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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 158

Le mardi 14 septembre 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mardi 14 septembre 1999

La séance est ouverte à 9 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Sandra Schmirler

Meilleurs voeux de prompt rétablissement

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui sur un ton très sérieux pour parler d'une idole des Prairies qui lutte actuellement pour sa vie. Vous connaissez peut-être Sandra Schmirler, de Regina. Son quatuor a remporté la médaille d'or au curling lors des Jeux olympiques de Nagano, au Japon, en 1998, après avoir déjà remporté trois fois le championnat du monde pour les femmes dans cette discipline.

Sandra vient de subir une opération chirurgicale majeure pour un cancer. J'avais parlé d'elle en avril 1994 lorsque son équipe était devenue la première équipe féminine canadienne à remporter le championnat du monde deux années d'affilée. À l'époque, toute la Saskatchewan a célébré les exploits de Sandra et de ses coéquipières.

La région des Prairies produit des gens très spéciaux. Personnifiant la grâce, la classe et l'adresse, Sandra Schmirler appartient à cette catégorie de gens. Je vous demande d'avoir une pensée spéciale dans vos prières pour cette femme charmante et courageuse qui lutte contre le cancer dans un hôpital de Regina. À Sandra et à sa famille, j'envoie mes pensées et mes prières, ainsi que celles de mon épouse et de ma famille, et les vôtres, honorables sénateurs, afin de leur donner plus de force et de courage pour surmonter cette épreuve.

Question de privilège

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, vous avez reçu avis d'une question de privilège que j'ai soulevée conformément au paragraphe 43(5) du Règlement, qui dit ceci:

Dès qu'il reçoit un avis en vertu des alinéas (3) et (4) ci-dessus, le greffier du Sénat le fait traduire aussitôt et envoie au bureau de chaque sénateur, à Ottawa, un exemplaire de l'avis original et de la traduction.

Je présume donc que tous les sénateurs ont reçu cet avis. La question de privilège concerne la divulgation non autorisée des ébauches d'un rapport du comité sénatorial permanent des peuples autochtones, question dont j'ai l'intention de parler plus tard aujourd'hui.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant que je n'appelle le prochain article au Feuilleton, je vous avise que, à cause de l'heure tardive d'ajournement hier soir, les Débats du Sénat ne sont pas disponibles dans les deux langues à ce moment-ci. On n'a tout simplement pas eu assez de temps pour produire et traduire le compte rendu des délibérations, qui devrait toutefois être disponible vers 10 heures.

AFFAIRES COURANTES

Les transports

Dépôt du décret autorisant la tenue de discussions sur la proposition du secteur privé concernant l'achat d'Air Canada

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis heureux de déposer, conformément au paragraphe 47(4) de la Loi sur les transports au Canada, un décret autorisant certains grands transporteurs aériens et certaines personnes à négocier et à conclure un accord conditionnel.

(0910)

Transports et communications

Le renvoi au comité permanent du décret en conseil autorisant les discussions concernant la proposition d'achat d'Air Canada présentée par le secteur privé-Avis de motion

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nonobstant l'alinéa 58(1)j), je donne avis que, avec la permission du Sénat, je proposerai plus tard aujourd'hui:

Que, conformément au paragraphe 47(5) de la Loi sur les transports au Canada, le décret autorisant certains transporteurs aériens majeurs et certaines personnes à négocier et à conclure toute entente conditionnelle, soit déféré au comité sénatorial permanent des transports et des communications.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée pour plus tard aujourd'hui, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les transports

La proposition du secteur privé d'acheter Air Canada-L'effet de la règle de dix pour cent de détention des actions

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je remercie le leader du gouvernement au Sénat d'avoir déposé aujourd'hui en cette enceinte le décret pris conformément à la Loi sur les transports au Canada relativement à la suspension des règles sur la concurrence durant 90 jours. Je demande que la question soit renvoyée au comité sénatorial des transports et des communications afin qu'au moins une des Chambres du Parlement puisse l'examiner. Je remercie le ministre d'avoir fait cela.

La question que j'adresse au ministre a trait à la politique du gouvernement du Canada concernant la règle de dix pour cent de détention des actions prévue par la loi. Le gouvernement du Canada a-t-il l'intention de changer ce principe ou ce dernier sera-t-il formulé après qu'on soit parvenu à une conclusion sur la relation entre Air Canada et les Lignes aériennes Canadien International?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, pour remettre les choses en contexte, je préciserai que la règle de dix pour cent de détention des actions était prévue dans la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada afin de garantir une importante détention publique d'actions d'Air Canada et d'empêcher, à l'époque, toute partie d'avoir une influence excessive sur la compagnie aérienne.

Le gouvernement tiendra compte des paramètres de toute proposition appuyée par les intervenants en vue de restructurer l'industrie et d'en assurer la stabilité à long terme. Dans ce contexte, le gouvernement étudiera les changements législatifs et réglementaires qui seront nécessaires pour mettre au point une solution à long terme aux difficultés financières de l'industrie, ce qui pourrait comprendre des modifications à la règle des 10 p. 100.

La proposition du secteur privé d'acheter Air Canada-Le décret en conseil autorisant la tenue de discussions-L'effet sur la concurrence loyale

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, ce décret qui est entré en vigueur suspend toute action en déclaration de concurrence déloyale alors que le Bureau de la concurrence lui-même est gardé complètement à l'écart. Dans cette optique, qui se chargera de voir à ce qu'il existe une concurrence loyale dans l'industrie aéronautique?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la règle est suspendue pendant 90 jours et, à mesure que la situation évoluera, toutes les propositions seront examinées, notamment par le comité sénatorial permanent des transports et des communications.

Comme l'honorable sénateur doit le savoir, le gouvernement cherche une solution qui assurera à la fois la viabilité à long terme de l'industrie aéronautique et le maintien des avantages de la concurrence pour les voyageurs et les expéditeurs.

Je suis persuadé que les députés comme les sénateurs auront la chance d'étudier de près toutes les propositions transmises.

La proposition de la société Onex d'acheter Air Canada et les Lignes aériennes Canadien-Les répercussions sur le prix des actions

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le ministre peut-il nous dire si la valeur des actions de ces deux compagnies aériennes pourrait être touchée entre temps? Le gouvernement a-t-il pensé aux répercussions possibles sur la valeur des actions en raison du processus qu'il semble avoir adopté? Existe-t-il un mécanisme qui pourra garantir que personne n'avait une connaissance préalable des événements qui pourraient avoir des répercussions sur le prix des actions des deux compagnies?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Je ne suis au courant d'aucune connaissance préalable, honorables sénateurs. Les actions qui ont été prises par le gouvernement, par Onex ainsi que par Air Canada ont déjà eu une incidence sur le cours de la Bourse. L'annonce par le gouvernement de la période de suspension de 90 jours a suscité beaucoup d'activité sur le marché. L'objectif du gouvernement est de faire en sorte que l'offre finale, quelle qu'elle soit, satisfasse à des conditions très particulières avant son approbation par le Cabinet. Ces conditions sont les suivantes: maintien d'un environnement concurrentiel qui décourage des prix exorbitants, protection des liaisons avec les collectivités éloignées et respect des droits des travailleurs. En définitive, ces conditions protégeront les intérêts supérieurs des Canadiens.

La proposition de la société Onex d'acheter Air Canada et les Lignes aériennes Canadien-Demande de communication des noms des personnes participant aux discussions

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je désire adresser une question complémentaire au leader du gouvernement au Sénat.

Il ne fait aucun doute qu'Onex devra rendre publique son intervention sur le marché en vue de l'achat des actions des Lignes aériennes Canadien et d'Air Canada, et ce, non pas après l'annonce mais avant. Le ministre peut-il nous donner l'assurance que le gouvernement fera connaître la liste de toutes les personnes oeuvrant au sein des ministères ou d'autres groupes intéressés qui ont pris part à cette affaire afin que nous soyons en mesure de déterminer si, oui ou non, elles sont intervenues sur le marché avant que le ministre ne fasse cette annonce en août dernier?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis sûr que ce sont là des questions qu'il conviendra de poser aux témoins qui comparaîtront sans doute devant le comité sénatorial permanent des transports et des communications.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, ne pourrions- nous pas disposer d'une liste des personnes qui ont été mêlées à cette affaire? Il me semble que l'exécution d'une politique d'intérêt public ne devrait pas se faire en privé.

(0920)

À mon avis, un groupe de personnes a probablement pris part à la démarche qui a abouti à la décision du ministre. Il doit certainement y avoir des personnes au sein du cabinet du ministre et des ministères, voire des gens de l'extérieur, qui connaissaient la décision du gouvernement avant qu'elle ne soit annoncée, qui ont peut-être acheté des actions des Lignes aériennes Canadien International et d'Air Canada à l'aide de renseignements d'initiés, et qui ont donc pu en tirer grandement profit, peu importe ce qui se produira d'ici la prise de la décision définitive.

Le sénateur Graham: Je suis certain qu'avec les divers moyens dont nous disposerons au fur et à mesure que la situation évoluera, ces renseignements seront communiqués prochainement.

Question au Feuilleton

Demande de réponse

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement. Je voudrais attirer son attention sur la question no 143, inscrite au Feuilleton depuis le 2 mars 1999, soit sept mois. Elle porte sur la contrebande de produits du tabac. Le leader du gouvernement peut-il me donner une idée du temps qu'il me faudra attendre encore avant d'obtenir une réponse à cette question?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois savoir que la réponse à cette question est prête. Cependant, il y a eu un remaniement, non seulement au Cabinet, mais aussi parmi les secrétaires parlementaires, et la pratique veut dans la plupart des cas que le secrétaire parlementaire consulte le ministre avant d'apposer sa signature à une réponse. Nous tentons d'obtenir cette signature dans les plus brefs délais. S'il est possible de le faire aujourd'hui, nous le ferons.

Je sais que le sénateur Comeau aussi a fait inscrire au Feuilleton une question qui est toujours sans réponse et j'exerce des pressions pour qu'on y réponde. Si je ne me trompe, le sénateur LeBreton a également fait inscrire une question demeurée sans réponse. Je tiens à assurer tous les honorables sénateurs que je demande aux autorités et aux ministres responsables de remettre ces réponses avec le plus de célérité possible.

Le sénateur Kenny: Étant donné qu'un avis a été donné à cet égard, pouvons-nous espérer obtenir les réponses avant une prorogation éventuelle?

Le sénateur Graham: Je tenterai d'accéder à la demande qui a été présentée, non seulement par le sénateur Kenney, mais aussi par d'autres honorables sénateurs.

Les transports

La proposition du secteur privé d'acheter Air Canada-L'effet de la règle concernant la détention de dix pour cent des actions-Les modifications législatives possibles-La position du gouvernement

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, si je comprends bien, en ce qui concerne la limite de propriété de 10 p. 100 des actions qui s'applique uniquement à Air Canada, le ministre a dit que le gouvernement pourrait envisager favorablement la possibilité de modifier à la hausse cette limite, si jamais la proposition d'Onex bénéficiait de l'appui du gouvernement. Mon interprétation est-elle exacte?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement envisagerait toute modification législative nécessaire pour améliorer la stabilité à long terme de l'industrie du transport aérien.

Le sénateur Lynch-Staunton: Est-ce que cela signifie que toute proposition ou contre-proposition bénéficierait d'une modification à la hausse de la limite de 10 p. 100, de sorte qu'elle ne s'appliquerait pas uniquement à la proposition d'Onex?

Le sénateur Graham: Je pense que c'est exact, honorables sénateurs. Cependant, je suis certain que le gouvernement examinera toute proposition selon son mérite.

La proposition du secteur privé d'acheter Air Canada-L'effet de la règle concernant les vingt-cinq pour cent de propriété étrangère

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Il y a aussi une limite de 25 p. 100 qui s'applique à l'ensemble de la propriété étrangère d'une entreprise de transport aérien au Canada. Le gouvernement serait-il prêt à envisager de proposer des modifications législatives pour éliminer cette limite ou pour la hausser, s'il pensait que cela puisse solidifier l'industrie du transport aérien au Canada?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Lynch-Staunton cherche à déterminer si la détention de la majorité des actions reviendrait à des Américains ou à des Canadiens. Je lui dirai que la proposition par la compagnie qui serait connue sous le nom d'AirCo d'acheter les actions d'Air Canada est conditionnelle à l'acceptation par les détenteurs d'au moins 66,6 p. 100 des actions avec droit de vote et des actions sans droit de vote. Par suite de ces opérations, dans l'hypothèse où les détenteurs de 66,6 p. 100 des actions d'Air Canada acceptent la proposition d'Onex, on estime, et je le dis strictement pour plus de précision, qu'Onex détiendra 31 p. 100 de l'avoir de la nouvelle compagnie de transport aérien, qu'AMR, propriétaire d'American Airlines, en possédera 14,9 p. 100 et que d'autres actionnaires publics en auront 54 p. 100.

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui, c'est le cas pour ce qui est de la proposition d'Onex, mais supposons qu'il y ait une autre proposition qui semble plus intéressante, plus sûre financièrement et plus prometteuse pour l'industrie du transport aérien au Canada, mais qui inclut une propriété étrangère supérieure à 25 p. 100. Le gouvernement envisagerait-il de procéder à des modifications législatives pour que la proposition soit acceptée, ou est-ce que le gouvernement doit absolument maintenir la limite de 25 p. 100?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, il me faudrait faire d'autres recherches à ce sujet; je ne sais pas si le gouvernement a pris position sur ce point.

La défense nationale

Le conflit au Timor oriental-Le mandat de la force de maintien de la paix

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, j'aimerais revenir sur les questions soulevées hier au sujet du Timor oriental. Le leader du gouvernement est-il maintenant en mesure de nous dire si les soldats qui seront déployés au Timor oriental, selon les déclarations du premier ministre, exerceront un rôle de maintien de la paix ou un rôle de soutien logistique?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, nous attendons la demande précise des Nations Unies. Un projet de résolution a été présenté aujourd'hui, mardi, et il fera l'objet de discussions aujourd'hui et demain. Je prévois que le vote aura lieu jeudi. On peut supposer que le projet de résolution indiquera la nature de la force qui sera demandée.

Le conflit au Timor oriental-La possibilité d'un débat parlementaire sur l'envoi de militaires

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, si le Canada envoie effectivement des soldats de maintien de la paix, le gouvernement permettra-t-il la tenue d'un débat parlementaire avant que nos militaires ne soient déployés sur quelque théâtre d'opération que ce soit?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois qu'un tel débat serait tout à fait indiqué. En fait, j'ai parlé avec mes collègues de la possibilité d'offrir des séances d'information aux comités appropriés des deux Chambres. Je l'ai mentionné très tard hier au président du comité sénatorial permanent des affaires étrangères, le sénateur Stewart. On étudie la possibilité d'obtenir que les ministres des Affaires étrangères, M. Axworthy, de la Défense, M. Eggleton, et de la Coopération internationale, Mme Minna, viennent à ces séances vendredi prochain. J'espère pouvoir informer davantage le Sénat avant la fin de la journée.

Le moment précis de ces séances dépend du retour de M. Axworthy au Canada après la conférence de l'APEC en Nouvelle-Zélande, et je pense qu'il a aussi d'autres empêchements et rendez-vous prévus d'avance. Toutefois, pour le moment, je crois qu'il sera possible d'offrir des séances d'information aux comités des deux Chambres du Parlement vendredi matin. J'espère que je pourrai fournir de plus amples renseignements à cet égard avant notre ajournement aujourd'hui.

Le sénateur Andreychuk: Le but de ma question n'était pas, toutefois, d'obtenir une séance d'information, surtout un vendredi. Ceux d'entre nous qui n'habitent pas Ottawa ont une longue distance à parcourir. La question était de savoir s'il y aura un débat parlementaire où toutes les parties auraient l'occasion de dire si elles trouvent acceptable et faisable d'envoyer des troupes au Timor oriental.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je crois que cela s'impose. Ce serait habituellement le cas.

L'honorable Marcel Prud'homme: En quelque sorte, honorables sénateurs, sans vouloir contredire le sénateur Andreychuk, il semble évident qu'une véritable séance d'information s'impose, comme l'a laissé entendre le leader du gouvernement. Si l'on en juge par ce qui est annoncé petit à petit, le Parlement pourrait ne pas siéger. Il ne fait aucun doute que le Parlement devrait siéger, mais s'il ne le fait pas, il ne serait absolument pas pertinent de tenir un débat à la Chambre ni au Sénat.

(0930)

Je conviens parfaitement avec le sénateur Andreychuk que le Parlement devrait donner son approbation. Toutefois, compte tenu de la situation, avant que le Parlement ait la chance de débattre de cette question, il sera très tard et je me demande s'il restera encore un seul Est-Timorais en vie. Des parlementaires sont tellement loin qu'ils auront du mal à revenir ici pour une véritable séance d'information. Il faudrait commencer par tenir une véritable séance d'information - non pas d'une demi-heure ou une heure, mais un vrai débat. Si la Chambre revient, nous débattrons la question - en supposant qu'il est encore pertinent de le faire. Après consultation, il faudrait accommoder amplement les membres du comité, qui ont leur propre emploi du temps. Le président et d'autres membres sont ici, mais le moment choisi pour tenir une séance d'information doit leur être aussi acceptable qu'au ministre.

Le ministre s'assurera-t-il qu'il y ait consultation sur la convocation de cette séance d'information, de telle sorte que tout parlementaire qui s'intéresse aux affaires internationales - qu'il soit membre ou non du comité - puisse y assister? Autrement dit, verra-t-on à accommoder les membres du comité? Les non-membres devraient laisser décider les membres des deux comités. Le gouvernement envisagera-t-il une telle possibilité?

Le sénateur Graham: Oui, je serais très heureux de le faire et de déployer tous les efforts en ce sens.

Le sénateur Prud'homme se demande si les habitants du Timor oriental seront tous tués. La situation est grave. Selon les informations que j'ai obtenues depuis 45 minutes, il y aurait 120 000 réfugiés au Timor occidental; quant au Timor oriental, on y dénombrerait quelque 190 000 personnes déplacées, ce qui donne un total de 310 000 personnes déplacées, soit près de la moitié de la population du Timor oriental.

Sur le plan humanitaire, je puis vous dire que l'ambassadeur du Canada Sunquist sera au Timor occidental aujourd'hui pour visiter les camps de réfugiés. Nous prévoyons que la Croix-Rouge sera également au Timor oriental aujourd'hui et qu'une équipe d'évaluation au grand complet sera à pied d'oeuvre au Timor oriental demain. On songe à parachuter de l'aide humanitaire au Timor oriental, mais le plus tôt que l'on pourrait le faire serait peut-être le 18 septembre.

Le sénateur Prud'homme: Je ne doute pas que les sénateurs ont vu l'entrevue que l'ambassadeur Sunquist a donnée à la télévision. Je tiens à féliciter l'ambassadeur de l'excellente entrevue qu'il a donnée en français. J'ai plus appris au cours de cette courte entrevue que je ne le ferai probablement dans toute séance d'information. Je lui souhaite bonne chance. Nous ne devrions pas hésiter à souligner de telles réalisations. Il a été superbe dans son entrevue à Radio-Canada et, quant à moi, je voudrais demander au leader du gouvernement de lui transmettre nos remerciements pour nous avoir donné un début d'explication, qui devrait être suivi par des informations plus détaillées de la part des ministres concernés.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je le ferai avec plaisir. Les observations du sénateur Prud'homme font ressortir l'importance, la valeur et l'expertise de nos diplomates qui servent le Canada avec autant de distinction dans toutes les régions du monde.

Le remplacement des hélicoptères Sea King-Les délais de l'attribution du contrat

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Après avoir assisté au spectacle aérien de la base Shearwater des forces aériennes canadiennes samedi et dimanche et côtoyé quelque 250 000 personnes tant à la base que dans les rues et sur les collines entourant la base, je ne puis trouver des mots assez forts pour faire valoir auprès du leader du gouvernement la nécessité et l'urgence de faire des appels d'offres pour le remplacement des hélicoptères embarqués.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je serai ravi d'aborder la question avec mes collègues, que j'aurai peut-être l'occasion de rencontrer à la réunion du Cabinet à 10 heures, suivant la façon dont les délibérations du Sénat se dérouleront. L'honorable sénateur Forrestall n'est pas sans savoir que j'appuie grandement le programme visant à remplacer les appareils Sea King. Je transmettrai ses plus récentes observations au ministre de la Défense nationale et à mes autres collègues.

Le sénateur Forrestall: Le ministre peut-il nous dire s'il existe, à sa connaissance, une raison particulière pour laquelle le gouvernement n'a pas pris les mesures nécessaires pour lancer un appel d'offres?

Le sénateur Graham: Je ne connais pas de raison particulière, honorables sénateurs. Encore une fois, j'attirerai l'attention de mes collègues sur les observations du sénateur Forrestall.

Les affaires étrangères

Le conflit au Timor oriental-Une enquête possible sur les événements antérieurs-La position du gouvernement

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat ou au président du comité des affaires étrangères et porte sur la situation au Timor oriental. Dans le cadre de toutes les discussions sur la situation actuelle au Timor oriental, y a-t-il un organisme ou quelqu'un qui examine comment on a pu laisser la situation se détériorer ainsi? Tout semblait indiquer depuis un bon moment que, si les élections donnaient les résultats qui ont été obtenus, il se produirait exactement ce qui se produit actuellement. Pourtant, nos missionnaires de la démocratie parcourent le monde entier. Encore au Timor oriental, ils ont fait la promotion du scrutin démocratique et ont garanti aux habitants leur sécurité. L'élection a eu lieu, les gens ont voté et ils sont maintenant massacrés ou chassés de leur foyer.

Cela me rappelle les missionnaires chrétiens qui, avec les meilleures intentions, tentaient de convertir les païens un peu partout dans le monde. Leur enseignement a permis de sauver bien des âmes, mais a aussi détruit beaucoup de cultures. Dans le cas qui nous intéresse, nous prônons les principes démocratiques au prix de nombreuses vies humaines.

Le ministre ou le sénateur Stewart peuvent-ils me dire si des mesures peuvent être prises pour éviter ce genre de situation à l'avenir et pour déterminer si une enquête sur la situation au Timor oriental peut être utile?

Des voix: Bravo!

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Bryden fait valoir un point important. Le monde devrait avoir quasiment honte que des gens qui exercent leur droit démocratique de voter puissent être victimes d'un tel carnage. Ces gens sont punis. Ce n'est pas la première fois que nous assistons à ce genre d'événement dans diverses régions du monde. J'ai personnellement été témoin d'une situation semblable, en 1986, aux Philippines, au cours de la toute première grande mission d'observation internationale des élections. J'ai eu la chance de faire partie de cette mission et de me rendre aux Philippines de nouveau l'année suivante. J'ai également été témoin de situations semblables ailleurs dans le monde. Je ne vais pas en dresser ici la liste, mais il incombe aux Nations Unies et à tous leurs pays membres d'exercer une surveillance.

(0940)

Comme je l'ai dit plus tôt, une équipe d'évaluation des Nations Unies surveille actuellement la situation humanitaire au Timor oriental et essaie de comprendre comment cette situation a pu se produire. Les membres des Nations Unies, et en particulier les pays membres du Conseil de sécurité, cherchent des façons de prévoir et de prévenir, à l'avenir, des situations semblables. L'ONU avait anticipé des difficultés, mais certainement pas le carnage qui frappe la population innocente du Timor oriental.

L'honorable sénateur a soulevé une question valable et j'en informerai mes collègues, afin que les autorités compétentes la soumettent au Conseil de sécurité des Nations Unies.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, j'ai une question supplémentaire. Je remercie le sénateur Bryden d'être revenu à la question que j'avais posée il y a quelques jours. En Angola, les Nations Unies ont reporté les élections parce que cette organisation savait qu'il y avait des difficultés de part et d'autre. Les élections au Mozambique ont également été retardées. Pourquoi n'en a-t-on pas fait autant dans ce cas-ci? Pourquoi ne sommes-nous pas intervenus auprès des Nations Unies pour qu'elles retardent la tenue du scrutin?

Le leader du gouvernement a dit qu'on s'attendait à des difficultés. Des indices confirmés annonçaient ce genre de situation. Les représentants canadiens en ont été informés, tout comme les membres des Nations Unies.

Ils espéraient de toute évidence contrer les risques. Les autorités ont fait appel au calme et à la raison, mais n'étaient-elles pas prêtes à faire face aux problèmes qui allaient inévitablement se poser si les résultats positifs attendus ne se concrétisaient pas?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, c'est une question de jugement. L'histoire compte de nombreux cas d'erreurs humaines. Nous devons choisir de participer à un exercice de démocratie à un moment précis et décider s'il vaut la peine de faire une démarche particulière en faveur de la démocratie.

Je cite le Paraguay en exemple. J'ai été témoin des élections dans ce pays en 1989, 1991 et 1993. Je me souviens des discussions qui ont eu lieu en 1989. Certains demandaient aux partis d'opposition de ne pas y participer. D'autres estimaient que de prendre part à des élections était un progrès. Le Parti Colorado et son chef, le président Stroessner avait dirigé le pays sous un régime militaire pendant 35 ans. En 1991, un indépendant a été élu maire de la capitale, Asunción. Peu après les premières élections dites démocratiques de 1989, des progrès énormes avaient manifestement été accomplis.

Le choix de l'occasion idéale est une question de jugement. Ceux qui ont pris la décision dans ce cas-ci estimaient que, pour le meilleur ou pour le pire, il devait se tenir un vote au Timor oriental. Erreur de jugement? L'histoire le dira. Maintenant que ces événements sont derrière nous, les pays du monde entier doivent s'unir pour répondre de leur mieux aux besoins des habitants du Timor oriental.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, il y a de nombreuses années, j'ai eu un affrontement violent avec un député au sujet du Moyen-Orient. En réfléchissant à cette époque, je me rends compte que je dois rendre hommage à cet homme, car il a été le premier grand défenseur du Timor oriental. Il s'agit du révérend Roland de Corneille, de Toronto. Dès avant 1984, il a attiré l'attention de la Chambre des communes sur cette région du monde.

Au cours de la prochaine session, je rappellerai au ministre qu'il a autorisé le prochain comité permanent des affaires étrangères, dont je ne serai probablement pas membre, à étudier cette question. S'il ne le fait pas, je vais lancer un mouvement sur la colline parlementaire pour réclamer cette étude.

Le sénateur Graham a dit qu'il fallait prévoir les choses. C'est très important. Nous devons essayer de prévoir ce que l'an 2000 nous apportera. Quiconque excelle à scruter l'avenir sait que nous ferons face à d'énormes difficultés dans les pays qui veulent réussir non par des méthodes démocratiques, mais par le recours à la violence. Il suffit de voir ce qui se passe en Russie maintenant.

Dépôt de réponses à des questions inscrites au feuilleton

Travaux publics Canada-Les contrats du gouvernement avec la firme BMCI Consulting Inc.-Demande de précisions

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 135 inscrite au Feuilleton par le sénateur LeBreton.

Les douanes et l'accise-Les ramifications de la contrebande de tabac-Demande de précisions

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 143 inscrite au Feuilleton par le sénateur Kenny.

Agriculture et Agroalimentaire Canada-Les recherches menées par Monsanto et par d'autres partenaires de ce secteur-Demande de précisions

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 145 inscrite au Feuilleton par le sénateur Spivak.

Environnement Canada-La délégation du Canada à la réunion sur le protocole de biosécurité à Carthagène, en Colombie-Demande de précisions

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 146 inscrite au Feuilleton par le sénateur Spivak.

Les travaux du Sénat

Report de la réponse à une question au Feuilleton

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je dois dire au sénateur Comeau que nous n'avons pas encore de réponse à sa question, la question no 147, qui est la dernière question écrite. On m'a dit qu'on y travaillait et qu'on nous transmettrait la réponse le plus tôt possible.

L'honorable Gerald J. Comeau: Je suppose que, comme ma question porte sur la pêche, elle n'est pas importante.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public

Motion d'attribution de temps pour le débat

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement), en conformité avec l'avis du 14 septembre 1999, propose:

Que, conformément à l'article 39 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations ne soient attribuées à la troisième lecture du projet de loi C-78, Loi constituant l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public et modifiant la Loi sur la pension de la fonction publique, la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur la continuation de la pension des services de défense, la Loi sur la continuation des pensions de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires, la Loi sur la Société canadienne des postes et une autre loi en conséquence;

Que, lorsque les délibérations seront terminées ou que le temps prévu pour le débat sera écoulé, le Président interrompe, au besoin, les délibérations en cours au Sénat et mette aux voix sur-le-champ et successivement toutes les questions nécessaires pour disposer de la troisième lecture du projet de loi; et

Que tout vote par appel nominal sur lesdites motions soit pris conformément au paragraphe 39(4) du Règlement.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, nous sommes fort disposés à renoncer au débat sur cette motion dans l'espoir de bénéficier, au moment du débat de clôture, d'un peu plus de souplesse afin de pouvoir proposer des amendements.

(0950)

Je sais qu'il s'agit d'une entorse au Règlement et je sais qu'on me considère pointilleux sur ce chapitre, mais en situation inhabituelle, il faut prendre des mesures inhabituelles.

Trois ou quatre intervenants veulent proposer des amendements. Si nous renonçons au débat de deux heures et demie sur l'avis de motion, cela leur donnerait le temps de proposer leurs amendements et nous pourrons alors voter sur ces amendements, comme nous avons voté hier. Voilà ce que nous vous proposons.

Le sénateur Carstairs: Cela conviendrait aux sénateurs de ce côté-ci. Toutefois, je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas d'un précédent. Ces amendements seront acceptés dans les six heures réservées au débat.

Je demanderais toutefois que, dès que ces amendements seront lus ou, au lieu d'être lus, distribués, ils soient remis très rapidement à tous les sénateurs afin que, au moment du vote, tous les honorables sénateurs puissent avoir en main, à leur fauteuil, la formulation exacte de ces amendements.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ceux qui veulent proposer des amendements pourraient peut-être veiller à ce qu'ils soient photocopiés dès maintenant, afin que, dès qu'ils seront déposés ou proposés, des copies puissent être distribuées.

Le sénateur Carstairs: C'est une excellente suggestion. Cela faciliterait sûrement la tâche des greffiers.

L'honorable Marcel Prud'homme: Je me fais sûrement l'écho de la pensée de mon ami, le sénateur Gauthier, ainsi que de plusieurs autres sénateurs, en disant que ces amendements devraient être rédigés dans les deux langues officielles. Autrement, vous pouvez vous attendre à des retards.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Afin que tous les honorables sénateurs comprennent bien la situation, je récapitule, et je demanderais à la présidence de me corriger si j'ai tort. Nous avons droit à un débat de deux heures et demie sur la motion dont nous sommes actuellement saisis, la motion d'attribution de temps. Immédiatement après la fin de ce débat, qui doit durer au plus deux heures et demie, nous passerons directement au débat sur le projet de loi. Nous tiendrons alors un débat d'au plus six heures. Aux termes de ce débat de six heures, toutes les motions seront mises aux voix ad seriatim.

Comme nous fonctionnons selon les règles de vendredi, est-ce à dire que nous ne tiendrons pas compte de l'heure à 16 heures, si nous n'avons pas terminé les six heures de débat et que nous poursuivrons nos travaux au-delà de 16 heures, ou tiendrons-nous compte du fait qu'il est 16 heures et considérerons-nous que la motion d'ajournement a été présentée, comme si c'était vendredi? Dans le second cas, le Sénat s'ajourne-t-il à lundi, ce que prévoirait la motion d'ajournement de vendredi, à 16 heures?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, il y a un certain nombre de facteurs à prendre en considération.

Je croyais que nous nous étions entendus pour renoncer à la portion du débat de deux heures et demie. C'est ce que le sénateur Lynch-Staunton a proposé afin que l'autre côté puisse présenter ses amendements. De toute évidence, si les sénateurs d'en face veulent s'engager dans le débat de deux heures et demie, nous appliquerons le Règlement à la lettre en ce qui concerne l'attribution de temps et il leur sera impossible de présenter des amendements. Ce sera leur choix. Je leur ai donné cette possibilité.

Quant à savoir quel jour de la semaine nous sommes, c'est aujourd'hui mardi, un point c'est tout. C'est certainement ce qu'indique le Bureau. Notre Feuilleton d'aujourd'hui mentionne que nous sommes mardi. Lorsqu'on m'a demandé hier si l'esprit des règles concernant les heures de séance du vendredi s'appliquerait aujourd'hui, j'ai dit que c'était ce que je pensais. Cependant, je n'ai jamais dit que ce serait aujourd'hui un vendredi. La motion concernant la séance d'aujourd'hui établit très clairement que nous sommes mardi.

Par conséquent, je suis certaine que si nous ne pouvions terminer nos travaux aujourd'hui, nous siégerions à l'heure normale demain, c'est-à-dire 14 heures.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, c'est encore une fois une situation irrégulière. Nous sommes saisis d'une motion, et je ne devrais permettre qu'une seule intervention au sujet de la motion. Je pense toutefois que nous devons clarifier la situation. Si cela convient au Sénat, je propose que nous discutions de cette question pour faire le point sur la situation. Cela vous convient-il, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je voudrais simplement obtenir des éclaircissements au sujet du Règlement, ce qui, à ma connaissance, est possible en tout temps.

Contrairement au leader adjoint du gouvernement, je n'ai pas devant moi une montagne de notes sur la question et, malheureusement, nous n'avons pas encore les Débats du Sénat, mais je crois que, lorsque nous aurons ce document, vous verrez que j'ai pris la parole pour demander clairement si les règles régissant nos heures de séance s'appliquaient à la séance d'aujourd'hui. Vous verrez aussi que l'on m'a répondu que oui. Par conséquent, j'ai consulté les règles qui s'appliquent au vendredi. J'ai simplement posé la question. Je serai très heureux de me conformer à l'avis du Président sur la question.

Le sénateur Carstairs: Pour apporter un complément d'information à Son Honneur et aux sénateurs, qu'il soit bien clair que, selon l'alinéa 39(5)a), auquel la motion d'attribution de temps fait allusion, si nous avons entamé le débat de six heures, que nous soyons vendredi ou pas, nous n'ajournerons pas. Par conséquent, nous ne tiendrions pas compte de l'heure à 16 heures. C'est une règle claire au Sénat. De plus, dans la motion présentée hier, il est clairement dit que la séance aura lieu mardi.

Il est vrai que le sénateur Kinsella a posé une question, et on lit ceci dans la transcription:

Doit-on comprendre que les règles s'appliquant aux heures de séance du vendredi s'appliqueront demain?

J'ai répondu à cela:

Oui, c'est ce qu'il faut comprendre.

C'est l'entente sur les heures de séance dont nous avons convenu, le sénateur Kinsella et moi, quand nous en avons discuté hier matin dans mon bureau. C'est moi qui ai soulevé la question parce que je voulais que tous nos vis-à-vis puissent assister à la réunion de leur caucus à Calgary.

Le sénateur Kinsella: J'en remercie mon honorable collègue. C'était ma deuxième question. D'ailleurs, c'est ce que j'avais compris des règles applicables à une motion d'attribution de temps. Lorsque le débat est commencé, même s'il est minuit, du lundi au jeudi, nous ne tenons pas compte de l'heure et nous poursuivons notre débat. Lorsque les huit heures sont écoulées, toutes les motions nécessaires sont mises aux voix et tous les votes se déroulent les uns après les autres.

Il nous faut aussi penser à la question de la sanction royale. Si, à 16 heures aujourd'hui, le projet de loi C-78 n'a pas été adopté, nous continuons notre débat jusqu'à ce que les huit heures soient écoulées. Ensuite, toutes les motions sont mises aux voix et la question est tranchée. Quelque chose me dit qu'elle sera tranchée comme le souhaite la majorité. Cependant, il doit ensuite y avoir une sanction royale.

Le Sénat peut-il ajourner pour une sanction royale, si, pour les besoins de la motion d'attribution de temps, et en vertu de la règle des 16 heures, nous devons avoir suspendu les motions d'ajournement? Il me semble que cela ne s'applique qu'à la motion d'attribution de temps. Nous pourrions recevoir aujourd'hui une lettre de Rideau Hall nous annonçant que Son Excellence sera ici puisque je crois savoir que le Sénat a adopté des projets de loi, y compris le projet de loi C-32. Cependant, si nous devons nous prononcer sur le projet de loi C-78 avant 16 heures, un avis de Rideau Hall se répercuterait-il sur notre décision? Je soulève cette question pour obtenir des éclaircissements.

(1000)

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, la disposition du Règlement est un peu plus claire relativement à la sanction royale. Je signale aux membres intéressés du Sénat que l'article 135 du Règlement, et plus particulièrement l'alinéa (4), dit:

Si le Sénat a terminé ses travaux de la journée avant l'heure fixée dans le message reçu conformément à l'alinéa (2) ci-dessus, le Président suspend la séance jusqu'à cinq minutes, au plus tard, avant l'arrivée du dignitaire...

Par conséquent, si nous avons effectivement donné avis d'une sanction royale - et je crois savoir que nous pourrons peut-être le faire bientôt -- nous pourrions évidemment continuer à siéger, même si nous avons terminé tous nos autres travaux. Même si la séance doit être levée à 16 heures, nous poursuivrions au-delà de cette heure aux fins de la sanction royale, et on suppose que tout projet de loi adopté dans cette Chambre serait visé par la cérémonie entourant la sanction royale.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, j'aimerais ajouter que, lorsque j'ai quitté hier soir, j'étais convaincu que les règles en vigueur le vendredi s'appliqueraient aujourd'hui. J'en étais venu à cette conclusion après avoir suivi l'échange entre le sénateur Kinsella et le sénateur Carstairs. Je n'étais pas au courant de la réunion dans le bureau du sénateur Carstairs. Je ne pense pas que tous les honorables sénateurs ont été invités à cette réunion, qui n'était pas justifiée. La réponse fournie par le sénateur Carstairs au sénateur Kinsella m'a laissé l'impression qu'aujourd'hui, le Sénat fonctionnerait comme un vendredi, sur le plan de la procédure réglementaire. Or, il semble que d'autres consultations ont eu lieu plus tard. C'est ce qui se produit lorsqu'on ne respecte pas le Règlement. Ainsi, honorables sénateurs, nous allons terminer cette session en ne respectant absolument pas le Règlement. J'espère que, d'ici la prochaine session, certains honorables sénateurs liront le livre rouge du Règlement, comme je l'ai fait cet été, et comme j'ai l'intention de le faire encore. Certains membres du Sénat devraient devenir les Royce Frith du livre rouge, le Règlement du Sénat du Canada, ce qui rendrait le Sénat très intéressant.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il l'a rédigé au gré des circonstances. Il n'avait aucune règle établie. On ne suivait pas de règles à l'époque.

Le sénateur Prud'homme: Il était une épine dans le pied des conservateurs.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, bon nombre de questions ont été soulevées et je ne suis malheureusement pas en mesure d'y répondre. Ce n'est pas à moi qu'il revient de décider si nous sommes mardi ou vendredi. C'est une décision que seul le Sénat peut prendre. Je n'ai rien reçu du Sénat qui puisse m'indiquer que la journée d'aujourd'hui devrait être considérée comme un vendredi et je dois donc m'en tenir au fait que nous sommes aujourd'hui mardi.

J'ajouterais d'ailleurs que si nous devions considérer cette journée comme étant vendredi, d'autres complications seraient à prévoir, dont la question de privilège sur laquelle je devrais me pencher en vertu du paragraphe 43(9) du Règlement. Il y aurait donc certaines complications. À moins d'avis contraire, je dois considérer que nous sommes mardi. Peut-on l'établir clairement puisqu'un certain nombre de points en dépendent? Je présume donc que la question est claire.

Le sénateur Kinsella a parlé de délais. Le Règlement prévoit une période de deux heures et demie pour la tenue d'un débat sur la motion à l'étude et cela n'a rien à voir avec le fait que nous acceptions ou non la motion d'attribution de temps déposée par madame le sénateur Carstairs. Si le débat se termine avant la fin de la période de deux heures et demie, nous passons alors directement au débat sur le projet de loi même.

Le sénateur Lynch-Staunton a demandé si les sénateurs étaient prêts à accepter que des amendements soient proposés au cours de ce débat, contrairement au Règlement. Je dois donc demander si les sénateurs sont prêts à donner leur consentement pour autoriser de telles motions?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, il y aurait consentement à condition qu'il n'y ait pas de débat de deux heures et demie sur la motion d'attribution de temps elle-même.

Son Honneur le Président: En entendant le sénateur Lynch-Staunton, j'avais cru comprendre qu'il proposait qu'il n'y ait pas de débat et que nous passions directement au vote. Autrement dit, il y aurait un vote sur la motion d'attribution de temps et nous passerions ensuite directement au débat sur le projet de loi. Les honorables sénateurs sont-ils d'accord?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Je dois maintenant passer à la question soulevée par le sénateur Prud'homme en ce qui a trait à la langue dans laquelle les amendements doivent être proposés.

Sénateur Prud'homme, nous avons tenu le même débat, il y a quelque temps, au sujet d'une motion présentée par le sénateur Grafstein. Nous avions alors examiné le Règlement en profondeur et il est ressorti clairement que les motions et amendements ne doivent pas obligatoirement être rédigés dans les deux langues. Ils peuvent l'être en français ou en anglais, mais il n'est pas nécessaire que ce soit dans les deux langues. L'une ou l'autre langue est acceptable. Je tiens donc à ce qu'il soit clair que les amendements ne seront peut-être pas tous traduits et que, le cas échéant, je ne considérerai pas cela comme matière à un rappel au Règlement. Je tiens à ce que ce soit clair, afin d'éviter toute possibilité de débat ultérieur. Est-ce bien clair, honorables sénateurs?

Le sénateur Prud'homme: Il a toujours été reconnu au Canada, et cette question est à l'origine de nombreux débats enflammés dans les comités du Sénat et de la Chambre, que tout Canadien, y compris des sénateurs, peuvent présenter une motion dans l'une ou l'autre langue. Il appartient ensuite au personnel d'en faire la traduction, comme dans le cas de la motion rédigée à la main en anglais, qu'a présentée ce matin madame le sénateur Andreychuk. Le Règlement précise toutefois clairement que le greffier doit ensuite traduire la motion et en envoyer une copie à chaque sénateur. Nous en avons un exemple sous les yeux.

Aucun sénateur n'est évidemment tenu de présenter une motion dans les deux langues officielles. Il peut le faire dans la langue de son choix. Il incombe ensuite au personnel, sous la direction du greffier, de faire une traduction et de la distribuer. Si ce n'est pas ainsi, il faudrait que ce soit expressément indiqué dans le Règlement. Je suis catégorique.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Prud'homme, je ne crois pas qu'il y ait lieu de poursuivre ce débat. Il est clair que les motions et amendements n'ont pas à être rédigés dans les deux langues officielles. Il est établi clairement que l'une ou l'autre langue est acceptable.

Vous avez parlé de la motion de privilège. Il s'agit d'un cas différent. À cet égard, je vous renvoie au paragraphe 43(5) du Règlement, qui stipule clairement qu'il doit y avoir une traduction. On ne trouve cela nulle part ailleurs dans le Règlement. Il n'y a donc aucun doute à cet égard, d'une façon ou de l'autre. Bien entendu, nous nous efforçons de satisfaire tous les honorables sénateurs. Si le temps le permet, une traduction sera faite, mais je ne puis vous promettre que nous en aurons le temps. Si nous n'avons pas le temps de le faire, je le répète, ces motions, rédigées dans l'une ou l'autre langue, seront recevables.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, je donne avis qu'à la prochaine session, je rencontrerai tous les autres sénateurs qui sont mécontents de cette situation, afin qu'on apporte les modifications voulues au Règlement. Aucun document ne devrait être distribué sans l'accord des sénateurs. Le libellé du texte est tellement technique et il est tellement difficile de le comprendre dans notre propre langue qu'on ne devrait pas être obligé de le faire dans la langue de quelqu'un d'autre.

Son Honneur le Président: Ce que l'on fera en ce qui concerne le Règlement dépend entièrement du Sénat.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'aimerais ajouter mon grain de sel, car la question du bilinguisme et de la traduction revient souvent sur le tapis. Je pense que tous les honorables sénateurs comprennent que, dans la mesure du possible, toute documentation devrait être traduite. Il faut toutefois faire la différence entre deux choses: le parler et l'écrit. Le document que le sénateur Andreychuk a fait distribuer par le greffier du Sénat est un document écrit. La situation est donc différente. Dans cette Chambre, les motions sont présentées oralement. La tradition veut que lorsque nous parlons, nos propos soient interprétés dans l'autre langue, mais il faut faire la différence entre ce qui est écrit et ce qui est dit.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, je n'aime pas pontifier, mais je n'ai pas besoin qu'on me prenne en pitié. Quand les gens prétendent qu'ils comprennent, je peux vous dire que j'ai envie d'exploser, et je ne suis pas le seul. Je vois un autre sénateur qui est lui aussi sur le point d'exploser.

Il ne s'agit pas de comprendre ou de faire preuve de condescendance. Il s'agit de faire ce qu'il faut. Et ce qu'il faut, c'est que les sénateurs puissent fonctionner dans leur langue. C'est ce pour quoi je me bats d'un bout à l'autre du Canada.

Les amendements présentés hier étaient de nature très technique. Le fait est qu'un sénateur qui vient faire son travail dans cette enceinte ne peut entièrement comprendre ce qui s'y passe s'il ne possède pas une bonne maîtrise des deux langues. Le sénateur Spivak a présenté sa motion dans les deux langues; nous l'avons donc tous comprise. Le problème est que si nous recevons des amendements dans une seule langue, certains sénateurs peuvent fonctionner mieux que d'autres, et dans ce Sénat, personne ne devrait être placé dans une telle situation.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je répète que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que les traditions puissent être respectées. Il faut cependant compter avec les délais et il se peut que nous ne soyons pas toujours en mesure de les tenir, mais il va de soi que nous ferons l'impossible. Je souscris à ce principe.

Honorables sénateurs, la question dont le Sénat est saisi a trait à la motion présentée par l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Robichaud (L'Acadie-Acadia): Que, conformément à l'article 39 du Règlement, au maximum un débat de six heures de plus...

Des voix: Suffit!

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que ceux qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent. Je déclare la motion adoptée.

Une voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée, avec dissidence.)

Troisième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyée par l'honorable sénateur Sibbeston, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-78, Loi constituant l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public et modifiant la Loi sur la pension de la fonction publique, la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur la continuation de la pension des services de défense, la Loi sur la continuation des pensions de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires, la Loi sur la Société canadienne des postes et une autre loi en conséquence.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, comme vous le savez, je n'ai pas fait partie du comité qui a étudié ce projet de loi. Lorsqu'il a été présenté au Sénat, j'ai pensé que ce serait un autre projet de loi d'ordre administratif. Je me suis vite rendu compte qu'il s'agissait d'une mesure législative préoccupant particulièrement les nombreux Canadiens ayant servi dans l'armée, la GRC et la fonction publique du Canada.

La raison pour laquelle je prends aujourd'hui la parole touche au fait qu'un certain nombre de questions m'inquiètent dans ce projet de loi. Ces questions ont été portées à mon attention par les personnes qui seront touchées par cette mesure législative. Seul le projet de loi sur le contrôle des armes à feu a suscité plus de réactions à mon bureau et plus d'attention dans la province de la Saskatchewan. J'ai reçu de la correspondance par téléphone, télécopieur, ainsi que des visites. Cette question ne se limite pas à Ottawa; elle touche de nombreux Canadiens.

Ce qui m'inquiète également, c'est que de nombreuses personnes n'ont pas eu l'entière opportunité de s'exprimer de façon à être entendues. Il semble que leur occasion de s'exprimer sur ce projet de loi soit arrivée alors que le gouvernement avait déjà décidé qu'il ne ferait rien, qu'il ne changerait pas d'avis et qu'il n'écouterait l'avis de personne.

Dans une démocratie parlementaire, honorables sénateurs, il est déplorable qu'un gouvernement puisse prendre une décision au sujet d'une mesure législative sans écouter les personnes qui seront touchées par cette mesure. Le gouvernement n'a certainement pas un rôle spécial à jouer dans ce projet de loi. Il a pour rôle de gérer ce régime de retraite au nom des citoyens du Canada et au nom de ceux qui bénéficieront du régime. Selon certains Canadiens, les adhérents au régime devraient participer pleinement à la gestion de ce régime. J'ai également entendu une foule de gens dire qu'ils seront directement touchés par ce régime.

Deux questions me préoccupent vivement. D'abord, le gouvernement continue de s'exposer à un litige. Il présente un projet de loi dont il sait qu'il fera l'objet d'un examen par les tribunaux. Comme le sénateur Eugene Forsey l'a déclaré avec vigueur, dans une démocratie parlementaire, un gouvernement ne saurait imposer aux citoyens les frais, les tracas et les lenteurs du processus judiciaire, qui fera la preuve qu'une mesure législative laisse à désirer. Nous savons tous qu'un projet de loi risque d'être examiné par les tribunaux. Cependant, s'il existe déjà des indices fondamentaux qu'une loi pourrait être examinée par un tribunal, le gouvernement devrait certes prêter l'oreille. Il devrait certes répondre. Il devrait amender son projet de loi pour tenir compte des observations et des déclarations raisonnables des avocats.

Honorables sénateurs, il semble que le gouvernement prenne certaines habitudes. Je me rappelle qu'avec le projet de loi sur le contrôle des armes à feu, l'article 35 de notre Constitution n'a pas été appliqué comme il convenait. La collectivité autochtone n'avait pas été consultée. Je me rappelle très clairement qu'à ce moment-là, le ministre Rock avait dit: «S'il n'est pas conforme, qu'on nous traîne devant les tribunaux.» Dans une démocratie aussi évoluée que la nôtre, les gens ne devraient certes pas être obligés de traîner leur gouvernement devant les tribunaux pour qu'il agisse comme il convient. Le gouvernement devrait agir comme il convient.

À maintes reprises, des gens ont imploré le gouvernement, par l'entremise des députés de l'opposition qui siégeaient au comité, de réexaminer ce projet de loi et de faire en sorte qu'il soit conforme et ne donne pas lieu immédiatement à un examen par les tribunaux; pourtant, le gouvernement a refusé d'écouter.

Ce qui me préoccupe également au sujet de ce projet de loi, c'est que beaucoup de gens ont demandé qu'un délégué syndical soit nommé à l'office de gestion pour représenter les personnes qui bénéficieront du régime de retraite. Le gouvernement a refusé d'accéder à cette demande tant que le projet de loi n'aura pas été adopté. Le gouvernement dit essentiellement que les opinions des gens et leur capacité de contribuer au succès du fonds ne comptent pas beaucoup et qu'il déterminera plus tard s'il juge que cette option est bonne. Comment le gouvernement peut-il penser que ses experts sont plus compétents que ces gens pour gérer un fonds? Pourquoi, dans ce cas-ci, les adhérents à un régime de retraite devraient-ils accepter la supériorité du gouvernement, un gouvernement qui, pendant bien des années, a été responsable d'une grande partie de notre dette et de nos déficits?

Dans leur sagesse, les partis politiques nomment peut-être des personnes compétentes aux conseils d'administration, mais on ne peut nier que ceux qui ont un intérêt direct dans le régime de pension doivent avoir leur mot à dire. À ce que je sache, personne n'a soutenu qu'ils devaient exercer un contrôle complet et absolu sur la gestion de la caisse de retraite. Cependant, comme ils seront directement touchés, ils devraient être représentés au conseil par des syndicats ou des groupements d'employés. N'est-ce pas digne d'une bonne pratique parlementaire? D'un gouvernement démocratique? N'est-ce pas la façon de constituer un bon capital social pour les citoyens canadiens?

Qu'aurait-il fallu pour amener le gouvernement à prévoir une certaine représentation syndicale dans le processus de gestion? Cela aurait donné aux intéressés l'assurance qu'on gère bien leurs fonds et qu'ils ont un droit de vérification sur le système.

De nos jours, rien n'inquiète plus les gens que leur santé et leur bien-être financier à venir. Ce que réclament les fonctionnaires, les militaires à la retraite et les agents de la GRC à la retraite, c'est la possibilité de prendre part au processus et de déterminer leur propre avenir. De façon arbitraire et cavalière, le gouvernement a dit: «Votre opinion ne compte pas.» Il a ajouté avec paternalisme: «Vous n'êtes pas aussi compétents que nous pour juger de ce qui est dans votre intérêt bien compris.» Ce n'est certainement pas la façon dont on procède habituellement au Canada. J'exhorte le gouvernement à revoir sa position.

(1020)

Le montant visé dépassera vite les 100 milliards de dollars. Plus le gouvernement attend, plus les répercussions d'une mauvaise structure seront graves. Le gouvernement s'est fondé sur sa loi boiteuse concernant l'Office d'investissement du RPC pour élaborer la structure de l'office. Il n'a pas pris la peine de demander si cette mesure législative convenait bien à un régime de retraite pour des employés. Il n'a demandé à personne quelles devraient être les compétences des administrateurs de l'office. Il ne s'est pas préoccupé de demander que la relation entre l'office et l'actuaire soit définie dans la loi. Il n'a pas pris la peine de demander à quelqu'un si l'office devait être assujetti à certaines conditions pour protéger les intérêts des contribuables et des participants aux régimes.

Honorables sénateurs, le gouvernement n'a même pas écouté le moindre témoignage devant le comité sénatorial permanent des banques et du commerce ou le comité des ressources naturelles et des opérations gouvernementales de l'autre endroit. Il ne tient compte de rien ni de personne.

Le gouvernement promet de rencontrer les syndicats pour négocier un accord de cogestion dès que le projet de loi sera adopté. Mais, pour l'instant, le gouvernement ne trouve rien à redire sur ce projet de loi. Est-ce la bonne façon de gouverner dans une démocratie? Est-ce là ce qu'on appelle être universel? Est-ce la bonne manière de garantir que les gens participent vraiment à une démocratie parlementaire?

Il faudra revoir bientôt cet office et ses activités pour garantir qu'un office chargé d'investir plus de 100 milliards de dollars ne soit pas mal géré ou incapable de remplir son mandat d'une manière professionnelle. Il ne doit pas poursuivre ses activités sans la participation des membres des régimes. Idéalement, le Parlement devrait jouer un rôle pour revoir la nature du régime, ses pratiques de gestion et les tentatives des parties pour trouver un terrain d'entente commun afin de modifier le régime.

Si ce travail ne revient pas à un comité parlementaire, il devra être confié à un organisme indépendant. Même si ce projet de loi crée des comités consultatifs, les circonstances acrimonieuses dans lesquelles cela doit se faire permettent de s'interroger sur leur efficacité en tant que véhicules pour effectuer d'autres réformes. Il doit y avoir un moyen formel de surveiller l'efficacité des comités et les pratiques de gestion de l'office.

Au comité, le gouvernement a invoqué l'examen par le vérificateur, pendant six ans, de la comptabilité et des pratiques de gestion de l'office, nommément l'examen spécial, pour ne pas rendre l'examen parlementaire obligatoire après trois ans. Compte tenu de l'importance des sommes investies, il ne faudrait pas attendre six ans avant d'effectuer un examen interne. Un examen spécial n'est pas la même chose que des audiences publiques tenues par un comité d'examen ayant le mandat de convoquer des témoins, de tenir des audiences publiques et de présenter des recommandations sur plusieurs questions, recommandations auxquelles le gouvernement est tenu de répondre par écrit.

Il ne faut pas oublier non plus que le vérificateur n'est pas indépendant. Comme il sera nommé par l'office, sera-t-il enclin à exposer les mauvaises pratiques de gestion des personnes dont il doit garder la faveur s'il veut rester en poste? Il y a au moins apparence de problème ici.

Nous croyons que le projet de loi devrait être modifié de façon à prévoir un examen obligatoire en dedans de trois ans, comme le comité sénatorial des banques l'a recommandé en juin dernier. À cet égard, le rapport du comité vaut de s'y arrêter. Voici, en partie, ce qu'on peut y lire:

Le projet de loi C-78 chargerait l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public d'investir les contributions de l'employeur et des employés aux régimes de pensions de la fonction publique fédérale. Comme la création de l'office en question et l'investissement par lui des contributions constitueraient un net changement par rapport à la situation actuelle, il faudrait examiner l'exploitation de l'office de même que ses investissements, véhicules de communication, et cetera., après une certaine période de démarrage afin de s'assurer que l'office proposé fonctionne comme prévu. Cela est rendu d'autant plus important par les préoccupations du comité en matière de régie et de comptabilité. C'est pourquoi le comité recommande:

Que le président du Conseil du Trésor entreprenne un examen parlementaire de l'exploitation de l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public au plus trois ans après l'entrée en vigueur du projet de loi C-78.

Motions d'amendement

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je propose donc:

Que le projet de loi C-78 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié:

a) à la page 28, par adjonction après la ligne 6 de ce qui suit:

«EXAMEN PARLEMENTAIRE

53.(1) Est désigné ou constitué un comité, soit du Sénat, soit de la Chambre des communes, soit mixte, chargé spécialement de l'examen permanent de l'application de la présente loi.

(2) Le comité prévu au paragraphe (1) entreprend, au plus trois ans après l'entrée en vigueur de la présente loi et tous les trois ans par la suite, un examen approfondi des dispositions de la présente loi ainsi que des conséquences de son application en vue de la présentation, dans un délai d'un an à compter du début de l'examen ou tel délai plus long autorisé par la Chambre des communes, d'un rapport au Parlement où seront consignées ses conclusions ainsi que ses recommandations, s'il y a lieu, quant aux modifications qui seraient souhaitables.»;

b) par le changement de la désignation numérique des articles 53 à 231 en conséquence et par le changement de tous les renvois qui en découlent.
Honorables sénateurs, j'ai un autre amendement à présenter. Dois-je le présenter séparément, Votre Honneur?

Son Honneur le Président: Il vaudrait mieux que vous présentiez vos deux amendements en même temps, à la fin de votre allocution.

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, il est malheureux que les sénateurs du parti ministériel ne veuillent pas inscrire dans la loi les recommandations du comité sénatorial. Idéalement, cet examen devrait être fait par un comité parlementaire, comme l'a recommandé le comité sénatorial permanent des banques et du commerce en juin dernier. Cependant, puisque je prévois déjà que le premier amendement posera problème, je propose la création d'un comité indépendant.

Je crois qu'il serait souhaitable d'avoir un comité parlementaire et un comité d'examen indépendant. Il est certain que l'un ne dépend pas de l'autre. Je préférerais qu'il y ait au moins un comité parlementaire. Par conséquent, je crois que, en l'absence de toute demande venant du gouvernement pour la réalisation d'un tel examen, un comité parlementaire devrait prendre lui-même l'initiative de tenir des séances durant cette période. Il pourrait étudier l'efficacité des organismes consultatifs créés par le projet de loi, la mesure dans laquelle on a mis en oeuvre les recommandations du Sénat, la gestion du régime et toute autre question concernant les pensions du secteur public que les parties en cause et les parlementaires voudront bien lui soumettre.

D'une façon ou d'une autre, que ce soit fait ou non par un comité parlementaire, il faudrait que cet office fasse l'objet d'un examen indépendant. Si les parlementaires ministériels ne veulent pas d'un examen parlementaire, ils accepteront peut-être une étude indépendante. Je propose donc:

Que le projet de loi C-78 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié:

a) à la page 28, par adjonction, après la ligne 6, de ce qui suit:

«EXAMEN INDÉPENDANT

53. Trois ans après l'entrée en vigueur de la présente loi, le ministre fait procéder à un examen indépendant de celle-ci ainsi que de son application et fait déposer un rapport de l'examen devant chaque Chambre du Parlement dans les quinze jours de séance de celle-ci suivant la fin de l'examen.»;

b) par le changement de la désignation numérique des articles 53 à 231 en conséquence et par le changement de tous les renvois qui en découlent.

[Français]

Son Honneur le Président: Il est proposé par l'honorable sénateur Andreychuk, appuyée par l'honorable sénateur LeBreton:

Que le projet de loi C-78 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié:

a) à la page 28...

Des voix: Suffit!

[Traduction]

(1030)

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Non.

Son Honneur le Président: Est-ce que d'autres sénateurs veulent participer au débat?

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, je suis très heureuse de prendre part à ce débat des plus importants sur le projet de loi C-78. Comme nombre d'entre vous le savent, je suis native d'Ottawa. Je le dis parce que je suis peut-être plus sensible que la plupart d'entre vous aux attaques contre Ottawa. Lorsque le gouvernement a initialement projeté de faire main basse sur les 30 milliards de dollars du fonds de pensions, j'ai entendu l'argument voulant que les Canadiens ne se préoccuperaient pas d'une bande de fonctionnaires fédéraux que l'on croit, à tort, grassement payés. Malheureusement, les attaques contre la fonction publique et Ottawa ont atteint de nouveaux sommets. Ces attaques viennent du Parti réformiste, dont la politique primaire et agressive donne naissance à une mentalité de confrontation. Les fonctionnaires n'ont pas l'appui du gouvernement, qui leur a imposé toutes sortes de sacrifices, de restrictions et de restructurations, lesquels, je m'empresse d'ajouter, ont été acceptés. On s'attend maintenant à ce que ces mêmes fonctionnaires restent les bras croisés pendant que le gouvernement mettra la main sur le surplus de leur fonds de pensions pour jouer à son jeu des gobelets aux fins de la réduction du déficit et de la dette.

Quand je parle de la fonction publique, honorables sénateurs, je parle évidemment de l'ensemble des fonctionnaires, y compris les membres de la GRC et les militaires. Qui sont ces fonctionnaires qui sont censés être grassement payés et vivant dans la région d'Ottawa? À titre d'information, Ottawa n'est pas une ville de fonctionnaires. La vaste majorité des fonctionnaires vivent ailleurs au Canada. En fait, moins du tiers des fonctionnaires fédéraux vivent dans l'agglomération d'Ottawa.

Honorables sénateurs, les fonctionnaires forment l'ossature du gouvernement. Avant l'ajournement d'été, en juin, nous avons tous reçu un livre décrivant les services fournis aux Canadiens, lesquels ont des effets sur leur vie de tous les jours. Ces services - et ce livre était fort intéressant - passent inaperçus pour la plupart des Canadiens, du moins jusqu'à ce qu'ils soient supprimés, ce qui déclenche des tempêtes de protestations.

L'un des arguments que nous entendons, c'est que les fonctionnaires obtiendront les pensions qui leur ont été promises et que, par conséquent, le surplus appartient au gouvernement. Mais recevront-ils les pensions qui leur ont été promises? Un gouvernement libéral précédent a déjà réduit les pensions promises dans le cadre du programme des 6 et 5 et, comme Sharon Hamilton, du Conseil du Trésor, l'a dit devant le comité des banques, le gouvernement pourrait fort bien faire la même chose.

Honorables sénateurs, comme en témoigne le programme de gel des prix et des salaires de 5 et 6 p. 100 dans le passé, le gouvernement libéral de Jean Chrétien et de Paul Martin fils a toujours brisé ses promesses faites à la fonction publique. En 1993, les libéraux ont publié un document préélectoral énonçant le point de vue des libéraux sur la réorganisation du gouvernement. Dans ce document, les libéraux ont dit tenir au processus de négociation collective. Or, dès leur premier budget, ils ont retardé de deux ans la reprise du processus de négociation collective sur des questions importantes comme les salaires.

En même temps, ils ont promis de présenter une mesure législative pour protéger les fonctionnaires qui dénoncent des cas de comportement illégal ou contraire à l'éthique. Aucune mesure législative de ce genre n'a été présentée, même si, comme les membres du comité de l'agriculture en témoigneront, le besoin s'en fait drôlement sentir. Vous n'avez qu'à demander au docteur Chopra.

Les libéraux ont dit à l'Institut professionnel de la fonction publique, dans un questionnaire de 1993, que les changements à la politique sur le réaménagement des effectifs devraient se faire par voie de négociation - une autre promesse qui ne voulait absolument rien dire. Dans le budget de 1995, le gouvernement a suspendu unilatéralement l'application de certaines dispositions de la politique sur le réaménagement des effectifs pour plusieurs ministères importants, et je vais en nommer quelques-uns pour montrer qu'il s'agit bien de ministères importants: Agriculture et Agroalimentaire, Environnement, Finances, Pêches, Ressources humaines, Industrie, Défense nationale, Travaux publics, Transports et Conseil du Trésor. En reste-t-il d'autres?

Dans leur livre rouge de 1993, les libéraux promettaient aussi de réduire de 620 millions de dollars par année les dépenses au titre des services professionnels externes. Il fallait arrêter ces conservateurs méprisables et leurs amis. Aujourd'hui, honorables sénateurs, les ministères grouillent de consultants qui font le travail auparavant exécuté par des fonctionnaires. Les dépenses au titre des services professionnels et spéciaux ont grimpé de 500 millions de dollars entre 1993 et 1997, soit en seulement quatre ans, 1997 étant la dernière année pour laquelle des données sur les comptes publics sont disponibles. Honorables sénateurs, 620 millions de dollars et 500 millions de dollars font 1,1 milliard de dollars. Ce sont des promesses rompues qui coûtent cher!

Honorables sénateurs, on ne peut pas faire confiance à ce gouvernement pour traiter les fonctionnaires de façon équitable. Il ne cesse de nous dire que ce régime de pensions est différent parce qu'il relève d'une loi au lieu d'être un contrat de fiducie conventionnel. Je ne suis pas avocate, mais je sais qu'on ne peut pas faire confiance à ce gouvernement libéral. Les cotisations versées à un régime de pensions doivent être traitées comme des fonds déposés en fiducie, même s'il n'existe pas de contrat de fiducie en bonne et due forme.

Honorables sénateurs, il ne fait pas l'ombre d'un doute que ces 30 milliards de dollars sont l'essence même de ce projet de loi. Le gouvernement a emprunté de l'argent à ses employés et il soutient maintenant que ces 30 milliards de dollars appartiennent aux contribuables et qu'ils devraient faire partie des recettes gouvernementales. Le gouvernement ne tient absolument pas compte du fait que ce sont les cotisations des employés qui ont permis l'accumulation d'un excédent.

Je suis contribuable, honorables sénateurs, tout comme vous, et je ne veux certainement pas avoir à payer plus d'impôts dans quelques années parce que ce régime de pensions sera déficitaire. Toutefois, honorables sénateurs, c'est exactement ce qui arrivera. De plus, les fonctionnaires déjà sévèrement critiqués en prendront pour leur grade encore une fois parce que le gouvernement n'expliquera pas que cette razzia dans le régime de pensions est à l'origine du problème.

Honorables sénateurs, il n'est certainement pas déraisonnable d'exiger qu'on laisse dans le fonds une part importante des 30 milliards de dollars. À titre de contribuable, c'est ce que je souhaiterais, parce que c'est la confiance qui est en cause.

Comme de nombreux sénateurs le savent, je surveille de très près les promesses du gouvernement depuis plusieurs années. Ce n'est pas une tâche que j'ai cherchée, mais je suis devenue une sorte de spécialiste des promesses non tenues du gouvernement actuel. Je commence maintenant à les prédire, ce qui n'a rien de bien sorcier.

Évidemment, honorables sénateurs, si nous prenons au sérieux notre responsabilité envers les Canadiens et si nous croyons former la Chambre du second examen sérieux - je préfère le mot «sérieux» au mot «objectif» - force est de reconnaître la validité des arguments selon lesquels il faut améliorer le projet de loi de toutes les façons possibles. La ministre a dit qu'elle apportera des modifications au projet de loi presque immédiatement après son adoption. Quel aveu d'incompétence: le gouvernement propose d'adopter d'abord le projet de loi, puis d'essayer immédiatement de réparer les dégâts. C'est la même chose avec le projet de loi C-32. Épargnons au Parlement, à nos tribunaux et à nos fonctionnaires de l'argent et du temps précieux et faisons maintenant notre travail.

Nous avons déjà discuté de tout cela. Bon nombre des aspects de l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada qui laissaient à désirer se retrouvent encore dans les dispositions proposées. Lorsque le comité sénatorial des banques s'est penché sur l'Office d'investissement du RPC l'an dernier, il a formulé un certain nombre de recommandations visant à renforcer la structure de gestion prévue dans la loi. Malheureusement, le gouvernement a préféré faire fi de ce rapport lorsqu'il a rédigé le projet de loi C-78.

L'une des recommandations du comité des banques avait trait à la nomination du vérificateur. Comme dans le cas de l'office responsable du RPC, le projet de loi C-78 confère à l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public dont la création est proposée le pouvoir de nommer son propre vérificateur. Honorables sénateurs, la responsabilité première d'un vérificateur est de protéger les intérêts des participants. Le vérificateur n'est pas là pour protéger l'office, et il ne devrait pas se sentir contraint de fermer les yeux sur les manoeuvres douteuses de celui-ci au niveau de la tenue des livres. Vous ne pouvez être complètement indépendant si vous vivez dans la crainte que, si votre message renferme des choses désagréables, vous, le messager, en subirez les conséquences.

C'est pour cette raison que, dans le secteur privé, la décision d'embaucher ou de congédier un vérificateur incombe en bout de ligne aux actionnaires. Dans le secteur privé, les gestionnaires et les offices peuvent recommander qu'un vérificateur soit embauché ou congédié, mais ils ne peuvent prendre eux-mêmes une telle mesure. En outre, dans le privé, un vérificateur qui s'oppose à son congédiement a le droit de préciser dans une lettre adressée à son successeur les motifs pour lesquels il conteste son congédiement, et le nouveau vérificateur a l'obligation légale de lire cette lettre avant d'assumer ses nouvelles fonctions. C'est là une mesure de protection fondamentale afin de s'assurer que les intérêts des actionnaires sont protégés lorsqu'un vérificateur est congédié après avoir découvert quelque chose de louche.

Honorables sénateurs, la plupart des lois fédérales stipulent que le vérificateur général assume les fonctions de vérificateur ou délègue au ministre la responsabilité d'embaucher les vérificateurs. Les offices ne peuvent tout simplement pas nommer leur propre vérificateur.

(1040)

Nous préférerions que le vérificateur général vérifie la caisse, comme il en va au Québec dans le cas de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Le principe de base voulant que l'on ne choisisse pas son propre vérificateur s'applique même dans le cas du gouvernement. Le vérificateur général ne relève pas du premier ministre, du ministre des Finances, du président du Conseil du Trésor ou du ministre des Travaux publics. Il rend des comptes au Parlement. Il peut publier des rapports soulignant au Parlement que les comptes sont maquillés, comme il l'a fait au cours de chacune des trois dernières années, sans craindre d'être congédié. Il peut dire au Parlement que des milliards de dollars sont gaspillés, comme il le fait habituellement dans son rapport annuel, sans craindre d'être congédié. Il peut dire aux Canadiens que le programme de salubrité des aliments de Santé Canada laisse à désirer, sans craindre d'être congédié.

Il faut certes se demander comment le vérificateur de l'Office d'investissement des régimes de pensions proposé arrivera à signaler au Parlement que l'office a adopté des pratiques comptables fantaisistes, sans avoir à craindre de représailles de la part de ce dernier. Il est à espérer que l'office embauchera un vérificateur digne de confiance. La plupart le sont, mais il existe toujours un danger que la crainte d'un renvoi influe sur la décision du vérificateur dans les cas où il est possible de trancher dans un sens ou dans l'autre. C'est pourquoi le vérificateur général devrait être chargé de vérifier cette caisse de retraite d'une valeur de 100 milliards de dollars.

Honorables sénateurs, j'ai remis aux greffiers au bureau un exemplaire de ma motion avant d'entreprendre mon discours afin qu'ils puissent la faire traduire, car je n'en ai qu'une version anglaise.

Motion d'amendement

L'honorable Marjory LeBreton: Par conséquent, honorables sénateurs, je propose:

Que le projet de loi C-78 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié:

a) à la page 15, par adjonction après la ligne 10 de ce qui suit:

«27.1 Le vérificateur général et le vérificateur principal de l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public»;

b) à l'article 28, à la page 15, par substitution à la ligne 11 de ce qui suit:

«28. Le comité de vérification est chargé de présenter chaque année au vérificateur général tous les dossiers de toutes les activités financières de l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public. Il a en outre pour tâche:» et

c) à l'article 36, à la page 19, par substitution à la ligne 1 de ce qui suit:

«36.(1) L'office fait établir, et veille à ce qu'il soit présenté au vérificateur général, chaque année.»

[Français]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il est proposé par l'honorable sénateur LeBreton, appuyée par l'honorable sénateur Nolin:

Que le projet de loi C-78 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit amendé de la façon suivante...

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Suffit!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, conformément à notre entente, nous entendrons d'autres sénateurs. Je remercie l'honorable sénateur LeBreton de nous avoir fourni le texte au préalable pour que nous puissions le faire traduire.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, la semaine dernière, j'ai pris la parole au sujet de l'amendement proposé par le sénateur Kelleher. Ce matin, je prends la parole au sujet de la motion principale, le débat en troisième lecture. Je n'ai pas l'intention de reprendre tout mon texte de la semaine dernière.

Vendredi dernier, j'ai posé trois questions aux honorables sénateurs du gouvernement. Je les reprends. Je n'ai pas encore obtenu de réponses à ces trois questions. Pourquoi le gouvernement si enclin à protéger les travailleurs et les retraités du secteur privé, change-t-il soudain de politique dès qu'il s'agit des fonds publics qu'il administre en ne respectant pas ses propres lois? Il me semble que c'est une question valable. Je pourrais m'en tenir à cette seule question en attendant une réponse qui ne vient toujours pas. J'espère que je l'aurai avant la fin du débat. Le gouvernement ne devrait-il pas reconnaître que les deux décisions des tribunaux auxquelles j'ai fait référence la semaine dernière devraient s'appliquer au projet de loi C-78, même si le contexte est différent? Le gouvernement n'a-t-il pas d'hésitation avant de brimer le droit à la retraite de ses propres employés? Il n'y a toujours pas de réponse à ces questions, comme je l'ai dit au début.

Depuis vendredi dernier, j'espère que mes collègues, qui pensent répondre à mes questions, se souviennent que les tribunaux du Québec ont reconnu qu'au moment de la création d'un régime de pension, il y a établissement d'un rapport contractuel dans cette relation créée par la formation du régime de retraite. Un des juges a même conclu à l'existence d'un contrat, puisque les deux parties concernées par un tel régime peuvent, d'une part, prétendre à des droits et, d'autre part, sont assujetties à des obligations. C'est l'essence même de notre débat.

Il ne s'agit pas d'une législation contractuelle, c'est un régime législatif. Il n'en reste pas moins que, par une entente contractuelle ou un régime législatif, il existe entre les parties un contrat. Les propos du juge Fréchette, dans la deuxième décision que j'ai mentionnée la semaine dernière, concluaient à l'existence d'un contrat - qu'il soit législatif, uniquement par la recherche de consentement ou l'atteinte de consentement entre deux parties - puisque les deux parties concernées par un tel régime peuvent, d'une part, prétendre à des droits et, d'autre part, sont assujetties à des obligations. Même si l'on est dans un régime législatif purement contractuel, il y a des droits et des obligations.

Si le texte qui prévoit cette entente est silencieux quant à l'appropriation du surplus - c'est plus facile lorsque le document le prévoit - on suit les règles. Les tribunaux nous ont dit que les parties sont obligées de s'entendre quant à la répartition des surplus en suivant ces règles. S'il n'y pas de telles stipulations dans l'entente, nous devons négocier à nouveau. Il me semble que ce n'est pas trop compliqué. Personne n'a le droit de s'approprier unilatéralement un surplus, même le gouvernement fédéral.

J'entendais l'honorable sénateur Christensen soutenir l'argument suivant: lorsqu'un employé de l'État quitte son emploi avant d'avoir atteint un nombre suffisant d'années de service, je pense que c'est six ans, il peut retirer ses contributions mais uniquement les siennes, sans avoir accès à la part de l'employeur. Savez-vous pourquoi? Parce que le régime le prévoit. Les parties se sont entendues. Cela ne peut se faire autrement.

Dans le cas du surplus de 30 milliards de dollars, le projet de loi va prévoir les modalités de distribution de ce montant. C'est là où j'ai un problème et où je ne suis pas d'accord avec ce projet de loi. Vous allez vous approprier ce qui ne vous appartient pas. Il y a un autre mot pour décrire cette situation que je ne peux utiliser dans cette enceinte mais c'est exactement ce que vous allez faire. Vous n'en avez pas le droit. Ce surplus appartient au régime et le régime a été créé au bénéfice de ses retraités, pas au bénéfice de l'État.

[Traduction]

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, tout comme ma collègue d'Ottawa, je suis d'une région qui compte beaucoup de fonctionnaires, surtout des militaires.

Il serait irresponsable de ma part de ne pas prendre part au débat. J'ai suivi ce débat attentivement et je partage les préoccupations des fonctionnaires de la région de Halifax. Ils croient qu'il est en train de se passer quelque chose de mal. Ils croient que leur avenir est menacé. À leur avis, si le gouvernement peut adopter le projet de loi, il peut faire à peu près tout ce qu'il veut avec les fonds de retraite.

Je ferai miens les commentaires du sénateur LeBreton et d'autres sénateurs qui prendront la parole et proposeront des amendements réfléchis dans l'espoir que le projet de loi soit mis de côté et réétudié.

Les objectifs primordiaux du projet de loi devraient être examinés plus à fond. On a nié au Sénat la possibilité de le faire. L'incertitude qui plane sur les événements ne me laisse qu'une certitude, et c'est que je ne serai probablement pas ici pour voter. Si je pouvais être présent au moment du vote, je me prononcerais sur chacun des amendements proposés par ce côté-ci du Sénat.

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, j'ajoute ma voix à celles des honorables sénateurs Tkachuk, Stratton, Kelleher, Nolin, LeBreton, Andreychuk et bien d'autres encore, qui, tous, expriment des sentiments très semblables à ceux qui ont été exprimés ce matin.

Leurs préoccupations ont été clairement détaillées et méritent un examen attentif par les sénateurs des deux côtés du Sénat. Il est clair qu'ils m'ont convaincu et je souhaite seulement que le gouvernement fasse montre d'un peu plus de compréhension et devienne un peu plus sensible à ces inquiétudes légitimes.

Personnellement, je voudrais parler ce matin de certaines questions de gouvernance. Cependant, avant cela, je voudrais dire quelques mots sur le comportement du gouvernement dans l'étude du projet de loi C-78.

Pour être franc, honorables sénateurs, nous voici devant le plus récent exemple d'une de ces opérations dont les doreurs d'image ont le secret. Avec ce projet de loi, on a l'impression que dans l'affaire du surplus des caisses de retraite, les contribuables ont le dessus face aux fonctionnaires. Je ne crois que c'est ce que nous recherchons vraiment.

Si les Canadiens avaient le choix, ils donneraient une autre tournure à ce projet de loi. Car je suis sûr que ce qu'ils veulent, c'est que la question du surplus soit résolue de façon équitable, et non pas à l'avantage d'une seule partie.

Les Canadiens voudraient que le surplus soit partagé, peut-être pas également, mais partagé tout de même. Ils ne favoriseraient pas la mainmise du gouvernement, pas plus que celle d'aucune autre partie intéressée.

Je dis cela parce que si on prend les régimes de retraite du secteur public, comme celui de la SCHL, ou ceux du secteur privé, Dofasco par exemple, on constate que les employés partagent les surplus de leur caisse avec leurs employeurs, même s'ils n'y sont pas tenus. En l'occurrence, honorables collègues, nous voyons un gouvernement qui dispose à la fois d'un régime applicable au secteur privé et régi par la Loi sur les normes de prestation de pension et d'un autre régime en ce qui le concerne. Cela revient à avoir deux poids deux mesures.

C'est donc aux tribunaux, honorables sénateurs, qu'il incombe de déterminer si, de par la loi, le gouvernement a droit au surplus. Quelle que soit l'option retenue, le gouvernement portera inutilement atteinte au moral des employés et aux relations de travail, toujours une question délicate.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-78 ne porte pas sur le droit au surplus car, comme l'a fait remarquer l'honorable sénateur Nolin, le gouvernement sait pertinemment que le projet de loi C-78 ne porte aucunement sur le droit au surplus qu'accorderait la loi, il repose en fait sur la croyance dans ce droit.

Force est donc de nous interroger sur les motifs du gouvernement à l'égard du projet de loi C-78, étant donné qu'il ouvre la voie à un long et coûteux litige. Ce litige, honorables sénateurs, ne peut faire que des perdants. Le gouvernement sera perdant, les fonctionnaires seront perdants, les contribuables canadiens seront perdants. Les seuls gagnants, grand bien leur fasse, ce seront les avocats.

Dans son témoignage devant le comité des banques, le ministre Massé a souligné que les avocats se pencheraient sur la mesure législative proposée pendant les 10 prochaines années. Je crois qu'il était plutôt optimiste.

À quoi rime tout ce conditionnement médiatique? Pourquoi tout ce jeu de gobelets? Le gouvernement évite les décisions difficiles, qu'il devrait prendre pour assurer la réduction des dépenses gouvernementales, comme celles qu'avait prises le gouvernement Mulroney. Ces décisions-là ont fait en sorte que les opérations du gouvernement ont cessé pour la première fois depuis des décennies d'être déficitaires. Le gouvernement met délibérément ces décisions de côté et il manipule l'opinion publique en déplaçant les gobelets sur la table. Il décide plutôt d'extirper 26 milliards de la caisse de l'assurance-emploi, 20 milliards des transferts vers les provinces et maintenant 30 milliards du régime de pensions du secteur public. Le gouvernement actuel oublie sans cesse qu'il n'y a qu'un seul contribuable et que les fonds versés aux programmes provinciaux et fédéraux proviennent tous de la même poche. C'est de ce contribuable-là que vient tout l'argent.

Pour préciser davantage l'efficacité du gouvernement à manipuler la façon dont les contribuables perçoivent le projet de loi C-78, il suffit de songer à la décision qui a été prise de ne pas consulter qui que ce soit avant de déposer ce projet de loi et de limiter, tant directement qu'indirectement, le débat parlementaire. Dans l'ensemble, le Parti libéral a pris des mesures décisives pour que ce projet de loi soit adopté rapidement. C'est la première règle d'un conditionnement médiatique efficace.

En juin, lorsque j'ai demandé au comité si le gouvernement avait consulté qui que ce soit sur la question de la structure et des pouvoirs de l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public, la réponse que j'ai reçue a été «non». Les fonctionnaires du Conseil du Trésor ont admis qu'ils n'avaient demandé à personne à l'extérieur du gouvernement si le cadre redditionnel du projet de loi était approprié. On n'a demandé l'opinion d'aucun expert en pensions. Étant donné ce que nous avons entendu ce matin, je crois que nous savons tous quelle aurait été leur opinion.

Ce que décrit ce projet de loi, honorables sénateurs, c'est la structure de gestion de l'office selon la Loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada. Les honorables sénateurs se rappelleront que, dans son rapport final, notre comité des banques a fait état de nombreuses préoccupations relatives à la transparence et à la responsabilité, au mandat et aux compétences des directeurs, à la fonction de vérification, aux conflits d'intérêt, au fonds d'investissement et à la règle sur les biens étrangers.

Bien que le travail du comité et par la suite du Sénat ait été assez important pour que le gouvernement accepte de retarder l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la gestion et à l'investissement, le ministre des Finances a déclaré qu'il faudrait obtenir l'aval des provinces avant qu'on n'inclue les recommandations du comité. Je crois que les négociations fédérales-provinciales sur le RPC aboutiront cet automne. Je suis certain que tous les honorables sénateurs se joindront à moi pour souhaiter que les recommandations faites par le comité des banques soient approuvées.

Nous nous trouvons présentement à l'étape entre les négociations qui ont lieu et les négociations qui devraient avoir lieu. Voilà la différence avec le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Je sais que les honorables sénateurs de tous les partis se demandent pourquoi le premier ministre, le ministre des Finances, la présidente du Conseil du Trésor et d'autres membres du Cabinet, y compris le leader du gouvernement au Sénat, qui est réputé pour appuyer cette Chambre, notre comité et ses travaux, permettraient que la même structure défectueuse de régie de la Loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada soit intégrée en bloc au projet de loi C-78. On penserait que l'entente de dernière heure intervenue pour répondre aux préoccupations du Sénat au sujet de l'Office d'investissement du RPC aurait été prise au sérieux lors de la rédaction du projet de loi C-78.

Hélas, tel n'a pas été le cas et, aujourd'hui, le Sénat est en train de débattre, en troisième lecture, le projet de loi C-78, qui constitue un Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public en utilisant, comme je l'ai dit plus tôt, le même modèle défectueux d'office d'investissement qui se trouvait dans le projet de loi C-2.

En outre, je ne peux m'empêcher de me demander si on a songé à déterminer si la structure de régie du Régime de pensions du Canada convient à un régime de retraite des employés, même lorsqu'il est amélioré par l'adoption des propositions du comité sénatorial des banques. La situation est fort différente même si c'est la même structure.

Par conséquent, honorables sénateurs, le système tel que prévu dans la mesure législative dont nous sommes saisis ne constitue pas la meilleure façon de créer un office d'investissement. Le projet de loi ne devrait donc pas prendre force de loi.

Il existe un consensus sur le principe de la cogestion du régime, mais le projet de loi C-78 ne prévoit pas la création d'un organisme à cette fin. Au lieu de cela, le président du Conseil du Trésor s'est contenté de nous promettre qu'il poursuivrait ses efforts en vue de parvenir à une entente avec les syndicats sur la création d'un organisme chargé de la cogestion. Il semblerait toutefois que cette promesse ait été assortie d'une condition: que les syndicats renoncent à leurs droits sur le surplus existant - ce que le ministre savait pertinemment être une impossibilité, j'en suis convaincu.

En l'absence d'un organisme de cogestion, les questions de la responsabilité, des règles d'investissement, de l'accès à l'information, des compétences des administrateurs, des relations entre l'organisme et l'actuaire, et tant d'autres sont d'autant plus graves et troublantes.

Le projet de loi C-78 ne donne pas aux adhérents au régime le droit de se renseigner en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Le rapport annuel ne donnera pas les renseignements nécessaires pour s'assurer que les pouvoirs discrétionnaires sont utilisés à bon escient.

Le projet de loi C-78 permet à l'office d'engager son propre vérificateur et de le congédier à sa guise. Le comité s'en est inquiété. Le sénateur LeBreton en a parlé plus tôt aujourd'hui. C'est une inquiétude que nous avions à propos de l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada. Tous les sénateurs devraient s'inquiéter de l'absence de pratiques de gestion considérées comme les meilleures en ce qui a trait au vérificateur, et ce, d'autant plus que le conseil d'administration de ce régime du secteur public sera chargé d'investir plus de 100 milliards de dollars appartenant aux employés et à l'employeur.

Idéalement, le vérificateur tout indiqué pour ce régime de pension devrait être le vérificateur général, comme c'est le cas au Québec pour la Caisse de dépôt et placement. Faute de quoi, le vérificateur devrait être nommé par le ministre, comme nous l'avons recommandé dans notre étude sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada.

Les compétences des administrateurs sont une autre source d'inquiétude. Ce projet de loi crée un processus de nomination dans le cadre duquel la sélection ultime des administrateurs relève du ministre. Ici encore, je me demande si on s'est posé la question de savoir si la structure du Régime de pensions du Canada ne conviendrait pas parfaitement à un régime de retraite des employés.

En guise de conclusion, honorables sénateurs, j'attire momentanément votre attention sur l'un des principaux acteurs dans la gestion d'un régime de retraite - l'actuaire. J'ose le dire spontanément, le projet de loi C-78 reprend le modèle du conseil du Régime de pensions du Canada. D'ailleurs, il prévoit le même actuaire que celui du conseil du RPC. Tous les sénateurs ont sûrement été étonnés d'apprendre que le projet de loi ne prévoit pas d'actuaire indépendant, non soumis à la pression politique. Il n'établit aucune relation directe entre la fixation des cotisations et le rapport de l'actuaire. Le ministre peut donc décider de hausser les taux de cotisation, incitant plusieurs syndicats du secteur public, entre autres, à craindre qu'il puisse y avoir des surplus artificiels à l'avenir.

Honorables sénateurs, le rôle de l'actuaire qui consiste à conseiller l'office sur ses possibilités d'investissement devrait nous préoccuper au plus haut point. Si nous lisons attentivement le mandat de l'office, nous n'y trouverons aucune disposition exigeant un dialogue entre l'office et l'actuaire en chef. Je me demande comment l'office pourra comprendre la nature et la durée de ses responsabilités pour veiller à ce que l'argent des régimes soit investi d'une manière responsable et prudente.

Le projet de loi ne prévoit absolument aucune des excellentes pratiques de gestion qui ont cours dans le secteur privé à l'heure actuelle. D'après moi, honorables sénateurs, nous ne pouvons faire autrement que de rejeter ce projet de loi puisque la plupart des problèmes des régimes résultent d'omissions. Le projet de loi C-78 a de nombreuses omissions puisqu'il ne prévoit pas la mise en oeuvre de saines pratiques de gestion.

Ainsi, honorables sénateurs, nous devons nous préparer pour ce qui s'annonce inévitable - du travail bâclé, de mauvais investissements, des conflits d'intérêts, des dépenses excessives ou inappropriées, une incompréhension des responsabilités fiduciaires et l'absence de définition des compétences que devraient avoir les conseillers professionnels de l'office.

Le projet de loi C-78 devrait à tout le moins avoir pour objet une saine gestion d'entreprise, il devrait prévoir une bonne définition, l'organisation et la surveillance des rôles et des responsabilités de ceux qui ont une obligation fiduciaire envers les régimes ou envers leurs membres. Puisque le projet de loi ne fait pas cela et puisqu'il présente de graves faiblesses à d'autres égards, comme l'ont déclaré d'autres sénateurs ce matin, j'exhorte tous les honorables sénateurs à s'y opposer. Si nous ne le faisons pas, il y aura de graves répercussions non seulement pour les fonctionnaires, mais aussi pour tous les contribuables canadiens. Ces répercussions regrettables peuvent être évitées. C'est justement pourquoi j'invite le gouvernement à revoir sa position.

[Français]

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorable sénateurs, maintenant que le débat sur le projet de loi C-78 entre dans sa phase finale, j'aimerais faire très rapidement quelques observations sur un point particulier.

À un certain moment, le président du comité sénatorial des banques et du commerce, l'honorable Michael Kirby, a traité du rôle du Sénat et de celui des cours de justice lorsqu'un projet de loi est devant le Parlement. Le chef de l'opposition, le sénateur John Lynch-Staunton, a pris part au débat et l'échange de vues fut fort intéressant.

Il n'y a aucun doute qu'un projet de loi controversé puisse faire l'objet d'une contestation devant les cours de justice. La chose est arrivée très souvent. Cependant, ceci ne doit jamais nous empêcher d'en débattre à fond au Sénat et dans nos comités, et d'en arriver à nos propres conclusions.

Bien sûr, si, après l'adoption de la loi, la cour est saisie de l'affaire, nous nous en remettons au jugement de la Cour suprême. C'est notre système et je l'aime bien. Cette cour fait très bien son travail.

Mais combien de fois la Cour suprême n'a-t-elle pas dit que le législateur doit aussi occuper le champ qui est le sien? La branche législative, c'est-à-dire le Sénat et la Chambre des communes, doit faire son travail et ne jamais hésiter à occuper toute la place qui est la sienne. Ce n'est pas seulement moi qui le dis. Dans un arrêt récent, l'arrêt Beaulac, la Cour suprême déclare que le Parlement a un rôle important à jouer en matière linguistique car nous sommes en présence de droits de nature institutionnelle.

Que de fois j'ai entendu dire que les cours ont trop de pouvoir! Ce n'est pas mon avis. En faisant notre travail, nous établissons un sain équilibre entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif.

Nous ne devons jamais abandonner une partie de notre travail législatif sous prétexte que la cour réglera la question. Il faut faire notre travail et laisser la cour faire le sien à son tour, en temps et lieu.

C'est ici, dans le forum de tous les Canadiens, que tous les aspects, y compris la question juridique et constitutionnelle, doivent absolument être discutés.

Je n'entends pas épuiser le sujet des relations entre le Parlement et la cour. C'est un sujet qui peut demander des heures de débat et nous aurons bien l'occasion d'y revenir lorsque le Sénat sera convoqué de nouveau, mais je voulais absolument au moins marquer le point suivant: si la cour fait son travail, cela ne nous dispense pas de faire le nôtre.

[Traduction]

(1110)

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai quelques commentaires à faire au sujet de ce projet de loi, surtout en ce qui concerne la procédure que nous avons dû subir et le traitement réservé au Sénat.

Franchement, je sais que mes arguments ne changeront l'opinion de personne quant à l'adoption du projet de loi, mais pour parler assez brutalement, je dirai que la semaine qui se termine n'a pas été des plus reluisante pour le Sénat. Comme le sénateur Buchanan l'a déclaré hier au sujet du projet de loi C-32, on nous demande d'adopter en toute connaissance de cause un mauvais projet de loi.

Dans le cas du projet de loi C-32, comme dans celui du C-78, il suffit de lire les rapports des comités pour y trouver, peut-être plus directement dans un cas que dans l'autre, certaines inquiétudes au sujet des dispositions des projets de loi. Malgré tout, les deux comités disent que, quelles que soient nos réserves et nos inquiétudes, et même si nous connaissons les grandes lacunes des deux projets de loi, nous devrions les adopter de toute façon. Pourquoi? Simplement pour respecter une date butoir partisane, que le Parlement s'impose à lui-même, c'est-à-dire la prorogation.

La prorogation n'est rien d'autre qu'une cérémonie pour mettre fin à une session avant d'en amorcer une autre. Elle est inutile. La prorogation n'est pas imposée par les lois, et encore moins par la Constitution. Dans le discours du Trône, le premier ministre espère donner au Parlement et au pays une nouvelle orientation pour le prochain siècle et même le prochain millénaire. Ce ne sont là que des mots à la mode. Il demande au Sénat du Canada de souscrire à son échéancier politique, peu importe les lacunes des deux projets de loi dont nous sommes saisis.

Dans le cas du projet de loi C-32, le nouveau ministre de l'Environnement venait à peine d'entrer en fonction qu'il a affirmé, lors d'une entrevue accordée à la radio, que ce projet de loi devait être adopté car on en avait suffisamment discuté. Il a fait cette déclaration avant même que le Sénat ne reçoive le projet de loi. Voilà tout le respect que ce ministre porte à cette Chambre.

En imposant la clôture, le gouvernement consent à ce que le Sénat faillisse à sa tâche et n'assume pas la responsabilité qui lui incombe d'évaluer et d'étudier en profondeur les grands projets de loi, dans un but tout à fait intéressé, tout simplement pour respecter une date butoir fixée uniquement dans l'intérêt du parti ministériel.

Acquiescer à ce processus en appuyant le projet de loi aujourd'hui, c'est simplement nous transformer en une image conforme de l'autre endroit, où la majorité est une entité sans vie dont le rôle est d'obéir aveuglément aux instructions qui viennent de l'édifice Langevin. C'est aussi simple que cela. Je suis persuadé que les sénateurs d'en face entendent chez les membres de leur groupe parlementaire des plaintes constantes au sujet de l'effritement du rôle des élus ministériels. C'est un fait, et il n'y a là rien de nouveau. C'est la même chose depuis au moins 20 ans. Mais le problème s'aggrave. J'ai l'impression que les sénateurs se font maintenant aspirer dans le même mouvement: «Suivez les ordres sans discuter, faites ce qu'on vous dit.»

L'autre jour, le sénateur Stewart a fait des observations très intéressantes, comparant notre régime parlementaire au régime fédéral de congrès qui existe aux États-Unis. Il s'est prononcé en faveur du régime parlementaire. J'estime pour ma part que le régime de congrès des États-Unis donne d'énormes avantages au représentant élu. Là-bas, les lignes de démarcation entre les partis se brouillent. Les noms signifient peut-être une chose, mais ceux qui appuient un parti ou l'autre se ressemblent le plus souvent, mais, au moins, le représentant élu au Congrès a son mot à dire dans l'élaboration et l'adoption des lois, et il peut rejeter les propositions de l'exécutif. Ici, dans le régime parlementaire canadien, nous sommes devenus bon gré mal gré - c'est au moins le cas des Communes, et peut-être le Sénat suit-il la même évolution - de plus en plus asservis aux diktats du cabinet du premier ministre et de son entourage non élu. Même les ministres sont asservis à ce système. Nous avons déjà entendu ces arguments.

Il appartient à la Chambre des communes de rétablir son autorité, mais il revient aux sénateurs de prévenir l'effritement de leur autorité. En imposant la clôture pour faire adopter ces deux projets de loi importants et respecter un délai imposé par l'autorité politique, nous nous faisons complices du nouveau système qui centralise tout.

Le projet de loi C-32 appartient au passé.

En ce qui a trait au projet de loi C-78, la question fondamentale est celle de savoir à qui appartient le soit-disant surplus de 30 milliards de dollars. Le gouvernement nous a dit que même s'il prétend que cet argent lui appartient, la question n'a pas encore été tranchée et elle ne pourra l'être que par les tribunaux, même si, dans le projet de loi, l'utilisation du surplus se fonde sur la prémisse voulant que celui-ci appartienne en totalité au gouvernement. Aucune disposition du projet de loi ne prévoit quelque forme que ce soit de propriété conjointe, ou ne dit que, si les syndicats ont droit à un certain pourcentage, le reste étant la propriété du gouvernement, la répartition du montant se fera selon une formule différente. Tout le surplus est présumé appartenir au gouvernement du Canada.

Le gouvernement dit: «Si vous contestez notre point de vue, adressez-vous aux tribunaux.» Il dit depuis le début: «Nous n'allons pas discuter de la propriété du surplus. Vous, les syndicats, si vous voulez parler du conseil de cogestion et d'autres questions liées au projet de loi, ne mettez pas le surplus à l'ordre du jour, sinon nous refuserons de discuter de quoi que ce soit avec vous».

C'est pour cette raison que le Sénat a convenu en juin de renvoyer le projet de loi au comité et de demander à celui-ci de faire rapport au plus tard le 7 septembre. Cette mesure visait à permettre aux syndicats et au Conseil du Trésor de s'asseoir et de discuter des points non réglés, notamment la question du conseil de cogestion. Je crois savoir que les syndicats commençaient à moins insister afin que le surplus soit à l'ordre du jour des discussions. C'est du moins ce que l'on entend dire, mais cela reste à confirmer. Quoi qu'il en soit, aucune rencontre n'a eu lieu, malgré le fait qu'un service du Parlement du Canada ait exhorté le Conseil du Trésor à tenir une telle rencontre.

Nos recommandations n'ont absolument pas été prises en considération. Ce ne devrait pas être seulement l'opposition qui se sent frustrée, mais bien tout le Sénat. C'était une recommandation ferme du Sénat - pas une directive, puisque nous n'avons pas le pouvoir de donner des directives - une exhortation faite au Conseil du Trésor de s'asseoir avec les syndicats et de discuter des questions non réglées. Le gouvernement a refusé, de sorte que nous ne sommes pas plus avancés maintenant que nous ne l'étions en juin.

Comme l'a dit le sénateur Beaudoin, nous sommes en quelque sorte en train de revivre la même expérience frustrante que celle du débat Pearson. On s'était sérieusement interrogé, à l'époque, sur le caractère constitutionnel de certains articles de ce projet de loi. Les sénateurs se souviendront que les dirigeants de l'Association du Barreau canadien avaient jugé à l'unanimité que certains articles de ce projet de loi étaient à leur sens anticonstitutionnels. Nous avions recommandé au gouvernement de soumettre le projet de loi à la Cour suprême et de voir à partir de là. Comme l'a signalé le sénateur Nolin, il aurait fallu faire la même chose dans ce cas-ci. Faire un renvoi. Faire appel à un médiateur. Lorsque deux parties ne s'entendent pas, il faut en consulter une troisième. Toutefois, tout cela aurait dû être fait avant que ce projet de loi ne soit adopté, car, en adoptant le projet de loi sans résoudre un de ses éléments clés, nous abdiquons nos responsabilités législatives et nous demandons aux tribunaux de résoudre pour nous les questions en suspens.

(1120)

Combien de fois les parlementaires se sont-ils plaints de ce que les tribunaux empiétaient sur le Parlement? Combien de fois ont-ils regretté que l'interprétation d'une certaine loi par un tribunal, quel qu'il soit, aille à l'encontre de la volonté du Parlement? Pourquoi encourager les tribunaux à faire notre travail à notre place en nous faisant dire par le gouvernement: «Ma foi, nous ne pouvons pas prendre la peine de nous entretenir avec l'autre parti au sujet de l'excédent. Nous avons une échéance à respecter; nous voulons sortir d'ici, dire au Sénat de ne pas revenir lundi; il faut donc que tout soit terminé vendredi. Nous imposons la clôture, bouchez-vous le nez et adoptez le projet de loi et, si les syndicats veulent que cette question soit résolue, ils n'auront qu'à recourir aux tribunaux»?

Ce n'est pas comme cela qu'on devrait légiférer. Il faudrait s'efforcer le plus possible d'éviter les contestations judiciaires, alors que, dans ce cas-ci, nous les encourageons. Ce faisant, nous abdiquons nos responsabilités de législateurs. Je demanderai aux honorables sénateurs d'en face et à tous ceux qui sont appelés à appuyer ce projet de loi de ne pas oublier qu'en appuyant le projet de loi, aussi nombreux soient ses points forts, ils appuient en fait la thèse voulant que les tribunaux aient de plus en plus leur mot à dire dans le processus législatif.

Je n'en dirai pas plus au sujet du projet de loi comme tel. Toutefois, en appuyant ce projet de loi, nous faisons beaucoup plus que modifier les régimes de pension des employés de la fonction publique, du personnel de la GRC, des forces armées et de la Société canadienne des postes; nous approuvons une réduction de notre autorité. Nous nous faisons les complices du cabinet du premier ministre en appuyant un ordre du jour établi dans le seul but de satisfaire le gouvernement. Nous écartons les préoccupations mises en évidence dans ces deux projets de loi. Le sénateur Taylor a même eu le culot, dans son discours sur le projet de loi, d'insulter certains témoins en déclarant qu'ils exagéraient les aspects négatifs du projet de loi dans le seul but d'être en mesure d'obtenir plus d'argent à l'appui de leurs efforts.

Le sénateur Taylor: C'est vrai.

Le sénateur Lynch-Staunton: Comment pouvons-nous, face à un argument de ce genre, tenir un débat positif et éclairé, comme le veut notre rôle de second examen objectif? Lisez les rapports concernant les projets de loi C-32 et C-78. On y trouve des expressions comme «le comité est profondément troublé». Dans un autre paragraphe, le comité se dit «outré». On trouve encore les mots «troublé», «outré», «préoccupé», «mauvais projet de loi», «nombreuses lacunes», «questions non résolues». Il nous faut quand même adopter le projet de loi parce que le premier ministre veut une prorogation et un discours du Trône. Nous devons faire table rase, recommencer à neuf et attendre des solutions pour plus tard.

À l'instar du projet de loi C-88 qui l'a précédé, le projet de loi C-32 contient une disposition qui prévoit que la loi devra faire l'objet d'un examen au bout de cinq ans. Le comité a jugé que ce projet de loi était tellement mauvais qu'il faudrait l'examiner aussitôt adopté. C'est le genre de mesure que nous avons adoptée hier, sachant qu'elle était tellement mauvaise et affaiblie en raison du lobbying mené par des groupes représentant certains intérêts, que le comité a établi à l'unanimité que le projet de loi ferait l'objet d'un examen aussitôt qu'il aurait reçu la sanction royale. Voilà le genre de mesure législative que nous avons adoptée hier et que, dans une certaine mesure, nous adopterons aujourd'hui, une mesure qui sert les intérêts du parti ministériel.

Comme je l'ai déjà dit, je ne crois pas que mes paroles changeront quoi que ce soit à la façon dont ceux d'en face voteront, mais j'espère néanmoins qu'ils réfléchiront et que lorsque nous nous trouverons dans une situation semblable à l'avenir, nous n'adopterons pas l'attitude honteuse qu'on nous demande d'avoir aujourd'hui.

Son Honneur le Président: Si personne d'autre ne veut prendre la parole, nous allons maintenant passer aux motions.

Le sénateur Kirby, appuyé par le sénateur Sibbeston, a proposé que le projet de loi soit lu maintenant une troisième fois. Le sénateur Andreychuk, appuyée par le sénateur LeBreton, a proposé ensuite que le projet de loi soit amendé. Vous avez tous reçu une copie de la motion d'amendement.

Suis-je exempté de la lecture de la motion d'amendement?

Des voix: Suffit!

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Andreychuk, appuyée par l'honorable sénateur LeBreton a ensuite proposé un deuxième amendement, que vous savez en main.

Suis-je exempté de la lecture de la motion d'amendement?

Le sénateur Carstairs: Suffit!

Son Honneur le Président: Puis l'honorable sénateur LeBreton, appuyée par l'honorable sénateur Nolin, a proposé une troisième motion, que vous avez aussi en main.

Suis-je exempté de la lecture de la motion d'amendement?

Le sénateur Carstairs: Suffit!

Son Honneur le Président: La question sur laquelle nous devons nous prononcer dans l'immédiat est la troisième motion d'amendement, proposée par l'honorable sénateur LeBreton et appuyée par l'honorable sénateur Nolin.

Que les sénateurs qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre l'amendement veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés.

Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs.

Y a-t-il accord au sujet du timbre?

Ai-je la permission de faire résonner le timbre pendant 30 minutes?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Par conséquent, le vote aura lieu à 11 h 55.

(1150)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion de troisième lecture du projet de loi C-78, et plus précisément sur l'amendement proposé par l'honorable sénateur LeBreton, appuyée par l'honorable sénateur Nolin: Que le projet de loi C-78 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié...

Dois-je poursuivre la lecture?

Des voix: Suffit!

(La motion d'amendement du sénateur LeBreton, mise aux voix, est rejetée.)

POUR

LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Berntson, Buchanan, Cochrane, Comeau, Doody, Grimard, Kelly, Keon, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Meighen, Murray, Nolin, Prud'homme, Robertson, Roche, Rossiter, Simard, Tkachuk, Wilson-24

CONTRE

LES HONORABLES SÉNATEURS

Austin, Bryden, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, De Bané, Fairbairn, Ferretti Barth, Finestone, Finnerty, Fitzpatrick, Fraser, Furey, Gauthier, Gill, Graham, Hervieux-Payette, Joyal, Kenny, Kolber, Kroft, Lewis, Losier-Cool, Maheu, Mahovlich, Mercier, Milne, Moore, Pearson, Pépin, Perrault, Perry Poirier, Poulin, Poy, Robichaud (L'Acadie-Acadia), Robichaud (Saint-Louis-de-Kent), Rompkey, Ruck, Sibbeston, Sparrow, Stewart, Taylor, Watt-47

ABSTENTIONS

LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucune

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le vote suivant porte sur la motion:

[Français]

Il est proposé par l'honorable sénateur Andreychuk, appuyée par l'honorable sénateur LeBreton:

Que le projet de loi C-78 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois mais qu'il soit modifié:

a) à la page 28...

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

[Traduction]

Et deux sénateurs s'étant levés.

Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs.

Y a-t-il accord au sujet du timbre, honorables sénateurs? Ai-je la permission de faire retentir le timbre pendant cinq minutes?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il y aura vote à 11 h 55.

(1200)

Son Honneur le Président: Le Sénat est saisi de la motion d'amendement proposée par l'honorable sénateur Andreychuk, appuyée par l'honorable sénateur LeBreton: Que le projet de loi C-78 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à la page 28...

Suis-je exempté de la lecture?

Des voix: Oui.

(La motion d'amendement no 1 du sénateur Andreychuk, mise aux voix, est rejetée.)

POUR

LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Berntson, Buchanan, Cochrane, Comeau, Doody, Grimard, Kelly, Keon, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Meighen, Murray, Nolin, Prud'homme, Robertson, Roche, Rossiter, Simard, Tkachuk, Wilson-24

CONTRE

LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams, Austin, Bryden, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, De Bané, Fairbairn, Ferretti Barth, Finestone, Finnerty, Fitzpatrick, Fraser, Furey, Gauthier, Gill, Graham, Hervieux-Payette, Joyal, Kenny, Kolber, Kroft, Lewis, Losier-Cool, Maheu, Mahovlich, Mercier, Milne, Moore, Pearson, Pépin, Perrault, Perry Poirier, Poulin, Poy, Robichaud, (L'Acadie-Acadia), Robichaud, (Saint-Louis-de-Kent), Rompkey, Ruck, Sibbeston, Sparrow, Stewart, Taylor, Watt-48

ABSTENTIONS

LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucune

Son Honneur le Président: Le Sénat est maintenant saisi de la deuxième motion d'amendement du sénateur Andreychuk, appuyée par l'honorable sénateur LeBreton: Que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à la page 28...

Suis-je exempté de la lecture?

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les honorables sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés.

Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs. Je pense qu'il y a eu entente sur un timbre d'une durée de cinq minutes. Le vote aura lieu à 12 h 15.

(1215)

(La motion d'amendement no 2 proposée par le sénateur Andreychuk, mise aux voix, est rejetée.)

POUR

LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Berntson, Buchanan, Cochrane, Comeau, Doody, Grimard, Kelly, Keon, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Meighen, Murray, Nolin, Prud'homme, Robertson, Roche, Rossiter, Simard, Tkachuk, Wilson-24

CONTRE

LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams, Austin, Bryden, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, De Bané, Fairbairn, Ferretti Barth, Finestone, Finnerty, Fitzpatrick, Fraser, Furey, Gauthier, Gill, Graham, Hervieux-Payette, Joyal, Kenny, Kolber, Kroft, Lewis, Losier-Cool, Maheu, Mahovlich, Mercier, Milne, Moore, Pearson, Pépin, Perrault, Perry Poirier, Poulin, Poy, Robichaud (L'Acadie-Acadia), Robichaud (Saint-Louis-de-Kent), Rompkey, Ruck, Sibbeston, Sparrow, Stewart, Taylor, Watt-48

ABSTENTIONS

LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucune

Son Honneur le Président: Le Sénat est maintenant saisi de la motion proposée par l'honorable sénateur Kirby, appuyée par l'honorable sénateur Sibbeston: Que le projet de loi C-78 soit maintenant lu pour la troisième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que les honorables sénateurs qui sont en faveur veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux sénateurs s'étant levés.

Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs.

(1220)

La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.

POUR

LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams, Austin, Bryden, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, De Bané, Fairbairn, Ferretti Barth, Finestone, Finnerty, Fitzpatrick, Fraser, Furey, Gauthier, Gill, Graham, Hervieux-Payette, Joyal, Kenny, Kolber, Kroft, Lewis, Losier-Cool, Maheu, Mahovlich, Mercier, Milne, Moore, Pearson, Pépin, Perrault, Perry Poirier, Poulin, Robichaud, (L'Acadie-Acadia), Robichaud, (Saint-Louis-de-Kent), Rompkey, Ruck, Sibbeston, Sparrow, Stewart, Taylor, Watt-47

CONTRE

LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Berntson, Buchanan, Cochrane, Comeau, Doody, Grimard, Kelly, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Meighen, Murray, Nolin, Prud'homme, Robertson, Roche, Rossiter, Simard, Tkachuk, Wilson-23

ABSTENTIONS

LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucune

[Français]

La Sanction royale

Avis

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante:

RIDEAU HALL

Le 14 septembre 1999

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que l'honorable John Major, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de Gouverneur général suppléant, se rendra à la Chambre du Sénat aujourd'hui, le 14 septembre 1999, à 14 heures, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi.

Veuillez agréer, monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire du Gouverneur général,
Judith A. LaRocque

L'honorable
    Président du Sénat
        Ottawa
[Traduction]

(1230)

Transports et communications

Renvoi au comité permanent du décret autorisant les discussions sur la proposition du secteur privé d'acheter Air Canada

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose:

Que, conformément au paragraphe 47(5) de la Loi sur les transports au Canada, le décret autorisant certains transporteurs aériens majeurs et certaines personnes à négocier et à conclure toute entente conditionnelle, soit déféré au comité sénatorial permanent des transports et des communications.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, cette motion est la bienvenue; cependant, compte tenu de la possibilité de prorogation, il conviendrait peut-être de prévoir un plan de rechange.

[Français]

Motion d'amendement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, il est probable que le Parlement soit prorogé selon la prérogative du premier ministre. Dans ces circonstances, j'aimerais proposer un amendement à cette motion. Je propose, appuyé par l'honorable sénateur Simard:

Que, dans l'éventualité d'une prorogation du Parlement, le comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration soit chargé d'établir un groupe de travail sur les transports et les communications composé des membres de l'actuel comité sénatorial des transports et des communications et que le Décret autorisant certains transporteurs aériens majeurs et certaines personnes à négocier et à conclure toute entente conditionnelle, soit renvoyé au groupe de travail pour étude et rapport;

Que le groupe de travail soit autorisé à organiser la radiodiffusion et la télédiffusion de ses délibérations s'il le juge à propos;

Que le groupe de travail soit autorisé à voyager à l'intérieur du Canada; et

Que le comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration soit tenu de fournir au groupe de travail un budget approprié pour l'accomplissement de son travail.

Honorables sénateurs, je présente cette motion dans les deux langues officielles, appuyée par mon collègue, l'honorable sénateur Simard.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement du sénateur Kinsella?

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous devons nous opposer à cette motion d'amendement. C'est une motion sans précédent qu'on présente en vertu de règles que Beauchesne n'approuverait certainement pas.

Le commentaire 235(1) de la sixième édition de l'ouvrage de Beauchesne dit ceci:

La prorogation a pour effet de mettre fin sur-le-champ à tous les travaux en cours jusqu'à la convocation des Chambres. Non seulement le Parlement ne siège plus, mais toutes les affaires en souffrance sont abandonnées...

De plus, honorables sénateurs, il est précisé dans la Loi sur le Parlement du Canada que le comité permanent de la régie interne du Sénat continue d'exister en cas de prorogation. Je suis certaine que c'est pour cette raison que la motion permet au comité de la régie interne d'établir un tel groupe de travail. Toutefois, il n'y a rien de prévu dans la Loi sur le Parlement du Canada à l'égard d'aucun autre comité.

L'article 19.1 de la Loi sur le Parlement du Canada dit ce qui suit:

(1) Dans le présent article ainsi qu'aux articles 19.2 à 19.9, «comité» s'entend du comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration constitué par le Sénat en vertu de son règlement.

(2) En cas de prorogation ou de dissolution du Parlement, le comité continue d'exister pour les besoins de la présente loi tant que le Sénat n'a pas constitué le nouveau comité...

... et nous parlons précisément ici du comité de la régie interne...

[...] et, sous réserve du paragraphe (3), tous les membres du comité restent en fonctions, tant qu'ils sont sénateurs, comme s'il n'y avait pas eu de prorogation ou de dissolution.
Toutefois, le fait même que la Loi sur le Parlement du Canada ne fasse allusion qu'à un seul comité signifie clairement que l'intention de la loi est qu'aucun autre comité ne devrait continuer d'exister. Par conséquent, le comité des transports cesse d'exister, de même que toutes les affaires dont il est saisi. Cela inclut le but visé dans la motion présentée à l'origine. Il n'y a pas de président, pas de vice-président et pas de membres. Il ne peut pas y avoir de réunions du comité. Il n'y a pas de protection des témoins.

À mon avis, le Sénat n'a pas la compétence voulue pour modifier unilatéralement la Loi sur le Parlement du Canada. La seule façon de régler la question des séances des comités pendant une période de prorogation serait de modifier notre Règlement et, mieux encore, la Loi sur le Parlement du Canada. En ce moment, nous ne pouvons pas le faire.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, le leader adjoint du gouvernement a en partie raison en disant que le comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration continue de siéger en dépit de la prorogation. La proposition d'amendement a été rédigée en tenant compte de cela. La motion vise à donner au comité des instructions qui lui permettraient de siéger durant une période de prorogation. S'il y a bel et bien prorogation, le Sénat, par son amendement, aurait ordonné au comité de la régie interne non pas de constituer un comité, mais de former un groupe de travail.

Il y a de nombreux précédents en ce sens. Nous avons procédé de cette façon pour étudier la gouvernance interne et nous avons créé d'autres groupes de travail. J'ai passé rapidement en revue des délibérations. Le 5 décembre 1996, nous avons autorisé le comité de la régie interne à passer de nouveaux marchés de sorte que les groupes de travail puissent fonctionner. En fait, nous disions que, dans les cinq jours ouvrables suivant la prorogation ou la dissolution du Parlement, le comité étudierait le mandat de chacun des comités. Des comités ont été mis sur pied. Des groupes de travail ont été créés. Un de ces groupes s'est penché sur la gouvernance interne.

J'accepte l'interprétation que le leader adjoint du gouvernement a faite du Règlement lorsqu'elle a dit que, s'il y a prorogation, les comités permanents, à l'exception du comité de la régie interne, n'ont plus aucun pouvoir. Toutefois, cette directive obligerait le comité de la régie interne à mettre sur pied un groupe de travail.

(1240)

Le décret pris par le gouvernement aux termes de l'article 47 de la Loi sur les transports au Canada porterait sur une question d'importance nationale, conformément à une disposition législative très explicite. De toute évidence, lorsqu'elles ont adopté cette loi, les deux Chambres du Parlement tenaient à ce que ce pouvoir extraordinaire confié au Cabinet soit bien délimité par l'article 47 de la Loi sur les transports au Canada. On permet effectivement au gouvernement de prendre ce décret, mais le décret doit être déposé devant non pas une seule Chambre, mais bien les deux Chambres du Parlement dans les sept jours suivant sa prise. Il est également précisé dans la loi que le gouvernement doit par la suite renvoyer le décret au comité compétent de chaque Chambre.

Il me semble, honorables sénateurs, que l'intention du Parlement était très claire. Elle est bien énoncée dans la loi. Nous convenons tous que le décret doit être envoyé au comité sénatorial permanent des transports et des communications. La présidente du comité nous a déclaré, l'autre jour, qu'elle serait ravie que son comité ait l'occasion de se pencher sur cette question. Les sénateurs de ce côté-ci ont également hâte que le comité puisse examiner la question.

Toutefois, nous avons longuement discuté récemment de deux grandes mesures législatives qui renferment des lacunes et qui, comme l'ont signalé des sénateurs de ce côté-ci, sont toutes deux adoptées à toute allure, le premier ministre ayant laissé entendre qu'il était sur le point d'exercer sa prérogative et de proroger le Parlement. Nous ne voulons pas que cela empêche le Parlement d'examiner cette question. Nous prévoyons que cet examen s'effectue comme par le passé, c'est-à-dire en chargeant, dans ce cas-ci, le comité de la régie interne de mettre sur pied un groupe de travail qui serait composé des membres du comité sénatorial permanent des transports et des communications. S'il n'y a pas de prorogation, le comité du sénateur Poulin pourrait alors se mettre immédiatement à l'étude de cette question.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, afin que certains d'entre nous, et moi en particulier, comprennent mieux, je distinguerai dissolution et prorogation.

Je crois fortement que, dans le cas d'une dissolution, ce qu'a dit le sénateur Carstairs est évident pour des raisons de nature partisane et politique. Je ne puis imaginer que le Sénat continue de siéger si le Parlement a été dissout. C'est très clair.

S'il y a prorogation, le Parlement peut être rappelé en cas d'urgence, alors qu'il ne peut pas l'être s'il y a dissolution.

J'aimerais donc attirer l'attention des honorables sénateurs et celle du gouvernement sur le fait que, si c'est à cause du règlement, quelqu'un - ce pourrait être le sénateur Kinsella et d'autres sénateurs du côté du gouvernement et dans ce coin - devrait prendre l'initiative de préciser quels sont les pouvoirs du Sénat en cas de prorogation. Nous ne disparaissons pas. En fait, même en période d'élection, nous ne disparaissons pas. Nous poursuivons nos travaux, mais nous ne pouvons pas légiférer.

Je dirai au Sénat qu'il serait approprié de suivre les conseils du sénateur Kinsella et de passer par le comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration et de laisser les choses suivre leur cours. J'irai même plus loin que le sénateur Kinsella et ferai remarquer au Sénat qu'il y a une grande différence entre la dissolution et la prorogation. Si des difficultés se posaient dans le cas présent, il incomberait au comité présidé de façon très compétente par le sénateur Maheu de modifier le Règlement, comme nous allons le faire pour la question de la déclaration que Son Honneur a faite plus tôt à propos du précédent créé par le sénateur Grafstein. Je vous assure que, dans un proche avenir, nous allons examiner la question au comité du Règlement.

Il faudrait donc ajouter à la réforme du Sénat la question de savoir ce que le Sénat peut faire durant une période de prorogation, sachant que rien ne peut être fait durant une période de dissolution.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, cette proposition m'intéresse particulièrement à cause des problèmes que poserait une prorogation dans le cas du comité des affaires étrangères. J'ajouterais cependant qu'à mon avis, une prorogation a pour effet de mettre fin à la session parlementaire pour les deux Chambres, à savoir le Sénat et la Chambre des communes; que tous nos comités permanents et spéciaux cessent d'exister, à l'exception du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration; enfin, que tous les mandats conférés aux nombreux comités permanents et spéciaux prennent également fin.

Je crois savoir que le comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration est chargé en vertu de la loi de s'occuper des affaires courantes en ce qui concerne le Sénat, mais qu'il ne saurait s'acquitter de tâches plus substantielles comme, par exemple, la création d'un groupe de travail.

Je me demande si ceux qui proposent la motion et y souscrivent ont songé aux conséquences constitutionnelles qu'entraîne le fait que le comité permanent de la régie interne remplace à lui seul le Sénat en période de prorogation.

Il s'agit de savoir à qui ce groupe de travail doit rendre compte. Il rend compte à son maître, je suppose, à savoir le comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Ne voit-on pas dès lors combien cette motion est extraordinaire, combien elle est irrégulière?

La situation est claire: s'il y a prorogation, les comités cesseront d'exister, leurs mandats prendront fin, alors que le pouvoir conféré au comité permanent de la régie interne se limite aux affaires de régie interne, il ne s'applique pas aux affaires autrement plus importantes.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, la différence dont nous discutons, il me semble, est celle qui existe entre «adjournment» et «recess». En anglais, le mot «recess» est utilisé pour désigner la période qui suit la prorogation du Parlement. L'ajournement - «adjournment» en anglais - peut être décidé séparément par l'une ou l'autre des deux Chambres. La Chambre des communes peut s'ajourner, le Sénat peut s'ajourner.

Comme l'a dit plus tôt l'honorable sénateur Prud'homme, n'oublions jamais que les sénateurs sont membres du Parlement.

Pour ce qui est de la prorogation, le commentaire 235 de Beauchesne énonce clairement ce qui suit:

La prorogation a pour effet de mettre fin sur le champ à tous les travaux en cours jusqu'à à la convocation des Chambres.

L'expression «tous les travaux» englobe certainement ceux de nos comités. Nous faisons partie du Parlement. Nous ne nous ajournons pas. Une prorogation est suivie d'une période pendant laquelle nous ne pouvons rien faire.

Je pense que les honorables sénateurs verront que le seul moment où cela a causé un petit problème fut pendant la Première Guerre mondiale, en 1916 ou 1917. À mon avis, tous les travaux prennent fin. Selon moi, le Sénat fait partie du Parlement, par conséquent, nous mettons fin à tous nos travaux. C'est simple.

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, ayant vécu plusieurs prorogations, je suis d'accord sur ce point avec le sénateur Taylor. Chaque fois, tous les travaux prennent fin et tous les mécanismes s'arrêtent. On fait table rase et on recommence presque à zéro quand le Parlement siège à nouveau. Là-dessus, je partage le même point de vue que le sénateur Taylor.

J'aimerais toutefois avancer un autre argument que, à mon avis, les sénateurs devraient prendre en considération; je veux parler des ramifications budgétaires. Nous n'avons encore aucun chiffre sur ce que le comité coûterait. La couverture par la télévision et la radio ne représenterait pas un coût élevé. Par contre, les déplacements pourraient coûter cher puisque le groupe de travail est autorisé à se rendre dans divers endroits au Canada et qu'on demandera au comité permanent de la régie interne des budgets et de l'administration de lui donner un budget suffisant pour qu'il puisse faire son travail.

Nous avons par exemple décidé qu'au moment d'approuver un projet d'un comité, nous devions également approuver le budget correspondant afin de savoir à quoi nous nous engageons. Il y a d'autres comités qui ont du travail à faire et qui veulent se réunir. Si nous devons donner carte blanche à ce comité sans avoir de chiffres à l'appui, cela aura sans aucun doute des répercussions sur le travail des autres comités. Les présidents des autres comités pourraient vouloir tenir compte des répercussions qu'une telle décision peut avoir sur leur travail. Je suis d'avis que si le Sénat voulait se pencher sur la question, ce serait un point dont nous devrions tenir compte.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, toutes les sources s'entendent pour dire que la prorogation du Parlement est une prérogative de la Couronne et on peut lire ceci au commentaire 234 dans l'ouvrage de Beauchesne, sixième édition:

Le Parlement ne peut commencer ses délibérations avant le moment fixé par le Gouverneur général, pas plus qu'il ne peut les prolonger au delà du terme désigné par lui.
L'ouvrage d'Erskine May dit a peu près la même chose à la page 232 de sa vingt-deuxième édition:

Le Parlement ne peut commencer ses délibérations avant le moment prévu par la Reine, et il ne peut les prolonger au delà du terme désigné par elle.

Il est donc logique de dire que si le Parlement ne peut poursuivre ses délibérations, les comités ne le peuvent pas davantage. Les comités sont issus du Sénat. Ils sont créés par le Sénat, à qui ils doivent leur existence, et je me demande comment le Sénat pourrait leur donner le pouvoir de faire quoi que ce soit, comme de siéger pendant une prorogation par exemple, qu'il s'agisse d'un groupe de travail ou d'un comité permanent, alors que lui-même n'a pas ce pouvoir.

Personne ne prétend ou ne voudrait prétendre que le Sénat pourrait continuer de siéger après une prorogation, et nous sommes tous d'accord pour dire que cela ne serait pas du tout approprié, mais il serait également inapproprié de permettre à nos comités de continuer de se réunir.

Madame le sénateur Carstairs a parlé plus tôt des effets de la prorogation sur le Parlement. Elle a souligné que les sources étaient claires à ce sujet, citant le paragraphe 235(1) de l'ouvrage de Beauchesne, à la page 69, et je répète:

La prorogation a pour effet de mettre fin sur-le-champ à tous les travaux en cours jusqu'à la convocation des Chambres. Non seulement le Parlement ne siège plus, mais toutes les affaires en souffrance sont abandonnées.

Le fait que les comités ne puissent siéger pendant une prorogation est bien illustré par un événement qui s'est produit en 1873 et qui est documenté dans la quatrième édition de l'ouvrage de Bourinot, à la page 467. Je vais en citer un passage.

[...] aucun comité ne peut siéger après une prorogation. On en trouve un exemple mémorable dans la session de 1873 qui s'est déroulée aux Communes du Canada. Il avait été proposé qu'un comité spécial soit nommé pour examiner certaines questions liées au Canadian Pacific Railway et que le comité soit autorisé, au besoin, à siéger après la prorogation. La résolution avait été adoptée, mais les députés doutaient sérieusement que ce comité puisse siéger comme il avait été proposé. Tous les partis ayant admis, après plus ample examen, que la Chambre ne pouvait conférer un tel pouvoir à un comité, il avait été prévu que la Chambre s'ajourne jusqu'à une date ultérieure au 2 juillet, ce qui permettrait au comité de terminer son examen et de rédiger un rapport.
Certains peuvent soutenir que, malgré les textes faisant autorité et ce qui s'est produit en 1873, le Sénat devrait néanmoins autoriser un tel organe, qu'il s'agisse du comité des transports et des communications ou d'un groupe de travail, comme l'a proposé le chef adjoint de l'opposition, à siéger pendant une prorogation pour le motif que notre comité de la régie interne est déjà autorisé à le faire, comme l'a mentionné plus tôt le sénateur Carstairs.

Il y a une distinction importante à faire ici, honorables sénateurs. Je crois, comme l'a dit le sénateur Carstairs, qu'il faudrait garder cela à l'esprit lorsqu'on examine le cas du comité de la régie interne, car, honorables sénateurs, ce comité tire son pouvoir de siéger après une prorogation de la Loi sur le Parlement du Canada, qui prévoit expressément cette exception. Il est primordial de comprendre qu'il ne s'agit pas simplement d'un cas où la Chambre des communes et le Sénat adoptent une loi en ce sens, mais également du fait que la Couronne y a consenti lorsque la Loi sur le Parlement du Canada a reçu la sanction royale.

J'ai commencé mes observations en faisant remarquer que la prorogation était la prérogative de la Couronne. À moins que la Couronne ne donne son assentiment, comme elle l'a fait dans le cas exceptionnel de notre comité de la régie interne, ni le Sénat ni ses comités ne peuvent siéger après une prorogation. Cette loi existe depuis 1867 au Canada, et nous n'avons aucun pouvoir de la modifier unilatéralement.

J'aimerais ajouter une chose. Il existe un précédent; un comité a déjà poursuivi son travail sur un ordre de renvoi durant une prorogation. Le comité des banques l'a fait il y a quelques années, et je crois que ce fut un précédent déplorable. Les membres du comité ont agi à titre de groupe bipartite et informel; ils ont rencontré des gens et compilé des données durant une prorogation puis, au début de la nouvelle session, l'ordre a été réinscrit et les informations recueillies durant l'intersession ont été renvoyées au comité; cependant, celui-ci n'existait pas officiellement et la Direction des comités ne pouvait lui fournir une aide officielle durant les soi-disant audiences. Il ne pouvait agir officiellement et le Sénat n'avait pas donné au comité le pouvoir d'agir en période d'intersession.

Je tiens à préciser que le transport national ne relève pas du comité de la régie interne; alors comment celui-ci peut-il créer un groupe de travail sur une question qui ne relève pas de sa compétence? Comme je l'ai dit, la Loi sur le Parlement du Canada accorde cette exception au comité de la régie interne pour des raisons administratives et uniquement pour des raisons administratives; cette exception ne lui permet pas de créer des quasi-comités qui traiteront de questions de fond.

J'ai déjà dit plus tôt que nous agirions à l'insu de la Couronne en créant ce groupe de travail dont a parlé le sénateur Kinsella, qui est, à toutes fins utiles, un comité. Honorables sénateurs, je crois qu'une telle décision serait tout à fait contraire au Règlement.

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, je tiens à apporter une toute petite précision qui sera toutefois fatale. Nous ne parlons pas d'un ordre de renvoi de notre propre Chambre. La Loi sur les transports, ou la disposition prise sous son régime, stipule que la question doit être soumise au comité compétent. Rien dans la loi ne stipule que la question sera renvoyée au groupe de travail ou au groupe d'étude compétent; elle dit bien que la question doit être renvoyée au comité compétent. Rien ne permet légalement de renvoyer cette question à un autre organe que le comité compétent. Comme nous l'avons reconnu, en cas de prorogation, le comité compétent n'existe plus et, par conséquent, il serait impossible que le groupe de travail compétent étudie la question et que celle-ci lui soit renvoyée. La seule autorité est le comité compétent.

(1300)

L'honorable Peter A. Stollery: Honorables sénateurs, j'aimerais discuter de cette question brièvement. La motion vise à restructurer le comité de la régie interne, dont je suis membre depuis longtemps, et de lui conférer un pouvoir qui appartient au Sénat. Cette motion est irrecevable. Elle est irrecevable au point où j'ai peine à en croire mes oreilles.

Le mandat du comité de la régie interne est très restreint. Il a été difficile, au fil des années, d'appliquer ce mandat et d'essayer d'assurer la continuation de certaines dépenses et de certains travaux du Sénat lorsqu'il y a prorogation. C'est tout ce que le comité de la régie interne est autorisé à faire.

Il serait très regrettable d'essayer de transformer ce comité en Sénat et de vouloir lui conférer des droits qui appartiennent uniquement au Sénat lorsque celui-ci siège en tant que Sénat.

Honorables sénateurs, nous contournons beaucoup les dispositions de notre Règlement. Une telle mesure serait à peu près la pire chose que nous pourrions faire. Non seulement cette motion est-elle irrecevable, mais il importe de bien faire comprendre aux gens que les comités ne sont que le prolongement du Sénat. Ceux-ci ne peuvent s'arroger des pouvoirs qui appartiennent à cette Chambre.

C'est pour cette raison, honorables sénateurs, que je voudrais mettre mon grain de sel dans ce très important débat. Nous nous sommes écartés des procédures et des règles parlementaires fondamentales qui doivent régir le fonctionnement du Sénat.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, il ne fait aucune doute selon moi que le Sénat a parfaitement le pouvoir de créer une groupe de travail pendant la période de prorogation. Le comité des banques est celui auquel on songe. Il a entamé son étude du gouvernement des sociétés, a préparé la liste de ses témoins à l'avance et obtenu l'autorisation de se convertir en groupe de travail pendant la période de prorogation pour poursuivre son travail.

Dans ce cas-ci, cependant, la vraie question est celle de la crédibilité du gouvernement. Le gouvernement a déposé le décret. Il en a proposé le renvoi au comité des transports en sachant pertinemment que, vendredi à minuit, ce comité et tous les autres seront dissous. En réalité, le décret restera en veilleuse.

Si le gouvernement tenait vraiment à ce que l'étude du décret débute, il donnerait à certains sénateurs les moyens de faire cette étude pendant la période de prorogation. Le décret vient à expiration le 9 novembre. Même si la loi dit qu'il ne doit être étudié que par le comité compétent, rien n'empêche le Sénat de charger un groupe de sénateurs, un groupe de travail, de faire cette étude. Nous pouvons décider qui étudie quoi.

Cela me rappelle malheureusement que le gouvernement avait accepté de former un comité spécial sur la Somalie pour terminer le travail que la commission Létourneau n'avait pu finir. Le gouvernement avait accepté de former le comité environ trois semaines avant la dissolution du Parlement, sachant fort bien que des élections devaient avoir lieu. Par conséquent, le comité n'a rien pu faire parce que, dès qu'il a entrepris ses travaux, les brefs ont été émis et il a dû cesser ses activités.

Après les élections, quand nous avons repris nos travaux, nous avons de nouveau proposé la création de ce comité et le gouvernement s'y est opposé. La motion figure toujours au Feuilleton. C'est pourquoi je dis que la crédibilité du gouvernement est, encore une fois, mise en doute.

Si le gouvernement est vraiment sérieux, il autorisera une étude par des sénateurs pendant la prorogation. Cependant, s'il se propose de répéter l'histoire du comité sur la Somalie, où il a accepté de créer un comité, sachant fort bien que des élections auraient lieu, que rien ne se ferait et qu'après les élections, la pression aurait disparu et qu'il pouvait glisser l'affaire sous le tapis, si c'est ainsi que les choses doivent se passer, certains d'entre nous refusent de s'engager dans une telle entreprise.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne veut prendre la parole, la question dont le Sénat est saisi est la motion d'amendement proposée par l'honorable sénateur Kinsella, appuyée par l'honorable sénateur Simard - puis-je m'en dispenser?

Des voix: Suffit!

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Le sénateur Kinsella: Avec dissidence.

(La motion d'amendement est rejetée, avec dissidence.)

Son Honneur le Président: Nous revenons maintenant à la motion principale proposée par l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Furrey: Que, conformément au paragraphe 47(5) de la Loi nationale sur les transports - puis-je m'en dispenser?

Des voix: Suffit!

Son Honneur le Président: Que ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent. Je déclare la motion adoptée.

Le sénateur Lynch-Staunton: Puis-je savoir si le gouvernement a l'intention de convoquer le comité aujourd'hui ou demain, pour entamer les travaux autorisés par le Sénat du Canada?

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, je remercie le chef de l'opposition de sa question. J'ai parlé au vice-président du comité sénatorial permanent des transports et des communications ce matin, avant son départ pour Calgary, et nous avons décidé de poursuivre la conversation au téléphone une fois qu'il sera arrivé à destination. J'espère que le comité de direction se réunira, probablement demain, pour discuter de la stratégie à venir.

Le sénateur Lynch-Staunton: J'ai ma réponse.

(La motion est adoptée.)

Le code criminel La loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-ajournement du débat

L'honorable Anne C. Cools propose: Que le projet de loi C-251, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (peines consécutives) soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, je tiens à féliciter Albina Guarnieri, la députée de Mississauga-Est, d'avoir présenté le projet de loi C-251 et d'en avoir obtenu, par ses efforts, l'adoption à la Chambre des communes en juin.

C'est pour moi un honneur qu'elle m'ait demandé de parrainer le projet de loi au Sénat. Honorables sénateurs, le projet de loi C-251 vise à remédier aux lacunes des sentences imposées aux auteurs d'infractions multiples cruelles, malveillantes et délibérées, en particulier les auteurs de meurtres multiples.

Le sommaire du projet de loi C-251 stipule:

Le texte prévoit également le temps d'épreuve auquel est assujettie la personne à qui est imposée une peine pour meurtre au premier ou au deuxième degré et qui purge à ce moment-là une peine infligée pour une infraction autre qu'un meurtre. Celle-ci doit purger le temps d'épreuve prévu par la loi pour le meurtre plus le tiers, jusqu'à concurrence de sept ans, de la peine infligée pour l'autre infraction.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-251 vise à modifier le Code criminel pour permettre au juge d'obliger l'auteur d'infractions multiples à purger une période additionnelle d'inadmissibilité à la libération conditionnelle d'au plus 25 ans pour le meurtre pour lequel le contrevenant est condamné, en plus de la période d'inadmissibilité qu'il doit purger pour un autre meurtre.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-251 vise à remédier à plusieurs lacunes concernant la détermination de peine, l'admissibilité à la libération conditionnelle et l'article 745 du Code criminel relatif à l'examen judiciaire de la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle applicable aux auteurs de meurtres aux premier et deuxième degrés.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

(1310)

Projet de loi d'intérêt privé

La Section canadienne de l'Église morave d'Amérique-Troisième lecture

L'honorable Nicholas W. Taylor propose: Que le projet de loi S-30, Loi modifiant la Loi constituant en personne morale le Conseil des anciens de la section canadienne de l'Église morave d'Amérique, soit lu une troisième fois.

- Honorables sénateurs, je remercie le Sénat d'avoir accepté que les dispositions législatives concernant l'Église morave soient de nouveau présentées. C'est probablement l'une des questions que le Sénat a mis le plus de temps à mener à bien. Je crois que la demande originale remonte à 1992 et qu'elle s'est perdue, en cours de route, entre les mains de différents sénateurs.

L'Église morave est établie au Labrador et en Alberta. Un an après ma nomination au Sénat, j'ai remarqué que ce projet de loi n'avait jamais été dépoussiéré. Évidemment, il a fallu réactiver le processus.

Je remercie tout particulièrement le sénateur Lowell Murray, de l'autre côté, qui, en sa qualité de président du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, m'a été d'un précieux secours en m'expliquant comment éviter les nombreux écueils qui se présentent lorsqu'il faut mener à bien un projet de loi laissé de côté pendant de nombreuses années. La plupart des retards ont été attribuables au fait que les sénateurs qui avaient été saisis de la question il y a environ un an ne sont plus ici et que, par conséquent, le projet de loi est resté en plan.

J'ai peu de choses à dire au sujet de ce projet de loi. Il est tout simple. Premièrement, il attribue un titre français et anglais à l'Église morave. Deuxièmement, il supprime la limite ridiculement basse de la valeur des terres ou biens fonciers pouvant être détenus par cette Église.

Je remercie tous les honorables sénateurs et j'espère que le projet de loi sera adopté.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

La situation actuelle et l'avenir de la foresterie

Adoption du rapport du comité de l'agriculture et des forêts

Le Sénat passe à l'étude du dixième rapport du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts intitulé: «La forêt boréale en danger», qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le 28 juin 1999.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, notre sous-comité spécial du comité de l'agriculture et des forêts a tenu 131 audiences sur une période de quelques années et déposé son rapport le 28 juin dernier. Le rapport a été bien accueilli. Il n'a pas suscité autant d'intérêt que notre rapport précédent sur l'état des sols, mais il y a eu au cours des derniers mois seulement des commandes pour environ 1 100 exemplaires du rapport en anglais et 400 en français. Quand on sait qu'il peut aussi être consulté sur Internet, on voit qu'en somme, pas mal de gens lui porte attention. En outre, six éditoriaux, si je ne m'abuse, ont vanté le travail du comité sénatorial.

Il est dit dans le sommaire du rapport que, compte tenu des pressions exercées sur elle, c'est-à-dire que la forêt boréale doit continuer d'être le gîte et la source de subsistance de collectivités autochtones, l'habitat de la faune et un sanctuaire pour protéger la biodiversité et les bassins versants, aussi bien que la matière ligneuse, nous estimons avoir besoin de moyens nouveaux et plus efficaces pour gérer l'activité humaine dans la forêt boréale afin de concilier les réalités concurrentes que sont la conservation des ressources, le maintien du mode de vie et des valeurs des collectivités boréales, la prospérité économique et la protection des valeurs écologiques.

Le sous-comité estime que nous pouvons et que nous devons élaborer des stratégies qui contribueront à la survie de notre forêt assiégée tout en y favorisant les utilisations traditionnelles et en générant des retombées économiques. Il est aussi d'avis qu'il est important de s'engager très bientôt dans cette voie avant qu'il ne soit trop tard.

Le fait est que, quel que soit le nombre d'arbres replantés actuellement, le taux d'abattage est plus rapide que le taux de replantage. Nous abattons les arbres à un rythme, il faut l'admettre, où la forêt elle-même parviendra à fournir des arbres, comme en Scandinavie, mais pas assez pour répondre aux besoins écologiques, touristiques et autochtones.

Nous avons recommandé que la forêt soit divisée en trois zones. Dans une première zone, qui représenterait quelque 20 p. 100 de la superficie de la forêt boréale, celle-ci serait gérée de façon intensive suivant le modèle scandinave - d'aucuns appellent cela planification des plantations, mais ce n'est pas exactement cela -, aux fins de la production de fibres et de bois d'oeuvre. D'après les exemples scandinaves qui ont été présentés au sous-comité, la gestion intensive pourrait octupler au moins la production de fibres par hectare. Autrement dit, la nécessité pour notre industrie du bois d'exploiter des forêts vierges diminuerait en raison de l'exploitation des zones à gestion intensive.

Une productivité intensive libérerait davantage de nos forêts en vue de la protection de l'environnement, de l'utilisation autochtone, du tourisme, de la protection de la faune et d'autres usages, tout en préservant notre industrie. L'offre de bois et de fibres à des fins industrielles provenant de la région intensément exploitée pourrait aussi être augmentée par le bois des terres privées exploitées de façon durable, y compris celles des fermes peu rentables situées à la limite des forêts. C'est très important, car notre législation fiscale du siècle dernier visant les incitatifs touchant la transformation de forêts en exploitations agricoles doit faire exactement le contraire, soit viser la reconversion des fermes peu rentables en forêts. D'autres fibres, tels le chanvre et le lin, pourraient aussi être plus généralement utilisées.

La deuxième catégorie consisterait en vastes régions gérées de façon moins intensive au moyen de baux à long terme, qui seraient vérifiés régulièrement par des groupes communautaires qui aident les spécialistes forestiers. Cette zone conserverait un mélange relativement naturel d'espèces à divers états de maturité afin de préserver la biodiversité, mais accommoderait aussi tout l'éventail de l'exploitation forestière et de collectivités, y compris les chasseurs et les trappeurs autochtones, les pourvoyeurs et les plaisanciers.

Cette deuxième catégorie - représentant quelque 60 p. 100 du territoire - demeure grandement ce que nous entendons aujourd'hui par la forêt.

La troisième catégorie, constituée par au plus 20 p. 100 de la forêt boréale, serait réservée en tant que régions protégées.

Nous réservons trop peu de nos forêts en tant que régions protégées, surtout lorsqu'on songe qu'une partie du meilleur bois que nous ayons est situé dans des régions protégées. On continue à exercer des pressions sur les gouvernements provinciaux pour qu'ils accordent des droits de coupe dans ces régions. Celles-ci comprennent de vieux peuplements de la forêt boréale traditionnellement employés pour le piégeage par les autochtones de même que des régions écologiques qui constituent des habitats importants pour la faune.

Le sous-comité reconnaît que le système de désignation recommandé ici ne se concrétisera pas du jour au lendemain. Il faudra du temps et beaucoup de collaboration entre les divers gouvernements pour mettre en oeuvre un tel système. Toutefois, nous croyons fermement qu'un tel objectif à long terme est essentiel et qu'il faut commencer très bientôt à le réaliser. Dans la poursuite de cet objectif, le gouvernement fédéral doit constamment assumer ses responsabilités, surtout en ce qui concerne les peuples autochtones. Le régime fiscal peut toujours être utilisé comme mécanisme pour promouvoir des pratiques favorisant la durabilité des forêts.

(1320)

En arrivant à ces conclusions, le sous-comité ne préconise pas que nous imitions exactement ce qui se fait dans les pays scandinaves. Malheureusement, il reste peu de forêts intactes dans cette région du monde. Toutefois, nous croyons que nous pouvons profiter de l'expertise de ces pays dans le domaine de l'aménagement intensif et appliquer cette expertise dans les régions où nous faisons nous-mêmes de l'aménagement intensif. En faisant cela, nous pourrons maintenir une industrie forestière saine tout en gardant intactes de grandes aires sauvages boréales, que nous avons la chance d'avoir encore. En fait, nous pourrions être gagnants sur tous les tableaux si seulement nous agissions rapidement et avec fermeté.

Honorables sénateurs, je propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Français]

Les langues officielles

La détérioration progressive des services en français pour les francophones hors Québec-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Simard, attirant l'attention du Sénat sur la situation qui prévaut présentement vis-à-vis l'application de la Loi sur les langues officielles, de sa détérioration progressive, du désengagement des gouvernements au cours des dix dernières années et de la perte d'accessibilité des services en français aux francophones hors Québec.-(L'honorable sénateur Prud'homme).

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, vous êtes tous au courant de l'immense intérêt que suscite l'interpellation du sénateur Simard. Je me suis rendu au Sommet de la Francophonie à Moncton de mon propre chef, puisque je ne faisais pas partie de la délégation canadienne. Vous savez tous comment je peux sortir des sentiers battus.

Pendant trois jours, j'ai constaté la détérioration progressive de l'application de la Loi sur les langues officielles. Il ne suffit pas de la vanter dans le monde entier, surtout si on la met de côté dès qu'on revient de l'étranger.

Tous les grands parlementaires du gouvernement actuel, comme ceux des gouvernements précédents, ont loué les mérites de la Loi sur la langues officielles au Canada. Dans le monde entier, d'ailleurs, on se demande comment les Canadiens peuvent réussir, malgré leurs différences, à vivre si harmonieusement. La réalité peut être tout autre.

Nous avons au Sénat de grands champions. Le plus grand, celui qui a toujours été un pilier, l'honorable Jean-Robert Gauthier, s'est toujours tenu debout contre vents et marées. Il y en a plusieurs autres. Je citerai l'honorable Louis Robichaud, constamment honoré au Nouveau-Brunswick pour sa contribution à cet égard depuis 1960. J'ai eu l'honneur de faire campagne avec lui en 1960, c'était presque en même temps que la campagne électorale de M. Jean Lesage au Québec. Nous refusons de nous humilier, nous refusons même de recevoir de la sympathie ou de la compréhension. Je me fous de la compréhension et de la sympathie qu'on peut avoir pour le peuple canadien-français. Je suis Canadien français, même si le Bloc québécois veut changer la définition de cette expression et en faire ainsi l'enterrement. Comme le disait ma bonne amie, Mme Suzanne Tremblay, députée de Rimouski, on ne fera pas de nous «Pouf! Pouf!». Non seulement les francophones hors Québec vont-ils disparaître, mais voilà qu'on nous dit: «Pouf! Pouf!» Le peuple canadien-français n'existe plus et les funérailles suivront plus tard.

J'ai bien l'intention de parler au Québec de cet enterrement prématuré. J'irai à Trois-Rivières, Drummondville, Sherbrooke et Alma, qui sont situées au coeur même du Québec, là où vit le vrai peuple canadien-français.

Je sympathise énormément avec les efforts du sénateur Simard. Il y a dans ce Sénat des gens d'une extraordinaire bonne volonté qui, même s'il ne sont pas bilingues, le sont dans leur tête et dans leur coeur. Je reconnais que ces gens puissent ne pas parler français en autant qu'ils acceptent ce fait véritable que représente le Canada sur cette planète troublée, où une simple minorité se fait écraser par la majorité. Plusieurs d'entre nous en avons marre de ces beaux grand discours dans lesquels on dit: «Regardez-nous, au Canada.» Entendez-vous les uns les autres.

Il faut regarder ce qu'on fait au Canada. Je n'insisterai pas aujourd'hui puisque tout le monde semble déjà en préparation des funérailles de cette session. Ce que je ne comprends pas, c'est qu'on nous dit qu'il y aura prorogation. Je n'ai pas eu d'avis à cet effet encore, donc je procède comme si la session se poursuivait.

On me dit que la session est présentement sous oxygène. J'agis comme si nous continuiions et c'est pour cela que les membres du comité des transports et des communications devraient se réunir et poursuivre leur travail jusqu'à ce que l'heure et le jour des funérailles soient annoncés.

Je vous dis à l'avance que les Gauthier, les Simard, les Prud'homme et les autres qui voudront bien se joindre à nous reprendront l'ensemble de ces interpellations. Nous tiendrons des débats très serrés, très calmes et très durs, afin de réfléter exactement la réalité.

Je vous donne avis longtemps à l'avance que je ne laisserai pas mourir au Feuilleton la résolution du sénateur Simard. Je ne laisserai pas tomber facilement le sénateur Gauthier. Dès les premiers jours de cette possible prochaine session, nous représenterons cette motion. C'est pour cela qu'aujourd'hui, je n'ai voulu faire que quelques remarques préliminaires.

(Sur la motion du sénateur Finestone, le débat est ajourné.)

[Traduction]

(1330)

Les affaires étrangères

Le conflit au Timor oriental-Les séances d'information avec les ministres compétents

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'aimerais avoir la permission de faire une brève annonce concernant les remarques que j'ai faites plus tôt au sujet du Timor oriental.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, il a été suggéré plus tôt que nous ayons des séances d'information sur la situation au Timor oriental avec les ministres compétents, soit le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Défense nationale et la ministre de la Coopération internationale. Nous avons donc organisé une réunion à cette fin pour le comité sénatorial permanent des affaires étrangères et les comités concernés à l'autre endroit. Cette réunion aura lieu vendredi matin, de 10 heures à midi. Évidemment, tous les sénateurs qui voudront y assister seront les bienvenus. Nous enverrons un avis officiel à tous les sénateurs.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au ministre. Voulez-vous dire que la session du Parlement ne sera pas prorogée avant au moins midi vendredi?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, j'ai simplement dit que les ministres seront à la disposition des membres des comités pertinents à l'autre endroit et du comité sénatorial permanent des affaires étrangères, et que les honorables sénateurs qui le désirent peuvent participer à la séance d'information au sujet du Timor oriental.

Peut-être voudrez-vous en tirer la conclusion qu'il n'y aura pas d'avis de prorogation avant ce moment-là. Comme le savent tous les honorables sénateurs, je ne suis pas maître de la prorogation. Je crois comprendre que la réunion aura lieu à 10 heures vendredi.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat laisse-t-il entendre que ce sera une réunion conjointe des deux Chambres? Le cas échéant, sera-t-elle présidée par le président du comité sénatorial des affaires étrangères et le président du comité de la Chambre des communes, ou tiendra-t-on des séances d'information distinctes?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je ne peux même pas utiliser l'expression «réunion commune». Peut-être pourrions-nous utiliser l'expression «réunions parallèles». Ce sera là pour les députés et les sénateurs qui s'intéressent à ce dossier une occasion de se rencontrer. Une décision concernant la présidence de la réunion sera prise d'ici vendredi.

Le sénateur Andreychuk: Je crois que la réunion devrait être présidée par deux personnes. J'ai demandé un débat au Parlement sur la question. Je présume que c'est le mieux que nous puissions obtenir pour l'instant. J'espère que nous aurons la possibilité de poser toutes les questions que nous voulons, et je ne pense pas que cela puisse se faire s'il n'y a pas deux présidents. Le système des coprésidents a déjà fait ses preuves, et je pense que nous devrions y recourir en l'occurrence.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je suis désolé d'avoir suscité un tel débat. Je ne voulais que faire une annonce en réponse à des demandes formulées par des honorables sénateurs.

Les honorables sénateurs se souviendront que, pendant la crise au Kosovo, nous avions pris des dispositions pour que les ministres Axworthy et Eggleton participent à une rencontre informelle avec des sénateurs de tous les partis et des indépendants. Cette rencontre a été un franc succès et j'espère qu'il pourra y en avoir une autre vendredi.

Question de privilège

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous arrivons au moment de nos travaux où nous pouvons passer à l'étude de l'avis de question de privilège présenté par le sénateur Andreychuk.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, j'ai donné avis de mon intention de soulever la question de privilège au sujet du comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Comme les sénateurs le savent, ce comité permanent a été autorisé à étudier la question de l'autonomie gouvernementale il y a déjà quelque temps et il doit présenter son rapport avant le 30 novembre 1999. Le comité a tenu des audiences. Le sénateur Watt préside ce comité, dont je suis membre. Nous avons interrompu nos audiences et nous nous réunissons maintenant à huis clos pour étudier des ébauches de rapport. Nous en sommes à la quatrième version.

Aucune publicité n'a été faite sur nos travaux. Toutes les ébauches reçues à mon bureau étaient marquées «ébauche» et «confidentiel». J'ai été désagréablement surprise d'apprendre en fin de semaine dernière que le National Post du 11 septembre contenait un article intitulé: «Les sénateurs souhaitent un tribunal spécial pour les autochtones - Leur rapport recommande d'abroger la Loi sur les Indiens».

Il est question de différentes recommandations dans cet article. Il y est également dit qu'une ébauche de rapport a été produite. Je suis prête à déposer un exemplaire du National Post du samedi 11 septembre 1999 et une copie du Quorum où l'article en question était reproduit.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, acceptez-vous que ces documents soient déposés?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Andreychuk: Tous les honorables sénateurs conviendront avec moi que nous produisons une partie de notre meilleur travail en comité. Très souvent, des débats libres et ouverts aboutissent à la production de rapports que la plupart des sénateurs signent. J'ai participé à la rédaction de nombreux rapports et je ne me souviens pas d'un seul cas où un rapport dissident a été déposé. Nous discutons librement et ouvertement de nos opinions et nous nous efforçons de trouver un terrain d'entente.

(1340)

Il est extrêmement important que les séances de nos comités se déroulent à huis clos et que nos ébauches restent confidentielles et ne dépassent pas le cercle restreint des membres du comité et que celui-ci ne soit jamais exposé aux fuites. Nous jonglons avec les idées. Certaines idées dénotent beaucoup d'imagination, d'autres sont complètement farfelues et d'autres enfin sont plus raisonnables. Après une séance de remue-méninges, on retient les meilleures.

Ce rapport a de toute évidence fait l'objet d'une fuite. Sa teneur devait être débattue à huis clos, par les seuls membres du comité. Il ne devait pas circuler en dehors du cercle restreint des sénateurs siégeant au comité.

Heureusement qu'il y avait au sein du comité un certain nombre de membres qui veillent au grain. Nous avons adopté une approche assez collégiale à l'égard de notre rapport. C'était déconcertant de voir des recommandations, quelle que soit leur pertinence, qu'elles aient été ou pas avalisées par le comité au complet, étalées dans le journal. C'en était fait de ma certitude que mes propos tenus lors des séances du comité ne seraient pas répétés ailleurs. J'aurai du mal dorénavant à me prononcer sur la pertinence de telle ou telle recommandation. Je prends cette intrusion très au sérieux.

Honorables sénateurs, cette fuite constitue également une atteinte au privilège pour tous les membres du Sénat. Ce n'est certainement pas en lisant des recommandations dans le journal que nous souhaitons recevoir les rapports du Sénat. Il est temps que nous prenions des mesures à ce sujet.

Je siégeais moi-même à un autre comité lorsqu'un rapport a fait l'objet de fuites. J'ai soulevé le problème au comité. J'en ai parlé au président et j'ai exprimé mon mécontentement. J'ai demandé au président de s'assurer que des mesures seraient prises afin d'empêcher que cela ne se reproduise. On m'a assuré que la question serait examinée.

J'ai également connaissance de rapports préliminaires du comité mixte sur la garde et le droit de visite des enfants, qui ont paru dans les journaux avant que le rapport n'ait été présenté ici.

Lorsque ce rapport a été clandestinement communiqué au National Post, j'ai estimé que c'était devenu une question de privilège. Nous en sommes arrivés au point où nous ne pouvons plus faire notre travail aux comités si ce type de comportement se poursuit.

Je ne sais absolument pas qui peut avoir communiqué le rapport au National Post. Je ne sais certainement pas si c'est de façon intentionnelle, accidentelle ou par négligence. Cependant, le simple fait de publier un rapport préliminaire constitue à première vue une atteinte au privilège de cette Chambre. Je demande que vous statuiez en ce sens. Je serai alors en mesure de déposer la motion suivante:

Que la question soit renvoyée au comité permanent des privilèges, du règlement et de la procédure pour qu'il fasse enquête.

J'espère que le comité permanent se penchera non seulement sur cet écart, mais également sur toute la question de la façon dont nos projets de rapport confidentiels sont rédigés et dont nos comités fonctionnent à huis clos.

Son Honneur le Président: Y a-t-il d'autres commentaires sur cette question de privilège?

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, à la lecture de l'article du National Post, il ne fait aucun doute que le rapport non autorisé a fait l'objet d'une fuite. C'est ce que la description fournie par le National Post nous porte à croire.

J'ai été très peiné de tout cela. À mon avis, des choses de ce genre ne devraient pas se produire au Sénat. Les membres du comité en viennent à se demander s'ils peuvent même se faire confiance les uns les autres. Pour restaurer cette confiance, honorables sénateurs, j'appuie la motion de l'honorable sénateur Andreychuk.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je remercie madame le sénateur Andreychuk d'avoir soulevé cette question. Je la remercie également de la documentation qu'elle a préparée et des faits qu'elle nous a présentés. Elle n'a cité aucune référence, mais ce n'était probablement pas nécessaire puisqu'elles sont bien connues.

Madame le sénateur Andreychuk a soulevé une réelle question de privilège. J'aimerais lui apporter mon appui à cet égard.

Cette question est très à propos. Tous les jours, les quotidiens font état de projets de rapport du Parlement qui ont fait l'objet de fuites. Il est grand temps que le Sénat se penche sur cette question.

À la défense des sénateurs, je préciserais que la plupart des projets de rapport dont parlent les quotidiens proviennent, semble-t-il, des comités de la Chambre des communes. Au cours des nombreuses années que j'ai passées ici, j'ai rarement lu dans les journaux quoi que ce soit provenant d'un comité du Sénat. Je ne le dis pas pour faire l'éloge du Sénat; c'est ce que j'ai constaté.

Le 3 décembre 1998, la Chambre des communes a débattu un sujet analogue. Son Président, Gilbert Parent, a dit, comme on peut le lire à la page 10866:

Il faut dire que je deviens un peu plus impatient chaque jour...

Je voudrais que le comité de la procédure de la Chambre se penche sur cette question le plus tôt possible. Je souhaiterais qu'il soumette une recommandation à la Chambre.

J'ai dit à de nombreuses reprises que je n'ai pas le pouvoir nécessaire pour empêcher ce genre de chose. Les députés ont ce pouvoir collectivement.

Il ajoute:

Si une cour de justice peut interdire la publication de certains documents et faire respecter cette décision, comment se fait-il que le plus haut tribunal du pays ne puisse rien faire? Je pose la question, et ce n'est qu'une question hypothétique. Cependant, je voudrais tout d'abord que le comité de la procédure examine la question le plus rapidement possible. Nous attendrons de voir ce qui découlera de cette étude.

Je fais maintenant référence à la version provisoire du rapport du comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants dont de longs extraits ont été cités dans la presse bien avant que le rapport n'ait été terminé ou qu'il ait été déposé ou présenté au Sénat, le 9 décembre 1998, ou à l'autre endroit. Ce genre d'activité engendre une atmosphère de profonde méfiance au sein des comités.

Le 7 décembre 1998, j'avais déposé une motion sur laquelle je n'ai pas pris la parole. Cette motion portait sur la fuite concernant le rapport provisoire de ce comité mixte. J'aimerais également soumettre à la considération de Son Honneur un article paru dans le London Free Press, le samedi 28 novembre 1998, soit 12 jours avant que le comité mixte ne présente son rapport aux deux Chambres.

(1350)

Il s'agit d'un article de M. Jeremy Torobin intitulé: «Lutte pour la garde des enfants». L'article traite abondamment de l'ébauche du rapport ayant fait l'objet d'une fuite et fait une foule de commentaires, notamment une observation faite par une avocate spécialiste du droit de la famille de Toronto appelée Carole Curtis. Elle a dit:

L'ébauche du rapport qui a été l'objet d'une fuite et dont j'ai pris connaissance était truffée de remarques virulentes contre les femmes.

Cette fuite m'a irritée, car la situation se complique encore plus lorsqu'il s'agit d'un document non autorisé comme celui-là qui se retrouve entre les mains d'un officier de justice aux fins de commentaires.

Quoi qu'il en soit, je suis consciente du fait que notre temps est limité, car le représentant de Son Excellence se présentera sous peu, mais pour conclure, j'estime qu'il doit y avoir un équilibre entre la liberté de la presse et la liberté des parlementaires d'exercer leurs fonctions sans entrave inutile. La majeure partie du temps, beaucoup d'entre nous s'efforcent d'adopter une attitude diplomatique ou politique pour déterminer si certaines de ces questions devraient être soulevées. Je suis fermement convaincue qu'il est possible de maintenir un équilibre sur tous les plans et sur toutes ces questions.

En terminant, je demande à Votre Honneur d'examiner soigneusement cette question. Je le répète à tous les sénateurs, c'est une question qu'il faut approfondir. Si je comprends bien, c'est tout ce que demande le sénateur Andreychuk. Elle voudrait qu'un comité se penche sur la question d'une façon équitable et judicieuse. Honorables sénateurs, le temps est clairement venu pour le Sénat de se pencher sur ces questions.

L'honorable Jack Austin: Honorables sénateurs, je fais partie du comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Notre comité s'est réuni mercredi dernier pour discuter de l'ébauche d'un rapport qui, nous a-t-on dit, était une quatrième version. Après examen, nous avons conclu que nous préférions une version précédente aux conclusions incluses dans cette quatrième version, qui avait été rédigée par le personnel du comité que préside le sénateur Watt.

De graves questions de privilège se posent quand une ébauche qui, en un certain sens, a été rejetée par notre comité paraît dans les journaux comme s'il s'agissait d'un rapport de comité sur le point d'être distribué.

Je voudrais demander au Sénat la permission de déposer un éditorial qui est paru aujourd'hui dans le National Post et qui critique le travail du comité tel que le décrit un rapport diffusé sans autorisation, rapport qui n'est même pas de nous, en fait. Cela nuit non seulement à la réputation des sénateurs membres du comité, mais aussi à tous les sénateurs. Peu importe notre opinion sur ce qui devrait être inclus dans le rapport, ce ne sera pas le rapport qui a fait l'objet d'une fuite aux médias. On s'en prend à nous. Si les médias créent des attentes en annonçant que des recommandations seront faites et que nous ne les faisons pas, on donnera toutes sortes d'interprétations sur nos raisons de ne pas les faire.

Je pourrais en ajouter encore, mais cette situation rend le débat sur le rapport qu'entend présenter le comité suspect aux yeux de bien des groupes au pays. Il en va de même des efforts considérables que déploient ses membres pour faire venir des témoins à Ottawa et pour les entendre, ainsi que des longues heures de travail qu'ils y consacrent.

Je suis d'avis que toute cette histoire est nuisible. C'est une atteinte à nos privilèges, puisque cela se répercute sur nos travaux.

Honorables sénateurs, permettez-moi de me reporter au Règlement du Sénat un moment parce que, si je comprends bien, avant qu'une motion puisse être proposée, Son Honneur doit décider qu'une question de privilège paraît fondée à première vue et ce n'est qu'après cela, en vertu du paragraphe 44(1) du Règlement, que le sénateur Andreychuk pourra proposer la motion comme elle l'a annoncé.

Je me demande, Votre Honneur, si vous êtes prêt à rendre cette décision.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'entendrai le sénateur Fraser, mais à moins que de nouveaux arguments ne soient formulés, je serai prêt à me prononcer.

L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, mon commentaire fait suite aux propos du sénateur Austin. Il a peut-être tenu ces propos par inadvertance, car je sais qu'il a toutes les raisons de bien comprendre les rouages de la presse libre. Si j'ai bien saisi, il a laissé entendre que l'article et peut-être même l'éditorial dans le National Post constituaient une violation de privilège.

Si on a porté atteinte au privilège - et c'est peut-être le cas - à mon avis, ce n'est pas la faute des médias, mais la faute de ceux qui ont divulgué l'ébauche de rapport. Les médias ont entièrement le droit d'imprimer les documents qui leur sont transmis, à quelques rares exceptions près. Je ne crois pas que cette ébauche de rapport fasse partie des exceptions.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je suis entièrement d'accord avec le sénateur Fraser. Je n'avais absolument pas l'intention de dire que les médias avaient violé le privilège et je ne crois pas l'avoir dit. Ce que je dis, c'est que le texte paru dans les médias constitue une atteinte à notre privilège car il compromet le travail d'un comité sénatorial. Je ne dis pas que les médias n'ont pas le droit de publier ce texte, car je crois que c'est tout à fait leur droit.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je désire déposer l'article paru dans The London Free Press dont le sénateur Cools a parlé.

Son Honneur le Président: La permission de déposer cet article est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Austin, désirez-vous aussi déposer un éditorial?

Le sénateur Austin: Oui, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs, de déposer ce document aussi?

Des voix: D'accord.

Décision du Président

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je remercie les honorables sénateurs qui ont participé au débat sur la question de privilège et je remercie l'honorable sénateur Andreychuk d'avoir attiré notre attention sur ce point. Je suis prêt à me prononcer, à moins qu'un autre sénateur ne souhaite intervenir.

Je renvoie les honorables sénateurs à la sixième édition de Beauchesne, à la page 250, commentaire 877, qui dit ceci:

Rien de ce qui s'est déroulé en comité ne doit être divulgué avant que le comité n'ait fait rapport à la Chambre.

On lit plus loin dans le même commentaire:

Constitue une atteinte au privilège le fait de publier les délibérations d'un comité tenues à huis clos ou des rapports de comités avant qu'ils n'aient été mis à la disposition des députés.
Et puis, bien entendu, nous avons notre propre Règlement, qui est tout aussi clair à cet égard. Le paragraphe 43(1) dit:

Il incombe à chaque sénateur de préserver les privilèges du Sénat. Une atteinte aux privilèges d'un sénateur touche aux privilèges de tous les sénateurs...

Le Règlement énonce ensuite les conditions dont le Président doit tenir compte pour décider s'il y a, oui ou non, présomption d'atteinte au privilège. Ces conditions sont énumérées au paragraphe 43(1) du Règlement, qui dit que la question doit:

a) être soulevée à la première occasion;

Ce qui a été fait.

b) toucher directement aux privilèges du Sénat, d'un de ses comités, ou d'un sénateur;

Ce fait a été établi.

c) réclamer un correctif que le Sénat a le pouvoir d'apporter, en dehors de tout autre processus parlementaire raisonnable.

C'est ce que fera la motion que le sénateur Andreychuk dit être prête à proposer.

d) viser à corriger une infraction grave et sérieuse.

Les commentaires que j'ai entendus m'ont convaincu que c'était le cas.

Les quatre conditions étant respectées, je déclare qu'il y a présomption d'atteinte aux privilèges. Le sénateur Andreychuck peut proposer sa motion.

(1400)

Renvoi au comité des privilèges, du Règlement et de la procédure

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je propose, appuyée par le sénateur Prud'homme:

Que la question de privilège au sujet de la divulgation non autorisée d'ébauches d'un rapport du comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit déférée au comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Andreychuk, proposez-vous simplement le renvoi de l'objet de la motion au comité permanent?

Le sénateur Andreychuk: Oui.

Son Honneur le Président: Vous devriez avoir cette motion par écrit, mais si le Sénat y consent, nous pouvons procéder verbalement. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)


Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de quitter le fauteuil, je vous signale la présence à nos tribunes d'un groupe de visiteurs de marque. C'est un groupe de participants à une conférence spéciale, qui se tient sur la colline du Parlement, sur les comités parlementaires. Il s'agit de greffiers et de greffiers au Bureau de toutes les régions du Canada, y compris du nouveau territoire, le Nunavut. C'est une initiative de Gary O'Brien, notre greffier principal des comités. Il s'agit d'une première, et je pense que c'est une idée magnifique. Ce sera sans doute très utile pour tous les greffiers et greffiers au Bureau de notre pays.

Au nom des honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat.

Des voix: Bravo!

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)


[Français]

Sanction Royale

L'honorable John Major, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de suppléant du Gouverneur général, prend place au pied du Trône. La Chambre des communes, priée de se présenter, arrive avec son vice-président suppléant. Il plaît à l'honorable suppléant de Son Excellence le Gouverneur général de donner la sanction royale aux projets de loi suivants:

Loi visant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable, (Projet de loi C-32, Chapitre 33, 1999)

Loi constituant l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public et modifiant la Loi sur la pension de la fonction publique, la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur la continuation de la pension des services de défense, la Loi sur la continuation des pensions de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires, la Loi sur la Société canadienne des postes et une autre loi en conséquence, (Projet de loi C-78, Chapitre 34, 1999)

La Chambre des communes se retire.

Il plaît à l'honorable suppléant de Son Excellence le Gouverneur général de se retirer.


Le Sénat reprend sa séance.

[Traduction]

(1410)

Les armes nucléaires

Motion incitant les puissances nucléaires à retirer la cote d'alerte de leurs armes-Ajournement du débat

L'honorable Douglas Roche, conformément à son avis du 7 septembre 1999, propose:

Que le Sénat recommande que le gouvernement du Canada incite vivement les puissances nucléaires déclarées ainsi que l'Inde, le Pakistan et Israël à retirer dès que possible la cote d'alerte de toutes leurs forces nucléaires.

- Honorables sénateurs, la prestigieuse revue Scientific American a récemment signalé que, le 25 janvier 1995, des techniciens militaires dans une poignée de stations radar du nord de la Russie ont soudainement vu apparaître un spot préoccupant sur leurs écrans. Une fusée, lancée de quelque part au large de la côte de la Norvège, s'élevait rapidement dans la nuit. Les radaristes, bien conscients du fait qu'un seul missile lancé par un sous-marin américain se trouvant dans ces eaux pourrait lâcher huit bombes nucléaires sur Moscou en 15 minutes, ont immédiatement alerté leurs supérieurs.

Le message fut rapidement transmis des autorités militaires russes au président Boris Eltsine qui, tenant la mallette électronique servant à ordonner le lancement de missiles nucléaires en réaction à une menace, s'est vite entretenu par téléphone avec ses principaux conseillers. Pour la première fois, la mallette en question fut activée pour répondre à une situation d'urgence.

(1420)

Pendant quelques longues minutes, la trajectoire de la mystérieuse fusée est demeurée inconnue pour les hauts fonctionnaires inquiets de la Russie. L'angoisse a atteint son comble lorsque les divers étages de la fusée se sont séparés, donnant l'impression de l'attaque possible de plusieurs missiles. Toutefois, les radars ont continué à suivre leurs cibles. Au bout de huit minutes environ, les hauts gradés ont déterminé que la fusée allait s'abattre loin en mer et ne constituait aucune menace pour la Russie.

Cette fusée s'est révélée être une sonde scientifique américaine visant à étudier les aurores boréales. Des semaines plus tôt, les Norvégiens avaient dûment informé les autorités russes du lancement projeté de la fusée à partir de l'île d'Andoya, mais, d'une façon ou d'une autre, cette information sur l'expérience en haute altitude n'était pas venue aux oreilles des bonnes personnes. Cet incident effrayant, aux dires de Scientific American, montre bien à quel point il est dangereux de garder des arsenaux nucléaires dans un état d'alerte précaire.

On accroît ainsi la possibilité que quelqu'un lance malencontreusement un jour des missiles nucléaires, par suite d'une déficience technique ou d'une erreur humaine. Une erreur commise dans l'empressement de réagir à de faux signes d'attaque.

L'incident norvégien n'est pas un cas isolé. Le Centre for Defense Information basé aux États-Unis rapportait ce mois-ci que, de 1977 à 1984, on a traité 20 784 fausses alertes nucléaires, la plupart mineures.

En mars dernier, l'ancien commandant en chef du commandement stratégique américain, le général Lee Butler, a déclaré devant une séance mixte des comités des affaires étrangères du Sénat et de la Chambre des communes que, sur confirmation d'une attaque imminente, le président américain disposerait de 12 minutes seulement pour décider de répliquer ou non.

Les militaires américains et russes ont depuis longtemps mis au point des méthodes à suivre pour prévenir les accidents. Toutefois, leur équipement n'est pas à toute épreuve. Les systèmes russes d'alerte avancée et de commandement nucléaire se détériorent. Les autres systèmes d'armes nucléaires, et notamment ceux de l'Inde et du Pakistan, sont encore moins fiables. Tous comptes faits, 5 000 armes nucléaires peuvent être déclenchées en dedans de quelques minutes. Le sort de l'humanité ne doit pas tenir à un fil aussi ténu.

Ainsi, on assiste actuellement dans le monde au développement d'un mouvement en faveur de la suppression de la cote d'alerte de toutes les forces nucléaires. Cela serait fait par l'enlèvement des ogives nucléaires sur les véhicules les transportant. Tel est l'objet de la motion que je présente respectueusement au Sénat. Elle se lit comme suit:

Que le Sénat recommande que le gouvernement du Canada incite vivement les puissances nucléaires déclarées ainsi que l'Inde, le Pakistan et Israël à retirer dès que possible la cote d'alerte de toutes leurs forces nucléaires.

Honorables sénateurs, vous reconnaîtrez que la motion est libellée de façon étroite. Le sujet des armes nucléaires est vaste et complexe. L'abolition des armes nucléaires, ce dont je suis en faveur, donnera lieu à un long débat, mais la suppression de la cote d'alerte est une notion précise et simple qui peut être réalisée immédiatement et mutuellement vérifiée. Il faut le faire pour prévenir une catastrophe qui pourrait être causée par une erreur humaine, une défaillance des systèmes, des gestes irrationnels ou simplement par un malencontreux hasard.

D'aucuns pourraient interpréter cette motion comme étant liée au fameux bogue de l'an 2000, qui concerne la capacité des ordinateurs d'interpréter correctement le changement de date au moment du passage à l'an 2000. Il est vrai que l'incapacité des ordinateurs de reconnaître l'an 2000 pourrait se répercuter sur le commandement, le contrôle ainsi que les systèmes de renseignement et de communication des forces nucléaires. Il pourrait y avoir un problème la veille du jour de l'an, à minuit.

Cependant, la Russie et les États-Unis se préoccupent suffisamment de cette question pour projeter d'établir un centre commun aux États-Unis où siégeraient côte à côte pendant quelques jours une poignée d'officiers américains et russes durant le passage à l'an 2000 pour surveiller les spots sur les écrans nucléaires. Ces officiers seraient en contact direct avec leurs commandements nationaux respectifs pour dissiper toute crainte au sujet des spots au moment du changement de date. Compte tenu de leur vive inquiétude quant au mauvais fonctionnement d'ordinateurs mal préparés, d'importants sénateurs américains ont demandé que la Chine, l'Inde et le Pakistan soient invités à ce centre de préalerte.

Cette réaction à un problème en puissance ne convient pas, c'est évident. Le passage à l'an 2000 ne fait que mettre en évidence le danger qui pèse actuellement sur le monde en raison de la cote d'alerte des forces nucléaires. Le monde a besoin de la sécurité que lui assurerait la suppression de la cote d'alerte des forces nucléaires, non pas seulement la veille du Nouvel An, mais tous les jours de l'année.

Honorables sénateurs, en résumé, l'argument présenté par la Commission de Canberra, formée d'experts internationaux, est qu'on doit mettre fin à la pratique consistant à garder des missiles équipés d'ogives nucléaires en état d'alerte pour les raisons suivantes: c'est une perpétuation très regrettable des attitudes datant du temps de la guerre froide; cela risque de créer inutilement des situations instables; cela retarde le processus critique de normalisation des relations entre les États-Unis et la Russie; cela envoie le message clair, et très dommageable du point de vue du contrôle des armements, selon lequel les armes nucléaires jouent un rôle vital sur le plan de la sécurité; cela ne cadre pas du tout avec la transformation extraordinaire qui s'est opérée dans le milieu de la sécurité internationale.

Honorables sénateurs, mettre fin à l'état d'alerte nucléaire aurait pour effet de réduire de façon importante les risques de lancement accidentel ou non autorisé d'armes nucléaires, en plus d'avoir une influence positive sur le climat politique au sein des États dotés d'armes nucléaires et de favoriser une coopération accrue.

La Commission de Canberra a conclu que la mise hors d'état d'alerte des forces nucléaires pourrait être vérifiée par des moyens techniques nationaux et par des arrangements en matière d'inspection entre les États dotés d'armes nucléaires. La mise hors d'état d'alerte bénéficie d'un fort appui. Le gouvernement du Canada est en faveur d'une telle mesure, et il a d'ailleurs exprimé son appui dans sa réponse officielle au rapport sur les armes nucléaires du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Par conséquent, cette motion cadre parfaitement bien avec la politique gouvernementale.

Le gouvernement du Royaume-Uni a assoupli les directives concernant la mise à feu de ses armes nucléaires, faisant passer le préavis de quelques minutes à quelques jours. Des résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies demandent avec insistance une diminution du niveau d'alerte.

Le rapport du président au sujet du processus préparatoire de trois ans en vue de l'examen en l'an 2000 du Traité de non-prolifération préconise une diminution du niveau d'alerte afin d'éviter les lancements accidentels ou non autorisés.

Les Amis de la Terre de Sydney, en Australie, ont obtenu le soutien de 380 organismes de partout dans le monde qui sont favorables à la diminution du niveau d'alerte.

Honorables sénateurs, je suis retourné il y a quelques années à Hiroshima et à Nagasaki, les deux villes du Japon qui ont connu la bombe atomique. J'ai visité ces endroits à plusieurs reprises. Chaque fois, ce fut une expérience profonde qui m'a aidé à comprendre le pouvoir destructeur des armes nucléaires.

Le déclenchement accidentel d'une guerre nucléaire demeure de nos jours une immense menace pour l'humanité. Nous pouvons contribuer à la réduction de cette menace. Honorables sénateurs, je soumets cette motion à votre attention.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, puis-je poser une question au sénateur Roche?

Il a prononcé un discours persuasif qui m'amène à poser la question suivante: étant donné que ce qu'il dit est plausible, comment se fait-il que les États possédant des armes nucléaires, ainsi que l'Inde, le Pakistan et Israël, n'ont pas déjà vu à ce que leurs forces nucléaires abandonnent leur situation d'alerte? Existe-t-il une raison justifiant cette situation, ou s'agit-il simplement d'une attitude récalcitrante de la part d'un ou de plusieurs États?

Le sénateur Roche: Je remercie l'honorable sénateur Stewart d'avoir posé cette question.

Si les principaux États possédant des armes nucléaires, notamment les États-Unis et la Russie, ainsi que le Royaume-Uni, la France et la Chine, n'ont pas diminué leur niveau d'alerte, c'est principalement parce que ces armes s'inscrivent dans une stratégie de dissuasion nucléaire. Certains soutiennent qu'en diminuant le niveau d'alerte, ils annulent ou diminuent l'effet constant de dissuasion nucléaire. Cet argument a été réfuté. Si jamais il y avait une urgence ou une crise dans le domaine des affaires internationales, les armes nucléaires pourraient être remises en service.

Par conséquent, c'est pour garantir la sécurité des principales régions dans le monde que le processus, la campagne ou le mouvement de diminution du niveau d'alerte a pris de l'essor. Les tenants du retrait de la cote d'alerte estiment qu'il est plus important, pour la sécurité de l'humanité, de retirer la cote d'alerte que de préserver la dissuasion nucléaire telle qu'on l'a connue durant les années de guerre froide.

(1430)

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le débat est ajourné.)

L'Ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 21 septembre 1999, à 14 heures.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 21 septembre 1999, à 14 heures.)


La trente-sixième législature est prorogée par proclamation le samedi 18 septembre 1999.

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