Un déficit doit sûrement être, alors, la sous-représentation de l'actif actuariel puisque, lorsqu'on manque d'argent, il faut bien le prendre quelque part. Dans le cas qui nous occupe, toutefois, quand on a plus d'argent qu'il n'en faut, ce n'est pas vraiment un surplus, mais plutôt une pratique comptable.» Ils ne mettent pas vraiment la main sur le surplus.

Le traitement des projets de loi C-78 et C-32 témoigne éloquemment de la nécessité de réformer le Parlement lui-même.

Mes objections contre le fond du projet de loi C-78, je les ai exposées dans mon intervention du 3 juin, et d'autres sénateurs de ce côté-ci, notamment les sénateurs Stratton et Kelleher, les ont également fait valoir dans leurs interventions. Je voudrais parler aujourd'hui du processus qui a été suivi depuis la présentation de notre motion, en juin.

La motion qui a été adoptée se fondait sur ce que nous croyions être la volonté sincère du gouvernement de corriger les graves imperfections qui entachent le projet de loi, comme ils l'a lui-même reconnu. Nous savons tous qu'il y a dans ce texte des erreurs graves. Le ministre le sait, et les sénateurs d'en face aussi.

Notre premier sujet d'inquiétude a été la décision du gouvernement de s'emparer de la totalité du surplus du régime de pensions de la fonction publique, malgré le fait que 40 p. 100 de cet argent a été prélevé sur les chèques des employés, et malgré le fait que le gouvernement a fait adopter récemment le projet de loi S-3, Loi sur les normes de prestation de pension, qui propose une approche tout à fait différente pour le secteur privé. Il y a même une différence d'approche à l'égard de ceux que le gouvernement emploie directement et de ceux qu'il emploie indirectement, c'est-à-dire le personnel de sociétés d'État comme la Société canadienne d'hypothèques et de logement, où il y a eu des négociations sur l'utilisation à faire du surplus.

Notre deuxième réserve concerne la gestion du régime. Le régime devrait être géré conjointement. Les deux parties sont presque parvenues à une entente en décembre 1998. Qui plus est, il faut renforcer les règles de gestion prévues dans la loi afin de faciliter le travail de sélection et de surveillance d'un office qui aura, à un moment donné, la responsabilité de gérer plus de 100 milliards de dollars.

Notre troisième réserve concerne la façon dont le gouvernement a abordé la question de l'admissibilité des conjoints de même sexe aux prestations de survivant. Nous préférerions que le gouvernement n'adopte pas une ligne de conduite qui mènera à de nouvelles contestations devant les tribunaux, alors que les avocats se disputeront sur la signification juridique de l'expression «union de type conjugal», surtout que - et je pense que le gouvernement a fait une déclaration en ce sens - un projet de loi omnibus sera présenté cet automne pour régler cet aspect dans toutes les lois. Nous préférerions qu'on tienne aussi compte des liens de dépendance qui existent dans d'autres relations.

En juin 1998, le comité des banques a fait rapport du projet de loi C-78 et a présenté un certain nombre d'observations au sujet de cette mesure législative. Ces observations traduisaient nos préoccupations, exception faite de vues de la majorité sur la propriété des excédents. Dans sa réponse à notre rapport, voici ce que l'ex-président du Conseil du Trésor a écrit au sénateur Kirby, le président du comité sénatorial des banques:

J'espère que vous expliquerez aux membres du comité que le gouvernement a sincèrement l'intention de prendre les mesures qui s'imposent pour faire en sorte que les discussions avec les représentants des employés et des retraités reprennent le plus tôt possible, afin que nous puissions en arriver à une entente sur la gestion mixte.

(1640)

Il a bien dit, et je le répète:

[...] le gouvernement a sincèrement l'intention de prendre les mesures qui s'imposent...
Honorables sénateurs, si le gouvernement était vraiment sincère, ce projet de loi ne devrait-il pas être mis en veilleuse, car il faudra le modifier sous peu pour créer un office de gestion conjointe?

En juin dernier, nous croyions dans la sincérité du gouvernement. Au lieu de voter pour adopter le projet de loi, nous avons présenté une motion visant à renvoyer le projet de loi au comité pour permettre au gouvernement et aux syndicats de discuter de la question de la gestion conjointe.

Le 17 juin, il a été décidé que ce projet de loi:

... ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, pour que le comité puisse suivre les pourparlers entre le Conseil du Trésor et les syndicats à propos des points contenus dans la lettre du président du Conseil du Trésor et dont il est fait mention dans le rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce relativement au projet de loi C-78; et

Que le comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 7 septembre 1999.

Nous avons fait cela parce que le ministre a dit qu'il agirait. Ce geste n'était pas fondé sur de fausses suppositions. Nous avons une lettre qui a été déposée avec le rapport et qui disait que le ministre agirait.

Honorables sénateurs, le comité a fait rapport. Même si nous avons formulé d'autres recommandations, aucune mesure n'a été prise. Les choses n'ont pas avancé durant l'été. Rien ne s'est fait.

Il semble que les syndicats ne comprennent pas. Ils ne veulent pas renoncer à leur droit à l'excédent. Quel leader syndical entrera dans une salle de négociation en offrant de renoncer à 30 milliards de dollars? Y a-t-il un seul ministre de la Couronne qui puisse croire, dans ses rêves les plus fous, qu'un leader syndical fera une telle affirmation avant d'entrer dans la salle de négociation? C'est pour cette raison que le ministre a utilisé ces mots et a promis de prendre les mesures qui s'imposent pour nous rassurer. C'est pour cette raison qu'il a utilisé ces mots.

Je crois, même s'il se peut que d'autres sénateurs ne partagent pas ce point de vue, que le gouvernement savait depuis le tout début qu'il lançait un écran de fumée. Il n'était pas intéressé à rencontrer les syndicats. Il tentait de forcer l'adoption de ce projet de loi afin de s'emparer des 30 milliards de dollars, d'éliminer le passif et de faire en sorte que la dette totale fasse bien paraître le ministre Martin dans son prochain rapport financier.

Daryl Bean a fait pendant nos audiences une déclaration qui est très bouleversante si elle est vraie, et je n'ai aucune raison de croire qu'elle ne l'est pas. Presque tout de suite après l'adoption de la motion, M. Bean a reçu un appel du Conseil du Trésor, de la part d'un fonctionnaire supérieur du gouvernement dont le nom n'est pas connu. Ce dernier l'a avisé officieusement que le Conseil du Trésor n'avait pas l'intention de participer à une rencontre et qu'il attendrait pendant tout l'été, dans l'espoir qu'un vote final soit tenu au début de septembre par un Sénat dont la composition aurait changé et que la position du gouvernement l'emporte alors. C'est ce que M. Bean nous a raconté. Je n'ai pas de raison de ne pas le croire. À mon avis, c'est un outrage manifeste. Une telle attitude constitue un outrage au Parlement en général et au Sénat en particulier. Ce geste devrait bouleverser tous les représentants des deux côtés du Sénat.

M. Bean a offert en août de reprendre les négociations sans fixer de conditions préalables. Le gouvernement a choisi de ne pas accepter cette proposition. M. Sjoquist a proposé de reprendre les négociations sans fixer de conditions préalables concernant le surplus. Rien n'a bougé.

Je ne crois pas que la nomination d'un nouveau ministre ait empêché les choses de bouger. Quelqu'un aurait certes pu décrocher le téléphone, même pendant le mois précédent, et proposer d'entamer des discussions en s'abstenant d'aborder ces questions, afin de voir ce qui allait se produire. C'est là un geste qui aurait été fort simple à poser.

Un ministre n'a pas tenu compte de la motion adoptée par le Parlement. Comment la démocratie peut-elle fonctionner lorsqu'on agit de la sorte? La démocratie fonctionne parce que nous nous respectons mutuellement. C'est ce qui explique les problèmes que connaît le Timor oriental. Les gens se sont prononcés à l'occasion d'un scrutin, mais certains se balancent des résultats. Ils abattent ceux qui ne sont pas d'accord. Au Canada, nous approuvons des motions dans notre chambre du Parlement. Nous nous attendons certes de la part du ministre à plus de réaction que cela n'a été le cas pendant la période estivale. Nous en attendons plus de la part du gouvernement que ce à quoi nous avons eu droit pendant les mois d'été.

Je sais que certains sénateurs de l'autre côté sont un peu gênés par ce qui a transpiré, surtout les membres du comité des banques qui savent ce qui s'est passé. Non seulement le gouvernement n'a pas rencontré les participants au régime, mais il ressort des témoignages que nous avons entendus en août que le gouvernement a l'intention de faire fi du rapport du comité des banques et des commentaires du ministre sur d'autres questions. Nous nous sommes enquis au sujet du vérificateur général, des questions de divulgation et de ces autres questions. Je ne crois pas que le gouvernement ait l'intention d'inscrire ces questions au programme des nouvelles négociations qui vont avoir lieu.

Nous avons fait des recommandations précises sur des questions précises. Elles ont été ignorées. Le ministre et son prédécesseur n'aimaient pas ce qu'ils voyaient dans les 28 premières pages. Les vingt-huit premières pages portent sur la gestion du régime de pension. Madame le ministre nous dit qu'elle veut entamer des négociations en vue de modifier le projet de loi? Pourquoi devrions-nous adopter un projet de loi si c'est pour qu'il soit immédiatement modifié? Si nous promulguons une loi, pourquoi parler la semaine prochaine de la modifier?

Je ne parle pas au nom de tous les sénateurs de ce côté-ci, mais, personnellement, je ne crois pas que l'important soit les 28 premières pages. L'important, c'est un excédent de 30 millions de dollars qui n'existe pas.

Pourquoi le Sénat adopterait-il un projet de loi que le gouvernement a annoncé vouloir modifier aussitôt après? Pourquoi le ferions-nous? Pourquoi créer un organisme qui ne durera pas plus que quelques mois? Pourquoi les sénateurs libéraux agiraient-ils de la sorte?

Notre comité a également soulevé le fait que le gouvernement n'a pas consulté la GRC et les forces armées. Le 25 juin, à la suite du vote tenu au Sénat, M. Massé écrivait dans une lettre au sénateur Kirby qu'il avait l'intention d'écrire au ministre de la Défense et au solliciteur général pour leur demander de tenir le plus tôt possible des consultations au sujet des questions touchant les pensions. Là encore, aucun progrès n'a été fait. Le ministre nous demande plutôt d'adopter le projet de loi afin de permettre au gouvernement d'agir par la suite.

On se demande bien pourquoi le gouvernement veut attendre que toutes les décisions aient été prises et que le projet de loi ait force de loi avant de consulter la GRC et les forces armées au sujet de leur régime de pension. Combien d'argent faudra-t-il encore gaspiller pour mettre en place un organisme qui n'exercera peut-être aucun contrôle des investissements, puisqu'il sera remplacé un an après sa création par un autre organisme? On sait combien de temps le gouvernement a mis à mettre en place l'Office d'investissement du RPC. Il tenait à ce que le projet de loi soit adopté immédiatement. Le gouvernement affirmait devoir investir de l'argent et administrer le régime, mais un an et demi plus tard, l'organisme en question n'est toujours pas constitué.

On nous demande maintenant d'adopter le projet de loi, mais des modifications seront apportés à la loi, si bien qu'aucune mesure concrète ne sera prise avant plusieurs années, si ce n'est que le gouvernement empochera les 30 milliards de dollars comme il le souhaite. Le gouvernement tient à tout prix à ce que le projet de loi soit adopté parce qu'il veut encaisser les 30 milliards de dollars. Seules les personnes visées par le projet de loi s'y sont opposées. Parmi les nombreuses lettres que j'ai reçues des retraités, pas une seule n'appuyait le gouvernement ou ne lui reconnaissait le droit d'encaisser l'excédent. Aucun retraité ne s'est dit heureux de cette perspective, même si la loi permet au gouvernement d'agir en ce sens. Et je ne crois pas qu'aucun autre sénateur ait reçu une lettre d'appui au gouvernement. Nous vivons dans un pays libre. On aurait pu s'attendre à recevoir une lettre d'appui de la part d'au moins un retraité, mais il n'y en a eu aucune. Le sénateur Kirby a peut-être reçu une lettre de ce genre, mais il ne l'a pas déposée au Sénat.

(1650)

Il ne s'agit pas seulement d'un présumé surplus de 30 milliards de dollars. Le projet de loi C-78 traite d'une manière d'exercer le pouvoir à l'édifice Langevin pour mettre la main sur cet argent. Il ne s'agit pas de l'Office d'investissement des régimes de pensions, mais de l'arrogance du gouvernement. Nous devons nous en occuper maintenant. Cela n'a pas été fait durant l'été, alors c'est maintenant qu'il faut le faire. C'est de l'arrogance de la part du gouvernement. Les sénateurs ministériels en ont peut-être été un peu gênés.

Le processus et les événements de l'été ne relèvent pas de la démocratie parlementaire. C'est de l'usurpation du processus parlementaire, parce que c'est bien ce qui s'est passé cet été. Le gouvernement n'en a cure que nous adoptions une résolution, parce qu'il peut faire ce qu'il veut. Voilà ce que c'est que le projet de loi C-78.

L'ensemble du processus ne vise pas à assurer le bien-être des travailleurs et des retraités, mais à préparer à temps une fête avec Adrienne Clarkson. C'est la raison de notre présence ici, et c'est pourquoi nous ne pouvons pas revenir le 23 octobre, parce qu'il y aura une petite fête avec Adrienne Clarkson. Nous sommes coincés ici jusqu'à l'automne. Quel est le problème? Mes observations valent aussi pour le projet de loi C-32. Les deux projets de loi visent à permettre au gouvernement de faire la fête avec Adrienne Clarkson. Il faut que tout soit prêt le 13 octobre. Pour cette raison, il y aura des motions visant à limiter le débat sur ces deux projets de loi.

Tout ce processus devrait tourner autour de notre rôle, non celui du gouvernement, et autour de notre devoir, autour de la question de savoir si nous aurons le courage de remplir notre devoir et de rejeter le projet de loi.

L'honorable Douglas Roche: Ma question est identique à celle que j'ai posée au sénateur Kirby, dont j'ai écouté attentivement l'intervention. Je n'ai peut-être pas très bien compris tout ce qu'a dit le sénateur Kirby, mais je pose la même question au sénateur Tkachuk à propos de l'absence de tout amendement au projet de loi dont le comité nous a fait rapport.

Le sénateur Tkachuk a fait plusieurs fois allusion aux lacunes du projet de loi et a parlé plus particulièrement du piètre libellé qui donnera lieu, à son avis, à des batailles judiciaires sur la question de l'union de type conjugal. J'aimerais entendre le sénateur Tkachuk nous dire pourquoi le comité a fait rapport du projet de loi sans amendement.

Le sénateur Tkachuk: Sauf erreur, le sénateur Taylor a suggéré quelques amendements. La présidence n'avait manifesté en juin dernier aucune intention ne serait-ce que de les prendre en considération, si je me rappelle bien. Comme nous sommes des gens plutôt sages, nous avons décidé de proposer nos amendements ici, au Sénat. Nous avons préparé plusieurs amendements à apporter au projet de loi C-78, que nous proposerons au Sénat. Cependant, le processus que nous avons suivi cet été, après le vote de juin, consistait à donner au gouvernement l'occasion d'apporter les amendements nécessaires.

Comme le sénateur Kirby l'a dit avec tant de pertinence, nous ne sommes pas là pour imposer un accord de cogestion, même si nous y voyons de nombreuses lacunes, à propos de ce qui devrait, à notre avis, être une entente négociée entre les parties concernées: les retraités, les travailleurs actuels et le gouvernement. Une telle entente devrait nous être soumise. Nous croyons leur avoir donné l'occasion de le faire en deux mois et demi, mais comme rien ne s'est produit, nous estimons que rien ne devrait se produire au comité.

Cependant, on apportera des amendements au projet de loi, j'en suis convaincu.

(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

[Français]

La position internationale dans le domaine des communications

Étude du rapport du comité des transports et des communications-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'étude du rapport du sous-comité des communications du Comité sénatorial permanent des transports et des communications intitulé: «Au fil du progrès! Positionnement du Canada dans la révolution technologique mondiale», déposé auprès du greffier du Sénat le 28 mai 1999.

L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, c'est avec joie et enthousiasme que je prends aujourd'hui la parole pour vous parler du rapport final du sous-comité des communications intitulé: «Au fil du progrès! - Wired to Win», portant sur le positionnement du Canada dans la révolution technologique mondiale.

Je prends la parole avec joie et enthousiasme car ce rapport représente l'achèvement des travaux qui, par les recommandations formulées à l'intérieur de celui-ci, - 21 au total - permettront au Canada de jouer le rôle qui lui revient dans un monde envahi par de nouveaux moyens de communication.

Ce rapport met l'accent sur l'impact de ces nouvelles technologies sur les industries du divertissement, des nouveaux médias et plus particulièrement sur l'industrie de la culture. Il met en relief les défis engendrés par les nouveaux systèmes de distribution comme Internet et propose des moyens pour les relever.

Les nouvelles technologies ne connaissent pas les frontières. Notre diversité culturelle sera donc prise d'assaut par la concurrence internationale. Il nous faudra ainsi être créatifs et faire preuve de prévoyance afin de tracer la voie à suivre pour que les Canadiens et les Canadiennes profitent de ces progrès technologiques et pour que ces progrès favorisent l'épanouissement de notre culture nationale.

[Traduction]

Le sous-comité des communications souligne que, pour atteindre cet objectif, il est important de s'assurer qu'aucun groupe de Canadiens ne soit laissé pour compte. Nous ne voulons pas que certains groupes de Canadiens se retrouvent démunis, en marge de la société, incapables de fonctionner dans le monde branché d'aujourd'hui.

C'est pour cette raison que, à l'issue de son étude de la technologie, le Sénat veut que Statistique Canada continue à suivre l'évolution du nombre de propriétaires d'ordinateurs et de l'utilisation d'Internet afin de favoriser dans toute la société un accès équitable aux nouveaux médias. Il faut que tout le monde y ait accès. C'est également pourquoi le Sénat exhorte le gouvernement à persévérer dans ses efforts visant à relier la totalité des écoles canadiennes à Internet afin que tous les élèves aient la possibilité de s'initier au monde de la technologie et, ultérieurement, d'aider le Canada à faire sa place dans le monde.

[Français]

La connaissance d'Internet et des nouvelles technologies de communication est aujourd'hui fort utile, mais deviendra d'ici peu essentielle. Ces médias modernes, du fait de leurs énormes capacités, de leurs portées illimitées et de leur souplesse de réglementation, deviendront omniprésents et forceront les médias traditionnels, tels les câblodistributeurs et les fournisseurs d'électricité, à revoir leurs stratégies et les services qui étaient jusqu'à ce jour offerts.

Suite à ces réorganisations, il pourra devenir possible, par exemple, de visionner un film sur son moniteur d'ordinateur ou de naviguer sur Internet à partir de son téléviseur. Les Canadiens devront pouvoir fonctionner aisément dans ce monde branché afin d'en profiter pleinement.

[Traduction]

Toutefois, nous devons surveiller ce qui se passe sur le Web. Ce nouveau moyen de communication offre de grandes possibilités; pourtant, certaines personnes auraient plutôt tendance à utiliser cette technologie de façon moins appropriée. Il existe actuellement de nombreux sites qui font la promotion du racisme et de la pornographie. Ils ne devraient pas être tolérés et il faut prendre des mesures pour rendre leur contenu illégal.

En Amérique du Nord, certains prônent une approche non interventionniste à Internet, prétendant qu'il serait très difficile, voire impossible de réglementer le Web. Le sous-comité comprend très bien cette position et reconnaît que rédiger une mesure législative visant à restreindre le contenu d'Internet pourrait être une tâche ardue. Toutefois, le sous-comité croit qu'il faut faire quelque chose pour régler ce problème. Il pense qu'une façon de réduire le nombre de sites abominables serait de tenir responsables les réseaux qui les distribuent et de leur imposer des pénalités allant jusqu'à la saisie de leurs biens.

Le sous-comité a par ailleurs demandé au gouvernement de s'attaquer au plus tôt aux sites qui, sur Internet, font la promotion du racisme et de la violence. Certains pays européens ont déjà adopté des lois rendant illégal tout contenu de ce genre. Qu'est-ce qui nous empêche d'en faire autant?

[Français]

D'autre part, Internet et les nouveaux médias sont, comme on le sait, de puissants outils de communication qui auront une grande influence sur notre culture nationale.

Je désire vous rappeler que, dans le cadre de nos travaux, nous avons considéré la culture dans son sens le plus large. Celle-ci comprend donc tous les éléments qui nous permettent de définir le Canada tel qu'il est. À cet effet, un des témoins à avoir comparu devant nous, M. Yvon Thiec, directeur général d'Eurocinéma, résume bien la situation. Selon lui, la culture, c'est:

[...] la conscience commune qui lie un peuple.

Aussi le sous-comité formule-t-il quelques recommandations afin que les nouvelles technologies deviennent des outils de promotion qui permettront d'initier le monde entier à la culture canadienne.

[Traduction]

Afin d'atteindre cet objectif, on a jugé que des incitatifs fiscaux comme ceux qui sont offerts aux cinéastes et aux téléastes devraient être aussi offerts aux créateurs de contenu des nouveaux médias. Il a également été recommandé que les fournisseurs de service Internet commencent à payer des droits qui seraient mis en commun et serviraient à financer les productions utilisant les nouveaux médias. Cette façon de procéder concorderait avec l'imposition actuelle de droits aux câblodistributeurs, lesquels contribuent, selon leur revenu, à un fonds pour le développement de la programmation d'émissions canadiennes.

Les études montrent que l'écoute de la télévision diminue tandis que l'utilisation d'Internet augmente. Par conséquent, étant donné que la contribution des câblodistributeurs au fonds baisse en proportion des revenus, les droits imposés aux fournisseurs de service Internet contribueraient dans une certaine mesure à compenser cette perte. Il ne s'agirait pas de nouveaux droits, mais d'une pratique équitable destinée à assurer l'existence d'un fonds pour le contenu canadien.

[Français]

La culture canadienne pourra aussi être mise en évidence par l'entremise des «portails» que l'on retrouve sur le World Wide Web. Ces portails, comme America Online et Yahoo, sont les véritables portes d'entrée du Web. Ils attirent les clients par des guichets d'accès unique et les dirigent ensuite vers des sites commerciaux générateurs de revenus, favorisant ainsi certains sites au détriment d'autres.

Le sous-comité recommande donc que des incitatifs soient offerts aux portails canadiens pour qu'ils donnent plus d'importance sur leurs sites aux 9uvres culturelles canadiennes. La Société Radio-Canada, entre autres, en raison de son rôle de radiodiffuseur public, devrait recevoir des ressources pour créer un moteur de recherche ou un portail fournissant sur Internet un accès aux 9uvres canadiennes. Ces mesures permettraient d'assurer une place de choix et une bonne visibilité sur le Web à la culture et aux produits canadiens.

Le sous-comité reconnaît aussi que nos jeunes talents sont les futurs ambassadeurs de la culture canadienne. Ils devront donc recevoir l'appui nécessaire de la part des organismes culturels du Canada afin de bien jouer ce rôle. L'engagement de ces organismes à l'égard de nos jeunes artistes devra se manifester tant à l'intérieur des nouveaux médias que chez les médias plus traditionnels.

Pour terminer, j'aimerais attirer votre attention sur un intéressant projet des médias plus traditionnels. Il semblerait, en effet, que les démarches des radiodiffuseurs de pays francophones visant la formation d'un consortium assurant un service de télévision international remportent un certain succès. Ce consortium, appelé TV5, a réussi à élargir sa distribution et à améliorer la qualité de ses productions.

Le Canada, qui participe à cette initiative, en a profité pour mieux faire connaître sa culture aux pays francophones. Le sous-comité croit que les radiodiffuseurs publics des pays anglophones pourraient s'inspirer de cette initiative.

[Traduction]

Les honorables sénateurs comprendront facilement, je crois, pourquoi nous sommes si fiers de ce rapport. Les recommandations découlant de cette étude aideront sans aucun doute le Canada à rester un chef de file dans le monde des nouvelles technologies et elles garantiront que nous restions le pays le plus câblé au monde. La révolution technologique mondiale crée beaucoup de nouveaux défis. J'estime que le Canada dispose de tous les outils nécessaires pour les relever.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin: Quelle a été votre réaction ou celle du comité suite à la décision du CRTC de ne pas être le contrôleur du contenu du Web?

Le sénateur Maheu: Honorables sénateurs, le CRTC n'est pas le seul à pouvoir contrôler le contenu du Web. Plusieurs pays voisins, dont les États-Unis, exercent un contrôle externe de surveillance. Nous pourrons, par l'adoption de lois, forcer un organisme à surveiller la pornographie, le racisme, et cetera sur le Web.

Le sénateur Nolin: Ce sujet intéresse certainement beaucoup de monde. Internet existe depuis le 2 septembre 1969 et origine de la Californie. Cette semaine, à Munich, a lieu une conférence qui regroupe 300 représentants de différents gouvernements, entre autres du Canada, des États-Unis et de différents pays intéressés au contrôle de l'information qui transite sur Internet.

Étiez-vous au courant de cette conférence? Si oui, savez-vous si certains fonctionnaires du gouvernement du Canada participent à cette conférence? Quels bénéfices espérez-vous tirer de cette dernière?

Le sénateur Maheu: Malheureusement, je ne suis pas au courant de cette conférence, mais je suis persuadée que le président du comité des communications l'était. L'Europe s'acharne à trouver un moyen pour contrôler le contenu d'Internet, les Américains ont déjà commencé, donc nous devrions sûrement, au Canada, être en mesure de proposer un projet de loi à ce sujet.

Le sénateur Nolin: La plupart des membres de ce groupe sont des Nord-Américains. Cette conférence à lieu a Munich pour des raisons que j'ignore. Le nom de ce groupe tout récent est «Internet Content Rating Association».

(Sur la motion du sénateur Spivak, au nom du sénateur Johnson, le débat est ajourné.)

[Traduction]

(1710)

La Loi sur la taxe d'accise

Projet de loi modificatif-Motion d'adoption du rapport du comité rejetée avec dissidence

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Murray, c.p., appuyé par l'honorable sénateur Cochrane, tendant à l'adoption du quinzième rapport du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, avec un amendement), présenté au Sénat le 9 décembre 1998.-(L'honorable sénateur Carstairs).

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, comme on l'a mentionné plus tôt aujourd'hui, d'un point de vue symbolique et pratique, les sénateurs de ce côté-ci désirent que le Sénat règle cette question. L'aspect symbolique a trait au fait que l'alphabétisation, au niveau international, est actuellement à l'avant-scène. Du point de vue pratique, compte tenu du calendrier parlementaire, nous sommes d'avis que la session actuelle du Parlement se terminera probablement d'ici quelques semaines.

Par conséquent, je propose la question préalable.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Kinsella, appuyé par l'honorable sénateur DeWare, propose la question préalable. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Non.

Son Honneur le Président: Que les honorables sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les honorables sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés:

Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs.

Les whips confirment que le timbre sonnera pendant une demi-heure. Le vote aura donc lieu à 17 h 45.

(1740)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il est proposé que la motion préalable soit mise aux voix.

(La motion, mise aux voix, est rejetée.)

POUR

LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk, Atkins, Beau doin, Bolduc, Buchanan, Carney, Cochrane, Comeau, DeWare, Di Nino, Forre stall, Ghitter, Grimard, Kelleher, Keon, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Nolin, Oliver, Roberge, Robertson, Rossiter, Spivak, Stratton, Tkachuk-26

CONTRE

LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams, Austin, Bryden, Callbeck, Carstairs, Chali foux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, De Bané, Fairbairn, Ferretti Barth, Finestone, Finnerty, Fitzpa trick, Fraser, Furey, Gill, Grafstein, Graham, Hays, Hervieux-Payette, Joyal, Kenny, Kolber, Kroft, Lewis, Losier-Cool, Maheu, Mahovlich, Mercier, Milne, Moore, Pearson, Pépin, Perrault, Perry, Poulin, Poy, Prud'homme, Robichaud (Saint-Louis-de-Kent), Roche, Rompkey, Ruck, Sibbeston, Sparrow, Ste wart, Taylor, Watt-50

ABSTENTIONS

LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucune.

Son Honneur le Président: Je déclare la motion rejetée. Par conséquent, conformément au paragraphe 48(2) du Règlement, la motion principale est rayée du Feuilleton.

Les Nations Unies

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels-Les réponses récentes à des questions du comité-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Kinsella, attirant l'attention du Sénat sur les réponses aux questions supplémentaires posées par le Comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels relativement au troisième rapport du Canada sur le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.-(L'honorable sénateur Andreychuk).

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je félicite le sénateur Kinsella d'avoir inscrit cette interpellation à l'ordre du jour. C'est une question extrêmement importante, et le résultat de la participation du Canada aux travaux des comités des Nations Unies mérite d'être étudié. Cependant, comme il se fait tard, je propose simplement d'ouvrir le débat et de l'ajourner en mon nom.

(Sur la motion du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

La défense nationale

Motion portant création d'un comité spécial chargé d'examiner les activités du régiment canadien aéroporté en Somalie-Poursuite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, appuyé par l'honorable sénateur Berntson:

Qu'un comité spécial du Sénat soit nommé pour faire examen et rapport sur la manière dont la chaîne de commandement des Forces canadiennes, tant sur le théâtre réel des opérations qu'au quartier général de la Défense nationale, a répondu aux problèmes opérationnels, disciplinaires, décisionnels et administratifs éprouvés durant le déploiement du Régiment aéroporté du Canada en Somalie, dans la mesure où ces questions n'ont pas été examinées par la Commission d'enquête sur le déploiement des forces canadiennes en Somalie;

Que le comité soit autorisé, pour étudier ces questions, à convoquer les témoins dont il pense obtenir des témoignages pertinents, incluant entre autres:

1) les ex-ministres de la Défense nationale;

2) le sous-ministre de la Défense nationale à l'époque;

3) le chef intérimaire d'état-major de la Défense nationale à l'époque;

4) le conseiller spécial du ministre de la Défense nationale à l'époque (M. Campbell);

5) le conseiller spécial du ministre de la Défense nationale à l'époque (J. Dixon);

6) les personnes occupant le poste de juge-avocat général durant la période en question;

7) le juge-avocat général adjoint (litiges) à l'époque; et

8) le chef d'état-major de la Défense à l'époque.

Que sept sénateurs, dont trois membres constituent un quorum, soient désignés par le comité de sélection pour faire partie du comité spécial;

Que le comité soit autorisé à convoquer des personnes, à exiger la production de documents et pièces, à interroger des témoins sous serment, à faire rapport de temps à autre et à faire imprimer au jour le jour les documents et les témoignages qu'il juge à propos;

Que le comité soit autorisé à permettre le télédiffusion et la radiodiffusion, selon ce qu'il juge à propos, d'une partie ou de la totalité de ses délibérations;

Que le comité soit habilité à retenir les services de conseillers, professionnels, techniciens, employés de bureau et autres personnes jugées nécessaires pour la conduite de son étude;

Que les partis politiques représentés au comité spécial reçoivent des allocations pour l'obtention de services experts dans le cadre de l'étude;

Que le comité ait le pouvoir de se déplacer d'un endroit à l'autre au Canada et à l'étranger;

Que le comité soit autorisé à se réunir pendant les séances et les ajournements du Sénat;

Que le comité présente son rapport dans l'année suivant sa création et, dans l'éventualité où le Sénat ne siégerait pas, que son rapport soit réputé être présenté le jour où il est déposé auprès du greffier du Sénat; et

Que le comité spécial inclue dans son rapport ses constatations et ses recommandations concernant la structure, le fonctionnement et l'efficacité opérationnelle du quartier général de la Défense nationale, la relation entre les composantes militaires et civiles du quartier général de la Défense nationale, et la relation entre le sous-ministre de la Défense, le chef d'état-major de la Défense et le ministre de la Défense nationale;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Forrestall, appuyé par l'honorable sénateur Beaudoin, que la motion soit modifiée en ajoutant, au deuxième paragraphe, ce qui suit:

«9) l'actuel ministre de la Défense nationale.». -(L'honorable sénateur Meighen).

L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, en raison de toutes les allégations récentes voulant que les soldats canadiens aient été exposés à des substances toxiques lorsqu'ils se trouvaient en Croatie entre 1993 et 1995 et que des documents médicaux aient été détruits, je propose que la motion soit modifiée en ajoutant, après l'article no 8, ce qui suit:

Que le comité examine les allégations voulant que des membres des Forces canadiennes aient été exposés à des substances toxiques en Croatie entre 1993 et 1995, la destruction présumée de dossiers médicaux de militaires et les mesures prises par la chaîne de commandement sur le théâtre d'opérations et au quartier général de la Défense nationale en réponse à ces questions et fasse rapport des résultats de son examen.

Que, dans le cadre de l'examen de ces questions, le comité soit autorisé à citer à comparaître des personnes dont il croit pouvoir obtenir des renseignements pertinents, y compris, entre autres, le ministre de la Défense nationale.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Si le sénateur Atkins ne veut pas discuter de l'amendement, je propose l'ajournement du débat.

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, à mon avis, l'amendement est tout à fait irrecevable parce que la motion principale traite de mesures prises en Somalie. Le sénateur Atkins essaie d'élargir la portée de la motion principale au moyen d'un amendement à une disposition de celle-ci, de façon à englober des événements qui se sont produits dans un autre théâtre d'intervention, à savoir la Croatie. S'il veut porter ces événements à l'attention des honorables sénateurs, il devrait donner avis d'une motion à cette fin. Il ne peut pas tout simplement, comme il l'a fait aujourd'hui, soulever cette nouvelle question sous la forme d'un amendement à une autre motion de fond. La motion devrait être jugée irrecevable.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le recours au Règlement de l'honorable sénateur Corbin est intéressant, mais je me demande s'il est conforme à un précédent ou au Règlement du Sénat du Canada.

Premièrement, le libellé de la motion principale est assez général pour comprendre toutes les activités liées à la chaîne de commandement, dont la culture n'a pas changé depuis l'époque de la tragédie de la Somalie et continue de nuire, selon l'avis de plusieurs, à la gestion des Forces canadiennes. L'amendement proposé par le sénateur Atkins porte précisément sur la culture qui sous-tend la chaîne de commandement que la proposition d'ordre général incluse dans la motion principale comprendrait facilement. La question n'est donc pas irrecevable et aucune disposition dans les documents de procédure ne laisserait penser le contraire.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, nous devrions examiner le libellé de la motion principale. Cette motion propose qu'un comité spécial du Sénat soit nommé pour examiner la manière dont la chaîne de commandement des Forces canadiennes, tant sur le théâtre réel des opérations qu'au quartier général de la Défense nationale, le libellé étant le suivant:

[...] a répondu aux problèmes opérationnels, disciplinaires, décisionnels et administratifs éprouvés durant le déploiement du Régiment aéroporté du Canada en Somalie, dans la mesure où ces questions n'ont pas été examinées par la Commission d'enquête sur le déploiement des forces canadiennes en Somalie;
La motion initiale met l'accent sur les opérations en Somalie et pas ailleurs.

Décision du Président

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai relu la motion principale attentivement. Je conviens qu'elle porte précisément sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie. En voici d'ailleurs le libellé:

... des Forces canadiennes, tant sur le théâtre réel des opérations qu'au Quartier général de la Défense nationale, a répondu aux problèmes opérationnels, disciplinaires, décisionnels et administratifs éprouvés durant le déploiement du Régiment aéroporté du Canada en Somalie, dans la mesure où ces questions n'ont pas été examinées par la Commission d'enquête sur le déploiement des forces canadiennes en Somalie;

Je suis d'avis que ce qui concerne la Croatie déborde le cadre de la motion principale.

(1800)

Je déclare donc l'amendement irrecevable.

Honorables sénateurs, la motion principale est encore à l'étude. Y a-t-il un sénateur qui voudrait ajourner le débat sur la motion principale?

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, il me semblait que, puisque le sénateur Atkins a maintenant abordé la motion, le débat serait normalement ajourné au nom d'un autre sénateur. Toutefois, puisqu'il n'est intervenu que brièvement, s'il désire ajourner le débat en son nom, il peut le faire en proposant une motion à cet effet.

Le sénateur Atkins: Honorables sénateurs, j'ai l'intention de revenir sur cette question. Par conséquent, je proposerai d'ajourner le débat en mon nom.

(Sur la motion du sénateur Atkins, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures. Souhaitez-vous que je ne tienne pas compte de l'heure?

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, comme il ne reste que deux points à l'ordre du jour, les sénateurs préféreraient ne pas tenir compte de l'heure.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): L'opposition appuie la proposition du leader adjoint du gouvernement.


Question de privilège

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous avons maintenant épuisé l'ordre du jour régulier. Nous en étions aux interpellations. Nous passons à la question de privilège que l'honorable sénateur Kinsella a soulevée hier et dont l'étude a été reportée, avec le consentement général du Sénat, à aujourd'hui.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je ne m'éterniserai pas. Les faits sont assez simples, alors je serai bref.

Je tiens toutefois à faire un peu l'historique du dossier, car la question est grave. Le dimanche 15 août 1999, j'ai coprésidé une table ronde des sénateurs, dans la région de la capitale nationale, sur la participation des citoyens aux affaires publiques. À cette occasion, j'ai demandé aux gens présents de parler des obstacles qui s'opposaient, selon eux, à la participation des citoyens. Un des participants, un certain Shiv Chopra, a répondu en donnant un exemple personnel; il a déclaré que son employeur, Santé Canada, lui avait imposé une suspension de cinq jours sans salaire parce qu'il avait témoigné devant un comité permanent du Sénat. M. Chopra participait à l'atelier à titre de représentant de l'Alliance de la capitale nationale sur les relations interraciales et à titre d'ancien président de cet organisme.

Après les échanges, M. Chopra m'a écrit une lettre en date du 19 août où il répète que cette mesure disciplinaire à son égard, prise par son employeur, Santé Canada, était la conséquence directe de son témoignage devant le comité permanent du Sénat.

M. Chopra fut l'un des cinq scientifiques de Santé Canada à témoigner devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts durant l'étude de ce comité sur la somatotropine bovine recombinante, la STbr, et ses effets sur la santé de l'homme et des animaux.

En septembre 1998, le comité a invité M. Chopra et d'autres scientifiques à comparaître et il a expédié des avis disant qu'une audience aurait lieu le 1er octobre 1998. Cependant, cette séance a été annulée, car les témoins se sont dits inquiets des possibles répercussions sur leur carrière s'ils témoignaient devant notre comité.

Le 2 octobre 1998, le ministre de la Santé a écrit au sénateur Whelan, président du comité à l'époque, pour le rassurer, lui et tous les autres membres du comité, en disant que toute affirmation voulant que les employés de Santé Canada puissent faire l'objet de menaces était «entièrement sans fondement».

Le 22 octobre 1998, M. Chopra a témoigné devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Le 29 octobre 1998, d'autres fonctionnaires de Santé Canada ont témoigné devant le même comité et je voudrais ici citer un dialogue qui a eu lieu entre le sénateur Stratton et M. David Dodge, sous-ministre de Santé Canada.

Le sénateur Stratton: Comme vous le savez, cinq scientifiques ont comparu la semaine dernière devant le comité, et trois d'entre eux ont prêté serment. Il leur a fallu beaucoup de courage pour témoigner. Je voudrais avoir l'assurance que ces personnes seront traitées avec justice à l'avenir. Le comité ne voudrait surtout pas apprendre que l'un d'entre eux a été envoyé à Tombouctou, si je peux dire. Je ne voudrais froisser aucun Canadien en disant Winnipeg. Je voudrais donc avoir cette assurance.

J'ai dit aux témoins, que je remercie d'être venus encore aujourd'hui, de venir nous voir si on leur faisait des difficultés. Faute de pouvoir obtenir des assurances du ministère de la Santé, puis-je avoir les vôtres?

M. Dodge: Sénateur, les allégations qui ont été faites font l'objet d'une enquête qui se fait selon les méthodes régulières, ce qui est de la plus haute importance. Tous les employés méritent la protection que leur donne l'application régulière de la loi.

Ces employés et tous les autres employés du ministère de la Santé et même de tout le gouvernement du Canada doivent avoir droit à cette même protection. Cette date est importante.

Le 26 avril 1999, M. Chopra a de nouveau comparu devant le comité à titre de membre du groupe sur la sécurité publique et, le 3 mai 1999, il a comparu à titre de scientifique de Santé Canada.

En cet endroit, le 5 mai 1999, au cours du débat sur le rapport intérimaire du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, j'ai posé à Mme le sénateur Milne la question suivante:

J'ai participé, lundi matin, à la séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts et j'ai écouté Mme Haydon et ses collègues, y compris M. Chopra.

Je voudrais savoir si l'honorable sénateur partage mon opinion sur le sujet suivant. Lorsque les scientifiques de Santé Canada ont témoigné devant le comité, ils ont dit craindre des représailles possibles par suite de leur témoignage devant le comité.

Madame le sénateur convient-elle que toutes représailles de cadres supérieurs de Santé Canada contre les scientifiques de ce ministère par suite de leur comparution devant un de nos comités sont absolument inacceptables et constituent un outrage au Sénat?

Madame le sénateur conviendra-t-elle aussi que tout témoin qui comparaît devant un comité sénatorial ne devrait pas être sujet à de l'obstruction?

Mme le sénateur Milne a répondu:

Honorables sénateurs, j'espère sincèrement qu'aucun témoin qui comparaît devant un comité sénatorial n'aura à craindre de perdre son emploi ni d'être menacé de quelque façon que ce soit. Cela ne devrait certes pas être le cas s'il s'agit d'un employé fédéral.

Nous passons maintenant, honorables sénateurs, à la date des mesures prises contre M. Chopra. Il paraît que Patrimoine Canada a invité M. Chopra à participer à un atelier lors de la conférence de Patrimoine Canada sur les expériences des minorités visibles en milieu de travail tenue dans la région de la capitale nationale le 26 mars 1999. Le 26 mars, M. Chopra a participé à un atelier de Patrimoine Canada portant sur les minorités visibles en milieu de travail. M. Chopra avait été invité à participer à cet atelier en qualité de président de la fédération des organismes se préoccupant des relations interraciales en Ontario.

(1810)

Le 21 juillet 1999, M. Chopra a reçu de M. André Lachance, directeur du Bureau des médicaments vétérinaires de la direction des Aliments de Santé Canada, une lettre l'avisant que les propos qu'il avait tenus en mars à la conférence de Patrimoine Canada posaient un problème et qu'il devait se présenter le 23 juillet à une réunion à laquelle participeraient M. Lachance et d'autres fonctionnaires. Ultérieurement, on l'a avisé qu'il ferait l'objet d'une suspension disciplinaire de cinq jours à compter du 18 août.

Honorables sénateurs, c'est là une personne qui a témoigné devant un de nos comités le 22 octobre 1998, puis de nouveau les 26 avril et 3 mai 1999. Cette personne craignait que son témoignage, qui était critique à l'endroit de son employeur, soit retenu contre lui par ce dernier. Le comité a adopté diverses initiatives visant à rassurer ses témoins, obtenant notamment par écrit des assurances de la part d'un ministre. Avant ses deux dernières comparutions devant un comité du Sénat, il a été membre d'un groupe d'experts à la demande d'un autre ministère, occasion où il a été critique à l'égard du dossier du gouvernement en ce qui a trait aux minorités visibles en milieu de travail. Ce n'est que quelque cinq mois après cette conférence que des mesures liées à l'emploi ont été adoptées par son employeur.

Honorables sénateurs, je n'en sais pas plus que ce que je viens de vous dire. Toutefois, M. Chopra estime que sa suspension de cinq jours sans traitement est une conséquence directe de son témoignage devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

Les sénateurs n'ignorent pas que l'article 9 de la Déclaration des droits de 1689 prévoit clairement la liberté de parole des parlementaires et des témoins qui comparaissent à la barre de la chambre ou devant un comité. Honorables sénateurs, le Canada s'est prévalu de ces privilèges conformément à la Loi constitutionnelle de 1867 et a codifié en outre les droits des témoins qui comparaissent devant des comités parlementaires dans la Loi sur le Parlement du Canada et dans la Charte des droits et libertés. Le commentaire 109 de la sixième édition de Beauchesne prévoit ceci:

Les témoins entendus en comité jouissent d'une immunité et d'une liberté de parole égales à celles des députés. Rien de ce qui a été dit devant un comité, ou à la barre de la Chambre, ne peut être invoqué devant une cour de justice. Nul ne saurait donc refuser de répondre sous prétexte d'auto-incrimination.

Il est clairement dans l'intérêt des comités parlementaires que les témoins puissent témoigner librement sans craindre que cela ne nuise, directement ou indirectement, à leur vie personnelle ou à leur carrière. La vingtième édition d'Erskine May prévoit que la Chambre considère comme un outrage tout harcèlement ou toute menace dont seraient victimes des personnes ayant témoigné devant la Chambre ou devant un comité et comprend là-dedans toute voie de fait ou toute menace de voie de fait à l'endroit de témoins, toute conduite insultante ou abusive, tout exercice abusif (de la part d'un geôlier) ou toute censure de la part d'un employeur.

Le noeud de l'affaire, c'est que les témoins qui comparaissent devant un comité doivent absolument jouir de la liberté de parole pour que le Sénat puisse arriver à réunir des renseignements. Les témoins qui craignent que leur témoignage ne suscite directement ou indirectement des représailles, soit parce qu'ils ont reçu des menaces ouvertes ou voilées soit parce que d'autres témoins ont pâti d'avoir comparu devant un comité, ne témoigneront manifestement pas volontiers. Comme une telle absence d'exposé complet, clair et véridique empêche les membres du comité de bien exercer leurs fonctions, elle constitue une atteinte au privilège parlementaire. C'est ainsi que le ministère de la Santé s'est rendu coupable d'outrage au Sénat et à ses comités.

Si Son Honneur en arrivait à juste titre à la conclusion qu'il y a présomption d'atteinte au privilège, je serais disposé à proposer la motion qui s'impose, à savoir que la question soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure pour qu'il l'examine et en fasse rapport au Sénat.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, l'affaire est grave, car il est bien évident que les témoins qui comparaissent devant nos comités doivent pouvoir parler librement à ceux-ci. Toutefois, je dois m'assurer que les mesures qui ont été prises l'ont été par suite de la comparution devant le comité. Tout autre sénateur qui a des renseignements à cet égard m'obligerait en m'en faisant part.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au sénateur Kinsella. En principe, je suis tout à fait d'accord avec lui. Néanmoins, si je me rappelle bien ce qu'il a dit, le témoin en question pense avoir été pénalisé pour avoir comparu devant un comité du Sénat et pour avoir témoigné ainsi qu'il l'a fait.

L'honorable sénateur peut-il fournir des preuves de ce qu'il avance? A-t-il, par exemple, une lettre du témoin disant qu'il se croit pénalisé, ou bien s'agit-il seulement d'un ouï-dire? Si le témoin le croit vraiment et qu'il a fait part de ses sentiments par écrit, alors l'affaire est beaucoup plus grave.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, j'ai pensé la même chose. Le 19 août 1999, j'ai reçu de M. Chopra une lettre dans laquelle il écrit: «J'ai dit que toutes ces actions étaient la conséquence directe du témoignage qu'il m'a été demandé de faire devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts au sujet de l'enquête sur la STbr.» C'est sur cette lettre et cette déclaration de M. Chopra que je m'appuie pour attirer l'attention du Sénat sur cette affaire.

Le sénateur Stewart: Cette réponse est utile.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Kinsella a soulevé une grave question de privilège. Tout comme l'autre endroit, le Sénat doit avoir l'assurance que les témoins peuvent se présenter devant ses différents comités sans craindre de représailles.

Il est clair que l'on ne s'entend pas sur les raisons qui expliquent l'imposition de cette pénalité. Nous savons, par exemple, que M. Chopra estime qu'elle lui a été imposée en raison de son témoignage devant le comité de l'agriculture. Nous avons communiqué par écrit avec le sous-ministre de la Santé, qui nous a dit que ce n'est pas le cas.

Il me semble que nous avons une divergence d'opinions qu'il nous sera impossible de trancher sans entendre de témoignages. Si Son Honneur estime que la question de privilège paraît à première vue fondée, je suis tout à fait disposée à appuyer la motion du sénateur Kinsella, qui propose que la question soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure pour un examen plus approfondi.

L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, en tant que présidente du comité, je demande d'ajourner le débat afin de me laisser le temps de vérifier auprès de Santé Canada si M. Lachance peut venir nous présenter une autre version de cette affaire.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je suis désolé, mais la question ne peut pas être ajournée. Selon la procédure établie, le Président entend tous les honorables sénateurs qui désirent intervenir dans le débat jusqu'à ce qu'il estime disposer de suffisamment d'information. Il décide alors s'il rendra une décision ou s'il prendra la question en délibéré.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'ai écouté très attentivement ce débat. J'ai écouté avec autant d'attention les propos du sénateur Kinsella. Je suis satisfait de la réponse du sénateur Carstairs. Elle a dit que c'était la coutume dans cette chambre comme dans l'autre.

[Traduction]

Je ne sais trop au sujet de l'autre endroit, même si j'y ai été pendant 30 ans, mais le Sénat doit défendre des droits et s'assurer que les droits de témoins convoqués devant nos comités ont été respectés.

(1820)

En ce qui me concerne, je suis content de la convention qui fait que le côté du gouvernement et le côté de l'opposition soient l'un contre l'autre, qu'il y ait ainsi un dilemme.

Je suis heureux que le Sénat accueille la présidente du Comité mixte des langues officielles, l'honorable sénateur Finestone.

[Français]

Le docteur croit vraiment qu'il a été puni et lésé dans ses droits. C'est sa conviction profonde. La réponse de ses patrons n'indiquait pas qu'il y avait un lien. C'est le dilemme. Comment peut-on être sûr que ce soit l'un ou l'autre? Le sénateur Carstairs l'a très bien dit: seul un comité pourrait conclure qu'effectivement, le docteur a raison ou que non, en réalité, il n'a pas été lésé dans ses droits.

[Traduction]

Si le Sénat a un devoir à accomplir, c'est bien d'assurer la pleine protection des témoins. Peut-on imaginer, juste un instant, ce qui se produirait si nous prenions cette responsabilité à la légère? Nous devons faire preuve de respect envers les témoins qui ont de l'information à partager sur certaines questions. Comment se sentiraient-ils s'ils découvraient que, à propos d'une situation portée à notre attention, nous avons jugé bon de ne pas intervenir? C'est pourquoi j'abonde dans le sens des propos du sénateur Carstairs et du sénateur Kinsella.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je me permets de vous rappeler l'étape à laquelle nous sommes rendus. Le sénateur Kinsella soulève la question de privilège en vertu de la règle des présomptions suffisantes. Le sénateur Kinsella demande une opinion à Son Honneur à savoir si la question de privilège est fondée à première vue. Le reste sera déterminé après étude sérieuse et approfondie au comité, si le sénateur Kinsella va jusqu'à présenter une motion en ce sens.

Je remercie le sénateur Kinsella d'avoir soulevé la question de privilège. Je suis sûre qu'elle est fondée à première vue. Je remercie également le sénateur Kinsella de son compte rendu des faits dans cette affaire. Je remercie le sénateur Kinsella d'avoir nuancé ses propos et d'avoir précisé que M. Chopra se considère comme la victime dans cette affaire.

J'appuie la question de privilège dont a parlé le sénateur Kinsella. Je lui demanderai de nous présenter ce document aujourd'hui.

En plus de demander ce document utile, j'ai des choses à dire sur l'équité et l'application régulière de la loi. C'est mépriser le Parlement et le Sénat que de tenter de blesser ou d'importuner un témoin. C'est également mépriser le Parlement et le Sénat que de tenter d'induire le Sénat en erreur de façon suspecte, douteuse ou indésirable. Si cette question en vient à être étudiée, une grande confiance serait placée dans cette personne.

Je rappelle aux honorables sénateurs qu'il y a peu d'exemples où les privilèges du Sénat et du Parlement ont réellement fait l'objet de lois, mais il y en a un. Dans le Code criminel, le fait de faire un faux témoignage sous serment devant un comité du Parlement est un délit criminel.

Nous devons comprendre clairement que si Son Honneur conclut à une présomption d'atteinte au privilège et que cette question est renvoyée à un comité, il s'agira d'une étape très sérieuse et nous compterons sur l'intégrité de cette personne.

Je suis heureuse que des mesures soient prises pour éclaircir ces questions. Nous entendons ce genre de chose assez fréquemment. Lorsque nous examinions certaines questions concernant le régime d'assurance-chômage, il y a quelques années, nous avons entendu dire que des gens qui avaient témoigné devant les comités du Sénat s'étaient vu refuser des contrats. Lorsque le sénateur Orville Phillips présidait le sous-comité des anciens combattants, des préoccupations ont été exprimées au sujet de représailles contre les personnes qui témoignaient devant le comité. Un témoin possible, M. Fred Gaffen, nous a écrit qu'on lui avait interdit de parler à ce comité. Les membres du comité ont exprimé leur profonde inquiétude à cet égard. Un autre témoin, Victor Suthren, se sentait si vulnérable que le président du comité a demandé à notre conseiller parlementaire, Mark Audcent, de s'asseoir à côté de lui pendant qu'il donnait son témoignage.

Je n'ai pas eu le temps de préparer mes remarques pour aujourd'hui, mais M. Chopra a porté des accusations directes auxquelles nous devons répondre directement. Je suis certaine qu'il saisit la gravité de la situation dans laquelle il se trouverait si ces allégations étaient fausses.

Rien ne sert de s'attarder sur ce point. Selon la Déclaration des droits, que le sénateur Kinsella a citée, les délibérations du Parlement ne peuvent faire l'objet de contestations ni donner lieu à des accusations. Cette institution a été particulièrement négligente pour ce qui est d'étudier ses propres privilèges et ceux de ses témoins.

Un comité devrait faire un examen détaillé de cette question et tirer des conclusions justes et équitables. Cela pourrait nous servir de point de départ.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le sénateur Kinsella a-t-il la permission de déposer la lettre dont il a fait mention?

Des voix: D'accord.

(1830)

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, je désire faire trois brèves observations. Le sénateur Kinsella a exposé la situation. Je ne parlerai pas du bien-fondé de l'argumentation, mais du contexte, puisque je faisais partie du comité devant lequel M. Chopra a comparu.

Tout d'abord, M. Chopra et ses collègues ont témoigné à propos d'une question très controversée, une question sur laquelle le même comité a eu beaucoup de mal à obtenir toute l'information nécessaire. Des éléments d'information nous ont été cachés. Deuxièmement, les témoins qui ont comparu faisaient l'objet d'un ordre de ne pas parler aux médias, ce qui me paraît plutôt inhabituel. Troisièmement, les témoins ont demandé qu'on leur fasse prêter serment pour témoigner, une chose qui me paraît elle aussi tout à fait inhabituelle. Dans les travaux de ce comité, celui de l'agriculture, les questions abordées ne sont pas graves au point d'amener les témoins à rester ainsi sur la défensive. Le comité ne traite pas de questions d'ordre constitutionnel ou concernant la défense nationale.

J'estime qu'il s'agit d'une question que le Sénat devrait examiner, et je suis reconnaissante au sénateur Kinsella de l'avoir soulevée et présentée.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, je puis dire que, étant donné l'admirable unanimité que recueille cette question, il me serait facile de trancher immédiatement. Néanmoins, je désire faire lecture de la lettre de M. Chopra et des propos du sénateur Kinsella, car il faut également tenir compte ici des droits de l'employeur. Je voudrais m'assurer que nous ne commettions pas d'impair. Je prendrai la question en délibéré et j'en ferai rapport dès que possible.

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)


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