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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 62

Le mardi 6 juin 2000
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool, Président pro tempore


LE SÉNAT

Le mardi 6 juin 2000

La séance est ouverte à 14 heures, le Président pro tempore étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Seconde Guerre mondiale

Le cinquante-sixième anniversaire du jour J

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui, à l'occasion de l'anniversaire du jour J, pour commémorer les contributions et les sacrifices faits par les soldats canadiens lors d'une des batailles les plus importantes de la Seconde Guerre mondiale. Sur terre, sur mer et dans les airs, des milliers de braves Canadiens ont combattu vaillamment pour vaincre le régime nazi.

Le jour J a marqué le commencement de la libération de l'Europe occupée par l'Allemagne nazie. Aux petites heures du 6 juin 1944, des milliers de soldats alliés, y compris de nombreux Canadiens, ont pris d'assaut une bande de plage de 50 milles de long en Normandie, France. L'horrible bataille qui s'ensuivit a pris la vie de bon nombre, fracassant leurs rêves et leurs perspectives d'avenir.

Honorables sénateurs, la Seconde Guerre mondiale a vu bien des héros, tant au pays qu'à l'étranger. Aujourd'hui, en souvenir du jour J, j'aimerais rendre hommage à la bravoure et à la force de caractère de certains de ces héros méconnus.

Le dimanche 28 mai, une foule de 15 000 à 20 000 Canadiens sont venus sur la colline du Parlement pour rendre hommage au Soldat inconnu. Ramené enfin en sol canadien, il représente tous les Canadiens qui ont fait le sacrifice suprême pour que nous jouissions aujourd'hui de la liberté et de la paix. Ce fut un jour riche en émotions, l'occasion de se rappeler une époque pas si lointaine où le monde était à feu et à sang et où le pays tout entier s'est uni pour sauver le monde libre.

En cet anniversaire du jour J, honorables sénateurs, il nous faut réfléchir une fois encore aux sacrifices qu'ont consentis et aux vies qu'ont perdues, durant la Seconde Guerre mondiale et les autres guerres, les hommes et les femmes qui ont répondu à l'appel des armes au nom de leurs concitoyens.

Le jour J est une occasion de rendre un hommage spécial aux femmes du Canada qui ont répondu à l'appel, car sans leur engagement inébranlable, nous n'aurions pas pu si bien réussir. Alors que leurs fils, leurs pères, leurs frères, leurs oncles et leurs neveux quittaient le Canada pour aller combattre, les femmes sont restées derrière pour s'occuper des familles et contribuer à l'effort de guerre du Canada dans les exploitations agricoles et les usines, sur les bateaux de pêche et dans les vergers. Il y avait beaucoup de choses à faire et ces femmes ont relevé le défi.

Même si le gouvernement a été au départ hésitant à permettre l'entrée des femmes dans les forces armées, enfin, en juillet 1941, la Division féminine de l'Aviation royale du Canada a été autorisée, et rapidement des milliers de jeunes femmes se sont engagées. Durant la Seconde Guerre mondiale, plus de 45 000 femmes canadiennes se sont portées volontaires pour le service militaire. Que ce soit à l'étranger ou sur le front intérieur, les femmes canadiennes ont joué un rôle essentiel dans l'effort de guerre et elles méritent nos remerciements.

Honorables sénateurs, la victoire éventuelle des forces alliées a coûté très cher. Alors que nous soulignons le jour J, prenons un instant pour réfléchir aux sacrifices de ces hommes et de ces femmes qui méritent notre gratitude éternelle.

Des voix: Bravo!

Le Sénat

Les activités durant la semaine de l'environnement

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, au nom du comité vert du Sénat, je voudrais signaler certaines des activités prévues pour la semaine de l'environnement, du 4 au 10 juin. On va établir dans les édifices du Parlement un kiosque où les sénateurs et les employés pourront montrer leur engagement à l'égard de l'environnement en achetant des arbres de la Fondation canadienne de l'arbre, et des tasses à café du Sénat faites de plastique recyclé qui portent le nouveau logo du comité vert du Sénat.

Je voudrais attirer l'attention des sénateurs sur le nouveau site Web du comité vert du Sénat, qu'on retrouve maintenant sur Internet.

Je voudrais féliciter ceux qui participent à l'organisation des activités entourant la Semaine de l'environnement au Sénat. J'encourage tous les sénateurs à participer aux activités et à soutenir notre engagement à l'égard de la Colline verte et de l'environnement en général.

La Chine

Le onzième anniversaire du massacre de la place Tiananmen

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, cette semaine marque le onzième anniversaire du massacre de la place Tiananmen. Le 4 juin 1989, des milliers de civils sans armes, surtout des étudiants, ont été assassinés et estropiés par des troupes chinoises fortement armées et des chars auxquels on avait ordonné de vider les rues des manifestants en faveur de la démocratie.

(1410)

Depuis ce jour tragique, le mot «Tiananmen» en est venu à symboliser l'écrasement de la fine fleur de la jeunesse et celui de l'espoir, de la démocratie et de la liberté individuelle. Nous gardons en mémoire les terribles images du 4 juin 1989.

Bon nombre des survivants du massacre de la place Tiananmen se trouvent aujourd'hui en prison. Beaucoup d'autres sont toujours portés disparus. La majorité des jeunes hommes et des jeunes femmes qui ont été jetés en prison ont été jugés par des tribunaux irréguliers. Certains ont été torturés jusqu'à ce qu'ils fassent des aveux. D'autres ont reçu des châtiments tout à fait disproportionnés par rapport aux crimes dont ils étaient accusés, et ceux qui ont depuis été remis en liberté voient leurs mouvements étroitement surveillés et leur liberté sérieusement limitée.

Honorables sénateurs, le 4 juin est aussi un jour du souvenir. C'est un jour où nous nous rappelons les familles de ceux qui ont été tués et blessés sur les ordres des dirigeants chinois pour avoir osé appuyer la lutte en faveur d'une plus grande liberté en Chine. À une plus vaste échelle, c'est un jour où ceux d'entre nous qui jouissons des fruits de la démocratie prendront encore une fois le temps, espérons-le, d'avoir une bonne pensée envers les millions de gens dans le monde qui vivent sous un régime de tyrannie et de terreur.

L'honorable Vivienne Poy: Honorables sénateurs, le 4 juin, dimanche dernier, rappelait les horribles souvenirs des événements qui se sont produits sur la place Tiananmen il y a 11 ans. Beaucoup de nous avons vu à la télévision le massacre d'étudiants et de civils sans arme, mais peu de nous avons compris pourquoi cette tragédie s'est produite.

Le slogan de Deng Xiao Ping selon lequel «il est glorieux de s'enrichir» a déchaîné des appétits voraces chez certains individus en Chine, tandis qu'on négligeait d'effectuer les réformes politiques et sociales. Le tissu social s'est déchiré. Par exemple, d'éminents professeurs d'université ne pouvaient nourrir leur famille avec un salaire de 200 $ à 300 $ par mois, alors que des chauffeurs de taxi, qui n'avaient obtenu leur permis que grâce à des relations, gagnaient 10 000 $ par mois. Tout le monde pouvait voir les hauts dirigeants et les membres de leur entourage amasser des fortunes et mener grande vie. La Chine était devenue un pays appartenant à l'élite politique.

Les intellectuels en Chine ont toujours porté la responsabilité de la société. Les étudiants ont adressé des pétitions au gouvernement pour lui demander d'effectuer une réforme politique et de mettre fin à la corruption officielle. L'appui qu'ils ont reçu chez les travailleurs et la population en général a révélé l'existence d'un énorme mécontentement. Le mouvement de protestation qui avait débuté en 1986 s'était répandu dans plus de 80 villes et dans 600 établissements d'enseignement postsecondaire, regroupant près de trois millions d'étudiants en juin 1989.

Les événements auraient pu prendre une tournure fort différente, comme beaucoup d'entre nous l'avaient espéré. On estime que la volte-face initiale des dirigeants à Beijing était attribuable à une lutte interne de pouvoirs. Des bataillons ont été envoyés de différentes régions du pays non seulement pour disperser les foules, mais aussi pour se tenir mutuellement en respect. La population de Tiananmen s'attendait effectivement à faire face à des balles de caoutchouc et des canons à eau. Lorsque les soldats ont ouvert le feu et que les chars ont commencé à écraser des gens, la foule a été surprise. Par la suite, les habitants de Beijing ont dit qu'ils ne pouvaient croire qu'ils avaient fait preuve d'autant de bravoure, mais pour paraphraser Karl Marx, «ils n'avaient rien d'autre à perdre que leurs chaînes.»

En dépit du refus officiel, le Mouvement démocratique chinois a récemment établi un site Web présentant des séquences télévisées d'une durée d'une heure sur les événements de 1989. Au cours des quatre premiers jours, plus de 10 000 utilisateurs de Chine ont téléchargé cette information et, chaque jour, des centaines de courriels émotifs ont été reçus.

Honorables sénateurs, Ya Ding, jeune romancier chinois vivant en exil à Paris, a fait peu après le massacre le commentaire suivant: «Un vieillard se meurt et un enfant est né». Cet enfant, c'est la démocratie.


AFFAIRES COURANTES

Le directeur général des élections

Dépôt du rapport annuel

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport du directeur général des élections pour l'exercice ayant pris fin le 31 mars 2000, en conformité avec le paragraphe 72(2) de la Loi sur la protection de la vie privée, L.R.C. de 1985, chap. P-21.

Faits nouveaux concernant l'euthanasie et l'aide au suicide

Dépôt du rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, au nom de l'honorable sénateur Kirby, j'ai l'honneur de déposer le septième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie intitulé «Des soins de fin de vie de qualité: chaque Canadienne et Canadien y a droit.»

Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)j) du Règlement, je propose que le rapport soit étudié plus tard aujourd'hui.

Son Honneur le Président pro tempore: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président pro tempore: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, à quelle rubrique du Feuilleton ce rapport doit-il être abordé?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, ce devrait être le dernier point à la rubrique Rapports de comités.

Son Honneur le Président pro tempore: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Régie interne, budgets et administration

Présentation du dixième rapport du comité

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le dixième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration concernant les budgets des comités. Des fonds supplémentaires sont alloués aux comités pour leur permettre de s'acquitter de leurs travaux cette année.

Le mardi 6 juin 2000

Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son

DIXIÈME RAPPORT

Nonobstant les Directives régissant le financement des comités du Sénat, votre Comité recommande que les fonds additionnels suivants soient dégagés pour l'exercice financier 2000-2001. Ces fonds s'ajoutent à ceux qui ont été recommandés par le Comité dans son septième rapport, adopté le 7 avril 2000
Peuples autochtones
Étude spéciale 45 411 $
Agriculture et forêts
Sous-comité des forêts 184 275 $
Banques et commerces
Législation 93 636 $
Système financier 42 459 $
Énergie, environnement et ressources naturelles
Législation 4 600 $
Questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant à l'énergie, l'environnement et les ressources naturelles 60 324 $
Pêches
Étude spéciale 92 282 $
Affaires étrangères
Législation 9 900 $
Étude spéciale 74 637 $
Bibliothèque du Parlement (mixte)
(Portion du Sénat) 1 667 $
Langues officielles (mixte)
(Portion du Sénat) 1 430 $
Affaires sociales, sciences et technologie
Législation 7 650 $
Étude spéciale sur l'état du système de santé 23 233 $
Transports et communications
Législation 29 127 $
Étude spéciale sur les politiques pour le XXIe siècle concernant les technologies des communications 28 780 $

Votre Comité a aussi accepté de déduire les montants ci-après de ceux déjà approuvés:

Agriculture et forêts
Étude spéciale 19 535 $
Privilèges, Règlement et procédure 1 533 $

Votre Comité continuera de revoir les montants alloués aux comités en tenant compte des tendances des dépenses et des changements possibles dans l'organisation des comités sénatoriaux.

Respectueusement soumis,

Le président,
WILLIAM ROMPKEY

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi sur la Journée Sir Wilfrid Laurier

Première lecture

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition) présente le projet de loi S-23, Loi instituant la Journée Sir Wilfrid Laurier.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du jeudi prochain, le 8 juin 2000.)

[Français]

L'Assemblée parlementaire de la Francophonie

Dépôt du rapport de la section canadienne de la réunion tenue à Phnom Penh au Cambodge

L'honorable Pierre De Bané: Honorables sénateurs, en vertu de l'article 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, dans les deux langues officielles, le rapport de la section canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, ainsi que le rapport financier y afférent. Le rapport a trait à la réunion de la Commission des affaires parlementaires qui s'est tenue à Phnom Penh, au Cambodge, du 2 au 4 mars de l'an 2000.
[Traduction]

(1420)

PÉRIODE DES QUESTIONS

La défense nationale

Le remplacement des hélicoptères Sea King-La participation du leader du gouvernement au comité spécial du Cabinet chargé d'examiner le processus d'achat

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Peut-il nous dire si, entre autres responsabilités, il est membre du comité du Cabinet du vice-premier ministre Gray chargé d'examiner la question des Sea King?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, de prime abord, toutes les questions concernant les comités du Cabinet et leur composition sont à mes yeux confidentielles.

Le remplacement des hélicoptères Sea King-La possibilité d'une annonce imminente d'achat de matériel

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, si le leader du gouvernement au Sénat n'en est pas membre, alors pourquoi pas? Le temps presse, honorables sénateurs, et la rumeur court selon laquelle dès que nous aurons levé le camp, si ce n'est pas un jour ou deux avant, une importante annonce sera faite aux membres des Forces armées du Canada concernant un certain matériel. Le ministre peut-il le confirmer ou l'infirmer?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Non; je crains de ne pouvoir ni confirmer ni infirmer cette rumeur.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, pour que les choses soient parfaitement claires, le ministre a-t-il dit qu'il ne peut pas ou qu'il ne veut pas? S'il ne le peut pas, est-ce parce qu'il ne sait pas?

Le sénateur Boudreau: C'est bien ça.

Le sénateur Forrestall: Je voudrais transmettre l'information à la population de Halifax Ouest et de Dartmouth.

Le sénateur Boudreau: Et, sans aucun doute, partout ailleurs en Nouvelle-Écosse où l'information est susceptible d'intéresser la population.

Je ne suis tout simplement pas en mesure de dire au sénateur si ces rumeurs concernant des annonces que ferait le gouvernement sont fondées ou pas. Si le gouvernement a une annonce à faire, la primeur en revient au ministre compétent, et ce système a probablement fait ses preuves.

Le sénateur Forrestall: Ce sera bientôt l'heure!

[Français]

La citoyenneté et l'immigration

Exode de la main-d'9uvre spécialisée vers les États-Unis-Programme incitatif pour les diplômés canadiens

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. On apprend par les journaux que les Américains veulent élever le niveau des personnes admises aux États-Unis en offrant des visas temporaires aux travailleurs spécialisés. Évidemment, cela affecte beaucoup le Canada parce que chaque fois que les Américains ouvrent leurs portes aux travailleurs spécialisés, un certain nombre de Canadiens diplômés dans divers domaines - beaucoup d'infirmières, entre autres, et ce depuis longtemps - ont tendance à accepter des postes aux États-Unis.

[Traduction]

Il existe des programmes d'incitatifs pour convaincre les diplômés de rester et de travailler au Canada. Le ministre pourrait-il nous donner des précisions au sujet des programmes de ce genre qu'offre le Canada?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): En fait, honorables sénateurs, je ne connais pas ces programmes en détail. Je sais toutefois que le bassin de la main-d'oeuvre, tant aux États-Unis qu'au Canada, est beaucoup plus mobile depuis un certain nombre d'années. Dans certains secteurs, notamment les services médicaux, nous avons été témoins d'un mouvement de la main-d'oeuvre canadienne vers les États-Unis. Cependant, le Canada a aussi bénéficié de la venue de travailleurs de diverses professions. Il serait sans doute utile que j'obtienne les statistiques - que j'ai déjà pu consulter mais que je ne saurais citer ici de mémoire - afin que l'honorable sénateur et les autres qui s'intéressent à la question puissent faire des comparaisons. Si ma mémoire est fidèle, je crois que nous accusons un déficit net par rapport aux États-Unis. Dans l'ensemble cependant, la situation actuelle demeure acceptable.

Le sénateur Bolduc: Honorables sénateurs, le problème est d'assurer l'équilibre entre les types de travailleurs qui quittent le pays et ceux qui y viennent.

S'il existe un programme d'incitatifs pour garder les gens chez nous, s'agit-il d'un programme d'avantages fiscaux ou comportant d'autres genres d'incitatifs? Il doit y avoir des projets de programmes, du moins au ministère de l'Immigration, qui permettraient aux fonctionnaires de faire des offres aux personnes qui se trouvent à l'extérieur du pays.

Le sénateur Boudreau: Je m'informerai auprès du ministre pour savoir si son ministère met sur pied des programmes d'incitatifs. Cependant, je sais qu'il existe des mesures de ce genre à la grandeur de l'appareil gouvernemental. Il nous vient immédiatement à l'idée le programme de réduction d'impôt que le gouvernement a lancé et promis de maintenir au cours des années à venir. Ce programme aura des effets, comme les autres programmes qui existent.

Je pense, entre autres, au programme des chaires d'excellence. Nous devrons probablement recruter du personnel à l'étranger, et en grande partie aux États-Unis, pour doter ces chaires. C'est tout à fait possible. Les ministères possèdent des programmes en ce sens. Cependant, je demanderai à la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration si son ministère prépare des programmes précis.

Le sénateur Bolduc: Pouvons-nous espérer obtenir des statistiques concernant les mouvements de population, en particulier entre le Canada et les États-Unis?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, comme je l'ai dit, j'ai vu certaines statistiques. Je vais essayer de les retrouver et je les transmettrai à l'honorable sénateur.

[Français]

Les transports

La promotion de la dualité linguistique au sein d'Air Canada

L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. On sait que les compagnies Canadian Airlines et Air Canada vont fusionner leurs opérations. Les services qui étaient assumés par Canadian Airlines seront désormais assumés par Air Canada. Les citoyens des milieux francophones du pays sont très préoccupés, car ils souhaitent que ces services leur soient toujours offerts dans les deux langues officielles. Étant donné que ce sont des compagnies privées, cela fait l'objet de discussions dans le processus d'intégration. Néanmoins, l'ensemble des Canadiens s'attendent à ce que le gouvernement du Canada, qui doit défendre et promouvoir la dualité linguistique, assume de façon vigoureuse son leadership pour garantir à l'ensemble des Canadiens des services aériens dans les deux langues officielles. Quelle est la position du gouvernement à ce sujet?

[Traduction]

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, oui, c'est sans aucun doute un objectif qu'il faut viser et je suis certain que le ministre et le gouvernement en sont conscients. De plus, au cours de mes discussions avec le ministre, je parlerai également de la préoccupation et de la remontrance de l'honorable sénateur. Cela viendra s'ajouter à ce qui est déjà, je le crois, une résolution du ministre.

[Français]

(1430)

Le sénateur Rivest: Honorables sénateurs, il fut un temps, à l'époque du premier ministre Trudeau ou du premier ministre Mulroney, où les déclarations et les engagements du gouvernement du Canada au sujet du bilinguisme étaient plus vigoureux, plus articulés et plus continus.

Comme l'a signalé avec beaucoup d'intérêt le sénateur Simard dans un rapport extrêmement important sur la situation du bilinguisme au Canada, et comme le disent et le répètent constamment les Canadiens d'expression française à travers le pays, on sent un affaiblissement du leadership du gouvernement canadien au sujet de la défense et de la promotion du bilinguisme. On l'a vu dans la région de la capitale nationale, en ce qui a trait à la ville d'Ottawa, où un député d'arrière-banc libéral a été obligé de déposer un projet de loi à la Chambre des communes pour assurer que la capitale du pays soit bilingue.

Le ministre pourrait-il transmettre au conseil des ministres qu'il y a clairement nécessité d'un redressement du leadership du gouvernement canadien en regard de la promotion et de la défense du bilinguisme au pays, et donc ne pas formuler des phrases qui indiquent que le gouvernement canadien hésite, on ne sait pas pourquoi, à s'engager fermement, comme M. Trudeau le faisait, et avec les risques que cela comporte?

[Traduction]

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je peux assurer à l'honorable sénateur que le gouvernement et le premier ministre actuels souscrivent totalement à ces principes, qui ont été embrassés par les gouvernements successifs qu'a connus notre pays. Bien que je ne sois pas nécessairement d'accord avec la prémisse sur laquelle est basée cette préoccupation, je transmettrai certainement les commentaires de l'honorable sénateur au gouvernement et au premier ministre.

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, le ministre pourrait peut-être profiter de l'occasion pour découvrir - ou s'il le sait, qu'il nous en informe tout de suite - pourquoi le gouvernement n'a pas réglé ce problème très réel que présente le projet de loi sur Air Canada, qui a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je vais attendre le rapport du comité au Sénat. Je vais également m'enquérir de la discussion qui s'est déroulée à l'autre endroit concernant les questions de bilinguisme.

La recherche et le développement

L'obligation de partenariat avec le secteur privé dans le cas des subventions fédérales de recherche-L'incidence dans les régions ne présentant pas d'intérêt commercial

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, il y a plusieurs semaines, j'ai interrogé le leader du gouvernement au Sénat sur l'engagement du gouvernement à l'égard de la recherche scientifique et sur sa façon de financer nos grands scientifiques. Encore là, on pourrait dire que cela a à voir avec l'exode des cerveaux.

J'ai cité le cas de David Schindler, un éminent scientifique dont les travaux sont loués dans le monde entier. On a refusé de financer ses recherches sur la présence de produits antiparasitaires dans des lacs censés vierges des Rocheuses parce qu'aucune entreprise privée n'a voulu avancer une somme équivalente, pour des raisons évidentes. Dans un essai qu'il a publié récemment, le lauréat du prix Nobel John Polanyi a décrit comment le système actuel de financement de la recherche fonctionne dans de nombreux centres d'excellence. Lorsqu'on évalue les projets de recherche, «on accorde une valeur légiférée de 20 p. 100 à l'excellence et une valeur ridicule de 80 p. 100 à des considérations socioéconomiques», ce qui veut dire que le financement fédéral doit être doublé par le secteur industriel.

M. Schindler propose une solution. Il propose que les scientifiques dont les travaux d'intérêt public sont en partie financés par Environnement Canada ou Agriculture Canada et d'autres ministères, ne se voient pas écartés des grandes sources de subventions à l'innovation. Une simple modification de la politique pour que des fonds ministériels comptent comme des subventions parallèles serait la première mesure à prendre, pour contourner ce que M. Polanyi qualifie de culte absurde de ce qui s'appelle l'innovation.

Le leader du gouvernement au Sénat nous dira-t-il si le gouvernement va modifier sa politique de financement en fonction d'une quelconque proposition, celle de M. Schindler peut-être, de même que les critères d'évaluation dont parle M. Polanyi? Après tout, il s'agit là de deux de nos scientifiques les plus éminents.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur a parfaitement raison, en partie. Lorsque j'ai parlé de divers programmes qui jouent dans l'attrait qu'exerce notre pays sur certaines personnes, j'ai cité l'exemple des chaires d'excellence. J'aurais tout aussi bien pu citer l'exemple de la Fondation canadienne pour l'innovation, qui est un énorme engagement du gouvernement à l'égard de la recherche et du développement. Dans les deux derniers budgets, le gouvernement a libéré 1,8 milliards de dollars. Avec les intérêts cumulatifs, cela représente nettement plus de 2 milliards de dollars. Aucun autre gouvernement, dans toute l'histoire de notre pays, n'a injecté autant d'argent dans un programme visant à aider ainsi la recherche et le développement.

Madame le sénateur dit oui, mais ce programme peut présenter deux problèmes, l'un d'eux étant les critères selon lesquels les projets sont jugés. Elle dit que, selon certains scientifiques, les critères pour ce programme devraient être changés et que d'autres facteurs devraient être utilisés. Toutefois, ces critères ont été élaborés et sont administrés par des scientifiques indépendants du gouvernement afin que ce dernier ne participe pas à la sélection des projets de recherche et de développement qui seront financés.

L'autre critique soulevée par le sénateur concerne la participation obligatoire du secteur privé, parce que la Fondation canadienne pour l'innovation exige des fonds de contrepartie. Je dois dire que cette exigence est particulièrement difficile à respecter dans certaines régions du pays, notamment celle d'où je viens, parce qu'il n'existe pas une importante infrastructure du secteur privé qui soit intéressée à participer.

Je dois dire également, honorables sénateurs, qu'on peut avoir accès aux fonds de la Fondation canadienne pour l'innovation avec la participation des universités et des gouvernements provinciaux. Dans certains cas, des fonds communs de financement coopératif ont été établis par les gouvernements fédéral et provinciaux afin qu'il soit possible d'avoir des fonds de contrepartie. Je crois que c'est une initiative qui mérite d'être examinée par divers gouvernements provinciaux et par les universités, et peut-être aussi par le gouvernement fédéral. Je sais que cela a fonctionné dans les cas que je connais le mieux. C'est un engagement énorme. En fait, je crois que j'ai annoncé des subventions de la Fondation canadienne pour l'innovation presque toutes les semaines au cours des deux derniers mois, et la participation du secteur privé dans celles que j'ai annoncées était minime.

Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement semble dire que les subventions de contrepartie ne doivent pas nécessairement venir de l'industrie, qu'il pourrait s'agir d'un autre genre de subventions de contrepartie. Je vais transmettre cette information à M. Schindler.

Les États-Unis ont reconnu un très important principe, soit qu'on tire très peu d'avantages économiques de la recherche régie par l'industrie, mais qu'on tire de grands avantages de la recherche fondamentale. Comme M. Polanyi le dit, «la recherche fondamentale, bien qu'on dise qu'elle soit motivée par la curiosité, est essentielle à une économie axée sur la science.» Il dit qu'«une politique scientifique nationale qui ne reconnaît pas ce facteur et qui mise uniquement sur l'innovation est aussi futile qu'un programme national d'athlétisme qui serait fondé sur les stéroïdes et les drogues visant à améliorer la performance et qui n'accorderait aucune importance à la nutrition.»

Ma question au ministre est plus large et je ne m'attends pas à obtenir une réponse aujourd'hui. Le gouvernement voudrait-il bien écouter ses plus éminents scientifiques, prendre exemple sur les États-Unis, qui ont séparé la recherche fondamentale de la recherche appuyée par les entreprises, et examiner comment une telle séparation peut influencer notre politique scientifique et notre politique de recherche?

Le sénateur Boudreau: Oui, honorables sénateurs. Je suis moi-même curieux de prendre connaissance des commentaires du scientifique à propos de l'application du programme de la FCI. Je transmettrai ses commentaires ainsi que ceux de l'honorable sénateur.

(1440)

Les commentaires qu'il formule ne concordent pas du tout avec mon expérience. C'est sans doute parce que mon expérience est propre à une région seulement du pays et que le programme est différent ailleurs. C'est l'un des points qui m'intriguent et je voudrais bien examiner la question pour voir si c'est le cas. Tous les projets de la FCI auxquels j'ai participé ont été réalisés par des universités et ont eu une utilité à un moment donné. Toutes les recherches ont été effectuées en milieu universitaire.

Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, j'ai une dernière observation à formuler. Le fait est que bien des universités dépendent maintenant aussi des entreprises. Nous parlons de la recherche fondamentale qui se fait dans l'intérêt public.

[Français]

Le programme d'échange de pages avec la Chambre des communes

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux pages de la Chambre des communes qui sont parmi nous cette semaine, dans le cadre du programme d'échange avec le Sénat.

Candice Bazinet, originaire de Blind River, en Ontario, poursuit ses études à l'Université d'Ottawa. Elle est inscrite à la faculté d'administration en gestion internationale.

[Traduction]

Simone Godbout étudie actuellement en gestion de politiques à la faculté des affaires publiques de l'Université Carleton. Elle est originaire de Sherwood Park, en Alberta.

Elise Wouterloot étudie à la faculté des arts de l'Université d'Ottawa. Elle est originaire de Mission, en Colombie-Britannique.

Je souhaite à ces trois pages une très bonne semaine au Sénat. Soyez les bienvenues.

Des voix: Bravo!


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur la citoyenneté au Canada

Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Sheila Finestone propose: Que le projet de loi C-16, Loi concernant la citoyenneté canadienne, soit lu une deuxième fois.

-Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends la parole pour présenter la nouvelle loi sur la citoyenneté canadienne à l'étape de la deuxième lecture. Cette mesure législative contribue à définir qui nous sommes en tant que Canadiens. Ce n'est pas une réclame tape-à-l'oeil fignolée et raffinée par des rédacteurs publicitaires. C'est plutôt la réflexion des valeurs que nous avons en commun. Le projet de loi C-16 proclame dans le monde entier que la marque de la citoyenneté canadienne n'est pas le dollar ou le savoir-faire, mais l'honnêteté et l'engagement, souvent calme mais néanmoins ferme, à l'égard de l'égalité, de la tolérance, de la liberté et de la célébration de notre diversité.

La première loi sur la citoyenneté canadienne, adoptée en 1947, exprimait ces mêmes valeurs. Elle était le résultat principalement des efforts d'un seul homme, un ministre du nom de Paul Martin père. Alors qu'il visitait un cimetière militaire en France, dans les derniers mois de la guerre, M. Martin avait été ému par les rangées de croix de bois marquant la tombe des Canadiens qui avaient sacrifié leur vie pour la liberté et la paix. Ces soldats d'origines religieuses et ethniques différentes s'étaient tous battus et étaient morts pour la même cause. En souvenir d'eux, M. Martin fit campagne inlassablement en vue de l'adoption d'une loi sur la citoyenneté canadienne. Le 1er janvier 1947, la Loi sur la citoyenneté canadienne entrait en vigueur, créant une identité distincte pour les Canadiens, assortie de droits pour les femmes, et notre propre passeport canadien.

La loi de 1947 reflétait les moeurs et les attitudes de l'époque. Elle a été modifiée en 1977, et nous sommes une fois encore en train de la moderniser. Le projet de loi C-16 reflète les valeurs de la société canadienne du XXIe siècle.

Le projet de loi prône l'égalité pour tous ceux qui cherchent à devenir canadiens, en traitant les enfants adoptés de la même manière que les enfants citoyens canadiens de naissance, et en étendant le processus d'acquisition de la citoyenneté canadienne aux conjoints de fait et aux conjoints de même sexe des citoyens canadiens. Le projet de loi C-16 établit un processus juste et équitable et exige un attachement réel au Canada.

[Français]

Lors de la dernière législature, l'ex-ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, l'honorable Lucienne Robillard, avait déposé le projet de loi C-63. Il a été longuement examiné à la Chambre des communes et il a fait l'objet d'audiences et de consultations dans le cadre de l'étude menée par le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.

Bon nombre des recommandations du comité permanent ont été incorporées dans le projet de loi C-16, notamment l'obligation qu'a le demandeur de résider au Canada pendant trois ans, sur une période cumulative de six ans précédant la demande de citoyenneté. Le comité a également étudié le projet de loi C-16 et fait quelques bonnes recommandations dans le but de clarifier et rendre plus rigoureux le processus proposé.

[Traduction]

Un élément clé de cette nouvelle Loi sur la citoyenneté est la définition de la «présence effective au Canada». La Loi sur la citoyenneté en vigueur à l'heure actuelle exige la résidence au pays pendant trois années sur une période de quatre ans. Cependant, elle ne définit pas ce que signifie le mot «résidence». Par conséquent, depuis des décennies, nous constatons un manque de cohérence entre les décisions rendues au sujet de la notion de résidence. Dans un cas, une personne a été jugée résidente du Canada après deux jours de présence effective au pays alors que, dans un autre cas, une personne a dû demeurer au Canada pendant plus de 1 000 jours avant de satisfaire aux exigences en matière de résidence. Un tel manque d'uniformité est injuste et il nuit à la crédibilité du processus d'attribution de la citoyenneté.

Les Canadiens ont fait savoir clairement que, selon eux, un attachement envers le Canada est essentiel à l'intégrité de la citoyenneté. Pour créer cet attachement, il faut connaître nos langues, nos coutumes, nos diverses cultures et nos collectivités.

Il faut vraiment vivre au Canada pour savoir ce que signifie le fait d'être un Canadien. Le comité permanent de la Chambre, lors de son étude du projet de loi C-63, a proposé qu'on exige une présence effective au Canada pendant trois ans sur six pour accorder la citoyenneté. C'est logique. Le projet de loi C-16 stipule clairement que la présence effective est une condition d'obtention de la citoyenneté et qu'il faut, pour être admissible, avoir résidé au Canada pendant ces trois années sur six, soit 1 095 jours. Je dirais que c'est là une amélioration notable car on passe de trois années sur quatre à trois années sur six.

La présence effective sera déterminée de diverses façons. La plus importante, c'est la présomption d'honnêteté accordée à tous ceux qui revendiquent la citoyenneté. Il existe un programme d'assurance de la qualité qui permet de mesurer la fiabilité des informations fournies par les demandeurs.

Enfin, un demandeur devra fournir des preuves montrant qu'il a été effectivement présent au Canada. Le nombre de 1 095 jours est raisonnable. Cependant, ceux qui croient ressentir et avoir démontré un solide attachement envers le Canada, qui peuvent prouver que leurs familles sont bien établies et qui, pour des raisons d'économie mondiale, sont incapables de satisfaire à l'exigence de 1 095 jours, doivent savoir qu'ils peuvent s'adresser au gouverneur en conseil pour obtenir une étude spéciale de leur cas.

Nous savons qu'il y a des gens qui se trouvent légalement au Canada sans avoir obtenu le statut de résident permanent. Ces personnes peuvent avoir le statut de réfugié, ou encore avoir un permis d'étudiant ou de travailleur temporaire. Le projet de loi dispose que chaque journée passée ici équivaut à une demi-journée de présence et ces journées peuvent être accumulées, jusqu'à concurrence d'un an ou 365 jours, et appliquées au délai de 1 095 jours exigé en matière de citoyenneté. On reconnaît ainsi qu'il y a des gens qui se trouvent légalement au pays et qui attendent le moment de prendre la décision de devenir résident permanent et ensuite de demander la citoyenneté. Je crois que c'est une mesure logique.

En ce qui a trait à l'adoption, le projet C-16 prévoit un autre changement important qui vise à assurer la cohérence et l'égalité du traitement.

(1450)

Aux termes du projet de loi C-16, les enfants adoptés par des Canadiens à l'étranger ne seront plus considérés comme des immigrants dans leur nouveau pays. Les parents pourront faire entrer ces enfants à titre de Canadiens. Ce projet de loi fera en sorte que les enfants étrangers adoptés par un Canadien soient traités de la même façon que les enfants nés à l'étranger de parents canadiens et que la Loi sur la citoyenneté soit compatible avec la Charte des droits et libertés.

[Français]

L'adoption est une compétence provinciale et territoriale, comme on le sait. Par ailleurs, le gouvernement fédéral a la responsabilité d'admettre au Canada, à titre d'immigrants ou à titre de citoyens, les enfants adoptés, comme il est proposé dans le projet de loi C-16. Cependant, le gouvernement travaille toujours en étroite collaboration avec les autorités provinciales et territoriales pour que le processus d'adoption soit entièrement respecté.

Le projet de loi C-16 respecte et reflète les principes qui sous-tendent la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.

Le Canada, qui est partie à cette convention, reconnaît que plusieurs facteurs importants doivent être considérés dans le processus d'adoption. L'adoption doit être dans l'intérêt de l'enfant. Le gouvernement n'a pas défini cette notion dans le projet de loi C-16 pour pouvoir tenir compte des problématiques nouvelles qui pourraient se poser plus tard. Cette notion comprend par contre le besoin d'une étude du milieu familial afin de s'assurer que les parents seront en mesure de combler les besoins de l'enfant à adopter.

Toute adoption doit créer un lien de filiation authentique. Encore une fois, il s'agit là d'une condition prévue non seulement par la convention et le gouvernement fédéral, mais aussi par les autorités provinciales et territoriales qui ont la responsabilité des questions d'adoption.

[Traduction]

En vertu du projet de loi C-16, l'examen médical de l'enfant adopté sera effectué à des fins d'information seulement, ce qui n'est que juste. Selon la loi actuelle, une province pourrait refuser une adoption lorsque l'état de santé de l'enfant est susceptible de représenter une lourde charge pour le système de santé. Cependant, dans la pratique, il est rare qu'une province marque son opposition une fois qu'elle a obtenu l'assurance que ceux qui adoptent un enfant sont conscients de son état de santé et sont en mesure de relever le défi que cela peut poser.

Les changements contenus dans le projet de loi C-16 reflètent la situation actuelle. Le changement au processus d'adoption s'appliquera rétroactiement à toute adoption faite après 1977.

Les facteurs à prendre en considération au moment d'accorder la citoyenneté à un enfant adopté seront les mêmes, mais les facteurs déterminants seront évidemment différents, par exemple, pour un adulte adopté il y a une vingtaine d'années et un nouveau-né.

Le projet de loi C-16 apporte aussi d'importants changements au rôle des commissaires. Selon le processus actuel, des juges de la citoyenneté doivent étudier individuellement chaque demande de citoyenneté. Il s'agit d'une tâche fastidieuse. Cependant, 80 p. 100 des cas de demande de citoyenneté sont très simples et ne nécessitent pas un examen direct par un juge, car cela représente une perte de temps et une mauvaise utilisation des compétences des personnes merveilleuses qui servent comme juges de la citoyenneté.

Le projet de loi C-16 propose donc un processus clair et cohérent pour évaluer les demandes de citoyenneté. Le rôle des juges sera assumé par les commissaires, qui présideront aux cérémonies de remise de la citoyenneté. Les commissaires iront dans les collectivités et les écoles expliquer ce que signifie le fait d'être Canadien. Ils feront activement la promotion de la citoyenneté. Je suis convaincue que de nombreux honorables sénateurs connaissent des juges en titre qui font cela. Il est important que cette fonction soit officiellement intégrée aux responsabilités. Les commissaires seront encore nommés par le gouverneur en conseil. Ils seront choisis en fonction de leur réputation au sein de leur collectivité et du bilan de leur contribution à la société. Le projet de loi favorise le choix de candidats de haut calibre et accroît l'orientation communautaire du rôle des commissaires.

Les commissaires fourniront aussi des conseils utiles au ministre sur les questions de citoyenneté. Ils constitueront un lien important entre la collectivité et le ministre et auront un rôle consultatif sur les questions de programmation. C'est là un aspect très important parce que cela établit des liens entre la société civile, le ministre et l'intendance.

Le projet de loi C-16 modernise la citoyenneté canadienne. Il renforce l'intégrité de la citoyenneté en clarifiant les exigences et en uniformisant le processus.

J'aborderai maintenant la question de la révocation, qui est à l'origine de certaines préoccupations. Pour quiconque a fait une fausse déclaration et, en conséquence, n'a jamais obtenu la citoyenneté, le projet de loi renferme une disposition exigeant que le ministre informe l'intéressé qu'il peut demander un contrôle judiciaire. Le projet de loi suppose que si l'intéressé n'avait pas le droit d'obtenir la citoyenneté canadienne pour commencer, s'il y a une preuve nette de fraude ou de fausse déclaration, la citoyenneté devrait être annulée.

La criminalité, la fausse identité ou l'identité criminelle sont les principales causes d'annulation. La révocation table sur les enseignements du passé, y compris un mécanisme de révocation de la citoyenneté si celle-ci a été obtenue frauduleusement, si l'intéressé a commis des crimes motivés par la haine, et cetera. La révocation de la citoyenneté n'est pas nouvelle, et le processus n'a pas changé non plus. Le projet de loi C-16 incorpore le processus de révocation qui existe depuis 23 ans.

La révocation de la citoyenneté est une question sérieuse. D'abord, le gouvernement doit prouver hors de tout doute raisonnable que l'intéressé a acquis la citoyenneté par des moyens frauduleux, par une fausse déclaration ou la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Puis, le ministre doit satisfaire à deux obligations avant de faire une recommandation au gouverneur en conseil. Il doit informer l'intéressé de son intention de recommander la révocation de sa citoyenneté au gouverneur en conseil. Le ministre peut, au même moment, informer l'intéressé qu'il dispose de 30 jours pour saisir la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada.

Certains députés de l'autre endroit disent que la procédure de révocation ne respecte pas la justice naturelle et l'application régulière de la loi. Ce n'est tout simplement pas le cas. Chaque étape de la décision administrative peut être soumise à la Cour fédérale pour contrôle judiciaire. C'est une procédure et il existe bien des cas où on peut obtenir un contrôle judiciaire. De l'avis d'intention du ministre à la décision finale rendue par le gouverneur en conseil, la Cour fédérale peut contrôler la décision. L'intéressé peut également en appeler du contrôle devant la Cour d'appel fédérale et, si la permission est accordée, devant la Cour suprême du Canada. Il existe 15 causes qui ont prouvé la légalité de la procédure.

Le dernier appel est la responsabilité du gouverneur en conseil qui, contrairement à un tribunal, peut prendre en considération les raisons humanitaires pour lesquelles la citoyenneté ne peut être révoquée. Cet appel ne serait pas possible une fois que les tribunaux auraient rendu la décision finale de révoquer la citoyenneté. Incidemment, ce même processus est appliqué dans presque tous les pays du Commonwealth. Le processus a été soumis à l'interprétation des tribunaux jusque devant la Cour suprême du Canada et il est équitable.

Honorables sénateurs, le processus de révocation fait fond sur nos traditions parlementaires. Le pouvoir d'accorder la citoyenneté revient à l'exécutif qui, à titre d'organe élu, rend compte de ses décisions à l'assemblée législative et à la population. Le pouvoir de révoquer la citoyenneté doit donc revenir également à l'exécutif.

Toute proposition visant à créer un processus de révocation judiciaire aurait pour effet d'abolir le pouvoir d'accorder la citoyenneté que détient l'exécutif pour le confier au judiciaire. Une telle proposition tente de reproduire le modèle de gouvernement des Américains, mais sans les importants freins et contrepoids que suppose leur régime. Je ne pense pas que ce soit conforme à la façon de faire des Canadiens.

[Français]

Honorables sénateurs, je pense que vous conviendrez que nous ne devons pas commencer à démanteler, pièce par pièce, notre système parlementaire.

La citoyenneté canadienne n'est pas un droit, mais un privilège. Ce privilège ne doit pas être accordé à ceux qui entrent au Canada ou qui y acquièrent un statut par le mensonge. Avant tout, le Canada ne doit pas servir de refuge à des criminels de guerre ou à des personnes coupables de crimes contre l'humanité.

[Traduction]

La dernière question que je voudrais traiter aujourd'hui concerne les peines. En plus de resserrer diverses mesures, le projet de loi C-16 prévoit des peines sévères en cas de pratiques abusives de la part de certains consultants et représentants qui profitent des immigrants qui ne possèdent pas assez de compétences linguistiques ou qui connaissent peu les services gouvernementaux. Le projet de loi C-16 a manifestement pour objet de préserver l'intégrité de la citoyenneté.

Honorables sénateurs, en guise de conclusion, je rappelle que le Canada a été bâti par des gens de partout qui y sont venus croyant honnêtement explorer de nouvelles ouvertures ou réaliser de vieux rêves. Ce projet de loi rehausse la valeur de la citoyenneté canadienne en modernisant la loi actuelle et les processus qui y sont liés. Il fait plus que clarifier la loi actuelle; il veille à ce que notre loi sur la citoyenneté continue de refléter l'idée que les Canadiens se font de ce que devrait être la citoyenneté et de ce qu'être citoyen canadien devrait signifier.

Honorables sénateurs, la plupart d'entre nous sommes des immigrants. Nous avons tous travaillé pour que le Canada soit le phare de l'espoir économique et de la liberté démocratique qu'il est aujourd'hui. Cette mesure législative honore nos immigrants en affirmant à la fois les valeurs fondamentales que nous partageons et leur engagement solide envers le nord vrai, solide et libre. Ce projet de loi a beaucoup tardé - et les Canadiens seront fiers qu'il devienne loi.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, madame le sénateur Finestone accepterait peut-être de répondre à quelques questions.

Le sénateur Finestone: Évidemment.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, madame le sénateur Finestone pourra peut-être confirmer que, si nous adoptons le projet de loi dont nous sommes saisis, ce sera la troisième fois que le Parlement adopte un projet de loi sur la citoyenneté canadienne, la première loi sur la citoyenneté canadienne remontant à 1947, je pense, et la deuxième, au milieu des années 60 ou 70? S'agit-il bien de la troisième fois?

Le sénateur Finestone: Oui. En 1947, Paul Martin, père, a présenté un projet de loi sur la citoyenneté, comme mesure humanitaire et de compassion. En 1977, nous avons réexaminé cette loi à la lumière de la Charte et d'autres considérations. Nous l'avons mise à jour, et nous voici maintenant dans l'autre intervalle de 30 ans. Nous en sommes à la troisième révision.

Le sénateur Kinsella: Madame le sénateur Finestone est-elle d'accord pour dire qu'en réalité, le projet de loi, tel qu'elle l'a décrit, traite de la question de la naturalisation et qu'on fait peut-être erreur en parlant d'une «Loi concernant la citoyenneté canadienne»? Cela nous porte à croire que cette mesure législative concerne la citoyenneté canadienne et les 30 millions de Canadiens. Or, le projet de loi traite essentiellement de l'acquisition de la citoyenneté; autrement dit, il s'agit d'un projet de loi sur la naturalisation.

Le sénateur Finestone: Honorables sénateurs, le sénateur soulève une question intéressante que nous pourrions peut-être examiner lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité. Il y a des aspects qui vont au-delà de la citoyenneté, comme les demandes frauduleuses. Le projet de loi aborde la question des personnes qui s'approprient la citoyenneté canadienne frauduleusement, qui font de fausses déclarations et qui donnent à des personnes de faux espoirs concernant leur venue au Canada. Le projet de loi traite de ces actes désagréables et immoraux.

Cependant, de manière générale, je pense que le projet de loi vise nos citoyens de demain. Est-ce une question de terminologie - peut-on parler de naturalisation par opposition à citoyenneté? Je pense que c'est un argument facilement défendable.

Le sénateur Kinsella: Dans son discours, l'honorable sénateur a dit que le projet de loi visait à «moderniser la citoyenneté canadienne». Cette expression a retenu mon attention. J'ai donc voulu voir quelles dispositions du projet de loi visent les 30 millions de Canadiens et non pas simplement ceux qui veulent obtenir la citoyenneté canadienne. J'ai eu du mal à trouver cette disposition. Pourquoi le projet de loi ne traite-t-il pas de ce qu'on pourrait appeler la citoyenneté active, c'est-à-dire la citoyenneté que nous détenons tous? L'honorable sénateur a attiré notre attention sur les droits et les obligations, soit la rubrique de la page 6 du projet de loi. Elle ne coiffe qu'une seule disposition, l'article 12.

N'est-il pas vrai que seulement trois des droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés dépendent de la citoyenneté canadienne? Les citoyens canadiens ont le droit de voter. Ils ont le droit de quitter le Canada et d'y rentrer. Ils ont certains droits à l'éducation dans la langue de la minorité. Tous les autres droits énumérés dans la charte sont acquis à tout le monde. Si seulement trois droits prévus dans la charte se rapportent directement à la citoyenneté et si nous cherchons dans un texte de loi ce qui fait la richesse de la citoyenneté canadienne, nous ne trouvons certes pas grand-chose dans le projet de loi à l'étude. Madame le sénateur Finestone convient-elle que c'est là un point que le comité pourrait étudier et auquel nous pourrions nous attarder dans le débat sur le principe du projet de loi?

Le sénateur Finestone: Honorables sénateurs, j'ai réfléchi à la question. Où se trouvent les notions et les valeurs fondamentales que les Canadiens partagent, comme l'équité, la sincérité, l'honnêteté, le respect et l'égalité, entre autres choses? Le principe énoncé à l'article 12 est celui de l'égalité entre les citoyens. Je répondrai à l'honorable sénateur que cela correspond assez fidèlement à ce qu'on trouve dans d'autres lois canadiennes, comme la Charte canadienne des droits et libertés, et à nos engagements internationaux.

À mon avis, un des changements les plus importants qu'apporte ce projet de loi concerne la disposition relative à la résidence. Si l'on veut avoir une idée des valeurs auxquelles adhèrent les Canadiens, il suffit d'habiter pendant 1 000 jours dans une collectivité de notre magnifique pays, à s'occuper d'une entreprise ou à élever des enfants, quel que soit le cas. On aurait beaucoup de mal à trouver ailleurs le style de vie que mènent les Canadiens.

Une partie de la réponse à la question du sénateur se trouve dans l'article 12, dans la Charte canadienne et dans l'importance de la disposition relative à la résidence. En fait, même les commissaires ont la responsabilité de se rendre dans les collectivités. La citoyenneté ne peut pas tout simplement être tenue pour acquise et ne vient pas automatiquement avec la naissance. La citoyenneté est un long apprentissage. Il faut parfois rappeler aux Canadiens que le sens civique leur demande d'être solidaires de leurs voisins et de respecter leurs différences. J'estime également que ces commissaires peuvent rehausser l'importance de notre société multiculturelle et très diversifiée.

En outre, le serment n'est pas compliqué. On peut le répéter facilement. Il tient compte du fait que les immigrants ne maîtrisent peut-être pas parfaitement l'anglais et le français, nos deux langues officielles. Par ailleurs, pour la première fois, le serment demande de promettre allégeance au Canada et de remplir ses obligations envers le Canada, ce qui n'était pas exigé auparavant.

Honorables sénateurs, en dernière analyse, qu'il s'agisse de naturalisation ou de citoyenneté, c'est de l'épanouissement et de l'évolution de notre pays dont nous parlons.

(Sur la motion du sénateur DeWare, au nom du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

(1510)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avant de passer au prochain point, je voudrais pouvoir parler d'un projet de loi qui nous pose un problème. J'aimerais avoir l'occasion de soumettre la question au Sénat, afin que je puisse répondre à des questions ou qu'on puisse en discuter avant que je ne propose une motion dont on ne pourra discuter que si la permission est accordée. Ainsi, je voudrais avoir l'occasion d'aborder cette question à l'avance. Je demande la permission voulue à cette fin.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, un problème se pose avec le projet de loi C-12, qui a reçu la première lecture dans cette enceinte le 1er juin 2000.

Le problème, c'est que la version du projet de loi qui a reçu la première lecture et que je vais appeler la version adoptée, ne renferme pas un amendement adopté par la Chambre des communes à l'étape du rapport et modifiant le paragraphe 2(3) du projet de loi. Ainsi, cela pose de graves problèmes que nous devrions examiner pour savoir ce que nous devons faire. Dans un instant, je vais demander la permission de présenter une motion prévoyant le retrait du projet de loi.

Je reconnais cependant qu'exactement la même chose s'est produite le 11 mai de cette année lorsque je suis intervenu pour demander la permission de retirer le projet de loi C-22, dont un comité du Sénat est encore saisi.

Je ne sais pas au juste pourquoi nous sommes, pour la deuxième fois, confrontés à cette situation où, aux termes de notre Règlement, nous devrions suivre un processus très malaisé pour demander que le projet de loi soit retiré de façon officielle, c'est-à-dire à la suite de la présentation d'une motion. Si ma mémoire est exacte, une telle motion exigerait un préavis de cinq jours et son adoption exigerait une majorité des deux tiers au Sénat.

Une autre solution consisterait à laisser le projet de loi au Feuilleton et à essayer de le renvoyer au comité. Cependant, cela poserait également un problème, car le projet de loi renvoyé ne serait pas le même projet de loi qui a été adopté par l'autre endroit. Nous saurions en quoi consiste la différence et le reste, mais à en croire les avis que je reçois parfois d'experts dans ce domaine, cela poserait un problème extrêmement difficile.

Par conséquent, en ma qualité de leader adjoint du gouvernement, je me trouve dans une situation où je dois demander l'aide des honorables sénateurs pour régler ce dilemme. Je propose la présentation d'une motion exigeant le consentement unanime en vue du retrait du projet de loi.

Je vais maintenant m'asseoir pour vous permettre de poser des questions ou de faire des commentaires.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur Hays d'avoir soulevé la question au Sénat de la façon dont il l'a fait. Le processus nous donne l'occasion de voir ce que nous ferons du projet de loi en respectant les paramètres des motions, et cetera. Par conséquent, c'est très utile et il convient de l'utiliser.

Je crois comprendre que jeudi le 1er juin nous avons reçu des Communes un message relatif au projet de loi C-12, Loi modifiant la partie II du Code canadien du travail, portant sur la santé et la sécurité au travail, apportant des modifications matérielles à la partie I du Code canadien du travail et modifiant d'autres lois en conséquence, que l'on nous prie d'adopter. Le projet de loi devant nous a été lu une première fois. Le Sénat a alors ordonné que la deuxième lecture soit inscrite à l'ordre du jour de la séance dans deux jours. Je crois comprendre que c'est le projet de loi qui est devant nous.

Comme le sénateur Hays l'a à juste titre souligné, nous avons éprouvé un problème semblable il y a trois semaines. Nous avons dit, de ce côté-ci de la Chambre: «C'est une erreur typographique ou quelque chose du genre.» Nous avons donc été très accommodants. Nous nous retrouvons ensuite devant le même problème trois semaines plus tard quand nous recevons un important projet de loi, et celui-ci est un document important traitant d'amendements techniques. J'ai plus de difficulté à comprendre le fait que, le projet de loi ayant fait l'objet de plusieurs amendements à l'autre endroit - et je ne vais pas entrer dans les détails de ces amendements -, ils auraient dû prendre soin de réunir les amendements qu'ils avaient adoptés. Nous avons maintenant leur projet de loi. C'est le projet de loi qu'ils auraient dû nous transmettre. Au lieu de cela, ils nous font parvenir un projet de loi ne renfermant que quelques-uns des amendements.

Il me semble que ce cas est beaucoup plus grave que l'autre que nous avons connu. Nous pourrions envisager la possibilité d'adopter le projet de loi sans l'amendement, mais la meilleure marche à suivre consisterait sans doute à suivre la procédure que le sénateur Hays a énoncée, soit présenter une motion visant le retrait du projet de loi du Feuilleton. Cette mesure exige un vote.

J'aimerais que le Président précise l'étendue de la majorité nécessaire pour que ce vote soit valable. Est-ce les deux tiers des voix ou une simple majorité? Éclaircissons aussi cette question.

D'autres honorables sénateurs voudront peut-être contribuer au débat. Nous devons étudier la question avec une plus grande sobriété, compte tenu de l'importance du projet de loi et du fait que la situation s'est reproduite en moins de trois semaines.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je ne répéterai pas les propos de l'honorable sénateur Kinsella. Je ne sais pas si c'est à cause de la fin de la session parlementaire, mais il semblerait que la Chambre des communes néglige les travaux qu'elle doit présenter au Sénat.

Puisque les règlements sont clairs et que le consentement unanime est requis, j'ai l'impression que si vous le demandiez maintenant, certains pourraient dire non. Je serais peut-être de ceux-là.

(1520)

L'honorable sénateur Kinsella a fait une demande au Président, à savoir si les deux tiers sont requis ou une simple majorité.

[Traduction]

Nous pourrions décider à l'unanimité qu'il ne ferait de mal à personne de suspendre nos travaux jusqu'à demain, pour une période de 24 heures seulement. Nous pourrions reprendre demain après-midi au même point. Entre temps, tous ceux qui le souhaitent peuvent réfléchir et consulter leurs manuels. Nous donnerions ainsi à Son Honneur le Président pro tempore et à ses adjoints la possibilité d'étudier les propositions et d'examiner la question soulevée par le sénateur Kinsella.

Je n'hésite pas à dire que 24 heures de réflexion, cela n'a jamais fait de mal à personne. Pendant ce temps, le sénateur Hays, notre porte-parole, pourrait rappeler à l'autre Chambre que ce n'est peut-être pas la première, mais bien la troisième fois que la chose se produit. Certaines personnes soutiennent que le rédacteur a oublié un seul mot dans le projet de loi C-20 - le mot «Sénat». Je ne sais pas si c'est une erreur, ou si la chose a été fait à dessein. Ce pourrait être une erreur. Les gens sont parfois si arrogants, si fiers de leur personne, qu'ils ne reconnaissent pas leurs erreurs.

Cela étant, et sans vouloir entrer dans le coeur du débat, si l'opposition et les ministériels le veulent bien, je propose que nous nous accordions 24 heures de réflexion, ou que nous revenions à ce sujet jeudi. Cela nous laisse suffisamment de temps et je ne m'opposerais pas à ce temps de réflexion. Je ne puis parler qu'en mon nom personnel. Le leader adjoint du gouvernement pourrait peut-être prendre acte d'un accord à ce sujet, conformément à l'esprit de coopération que l'on voit plus souvent se manifester au Sénat que dans l'autre endroit.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, il ne m'appartient pas de présenter la motion. Le leader adjoint de l'opposition a dit qu'il n'était pas convaincu de l'opportunité d'appliquer cette procédure, du moins pour l'instant.

Honorables sénateurs, je suis conscient que je dois m'en remettre à chacun d'entre vous, car je ne puis agir sans votre consentement. Dans ce cas-ci, «consentement» signifie qu'il n'y a pas de voix dissidente.

Je résume notre point de vue. Nous préférerions évidemment agir aujourd'hui. Le sénateur Prud'homme a fait une bonne proposition, qui nous laisse le temps de réfléchir à ce qui s'est passé. Le sénateur Kinsella a dit que cette omission est une erreur grave. Je crois que ce sont toutes des erreurs graves. Quand je pense que nous pourrions examiner un projet de loi dont la teneur n'est pas la même que celui examiné dans l'autre endroit, la nature de la différence n'a guère d'importance. Cela demeure une question très sérieuse parce que nous pourrions nous retrouver avec deux lois si le projet de loi franchissait l'étape de la troisième lecture et était adopté sans qu'on ait attrapé l'erreur.

Par conséquent, nous devons compter sur l'exactitude des projets de loi. Dans l'étude d'un projet de loi, nous devons examiner exactement le même texte que celui qui a été adopté dans l'autre endroit.

Honorables sénateurs, je suis d'accord. De toute façon, je ne peux pas présenter un avis de motion aujourd'hui parce que le temps réservé à l'étude de cet article inscrit à l'ordre du jour est passé. Je suis d'accord pour que nous reportions l'étude de cette question.

J'en profiterai, comme le suggérait le sénateur Prud'homme, pour rencontrer mon vis-à-vis. J'ai pris note de ses suggestions. Je proposerai demain la ligne de conduite à suivre, en tenant compte du résultat de nos discussions.

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, le leader adjoint du gouvernement pourrait peut-être, durant cette période de 24 heures, trouver le responsable de cette omission dans l'autre endroit. Nous pourrions peut-être obtenir une lettre d'excuse. Pour une fois, la Chambre des communes n'est pas parfaite. Ce ne doit pas être très difficile pour elle d'admettre qu'elle commet une erreur non pas une fois mais deux. Je crois qu'on a fait preuve de négligence dans l'autre endroit.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je ferai de mon mieux pour obtenir une réponse à la demande du sénateur Gauthier.

Son Honneur le Président pro tempore: Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour reporter l'examen de la question à la prochaine séance du Sénat?

Des voix: D'accord.

La Loi sur la concurrence

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Finestone, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Gauthier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-276, Loi modifiant la Loi sur la concurrence (commercialisation par abonnement par défaut).-(L'honorable sénateur Eyton).

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je demande que le débat sur le projet de loi C-276 soit ajourné au nom du sénateur Andreychuk.

Son Honneur le Président pro tempore: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour que la motion demeure inscrite au nom du sénateur Andreychuk?

Des voix: D'accord.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

(1530)

 

Affaires juridiques et constitutionnelles

Motion portant autorisation au comité d'étudier la détermination de la peine-Ajournement du débat

L'honorable Lorna Milne, conformément à l'avis du 11 mai 2000, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à étudier les questions se rapportant à la détermination de la peine au Canada; et

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 21 juin 2001.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Expliquez-vous!

Le sénateur Milne: Honorables sénateurs, j'aimerais expliquer brièvement ce qui s'est passé au comité.

Le 11 mai 2000, j'ai donné avis que je présenterais une motion nous autorisant à examiner les questions se rapportant à la détermination de la peine au Canada, et demandant au comité de faire rapport au Sénat au plus tard le 21 juin 2001.

Durant ses audiences sur le projet de loi C-202, Loi modifiant le Code criminel (fuite), le comité s'est penché sur de sérieuses questions concernant la jonction entre les diverses mesures législatives et la structure globale du système de détermination des peines criminelles au Canada. Il a constaté qu'il recevait parfois des projets de loi prévoyant certaines peines ou sentences, mais qu'il serait avantageux de mieux comprendre la structure générale de la détermination de la peine, car elle a changé. Comprendre cette structure nous permettrait de mieux mesurer comment les dispositions d'un projet de loi en particulier se comparent à celles des autres lois. Les sénateurs siégeant au comité ont jugé qu'il importait d'examiner attentivement la détermination de la peine, pour éviter d'étudier de futures mesures législatives sans comprendre leur impact pratique sur les citoyens du Canada.

Le comité veut comprendre à fond de quels types et de quelles durées sont les peines déjà prévues au Code criminel et à quels genres précis de crimes elles se rapportent. Cette analyse serait destinée à l'usage du comité et pourrait le guider dans l'étude des nouvelles mesures législatives. Le ministre de la Justice et les fonctionnaires du ministère pourraient aussi s'en inspirer lors de l'élaboration de nouvelles lois s'ajoutant au Code criminel.

Je peux assurer à tous ceux qui s'intéressent à ces choses que nous avons l'intention de procéder à une étude interne et que celle-ci ne coûtera pas un sou au Sénat. Bien entendu, notre comité est très occupé et, pour le moment, nous devons étudier les mesures législatives du gouvernement et certains projets de loi privés.

Le comité peut assurer au Sénat que son étude ne va pas nuire à sa fonction primaire, qui est d'étudier les projets de loi. En fait, je dirais même que l'étude proposée sera un complément direct à notre travail législatif. En comprenant mieux le système de détermination de la peine et en ayant une meilleure idée sur la façon dont il devrait fonctionner, nous pourrons mieux veiller à ce que les futurs projets de loi dont nous serons saisis prévoient des peines en général conformes au régime de détermination, ni trop indulgentes, ni trop sévères.

Honorables sénateurs, je crois que cette étude sera utile et je vous prie d'appuyer le comité en l'autorisant à entreprendre ce travail.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

 

Faits nouveaux concernant l'euthanasie et l'aide au suicide

Rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie-Ajournement du débat

Permission ayant été accordée de revenir aux rapports de comités:

Le Sénat passe à l'étude du septième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie intitulé «Des soins de fin de vie de qualité: chaque Canadienne et Canadien y a droit», déposé plus tôt aujourd'hui au Sénat.

L'honorable Sharon Carstairs propose: Que le rapport soit adopté.

- Je remercie les honorables sénateurs de m'avoir donné la possibilité de parler de ce sujet à la fin de la journée, quand bien même je n'étais pas présente au moment où l'ordre du jour a appelé cette question. J'étais à une conférence de presse à laquelle les gens étaient venus nombreux pour entendre ce que notre comité avait dit au sujet de la nécessité de prodiguer des soins de fin de vie de qualité au Canada.

Honorables sénateurs, notre première recommandation, la plus importante, est que le gouvernement fédéral, en collaboration avec les provinces, élabore une stratégie nationale afin d'assurer des soins de fin de vie de qualité à tous les citoyens. Les Canadiens ne veulent plus de ces chamailleries entre les gouvernements, ils ne veulent plus de ces conflits de compétence entre les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral. Ils veulent que chaque Canadien en train de se mourir se voit prodiguer des soins de fin de vie de qualité.

Cette stratégie nationale constitue la première de nos 14 recommandations figurant dans le rapport. Les Canadiens veulent que le gouvernement fédéral joue un rôle de leader.

Honorables sénateurs, il est important de se rappeler que moins de 10 p. 100 des Canadiens à l'article de la mort ont accès à des soins de qualité. Cette proportion est purement insuffisante. Ce sont généralement des cancéreux qui reçoivent de bons soins palliatifs, mais qu'en est-il de ceux qui souffrent de problèmes respiratoires et de ceux qui sont atteints de sclérose en plaques ou de sclérose latérale amyotrophique? Qu'en est-il de ceux qui souffrent de diverses autres maladies des poumons? Pourquoi ne bénéficient-ils pas de soins palliatifs? Ils n'en bénéficient pas parce que les gouvernements de notre pays n'ont pas donné suffisamment de ressources aux établissements de santé locaux pour qu'ils puissent fournir ces soins.

La principale tâche du sous-comité, que vous avez approuvée en février dernier, était de faire progresser la mise en oeuvre des recommandations unanimes énoncées dans notre rapport de 1995 intitulé: De la vie et de la mort. Je regrette de devoir vous dire aujourd'hui que pratiquement aucun progrès, je dis bien «aucun», n'a été réalisé au chapitre de la mise en oeuvre de ces recommandations unanimes.

Honorables sénateurs, des Canadiens souffrent encore inutilement avant de mourir. Des Canadiens meurent encore sans pouvoir compter sur l'aide spirituelle et émotive dont ils ont besoin. Les membres de leurs familles n'obtiennent pas non plus toute l'aide qu'ils devraient obtenir en ces moments difficiles.

Certains progrès ont été réalisés toutefois. J'aimerais souligner, en particulier, la question des directives préalables qui sont maintenant reconnues et appliquées dans presque toutes les provinces. Cependant, les recommandations faites à l'unanimité en 1995 dorment sur des étagères poussiéreuses.

Les témoins qui ont comparu devant notre comité ont indiqué que dans certaines régions du pays, les programmes de soins palliatifs ont même été réduits. Compte tenu de toutes les coupes qui ont été effectuées dans les soins de santé en général, les services de soins palliatifs ont malheureusement aussi fait l'objet de compressions. Comme bon nombre de ces services étaient déjà très minimes, cela signifie qu'ils ont été réduits à leur plus simple expression.

Honorables sénateurs, le sous-comité recommande que le gouvernement fédéral, en collaboration avec les provinces, mette au point un plan quinquennal pour la mise en oeuvre des recommandations unanimes de 1995, et que le gouvernement fédéral prépare un rapport annuel sur l'avancement de ce programme.

Bon nombre des personnes qui ont témoigné devant le sous-comité ont préconisé l'adoption d'une stratégie nationale intégrée en matière de soins au terme de la vie qui réunirait toute une série de principes de base largement reconnus. Toutefois, il y a des choses que le gouvernement fédéral peut faire seul. Par exemple, nous demandons dans le rapport de notre comité que le gouvernement fédéral mette au point un programme de sécurité du revenu et de protection de l'emploi pour les membres de la famille qui prennent soin d'une personne mourante. Nous savons qu'il y a à l'heure actuelle des surplus énormes dans le programme d'assurance-emploi. Nous avons proposé au fil des ans l'adoption d'un congé parental. Nous avons aussi proposé l'adoption d'un congé de maternité. Pourquoi ne pourrions-nous pas autoriser un congé du même genre pour les personnes qui s'occupent des gens qui leur sont chers, des membres de leur famille qui sont près de la mort?

Nous savons également qu'il y a de graves lacunes dans notre système actuel, puisque certaines provinces n'offrent pas d'assurance-médicaments pour les gens qui sont à l'article de la mort. Cela signifie que des familles préfèrent parfois ramener leur être cher à la maison afin qu'il puisse mourir chez lui, et qu'elles devront payer le coût de médicaments qui auraient été fournis gratuitement au patient si elles l'avaient laissé mourir à l'hôpital. Cela n'est sûrement pas acceptable, et nous pouvons sûrement y remédier.

(1540)

Les coûts du matériel sont parfois défrayés par le gouvernement provincial dans certaines provinces, tandis que ce n'est pas le cas ailleurs. Le gouvernement fédéral a invité les provinces à collaborer avec lui pour établir un programme national de soins à domicile. Je pense que nous sommes unanimes au comité à penser que ces programmes devraient être offerts par les provinces, mais cela ne devrait pas empêcher le gouvernement fédéral de contribuer au financement de ces programmes.

De plus, le sous-comité recommande que le gouvernement fédéral établisse, en collaboration avec les provinces, les programmes de soins à domicile et d'assurance-médicaments nécessaires pour les mourants.

Il n'y a pas très longtemps, j'ai proposé l'adoption du projet de loi C-13, visant à créer les Instituts de recherche en santé du Canada pour remplacer l'ancien Conseil de recherches médicales. On créera de 12 à 15 de ces instituts de recherche au Canada. Pourquoi ne pourrait-on pas charger l'un d'entre eux de s'occuper des soins palliatifs et des soins à prodiguer aux mourants? Le sous-comité a recommandé qu'un de ces nouveaux instituts soit créé précisément à cette fin.

Honorables sénateurs, lorsque nous avons présenté un rapport en 1995, nous avons signalé que très peu d'écoles de médecine donnaient aux futurs médecins une formation concernant le soulagement de la douleur. Eh bien, elles ne donnent toujours pas de formation en la matière aux futurs médecins. Si une école de médecine donne une heure ou deux de cours en soulagement de la douleur à l'intérieur de son programme de formation de quatre ans, il faut considérer cela excellent, car certaines n'en donnent pas du tout.

Dans notre pays, il n'existe toujours pas de résidence en soins palliatifs. Quand les représentants du Collège des médecins et chirurgiens ont comparu devant notre comité, ils nous ont dit qu'ils voulaient que cette formation soit donnée. Ils avaient essayé de créer un programme. En fait, quatre des seize facultés de médecine ont indiqué qu'elles voulaient commencer à former les résidents à la médecine palliative. Néanmoins, ni les provinces ni le fédéral n'ont donné l'argent pour payer ces résidents en médecine, qui touchent en moyenne 35 000 $ par an. Je le répète, c'est une question d'argent. Les fonds ne sont tout simplement pas là.

Honorables sénateurs, ce fut un honneur pour moi de coprésider ce sous-comité. J'aimerais terminer en offrant mes remerciements personnels aux sénateurs qui ont siégé à ce comité avec moi. Le sénateur Beaudoin, qui était vice-président, a été présent à toutes les séances, même si parfois elles étaient très tôt le matin, le mardi. Le sénateur Beaudoin n'aime vraiment pas les réunions tôt le matin, mais il était toujours là en bon soldat. Le sénateur Corbin a été des nôtres pendant tous les témoignages. Le sénateur Keon et le sénateur Pépin, qui ne peuvent être ici aujourd'hui, ont eux aussi participé activement à nos délibérations. J'aimerais féliciter tout particulièrement le sénateur Roche. Le sénateur Roche, qui est indépendant, n'avait techniquement pas le droit d'être membre de notre comité. Eh bien, techniquement ou pas, le sénateur Roche s'est révélé un membre actif de notre comité. Bien que son nom ne puisse figurer dans la liste des membres du comité, nous l'avons mis juste en-dessous pour indiquer à quel point nous avons apprécié sa présence au comité.

Honorables sénateurs, je voudrais remercier le Sénat d'avoir permis à ce sous-comité d'accomplir cet excellent travail. Une fois de plus, nous avons lancé un défi au gouvernement fédéral et, nous l'espérons, aux gouvernements provinciaux et territoriaux, pour qu'ils répondent au véritable besoin fondamental des personnes qui sont en phase terminale. Comme je l'ai mentionné au journaliste qui me posait la question, et comme je le dis maintenant à chacun de vous, bien des pressions se font sentir sur notre régime de soins de santé. Il y a de longues queues d'attente dans les salles d'urgence, il y a un nombre accru de gens qui attendent de subir leur examen TDM ou leur examen IRM. Sans examen TDM ou IRM, c'est la mort. Alors, tout ce qu'on souhaite, ce sont des soins de fin de vie de qualité.

[Français]

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je voudrais donner suite à ce que madame le sénateur Carstairs vient de dire. Le mandat de notre sous-comité était de mettre à jour les progrès réalisés dans la mise en 9uvre des recommandations unanimes de notre rapport de 1995. Vous vous souviendrez qu'en 1995, nous avions étudié un grand nombre de questions sur la vie et la mort et nous étions unanimes sur un bon nombre de recommandations.

Nous avons dévoilé, cet après-midi, notre rapport, qui comprend deux parties: une liste des recommandations et trois annexes. La première partie du rapport s'intitule «Un plan global - Notre priorité». Il porte sur notre vision des soins de fin de vie, soit la qualité des soins de fin de vie, l'amélioration des soins de fin de vie, et le rôle du fédéral dans les soins de fin de vie.

Dans la seconde partie, nous faisons état des progrès à propos des recommandations unanimes de notre rapport de juin 1995 dans les domaines suivants: les soins palliatifs, l'éducation et la formation, la recherche, les lignes directrices et les normes, les directives préalables et les mesures législatives.

Essentiellement, nous souhaitons une meilleure collaboration entre le gouvernement fédéral et les provinces afin d'améliorer la qualité des soins de fin de vie. Nous avons aussi ajouté, afin de faciliter la consultation, une partie du lexique de notre rapport de 1995, c'est-à-dire les définitions qui ont trait au rapport que nous déposons aujourd'hui. Je dis toujours qu'un lexique est une des choses les plus importantes. Si nous définissons les termes au début, les discussions traîneront moins en longueur. Cela est très avantageux.

Nous faisons 14 recommandations, mais je n'en citerai ici que cinq: que le gouvernement fédéral, en collaboration avec les provinces, élabore une stratégie nationale sur les soins de santé; que le gouvernement fédéral évalue sans délai les besoins des agonisants en soins à domicile et en assurance-médicaments et qu'il établisse, en concertation avec les provinces, le financement que ces programmes nécessitent; que le ministre fédéral de la Santé discute de l'adoption d'une stratégie fédérale- provinciale-territoriale sur les soins de santé avec ses homologues provinciaux et territoriaux lors de la prochaine rencontre des ministres de la Santé; que le ministre fédéral de la Santé discute avec ses homologues provinciaux et territoriaux des mesures à prendre pour financer les initiatives en matière de soins de fin de vie; que le gouvernement fédéral, en collaboration avec les provinces, élabore un plan quinquennal de mise en 9uvre des recommandations unanimes de 1995.

Nous avons fait bien attention de respecter ici les sphères fédérale et provinciales, parce que la santé relève et des provinces et du fédéral, chacun dans leur domaine respectif. Je répète en terminant que le présent rapport est unanime. Cela est très important. Nous souhaitons, bien sûr, que le Sénat adopte rapidement ce rapport et que nous allions de l'avant afin d'améliorer, partout au Canada, la qualité des soins de fin de vie.

[Traduction]

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, le rapport publié aujourd'hui, intitulé «Des soins de fin de vie de qualité: chaque Canadienne et Canadien y a droit», mérite que les gouvernements fédéral et provinciaux en fassent une priorité parce qu'il a trait à un besoin urgent au Canada. Les gens qui sont en phase terminale ont droit à des soins de fin de vie de qualité. Or, seulement une petite fraction des 220 000 Canadiens qui meurent chaque année ont accès à de bons soins palliatifs.

(1550)

Dans son rapport intitulé «De la vie et de la mort», publié il y a cinq ans, le comité du Sénat a formulé des recommandations concernant les soins palliatifs, la maîtrise de la douleur, le refus ou le retrait d'un traitement de survie et les directives préalables, mais peu a été fait. En fait, on dit aujourd'hui que les soins aux personnes en fin de vie sont tirés à la courte paille. Le comité sénatorial est donc revenu sur le sujet pour examiner les recommandations unanimes d'il y a cinq ans et le message qu'il nous livre aujourd'hui est encore plus catégorique.

Le sous-comité n'a trouvé aucune preuve établissant que des fonds publics auraient été affectés à des services de soins palliatifs visant à soulager la souffrance physique, émotionnelle, psychosociale ou spirituelle des personnes au seuil de la mort. S'il existe aujourd'hui des soins palliatifs, ils sont destinés surtout aux cancéreux, qui en ont certainement besoin, mais seulement le quart des décès au Canada sont dus au cancer. Il y a beaucoup de souffrance qui résulte de bronchopneumopathies chroniques obstructives, du sida, de néphropathies avancées et de coronaropathies avancées.

De plus, on a réduit le nombre de lits institutionnels pour les soins palliatifs par suite de la restructuration du régime de santé et des compressions gouvernementales dans les budgets de la santé. Les coûts des soins palliatifs, aussi sur le plan humain que financier, sont de plus en plus assumés par les familles dans le cadre des programmes de soins à domicile. Cela se produit justement au moment où la population vieillit et où les besoins augmentent.

Santé Canada n'a pas de vraie stratégie nationale, les facultés de médecine préparent mal leurs étudiants à s'occuper des mourants, et les recherches sur le soulagement de la douleur sont insuffisantes. Comme il est dit dans notre rapport, c'est «impardonnable».

Notre rapport invite donc le gouvernement fédéral à prendre l'initiative pour élaborer une stratégie nationale quinquennale, de sorte que chaque Canadien puisse recevoir des soins compétents, compatissants et empreints de respect pendant ses derniers jours.

Honorables sénateurs, j'espère que le rapport saura réveiller les autorités fédérales et provinciales, pour qu'elles accordent à ce problème l'attention qu'il mérite.

Le sous-comité, qui a rédigé le rapport après avoir entendu 51 témoins en quatre mois, a essayé d'aider les gouvernements à se concentrer sur les besoins en soins palliatifs et en se gardant d'aborder des sujets comme l'euthanasie et le suicide assisté. Dans son rapport de 1995, le comité sénatorial a regroupé les recommandations unanimes concernant les soins palliatifs avec les opinions partagées sur l'euthanasie et l'aide au suicide.

Si, en 1995, on ne distinguait pas clairement le propos du comité sénatorial, le discours est aujourd'hui très net. D'une seule voix, le sous-comité dit, en l'an 2000, que les gouvernements doivent réparer la négligence scandaleuse et honteuse dont sont victimes de très nombreux Canadiens qui ont besoin, à la fin de leur vie, d'être entourés de soins spéciaux empreints de compassion et de respect.

Inévitablement, comme le montrent les premiers reportages, et même comme on l'a vu au cours de la conférence de presse qui s'est tenue il y a quelques instants, les questions liées à la fin de la vie sont confondues avec l'euthanasie et le suicide assisté.

Soyons clairs à cet égard, honorables sénateurs. L'euthanasie et l'aide au suicide sont illégales au Canada, et devraient le rester. Nous n'avons pas le droit de tuer quelqu'un intentionnellement, même si c'est par compassion. L'euthanasie et l'aide au suicide sont incompatibles avec la dignité de chaque vie humaine, mais cette même dignité devient la raison première pour laquelle on doit prendre le plus grand soin des mourants en atténuant leur douleur.

Parfois, il est clair qu'il ne convient pas de maintenir des procédures de survie parce que cela impose un fardeau non proportionnel aux avantages que l'on en retire. De bons soins palliatifs reconnaissent que le retrait de traitement est conforme à la morale, légal et parfois souhaitable, mais cela est tout à fait différent de la prise d'une mesure ayant pour effet de mettre délibérément fin à une vie.

La maladie, la souffrance et la mort font inévitablement partie de l'expérience humaine. Les gens devraient obtenir de l'aide au moment où ils font cette expérience, et c'est l'objet même des soins palliatifs.

Or, même avec cet accent mis sur les soins palliatifs, il y en aura toujours qui demanderont que la loi soit changée pour permettre l'euthanasie et l'aide au suicide pour des gens qui souffrent atrocement. En fait, les cas de personnes qui tentent de mettre fin à leurs jours ou de mettre intentionnellement fin à la vie d'une personne extrêmement malade sont invoqués par certains pour justifier une modification du Code criminel.

La fourniture élargie de soins palliatifs mettra-t-elle fin aux appels en faveur de la légalisation de l'euthanasie et de l'aide au suicide? Probablement pas. Pour ceux qui ne souscrivent pas aux principes les plus élevés du droit à la vie, le recours à l'euthanasie et à l'aide au suicide pour les malades en phase terminale continuera vraisemblablement de représenter un attrait.

Toutefois, la fourniture élargie de soins palliatifs réduira sans doute l'impression que le recours à la mort est nécessaire pour assurer un soulagement suffisant de la douleur. La recherche a lié la dépression qui survient souvent chez les malades en phase terminale et le souhait de mourir au plus vite. En l'absence de soins compétents et compatissants, le désespoir menant à une mort prématurée peut s'accroître.

Les partisans de l'euthanasie et de l'aide au suicide soutiennent que les malades dont les souffrances sont insoutenables devraient disposer de ces options, mais cette argumentation ne vaut plus lorsqu'on peut soulager les douleurs et les souffrances des malades en phase terminale au moyen de soins palliatifs administrés de telle façon qu'ils règlent les problèmes physiques et psycho-spirituels des malades et de leurs proches. Comme le signale le Journal of Palliative Care, si l'on prévoyait les fonds nécessaires pour offrir un accès raisonnable à des soins spécialisés, les malades et leurs proches craindraient moins les douleurs physiques et la détresse psychologique associées aux maladies terminales. Autrement dit, l'euthanasie et l'aide au suicide ne devraient jamais remplacer de bons soins palliatifs.

En outre, l'American Journal of Psychiatry signale que le désir de mort des malades en phase terminale est étroitement associé à la dépression clinique - un état qu'on peut traiter - et peut aussi diminuer avec le temps. La Société canadienne de bioéthique a poussé cette étude un peu plus loin et, dans un atelier qui a eu lieu dans le cadre de sa conférence de 1999, elle est arrivée à la conclusion que le désir d'euthanasie et d'aide au suicide prend sa source dans un processus de délibération influencé par la désintégration et la perte de la collectivité qui aboutit à la perte du soi. Dans ce contexte, l'euthanasie et le suicide assisté sont des moyens de limiter la perte du soi.

Honorables sénateurs, comment expliquer la pauvreté des services que les gouvernements offrent aux mourants? C'est peut-être à cause du déni de la mort omniprésent dans notre culture. Les médecins sont formés pour soigner les gens et les aider à se sentir mieux. La technologie nous offre sans cesse de nouveaux moyens de prolonger la vie. Ce déni de la mort prépare mal les vivants à l'inéluctabilité de la mort et semble excuser le fait que les gouvernements affectent des ressources insuffisantes pour traiter avec compassion le deuxième moment en importance dans la vie d'une personne - c'est-à-dire sa mort. La répartition inadéquate des ressources en soins palliatifs semble liée au déni généralisé de la mort.

La justice sociale exige que le gouvernement accorde une attention prioritaire aux soins palliatifs. Voici d'ailleurs ce que le Dr Elizabeth Latimer, une spécialiste des soins palliatifs, a déclaré aux membres du sous-comité:

[...] je trouve qu'il est presque immoral de parler d'enlever la vie à quelqu'un quand nous n'avons pas terminé la tâche plus difficile qui consiste à fournir de bons services palliatifs.

Honorables sénateurs, faisons en sorte que le Sénat adopte ce rapport rapidement afin de transmettre sans tarder notre message unanime au gouvernement, quant à la nécessité d'élaborer de toute urgence un plan exhaustif pour aider les Canadiens à mourir dans la dignité partout au Canada. C'est ce qu'il convient de faire du point de vue moral pour résoudre un problème qui touche directement dans leur quotidien de nombreux Canadiens qui font face, soit directement ou par l'entremise d'un parent, aux problèmes accablants concernant la préparation à la mort. Le gouvernement doit répondre aux demandes de plus en plus nombreuses d'individus qui réclament, pour des raisons morales, une politique en matière de santé qui fasse la promotion de l'égalité d'accès aux services ainsi que de services efficaces, de qualité et empreints de compassion pouvant répondre aux besoins des mourants.

Honorables sénateurs, nous devons mettre en place des programmes de soins palliatifs efficaces qui feront la promotion des soins dispensés aux mourants. Non seulement cela sera-t-il un enrichissement pour notre société, mais cela constituera aussi, pour le monde entier, un modèle de soins de santé fondés sur les valeurs humaines que les Canadiens tiennent à promouvoir.

(Sur la motion du sénateur Corbin, le débat est ajourné.)

[Français]

(1600)

L'ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

L'honorable Léonce Mercier: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le mercredi 7 juin 2000, à 13 h 30;

Que, à 15 h 30 demain, si le Sénat n'a pas terminé ses travaux, le Président interrompe les délibérations pour ajourner le Sénat;

Que, si un vote est différé à 17 h 30 demain, le Président interrompe les délibérations à 15 h 30 pour suspendre la séance jusqu'à 17 h 30 pour la mise aux voix du vote différé; et

Que tous les points figurant à l'ordre du jour et au Feuilleton des avis, qui n'ont pas été abordés, demeurent dans leur ordre actuel.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 7 juin 2000, à 13 h 30.)


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