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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 37e Législature,
Volume 139, Numéro 6

Le jeudi 8 février 2001
L'honorable Dan Hays, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 8 février 2001

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE DÉCÈS DE CAROL ANNE LETHEREN

HOMMAGE

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, hier, plus de 1 000 amis et sympathisants se sont réunis à Toronto pour participer à une célébration d'adieu inspirante en hommage à Carol Anne Letheren, une des personnes qui a défendu avec le plus de vigueur les sports amateurs et l'excellence olympique au Canada et qui est morte soudainement à la suite d'une rupture d'anévrisme la semaine dernière. Les hommages sont venus d'Olympiens comme Toller Cranston et Charmain Crooks, ainsi que de la voix très riche de Michael Burgess et, à la fin, on a eu droit à une déclaration marquée au coin de l'émotion d'un ami très proche, Rubin «Hurricane» Carter.

Carol Anne adorait courir et toute sa vie a été un marathon de participation et de conseils pour les jeunes qui faisaient du sport amateur — une force qui, selon elle, avait un rôle fondamental pour ce qui est de galvaniser les collectivités et d'unir les nations. Les Canadiens et le monde ont appris à connaître son visage et sa voix en 1988, alors que, en tant que chef de mission de l'équipe canadienne aux Olympiques de Séoul, elle a eu la triste responsabilité de reprendre la médaille d'or du champion sprinter de notre pays, Ben Johnson, lorsque des tests ont révélé qu'il avait fait usage d'une substance interdite.

Ses amis et les Canadiens ordinaires et dans le monde du sport amateur se souviennent très bien de la passion et du dévouement de Carol Anne pour ce qui était vraiment la cause de sa vie. Dès sa plus tendre enfance, elle pratiquait la gymnastique en sautant d'un coussin à l'autre dans son salon et elle s'est entraînée très dur pour devenir une championne de badminton, sans jamais cesser de courir.

À Séoul et avant Séoul, elle est vraiment devenue une pionnière pour ce qui est de la participation des femmes dans le monde du sport organisé. À Séoul, elle a été la première Canadienne chef de mission. Elle est ensuite devenue la première présidente de l'Association olympique canadienne et la première directrice générale de cet organisme. Elle a été l'une des 14 femmes à se faire une place dans le bastion masculin de l'Association olympique internationale, qui compte 131 membres.

Au cours de la cérémonie d'hier, pour honorer Carol Anne à titre posthume, le vice-président du Comité international olympique, M. Richard Pound, a présenté à son mari et à son fils la médaille de l'Ordre Olympique, la plus haute distinction que cette organisation puisse remettre. M. Pound a fait remarquer que maintenant que Carol Anne nous avait quittés, Dieu l'avait recrutée pour la première équipe à organiser les Olympiques célestes.

Malgré tous ces titres et ces honneurs, Carol Anne se préoccupait avant tout de ses enfants et de sa famille, qui passaient toujours au premier plan. Elle était généreuse, aimable, intelligente et tenace. Elle était très tenace. Elle a toujours essayé de rendre aux autres le plus qu'elle le pouvait durant toute sa vie remarquable.

Honorables sénateurs, à la fin de la cérémonie d'hier, on a annoncé que les dons d'organes de Carol Anne avaient permis depuis vendredi dernier de venir en aide à huit personnes, notamment une jeune fille à qui on avait transplanté le foie de Carol Anne le même jour. C'était une Canadienne tout à fait spéciale qui va beaucoup nous manquer et dont vont toujours se rappeler ses amis et ses collègues, ainsi que le monde du sport amateur et le mouvement olympique dans son ensemble.

LA DISCRIMINATION RACIALE DANS LES GRANDES SOCIÉTÉS NORD-AMÉRICAINES

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, la société Coca-Cola, première productrice de boissons gazeuses dans le monde, vient de régler à l'amiable le plus grand procès pour discrimination raciale jamais intenté à ce jour. Elle emploie 31 000 personnes dans le monde et vend ses produits dans 200 pays.

La société a accepté de verser 192 millions de dollars américains après que des employés ou anciens employés afro-américains lui ont intenté un procès pour discrimination raciale. Il ne s'agit pas d'un incident isolé. Il y a trois ans, la société Texaco a versé 176 millions de dollars après avoir fait l'objet d'accusations semblables de racisme contre des Noirs et, l'automne dernier, des accusations de discrimination fondée sur la race et le sexe ont été portées contre la société Microsoft.

(1410)

Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur cette affaire parce que les incidents de discrimination raciale contre des Noirs sont en hausse en Amérique du Nord. Les procès et les règlements à l'amiable aux États-Unis montrent bien que des pratiques discriminatoires de plus en plus fréquentes s'insinuent dans la culture de l'entreprise en Amérique du Nord, et je pense qu'ils ne représentent que la pointe de l'iceberg.

Les procès citaient principalement la discrimination dans les évaluations du rendement, la discrimination dans la rémunération et le plafonnement voilé. Le système d'évaluation du rendement avait été mis en oeuvre par des gestionnaires ayant abusé des pouvoirs qui leur étaient conférés pour prendre des décisions partiales et contradictoires sans aucun contrôle ou presque par les supérieurs. Le système en vigueur chez Coca-Cola permettait de faire de la discrimination raciale dans les évaluations où la cote donnée déterminait les augmentations, les primes ou les options d'achat d'actions.

L'examen des salaires payés par Coca-Cola aux Afro-américains par rapport aux salaires payés aux Blancs révèle une différence spectaculaire au siège social de la société à Atlanta. Par exemple, en 1998, un Afro-américain Faisant le même travail qu'un Blanc touchait 45 000 $. Le Blanc faisant le même travail touchait 72 000 $. Par ailleurs, les auteurs de l'étude ont réussi à démontrer l'existence d'un plafonnement voilé qui fait que très peu d'Afro- américains occupent des postes supérieurs au sein de la société, surtout par rapport au pourcentage important d'Afro-américains parmi les employés salariés. J'en dirai plus long sur ces données statistiques la semaine prochaine quand je ferai mon interpellation.

Les politiques et les pratiques écrites et tacites de la société permettent aux superviseurs de choisir eux-mêmes les candidats pour les postes vacants en se fiant au bouche-à-oreille et de prendre des décisions en matière de promotion sur la base de critères subjectifs. Ce système empêche les Afro-américains de postuler à armes égales, voire même d'apprendre que ces postes sont vacants.

En conclusion, honorables sénateurs, je crois que ces exemples ne sont que la pointe de l'iceberg en ce qui concerne la situation dans les entreprises nord-américaines. Les inégalités consacrées que sont la discrimination en matière de rémunération et d'avantages ainsi que l'absence de promotion pourraient être plus courantes que nous ne le pensons. Il se pourrait fort bien qu'un jour ou l'autre, nous apprenions en lisant les manchettes du Globe and Mail que l'une des grandes sociétés canadiennes fait l'objet d'une poursuite de 200 millions de dollars ou plus du fait de politiques semblables.

Honorables sénateurs, nous devrions encourager les Canadiens à embrasser la diversité à tous les niveaux, tant dans le secteur privé que dans le secteur public...

Son Honneur le Président: Sénateur Oliver, je suis désolé, mais le temps réservé à votre déclaration est écoulé.

LES PRIX DE LA MUSIQUE DE LA CÔTE EST

L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour vous annoncer la tenue, ce week-end, d'une manifestation fort intéressante dans ma province. Les Prix de la musique de la côte est, ou East Coast Music Awards, sont une célébration annuelle de la culture musicale des provinces atlantiques. Devenus l'une des manifestations musicales les plus importantes au Canada, les ECMA ont fait leurs débuts il y a 13 ans à Halifax en présence d'un petit nombre de participants. Toutefois, en 1994, avec l'épanouissement de l'industrie de la musique dans le Canada atlantique, on a décidé que les ECMA auraient lieu chaque année dans un endroit différent.

Honorables sénateurs, je suis fière de dire que les Prix de la musique de la côte est qui ont eu lieu à Charlottetown en 1996 ont attiré deux fois plus de monde que toutes les années auparavant. On s'attend à ce que les célébrations de ce week-end — qui sont de retour à Charlottetown pour la première fois en cinq ans — attireront également deux fois plus de monde qu'en 1996. Cette croissance extraordinaire est remarquable. On ne devrait pas s'en étonner compte tenu de la popularité sans cesse croissante à l'échelle internationale de la musique de la côte est.

Ils portent des noms légendaires: Stompin' Tom Connors, Anne Murray, Hank Snow, Gene MacLellan, Rita MacNeil. Il y a aussi bien sûr la nouvelle génération, notamment le groupe Great Big Sea, The Rankins, Julian Austin et Lennie Gallant.

La musique de la côte est est représentative d'une culture unique dont sont imprégnés tous les Canadiens des provinces de l'Atlantique. La musique a toujours joué un rôle important dans notre région. Dans beaucoup d'endroits, on peut, tous les week- ends, entendre le son des violons et des guitares.

Honorables sénateurs, je me réjouis des efforts déployés par les organisateurs du ECMA pour célébrer notre héritage musical. Chaque année, cette organisation s'efforce de rendre hommage aux pionniers de la musique et, ce faisant, d'assurer l'avenir de la musique en se remémorant son passé.

Cette cérémonie de remise des prix doit durer trois jours. Elle commencera demain et prendra fin dimanche par une émission télévisée qui sera diffusée dans tout le pays. J'invite les sénateurs à regarder cette émission ou mieux, à venir nous rendre visite dans l'Île-du-Prince-Édouard ce week-end. Je suis sûre que c'est une expérience qu'ils n'oublieront pas.

[Français]

LE DÉCÈS DE M. FULGENCE CHARPENTIER

HOMMAGE

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, demain, la famille et les nombreux amis de M. Fulgence Charpentier se rencontreront pour célébrer la vie de cet extraordinaire Canadien français, décédé cette semaine à l'âge de 103 ans.

Nous parlerons de ses nombreuses contributions personnelles et professionnelles. Que ce soit en tant que père, grand-père ou arrière- grand-père, ou en tant que journaliste, diplomate, homme de lettres ou haut fonctionnaire, Fulgence Charpentier s'est distingué par son ouverture de coeur et d'esprit, sa générosité, son discernement et sa recherche de l'excellence.

Comme le disaient si bien les sénateurs Gauthier et Beaudoin hier, il a consacré sa vie et sa carrière au rayonnement du Canada et de la culture canadienne-française. Malgré tous ses succès, honorables sénateurs, Fulgence Charpentier est demeuré un homme bon. Ses amis et ses collègues sont unanimes. Il s'est mérité le plus beau des titres, celui de «Monsieur».


AFFAIRES COURANTES

LE COMITÉ DE SÉLECTION

PRÉSENTATION ET ADOPTION DU DEUXIÈME RAPPORT

L'honorable Léonce Mercier, président du Comité de sélection, présente le rapport suivant:

Le jeudi 8 février 2001

Le Comité de sélection a l'honneur de présenter son

DEUXIÈME RAPPORT

Conformément à l'article 85(1)b) du Règlement du Sénat, votre Comité présente la liste des sénateurs qu'il a désignés pour faire partie des comités particuliers suivants:

COMITÉ PERMANENT DES PRIVILÈGES, DU RÈGLEMENT ET DE LA PROCÉDURE

Les honorables sénateurs Andreychuk, Austin, Bryden, DeWare, Di Nino, Gauthier, Grafstein, Hervieux-Payette, Joyal, Kroft, Losier-Cool, Murray, Poulin, Rossiter et Stratton.

COMITÉ PERMANENT DE LA RÉGIE INTERNE, DES BUDGETS ET DE L'ADMINISTRATION

Les honorables sénateurs Austin, Comeau, De Bané, DeWare, Doody, Forrestall, Furey, Gauthier, Kenny, Kroft, Maheu, Milne, Murray, Poulin et Stollery.

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Les honorables sénateurs Andreychuk, Austin, Bolduc, Carney, Corbin, De Bané, Di Nino, Grafstein, Graham, Losier-Cool, Poulin et Stollery.

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

Les honorables sénateurs Banks, Bolduc, Cools, Doody, Ferretti Barth, Finnerty, Hervieux-Payette, Kinsella, Kirby, Mahovlich, Murray et Stratton.

COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

Les honorables sénateurs Adams, Angus, Bacon, Callbeck, Christensen, Eyton, Finestone, Fitzpatrick, Forrestall, Rompkey, Setlakwe et Spivak.

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

Les honorables sénateurs Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Buchanan, Cools, Fraser, Grafstein, Joyal, Milne, Moore, Nolin et Pearson.

COMITÉ PERMANENT DES BANQUES ET DU COMMERCE

Les honorables sénateurs Angus, Furey, Hervieux-Payette, Kelleher, Kolber, Kroft, Meighen, Oliver, Poulin, Setlakwe, Tkachuk et Wiebe.

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

Les honorables sénateurs Callbeck, Cohen, Cook, Cordy, Graham, Fairbairn, Johnson, Kirby, LeBreton, Pépin, Robertson et Roche.

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DES FORÊTS

Les honorables sénateurs Chalifoux, Fairbairn, Fitzpatrick, Gill, Gustafson, LeBreton, Milne, Oliver, Stratton, Taylor, Tkachuk et Wiebe.

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES

Les honorables sénateurs Adams, Callbeck, Carney, Chalifoux, Comeau, Cook, Mahovlich, Meighen, Molgat, Moore, Robertson et Watt.

COMITÉ PERMANENT DE L'ÉNERGIE, DE L'ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

Les honorables sénateurs Buchanan, Banks, Christensen, Cochrane, Eyton, Finnerty, Kelleher, Kenny, Sibbeston, Spivak, Taylor et Watt.

COMITÉ PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

Les honorables sénateurs Carney, Chalifoux, Christensen, Cochrane, Cordy, Gill, Johnson, Pearson, Rompkey, Sibbeston, Tkachuk et Wilson.

Conformément à l'article 87, l'honorable sénateur Carstairs, c.p. (ou Robichaud, c.p.) et l'honorable sénateur Lynch-Staunton (ou Kinsella) sont membres d'office de chacun des comités.

Respectueusement soumis,

Le président,
LÉONCE MERCIER

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

Le sénateur Mercier: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)g) du Règlement, je propose que le rapport soit inscrit à l'ordre du jour plus tard aujourd'hui.

[Traduction]

(1420)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée pour déroger à la règle et inscrire cette question à l'ordre du jour pour examen plus tard dans la journée?

Des voix: D'accord.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'aimerais avoir une idée de l'heure à laquelle cette question sera examinée. Un certain nombre de sénateurs indépendants ont été nommés pour faire partie de comités. Aurons-nous la possibilité de débattre des listes des membres des comités et de poser des questions sur la façon dont ces listes ont été dressées?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, cette question est sujette à débat. Si la permission de l'inscrire à l'ordre du jour pour examen plus tard dans la journée est accordée, elle sera inscrite sous la rubrique «Rapports de comités». Si la permission d'examiner la question maintenant est demandée et accordée, nous reviendrons à cette question immédiatement. Comme c'est une motion sujette à débat, les sénateurs auront le droit de prendre la parole si elle est examinée maintenant.

J'espère que cela répond à la question du sénateur St. Germain.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): La permission est-elle accordée, honorables sénateurs, de passer à cette question maintenant?

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs, de passer à cette question maintenant?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, j'aimerais remercier le leader du gouvernement au Sénat de m'avoir fourni plus tôt aujourd'hui une liste des membres de comités proposés et de m'avoir informé du fait que le rapport du comité serait inscrit à l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui.

J'aimerais savoir comment il a été décidé que des sénateurs indépendants siégeraient à des comités. On a porté à mon attention le fait qu'un sénateur avait demandé à siéger à un comité en particulier. Il doit certes y avoir un processus établi pour le choix des membres des comités. Il semble que le refus essuyé par le sénateur de siéger à ce comité n'ait rien à voir avec le nombre de membres prévu.

Ne permet-on à des sénateurs indépendants de siéger à des comités que s'il reste des places que personne d'autre ne désire occuper? Les sénateurs indépendants sont-ils traités aussi équitablement que les autres? Il ne servirait à rien de tergiverser ici. Le sénateur Prud'homme a demandé à faire partie du Comité des affaires étrangères, ce qui lui a été refusé. Nous savons tous que l'appartenance à certains comités est plus recherchée que d'autres.

J'aimerais qu'on m'explique ce processus et qu'on me précise avec quelle impartialité on décide d'accorder ou non à un sénateur le droit de siéger à un comité auquel il aspire.

Le sénateur Carstairs: Je remercie le sénateur de sa question. Puisque c'est moi qui ai communiqué avec chacun des sénateurs indépendants, y compris le sénateur qui siège à titre de représentant de l'Alliance canadienne dans cette Chambre, je crois qu'il me revient de répondre à cette question.

Comme bon nombre de sénateurs le savent, je milite depuis longtemps pour la nomination de sénateurs indépendants aux divers comités. En fait, lorsque j'occupais le poste de leader adjoint et que je siégeais au Comité du Règlement, j'ai déposé, de concert avec mon collègue, le sénateur Kenny, une proposition en vue de permettre à des sénateurs indépendants de siéger à des comités. Ce rapport a été présenté au Sénat, mais il n'a pas été étudié en raison de la prorogation du Parlement.

Nous avons vécu une situation un peu différente cette année. Les chiffres avaient changé à la reprise des travaux du Parlement. J'ai été heureuse d'avoir l'occasion de travailler avec mes collègues de l'autre côté pour voir s'il était possible que des sénateurs indépendants puissent siéger à des comités.

J'ai donc communiqué avec chaque sénateur indépendant et je leur ai appliqué les mêmes critères que j'ai appliqués aux sénateurs du parti ministériel et de l'opposition. J'ai demandé à chaque sénateur indépendant de présenter une liste de trois choix de comités auxquels ils souhaitaient siéger par ordre de préférence. Je leur ai ensuite téléphoné selon leur ancienneté au Sénat.

Les sénateurs Pitfield et Lawson ont choisi de ne poser leur candidature à aucun comité. Lorsque j'ai communiqué avec le sénateur Prud'homme, qui se trouvait en Arabie saoudite, il m'a donné ses trois préférences: affaires étrangères, affaires étrangères et affaires étrangères.

Quand j'ai communiqué avec le sénateur Roche, il m'a fait part de ses choix, dont celui des affaires étrangères. J'ai eu la même conversation avec le sénateur Wilson.

Lorsque nous avons commencé à choisir les membres du comité, j'ai constaté que 19 sénateurs libéraux avaient demandé à siéger au Comité des affaires étrangères, et que 11 d'entre eux l'avaient indiqué comme premier choix. De toute évidence, je devais en décevoir certains de ce côté-ci de la Chambre, et, malheureusement, je devais décevoir le sénateur Prud'homme. Toutefois, je peux garantir à la Chambre que, si le sénateur Prud'homme avait précisé un deuxième ou un troisième choix différent du premier, nous aurions tout fait pour lui accorder son deuxième ou son troisième choix.

(1430)

Son Honneur le Président: Pour savoir ce qu'il en est, je vais donner la parole au sénateur St. Germain qui, je pense, souhaite poser une question au dernier intervenant.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, je tiens d'abord à féliciter le leader du gouvernement, qui reconnaît que les sénateurs indépendants apporteront, dans tous les cas, une contribution énorme aux travaux des comités dans cet établissement particulier. Nous avons eu au Sénat, dans le passé, des personnalités exceptionnelles comme le sénateur Molson et le sénateur Everett. Aujourd'hui, nous comptons sur l'expertise du sénateur Lawson, entre autres. Je félicite les sénateurs du parti ministériel pour cette initiative, mais je déteste l'idée qu'elle se justifiait strictement par le nombre réduit de sénateurs progressistes-conservateurs. J'espère que c'est l'idée de mettre en valeur et d'exploiter tout ce talent qui l'a motivée plutôt qu'une simple question de nombre.

Le sénateur Spivak: Quel talent?

Le sénateur St. Germain: Le sénateur Spivak demande «Quel talent?» Je ne peux pas parler pour le sénateur Spivak. J'ai toujours voué un grand respect à l'honorable sénateur. Je ne poursuivrai donc pas cette question.

Le sénateur Kinsella: Le vote!

Le sénateur St. Germain: Le leader du gouvernement ne m'a pas encore expliqué la situation. Onze libéraux souhaitaient être membres du Comité des affaires étrangères, et le sénateur Prud'homme a en quelque sorte fait un seul choix en choisissant trois fois les affaires étrangères, les affaires étrangères et les affaires étrangères. Madame le leader du gouvernement ne m'a pas encore dit comment elle avait fait la sélection, et pouquoi elle a refusé les affaires étrangères au sénateur Prud'homme.

Honorables sénateurs, je poserais la même question s'il s'agissait du sénateur Roche ou du sénateur Lawson. La question ne concerne pas le sénateur Prud'homme. Elle concerne le processus d'élimination et de sélection. Il n'est qu'équitable, nous étant lancés dans ce processus, que nous obtenions une réponse à cette question. Si l'on n'a aucun espoir de participer à un comité de notre choix, il est inutile de proposer son nom, particulièrement dans le cas du sénateur Prud'homme.

Je ne veux pas être désagréable. J'essaie simplement de comprendre comment madame le leader du gouvernement en est arrivée à prendre une décision équitable.

Le sénateur Carstairs: Je remercie le sénateur de sa question. Je voudrais m'assurer que le sénateur comprend clairement la question des chiffres. Dix-neuf sénateurs libéraux ont demandé à siéger au Comité des affaires étrangères. Onze d'entre eux ont demandé à siéger à ce comité à titre de premier choix. J'ai été forcée de décevoir trois sénateurs siégeant de ce côté-ci.

Pour répondre au reste de la question, je dirai que madame le sénateur Fairbairn, et elle ne m'en voudra sûrement pas de dire son nom, a eu une discussion hier avec mon adjoint administratif au cours de laquelle elle a dit: «J'ai renoncé à demander de siéger au Comité des affaires étrangères. Je ne l'indique même pas comme choix.» En conséquence, certains sénateurs de notre côté auraient fait une demande s'ils avaient cru que leur nom serait inscrit en tête de liste.

La réalité, c'est que nombreux sont les sénateurs qui veulent siéger au Comité des affaires étrangères. J'ai décidé de choisir huit sénateurs de notre côté pour siéger à ce comité. L'opposition en a désigné quatre de son côté, ce qui donne un total de 12 membres du comité. Il n'y avait tout simplement pas de place pour le sénateur Prud'homme.

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, je souhaite être membre du Comité des affaires étrangères depuis cinq ans. En fait, j'ai présidé en 1994 un comité mixte spécial chargé d'examiner toute la politique étrangère du pays. J'estime que je suis aussi compétent que quiconque pour siéger à ce comité.

J'ai toujours cru que tous les sénateurs étaient égaux. Quand j'ai appris que 19 sénateurs de mon caucus voulaient devenir membres du Comité des affaires étrangères, j'ai dit à mon leader: «Retirez mon nom. Je suis un bon joueur d'équipe. Je ferai autre chose.»

Je ne comprends pas le point de vue du sénateur St. Germain.

Son Honneur le Président: Avez-vous une autre question à poser, sénateur St. Germain?

Le sénateur Bryden: Êtes-vous en train d'auditionner pour un poste?

Le sénateur St. Germain: Le seul poste pour lequel j'auditionnerais vous serait inaccessible, sénateur Bryden. Vous n'êtes pas dans la course.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vais donner la parole au sénateur St. Germain. Je sais d'après ce qui s'est dit jusqu'à maintenant que le sénateur s'intéresse de près à cette question. Est-ce que je me trompe en disant que le sénateur St. Germain veut poser une question au sénateur qui vient de parler?

Le sénateur St. Germain: Pour être juste, je ne suis pas certain d'avoir le droit d'interroger le sénateur. Je n'ai toujours rien entendu qui puisse me porter à croire qu'il y a de la justice dans le processus, même si madame le sénateur Carstairs est fort probablement une des femmes les plus justes issues du Manitoba.

Le sénateur Kinsella: C'est Mira la plus juste!

Son Honneur le Président: Sénateur St. Germain, si vous avez une question, veuillez la poser de la façon la plus succincte possible. J'ai d'autres gens sur ma liste qui veulent intervenir.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, nous n'aurons peut-être pas une personne aussi juste que le sénateur Carstairs à l'avenir. Théoriquement, tous les membres du caucus libéral pourraient être invités à poser leur candidature pour faire partie du comité, et ce serait suffisant. Je sais cependant que le sénateur Carstairs ne ferait pas cela. Je suggère qu'on élabore un processus plus tard, si ce n'est pas aujourd'hui, en vue de permettre aux sénateurs de siéger aux comités en tant qu'indépendants.

Le sénateur Kinsella: Le sénateur Gauthier doit répondre.

Son Honneur le Président: Sénateur Kinsella, j'ai consulté les greffiers à ce sujet et nous croyons que l'intervention du sénateur Gauthier était une question au sénateur Carstairs. Je vais la considérer comme telle et redonner la parole à madame le sénateur Carstairs pour qu'elle réponde à la question du sénateur St. Germain.

Le sénateur Carstairs: Premièrement, mon mari remercie le sénateur St. Germain pour la remarque qu'il a faite au sujet de mon sens de la justice, et notre ami mutuel, Al Munro, le remercie de même.

Honorables sénateurs, j'ai essayé de faire la sélection de la façon la plus juste possible. Je vous remercie de reconnaître qu'elle a été faite de façon juste et équitable. Je ne peux que parler pour moi- même lorsque je dis que, tant que je serai leader, je continuerai de maintenir un système de réception des demandes qui soit juste et je m'efforcerai vraiment de faire la sélection des membres des comités de la meilleure façon possible.

Je tiens à dire que les dirigeants des deux côtés ont travaillé très fort pour dresser une liste qui soit satisfaisante pour tous. J'ai invité le sénateur à participer au processus, en tant que leader de l'Alliance canadienne, dans la mesure où je pouvais le faire. On lui a offert de faire partie de certains comités, et il a choisi de refuser. J'espère que le Sénat continuera de fonctionner de façon juste, comme ce fut le cas sous mes merveilleux prédécesseurs, les sénateurs Fairbairn et Graham. C'est ainsi que nous procéderons dès le départ.

Son Honneur le Président: Sénateur Gauthier, je prends l'intervention que vous venez de faire comme une observation ou une question adressée au leader du gouvernement. Auriez-vous une autre question à poser au sénateur Carstairs?

Le sénateur Gauthier: Honorables sénateurs, j'ai deux choses à dire. Premièrement, il n'y a aucun sénateur indépendant ici. Il y a peut-être des sénateurs sans affiliation, mais ils ne sont pas plus indépendants que je puisse l'être. L'honorable sénateur ne peut pas me dire qu'il est indépendant. Nous savons tous qu'il est membre de l'Alliance canadienne.

Deuxièmement, pourquoi le comité de sélection n'a-t-il fait aucune recommandation en ce qui concerne les comités mixtes de la Chambre et du Sénat? Doit-il exister une procédure spéciale pour cela? Pourquoi ne recommande-t-on pas des comités mixtes?

De plus, pourquoi devons-nous encore nous reporter au Règlement dans le cas de comités qui n'ont pas siégé depuis des années?

(1440)

Nous avons le comité du restaurant du Parlement, par exemple. Pourquoi maintenir ces comités qui n'existent pas en réalité? Ils figurent toujours sur la liste. Que prévoit le Règlement concernant le Comité des langues officielles, par exemple?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, à ce que je sache, il n'y a plus de comité mixte du restaurant du Parlement, ce qui vous réjouira certainement. Encore une fois, nous avons décidé de ne pas nommer des membres aux autres comités mixtes tant que la Chambre des communes ne nous aura pas remis la liste de ses membres. Le Comité de sélection se réunira alors et nous allons déterminer qui représentera le Sénat aux comités mixtes.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je célébrerai, le samedi 10 février, mon 37e anniversaire de vie parlementaire en tant que fédéraliste Canadien français du Québec à Ottawa, 37 ans de services à mon pays!

Dès 1965, à la Chambre des communes, en tant que député et au cours de mes stages à l'Université d'Ottawa et à l'Université de Montréal, je me suis occupé des affaires étrangères. J'ai d'ailleurs déjà défait, à l'Université d'Ottawa, au poste de président des étudiants, celui qui est devenu ministre de la Justice du Québec dans un gouvernement péquiste, M. Bédard. À l'Université de Montréal, j'ai succédé à M. Jean Rochon, président des étudiants de la faculté de droit et où m'a succédé M. Bernard Landry, qui deviendra premier ministre du Québec. Je me suis occupé à l'Université d'Ottawa, dès 1958, à brûler en effigie...

[Traduction]

... le gouverneur de l'Arkansas, Orval Faubus, à cause de sa position anti-Noirs et de ses théories racistes. Février est le Mois de l'histoire des Noirs. Cela relevait des affaires extérieures, et je me suis toujours intéressé depuis aux affaires étrangères.

Je tiens à m'adresser maintenant aux nouveaux sénateurs qui ne connaissent pas les finasseries du Sénat. J'ai eu l'honneur de présider le Comité des affaires extérieures et de la défense nationale de la Chambre des communes. Croyez-vous que cela a été facile? Le comité était formé de 30 députés, de Michael Forrestall à Pat Nowlan, en passant par Flora MacDonald. Pendant plus de dix ans à la Chambre des communes, je n'ai jamais été contesté par qui que ce soit et j'ai pris des initiatives, en me rappelant que lorsqu'on assume la présidence, on sait ce qui unit et ce qui divise.

J'ai été élu — par scrutin secret et non par scrutin public — président du caucus du Québec et cela, envers et contre l'establisment du Parti libéral du Canada. J'ai été élu, par scrutin secret, président du caucus libéral national, l'emportant sur Sheila Copps par 22 voix. Mon élection a été immédiatement contestée par le Congrès juif canadien, l'Association sioniste du Canada et le Comité Canada-Israël. Je pourrais continuer encore et encore, et je vais le faire.

Vous avez jugé bon aujourd'hui de ne pas me nommer au comité où, sachant ce qui divise et ce qui unit, j'aurais pu servir mon pays. En 37 ans de carrière, je n'ai jamais usé de mon pouvoir en tant que président pour faire valoir des opinions. J'avais toute la confiance de Pierre Elliott Trudeau, qui m'avait envoyé aux Nations Unies, en 1974, sous la direction de Saul Rae. En 1975, M. Trudeau m'avait demandé de le représenter en Égypte pour la réouverture du canal de Suez. J'y ai été traité comme si j'avais été M. Trudeau et non en tant que Marcel Prud'homme. Pourtant, vous ne me jugez pas digne de siéger à ce comité.

Madame le leader du gouvernement au Sénat m'a demandé d'indiquer un deuxième et un troisième choix. Je l'informe que je veux me rendre utile. Je me souviens très bien du temps où elle était leader adjoint du gouvernement au Sénat. Lorsqu'on lui a demandé quels étaient les critères, elle a répondu ceci: «Ma foi, je reconnais l'ancienneté; je reconnais le talent; je reconnais l'expérience.»

C'est exactement ce qu'elle a dit. Je suis sûr qu'elle le reconnaîtra. Je sais que certains croient que siéger au Comité des affaires étrangères permet de voyager aux frais de la princesse. Eh bien, moi, non. Je peux voyager à mes frais et je le fais souvent. Lorsque je ne suis pas un délégué à l'UIP — demandez-le au sénateur Finestone -, je paie moi-même mes frais de participation. J'ai cédé ma place au sénateur Finestone pendant deux ans, il y a de cela huit ans.

Si les honorables sénateurs me jugent inapte à siéger au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères, qu'ils ne m'insultent pas — pas vous personnellement, mais le système — en m'offrant un second ou un troisième choix, juste pour vous assurer que je pourrais être utile dans un comité. Je trouve que c'est un affront eu égard à mes deux collègues indépendants — je ne veux pas parler à leur place, mais la situation est telle qu'il n'y a pas beaucoup de personnes qui s'intéressent aux affaires sociales ou aux affaires autochtones. Cela pourrait marquer la fin de notre pays. Voilà où ces deux sénateurs indépendants ont abouti. Il ne devait pas y avoir trop de candidats s'ils ont réussi à entrer si facilement dans ces deux comités.

Je regrette d'avoir à intervenir aujourd'hui. Je vais vous surprendre parce que j'ai eu une longue conversation avec le whip du gouvernement, qui est un de mes très bons amis. Je pourrais m'opposer à la motion qui est présentée, ce qui nous obligerait à siéger demain. Ou alors je pourrais dire que, si le débat n'est pas prolongé, nous siégerons la semaine prochaine — parce que nous ajournerons la semaine prochaine, au cas où vous l'ignoriez. Je pourrais aussi dire: «Et après?»

Pour rendre service à mon ami, le whip du gouvernement, je ne vais pas m'opposer à cette motion très injuste et totalement inacceptable.

Je tiens à signaler le coup de fil que j'ai reçu de l'honorable sénateur Carstairs en Arabie saoudite. Elle m'a demandé mon choix, il est vrai, mais elle le connaissait déjà. Elle savait aussi que je n'avais pas de deuxième ou de troisième choix. Je suis conscient de son dilemme. Elle a indiqué qu'elle ne pouvait caser certains de ses sénateurs. Je lui ai répondu que, pour la première fois de ma vie, je lancerai au Sénat une série de débats spéciaux — parce que le Règlement le permet — sur la politique canadienne au Moyen- Orient. Un petit nombre de collègues croient avoir un droit de veto sur les personnes qui ne partagent pas leur avis. Je trouve cela regrettable. Dans un pays ouvert comme le Canada, chaque opinion doit être entendue. Je n'ai pas préparé de discours, et vous êtes «fichtrement» chanceux que je ne l'aie pas fait.

Des voix: À l'ordre! À l'ordre!

Le sénateur Prud'homme: «Fichtrement» ne signifie rien en français.

[Français]

J'en ai marre de vos hypocrisies. J'en ai marre de ces hypocrisies, de ces gens qui tournent autour du pot depuis 35 ans, en nous accusant de tous les péchés, de souffrir de la lèpre, en passant par tous les autres parce que nous avons des opinions différentes et pourtant, mes opinions sur le Moyen-Orient sont claires. Ce sont celles du gouvernement du Canada, comprenez-vous? J'ai toujours défendu la politique canadienne au Moyen-Orient, ni plus, ni moins.

(1450)

Pourquoi certaines personnes continuent-elles d'entretenir ce venin? Savez-vous ce que veut dire le mot venin? C'est du poison qui détruit les relations humaines de ces nouveaux sénateurs qui se font dire des conneries, des stupidités, des mensonges.

Vous pensez que Marcel Prud'homme, à l'âge de 66 ans, après 37 ans de loyaux services, indéfectible dans son attachement à ce pays qui s'appelle le Canada, va s'incliner devant une bande de canards qui n'osent pas, publiquement, dire les véritables raisons de ce refus d'une personne qui est toujours prête à assister en comité? Même si je ne suis pas membre d'un comité, madame le leader du gouvernement, j'assiste à plus de séances de comités parlementaires, sans être membre d'aucun d'entre eux. J'ai plus de présence depuis sept ans au Sénat à des comités parlementaires sans être membre d'aucun comité. Je n'ai jamais été absent à une réunion de mes comités à la Chambre des communes, où j'ai très bien servi le Parti libéral du Canada.

Quand, madame le leader du gouvernement, il y avait des problèmes dans des comités, qui les whips appelaient-ils? Marcel Prud'homme. J'avais une certaine façon de négocier avec mes amis de tous les partis politiques. Aujourd'hui, on me dit que je ne serai membre d'aucun comité. Cela me déçoit. Madame le leader du gouvernement m'a offert un deuxième, un troisième, puis un quatrième choix, comme un os qu'on lancerait à un chien pour qu'il se taise! Je vous remercie beaucoup, madame. Je comprends vos problèmes. Ce n'est pas facile.

[Traduction]

Il n'est pas facile d'exercer les fonctions de leader. Je comprends les problèmes de la ministre. Elle a dû concilier les désirs de tout le monde et elle n'a pu tenir compte des miens. Je m'incline devant cette décision; je l'accepte. Je ne dirai même pas que je vais me venger. Je ne suis pas ce genre de personne. Je pourrais dire aux honorables sénateurs que je vais me venger et que certaines personnes vont payer pour cela, mais je ne suis pas ce genre de personne. Je ne cherche pas la division. Je cherche à unir les gens et à leur ouvrir les yeux aux réalités du monde.

Je regrette que l'honorable leader n'ait pu me faire une place au Comité des affaires étrangères. Je lui dis: «Gardez-le, votre poste.»

[Français]

Si j'étais vulgaire, je vous dirais exactement ce que vous pourriez en faire, de ce comité. Je pourrais vous dire que je tenterai d'être plus assidu au Comité des affaires étrangères que les membres qui ont été nommés le seront. Je vous jure qu'il est très gênant de se présenter en comité où les favoris du régime se font nommer et n'assistent pas aux séances. Cela est très gênant. Je m'incline. Vous pouvez passer votre résolution.

[Traduction]

Je suis étonné que le leader du gouvernement soit allé trop loin et ait oublié les deux rapports du sénateur Maheu. Avec intelligence, cette dernière a présenté à tout le Sénat deux rapports sur les sénateurs indépendants. Personne ne voulait s'occuper d'eux. Soudain, après des négociations entre les deux partis, sans accepter ces deux rapports ni même en débattre, il fut décidé du jour au lendemain d'offrir une place à deux des six sénateurs indépendants. Deux ont tiré leur révérence, comme c'est leur droit, ce qui n'est pas rien. Deux autres ont fait des choix. Je ne suis pas idiot. L'un d'entre eux est un type extraordinaire. Il était le meilleur membre de mon comité des affaires étrangères. Je ne fais pas preuve d'arrogance lorsque je dis qu'il faisait partie de «mon comité». C'était le cas, et il était loyal.

En ce qui concerne le sénateur Wilson, je n'ai pas à dire aux honorables sénateurs à quel point elle est expressive et bien connue dans le monde. Elle a jugé bon de demander à faire partie du Comité sur les peuples autochtones.

Je répète publiquement que j'ai du regret, et que les honorables sénateurs auront d'autres échos à ce sujet au Québec.

[Français]

Je ne passerai pas pour un homme qui refuse de faire son travail de sénateur. Je peux vous assurer que ce n'est pas la fin du débat. Ce n'est pas parce que je vous permets de prendre congé la semaine prochaine et demain que je vous donne mon appui.

Je trouve bizarre que, parmi les membres nommés au Comité des affaires étrangères, certains soient aussi membres d'autres comités des plus éminents. Ils doivent avoir beaucoup de temps, ces gens!

[Traduction]

C'est très curieux. Ce doit être comme à Rome. On dit que le pape est un petit peu plus égal que certains cardinaux.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la Chambre est- elle prête à se prononcer?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Mercier, appuyé par l'honorable sénateur Mahovlich, propose que le deuxième rapport du Comité sénatorial de sélection soit adopté.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Prud'homme: Avec dissidence, et vous êtes chanceux!

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté avec dissidence.)

[Français]

LES TRAVAUX DU SÉNAT

AUTORISATION AUX COMITÉS SÉNATORIAUX DE SE RÉUNIR PENDANT LES AJOURNEMENTS DU SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)f) du Règlement, je propose:

Que, pour la durée de la présente session, les comités particuliers puissent se réunir pendant les ajournements du Sénat.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée de passer à cette motion maintenant?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je suis curieuse. Je voudrais poser une question. Est-ce une motion d'affaire courante ou s'agit-il d'une nouvelle situation? Le sénateur Robichaud pourrait peut-être nous expliquer.

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, il s'agit d'une procédure courante. Le paragraphe 95(3) du Règlement prévoit que les comités ne peuvent siéger que par ordre du Sénat lorsque le Sénat est ajourné.

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, je ne voudrais pas me répéter. Cependant, je veux revenir à la question des comités mixtes du Sénat et de la Chambre des communes.

Dans le Règlement du Sénat du Canada daté d'octobre 2000, qui est la version la plus récente, on a établi une liste des comités permanents du Sénat et des comités mixtes. Il y a le Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement, ce qui est compréhensible. Il y a le Comité mixte des impressions du Parlement, qui ne s'est pas réuni depuis au moins sept ou huit ans. On devrait le rayer de la liste. En ce qui concerne le Comité mixte du restaurant du Parlement, je suis d'accord avec l'honorable leader, qui affirme qu'il n'est pas actif ou qu'il ne s'est pas réuni depuis quatre ou cinq ans. Pourquoi en fait- on encore mention dans le Règlement? Le Comité mixte d'examen de la réglementation est très important. Je pense que nous devrions le conserver. Le Comité mixte des langues officielles est en suspens. J'ignore où nous en sommes à son sujet.

Honorables sénateurs, je veux m'assurer que notre Règlement régit nos délibérations dans cette enceinte. Si certains comités ne se réunissent probablement jamais, rayons-les de la liste.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le Comité des privilèges, du Règlement et de la procédure examine sans cesse des changements et des anomalies dans le Règlement. Des membres du comité soumettent des amendements à ces dispositions. Je crois comprendre que notre ancien Président a entrepris de faire un grand ménage dans les anomalies qu'on retrouve dans notre Règlement. Je tiens à garantir au sénateur Gauthier qu'on réglera également en temps voulu ces questions qui le préoccupent.

(1500)

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je ne m'intéresse guère au Comité mixte du restaurant du Parlement ou à ces autres comités qui ont été mentionnés, mais si ces comités n'existent plus, comment ces services du Parlement sont-ils administrés? Qui, par exemple, dirige et administre le restaurant et la Bibliothèque du Parlement? Si ces deux comités mixtes des deux Chambres ne supervisent pas le restaurant ou la bibliothèque, qui donc les supervise?

Son Honneur le Président: Le sénateur Carstairs était la dernière personne à intervenir sur ce sujet. Je suppose que la question du sénateur Cools lui est adressée.

Honorables sénateurs, je crois entendre une question de procédure: «Que se passe-t-il exactement?» Nous débattons d'un avis de motion. Nous aurions dû présenter la motion de débat, mais j'ai dû autoriser par erreur un échange avant de la mettre aux voix. Il serait sage de ma part de mettre la motion aux voix. Ensuite, le sénateur Cools pourra débattre de ce sujet ou poser une question si elle le désire.

Honorables sénateurs, le sénateur Robichaud, appuyé par le sénateur Graham, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)f) du Règlement, propose:

Que, pour la durée de la présente session, les comités particuliers puissent se réunir pendant les ajournements du Sénat.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, je demande la permission de revenir aux avis de motion du gouvernement une fois terminé l'examen des interpellations et motion à l'ordre du jour, pour traiter de la motion d'ajournement.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Le sénateur Cools: Non, la permission est refusée. J'avais cru que Son Honneur mettait la motion aux voix pour que nous puissions en débattre. J'avais cru comprendre que le sénateur Robichaud allait nous parler de sa motion, puis que nous allions pouvoir lui poser des questions. Il me semble que c'est ce qu'avait dit Son Honneur, que nous allions débattre de la question.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le sénateur Cools a tout à fait raison. C'est ce qui s'est passé. J'ai posé la question, j'ai demandé si les honorables sénateurs étaient d'accord et j'ai entendu «oui». Nous ne pourrons revenir en arrière que s'il y a consentement unanime. À défaut de consentement unanime relativement à cette motion traditionnelle, il faudrait probablement siéger demain parce qu'aucun avis ne peut être donné. Quoi qu'il en soit, je m'en remets aux honorables sénateurs.

Le sénateur Cools pourrait peut-être demander l'autorisation une fois de plus afin que tout le monde connaisse l'objet précis de sa demande, à savoir revenir à l'article précédent.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, nous sommes dans une situation très étrange et particulière. L'usage veut qu'un avis soit donné. Lorsque l'article est mis en délibération, la motion est présentée et, avant la tenue du vote final, le sénateur qui présente la motion se lève et prend la parole. D'autres sénateurs peuvent prendre part au débat. Je suis convaincue, mais je peux me tromper, que Son Honneur s'est levé et a dit que nous étions allés trop vite et que la motion aurait dû être présentée pour que le débat puisse débuter dans les règles. Je crois que c'était la bonne façon de faire les choses. J'ai alors pensé que le sénateur Robichaud se serait levé et que j'aurais pu lui poser ma question. Je ne tiens pas spécialement à revenir en arrière, mais je voudrais une réponse à ma question.

Ma question se rapporte exactement à la pensée que j'avais formulée précédemment. Le sénateur Gauthier a proposé ou affirmé que ces comités, et il a parlé du Comité de la Bibliothèque du Parlement, du Comité du restaurant du Parlement et de quelques autres, ne sont plus fonctionnels, du moins depuis quelques années. Pourtant, un principe bien connu veut que le Parlement soit administré par les parlementaires. La question au sujet de laquelle je demandais des éclaircissements est la suivante: si le comité mixte de la Bibliothèque du Parlement ne fonctionne pas en tant que comité mixte des deux Chambres, et si le Comité mixte du restaurant du Parlement ne fonctionne pas, qui s'occupe d'administrer les affaires du Parlement pour les sénateurs et les députés? Comment les choses sont-elles faites?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, pour ne pas vous embrouiller davantage sur la façon dont nous menons nos travaux, je précise que nous avons terminé l'étude de la motion du sénateur Robichaud concernant la question des séances de comités pendant les périodes où le Sénat ne siège pas. L'étude de cette question est terminée. J'ai invité le sénateur Cools à faire une demande à tous les sénateurs, et je crois qu'elle l'a faite, de revenir en arrière; autrement dit, d'utiliser notre pouvoir de changer ce que nous avons déjà fait, y compris les règles, afin de revenir à cette question. Cependant, pour cela, il faudrait le consentement unanime.

Y a-t-il consentement unanime, honorables sénateurs?

Le sénateur Lynch-Staunton: Pour quoi faire?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je recommence.

Le sénateur Robichaud a la parole. Il a demandé la permission de revenir à cet article plus tard aujourd'hui. J'ai entendu que la permission était accordée. Le sénateur Cools s'est alors levée et a déclaré qu'elle croyait que nous en étions encore à l'article précédent. Je lui ai fait observer que ce n'était pas le cas et que le seul moyen pour revenir à l'article précédent était que les sénateurs accordent leur consentement unanime à cette fin, sans dissension. J'ai donné la parole au sénateur Cools, pensant qu'elle demanderait le consentement unanime pour que nous puissions revenir à l'article précédent.

La permission est-elle accordée à l'unanimité, honorables sénateurs?

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Je confirme donc ce que j'ai cru comprendre, à savoir que nous sommes saisis de la demande du sénateur Robichaud de revenir à l'article plus tard aujourd'hui.

Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée pour revenir aux avis de motions du gouvernement plus tard aujourd'hui afin de débattre de la motion d'ajournement?

Des voix: D'accord.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LES TRAVAUX PUBLICS

L'ACHÈVEMENT DU CANAL DE DÉRIVATION DU MANITOBA

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Je voudrais, moi aussi, la féliciter pour avoir rendu hommage hier à Duff Roblin. Je m'en suis voulu de ne pas l'avoir fait, en tant que Manitobain, et je tiens à exprimer au leader ma reconnaissance à cet égard.

Je voudrais, à ce sujet, apporter une petite précision. Personne ne se doute que, tandis que la ville de Winnipeg était protégée par le canal de dérivation, les régions rurales au sud de cette ville ne l'étaient pas.

(1510)

Ils craignaient d'être aux prises avec des inondations répétées. Au moment de l'inondation de 1979, Sterling Lyon, alors premier ministre du Manitoba, a survolé la région avec le premier ministre de l'époque, Pierre Elliott Trudeau, pour évaluer les dommages. Sterling Lyon a dit à M. Trudeau que ces dégâts pouvaient être évités. Les deux hommes se sont alors entendus pour construire des chaussées surélevées autour des villes et villages situés au sud du point d'inondation, ce qui a été fait. Dans ma région, une digue circulaire protège quelque 30 propriétés.

J'aimerais revenir à une question que j'ai posée hier en ce qui touche la possibilité d'inondation dans la vallée de la rivière Rouge. Comme on peut le lire dans le rapport final de la Commission mixte internationale, la crainte d'une nouvelle inondation comme celle de 1997 est encore plus forte. En fait, le rapport final de la Commission mixte internationale recommande que nous nous préparions à faire face à une inondation comparable à celle de 1826, dont le niveau était équivalent à 220 000 pieds à la seconde le long de la rivière je crois, par rapport à 169 000 pieds à la seconde comme ce fut le cas en 1997.

Au cours de sa conférence de presse, la Commission mixte internationale a recommandé que les gouvernements fédéral et provincial interviennent le plus rapidement possible en raison de la forte probabilité qu'une inondation semblable à celle de 1997 ou plus importante encore ne se produise.

Quelle est la situation actuelle dans ce dossier? Le canal de dérivation n'a été mis en opération que 18 ans après l'inondation de 1950. Dix-huit ans après 1997 nous emmènerait bien loin.

Je sais qu'il ne sera peut-être pas possible de répondre à cette question aujourd'hui, mais j'aimerais connaître l'état actuel de la situation et savoir s'il est possible que les choses se passent rapidement. Des dates ont-elles été fixées?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je remercie le sénateur de sa question. Certains de nos collègues ont vécu les répercussions de l'inondation de 1997. Les sénateurs Molgat, Stratton et Spivak, qui habitent Winnipeg, ont tous été victimes de cette inondation. L'inondation a touché non seulement les gens vivant à l'extérieur de la ville de Winnipeg, mais également ceux qui sont installés le long de la rivière à l'intérieur de la ville.

Le sénateur Stratton est au courant de la situation actuelle. Le ministre responsable pour le Manitoba, l'honorable Ron Duhamel, s'est engagé à travailler de concert avec le gouvernement provincial dans ce dossier. J'ai moi aussi fait savoir au gouvernement du Manitoba que j'étais disposée à rencontrer n'importe quand des responsables de ce dossier. Bien qu'aucune négociation officielle n'ait commencé, je sens chez tous les intéressés une bonne disposition à trouver une solution plus permanente que celle que nous avons actuellement.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, puis-je déduire de cette réponse qu'aucun calendrier n'a encore été établi à cet égard?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, il n'existe aucun calendrier pour le moment. Comme il s'agit d'un dossier manitobain, nous attendons la réponse du gouvernement du Manitoba.

LA SANTÉ

LE NOUVEAU-BRUNSWICK—LE FINANCEMENT DES SERVICES D'AVORTEMENT

L'honorable Lowell Muray: Honorables sénateurs, je me permets d'en revenir encore une fois aux questions que j'ai posées hier et avant-hier au sujet du financement des services d'avortement au Nouveau-Brunswick. Je remercie le leader du gouvernement au Sénat de l'efficacité avec laquelle elle a obtenu une réponse officieuse du ministère de la Santé à ce sujet. Néanmoins, étant donné la réponse d'hier, à savoir que le ministre de la Santé reconnaît que la réglementation des services d'avortement au Nouveau-Brunswick viole les principes d'accessibilité et d'universalité énoncés dans la Loi canadienne sur la santé, il serait important que nous recevions de la part du ministère une brève déclaration officielle accompagnée de l'analyse qui l'a amené à cette conclusion.

Pourrais-je demander au leader du Sénat de nous obtenir cette déclaration avec son efficacité habituelle?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Je ferai de mon mieux pour obtenir une brève déclaration officielle à son intention.

LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL—LE FUTUR RÔLE DU MINISTÈRE DANS L'ÉTABLISSEMENT DE NORMES

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Il s'agit encore une fois d'une question inspirée par le rapport du vérificateur général, concernant cette fois-ci le chapitre 26 «Santé Canada, Le régime de réglementation des produits biologiques».

Le vérificateur général note que l'évolution rapide du secteur des produits biologiques exige que l'on passe d'un système basé sur la réglementation à un système basé sur des normes. Cependant, honorables sénateurs, le problème avec ce changement, c'est que des tierces parties joueront un rôle plus important que le gouvernement canadien dans l'établissement des normes en matière de santé.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle expliquer comment Santé Canada va pouvoir continuer à jouer un rôle de premier plan en matière de pratiques relatives à l'établissement des normes? Quelles assurances peut-elle nous donner que l'établissement des normes en matière de santé demeurera sous le contrôle du gouvernement fédéral?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Certes, il est absolument essentiel que Santé Canada demeure le décisionnaire ultime dans le dossier du génie génétique et de son incidence sur notre société. Cela ne veut pas dire que Santé Canada doive détenir toute l'information. Cela serait impossible étant donné l'explosion des nouvelles connaissances et des nouvelles technologies dans ce domaine. Il est essentiel que le gouvernement fasse appel aux scientifiques et aux experts du domaine pour obtenir la meilleure information possible. Toutefois, en fin de compte, les normes demeurent la responsabilité de Santé Canada.

Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous donner l'assurance que le gouvernement fédéral conservera le contrôle?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, d'après l'information que l'on m'a donnée, je pense que tel est le cas.

LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL—LE PROGRAMME DE RECRUTEMENT AU BUREAU DES PRODUITS BIOLOGIQUES

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, en novembre 1997, le juge Krever a suggéré plusieurs mesures en vue d'améliorer le régime d'approvisionnement en sang du Canada et d'indemniser les victimes de l'hépatite C, mesures dont le gouvernement fédéral n'a pas tenu compte. L'une des recommandations était que le Bureau des produits biologiques reçoive davantage de fonds et de personnel afin de renforcer le programme de surveillance de la sécurité du sang.

Jusqu'en août 2000, le gouvernement n'avait doté que 34 des 94 postes vacants dans ce programme. Autre faille du gouvernement rapportée par le vérificateur général: le ministère n'examine pas les rapports de réactions indésirables transmis par l'industrie dans d'autres pays. Il les conserve dans des boîtes.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle confirmer si le gouvernement fédéral conserve dans des boîtes les rapports provenant d'autres pays? Et deuxièmement, peut-elle énumérer toutes les mesures proactives que le gouvernement a prises pour doter tous les postes de professionnels vacants dans le système d'approvisionnement en sang?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, en ce qui concerne la première question qui est de savoir si les rapports des autres pays sont conservés dans des boîtes, je vais devoir en reparler au sénateur car je n'ai aucun renseignement à ce sujet.

Pour ce qui est du nombre de postes qui ont été comblés, la Commission de la fonction publique collabore avec le Conseil du Trésor à l'élaboration d'un plan d'action en matière de recrutement. Je crois que ce plan d'action servirait également à combler des postes à Santé Canada.

Plusieurs initiatives vont être prises pour améliorer le programme de recrutement de la fonction publique, et on prévoit que le programme de recrutement postsecondaire sera entièrement remanié d'ici l'automne 2001. Par conséquent, nous sommes aujourd'hui mieux préparés que nous ne l'avons été dans le passé.

(1520)

LES TRANSPORTS

AIR CANADA—LE SONDAGE POUR DÉTERMINER LE NIVEAU DES SERVICES BILINGUES

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs j'ai une question à poser à madame le leader du gouvernement au Sénat.

Selon plusieurs rapports de presse, la société Air Canada a décidé de réduire l'usage des deux langues officielles ou d'interroger les voyageurs sur la nécessité d'utiliser les deux langues officielles dans les activités de la société aérienne. Je cite un extrait du numéro du Globe and Mail d'hier:

M. Dennis Erickson, directeur des communications avec les entreprises pour Air Canada Régional, a déclaré hier, dans une entrevue, que les lignes aériennes cherchent à déterminer le niveau de services bilingues que désirent les clients.

Il explique ensuite qu'il existe de nouvelles règles.

[Français]

Dans La Presse d'aujourd'hui, on mentionne que:

Des députés libéraux craignent qu'Air Canada ne néglige le bilinguisme [...]

Cela devient une question importante. On dit dans un journal de l'Ouest, Le Courrier du lecteur, qu'il n'y a pas de demandes suffisantes pour justifier l'affichage bilingue aux aéroports de Regina et de Saskatoon.

Le leader du gouvernement pourrait-elle demander au gouvernement, au ministre des Transports et au ministre du Patrimoine canadien s'il y a eu une politique arrêtée par le gouvernement concernant les langues officielles? Air Canada a-t- elle été relevée des obligations de l'article 10 de la Loi sur les langues officielles qui la soumet à cette loi?

Il n'y pas de raison de tenir un sondage pour savoir si l'on va continuer ou non à appliquer la Loi sur les langues officielles. C'est la loi.

Des voix: C'est très bien!

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Le sénateur a posé une question très sérieuse. Tout comme lui, j'ai été quelque peu stupéfaite d'apprendre que la société Air Canada menait un tel sondage auprès de ses clients pour déterminer si la demande était suffisante, selon eux, pour justifier d'offrir des services en français.

Je ne me suis pas entretenue avec le ministre des Transports à ce sujet, mais je vais le faire. Je ferai rapport au Sénat aussi rapidement que possible.

L'AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

LES EFFORTS DE RECRUTEMENT POUR ACCROÎTRE LES EFFECTIFS

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, ceux d'entre nous qui ont assisté aux audiences du Comité de l'agriculture chargé d'étudier la STbr n'ont pas été étonnés d'entendre les critiques désastreuses contre l'Agence canadienne d'inspection des aliments et la Direction générale de la protection de la santé. Les critiques comprennent un sous-financement, des pénuries de personnel, un manque de connaissances spécialisées dans les organismes de réglementation, et l'application de normes de sécurité établies par l'industrie elle-même ou par de tierces parties. J'ai découvert qu'il existait dans le ministère un comité où siégeaient des représentants de l'industrie, dans lequel ils rédigeaient les procès-verbaux et dans lequel ils établissaient la politique. C'était étonnant.

L'Agence ne concentre pas ses inspections sur les aliments venant de régions où il y a de graves problèmes de santé, les importations du tiers monde. Elle ne possède pas assez de données sur le nombre de cas d'intoxication alimentaire, à cause du partage des compétences entres les autorités de santé provinciales et municipales. Elle ne contrôle pas bien le taux de prévalence des agents pathogènes. En surveillant la production des produits sanguins et des vaccins, Santé Canada observe des règlements désuets qui ne tiennent plus compte des progrès scientifiques.

L'Agence canadienne d'inspection des aliments a un programme de surveillance que certains appellent «café et prière». Ce programme ne suppose que des vérifications au hasard. Le personnel a été réduit. En fait, il n'y a tout simplement aucun être humain.

Ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement. Je doute qu'elle ait tous les renseignements lui permettant de me donner des réponses aujourd'hui. L'Agence canadienne d'inspection des aliments prévoit-elle augmenter son personnel? Je fais allusion au personnel chargé de la réglementation sur place. L'Agence compte-t-elle éliminer la méthode «café et prière» et multiplier les inspections de boeuf, entre autres? Je sais que ce dossier préoccupe beaucoup les producteurs de boeuf canadiens qui, en tant qu'industrie, voudraient que les inspections soient très rigoureuses.

Prévoit-on une restructuration radicale pour donner à l'Agence canadienne d'inspection des aliments les ressources appropriées dont elle a besoin pour éviter tout conflit d'intérêts au sein de l'Agence qui encourage la consommation du produit et le réglemente? C'est une problème structurel.

Voilà mes questions. Je ne m'attends pas à recevoir des réponses aujourd'hui.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je remercie l'honorable sénateur pour ses questions et je pense que j'ai partiellement la réponse.

Le vérificateur général reconnaît dans son rapport qu'il n'a pas vérifié les ressources. Par conséquent, il ne dit pas si les programmes de l'ACIA disposent de ressources excessives ou insuffisantes.

L'ACIA soulève des inquiétudes depuis quelque temps, comme l'honorable sénateur l'a fait remarquer. Avec la collaboration du Secrétariat du Conseil du Trésor, l'ACIA a entrepris un examen de ses ressources. Cet examen portera sur toute les activités de l'ACIA et permettra de déterminer si les ressources sont appropriées. Si ce n'est pas le cas, des ressources seront allouées.

Le sénateur Spivak: Le leader conviendra que le rapport du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, applaudi à travers le pays, renfermait d'excellentes questions et recommandations. Nous pourrions peut-être revoir certaines de ces recommandations, fruit d'une longue période d'étude, et les transmettre à ceux qui procèdent à l'examen.

Le sénateur Carstairs: Je remercie le sénateur de son excellente suggestion. En fait, je demanderai à mon personnel de revoir tous les récents rapports des comités sénatoriaux, comme celui dont parle le sénateur, mais aussi d'autres rapports du Comité des banques et du commerce et de celui des finances nationales, pour veiller à ce que le gouvernement soit informé du travail remarquable de cette Chambre.

LE VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

LES PRINCIPES DE LA RESPONSABILITÉ FIDUCIAIRE DANS LA GESTION DES FONDS PUBLICS—LA POLITIQUE DU GOUVERNEMENT

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

La ministre pourrait-elle dire à notre Chambre si oui ou non son gouvernement approuve les quatre principes décrits par le vérificateur général dans son récent rapport, lesquels, d'après lui, devraient régir les obligations fiduciaires du gouvernement envers les Canadiens en matière de gestion des fonds publics?

Je vais ajouter une note à ma question. À la page 10 du volume intitulé «Questions d'une importance particulière — Avant-propos et Points saillants», le vérificateur décrit ce qu'il considère comme les quatre principes fondamentaux.

Je crois que tous les sénateurs aimeraient savoir si le gouvernement est d'accord avec ces quatre principes qui devraient régir la responsabilité fiduciaire par rapport à l'argent des contribuables.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je remercie le sénateur de sa question. Il n'est pas superflu de répéter pour tous les sénateurs en cette Chambre les quatre principes que décrit le vérificateur général. Il a dit très clairement que toutes les dépenses gouvernementales devraient recevoir la sanction du Parlement; que les dépenses gouvernementales devraient être gérées avec probité et efficience; que la valeur des dépenses publiques devrait être mesurée en fonction des résultats obtenus et que les programmes gouvernementaux de dépenses devraient toujours avoir leur raison d'être.

Le gouvernement du Canada souscrit pleinement à ces principes. Nous nous sommes réjouis lorsque le vérificateur général a précisé que, sans être totalement satisfait — je n'ai jamais connu de vérificateur n'importe où au Canada qui ait été entièrement satisfait de la gestion d'un gouvernement, quel qu'il soit -, des progrès réels ont été accomplis dans les années 90.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, ma question complémentaire concerne les processus que nous avons institués dans le cadre de notre système de gestion pour l'application de ces principes auxquels souscrit le gouvernement, comme vient de le dire le ministre. Il s'agit, bien sûr, du rôle des deux Chambres du Parlement.

(1530)

Le gouvernement facilitera-t-il la tâche des comités permanents chargés d'examiner les dépenses en fonction des quatre principes au cours de la 37e législature, qui vient de s'amorcer?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je vais certainement lui demander de le faire.

LA CHAMBRE DES COMMUNES

LES RÉSULTATS DES ÉLECTIONS FÉDÉRALES—LEURS EFFETS SUR LE NOMBRE DE DÉPUTÉS DE SEXE FÉMININ ET DE DÉPUTÉS APPARTENANT AUX MINORITÉS VISIBLES

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai une question à poser sur un sujet différent, qui intéressera sûrement nombre de sénateurs. Elle concerne la composition du Parlement par suite des élections tenues le 27 novembre 2000. On a noté une baisse marquée du nombre de députées à l'autre endroit, et le nombre de députés appartenant aux minorités visibles n'a pas changé du tout.

Nous reconnaissons que l'électorat a son mot à dire à cet égard et que les processus de sélection des candidats politiques des divers partis politiques influent sur ces résultats. Au Sénat, toutefois, le processus de sélection est légèrement différent et le premier ministre peut, en vertu de la Constitution, faire des recommandations au gouverneur général pour la nomination de Canadiens au Sénat. La ministre fera-t-elle valoir au premier ministre le fait que les dernières élections se sont traduites par une diminution du nombre de parlementaires de sexe féminin et le maintien au même niveau du nombre de membres des minorités visibles au sein des parlementaires?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, notre assemblée reflète mieux la composition de la société, si on veut, que l'autre endroit. Je me souviens de l'époque où le sénateur Bacon et moi avons prêté serment. Sauf erreur, nous étions les 14e et 15e femmes nommées au Sénat à cette époque. Je crois que 33 femmes siègent maintenant au Sénat. À mes yeux, c'est là un progrès considérable pour les femmes.

De plus, un certain nombre de représentants des minorités visibles ont été nommés au Sénat.

L'honorable sénateur affirme dans sa question — et il a tout à fait raison, hélas — que les Communes n'ont pas connu un progrès semblable. Certes, je félicite le gouvernement d'avoir fait élire ou réélire tant de députés. Les retraites ont été rares, et les députés en place ont clairement été jugés comme de bons représentants dans leur circonscription et ils ont été reconduits dans leur mandat. Il n'y avait donc pas beaucoup d'ouvertures pour de nouveaux candidats. Il y a pourtant eu de nouveaux candidats, et certains étaient des femmes.

Au Manitoba, l'honorable Lloyd Axworthy, député vénérable, a été remplacé aux Communes par une femme, Anita Neville. C'est certainement un progrès pour les femmes, à mon sens.

Je vais néanmoins transmettre au premier ministre le message selon lequel les honorables sénateurs souhaitent qu'il y ait dans les deux Chambres plus de femmes, plus de membres des minorités visibles et plus de représentants des premières nations.


[Français]

ORDRE DU JOUR

LA LOI CANADIENNE SUR LES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
LA LOI CANADIENNE SUR LES COOPÉRATIVES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Céline Hervieux-Payette propose: Que le projet de loi S-11, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi canadienne sur les coopératives ainsi que d'autres lois en conséquence, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureuse d'avoir l'occasion de parler du projet de loi portant sur la modification de la Loi canadienne sur les sociétés par actions et de la Loi canadienne sur les coopératives et d'autres lois en conséquence.

Comme vous le savez, il s'agit d'un projet de loi qui est réintroduit aujourd'hui et dont la version précédente, appelée projet de loi S-19, est morte au Feuilleton.

L'interruption de l'étude du projet de loi par le Sénat a cependant permis au gouvernement d'examiner d'encore plus près les points qui avaient été mis en lumière pendant les travaux du comité. Je suis très heureuse de dire que le projet de loi, réintroduit sous le nom de projet de loi S-11, prend en compte de précieuses idées formulées par des témoins et améliorent ce qui était déjà un texte législatif impressionnant.

La majorité des modifications du projet de loi S-11 sont de nature technique et clarifient surtout des termes et favorisent l'uniformité dans le libellé même du texte avec d'autres lois telles que la Loi canadienne sur les coopératives. Outre ces changements, il y a deux nouvelles mesures destinées à renforcer les droits des actionnaires. Autrement, toutes les dispositions de fond sont identiques à celles du projet de loi S-19.

Les membres du Comité des banques et du commerce ont trouvé particulièrement constructifs et utiles les propos et les conseils des 35 témoins entendus entre avril et la fin de juin de l'année 2000.

J'ajouterai que les témoins se sont tous prononcés en faveur du projet de loi. Pour nous, ce consensus confirme que le projet de loi traduit fidèlement les opinions, les recommandations et les voeux exprimés pendant les consultations que le comité et le ministère de l'Industrie ont tenues au cours des dernières années.

Je remercie donc encore une fois tous les intervenants qui nous ont appuyés au cours des années. J'évoque en particulier la diligence des groupes ayant comparu devant le comité, et je mentionne, entre autres, la Coalition pour la réforme de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, l'Association du Barreau canadien, le Comité inter-Églises sur la responsabilité des corporations, Démocratie en surveillance et la Canadian Co-operative Association.

L'objet de la Loi canadienne sur les sociétés par actions est facile à comprendre. Elle garantit la mise sur pied d'un cadre de responsabilisation appropriée, en définissant les droits et les responsabilités des directeurs, des administrateurs et des actionnaires.

L'objet de la loi est simple, et les raisons justifiant la modification de celle-ci sont aussi claires: les temps ont changé. La loi actuelle, un texte législatif solide, est la même depuis 26 ans. La nécessité de passer à l'action est donc évidente.

Je soupçonne que même les personnes ne s'intéressant pas aux affaires ou au commerce savent que les transactions commerciales ne se font plus de la même façon aujourd'hui qu'autrefois, que les marchés sont désormais mondiaux et que les alliances et les partenariats entre entreprises sont créés et dissous à un rythme que personne n'avait jamais imaginé ou cru possible.

Les transactions ont lieu et les marchés sont échangés à la vitesse d'Internet. En raison de cela, de l'ALENA et de la mondialisation, et parce que le Canada appartient au G-8 et le domine quant à la création d'emplois, il faut moderniser les règles énoncées dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions, afin de procurer aux entreprises canadiennes des lignes directrices claires et significatives en fonction desquelle elles exploiteront les débouchés sur les marchés d'aujourd'hui.

Les modifications proposées dans le projet de loi S-11 amélioreront et moderniseront la loi sur quatre plans importants: le projet de loi accroît le droit des actionnaires de communiquer entre eux et encourage leur participation au processus décisionnel de la société; le projet de loi contribuera à répondre aux besoins des entreprises canadiennes cherchant à rayonner sur le marché mondial, tout en incitant les meilleures sociétés du monde à établir au Canada un siège d'où mener leurs opérations internationales. Cette dimension du projet de loi améliorera la compétitivité du Canada dans le monde; en outre, le projet de loi clarifiera les responsabilités des directeurs, des administrateurs et des actionnaires; enfin, il éliminera le chevauchement avec différentes lois et avec les provinces, et réduira les coûts.

(1540)

Il n'est pas nécessaire que j'examine en détail les dispositions fondamentales du projet de loi concernant cet aspect. Les honorables sénateurs auront avantage à consulter les Débats du Sénat pour y lire les explications que nous avons déjà fournies là- dessus à l'étape de la deuxième lecture, le 28 mars 2000.

J'aimerais plutôt utiliser le temps dont je dispose pour expliquer deux des ajouts les plus déterminants faisant maintenant partie intégrante du projet de loi S-11.

Plusieurs témoins, y compris ceux du Comité inter-Églises sur les responsabilités des corporations et ceux de Démocratie en surveillance, estimaient que la réforme opérée par le projet de loi S-19, au sujet des mécanismes de présentation de propositions par les actionnaires n'allait pas assez loin sur deux plans.

Le projet de loi S-19 autorisait la société à rejeter une proposition dont l'objet principal était de servir des fins générales d'ordre économique, politique, racial, religieux, social ou analogue, sauf si son auteur établissait qu'elle était liée de façon importante aux activités commerciales ou aux affaires internes de la société.

Les intervenants contestaient le fait que les sociétés demeuraient capables de rejeter une proposition soumise essentiellement pour promouvoir des causes générales d'ordre économique, politique, racial, religieux ou analogue.

Ils ont souligné que le projet de loi donnait encore aux sociétés trop de latitude pour refuser de diffuser une proposition, dans la mesure où elle semblait se rapporter à une cause de ce genre.

En outre, les intervenants s'inquiétaient du fait que le projet de loi imputait à l'auteur de la proposition le soin de prouver qu'elle était liée d'une façon importante aux activités commerciales ou aux affaires internes de la société.

Dans le nouveau projet de loi, les causes générales de rejet ont été éliminées. Désormais, une société ne peut rejeter une proposition que si celle-ci ne se rapporte pas d'une façon importante à des activités commerciales ou à ses affaires internes.

Qui plus est, il incombe maintenant à la société d'expliquer les motifs de son rejet et non à l'auteur de la proposition de la justifier. Il appartiendrait encore aux actionnaires de déposer une motion devant le tribunal si la société rejetait leur proposition; toutefois, il incomberait à la société de justifier sa décision. Il n'y a pas à douter que les droits des actionnaires s'en trouvent renforcés.

Une seconde modification contenue dans le projet de loi S-11 accroîtra le recours aux communications électroniques dans les coopératives. Les dispositions autorisant l'utilisation des communications électroniques par les coopératives refléteront celles qui s'appliquent à cet égard aux sociétés assujetties à la Loi canadienne sur les sociétés par actions. L'objectif est ici de mettre les coopératives et les sociétés par actions sur un pied d'égalité.

En vertu des nouvelles dispositions, un régime détaillé est prévu, grâce auquel les coopératives peuvent employer la voie électronique pour communiquer avec leurs membres et les actionnaires; les membres et les actionnaires pourront voter aux assemblées annuelles par la voie électronique; les réunions pourront se tenir entièrement grâce à des moyens électroniques.

Les honorables sénateurs reconnaîtront que des dispositions telles que celles-là concrétisent l'engagement que le gouvernement du Canada a pris dans le livre rouge, soit celui de faire de notre pays un pays ingénieux, en branchant les Canadiens et les Canadiennes les uns aux autres et au reste du monde, de faciliter l'accès à Internet, de révolutionner la façon dont les personnes communiquent entre elles, échangent des renseignements et font des affaires.

Honorables sénateurs, dans son livre rouge et dans la déclaration financière de l'automne dernier, le gouvernement du Canada s'est clairement engagé à encourager l'entrepreneuriat et la prise de risques, en réduisant le taux minimum d'imposition des sociétés et les taux d'inclusion des gains en capital. Il s'est engagé à créer une société et un climat des affaires où les personnes instruites et spécialisées voudront vivre et travailler et où les entrepreneurs croiront que nous avons le pays idéal pour faire des affaires.

Les mesures prévues dans le projet de loi S-11 font partie de cette démarche axée sur le progrès et tournée vers l'avenir grâce à laquelle le Canada bénéficiera d'une régie d'entreprise avant-gardiste.

La nouvelle loi procurera aux sociétés de régime fédéral et aux coopératives la souplesse et l'efficacité nécessaires pour créer des richesses au profit de leurs actionnaires et de toute la population canadienne, car elles seront dès lors mieux placées pour accroître leurs échanges internationaux, créer des emplois et renforcer des centaines de collectivités, petites et grandes, dans tout le Canada.

J'exhorte donc tous les honorables sénateurs à appuyer le projet de loi S-11.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné.)

LE COMITÉ DE SÉLECTION

ADOPTION DU PREMIER RAPPORT

Le Sénat passe à l'étude du premier rapport du Comité de sélection (Président à titre temporaire), présenté au Sénat le 7 février 2001.

L'honorable Léonce Mercier: Honorables sénateurs, je propose l'adoption de ce rapport.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il d'adopter la motion, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Traduction]

PROJET DE LOI VISANT À PRÉSERVER LES PRINCIPES QUI DÉFINISSENT LE RÔLE DU SÉNAT TEL QU'IL A ÉTÉ ÉTABLI PAR LA CONSTITUTION DU CANADA

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Joyal, c.p., appuyé par l'honorable sénateur Corbin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-8, Loi visant à préserver les principes qui définissent le rôle du Sénat tel qu'il a été établi par la Constitution du Canada.-(L'honorable sénateur Grafstein).

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, permettez-moi d'abord de féliciter notre collègue assidu, le sénateur Joyal, de l'initiative qu'il a prise en proposant ce projet de loi omnibus qui vise essentiellement à redresser la situation et à faire en sorte que, sur le plan législatif, le Sénat ne soit pas exclu, notamment lorsqu'il s'agit d'exercer une «surveillance» en recevant et en examinant les rapports du gouvernement. Sans cette mesure réparatrice, le Sénat serait privé d'une attribution, d'une fonction parlementaire essentielle, celle de faire contrepoids, de surveiller le gouvernement.

À titre de sénateurs, à titre de parlementaires, nous avons comme devoir premier de non seulement modifier ou adopter des lois, mais aussi de maintenir et de garantir la primauté du droit. L'ordre constitutionnel dans notre pays est un élément fondamental autour duquel s'articule le principe de la primauté du droit. Un aspect inhérent à la primauté du droit, c'est la nature tripartite du gouvernement, la Couronne et le Parlement, constitué de deux Chambres dotées d'un pouvoir législatif égal, sauf en ce qui concerne les projets de loi de finances, les motions de confiance et les restrictions d'ordre constitutionnel qui sont l'apanage de la Chambre basse. Dans tous les autres cas, le Sénat jouit de pouvoirs équivalents à ceux de la Chambre des communes, aux termes de la Constitution.

Honorables sénateurs, permettez-moi de parler brièvement d'une affaire que vous connaissez bien. Il s'agit d'une affaire à propos de laquelle la Cour suprême s'est prononcée en 1980 et qui s'intitule: «Dans l'affaire des questions soumises par le gouverneur en conseil sur la compétence législative du Parlement du Canada relativement à la Chambre haute [...]». C'est là une décision que la Cour suprême a rendue relativement à une affaire dont elle a été saisie en mars 1979 et dont il a été fait rapport dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême de 1980. Tous les juges de la Cour suprême étaient présents. Il s'agissait alors du juge en chef Laskin, des juges Martland, Ritchie, Pigeon, Dickson, Estey, Pratte et McIntyre. Ils ont rendu à l'unanimité la décision dont je vais parler.

Dans son arrêt, la Cour suprême posait un certain nombre de questions. La première est celle qui nous intéresse ici. On peut lire dans la décision:

Le gouverneur général en conseil a soumis à la Cour suprême, en vertu de l'article 55 de la Loi sur la Cour suprême, les deux questions suivantes:

Voici la première de ces questions:

1. Ressort-il de la compétence législative du Parlement du Canada d'abroger les articles 21 à 36 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, tel que modifié et de modifier les autres articles de cette loi dans lesquels il est fait mention de la Chambre haute ou du Sénat, de manière à supprimer toute référence à la Chambre haute ou au Sénat? Dans la négative, à quel égard ou à quels égards et dans quelle mesure?

(1550)

Les honorables sénateurs se rappellent sûrement que cette cause portait essentiellement sur la tentative de la Chambre des communes de modifier unilatéralement les pouvoirs du Sénat. La question a été renvoyée à la Cour suprême. Elle est pertinente à l'étude de la mesure législative dont nous sommes saisis, car on se demande par quel pouvoir la Chambre peut modifier unilatéralement les caractéristiques fondamentales du Sénat sans passer par une modification constitutionnelle. Je ne lirai pas tout l'arrêt de la Cour suprême, mais je tiens à rappeler aux honorables sénateurs certaines affirmations qui y figurent. À la page 66, la Cour précise:

Le Sénat a un rôle vital en tant qu'institution faisant partie du système fédéral créé par l'Acte.

Un peu plus loin, elle ajoute:

En vertu de la constitution du Royaume-Uni, dont il est fait mention dans le premier considérant, le pouvoir législatif était, et il l'est encore, exercé par la Reine, de l'avis et du consentement de la Chambre des lords et de la Chambre des communes. La Chambre haute n'était pas, alors comme aujourd'hui, un organisme électif, la Chambre basse l'était et le demeure.

L'arrêt poursuit:

Il convient, croyons-nous, d'examiner la situation historique qui a suscité les dispositions de l'Acte pour l'institution du Sénat comme partie du système législatif fédéral.

Puis, les juges citent un extrait des débats sur la Confédération. Tout d'abord, sir John A. Macdonald a dit ceci:

Afin de protéger les intérêts locaux de chaque province, nous avons jugé nécessaire de donner aux trois grandes divisions de l'Amérique Britannique du Nord une représentation égale dans la Chambre haute [...]

Vous vous souviendrez, honorables sénateurs, que ces trois divisions étaient l'Ontario, le Québec et les Maritimes. Plus tard, à mesure que l'on a élargi la Constitution, elle en est venue à inclure d'autres divisions dans l'Ouest, mais les arguments concernent essentiellement l'égalité des divisions, ce que nous avons encore aujourd'hui.

Sir John A. Macdonald a ensuite dit ceci:

[...] car chacune de ces divisions aura des intérêts différents. À la Chambre haute sera confié le soin de protéger les intérêts de section; il en résulte que les trois grandes divisions seront également représentées pour défendre leurs propres intérêts contre toutes combinaisons de majorités dans l'Assemblée.

La Cour suprême a ensuite cité brièvement l'honorable George Brown:

Or, l'essence de notre convention est que l'union sera fédérale et nullement législative. Nos amis du Bas-Canada ne nous ont concédé la représentation d'après la population qu'à la condition expresse qu'ils auraient l'égalité dans le conseil législatif. Ce sont là les seuls termes possibles d'arrangement et, pour ma part, je les ai acceptés de bonne volonté. Du moment que l'on conserve les limites actuelles des provinces et que l'on donne à des corps locaux l'administration des affaires locales, on reconnaît jusqu'à un certain point une diversité d'intérêts et la raison pour les provinces moins populeuses de demander la protection de leurs intérêts par l'égalité de représentation dans la Chambre haute.

La Cour dit ensuite ceci:

Un but primordial de l'institution du Sénat, en tant que partie du système législatif fédéral, était donc d'assurer la protection des divers intérêts régionaux au Canada quant à l'adoption de la législation fédérale.

Plus loin dans ce jugement, à la page 68, le tribunal déclare ceci:

La création d'un système fédéral au Canada entraînait la nécessité d'effectuer un partage des pouvoirs législatifs. Ce partage est fait par les dispositions des art. 91 et 92 de l'Acte.

Le tribunal cite l'article 91, puis ajoute ceci:

Le pouvoir d'édicter des lois fédérales a été donné à la Reine, de l'avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des communes. Ainsi, on a voulu que l'organisme créé pour protéger les intérêts des régions et des provinces participe à ce processus législatif.

Je recommande à tous les sénateurs de lire ce jugement par lequel la Cour suprême du Canada a réaffirmé, en 1980, le partenariat plein et entier du Sénat dans tous les aspects législatifs autres que les trois exceptions mentionnées plus tôt.

Honorables sénateurs, je ne vais pas reprendre textuellement les principaux arguments qui figurent dans le jugement, mais les juges font valoir encore et encore le même point, à savoir que le Sénat est un copartenaire égal au sein du Parlement. Si ce partenariat égal n'est pas respecté, cela soulève manifestement la question de la légitimité des lois adoptées qui écartent le Sénat. En effet, ce jugement dit clairement que, même si le Sénat décidait lui-même de réduire ses pouvoirs, il ne le pourrait pas. Nous n'avons pas le pouvoir de réduire nos pouvoirs, sauf au moyen d'une modification constitutionnelle.

La Cour suprême du Canada a été catégorique en ce qui concerne le rôle du Sénat aux plans juridique et constitutionnel. À mon sens, compte tenu de ce qu'a soutenu la Cour suprême du Canada dans cet arrêt, le Parlement, même s'il le voulait, ne pourrait pas, sans modifier la Constitution, légiférer de manière à déroger aux pouvoirs du Sénat.

Honorables sénateurs, en adoptant le projet de loi omnibus, nous éliminons le danger évident que différentes lois soient déclarées anticonstitutionnelles. Ce danger évident pourrait se traduire par la contestation devant les tribunaux de différentes lois qui, nous l'espérons, sont corrigées par le projet de loi omnibus. Ce projet de loi assez simple est un correctif précis qui vise à éliminer des doutes et des questions au sujet de la validité de diverses lois importantes. J'appuie donc le projet de loi. Faire autrement laisserait planer de sérieux doutes sur la constitutionnalité des lois qu'il vise et porterait inutilement atteinte à l'ordre constitutionnel et à la règle de droit.

Un dernier mot au sujet de la règle de surveillance. Les mesures contenues dans le projet de loi visent essentiellement à redonner au Sénat, dans toutes les lois mentionnées, son rôle égal de surveillance. Le devoir de surveillance au Parlement est très bien établi. Il s'agit d'un système d'équilibrage du pouvoir du gouvernement par la Chambre des communes et par le Sénat. Cela renvoie directement à la question de la séparation des pouvoirs entre les deux Chambres du Parlement, entre l'exécutif et le gouvernement. Réduire ce pouvoir de surveillance, c'est diluer l'équilibre délicat de poids et de contrepoids qui existe dans notre système de gouvernement responsable, tel que le concevait la Confédération dans notre constitution.

Honorables sénateurs, je recommande l'adoption rapide de ce projet de loi omnibus. Je propose que le projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

LA LOI SUR LE PARLEMENT DU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Callbeck, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (poète officiel du Parlement).- (L'honorable sénateur Kinsella).

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'interviens dans le débat sur le projet de loi S-10, sur le poète officiel du Parlement.

Le 14 décembre 1999, nous avons eu une occasion semblable d'intervenir pour appuyer le principe sur lequel repose le projet de loi S-5 qui, comme le savent les honorables sénateurs, est le même projet de loi revenu devant le Sénat sous le numéro S-10, à l'occasion de cette 37e législature. Au même titre que l'on a doublé le numéro accolé à la proposition de créer un poste de poète officiel du Parlement, je suis deux fois plus convaincu de la sagesse de l'initiative prévue dans le projet de loi S-10 que je l'étais lorsque je me suis prononcé en faveur du projet de loi S-5.

Au départ, j'entretenais des préoccupations au sujet de l'appellation «poète officiel.» Cette expression me semblait comporter à première vue des relents de colonialisme, mais elle correspond à une description exacte du poste du membre du personnel de la Bibliothèque du Parlement dont il est question dans le projet de loi.

Honorables sénateurs, permettez-moi d'évoquer quelques éléments qui pourraient orienter la création du poste de poète officiel du Parlement du Canada.

Premièrement, le poète officiel doit dans ses écrits refléter la dualité linguistique ainsi que toute la diversité ethnoculturelle du Canada.

(1600)

Lorsqu'on s'arrête au paragraphe 5b) du projet de loi, concernant le parrainage de séances de lecture de poésie partout au Canada, on peut trouver des idées instructives dans les travaux de Robert Pinsky, un poète officiel ou, comme on le qualifie de façon plus exacte, un poète officiel conseiller en poésie auprès de la Bibliothèque du Congrès. Le projet de poésie favori de Pinsky correspondait à une activité visant à souligner le millénaire, activité dans le cadre de laquelle 2 000 Américains de chaque État, à l'accent régional, à l'âge, au niveau d'éducation, à la profession et à l'origine ethnique variés réciteraient leurs poèmes aux fins d'archives audiovisuelles.

Deuxièmement, honorables sénateurs, je constate que Rita Dove, professeure d'anglais à l'Université de Virginie à Charlottesville, a été la première Américaine noire à occuper le poste de poète officiel des États-Unis. Elle a exercé ses fonctions de 1993 à 1995. Mme Dove a intégré un programme de poésie et de jazz à la série littéraire de la Bibliothèque du Congrès ainsi qu'une séance de lecture par de jeunes poètes Crow et une conférence de deux jours intitulée «Oil on the Waters: The Black Diaspora.»

Ce que je veux souligner, honorables sénateurs, c'est que le poète officiel du Parlement doit développer le travail de ce poste afin d'englober l'ensemble de la littérature canadienne et de la vie canadienne, une vie marquée par la grande diversité de nos collectivités ethnoculturelles et la réalité de notre dualité linguistique.

Troisièmement, je crois que les conseils de Robert Hass sur l'évolution du poste de poète officiel du Canada devraient être insérés dans notre compte rendu. M. Hass a également été poète officiel à Washington. Vous vous demandez peut-être pourquoi je me concentre sur le poste de poète officiel à la Bibliothèque du Congrès. C'est parce que lorsque j'ai parlé de cette question au moment de l'étude du projet de loi S-5, je me suis concentré sur le poète officiel du Royaume-Uni. Nous pouvons apprendre de ces deux postes. On peut espérer que le titulaire du poste au Canada apprendra de l'expérience de ces deux traditions.

Nous avons été en mesure d'interroger M. Hass. Je voudrais vous faire part de certaines de ses observations. Il nous a dit que l'une des obligations de base qu'il croyait rattachée au poste de poète officiel aux États-Unis était de donner des conférences et de faire des lectures à la Bibliothèque du Congrès durant son mandat et de mettre sur pied un programme d'alphabétisation pour la bibliothèque et pour la collectivité de Washington. Il a déclaré:

[...] lorsque vous devenez le poète officiel, vous devenez la personne par laquelle la présence publique de la poésie se manifeste et ainsi, vous devez être disponible pour beaucoup d'entrevues à la radio et dans les médias [...]

... cependant...

[...] si un poète choisit d'accepter l'honneur et de poursuivre normalement ses activités, rien ne l'en empêche. Par contre, si vous souhaitez vous lancer dans le type d'activités propres à accroître la présence de la poésie sur la scène publique, vous pouvez également le faire.

C'est ce rôle de promotion que M. Hass a souligné et on peut espérer que notre poète officiel y verra là un exemple.

Depuis l'époque de Robert Penn Warren, qui était en 1984 le poète officiel aux États-Unis, les poètes qui ont suivi ont fait les choses différemment. C'est très bien. Certains se sont fait en quelque sorte des ambassadeurs des lettres américaines, et d'autres ont vu ce poste comme un honneur et la chance de continuer à écrire. M. Hass nous a dit:

J'ai reçu deux ou trois invitations à faire cela [...]

... être un ambassadeur des arts...

[...] et également à participer aux émissions sur les ondes de la Voix de l'Amérique. Il était également possible, par exemple, de faire venir des écrivains d'Europe, de l'Amérique latine ou ailleurs dans le monde à la bibliothèque [...]

... Bibliothèque du Congrès, s'entend...

[...] qui a une fonction d'archives, dans le cadre du programme que vous êtes en train de mettre sur pied.

M. Hass a fait remarquer, espérons que nos fonctionnaires en prendront bien note, que le poète officiel sera invité à participer à diverses activités pour défendre, dans notre cas, la littérature et les arts au Canada. Dans un sens, comme le dit M. Hass, c'est un peu comme une campagne, une campagne permanente pour la promotion des arts au Canada. À mon avis, c'est, sans vouloir être chauvins, une campagne à laquelle nous serions tous volontiers prêts à participer.

Ceci dit, honorables sénateurs, j'appuie le projet de loi du sénateur Grafstein.

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, je n'ai pas changé d'avis à propos de ce projet de loi, mais je vous épargnerai en ne refaisant pas le même discours que j'ai fait sous la dernière législature.

Son Honneur le Président pro tempore: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

TROISIÈME LECTURE

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Avec la permission du Sénat, maintenant.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

[Français]

LE SÉNAT

MOTION VISANT À MODIFIER LE RÈGLEMENT AYANT TRAIT AU COMITÉ MIXTE DES LANGUES OFFICIELLES—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Jean-Robert Gauthier, conformément à son avis du 31 janvier 2001, propose:

Que le paragraphe 86(1) du Règlement du Sénat soit modifié:

1. par la suppression de l'alinéa e);

2. par l'insertion immédiatement après l'alinéa q) du nouvel alinéa suivant:

«Le comité sénatorial des langues officielles, composé de sept membres, dont quatre constituent un quorum, auquel peuvent être renvoyés, sur décision du Sénat, les projets de loi, messages, pétitions, interpellations, documents et autres matières concernant les langues officielles.»; et

3. par les changements de désignation des alinéas qui en découlent.

Que, nonobstant le paragraphe 85(3) du Règlement, la liste des sénateurs membres du Comité mixte permanent des langues officielles soit annulée; et

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

— Honorables sénateurs, la motion qui précède a pour objectif la mise sur pied d'un Comité permanent du Sénat sur les langues officielles.

Quand j'ai été élu député au Parlement, en 1972, un comité spécial était chargé d'étudier les questions traitant des langues officielles. Il faut dire qu'il y avait à ce moment-là un grand intérêt pour les langues officielles et que, dans mon cas, je portais une attention particulière à ce sujet.

Je me rappelle par la suite d'une rencontre avec le premier ministre de l'époque, M. Joe Clark. Nous étions trois députés libéraux à lui suggérer la formation d'un comité mixte permanent des langues officielles. J'étais accompagné des sénateurs Serge Joyal et Pierre De Bané. Notre rencontre a porté fruit puisque le Comité mixte permanent des langues officielles fut établi.

Le comité n'était pas très partisan et étudiait sérieusement les dossiers importants de l'heure. Il s'agissait de la politique fédérale de bilinguisme institutionnel. Notre objectif était de faire en sorte que les fonctionnaires à l'emploi de la fonction publique puissent répondre aux Canadiens et aux Canadiennes dans la langue officielle de leur choix.

Il s'agissait aussi d'établir une politique de représentation équitable des deux grandes communautés de langue officielle et ce, à la grandeur du pays. De plus, nous voulions que les fonctionnaires fédéraux puissent travailler dans leur langue officielle et obtenir des directives de leur patron dans la langue de leur choix. Finalement, nous voulions adapter la nouvelle technologie informatique, afin de permettre l'usage des deux langues officielles dans la fonction publique du Canada.

Je dois dire que le Comité mixte permanent des langues officielles a accompli un travail sérieux, constructif et productif. Je dois reconnaître la grande contribution du sénateur Eymard Corbin, qui a présidé le comité, ainsi que du sénateur Sheila Finestone, qui a aussi présidé le comité alors qu'elle était députée, et le sénateur Lowell Murray, avec qui j'ai coprésidé ce comité pendant quelques années. Je suis d'ailleurs très fier des rapports que nous avons soumis au Parlement. Ce fut une étude sérieuse d'un sujet important.

Depuis quelques années, fort nous est de constater que le comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes n'est pas aussi efficace et productif. Au fil des ans, le comité a perdu son dynamisme et est devenu très partisan, en partie à cause de la réputation «pizza» à la Chambre des communes, qui doit composer avec cinq partis politiques pour qui les langues officielles ne sont pas une priorité.

En conséquence, les députés sont peu nombreux à assister aux réunions du comité. Il fallait parfois attendre des heures à cause d'un vote à la Chambre. Il y avait toujours des raisons sérieuses; il y avait des lois importantes. Aussi, les députés de l'opposition manifestent très peu d'intérêt pour les questions de fond concernant les langues officielles. Pour certains d'entre eux, c'est devenu l'occasion de poser des questions pointilleuses et partisanes sur le coût du bilinguisme institutionnel.

J'ai beaucoup d'empathie et de reconnaissance pour le travail effectué par les coprésidentes du comité mixte permanent au cours de la trente-sixième législature, car je sais qu'elles étaient sérieuses et bien intentionnées. Je tiens donc à remercier sincèrement l'honorable sénateur Rose-Marie Losier-Cool et la députée Raymonde Folco.

Il n'est pas facile de présider un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes, car il n'existe aucun règlement spécifique sur la marche à suivre des procédures ou du fonctionnement des comités mixtes ou conjoints. Nous avons, il y a quelques années, essayé d'en établir un. Certains députés et des sénateurs se sont réunis plusieurs fois pour en discuter, mais à ce jour, c'est toujours le statu quo.

Le Président de la Chambre des communes a d'ailleurs souvent déclaré qu'il n'était pas habilité à exercer un contrôle sur la procédure des comités, ce qui était d'autant plus le cas des comités mixtes.

Étant donné l'absence d'entente ou de convention entre les membres, le Comité mixte permanent des langues officielles a procédé selon le principe suivant: lorsqu'il est présidé par le coprésident de la Chambre des communes, ce sont les règles de la Chambre des communes ou de ses comités qui prévalent et lorsqu'il est présidé par le coprésident du Sénat, ce sont celles du Sénat. Les règles et les conventions de la Chambre des communes et du Sénat étant fort différentes, il en résulte une irrégularité, une grande confusion et beaucoup d'inefficacité. Parlant d'inefficacité, les comités mixtes ont non seulement deux coprésidents, mais deux greffiers, deux messagers, et cetera. C'est un dédoublement inutile et un gaspillage de ressources humaines.

La politique linguistique est un sujet sérieux et toujours d'actualité, qui nécessite l'attention continue des députés. Comme tous les parlementaires le savent, les membres des comités développent une expertise particulière lorsqu'ils font longtemps partie d'un même comité. C'est normal, notre intérêt se dirige vers ce sujet. Ce n'est cependant pas le cas pour les députés siégeant depuis longtemps au Comité mixte permanent des langues officielles. Je ne parle pas des sénateurs, mais bien des députés.

La loi prévoit qu'une étude parlementaire doit être confiée à un comité mixte permanent ou à un comité de la Chambre ou du Sénat. Il est temps de songer à un désengagement.

Les comités permanents des deux Chambres couvrent plus ou moins les mêmes sphères d'activité. La politique linguistique pourrait également être traitée par chacune des Chambres, ce qui permettrait à chacune de respecter son propre horaire.

(1620)

Les membres des comités mixtes de la Chambre élue ont souvent un emploi du temps différent de celui des membres de la Chambre nommée. Les délibérations du comité, quoique d'égale valeur dans le feu de l'action, ne sont pas régies par un ensemble de règles ou de conventions. Tout affrontement réduit l'efficacité des travaux du comité et se reflète sur les deux Chambres.

Il ne conviendrait pas de proposer qu'un comité d'une Chambre copie simplement la façon de fonctionner d'un comité de l'autre Chambre. Si chacune des deux Chambres avait son propre comité, le résultat serait probablement différent.

Depuis près d'un an, j'essaie de convaincre les autorités, tant au Sénat qu'à la Chambre des communes, du bien-fondé de mettre sur pied un Comité permanent du Sénat des langues officielles. On hésite. On me suggère de patienter. On me dit qu'il y aura un «renouveau» dans cette législature que nous entamons, et que les députés seront plus présents, plus intéressés. Honorables sénateurs, j'ai perdu patience.

Si la motion devant cette Chambre est adoptée et déférée au Comité du Règlement et de la procédure, elle permettra une restructuration sérieuse de ce comité.

Permettez-moi de vous rassurer, honorables sénateurs: rien dans cette motion n'empêche la Chambre des communes d'établir son propre comité sur les langues officielles. Nous pourrions également réunir, à l'occasion, les deux comités permanents — Sénat et Chambre des communes — pour étudier des dossiers d'intérêt commun.

Nous avons des dossiers sérieux à étudier, notamment celui du service au public. J'ai justement posé une question aujourd'hui sur la politique linguistique d'Air Canada. Il est grand temps que le comité ou cette Chambre s'intéresse à cette question. Les journaux nous racontent toutes sortes d'histoires. D'après les sondages, il n'y a pas assez de demandes pour un service bilingue auprès de certaines lignes aériennes.

Honorables sénateurs, nous savons tous que l'article 10 de la loi permettant la privatisation d'Air Canada est spécifique et précise: Air Canada est soumise à la Loi sur les langues officielles, point à la ligne. Voici qu'on se pose des questions pour voir si le nombre de francophones justifie l'application de la loi et si la demande est assez importante entre Chicoutimi et Mont-Laurier.

Air Canada exige que les instructions de sécurité soient données en anglais et en français. Cela est absolument essentiel. Cette organisation doit offrir un service efficace dans les deux langues officielles du pays.

Deuxièmement, on nous annonce que la fonction publique éprouve des difficultés de recrutement. Plusieurs fonctionnaires prennent leur retraite et il faudra embaucher des gens qualifiés pour combler ces postes. Tenons-nous compte du besoin d'une fonction publique capable de répondre aux exigences des langues officielles?

Air Canada a réduit ses effectifs de 3 500 employés. J'ai écrit à M. Milton dans le but de savoir si Air Canada garderait en mémoire son obligation de servir les Canadiens et les Canadiennes dans les deux langues officielles. On m'a répondu que cela n'était pas une de leurs préoccupations. Il perdure donc un manque d'attention particulière de la part des dirigeants. M. Milton devrait savoir qu'il existe bel et bien deux langues officielles au pays.

Troisièmement, au sein de la fonction publique, il est nécessaire et essentiel de servir les Canadiens dans la langue officielle de leur choix et de façon proactive.

J'ai souvent parlé du développement des communautés de langues officielles lors des débats de la dernière législature. Le gouvernement doit porter une attention spéciale aux communautés de langues officielles afin de les aider à s'épanouir et à se développer. L'aide du gouvernement fédéral est nécessaire, et c'est d'ailleurs l'une des obligations du gouvernement.

L'article 41 de la Loi sur les langues officielles stipule clairement que le gouvernement s'engage à favoriser l'épanouissement, le développement et la promotion des communautés de langues officielles. Ce n'est pas moi qui l'invente, c'est la loi qui le dit.

J'aimerais aussi vous parler de l'égalité des deux langues officielles dans la société canadienne, y compris l'instruction dans la langue de la minorité. Cela existe partout au Canada, tout comme pour les services de santé et les services sociaux. En Ontario, par exemple, l'hôpital Montfort est le seul hôpital enseignant francophone hors Québec.

Je pense qu'il est temps de s'occuper de la question linguistique, si ce n'est que pour favoriser le développement d'une jeunesse canadienne consciente du besoin de servir la population dans les deux langues officielles au ministère de l'Immigration, lors de recherches sur Internet et à Ottawa, la capitale nationale du pays. Ottawa n'est pas à ce jour une ville officiellement bilingue. Toutefois, une motion appuyant le statut de ville bilingue a été adoptée unanimement au Sénat.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, le temps accordé pour le débat est écoulé. La permission est-elle accordée de poursuivre?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Gauthier: J'aimerais souligner qu'il y a cinq millions de Canadiens et Canadiennes bilingues; 19 millions sont unilingues anglais et, au Québec, quatre millions sont unilingues francophones.

Bref, cette motion est urgente et importante. Nous devons prendre une décision éclairée et sage. Nous devons mettre sur pied un comité sénatorial permanent des langues officielles. Je vous rappelle que les intérêts régionaux et linguistiques sont une responsabilité fondamentale du Sénat. Nous devons agir avec célérité.

[Traduction]

L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, je souscris aux observations de notre honorable collègue, qui disait que le bilinguisme canadien nous définit comme peuple. Le bilinguisme incarne le système de valeurs qui nous est si cher, et les institutions et organisations qui reflètent le Canada ont aussi l'obligation morale d'appliquer ce système de valeurs.

Comme le faisait remarquer le sénateur Gauthier, les actions d'Air Canada sont extrêmement troublantes. Il y a cependant d'autres grandes sociétés qui font exactement la même chose, qu'il s'agisse du non-respect de l'anglais au Québec ou du non-respect du français ailleurs au Canada. À bien des égards, la situation est plus difficile dans le reste du Canada.

Nous devons tenir compte de ce qu'a dit le sénateur Gauthier. Je l'ai encouragé à écrire au président du Comité des transports pour demander une enquête plus poussée sur cette question. Air Canada doit rendre compte de ses actes.

Le sénateur Gauthier, qui est l'un des plus ardents défenseurs du bilinguisme officiel, est convaincu que le Comité des langues officielles ne devrait pas être un comité mixte du Sénat et de la Chambre, mais que le Sénat devrait avoir son propre comité. J'espère que le comité du Règlement se penchera rapidement sur la question et en discutera avec les représentants de la Chambre des communes.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, en tant que Canadien de l'Ouest, j'appuie l'initiative du sénateur Gauthier. Il faut bien faire comprendre à tous ceux qui possèdent une charte nationale ou une licence fédérale que la possession de cette charte ou de cette licence est conditionnelle au respect de services bilingues.

Dans le cas d'Air Canada, nous devrions peut-être agir rapidement en écrivant au président de la société. Je rappelle que le sénateur Joyal a déjà écrit une lettre pour se plaindre des services du transporteur aérien et que cela avait donné de bons résultats.

Je crois, honorables sénateurs, que nous devrions agir rapidement en écrivant au président d'Air Canada pour lui faire comprendre que nous n'acceptons pas que les droits linguistiques soient assujettis à la volonté d'une majorité. Le respect des droits linguistiques des minorités, que ce soit la minorité francophone ou la minorité anglophone, ne doit pas dépendre de la volonté d'une majorité.

Je recommande que les sénateurs envoient une note au nouvel immigrant canadien qui réside à Montréal et qui dirige le transporteur aérien national, pour lui expliquer que les droits des minorités ne sont pas assujettis au bon vouloir d'une majorité.

(1630)

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, je suis d'accord avec mon collègue de l'Alberta. Je compte donner suite à sa proposition et envoyer une lettre.

Le nombre magique, me dit-on, est 5 p. 100. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que, en réponse à la question de savoir dans quelle langue ils souhaiteraient entendre les instructions, bien plus que 5 p. 100 des Canadiens de l'Ouest disaient qu'ils choisiraient de les entendre dans les deux langues, car la plupart d'entre eux, contrairement à quelques vieux dinosaures, sont des gens parfaitement raisonnables qui se rendent compte de la situation au Canada.

[Français]

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, si un membre de l'opposition désire prendre la parole, je suis prêt à céder mon tour.

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, j'appuie les propos de mon collègue, le sénateur Gauthier, un défenseur bien reconnu et de longue date des intérêts des deux communautés minoritaires au Canada.

J'ai siégé au Comité mixte des langues officielles à titre de député de la Chambre des communes et à titre de sénateur. C'est un comité très difficile où on retrouve des chicanes, de la partisanerie et des grands débats sur les procédures, et non pas des réflexions sur la substance, à un point tel que je refuse de siéger à ce comité. Il m'est tout à fait inacceptable de siéger à ce comité, même si j'en ai été coprésident et que je croyais à ses objectifs.

J'aimerais réfléchir davantage aux propos que je tiendrai à ce sujet et, pour cette raison, je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

[Traduction]

LE SYSTÈME NATIONAL DE DÉFENSE ANTIMISSILE DES ÉTATS-UNIS

MOTION RECOMMANDANT QUE LE GOUVERNEMENT N'APPUIE PAS SON DÉVELOPPEMENT—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Douglas Roche, conformément à l'avis de motion présenté le 6 février 2001, propose:

Que le Sénat du Canada recommande que le gouvernement du Canada évite de participer et d'aider au développement d'un système national de défense antimissile (NMD) qui irait à l'encontre des obligations juridiques inscrites dans le Traité sur les missiles antimissiles balistiques, lequel est la pierre angulaire de la stabilité stratégique et un important fondement des efforts internationaux faits en matière de désarmement et de non-prolifération nucléaires depuis près de 30 ans.

— Honorables sénateurs, le Canada veut-il d'une nouvelle course à l'armement nucléaire? Souhaite-t-il l'échec du processus de désarmement et des traités de non-prolifération péniblement mis en place? Veut-il désunir les alliés de l'OTAN?

La réponse est évidemment un «non» tonitruant, mais le développement et le déploiement par les États-Unis d'un système national de défense antimissile aura de regrettables conséquences.

Ma motion d'aujourd'hui a pour objet de rappeler que le Canada doit, par les voies politique et diplomatique, appuyer de tout son poids sur l'administration américaine pour qu'elle n'aille pas de l'avant avec le dispositif dit de défense NMD. Le Canada ne sera pas seul à agir en ce sens, car de nombreux alliés de l'OTAN, de concert avec la Russie, la Chine et même les experts du désarmement nucléaire, cherchent à freiner l'initiative.

Le dispositif de défense NMD qui, à l'origine, devait coûter 60 milliards de dollars, a pour objet de protéger les 50 États des États- Unis contre les attaques de faible envergure menées à l'aide de missiles balistiques intercontinentaux.

Le principal argument invoqué pour justifier le déploiement immédiat du dispositif est la possibilité que des États émergents dotés de missiles et hostiles aux États-Unis, comme la Corée du Nord, puissent bientôt acquérir des ICBM et s'en servir pour attaquer le territoire américain. Le dispositif de défense NMD proposé comprendrait des intercepteurs au sol déployés au départ en un seul endroit, et par la suite en deux endroits. Ils seraient appuyés par un réseau étendu de radars terrestres et de capteurs infrarouges situés dans l'espace. Ce dispositif repose sur une technologie très pointue. C'est précisément le déploiement d'un tel dispositif que le Traité sur les missiles anti-missiles balistiques, signé en 1972 par les États-Unis et l'ancienne Union soviétique, était censé empêcher. Ce traité visait à établir la stabilité et la confiance entre les superpuissances nucléaires en interdisant l'érection de systèmes défensifs en vue de décourager la construction d'armes plus offensives pour venir à bout de ces derniers. Les États-Unis reconnaissent que le dispositif NMD va à l'encontre du traité et exercent des pressions afin que la Russie modifie ce dernier ou l'abroge complètement.

Le Traité ABM est reconnu partout comme étant un point tournant pour la stabilité et la sécurité mondiale. Pensons aux paroles qu'a prononcées le président français Jacques Chirac en octobre dernier, à titre de président de l'Union européenne:

L'Union européenne et la Russie partagent le même point de vue. Nous avons condamné toute révision éventuelle du Traité ABM, car nous sommes d'avis que cette révision entraînerait le risque de prolifération très grave pour l'avenir.

Des documents concernant les négociations en cours entre les États-Unis et la Russie ont été publiés dans le New York Times, il y a déjà quelques mois.

(1630)

Ces documents démontrent que non seulement les États-Unis comptent conserver leurs principaux stocks d'armes nucléaires, mais qu'ils encouragent également la Russie à en faire autant pour qu'elle puisse être certaine de toujours pouvoir infiltrer le système NMD et donc ne pas en avoir peur.

Si le système NMD est adopté, les États-Unis ne pourront vraisemblablement pas soutenir qu'ils remplissent leurs obligations aux termes du Traité de non-prolifération. Toutefois, lors du sixième examen du TNP, en l'an 2000, les 180 signataires du traité, y compris les États-Unis se sont engagés

[...] de façon non équivoque face à l'élimination totale de leur arsenal nucléaire.

Cette promesse a été incluse dans un programme en 13 étapes pratiques en vue de réaliser cet engagement dans le cadre de processus juridiques définitifs. Le TNP force les nations à poursuivre des négociations dans le but d'assurer l'élimination des armes nucléaires.

Le fameux avis consultatif de 1996 de la Cour internationale de justice précise que les pays doivent conclure de telles négociations. Le système NMD va à l'encontre des efforts manifestés par la communauté internationale depuis 30 ans pour maîtriser la course aux armements et engager résolument le monde dans la voie de l'élimination des armes nucléaires.

Honorables sénateurs, les opposants au système NMD savent bien de quoi ils parlent. Ils savent que nous ne pourrons assurer la sécurité que grâce à des efforts coopératifs fondés sur des instruments juridiques. Tout écart unilatéral du régime de désarmement établi met la sécurité de tous en danger.

Il serait très faible de dire que les intentions des États-Unis ont provoqué un tollé dans la communauté internationale. Je parlerais plutôt de consternation. La question n'a pas seulement éloigné les États-Unis de la Russie, elle a pratiquement isolé les États-Unis du reste de la communauté internationale. Même les partenaires nucléaires et les plus solides alliés des États-Unis tentent publiquement de les dissuader d'aller de l'avant en raison du tort irrémédiable que cela pourrait causer au programme de désarmement nucléaire.

Le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, a dit récemment:

Une grande partie de la communauté scientifique doute que de tels systèmes puissent jamais fonctionner efficacement et craint que leur mise en place n'amène une nouvelle course aux armements, fasse reculer les politiques de désarmement nucléaire et de non-prolifération, et encourage une nouvelle prolifération des missiles.

En décembre dernier, lors de sa visite à Ottawa, le président Poutine de la Russie a dit qu'il croyait que «le déploiement du système national de défense antimissile endommagerait gravement les systèmes de sécurité internationale en place» et minerait les progrès réalisés au chapitre du contrôle des armes au cours des dernières décennies.

Il est intéressant de noter que le Canada et la Russie s'étaient entendus sur le point suivant, dans une déclaration conjointe qu'ils ont ont rendue publique à cette occasion:

Le Traité sur les missiles antimissiles balistiques est la pierre angulaire de la stabilité stratégique et un important fondement des efforts internationaux faits en matière de désarmement et de non-prolifération nucléaires. Les deux pays mettent leur espoir en [...] des réductions de grande envergure des armes stratégiques offensives tout en voulant préserver et renforcer le Traité sur les MAB.

Les dirigeants chinois ont soutenu avec beaucoup de justesse que le déploiement d'un système national de défense antimissile (NMD) revient à rechercher une sécurité unilatérale absolue. Les Chinois ont déclaré qu'ils n'accepteront jamais un système NMD de quelque genre que ce soit car cela représente une grave menace pour l'équilibre et la stabilité stratégiques mondiales, en avertissant que le processus international de désarmement nucléaire s'effondrerait si les États-Unis procédaient à la réalisation d'un système NMD. Même s'ils restent circonspects, les pays de l'OTAN sont eux aussi vivement inquiets en songeant à la menace que feraient naître les répercussions de ce NMD.

Malgré une opposition si largement répandue, l'arrivée au pouvoir de l'administration Bush a renforcé la volonté des États- Unis de procéder. De hauts responsables américains disent maintenant que le système se réalisera même si la capacité technologique n'a pas été démontrée. Durant un certain temps, les États-Unis ont évoqué le programme de missiles de la Corée du Nord pour expliquer pourquoi le système NMD s'imposait.

Maintenant que la menace nord-coréenne s'est dissipée, les États- Unis prétendent que des menaces non précisées pour l'avenir les obligent à développer le système NMD. Bref, la menace que posent d'autres pays diminue, comme le démontrent les nouveaux liens établis par le Canada avec la Corée du Nord. Or, les promoteurs du système NMD disent qu'un ennemi se cache, justement parce qu'ils doivent être capables de dépeindre un ennemi quelque part afin de susciter l'appui des contribuables américains.

Comme Frances Fitzgerald le fait remarquer dans son ouvrage Way Out There in the Blue, le système NMD est le successeur de l'Initiative discréditée de défense stratégique des années 80, aussi appelée «guerre des étoiles», et est poussé par l'extrême-droite idéologique américaine en quête d'une impossible sécurité unilatérale. Ce groupe, qui a pris le contrôle de l'administration américaine, a pour motivation de préparer la voie à la domination militaire américaine dans l'espace extra-atmosphérique. Le spectre d'une chétive Corée du Nord comme justification du système NMD n'est qu'un subterfuge pour le véritable objectif, le développement d'armes dans l'espace et la préparation à des guerres dirigées de l'espace dans le XXIe siècle, et la domination militaire américaine totale dans tous les théâtres de conflit possibles.

Avec tout cela, les bénéfices du complexe militaro-industriel, qui ont déjà atteint des records inégalés grâce au budget annuel de la Défense américaine, qui s'élève à 280 milliards de dollars, seront spectaculaires.

Honorables sénateurs, tel est le dilemme dans lequel se trouve le Canada. Notre gouvernement, tout comme de nombreux autres, craint clairement que le NMD n'ait des conséquences néfastes sur la stabilité stratégique et ne déclenche une nouvelle course aux armes nucléaires, mais il a peur de nuire aux relations canado-américaines s'il pousse trop le gouvernement Bush. Pourtant, à la fin des années 80, lorsque le Canada a été invité par les États-Unis à participer au programme de la guerre des étoiles, le gouvernement canadien d'alors a dit non. Si le Canada a pu dire non pendant la guerre froide à un système de défense anti-missiles qui était de la pure folie, pourquoi ne pourrions-nous pas le faire maintenant que la guerre froide est terminée?

La défense du Canada et des États-Unis est intimement liée depuis des décennies. L'accord du NORAD, né durant la guerre froide pour contrer les attaques soviétiques aux missiles, est l'expression de la relation structurelle canado-américaine. Toutefois, les accords structurels du NORAD et de l'OTAN ne sont certainement pas une base pour la NMD. Il est dangereux de supposer que la participation du Canada à NORAD nous oblige à adhérer au NMD. Ce faisant, le Canada se ferait complice du sabotage de l'architecture du désarmement que représente le NMD.

J'exhorte le gouvernement à ne pas se laisser convaincre par l'offensive de propagande lancée par les États-Unis, à savoir que tout le monde doit embarquer parce que le train du NMD a quitté la gare. Comment le train peut-il avoir quitté la gare alors que la technologie du NMD n'est pas encore au point?

Les États-Unis attendent en fait du Canada la légitimation politique du NMD que lui donnerait notre pays en y adhérant maintenant. Il ne faut pas que nous y adhérions. Si le Canada abandonne ses principes de respect du droit international uniquement pour répondre à la demande des occupants actuels de la Maison-Blanche, qui sont motivés par leur idéologie, nous sacrifierions les intérêts du Canada et nous mettrions en danger la sécurité des Canadiens eux-mêmes. Le gouvernement canadien qui dira oui au NMD aura sa place dans l'histoire comme étant le gouvernement qui a défait des décennies de travail solide et productif en vue de créer les conditions favorables à la paix.

Comment le Canada peut-il donc se sortir de ce dilemme? Nous devons participer vigoureusement aux efforts en vue de faire respecter et appliquer le Traité de non-prolifération nucléaire et l'engagement non équivoque de procéder à l'élimination totale des armes nucléaires grâce à un plan en 13 étapes. Le temps ne me permet pas d'énumérer ces étapes maintenant. Le Canada devrait travailler étroitement avec les pays participant au nouveau programme pour faire progresser le dossier du désarmement nucléaire. À mesure que ce dossier avancera, toute raison crédible motivant la mise en place du système NMD deviendra moins justifiable.

La solution de rechange au système NMD est l'application de normes juridiques internationales soutenues par un système de vérification adéquatement financé, un contrôle des armes, des incitations économiques, des programmes de coopération et des systèmes de contrôle des exportations. L'examen des dispositifs nucléaires que les États-Unis s'apprêtent à mener constitue une excellente occasion pour le Canada de faire valoir son point de vue aux Américains à propos de toutes les questions d'offensive et de défense étroitement reliées. Le Canada devrait encourager les États- Unis à retarder sa décision finale au sujet de l'architecture et du déploiement du bouclier de défense antimissile jusqu'à ce que cet examen soit terminé et qu'il ait été étudié.

(1650)

En outre, le Canada devrait appuyer la proposition de la Russie de créer un centre de traitement de l'information russo-américain sur les lancements de missiles, un système de contrôle mondial, afin de mettre un terme à la prolifération de la technologie des missiles.

Des efforts multilatéraux visant à geler et à réduire les capacités des armées en matière de missiles dans tous les États s'avéreront l'outil le plus efficace pour contrer les menaces réelles ou appréhendées que posent les nouveaux missiles balistiques.

De leur côté, les organisations non gouvernementales canadiennes devraient soutenir les efforts du Canada en travaillant étroitement avec la Coalition to Reduce Nuclear Dangers, un organisme américain qui a établi un programme d'action afin d'exercer une influence auprès des décideurs politiques.

Le Canada n'est pas du tout impuissant face à la crise entourant le système NMD. Nous pouvons — et nous devons — faire preuve de créativité pour réduire les dangers que posent les armes nucléaires dans le monde.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, puis-je poser deux questions à l'honorable sénateur Roche?

(1650)

Le sénateur Roche: Certainement.

Le sénateur Taylor: Honorables sénateurs, le sénateur a prononcé une excellente allocution. Toutefois, deux ou trois allusions à la destruction de l'OTAN m'ont laissé perplexe. N'oublions pas que l'OTAN a employé du combustible épuisé dans certains cônes de charge pour faire exploser des chars d'assaut et qu'elle a aussi bombardé, au Kosovo, ce que je considère comme des hommes, des femmes et des enfants innocents. Vue de Calgary, elle a l'air d'une tribu belliqueuse. Je ne vois pas en quoi cette mesure risque de détruire l'OTAN. Je croyais que l'OTAN approuvait sans réserves cette mesure. Le sénateur pourrait-il s'expliquer?

Le sénateur Roche: Je remercie le sénateur de poser la question.

Son Honneur le Président pro tempore: Je regrette d'interrompre le sénateur Roche, mais le temps qui lui est alloué est désormais expiré.

Le sénateur a-t-il la permission de poursuivre?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, je regrette de ne pas avoir bien prononcé un mot qui manque dans la question du sénateur Taylor. Je n'ai pas dit que l'OTAN serait détruite; j'ai dit que l'unité de l'OTAN serait brisée si les États-Unis mettaient en place un système national de défense antimissile. C'est ce que j'ai conclu de la visite que j'ai faite, l'automne dernier, à ce qu'on appelle les cinq pays de l'OTAN, à savoir la Belgique, l'Italie, les Pays-Bas, l'Allemagne et la Norvège, où j'ai eu de longs entretiens avec des hauts fonctionnaires tant des Affaires étrangères que de la Défense. Ceux-ci m'ont dit à quel point le système national de défense antimissile les inquiète et que, en fait, la très vantée et très précieuse cohésion dont s'enorgueillit l'OTAN sera anéantie par la mise en place de ce système.

Dans mon allocution, j'ai cité le président Chirac, mais j'aurais tout aussi bien pu citer d'autres chefs d'État européens qui ont expressément mis les États-Unis en garde contre cela. C'est une réaction sans précédent des dirigeants des pays de l'OTAN — sans parler de celle des Russes et des Chinois, qui, elle, frise l'apoplexie. Pour que l'OTAN, qui fonctionne de façon circonspecte et unifiée, d'habitude en famille, prenne publiquement position contre le système, il faut qu'elle soit extrêmement préoccupée et craigne énormément pour son unité.

L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, en écoutant le sénateur, je me suis rendu compte que nous avons parmi nous, dans cette auguste assemblée, un des plus éminents experts dans le monde. L'expérience qu'il possède au sein des Nations Unies et le respect qu'il inspire sur la scène internationale commanderaient certes qu'il soit invité à comparaître devant le Comité des affaires étrangères qui vient d'être constitué. Il pourrait peut-être nous présenter un rapport de la situation. Le système NMD et ses conséquences suscitent une vive préoccupation.

J'ignore si le Canada peut à lui seul opérer le changement que demande le sénateur. À mon avis, les préoccupations des autres pays et la façon dont le Canada y réagira sont très importantes.

Le gouvernement du Canada a-t-il donné au sénateur une indication qu'il appuiera ce nouveau système de défense antimissile et qu'il participera à sa mise en place? Le Canada s'est- il montré favorable aux opinions exprimées par les pays occidentaux membres de l'OTAN et animés des mêmes sentiments?

Je voudrais en connaître davantage sur ce sujet. Si le sénateur n'a pas suffisamment de temps aujourd'hui, il pourrait peut-être s'exprimer à nouveau sur une autre tribune.

Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, je voudrais d'abord remercier le sénateur Finestone de ses aimables observations.

Les sénateurs d'en face comprendront bien que je ne suis pas au courant des discussions secrètes et privées que tient le gouvernement du Canada au sujet de cette question, et encore moins de toute autre question. Je ne prétends pas l'être. Cependant, j'ai eu des entretiens avec des hauts fonctionnaires du gouvernement du Canada. Je crois pouvoir dire avec assez d'exactitude que cette question suscite une vive préoccupation au sein du gouvernement du Canada, et qu'aucune décision définitive n'a été prise à l'égard de la position du gouvernement. Comme le gouvernement canadien le souligne, c'est parce que les États-Unis ne lui ont pas encore demandé officiellement de prendre position.

Néanmoins, le travail de recherche qui a été fait par ce que j'appelle les paliers modérés à moyens du gouvernement des États- Unis et certains de leurs homologues au sein du gouvernement canadien vise clairement à tenter d'intimider les autorités canadiennes en prédisant des conséquences graves si le Canada ne participe pas à la mise en place de ce système. Cette tactique a été utilisée à l'occasion au cours des décennies. En fait, les ouvrages historiques racontent comment des tactiques semblables ont été utilisées. Cela fait partie des rapports de force qui existent constamment en politique.

Finalement, le sénateur demande si le Canada peut agir seul. À mon avis, le Canada peut faire bien peu à lui seul. Cependant, nous pouvons collaborer avec des États qui pensent comme nous. Je songe particulièrement aux États du nouveau groupe, le New Agenda Coalition, qui, grâce à leur travail aux Nations Unies et dans le contexte du Traité sur la non-prolifération, constituent la force la plus puissante sur la scène internationale pour le désarmement nucléaire parce qu'ils ont fait des efforts très constructifs pour défendre le programme nucléaire en agissant de manière à attirer un appui très généralisé. L'Irlande en fait partie, tout comme le Mexique, l'Afrique du Sud, la Suède et quelques autres. L'automne dernier, leur résolution à l'Assemblée générale des Nations Unies a reçu un vote de 154 voix en faveur, trois contre et huit abstentions. C'était là un appui sans précédent pour eux. Si le Canada travaillait en plus étroite collaboration avec cet organisme déjà formé, je crois que nous pourrions exercer notre pouvoir plus manifestement.

Nous pourrions aussi travailler de plus près avec l'OTAN. Le Canada a été responsable de l'examen des armes nucléaires entrepris par l'OTAN, dont le résultat se trouve au paragraphe 32 du communiqué de Washington, produit lors du sommet de 1999. Le Canada a fait un vaillant effort. D'après ce que j'ai vu dans les pays de l'OTAN, il y a plusieurs États non dotés d'armes nucléaires au sein de l'OTAN qui souhaiteraient collaborer plus étroitement avec le Canada. Ce n'est pas le moment pour le Canada de perdre courage et de renoncer à ses principes.

(1700)

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): L'honorable sénateur Roche voudrait-il préciser les propos qu'il a tenus tout à l'heure? Sauf erreur, il a dit qu'il avait consulté des représentants du gouvernement du Canada. Le sénateur veut-il parler du gouvernement proprement dit, c'est-à-dire des membres du Cabinet, ou de représentants de la fonction publique?

Le sénateur Roche: J'ai eu des conversations avec des élus qui occupent des postes élevés au sein du gouvernement du Canada et avec des fonctionnaires de haut rang.

Le sénateur Kinsella: Pour plus de précision, le son de cloche que font entendre les membres du gouvernement, les ministres du Cabinet, donne-t-il au sénateur à penser qu'il y a des dissensions au Cabinet à ce sujet? Qu'est-ce que le sénateur veut dire au juste?

Le sénateur Roche: Je ne suis pas en mesure de dire qu'il y a des dissensions au Cabinet. Je ne suis pas dans le secret de ces discussions.

Il me semble évident, d'après mes conversations, que de profondes préoccupations s'expriment dans les hautes sphères du gouvernement au sujet de la position à adopter.

L'honorable B. Alasdair Graham: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser à l'honorable sénateur Roche. Elle découle de ses intéressantes observations. Je crois que, en réponse à une question du sénateur Finestone, l'honorable sénateur a dit que le Canada avait reçu un avertissement: les conséquences seront graves si le Canada ne se rallie pas.

Le sénateur pourrait-il donner la source de cette observation et en situer le contexte?

Le sénateur Roche: Je remercie le sénateur de sa question. Quand j'ai parlé de graves conséquences, je songeais au contexte général des événements, ce qui ne se limite pas à la question du système national de défense antimissile. Je dois ici faire appel à mon expérience d'ambassadeur du gouvernement du Canada pour le désarmement et signaler aux sénateurs qu'il est arrivé plusieurs fois qu'on s'efforce de convaincre ou de contraindre le gouvernement du Canada pour qu'il fasse ceci ou cela. Comme je l'ai déjà dit, ces déclarations se font souvent à des niveaux intermédiaires.

Il m'est difficile de fournir au sénateur les détails qu'il me réclame, car ce serait lever le secret sur des informations que j'ai obtenues en ma qualité de membre du gouvernement du Canada. Je ne puis par conséquent donner de plus amples informations, mais je ferai remarquer que je n'ai rien dit qu'on ne sache déjà. Le détail des entretiens avec les représentants des gouvernements aux Nations Unies, notamment les puissances nucléaires, figure dans différentes publications.

Il est vrai — et je le déplore — que certains pays usent de stratégies musclées pour parvenir à leurs fins; on a exercé de très fortes pressions sur le Canada. À son honneur, il est resté fidèle à ses principes de désarmement nucléaire, ce que je n'ai pas manqué de rappeler dans mon discours, et je ne voudrais pas que l'on revienne là-dessus aujourd'hui en cédant aux pressions dont nous ferions l'objet.

Je rappelle enfin — et je l'ai déjà écrit dans certains de mes ouvrages — que, si on le laissait faire, le Canada serait certainement l'un des premiers aux Nations Unies à participer à l'effort de désarmement nucléaire; malheureusement, on ne nous laisse pas faire.

Le sénateur Graham: Ai-je tort de dire que, selon votre propre expérience, la remarque faite au sujet des «conséquences graves» serait liée à des considérations historiques plutôt qu'aux plus récentes consultations sur le système NMD à l'échelle internationale?

Le sénateur Roche: Ma réponse à cela est que cela dépend de la personne à qui l'on parle.

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au sénateur Roche.

Je sais que je demande au sénateur de spéculer, mais c'est un dossier qu'il connaît bien. Si le Canada faisait ce que, selon le sénateur, les Américains pourraient lui demander de faire, quelle serait la nature de notre participation? Le sénateur pense-t-il que le Canada deviendrait un endroit où l'on ferait l'essai de ces choses ou où ces choses tomberaient lorsqu'elles font défaut? Nous trouverions-nous à donner notre consentement à quelque chose qui aura une incidence sur le monde entier? Quelles sont les préoccupations exactement, à part les préoccupations morales?

Le sénateur Roche: Je remercie le sénateur Banks de sa question.

À cet égard, la frontière entre le Canada et les États-Unis est fictive. C'est l'Amérique du Nord. Nous sommes un seul endroit. Donc, on ne peut pas avoir un système qui est censé défendre Detroit contre une forme quelconque d'attaque nucléaire sans que cela ne touche Windsor. On peut trouver des exemples de ce genre d'un bout à l'autre du pays.

Durant les longues années de la guerre froide, il était clair pour le Canada que nous ne pourrions jamais essayer d'avoir une position soi-disant neutre. Nous faisions partie du système de l'OTAN. Notre défense dépendait de ce système. Donc, les États-Unis, en tant que leader de l'OTAN, avaient une très forte influence sur la politique canadienne en matière de sécurité. Eh bien, la guerre froide est finie. Malheureusement, une bonne partie de la pensée et même de la rhétorique du temps de la guerre froide continue d'exister dans cette nouvelle ère.

Le sénateur a posé une question au sujet de la nature de notre participation si on devait aller de l'avant avec ce projet. Des discussions ont eu lieu sur la façon dont le système NMD passerait par le système NORAD et que, par conséquent, le Canada aurait l'«obligation» de participer au système NMD, sinon cela se trouverait à saboter les installations NORAD en place. Je m'oppose vivement à cet argument, et je ne suis pas le seul. Il existe beaucoup d'information technique montrant qu'il n'est pas nécessaire de transformer NORAD en système NMD et qu'aucun acte juridique ne l'exige.

En dernière analyse, certains soutiennent que si les États-Unis vont de l'avant, le Canada devra faire de même en raison de la question de la sécurité intégrale du continent dont j'ai parlé il y a un moment. Je ne suis pas sûr d'être d'accord avec ce point de vue. À mon avis, nous devons fortement mettre l'accent sur l'établissement et le maintien du droit international. Le Canada a tiré une grande fierté de cette orientation au fil des ans, et nous avons fait du Traité sur les missiles anti-missiles balistiques une des pierres d'assise du régime de désarmement nucléaire. Nous avons fait du Traité de non- prolifération nucléaire une pièce centrale de l'architecture.

Je rappelle au sénateur que ne suis pas le seul à soutenir ce point de vue. Je prie les honorables sénateurs de prendre connaissance des documents émanant de vrais spécialistes dans le monde qui mettent en garde les États-Unis contre les effets néfastes de la mise en place du système NMD. Je ne suis ici que le messager.

(1710)

Je veux que les honorables sénateurs se rendent compte que je ne soulève pas ici une simple peccadille. J'essaie d'attirer l'attention du Sénat et, partant, du gouvernement du Canada et des Canadiens, afin qu'ils exhortent notre gouvernement à se demander sérieusement s'il veut vraiment infirmer un ensemble de lois internationales uniquement pour satisfaire les occupants de la Maison-Blanche pour les quatre prochaines années.

(Sur la motion du sénateur Kenny, le débat est ajourné.)

[Français]

L'AJOURNEMENT

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 20 février 2001, à 14 heures.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, avant d'adopter la motion d'ajournement, permettez-moi de vous remercier de la confiance que vous me témoignez en me nommant Présidente pro tempore.

[Traduction]

Je vais m'efforcer de respecter tous les honorables sénateurs car je sais que pour accomplir un travail efficace, nous devons agir dans le respect. Vous m'avez apporté la preuve, au cours de la dernière année, que c'est là notre façon de travailler.

[Français]

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 20 février 2001, à 14 heures.)


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