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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 9

Le jeudi 18 novembre 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 18 novembre 1999

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer aux hommages à l'honorable sénateur John Stewart, j'informe le Sénat qu'à mon grand regret, je dois quitter le fauteuil à 14 h 30. Qu'il soit bien clair que ce n'est pas par manque de respect envers mon collègue et ami, l'honorable sénateur Stewart, ou envers les sénateurs qui prendront la parole à ce moment-là.

Je serai remplacé au fauteuil par le nouveau Président pro tempore, le sénateur Losier-Cool, que je félicite pour sa nomination à ce poste.

L'honorable John B. Stewart

Hommages à l'occasion de son départ à la retraite

L'honorable B. Alasdair Graham: Honorables sénateurs, la première fois que j'ai rencontré le sénateur John B. Stewart, il y a de nombreuses années, il était déjà fort respecté dans les milieux universitaires pour avoir fait des études de premier cycle à l'Université Acadia et des études supérieures à l'Université Columbia à New York, ainsi que pour avoir été successivement professeur de sciences politiques et directeur du département de sciences politiques au collège Barnard de New York. John a été associé à la Fondation Rockefeller jusqu'à son retour en Nouvelle-Écosse, en 1959, où il est entré au département de sciences politiques de l'Université St. Francis Xavier.

Environ trois années plus tard, le professeur Stewart était élu député pour la circonscription d'Antigonish-Guysborough. Il était réélu en 1963 et en 1965. Ces événements font partie de mes meilleurs souvenirs politiques.

Après l'éclatante victoire remportée par Diefenbaker en 1958, l'Association libérale du comté d'Antigonish-Guysborough a décidé que nous devions nous mettre en quête d'un candidat qui soit le plus digne de foi que possible. Chaque fois qu'il y avait une discussion, quelqu'un s'enquérait au sujet de ce nouveau professeur, John Stewart, à - comme ils l'appelaient parfois - St. FX. Qui aurait assez d'influence et de crédibilité, en fait, de courage pour l'appeler?

John n'était pas un grand fanatique de sports, et Joe DiMaggio et Frank Mahovlich ont été éliminés. Mais un petit génie a eu une idée brillante. Il a fait en sorte que le professeur Stewart se trouve dans son bureau dans l'ancienne aile sur le campus de la cité universitaire, par un samedi soir orageux. Le téléphone sonne:

Allô? professeur Stewart? Ici Lester Pearson.

Et le reste, c'est de l'histoire!

Une petite précision à propos de cette anecdote: les sénateurs se souviendront que M. Pearson était fanatique de sports et qu'il suivait régulièrement les matches de hockey canadien diffusés à la télévision, le samedi soir. L'appel au professeur Stewart provenait de Stornoway et a eu lieu entre la première et la deuxième période du match opposant les Canadiens de Montréal aux Maple Leafs de Toronto.

(1410)

Le sénateur Mahovlich: Qui gagnait?

Le sénateur Graham: Si je m'en souviens bien, Frank était la troisième étoile ce soir-là. La première vedette, c'était M. Pearson et la deuxième, John Stewart.

Pendant les six années qu'il a passées à la Chambre des communes, John Stewart s'est révélé l'étudiant le plus assidu du système parlementaire qu'il m'ait été donné de connaître, se distinguant, comme il l'a fait toute sa vie durant, par son travail sérieux, oeuvrant essentiellement pour le plus grand bien de sa province d'origine et de son pays.

Quand sa circonscription a disparu par suite d'un remaniement de la carte électorale en 1968, il est rentré à St. FX, où il a poursuivi sa carrière d'enseignant, et continué d'exercer une influence profonde sur ses étudiants; ses cours étaient très recherchés et les listes d'attente pour s'y inscrire, interminables d'un trimestre à l'autre. Chacun de ses cours était archi-comble.

Quelqu'un a déjà dit que l'influence d'un enseignant ou d'une enseignante s'exerce pour toujours. Il ou elle ne sait jamais où s'arrêtera cette influence. Dans le cas du professeur Stewart, qui a la réputation légendaire de former des gens qui obtiennent des bourses de la Fondation Rhodes, cette influence a effectivement été énorme.

Je me suis souvent demandé dans quelle mesure le cours de l'histoire canadienne aurait pu être modifié si le professeur John Stewart avait commencé à enseigner un an ou deux plus tôt à St. FX et qu'il avait été en mesure de faire appel à son influence et à ses talents de persuasion extraordinaires auprès d'étudiants comme l'ancien premier ministre Brian Mulroney et l'ancien leader du gouvernement au Sénat, l'honorable Lowell Murray.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ils auraient peut-être fait quelque chose de bien!

Le sénateur Graham: Heureusement, le professeur Stewart est arrivé là à temps pour prendre en main et orienter le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Frank McKenna.

Le professeur Stewart a aussi livré des réflexions au sujet de son expérience parlementaire et publié deux ouvrages faisant autorité et lus par un vaste public concernant le processus parlementaire. Dans un de ses ouvrages précédents intitulé: Political and Moral Thought of David Hume, le professeur Stewart a montré sa préoccupation constante à l'égard du fondement moral de la politique démocratique. Il a notamment cité un passage du travail brillant de ce philosophe écossais qui est considéré comme un des pionniers des sciences politiques:

De tous les hommes qui se distinguent grâce à leurs réalisations mémorables, la place d'honneur semble revenir aux législateurs qui transmettent un système de lois et des institutions visant à garantir la paix, le bonheur et la liberté aux générations futures.

Hume a conseillé des générations de parlementaires en devenir, tous ces représentants de la population sages et équitables qui avaient compris que la raison d'être d'un bon gouvernement est de façonner des lois et des institutions fondées sur la justice.

De fait, le sénateur John Stewart devait devenir au fil de sa longue carrière parlementaire la quintessence même du législateur sage et consciencieux imaginé par David Hume plusieurs siècles auparavant: un législateur qui poursuit inlassablement ce qui est juste; un législateur qui saisit l'importance de la vigilance dans la création et la protection de notre société libre; un législateur ayant à coeur le bien public; un législateur qui ne laisse rien au hasard; un homme qui a amené un esprit vif et une énergie inépuisable au service de sa collectivité, des étudiants, de sa province et de son pays; un patriote réfléchi qui a toujours compris, comme le veut le vieil adage, que ceux qui s'attendent à récolter le fruit de la liberté doivent en payer le prix.

Le profond sens du service de John Stewart l'a conduit à mettre une énergie incroyable dans les comités, que ce soit dans le comité des pêches ou dans celui des banques ou encore dans sa fonction importante et très distinguée de président du comité des affaires étrangères, en menant avec compétence et diligence toutes les questions complexes qui émanent de la position respectée du Canada sur la scène mondiale.

Il y a un peu plus d'un siècle, le brillant Canadien Edward Blake a parlé de manière simple de la signification du Parlement à la Chambre. Il a déclaré:

Les privilèges du Parlement sont les privilèges du peuple. Les droits du Parlement sont les droits du peuple.

Ces paroles, honorables sénateurs, ont été la marque de la vie et de l'époque formidable du sénateur John Stewart. Les droits et les privilèges du Parlement prennent leur source dans les droits de notre peuple - dans les privilèges, dans la sagesse et dans l'humanité de notre peuple.

Ayant eu le grand privilège d'avoir John Stewart pour mentor et ayant été pour lui un collègue et un ami pendant de nombreuses années, je suis fier de dire qu'une place d'honneur particulière et bien méritée revient à ce législateur érudit et honnête, ce sage et dévoué serviteur du peuple et cet enseignant talentueux qui a laissé sa marque indélébile et éternelle dans l'histoire. Oui, une place d'honneur particulière revient au sénateur John Stewart, qui va terriblement manquer au cours des jours et des années à venir à bon nombre d'entre nous qui sommes au service de notre merveilleux pays.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, je n'ai pas mené d'enquête précise auprès des honorables sénateurs, mais je crois que le sénateur Graham et moi-même connaissons le sénateur Stewart depuis plus longtemps que quiconque d'autre au Sénat. En tout cas, nous nous sommes rencontrés pour la première fois il y a 40 ans. Cela me donne, me semble-t-il, un certain droit et une certaine compétence pour parler de lui.

En 1959, soit quelques années après avoir obtenu mon diplôme de l'Université St. Francis Xavier, j'ai dirigé le bureau des diplômés à Antigonish. Cet automne-là, le professeur John B. Stewart est revenu dans la province et le comté où il est né après avoir quitté son poste d'enseignant - dont a parlé le sénateur Graham - à l'Université Columbia et sa fonction de conseiller à la Rockefeller Foundation afin d'occuper des fonctions de professeur de sciences politiques à l'Université St. Francis Xavier.

Chaque jour de classe par la suite, le professeur Stewart et moi avons dîné ensemble à la même table, dans la salle à manger des prêtres de l'Université St. FX. Dans ce qui était à l'époque le saint des saints, John Stewart et moi étions deux étrangers - lui, un protestant, et moi, un progressiste-conservateur. Heureusement pour John Stewart, c'était aussi l'époque où le mouvement oecuménique voyait le jour sous la direction du pape Jean XXIII. Les prêtres tendaient la main de la camaraderie, de l'amitié et de la fraternité à ceux qu'ils appelaient «nos frères séparés», dont John Stewart faisait partie. Malheureusement, il a fallu un peu plus de temps aux révérends pères pour se prendre de sympathie pour les progressistes-conservateurs.

Quoi qu'il en soit, à quelques occasions au Sénat ces dernières années, parfois à des moments plutôt tendus de nos débats, j'ai déjà dit que je ne connais aucun autre professeur de l'Université St. FX ou d'ailleurs qui ait inspiré à ses étudiants autant de respect et d'admiration que John Stewart.

(1420)

Comme le sénateur Graham l'a dit, il est vrai que je n'ai pas été à proprement parler un étudiant de John Stewart, mais comme bien d'autres, j'ai été son étudiant ici, à cet endroit. À l'occasion, dans le cadre des débats, il évaluait mon rendement. Je n'ai jamais obtenu mieux qu'un C de politesse dans ses évaluations.

De toute façon, je ne peux expliquer par expérience pourquoi il jouissait d'une si haute estime de la part de ses étudiants. Je pense qu'on peut être à peu près certain qu'il ne cherchait pas la popularité en se pliant aux exigences de la culture adolescente, comme le font certains professeurs. À mon avis, il est plus probable qu'il gagnait leur respect parce qu'il les respectait lui-même pour leur intelligence et leur jugement et parce qu'il fixait des critères d'excellence élevés - pas des critères inatteignables, mais des critères élevés - et qu'il savait tirer le meilleur de ses étudiants. Vous trouverez des hommes et des femmes qui, bien des années plus tard, diront que le point marquant de leur vie d'étudiant a été le fait d'avoir pu côtoyer John Stewart. On m'a dit qu'un certain nombre d'entre eux se sont présentés il y a quelques semaines à l'Université St. FX pour participer à un colloque particulier et à un hommage à leur ancien professeur. Je suis certain qu'il a dû être très ému de leur présence et de leurs témoignages de respect et d'estime.

Voici un universitaire qui s'est frayé un chemin en politique. J'aimerais dire quelques mots sur les élections de 1962. Le gouvernement Diefenbaker n'a pas eu la partie facile. Comme certains d'entre vous le savent bien, Antigonish-Guysborough était une circonscription traditionnellement représentée par les libéraux. Toutefois, c'était une grande victoire pour John Stewart. Il a ramené le parti de très loin, compte tenu du piètre état dans lequel le candidat précédent, Al Graham, l'avait laissé.

Le sénateur Graham: J'avais évité cela.

Le sénateur Murray: Le sénateur Stewart est peut-être un universitaire qui a abouti en politique, mais il n'a jamais montré le détachement proverbial des universitaires à l'égard des événements politiques. Tout d'abord, rien de ce qui est arrivé dans sa circonscription ou à son sujet ne lui a jamais échappé.

Quelques années après l'époque où nous mangions ensemble tous les midis à Antigonish, j'étais ici à titre d'adjoint ministériel dans le gouvernement Diefenbaker lorsqu'il est arrivé comme député nouvellement élu de Antigonish-Guysborough. Je me souviens d'une série de télégrammes exaspérés que j'ai reçus en rapport avec une certaine parcelle de terrain que le gouvernement avait achetée ou n'avait pas achetée dans la ville d'Antigonish pour y construire un nouvel immeuble fédéral. Aucun grief n'était frivole, surtout quand les conservateurs étaient au pouvoir.

C'est un expert des questions constitutionnelles et procédurières et il a été président de notre comité des affaires étrangères, mais ce dont je me rappelle le mieux des années que j'ai passées à recevoir les questions, ce sont toutes ces préoccupations qu'avait le sénateur Stewart pour les pêches en Nouvelle-Écosse, pour les répercussions sur la Nouvelle-Écosse de la politique fédérale en matière de routes, pour la construction d'un pont menant à l'Île-du-Prince-Édouard ou pour les répercussions de la TPS sur tous les Canadiens.

Peut-on dire que cet universitaire est animé de l'esprit de parti? Je n'ai qu'une chose à dire. S'il lui est jamais arrivé d'avoir quelque doute que ce soit sur une question, il a toujours accordé le bénéfice du doute à la position du Parti libéral. Mais qui suis-je pour le pointer du doigt? Comme il l'a souvent répété, nous jouons un sport d'équipe, et à ce chapitre, je dois avouer qu'il excelle.

Le sénateur Graham a parlé des deux ouvrages que le sénateur Stewart a publiés sur le philosophe écossais David Hume, le premier étant intitulé: The Moral and Political Philosophy of David Hume, et le second Opinion and Reform in Hume's Political Philosophy. Honorables sénateurs, je n'ai pas lu ces livres. En 1761, l'Église catholique a placé tous les ouvrages de Hume à l'index et je présume donc, par extension, que les livres écrits sur lui par John Stewart ont subi le même sort. On ne saurait être trop prudent dans des cas de ce genre. Je considère que l'interdiction de lire les livres rédigés par David Hume ou à son sujet est l'une des mesures les moins pénibles imposées par l'Église catholique.

Quoi qu'il en soit, j'ai lu son livre intitulé: The Canadian House of Commons, publié en 1977. Loin de devoir être à l'index de quiconque, il mériterait d'être lu par tous les parlementaires - mais surtout ceux de l'autre endroit. Tout le monde sait que nos collègues de l'autre endroit ne sont pas de grands lecteurs et que leur champ d'attention ne dépasse pas celui de l'oiseau-mouche, mais je les encourage à lire le chapitre 1. Ils y trouveraient enfin une description on ne peut plus limpide de la Chambre des communes - et du Parlement tout entier, même si le professeur Stewart ne mentionne pas expressément le Sénat. Ils y gagneraient, comme je l'ai dit l'autre jour dans un autre contexte, à se faire rappeler leurs prérogatives, et lire John Stewart leur ferait grand bien à cet égard.

Avec le départ du sénateur Stewart, nous perdons un de nos meilleurs parlementaires et la Nouvelle-Écosse, un représentant extraordinairement attentif et fort compétent. Si le gouvernement veut lui offrir une sinécure et un bureau dans les parages, je n'y vois pas d'inconvénient.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Murray: Après tout, si le sénateur Grafstein peut se permettre de qualifier l'ancien sénateur MacEachen de «trésor national», nous pouvons à juste titre voir dans le sénateur Stewart une précieuse ressource non renouvelable.

Voilà pourquoi, Votre Honneur, le moment venu, je serai tout disposé à présenter une proposition, appuyée par le sénateur Lynch-Staunton, qui en a eu l'idée, afin que le bureau occupé autrefois par l'ancien sénateur MacEachen soit mis à perpétuité à la disposition de l'ancien sénateur Stewart.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: Dois-je comprendre, honorable sénateur Murray, que vous proposez une motion?

Le sénateur Murray: Avec la permission du Sénat.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je me trouve moi-même dans un fauteuil qui me confère l'honneur d'être le prochain orateur. C'est un véritable honneur. C'est pour moi un grand plaisir de rendre hommage à mon collègue, l'honorable sénateur Stewart.

Tout en écoutant attentivement les autres orateurs, il m'est venu à l'esprit que le sénateur Stewart a un côté fantasque et humoristique qu'il nous a révélé au dîner que nous avons organisé en son honneur quand, par exemple, il a parlé de la journée où il était entré dans la salle du Sénat et avait traité le sénateur Murray de tyran et le Président d'usurpateur - par erreur, d'après ce que je l'ai entendu dire.

(1430)

Mon souvenir le plus cher du sénateur Stewart ne vient pas d'ici, mais plutôt de ma seule visite à Antigonish, où j'étais allé assister à la conférence MacEachen. Le sénateur Stewart a eu la gentillesse de m'expliquer l'importance qu'avait l'université où il avait enseigné, St. Francis Xavier, et le mystère que représentaient pour moi tous ces gens qui circulaient en portant au doigt une chevalière ornée d'un X, des gens qui étaient des associés à mon cabinet d'avocats et que j'avais l'impression de voir partout dans ma ville, Calgary. Je sais maintenant d'où ils viennent. J'en suis arrivé à admirer leur formation et la chance qui semble les suivre depuis leur sortie de St. Francis Xavier. Avec des professeurs de la trempe du sénateur Stewart, la qualité de leur formation était chose certaine.

Le sénateur Stewart a joué un rôle remarquable ici. Je voudrais moi aussi mentionner un de ses ouvrages. Je n'ai pas lu Hume et, comme le sénateur Murray, je n'ai pas l'intention de le faire, mais pas pour les mêmes raisons rigides pour lesquelles le sénateur Murray se refuse à lire Hume. L'ouvrage du sénateur Stewart, intitulé: The Canadian House of Commons, contient un passage que le sénateur Kinsella appréciera sûrement. Le voici:

Les leaders des partis à la Chambre en sont les héros oubliés. Chacun d'eux doit avoir une double loyauté: envers son parti et envers la Chambre. Bon nombre de leurs ennuis viennent du fait que leurs collègues ne se soucient pas de la Chambre ou s'y intéressent beaucoup trop. Parfois, ils ne tiennent pas compte de la Chambre. Parfois aussi ils lui accordent trop d'importance, de sorte que toutes les concessions faites à leurs homologues pour en faciliter les travaux passent pour de désastreuses capitulations.

Écoutez bien, sénateur Boudreau. Il ajoute:

Peu importe le conflit qui règne entre ambitions et opinions, les leaders de la Chambre doivent assurer le fonctionnement du système.

J'en suis devenu extrêmement conscient, alors que je ne l'étais pas à mon arrivée au Sénat. Ce qui est tout à son honneur, en tant qu'universitaire et politicien, le sénateur Stewart nous a tous prodigué cet enseignement. Si seulement nous étions tous disposés à l'entendre! Je vous entends maintenant, sénateur Stewart.

Tout au long de son mandat, le sénateur Stewart a été un grand leader. Il a notamment siégé avec distinction au comité des affaires étrangères. Mon expérience dans ce domaine étant limitée, je peux maintenant avoir une idée de la difficulté de cette tâche.

Sur la colline du Parlement, le sénateur Stewart a un certain nombre d'élèves, et je m'empresse d'ajouter que des honorables sénateurs sont du nombre, car nous sommes tous des élèves de John Stewart. Nous le respectons comme professeur car, à de nombreuses occasions, nous avons appris de lui et avons suivi ses enseignements au cours de nos délibérations.

Sénateur Stewart, je crois que le plus grand hommage que cette Chambre puisse rendre à un sénateur, c'est de lui exprimer son profond respect. Votre contribution nous manquera; cependant, vous nous laissez à tous un legs précieux et surtout des principes très importants pour nous guider. Que votre retraite soit remplie de nouvelles expériences, de magnifiques livres à lire et à écrire, et d'esprits à former.

Des voix: Bravo!

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, j'ai rencontré John Stewart pour la première fois à l'automne 1988, quand j'ai été nommé au Sénat. Pendant cinq ans, nous avons siégé ensemble au comité des finances nationales et pendant les 11 dernières années, nous avons tout deux fait partie du comité des affaires étrangères.

Nous avons d'autres choses en commun: des études supérieures aux États-Unis, un poste d'universitaire, un goût particulier pour la philosophie politique, et ce que j'appellerais une certaine vocation pour le service public - John Stewart, en tant que député et sénateur, et moi, comme fonctionnaire et sénateur.

D'autres choses nous séparent. John est un anglophone d'origine écossaise; il est protestant, froid envers les États-Unis tout en étant un libéral sorti de Harvard, et un écrivain distingué. Je suis francophone, Canadien français, catholique, conservateur comme les gens de Chicago, ami des États-Unis et ancien gestionnaire.

Je dois dire toutefois que, au fil des années, nous avons partagé de nombreuses tâches dont l'analyse par programme des dépenses gouvernementales, l'étude des divers aspects de la politique étrangère du Canada, et plus particulièrement de sa politique commerciale en raison de l'importance accrue qu'a pris le commerce international au cours de la dernière décennie.

Évidemment, comme l'a dit le sénateur Murray, John était contre l'Accord de libre-échange. Je suppose que c'était parce qu'il faisait alors partie de l'opposition et qu'il voulait défendre cette position sachant que nous défendrions la position inverse et que, en dernière analyse, ce seraient les Canadiens qui décideraient. Cela pourrait également être parce qu'il trouvait que l'ALE n'était pas aussi bon pour nous que le Pacte de l'automobile, qui vient d'être dénoncé par l'Organisation mondiale du commerce. Quoi qu'il en soit, ce fut l'occasion de vifs débats au Sénat, comparables à celui sur la TPS, mais beaucoup plus civilisé que ce dernier, je dois le dire.

Au comité des finances nationales, nous avons couvert de nombreux sujets, en particulier les divers aspects de la politique administrative gouvernementale. Notre étude de la recommandation royale m'a laissé des souvenirs impérissables. Notre savant collègue, John Stewart, spécialiste de la procédure parlementaire, sur laquelle il a publié un livre en 1997, prenait un malin plaisir à pousser de nombreux témoins dans leurs derniers retranchements avec ses arguties juridiques. Elles me faisaient penser aux querelles métaphysiques du XVIe siècle entre les jésuites et les thomistes, entre autres, Suarez.

À propos de philosophie, je dois vous signaler, honorables sénateurs, que non seulement notre collègue est docteur en droit public et en études gouvernementales, mais qu'il a aussi une maîtrise en science politique et qu'il est un spécialiste internationalement reconnu de David Hume. Il a publié deux ouvrages sur les écrits de Hume. Je peux vous dire que, après avoir lu la biographie de Hume, j'ai pris conscience de nombreuses similitudes entre John et ce grand auteur écossais: l'amour des livres, la frugalité, l'attrait de la solitude, un esprit sceptique mais sain. Je me dis parfois qu'il est le Montesquieu de la Nouvelle-Écosse. Son héros était un bon ami d'Adam Smith, bien que je ne pense pas que John ait en aussi haute estime que moi.

Revenons-en à David Hume. Honorables sénateurs, vous connaissez peut-être une association internationale qui s'appelle la Hume Society. Elle publie depuis 25 ans maintenant un journal universitaire de très haute tenue, Hume's Studies. Il s'agit d'une publication semestrielle que les milieux de la philosophie universitaire estiment grandement. Dans ce groupe auguste de brillants universitaires, je dois vous dire que notre collègue est considéré comme un grand prêtre. En novembre 1995, nous avons eu droit à une analyse critique de son second ouvrage sur Hume. John a défendu avec brio sa thèse voulant que Hume soit le précurseur de la tradition libérale britannique et non de la tradition conservatrice. L'un de ses critiques, Douglas Long, a écrit:

John B. Stewart s'est révélé être une fois de plus un boursier de la fondation Hume sérieux, perspicace et sensible.

Je m'incline devant une telle variété de talents ou polyvalence qui permet à notre sénateur de passer de la théorie politique à la pratique politique. Après tout, il a été élu trois fois et ainsi, il n'est pas simplement un excellent esprit théorique, mais un historien compétent des derniers siècles de la vie politique britannique.

En tant que président du comité des affaires étrangères, il a su habilement diriger nos études de questions importantes qui ont donné lieu à de nombreuses propositions pertinentes, selon nous, pour ce qui est de guider les orientations internationales de notre pays. Notre dernier rapport sur les répercussions de l'Union européenne sur le Canada, qui faisait suite à celui que nous avions produit il y a quelques années, est un excellent exemple de cela. Le prochain rapport qu'il a dirigé à titre de président, sur l'OTAN et le Canada, devrait également remplir de fierté tous les sénateurs vis-à-vis du travail de ce comité.

Durant toute sa carrière politique, John a lutté pour les intérêts légitimes des gens des Maritimes. J'espère qu'il va nous quitter pour aller vivre une belle retraite heureuse, mais je suis persuadé qu'il n'a pas encore écrit son dernier livre. Je lui souhaite une vie prospère grâce à ses droits d'auteur, tout comme son célèbre prédécesseur britannique.

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, au cours des 132 années qui se sont écoulées depuis la Confédération, de nombreux éminents Canadiens ont siégé dans cette enceinte. Leurs connaissances, leur sagesse, leur perspicacité et leur lucidité ont contribué largement au bon déroulement des affaires de notre pays. Ils ont apporté au Sénat des qualités que nous pouvons admirer et que nous devrions essayer d'imiter. Ce sont des modèles pour nous-mêmes et notre époque.

Nous savons que nous avons parmi nous un Canadien extrêmement respecté, le sénateur John B. Stewart, qui peut en toute légitimité se joindre au panthéon de ces grands géants du Sénat que sont les honorables Eugene Forsey, Raoul Dandurand, Muriel McQueen Fergusson, Corinne Wilson, Chubby Power, Duff Roblin et Arthur Meighen. Ils ont tous apporté une contribution tout à fait remarquable, comme tout historien ou observateur du Sénat pourra en témoigner.

[Français]

La contribution du sénateur Stewart depuis sa nomination au Sénat il y a 15 ans aura été son esprit pénétrant et ses vastes connaissances, qui lui auront valu une réputation enviable parmi ses collègues.

(1440)

C'est une réputation qui a débordé les cadres de cette enceinte pour se répandre jusque dans les centres de décision du pays où ses vues sur les affaires étrangères, les banques, le commerce et les pêches ont du poids.

Et comme le savent tous ceux qui ont été engagés dans un débat avec lui, sa très grande éloquence est une arme redoutable. Le sénateur Stewart n'est aucunement porté à l'exagération ou à la grandiloquence. C'est un érudit, un homme digne et raffiné, un «honnête homme» comme on disait déjà. Ses vues sont toujours équilibrées, une qualité de caractère qui est très appréciée chez celui qui donne son opinion, et j'ai eu le privilège de le constater souvent.

Ce politicien, professeur et écrivain a fait honneur à notre institution. C'est une perte pour nous et pour le pays que le moment soit venu pour lui de quitter le Sénat. Ses idées et son action nous manqueront énormément, ainsi que ses bons conseils.

Je souhaite à notre ami tout ce qu'il y a de mieux dans cette nouvelle étape de sa vie.

[Traduction]

L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, bon nombre d'entre nous éprouvons des sentiments partagés aujourd'hui, en rendant hommage au sénateur John Stewart, du Canada atlantique, qui prend sa retraite. La semaine prochaine, nous rendrons hommage au sénateur Derek Lewis, également du Canada atlantique. Même si nous avons ainsi l'occasion de faire valoir leurs réalisations, tant au Sénat qu'ailleurs, nous sommes tristes à l'idée que tous les deux quitteront le Sénat dans les prochains jours. C'est une perte véritable, tant pour nous qui restons que pour le Sénat en tant qu'institution parlementaire.

En participant aux comités et aux travaux du Sénat, ces deux sénateurs ont toujours réussi à relever le ton du débat, en apportant aux questions à l'étude la perspicacité et la sagesse acquises au long de leurs carrières différentes.

Le sénateur Lewis, avocat respecté de St. John's, Terre-Neuve, membre du barreau et président de la Fondation de droit de Terre-Neuve, a apporté à nos travaux sa vivacité d'esprit, son intelligence et sa capacité d'aller à l'essentiel d'une question. C'est pour cette raison que je l'admire depuis mon arrivée au Sénat, en 1986. Nous lui offrons nos meilleurs voeux pour sa retraite.

Quant au sénateur John Stewart, qui a représenté à la Chambre des communes la circonscription d'Antigonish-Guysborough, en Nouvelle-Écosse, il est le seul habitant de la Nouvelle-Écosse qui sait où se trouve Cook's Cove, où est né mon grand-père. C'est une banlieue de Guysborough.

Le sénateur Stewart est un universitaire, un auteur et un spécialiste du parlementarisme. Avant mon arrivée au Sénat, je connaissais le sénateur Stewart seulement de réputation, par ses travaux à la Chambre des communes et par ceux qui admiraient ses travaux universitaires. Mais, quand je suis devenu membre du comité sénatorial des affaires étrangères, j'ai été rempli d'admiration devant ses connaissances et son habileté en tant que président du comité. Nous étions alors saisis du dossier sur le libre-échange, qui figurait en priorité au programme de tous les partis. Nos réunions sont devenues, pour moi, un séminaire d'études supérieures sur la manière dont les comités permanents doivent fonctionner et dont les dossiers importants peuvent être examinés et traités de façon exhaustive.

Comme on l'a mentionné, le sénateur Stewart est diplômé de l'Université Acadia, tout comme moi. Nous lui avons pardonné le fait qu'il nous laisse pour aller enseigner à St. F.X., mais nous remettons en question son opinion voulant qu'Antigonish soit plus agréable que la vallée d'Annapolis.

Ceux qui ont tendance à dénigrer nos institutions gouvernementales auraient intérêt à étudier le travail du sénateur Stewart tant ici qu'à l'autre endroit. Il a toujours considéré comme très important le rôle du Parlement dans la société canadienne, tout comme il tenait pour essentiels les processus parlementaires, le rôle d'une opposition raisonnée et la tenue de bons débats. Et c'était le cas peu importe qui avait la parole si les propos qu'il entendait étaient sensés. Cela étant dit, il n'a jamais dérogé à la discipline de parti, ce qui fait de lui un bon libéral. En outre, il n'a presque jamais raté une séance depuis sa nomination. Le sénateur Stewart prenait ses responsabilités très au sérieux.

Ce sera difficile de ne plus le voir en face de moi et d'observer ses expressions pendant que des points, bons et mauvais, seront soulevés dans cette pièce.

John, vous n'avez jamais hésité à rendre hommage à ceux qui relevaient le niveau du débat au Sénat, et c'est maintenant notre tour d'en faire autant avec vous pour toutes les excellentes contributions que vous avez apportées au Parlement et l'étude que vous en avez faite durant toute votre carrière. Nous vous offrons nos meilleurs voeux à l'occasion de votre départ du Sénat. Nous voulons aussi vous souhaiter un joyeux anniversaire.

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, aujourd'hui, nous disons adieu à l'un des parlementaires les plus éminents et les plus dévoués que j'aie eu l'honneur de connaître depuis 37 ans. Comme il a été convenu aujourd'hui, le Sénat perdra l'un de ses membres les plus remarquables quand le sénateur John Stewart prendra sa retraite demain. Pour nous, de ce côté-ci de l'enceinte, il est bien près d'être irremplaçable.

Le sénateur Stewart a consacré sa vie à l'apprentissage, à l'enseignement et à la fonction publique dans sa province, la Nouvelle-Écosse, et notamment à l'Université St. Francis Xavier, dans sa belle ville natale d'Antigonish. Il a été un partisan et la conscience du Parti libéral de la Nouvelle-Écosse et du Parti libéral du Canada. Il est entré en politique fédérale en 1962 en qualité de député libéral d'Antigonish-Guysborough, poste qu'il a occupé pendant trois mandats. C'est durant cette période - j'étais alors une jeune journaliste parlementaire - que je l'ai connu.

Pendant ses années à l'autre endroit, John Stewart est devenu un expert non seulement des usages parlementaires, mais encore des subtilités du Règlement et de la procédure des deux Chambres de cette institution nationale qu'est le Parlement. Comme les sénateurs des deux côtés le savent, il s'agit là d'un domaine complexe que peu d'entre nous ont la capacité, la volonté ou la patience de maîtriser, mais cela est absolument vital pour le bon fonctionnement du Sénat et de l'autre endroit. Le sénateur Stewart nous a fait profiter de son expertise avec sagesse et jugement. Je sais que les sénateurs de ce côté-ci s'ennuieront sérieusement de ses conseils.

Ce pourrait bien être une journée marquante pour le sénateur Stewart. Le sénateur Murray lui a offert un poste perpétuel. Cependant, je l'invite à réfléchir sérieusement à cette proposition parce qu'il pourrait probablement faire une petite fortune en devenant consultant en procédure parlementaire.

Depuis sa nomination au Sénat par le premier ministre Trudeau, il y a presque 16 ans, le sénateur Stewart s'est intéressé à de nombreux domaines où il a pu mettre ses compétences à contribution. Il s'est occupé des dossiers relatifs à sa propre région, comme ceux dont le comité des pêches a été chargé; de dossiers complexes comme ceux dont s'occupent le comité des finances nationales et le comité des banques et du commerce; et, finalement, des questions internationales, en tant que président de notre comité des affaires étrangères depuis 1986, ce qui fait un long mandat pour un président de comité. Le leadership dont il a fait preuve au comité des affaires étrangères a été «cool» et «formidable», comme diraient les jeunes.

Le sénateur Stewart a eu une grande influence sur beaucoup d'entre nous. J'ai vécu un moment magique après les élections de 1988, lorsque le sénateur Stewart m'a demandé si je voulais faire partie du comité des affaires étrangères. J'ai alors pensé que j'avais vraiment réussi. Il m'est ensuite apparu que je ne devais servir que pendant le congé des Fêtes pour que nous puissions respecter notre engagement d'adopter l'Accord de libre-échange avant le 1er janvier 1989, au cas où nos vis-à-vis déclencheraient des élections.

(1450)

Quoi qu'il en soit, cette période a été riche et fertile. J'en garde un excellent souvenir. Une fois ce chapitre terminé, je suis revenue à mes fonctions normales au Sénat. Il me reste encore à être appelée comme membre de ce comité mythique qu'est le comité des affaires étrangères. Je garde espoir d'y parvenir.

Je voudrais m'arrêter un instant à ce que le sénateur Stewart a accompli au sein de ce comité. Au cours d'une décennie agitée par des regroupements commerciaux internationaux changeants, par des perturbations financières et commerciales survenues dans différentes régions du monde et ayant des répercussions au Canada et par une augmentation malheureusement trop régulière du nombre des conflits militaires féroces, le sénateur Stewart a dirigé le comité dans des études réfléchies et approfondies qui ont servi aux décideurs et aux dirigeants politiques du Canada et d'ailleurs, lorsqu'ils ont eu l'intelligence de lire les rapports ou s'en sont donné la peine. Il ne fait aucun doute que John Stewart s'est attaché personnellement et avec énergie à définir une position réaliste devant notre préoccupation constante pour la paix dans le contexte actuel qui, comme il l'a dit dans une de ses premières interventions au Sénat, tend parfois à nous lasser et à nous décourager de continuer de nous battre pour notre cause.

Alors qu'il parlait en faveur de la création de l'Institut canadien pour la paix et la sécurité internationales, en juin 1984, il nous a exhortés à «dissiper la brume de l'ennui et du cynisme». Il a décrié ceux qui ne parlaient que du «problème de la paix». En lui disant au revoir aujourd'hui, j'aimerais lire un court extrait du discours qu'il a prononcé alors, qui encourage les Canadiens à poursuivre leurs efforts, chacun à sa façon, afin de sauvegarder l'optimisme quant à la paix mondiale.

Voici ce que disait John Stewart le 28 juin 1984 en cette Chambre:

Comme le dit le vieux proverbe, il faut avoir une vigilance constante pour préserver la liberté. Il faut fournir des efforts constants pour maintenir la paix. Nous devons faire et refaire la paix jour après jour, année après année. Nous devons revenir sur nos pas, refaire les mêmes choses, nous instruire nous-mêmes et instruire les nouvelles générations au fur et à mesure qu'elles arrivent. Cette répétition ne doit pas nous faire croire que nous n'accomplissions rien. Chaque jour que la paix est maintenue, nous avons accompli quelque chose et nous devons adopter de nouvelles méthodes à mesure que la situation évolue.

Honorables sénateurs, des paroles de ce genre font partie de l'héritage que nous laisse John Stewart, comme le travail qu'il a accompli en cette Chambre, au Parlement, pour le Canada et pour le monde entier. Je suis personnellement triste de le voir partir. C'est un bon ami depuis très longtemps. Son appui discret et constant, lorsque j'étais leader du gouvernement au Sénat, fut généreux et bien avisé. Je n'aurais pu accomplir cette tâche sans lui. Je lui souhaite une bonne santé et du bonheur alors qu'il retourne vers sa province adorée et vers Antigonish.

John, continuez à parler et à écrire. Nous avons besoin d'entendre votre voix. Vous me manquerez, à moi, à mon mari Mike et à Bessie.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, c'est un véritable privilège de prendre la parole à l'occasion du départ à la retraite du sénateur Stewart.

Ceux qui ont connu le sénateur Stewart beaucoup plus longtemps que moi lui ont déjà rendu hommage. Je voudrais quand même partager certaines réflexions avec mes collègues. Je tiens tout d'abord à souligner que c'est le sénateur Stewart qui nous a enseigné l'art du débat parlementaire. À mon arrivée au Sénat il y a six ans, je me suis souvent surprise à écouter les discours les plus éloquents qu'il m'a été donné d'entendre. Cependant, c'est aussi le sénateur Stewart qui nous a appris que le Parlement, c'est plus que des discours éloquents, c'est la capacité de communiquer entre nous, de nous poser des questions, d'en arriver à des consensus et de trouver des terrains d'entente. Je veux le remercier de m'avoir enseigné qu'il n'y a pas que mes compétences qui comptent, il y a aussi ma capacité d'écouter les autres. Dans l'intérêt national, nous devons tenter de trouver des terrains d'entente.

Depuis mon arrivée au Sénat, j'ai eu l'honneur de siéger au comité des affaires étrangères et d'en occuper le poste de vice-présidente. Permettez-moi de paraphraser, bien piètrement je m'en excuse, ce que le sénateur Stewart a déclaré à notre comité. La plupart des sénateurs se présentent au comité en voulant faire valoir leur propre point de vue. Comme il le disait, du haut de notre propre piédestal, nous voulons tous dominer, avec notre tempérament, nos idées, notre philosophie et nos objectifs. Il incombe au président de trouver le moyen de réunir tous ces éléments disparates et de les convaincre d'unir leurs efforts. Le sénateur Stewart a certainement été en mesure de relever ce défi au comité des affaires étrangères.

Nous n'étions pas faciles. Nous avions tous des opinions bien arrêtées. Le sénateur Stewart nous a certes tous donné la possibilité de prendre la parole et de faire valoir notre point de vue. Il avait la plus belle qualité qu'un président puisse avoir: il était juste - juste à l'égard de tous les membres du comité, à l'égard de la question et à l'égard des responsabilités du Sénat. Il a apporté au comité ce que je chéris le plus, à savoir une allure intellectuelle.

Environ six mois après mon arrivée ici, alors que je déployais toute mon éloquence sur un point ou sur un autre, un sénateur a conseillé qu'on ne s'inquiète pas parce que j'étais une intellectuelle. Et cela ne se voulait pas du tout un compliment. Chaque fois que j'ai pris la parole sur une question, toutefois, j'ai eu le sentiment que le sénateur Stewart nous encourageait à plus de raffinement et de réflexion dans l'étude des questions dont nous étions saisis. À la façon qu'il avait de nous complimenter, à la fin d'une séance, sur un point que nous avions soulevé, on comprenait qu'il suffisait de pousser plus loin dans ce sens pour gagner du terrain. Il avait le don de nous rappeler à l'ordre de temps à autre. Plus souvent qu'autrement, il avait le don de nous amener à travailler un peu mieux et un peu plus fort au comité.

Comme le sénateur Bolduc l'a dit, nos rapports sont éloquents. Ils ont été examinés par des représentants de secteurs importants, parfois par des gens du gouvernement, parfois par des gens des gouvernements d'autres pays, et toujours par ceux qui étudient les questions de politique étrangère.

Dans son travail, le sénateur Stewart s'est toujours servi de son charme et de son esprit et a toujours montré un désir sincère de faire avancer les affaires du Sénat. Plus souvent qu'autrement, lorsque les autres perdaient la tête, le sénateur Stewart était capable de garder la sienne et d'agir en gentleman. La capacité de garder son calme et sa civilité et d'assurer la bonne marche du processus sont les plus grands cadeaux qu'on puisse avoir.

Sénateur Stewart, je vous remercie pour toutes vos années à la tête du comité des affaires étrangères. Je vous remercie pour les choses que vous nous avez enseignées. D'autres sénateurs ont parlé assez longuement de vos aptitudes pour l'enseignement, alors je ne m'attarderai pas sur ce point. Toutefois, je partage certainement leur point de vue. L'excellence de nos rapports et leur opportunité au plan politique sont évidentes, et c'est grâce à vous, sénateur Stewart.

(1500)

J'espère que le sénateur Stewart continuera de suivre de près notre travail. J'espère qu'il continuera de se plaire dans le milieu universitaire et le milieu politique et, surtout, j'espère qu'il continuera à pousser les Canadiens à atteindre les niveaux de curiosité et d'excellence qu'il a atteints dans cette enceinte.

L'honorable Peter A. Stollery: Honorables sénateurs, c'est un moment que j'ai appréhendé - la retraite du sénateur John Stewart. Je ne connaissais pas le sénateur Stewart avant son arrivée au Sénat, en 1984. Lorsque je l'ai rencontré la première fois cette année-là, j'ai dit à des amis: «Mon Dieu! Non seulement il y a MacEachen, que nous connaissons depuis tant d'années, mais ils sont tous les deux pareils.»

Quelqu'un a parlé du respect du sénateur Stewart pour les leaders parlementaires. Je comprends cela. Nous avons oublié que, depuis 1984, nous avons des gouvernements majoritaires. Le sénateur Stewart a été élu par une faible majorité dans trois législatures où le gouvernement était minoritaire. J'ai aussi été élu dans deux législatures où le gouvernement était minoritaire. Dans cette atmosphère, on apprécie la responsabilité du leader parlementaire.

J'ai toujours eu une grande admiration pour le sénateur MacEachen et, lorsque j'ai fait la connaissance du sénateur Stewart, en 1984, je suis devenu un fervent admirateur de ce dernier. Il a apporté une contribution énorme au comité des affaires étrangères, dont je suis membre depuis que nous avons entamé nos audiences sur l'Accord de libre-échange, en 1986. Le comité s'est réuni très fréquemment, et le sénateur Stewart en est devenu le président. Il est tout simplement impossible d'expliquer à quel point le sénateur Stewart a eu une incidence sur notre comité.

Honorables sénateurs, le sénateur Stewart est un merveilleux professeur. Les gens qui l'ont connu avant moi nous l'ont dit. Cependant, moi qui ai fait la connaissance du sénateur Stewart ici, au Sénat, je peux maintenant affirmer qu'il est, du moins à mes yeux, le plus grand professeur qu'il m'ait jamais été donné de rencontrer. Il nous a enseigné comment traiter les affaires publiques. Il a de grands idéaux et de grands principes.

De plus en plus, à mesure que nous vieillissons tous, nous nous interrogeons sur les idéaux et les principes. Lorsqu'on rencontre une personne comme le sénateur Stewart, l'expérience est très stimulante. Il est peut-être politologue, mais il est aussi philosophe. Ce n'est pas un hasard s'il affectionne tout particulièrement l'oeuvre de David Hume. Il partage les mêmes valeurs que lui.

Il a fait un apport incommensurable à notre comité des affaires étrangères, qui a rédigé d'excellents rapports sous sa présidence. Notre défi consiste désormais à maintenir ce niveau d'excellence.

Je ne peux pas ajouter grand-chose à cela, sinon que je suis enchanté d'avoir entendu la motion du sénateur Murray. Ainsi, d'une façon ou d'une autre, le sénateur Stewart continuera d'aider le comité des affaires étrangères et de faire une importante contribution à la vie du Sénat et, par extension, à la vie publique au Canada.

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, le sénateur Graham a mentionné plus tôt que le sénateur Stewart avait quitté en 1968 le siège d'Antigonish, qui avait fait l'objet d'un remaniement électoral, pour retourner enseigner à l'université. Cependant, je crois qu'il a oublié de signaler que le sénateur Stewart, avant d'aller à l'Université St. FX, s'était rendu dans la région de Yarmouth, dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, et s'était présenté aux élections de 1968 contre un jeune homme appelé Louis Comeau. C'était la première fois que je votais à des élections fédérales. Je ne devrais pas avouer pour quel parti j'ai voté, mais je pense que le sénateur Stewart me pardonnera d'avoir voté pour Louis Comeau, qui était candidat du Parti progressiste-conservateur à l'époque. En fait, je crois que le sénateur Stewart m'a pardonné cela en plusieurs occasions.

Mon but n'était pas d'évoquer une élection tenue il y a 31 ans, mais de faire savoir que j'aurais bien aimé que nous disposions d'un peu plus de temps pour réorganiser le comité sénatorial permanent des pêches pour être en mesure de prononcer là les discours de circonstance que nous voulions adresser au sénateur Stewart, car il en a été un membre très actif. Au nom des membres du comité des pêches, je le remercie de la façon dont il a contribué au règlement des dossiers complexes sur lesquels nous avons eu à nous pencher au fil des ans. Ses formidables capacités de recherche, ses connaissances approfondies et son savoir-faire lui ont valu le respect des membres du comité, des témoins et de l'industrie. Quand il se présentait des cas compliqués, le sénateur Stewart avait le don de tout simplifier. Il était toujours disposé à nous faire part de ses sages conseils.

En mon nom personnel et au nom de mes collègues, sénateur Stewart, je tiens à dire que vous nous manquerez. Vous avez été pour nous tous un très bon professeur.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, pour toutes ces choses qui sont honorables, justes et vraies, j'aimerais faire miens les mots qui ont été prononcés aujourd'hui à l'endroit du sénateur John Stewart. Mon voisin de fauteuil, le sénateur Watt, et moi-même avons été assermentés le même jour, en janvier 1984. C'est à cette occasion que j'ai rencontré le sénateur John Stewart. On peut dire qu'en gros, nous sommes arrivés tous en même temps.

Sénateur Stewart, j'ai lu de vos livres. J'ai récemment terminé votre dernier ouvrage, celui sur David Hume. Je dois cependant avouer que le sénateur Stewart m'en a offert un exemplaire pour se faire pardonner d'avoir gardé pendant trois ans un autre ouvrage que je lui avais prêté. En m'offrant son livre, il m'a dit qu'il ne me ferait pas payer de frais de gardiennage pour l'autre.

Le sénateur Stewart a siégé avec moi à différents comités. Je me souviens particulièrement de l'époque où il avait remplacé provisoirement un collègue à un comité spécial chargé d'étudier le projet de loi C-21 sur l'assurance-chômage et où nous avions dû nous rendre à Canso, en Nouvelle-Écosse. Il faut dire au sénateur Murray et aux sénateurs conservateurs d'en face qu'en 1989, lors de ce déplacement particulier dans cette région particulière, nous avions rallié l'opinion publique et les médias contre ce projet de loi.

Honorables sénateurs, le Néo-Écossais John Stewart, d'origine écossaise, et le sénateur Allan J. MacEachen, également Néo-Écossais et d'origine écossaise, représentaient à eux deux une présence avec laquelle il fallait compter. Lors de la campagne d'obstruction menée en 1990 dans cette enceinte au sujet de la taxe sur les produits et services, ils ont fait peser sur le sénateur Murray, leader du gouvernement, et une certaine autre personne de la Nouvelle-Écosse d'origine écossaise tout le poids de la foule qu'ils représentaient.

(1510)

Honorables sénateurs, Edward Blake passe auprès d'un grand nombre pour être le meilleur des avocats à avoir siégé au Parlement canadien, et Allan J. MacEachen, pour être le meilleur parlementaire à avoir jamais servi notre pays. Je voudrais ajouter que John Stewart a été assurément le plus grand érudit et philosophe à avoir jamais servi le Canada. Le caractère exceptionnel de sa fine intelligence, la clarté de son esprit, la connaissance qu'il avait du fonctionnement du Parlement, des principes et de la morale ont permis au Parti libéral de traverser cette période très pénible et parfois noire passée dans les rangs de l'opposition de 1984 à 1993.

Je voudrais remercier le sénateur Stewart et lui exprimer de façon poétique l'affection et le respect particuliers que j'ai pour lui. Puisque vous êtes Néo-Écossais, sénateur Stewart, la «belle dame de Canso», comme m'a appelée une fois le sénateur MacEachen, vous dit: «Bon vent, capitaine.»

Certains d'entre nous, honorables sénateurs, avons assisté il y a quelques années à la conférence MacEachen à l'Université St. Francis Xavier, à Antigonish, et avons eu l'occasion d'examiner de près une institution où ont été formés les plus grands de ce pays. Je voudrais pour terminer vous lire une citation de la Bible dont cette école a fait sa devise. Elle est tirée de l'Épître aux Philippiens, chapitre 4, verset 8:

Au reste, frères, que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l'approbation, ce qui est vertueux et digne de louange, soit l'objet de vos pensées.

Sénateur Stewart, je vous souhaite une excellente retraite. J'attends avec impatience votre prochain livre sur David Hume. Vous quittez cet endroit accompagné de notre profond respect et de toute notre affection.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, en tant que leader du gouvernement, je voudrais m'associer aux louanges dont mes collègues ont su mieux que je ne saurais le faire combler le sénateur Stewart. Je voudrais également rendre hommage à l'immense contribution que le sénateur Stewart a faite au Parti libéral et à la fonction publique du Canada, dans cette institution et dans l'autre endroit.

Pour terminer sur une note personnelle, je dois dire que je me sens un peu lésé, en fait, doublement lésé, et je vais vous expliquer pourquoi.

Je suis arrivé ici il y a quelques semaines, ayant terriblement besoin d'un mentor de la qualité du sénateur Stewart. Il a été assez gentil pour me parrainer dans cette institution et le fait qu'il nous quitte maintenant, alors que mon éducation a à peine commencé, restera toujours pour moi un profond regret.

Je dois vous dire que ce n'est pas la première fois que cela m'arrive. En 1962, je suis arrivé à l'Université St. Francis Xavier, à Antigonish, impatient d'étudier la philosophie et les sciences politiques et espérant sans trop y croire pouvoir devenir un étudiant de John Stewart, le professeur, un peu comme il y a quelques semaines. Malheureusement pour moi, peu de temps après mon arrivée à l'université, il est parti pour relever le défi de la vie politique et mener une carrière tout à fait brillante. À ce moment-là, j'ai perdu l'occasion de suivre les enseignements d'un maître.

Honorables sénateurs, je dis cela pour une raison. Le sénateur Stewart saurait que, dans la culture et la tradition écossaises, les présages font partie des croyances. Ce sont des choses qui annoncent les événements à venir. Mon arrivée à l'Université St. Francis Xavier en 1962 a été le signe, pour le sénateur Stewart, du début d'une nouvelle et brillante carrière, malheureusement pour moi. Je suis persuadé que mon arrivée au Sénat, il y a quelques semaines, présage encore une fois une carrière nouvelle, excitante, importante et brillante pour lui.

L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorables sénateurs, j'aimerais me joindre à mes collègues pour rendre hommage à l'honorable sénateur John Stewart. Je tiens à souligner que je partage de tout coeur les sentiments qui ont été si éloquemment exprimés par bon nombre de nos collègues cet après-midi. Je n'ajouterai que quelques mots.

Le sénateur John Stewart a des liens très forts avec l'Île-du-Prince-Édouard. Son père est né dans ma province et une bonne partie de sa famille y réside toujours. Bien que le sénateur Stewart n'y soit pas né lui-même, il y a vécu pendant cinq ans et je le considère donc comme un résident de l'île. La maison Stewart du chemin Keppoch, près de Charlottetown, est maintenant la propriété du docteur Colin McMillan, le frère de l'honorable Tom McMillan, qui a fait partie du Cabinet de Brian Mulroney.

Venant moi-même de la région atlantique du Canada, je dois dire que je suis très triste de voir le sénateur Stewart nous quitter. Son expérience, ses connaissances dans de nombreux domaines et son engagement face au Canada atlantique nous manqueront certainement beaucoup.

Depuis mon arrivée au Sénat, il y a deux ans, j'ai souvent demandé de l'aide et des conseils au sénateur Stewart. Je voudrais le remercier publiquement aujourd'hui pour tout ce qu'il a fait pour moi.

Comme quelqu'un l'a souligné ici cet après-midi, le sénateur Stewart a laissé sa marque dans cet endroit et sa présence et ses interventions nous manqueront énormément. Toutefois, je suis persuadée qu'il continuera de travailler pour le mieux-être de tous les Canadiens.

Sénateur Stewart, je vous transmets mes meilleurs souhaits à l'occasion de votre retraite.

[Français]

L'honorable Léonce Mercier: Honorables sénateurs, on garde les derniers orateurs, les meilleurs, pour la fin; je me sens un peu mal à l'aise pour rendre hommage à mon collègue. Lors de la réception, l'autre soir, à l'entrée du Sénat, des prix fabuleux et très chers d'ailleurs ont été distribués. Mes trois collègues, les sénateurs Bacon, Ferretti Barth et Maheu, étaient assises à ma table. Elles regardaient de temps à autre le sénateur Stewart. Je leur ai demandé: «Qu'est-ce que vous avez à le regarder?» Elles m'ont dit: «M. Mercier, le sénateur Stewart a l'air plus jeune que vous.» Je suis donc indisposé pour en parler.

Je crois, honorables sénateurs, qu'il faudrait changer un peu la façon de faire les choses à l'occasion du départ d'un sénateur. Vous n'avez pas dit encore le meilleur de cet homme. Cela n'a pas de sens, ce que vous dites. J'ai une liste de choses que je vais vous dire, des vérités, pas des inventions. Cela fait trois ans que je le connais. Pour finir ces hommages bien mérités aujourd'hui, celui qui nous quitte pourrait proposer l'ajournement pour que tout le monde parte en même temps. Cela va être difficile de se retremper tantôt. On vit la nostalgie. On n'a pas le temps de se dire qu'un tel a bien parlé. Finis les beaux discours, on arrive à la période des questions. N'avez-vous pas pensé que si le sénateur Stewart s'en va, je perds un vote? On devrait essayer de changer notre façon de faire pour marquer de manière importante le départ de quelqu'un.

Quand je fréquentais la petite école et que l'inspecteur venait nous visiter, il nous donnait congé. On pourrait faire la même chose au Sénat. Ce que nous avons à l'ordre du jour peut attendre à demain ou à lundi. Nous n'avons rien de terrible à entendre aujourd'hui, à moins de m'entendre parler. N'oubliez pas, sénateur Stewart, de demander l'ajournement.

J'allais oublier des choses extraordinaires qui me fascinent. Vous avez oublié, honorables sénateurs, de dire que cet homme a démontré les qualités nécessaires pour être sénateur, qu'il était un homme intelligent dans ses discussions et sage comme président de comité. Il a fait face à de nombreux défis avec distinction et en montrant un grand sens des responsabilités. Comme sénateur, il a aidé à établir la réputation impeccable du Sénat. Cet homme a marqué le Sénat comme d'autres personnes le marqueront dans l'avenir. Pendant les trois années au cours desquelles j'ai eu la chance de travailler avec lui, j'ai pu apprécier ses qualités d'honnêteté, de sincérité et de respect envers les autres. Dans sa vie personnelle comme dans sa vie professionnelle, il a su gagner le respect et l'admiration de ses collègues et de ses connaissances.

[Traduction]

(1520)

C'est un excellent politicien. Il est écouté parce qu'il a montré, à maintes et maintes reprises, qu'il était capable de s'occuper avec compétence de toutes les situations. Le sénateur Stewart vit d'après le précepte «Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse à toi-même.» Voilà une excellente règle de vie.

Enfin, sur une note personnelle, je voudrais féliciter le sénateur d'une chose dont d'autres pourraient sûrement témoigner, à savoir son merveilleux sens de l'élégance, et j'aimerais qu'il me donne le nom de son tailleur avant qu'il nous quitte.

Je sais que je parle au nom de tous en disant que le Sénat du Canada perd aujourd'hui un excellent représentant. Sa perspicacité et sa sagesse nous manqueront. Je vous souhaite tout le bonheur possible.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, comme le sénateur Graham l'a dit, en 1962, on m'a invité à songer à obtenir l'investiture libérale dans la circonscription fédérale d'Antigonish-Guysborough. Je ne savais pas comment réagir. Le député progressiste-conservateur de l'époque, Clement O'Leary, qui devint plus tard un membre de notre honorable Chambre, était très estimé. De plus, à côté de la machine politique de Stanfield, la «Big Blue Machine» de l'Ontario avait l'air plutôt dépassée. Mes chances de gagner étaient très faibles. Finalement, j'ai cédé à la tentation. J'ai justifié ma décision en me disant qu'en tant que professeur de sciences politiques, il était de mon devoir de me lancer dans cette campagne comme si je faisais un travail de recherche universitaire.

En fin de compte, je fus élu avec une majorité de 113 voix. J'attribue une grande partie de mon succès - beaucoup plus que ces 113 voix - au travail d'Alasdair Graham. J'ai ensuite réussi à me faire réélire en 1963 et en 1965. Le réaménagement de la carte électorale avant les élections de 1968 a eu pour effet de fusionner la majeure partie de la circonscription d'Antigonish-Guysborough avec celle d'Allan MacEachen. Je suis donc allé courir ma chance dans la circonscription de South West Nova.

Hélas! Contrairement à ce qui se passait dans la majeure partie du reste du Canada, les Néo-Écossais ne furent pas possédés par la Trudeaumanie lors de ces élections. Encore une fois, nous, les libéraux, faisions la lutte à M. Stanfield, le chef de l'époque du Parti progressiste-conservateur. Allan MacEachen fut le seul libéral élu dans notre province. Après ma défaite dans South West Nova, je suis retourné enseigner à l'Université St. Francis Xavier.

Puisque ce fut pour moi une entreprise intellectuelle, je devrais parler un peu des résultats de ma recherche. Qu'ai-je appris à la Chambre des communes? D'abord, j'ai appris à connaître les gens d'Antigonish et de Guysborough et j'ai appris beaucoup de choses au sujet de leurs quais, de leurs brise-lames et, surtout, de l'absolue nécessité de terminer les travaux de dragage avant le début de la saison du homard tôt le printemps. Deuxièmement, j'ai appris quels étaient les problèmes économiques de l'ouest du Canada. Troisièmement, en travaillant avec George McIlraith, le leader du gouvernement à la Chambre, j'ai acquis un nouveau respect pour la procédure parlementaire. J'ai appris qu'il faut de bonnes règles pour qu'une assemblée législative fonctionne bien.

En janvier 1984, j'ai été nommé au Sénat. Encore une fois, j'étais motivé uniquement par la recherche intellectuelle, ou du moins c'est ce que je croyais. Qu'ai-je appris au Sénat? D'abord, j'ai acquis un nouveau respect pour cette Chambre. Ce n'est pas du tout un «club des vieux», comme le prétendent certains professeurs et certains journalistes. Deuxièmement, j'ai appris que le Sénat peut faire un travail législatif fort important. Bien des députés de l'autre endroit ont peu de temps à consacrer aux projets de lois non controversés ou purement techniques, et c'est compréhensible. Par conséquent, le travail du Sénat complète celui de la Chambre des communes. Troisièmement, j'ai découvert la vraie valeur du travail des comités.

La simple mention du travail des comités me fait penser au comité sénatorial permanent des affaires étrangères. Récemment, nous avons reçu deux renvois; l'un sur les conséquences de l'intégration croissante des pays européens pour le Canada et l'autre sur le rôle du Canada dans le maintien de la paix. Hier, j'ai présenté le rapport du comité sur le premier de ces renvois.

Les sénateurs soulignent souvent l'importance des rapports des comités; cependant, je crois que nous accordons trop peu d'attention à certains de ces rapports en cette Chambre. Par exemple, notre rapport sur le Canada en Asie-Pacifique a attiré beaucoup d'attention aux antipodes et bien peu au Sénat même. J'espère que notre rapport sur l'Europe suscitera un débat ici.

Le deuxième rapport, sur le Canada et le maintien de la paix, devrait être prêt d'ici quelques semaines. Dans ce cas, je suis sûr que vous discuterez fermement des constations et des recommandations du comité. En fait, j'espère que le rapport du comité vous provoquera suffisamment pour déclencher un tel débat.

Je tiens à remercier le comité des banques et du commerce, et surtout le sénateur Kirby, pour tout ce que j'ai appris à titre de membre de ce comité. Il en va de même pour le comité des pêches, présidé par le sénateur Comeau.

Sénateur Comeau, ne regrettez pas de n'avoir pas voté pour moi en 1968 car, même si vous l'aviez fait, j'aurais quand même été défait par une marge de plus de 2 000 voix.

Il y en a beaucoup d'autres à remercier. Je mentionne Irene Duy, qui a été ma secrétaire durant presque toutes mes années au Sénat. Aucune tâche n'était jamais trop difficile pour elle. Je suis heureux de la voir avec son mari à la tribune cet après-midi.

David Murphy a été mon recherchiste. Ses connaissances et son travail assidu m'ont été indispensables, surtout dans le cadre des travaux du comité des affaires étrangères.

David Raynor, qui est professeur à l'Université d'Ottawa et un parent de notre ancien collègue Heath Macquarrie, n'a cessé de me rappeler tout ce que doivent à David Hume et Adam Smith les politiques modernes. Je tiens à vous dire que j'ai commencé dans les années 80 à écrire un livre sur Adam Smith et que j'ai abouti à un deuxième livre sur David Hume. Les liens sont si intimes entre ces deux auteurs! Smith s'est appuyé directement sur les bases jetées par son prédécesseur légèrement plus vieux.

(1530)

Comme on l'a dit sans exagération dans l'avant-propos du rapport que j'ai présenté hier, le comité s'est beaucoup fié sur la compétence de Peter Berg, notre recherchiste. Dans le cas du rapport sur le maintien de la paix, Wolfgang Koerner n'a pas ménagé ses efforts en essayant avec beaucoup de succès de se tenir au courant de toutes les nouvelles sur le Kosovo, la défense européenne, l'OTAN et les Nations Unies. Cette référence, proposée par le sénateur Lynch-Staunton, s'est révélée être tout à fait opportune. David Goetz nous a aidés avec ses recherches remarquables sur deux questions: d'une part, l'intervention de l'OTAN en Yougoslavie sans mandat des Nations Unies et d'autre part, le rôle que le Parlement devrait jouer lorsque le Canada participe à des missions de maintien de la paix.

Trois greffiers ont servi le comité au cours des dernières années. Je parle de Serge Pelletier, Line Gravel et Till Heyde. Ici et à l'étranger, ils ont été nos pilotes fidèles et habiles.

Tous les gens qui ont travaillé autour du Sénat ont joué un rôle très utile, qu'il s'agisse du Président, des services du greffier, du personnel en général et, bien entendu, de nos agents de sécurité.

Notre collègue, le sénateur Fairbairn, a parlé de Bessie. Bessie est une chienne formidable et je prie le sénateur Fairbairn de la saluer de ma part.

Je veux remercier tous ceux d'entre vous qui m'ont rendu hommage ici aujourd'hui, ainsi que tous ceux qui m'ont parlé en privé. Vous avez grandement exagéré mes qualités et, par conséquent, vous avez placé la barre très haut pour moi à l'avenir. Je vous remercie rétrospectivement et d'avance pour tous vos bons mots.

Des voix: Bravo!

[Français]

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, avant de passer aux affaires courantes de la journée, je voudrais profiter de cette occasion pour vous remercier de la confiance que vous m'avez accordée en me nommant à ce poste. Je suis très honorée et très touchée. Avec votre collaboration, nous allons travailler dans le meilleur intérêt du Sénat.

[Traduction]

Je suis certaine que nous allons tous travailler ensemble pour le Sénat dans le respect et la dignité.

Je souhaite bonne chance au sénateur Stewart.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée nationale de l'enfant

L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour marquer la Journée nationale de l'enfant, que nous célébrerons le samedi 20 novembre. Cette année, cet événement attire une attention toute particulière car il se trouve que c'est le dixième anniversaire de l'adoption de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

Dans le dernier discours du Trône, le gouvernement a pris plusieurs engagements à l'égard des enfants du Canada. Il y décrit sept initiatives précises qui seront des priorités au cours des cinq prochaines années. Aussi importantes que soient ces sept initiatives, je me sens plus particulièrement attirée par l'une d'entre elles, celle qui concerne l'appui au développement des enfants pendant la petite enfance.

Au nombre des grands spécialistes dans le domaine du développement du jeune enfant figure le docteur Fraser Mustard. Ses travaux de recherche ont montré qu'une intervention précoce est essentielle au développement de l'enfant étant donné qu'elle jette les bases aux fins de l'apprentissage, du comportement et de la santé pendant tout le cycle de vie. Ses travaux ont donné naissance à divers programmes dans le domaine du développement du jeune enfant partout au Canada.

Je tiens à porter aujourd'hui à votre attention un de ces programmes, soit la «Child Alliance Initiative» de l'Île-du-Prince-Édouard. Cette initiative communautaire a été adoptée en juin 1998 par un groupe de citoyens intéressés. Elle réunit des groupes et des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux qui oeuvrent auprès des jeunes enfants et de leur famille. On veut se donner un moyen d'étudier les solutions possibles et de s'attaquer aux causes fondamentales des problèmes sociaux compliqués qui affligent les jeunes enfants.

L'Île-du-Prince-Édouard exerce par le biais de cette initiative un vrai rôle de leader dans le domaine. Un programme précis rendu possible grâce au soutien de la «Child Alliance Initiative» est intitulé: «Meilleur départ.» C'est un programme intensif de sélection et de visite à domicile destiné à offrir du soutien aux enfants, de la naissance jusqu'à l'âge de trois ans.

Après la naissance de leur enfant, les parents de la région se verront offrir la possibilité de participer volontairement à un processus d'évaluation et de sélection dont la mise en oeuvre incombera à des infirmières en santé publique. Les familles qui auront droit au soutien à domicile seront dirigées vers un agent du programme «Meilleur départ.» Ce programme vise entre autres choses à améliorer le fonctionnement de la famille et à favoriser une interaction parent-enfant positive ainsi qu'une saine croissance pendant l'enfance. Le programme sera évalué en juin 2000.

Honorables sénateurs, les enfants représentent notre avenir et cette année, à l'occasion de la Journée nationale de l'enfant, chaque collectivité devrait se donner comme objectif de faire en sorte que les premières années des enfants soient leurs meilleures années. Si nous voulons que les jeunes Canadiens se manifestent et accomplissent des réalisations pour eux, pour les autres et pour l'avenir, nous devons veiller à ce que les programmes comme ceux qui sont mis de l'avant par la «Child Alliance Initiative» deviennent une priorité nationale.

M. Irwin Cotler

Félicitations à l'occasion de son élection comme député de la circonscription de Mont-Royal

L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, je félicite aujourd'hui mon ami et collègue nouvellement élu, le professeur Irwin Cotler, leader confirmé dont les interventions et les propos s'inscrivent dans la tradition, l'histoire et l'héritage d'anciens leaders de la circonscription de Mont-Royal comme Pierre Elliott Trudeau et John Humphrey.

Les droits de la personne, la Charte canadienne des droits et libertés, les conventions internationales sur les droits de la personne et la primauté du droit déterminent la qualité de vie dans un pays démocratique. Ces questions fondamentales, et bien d'autres, donnent un sens à la vie de tous les jours et elles caractérisent les activités d'Irwin Cotler. Son nom est connu de tous ceux qui, au Canada, tiennent fermement à préserver notre société démocratique et nos droits fondamentaux. Il est clair qu'un sens inné de justice est à la base de son engagement à préserver ces valeurs. Il comprend les précieux principes et idéaux qui sous-tendent le respect de la diversité et le droit des peuples à garder leurs propres liens spirituels et culturels. Il comprend que les garanties de préservation et de respect des coutumes sont synonymes du droit de vivre et d'être libre et que la coexistence et la tolérance devraient être la norme dans notre société canadienne.

[Français]

Comme l'a dit à La Presse Alan Dershowitz, professeur à Harvard, en considérant notre nouveau membre du Parlement:

C'est un grand défenseur des droits de la personne, en plus, c'est la personne la moins égoïste que je connaisse. Il ne s'intéresse pas à lui.

Il a voyagé partout dans le monde à ses frais pour défendre des hommes qui, hier encore, étaient en prison pour leurs opinions. Ceux-ci lui doivent un peu de leur liberté: Nelson Mandela en Afrique du Sud, Anatoli Scharansky en Israël, Andreï Sakharov en Russie, le Nobel de littérature Wole Soyinka au Nigeria, Jacobo Timmerman en Amérique latine et Muchtar Pakpahan en Asie. Il l'a fait sans jamais s'intéresser à l'argent ou à la publicité.

D'après les paroles de Irwin Colter, son premier professeur et philosophe de droit était son père, qui lui a toujours dit que la poursuite de la justice était la chose la plus importante. Honorables sénateurs, je crois qu'il a bien maîtrisé cette philosophie.

[Traduction]

(1540)

Spécialiste du droit constitutionnel et comparatif, il a défendu des causes portant sur tous les articles de la Charte canadienne des droits et libertés, y compris des causes faisant jurisprudence devant la Cour suprême et concernant le droit de parole, la liberté de religion, les droits des femmes, les droits des minorités, les crimes de guerre, les droits des détenus et la paix. Il est unique et il apportera à la Chambre des communes sa perspicacité et des principes fondamentaux, au grand profit de la circonscription de Mont-Royal, du Québec et du Canada.

Son Honneur le Président pro tempore: Je regrette de devoir interrompre l'honorable sénateur Finestone, mais son temps de parole est écoulé. Permettez-vous, honorables sénateurs, à l'honorable sénateur de poursuivre son discours?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Finestone: Je remercie les honorables sénateurs.

Le professeur Irwin Cotler a profondément marqué le monde des droits de la personne. Il est maintenant temps qu'il fasse profiter le Parlement de son sens de l'équité, de sa compassion et de sa sollicitude pour les électeurs de Mont-Royal et les citoyens du Canada et du monde.

Là-dessus, honorables sénateurs, je souhaite à M. Cotler la bienvenue à l'autre endroit. Je sais qu'il nous donnera amplement matière à réflexion et favorisera la diversité des opinions.


AFFAIRES COURANTES

Banques et commerce

Dépôt du premier rapport du comité

L'honorable Leo E. Kolber: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer le premier rapport du comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui porte sur les dépenses engagées par le comité au cours de la première session de la 36e législature.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Enseignement postsecondaire

Dépôt du premier rapport du comité spécial

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer le premier rapport du comité sénatorial spécial de l'enseignement postsecondaire, qui porte sur les dépenses engagées par le comité au cours de la première session de la 36e législature.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

L'ajournement

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit jusqu'au mardi 23 novembre 1999, à 14 heures.

Son Honneur le Président pro tempore: Permission accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

La Loi sur le divorce

Projet de loi modificatif-Première lecture

L'honorable Anne C. Cools présente le projet de loi S-12, Loi modifiant la Loi sur le divorce (enfant à charge).

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Cools, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du mardi 30 novembre 1999.)

Affaires sociales, sciences et technologie

Avis de motion autorisant le comité à permettre le reportage électronique

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, je donne avis, au nom du sénateur Kirby, que mardi prochain, le 23 novembre 1999, il proposera:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit habilité à permettre le reportage de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux.

[Français]

Avis de motion autorisant le comité à retenir des services

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, je donne avis, au nom du sénateur Michael Kirby, que, mardi prochain, le 23 novembre 1999, il proposera:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres éléments nécessaires pour examiner les projets de loi, la teneur de projets de loi et les prévisions budgétaires qui lui ont été déférés.

[Traduction]

Avis de motion autorisant le comité à examiner les faits nouveaux concernant l'euthanasie et l'aide au suicide

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mardi 23 novembre 1999, je proposerai:

Que le Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner pour en faire rapport les faits nouveaux survenus depuis le dépôt, en juin 1995, du rapport final du Comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide intitulé: De la vie et de la mort. Plus particulièrement, que le comité soit autorisé à examiner:

  1. La mesure dans laquelle ont été mises en oeuvre les recommandations unanimes présentées dans le rapport;
  2. L'évolution au Canada des différentes questions étudiées dans le rapport;
  3. L'évolution à l'étranger des différentes questions étudiées dans le rapport.
Que le comité présente son rapport final au plus tard le 6 juin 2000.

Banques et commerce

Avis de motion autorisant le comité à étudier la situation du régime financier domestique et international

L'honorable Leo E. Kolber: Honorables sénateurs, je donne avis que mardi prochain, le 23 novembre 1999, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier domestique et international;

Que les documents et témoignages recueillis à ce sujet au cours de la première session de la trente-sixième législature et tout autre document parlementaire et témoignage pertinent concernant ledit sujet soient renvoyés à ce comité;

Que le comité soit habilité à permettre le reportage de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux;

Que nonobstant les pratiques habituelles, le comité soit autorisé à déposer un rapport intérimaire sur ledit sujet auprès du greffier du Sénat, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat; et

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 31 décembre 2000.

[Français]

Privilèges, Règlement et procédure

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Lucie Pépin: Honorables sénateurs, au nom de l'honorable sénateur Austin, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose:

Que le Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure soit autorisé à siéger à 16 h 30 les mardis, même si le Sénat siège, de maintenant à la fin décembre 1999, afin que le comité puisse étudier les questions de privilège soulevées par l'honorable sénateur Andreychuk et l'honorable sénateur Kinsella, qui ont été déférées au comité; et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

(1550)

Langues officielles

Autorisation au comité mixte permanent de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je veux présenter une demande aux sénateurs, relativement aux travaux du comité mixte permanent des langues officielles. Son Honneur le Président pro tempore est membre du comité. Je présente donc la motion suivante en son nom.

- Honorables sénateurs, au nom du sénateur Losier-Cool, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 5(1)a) du Règlement, je propose:

Que le Comité mixte permanent des langues officielles soit autorisé à siéger pendant les séances et les ajournements du Sénat et

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

Ce comité a traditionnellement siégé même si le Sénat siégeait au même moment, et cette motion est conforme à l'usage du Sénat. En fait, le comité a l'intention de siéger mardi prochain, avant notre séance à cet endroit. Cela explique donc pourquoi il faut s'occuper de cette motion maintenant.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires étrangères

Le Soudan-La participation de la société Talisman Energy Inc.-La réponse aux critiques de la communauté internationale

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je suis convaincu que tout le monde connaît la parabole de la poutre et de la paille. Le Canada s'est fait le défenseur du bien-être et de la sécurité des gens partout dans le monde. Le ministre des Affaires extérieures, M. Axworthy, est prompt à critiquer les pays étrangers qui ne respectent pas les droits de la personnes.

Hier, cependant, le Département d'État des États-Unis a renversé les rôles et a sévèrement critiqué le Canada parce qu'il continue de commercer avec le Soudan par l'intermédiaire de l'entreprise pétrolière Talisman Energy Inc., de Calgary. Les Américains ont aussi accusé le gouvernement libéral d'avoir renoncé à «son approche positive de la politique étrangère en «fermant les yeux» sur les atrocités commises par le régime de Khartoum». Le Département d'État affirme que les activités de Talisman dans les champs de pétrole du Soudan sont facilitées par l'utilisation de «bombardiers, d'hélicoptères armés et de pièces d'artillerie contre des civils non armés» par le gouvernement de Khartoum. Les Américains craignent que les investissements de Talisman dans le secteur pétrolier du Soudan encouragent le régime fondamentaliste de Khartoum à poursuivre la guerre civile dans le sud du pays.

Jusqu'à maintenant, le gouvernement du Canada n'a pas encore ordonné à Talisman de se retirer du Soudan et n'a pas imposé de sanctions à ce pays en dépit des pressions exercées depuis un an sur le ministre canadien des Affaires étrangères par des ONG canadiennes et internationales de même que par la Coalition inter-Églises sur l'Afrique. En fait, M. Axworthy vient tout juste d'accepter d'envoyer une mission d'enquête au Soudan.

Voici ma question au leader du gouvernement au Sénat: compte tenu des critiques internationales, des titres dans les médias nationaux et de l'intention annoncée par le premier ministre Chrétien d'augmenter l'aide aux pays en développement, comment le gouvernement peut-il expliquer qu'il tarde tant à s'occuper du dossier des activités de Talisman au Soudan?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, cette question a été portée à l'attention du gouvernement du Canada, et plus précisément du ministre compétent. Elle est prise très au sérieux. Les rapports établissant un lien entre l'entreprise privée canadienne mentionnée par le sénateur et des violations présumées des droits de la personne et du droit international suscitent de graves préoccupations.

Comme l'honorable sénateur l'a souligné, le ministre des Affaires étrangères a envoyé une commission canadienne indépendante au Soudan pour vérifier s'il y a des liens entre les violations des droits de la personne et l'entreprise en cause. Un rapport lui sera présenté et il prendra les mesures qui s'imposent après en avoir pris connaissance.

Le Soudan-La participation de la société Talisman Energy Inc.-La politique du gouvernement sur l'opposition entre la plateforme de la sécurité humaine et les intérêts des investisseurs

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, si l'on apprend que le pétrole extrait par Talisman est utilisé comme carburant pour la campagne militaire de Khartoum, comment le gouvernement entend-il concilier le maintien des politiques de sa plateforme de la sécurité humaine et la protection des intérêts des principaux fonds communs de placement et caisses de retraite du Canada, qui détiennent le gros des investissements dans Talisman?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la question que l'on doit se poser en l'occurrence, c'est celle de savoir si cette entreprise privée canadienne viole les droits de la personne et le droit international. Si c'est le cas, le gouvernement du Canada pourrait alors envisager des sanctions économiques et commerciales relativement à cette activité. Comme en témoignent les mesures qu'il a déjà prises, il est clair que le ministre est très inquiet et qu'il agira promptement dès qu'il aura en main le rapport de cette commission indépendante.

Le commerce international

L'Accord de libre-échange nord-américain-Le procès intenté par une société californienne en conséquence de la perte d'un contrat d'achat d'eau en vrac-La position du gouvernement

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat. Je crois savoir qu'une petite entreprise californienne appelée Sunbelt a intenté un procès en dommages-intérêts d'environ 10,5 milliards de dollars contre le gouvernement fédéral pour l'annulation d'un contrat par le gouvernement de la Colombie-Britannique en vue de l'achat d'eau en vrac. Sunbelt fonde son action sur les dispositions de l'ALENA concernant les droits des investisseurs et le traitement national - c'est-à-dire les droits extraordinaires des investisseurs - et demande des dommages-intérêts non seulement pour les bénéfices perdus, mais également pour le manque à gagner. Évidemment, cette action ne sera pas entendue par un tribunal ordinaire, mais par un groupe d'experts chargé du règlement des différends.

Compte tenu d'une décision récente d'un groupe d'experts de l'ALENA dans une affaire opposant une société américaine au gouvernement mexicain et concernant également les droits extraordinaires des investisseurs, le gouvernement canadien est-il prêt à se défendre jusqu'au bout contre cette action de Sunbelt?

Je pose cette question parce que, dans la malheureuse affaire du MMT, le gouvernement a capitulé devant Ethyl Corporation et accepté de lui verser 20 millions de dollars. La cause n'a jamais été entendue et le gouvernement a concédé qu'Ethyl Corporation avait droit à cette indemnisation. Pouvez-vous nous dire si le gouvernement est prêt à aller jusqu'au bout dans cette affaire, compte tenu de ce précédent?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, manifestement, le fait que cette question soit soumise à un groupe spécial de règlement des différends semble susciter une certaine controverse. J'en parlerai au ministre pour savoir où en sont les choses. Je rappelle que si l'affaire est en instance devant un tribunal ou un groupe spécial de règlement des différends, la réponse risque d'être très brève.

Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, cette affaire est devant un groupe chargé du règlement des différends en matière de commerce international. Il ne s'agit pas d'audiences publiques et la procédure n'est pas transparente. Les gens au Canada ne savent rien de ce qui se passe. C'est une affaire d'un grand intérêt pour le public. C'est pourquoi je pose la question ici. L'ancien ministre du Commerce international, Sergio Marchi, a tout fait pour rendre le processus de règlement des différends plus transparent.

Il est important que les Canadiens sachent si, dans cette affaire, les droits des investisseurs américains passent avant ceux des Canadiens et si le gouvernement va être obligé de verser des dommages-intérêts non seulement pour les bénéfices perdus, mais aussi pour le manque à gagner. C'est une affaire extrêmement importante.

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, la question fondamentale, c'est la position du gouvernement à l'égard de l'exportation de l'eau en grandes quantités. Je présume que l'honorable sénateur approuve entièrement cette position, à savoir que ce pays ne devrait pas exporter l'eau en grandes quantités. Nous avons fait de grands progrès dans ce domaine et je suis sûr que l'honorable sénateur en conviendra. Ce cas particulier dont parle le sénateur Spivak peut être l'un des résultats de ce progrès. Cependant, j'ignore s'il serait sage à ce stade-ci de discuter en détail de la stratégie du gouvernement et des mesures qu'il pourrait prendre relativement à un cas particulier dans lequel une entreprise américaine réclame d'énormes sommes.

(1600)

La politique du gouvernement concernant la défense contre des procès intentés par des sociétés

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, si c'est ainsi et si le leader ne peut dévoiler de détails, il est important de savoir si, dans ce cas-ci, le gouvernement est prêt à suivre le règlement des différends. Ce renseignement peut certes être rendu public. J'espère que le gouvernement ne règlera pas à l'amiable avec la société, comme il l'a fait dans le cas du MMT.

Ma question est celle-ci: le gouvernement du Canada est-il, à l'instar du gouvernement mexicain, prêt à se battre sur la question des sociétés qui intentent un procès contre des gouvernements?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis persuadé que le gouvernement du Canada sera tout à fait prêt à protéger nos intérêts sur l'avis de ses conseillers. J'ignore quelles mesures précises il va prendre. Il n'est pas indiqué de faire connaître sa position pour l'instant.

Il est clair que, en ce qui concerne la question de principe, le gouvernement a adopté une position ferme à l'égard de l'exportation d'eau en grandes quantités. Le gouvernement fédéral a obtenu la coopération des provinces à cet égard. Nous sommes parvenus à une politique nationale que nous défendrons par tous les moyens appropriés. Le gouvernement entend bien le faire.

Les travaux du sénat

Recours au Règlement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'interviens pour garantir une certaine certitude dans nos procédures. Le paragraphe 56(3) du Règlement du Sénat porte sur la question des avis à donner et dit ceci:

L'avis prescrit ici peut être déposé par un sénateur au nom d'un autre sénateur...

Le sénateur Hays a donné avis d'une motion au nom du Président pro tempore. Le paragraphe 56(3) précise qu'un sénateur peut agir au nom d'un autre sénateur absent, avec la permission de ce dernier.

Le paragraphe 55(3) prévoit que lorsque le Président souhaite participer au débat, il doit quitter le fauteuil et inviter un autre sénateur à présider la séance. Le sénateur qui est également le Président peut alors participer pleinement au débat comme tout autre sénateur. Je pense que la même chose s'applique au Président pro tempore.

Pour traiter cette affaire convenablement, il aurait fallu que madame le Président pro tempore quitte son fauteuil et qu'un autre sénateur l'occupe, conformément à ce que prévoit le paragraphe 56(3) et à la logique des interventions telle qu'elle est exposée dans l'article 55 du Règlement. Nous devons respecter ce qu'a statué le Président hier.

Je ne contesterai pas la validité de la procédure suivie, mais à l'avenir, il faudrait peut-être se conformer au Règlement.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le chef adjoint de l'opposition d'avoir soulevé la question. Je dois reconnaître que je n'ai pas demandé la permission de proposer la motion conformément au Règlement mais, à l'écouter, je conclus qu'il a raison si j'ai proposé la motion au nom du Président pro tempore.

J'ai tenté d'expliquer la raison pour laquelle j'ai présenté la motion, à savoir qu'elle faisait suite à une demande du Président pro tempore, ce qui n'aurait peut-être pas dû être mentionné. Je devrais examiner le compte rendu pour voir ce que j'ai dit exactement. Quoi qu'il en soit, mon intention était de demander la permission et de proposer la motion moi-même.

Je ne suis pas membre du comité mixte et j'ai effectivement mentionné le Président pro tempore, qui en est membre. Je crois savoir que la première réunion aura lieu mardi prochain, d'où cette initiative.

Je saisis parfaitement les propos du sénateur Kinsella et je ne manquerai pas de m'en rappeler à l'avenir. Je le remercie de ne pas élever d'objection ou de ne pas refuser la permission, ce qui facilitera évidemment le travail du comité.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyé par l'honorable sénateur Lewis, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-6, Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions et en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, le commerce électronique est une question qui m'intéresse au plus haut point. Je suis donc très heureux de prendre part au débat sur le projet de loi C-6, Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.

Cette initiative vise à protéger le caractère privé des renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués par certains organismes canadiens dans le cadre d'activités commerciales. Elle énonce également des critères pour une signature électronique sécurisée aux fins des transactions électroniques conclues avec le gouvernement et précise comment les tribunaux pourront authentifier les documents électroniques admis en preuve.

Le Canada a un besoin urgent de cette loi pour assurer le succès de sa participation à l'économie mondiale du savoir, une économie en plein essor qui, au dire des experts en la matière, doit exploser dans moins d'un an.

L'ennui, comme le dit le sénateur Murray, est que le projet de loi C-6 n'est pas à la hauteur. Son libellé tend à semer la confusion dans les esprits et comporte de très graves lacunes. Il n'est pas certain qu'il puisse protéger efficacement la vie privée des Canadiens tout en favorisant le succès de leur participation au commerce électronique international. C'est là une incertitude dont le Canada n'a pas les moyens s'il compte conserver son avantage en matière de concurrence dans l'économie mondiale.

Le projet de loi C-6 est l'oeuvre d'un gouvernement dont la temporisation l'oblige aujourd'hui à élaborer à toute vitesse des textes de loi pour protéger les Canadiens dans le contexte de l'expansion prochaine du commerce électronique. Le gouvernement a laissé traîner les choses et doit à présent rattraper ses deux principaux partenaires commerciaux, les États-Unis et l'Union européenne, qui se sont déjà pourvus des instruments législatifs nécessaires en matière de commerce électronique et de protection de la vie privée.

Nous savons tous qu'on déclare que le commerce électronique va changer la manière dont le Canada mène les affaires. Notre pays est un leader mondial en matière de technologie de l'information. Toutefois, les statistiques révèlent que les entreprises du pays semblent hésiter à utiliser ce puissant moteur économique qu'est le commerce électronique. D'après une étude menée par Angus Reid, au printemps dernier, les entreprises canadiennes ont été lentes à exploiter les possibilités du commerce électronique, bien que 12,9 millions de Canadiens soient branchés.L'enquête indique que, bien que 90 p. 100 des acheteurs en ligne canadiens cherchent sciemment leurs sites, seulement 38 p. 100 effectuent vraiment des transactions en ligne avec des sociétés canadiennes. Cela nous amène à nous demander quelles sont les compagnies qui tirent profit du pouvoir d'achat des 62 p. 100 d'acheteurs en ligne canadiens restants et dans quels pays elles se trouvent.

(1610)

Contrairement à leurs homologues canadiennes, les entreprises américaines ont su saisir l'opportunité de la révolution du commerce électronique. Les petites compagnies spécialisées et les géants de l'industrie tels que Procter & Gamble, par exemple, lancent des initiatives commerciales importantes qui sont destinées à utiliser la technologie du commerce électronique pour optimiser les services proposés aux consommateurs. Comparativement, les entreprises canadiennes sont très en retard par rapport aux entreprises américaines dans ce domaine.

Ce déséquilibre pourrait donner aux États-Unis, notre principal partenaire commercial et concurrent économique, le monopole du commerce électronique lorsque ce dernier se développera vraiment au Canada. Nous risquons de perdre d'énormes revenus au profit de nos concurrents américains en raison de la lenteur de la réaction du secteur privé et du gouvernement.

Le projet de loi C-6, dans sa forme actuelle, ne fera qu'aggraver la situation et je vais expliquer pourquoi.

Ce projet de loi restreint de façon excessive les activités légitimes des petites et moyennes entreprises et établit un nouveau cadre réglementaire restrictif, sans qu'on ait réalisé d'étude de l'impact des coûts. Il laisse également présager une nouvelle série de batailles fédérales-provinciales, car les gouvernements du Québec et de l'Ontario s'y opposent.

Un autre problème est lié au fait que le projet de loi C-6 s'applique à des organismes commerciaux, mais on ne sait trop s'il s'applique à des organismes sans but lucratif ou à des professions comme celles du droit et de la médecine. Par exemple, on ne sait pas précisément si cette mesure législative pourrait s'appliquer aux dossiers d'un médecin.

Ce ne sont là que quelques-unes des raisons pour lesquelles le projet de loi C-6, s'il est adopté dans sa présentation actuelle, pourrait entraver sérieusement les initiatives des entreprises canadiennes en matière de commerce électronique. Si ce projet de loi sert à limiter l'essor du commerce électronique dans le secteur privé au Canada, il est possible qu'il permette à des entreprises étrangères de se donner un important avantage concurrentiel chez nous. La nature même du commerce électronique permet à des entreprises étrangères d'échapper à nos règlements fédéraux et provinciaux tout en conservant la capacité de tirer parti de transactions financières avec des clients canadiens. Cette situation pourrait avoir des effets dévastateurs sur le secteur privé, l'économie et, en bout de piste, les consommateurs du Canada.

La logique du sénateur Murray m'a convaincu que le projet de loi C-6 correspond véritablement à deux projets de loi en un. La controversée partie 1 de ce projet de loi, qui protège les renseignements personnels recueillis dans le cadre de tout type d'activité commerciale correspond à un principe ou à un but. Les parties 2 à 5 ont trait à la validation des documents et processus électroniques en vertu de la Loi sur la preuve au Canada, de la Loi sur les textes réglementaires et de la Loi sur la révision des lois et sont axées sur un tout autre principe.

Selon moi, diviser en deux le projet de loi C-6 aiderait les honorables sénateurs et le comité dans l'étude du document et, ce faisant, leur permettrait de se livrer à un examen distinct et en profondeur des deux thèmes et principes que l'on retrouve dans ce projet de loi.

Les parties 2 à 5 ont été examinées rapidement et presque oubliées à la Chambre des communes en raison du débat suscité en réponse à la partie 1. Le Sénat a maintenant l'occasion de se livrer à une analyse attentive de l'applicabilité de ces articles novateurs proposés qui contribueront à la mise en place du commerce électronique au pays et de conférer un statut juridique clair à certains documents électroniques. Il est important que le comité ait l'occasion d'étudier attentivement ces articles. Cette mesure législative se fait attendre depuis longtemps et doit être adoptée de toute urgence.

En ce qui concerne la partie 1, tous les aspects des dispositions du projet de loi concernant la protection de la vie privée doivent être analysés en profondeur. Le comité ne devrait pas sentir qu'on le presse d'effectuer son étude, peu importe la rapidité avec laquelle le gouvernement peut souhaiter que le projet de loi franchisse l'étape du Sénat. La protection de la vie privée est un droit fondamental de tous les Canadiens et une mesure législative s'impose certes dans ce domaine.

Au cours de la dernière session du Parlement, le comité permanent de l'industrie de la Chambre des communes a longuement étudié le projet de loi C-54, le prédécesseur de celui-ci. Il a entendu les témoignages d'un grand nombre de citoyens, d'experts et d'organismes préoccupés, qui ont parlé de l'importance de nous doter d'une loi solide et efficace pour protéger les renseignements personnels et pour favoriser le commerce électronique au Canada.

Parmi ces groupes se trouvaient des représentants de l'Association médicale canadienne, qui se sont opposés au projet de loi parce qu'il visait à réglementer l'utilisation et la communication de renseignements à des fins commerciales et qu'il risquait d'avoir des conséquences négatives pour les soins de santé et le système de santé.

Récemment, d'autres associations en soins de la santé et professionnels de la santé ont téléphoné, écrit, et adressé des messages par courrier électronique et par télécopieur à mon bureau pour exprimer leurs préoccupations au sujet du projet de loi C-6. Les représentants de l'Association dentaire canadienne m'ont informé que ce projet de loi:

[...] ne permet pas de respecter les critères fondamentaux qui visent à protéger les Canadiens contre la mauvaise utilisation de renseignements sur la santé par des usagers secondaires et tertiaires de ces renseignements.

Ils ont demandé que le Sénat intervienne pour clarifier et renforcer les dispositions du projet de loi qui portent sur les renseignements personnels en matière de santé.

Les représentants de l'Association canadienne pour la santé mentale ajoutent:

Il serait difficile d'effectuer de la recherche à l'aide de renseignements concernant des personnes impossibles à identifier s'il fallait obtenir le consentement de chacune d'elles pour utiliser des renseignements les concernant.

Le docteur David Zitner, directeur de l'informatique médicale à mon ancienne alma mater, l'Université Dalhousie, à Halifax, a communiqué avec moi pour m'entretenir expressément de cet aspect. Il a dit:

Au Canada, la tradition veut qu'on utilise des renseignements personnels pour le bien public (avec des mécanismes appropriés pour protéger la vie privée et assurer la confidentialité). Les activités de recensement constituent un exemple où des gens peuvent être contraints de fournir des renseignements personnels dans l'intérêt public.

Le docteur Zitner croit indispensable qu'une loi appropriée fasse en sorte que les organismes de la santé, les gouvernements et les instituts de recherche puissent utiliser les renseignements recueillis pour se livrer à des activités de recherche en santé et d'amélioration de la qualité des soins, en disposant de mécanismes appropriés pour assurer la protection, la sécurité et la confidentialité de ces renseignements personnels. Cela signifie que les organismes de recherche et les établissements de santé pourraient utiliser un bloc de renseignements et rédiger des rapports en conséquence.

L'Association du Barreau canadien est aussi préoccupée par le projet de loi C-6. Dans sa présentation au comité de l'industrie de la Chambre des communes, elle a déclaré que la partie 1 comportait trois principaux problèmes. Premièrement, la structure de la partie 1 est inhabituelle en droit canadien et ne donne pas vraiment de bons résultats. Les représentants de l'association craignent que des difficultés d'interprétation surgissent à cause de la nature de la Norme nationale du Canada intitulée: Code type sur la protection des renseignements personnels et de son adjonction au projet de loi à titre d'annexe 1. La norme a volontairement été conçue comme une série de lignes directrices qu'une organisation doit mettre en application et non comme un code juridiquement exécutoire qui crée des droits et des devoirs précis.

Deuxièmement, le barreau a vu une nette possibilité pour que le rôle et les responsabilités du commissaire à la protection de la vie privée créent certaines difficultés sur le plan de la procédure. Pour parvenir à l'équilibre voulu entre les droits de la personne et le développement du commerce électronique, le gouvernement doit veiller à ce que l'autorité publique responsable de l'exécution de la partie 1 ait toutes les ressources nécessaires pour faire le travail efficacement. Par ailleurs, pour assurer la protection de la vie privée des personnes il ne doit pas employer des moyens qui violent le droit des organisations et de leurs employés à la confidentialité car ce serait là un usage abusif de ses propres droits procéduraux et la loi semblerait injuste. Le comité sénatorial a donc beaucoup de travail rectificatif à faire pour clarifier ce fouillis.

Troisièmement, l'Association du Barreau a déclaré que le projet de loi soulevait des questions touchant la Constitution, pour ce qui est de la division des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux, et la Charte canadienne des droits et libertés. Le projet de loi est tellement ambigu que le Barreau canadien ne pouvait dire catégoriquement si le gouvernement fédéral réussirait à exercer ses pouvoirs si la mesure entrait en vigueur. Au bout du compte, l'association doutait que le projet de loi résiste à une contestation judiciaire.

Selon la position finalement adoptée par le barreau, les difficultés que soulève la partie 1, concernant la structure, les procédures et la Constitution, doivent être corrigées avant l'entrée en vigueur du projet de loi, parce qu'elles risquent de causer des problèmes d'interprétation qui finiront par miner l'importance de cette mesure.

Honorables sénateurs, il faut absolument que nous, dans cette Chambre de réflexion, surmontions l'obstacle et fassions ce que le gouvernement n'a pas fait - corriger les faiblesses du projet de loi C-6. Nous ne pouvons plus nous payer le luxe d'attendre. Le prix à payer pour l'attentisme ou la procrastination en ce qui concerne la mise en oeuvre d'une loi sur le commerce électronique est trop élevé. Ce commerce est en expansion et le Canada ne peut se permettre de ne pas être prêt.

Il y a quelques mois, un concitoyen de la Nouvelle-Écosse, M. James Cameron, a communiqué avec moi à la suite d'un article que j'avais rédigé sur l'exode des cerveaux. Il voulait échanger sur le sujet, à titre de Canadien de la région atlantique et de vice-président de l'exploitation de l'Information Technology Institute, ou ITI, un des centres de formation en technologie de l'information les plus prestigieux en Amérique du Nord pour les diplômés universitaires.

(1620)

M. Cameron m'a dit que l'exode vers les États-Unis de Canadiens ayant une solide formation universitaire est bel et bien réel et qu'il est à la hausse dans le secteur de la technologie de l'information. Cette situation est devenue pour lui une source de dilemme personnel. En tant qu'enseignant, M. Cameron est heureux de constater que des entreprises de haute technologie s'arrachent ses étudiants et leur offrent des emplois enthousiasmants, assortis d'excellents salaires. En tant que Canadien et contribuable canadien, il n'est pas aussi heureux de constater que la majorité des entreprises qui recrutent ses étudiants sont des sociétés américaines. Les entreprises américaines sont tellement empressées d'embaucher le plus grand nombre possible de diplômés en technologie de l'information que certaines ont même commencé à offrir des emplois à des étudiants de l'ITI avant même qu'ils aient terminé leur formation.

J'ai remarqué le malaise grandissant que M. Cameron éprouve par rapport au fait qu'un nombre croissant d'étudiants de l'ITI qui ont axé leurs études sur le commerce électronique sont maintenant courtisés assidûment par plusieurs sociétés américaines. Une fois qu'ils ont obtenu leur diplôme, il est rare que ces étudiants demeurent dans notre pays, et M. Cameron pense que nous avons déjà perdu, au profit des États-Unis, un nombre important de spécialistes en commerce électronique qui ont reçu leur formation au Canada. Les États-Unis ont déjà une longueur d'avance sur nous dans l'élaboration et la mise en oeuvre de stratégies devant permettre de tirer profit de l'économie mondiale axée sur le savoir. La réponse timide du secteur privé canadien à l'égard du commerce électronique, conjuguée aux politiques gouvernementales restrictives sur le plan fiscal et par rapport au remboursement des prêts étudiants, joue en faveur des entreprises américaines. Nous ne sommes pas sur un pied d'égalité avec les Américains, et il nous sera très difficile de soutenir leur concurrence dans le domaine du commerce électronique.

Le projet de loi C-6, qui s'inspire de la directive mise en oeuvre par l'Union européenne et qui va à l'encontre de l'approche américaine actuelle, ne fera qu'empirer les choses. Il faut adopter un projet de loi qui protégera les renseignements personnels si nous voulons que la population accepte l'idée du commerce électronique. L'adoption de ce projet de loi est aussi nécessaire pour permettre à ce nouveau moteur économique de réussir à l'échelle nationale et internationale. Le projet de loi C-6 ne nous permettra pas d'atteindre ces objectifs.

Honorables sénateurs, nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre d'adopter le projet de loi C-6 tel qu'il est formulé à l'heure actuelle. Nous avons ici l'occasion d'amender ce projet de loi afin qu'il protège la vie privée des Canadiens tout en permettant au secteur privé de prospérer et de demeurer compétitif par rapport à notre principal partenaire commercial, bien sûr, mais aussi à l'échelle mondiale.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Keon, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi sur la défense nationale
La Loi sur l'identification par les empreintes génétiques
Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Fraser, appuyée par l'honorable sénateur Ruck, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et le Code criminel.

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, avant de débuter mon discours, j'aimerais remercier le solliciteur général du Canada pour avoir tenu compte des points que j'ai soulevés lors de l'étude du projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d'autres lois en conséquence, et du projet de loi C-3, Loi concernant l'identification par les empreintes génétiques et modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence, pour l'élaboration du projet de loi S-10. Ces projets de loi ont été adoptés lors de la première session de la trente-sixième législature. Je suis heureux de constater que le ministre a également pris en considération les recommandations du seizième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles sur le projet de loi C-3, en ce qui a trait aux modifications à apporter aux lois pour rendre la gestion de la banque nationale de données génétiques plus efficace et plus respectueuse du droit à la vie privée des Canadiens.

Honorables sénateurs, il me fait plaisir aujourd'hui d'intervenir en faveur du projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, la Loi concernant l'identification par les empreintes génétiques et le Code criminel. Il a pour but d'inclure dans la banque nationale de données génétiques, qui a été créée par l'adoption du projet de loi C-3, en décembre 1998, les profils d'identification génétique des délinquants condamnés en vertu du système de justice militaire. Comme vous le savez, présentement, les dispositions de la loi ne concernent que les délinquants qui seront condamnés par le système de tribunaux civils.

Depuis son introduction au Canada en 1988, l'analyse de l'ADN à des fins médico-légales a permis d'obtenir la condamnation d'auteurs de certains crimes violents, ainsi que la remise en liberté de personnes condamnées à tort par les tribunaux. L'utilisation de cet instrument puissant dans le cadre d'enquêtes criminelles s'est faite en deux étapes.

Premièrement, en 1995, des modifications furent apportées au Code criminel, pour permettre le prélèvement d'ADN à l'aide d'un mandat dans le but de faciliter la réalisation de certaines enquêtes policières et l'identification de suspects.

Par la suite, en septembre 1997, le projet de loi C-3 fut déposé devant la Chambre des communes. Il avait pour but d'encadrer pour la première fois la structure et l'administration d'une banque nationale d'empreintes génétiques. Cette nouvelle législation s'inscrivait dans la deuxième étape de l'action du gouvernement. Il avait pour objectif d'établir une banque nationale contenant les profils d'identification génétique des personnes reconnues coupables d'infractions criminelles graves et violentes, et des échantillons d'ADN trouvés sur les lieux de crimes non résolus. La banque de données devrait être opérationnelle d'ici juin de l'an 2000, et elle sera administrée par la Gendarmerie royale du Canada, qui dirige actuellement six laboratoires judiciaires au pays.

Honorables sénateurs, bien que j'aie appuyé les motifs qui ont mené à l'adoption du projet de loi C-3, j'ai tout de même constaté, suite à un examen approfondi de cette nouvelle législation, que les ministères du Solliciteur général et de la Justice avaient oublié d'y inclure les profils d'identification génétique des membres du personnel militaire qui seraient condamnés pour des infractions graves et violentes, comme c'est le cas pour les individus qui seront trouvés coupables de tels crimes par notre système de tribunaux civils.

Le 6 octobre 1998, le ministre de la Défense, Arthur Eggleton, témoignait devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour présenter les dispositions du projet de loi C-25. Comme celui-ci avait pour but de réformer le système de justice militaire, j'ai demandé au ministre si les militaires accusés ou trouvés coupables en vertu de la nouvelle loi seraient sujets à l'application des dispositions contenues dans le projet de loi C-3. À l'époque, j'ai également demandé au ministre quel corps de police, de la GRC ou de la police militaire serait responsable du prélèvement d'échantillons d'ADN et de leur conservation dans les cas d'infractions qui impliquent des militaires.

Honorables sénateurs, ces questions étaient très importantes car, selon les dispositions du projet de loi C-25, les infractions d'ordre sexuel commises par des militaires devaient dorénavant relever des tribunaux militaires. De plus, la ministre de la Justice, Anne McLellan, avait déjà justifié la création d'une banque d'empreintes génétiques pour que les policiers aient une efficacité accrue et soient en mesure d'arrêter plus rapidement les agresseurs sexuels et les meurtriers à répétition.

Malgré tout, le ministre et les militaires de la Défense nationale n'ont pas été en mesure de répondre à ces questions. Le brigadier-général J. Pitzul, de l'armée canadienne, a affirmé qu'il ne savait pas si le projet de loi C-3 devait s'appliquer au personnel de l'armée et de la Défense nationale, même s'il avait déjà eu plusieurs réunions avec des membres du ministère de la Justice en ce qui avait trait à la réforme du système de justice militaire.

Il s'agissait donc d'un oubli très important dans la loi, si l'on considère que le projet de loi C-25 devait rendre l'administration de la justice, au sein des Forces armées canadiennes, plus transparente.

En ce sens, il était inacceptable que les militaires jouissent d'un statut particulier en étant exclus de l'application des dispositions de la nouvelle Loi concernant l'identification par les empreintes génétiques. Cela est particulièrement vrai si l'on tient compte du fait qu'au cours des dernières années, plusieurs scandales impliquant des militaires en mission à l'étranger dans des cas d'agressions sexuelles et de voies de fait graves ont défrayé les manchettes au Canada. Ces incidents ont terni l'image de l'armée canadienne et de son système de justice dans la population canadienne. L'organisation de notre société, tout comme celle de notre droit, nécessite l'uniformité. Tous les citoyens sont égaux devant la loi. Ils disposent des mêmes droits mais également des mêmes obligations devant la loi. À l'époque, les membres du comité n'avaient pas jugé bon d'amender le projet de loi C-25 pour que le personnel militaire soit soumis à l'application des dispositions concernant la banque d'empreintes génétiques.

Honorables sénateurs, lorsque nous avons étudié le projet de loi C-3 en comité, j'ai soulevé de nouveau cette question auprès du solliciteur général du Canada, qui était responsable de cette nouvelle législation. Dans un premier temps, je voulais savoir si son ministère était en accord avec ce qu'avait affirmé le ministre de la Défense et les officiers de l'armée canadienne. Dans un deuxième temps, je souhaitais que le ministre me dise qu'il avait tenu compte de leurs témoignages pour apporter des modifications au projet de loi C-3. La réponse à ces deux questions fut négative.

Lors des travaux du comité, j'avais également émis de sérieuses réserves quant à l'efficacité et à la clarté de certaines dispositions du projet de loi qui devait garantir, notamment, que les échantillons d'ADN et les profils ne seraient pas utilisés à d'autres fins que celles prévues dans la loi, c'est-à-dire pour des fins d'enquête criminelle, et que le droit à la vie privée des personnes qui seraient soumises au prélèvement d'ADN soit protégé. J'avais également remis en question le fait que le projet de loi prévoyait que les profils génétiques, qui seraient classés dans le «fichier criminalistique» et le «fichier des condamnés», devaient être rendus inaccessibles après qu'une enquête fut déclarée non concluante, qu'un individu n'était plus considéré comme suspect, ou si un verdict d'acquittement ou de non-culpabilité définitif était déclaré par le tribunal à l'endroit d'un accusé. Selon moi, ces profils, malgré ce qu'ont affirmé les scientifiques de la GRC, se devaient d'être détruits pour réduire les risques qu'ils soient utilisés à d'autres fins que celles prescrites dans la loi.

En décembre 1998, le seizième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles reconnaissait l'urgence d'établir une banque nationale d'empreintes génétiques qui permettrait aux différents corps policiers du pays d'exploiter pleinement les progrès technologiques récents dans ce domaine pour améliorer la sécurité publique.

Toutefois, les membres du comité craignaient que le projet de loi puisse avoir, à moyen terme, des effets sans précédent et imprévus sur la vie privée des Canadiens. En outre, ils étaient d'avis que la nature de l'information contenue dans la banque de données exigeait une surveillance étroite de tout processus pouvant mener à la divulgation de cette information à des gouvernements ou à des organismes étrangers.

Le rapport recommandait donc au gouvernement fédéral de renforcer les dispositions législatives concernant l'administration de la banque de données génétiques et la sécurité des informations qui seront contenues dans cette dernière.

Dans le but de répondre à ces préoccupations et pour permettre ainsi l'adoption du projet de loi C-3, pour autoriser la création immédiate de la banque de données génétiques, le solliciteur général du Canada, Lawrence MacAulay, s'est engagé, lors de sa comparution devant le comité, le 7 décembre 1998, à présenter pendant l'intervalle prévu de 18 mois entre la sanction royale et l'entrée en vigueur du projet de loi C-3, un nouveau projet de loi qui permettrait notamment d'étendre la juridiction de la banque de données génétiques aux contrevenants qui sont reconnus coupables dans le système de justice militaire; d'obliger le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada à rendre compte du fonctionnement de la banque de données génétiques dans son rapport annuel au ministre avant son dépôt devant le Parlement; d'inclure dans le nouveau projet de loi une disposition exigeant un examen parlementaire tous les cinq ans pour atténuer les inquiétudes des membres du comité concernant la nature très délicate de l'information que contiendra la banque de données génétiques et l'évolution rapide de la technologie dans ce domaine, et donner aux comités du Sénat et de la Chambre des communes le même pouvoir de procéder à l'examen quinquennal qui sera prévu par la nouvelle loi.

Il est important de mentionner que tous ces éléments figuraient dans le seizième rapport du comité.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-10 a été élaboré en fonction de certains points soulignés dans le rapport du comité. Selon moi, il s'agit de la troisième étape de la législation fédérale dans le domaine de l'utilisation des empreintes génétiques pour la réalisation d'enquêtes criminelles. Par contre, le solliciteur général a demandé que le projet de loi soit présenté au Sénat avant d'être déposé devant la Chambre des communes afin que les sénateurs puissent s'assurer que tous les points jugés préoccupants aient été réglés adéquatement par votre comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Ayant relaté l'historique de ce projet de loi, j'aimerais maintenant aborder la question des modifications proposées par le projet de loi S-10.

Aux termes du nouveau projet de loi, comme je l'ai mentionné au début de mon discours, les profils d'identification génétique des délinquants justiciables en vertu du code de discipline militaire, qui sont déclarés coupables d'une infraction grave et accompagnée de violence seront inclus dans la banque de données génétiques. Ce code s'applique au personnel militaire, aux réservistes et à certains civils qui accompagnent des membres du personnel militaire à l'étranger.

(1630)

En vertu des dispositions du projet de loi S-10, les juges militaires seront habilités, premièrement, à rendre des ordonnances relatives à la banque de données génétiques à l'égard de personnes justiciables, en vertu du Code de discipline militaire, qui auront été déclarées coupables d'une infraction désignée en vertu de l'annexe de la Loi concernant l'identification par les empreintes génétiques, et deuxièmement, à décerner des mandats relatifs aux analyses génétiques aux fins d'enquêtes menées par la police militaire sur des infractions désignées qui auront été commises par des personnes étant sous la juridiction du code de discipline militaire, au Canada comme à l'étranger.

Présentement, la loi autorise la police militaire à obtenir un mandat pour le prélèvement d'ADN uniquement s'il s'agit d'une infraction qui fut commise au Canada. Le fait que la police militaire soit maintenant autorisée à obtenir un mandat pour une infraction désignée commise à l'étranger est une nette amélioration, si l'on tient compte du fait que plus de 4 000 membres du personnel militaire sont en service dans 27 missions à l'étranger et que des incidents graves impliquant des militaires canadiens se sont produits en Somalie et en Bosnie-Herzégovine.

Comme dans le cas des dispositions actuelles de la Loi concernant l'identification par les empreintes génétiques, le projet de loi S-10 prévoit que les échantillons ainsi que les résultats des analyses devront être transmis au commissaire de la Gendarmerie royale du Canada pour être déposés dans la banque de données.

La nouvelle loi prévoit également que les dispositions qui seront incluses dans la Loi sur la défense nationale, concernant l'autorisation de prélèvements d'ADN, la manipulation et la conservation des échantillons et les résultats d'analyse génétique, et les garanties en ce qui a trait au respect du droit à la vie privée, seront identiques à celles qui sont contenues dans la Loi concernant l'identification par les empreintes génétiques. Par contre, elles ont été adaptées au contexte du système de justice militaire.

Il est important de rappeler que la Loi concernant l'identification par les empreintes génétiques contient une liste d'infractions désignées qui mentionne que tout individu condamné pour l'une de ces infractions pourrait faire l'objet d'une prise d'empreintes génétiques pour fins d'analyse médico-légale. Cette liste a été divisée en deux types d'infractions: primaire et secondaire.

Dans le cas des infractions primaires, les échantillons sont prélevés obligatoirement au moment de la condamnation, sauf dans des cas de circonstances exceptionnelles. On y trouve notamment les infractions avec violence les plus graves et les infractions à caractère sexuel, infractions que les éléments de preuve à caractère génétique peuvent le mieux élucider. On y retrouve notamment les infractions suivantes: inceste, exploitation à des fins sexuelles, meurtre, homicide involontaire coupable, agression armée ou infliction de lésions corporelles, infliction intentionnelle de lésions corporelles, agression sexuelle, agression sexuelle grave, enlèvement et séquestration.

Dans le cas des infractions secondaires, le prélèvement n'est pas obligatoire. Par contre, la Couronne doit convaincre le juge que le prélèvement d'échantillons est dans l'intérêt de la sécurité publique. Il s'agit d'infractions moins graves où l'analyse génétique ne peut pas toujours être employée pour résoudre un crime ou en prévenir d'autres. On y retrouve entre autres ces éléments: usage d'explosifs, actes de piraterie, voies de fait, introduction par effraction dans un dessein criminel, incendie criminel, infliction de la mort par négligence criminelle, voies de fait contre un agent de la paix, vol qualifié, prise d'otage.

En vertu du projet de loi S-10, cette liste qui limite les situations où il y a prélèvement d'ADN s'appliquera désormais aux membres du personnel militaire qui auront été condamnés pour avoir commis ces infractions. De plus, les infractions graves et violentes que l'on retrouve uniquement dans le système de justice militaire, comme la mutinerie avec violence, seront incluses dans la liste des infractions désignées qui est en annexe de la Loi concernant l'identification par les empreintes génétiques.

Honorables sénateurs, les modifications apportées par le projet de loi S-10 ne modifient pas les éléments principaux de la Loi concernant l'identification par les empreintes génétiques. Elles ont plutôt pour objectif de renforcer certains de ses principes et de corriger certaines lacunes importantes identifiées par les membres de votre comité.

Dans un premier temps, la nouvelle loi prévoit modifier certaines parties de la Loi concernant l'identification par les empreintes génétiques pour tenir compte des modifications apportées à la Loi sur la défense nationale.

De plus, l'article 12 du projet de loi prévoit que, dans les cinq ans suivant l'entrée en vigueur de la loi, un comité du Sénat, de la Chambre des communes ou mixte procède à un examen des dispositions et de l'application de la loi. Ce même article prévoit également qu'un rapport sur l'activité de la banque de données sera déposé chaque année par le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada. Il sera déposé devant chaque Chambre du Parlement dans les 15 premiers jours de séance de celle-ci suivant la réception de ce dernier. Ces modifications auront pour effet de répondre aux préoccupations des membres du comité en donnant au Parlement les moyens de mieux surveiller et de contrôler l'administration de la banque de données génétiques.

Enfin, la loi est modifiée par le projet de loi S-10 pour qu'il soit clairement énoncé que les profils d'identification génétique et les substances corporelles prélevées en vue de les établir ne doivent servir qu'à des fins d'identification lors d'enquêtes criminelles.

Honorables sénateurs, je tiens à souligner que le projet de loi S-10 apporte également plusieurs modifications d'ordre technique pour préciser davantage certains aspects du Code criminel en ce qui a trait à l'application de la Loi concernant l'identification par les empreintes génétiques. Ces changements furent proposés suite à la création d'un groupe de travail fédéral-provincial qui avait pour mandat de mettre en 9uvre la nouvelle banque de données génétiques. Suite à plusieurs rencontres, les fonctionnaires provinciaux des secteurs de la sécurité publique et de la justice ont affirmé que la loi actuelle n'était pas assez claire en ce qui a trait aux circonstances qui font qu'un juge n'a pas à ordonner un prélèvement d'ADN. Le projet de loi S-10 répond à ces inquiétudes en énonçant clairement qu'un prélèvement n'a pas à être ordonné si le tribunal est informé que le profil génétique de la personne visée se trouve déjà dans la banque de données génétiques.

De plus, le projet de loi S-10 prévoit qu'un juge d'une cour provinciale sera autorisé à faire exécuter une ordonnance ou une autorisation de prélèvement d'ADN qui aura été rendue ou délivrée dans une autre province.

Enfin, ce projet de loi apporte plusieurs autres modifications techniques au Code criminel pour que le régime concernant le prélèvement de substances corporelles pour analyse génétique à des fins médico-légales soit clarifié et renforcé.

En terminant, honorables sénateurs, je suis heureux de constater à nouveau que, grâce à la vigilance des membres du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, la Loi sur la défense nationale, la Loi concernant l'identification par les empreintes génétiques et le Code criminel seront, à mon avis, et je suis sûr que vous serez d'accord avec moi, grandement améliorés par le projet de loi S-10 pour répondre aux préoccupations de cette Chambre concernant la création et la gestion de la nouvelle banque nationale de données génétiques. Comme je l'ai dit au début de mon discours, il s'agit d'un outil extrêmement puissant qui aura des répercussions importantes sur notre système de justice et sur notre société. Les dispositions du projet de loi S-10 feront en sorte que le droit à la vie privée des Canadiens sera davantage protégé en balisant de façon plus précise pour les policiers et les tribunaux l'utilisation de profils génétiques pour des fins d'enquêtes criminelles. Je peux vous assurer que le projet de loi fera l'objet d'un examen sérieux par le comité pour s'assurer qu'il réponde aux préoccupations émises par les membres de cette Chambre il y a maintenant an.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, j'irai de l'avant avec la motion.

L'honorable sénateur Fraser, appuyée par l'honorable sénateur Ruck, propose que le projet de loi soit lu une deuxième fois. Vous plaît-il d'adopter la motion, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Fraser, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnellles.)

[Traduction]

La Loi facilitant la prise de décisions médicales

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Pépin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-2, Loi facilitant la prise de décisions médicales légitimes relativement aux traitements de survie et au traitement de la douleur, soit lu une deuxième fois.-(L'honorable sénateur Lavoie-Roux).

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, toute mesure législative touchant aux questions de vie et de mort exige des parlementaires une réflexion des plus approfondies. C'est donc très soigneusement que j'ai examiné le projet de loi S-2, Loi facilitant la prise de décisions médicales légitimes relativement aux traitements de survie et au traitement de la douleur.

J'ai consulté d'éminents éthiciens, dont des membres de l'Association catholique canadienne de la santé et de la Care-in-Dying Coalition/Canadian Coalition Against Euthanasia, laquelle réunit une trentaine d'organisations disséminées dans tout le pays qui préconisent le soin compatissant, juste et respectueux des mourants.

Je fais également appel à mon expérience personnelle pour les fins de l'étude de ce projet de loi. À titre personnel, j'ai eu à prendre des décisions et à faire des recommandations concernant la pertinence de prolonger les soins médicaux que recevaient des êtres chers en phase terminale. Je sais d'expérience combien il peut être difficile de prendre ce genre de décision pour les professionnels de la santé et les membres de la famille.

En outre, il est important dans le cadre d'un tel débat législatif de déterminer les convictions personnelles de chacun, ce que chacun éprouve dans son for intérieur. Je crois fermement en la dignité et en la valeur intrinsèques de la personne humaine. J'estime que tous les êtres humains doivent être respectés, et ce, à toutes les étapes de la vie, de la conception à la mort.

En définitive, honorables sénateurs, je m'oppose à l'euthanasie et au suicide assisté parce que ces moyens sont incompatibles avec la dignité humaine. Par ailleurs, je reconnais les droits juridiques que les patients ont de refuser un traitement et je suis tout à fait en faveur de la promotion des soins palliatifs comme moyen de soulager les souffrances physiques.

La maladie, la souffrance et la mort font partie intégrante de l'expérience humaine. L'acte de mourir peut être l'occasion d'une profonde prise de conscience de soi qui permet à des gens d'affirmer librement et consciemment la signification de leur vie, et pas simplement un processus inévitable auquel il faut se soumettre passivement.

D'autre part, les avancées scientifiques et technologiques en matière de soins de santé ont amélioré sensiblement notre capacité de soigner les maladies, de soulager les souffrances et de prolonger la vie. Ces progrès ne sont pas sans soulever des questions éthiques que la société n'avait jamais eu à se poser. Je pense, entre autres, aux questions relatives aux soins aux personnes en fin de vie et, par-dessus tout, au traitement de survie.

Il est des cas où prolonger la vie par des moyens artificiels est un pénible fardeau pour la personne mourante ou la famille. Il est nécessaire d'arriver à un équilibre entre deux obligations: celle de ne pas donner intentionnellement la mort à une personne et celle de ne pas recourir, pour maintenir une personne en vie, à des procédures qui imposeraient un fardeau disproportionné par rapport aux avantages à tirer de ces procédures.

Compte tenu de cela, je trouve que le projet de loi S-2 a à la fois certains aspects positifs et certains aspects négatifs. J'appuie l'intention du projet de loi, qui est de préciser les distinctions entourant la décision de mettre fin à la vie d'une personne, en particulier la poursuite ou l'interruption du traitement, le cas échéant, et l'usage de médicaments pour apaiser la douleur.

Il est légal et moral qu'un soignant administre des médicaments pour apaiser la douleur à une personne dont la vie est en danger, même si ces médicaments risquent d'abréger la vie de la personne en question, à condition que l'intention ne soit pas de causer la mort. Le Sénat ayant été informé du fait que certains soignants hésitent à administrer suffisamment de médicaments pour apaiser la douleur par crainte d'être criminellement responsables, ce projet de loi est une mesure positive. L'inclusion dans ce projet de loi d'une disposition recommandant que Santé Canada établisse des lignes directrices nationales relativement à l'abstention et à l'interruption du traitement, sensibilise les professionnels de la santé et améliore leur formation en ce qui concerne le traitement de la douleur et les soins palliatifs et fasse de la recherche sur la fréquence d'abstention ou d'interruption des traitements est une autre mesure positive.

À présent que nous avons établi la nécessité de protéger les soignants qui veulent sincèrement soulager la douleur des patients, nous devons veiller à ce que cette mesure législative, si elle est adoptée, ne soit pas une porte ouverte à l'euthanasie directe, légalisée. C'est ce que redoute la Coalition nationale pour la vie, qui considère ce projet de loi comme un premier pas vers la création d'une demande dans le domaine de l'aide au suicide.

Honorables sénateurs, voilà le dilemme auquel nous sommes confrontés. Comment être sûr que l'acte médical vise effectivement à soulager la douleur, bien qu'il soit susceptible d'abréger la vie? Comment savoir si un malade n'a pas été soumis à des pressions pour qu'il accepte le traitement? Ce traitement deviendra-t-il d'utilisation courante dans les cas où il ne présenterait pas de danger de mort? En quelques mots, serions-nous sur le point de compromettre l'intégrité de la vie, laquelle, en notre qualité de législateurs, nous sommes tenus de protéger en dépit de notre désir légitime de soulager la douleur?

Voilà autant de questions qui mériteraient un examen approfondi en comité sénatorial, si le projet de loi venait à franchir l'étape de la deuxième lecture. À mon avis, nous devrions donner suite à cette initiative. La question mérite que nous fassions l'effort d'élaborer un bon texte de loi dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Bien que ce texte ne modifie pas le Code criminel, je crois comprendre qu'il ne vise pas à en atténuer les dispositions interdisant l'euthanasie et le suicide assisté. Toutefois, dans son libellé actuel, rien ne garantit que ce soit effectivement le cas. La question mérite un nouvel examen et une plus ample réflexion. Il conviendrait de préciser que la personne à laquelle il est fait allusion à l'article 2 est une personne dont le décès est imminent et inévitable. Il ne faut pas omettre de le préciser, ce qui n'est pas le cas à présent. Si l'intention du législateur est de soulager les souffrances d'un individu frappé d'une affection virtuellement mortelle, que ce soit clairement précisé dans le texte. Je proposerai, lors de l'étude en comité, que soit apportée une modification appropriée à cet article, suivie de modifications corrélatives.

Honorables sénateurs, il faut également se rappeler qu'il y a des situations constituant un danger de mort qui ne sont pas associées à une mort imminente et inévitable. Il y a de nombreuses conditions chroniques et à long terme qui ne mettent pas nécessairement la vie en danger. Un diabétique qui fait un choc diabétique est en danger de mort, mais la mort n'est ni imminente ni inévitable. De plus, une personne qui est censée être en phase terminale, qui souffre d'une maladie chronique ou dont la condition s'aggrave n'est pas en danger de mort au sens du projet de loi et cela devrait être précisé clairement.

Pour l'instant, je défend le principe voulant qu'une personne qui fait face à la menace d'une mort imminente et inévitable a droit à l'allégement de ses souffrances et que le médecin ou l'infirmière qui allège ainsi ses souffrances ne devrait pas être passible de poursuites. Cependant, nous ne devons pas ouvrir la porte à l'euthanasie directe. Il faut s'assurer qu'il n'y ait pas une mauvaise interprétation du véritable objet du projet de loi. J'invite le Sénat à agir de façon diligente dans cette affaire.

En réponse à la question que je lui ai adressée lorsqu'elle a ouvert le débat en deuxième lecture, le sénateur Carstairs a cité le catéchisme de l'Église catholique comme suit:

Même si la mort est considérée comme imminente, les soins ordinairement dus à une personne malade ne peuvent être légitimement interrompus. L'usage des analgésiques pour alléger les souffrances du moribond, même au risque d'abréger ses jours, peut être moralement conforme à la dignité humaine si la mort n'est pas voulue, ni comme fin ni comme moyen...

Cette citation, honorables sénateurs, est utile, mais rappelons-nous qu'elle est précédée par la déclaration suivante:

Quels qu'en soient les motifs et les moyens, l'euthanasie directe consiste à mettre fin à la vie de personnes handicapées, malades ou mourantes. Elle est moralement irrecevable.

Je suis persuadé qu'en unissant leurs efforts, les sénateurs peuvent rédiger une loi qui aidera à maintenir la dignité et les droits d'un patient dont la mort est imminente et inévitable ainsi que les normes professionnelles d'un professionnel de la santé.

Honorables sénateurs, ce projet de loi nous donne également l'occasion de renforcer le soutien aux programmes de soins palliatifs au Canada. De bons soins palliatifs sont destinés à alléger les souffrances et à améliorer la qualité de vie des personnes qui vivent avec une maladie avancée ou qui en meurent. Renforçons ce besoin croissant au Canada.

(Sur la motion du sénateur Roche, au nom du sénateur Lavoie-Roux, le débat est ajourné.)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Motion demandant l'autorisation d'utiliser les documents et témoignages recueillis lors de l'examen du projet de loi précédent pour l'étude du projet de loi S-6-Report du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Oliver, appuyée par l'honorable sénateur Di Nino:

Que les documents reçus et les témoignages entendus par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au cours de son étude du projet de loi S-17, Loi modifiant le Code criminel relativement au harcèlement criminel et à d'autres sujets connexes, lors de la première session de la trente-sixième législature, soient renvoyés au comité, lorsqu'il aura été constitué, pour la présente étude du projet de loi S-6.-(L'honorable sénateur Cools).

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je crois que le sénateur Oliver est aux alentours et qu'il pourra prendre la parole à ce sujet. J'avais indiqué que je lui céderais mon temps de parole.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, en l'absence du sénateur Oliver et compte tenu de l'heure, je propose que cette question soit reportée jusqu'à ce qu'il soit disponible.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, devons-nous reporter cette question au nom du sénateur Oliver? Je désire proposer l'ajournement en son nom.

Une voix: Non.

Le sénateur Cools: Quelqu'un doit intervenir sinon cette question va tomber.

Une voix: Inscrivez-la dans ce cas à votre nom!

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, la question ne peut être abordée parce que le sénateur Oliver n'est pas ici. Le sénateur Cools désire reporter la question.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je crois que le leader du sénateur Oliver lui a expliqué très attentivement que, selon ce que j'avais compris, je lui cédais la parole.

(Le débat est reporté.)

Autorisation au comité d'utiliser les documents et témoignages recueillis lors de l'examen du projet de loi précédent pour l'étude du projet de loi C-7

L'honorable Joan Fraser, en conformité avec l'avis du 17 novembre 1999, propose:

Que les documents reçus et les témoignages entendus par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au cours de son étude du projet de loi C-69, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et une autre loi en conséquence, lors de la première session de la trente-sixième législature, soient renvoyés au comité pour la présente étude du projet de loi C-7.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 23 novembre 1999, à 14 heures.)


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