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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 50

Le mardi 2 mai 2000
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool, Président pro tempore


LE SÉNAT

Le mardi 2 mai 2000

La séance est ouverte à 14 heures, le Président pro tempore étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Le décès de l'honorable Richard A. Donahoe, c.r.

Hommages

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'ai le triste devoir de vous parler de la mort, mardi dernier, le 25 avril, de notre ancien collègue, l'honorable Richard A. Donahoe. Il a été élu maire de Halifax durant les années 50, a été élu à cinq reprises à l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse et, de 1979 jusqu'à sa retraite en 1984, il a siégé au Sénat.

Sur la scène politique provinciale, Richard Donahoe a servi dans les gouvernements des premiers ministresRobert L. Stanfield et G.I. Smith en tant que procureur général et ministre de la Santé publique. À ce dernier titre, il a été bien connu pour avoir supervisé avec succès la mise en oeuvre du régime national d'assurance-hospitalisation à la fin desannées 50 et de l'assurance-maladie à la fin des années 60 dans sa province.

Richard Donahoe était un remarquable orateur et un excellent juge de l'éloquence. De temps à autre, dans ma jeunesse, je me retrouvais à jouer un petit rôle de soutien avec d'autres orateurs à certaines des grandes réunions politiques tenues en Nouvelle-Écosse où Dick Donahoe était généralement la principale attraction. Il était plutôt intimidant. Pendant cinq ans, ici, au Sénat, chaque fois que je parlais, je savais qu'il m'écoutait et me regardait. Même aujourd'hui, c'est avec une certaine appréhension que je suis le premier à intervenir dans le cadre de ces hommages. Soyez-en sûrs, il s'attend à ce que nous soyons dignes de cette occasion.

Ses funérailles, samedi dernier, ont eu lieu dans la basilique St. Mary à Halifax. Dans cette même église, il y a 105 ans, le requiem était en l'honneur de sir John Thompson, qui avait été premier ministre de la Nouvelle-Écosse et quatrième premier ministre du Canada. Toujours à cet endroit, il y a 46 ans, les cloches ont sonné pour l'honorable Angus L. Macdonald, premier ministre de la province durant cinq mandats et ministre de la Marine du Canada durant la Seconde Guerre mondiale. Non loin de là, on retrouve la Government House où Joseph Howe, le père d'un gouvernement responsable, est mort en 1873 et le cimetière Camp Hill, où il est enterré. L'église anglicane St. Paul, à l'autre bout de la rue Barrington, a été le théâtre de services funèbres en 1915 pour sir Charles Tupper, premier ministre de la Nouvelle-Écosse, père de la Confédération et sixième premier ministre du Canada. En une occasion comme samedi, on est conscient d'être entouré par l'histoire.

La semaine dernière, Richard Donahoe s'est joint à ce panthéon politique où il a sa place et il fait maintenant partie de la fière histoire politique et de la grande tradition politique de la Nouvelle-Écosse. C'était un homme public extrêmement doué et fort respecté. Il était fort apprécié, notamment par les membres du Parti conservateur. Personnellement, je me souviens, depuis les premiers jours de mon entrée en politique, de sa gentillesse, de sa considération et des encouragements qu'il nous a prodigués, à moi et à d'autres. Dick a été une source d'inspiration pour plusieurs générations de jeunes conservateurs en Nouvelle-Écosse.

(1410)

Le service funèbre s'est déroulé comme on dit aujourd'hui sur un ton «enjoué», avec la messe de la résurrection, la messe de Pâques et une très belle musique, y compris de la harpe celte et le choeur de l'ancienne école du sénateur Carstairs. Deux anciens archevêques d'Halifax officiaient.

Ce n'est pas se montrer irrévérencieux envers le culte que de dire que c'était aussi un événement très politique. Plusieurs personnalités politiques de la Nouvelle-Écosse, présentes et passées, étaient là, ainsi que probablement quelques-uns des futurs dirigeants. J'ai vu des gens - dont certains conservateurs - avec lesquels Dick Donahoe avait eu des heurts mémorables au fil des ans. Tous étaient présents pour un dernier adieu.

La chance propre aux Irlandais était avec Dick Donahoe il y a plus de 60 ans lorsqu'il a rencontré et épousé Eileen Boyd, du Cap-Breton. Elle assistait à la cérémonie samedi en compagnie de ses enfants et de ses petits-enfants.

Dans l'ensemble, je pense que la cérémonie d'adieu correspondait à ce qui avait été sa vie - béni par l'Église et entouré de ses amis et de ses collègues dans la ville qu'il aimait et qu'il a toujours servie. Dick n'aurait rien trouvé à redire à la cérémonie et j'espère qu'il ne trouvera rien à redire au fait que nous en rendions compte. Avoir été dans la compagnie de Dick a été pour moi une formidable expérience. L'avoir connu est pour moi un honneur.

L'honorable B. Alasdair Graham: Honorables sénateurs, je me joins à l'honorable sénateur Murray pour rendre hommage à notre regretté collègue, l'honorable Richard A. Donahoe. Comme l'a dit le sénateur Murray, on a vivement pleuré la disparition de l'ancien sénateur Donahoe à ses obsèques à Halifax samedi dernier. De même, sa vie a bien été célébrée.

Le grand guerrier conservateur dont la passion inlassable pour la fonction publique a été ce qui l'a guidé dans sa longue et distinguée carrière a mené une vie nettement plus riche que la plupart de ses contemporains, une vie pleine de générosité, d'accomplissements, une vie qui a laissé une empreinte sur tous ceux qui l'ont approché.

C'est vrai, l'ancien sénateur Richard Donahoe a toujours été plus grand que nature. Que ce soit comme maire de sa ville natale bien-aimée de Halifax ou comme ministre de la Santé et procureur général dans les gouvernements Stanfield et Smith, ou comme sénateur de 1979 à 1984, Dick Donahoe a fait sentir le poids de sa présence dans bon nombre des grands dossiers de notre temps, y compris un dossier dont il était très fier, soit avoir joué un rôle de chef de file dans la mise en oeuvre du régime d'assurance-maladie en Nouvelle-Écosse.

Patriarche partisan et profondément conservateur venant d'une grande famille talentueuse de la Nouvelle-Écosse engagée politiquement, il a eu la bonne idée, dois-je le préciser, d'épouser une libérale - Mary Eileen Boyd, femme splendide et accomplie. Dick est toujours demeuré un patriote ardent et convaincant face à sa ville, sa province, son pays, son église et son magnifique héritage irlandais.

Dick Donahoe a toujours présenté selon moi bon nombre des qualités qui font partie de cet héritage. Il était vif d'esprit et doué et avait une présence imposante. Il était éloquent et se faisait le défenseur de tout ce en quoi il croyait. Il avait le don de formuler des phrases qui restaient présentes à l'esprit de tous ceux qui l'entendaient. De sa magnifique et profonde voix de baryton, Dick défendait toujours ce qu'il estimait être vrai et ce qu'il estimait être juste et, au fil des décennies, il a toujours parlé en faveur de sa ville chérie, de sa province bien-aimée et il est toujours intervenu dans l'intérêt de la fonction publique de son pays.

Honorables sénateurs, Dick Donahoe a été ici un grand débatteur. Je me rappelle que nous avions eu un échange au sujet d'une question sur laquelle nous ne nous entendions pas. Au moment où nous sortions, il m'a dit: «Al, ton discours sonnait très bien, mais veux-tu bien me dire ce que tu as dit?»

Quand je pense à Dick et à Eileen aujourd'hui - car ce n'était pas seulement un mariage d'amour et de vraie dévotion, c'était aussi un puissant partenariat politique qui a duré 63 ans, jusqu'au décès de Dick la semaine dernière - je pense à leurs rêves et à leurs réalisations au cours de leur longue vie ensemble, à la famille qu'ils ont élevée et aux racines qu'ils ont si profondément choyées. Il convient de souligner que leurs deux fils se sont aussi distingués dans la vie politique en Nouvelle-Écosse. Terry est à la fois ministre de l'Éducation et procureur général; Arthur a été Président de l'assemblée législative et il détient aujourd'hui le poste important de secrétaire général de l'Association parlementaire du Commonwealth.

Honorables sénateurs, au moment où nous honorons la mémoire de notre ancien collègue, je pense à la magie des mots de W.B. Yeats, le poète irlandais visionnaire qui lui-même a consacré une bonne partie de son temps et de son énergie comme sénateur à l'État libre d'Irlande. Dans une de ses meilleures oeuvres, le sénateur a dit ce qui suit:

Je vais me lever et aller à Innisfree [...]. J'entends le doux bruit des vagues qui lèchent les rives du lac [...]. Je l'entends au fin fond de moi-même.

Dick Donahoe avait un coeur aussi profond que l'étaient sa conviction et son dévouement pour les gens qu'il a côtoyés durant sa vie. C'est Robert Kennedy qui a dit un jour que chaque fois qu'un homme défend un idéal, agit pour améliorer le sort des autres ou se bat contre l'injustice, il dégage comme un murmure d'espoir.

Honorables sénateurs, même si la voix d'or s'est tue, le murmure qui jaillit de la vie et de l'époque de l'ancien sénateur Richard Donahoe ne cessera de se faire entendre parmi nous.

À son épouse bien-aimée, Eileen, à ses enfants et à sa famille élargie, nous offrons toutes nos condoléances.

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je veux me joindre au sénateur Graham et au sénateur Murray et exprimer mes réflexions au sujet du décès de Dick Donahoe. Je voudrais tout d'abord offrir mes condoléances à son épouse, à ses enfants, à ses petits-enfants, en un mot, à toute sa nombreuse famille qui ne cesse de s'agrandir.

J'ai connu et commencé à travailler avec Dick Donahoe en 1957, soit à l'époque où j'oeuvrais au parti. On a dit de Dick que s'il ne vous connaissait pas, il connaissait quelqu'un de votre famille. Voilà qui en dit long sur l'homme qui se préoccupait de sa ville, de sa famille et de sa province, mais par-dessus tout de tous les gens qu'il côtoyait à ce titre.

(1420)

C'était un grand Néo-Écossais. L'honorable Richard Donahoe a pratiqué le droit à Halifax après avoir obtenu un diplôme de la Saint Mary's University et de l'Université Dalhousie. Il a d'ailleurs passé le reste de sa vie à appuyer cet établissement. Il a siégé au conseil d'administration de Saint Mary's de 1965 à 1971 et s'est vu décerner un doctorat honorifique en droit par cette même université qui a formé sa jeunesse, tant au plan scolaire que spirituel.

Il a occupé un poste important au sein des Chevaliers de Colomb, s'étant joint à cette organisation l'année même où je suis né, c'est-à-dire en 1932. Il a consacré des heures, des mois et des années à des oeuvres de charité, tant au sein de cette organisation qu'à toutes les autres auxquelles il a participé, à un point tel que le pape lui a conféré en 1969 le titre de Chevalier de l'Ordre de Saint Grégoire le Grand.

On ne peut qu'admirer son dévouement à sa communauté, à sa province et à son pays. Il a été élu une première fois conseiller municipal en 1951, puis maire de Halifax en 1952 et reconduit par la suite par acclamation en 1953 et 1954, ce qui démontre bien sa grande popularité auprès des citoyens de cette ville.

Il s'est ensuite fait la main, comme l'a souligné le sénateur Murray, dans le domaine de la politique provinciale, étant élu dans le cadre d'une élection complémentaire en 1954. Puis il s'est présenté aux élections de 1956, 1960, 1963 et 1967. Comme on l'a souligné, il a été procureur général et ministre de la Santé publique dans le Cabinet du premier ministre de l'époque, le Très honorable Robert L. Stanfield, un autre grand Néo-Écossais. Il a par la suite fait partie du Cabinet du premier ministre George Isaac Smith.

Dick Donahoe a joué un rôle de premier plan, si ce n'est le premier rôle, pour offrir deux importants programmes de soins médicaux aux habitants de notre province.

Enfin, comme nous le savons tous, il a été nommé au Sénat en 1979, où il a siégé jusqu'au moment de sa retraite à titre de membre du Parti conservateur et de protecteur de sa province chérie.

Aujourd'hui, le nom de la famille Donahoe est bien connu dans la province. C'est un nom qui est associé à jamais à l'histoire de notre grande province. C'était un bon ami, un conseiller exemplaire, quelqu'un avec qui j'ai toujours été fier de travailler pour servir la population et la province de la Nouvelle-Écosse.

Je présente mes sincères condoléances à son épouse dévouée et aimante, Mary Eileen, à ses fils, Arthur et Terry et à leurs familles respectives, eux-mêmes deux éminents citoyens de la Nouvelle-Écosse qui ont beaucoup apporté et ont encore beaucoup à apporter à leur province. Ils ont, en cela, suivi les traces de leur père. J'offre également mes sincères condoléances à Kathleen Niedermayer, à Sheila, à Nora et à leurs familles, à Ellen Feenan et aux membres de sa famille ainsi qu'aux soeurs de Richard, Edith Power, Geraldine Curran et Muriel Duxbury, à son frère Frank, ainsi qu'à ses innombrables petits-enfants et arrières-petits-enfants.

La vie de Dick Donahoe a été une source d'inspiration pour les autres. C'est par son souci des gens, de leur valeur et de leur dignité qu'il s'est le mieux investi.

À voir les membres de la famille Donahoe, on constate que ses efforts ont porté fruit.

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, les familles Donahoe et Connolly ont en commun une longue histoire dans la ville de Halifax. Je sais que les membres de ma famille, les Connolly, tiennent à ce que je dise quelques mots à l'occasion du décès de cet homme remarquable, de ce politicien et orateur remarqué, qui était également un membre éminent de la société caritative irlandaise de Halifax.

Honorables sénateurs, Kathleen Donahoe et moi-même étions âgées de six ans lorsque nos pères, Harold Connolly et Richard Donahoe, se sont affrontés au cours des élections provinciales de 1948, dans la circonscription de Halifax-Nord. Mon père a remporté l'élection, mais cela n'a en rien amoindri les liens d'amitié qui unissaient M. et Mme Donahoe à Mme et M. Connolly, comme nous appelions nos aînés lorsque nous étions enfants.

Kathleen et moi-même avons continué de nous rendre ensemble à l'école de la rue Oxford. Les frères de Kathleen, Arthur et Terry, étaient des amis et camarades de classe de mes propres frères, David et Dennis. Comme la plupart d'entre vous le savez, Arthur et Terry ont connu de belles carrières politiques dans la province de la Nouvelle-Écosse. Dennis et moi-même sommes aussi devenus politiciens et, comme nos pères avant nous, les membres de nos deux familles ont milité dans des camps opposés. Nous avons naturellement opté pour la carrière politique, à l'exemple de nos pères. La politique, à leur époque, était plus civilisée; c'était une époque que je regrette beaucoup.

Dick Donahoe, car la plupart de ses amis l'appelaient «Dick» et non pas «Richard», a été nommé au Sénat en 1979 pour occuper le siège laissé vacant par la démission de mon père. La nomination de Dick au Sénat a été célébrée par les Connolly. Après tout, nous reconnaissions que le siège devait être attribué à un conservateur puisque le premier ministre de l'époque était lui-même conservateur. Qui, mieux que Richard A. Donahoe, pouvait représenter le Parti conservateur au Sénat?

M. Donahoe, comme je l'ai toujours appelé, a connu une carrière distinguée comme échevin, maire de Halifax, puis ministre provincial, en particulier ministre de la Santé - Santé publique, comme on le disait à l'époque - ainsi que procureur général de la province.

J'offre donc mes sincères sympathies à toute la famille Donahoe. Ce sont nos amis - des amis des Connolly. Avec nous, ils ont pleuré la perte de nos parents. Nous sommes aujourd'hui en deuil de leur père.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, je me joins aux autres honorables sénateurs pour commenter brièvement la vie extraordinaire de l'honorableRichard A. Donahoe, de Halifax.

Il a personnifié la fonction publique. Pendant toute sa vie adulte, il a été le serviteur de la population, à titre de maire de Halifax, puis de ministre provincial dans le gouvernement dirigé par Robert Stanfield, entre autres, et finalement de membre du Sénat du Canada.

Lui et les siens sont mes amis intimes depuis plus de 44 ans. C'est le sénateur Donahoe, son fils Arthur et M. Stanfield notamment qui m'ont fortement influencé et qui m'ont fait épouser les valeurs, les principes et la philosophie du Parti progressiste-conservateur.

Richard A. Donahoe était un homme, un conservateur, un progressiste-conservateur doté d'une conscience sociale qui le portait intuitivement à aider les démunis et à se servir du pouvoir politique pour égaliser les chances de tous les Canadiens. Ses efforts pour mettre en place un système d'assurance-maladie moderne et équitable en Nouvelle-Écosse ne représentent qu'une petite partie du précieux témoignage qu'il laisse d'un homme au service de la population.

J'ai été honoré de le connaître. À sa veuve, Eileen, et ses enfants, Arthur, Terry et Sheila, que je connais bien, j'offre mes plus sincères condoléances.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je fais appel à votre indulgence, car je tiens à dire quelques mots pour rendre hommage à un grand homme de la Nouvelle-Écosse.

Dick Donahoe était un homme d'honneur, affichant sans honte ses couleurs politiques, doué, généreux et Irlandais. Il a aimé Dieu, sa famille et sa province, et en ce qui a trait à ces trois pierres angulaires de sa vie, à ce qu'on m'a dit, il n'acceptait aucun compromis.

(1430)

L'histoire montre également qu'il n'était pas non plus homme à se décourager facilement. Une fois qu'il s'était fixé un but, il n'y avait pas grand-chose qui pouvait résister à sa résolution. Malgré ses antécédents politiques contestables, il a réussi à faire la cour et à se gagner le coeur de Mary Eileen Boyd, qui non seulement venait de l'une des familles les plus ardemment libérales du Cap-Breton, mais travaillait également comme secrétaire du premier ministre libéral de l'époque, Angus L. Macdonald, au temps où ils sortaient ensemble. La rumeur veut qu'elle n'ait plus jamais voté libéral par la suite.

Une voix: Bravo!

Le sénateur Boudreau: Lorsque le sénateur Donahoe a été élu à l'assemblée législative en 1954, il est devenu le premier député conservateur à se faire élire en 26 ans dans le comté de Halifax, mais cette élection ne fut pas chose facile. Sa victoire venait après quatre échecs à se faire élire aux niveaux municipal, provincial et fédéral - ce qui illustre bien toute la détermination de cet homme.

Dick Donahoe a contribué de façon importante à réunir un groupe de Néo-Écossais éminents qui, en 1956, sous le premier ministre Robert L. Stanfield, ont remporté les élections générales et ont par la suite assuré un gouvernement solide, honnête et compétent à notre province durant près de 15 ans.

Lorsque cette équipe a été réunie en 1956, une fois le sentier battu et les conditions de la victoire sérieusement assurées par sa percée de 1954, mon père a été un des hommes que le sénateur Donahoe a impressionnés et il l'a persuadé de se porter candidat. Je me rappelle encore, à l'époque où j'étais un jeune garçon, l'admiration et le respect que mon père avait pour lui. Ses paroles furent souvent citées chez nous durant cette campagne de 1956. Mon père n'a pas réussi à se faire élire, entamant une tradition ininterrompue de défaite politique dans notre famille jusqu'à mon élection en 1988. J'attribue en partie mon succès au fait que j'ai été le premier membre de ma famille à me présenter sous la bannière libérale.

À mon arrivée à l'Assemblée législative de la Nouvelle- Écosse, deux des premières personnes à me faire sentir à l'aise furent les fils de Dick, Art Donahoe, qui était le Président de l'assemblée, et Terry Donahoe, qui faisait partie du Cabinet du premier ministre John Buchanan. Ces deux hommes, qui se sont montrés des serviteurs de la population honnêtes, compétents et respectueux de leurs principes, sur le modèle de leur père, ont certainement dû le remplir de fierté.

D'autres qui ont pris la parole aujourd'hui connaissaient le sénateur Donahoe beaucoup mieux que moi, mais j'ai vu la marque qu'il a laissée en Nouvelle-Écosse et j'ai ressenti son héritage. Se mesurer à son aune en matière de service public, de compétence, de dévouement et de compassion demeure une tâche redoutable pour chacun d'entre nous.

Honorables sénateurs, la Nouvelle-Écosse a perdu un citoyen distingué, la famille Donahoe un époux, un père et un grand-père aimant. Mes condoléances les plus sincères les accompagnent et je les remercie d'avoir su partager cet être cher avec les habitants de sa province qu'il adorait.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Jour de l'Holocauste

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, aujourd'hui, nous observons Yom ha-Choah, le Jour de l'Holocauste. Je tiens à exprimer ma gratitude et mon respect à l'égard des survivants de l'Holocauste. Yom ha-Choah, qui signifie «jour de feu», est un hommage annuel à la mémoire des six millions d'hommes, de femmes et d'enfants qui ont péri pendant l'Holocauste; c'est un jour de deuil officiel pour les juifs du monde entier.

Tout aussi incompréhensibles que soient les souffrances et la douleur infligées au peuple juif et à certains autres groupes, nous devons comprendre qu'elles trouvent leur racine dans la haine de ses auteurs et dans la lâcheté de ceux qui en ont été témoins et qui n'ont rien fait.

Yom ha-Choah est aussi l'occasion de rendre hommage aux nombreux gentils qui, au péril de leur vie, ont sauvé et protégé des milliers de juifs pendant cette époque sombre et douloureuse.

Honorables sénateurs, la période située entre 1933 et 1945 fut la scène d'une dévastation totale sans égale de mémoire d'homme. De nombreux survivants de l'Holocauste ont consacré leur vie à s'assurer que jamais ne soient oubliées les atrocités qu'on a laissé commettre, et ils continuent à se battre contre ceux qui nient l'existence même de l'Holocauste. Toutefois, il ne suffit pas de se rappeler passivement de ces événements, le souvenir de l'Holocauste devrait nous pousser à combattre activement le racisme et la haine.

Il est triste de constater que le monde n'a pas encore assimilé toutes les tragiques leçons de L'Holocauste. L'inhumanité est partout: des atrocités commises en Bosnie au massacre de milliers de personnes au Rwanda, au Soudan et maintenant au Zimbabwe, en passant par le nettoyage ethnique dans les Balkans. Le réveil de l'antisémitisme et la multiplication insidieuse des groupes haineux sont autant d'exemples récents qui révèlent l'existence d'un sectarisme profondément enraciné, source de haine et de violence.

Aujourd'hui, Yom Hashoah sert à rappeler les milliers de personnes décédées dans les camps de la mort. En tant que citoyens du monde, nous avons collectivement le devoir de continuer à éduquer les populations et à dénoncer la haine, la violence et le racisme.

La Journée du livre au Canada

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, j'attire l'attention des sénateurs sur un événement très spécial qui a eu lieu la semaine dernière, pendant l'interruption de nos travaux. Le 27 avril était la Journée annuelle du livre au Canada, un projet du Writers' Trust of Canada. C'est une journée que nous célébrons chaque année au Sénat en travaillant à l'atteinte des quatre grands objectifs visés par cette journée: célébrer l'importance de la littérature dans le passé, le présent et l'avenir du Canada; favoriser l'amour de la lecture chez les jeunes, particulièrement dans les écoles; célébrer les succès internationaux de la littérature et des héros canadiens; promouvoir les livres canadiens et leurs auteurs.

Honorables sénateurs, c'est une excellente occasion de souligner que, si nous n'avions pas et ne promouvions pas une culture de l'alphabétisation et de l'apprentissage permanent au Canada, les oeuvres produites par nos talentueux auteurs seraient vouées à un bien triste sort.

Parce que l'alphabétisation est la cause de ma vie, c'est avec joie que je donne un livre à un ami, comme je le fais depuis plusieurs années. Cette année, à l'occasion de la Journée du livre du Canada, mon ami est le sénateur John Lynch-Staunton, pour qui j'ai une petite gâterie bien spéciale. Il s'agit d'un livre écrit par un auteur et photographe remarquable de ma ville, Lethbridge, M. Van Christou, qui, dit-on, peint avec les lentilles de sa caméra. Il s'agit d'un des rares ouvrages portant exclusivement sur le sud-ouest de l'Alberta, où les collines ondoyantes rencontrent les montagnes, une région où vivent de nombreux membres de la famille élargie du sénateur Lynch-Staunton. Le titre de cet ouvrage, Land of Shining Mountains, s'inspire de la langue autochtone. C'est avec beaucoup de plaisir que je l'offre aujourd'hui à l'honorable sénateur.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je demande 24 heures pour répondre. J'apprécie beaucoup le cadeau d'autant plus que, en dépit de nos efforts, particulièrement ceux du sénateur Di Nino, le sénateur Fairbairn a dû payer la TPS sur cet ouvrage.

La défense nationale

Le rapport sur l'incident du Sea King Talon41

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je voudrais verser au compte rendu de nos débats une information susceptible d'en faire réfléchir quelques-uns. J'espère du moins qu'elle fera réfléchir le leader du gouvernement au Sénat.

Je parle du rapport sur l'incident de l'appareil Talon41. Il s'agit d'un compte rendu officiel et je voudrais que les sénateurs entendent cela. Les heures indiquées sont approximatives.

À 10 h 43, l'équipage du Talon41 décèle la présence d'une odeur «âcre et cireuse» dans la cabine. L'équipage l'impute à un éventuel problème d'électricité et éteint tous les systèmes non essentiels - l'anti-givrage, par exemple. L'équipage pointe l'appareil dans la direction de YAW, c'est-à-dire, bien sûr, Shearwater. À ce moment-là, l'appareil Talon41 se trouve dans le secteur de trempage 2, à environ 15 milles nautiques au sud de la terre ferme la plus proche, soit à 29 milles nautiques au sud-est de Shearwater.

(1440)

À 10 h 45, deux minutes plus tard, le copilote observe une oscillation dans l'indicateur de pression de transmission, entre 45 et 60 lb/po2. Une urgence en vol est déclarée et un message PAN est envoyé. L'appareil Talon41 se dirige ensuite vers le nord pour s'approcher du point de terre ferme le plus proche, tout en continuant à rechercher des indications secondaires. L'appareil Shark28, un autre Sea King, se rapproche de Talon41 pour le raccompagner jusqu'à Shearwater.

À 10 h 52, l'indicateur de pression de transmission - en abrégé pression TX - continue d'osciller pour finalement passer sous la barre verte de la limite opérationnelle. L'équipage de Shark28, qui escorte désormais Talon41, signale par message radio qu'il observe une fuite «considérable» de fluides à bâbord de l'appareil. La pression TX se stabilise à 20 lb/po2, en deçà de la limite opérationnelle. L'équipage décide d'atterrir dans les plus brefs délais dans la région de Lawrencetown. À 10 h 52, Talon41 envoie un message de détresse «Mayday» et demande à atterrir le plus rapidement possible.

À 10 h 58, l'équipage observe la pression TX descendre à 15 lb/po2. Il décide alors d'atterrir immédiatement. L'île Shut-In, non loin de là, est choisie comme point d'atterrissage.

À 11 h 01, le Talon41 se positionne pour l'atterrissage sur l'île Shut-In.

À 11 h 02, l'équipage voit le témoin de la pression TX s'allumer, ce qui indique que la pression est de 12 lb/po2 ou moins. L'équipage entend des grincements.

À 11 h 03, le Talon41 atterrit sur l'île Shut-In.

À 11 h 11, l'équipage du Talon41 éteint le moteur et signale par radio que l'appareil et lui-même sont sains et saufs. Le côté bâbord du Talon41 s'enfonce légèrement dans le sol détrempé.

Je poserai des questions sur le sujet plus tard.

La présentation des personnages modèles autochtones

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, le vendredi 14 avril, après que la plupart des sénateurs et des députés eurent quitté pour le congé de Pâques, le sénateur Willie Adams et moi-même avons eu le rare privilège d'assister à une cérémonie très spéciale qui s'est déroulée à la résidence de la Gouverneure générale. Son Excellence Adrienne Clarkson, la Gouverneure générale du Canada, en était l'hôte.

La cérémonie visait à honorer les nouveaux personnages modèles autochtones. Mme Clarkson a décerné des certificats à neuf jeunes pour leurs réalisations impressionnantes dans divers domaines. Ces réalisations sont d'autant plus remarquables quand on pense que ces jeunes ont dû relever d'énormes défis et surmonter de grandes épreuves pour atteindre le statut dont ils jouissent aujourd'hui au sein de leur collectivité.

J'ose espérer que j'arrive à vous transmettre un peu le sentiment d'admiration que j'ai ressenti en voyant ces jeunes être honorés à Rideau Hall. Ils ont été choisis comme personnages modèles pour les jeunes autochtones, mais ils sont en fait une source d'inspiration pour tous. La contribution qu'ils ont apportée à leur collectivité et à notre société enrichit chacun d'entre nous.

Le Programme national des personnages modèles autochtones fait valoir la contribution des récipiendaires en leur permettant de montrer activement aux jeunes autochtones canadiens ce qu'ils peuvent espérer accomplir. Au cours des deux prochaines années, ces personnages modèles visiteront les collectivités autochtones pour partager leurs talents et leur vision avec des milliers d'autres jeunes.

Le Programme national des personnages modèles autochtones reçoit un financement de Santé Canada et est administré par un bureau national situé à Kahnawake, au Québec. Il s'agit d'un programme de santé national destiné à promouvoir et encourager l'adoption d'un mode de vie sain basé sur les traditions de sagesse, d'amour, de respect, de courage, d'honnêteté, d'humilité et de vérité auprès des jeunes des Premières nations et des jeunes Inuits au Canada.

Tous ceux d'entre nous qui ont écouté citer le nom des récipiendaires pour l'année 2000 ont éprouvé un sentiment de fierté à l'idée que les jeunes autochtones du Canada ont de tels personnages modèles qui peuvent aider à faire une différence importante dans leur vie.


AFFAIRES COURANTES

comité sénatorial spécial chargé d'étudier le projet de loi C-20

Avis de motion de constitution

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je donne avis que jeudi prochain, je proposerai:

Qu'un comité spécial du Sénat soit institué afin d'étudier, après la deuxième lecture, le projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec;

Que, nonobstant l'article 85(1)b) du Règlement, le comité soit composé de quinze membres, y compris:

Le sénateur Joan Fraser
Le sénateur Céline Hervieux-Payette, c.p.
Le sénateur Colin Kenny
Le sénateur Marie P. Poulin (Charette)
Le sénateur George Furey
Le sénateur Richard Kroft
Le sénateur Thelma Chalifoux
Le sénateur Lorna Milne
Le sénateur Aurélien Gill;

Que le quorum soit constitué de quatre membres;

Que le comité ait le pouvoir de faire comparaître des personnes et produire des documents, d'entendre des témoins, et de faire imprimer au jour le jour documents et témoignages, selon les instructions du comité;

Que le comité soit habilité à permettre le reportage des ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux; et

Que le comité soit autorisé à retenir les services de professionnels et du personnel de soutien et autres qu'il juge nécessaires.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La défense nationale

Le remplacement des hélicoptères Sea King-Le rapport sur l'incident du Talon41

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Il y a quelques instants, j'ai lu un bref résumé des circonstances qui ont entouré un incident mettant en cause l'appareil Talon41. Je me demande si le ministre a eu l'occasion de lire ce résumé à un autre moment. Cet incident s'est produit en plein jour, et les conditions météorologiques étaient favorables. Que serait-il advenu des courageux membres de l'équipage s'il s'était produit en pleine nuit et par mauvais temps?

Il ne m'intéresse plus beaucoup d'entendre parler du régime d'entretien. Ces appareils sont toujours sûrs, à condition de se trouver au sol. C'est excellent, mais cela ne suffit pas à garantir la fiabilité des appareils. Je ne veux pas entendre dire que la sécurité et la fiabilité sont hautement prioritaires pour le ministre, car l'action ou l'inaction en dit plus long que les mots.

Je veux savoir exactement ce que le leader du gouvernement fera cet après-midi pour amener le premier ministre à lancer le programme de remplacement des hélicoptères maritimes.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, tout d'abord, je ne suis pas au courant des détails de l'incident que le sénateur a porté à l'attention du Sénat cet après-midi. Cependant, je communiquerai sans tarder avec le ministre responsable et lui demanderai de m'en donner les détails. Je serai peut-être alors en mesure de les faire connaître à tous les sénateurs pour que nous puissions élucider les faits.

J'en prends l'engagement, et j'ajoute que le premier ministre est bien au courant de mon opinion au sujet du programme de remplacement des hélicoptères Sea King. J'irai également jusqu'à dire qu'il est au courant de l'opinion du sénateur à ce sujet. Lorsqu'il s'est rendu à Halifax le week-end dernier, le ministre responsable a dit publiquement que leur remplacement était pour lui une priorité.

(1450)

Les hélicoptères que nous avons actuellement sont vieux. Ce sont des pièces d'équipement compliquées.

Le sénateur Forrestall: Le terme «dangereux» est le mot qui convient pour eux.

Le sénateur Boudreau: Nous estimons que, grâce au programme d'entretien qui est en place, les appareils continueront d'être sécuritaires.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, au risque de me répéter, ces appareils sont sûrs, stables et merveilleux, à condition de rester au sol.

Le ministre ira-t-il voir le premier ministre cet après-midi pour lui demander de mettre en oeuvre ce programme? N'écoutez pas le ministre de la Défense nationale parce que Dieu sait que ce qu'il dit n'a rien à voir avec l'esprit pratique, la réalité, la prudence ou l'inquiétude. Le ministre ira-t-il voir le premier ministre pour lui demander d'amorcer ce programme avant que quelqu'un soit tué?

Je demande au ministre de se reporter au rapport sur l'appareil Talon41. L'équipage avait une minute pour atteindre la terre ferme. Je demande au ministre d'aller voir le premier ministre pour lui dire: «Pour l'amour du bon Dieu, amorcez ce programme. Faites preuve de confiance envers ceux qui doivent voler à bord de ces appareils.»

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je ne puis que donner l'assurance au sénateur et à ses collègues que le premier ministre et le ministre de la Défense nationale se préoccupent du bien-être de tous ceux qui servent notre pays dans les forces armées, y compris ceux qui volent à bord des hélicoptères Sea King. J'ai été informé par les gens qui s'occupent de l'entretien de ces appareils et le haut commandement militaire qui envoie ces gens-là à bord des hélicoptères qu'ils ne mettent pas leur vie en danger.

Toutefois, comme nous l'avons déjà dit, ce sont de vieux appareils compliqués. Même si je ne connais pas tous les détails de cet incident, il semble que, grâce à la compétence et à l'expertise de l'équipage, l'appareil a pu se poser sans tragédie.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, je continue d'entendre que le ministre communiquera le message dès aujourd'hui à ses collègues. En pareil cas, j'ignore si le ministre enverra une note au bureau du premier ministre dans laquelle il précisera les questions auxquelles il a répondu au Sénat au sujet de l'incident en cause. Si c'est le cas, je demande que le ministre dépose au Sénat des copies des messages qu'il enverra au premier ministre à cet égard.

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, j'hésiterais beaucoup à dire à l'honorable sénateur que je vais déposer des documents susceptibles d'avoir fait l'objet de discussions au sein du Cabinet. Les vues de l'honorable sénateur ainsi que les miennes, bien entendu, ont été transmises de diverses façons, toujours sous le sceau de la confidentialité propre au Cabinet. Je puis donner à l'honorable sénateur l'assurance que ces idées sont exposées régulièrement.

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, j'ai été étonné d'entendre le ministre dire qu'il ne connaît pas les détails de l'incident, malgré le fait que tous les médias en ont fait état depuis en Nouvelle-Écosse et dans tout le Canada atlantique. On en vient à se demander où le ministre était pendant cette séance d'information.

Honorables sénateurs, je voudrais souligner que le ministre et le gouvernement se montrent extrêmement irresponsables à l'égard de cet incident. Le message qu'ils envoient, c'est que le gouvernement du Canada ferme les yeux lorsqu'on envoie des gens à bord d'aéronefs qui ne sont pas sûrs. Le ministre dit que ce sont de vieux appareils - le qualificatif que nous employons pour les décrire est plus péjoratif. Quel message cela envoie-t-il aux Canadiens qui doivent s'en remettre aux examens que les autorités canadiennes font des transporteurs aériens commerciaux?

Je veux que le ministre comprenne l'inquiétude qui ronge les Canadiens, notamment ceux de l'Atlantique, à l'idée de dépendre du gouvernement pour leur sécurité. Si le gouvernement du Canada ne peut assurer la sécurité de ses militaires, comment pouvons-nous compter sur lui pour assurer celle de tous les Canadiens?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je puis seulement transmettre à l'honorable sénateur les nouvelles assurances que j'ai reçues des personnes directement visées. J'ai eu l'occasion de visiter l'endroit où l'on effectue l'entretien de ces hélicoptères. Je me suis entretenu avec des travailleurs qui s'occupent directement du matériel et des cadres de l'entreprise. J'ai parlé à d'autres militaires et au ministre. Tout ce que je puis faire, c'est donner à l'honorable sénateur la garantie que j'ai reçue, celle selon laquelle les hauts gradés n'enverraient pas des militaires dans des appareils s'ils avaient l'impression de mettre ainsi leur vie en danger.

Ce genre d'incident arrive parfois. En fait, il arrive même avec de nouveaux appareils. En disant cela, je ne minimise pas le fait que l'équipement en question est vieux et complexe. Il est cependant parfois en cause dans des incidents comme celui qui s'est produit et, je le répète, l'équipage a réussi à garder la maîtrise de cette situation de manière très professionnelle.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, bien des gens de ce côté-ci de la Chambre sont très préoccupés. Nous ne comprenons pas pourquoi le gouvernement hésite tant à s'attaquer à cet important dossier. Je vais être prudent dans mes propos. Il me semble que le gouvernement s'est montré intransigeant dans cette affaire, tout comme dans les autres affaires, depuis les élections de 1993. Je fais allusion, entre autres, au prétendu scandale de l'aéroport Pearson et à l'achat d'avions par Air Canada dans le prétendu scandale Airbus. Après s'être montrés intransigeants, ces gens-là ont tenté d'impliquer le premier ministre dans quelque chose que tout le monde savait être tout à fait faux. Ils ont refusé de retirer leurs allégations de comportement criminel. D'où les avions qui tombent littéralement du ciel.

Est-ce à cause de l'absence de politique gouvernementale ou est-ce dû au refus du gouvernement d'admettre qu'il s'est trompé en annulant le contrat? S'ils sont prêts à sacrifier la vie des militaires canadiens, c'est parce qu'ils hésitent à admettre qu'ils ont eu tort en 1993 d'annuler le contrat d'achat de nouveaux appareils gouvernementaux. Ils hésitent tant qu'ils se soucient peu des avions brinquebalants dans lesquels doivent prendre place les militaires que nous avons le devoir de respecter et de protéger. Je crois que c'est pour cela que le gouvernement fait preuve de tant d'entêtement dans ce dossier.

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, il est difficile de trouver une question dans l'intervention de l'honorable sénateur. En fait, il s'agit plutôt d'une diatribe.

Si l'honorable sénateur suggère que le premier ministre, le ministre de la Défense nationale et le haut personnel militaire sont mêlés à des fins politiques à une vaste conspiration visant à mettre quotidiennement la vie des soldats canadiens en danger, je pense qu'il va un peu loin dans son argument. Je peux lui assurer que d'après les témoignages qui m'ont été fournis et les entretiens que j'ai eus avec d'importantes personnes, dont plusieurs n'ont rien à voir avec la politique, ce n'est pas le cas.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, certains de nous de ce côté-ci de la Chambre sont simplement d'avis que les hélicoptères Sea King devraient être interdits de vol. La position de la partie gouvernementale, du ministre dans cet endroit et du ministre de la Défense nationale semble être que non, que tout va bien, que ces hélicoptères peuvent continuer de voler.

Dans ce cas, le ministre dans cet endroit et le ministre de la Défense nationale sont-ils prêts à démissionner au cas où se produirait un autre incident du type de celui qu'a décrit en détail le sénateur Forrestall?

(1500)

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je répéterai encore une fois que le personnel militaire haut gradé, le personnel civil de niveau supérieur et le ministre de la Défense nationale lui-même ont tous indiqué que le matériel était adéquat pour le travail. Jamais un militaire ne serait appelé à voler dans un appareil qui pourrait mettre sa vie en danger. Voilà la réponse adéquate à la question.

Le remplacement des hélicoptères Sea King-La possibilité d'un examen de la navigabilité des appareils par le Bureau de la sécurité des transports

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je pourrais peut-être formuler notre inquiétude autrement. N'est-il pas exact que si les hélicoptères Sea King étaient des appareils du secteur privé plutôt que des appareils militaires, le Bureau de la sécurité des transports les auraient déclarés impropres à la navigation et interdits de vol il y a déjà longtemps?

Une connaissance élémentaire des critères utilisés par le Bureau de la sécurité des transports et son équivalent américain nous permet de voir que les appareils sont interdits de vol au moindre doute qu'il pourrait exister le plus superficiel des défauts. Voilà que nous prenons des chances depuis des années avec ces appareils et que le seul argument qui nous est fourni pour nous rassurer, c'est que les techniciens au sol affirment que les appareils sont en bon état. Je serais plus rassuré si le ministre demandait au Bureau de la sécurité des transports d'examiner ces appareils et de nous présenter un rapport complet. Les assurances des militaires ne suffisent pas.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne puis spéculer sur la situation qui pourrait survenir dans l'une des ces circonstances hypothétiques.

Le sénateur Lynch-Staunton: Elles ne sont pas hypothétiques. Ce sont des faits.

Le sénateur Boudreau: Je peux dire au sénateur que les militaires haut gradés qui doivent prendre ces décisions d'ordre opérationnel sont des gens responsables. Ils s'intéressent au bien-être des gens sous leur commandement et nous devrions les laisser faire leur travail.

Le remplacement des hélicoptères Sea King-L'autorisation de voler avec ces appareils dans l'espace aérien des États-Unis

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Le ministre peut-il dire au Sénat si le Sea King, lorsqu'il peut voler, est autorisé à voler dans l'espace aérien américain, conformément aux règlements de la Federal Aviation Administration?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne peux pas répondre à la question. Je vais en prendre note et donner une réponse plus tard.

Le remplacement des hélicoptères Sea King-La demande d'examen des registres d'entretien par le Bureau de la sécurité des transports

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, la réponse à cette question risque de pousser le gouvernement à agir.

Il est tout à fait vrai, honorables sénateurs, que le Talon41 était en bon état mécanique au sol, mais il a suffi de dix minutes pour que, de stable, il devienne très dangereux.

J'espère que le sous-comité sénatorial de la sécurité des transports étudiera la question pour savoir qui, a priori, doit avoir compétence pour faire enquête sur les incidents aériens, notamment, au Canada.

Le ministre envisagerait-il de discuter avec le ministre de la Défense nationale et peut-être le premier ministre, et même d'autres membres du groupe consultatif militaire au sein du Cabinet? Il s'agirait d'inviter M. Benoît Bouchard, président du Bureau de la sécurité des transports du Canada, et son équipe à revoir les faits présentés au ministre de la Défense nationale par le personnel chargé de l'entretien, ceux-là même qui s'occupent de ces appareils. Cet examen serait rendu public pour que nous ayons un vrai débat éclairé pour savoir qui a raison et qui a tort.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme je l'ai dit en réponse à la première question du sénateur Forrestall, il y a un certain temps, je vais demander au ministre de la Défense nationale de me procurer l'information qu'il peut me transmettre sur cet incident, et je la communiquerai au sénateur. Je vais joindre à ma demande toutes les observations que le sénateur Forrestall et d'autres collègues ont formulées aujourd'hui pendant la période des questions.

Le remplacement des hélicoptères Sea King-L'autorisation de transporter le premier ministre à leur bord

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, la Gendarmerie royale du Canada, qui doit garantir la sécurité personnelle du premier ministre, permettrait-elle à celui-ci de voler à bord d'un Sea King?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est ce qu'on appelle une question hypothétique.

Le sénateur Kinsella: La question a rapport avec le fonctionnement des services.

Le sénateur Boudreau: Cela intéressera sûrement le premier ministre de savoir que le sénateur se préoccupe de sa façon de voler. Je le lui dirai.

Le remplacement des hélicoptères Sea King

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, le ministre aura l'obligeance de me fournir une réponse simple. Pourquoi le gouvernement hésite-t-il tellement à remplacer ces vieux hélicoptères? Tout le monde dans l'Est sait qu'ils ne devraient pas voler, qu'ils auraient dû être remplacés il y a déjà des années. Que se passe-t-il? Cela ne préoccupe-t-il pas le gouvernement?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je m'inscris en faux contre la prémisse du sénateur voulant que tout le monde sache que ces appareils ne devraient pas voler. Cela suppose un certain manque de responsabilité de la part des nombreuses personnes qui veillent directement au bon état de fonctionnement de ces appareils.

Le Sénat

Le rapport du comité mixte spécial sur un code de conduite-La réponse du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne des allégations de conflit d'intérêts. Elle découle d'un article publié aujourd'hui dans le Globe and Mail, sous le titre «Un sénateur nie le conflit d'intérêts que voit Bell dans ses anciens liens avec une entreprise rivale et sa participation au sous-comité des communications». Dans cet article que mon honorable collègue aura lu, Lorne Surtees écrit ceci:

Le sénateur Michael Kirby rejette les allégations de Bell Canada voulant que ses anciens liens avec AT&T Canada Enterprises Inc. et sa participation au sous-comité sénatorial des communications le placent en situation de conflit d'intérêts.

Comme ne l'ignore pas le leader du gouvernement, un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes a adopté, en mars 1996, diverses résolutions dont la suivante:

Qu'un comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes soit formé et chargé d'élaborer un code de conduite destiné à aider les sénateurs et les députés à concilier leurs responsabilités officielles et leurs intérêts personnels, y compris leurs relations avec les lobbyistes;

Comme le sait le ministre, un rapport du comité mixte spécial a été déposé au Sénat par la suite.

Le ministre compte-t-il un jour y donner suite et si oui, quand? Ne pense-t-il pas qu'il serait indiqué de donner suite à un tel rapport, qui énonce les moyens de régler le problème avec équité? Ne pense-t-il pas que c'est rendre un mauvais service non seulement au Sénat, mais aussi à chacun des sénateurs que de ne pas agir?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Oliver soulève une question fort intéressante et je voudrais profiter de l'occasion pour passer en revue une partie des informations. Il serait utile de soumettre la question à la présidence du Comité du Règlement avec tous les renseignements dont le sénateur voudra bien l'accompagner. Je me réserve le droit de lui répondre après avoir examiné la chose plus à fond.

L'honorable Jack Austin: Honorables sénateurs, le sénateur Kirby m'a écrit en ma qualité de président du Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure au sujet de la question du conflit d'intérêts suscitée par sa qualité de membre des conseils d'administration de la société Extendicare, laquelle question a été soulevée lorsqu'il a été nommé à la présidence du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, et de la société AT&T Canada jusqu'à il y a deux ans. Il a demandé dans sa lettre que le comité se penche sur la légitimité pour les sénateurs de siéger aux comités.

Les sénateurs se souviendront que lorsque le sénateur Kirby présidait le Comité des banques, trois sénateurs ou plus siégeaient aux conseils d'administration de banques et d'autres institutions financières. Dans ce cas, le Comité des banques avait appliqué la politique de la transparence et de la divulgation de tous les intérêts.

(1510)

Honorables sénateurs, le Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure doit se réunir demain afin d'examiner cette question, soulevée par le sénateur Oliver. Je me réjouirais de sa présence à cette réunion.

Le sénateur Oliver: Merci, sénateur Austin. Puis-je demander à votre comité d'examiner le rapport du Comité mixte spécial sur un code de conduite qui a été déposé au Sénat et à la Chambre des communes? C'est un rapport qui pourrait aider à éclaircir ce problème. J'attirerais en particulier l'attention du sénateur Austin sur deux des objectifs énoncés dans le rapport officiel qui a été déposé en cette Chambre. Je cite:

Les objectifs du Code de déontologie parlementaire sont les suivants:

1. reconnaître que les fonctions parlementaires constituent une charge publique;

[...]

3. montrer au public que tous les parlementaires doivent respecter des normes qui font passer l'intérêt public avant l'intérêt personnel et établir un mécanisme transparent permettant au public de juger que c'est bien le cas;

Le sénateur Austin: Merci, sénateur Oliver. En fait, ce document est l'un de ceux qui seront présentés au comité demain après-midi.

[Français]

La défense nationale

l'Entente avec les États-Unis pour un système de défense contre les missiles balistiques- La position du gouvernement

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, les Américains ont l'intention de déployer un système limité de défense contre les missiles balistiques susceptibles d'être lancés par certains États. Le gouvernement du Canada a-t-il pris une position ferme à ce sujet?

[Traduction]

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, pour ce qui est de cette possibilité, je crois comprendre que certains programmes sont examinés aux États-Unis. Si je comprends bien, le gouvernement du Canada n'a pas pris position à cet égard. Peut-être serai-je en mesure de fournir de meilleures informations à ce sujet sous peu, mais pour le moment, je suis incapable de donner plus de détails, si ce n'est que je crois que le ministre n'a pas encore pris de position officielle sur cette question.

[Français]

Le sénateur Bolduc: Honorables sénateurs, j'aimerais cerner davantage la question. D'une part, le gouvernement du Canada dit qu'il n'a pas pris position. Par ailleurs, le ministre des Affaires étrangères, dans son discours devant le Conseil de sécurité de l'ONU à New York, a affirmé qu'il était contre une telle entente. D'autre part, le ministre de la Défense, sans s'opposer nécessairement à une entente, a suggéré d'examiner la situation.

Il s'agit d'une attitude irresponsable de la part du ministre des Affaires étrangères. Sans débat, sans décision du Conseil des ministres, le gouvernement affirme tout à coup son opposition sans connaître les répercussions de sa décision sur la participation du Canada.

Les Américains ne nous demandent pas des fonds et ne nous demandent pas de participer. En fait, ils n'ont rien demandé. Il y a, il me semble, quelque chose qui cloche. Serait-ce l'activisme qui gruge le ministre des Affaires étrangères, et qui le force à parler à propos de tout et de rien? Comment peut-on concevoir que le ministre des Affaires étrangères, sans savoir de quoi il en retourne, affirme devant le Conseil de sécurité des Nations Unies qu'il est opposé à une entente?

C'est un système limité de défense. On ne parle pas de l'initiative du président Reagan mais d'une affaire sérieuse mettant en cause un traité de 1972 avec les Russes. Le ministre dit qu'il est contre l'entente et le gouvernement affirme qu'il n'a pas pris position. Comment fonctionne le gouvernement du Canada?

[Traduction]

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, la question que soulève l'honorable sénateur en est une au sujet de laquelle, comme il le souligne, au moins deux ministres ont fait des observations. Je préférerais avoir l'occasion d'éclaircir la position actuelle du gouvernement et de revenir à la Chambre avec des renseignements précis à ce sujet pour l'honorable sénateur.

La recherche et le développement

L'obligation de partenariat avec le secteur privé dans le cas des subventions fédérales de recherche-L'incidence dans les régions ne présentant pas d'intérêt commercial

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, le docteur David Schindler est un scientifique de renommée mondiale dont on a souligné à deux reprises les réalisations en Europe. Il s'est installé dans l'ouest du Canada il y a des dizaines d'années lorsque le ministère des Pêches et des Océans a réussi à le convaincre de quitter les États-Unis.

Le docteur Schindler s'est récemment rendu à Washington, où il a participé à la réunion annuelle de l'American Association for the Advancement of Science en vue d'expliquer à ses collègues scientifiques le sort réservé à la recherche dans notre pays. Il leur a décrit la stratégie d'innovation industrielle du gouvernement canadien, qui exige désormais un jumelage avec un partenaire du secteur privé en ce qui concerne la majorité des subventions fédérales. Sans partenaire commercial, il n'y a pas d'argent pour la recherche.

John Polyani, le lauréat du prix Nobel venant de l'Université de Toronto, a souligné que l'industrie a désormais une mainmise sur la recherche. Le docteur Schindler a quitté le ministère des Pêches il y a quelques années et guide de jeunes scientifiques à l'Université de l'Alberta. Aujourd'hui, ses travaux de recherche sur la contamination par les pesticides dans des lacs censés parfaits des Rocheuses sont bloqués. Aucune entreprise chimique ne veut se rendre à cet endroit. Par conséquent, il est impossible d'obtenir des subventions fédérales en matière de recherche.

Mes questions s'adressent au leader du gouvernement au Sénat. Premièrement, le gouvernement a-t-il étudié les conséquences de cette façon d'aborder les recherches compte tenu des avertissements donnés par nos scientifiques les plus respectés? Deuxièmement, le gouvernement a-t-il envisagé la possibilité d'atténuer les critères de recherche afin qu'une personne comme le docteur Schindler puisse se pencher sur une question très importante, soit la contamination des lacs des Rocheuses?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il se peut que lorsqu'il a fait ses commentaires, le docteur Schindler n'ait pas eu en tête certains des programmes très importants annoncés dans les deux derniers budgets du gouvernement du Canada. Il faut qu'il y ait une participation à parts égales, mais cette exigence n'est pas limitée strictement au secteur privé. Si c'était le cas, il ne se passerait pas grand-chose en certains endroits, comme dans certaines parties du Canada atlantique où l'engagement du secteur privé dans le domaine de la recherche et du développement n'est pas très grand.

Je donnerai deux exemples de programmes importants. Il y a la Fondation canadienne pour l'innovation, qui a reçu900 millions de dollars l'an dernier et encore 900 millions de dollars dans le budget de cette année, soit 1,8 million de dollars qui serviront à financer la recherche et le développement. Il y a une exigence de partage des frais, mais ce n'est pas nécessairement pour l'industrie. Les universités et même les gouvernements provinciaux ont engagé des fonds équivalents. Grâce à cela, il s'est fait beaucoup de recherche et de développement d'un bout à l'autre du pays.

Si on regarde une autre initiative importante dans le budget, en l'occurrence les chaires d'excellence, 900 millions de dollars ont été dépensés pour faire venir au Canada 2 000 des chercheurs les plus brillants dans le monde. Il ne s'agissait pas seulement de les appuyer pour ce qui est de leurs salaires et ainsi de suite, mais aussi de prendre des engagements concernant les équipements et d'autres choses.

Ce sont deux programmes énormes qui auront un impact incroyable sur le niveau de recherche et de développement et seront même peut-être utiles à la personne que le sénateur a mentionnée.

Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, je reconnais que d'importantes initiatives ont été prises. En fait, M. Henry Friesen et, je crois, un de nos collègues au Sénat ont contribué à faire des démarches auprès du gouvernement à cet égard. Je crois certainement que ce sont là des réalisations dignes de mention. Toutefois, je ne suis pas certaine que ce que le leader dit aidera la personne en question. Est-ce là la réponse finale du leader du gouvernement?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, avec tous les nouveaux programmes gouvernementaux intéressants et les nouveaux fonds consacrés à la recherche et au développement dans pratiquement chacun des budgets de ce gouvernement libéral, bien sûr que ce n'est pas ma réponse finale. Il y aura, j'en suis certain, encore d'autres programmes intéressants et d'autres engagements importants dans le prochain budget et dans l'autre qui suivra.

Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, j'ai une question supplémentaire à poser. J'espère que, comme M. Schindler est une de nos vedettes, tout comme John Polyani, le ministre utilisera ses bons offices pour informer les autorités compétentes de la situation à laquelle M. Schindler est confronté dans sa recherche sur les pesticides dans les lacs des Rocheuses.

(1520)

Le sénateur Boudreau: Je dirai à madame le sénateur que j'utiliserai mes bons offices pour ce faire, comme elle le demande.

Bien des universités partout au Canada seront à la recherche des ces 2 000 personnes. S'il existe des gens compétents qui mènent de bonnes recherches, les chaires d'excellence et la Fondation canadienne pour l'innovation leur donneront suffisamment de possibilités.


[Français]

Le programme d'échange de pages avec la Chambre des communes

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, j'aimerais vous présenter les pages de la Chambre des communes qui seront au Sénat cette semaine.

[Traduction]

Je vous présente Sonja Harrington, d'Ottawa. Elle poursuit ses études à la faculté des affaires publiques et de gestion de l'Université Carleton. Elle se spécialise en commerce international.

Nous avons aussi Cheryl Kawaja, de Port Hawkesbury, en Nouvelle-Écosse, qui est aussi inscrite à la faculté des affaires publiques et de gestion de l'Université Carleton. Elle se spécialise en journalisme.

Bienvenue au Sénat.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur la Loi électorale du Canada

Troisième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement) propose: Que le projet de loi C-2, Loi concernant l'élection des députés à la Chambre des communes, modifiant certaines lois et abrogeant certaines autres lois, soit lu une troisième fois.

- Honorables sénateurs, puisqu'il y a d'autres sénateurs qui désirent prendre la parole à la troisième lecture, je vais prendre ma place et voir si c'est le cas.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, je désire prendre la parole, mais pas aujourd'hui. Je propose donc l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Oliver, le débat est ajourné.)

[Français]

Projet de loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Boudreau, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Hays, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec.

L'honorable Céline Hervieux-Payette: Honorables sénateurs, le Canada est un pays magnifique et une fédération forte. Il fait l'envie de nombreuses nations parce qu'on y pratique la tolérance et le dialogue pour aplanir nos différences. Il peut arriver toutefois que les événements et la hâte d'agir précipitent les changements sans que l'on prenne le temps d'étudier tous les éléments à considérer. Le projet de loi C-20, la Loi sur la clarté, entend protéger les droits de tous les Canadiens et Canadiennes lors d'un référendum qui pourrait conduire à des négociations sur la séparation. J'estime donc qu'il s'agit d'un projet de loi aussi important que nécessaire et je l'appuie sans réserve.

Les Québécois ne pouvaient pas répondre aux questions posées lors des référendums de 1980 et de 1995 simplement par un OUI ou un NON. Les questions étaient complexes et entraînaient des options qui n'étaient pas claires. Leurs ramifications étaient difficiles, voire impossibles à évaluer. Les dirigeants du mouvement séparatiste avaient formulé les questions de manière à laisser croire aux électeurs que la sécession n'était pas réellement une séparation du Canada alors que l'intention était justement de détruire un pays si beau et rempli de tellement de belles choses.

Rappelons ici que dans les deux cas, les questions posées étaient unilatéralement formulées et adoptées par la majorité péquiste et imposées aux libéraux provinciaux et, évidemment, au reste du Canada.

Une nation comme la nôtre devrait-elle être dissoute parce que la question n'est pas claire? Bien sûr que non. Les citoyens canadiens ont des droits et libertés et une qualité de vie que l'on retrouve dans peu de pays.

Il ne faut pas que les citoyens du Québec perdent ces droits parce qu'ils se seront laissés influencer par des fleurs de rhétorique. S'il arrivait par malheur que le gouvernement doive entreprendre des négociations sur la séparation, il devrait le faire à la seule condition que la population de la province de Québec ait exprimé clairement son désir de ne plus faire partie du Canada.

Suite au référendum de 1995 au Québec, qui contenait une question douteuse sur la souveraineté-association, la question de la sécession a été renvoyée à la Cour suprême du Canada. Dans son avis sur le Renvoi relatif à la sécession du Québec, la Cour suprême a confirmé que les droits des citoyens primaient sur toute tentative unilatérale de procéder à la sécession et a déclaré qu'il n'existait aucune obligation de négocier la séparation à moins qu'une majorité claire ne se prononce en faveur de cette option.

La Cour suprême a aussi décrété que, s'il y avait une majorité claire de réponses à une question claire sur la séparation, il faudrait alors négocier à l'intérieur du cadre constitutionnel canadien, lequel ne prévoit pour le moment aucune modalité sur le processus à suivre.

Honorables sénateurs, c'est de permettre à des personnes de passer outre ou de menacer de passer outre à des éléments de cet avis, faisant ainsi courir aux Canadiens et Canadiennes le risque de perdre leur pays dans le feu de l'action.

Il ne faut surtout pas oublier que la sécession n'affecte pas seulement nos contemporains, mais aussi les générations montantes, qui pourraient bien demander comment quelque chose de si important a pu se faire aussi légèrement. Honorables sénateurs, j'aurai certainement à répondre de ceci à mes trois enfants et à mes six petits-enfants.

La séparation ne doit pas survenir dans la confusion et en dehors des paramètres juridiques. Le projet de loi C-20 répond à l'avis de la Cour suprême en veillant à ce que le gouvernement du Canada ne puisse entamer des négociations en l'absence d'une majorité claire en réponse à une question claire et en s'assurant que les négociations se déroulent à l'intérieur d'un cadre juridique.

Cette fédération qu'on appelle le Canada fonctionne bien, honorables sénateurs. C'est une fédération en évolution, et le gouvernement du Canada tient à travailler avec tous ses partenaires pour qu'elle évolue de la meilleure manière possible.

Notre fédération est dotée d'un gouvernement national fort et de provinces fortes. D'ailleurs, la fiscalité le démontre bien. Certains domaines sont de compétence fédérale, d'autres de compétence provinciale. Cependant, de plus en plus, les différents paliers de gouvernement, y compris les municipalités, doivent travailler ensemble pour mieux servir la population. Notre fédération est forte parce qu'elle s'appuie sur une solidarité et une diversité bien ancrées ainsi que sur le partage des meilleures règles de l'art. Il reste que des améliorations sont toujours possibles et que nous pouvons continuer à rendre notre fédération plus efficace en collaborant dans des domaines où il y a complémentarité des activités fédérales et provinciales.

Ainsi, lorsqu'on coordonne nos énergies, on travaille main dans la main avec nos partenaires. Le programme d'infrastructure en est un bel exemple. De cette façon, la fédération est encore plus efficace et l'unité nationale plus forte.

Plus récemment, le gouvernement du Canada a pris diverses mesures pour renouveler son association avec les provinces, notamment un cadre visant à améliorer l'union sociale pour les Canadiens, la prestation nationale pour les enfants, les missions commerciales, Équipe Canada, les ententes relatives au marché du travail.

Le Québec bénéficie-t-il de ce partenariat souple? Oui, et il jouit d'un degré d'autonomie enviable. La souplesse du fédéralisme canadien a aussi permis au Québec de se distinguer des autres provinces grâce à des modalités particulières dans bien des domaines. Par exemple, on a fait une réforme majeure du Code civil au Québec il y a quelques années: en ce qui a trait à l'impôt, le Québec a une loi particulière de l'impôt sur le revenu; au niveau des relations internationales, on connaît les ententes qui ont été conclues, surtout dans le domaine de la francophonie; le Québec administre le régime de retraite par le biais de la Caisse de dépôt et de placement ainsi que celui de plusieurs fonds québécois dans plusieurs domaines; et la politique sociale, qui englobe l'enseignement postsecondaire et l'immigration.

(1530)

Au lieu de considérer le projet de loi C-20 déposé par le gouvernement du Canada comme une tentative de figer dans le temps le partenariat fédéral actuel, je vous encourage, honorables sénateurs, à le voir pour ce qu'il est, un instrument visant à protéger les droits et les intérêts des Canadiens et des Canadiennes.

Une assemblée législative provinciale peut formuler une question et la poser dans son cadre de juridiction. Cependant, les citoyens à qui on pose une question sur la séparation ont le droit de savoir à l'avance ce que pense le gouvernement du Canada sur la clarté de la question, étant donné que celui-ci ferait partie des entités appelées à négocier et qu'il représente l'ensemble des citoyens du Canada.

Il faut alors évaluer la question et la majorité pour déterminer qu'il y a effectivement une volonté manifeste de séparation avant que le gouvernement du Canada n'entreprenne des pourparlers qui pourraient conduire à l'éclatement de notre pays. Le projet de loi C-20 met en vigueur l'avis de la Cour suprême. D'ailleurs, le ministre Facal, qui prononçait aujourd'hui une allocution devant le Cercle des journalistes d'Ottawa, l'a également reconnu.

Au lieu d'une majorité faible qui dicterait l'éclatement de la nation, le projet de loi C-20 prévoit l'évaluation de la qualité d'une majorité. Il faut d'ailleurs conjuguer les deux, la majorité doit être claire et la question doit être claire. Les deux concepts sont inséparables. Il serait absurde de fonder une décision de cette importance sur un procédé où il aurait fallu recompter les bulletins de vote en raison de la proximité du résultat, comme ce fut le cas au dernier référendum, ou examiner des bulletins qui auraient été annulés dans certains comtés.

De plus, il serait irresponsable de songer à bâtir un nouveau pays sur la foi d'une majorité faible qui ne pourrait résister aux incertitudes de négociations longues et ardues sur la séparation.

Le projet de loi C-20 ne fixe pas de seuil, étant donné que la majorité devra être évaluée selon les circonstances propres à ce référendum, comme l'a recommandé la Cour suprême. Il évaluera la nature de la question qui sera posée.

Dans l'éventualité où on répondrait clairement OUI à une question claire sur la sécession, le projet de loi C-20 établit le cadre juridique des négociations. Il veille à ce que toutes les négociations respectent la règle du droit et nos principes constitutionnels.

Contrairement aux propos de M. Facal aujourd'hui, son gouvernement dit qu'il ne reconnaît aucune légitimité et aucune portée au projet de loi. Donc, il ne reconnaît pas la législation du gouvernement du Canada, le pays dans lequel il vit. Démocratiquement, les citoyens du Québec sont protégés par ce projet de loi.

N'oublions jamais que la sécession est une affaire grave qui ne pourra se défaire facilement. Les négociations en ce sens viseraient à mettre fin à toutes les responsabilités du gouvernement du Canada à l'égard d'une partie de la population canadienne, dont je fais partie.

Les règles de base doivent donc être très claires. Certaines personnes ont dit que le projet de loi C-20 était un pas vers la sécession. Depuis 30 ans, nous vivons dans l'incertitude d'une question et nous avons vécu deux référendums. Je pense que le projet de loi C-20 vise plutôt à nous garder sur le chemin de la démocratie. C'est un chemin parfois difficile, qui n'offre pas de raccourcis, mais qui nous conduit toujours à destination, c'est-à-dire vers un pays solide.

Ce qui est étrange, c'est que le premier ministre Bouchard a déjà reconnu que l'avis de la Cour suprême établissait la règle de droit et qu'aujourd'hui, son gouvernement refuse de reconnaître le projet de loi qui fait suite à cet avis.

Il me semble que lorsque M. Facal nous parle de bonne foi, il devrait revenir aux déclarations qui ont été faites lors du renvoi à la Cour suprême et se demander qui est le gouvernement responsable, celui qui pose les règles du jeu ou celui qui continue à jouer avec les règles du jeu?

Honorables sénateurs, depuis 30 ans, je vois un Québec qui a évolué au Canada, au sein d'une fédération. Il a développé des industries de pointe comme l'aéronautique, la pharmacologie, les télécommunications, le multimédia, la biotechnologie, tout cela en partenariat et avec le leadership du gouvernement du Canada. Comment ignorer le fait qu'on veuille abandonner ce pays en n'adoptant pas une loi qui nous obligera à respecter le bon vouloir des Québécois? C'est une voie claire à ce chapitre. C'est pourquoi, honorables sénateurs, je me ferai un devoir d'appuyer ce projet de loi, et j'encourage mes collègues à faire de même.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, est-ce que ce projet de loi signifie que les Québécois, lors de la tenue d'un autre référendum, devront choisir entre le statu quo constitutionnel et la séparation?

Le sénateur Hervieux-Payette: Le projet de loi traite uniquement de la clarté de la question et de la réponse. Cette question sera posée uniquement par l'Assemblée nationale. Je rappelle aux honorables sénateurs que lors des deux derniers référendums, l'opposition officielle au Québec a toujours refusé d'entériner la question posée. Je retourne la question à l'honorable sénateur. On ne peut pas dorénavant décider d'une option ou d'une autre tant et aussi longtemps que la question ne sera pas formulée. Ce projet de loi, je l'ai dit antérieurement, est une police d'assurance en ce qui a trait à la clarté de la question, pour obtenir une réponse claire sur notre avenir collectif.

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je poserai ma question en tant que juriste. L'honorable sénateur peut-elle lire l'article 1.(1) du projet de loi? L'honorable sénateur nous a dit dans son exposé que l'Assemblée nationale avait toute l'autorité voulue pour poser la question. Le projet de loi C-20 spécifie cependant que pour qu'il y ait négociation après ce référendum, la question doit spécifiquement porter sur la sécession de cette province. À l'article 1.(1), on lit:

[...] la Chambre des communes examine la question et détermine [...]

Ne s'agirait-il pas d'un appel d'une décision d'un parlement provincial de la fédération? Cette décision serait portée en appel et entendue par un autre membre de la même fédération?

Le sénateur Hervieux-Payette: Lorsqu'on parle de la question que peut poser l'Assemblée nationale, je pense que celle-ci a à deux reprises démontré qu'elle pouvait poser une question qui avait été certainement vérifiée plusieurs fois par des sondages. Tant et aussi longtemps qu'on n'arrivait pas à avoir une possibilité de majorité, on en modifiait le texte. Je n'ai pas vu de questions qui demandaient de façon claire de répondre par un OUI ou par un NON à la séparation du Québec. À la lumière des deux derniers référendums qui nous ont fait vivre dans l'incertitude, qui ont coûté cher à deux générations de Québécois, le projet de loi C-20 vient mettre un terme à l'ambiguïté des questions posées.

La Loi sur les référendums au Québec, honorables sénateurs, peut être utilisée dans bien d'autres cas, pas seulement pour décider de l'avenir du Québec. On peut aussi s'en servir pour déterminer la fusion des municipalités ou l'acceptation d'autres mesures d'importance.

Récemment, les Albertains demandaient à leur gouvernement de tenir un référendum sur le système de santé. Ces questions peuvent être posées au Québec en vertu de cette loi. Le gouvernement ou la Chambre des communes devra se pencher sur cette question lorsque celle-ci affectera l'ensemble des Canadiens, y compris les Québécois.

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, la Chambre des communes peut-elle siéger en appel d'une décision prise par l'Assemblée nationale du Québec? La réponse est oui. Il faut que la réponse de l'honorable sénateur soit positive, en vertu du projet de loi. En vertu de quel principe du fédéralisme canadien cela peut-il se faire?

(1540)

Le sénateur Hervieux-Payette: En vertu du fait qu'au moment où cette discussion se tiendra, le Québec sera toujours lié par la Constitution canadienne qui ne prévoit pas de mécanisme de sécession comme tel. Il est certainement plus prudent pour le gouvernement du Canada de savoir quelles seront les discussions. Je n'étais pas là en 1867. D'autres honorables sénateurs ont peut-être mieux étudié l'histoire que moi, mais toutes les provinces ont discuté en profondeur des raisons pour lesquelles elles sont entrées dans la fédération. Elles n'ont pas prévu de modalités de sécession. Si le Québec voulait rapatrier des pouvoirs dans un autre domaine de juridiction fédérale, on pourrait poser une question. Cela n'entraînerait pas la sécession du Québec. Lorsque la Chambre des communes devra se prononcer sur la question, ce sera pour savoir si le Canada accepte d'aller s'asseoir à la table de négociations pour mettre fin à la participation du Québec à l'intérieur du Canada.

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, j'aurais une autre question à poser.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorable sénateur Nolin, je regrette de vous interrompre, mais la période de temps allouée pour la discussion sur ce projet de loi est écoulée. La permission est-elle accordée de poursuivre, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Nolin: Revenons en novembre 1995, lorsque nous avons, ensemble, sauvé le Canada de peine et de misère. Supposons que le projet de loi C-20 existe. Nous avons sous les yeux une question déterminée par l'Assemblée nationale. D'ailleurs, vous vous rappellerez qu'au début de septembre 1995, les forces fédéralistes menaient dans les sondages par à peu près 20 points. À la fin du débat sur la question, elles ont 25 points d'avance sur le camp du OUI. La Chambre des communes, en vertu du pouvoir que le projet de loi C-20 lui accorde, prend une décision et dit aux fédéralistes du Québec que la question à défendre n'est pas claire. La Chambre des communes considère donc qu'elle n'existe pas. Que doivent alors faire les fédéralistes du Québec?

Le sénateur Hervieux-Payette: Honorables sénateurs, je me rappelle bien de la campagne de 1995, mais je me souviens moins bien des résultats des sondages. Je sais que c'est toujours déchirant. J'ai fait du porte-à-porte, comme plusieurs de mes collègues. Si je me souviens bien, l'opposition officielle avait dénoncé la question. On parlait de partenariat. On parlait de l'entente intervenue dans la question, une entente intervenue avec un membre de l'ADQ. Personne ne savait de quelle entente on parlait. Lorsque nous posions la question aux citoyens du Québec, ils pensaient qu'il y avait une entente avec le gouvernement fédéral. Les membres de l'opposition officielle de l'Assemblée nationale ont alors dénoncé la question. Nous savions qu'on avait réussi à embrigader le député de l'ADQ dans une entente plutôt alambiquée. Il est ridicule de mobiliser chaque fois les forces fédéralistes pour une question obscure qui se moque finalement de l'avenir des Québécois. Lorsque le gouvernement aura le courage de ses convictions et posera la vraie question, ce sera facile pour nous de décider.

Le sénateur Nolin: Je suis d'accord avec l'honorable sénateur. La question était très difficile à comprendre, même si nous étions capables d'en saisir les conséquences. Nous nous sommes battus pour nous assurer que cette question ne remporte pas l'adhésion des Québécois. Transposons le projet de loi C-20 en 1995. Si la Chambre des communes avait déclaré en 1995 que la question n'était pas claire, qu'auraient fait les fédéralistes au Québec?

Le sénateur Hervieux-Payette: Votre question est hypothétique. Il est impossible d'y donner une réponse, mais je poserai la question suivante: pourquoi jouer un jeu extrêmement dangereux, qui déstabilise tout le pays, qui coûte à la nation des efforts et des énergies et qui va laisser des marques? Vous avez reconnu l'obscurité de la question. En général, on négocie lorsque l'autre partie est de bonne foi et pose la bonne question. Ce sera à la Chambre des communes de se prononcer sur une question. La vraie question, dans les 30 dernières années, n'aurait jamais pu obtenir un suffrage important de la part des Québécois.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): L'honorable sénateur est une bonne juriste. Mon intervention touche l'avis de la Cour suprême. J'imagine que les honorables sénateurs l'ont lu attentivement. Ma question porte sur la page 2 du projet de loi, où il est dit:

[...] compte tenu du fait que la Cour suprême du Canada a conclu qu'il revient aux représentants élus de déterminer en quoi consistent une question et une majorité claires [...]

Dans tous les paragraphes qui traitent de cette question, l'expression utilisée par la Cour suprême est «acteurs politiques». C'est seulement au paragraphe 101 que la Cour suprême utilise l'expression «représentants élus». Dans ce paragraphe, on parle du problème de la situation des négociations. Les négociations touchent la responsabilité des représentants élus. L'honorable sénateur peut-elle nous expliquer cela?

Le sénateur Hervieux-Payette: Tout le débat qui concerne notre honorable institution tourne autour de cette question, à savoir si nous sommes des acteurs politiques. Le gouvernement a décidé que les acteur politiques étaient les représentants de toutes les circonscriptions électorales du pays. Une fois que la Chambre des communes, par ses représentants élus, s'est prononcée, je ne vois pas d'atteinte à notre institution. S'il y avait des négociations ou des changements majeurs, notre institution ne posséderait qu'un veto suspensif, pas un veto final. Notre institution va certainement donner son opinion sur la question. Pour éviter la confusion qui pourrait être engendrée par une question qui n'est pas claire, les représentants élus devront faire connaître à leurs électeurs leur évaluation de la question. Sur le plan juridique, le Sénat doit étudier les projets de loi qui pourraient modifier les règles du jeu ultérieures suite à un référendum.

(1550)

Je sais que nous ne sommes pas tous d'accord sur la définition d'un «acteur politique», et je n'aime d'ailleurs pas le mot «acteur». Nous ne sommes pas des représentants élus, mais nommés pour une période de temps assez longue. Je crois que la décision devra être prise rapidement et je ne vois pas en quoi nos droits en tant que sénateurs et représentants du même peuple, représenté à la Chambre des communes par les députés, seraient bafoués si les représentants élus étaient les seuls à se prononcer sur la clarté de la question.

Le sénateur Kinsella: C'est notre devoir de protéger l'avenir de cette institution. Le Parlement est composé de deux Chambres. Nous avons un système bicaméral. Si nous pouvions trouver une solution afin que les deux Chambres soient égales dans la détermination de la question sans déroger du processus que l'on envisage dans le projet de loi, si nous pouvions éviter un dommage collatéral avec une certaine créativité, l'honorable sénateur serait-elle prête à appuyer une proposition à cet égard?

Le sénateur Hervieux-Payette: Je serais certainement prête à écouter des propositions, mais je n'ai pas été convaincue jusqu'à maintenant par les arguments exprimés antérieurement sur la nécessité, pour aller de l'avant avec le projet de loi C-20, d'établir la condition sine qua non que le Sénat ait voix au chapitre de la clarté de la question.

Suite à cette décision, que la question soit claire ou non et qu'il y ait ou non reconnaissance du processus, s'il y a des modifications à faire concernant des droits, nous allons toujours conserver les pouvoirs législatifs de cette Chambre. Il s'agit toujours de déterminer la nature et la clarté de la question. C'est une question beaucoup plus subjective que qualificative par rapport à l'institution qui devra l'étudier. Il en est de même pour la majorité, et je ne crois pas que ce soit les élus qui doivent se prononcer sur cette question. Je suis néanmoins prête à entendre les propositions des honorables sénateurs.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: J'ai une question à poser sur notre système bicaméral. Les pères de la Fédération ont choisi un système bicaméral pour le Canada au niveau fédéral. N'êtes-vous pas d'accord que, dans un système bicaméral de parlement, les deux Chambres, en principe, sont égales? Il peut y avoir quelques petites exceptions, mais sur le plan purement législatif, les deux Chambres sont égales et aucune loi ne peut voir le jour sans que les deux Chambres y consentent. Cela est vrai aussi pour le projet de loi C-20. Pourquoi nous demande-t-on, à nous les sénateurs, de voter en faveur d'un projet de loi qui donne un pouvoir à la Chambre des communes mais qui ne le donne pas au Sénat, à un moment très important de notre histoire? Pourquoi voterions-nous en faveur de notre exclusion? Je comprendrais si c'était en matière constitutionnelle, nous n'aurions alors qu'un veto suspensif. Cependant, il ne s'agit pas d'une question constitutionnelle, mais d'une question législative. Je pense qu'on ne doit pas demander, dans un projet de loi dont le destin dépend de nous aujourd'hui, que nous en soyons exclus. Les gens diront que les Chambres peuvent avoir des pouvoirs différents, mais lorsqu'on choisit de faire adopter une loi, il faut respecter le système législatif. Le système législatif, c'est l'égalité des deux Chambres.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je suis tout à fait d'accord, nous sommes dans un système bicaméral et les deux Chambres sont égales lorsqu'il s'agit de projets de loi, mais dans le cas présent, il s'agit, par résolution, de reconnaître la clarté d'une question. La Chambre des communes, dans le passé, a adopté des résolutions sans qu'elles soient adoptées par le Sénat. Je pense, par exemple, à la participation des forces armées à certaines missions de paix. Dans de tels cas, nous traitions de résolutions et non de législations. Le projet de loi C-20 est étudié par les deux Chambres et nous irons certainement au bout du processus dans les deux Chambres. Lorsqu'il s'agit de la question et de sa clarté, il s'agit de la mise en 9uvre du projet de loi. Pour plusieurs projets de loi, la mise en 9uvre peut se faire seulement à la Chambre des communes. Ce n'est pas un précédent.

Le sénateur Beaudoin: Honorables sénateurs, il est vrai que le projet de loi C-20 dit que si la Chambre des communes arrive à la conclusion que la question n'est pas claire, elle devra ordonner au gouvernement de ne pas négocier. Je ne débats pas de la question claire et de la majorité claire; c'est autre chose. Cependant, on mentionne que le Sénat sera alors qu'on a choisi au départ de se servir d'une loi pour négocier. Le gouvernement a parfaitement le droit de procéder par une loi, là n'est pas ma question. Une fois qu'il choisit de négocier par une loi, il est bien obligé de respecter les principes dudit caméralisme qui mentionnent que pour une loi ordinaire ou une loi extrêmement importante comme le projet de loi C-20, on doit obtenir l'accord du Sénat. Cela est tellement vrai que si l'on n'appuie pas ce projet de loi, il ne pourra pas être adopté. Les deux Chambres sont donc égales. Alors pourquoi, pour une loi, accorde-t-on un pouvoir à une Chambre et non à l'autre? On a dit que c'était à cause du facteur temps. Nous pouvons nous prononcer en 30 jours, nous sommes 105 sénateurs; ils sont trois fois plus nombreux de l'autre côté. Nous pouvons nous prononcer aussi rapidement. Il me semble que si on choisit de procéder par une loi, c'est très important, mais moins flexible. À ce moment-là, je me demande si nous n'allons pas à l'encontre des principes mêmes de notre système parlementaire, en donnant à la Chambre des communes un pouvoir considérable qu'on ne donne pas au Sénat, alors que nous sommes égaux sur le plan législatif.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je reconnais souscrire à une bonne partie des arguments de l'honorable sénateur, sauf que je vous ferai remarquer que si la Chambre des communes n'était pas d'accord sur la clarté de la question ou sur la clarté du résultat, cela entraînerait un vote de non-confiance et que le gouvernement serait défait, ce qui ne pourrait certainement pas se produire dans cette Chambre. De là à penser que nous sommes sur un pied d'égalité pour toutes les questions sur le plan juridique, je crois que certains pouvoirs appartiennent à la Chambre des communes et qu'ils ne résident pas ici. Je ne pense pas qu'un gouvernement ait jamais été défait au Sénat. Nous devons considérer ce projet de loi dans son contexte.

(1600)

Ce projet de loi permettra au gouvernement du Canada de représenter tous les Canadiens et de s'assurer que tous les représentants des circonscriptions électorales canadiennes souscrivent et donnent le pouvoir de négocier ou non. Cette position unanime ne viendra certainement pas du mouvement séparatiste.

À deux reprises et de bonne foi, nous avons participé à des processus référendaires avec des questions qui mettaient en cause l'avenir du Canada. Au niveau national, ces référendums nous laissaient dans une situation d'impossibilité de rétablir les faits.

Il est vrai que nous avons un système bicaméral et que nous avons sensiblement les mêmes pouvoirs, sauf lorsqu'il s'agit de tenir un vote de non-confiance envers le gouvernement. Cette question entraînera certainement ce genre de vote, et seule la Chambre des communes possède ce pouvoir.

Le sénateur Beaudoin: Honorables sénateurs, il est vrai que le vote de confiance n'a lieu qu'à la Chambre des communes. Le veto suspensif du Sénat n'a lieu que lors d'un amendement constitutionnel.

Mon argument est que nous ne sommes pas en présence d'un amendement constitutionnel ni en présence d'un vote de confiance. Nous devons adopter une loi, une loi comme n'importe quelle autre loi, et dans ce cas, il faut le concours des deux Chambres.

On suggère l'adoption du projet de loi C-20 parce qu'on a besoin du Sénat. Si nous disons non, il n'y aura pas de projet de loi C-20. On nous demande donc de voter en faveur du projet de loi C-20 et de voter en même temps notre exclusion. Cela va à l'encontre des principes du bicaméralisme, qui prévoit l'égalité des deux Chambres.

[Traduction]

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je félicite madame le sénateur Hervieux-Payette de sa patience. Serait-elle prête à répondre à une question?

Le sénateur Hervieux-Payette: Oui

Le sénateur Cools: Madame le sénateur a basé bon nombre de ses arguments sur l'expression «acteur politique», qui est bizarre et étrangement imprécise de la part des tribunaux. Elle m'a toutefois rassurée quelque peu en disant qu'elle n'aimait pas l'expression.

Dans le système canadien, le premier ministre n'est pas élu, il est nommé. Tout comme les sénateurs, le premier ministre du Canada a sur son mur un acte de nomination.

Il est arrivé plusieurs fois dans l'histoire constitutionnelle du pays que les premiers ministres fédéral et provinciaux occupent leur poste sans même détenir un siège à la Chambre des communes ou dans leur assemblée législative respective. Par exemple, M. Bouchard lui-même a été premier ministre du Québec pendant un certain temps avant d'occuper un siège à l'Assemblée nationale du Québec. Le premier ministre John Turner a occupé le poste de premier ministre du Canada sans avoir été élu à la Chambre des communes.

Ma question à l'honorable sénateur est la suivante: l'expression «acteur politique» inclurait-elle un premier ministre Bouchard qui n'occuperait pas un siège à l'Assemblée nationale ou un John Turner qui n'aurait pas été élu à la Chambre des communes ou mieux encore, un premier ministre du Canada qui aurait été sénateur?

Le sénateur Forrestall: Certains sont de véritables étoiles.

Le sénateur Cools: Oui, des étoiles filantes.

Le sénateur Hervieux-Payette: Honorables sénateurs, j'aurais aimé que l'honorable sénateur me donne préavis de sa question pour que je puisse faire les recherches voulues afin de voir si ce serait conforme à la Constitution, d'autant plus que toute la question des acteurs politiques est au coeur de notre divergence d'opinions sur la question de savoir si nous devrions être inclus ou non. Devrions-nous retourner à la Cour suprême du Canada et lui demander qui sont les acteurs politiques? Je n'aime pas être décrite comme un acteur politique. Je représente une province et j'essaye de faire de mon mieux pour défendre les intérêts de ma province, mais je ne suis pas un acteur. Si j'avais choisi de l'être, je ne serais pas ici.

Je n'ai pas la réponse que le sénateur aimerait que je lui donne. Si j'arrive à obtenir un avis juridique d'une personne plus compétente que moi pour énoncer les qualités que doit posséder une personne pour mériter le titre d'acteur politique, je me ferai un plaisir de le communiquer à l'honorable sénateur.

Le sénateur Cools: Je remercie l'honorable sénateur. Je suis certaine que la cour pensait également aux actrices politiques, mais nous n'aborderons pas ce sujet.

Ma question repose sur le fait qu'une bonne partie du projet de loi C-20 semble avoir pour base le fait que les sénateurs sont nommés et non élus, et que dans une grande partie des arguments que nous avons entendus en faveur du projet de loi C-20 l'expression «représentants élus» revient souvent. J'essayais de prouver que même si l'expression utilisée est «acteurs politiques», il y a au Canada de nombreux acteurs politiques qui ne sont pas élus. Dans notre pays, nous avons eu au moins deux premiers ministres issus du Sénat, et il très probable qu'à l'avenir nous en ayons un autre.

Le sénateur Kinsella: Oui, Boudreau.

Le sénateur Cools: J'aimerais rappeler au sénateur que sa réponse à ma question ne peut être de nature juridique. C'est une question politique. Là est tout le problème. Ce sont des questions politiques, pas des questions juridiques. On aura beau les présenter sous les plus beaux atours juridiques, elles demeurent politiques.

Je passe maintenant à ma deuxième question. L'honorable sénateur a dit dans son intervention - et je n'ai peut-être pas les termes exacts - que la Cour suprême avait confirmé le droit du Québec ou des Québécois de faire sécession. L'honorable sénateur pourrait-elle me dire d'où vient ce droit? L'honorable sénateur, ou qui que ce soit au gouvernement, peut-elle m'indiquer quel texte législatif, quelle loi constitutionnelle a pu donner à une province du Canada le droit de se séparer?

Peut-être ne me suis-je pas assez bien fait comprendre. Madame le sénateur a dit que le tribunal a confirmé ce droit. Elle n'a pas dit qu'il l'avait créé, mais confirmé.

Le sénateur Hervieux-Payette: Honorables sénateurs, je n'ai pas tout le texte du jugement sous les yeux; dans ces conditions, il me serait difficile de répondre, car c'est un long jugement. Quand j'ai parlé du jugement de la Cour suprême, je parlais plus ou moins du cadre juridique global régissant la question d'un futur référendum, et, bien sûr, cela me semble très clair. Il n'y a aucun article en particulier ni même aucune convention constitutionnelle au Canada permettant de faire sécession. Je pense que nous allons bien au-delà. Je pense que nous nous en remettons beaucoup plus au processus démocratique dans une société libre; mais quant à savoir si cela est confirmé par une loi ou par notre Constitution, je ne pense pas que nous ayons quelque disposition à ce sujet.

Je souhaiterais bien sûr que nous ayons une disposition expresse comme celle qui existe en France, où la séparation est interdite. Nous n'avons pas de disposition de ce genre.

Le sénateur Lynch-Staunton: Qu'on l'inscrive dans la loi!

Le sénateur Hervieux-Payette: Nous allons jouer selon la règle de la démocratie. Si les Québécois le veulent, si on leur pose la bonne question et s'il y a une nette majorité, je suis convaincue que le reste du Canada acceptera que le Québec se sépare, mais cela doit se faire dans le cadre de la Constitution du Canada, avec l'approbation du reste du pays.

[Français]

(1610)

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, suite à la déclaration du sénateur Hervieux-Payette, qui ne se veut pas un «acteur politique» et qui représente une région, tout comme le sénateur Fraser et moi et tout comme les représentants des autres régions, j'ai une question supplémentaire à poser.

[Traduction]

Voici ma question: le chef du gouvernement du Québec et le chef de l'opposition du Québec se sont prononcés, au nom de leur parti, contre ce projet de loi. La majorité des députés québécois élus à la Chambre des communes ont voté contre ce projet de loi. Voici ma question: qui sommes-nous, sénateurs nommés, pour soutenir que, comme nous représentons les régions, nous pouvons nous substituer aux représentants élus, qui se sont prononcés contre ce projet de loi presque à l'unanimité?

Le sénateur Hervieux-Payette: Honorables sénateurs, je suis originaire du Québec, tout comme le sénateur Lynch-Staunton. Au cours des 30 dernières années, j'ai été déchirée entre le désir de défendre et le Canada et le Québec et d'essayer de demeurer loyale au Québec tout en étant fière d'être Canadienne. Pour moi, la tâche est très facile. Comme mes ancêtres sont arrivés au Canada en 1670, j'estime avoir des racines dans ce pays. En fait, au cours des trois dernières décennies, nous avons subi les reproches des séparatistes, qui disaient que ceux qui n'appuient pas la séparation sont antidémocratiques.

Honorables sénateurs, pour ma part, j'estime être une démocrate. Ma raison d'être en politique est de soutenir qu'il est avantageux pour le Québec de faire partie du Canada. Je suis fière que mes ancêtres aient contribué à découvrir, à créer et à fonder notre pays, mais ce n'est pas ce qu'on pense actuellement au Québec. Il est difficile d'être fédéraliste au Québec. Le sénateur le sait probablement aussi bien que moi. Il n'est pas facile d'affronter quotidiennement un gouvernement séparatiste qui a choisi une autre option. C'est son choix. C'est pourquoi je suis ici. Si j'étais au Québec en ce moment, je dirais probablement que j'appuie le projet de loi C-20, mais je dois avouer qu'il n'est pas facile de prendre la défense du Canada lorsqu'on habite au Québec.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, je n'ai aucune difficulté à prendre la défense du Canada lorsque je suis au Québec, pas plus que la plupart des Québécois. J'ai plus de difficulté à être sénateur du Parti conservateur, mais j'en suis fier.

Ma question était celle-ci: jusqu'à quel point pouvons-nous négliger l'opinion exprimée par les représentants élus de l'Assemblée nationale et celle de la majorité des députés québécois élus à la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-20? Le gouvernement fédéral fait entièrement fi de la volonté exprimée par les représentants élus, et je trouve cela plutôt arrogant.

L'honorable Jack Austin: C'est notre travail.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est notre travail, dit le sénateur Austin. Notre travail est-il d'ignorer les souhaits des représentants élus?

Le sénateur Austin: Non, c'est d'entendre les souhaits des Canadiens.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je m'oppose au projet de loi, et je pense qu'il est dans l'intérêt des Canadiens de s'y opposer. Peut-être que lorsqu'il sera renvoyé à un comité, spécial ou autre, nous inviterons des représentants de chacune des provinces à comparaître pour donner leur point de vue sur le fait qu'il est demandé à la Chambre des communes d'intervenir sur une décision prise par une assemblée législative provinciale.

Le sénateur Austin: Et qui n'aurait aucune répercussion sur le Canada?

Le sénateur Lynch-Staunton: Le Parlement prend nombre de décisions qui ont des effets considérables sur les provinces sans que celles-ci ne soient consultées.

Le sénateur Hervieux-Payette: Au sujet de la majorité des élus qui sont originaires du Québec, je dirai que nous devons nous souvenir que la majorité dont parle le sénateur est composée des députés séparatistes du Bloc québécois. Ces gens-là représentent une option séparatiste au niveau fédéral dans une société démocratique et ils sont très heureux de faire partie de la famille canadienne quand ils voyagent avec nous à l'étranger. Nous devons reconnaître que la majorité des députés ministériels qui viennent du Québec appuient le gouvernement. Il faut reconnaître les faits.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est tout ce que nous devons savoir.

Le sénateur Hervieux-Payette: Le sénateur dit que nous négligeons l'opinion de l'opposition libérale au Québec. Je tiens à lui rappeler, n'en déplaise à certains sénateurs ici présents, que lorsque nous avons adopté la Constitution en 1982, certains députés libéraux à l'Assemblée nationale du Québec ne l'ont pas appuyée non plus. Pour ma part, je l'ai appuyée, à l'instar des autres 70 députés libéraux fédéraux à l'époque. Je tiens à rappeler à l'honorable sénateur que mes collègues du Parti libéral appuient le projet de loi C-20 parce que nous croyons au Canada.

[Français]

L'honorable Michel Cogger: Honorables sénateurs, j'aurais une question à poser à l'honorable sénateur Hervieux-Payette. Il faut conclure que dans le préambule non écrit de ce projet de loi, il y a une prémisse de divisibilité du Canada. D'ailleurs, elle n'est pas dans le texte, mais si nous partons de la prémisse que la Canada est indivisible, nous n'avons plus besoin du projet deloi C-20. À l'inverse, à partir du moment où nous étudions attentivement le projet de loi C-20, il faut conclure que dans certaines conditions, le Canada serait divisible. À ce sujet, l'ambassadeur du Canada à Paris, M. Roy, disait récemment à quel point les Français trouvaient le Canada profondément démocratique, parce qu'il était le seul pays structuré qui «s'autodéclarait» divisible à certaines conditions.

Honorables sénateurs, où pouvons-nous trouver l'assise, le texte, la convention, la base juridique qui donneraient naissance au projet de loi C-20? Où pouvons-nous commencer à construire à partir d'un tel projet de loi? Où le gouvernement canadien trouve-t-il le pouvoir de le proposer aux deux Chambres?

Le sénateur Hervieux-Payette: Honorables sénateurs, il faut se souvenir qu'effectivement, au Canada, nous avons des conventions constitutionnelles, la tradition et la législation. J'ai reconnu qu'il n'y avait pas dans la Constitution canadienne de dispositions pour consacrer la divisibilité du Canada, mais que le gouvernement du Canada avait participé à deux référendums dans le passé. Nous avons tous participé à cet exercice très douloureux. L'avis de la Cour suprême fait partie de cette possibilité de divisibilité, suite à ces deux référendums.

Si nous nous reportions aux années 80 et que le gouvernement canadien avait décrété à ce moment qu'il ne reconnaissait aucunement les résultats du référendum dans le cadre constitutionnel de l'époque, peut-être en serait-il autrement? Je ne peux pas réécrire l'histoire. Nous avons participé aux deux référendums, avec toutes les forces que nous pouvions y mettre pour protéger les intérêts du Québec au sein du Canada. J'espère que je ne répèterai pas cet exercice une troisième fois. Ce projet de loi est une police d'assurance et définit un cadre de référence. Je suis d'accord avec vous, il y a peu de pays au monde qui permettraient sur le plan démocratique à des gens civilisés de détruire un pays. Nous avons mis plusieurs centaines d'années à le construire de façon civilisée par un accord constitutionnel. Il ne faut pas se leurrer; si jamais il y avait une question claire et un résultat clair, je ne crois pas que les négociations seraient si faciles et que nous en ressortirions grandis. Tous les Canadiens y perdraient.

(Sur la motion du sénateur Atkins le débat est ajourné.)

(1620)

Projet de loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada

Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Lucie Pépin propose: Que le projet de loi C-23, Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C-23, Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada. J'appuie ce projet de loi parce qu'il s'inscrit dans la démarche que je mène depuis plusieurs années déjà en faveur de l'égalité, de la tolérance et du respect de l'autre.

Le projet de loi C-23, vous le savez sans doute, honorables sénateurs, vise à reconnaître aux unions de fait hétérosexuelles et homosexuelles le même statut en regard de l'État fédéral. Concrètement, cela se traduit par un traitement identique de tous les conjoints de fait au Canada pour ce qui est des avantages et des obligations découlant de leur union, que celle-ci soit de nature hétérosexuelle ou homosexuelle. Ainsi, le projet deloi C-23 aura premièrement pour conséquence d'étendre aux conjoints de fait de même sexe les avantages et les obligations applicables actuellement aux seuls conjoints de fait de sexe opposé; deuxièmement, d'étendre aux conjoints de fait de sexe opposé ou de même sexe certains avantages et certaines obligations auxquels ils n'avaient pas accès.

Stricto sensu, là se limite la portée de ce projet de loi omnibus.

En pratique, le projet de loi C-23 implique de modifier plusieurs lois fédérales touchant une vingtaine de ministères et d'agences dans sept domaines, notamment en matière de pension, d'impôt sur le revenu et de droit pénal.

Permettez-moi de détailler quelques-uns des changements les plus importants. Tout d'abord, le projet de loi C-23 utilise le terme «époux» pour désigner exclusivement les personnes mariées et le nouveau terme «conjoint de fait» pour désigner les conjoints de même sexe et de sexe opposé qui vivent en union de fait depuis au moins un an.

Je rappelle, honorables sénateurs, que cette durée de cohabitation d'un an, nécessaire pour la reconnaissance d'avantages et d'obligations aux couples vivant en union de fait, n'est pas nouvelle et que le projet de loi C-23 ne la modifie aucunement.

D'aucuns ont vu dans le projet de loi C-23 une attaque au mariage. Cela a conduit à ce que soit prévue au projet de loi la règle d'interprétation selon laquelle, et je cite:

[...] les modifications que la présente loi apporte ne changent pas le sens du terme «mariage», soit l'union légitime d'un homme et d'une femme à l'exclusion de toute autre personne.

Je suis d'avis, honorables sénateurs, que cette motion était superflue, d'abord parce que le projet de loi ne concerne en rien le mariage, ensuite parce que le sens de ce dernier est déjà clair en droit. Néanmoins, la ministre de la Justice a dit devoir rassurer certains Canadiens et Canadiennes en précisant que rien dans le projet de loi C-23 ne change le sens du mariage. Le projet de loi C-23 se limite à reconnaître d'autres formes de relations stables fondées sur un engagement.

Pourquoi cette loi? Elle est la réponse du Parlement à l'évolution de la société canadienne et à une série de jugements rendus au cours des dernières années par des tribunaux de diverses instances au Canada, et dont l'effet commun est de questionner le fait que les programmes sociaux n'incluent pas les partenaires de même sexe, c'est-à-dire qui se limite à une référence hétérosexuelle.

N'en déplaise à certains, le Canada n'est plus et ne doit plus être une société où être lesbienne ou gai signifie l'opprobre public. Cela a déjà été le cas toutefois. C'est en 1992 que l'Organisation mondiale de la santé cessa de définir l'homosexualité en termes de maladie mentale.

Pour illustrer le chemin parcouru depuis, permettez-moi, honorables sénateurs, de vous faire part des résultats d'un sondage Angus Reid publié en octobre 1998, qui montre que maintenant, les Canadiennes et les Canadiens acceptent les couples de même sexe. Ce sondage révèle qu'une majorité de Canadiens et de Canadiennes, plus précisément 67 p. 100, croyait que les couples de même sexe vivant comme des personnes mariées devaient bénéficier des mêmes avantages fiscaux ou liés à l'emploi que les couples hétérosexuels. En avril 1995, cette proportion était de 49 p. 100. Bien sûr, le soutien de la population canadienne à cette proposition n'est pas homogène: les femmes sont plus favorables que les hommes à la reconnaissance des couples de même sexe; plus on est jeune et instruit et plus on se déclare en faveur de cette reconnaissance. En somme, une majorité de Canadiennes et de Canadiens croit qu'il faut étendre aux conjoints de même sexe les avantages et les obligations que l'État fédéral confère déjà aux conjoints de sexe opposé, mariés ou non.

Je fais même le pari que l'adoption du projet de loi C-23 contribuera à réduire cette proportion de la population canadienne qui s'oppose toujours à la reconnaissance des couples de même sexe, l'État faisant ainsi preuve de tolérance et de respect, l'État s'engageant dans la voie de l'égalité. En adoptant le projet de loi C-23, le Parlement envoie un message que les homosexuels ne sont plus des citoyens de seconde catégorie, mais des acteurs à part entière de la communauté politique canadienne.

Le projet de loi C-23 s'inscrit aussi dans une série de jugements. Je vais reprendre ici, si vous me le permettez, honorables sénateurs, les jugements qui ont marqué la cause de la reconnaissance des couples de même sexe pour en tirer un certain nombre d'enseignements.

Disons d'abord que le gouvernement du Québec a été le premier, en 1977, à interdire toute discrimination sur la base de l'orientation sexuelle. Deux années plus tard, la Commission canadienne des droits de la personne recommandait que soit modifiée la Loi canadienne des droits de la personne pour y inclure l'orientation sexuelle comme motif de distinction illicite. Je vous rappelle qu'en 1982 est adoptée la Charte canadienne des droits de la personne, sans que l'article 15(1) reconnaisse l'orientation sexuelle comme motif énuméré de distinction illicite. En 1985, cette idée de considérer l'orientation sexuelle comme motif de distinction illicite analogue reçoit l'appui du sous-comité parlementaire sur les droits à l'égalité, par la voie de son célèbre rapport: «Égalité pour tous». En 1992, dans l'arrêt Haig, la Cour d'appel de l'Ontario stipule que la Loi canadienne des droits de la personne doit être interprétée comme interdisant la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Quatre années plus tard, en 1996, la Loi canadienne des droits de la personne sera finalement amendée en ce sens et, dès l'année suivante, le Tribunal canadien des droits de la personne rendra une première décision favorable à l'attribution d'avantages aux conjoints de fonctionnaires homosexuels.

Les années 90 ont été riches en dénouements favorables à la reconnaissance des couples de même sexe. Ainsi, c'est en 1992 que les forces armées mettaient fin aux restrictions à l'enrôlement et à la promotion fondées sur l'orientation sexuelle. En 1995, la Cour suprême du Canada rendait sa première décision aux termes de l'article 15 de la Charte relativement à l'orientation sexuelle et à l'attribution d'avantages à des conjoints de même sexe - c'est la décision Egan. Dans un jugement unanime, la cour juge que l'orientation sexuelle constitue un motif de distinction illicite aux termes de l'article 15 de la Charte - au même titre que le sexe ou l'âge. Plusieurs décisions favorables aux couples de même sexe, tant aux niveaux fédéral que provincial, en découleront. Maintenant, s'agissant de l'attribution d'avantages à des conjoints de même sexe, cinq des neuf juges disposèrent que la définition de «conjoint» dans la Loi fédérale sur la sécurité de la vieillesse contrevenait à l'article 15 de la Charte, mais que cette violation était justifiée en vertu de l'article premier de la Charte.

En 1998, deux décisions viennent renverser cette interprétation préliminaire de la Charte. Dans l'affaire Vriend c. Alberta, la Cour suprême jugea que l'omission délibérée de l'orientation sexuelle dans la loi albertaine Individual Rights Protection Act contrevenait à l'article 15 de la Charte et que cet égarement n'était pas justifié en regard de l'article premier. La cour d'appel de l'Ontario rendit un jugement de même nature. Dans l'affaire Rosenberg c. Canada, elle disposa que le fait d'exclure les conjoints de même sexe dans la Loi fédérale de l'impôt sur le revenu n'était pas justifié en vertu de l'article premier de la Charte. Ces deux décisions affirment que l'article premier de la Charte ne peut justifier la discrimination au motif de l'orientation sexuelle.

En 1999, dans l'affaire M. c. H., la Cour suprême ouvrit la porte à la réclamation de pensions alimentaires suite à la rupture d'une relation entre personnes de même sexe.

(1630)

En effet, la cour déclara que la partie III de la Loi sur le droit de la famille de l'Ontario contrevenait à l'article 15 et n'était pas justifiée en vertu de l'article premier, parce qu'elle ne mentionne que les couples de sexe opposé. Cette décision dispose que la reconnaissance n'implique pas que des avantages, mais aussi des obligations - ce que, au demeurant, plusieurs intervenants dans ce débat oublient trop souvent.

Finalement, je mentionne l'adoption du projet de loi C-78 concernant le versement de prestations de survivant. C'est la première loi fédérale qui accorde explicitement des prestations à des couples de même sexe. Pour la première fois, en cette occasion, le Parlement recourt à sa capacité législative pour dégager les conditions pratiques d'une pleine citoyenneté à certains homosexuels en leur attribuant des bénéfices sociaux.

Honorables sénateurs, c'est dans ce contexte qu'il faut comprendre le projet de loi C-23: il est maintenant clair que la Charte offre des garanties juridiques aux homosexuels et que la reconnaissance des couples de même sexe n'implique pas que des avantages, mais aussi des obligations. Il reste à rendre ces composantes opérantes dans la pratique. C'est là l'objet du projet de loi C-23, soit d'aligner la loi fédérale sur la Charte des droits et libertés.

À l'autre endroit, ainsi qu'au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, beaucoup de voix se sont élevées contre l'adoption du projet de loi C-23. Nombre de ces objections sont d'ordre moral, mais plusieurs interpellent aussi des aspects légaux et sociétaux. Permettez-moi d'examiner certains de ces arguments invoqués contre la reconnaissance des couples de même sexe au Canada.

Un argument qui a été invoqué à plusieurs reprises contre le projet de loi C-23 veut que ce projet de loi porterait atteinte au mariage et à la famille. Or, ces deux institutions constitueraient les fondements mêmes de la société canadienne, les gages de sa stabilité. S'y attaquer ne pourrait que conduire au désordre social...

N'étant pas visionnaire, je ne me prononcerai pas sur la lecture apocalyptique des lendemains de l'adoption du projet de loi C-23... En réalité, je ne crois tout simplement pas que ce projet de loi peut mener à un tel chaos, simplement parce que rien dans ce projet de loi ne permet d'affirmer cela! Le projet de loi dont il est question ne modifie en rien la définition du mariage comme l'union d'une femme et d'un homme - auxquels il revient d'ailleurs l'exclusivité d'être des «époux» au sens de la loi. Le projet de loi C-23 reconnaît simplement d'autres formes de relations stables fondées sur un engagement.

À cet égard, permettez-moi, honorables sénateurs, de vous citer un extrait du témoignage de la professeure Martha Bailey, spécialiste du droit de la famille à l'Université Queen's qui, le 2 mars dernier, a donné son avis sur le projet de loi C-23 au Comité permanent de la justice et des droits de la personne. La professeure a alors soutenu que:

[Traduction]

[...] tout ce que fait le projet de loi C-23, c'est d'étendre certains avantages et certaines obligations traditionnellement associés au mariage aux couples de même sexe. Il n'a aucune incidence sur le mariage.

[Français]

On ne peut être plus clair!

Un autre argument qui a été avancé à l'encontre du projet de loi C-23 veut que ce projet de loi soit une attaque contre la famille. En étendant aux couples de même sexe les avantages et les obligations traditionnellement reconnus aux couples mariés, le projet de loi C-23 signerait l'arrêt de mort du mariage et de la famille. En effet, quels avantages auraient les couples à se marier et à fonder une famille s'ils peuvent bénéficier du même statut et des mêmes avantages en ne l'étant pas? C'est là, vous me permettrez de le croire, une vision extrêmement réductrice du mariage! Soyons sérieux! À moins de tomber dans un utilitarisme très étroit, décide-t-on de se marier pour avoir accès à des avantages? N'y a-t-il pas quelque chose de plus profond que cela dans le mariage et dans le désir de fonder une famille?

Le projet de loi C-23 est résolument réaliste puisqu'il reconnaît que la société canadienne n'est plus tissée que d'unions hétérosexuelles - d'ailleurs, moult travaux montrent qu'il y a des couples de même sexe au Canada depuis longtemps. En adoptant le projet de loi C-23, le Parlement reconnaîtra simplement que d'autres unions que celles des couples hétérosexuels ont droit de cité dans la société canadienne. Le Parlement cessera de jouer à l'autruche et mettra un terme à une longue pratique d'exclusion sociale.

À ce sujet, permettez-moi, honorables sénateurs, de vous citer un passage de l'affaire Rosenberg:

Il y a moins à craindre en reconnaissant la diversité conjugale qu'en tolérant un préjugé d'exclusion.

En adoptant le projet de loi C-23, le Parlement fera résolument preuve de modernité.

Quittons maintenant le terrain du mariage et de la famille pour aborder celui du droit. La justice est un pilier de l'État de droit où l'État est soumis au droit, et ce, pour garantir les citoyens contre lui-même. La démocratie n'est pas la domination d'une majorité sur la minorité, non plus l'inverse; elle consiste plutôt en la recherche de compromis et de solutions négociés en fonction d'un équilibre sociétal jugé souhaitable. Or, il ne peut y avoir de démocratie sans pluralisme politique, ni pluralisme politique sans État de droit, ni d'État de droit sans interprétation judiciaire. Là réside le rôle fondamental des tribunaux, soit d'élaborer des consensus permettant d'atteindre cet équilibre sociétal souhaité. En d'autres mots, honorables sénateurs, ceux qui rechignent à ce que la Cour suprême interprète la Charte valorisent purement et simplement une forme d'État où le gouvernement édicte les lois de façon arbitraire.

D'aucuns ont soutenu qu'avec le projet de loi C-23, le gouvernement céderait à l'«activisme judiciaire»; les tribunaux remplaceraient le Parlement, la suprématie de la cour se substituant à la suprématie du Parlement. Si tel avait été le cas, un projet de loi sur la reconnaissance des couples de même sexe nous aurait été soumis bien avant l'an 2000, en fait dès les premières décisions en la matière. Loin de céder à l'«activisme judiciaire», le gouvernement fédéral a au contraire pris le temps de cerner la situation et de proposer une législation destinée à mettre un terme à une injustice flagrante; en cela, il a été responsable. Avec le projet de loi C-23, le gouvernement offre un cadre responsable, équitable et juridiquement solide permettant de tenir compte des dernières décisions des tribunaux en matière d'admissibilité des couples de même sexe aux avantages et obligations des couples de sexe opposé.

En fait, loin de céder à l'«activisme judiciaire», le gouvernement fédéral pourrait plutôt être accusé de traîner de la patte sur plusieurs provinces qui ont déjà modifié leurs législations afin qu'elles ne soient plus discriminatoires face aux conjoints de même sexe. Qui plus est, en l'absence de mesures législatives, les tribunaux continueront de traiter les causes à la pièce, maintenant de la confusion ainsi qu'un contentieux constant et coûteux. C'est précisément pour ces raisons que le gouvernement doit prendre la responsabilité d'aller de l'avant avec le projet de loi C-23.

Bien sûr, en vous invitant, honorables sénateurs, à voter en faveur de la Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada, je suis aussi bien consciente des limites de la mesure proposée, sachant que le projet de loi C-23 ne réglera pas toutes les difficultés rencontrées par les homosexuels dans notre société. Néanmoins, le projet de loi C-23 peut contribuer à limiter certaines difficultés.

Ainsi, le projet de loi C-23 n'a pas la capacité d'éliminer les préjugés envers les homosexuels et, surtout, les violences à leur égard. EGALE, un leader national dans la défense et la promotion des droits des personnes homosexuelles qui a témoigné devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, notait avec regret une recrudescence de la violence physique perpétrée contre les homosexuels. Cela est sans compter les violences psychologiques envers les personnes homosexuelles - les blagues, les railleries, et j'en passe -, violences qui en conduisent plus d'un au suicide. En effet, un article paru dans Le Devoir du 17 mars dernier soulignait, et je cite:

[...] que la crainte d'être identifié comme homosexuel puis d'être opprimé à cause de cela est un motif important de dépression et de tendances suicidaires chez les jeunes.

Du moins pour ce qui est des jeunes hommes, population auprès de laquelle a été effectuée l'étude dont il est question dans l'article. Le projet de loi C-23 ne réglera pas ce douloureux problème du suicide, mais en envoyant le message que tout individu, homosexuel ou hétérosexuel, a droit à une vie pleine et entière, il contribuera peut-être à limiter l'incidence des suicides.

Nonobstant ces critiques, honorables sénateurs, je vous exhorte à voter en faveur de la Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada. Comme son titre l'indique, le projet de loi C-23 vise un objectif de modernisation, c'est-à-dire de mise à jour, d'actualisation de la loi avec les faits. La réalité est qu'aujourd'hui, l'égalité constitue une valeur fondamentale de la communauté politique canadienne, comme en témoigne d'ailleurs notre Charte. La réalité veut aussi que la société canadienne soit tissée de couples dont certains sont constitués de personnes de sexe opposé et d'autres de personnes de même sexe. La loi doit être conséquente avec son époque.

(1640)

Avec le projet de loi C-23, le Canada emboîte le pas de plusieurs pays qui, au cours des dernières années, ont reconnu, d'une façon ou d'une autre, les couples de même sexe. C'est ainsi que le Canada, à l'instar des très avant-gardistes pays nordiques, s'ouvre à la reconnaissance de la diversité des modes de vie au sein de sa population. En passant, ces pays sont aussi parmi les plus avant-gardistes en termes de représentation politique des femmes, une autre question qui, vous le savez, me tient particulièrement à c9ur.

En adoptant le projet de loi C-23, le Canada honorera ses engagements internationaux envers les droits civils et politiques. Le gouvernement fédéral cessera aussi d'être à la remorque de plusieurs gouvernements municipaux et de plusieurs grandes compagnies canadiennes qui ont déjà pleinement reconnu leurs employés engagés dans une union avec une personne de leur sexe. Le projet de loi C-23 se veut une conséquence pratique, il est le propre d'un État de droit, d'un État qui soumet ses décisions à la sagesse du droit.

Mais surtout, le projet de loi C-23 est une question de simple justice. Aujourd'hui, une minorité substantielle, soit 40,7 p. 100 des familles canadiennes comptant un couple marié ou en union libre, n'ont pas d'enfants. Or, en dépit de l'absence d'une progéniture, et au contraire des couples de même sexe dont plusieurs ont, au demeurant, des enfants, les couples hétérosexuels de sexe opposé ont l'avantage de voir leur union reconnue par l'État. C'est clairement injuste pour les couples de même sexe, du moins dans un État de droit qui fait de l'égalité une valeur exemplaire et où son pendant, la discrimination, ne peut être justifiée dans une société libre et démocratique.

En terminant, honorables sénateurs, il faut adopter le projet de loi C-23 parce qu'il témoigne d'une ouverture au pluralisme de la société canadienne, qu'il constitue un gage de tolérance aux diversités, de respect de l'autre, de justice et d'égalité. À n'en point douter, ce sont là les composantes d'une communauté politique qui se veut moderne.

L'honorable Fernand Robichaud: Je félicite l'honorable sénateur Pépin de son discours et je crois que ce projet de loi a certainement sa raison d'être. Je remarque toutefois un oubli. On sait que certaines gens vivent ensemble. J'en connais chez nous, par exemple, un frère et une s9ur, deux frères ou deux s9urs. Ils ont pu justement vivre de façon raisonnable dans des conditions de vie acceptables. Cependant, lorsque l'un doit partir, l'autre se retrouve dans un état tout à fait lamentable. Ces gens ne devraient-ils pas être inclus dans la définition que nous donnons au couple en union de fait? Ces gens vivent vraiment comme une famille.

Le sénateur Pépin: Vous avez raison de dire qu'il arrive qu'il y a plusieurs personnes d'une même famille qui vivent ensemble et où il y a un membre de la famille qui est responsable de l'autre. Cependant, après avoir étudié les obligations et l'importance d'un projet de loi semblable, le gouvernement est arrivé à la conclusion qu'il faudrait adopter un projet de loi tout à fait différent.

Ce ne sont pas des gens qui vivent en tant que couple. Il serait préférable qu'on sépare les deux situations et qu'on ne les incorpore pas dans le même projet de loi parce que ce sont deux situations différentes.

Le sénateur Robichaud: Vous dites que c'est totalement différent. Je ne vois pas tellement cette différence parce qu'il y a certainement un lien de dépendance entre ces deux personnes qui vivent l'une avec l'autre. Si le gouvernement a l'intention, plus tard, d'aller dans cette direction, j'espère qu'on le fera dans des délais assez brefs. Cette situation ne devrait pas durer. On ne rend pas justice aux gens qui partagent ce lien de dépendance.

Le sénateur Pépin: Honorables sénateurs, on ne vit pas avec des gens juste pour la dépendance non plus. Ce sont deux choses tout à fait différentes. J'appuie votre demande et je suis d'accord pour que nous étudiions le problème auquel ces personnes font face. Vous ne vivez pas comme des gens mariés parce que vous êtes dépendants les uns des autres. Je suis prête à faire part de vos demandes au gouvernement. À ce stade, cet ajout apporterait de la confusion au projet de loi.

[Traduction]

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais savoir si l'objectif de politique gouvernementale que vise ce projet de loi est que l'État aide les gens qui dépendent d'une autre personne. Si la personne qui travaille subvient aux besoins de la personne dépendante, l'État n'aura pas à combler les besoins sociaux de cette dernière. Quel est exactement l'objectif de politique gouvernementale visé par le projet de loi? Est-ce de maintenir la relation de dépendance entre un citoyen et un autre pour que la personne dépendante ne soit pas une charge sociale pour l'État?

[Français]

Le sénateur Pépin: Je ne pense pas que le projet de loi consiste à reconnaître la dépendance d'un être vis-à-vis d'un autre. On reconnaît que les hétérosexuels sont capables de vivre ensemble et je pense que ce n'est pas nécessairement une dépendance que de vivre ensemble. À ce moment-là, on ne reconnaît pas les couples de même sexe qui ont de l'affection l'un pour l'autre et qui veulent vivre ensemble.

Je pense qu'il y a une légère différence. Je peux faire erreur, mais les gens d'une même famille, qui vivent ensemble, dont l'un est responsable de l'autre, ont une responsabilité différente. Par exemple, si je suis responsable de ma mère, il y a un lien d'affection, mais je suis quand même responsable de ma mère, tandis que si vous vivez en couple, que vous soyez hétérosexuel ou homosexuel, je crois que les deux relations sont semblables et qu'on devrait les reconnaître. Il n'y a pas de relation de dépendance et d'argent. Toutefois, si des honorables sénateurs ont de meilleurs arguments, ils pourraient répondre à votre question.

[Traduction]

(1650)

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, le sénateur Pépin vient de répondre à une question particulière sur la question de dépendance. Les sénateurs devraient savoir que la ministre Anne McLellan a comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 23 septembre 1998 et qu'elle a dit le contraire de ce que le sénateur Pépin vient de dire.

La ministre s'est présentée devant le comité au sujet du projet de loi C-37, qui visait à modifier la Loi sur les juges. En réponse à une question du sénateur Bryden, elle a répondu ce qui suit. Je crois que sa réponse devrait figurer au hansard d'aujourd'hui. Voici ce qu'elle a dit:

Je vais être très franche: notre gouvernement a clairement indiqué à ce sujet qu'il va examiner chaque cas selon ses mérites. La cour a également déclaré qu'elle adopterait une approche semblable. Toutefois, je rappellerais aux honorables sénateurs - et je le dis en réponse au sénateur Bryden - que nous faisons un travail politique qui éventuellement portera sur un changement fondamental au sujet des prestations susceptibles d'être octroyées au sein de la société canadienne, dans le cadre de la compétence fédérale, à tout le moins, et que nous ne voulons pas nous limiter à une discussion sur les conjoints de même sexe ou de sexe opposé; nous tenons à examiner une question plus légitime relative à la société canadienne, c'est-à-dire la question de vraie dépendance. Une fois ce travail effectué, comme je l'ai déjà indiqué, nous reviendrons devant vous et devant la Chambre des communes pour présenter un texte de loi omnibus qui traitera de l'octroi des prestations en fonction de ce facteur de dépendance. Ce travail est bien entamé et mes collègues et moi-même en parlerons en détail dès la semaine prochaine.

Il s'agit là d'une question très importante. À quel moment la ministre a-t-elle abandonné son objectif déclaré d'étendre les avantages à toutes les relations de dépendance économique et a-t-elle adopté le point de vue très contestable consistant à se fonder sur la sexualité? C'est très inhabituel. C'est une question sur laquelle le comité doit se pencher.

J'ai deux questions à poser à l'honorable sénateur Pépin. Premièrement, qu'est-ce qu'une union conjugale au sens de ce projet de loi? Deuxièmement, comment l'existence d'une relation conjugale sera-t-elle déterminée?

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, je voudrais aborder la question soulevée par le sénateur Cools concernant la relation conjugale. Le jugement de la Cour suprême dans l'affaire citée par le sénateur Pépin, et notamment le juge Cory, a clairement défini ce qu'est une realtion conjugale. Elle n'est pas fondée sur le sexe. Le sexe n'est qu'un élément. Mais il ne constitue pas un élément exclusif d'une relation conjugale. En fait, la cour a dit que de nombreuses realations conjugales ne comportaient pas l'élément de sexualité. C'est qu'on peut se marier ou former un couple de fait sans avoir nécessairement des enfants.

La morale actuelle permet aux gens de se faire avorter, de prendre des contraceptifs et de décider, d'un commun accord, de ne pas avoir d'enfants. C'est aux personnes formant le couple de choisir. L'élément de sexualité n'est donc pas à cet égard une élément exclusif de toute relation conjugale. Le juge Cory l'a indiqué très clairement quand il a fixé les cinq éléments d'une relation conjugale. Comme les sénateurs Pépin et Cools l'ont mentionné, nous aurons amplement l'occasion de débattre ces questions en comité.

Il y a un élément fondamental dans ce qu'a dit le sénateur Pépin. Le projet de loi C-23 repose sur le jugement et l'interprétation de l'article 15 de la Charte. Le but de l'article 15 de la Charte concernant les couples vivant en union de fait n'est pas d'opposer enfants et parents, oncles et neveux, et cetera. L'interprétation de l'article 15 par la Cour suprême est que les personnes vivant en union de fait ont droit aux mêmes avantages, qu'il s'agisse de couples hétérosexuels ou de couples homosexuels. C'est essentiellement ce qu'a dit la cour. La cour ne s'est pas prononcée sur les droits des parents ou des proches en vertu de l'interprétation de l'article 15. Elle n'a pas établi un tel droit. En revanche, elle a établi ce droit dans le cas des personnes vivant en union de fait.

Ainsi, une mère et un neveu ne constituent pas une union de fait. Il se peut qu'ils soient dépendants l'un de l'autre et qu'ils aient des responsabilités l'un envers l'autre. Il se peut qu'ils aient droit sur le plan financier à une certaine reconnaissance de l'État, que ce soit au niveau provincial ou fédéral, pour certaines raisons ayant à voir avec les politiques sociales. Autrement dit, l'État peut aider les personnes qui s'entraident lorsqu'elles deviennent âgées, handicapées ou qui ont besoin d'un parent pour les aider dans la vie de tous les jours. C'est une question totalement différente. Ce n'est pas une question légale confirmée par l'interprétation de l'article 15 par la Cour suprême.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, si le sénateur Joyal pose une question, j'aimerais bien y répondre. J'apprécie les remarques du sénateur. Je veux m'assurer que nous ayons la possibilité d'en débattre.

Madame le sénateur Pépin vient de dire qu'elle ne répondra à aucune question. J'apprécie donc les remarques du sénateur Joyal. Toutefois, nous devons avoir la possibilité de débattre de ses arguments.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne sais pas si les 45 minutes dont disposait le sénateur Pépin sont écoulées ou non, mais j'aimerais faire une remarque à propos du recours au Règlement.

Tout sénateur, y compris le sénateur Pépin, a le droit de ne pas répondre à une question s'il en décide ainsi. C'est une question personnelle, encore qu'il semble arbitraire de répondre à la question d'un sénateur et de ne pas répondre à celle d'un autre. Je ne crois pas qu'il soit inapproprié de la part du sénateur Pépin de refuser de répondre à une question d'un sénateur et d'accepter de répondre à celle d'un autre. Il est tout à fait acceptable de faire un commentaire ou de poser une question. Toutefois, je pense qu'il existe un laps de temps pour cela.

À mon avis, nous approchons de la limite du temps imparti pour faire un commentaire. Par conséquent, en ce qui concerne l'objet du rappel au Règlement, je dirais qu'un sénateur peut refuser de répondre à une question ou répondre à une question à titre individuel.

À mon avis, nous devrions tout mettre en oeuvre pour encourager le débat. Je rappelle cependant à propos de ce rappel au Règlement que, à mon avis, le Règlement impose la brièveté pour les questions qui sont posées ou les observations qui sont formulées.

(Sur la motion du sénateur Robertson, le débat est ajourné.)

La Loi sur la protection des phares patrimoniaux

Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable J. Michael Forrestall propose: Que le projet de loi S-21, Loi visant à protéger les phares patrimoniaux, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, ce texte est sans doute moins sujet à controverse. Il est cependant tout aussi intéressant pour certains d'entre nous, mais assurément pas aussi exigeant en temps et en capacités intellectuelles.

(1700)

Honorables sénateurs, je suis ravi de prendre la parole au sujet du projet de loi S-21 et je profite de l'occasion pour exprimer ma reconnaissance la plus sincère à M. Joe Varner et aux collaborateurs fort compétents de M. Mark Audcent, greffier du Sénat, qui ont élaboré cette mesure législative non controversable. Je tiens également à remercier tout spécialement Deborah Palumbo.

Cette affaire n'est ni une question d'argent, ni une question de politique. J'invite les sénateurs qui connaissent la Nouvelle-Écosse et ses magnifiques sentiers touristiques à s'imaginer le sentier du phare sans le phare ou ses structures environnantes. Qu'ils essaient d'imaginer la région de Peggy's Cove sans le phare. Chaque journée d'inaction voit les communautés côtières du Canada, que ce soit sur la magnifique côte est, le long du Saint-Laurent, sur le lac Winnipeg ou sur les rivages majestueux du Pacifique, confrontées au risque de perdre leurs phares historiques - des phares grâce auxquels les marins, des siècles durant, ont eu la vie sauve. Ces phares ont servi de centre à de nombreuses communautés côtières.

De belles images de phares du monde entier ornent bien des murs importants, car ils sont le symbole de la conquête de la haute mer et des océans par l'homme. Par le passé, ils ont conquis le coeur des gens, car ils étaient la première chose qu'on voyait en rentrant chez soi. Les représentations de phares comptent parmi les pièces murales les plus populaires. Leur place dans le coeur des hommes ne fait aucun doute avec leur beauté simple sur fond de mer tourmentée. Il faut être originaire des côtes de l'Atlantique, du Pacifique ou de l'Arctique pour être attiré par les phares.

La Lighthouse Preservation Society située en Nouvelle-Écosse, qui compte des représentants de tout le Canada, a fait un travail extraordinaire pour examiner la situation critique des phares canadiens et elle a tenté de les sauver de la destruction. D'autres groupes sur la côte ouest ont également tenté de préserver cette partie précieuse du patrimoine maritime canadien. Notre collègue, le co-auteur de ce projet de loi, l'honorable sénateur Pat Carney, a travaillé inlassablement avec les gardiens de phare de la côte ouest pour protéger les phares et, oui, les gardiens de phare eux-mêmes. Je ne peux pas vous dire combien de fois j'ai suivi le sénateur Carney dans les escaliers en colimaçon, grimpant vers des hauteurs vertigineuses pour l'aider dans sa cause, une cause qui est tout à l'honneur du Sénat et qui montre aux collectivités côtières isolées que le gouvernement se soucie d'elles.

Il reste actuellement plus de 500 phares au Canada. Seuls19 d'entre eux jouissent d'une véritable protection en raison d'un statut de site protégé. Cent un autres jouissent d'une protection partielle et sont reconnus comme sites protégés. Les autres restent des zones neutres pour le moment.

Que signifie réellement le statut de site protégé? J'attire votre attention sur le projet de loi C-62, Loi sur la protection des gares ferroviaires patrimoniales de 1988, sur lequel ce projet de loi est modelé. Pourquoi, si les sites protégés sont si particuliers, une autre loi était-elle nécessaire pour protéger les gares ferroviaires patrimoniales que l'on trouve dans la plupart des collectivités canadiennes? C'est triste, mais la réponse est que, malgré leur désignation comme site protégé, ces gares ferroviaires patrimoniales, dont certaines datent de la Confédération, pouvaient être vendues, transférées, modifiées ou détruites, et que le public avait peu de recours. La Loi sur la protection des gares ferroviaires patrimoniales mettait en place un processus de consultations publiques avant que des mesures quelconques puissent être prises concernant ces sites protégés inestimables et elle imposait des peines sévères en cas de prise de mesures précipitée ayant endommagé les gares ferroviaires patrimoniales. Il a été déterminé que les 19 phares protégés du Canada et les 101 phares partiellement reconnus comme sites protégés se trouvent dans la même position vulnérable que les gares ferroviaires patrimoniales avant l'adoption du projet de loi C-62.

C'est l'objectif même du projet de loi S-21, Loi visant à protéger les phares patrimoniaux. L'article 3 du projet de loi dit ceci:

La présente loi a pour objet de faciliter la désignation et la conservation des phares patrimoniaux en tant qu'éléments de la culture et de l'histoire canadiennes, et d'empêcher leur modification ou leur aliénation sans consultation publique.

Le projet de loi définit «phare patrimonial» ainsi:

Phare - ainsi que toutes les constructions et autres ouvrages qui en dépendent et s'y rattachent - désigné comme phare patrimonial par le ministre sur recommandation de la Commission.

Il définit «modifier» ainsi:

Effectuer un changement quelconque, notamment restaurer, ou rénover. Sont exclus de la présente définition l'entretien courant et les réparations.

La «Commission» est la Commission des lieux et monuments historiques du Canada.

Le ministre responsable de cette loi est le ministre du Patrimoine canadien.

L'article 4 dit:

La présente loi s'applique aux phares relevant de l'autorité législative du Parlement du Canada, qu'ils soient ou non utilisés comme aides à la navigation.

L'article 5 dit:

Le ministre peut, sur recommandation de la Commission, désigner tout phare comme phare patrimonial pour l'application de la présente loi.

Chose plus importante, honorables sénateurs, leparagraphe 6(1) dit:

L'enlèvement, la démolition, la modification ou l'aliénation - notamment par vente ou cession - d'un phare patrimonial, sont interdits sauf autorisation du gouverneur en conseil.

Pour ce qui est de la sécurité, le paragraphe 6(2) dit:

Le paragraphe (1) ne vise pas la modification d'un phare patrimonial découlant d'une situation d'urgence.

L'article 7 dit:

Lorsqu'il est proposé d'enlever, de démolir, de modifier ou d'aliéner - notamment par vente ou cession - un phare patrimonial, une demande d'autorisation doit être présentée au ministre, selon les modalités réglementaires, après qu'un avis public de l'intention de faire une telle demande a été donné conformément aux règlements.

Ainsi, un mécanisme de réglementation est mis en place pour protéger ces sites patrimoniaux extrêmement importants.

Les articles 8 à 10 précisent des conditions entourant les audiences publiques et donnent au ministre et au gouverneur en conseil le pouvoir d'agir dans l'intérêt public.

Honorables sénateurs, cela signifie qu'avant qu'un phare patrimonial ne soit supprimé ou, chose plus surprenante, vendu à McDonald ou Burger King à des fins publicitaires, la population sera consultée. Le projet de loi établit également un cadre pour le transfert de certains de ces phares patrimoniaux à des intérêts privés ou des groupes communautaires côtiers tout en conservant au gouvernement du Canada la capacité et le droit de protéger et de préserver la culture canadienne.

En fin de compte, conformément à l'article 7, le ministre fera une recommandation au gouverneur en conseil en se basant sur le rapport de la commission. L'article 9(1) prévoit que:

Le gouverneur en conseil peut, sur recommandation du ministre et selon les modalités qu'il juge appropriées, autoriser l'enlèvement, la démolition, la modification ou l'aliénation, notamment par vente ou cession, d'un phare patrimonial.

Ce qu'il ne faut pas oublier cependant, c'est que les Canadiens doivent être consultés d'abord.

En conclusion, honorables sénateurs, je dirais que ce ne sont pas là des considérations partisanes. Il existe à l'heure actuelle une «liste noire» des phares, dont certains sont des phares patrimoniaux, qui doivent être démolis sans qu'on songe même à consulter le public. Il y a un vide législatif dans ce domaine. Les fonctionnaires ont besoin de s'appuyer sur quelque chose.

Que deviendrait Cape Spear à Terre-Neuve dans vingt ans si on décidait de vendre le phare historique à des intérêts privés ou tout simplement de le démolir? Et le phare de Yarmouth qu'on devait remettre à la communauté et dont le sort est maintenant remis en cause en raison de réelles préoccupations d'ordre environnemental. Et les quelques vrais phares fédéraux qui restent sur le Saint-Laurent, non pas ces petits poteaux de deux ou trois mètres de hauteur chapeautés par une ampoule électrique? Je parle de vrais phares. Et le phare historique de Georges Island dans le port de Halifax ainsi que bon nombre de monuments historiques qui risquent de s'écrouler?

Nous avons besoin d'une Loi sur la protection des phares patrimoniaux pour nous aider à préserver la culture canadienne.

(1710)

Enfin, le projet de loi S-21 permettra aux citoyens et aux collectivités de contribuer activement, de concert avec le gouvernement, à préserver notre patrimoine pour les générations à venir. C'est à cette fin que je sollicite votre appui.

(Sur la motion du sénateur Hays, au nom du sénateur Callbeck, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cools, appuyée par l'honorable sénateur Milne, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-9, Loi modifiant le Code criminel (détournement de la justice).-(L'honorable sénateur Kinsella).

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai quelques mots à dire à propos du projet de loi S-9.

Nous comprenons tous pourquoi on peut retarder la présentation de ce projet de loi, car nous en avons déjà étudié le sujet à fond dans le passé. Comme les honorables sénateurs le savent, cette mesure vise en réalité à s'attaquer au problème des fausses accusations dans des causes de garde et de droit de visite des enfants.

Je rappelle aux honorables sénateurs le travail du Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants. Le rapport de ce comité mixte nous a appris que le comité avait entendu beaucoup de témoignages de parents engagés dans des conflits en matière de garde et de droit de visite d'enfants qui se sont dits ébranlés par de fausses accusations de violence ou d'agression sexuelle portées par leur conjoint ou ex-conjoint.

Le comité mixte a entendu de nombreux cas de parents incapables de voir leurs enfants durant des années pendant que ces allégations faisaient l'objet d'enquête. Chose tragique, on finissait par prouver que ces allégations étaient fausses, et le comité a souligné les souffrances humaines qui découlaient de ces accusations et de l'injustice de tout le processus. Dans le rapport du comité rendu public en décembre 1998 figurait cette recommandation:

Le comité recommande que, pour contrer les fausses accusations intentionnelles de mauvais traitement et de négligence, le gouvernement fédéral évalue les dispositions du Code criminel relatives aux fausses déclarations dans les affaires relevant du droit de la famille, et qu'il élabore des politiques d'intervention dans les cas où, de toute évidence, il y a eu méfait, entrave à la justice ou parjure.

La réaction du gouvernement au rapport a consisté à annoncer une nouvelle étude de trois ans. Le Parlement n'a pas de proposition ni même d'indication de la part du gouvernement concernant l'attitude qu'il entend adopter face aux problèmes des fausses accusations. À mon avis, il est fort pertinent que le Sénat offre un fantastique service d'élaboration de mesures législatives et de politiques en présentant des projets de loi du Sénat en cette enceinte. Ce projet de loi nous avait déjà été soumis et avait été renvoyé à un comité. Selon moi, s'il était renvoyé par exemple au comité juridique, on chercherait à solliciter les points de vue et à réunir les données à jour. Un certain temps s'est écoulé depuis que le comité mixte s'est penché sur cette question.

Le Sénat fournit un service d'élaboration des politiques lorsqu'il présente de tels projets de loi, les renvoie à un comité et sollicite ce genre d'étude. Par conséquent, nous soutiendrions cette mesure.

(Sur la motion du sénateur Hays, le débat est ajourné.)

Le changement du mandat de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

Le rapport du comité des affaires étrangères sur l'étude-Ajournement du débat

Le Sénat étudie le septième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères intitulé «La nouvelle OTAN et l'évolution du maintien de la paix: conséquences pour le Canada», déposé au Sénat le 5 avril 2000.-(L'honorable sénateur Stollery)

L'honorable Peter A. Stollery propose: Que le rapport soit adopté.

- Honorables sénateurs, je prendrai quelques minutes pour vous parler du septième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères.

Comme le savent les honorables sénateurs, le Comité des affaires étrangères a consacré beaucoup de temps à la tenue d'audiences et d'une enquête au sujet de la nouvelle OTAN.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais remercier mon prédécesseur, l'ancien sénateur Stewart, sous la présidence duquel a été exécutée une grande partie de notre rapport qui a été déposé au Sénat il y a quelques semaines. Il a grandement contribué à ce rapport sur la nouvelle OTAN.

Les membres du Comité des affaires étrangères sont très fiers de ce rapport de près de 90 pages qui porte sur un vaste éventail de sujets. Le Comité des affaires étrangères a essentiellement examiné des questions économiques pendant de nombreuses années et non des questions de défense. Les membres du comité n'avaient pas de points de vue bien arrêtés lorsqu'ils ont abordé ce sujet. Nous n'étions ni pour ni contre l'OTAN. Notre rapport est le fruit d'études et d'audiences, et non l'expression des idées que nous avions au départ. Cet aspect est très important, car il y a des gens qui sont contre l'OTAN et d'autres qui sont en faveur de cette organisation. Le Comité sénatorial des affaires étrangères était très indépendant.

(1720)

Nous avons interrogé une grande diversité de témoins à Ottawa, à Londres, à Paris, à Bonn, à Bruxelles et à Mons, à Washington et aux Nations Unies, à New York.

Je dirai, aux fins du compte rendu, que ce projet a été vraiment épuisant. Pendant les quelques jours que nous avons passés à Bruxelles, nous avons tenu également des réunions à l'Union européenne, ce qui a donné lieu à notre rapport «Le point sur l'Europe», que mon prédécesseur, l'ancien sénateur Stewart, a déposé au Sénat avant de prendre sa retraite, en novembre. Au cours de ces études, nous avons rédigé deux rapports simultanément, mais il faut dire que nous avons concentré nos efforts sur la nouvelle OTAN et sur l'évolution du maintien de la paix.

Honorables sénateurs, le sénateur Lynch-Staunton a apporté une contribution très importante à la genèse de cette étude. Je dois dire que la forme de l'étude a évolué avec le temps. L'expérience a été fort étrange. Notre président, tout comme bon nombre des membres du comité, peut-être même tous, s'est davantage intéressé à l'étude à mesure qu'elle progressait. Rappelez-vous, honorables sénateurs, que notre étude a commencé il y a environ un an, juste au début des événements au Kosovo. Même si nous n'avions pas l'intention, au départ, d'examiner la question du Kosovo, nous ne pouvions pas négliger le fait que l'OTAN, l'objet de notre étude, venait de s'engager dans, je crois, sa première campagne extérieure à l'OTAN, car le Kosovo, comme nous l'avons fait remarquer très clairement dans notre rapport, était ce que nous appelons une opération hors zone ou, pour ceux qui étudient les questions liées à l'OTAN, une zone d'intervention non conforme à l'article 5.

Cela est très important, car quiconque prend le temps - et il n'en faut pas beaucoup - de lire les 16 articles du traité initial de l'OTAN saura qu'il s'agit d'un traité court, clair et simple. Il n'est nul besoin d'être avocat ou rédacteur-expert pour comprendre le traité de l'OTAN. L'article 5 est l'essence du traité. Il explique qu'il s'agit d'un traité de défense collective et que, si un des membres des pays de l'OTAN est attaqué, les autres doivent se porter à sa défense.

L'OTAN a été créée au début de la guerre froide, en 1949; le problème qu'elle a rencontré éventuellement, c'est que l'ennemi a disparu. L'Union soviétique n'existait plus. L'Union soviétique s'était effondrée, de sorte qu'on se demandait ce que faisait l'OTAN. Voilà ce que le comité a étudié. Que fait l'OTAN? L'organisation elle-même se pose cette question. Son mandat initial a été modifié en 1990 ou 1991 et à nouveau en avril dernier. Alors que le traité original de l'OTAN était très simple, il suffit de lire le mandat de l'OTAN après la chute du mur de Berlin pour voir que le traité est devenu beaucoup plus flou. Cela a amené l'OTAN à participer à sa première intervention non régie par l'article 5 l'année dernière. Voilà le terme employé.

Bien entendu, les membres du comité ont demandé quel était le fondement en droit de toute intervention non régie par l'article 5. En ma qualité de nouveau président, je n'ai pas été satisfait des réponses. Quelle disposition a justifié l'intervention au Kosovo? L'OTAN est une organisation de défense autorisée en vertu de la Charte des Nations Unies, mais lorsqu'on a essayé de fournir une justification juridique à l'intervention au Kosovo, tout cela est devenu beaucoup moins clair.

Dans notre rapport, nous parlons de l'ancienne Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, l'OTAN d'avant 1990, l'OTAN que nous comprenions tous durant la guerre froide. Puis nous traitons de l'OTAN nouvelle, de la cible mobile, comme je l'appelle. Son mandat a été modifié à deux reprises et le sera certainement encore car l'OTAN se cherche un rôle.

En 1996, le Comité des affaires étrangères a procédé à sa première étude européenne et s'est retrouvé à Bruxelles. Naturellement, une fois à Bruxelles, on se rend automatiquement à l'OTAN. Nous avons assisté à la présentation qui est donnée à tous ceux qui visitent l'OTAN et la question s'est imposée d'elle-même: que fait cette organisation maintenant? L'Union soviétique n'existe plus, alors à quoi sert l'OTAN? Évidemment, bien des gens posent cette question.

Honorables sénateurs, notre rapport renferme 16 recommandations, toutes excellentes.

Nous demandons quel est le fondement en droit de ces interventions. À notre avis, le Canada ne devrait pas participer à des interventions non autorisées par les Nations Unies ou alors il devrait exister une autre bonne raison très claire pour justifier notre participation.

Nous aimerions savoir mieux ce que signifie la «sécurité collective». Nous croyons que nous sommes favorables à cette idée, mais nous aimerions savoir quelle en est la définition officiellement acceptée à l'échelle internationale.

Voilà pourquoi la recommandation numéro 14 demande que le Budget principal des dépenses du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et du ministère de la Défense nationale soient renvoyés au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères pour examen.

Je rappelle à tous les honorables sénateurs qu'il s'agit d'un rapport unanime. Les deux partis présents au Sénat ont appuyé ce rapport à l'unanimité. Nous sommes très désireux d'avoir des réunions avec le ministère des Affaires étrangères et le ministère de la Défense nationale afin que l'on puisse répondre à certaines des questions que les membres du comité se posent en examinant les budgets des deux ministères. Nous pensons qu'une réforme en profondeur du système s'impose. S'il y a un point en particulier à faire ressortir, c'est qu'il ne semble pas que le Parlement ait grand-chose à dire dans ces décisions.

(1730)

Nous avons également noté très énergiquement que le Parlement devrait participer davantage aux décisions qui impliquent l'envoi de soldats canadiens dans des situations de conflit, dans le cadre de missions de maintien ou de rétablissement de la paix. Nous recommandons que le gouvernement définisse clairement les intérêts du Canada et la portée de l'engagement canadien. Dans la recommandation numéro 12, nous disons que le Parlement devrait jouer un rôle direct dans l'examen des accords internationaux importants, alors que la recommandation numéro 13 demande:

Que le Sénat et la Chambre des communes puissent, dans les meilleurs délais, débattre la participation du Canada aux interventions militaires et aux conflits externes, notamment aux missions de maintien et de rétablissement de la paix, et puissent donner leur approbation à cet égard. Il incomberait alors au gouvernement de préciser quels sont exactement les intérêts du Canada et quelles sont les limites de son invervention dans ces situations.

Ce sont là de bonnes recommandations. Elles sont en fait très importantes.

Dans un environnement international en évolution, l'OTAN cherche à s'attribuer un rôle qui n'est pas bien défini. Nous avons parlé dans notre rapport de l'Identité européenne de sécurité et de défense. Au vu de sa dépendance des États-Unis au sein de l'OTAN, l'Europe finira-t-elle par se pourvoir de ses propres moyens de défense, en ce qui concerne notamment le transport de charges lourdes? Dans l'état actuel des choses, il lui est difficile d'acheminer sur le terrain le matériel lourd. Et qu'en est-il des communications par satellite et de la politique commune d'approvisionnement?

Il faut reconnaître que les membres du comité avaient plus de réserves sur l'Identité européenne de sécurité et de défense au début qu'à la fin des audiences. À la fin, nous avons été nombreux à nous demander où tout cela mènerait le Canada. Voilà la question. Que devenons-nous? Si l'Union européenne, la zone d'échanges commerciaux la plus puissante du monde, se dotait d'une armée - et il en a été question -, d'une politique étrangère et d'une politique de défense communes? Si l'Union européenne devait donner suite à ce projet, comme elle en a manifesté l'intention, et comme certains maintiennent qu'elle le devrait, nous ne savons pas à quel rôle seront relégués les Américains. Nous ne savons pas non plus quel sera le rôle du Canada. Voilà la question dont nous voulons saisir les Canadiens et le gouvernement.

Honorables sénateurs, le Canada est au nombre des membres fondateurs de l'OTAN, mais qu'arrive-t-il si l'OTAN nous délaisse, comme nous le mentionnons dans notre rapport?

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, le temps de parole du sénateur Stollery est écoulé. Souhaite-t-il poursuivre?

Le sénateur Stollery: Puis-je poursuivre, honorables sénateurs?

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Stollery: Où tout cela nous mène-t-il, honorables sénateurs? Le Comité sénatorial des affaires étrangères suivra certainement de près ce dossier et posera ces questions.

Je terminerai en remerciant mes collègues du Comité des affaires étrangères qui se sont longuement investis dans ce rapport. Nous sommes tous très fiers de notre travail et du résultat obtenu. Je tiens à les remercier d'avoir consacré autant de leur temps à la rédaction de ce rapport.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Stollery accepterait-il que je lui pose une brève question?

Le sénateur Stollery: Oui.

Le sénateur Hays: Le sénateur Stollery a fait allusion à la recommandation numéro 13 sur le rôle du Parlement - soit quand l'exécutif prend une décision et, par exemple, va jusqu'à se servir de l'OTAN pour intervenir au Kosovo. Je me souviens de cet événement, car j'y étais. Cela a soulevé la controverse. On l'a signalé au Parlement. À son avis, qu'est-ce que le Parlement pourrait faire de plus et dans quelle mesure l'exécutif pourrait-il être lié par une décision de l'exécutif avant qu'une mesure soit prise?

Ma deuxième question porte sur l'initiative nationale de défense antimissile que proposent les États-Unis. Le sénateur Forrestall a fait un discours à cet égard et on en a aussi parlé au cours de la période des questions. Concernant le rôle de l'OTAN dans l'après-guerre froide et le divorce possible entre l'Europe et l'Amérique du Nord pour ce qui est de la cohabitation actuelle au sein de l'OTAN, quelle serait votre position sur l'initiative nationale de défense antimissiles des États-Unis et sur notre participation à cette initiative?

Le sénateur Stollery: Honorables sénateurs, je ne peux répondre à la question portant sur le système de défense parce que le comité ne s'est pas penché là-dessus. Cela ne faisait pas partie de notre mandat. L'information dans notre rapport est fondée sur les témoignages que nous avons recueillis. Nous n'avons inclus dans le rapport que ce que nous avons entendu de la bouche de nombreux témoins. Je ne peux faire aucune commentaire sur le système de défense antimissiles. Il est possible que cela fasse partie de l'évolution de l'OTAN. Autrement dit, il se peut fort bien que les Américains envisagent d'assurer leur propre défense à la place de l'OTAN; je l'ignore.

Pour revenir à la première question du sénateur, nous avons pris grand soin de ne pas lier le gouvernement. Nous comprenons parfaitement que, dans notre système parlementaire, l'exécutif prend les décisions. Nous avons pris grand soin de ne pas limiter le pouvoir décisionnel de l'exécutif. Nous en avons discuté dans le rapport et nous avons examiné à fond cette question. Nous avons entendu le témoignage d'un excellent conseiller juridique.

Le chapitre 8 du rapport s'intitule: «Le Parlement et les engagements militaires du Canada». Nous disons que le premier rôle du Parlement consiste à examiner le financement de ces opérations. Toutefois, nous ne pensons pas que l'examen de ce financement s'est révélé particulièrement exhaustif. Par exemple, d'où est venu l'argent pour payer la mission au Kosovo? Dans notre système de gouvernement, quand le ministre ou les fonctionnaires du ministère se présentent devant un comité de la Chambre des communes, on leur demande comment les fonds sont dépensés. Certains ont soutenu que cela ne se faisait pas d'une manière très efficace. Nous avons consacré tout un chapitre à ce sujet.

Au fil des ans, le Parlement du Canada a été de moins en moins consulté sur les activités de notre pays à l'étranger. Dans d'autres pays, c'est le contraire. En 1939, le premier ministre King s'est adressé à la Chambre des communes. Au Canada, le Parlement est de moins en moins consulté. Nous estimons qu'il devrait l'être davantage mais pas au point d'empêcher le gouvernement d'agir. Ce n'est pas ce que nous voulons dire. Je pense que cela répond à votre question, sénateur Hays.

[Français]

(1740)

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, j'aimerais souligner que le sénateur Lynch-Staunton a été particulièrement actif au comité. Il a apporté une contribution formidable, sans oublier celle de la vice-présidente du comité, le sénateur Andreychuk, qui a déjà une longue expérience dans les affaires internationales.

[Traduction]

Honorables sénateurs, face à la menace posée par l'Union soviétique au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, les Américains et les Européens se sont rendu compte de la nécessité de créer une alliance de défense stratégique. C'est dans ce but que l'OTAN a été créée. C'est pour cette raison que l'Allemagne de l'Ouest s'est rapprochée de l'Europe de l'Ouest. C'est ce qui s'est passé et ce fut un succès en ce sens que la paix a été maintenue sans que la région ne connaisse d'importants conflits armés.

Après la chute du mur de Berlin, la menace soviétique a disparu, mais le lien transatlantique est demeuré un élément essentiel pour assurer la paix mondiale, car on ne savait pas ce qu'il adviendrait de la Russie.

La paix mondiale était une condition essentielle à la prospérité de nations commerçantes comme le Canada. La même chose était vraie pour l'alliance de défense nippo-américaine, compte tenu de l'incertitude entourant l'avenir de la Chine. De leur côté, les États-Unis et le Canada ont créé le NORAD pour assurer la défense aérienne du continent nord-américain.

À part ces incertitudes géopolitiques, l'OTAN s'est concentrée ces dernières décennies sur d'autres menaces, moins mondiales mais réelles, à ce que l'on appelle dans le jargon des affaires étrangères la sécurité collective, autrement dit, la sécurité des civils par opposition à celle des États de l'alliance qui, plus souvent que le contraire, se trouve menacée par les conflits interraciaux, les actes terroristes, et cetera.

Ce genre de conflits modifie les activités de l'OTAN et ajoute une nouvelle dimension à son rôle international. C'est ainsi que nous en sommes arrivés à formuler le concept de rétablissement de la paix par opposition aux activités de maintien de la paix de nos forces armées, des activités qui se déroulent depuis longtemps sous l'égide des Nations Unies.

Le ministre des Affaires étrangères a pris la parole plusieurs fois au cours des dernières années pour expliquer et justifier ce genre d'intervention. Je pense entre autres aux discours du ministre au Middlebury College, en février dernier, à Calgary, en mars et lorsqu'il s'est adressé au Conseil de sécurité.

Nous sommes loin d'être au bord d'une guerre nucléaire, bien que certains États du Moyen-Orient et la Corée du Nord restent des cas particuliers. Nous n'avons pas oublié la tension régnant entre l'Inde et le Pakistan, l'Iran et l'Iraq et d'autres pays. Nous pensons principalement à la situation délicate dans les Balkans et aux conflits tribaux en Afrique, où l'Europe conserve un intérêt.

Le concept de rétablissement de la paix se développe encore, mais les remarques du secrétaire général des Nations Unies et de M. Axworthy révèlent la nature variée des raisons des efforts de rétablissement de la paix et des activités susceptibles d'en découler. Cette situation est donc susceptible de changer la nature de nos forces armées. Les autorités parlent par moments d'intervention armée comme moyen de mettre fin à des conflits tels que celui du Kosovo. À d'autres occasions, elles envisagent des efforts de maintien de l'ordre, comme lorsque la GRC intervient - je ne fais pas ici allusion seulement à Haïti. Parfois encore, elles s'engagent dans l'administration civile et même dans le travail social dans les régions dévastées par des conflits.

Le danger potentiel, honorables sénateurs, est celui de l'activisme de l'État qui peut survenir parce qu'il n'y a plus de centres clairs de prise de décisions ou parce qu'on ne tient pas compte de l'avis du Parlement ou que les informations sur les missions potentielles manquent ou sont déformées ou encore que le coût des missions est caché. Nous devons être clairs et sélectifs. Nos intérêts doivent également être concertés pour établir les critères qui guideront les actions du Canada.

Dans le cas du Kosovo, par exemple, il est maintenant presque certain que le Canada a pris un engagement à long terme sans avoir consulté au préalable le public canadien de façon réelle ou sérieuse.

Par exemple, le Conseil du Trésor évalue les coûts de la participation du Canada à cette opération à 500 millions de dollars en 1999, et à 350 millions de dollars en 2000. Il y a probablement eu aussi des coûts en 1998, pendant la période de préparation, mais ces chiffres ne sont pas fournis. J'espère que nous ne nous sommes pas embarqués dans une aventure comme celle de Chypre, cette aventure qui date de 25 ans et qui, en 1987, nous a coûté un milliard de dollars, car cela justifiait aussi, en partie, notre présence en Allemagne à l'époque.

[Français]

Les données maintenant disponibles sur le conflit au Kosovo semblent indiquer que, premièrement, M. Clinton avait d'autres préoccupations existentielles quand il a dit oui à M. Blair, qui s'est peut-être lui-même laissé emporter par sa propre éloquence, et que deuxièmement, les atrocités n'ont pas cessé pendant la guerre et que, troisièmement, on ne voit toujours pas le bout du tunnel dans ce conflit en ex-Yougoslavie.

Je laisse à d'autres le soin de débattre de la légalité de l'intervention de l'OTAN au Kosovo pour simplement dire qu'à l'avenir, il faudra être plus prudent avant de passer outre à la volonté du Conseil de sécurité, même si ce dernier a besoin d'un sérieux réexamen de son mandat, et même de passer outre à la volonté des Nation Unies.

Ce conflit aura toutefois eu un impact positif sur un autre plan: l'image que les Européens ont eu d'eux-mêmes. Je crois que la conscience européenne, jusque-là monopolisée par les questions économiques et monétaires, s'est étendue aux questions de sécurité et de défense.

Les Européens de l'Ouest ont alors constaté, honorables sénateurs, leur incapacité logistique à déployer leurs forces sur leur propre continent, leur manque d'équipement, d'information tactique, l'absence d'une gestion coordonnée du personnel et ainsi de suite. Bref, ce fut un rappel clair que l'OTAN est d'abord la puissance américaine, même 50 ans après le second conflit mondial.

L'initiative européenne de défense qui en résulte est un mouvement légitime et sain. Cela prendra beaucoup de temps et de volonté pour coordonner les budgets de défense de nos alliés européens. Cela constituera un test aussi important que Maastricht pour connaître de la volonté des Français, des Britanniques et des Allemands à travailler en coopération et coordonner leurs forces et leurs achats d'équipement.

Pour nous, ce qui est majeur, c'est que cette initiative se développe, et ce dans le cadre de l'OTAN, de façon à conserver le lien transatlantique auquel je faisais allusion précédemment et qui est si vital pour nous.

Je voudrais maintenant aborder la question primordiale de l'imputabilité gouvernementale dans les affaires étrangères en général, mais surtout en matière de défense et, accessoirement, d'aide internationale. Ce n'est pas la première fois, honorables sénateurs, que j'aborde cette question ici. Si j'y reviens aujourd'hui, c'est qu'elle m'apparaît fondamentale pour la démocratie canadienne et qu'un redressement s'impose dans l'évolution de nos pratiques parlementaires.

En vertu de la Constitution canadienne, vieille de 133 ans, et qui s'inspire de Westminster, c'est le gouvernement ou le pouvoir exécutif qui est maître incontesté de la politique étrangère, y compris des questions de sécurité; le gouvernement conclut des traités, déclare la guerre et conduit les affaires avec les autres pays.

Le Parlement, quant à lui, modifie ou non les lois canadiennes pour les accorder aux obligations des traités conclus par le gouvernement et vote ou non les crédits requis pour les dépenses de guerre ou d'aide à l'étranger.

Le Parlement peut aussi tenir des débats sur toute question qu'il estime devoir porter à l'attention du public, il peut aussi questionner le gouvernement pour lui faire expliciter ses orientations ou critiquer ces dernières. Tel est, en résumé, l'état du droit constitutionnel canadien en la matière.

Quant à la pratique parlementaire à cet égard, elle est pour le moins fort variable. Le premier ministre Mackenzie King, qui, dans les années 1920, avait été frustré par les engagements militaires pris par Londres engageant le Canada, s'est assuré à l'été 1939 que le Parlement adopte une résolution avant que ne soit faite la déclaration canadienne de guerre de septembre 1939.

La Charte des Nations Unies en 1945 et le traité de l'OTAN en 1949 ont été soumis à l'approbation du Parlement avant leur ratification par le gouvernement. La même manière de procéder fut utilisée lors d'amendements au traité de l'OTAN pour l'admission de la Grèce et de la Turquie en 1952 et de l'Allemagne en 1955.

Pendant cette période, la participation du Parlement à la décision d'engager des troupes dans des conflits étrangers fut sporadique, comme l'a mentionné le président de notre comité, le sénateur Stollery. En ce qui concerne Chypre, la guerre du Golfe et la Somalie, il y a eu consultation du Parlement. Pour ce qui est de la Corée, du Zaïre et du Kosovo, il n'y en a pas eu.

[Traduction]

Dans le même ordre d'idée, l'accord du NORAD, en 1958, n'a pas été soumis au Parlement pour qu'il l'approuve, pas plus que l'acceptation de nouveaux membres comme l'Espagne, en 1982, ou la Hongrie, la Pologne et la Tchécoslovaquie en 1999. Même des usages bien établis comme le dépôt d'accords internationaux au Parlement ont été abandonnés.

Honorables sénateurs, je pense que la situation est complètement inacceptable et que le Parlement doit respecter plus rigoureusement les exigences de la démocratie auXXIe siècle. Ce n'est pas parce qu'il est membre de l'ONU que le Canada doit participer à toutes les opérations autorisées par les Nations Unies; il faut que notre pays puisse se prononcer avant que des jeunes soient envoyés pour affronter les tirs de l'ennemi.

En matière de sécurité, il ne faut pas tenir pour acquis que ce que le ministre souhaite est toujours souhaitable pour les gens. Par exemple, si le ministre est en faveur d'opérations de maintien de l'ordre, il voudra maintenir l'ordre partout dans le monde, en dépit du conseil sage de notre ex-ambassadeur aux États-Unis qui estime que même les États-Unis ne peuvent faire cela. Par ailleurs, si le ministre est en faveur d'opérations militaires, il aura besoin de soldats sur tous les fronts. S'il se veut plutôt travailleur social, il devra participer à toutes les initiatives humanitaires.

(1750)

Honorables sénateurs, à mon avis, il importe de voir les objectifs ministériels à la lumière de ceux du Parlement de manière à ce que les citoyens puissent se faire une idée claire du contenu de la politique étrangère et des dossiers de la sécurité et de l'aide internationale.

Par conséquent, il faut redoubler d'efforts pour remédier à l'absence pratiquement complète du Parlement de ces secteurs importants, ce qui est malsain pour la démocratie canadienne.

Je suis conscient que notre système parlementaire de tradition britannique favorise le pouvoir exécutif du gouvernement, qui détenait historiquement tous les pouvoirs, beaucoup plus que les systèmes républicains des États-Unis et de la France. Le système britannique existait avant l'avènement de la démocratie et, quoiqu'il ait été influencé par les principes démocratiques, il reste, peut-être davantage au Canada qu'en Angleterre même, caractérisé par la prédominance - qui n'est pas la domination - du pouvoir gouvernemental.

Honorables sénateurs, je dirai également que, en l'an 2000, il est grand temps de changer notre façon de faire les choses et d'imposer au gouvernement des règles qui lui laisseront une marge de manoeuvre raisonnable pour être efficace, mais encadreront dans une mesure raisonnable son pouvoir discrétionnaire. Les autres démocraties occidentales semblent donner à leur parlement un rôle officiel plus large dans l'examen des décisions importantes en matière de politique étrangère: motions sur les déclarations de guerre, débats préalables sur les traités et approbation de ceux-ci, débats sur les accords importants et autorisation de déployer des forces militaires à l'étranger.

En Angleterre, par exemple, notre rapport parle de la règle dite «Ponsonby», qui, depuis 1920, exige que les accords internationaux devant être ratifiés soient communiqués aux chambres du Parlement au moins 21 jours avant leur ratification, d'où l'importance de nos recommandations 12 à 15, à la page 84 du rapport.

Je préférerais quant à moi qu'une modification constitutionnelle encadre le pouvoir discrétionnaire de la branche exécutive en matière de politique étrangère. En d'autres mots, il me semble que, dans les sociétés libérales, la règle générale qui dit que le gouvernement ne peut rien faire à moins d'y être autorisé par le Parlement est une règle sage. Au Canada, il semble que le gouvernement puisse faire tout ce qu'il veut sauf ce qui est expressément interdit. Je rappelle aux honorables sénateurs que, dans les sociétés vraiment libérales, ce sont les individus qui sont libres, pas les gouvernements, qui devraient être assujettis à la règle voulant qu'ils ne puissent rien faire sauf ce qui est permis par la loi.

En l'absence d'une modification constitutionnelle appropriée, nous devrions peut-être envisager d'inclure dans la loi habilitante du ministère des Affaires étrangères des critères qui établiront des limites pour l'intervention du ministère à l'étranger dans le domaine de la sécurité humaine, comme une résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies en cas de génocide.

Dans son discours au collège Middlebury, le ministre Axworthy a parlé plus ouvertement qu'auparavant des critères relatifs à une intervention militaire à l'extérieur du Canada.

Nous avons parlé des questions de sécurité ici. Je voudrais souligner en terminant que cette règle devrait également s'appliquer en ce qui concerne l'aide au développement aux pays du tiers monde dans le cadre des engagements nationaux et internationaux par l'entremise d'institutions spécialisées des Nations Unies ou de celles établies aux termes des accords de Bretton Woods. Là encore, des limites doivent être placées sur le pouvoir discrétionnaire du ministre grâce à des critères législatifs clairs, connus de tous.

Même si ce pouvoir discrétionnaire doit être suffisamment large pour permettre une action ministérielle souple au besoin, ses limites ne doivent pas être floues au point de conduire à des abus bureaucratiques. Je me rappelle ici qu'une organisation aussi importante que l'ACDI n'a même jamais été constituée par une loi, mais simplement par un décret. Cependant, chaque année, cette organisation dépense 2 milliards de dollars de deniers publics à diverses fins. Des critères législatifs sont manifestement nécessaires dans le cas présent pour établir les paramètres des actions administratives.

Comme dans le cas des questions de sécurité, la voix du Parlement doit être entendue avant que le gouvernement ne donne des ordres aux forces armées afin que la voix du peuple guide les actions diplomatiques de nos ambassadeurs.

Vous devez comprendre, honorables sénateurs, qu'en tant qu'ancien haut fonctionnaire, j'ai le plus grand respect pour notre personnel militaire, nos diplomates et nos ministres, mais dans des sociétés libres, la loi telle que promulguée par le Parlement doit être à juste titre le guide suprême de toute action du gouvernement.

(Sur la motion du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

[Français]

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, il est 18 heures. La permission est-elle accordée pour que la présidence ne voit pas l'horloge?

[Traduction]

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Je ne pense pas qu'il soit encore 18 heures, Votre Honneur. Cependant, si vous le souhaitez, je propose que si nous dépassons 18 heures et il ne nous reste plus que quelques points à l'ordre du jour, nous ne tenions pas compte de l'heure.

Son Honneur le Président pro tempore: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Projet de loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec

Motion demandant au comité d'apporter des modifications-Recours au Règlement-Décision de la présidence

L'ordre du jour appelle:

Motion de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, appuyée par l'honorable sénateur Kinsella:

Qu'au moment du renvoi du projet de loi C-20 au comité, que ce dernier reçoive instruction d'amender ledit projet de loi de manière à faire du Sénat du Canada un partenaire égal à la Chambre des communes, et de faire rapport en conséquence.-(Décision du Président).

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, le mardi 11 avril 2000, lorsque le sénateur Lynch-Staunton, chef de l'opposition, a présenté une motion d'instruction, le sénateur Hays, leader adjoint du gouvernement, a invoqué le Règlement en faisant valoir que la motion n'était pas recevable parce que non réglementaire. Dans sa motion, le sénateur Lynch-Staunton demande au comité qui examinera le projet de loi C-20 d'amender ledit projet de loi «de manière à faire du Sénat du Canada un partenaire égal à la Chambre des communes». De l'avis du sénateur Hays, cette instruction est impérative et donc irrecevable. Le sénateur Hays a soutenu que l'instruction doit être facultative, étant donné que le comité est déjà investi du pouvoir de modifier un projet de loi. Pour appuyer sa position, il s'est reporté à une décision rendue en novembre 1995, ainsi qu'à l'ouvrage Parliamentary Procedure and Practice in the Dominion of Canada, de Bourinot.

[Français]

D'autres interventions ont été faites par des sénateurs, notamment par le sénateur Lynch-Staunton, qui a défendu sa motion en citant Jurisprudence parlementaire de Beauchesne ainsi que Companions to the standing Orders and Guide to the Proceedings of the House of Lords. Je remercie tous les sénateurs qui sont intervenus. J'ai examiné la matière et les références citées durant le débat et je suis maintenant prêt à rendre ma décision.

[Traduction]

Les motions d'instruction sont relativement rares dans les usages parlementaires au Canada. Ni le Sénat ni la Chambre des communes n'y recourt couramment, ce qui peut expliquer que l'utilisation de cette procédure peut prêter à ambiguïté. Le sénateur Murray en a présenté une au Sénat le 6 décembre 1999, demandant d'habiliter le comité à scinder le projet de loi C-6, un projet de loi portant sur le commerce électronique. La motion a été examinée immédiatement après l'adoption du projet de loi en deuxième lecture. Aucune décision n'a toutefois été rendue, étant donné que la motion a été retirée quelques jours plus tard, après que le Sénat se fut prononcé sur le projet de loi C-6.

(1800)

Le rappel au Règlement du sénateur Hays porte sur la question de savoir si la motion d'instruction doit être à la forme facultative plutôt qu'à la forme impérative proposée par le sénateur Lynch-Staunton. S'il est établi que l'objection est fondée, la motion devra alors être jugée irrecevable.

Afin de pouvoir répondre adéquatement à cette proposition, j'ai cru devoir faire une recherche des précédents dans des éditions antérieures du traité de procédure d'Erskine May, étant donné que le Parlement canadien utilise peu cette procédure et que ces motions nous viennent d'un usage britannique.

[Français]

Les motions d'instruction ont vu le jour au Parlement britannique à une époque où les pouvoirs des comités obéissaient à des définitions et des restrictions très strictes. Tout au long du dix-huitième siècle et jusqu'aux premières décennies du siècle suivant, le pouvoir des comités de modifier des projets de loi était si limité que les comités devaient souvent demander instruction à la Chambre pour pouvoir travailler convenablement. Pour pallier en partie cette lacune, on a incorporé au Règlement de la Chambre certains pouvoirs autorisant les comités à modifier des projets de loi pourvu que les amendements s'inscrivent dans la portée du projet et qu'ils soient pertinents. Avec le temps, les instructions sont devenues moins nécessaires et elles ont acquis certaines caractéristiques qui demeurent encore aujourd'hui, par exemple, la distinction entre une instruction facultative et une instruction impérative. Le cas le plus courant était l'instruction facultative, qui autorisait un comité à exercer certains pouvoirs à sa discrétion. Les instructions devaient être à la forme facultative pour pouvoir s'appliquer aux comités qui possédaient déjà certains droits conférés par le Règlement. Elles pouvaient être soit facultatives, soit impératives si le comité n'avait aucun pouvoir parce qu'il avait été institué en vertu d'un mandat spécial ou qu'il était saisi d'un projet de loi d'intérêt privé.

[Traduction]

Si l'on applique cette distinction fondamentale au Règlement du Sénat, je dirais qu'une motion d'instruction à un comité relativement à l'étude d'un projet de loi d'intérêt public doit être à la forme facultative. En effet, notre Règlement autorise déjà un comité qui étudie un projet de loi à recommander tout amendement pertinent jugé utile. Par conséquent, le comité qui étudie le projet de loi C-20 a le pouvoir de le modifier comme le demande la motion d'instruction du sénateur Lynch-Staunton. Le libellé de la motion est toutefois à la forme impérative, ce qui est contraire aux usages établis. Cette position trouve appui dans des sources documentaires récentes, notamment le Beauchesne, et est confirmée à la page 641 du manuel de procédure parlementaire qui vient tout juste de paraître et qui s'intitule La procédure et les usages de la Chambre des communes:

Les motions d'instruction relatives aux projets de loi ne sont pas impératives, mais facultatives.

[Français]

De plus, même rédigée sur le mode facultatif, la présente motion d'instruction ne serait pas jugée valable sur le plan de la procédure. L'ouvrage d'Erskine May énumère plusieurs critères qui déterminent si une instruction est admissible ou non admissible. Une instruction admissible peut autoriser un comité à agir sur un projet de loi de diverses manières spécifiques. Parmi les instructions acceptables, il y a celles qui permettent à un comité de scinder un projet de loi, de regrouper plusieurs projets de loi ou de faire rapport séparément sur différentes parties d'un projet de loi. La motion d'instruction du sénateur Lynch-Staunton ne cherche à accomplir rien de cela. Elle entend plutôt ordonner à un comité de faire une chose qu'il est déjà autorisé à faire. En fait, l'instruction est inadmissible parce qu'elle est redondante.

[Traduction]

Outre ces considérations précitées, il y a un autre motif qui permet de douter de la validité de la motion. Toute motion visant à permettre ou à ordonner quelque chose à un comité dans son étude d'un projet de loi doit être claire et explicite. Formulée comme elle l'est, la présente motion ne répond pas à ce critère. En demandant au comité d'apporter les amendements nécessaires «de manière à faire du Sénat du Canada un partenaire égal à la Chambre des communes», la motion ne donne pas une instruction suffisamment explicite. Cette formulation n'est ni suffisamment claire ou spécifique. Elle ne permet pas au comité de comprendre hors de tout doute quelles dispositions le Sénat désire que le comité prenne en considération. Pour ces motifs, je déclare que la motion d'instruction proposée par le sénateur Lynch-Staunton est irrecevable.

En terminant, bien que le rappel au Règlement ait été soulevé à la première occasion après l'appel de la motion d'instruction, il me semble utile de rappeler qu'une motion d'instruction ne peut être débattue avant l'adoption de la motion de deuxième lecture du projet de loi auquel la motion se rapporte. Là encore, toutes les sources consultés sont claires à ce propos. Beauchesne précise, au commentaire 684, à la page 211, que:

L'instruction peut être proposée soit immédiatement après le renvoi du projet de loi en comité, soit ultérieurement sous forme de motion distincte. On ne doit pas la formuler tant que la Chambre reste saisie du projet de loi. Il faut attendre au contraire qu'il ait été déféré au comité. Dans le cas où ce dernier aurait examiné le projet de loi en partie, la chose n'est plus possible.

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes

Retrait de la motion pressant le gouvernement de reconsidérer la décision rejetant la demande de TVOntario de diffuser ses émissions françaises au Québec

À l'appel de la motion no 56:

Que le Sénat recommande au gouvernement du Canada de demander au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) de reconsidérer sa décision rendue le 1er mars 2000, relativement à la demande de TVOntario - TFO (télévision française de l'Ontario), afin de permettre au seul producteur d'émissions françaises et culturelles hors Québec de distribuer par voie de câble ses émissions au Québec.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je prends la parole à la demande du sénateur Gauthier pour obtenir du Sénat la permission de retirer cette motion qui est inscrite en son nom. En gros, la raison en est que le sénateur, exaspéré de ne pas obtenir de réponse du président du CRTC, a entrepris une poursuite en justice afin de trouver une solution; or, cette motion vise essentiellement le renvoi d'une décision du CRTC.

Par conséquent, au nom du sénateur Gauthier, je demande la permission pour que cette motion soit retirée du Feuilleton des avis. Je serai heureux de fournir au besoin d'autres précisions.

Son Honneur le Président pro tempore: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour que la motion no 56, inscrite au nom du sénateur Gauthier, soit retirée du Feuilleton des avis?

Des voix: D'accord.

(La motion est retirée.)

Ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement), avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, propose:

Que, lorsque le Sénat ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le mercredi 3 mai 2000, à 13 h 30;

Que, à 15 h 30 demain, si le Sénat n'a pas terminé ses travaux, le Président interrompe les délibérations pour ajourner le Sénat;

Que, si un vote est différé à 17 h 30 demain, le Président interrompe les délibérations à 15 h 30 pour suspendre la séance jusqu'à 17 h 30 pour la mise aux voix du vote différé; et

Que tous les points figurant à l'Ordre du jour et au Feuilleton des avis, qui n'ont pas été abordés, demeurent dans leur ordre actuel.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 3 mai 2000, à 13 h 30.)


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