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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 37e Législature,
Volume 139, Numéro 22

Le jeudi 29 mars 2001
L'honorable Dan Hays, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 29 mars 2001

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous avons avec nous, dans la tribune, une délégation de Mohawks de Kanesatake.

[Traduction]

Nous accueillons le grand chef James Gabriel, le chef Clarence Simon, le chef Marie Chéné, et Mme Branda Etienne, négociatrice principale, ainsi que Mme Darlene Francis.

Nous vous souhaitons la bienvenue au Sénat.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE PROCÈS INTENTÉ CONTRE L'ALLIANCE CANADIENNE

L'honorable Edward M. Lawson: Honorables sénateurs, comme je le disais lorsque j'ai été interrompu hier, quelque chose ne va pas lorsque des gens qui ont calomnié des sénateurs, ce qui constitue une attaque contre toute la Chambre, peuvent s'adresser au Comité de régie interne de la Chambre des communes et faire payer leurs frais juridiques pendant que les victimes de ces calomnies sont laissées à elles-mêmes. Dans mon cas, au moment du règlement, mes frais juridiques s'élevaient à environ 25 000 $. Dans le cadre du règlement, j'ai réussi à récupérer ce montant et à recevoir en outre ce qui a été décrit comme étant suffisant pour décourager toutes calomnies dans l'avenir. Ce règlement m'a permis de faire un don à la Fondation de la police de Vancouver.

Mon véritable sujet de préoccupation, que j'ai d'ailleurs soulevé hier, c'est qu'il y a eu pendant six semaines sur un site Web une liste de dix sénateurs qui faisaient l'objet d'une attaque. Les sénateurs se souviennent peut-être que Preston Manning s'est présenté à la Chambre des communes et a ajouté dix autres noms à cette liste. Il va de soi que les titres des journaux disaient: «Message de Manning aux sénateurs: Démissionnez, démissionnez. Dites aux moutons issus du favoritisme de partir avant que le public ne les expulse.»

Sur les 20 personnes visées, seulement deux étaient l'objet de critiques justifiées. Les deux ont été reconnues coupables d'avoir commis un délit. Soit dit en passant, à mon avis, le Sénat devrait établir une politique et un précédent précisant que si un sénateur est reconnu coupable d'un délit, il devrait faire l'objet d'une suspension dans le cadre de laquelle il conserve tous ses privilèges sauf le droit de participer aux travaux de la Chambre jusqu'à ce que l'appel soit entendu. Voilà qui réglerait la question.

Toutefois, de quoi les 18 autres étaient-ils coupables? Ils étaient coupables d'avoir été nommés au Sénat. Ils y ont été nommés parce qu'ils ont accompli des gestes et rendu des services insignes dans leurs collectivités, villes et provinces à l'échelle du pays, au point où ils ont retenu l'attention du premier ministre en exercice qui leur a conféré l'honneur de servir au Sénat. Le crime réel dont Manning et le Parti réformiste les accusaient — et cela s'applique à certains d'entre eux et à certains d'entre vous —, c'était d'appartenir au même parti politique que le premier ministre ayant fait les nominations. C'est ce qu'ils laissaient entendre.

Honorables sénateurs, je propose que nous passions en revue la liste de ces 18 personnes, que nous choisissions les trois, quatre, cinq ou six meilleurs cas et lancions une énorme série de poursuites pour mettre un terme à cette ineptie. Nous devrions envisager cela.

Je suis heureux de dire que le sénateur Kroft, président de notre Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, a déclaré, après discussions hier, que si je faisais une intervention aujourd'hui, il serait prêt à réexaminer la question. Je pense que nous devrions le faire.

L'autre critique que nous avons tous entendue, honorables sénateurs, c'est que nous n'avons pas la légitimité voulue pour siéger ici, car nous ne sommes pas élus. Eh bien, la Constitution qui permet aux députés d'être élus à la Chambre des communes donne également le pouvoir exclusif au premier ministre de nous nommer dans cette enceinte. Nous avons la même légitimité que la Chambre des communes. Lorsque des gens nous critiquent et disent que nous n'avons pas de légitimité, je propose que nous leur disions gentiment qu'ils ne savent pas de quoi ils parlent. Nous sommes sur le même pied que la Chambre des communes.

Son Honneur le Président: Là encore, honorables sénateurs, même si j'hésite beaucoup à interrompre le deuxième sénateur en ancienneté dans cette enceinte, je lui signale...

Le sénateur Lawson: Donnez-moi une minute pour terminer.

Son Honneur le Président: Je suis désolé, sénateur Lawson. Nos règles sont strictes. D'autres sénateurs souhaitent intervenir.

LE DÉCÈS DE MOE KOFFMAN, O.C.

HOMMAGE

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour noter avec beaucoup de tristesse la mort d'un artiste canadien de renommée internationale, remarquable par la qualité de son art et par sa popularité.

Moe Koffman s'est acquis une renommée mondiale et a obtenu un succès planétaire en 1958 avec l'enregistrement de la pièce The Swinging Shepherd Blues, une pièce familière dans le monde entier qui transcende tous les goûts musicaux et toutes les frontières. Ce succès remarquable, qui était à la fois une continuité et un signe avant-coureur d'un plus grand succès encore, n'était qu'une toute petite partie de la très grande œuvre artistique de cet homme.

Son œuvre et sa réputation mondiale prodigieuse et inattaquable en tant que compositeur et instrumentiste de premier plan lui ont valu tous les honneurs possibles, heureusement de son vivant. Il n'y a littéralement aucun honneur que notre nation puisse accorder et que l'industrie de la musique puisse décerner, que Moe Koffman n'a pas reçu.

Honorables sénateurs, la perte de cet homme au talent vraiment remarquable est durement ressentie dans le monde entier et particulièrement par les Canadiens. C'était vraiment un grand Canadien. Heureusement, sa musique merveilleuse et les beaux souvenirs qu'il nous a laissés lui survivront longtemps.

Nous adressons nos plus vives condoléances à sa famille et aux nombreuses personnes qui ont travaillé en étroite relation avec lui.


[Français]

(1350)

AFFAIRES COURANTES

LES TRANSPORTS

DÉPÔT DU RAPPORT DU COMMISSAIRE AUX PLAINTES

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorable sénateurs, conformément à l'article 28(3) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du commissaire aux plaintes relatives au transport aérien.

[Traduction]

PROJET DE LOI D'HARMONISATION NO 1 DU DROIT FÉDÉRAL AVEC LE DROIT CIVIL

RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable Lorna Milne, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, dépose le rapport suivant:

Le jeudi 29 mars 2001

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

DEUXIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été déféré le Projet de loi S-4, Loi no 1 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law, a, conformément à l'ordre de renvoi du 7 février 2001, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement mais avec l'observation suivante:

Que, conformément à la lettre envoyée le 20 mars 2001 par l'honorable Anne McLellan, ministre de la Justice, à l'honorable Lorna Milne, présidente, le Comité appuie la proposition voulant qu'un cinquième paragraphe soit ajouté au Sommaire du projet de loi S-4:

«En général, dans les dispositions où une notion juridique s'exprime par l'usage d'un terme de droit civil et d'un terme de common law, le terme de droit civil est mentionné le premier dans la version française et le terme de common law, le premier dans la version anglaise. Par exemple, on retrouvera «immeuble» suivi de «biens réels» dans la version française et «real property» suivi de «immovables» dans la version anglaise.»

Respectueusement soumis,

La présidente,
LONA MILNE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Robichaud, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

[Français]

EXAMEN DE LA RÉGLEMENTATION

PRÉSENTATION DU RAPPORT BUDGÉTAIRE «A» DU COMITÉ MIXTE PERMANENT

L'honorable Céline Hervieux-Payette, coprésidente du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation, présente le rapport suivant:

Le jeudi 29 mars 2001

Le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation a l'honneur de présenter son

PREMIER RAPPORT — «A»

(présenté seulement au Sénat)

Votre Comité, autorisé par l'article 19 de la Loi sur les textes réglementaires, L.R.C. de 1985, c. S-22, d'étudier et de contrôler les textes réglementaires, demande que des fonds lui soient approuvés pour 2000-2001.

Conformément à l'article 2:07 des Directives régissant le financement des comités du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La coprésidente,
CÉLINE HERVIEUX-PAYETTE

(Le texte de l'annexe figure à l'annexe «A» des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 274.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

Le sénateur Hervieux-Payette: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)g) du Règlement, je propose que le rapport soit étudié plus tard cet après-midi.

[Traduction]

Son Honneur le Président: L'autorisation est-elle accordée?

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Non.

Le sénateur Hervieux-Payette: Plus tard aujourd'hui.

Son Honneur le Président: J'ai demandé si l'autorisation était accordée et un sénateur a répondu non. Par conséquent, il n'y a pas d'autorisation. L'honorable sénateur veut-elle demander l'autorisation du Sénat pour que le rapport soit étudié plus tard aujourd'hui?

Le sénateur Hervieux-Payette: Honorables sénateurs, je pourrais peut-être fournir une explication. Il s'agit des dépenses engagées par nos greffiers et notre personnel pendant l'intersession où nous ne siégions pas et elles arrivent à échéance le 30 mars. Bien entendu, je n'ai pas d'objection à ce que nous examinions le rapport la semaine prochaine, mais dans ce cas, nous nous trouverons seulement à payer nos comptes après son adoption. Il m'a paru indiqué, puisque le comité a siégé pour la seconde fois aujourd'hui seulement, d'adopter le rapport avant la fin de l'exercice.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je pose la question encore une fois, pour être sûr. L'autorisation est-elle accordée?

Le sénateur Kinsella: Non.

Son Honneur le Président: L'autorisation n'est pas accordée.

Honorables sénateurs, est-ce d'accord pour inscrire l'étude du rapport à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

ÉNERGIE, ENVIRONNEMENT ET RESSOURCES NATURELLES

DEMANDE DE L'AUTORISATION DE SE DÉPLACER ET BUDGET VISÉ AUX DIRECTIVES RÉGISSANT LE FINANCEMENT DES COMITÉS—DÉPÔT DU RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable Nicholas W. Taylor, président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, présente le rapport suivant:

Le jeudi 29 mars 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a l'honneur de présenter son

DEUXIÈME RAPPORT

Votre Comité, autorisé par le Sénat le 1er mars 2001 à étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles, demande respectueusement, nonobstant les Directives régissant le financement des comités du Sénat, à pouvoir, aux fins de ces travaux et de l'examen et l'analyse des projets de loi et du contenu de ces derniers ainsi que des budgets qui lui sont soumis, se déplacer à travers le Canada et retenir les services d'avocats, de conseillers techniques et de tout autre personnel jugé nécessaire.

Votre Comité fera état séparément de ses dépenses engagées dans le cadre de ses travaux législatifs et de ses études spéciales.

Conformément à l'article 2:07 des Directives régissant le financement des comités du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
NICHOLAS W. TAYLOR

(Le texte de l'annexe figure à l'annexe «B», des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 280.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Taylor, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

RÉGIE INTERNE, BUDGETS ET ADMINISTRATION

PRÉSENTATION DU TROISIÈME RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable Richard H. Kroft, président du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant:

Le jeudi 29 mars 2001

Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Votre Comité désire informer le Sénat de reporter le système de 64 points de déplacement de l'année civile à l'année financière, à compter du 1er avril 2001 et d'allouer à tous les sénateurs une nouvelle série de 64 points le 1er avril 2001, indépendamment du nombre de points qu'ils auraient utilisés entre le 1er janvier et le 31 mars 2001.

Respectueusement soumis,

Le président,
RICHARD KROFT

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Kroft, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

COMITÉ DE SÉLECTION

PRÉSENTATION DU QUATRIÈME RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable Léonce Mercier, président du Comité de sélection, présente le rapport suivant:

Le jeudi 29 mars 2001

Le Comité de sélection a l'honneur de présenter son

QUATRIÈME RAPPORT

Conformément à l'article 85(1)b) du Règlement du Sénat votre Comité présente la liste des sénateurs qu'il a désignés pour faire partie des comités suivants:

COMITÉ SÉNATORIAL DE LA DÉFENSE ET DE LA SÉCURITÉ

Les honorables sénateurs Atkins, Cordy, Forrestall, Hubley, Kenny, Meighen, Pépin, Rompkey et Wiebe.

COMITÉ SÉNATORIAL DES DROITS DE LA PERSONNE

Les honorables sénateurs Andreychuk, Beaudoin, Ferretti Barth, Finestone, Kinsella, Oliver, Poy, Watt et Wilson.

De plus, votre Comité recommande que l'honorable sénateur Pitfield soit désigné au Comité sénatorial des privilèges, du Règlement et de la procédure.

Finalement, votre Comité recommande un changement de membre au comité suivant:

COMITÉ SÉNATORIAL DES PEUPLES AUTOCHTONES

L'honorable sénateur St. Germain remplace l'honorable sénateur Wilson comme membre du Comité sénatorial des peuples autochtones.

Respectueusement soumis,

Le président,
LÉONCE MERCIER,

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Mercier, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

(1400)

LA CONFÉRENCE DES MENNONITES AU CANADA

PROJET DE LOI D'INTÉRÊT PRIVÉ MODIFIANT LA LOI CONSTITUTIVE—PREMIÈRE LECTURE

L'honorable Richard H. Kroft présente le projet de loi S-25, Loi modifiant la Loi constituant en corporation la Conférence des Mennonites au Canada.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Kroft, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de mardi prochain.)

AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER LE RAPPORT DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DES ÉLECTIONS SUR LES 37E ÉLECTIONS GÉNÉRALES.

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, je donne avis que, mardi prochain, le 3 avril 2001, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à étudier le rapport de 2000 du directeur général des élections sur les 37e élections générales;

Que le Comité présente son rapport au plus tard le 30 juin 2001.

AFFAIRES SOCIALES, SCIENCES ET TECHNOLOGIE

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À EXAMINER L'ÉTAT DE LA POLITIQUE FÉDÉRALE SUR LA PRÉSERVATION ET LA PROMOTION DU CARACTÈRE DISTINCT DU CANADA

L'honorable Michael Kirby: Honorables sénateurs, je donne avis que, mardi prochain, le 3 avril 2001, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, l'état de la politique fédérale sur la préservation et la promotion de l'esprit communautaire et du sentiment d'appartenance au Canada. En particulier, que le Comité soit autorisé à examiner:

a) l'efficacité des politiques, des programmes, des symboles et des institutions qui ont servi dans le passé à promouvoir et à protéger le caractère distinct du Canada ou qui, par leur simple existence, ont fait ressortir un aspect du caractère distinct du Canada;

b) les effets de la mondialisation et de l'évolution technologique rapide sur l'aptitude du Canada à préserver et à promouvoir son caractère distinct au pays et à l'étranger;

c) les options qui existent pour moderniser les politiques fédérales relatives à la préservation, à la création et à la promotion du caractère unique du Canada dans un contexte national et international en constante évolution;

d) les possibilités d'utiliser de nouvelles technologies pour faire connaître nos qualités particulières au monde entier et pour rendre les Canadiens fiers d'eux et de leur pays;

Que le Comité présente son rapport final au plus tard le 20 décembre 2002 et

Que, sans égard aux pratiques habituelles, si le Sénat ne siège pas lorsque le rapport du comité sera terminé, le rapport puisse être déposé auprès du greffier du Sénat et qu'il soit considéré comme ayant été déposé devant cette Chambre.

LA PUBLICATION DES DONNÉES DES RECENSEMENTS

PRÉSENTATION D'UNE PÉTITION

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter une pétition signée par 1 853 Canadiens de l'Alberta, de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan, de l'Ontario et du Québec ainsi que par 550 non-Canadiens des quatre coins des États-Unis qui mènent des recherches sur leurs ancêtres canadiens, pour un total de 2 403 signatures. La pétition se lit comme suit:

Les pétitionnaires demandent au Parlement de prendre les mesures nécessaires pour modifier de façon rétroactive les dispositions sur la confidentialité et la protection de la vie privée des lois sur la statistique depuis 1906 pour permettre la publication, après une période raisonnable, des données des recensements effectués après 1901, à commencer par celui de 1906.

Ces signatures s'ajoutent aux 363 que j'ai présentées le 20 février dernier et aux 1 087 que j'ai présentées le 14 mars. Jusqu'à maintenant, j'ai présenté 3 853 signatures durant la 37e législature et plus de 6 000 durant la 36e législature. Tous les pétitionnaires exhortent le gouvernement à agir à propos de cette question très importante qui touche l'histoire canadienne.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LE CABINET DU PREMIER MINISTRE

LES FONCTIONS DE M. DAVID MILLER, CONSEILLER PRINCIPAL—LA POSSIBILITÉ D'UN CONFLIT D'INTÉRÊTS

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat. Madame le ministre peut-elle nous dire ce que fait l'ancien lobbyiste d'Eurocopter, M. David Miller, au Cabinet du premier ministre en tant que conseiller principal? Dans le cadre de ses fonctions, est-il chargé de conseiller le premier ministre au sujet du projet de l'hélicoptère maritime?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne suis pas au courant des fonctions de la personne qu'a nommée le sénateur. Je présume qu'elle doit conseiller le premier ministre, et je suis certaine que ses conseils seront excellents.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, madame le ministre peut-elle nous obtenir les lignes directrices en matière de conflit d'intérêts, s'il en existe, qui s'appliquent aux personnes qui passent d'un emploi dans le secteur privé à un poste au sein du gouvernement? Madame la ministre sait qu'il risque d'y avoir un conflit d'intérêts.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, s'il existe de telles lignes directrices en matière de conflit d'intérêts visant les personnes qui passent du secteur privé au secteur public fédéral, j'en ferai part au sénateur.

Le sénateur Forrestall: Madame le ministre peut-elle nous dire si M. Miller sera absent des discussions sur le projet d'hélicoptère maritime?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, s'il est possible d'obtenir un tel renseignement, c'est-à-dire si M. Miller est prêt à faire une déclaration, j'en ferai part au sénateur.

(1410)

LA DÉFENSE NATIONALE

LE REMPLACEMENT DES HÉLICOPTÈRES SEA KING—L'ANALYSE DE RISQUE AVANT LE DÉDOUBLEMENT DU PROJET

L'honorable sénateur J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, les questions du secteur privé et les réponses sont affichées sur le site Web du projet d'hélicoptère maritime du ministère de la Défense nationale. Les réponses aux questions 2000-29 et 2000-87 indiquent qu'aucune analyse de risque n'a été effectuée au sujet du dédoublement du projet d'acquisition d'hélicoptère maritime. En outre, ni documents de discussion, ni analyse, ni procédures opérationnelles réglementaires n'ont été rédigés avant le dédoublement du projet. Est-ce que madame le leader du gouvernement pourrait nous dire si c'est parce que le gouvernement a dédoublé le projet à l'insu des ministères concernés qu'on a pris la décision d'exclure les EH-101 du concours et de favoriser, d'une façon ou d'une autre, Eurocopter?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la question que vient de poser l'honorable sénateur en se fondant sur de l'information tirée de réponses trouvées sur le site Web ne dit pas quel a pu être le motif. Si j'entendais parler d'un motif, je le ferai connaître au sénateur.

Le sénateur Forrestall: J'aimerais obtenir des réponses non seulement aux questions d'aujourd'hui mais aussi plus spécialement à celles que j'ai posées hier. Il nous faut ces réponses si nous voulons aller au fond d'une affaire qui commence à m'inquiéter très sérieusement.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur de ses questions d'hier et d'aujourd'hui. Je vais faire tout ce que je peux pour lui obtenir cette information aussi rapidement que possible.

LA SANTÉ

L'UTILISATION DANS LA CHAÎNE ALIMENTAIRE DE TISSUS ANIMAUX À RISQUE ÉLEVÉ

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, la semaine dernière, l'Union européenne a proposé que dix pays soient soustraits au nouvel embargo sur l'importation de viandes. Le Canada ne figure pas sur la liste. Le nouvel embargo entrera en vigueur en mai 2001. Il s'agit d'une mesure de prévention contre la variété humaine de la maladie de la vache folle.

Les viandes et les produits de viande du Canada ont été refusés parce que, de l'avis des Européens, nous ne pouvons pas leur assurer que nous prenons suffisamment de précautions contre la maladie de la vache folle.

Une chose qui cause beaucoup d'inquiétude sur le plan de la sécurité alimentaire est ce qu'on appelle du «matériel présentant un certain risque». On sait que ces tissus renferment la majorité du matériel infectieux avant qu'une vache ne présente des symptômes de la maladie de la vache folle.

Les pays de l'UE ont interdit l'utilisation de la cervelle, des yeux et de la moelle épinière en 1997. La liste a été allongée en décembre 2000. Le Canada n'a pas interdit ces tissus. Les usines d'équarrissage peuvent les utiliser même quand ils proviennent d'animaux incurables ou d'animaux morts avant l'abattage.

Madame le leader du gouvernement pourrait-elle user de ses bons offices pour vérifier si cette information est exacte et demander au gouvernement de repenser à la possibilité d'interdire ces tissus à haut risque dans la chaîne alimentaire des animaux et des humains?

Il s'agit d'une question européenne, mais elle nous préoccupe aussi. Cette question soulève bien d'autres points, mais c'est tout ce que je demande respectueusement pour le moment.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur de sa question. Je vais la transmettre au gouvernement.

Le sénateur, comme tous les Canadiens, sait que la maladie de la vache folle est une maladie extrêmement grave. Contrairement à la fièvre aphteuse, elle peut être transmise de l'espèce animale à l'espèce humaine.

Nous devons évidemment voir à ce que le Canada soit absolument protégé. Nous devons aussi veiller à ce que nos produits agroalimentaires puissent librement être expédiés vers d'autres pays.

Je prends très au sérieux la question de madame le sénateur. Comme elle l'a demandé, je vais user de mes bons offices, dans la mesure où ils le sont, pour vérifier si l'information qu'elle a donnée aujourd'hui est totalement exacte. Si tel est le cas, le gouvernement se penchera à nouveau sur la possibilité d'interdire ces produits.

Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, j'espère que nous pourrons poursuivre ailleurs la discussion sur la question de la surveillance des usines d'équarrissage, car c'est une question fort importante. Je ne suis pas convaincue qu'on ait mis en place toutes les mesures de protection, de surveillance et d'exécution requises.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, j'ajoute à ma réponse précédente que voilà un exemple parfait de situation où un comité permanent du Sénat pourrait faire du très bon travail, comme par le passé. Je suggère que madame le sénateur, qui est encore membre du comité de l'agriculture, je crois, de saisir ce comité permanent de ce dossier.

Je crois que les Canadiens en général sont inquiets au sujet non seulement de la maladie de la vache folle, mais aussi de la fièvre aphteuse.

Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, la chose arrive à point nommé car hier soir, au comité des finances, le vérificateur général a indiqué qu'un comité du Sénat pourrait étudier toute la question de la sécurité des aliments. Nous espérons sincèrement que sa proposition sera approuvée par tous les sénateurs en cette Chambre.

Je ne sais pas à quel comité nous pourrions renvoyer l'étude de ce dossier, celui des finances ou celui de l'agriculture.

Le sénateur Carstairs: Comme les honorables sénateurs le savent, c'est un comité qui tranche cette question puis en fait rapport au Sénat. Je peux assurer les honorables sénateurs de mon soutien.

LE COMMERCE INTERNATIONAL

LES ÉTATS-UNIS—LE RENOUVELLEMENT DE L'ACCORD SUR LE BOIS D'OEUVRE—L'ACCORD SUR LE BOIS D'ŒUVRE DES MARITIMES

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, comme c'est le dernier jour où nous siégeons avant l'expiration de l'accord canado-américain sur le bois d'œuvre, je demanderais à madame la ministre quel avis je devrais donner aux exportateurs de bois d'œuvre du Nouveau-Brunswick, qui se dirigeront au poste frontière de Houlton, dans le Maine, le 1er avril 2001.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Mon avis aux exportateurs, honorables sénateurs, et je pense que c'est aussi l'avis du gouvernement, serait de continuer à agir de façon responsable, comme ils l'ont fait dans le passé, et d'exporter leur bois de l'autre côté de la frontière, où il est bien accueilli par la grande majorité des Américains, même si certains sénateurs américains ne sont peut-être pas d'accord.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je suis heureux de la manière dont madame le ministre a répondu à ma question, puisqu'elle a fait ressortir la dimension politique du dossier. Étant donné l'existence d'enjeux politiques majeurs aux États-Unis, qui ont une incidence au Congrès, madame la ministre ne pense-t-elle pas qu'il serait utile que les premiers ministres des provinces maritimes rencontrent les gouverneurs de certains États? Ne croit-elle pas qu'il vaudrait la peine que les premiers ministres rencontrent en particulier le gouverneur du Massachusetts, lequel, selon la rumeur, pourrait être désigné comme l'envoyé des États-Unis au Canada? Si madame la ministre est de cet avis, les sénateurs de ce côté-ci seraient heureux de faciliter la tenue d'une rencontre avec les premiers ministres du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Kinsella pour sa question. Je trouve qu'il est toujours bon que les politiciens des deux côtés de la frontière se rencontrent à l'occasion. Les premiers ministres des Maritimes ont entretenu des liens très solides avec les gouverneurs des États de la Nouvelle-Angleterre dans le passé. Je pense que tout échange d'information entre les gouverneurs et les premiers ministres des provinces atlantiques serait extrêmement utile.

[Français]

LA JUSTICE

LE MAINTIEN DES DROITS LINGUISTIQUES ACQUIS—LA DÉCISION DE LA COUR FÉDÉRALE

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. La Cour fédérale a rendu une décision, il y a une semaine, concernant l'interprétation de la Loi sur les contraventions adoptée par le Parlement en 1996.

Ma préoccupation découle de l'omission du gouvernement fédéral de confirmer, dans la Loi sur les contraventions, le maintien des droits linguistiques acquis en vertu des lois fédérales.

En bref, le gouvernement fédéral a négocié avec les provinces et certaines municipalités de l'Ontario sur l'administration des tribunaux et des lois sur les terres fédérales.

L'aéroport Pearson, par exemple, se trouve dans la municipalité de Mississauga, en Ontario. Cette dernière municipalité pouvait émettre des contraventions en anglais seulement. Il s'agissait pour nous, francophones, d'un manquement aux lois et règlements fédéraux tels qu'édictés par la Loi sur les langues officielles et le Code criminel.

L'Association des juristes d'expression française de l'Ontario et la Commissaire aux langues officielles ont demandé aux tribunaux, il y a quelque temps déjà, de clarifier les droits linguistiques qui doivent avoir préséance dans ces ententes fédérales, provinciales et municipales.

(1420)

La ministre peut-elle s'informer auprès de sa collègue, la ministre de la Justice, si, tel que recommandé par le juge Pierre Blais, le 23 mars 2001, des modifications seront apportées à la Loi sur les contraventions afin d'assurer les droits linguistiques quasi constitutionnels prévus dans la Loi sur les langues officielles et le Code criminel et afin qu'ils soient clairement mentionnés dans ces ententes?

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa question. Je le remercie aussi de m'en avoir donné une copie qui, malheureusement, ne m'est parvenue qu'à 13 h 12. Malgré tous mes efforts pour obtenir une réponse, je n'y suis pas parvenue en si peu de temps. Toutefois, nous avons fait une demande en son nom, et nous comptons lui fournir une réponse le plus tôt possible.

[Français]

Le sénateur Gauthier: Honorables sénateurs, j'ai une question supplémentaire à poser à madame la ministre. Le juge Blais, dans sa décision, a déclaré:

[...] que le gouvernement fédéral devrait faire en sorte que tout citoyen canadien voie ses droits linguistiques garantis par toute mesure visant à assurer la mise en place de la Loi sur les contraventions.

De plus, le juge Blais a donné un délai d'un an au gouvernement fédéral pour respecter ses obligations, à défaut de quoi, la Loi sur les contraventions deviendra nulle. La ministre peut-elle nous assurer que les modifications nécessaires seront apportées à la Loi sur les contraventions afin que les droits linguistiques soient clairement énoncés dans la Loi sur les contraventions?

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je ne puis rien dire sur la décision du juge Blais. Cependant, je puis dire au sénateur que lorsque les juges ont pris des décisions semblables par le passé, le gouvernement s'y est conformé. Je crois bien qu'il le fera dans ce cas-ci également.

LE COMMERCE INTERNATIONAL

LES ÉTATS-UNIS—LE RENOUVELLEMENT DE L'ACCORD SUR LE BOIS D'OEUVRE—L'ACCORD SUR LE BOIS D'ŒUVRE DES MARITIMES

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, ma question fait suite à celles du sénateur Kinsella relativement au dossier du bois d'œuvre. Comme la ministre le sait, les Américains pourraient faire deux choses: prendre des mesures de rétorsion et faire du dumping. À ma connaissance, les Américains ne considèrent pas que l'industrie du bois d'œuvre des Maritimes soit comparable à celle de l'Ouest. Toutefois, l'industrie des Maritimes va se retrouver au beau milieu d'une querelle dont elle n'est pas responsable. La ministre est-elle au courant de l'existence d'un plan d'urgence si jamais cette querelle nuisait à la petite industrie du bois d'œuvre du Canada atlantique? Nous ne voulons pas perdre d'autres emplois dans cette industrie, c'est donc une question extrêmement importante pour les Canadiens de la région de l'Atlantique.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa question. Le sénateur a parlé de l'imposition de droits compensateurs et de mesures antidumping. Je puis donner au sénateur l'assurance que, dans les deux cas, le gouvernement fera tout ce qu'il peut, compte tenu des moyens dont il dispose, pour empêcher l'imposition de droits compensateurs et pour tenir tête aux négociateurs américains autant qu'il peut.

Évidemment, nous espérons que les Américains n'essaieront pas d'imposer des droits compensateurs ni d'appliquer une politique antidumping envers les importations canadiennes. C'est particulièrement le cas pour la région de l'Atlantique parce qu'elle n'est pas assujettie aux mêmes obligations et responsabilités que les autres parties de notre pays. L'échéance approche. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour empêcher les États-Unis de recourir à des pratiques déloyales. Nous recherchons tous un dénouement positif.

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, dans le même ordre d'idées, ai-je bien entendu le leader du gouvernement au Sénat dire hier que le gouvernement négociait l'ensemble de la question? Le gouvernement n'a-t-il pas tenu compte du fait que l'accord des Maritimes a été satisfaisant pour les Maritimes et les États-Unis? A-t-il essayé d'arriver à un accord ou inclut-il cet aspect dans la question plus vaste? Dans ce dernier cas, le gouvernement envisagerait-il de renégocier la position des Maritimes de manière distincte, au lieu de la mêler à toute la querelle concernant l'ensemble de l'industrie du bois d'œuvre?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, le gouvernement du Canada estime important que les États-Unis comprennent que les exportations canadiennes de bois d'œuvre destinées à leurs marchés doivent être traitées équitablement d'un océan à l'autre. Il est aussi important que le gouvernement du Canada reconnaisse que les provinces de l'Atlantique ont entretenu des relations particulières qui leur garantissent le libre-échange du bois d'œuvre entre le Canada et les États-Unis. Voilà l'objectif qui est recherché pour tout le pays.

Le sénateur Robertson: Honorables sénateurs, ce que je retiens de la réponse de madame la ministre, c'est que le gouvernement ne traitera pas le cas des Maritimes séparément du cas national. Nous serons donc prisonniers d'arguments qu'on oppose au reste du Canada, mais qui ne s'appliquent pas à nous. Je ne comprends pas pourquoi le cas des Maritimes n'est pas traité séparément, étant donné que notre situation est différente de celle du reste du Canada.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, comme le sénateur le sait, nous avons conclu l'accord de libre-échange avec les États-Unis ainsi que l'ALENA, qui a été signé par le Canada, les États-Unis et le Mexique. Une des obligations que les parties à ces accords doivent respecter, c'est l'égalité de traitement entre les trois pays, quel que soit l'endroit dans le pays où l'échange commercial a lieu. L'objectif du gouvernement du Canada, c'est de veiller à ce que les obligations qu'ont contractées les trois pays — le Canada, les États-Unis et le Mexique — soient protégées dans toutes les régions de notre pays.

[Français]

RÉPONSE DIFFÉRÉE À UNE QUESTION ORALE

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai une réponse différée à la question posée par l'honorable sénateur Gauthier, le 12 mars 2001, concernant le Conseil du Trésor, l'éventualité d'une réforme de la fonction publique et la participation du Sénat.

LE CONSEIL DU TRÉSOR

L'ÉVENTUALITÉ D'UNE RÉFORME DE LA FONCTION PUBLIQUE—LA PARTICIPATION DU SÉNAT

(Réponse à la question posée le 12 mars 2001 par l'honorable Jean-Robert Gauthier)

Il faut effectuer la refonte complète du régime de gestion des ressources humaines, ce qui pourrait inclure une réforme législative ainsi que l'examen des rôles organisationnels.

La présidente du Conseil du Trésor, à titre de championne de la réforme de la gestion des ressources humaines, examinera la meilleure façon d'exécuter cette réforme. Les décisions au sujet des participants au processus de réforme seront communiquées sous peu.

Le vérificateur général a souligné la nécessité d'un cadre intégré clarifiant le régime éparpillé de responsabilisation relatif à la gestion des ressources humaines

À l'heure actuelle, la Commission de la fonction publique est en train de vérifier l'imputabilité concernant la mise en application des pouvoirs délégués en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Les ministères fournissent aussi des rapports annuels sur les résultats. En outre, des sondages et des vérifications en matière de dotation ainsi que les appels et enquêtes connexes fournissent des informations pertinentes sur l'imputabilité.


LA SANCTION ROYALE

AVIS

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante:

RIDEAU HALL

Le 29 mars 2001

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que l'honorable Ian Binnie, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de suppléant du Gouverneur général, se rendra à la Chambre du Sénat, aujourd'hui, le 29 mars 2001 à 16 h 15, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le sous-secrétaire, politique, programme et protocole,
Anthony P. Smyth

L'honorable
    Le Président du Sénat
        Ottawa


[Traduction]

(1430)

ORDRE DU JOUR

PROJET DE LOI SUR LE GOUVERNEMENT DU TERRITOIRE PROVISOIRE DE KANESATAKE

DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Joan Fraser propose: Que le projet de loi S-24, Loi visant à mettre en œuvre l'entente conclue par les Mohawks de Kanesatake et Sa Majesté du chef du Canada concernant l'exercice de pouvoirs gouvernementaux par ceux-ci sur certaines terres et modifiant une loi en conséquence, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, il y a onze ans ce mois-ci, des barricades étaient dressées entre le village d'Oka et la communauté mohawk voisine de Kanesatake. S'installa alors une période de violence et de profonde méfiance entre ces deux communautés et, très rapidement, entre les Autochtones et les non-Autochtones de la partie sud du Québec et au-delà.

On se souviendra longtemps de la crise d'Oka comme de l'un des épisodes les plus difficiles de l'histoire des relations du Canada avec les peuples des Premières nations. Des images de cette confrontation armée étaient chaque jour publiées dans les journaux et diffusées à la télévision non seulement au Canada, mais dans le monde entier. Cette crise a amèrement divisé une région où les Mohawks et les non-Mohawks cohabitaient depuis des siècles et continuent de cohabiter à présent que les barricades sont tombées et que la presse internationale est partie ailleurs pour couvrir d'autres crises.

Comme les sénateurs peuvent l'imaginer, il a été extrêmement difficile de restaurer la confiance entre les habitants de ces deux communautés. Trop de dures paroles avaient été prononcées, trop d'actes imprudents ou malveillants avaient été commis des deux côtés pour permettre d'arriver rapidement à une paix véritable, mais aujourd'hui, 11 ans plus tard, d'importants progrès ont été faits. Nous pouvons vraiment dire que l'avenir est de nouveau prometteur.

Aujourd'hui on nous demande d'appuyer un projet de loi qui fera avancer toutes les parties dans la recherche d'une solution définitive aux problèmes ayant trait aux terres et à l'exercice de pouvoirs gouvernementaux, qu'éprouvent les Mohawks de Kanesatake. Le projet de loi S-24, Loi sur le gouvernement du territoire provisoire de Kanesatake, donne force de loi à une entente historique qui reconnaît pour la première fois une assise territoriale pour les Mohawks de Kanesatake, ainsi que les pouvoirs de légiférer sur ces terres. L'entente marque une étape dans le processus permanent de règlement de revendications centenaires et visant à établir de bonnes relations entre le Canada, les Mohawks de Kanesatake et les résidents non mohawks de la municipalité d'Oka.

Il est important de comprendre que, même si cette entente a été négociée entre les Mohawks et le gouvernement fédéral, la municipalité a été étroitement consultée. L'entente renferme des mesures novatrices devant permettre aux deux collectivités de gérer harmonieusement leurs terres respectives.

[Français]

Honorables sénateurs, vous n'êtes peut-être pas au fait des progrès significatifs qui ont été réalisés au cours de la dernière décennie pour ramener la stabilité et l'autorité de la loi à Kanesatake. Les cinq dernières années ont été particulièrement fructueuses. En décembre 1996, par exemple, Kanesatake, le Canada et le Québec ont conclu une entente provisoire qui prévoyait la mise sur pied d'un service policier, et se sont entendus sur une zone de patrouille. Le service de police de Kanesatake est devenu, en octobre 1999, un corps policier à part entière, et ses agents ont été promus de constables spéciaux à agents de police de plein droit.

Aujourd'hui, la police de Kanesatake et la Sûreté du Québec entretiennent une relation positive. Elles ont travaillé ensemble dans le cadre de certaines opérations d'importance.

L'établissement en 1999 d'un centre d'accueil pour les personnes âgées est aussi une grande source de fierté chez les Mohawks de Kanesatake. En plus, les Mohawks ont désormais la main-mise sur l'administration de l'éducation et une nouvelle école d'immersion mohawk est en voie de construction. Les travaux de planification sont aussi amorcés en vue de créer un centre pour les jeunes de Kanesatake, ce qui aura une influence positive sur eux.

Le dossier de l'acquisition des terres devant procurer aux Mohawks de Kanesatake une assise territoriale provisoire a également progressé, tandis que les négociations se poursuivent sur les questions foncières plus vastes et l'exercice des pouvoirs en général par les Mohawks de Kanesatake.

(1440)

[Traduction]

Depuis la crise d'Oka, il y a quelques années, le Canada a acheté 177 propriétés destinées à l'usage et à la jouissance des Mohawks de Kanesatake. Ces terres incluent une partie du territoire connue sous le nom de La Pinède, qui avait beaucoup retenu l'attention au cours de la crise de 1990. Kanesatake utilise depuis le terrain acquis dans La Pinède aux fins d'agrandissement de son cimetière.

Une société de développement mohawk a été formée en 1999 pour gérer les propriétés acquises à Oka depuis 1990, ainsi que pour réaliser divers projets de développement économique. Aux termes d'une entente de gestion conclue avec le Canada, la société loue ces propriétés à des membres de Kanesatake. Tous les loyers perçus en vertu de cette entente sont utilisés dans l'intérêt de l'ensemble de la collectivité.

Honorables sénateurs, les résultats excellents des efforts déployés pour établir un territoire destiné aux Mohawks de Kanesatake commencent maintenant à se manifester dans la collectivité. Il est temps de passer à l'étape suivante, soit de conférer un statut juridique clair à ce territoire et un fondement juridique solide qui permette aux Mohawks de Kanesatake d'exercer les pouvoirs gouvernementaux sur ces territoires, comme les autres Premières nations peuvent le faire aux termes de la Loi sur les Indiens. Cela est au coeur de nombreux problèmes qui se sont présentés dans cette région. L'incertitude qui entourait le statut des terres des Mohawks de Kanesatake et l'exercice de pouvoirs gouvernementaux sur ces terres a donné lieu à un vide juridique et contribué à l'instabilité qui régnait dans la région.

L'assiste territoriale a été conservée en tant que terres publiques destinées aux Mohawks de Kanesatake, et non à titre de terres de réserve aux termes de la Loi sur les Indiens. Pour cette raison, le Mohawk Council of Kanesatake n'avait pas les outils juridiques à la disposition d'autres Premières nations pour contrôler le développement de sa propre assise territoriale ou pour empêcher qu'on utilise ces terrains à des fins pouvant être néfastes.

La situation juridique relative aux terres de Kanesatake est devenue encore plus floue à la suite de la décision de 1998 dans l'affaire Jean-Roch Simon, qui a eu pour effet de soumettre au moins certaines terres des Mohawks de Kanesatake à des règlements municipaux. Aucune autre Première nation du pays n'est visée par un tel régime.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-24 va dissiper cette incertitude juridique en mettant en œuvre l'entente concernant l'exercice de pouvoirs gouvernementaux par Kanesatake sur son assise territoriale provisoire, qui a été signée le 21 décembre dernier par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le grand chef des Mohawks de Kanesatake.

En reconnaissant une assise territoriale provisoire aux Mohawks de Kanesatake et en établissant les fondements juridiques leur permettant de régir le développement et l'utilisation de cette assise territoriale provisoire, le projet de loi S-24 va consolider les gains qui ont été réalisés à Kanesatake au cours de la dernière décennie. Pour cette raison, il est absolument essentiel que nous souscrivions à cette mesure législative. Dans le cas contraire, nous porterions un dur coup aux efforts du gouvernement pour régler les griefs en souffrance de la collectivité. Ce projet de loi va contribuer à une paix et à une harmonie durables dans cette région.

Honorables sénateurs, je voudrais parler rapidement des principaux éléments de l'accord. Comme je l'ai dit au départ, il reconnaît pour la première fois une assise territoriale provisoire aux Mohawks de Kanesatake. Je souligne le mot «provisoire» car l'accord prévoit explicitement que d'autres terres pourraient être visées dans les années à venir avec le consentement des deux parties.

Aux termes de l'accord, l'assise territoriale provisoire des Mohawks de Kanesatake sera visée par la disposition 91.24 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui donne au gouvernement du Canada un pouvoir législatif exclusif sur les Indiens et les terres réservées pour les Indiens. Cependant, les terres des Mohawks de Kanesatake ne seront pas considérées comme des terres de réserves aux termes de la Loi sur les Indiens. On garantit ainsi un statut juridique clair à ces terres tout en empêchant qu'elles soient visées par le régime lourd et restrictif de gestion des terres prévu dans la Loi sur les Indiens.

Honorables sénateurs, comme son nom l'indique, l'accord va également garantir que les Mohawks de Kanesatake aient des pouvoirs juridiques solides pour adopter des lois et des règlements touchant leur assise territoriale provisoire. En l'absence de ces fondements juridiques, ils n'ont pu exercer ces pouvoirs.

Le projet de loi S-24 confirmera que les Mohawks de Kanesatake ont le pouvoir de faire des lois dans des domaines comme le zonage des terres, la gestion des déchets, la santé et la qualité de vie des résidents et la sécurité-incendie. Tous les résidents du secteur, Mohawks et non-Mohawks, tireront parti de la présence à Kanesatake d'un gouvernement disposant des outils nécessaires pour assurer la mise en valeur prudente des terres.

Pour établir les principes de saine gestion publique dans le cadre desquels le Mohawk Council of Kanesatake exercera ses pouvoirs, l'accord prévoit aussi l'adoption par Kanesatake d'un code foncier. Ce code va prévoir une gestion publique ouverte et responsable dans les intérêts supérieurs de la collectivité et une reddition de comptes intégrale sur les plans politique et financier.

Honorables sénateurs, un autre volet important de l'accord a trait à l'harmonisation de certaines lois de Kanesatake avec les règlements d'Oka concernant les terres contiguës. Pour bien comprendre la nécessité d'une entente d'harmonisation, il est important de savoir que toutes les parties du territoire de Kanesatake ne sont pas contiguës et que 57 des terres des Mohawks de Kanesatake sont situées dans le village d'Oka. Ce n'est pas une situation où l'on trouve un vaste bloc de terres mohawks et un bloc de terres non mohawks. Si vous consultez une carte, vous constaterez que dans le village les deux ensembles de terres, mohawks et non-mohawks, forment une mosaïque extraordinaire, un édredon incroyable, un kaléidoscope. Ces collectivités ne pourraient se libérer l'une de l'autre même si elles le voulaient.

Par conséquent, il est dans les intérêts supérieurs de tous les résidents de la région que l'aménagement futur des terres contiguës dans le village d'Oka soit compatible et harmonieux. C'est pourquoi l'accord de gestion des terres impose à Kanesatake l'obligation de négocier une entente d'harmonisation avec la municipalité d'Oka en ce qui concerne leurs terres respectives dans le village d'Oka. Cette entente traiterait de l'harmonisation des lois foncières de Kanesatake et des règlements fonciers d'Oka concernant les terres contiguës dans le village d'Oka.

Des représentants des deux collectivités tiennent déjà des rencontres en vue de négocier une entente d'harmonisation et d'aborder d'autres préoccupations mutuelles. D'ici à ce que l'entente d'harmonisation soit en vigueur, la mise en valeur des terres des Mohawks de Kanesatake à Oka sera limitée aux utilisations qui sont présentement permissibles à Oka, et le statu quo sera observé.

Honorables sénateurs, tout gouvernement qui a le pouvoir d'adopter ses propres lois doit aussi avoir le pouvoir de les faire respecter. À cette fin, l'entente sur la gestion des terres donne à Kanesatake le pouvoir de faire respecter son droit communautaire. Il autorise aussi Kanesatake à nommer ses propres juges, une fois conclue une entente sur la relation entre ces juges et le système de justice du Québec. De concert avec les représentants du gouvernement du Québec, le Canada et Kanesatake sont en bonne voie de conclure une telle entente.

L'entente sur l'assise territoriale traite aussi de l'application des lois provinciales sur les territoires de Kanesatake. Essentiellement, le projet de loi S-24 aura le même effet juridique que celui de la Loi sur les Indiens dans les réserves de tout le pays. En général, bien entendu, l'application des lois provinciales sur les terres des Indiens est quelque peu limitée, car ces terres relèvent du fédéral.

Cela dit, les Mohawks de Kanesatake ont fait preuve d'un solide leadership en matière d'environnement en acceptant que leurs actions demeurent conformes aux normes sur les pratiques environnementales en vigueur dans la province dans les cas où il n'existe pas de normes environnementales fédérales.

Un autre point important est le fait que l'entente sur l'assise territoriale sera conclue sans préjudice à tout droit des Mohawks de Kanesatake, qu'il s'agisse de droits ancestraux ou issus de traités, et sans préjudice au règlement des griefs non encore réglés en ce qui concerne la seigneurie du lac des Deux-Montagnes. Ces questions continuent de faire l'objet de négociations entre le gouvernement du Canada et Kanesatake.

Cela explique en quoi consiste l'entente sur la gestion des terres, honorables sénateurs, mais ce qu'elle n'est pas est tout aussi important.

Ce n'est pas une entente d'unification des terres. Certaines terres réservées aux Mohawks de Kanesatake sont, comme je l'ai déjà dit, dispersées et entrelacées de terres n'appartenant pas à des Mohawks et cette entente ne changera rien à cette situation.

Ce n'est pas une entente sur les revendications territoriales, et ce n'est pas la solution finale aux griefs non réglés quant aux terres de Kanesatake. Bien des questions liées aux terres demeurent non résolues, mais avant de parvenir à un règlement final, toutes les parties doivent comprendre parfaitement le statut juridique de l'assise territoriale provisoire et les lois qui s'y rapportent.

Ce n'est pas un accord global sur l'autonomie gouvernementale ni un traité. C'est une entente unique sur la gestion de terres, qui tient compte des circonstances spéciales de Kanesatake. Elle équilibre simplement les choses en donnant aux Mohawks de Kanesatake la possibilité d'exercer, sur leur assise territoriale, des pouvoirs gouvernementaux que les autres Premières nations possèdent depuis des décennies.

Je note enfin que cet accord ne parle pas des droits de la femme autochtone. La question m'inquiète beaucoup, comme le savent certains d'entre vous, et j'estime qu'il est grand temps que nous la réglions. On me dit cependant que, pour ce qui concerne la résidence, question qui viendrait au premier plan des préoccupations dans tout accord relatif à la gestion des terres, les Mohawks de Kanesatake se sont déjà pourvus d'une politique foncièrement inclusive, et non d'une politique d'exclusion de quelque Mohawk de Kanesatake que ce soit. En outre, les lois fédérales pertinentes continuent de s'appliquer, tout comme la Charte des droits.

Honorables sénateurs, l'accord territorial et le projet de loi S-24, la loi de mise en œuvre, sont des éléments fondamentaux du processus qui permettra de régler, à long terme et par voie de négociation et non de confrontation, les différends des Mohawks de Kanesatake.

[Français]

Honorables sénateurs, les membres de la collectivité de Kanesatake ont ratifié l'entente sur l'exercice de pouvoirs gouvernementaux sur les terres. Avant la tenue du vote, tous les foyers des Mohawks de Kanesatake ont reçu une copie de l'entente et du code afférent à l'exercice des pouvoirs fonciers, ainsi qu'un résumé et une explication des deux documents.

Le conseil des Mohawks de Kanesatake a tenu deux assemblées publiques en juillet de l'année dernière et a donné au-delà de 50 plus petits ateliers pour expliquer la portée et l'effet de l'entente.

[Traduction]

Le 14 octobre dernier, une petite majorité de Mohawks de Kanesatake s'est prononcée en faveur de l'accord. Le vote ayant été très serré, 239 voix pour et 237 voix contre, le grand chef et le conseil ont décrété qu'un recomptage indépendant s'imposait. Ils ont également demandé un examen juridique indépendant du processus de ratification.

Le 14 décembre, le résultat du vote de ratification était confirmé grâce à un recomptage effectué par l'honorable Lawrence Poitras, juge en chef retraité de la Cour supérieure du Québec. M. Poitras a également procédé à l'examen juridique du processus de ratification, dont il a d'ailleurs trouvé qu'il était juste et indiqué à tous égards. Cela a facilité la signature officielle de l'accord par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le grand chef des Mohawks de Kanesatake. L'adoption du projet de loi S-24 est la dernière étape nécessaire à la mise en œuvre de l'accord.

[Français]

Honorables sénateurs, comme c'est le cas dans toute démocratie, certains membres de la collectivité s'opposent à la ratification et à la mise en œuvre de l'entente. Je crois qu'il est nécessaire cependant de rappeler qu'une majorité de membres a effectivement ratifié l'entente par l'entremise d'un processus démocratique juste et transparent.

La communauté a donc décidé qu'il était temps d'aller de l'avant. L'entente permet aux Mohawks de Kanesatake de relever les défis qui sont associés à la gestion de leur assise territoriale provisoire. Ainsi, ils seront davantage en mesure de faire face à des défis plus importants lorsqu'ils géreront leur assise territoriale permanente.

Il s'agit d'un nouveau départ pour leur région, un nouveau départ qui repose sur une base juridique solide, l'harmonie municipale, le dialogue constructif et la poursuite des buts communs de prospérité économique et sociale.

Le gouvernement du Québec a été consulté et renseigné sur l'entente et a donné son appui général. La municipalité d'Oka donne aussi son aval à l'entente. Comme je l'ai dit auparavant, les représentants municipaux travaillent déjà avec les Mohawks de Kanesatake afin d'harmoniser certaines lois de Kanesatake et certains règlements d'Oka.

[Traduction]

Honorables sénateurs, les négociations qui nous ont menés là où nous en sommes ont parfois été stimulantes. Ce qui compte, c'est qu'elles ont porté fruit et qu'elles nous ont fourni l'occasion de tourner une autre page, une très belle, de l'histoire de la région de Kanesatake-Oka.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Rivest, le débat est ajourné.)

LA LOI SUR LES DOUANES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—REPORT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Setlakwe, appuyé par l'honorable sénateur Gill, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-23, Loi modifiant la Loi sur les douanes et d'autres lois en conséquence.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'avais ajourné à mon nom le débat à l'étape de la deuxième lecture initié par le sénateur Setlakwe. Je voudrais que l'on ajourne le débat au nom du sénateur Angus.

(Le débat est reporté.)

[Français]

(1450)

PROJET DE CHARTE DU DROIT À LA VIE PRIVÉE

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Finestone, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Rompkey, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-21, Loi visant à garantir le droit des individus au respect de leur vie privée.—(L'honorable sénateur Robichaud, c.p.).

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Beaudoin a indiqué qu'il voudrait prendre la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-21. Je n'ai aucune objection à ce qu'il prenne la parole et j'ajournerai le débat.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots au sujet du projet de loi S-21, Loi visant à garantir le droit des individus au respect de leur vie privée.

La personne responsable de ce projet de loi, l'honorable sénateur Finestone, a bien décrit le projet de loi S-21, tant dans sa forme que dans son contenu. Je n'y reviendrai donc pas, si ce n'est pour discuter des trois points suivants: premièrement, la portée du projet de loi S-21; deuxièmement, la protection du droit à la vie privée dans la Charte canadienne des droits et libertés; troisièmement, les obligations internationales du Canada en matière de vie privée.

Le projet de loi S-21 peut être qualifié de loi quasi constitutionnelle en raison, notamment, de l'article 11 du projet de loi, qui interdit toute dérogation et qui confirme la suprématie du projet de loi S-21, une fois adopté, sur toute autre loi ordinaire à moins d'une déclaration expresse du contraire.

Quant à l'application pratique de ce projet de loi, il est entendu qu'il se limite aux matières qui relèvent de la compétence du Parlement canadien, ainsi qu'en témoigne l'article 9.

Il semble donc que le projet de loi S-21 constitue un complément législatif au droit à la vie privée, qui est déjà protégé constitutionnellement par les articles 7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Incidemment, l'article 8 enchâsse une protection générale contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives. Cette garantie s'applique tant aux personnes physiques qu'aux personnes morales. L'article 8 protège donc le droit à la vie privée, peu importe la technique employée pour le restreindre. Par contre, cette protection n'est pas absolue. L'article 8 se lit ainsi:

Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

La jurisprudence a cerné la notion de caractère «abusif» au sens de l'article 8. En effet, pour qu'une fouille, une perquisition ou une saisie soit qualifiée de «raisonnable» et non pas d'«abusive», elle doit:

(i) avoir été préalablement autorisée;

(ii) par une personne neutre et impartiale qui doit agir de façon judiciaire;

(iii) selon des motifs raisonnables et probables, de simples soupçons n'étant pas suffisants; et

(iv) être effectuée de manière raisonnable et non abusive.

Ainsi, une fouille, perquisition ou saisie illégale sera, prima facie, abusive. Une fouille, perquisition ou saisie légale pourra toutefois être qualifiée d'abusive si elle a été effectuée d'une manière abusive. De plus, une fouille, perquisition ou saisie déclarée abusive pourra très difficilement être justifiée comme «raisonnable» au sens de l'article 1 de la Charte.

Précisons tout de suite que la violation de l'intégrité physique de l'individu est la plus grave qui soit. Viennent ensuite la violation du domicile et celle du bureau.

Il est à noter que les tribunaux ont fait, jusqu'à maintenant, une distinction entre les saisies en matière criminelle ou quasi criminelle et celles en matière administrative. Les critères de l'arrêt Hunter s'appliquent aux premières, mais pas aux secondes. La Cour suprême a aussi précisé, dans l'arrêt McKinlay Transport, que plus l'atteinte au droit à la vie privée est grande, plus les garanties de l'arrêt Hunter doivent être respectées.

Le droit à la vie privée est aussi généralement protégé par l'article 7 de la Charte canadienne. Cette disposition énonce que:

Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

L'article 7 de la Charte canadienne a été interprété de façon généreuse et libérale par les tribunaux. À titre d'exemple, le choix de sa résidence, dans la ville de son choix, fait partie de la notion de vie privée, selon la Cour suprême dans l'arrêt Godbout.

Par ailleurs, il convient de noter qu'en légiférant — tant du point de vue constitutionnel que du point de vue législatif — nous nous conformons aux instruments internationaux ratifiés par le Canada. Je pense notamment à l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui garantit expressément le droit à la vie privée.

Bien sûr, le droit à la vie privée n'est pas absolu. La Charte canadienne des droits et libertés prévoit elle-même, l'article 1, que des restrictions raisonnables sont admises dans notre société libre et démocratique. L'article 4 du projet de loi S-21 s'inspire en grande partie de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés et de la jurisprudence qui en découle. Par ailleurs, bien que je ne doute nullement que le droit à la vie privée soit un droit fondamental, j'estime qu'il doit y avoir un juste équilibre entre ce droit et la liberté d'expression et même, ajouterais-je, entre le droit à la vie privée et le droit à l'information.

Il est d'ailleurs intéressant de noter que le magazine mensuel Le Monde diplomatique vient tout juste de consacrer un numéro complet de son bimestriel «Manière de voir», à la question de la vie privée. Ce numéro est intitulé: «Sociétés sous contrôle». Le directeur de la rédaction, M. Ignacio Ramonet, termine son éditorial en affirmant:

Et chaque jour qui passe nous révèle combien, à notre insu, sont facilement franchis, de mille et une manières, les fragiles remparts qui protègent notre vie privée.

Voilà qui fait bien réfléchir.

Honorables sénateurs, comme je l'ai déjà mentionné, j'appuie le projet de loi S-21, sous réserve d'une étude plus approfondie en comité.

[Traduction]

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): L'honorable sénateur Beaudoin accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Beaudoin: Oui.

Le sénateur Kinsella: Le sénateur Beaudoin a cité deux articles de la Charte canadienne des droits et libertés et l'article du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui garantit le droit à la vie privée. Est-ce que la définition du droit à la vie privée que donne le Pacte est plus large et plus généreuse que celle des deux articles de la Charte, même compte tenu des interprétations que les tribunaux ont faites des articles de la Charte?

Le sénateur Beaudoin: J'ai l'impression que le Pacte international lui donne une définition plus précise, car la reconnaissance du droit à la vie privée dans la Charte canadienne a été établie par l'interprétation qu'on en a faite, bien sûr. Toutefois, comme le sénateur le sait, la Charte canadienne des droits et libertés a fait l'objet de 400 décisions. Je crois que jusqu'à un certain point, l'article 7 de la Charte constitue l'un de ses articles les plus importants. Je suis plutôt satisfait de voir que nous honorons nos obligations sur la scène mondiale. Qu'avons-nous de plus précis, le Pacte, notre Charte ou la jurisprudence découlant de notre Charte canadienne des droits et libertés? Je n'ai pas eu le temps d'examiner toutes les décisions à l'échelle internationale, mais selon moi, il ne fait aucun doute que le droit à la vie privée est solidement enchâssé.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, j'ai une autre question qui est peut-être théorique, mais je sais que le sénateur Beaudoin aime les questions théoriques autant que les questions socio-politiques.

L'honorable sénateur Beaudoin pense-t-il que, lorsqu'on a rédigé la Charte des droits et libertés, il aurait été préférable d'y inclure un article précis portant directement sur le droit à la vie privée?

Le sénateur Beaudoin: En parlant en mon nom personnel, je réponds certainement oui. En droit, je préfère toujours un texte qui est plus précis sur des points importants qu'un texte un peu vague. Le respect de la vie privée est tellement important et tellement menacé dans notre monde moderne que nous y gagnons à être plus précis.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, à propos d'une garantie éventuelle du droit au respect de la vie privée dans la Charte des droits et libertés, étant donné que l'un des pouvoirs que nous conservons au Sénat est celui de prendre l'initiative de proposer des résolutions visant à modifier la Constitution, mon honorable collègue envisagerait-il de rédiger une telle modification à la Charte et de la présenter ici pour qu'on en débatte et qu'on l'approuve éventuellement?

Le sénateur Beaudoin: Honorables sénateurs, si mes amis me demandent de le faire, je pourrais y prendre un grand intérêt.

(Sur la motion du sénateur Robichaud, le débat est ajourné.)

L'ÉTAT DU SYSTÈME DE SOINS DE SANTÉ

LE RAPPORT DU COMITÉ DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie intitulé: «La santé des Canadiens — Le rôle du gouvernement fédéral, Volume un: Le chemin parcouru», déposé au Sénat le 28 mars 2001.—(L'honorable sénateur Kirby).

L'honorable Michael Kirby propose: Que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je suis heureux d'avoir eu l'occasion hier de déposer le volume un du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie sur l'état du système de soins de santé au Canada. Il s'agit du premier de cinq volumes que le comité déposera et il marque la fin de travaux préliminaires passionnants.

Ce rapport a pour but de présenter les témoignages reçus au cours de la première étape de l'étude du Comité sur l'état des soins de santé. Les objectifs de la première étape consistaient à obtenir un aperçu historique du rôle du gouvernement fédéral dans le système canadien de soins de santé, à bien saisir les motifs de l'adoption de la Loi canadienne sur la santé, à comprendre l'évolution du financement des soins de santé par le gouvernement fédéral et, surtout, à faire une analyse des mythes et des réalités entourant notre système de soins de santé.

Le Comité a entendu toute une brochette de témoins. Il y a eu des discussions fascinantes, en raison non seulement de la qualité des témoins, mais aussi des contributions de mes collègues des deux côtés de la Chambre.

Je pense, honorables sénateurs, que le Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, et aussi, bien sûr, le Sénat, ont les qualités particulières voulues pour traiter des questions de santé de manière équilibrée. Les membres du Comité, au nombre desquels figurent des anciens professionnels des soins de santé, des anciens ministres provinciaux de la Santé, un ancien premier ministre provincial et d'anciens responsables des politiques publiques, peuvent mettre à contribution leurs diverses expériences et perspectives. Ils ont posé des questions difficiles et mis cartes sur table. La qualité du présent rapport est directement attribuable aux efforts de tous les honorables sénateurs faisant partie du Comité.

Ce rapport constitue un bon point de référence pour faire avancer le débat. Il offre une assise solide au Comité, qui aura à surmonter des obstacles difficiles au cours des quatre étapes suivantes de l'Étude.

Depuis l'injection de nouveaux fonds à la suite de la conférence des premiers ministres, en septembre dernier, l'avenir de notre système de santé s'annonce raisonnablement brillant à court terme. Les Canadiens sont en assez bonne santé. En fait, sous le rapport de l'espérance de vie, ils se classent deuxièmes derrière les Japonais. Chose intéressante, les États-Unis arrivent au 25e rang à ce chapitre, même s'ils dépensent beaucoup plus d'argent par habitant en soins de santé que les Canadiens. Il semble donc que le fait de dépenser plus pour les soins de santé ne garantit pas une plus grande longévité ou une meilleure qualité de vie.

Toutefois, honorables sénateurs, je ne suis pas aussi convaincu de la durabilité à long terme de notre système de soins de santé. Les changements démographiques que l'on connaît, en particulier le vieillissement de la population, les coûts toujours plus élevés des soins de santé, par suite de l'avènement de nouvelles drogues et de nouvelles technologies, la démarche structurelle fragmentée généralement observée au Canada dans l'organisation et la gestion des soins de santé, de même que les attentes changeantes de la population, sont quelques-unes des réalités avec lesquelles nous devrons composer, et qui créeront des pressions inévitables sur le système de soins de santé dans les années à venir.

Si l'on veut que le système de soins de santé réponde aux besoins d'une population en mutation, il faudra répondre à des questions fondamentales. Tout projet de réforme, de restructuration ou de renouvellement du système de soins de santé suscite de vives émotions et même de la méfiance parmi les Canadiens. L'existence même de l'assurance-maladie en dit long sur ce que c'est que d'être canadien et nous distingue en grande partie de nos voisins du sud.

C'est surtout parce que l'assurance-maladie bénéficie de la protection de la population et d'un appui politique que les leaders politiques s'attachent exclusivement à modifier les niveaux actuels de financement pour soutenir le système traditionnel, alors que seuls d'importants changements structurels, en fait, peuvent assurer la survie du système à long terme.

Si nous voulons garder un système de soins de santé à la canadienne qui soit de grande qualité et accessible, si l'on veut avoir accès à des services de qualité et à toute une gamme de soins, nous devons être prêts à prendre des décisions en ce sens. Il est temps, honorables sénateurs, que les Canadiens se parlent franchement des défis à relever. Il est temps de tâter le pouls de la population sur des questions clés afin de rester dans la bonne voie. Les Canadiens doivent dire à leurs décideurs quels sont les changements qu'ils appuient et quels sont ceux qu'ils n'appuient pas. Quoique, avant même que les Canadiens ne se lancent dans un dialogue aussi informé, nous devons mieux les informer sur le système et, en fait, sur les options qui s'offrent à eux.

Par conséquent, honorables sénateurs, notre comité s'arrangera pour publier l'automne prochain un document sur les réponses possibles à donner à un certain nombre de questions importantes.

Revenons un instant en arrière et demandons-nous quel était à l'origine l'objectif de l'assurance-maladie. Lorsqu'il a comparu devant le comité sénatorial, Tom Kent a expliqué que l'objectif de la Loi de 1966 sur l'assurance-maladie et de la Loi de 1957 sur l'assurance-hospitalisation et les services diagnostiques était de:

[...] garantir à chaque Canadien l'accès à tous les services médicalement nécessaires, indépendamment de sa capacité de payer pour ces services.

(1510)

L'objectif de cette politique gouvernementale a été réaffirmé dans la Loi canadienne sur la santé de 1984, grâce aux cinq fameux principes de l'universalité, de la l'intégralité, de l'accessibilité, de la transférabilité et de la gestion publique.

La plupart des Canadiens croient que la Loi canadienne sur la santé garantit un accès à tous les services de santé d'un océan à l'autre, un accès qui soit uniforme et financé publiquement. En fait, ce n'est pas le cas. Lorsque les régimes d'assurance-hospitalisation et d'assurance-maladie ont commencé, on a pris deux décisions importantes au sujet de la façon dont les régimes seraient mis en application. Tout d'abord, on a convenu de ne pas évaluer les moyens financiers des patients avant qu'ils reçoivent les services médicaux. On a pris cette décision parce qu'on a estimé qu'une telle évaluation découragerait les patients à revenus modestes de demander une aide médicale. Deuxièmement, il a été convenu que le régime dans chaque province serait administré par un ministère ou un organisme central. Si l'on a pris cette décision, c'était pour que les régimes d'assurance-hospitalisation et d'assurance-maladie puissent bénéficier de l'efficacité d'un modèle de «payeur unique». Voilà l'origine du principe de la gestion publique énoncé dans la Loi canadienne sur la santé. Malheureusement, on croit souvent à tort que ce principe de la gestion publique interdit la participation du secteur privé au système actuel. Ce n'est absolument pas le cas.

Honorables sénateurs, en fait, les gens croient certaines choses qui ne sont pas fondées au sujet du régime de soins de santé. D'autres choses sont vraies, mais sincèrement, elles ne sont pas logiques. Permettez-moi de vous donner un exemple. Si vous allez à l'hôpital et que vous recevez de l'oxygène, les frais sont couverts. Si vous retournez chez vous et que vous devez recevoir de l'oxygène, les frais ne sont pas couverts. Ce n'est guère ce qu'on peut appeler une politique logique en matière de soins de santé.

Autour des mots «médicalement nécessaires» dans la Loi canadienne sur la santé, il y a des concepts qui portent gravement à confusion quant à la signification de ces mots. Notre supposé régime «universel» comprend une série différente de services médicalement nécessaires d'une province à l'autre. Par exemple, les services fournis à Terre-Neuve sont très différents de ceux qui le sont au Québec. Ils diffèrent parce que la définition de ce qui est médicalement nécessaire est centrée sur un ensemble de base de services médicaux et hospitaliers habituels. Cet ensemble de services de base existe partout au Canada. En plus de ces services de base, les provinces peuvent offrir des services dits «médicalement nécessaires». En outre, comme nous l'avons constaté au fil des ans durant les séances du comité, divers services qui ont déjà été considérés comme «médicalement nécessaires» et donc assurés ne le sont plus. En fait, notre régime n'est aussi uniforme que veulent bien le croire les Canadiens.

L'autre chose qui s'est produite, honorables sénateurs, c'est que depuis la création du régime d'assurance-maladie public il y a 40 ans, de nouveaux réseaux autres que les hôpitaux et les cliniques médicales se sont mis à offrir, par exemple, des services de soins à domicile et une foule de pharmacothérapies. Quand on va à l'hôpital ou dans un cabinet de médecin, on obtient parfois des échantillons de médicaments gratuits. Cependant, pour celui qui obtient ces médicaments dans un autre cadre, ils ne sont pas gratuits. Par conséquent, il n'est pas si facile et si simple qu'on le pense de déterminer quels services devraient être considérés comme médicalement nécessaires, et donc, remboursés par le régime public.

Le problème ne fera qu'empirer. Il est intéressant de souligner que les médicaments ont maintenant dépassé les services médicaux au chapitre des coûts. C'est-à-dire que le coût des médicaments d'ordonnance au Canada dépasse le coût total que représente la rémunération des médecins. Il est clair, si l'on veut que le régime d'assurance-maladie public ait encore un sens pour la vie de tous les Canadiens, qu'il va falloir revoir la définition des mots «médicalement nécessaires» pour qu'elle tienne compte de la réalité d'aujourd'hui. Si l'on continue de fonder le régime d'assurance-maladie financé par les fonds publics uniquement sur les modes de prestation de services des années 60, qui étaient centrés sur les hôpitaux et les cabinets de médecins, le régime répondra de moins en moins aux besoins des Canadiens en matière de santé.

Le choix des services assurés soulève inévitablement la question de savoir qui paiera ces services. Si la définition de «services médicaux nécessaires» est restreinte, les Canadiens devront, à titre individuel, supporter une part accrue des services dont ils auront besoin. Si la définition des services médicaux nécessaires est élargie, le système coûtera plus cher à la collectivité. S'ensuit la question de savoir comment les services accrus seront financés et comment on peut éviter qu'ils n'entraînent des coûts excessifs.

Durant ses audiences, le comité a reçu de nombreuses propositions quant à la façon d'aborder la question des coûts. Nous étudierons cette question plus en profondeur lorsque nous passerons à l'étude comparative internationale au printemps. Durant les audiences de la phase un, le comité a appris, par exemple, que la vision originale du régime de soins de santé prévoyait une échelle graduée de tarifs applicable après le fait en vertu de laquelle, à la fin de chaque année, la valeur des services fournis à une personne par le régime public s'ajoutait à son revenu imposable. Autrement dit, les Canadiens à faible revenu auraient payé moins ou rien du tout, alors que les Canadiens à revenu plus élevé auraient payé sensiblement plus. Au cours des mois à venir, le comité examinera de façon très détaillée la question des modes de financement des divers services élargis.

Honorables sénateurs, la question des quatre principes axés sur les patients, prévus dans la Loi canadienne sur la santé, à savoir l'universalité, la transférabilité, l'intégralité et l'accessibilité, soulève inévitablement la question des droits des patients et, comme l'ont révélé les témoignages recueillis par le comité, cette question soulève à son tour celle des responsabilités des patients.

Nous devons assurément tenir compte de ce facteur dans nos débats sur la réforme du système de soins de santé. Cette question se posera aussi, en même temps que celle du principe de la gestion publique, lequel n'exclut pas la privatisation. Le principe de la gestion publique vise à garantir l'efficience d'un système à payeur unique, mais il n'est pas bien compris de façon générale.

En résumé, honorables sénateurs, nous devons voir si le Canada doit continuer de limiter le programme public à deux systèmes de prestations, comme c'est le cas à l'heure actuelle, ou s'il faut revenir aux premiers principes et reconnaître qu'il est question de soins de santé et non seulement de services hospitaliers et de services médicaux. Si nous nous engageons dans cette direction, il nous faudra répondre aux questions suivantes: comment payer pour ces services? Qu'engloberont ces services? Si les services sont payés par les particuliers, quand cela devrait-il se faire?

Les questions que le comité étudiera dans les mois qui viennent portent sur les moyens de rendre le système plus responsable envers les Canadiens, les moyens d'améliorer la santé publique au Canada et les moyens de répondre aux besoins en soins de santé des Autochtones et d'améliorer leur état de santé.

Honorables sénateurs, beaucoup d'entre vous seraient étonnés par certaines données entendues par le comité sur la santé des Autochtones comparativement à celles sur la santé des Canadiens non autochtones. La situation est déplorable. Le comité étudiera des questions au fil de ses travaux. Aussi controversées que puissent être certaines questions et options soulevées, nous estimons qu'un débat rationnel ne peut découler que de discussions raisonnées axées sur les faits. Nous espérons que le rapport servira à faire mieux connaître une première série des faits.

La prochaine étape consistera à élaborer des options. Il est temps que nous tenions ce débat au Canada. Il est temps de réfléchir aux besoins des Canadiens et à ce que ceux-ci attendent d'un futur système de santé. De plus, nous ne devons pas aborder le débat dans un esprit de parti, mais plutôt en nous demandant ce que nous devons faire pour que ce service social qui nous est si cher reste au coeur de l'identité canadienne. C'est à cela que les membres du comité provenant des deux côtés du Sénat consacrent leurs efforts.

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, tout d'abord, je crois qu'il n'y a pas un Canadien qui contredirait le sénateur Kirby dans ce qu'il vient de dire ou qui ne ferait pas siennes les questions qu'il a posées. Je crois que tous les Canadiens applaudissent les efforts du comité.

J'aimerais savoir si le cabinet du premier ministre a communiqué avec le sénateur Kirby ou avec le leader du gouvernement au Sénat au sujet du groupe sélect dont nous avons entendu parler. Nous a-t-on demandé de participer aux travaux de ce groupe ou est-ce que le comité demandera à y participer?

Le sénateur Kirby: Honorables sénateurs, j'ignore s'il y a eu des discussions avec le leader du gouvernement. Je ne pourrais absolument pas dire s'il y a eu ou non des discussions. De mon côté, je n'ai eu aucune discussion avec les membres du cabinet du premier ministre, sauf pour les informer de ce que nous faisons.

(1520)

Je n'ai jamais parlé avec eux de la possibilité d'une étude. Il me semble que, si une telle étude était effectuée, le travail qu'a accompli ce comité et celui qu'il a l'intention d'accomplir en préparant le terrain pour la discussion des questions les plus importantes seraient une contribution extrêmement précieuse au débat. Je ne peux pas en dire plus car j'ignore la réponse.

Le sénateur Di Nino: Je me demande si notre collègue se ferait un devoir de s'assurer auprès du cabinet du premier ministre qu'il sera bien tenu compte du travail que lui et ses collègues de cette Chambre ont accompli dans l'élaboration des futures politiques.

Son Honneur le Président pro tempore: Le temps qui vous était alloué est écoulé, sénateur Kirby. Demandez-vous la permission de continuer?

Le sénateur Kirby: Oui.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

L'honorable Pat Carney: Non.

(Sur la motion du sénateur De Ware, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI SUR LA DÉNONCIATION DANS LA FONCTION PUBLIQUE

ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ

Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales (projet de loi S-6, Loi visant à favoriser la prévention des conduites répréhensibles dans la fonction publique en établissant un cadre pour la sensibilisation aux pratiques conformes à l'éthique en milieu de travail, le traitement des allégations de conduites répréhensibles et la protection des dénonciateurs, avec des amendements), présenté au Sénat le 28 mars 2001.—(L'honorable sénateur Murray, c.p.).

L'honorable Lowell Murray propose: Que le rapport soit adopté.

(La motion est adoptée et le rapport est adopté.)

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Kinsella, la deuxième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

LE REPORT DES DÉPENSES D'ENTRETIEN DES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT POSTSECONDAIRE AU CANADA

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Moore, attirant l'attention du Sénat sur la question du report des dépenses d'entretien des établissements d'enseignement postsecondaire au Canada.—(L'honorable sénateur DeWare).

L'honorable Mabel M. DeWare: Je me félicite de la décision du sénateur Moore de faire une interpellation au sujet du report des dépenses d'entretien des établissements d'enseignement postsecondaire du Canada. Je le félicite d'avoir attiré l'attention du Sénat sur cette question importante qui appelle une solution immédiate. J'espère que ses collègues libéraux, notamment au Cabinet, prêteront l'oreille.

Je suis heureuse que les sénateurs m'aient demandé de présenter la question dans une perspective régionale. Je suis honorée de le faire aujourd'hui.

La question du report de ces dépenses d'entretien a été soulevée au Sénat dans le contexte de l'interpellation du sénateur Atkins au sujet de l'éducation postsecondaire au Canada, et lors du débat en réponse au discours du Trône. Ces dépenses sont toutefois un élément exceptionnel et particulier de la réforme de l'enseignement postsecondaire et méritent qu'on les examine séparément.

À l'époque où j'étais ministre de l'Enseignement et de la Formation postsecondaires du Nouveau-Brunswick, j'avais participé à des entretiens ministériels sur la situation de l'enseignement postsecondaire dans la province. Il n'était pas toujours aisé de prendre des décisions engageant l'avenir de la province, surtout lorsqu'il était question de dépenses. Il n'en demeurait pas moins que nous faisions de notre mieux pour satisfaire les besoins exprimés, sans pour autant sacrifier nos objectifs à long terme.

Les sénateurs des Maritimes me comprennent sûrement, notamment les anciens premiers ministres de la Nouvelle-Écosse, le sénateur John Buchanan, et de Terre-Neuve, madame le sénateur Catherine Callbeck. Ils savent que les régions moins populeuses du Canada sont confrontées à des décisions particulièrement pénibles lorsqu'il s'agit de dépenser et de réinvestir dans leurs universités, collèges communautaires et autres établissements d'enseignement. La difficulté tient à plusieurs facteurs.

Ottawa est aux prises avec le problème de verser des paiements de péréquation convenables aux régions du Canada. Le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Bernard Lord, conjointement avec d'autres premiers ministres de l'Atlantique, a réclamé un examen de la façon dont les paiements de péréquation sont calculés pour les petites provinces comme le Nouveau-Brunswick.

Un autre problème est le montant des paiements de transfert aux provinces au titre de la santé, des programmes sociaux et de l'éducation postsecondaire. C'est un triste fait que, depuis 1993, ces paiements de transfert ont été réduits radicalement. En 1993-1994, les provinces ont reçu près de 19 millions de dollars d'Ottawa dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Cette somme, bien qu'elle ne soit pas extrêmement généreuse, nous a permis de répondre aux besoins du secteur de l'éducation postsecondaire tout en venant en aide aux collèges et aux universités afin qu'ils puissent répondre aux besoins à long terme de leurs campus.

Toutefois, au lendemain des élections fédérales de 1993, le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux a été amputé de 6,5 milliards de dollars. Les effets de cette réduction ont été ressentis sur-le-champ partout au Canada, en particulier dans les régions isolées. Cela a engendré un manque considérable de fonds dans les collèges et les universités du pays, qui étaient aussi confrontés à un nombre accru d'inscriptions. On s'attend à ce que le nombre d'inscriptions dans les universités continue d'augmenter considérablement.

En outre, il est difficile d'attirer des investissements substantiels à long terme dans le secteur de l'éducation au Nouveau-Brunswick, car la population totale de la province est à peu près équivalente à celle d'une ville ontarienne moyenne. La répartition des chaires d'excellence a mis en évidence cette difficulté, la plupart des chaires ayant été attribuées à des universités ontariennes.

Un autre exemple est l'injection par le gouvernement fédéral de 750 millions de dollars, par l'entremise de la Fondation canadienne pour l'innovation, dans la recherche et le développement au sein des universités. En théorie, cette affectation de fonds paraît bien, mais les universités du Nouveau-Brunswick ont eu du mal à en bénéficier. Les provinces doivent assumer 60 p. 100 des coûts des projets, et Ottawa en assume 40 p. 100. Le problème, c'est que les provinces de l'Atlantique, contrairement à d'autres, ne peuvent couvrir 60 p. 100 des coûts à même les fonds publics. Depuis la mise sur pied de la Fondation canadienne pour l'innovation, en 1997, les universités du Nouveau-Brunswick ont été en mesure d'obtenir 5 millions de dollars uniquement.

Honorables sénateurs, lorsque la tarte financière que doivent se partager les universités est aussi petite, des choix assez difficiles s'imposent — à propos de l'utilisation à faire de l'argent et des compressions à effectuer. Par suite de la réduction du TCSPS, la participation fédérale aux budgets principaux de fonctionnement des universités par étudiant représente 16 p. 100 de moins aujourd'hui en chiffres absolus qu'en 1992. Par conséquent, on n'a pu que répondre aux besoins les plus urgents, et à court terme en général, de nos établissements d'enseignement postsecondaire, tel le salaire des enseignants.

Les investissements à long terme et les dépenses d'entretien devaient attendre des jours meilleurs où l'on pourrait, espérait-on, rattraper le temps perdu. C'était illusoire, bien sûr.

Du milieu à la fin des années 90, les lieux de haut savoir ont pu investir tout au plus quelques dollars dans le renouvellement à long terme des campus. Ces frais reportés se sont accumulés année après année.

Comme l'a signalé le sénateur Moore, les maisons canadiennes d'enseignement postsecondaire doivent absorber aujourd'hui d'énormes frais d'entretien différés. Ces factures ne disparaîtront pas d'elles-mêmes; elles vont continuer de s'alourdir et de s'accumuler. Entre-temps, la qualité de nos écoles et de nos universités et de l'enseignement qu'elles dispensent continuera de se dégrader.

Voyons un instant comment l'éducation postsecondaire a souffert du report des travaux d'entretien.

Premièrement, beaucoup d'immeubles et d'autres installations sont en mauvais état. Certains tombent littéralement en ruines. Beaucoup ne répondent pas aux normes minimales du Code de prévention des incendies et du Règlement d'accès pour les personnes handicapées. Cela pose de véritables problèmes de santé et de sécurité aux étudiants, aux enseignants et aux membres du personnel qui vivent, étudient et travaillent sur les campus.

Deuxièmement, la qualité des collections d'ouvrages et de journaux des bibliothèques est en train de baisser par rapport aux autres universités, qu'elles soient en Amérique du Nord, en Europe ou ailleurs. Troisièmement, du matériel scientifique et informatique devient désuet, ce qui rend les percées difficiles pour la recherche.

Beaucoup de nos étudiants les plus brillants quittent le Canada pour aller poursuivre leurs études supérieures dans des établissements qu'on a veillé à tenir à jour et en parfait état.

Les sénateurs Moore et Callbeck ont vraiment réussi à attirer l'attention du Sénat sur les problèmes que cause aux établissements canadiens d'enseignement postsecondaire le report des travaux d'entretien. J'aimerais renchérir sur les observations qui ont été faites, du point de vue du Nouveau-Brunswick.

En avril 2000, le ministre de l'Éducation du Nouveau-Brunswick, l'honorable Elvy Robichaud, est intervenu à l'assemblée législative pour tracer les grandes lignes du budget des dépenses d'exploitation de son ministère. Il a particulièrement insisté sur l'éducation postsecondaire, faisant remarquer que:

Il est indispensable que l'éducation postsecondaire soit rendue plus accessible aux Néo-Brunswickois.

(1530)

Il a aussi déclaré que:

Pour donner suite aux demandes des universités et aux recommandations du rapport Collette, nous augmenterons le financement des universités du Nouveau-Brunswick de 2 p. 100 chaque année pour les trois prochaines années.

La déclaration du ministre reflétait une reconnaissance aiguë du fait que nous devons penser à long terme, bien au-delà de nos propres vies. Au nom du gouvernement du Nouveau-Brunswick, il a aussi déclaré que:

Nous nous engageons aussi à l'égard d'une formule de financement pluriannuelle, qui permettra aux université de s'engager dans des projets à long terme et qui contribuera à stabiliser les frais de scolarité.

Honorables sénateurs, aucun changement significatif ne pourra se produire tant que le gouvernement fédéral ne déliera pas les cordons de sa bourse, car les sommes que les ministres de l'éducation peuvent consacrer aux universités et aux collèges sont proportionnelles aux paiements de transfert qu'elles reçoivent d'Ottawa.

Si des changements favorables sont apportés, je pense que le travail du sénateur Robichaud, qui cherche à obtenir du financement à long terme pour les lieux d'enseignement supérieur, s'en trouvera facilité, tout comme celui de ses homologues dans d'autres provinces.

À l'heure actuelle, les universités canadiennes ont un urgent besoin d'environ 1 à 1,2 milliard de dollars pour des rénovations et des réparations. Ces travaux ne peuvent attendre plus longtemps. On a besoin de cet argent maintenant.

La diminution du financement, lorsque les coûts de l'inflation et de l'énergie sont à la hausse, combinée au besoin de renouvellement des infrastructures chancelantes des établissements d'enseignement supérieur au Nouveau-Brunswick, appelle une action fédérale immédiate. Inutile d'aller plus loin que la capitale du Nouveau-Brunswick, Fredericton, pour s'apercevoir que les coûts d'entretien reportés atteignent un point critique.

Voici un extrait d'une lettre envoyée le 19 décembre 2000 par Mme Elizabeth Parr-Johnston, présidente de l'Université du Nouveau-Brunswick, aux députés fédéraux du Nouveau-Brunswick Andy Savoy, Andy Scott, Charles Hubbard, Elsie Wayne et Dominic LeBlanc, ainsi qu'au député provincial Shawn Murphy:

L'un de nos besoins les plus pressants est l'ajout de ressources financières pour pouvoir payer les coûts reportés de l'entretien de nos installations matérielles. Les universités doivent assumer les coûts accrus des réparations faites aux salles de classe, aux résidences et à d'autres bâtiments [...] Les coûts reportés de l'entretien des campus universitaires, à l'échelle nationale, ont atteint au moins 3,6 milliards de dollars. À l'Université du Nouveau-Brunswick, nous évaluons ces coûts à 50 millions de dollars, et c'est une évaluation prudente. Au moment même où les factures pour les réparations et les rénovations s'accumulent, nous devons beaucoup investir dans les nouvelles technologies d'apprentissage, afin de s'assurer que nos étudiants acquièrent les connaissances et les compétences requises dans le domaine de la technologie. Sans de nouveaux investissements du gouvernement dans les infrastructures, l'Université du Nouveau-Brunswick atteindra bientôt un point critique.

Honorables sénateurs, vous savez que les coûts d'entretien reportés deviennent rapidement l'un des problèmes les plus urgents auxquels font face les universités canadiennes. Comme il a déjà été mentionné dans cette Chambre, l'Association canadienne du personnel administratif universitaire a déjà effectué une excellente étude sur la question, intitulée: «Point de non-retour: Le besoin urgent de renouvellement des infrastructures des universités canadiennes». Cette étude, qui a compilé les données fournies par 51 universités, a évalué à 3,6 milliards de dollars la somme requise pour empêcher toute détérioration additionnelle de nos universités. De ce total, on a estimé que les universités du Canada atlantique auraient besoin d'environ 644 millions de dollars.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je regrette d'interrompre madame le sénateur DeWare, mais les 15 minutes qui lui étaient allouées sont écoulées. Demande-t-elle la permission de continuer?

Le sénateur DeWare: Oui, je demande la permission de continuer.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord

Le sénateur DeWare: Honorables sénateurs, l'étude souligne que cinq facteurs contribuent à la détérioration du système d'enseignement postsecondaire canadien. Premièrement, nos bâtiments sont vieux. Les bâtiments universitaires au Canada ont en moyenne 32 ans. Deuxièmement, les niveaux de financement accordés aux provinces sont en baisse. Troisièmement, il y a le manque d'attrait. L'entretien et le renouvellement des installations sont beaucoup moins prestigieux que des projets de constructions nouvelles. Quatrièmement, la demande en nouveaux espaces capables de recevoir des écoles plus vastes et des groupes plus nombreux met l'accent sur la création de nouvelles ressources, non pas sur l'entretien des ressources existantes. Cinquièmement, les nouveaux codes et règlements, par exemple dans le domaine de l'accès pour les handicapés, s'ajoutant aux changements technologiques dans le milieu du travail, notamment l'arrivée des ordinateurs, grugent les capitaux qui pourraient servir à arrêter et à renverser le processus de détérioration des campus.

Le président du comité qui a dirigé la rédaction du rapport «Point de non-retour» a ajouté au débat certains commentaires saisissants au sujet de la nécessité de rénover les infrastructures universitaires du Canada.

Avant de citer certains de ces commentaires je voudrais toutefois recommander aux sénateurs qui se préoccupent de l'état de l'enseignement postsecondaire au Canada de jeter un oeil sur ce rapport percutant.

Plusieurs points soulevés par l'Association canadienne du personnel administratif universitaire sont très intéressants, donnent à réfléchir et renferment des informations utiles pour nos débats.

Le président du comité directeur, Duncan Watt, qui est aussi vice-président, finances et administration, à l'Université Carleton, n'a certainement pas mâché ses mots. Il a dit que:

L'étude confirme nos pires craintes sur l'état des campus universitaires. Les installations se sont détériorées au point où l'infrastructure menace de ne plus pouvoir soutenir la réalisation de la mission universitaire et des fonctions de base que sont l'apprentissage et la recherche.

Le président de l'Association des universités et collèges du Canada, Robert J. Giroux, a précisé clairement ce qui s'imposait. Il a déclaré que:

Pour fournir aux universités la capacité de répondre aux besoins en matière d'entretien à long terme, il est essentiel que les gouvernements — fédéral et provinciaux — augmentent le financement de base de nos universités.

Honorables sénateurs, la première politique proposée est l'infusion de fonds de rattrapage à court terme pour répondre aux besoins urgents de 1,2 milliard de dollars afin d'empêcher une catastrophe nationale sur le plan de l'éducation et de

2,4 milliards de dollars de plus pour la reconstruction à long terme de nos universités. Le rapport suggère que ce pourrait être réalisé si les gouvernements fédéral et provinciaux déclaraient que les universités peuvent participer au programme national d'infrastructure.

Je reconnais, honorables sénateurs, qu'avec une proposition substantielle de la part du gouvernement fédéral, on pourrait aussi compter sur la participation au programme des entreprises et des anciens élèves.

La deuxième politique proposée se résume à une augmentation à long terme dans le financement de base qui permettrait d'éviter les problèmes permanents de report des dépenses d'entretien.

L'Université du Nouveau-Brunswick à Fredericton constitue la plus vieille université enregistrée au Canada. À cet égard, je prétends qu'un financement accru pour les coûts d'entretien reportés ne touche pas que la réforme de l'enseignement postsecondaire, mais il s'agit aussi de préserver le patrimoine culturel du Canada.

Si nous acceptons le fait que les universités sont des lieux d'apprentissage, mais aussi des trésors historiques et culturels, j'imagine que Patrimoine Canada pourrait examiner sérieusement cette question de façon intelligente et compétente.

Le problème de l'entretien reporté est autant une question de vision qu'une question de politique. Même si les torts causés en faisant fi du problème ne sont pas toujours visibles à court terme, ce pourrait être catastrophique à long terme.

Honorables sénateurs, je vais terminer par cette dernière observation. Les universités et les collèges du Nouveau-Brunswick souffrent de problèmes d'entretien reporté. Ainsi, un grand nombre de nos étudiants les plus brillants se tournent vers d'autres provinces et régions du pays pour répondre à leur curiosité intellectuelle. En fait, nous souffrons d'un exode des cerveaux interne ainsi qu'international, car nous sommes une petite province dans une petite région du pays. De mon point de vue d'habitante du Nouveau-Brunswick, c'est inacceptable.

J'espère que l'interpellation du sénateur Moore sur la question du report des dépenses d'entretien dans les établissements d'enseignement postsecondaire aboutira et j'exhorte tous mes collègues des deux côtés à approfondir cette question.

(Sur la motion du sénateur Callbeck, le débat est ajourné.)

[Français]

LA RADIODIFFUSION DE LANGUE FRANÇAISE

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Jean-Robert Gauthier, ayant donné avis le mercredi 31 janvier 2001:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur les mesures à prendre pour encourager et favoriser la prestation et l'accès au plus large éventail possible de radiodiffusion de langue française dans les communautés de minorités francophones du Canada.

— Honorables sénateurs, je désire attirer votre attention sur un sujet qui me tient à coeur. Il est important d'accorder une place significative aux communautés francophones vivant en situation minoritaire dans le vaste éventail des chaînes de télévision qui est offert présentement au pays, un éventail qui, comme on le sait, ne fait qu'augmenter d'année en année.

Les médias, et une grande partie de la programmation présentée à la télévision, constituent un facteur prépondérant dans le monde d'aujourd'hui pour assurer la survie des communautés minoritaires de langue officielle. En effet, selon de nombreux chercheurs, après la famille et l'école, les médias sont identifiés comme la variable la plus importante pour influencer le développement de l'identité des individus dans un contexte minoritaire.

(1540)

C'est pourquoi les communautés francophones, partout au pays, cherchent depuis de nombreuses années à se doter d'outils médiatiques en français: revues, journaux, stations de radio et de télévision, Internet. Ces mêmes groupes réclament une place plus évidente dans le développement de nouveaux organes de diffusion médiatique.

Au début, le discours tendait à demander une présence française, quelle qu'elle fût, sur les ondes radiophoniques et télévisuelles. C'est ainsi que des efforts furent faits pour assurer que le signal radio et télévision de Radio-Canada puisse rejoindre les communautés francophones partout au Canada.

Avec l'avènement de nouvelles chaînes télévisuelles françaises comme RDI et TV5, les communautés ont revendiqué de façon de plus en plus insistante que ces chaînes leur soient accessibles, mais aussi qu'elles reflètent leurs réalités. On peut dire que RDI, la chaîne d'information continue, a répondu à ce mandat en instituant des créneaux spécifiques aux réalités des francophones de l'Atlantique, de l'Ontario, de l'Ouest et, évidemment, du Québec.

Ce fut TVA, une chaîne québécoise, qui demanda et obtint que son signal soit porté à travers tout le pays, promettant une couverture consacrée aux réalités locales des communautés francophones, engagement pas toujours assuré cependant. Nous constatons une couverture insuffisante de la part de TVA.

Aujourd'hui, les communautés francophones vivant en situation minoritaire réclament non seulement l'accès à toute la gamme de chaînes françaises diffusées au Canada, mais aussi l'établissement d'une chaîne télévisuelle qui leur soit entièrement consacrée; une chaîne qui soit le reflet de leur réalité, à laquelle leurs jeunes pourront s'identifier, qui les nomme, elles, ainsi que leurs villes, leurs rues, leurs acteurs, leurs dossiers, et qui permette à des créateurs, des producteurs, des comédiens et artistes de se développer. Une chaîne qui permette une contribution active à l'expression culturelle en leur sein, qui raconte leur passé et qui les projette dans l'avenir.

L'an dernier, le gouverneur en conseil a demandé à l'organisme de réglementation, le CRTC, de consulter le public et de lui faire rapport sur la question des langues officielles dans la radiodiffusion de langue française et les communautés francophones en situation minoritaire.

Le décret était clair; le CRTC devait évaluer la disponibilité et la qualité des services de radiodiffusion de langue française dans les communautés de minorités francophones du Canada; faire ressortir les lacunes et les défis que présente la radiodiffusion de langue française dans ces communautés; et proposer des mesures afin d'encourager et de favoriser l'accès au plus large éventail possible de services de radiodiffusion de langue française dans les communautés de minorités francophones, en plus d'assurer que le système canadien de la radiodiffusion reflète la diversité des communautés francophones dans tout le pays.

Je fais l'historique. En 1999, le réseau ontarien, TFO, avait demandé au CRTC la permission d'exiger que les câblodistributeurs du Québec, tels que Vidéotron et Cogéco, soient obligés d'offrir, mais de façon facultative, le signal de TFO au Québec. Le CRTC a décidé que ce n'était pas dans l'intérêt national de le faire. Cela m'a déplu, ainsi qu'à beaucoup d'autres.

Il y eut, en réaction de la part du gouvernement, le fameux décret 2511 que je viens de mentionner. Le CRTC a répondu en février de cette année à cette demande. J'ai comparu devant le CRTC pour essayer de faire comprendre ma position sur le sujet. Dans un document assez volumineux, j'affirmais que la décision du CRTC 2072, rejetant la demande de l'Office de télécommunications éducatives de l'Ontario, TVO, de faire distribuer obligatoirement au Québec, sur un volet analogique facultatif, son service de télévision éducative de langue française TFO, allait à l'encontre des dispositions d'intérêt public de la Loi sur la radiodiffusion et des nombreuses déclarations pieuses du gouverneur en conseil du CRTC sur ses objectifs de promotion de la langue française au Canada.

Il est difficile de conclure au bien-fondé de la décision 2072 du CRTC dans un contexte où le Conseil devrait tenter de préserver et promouvoir la langue française au Canada. Comme un conseiller du CRTC l'a d'ailleurs souligné dans son opinion minoritaire, la décision semble être une capitulation devant des intérêts commerciaux. Elle ne tient manifestement pas compte des éléments non commerciaux sur la radiodiffusion canadienne.

Je continuais en disant:

C'est le moins qu'on puisse dire que, après avoir rejeté cette demande d'imposer l'obligation aux principales compagnies de câblodistribution de distribuer le signal de TFO au Québec, le CRTC avait devant lui et était prêt à étudier l'autorisation de distribuer de nombreux services français et européens.

On parlait de Euronews, Planète, Paris Première, Musique et Tropiques, des chaînes européennes. Cependant, on venait de refuser à la seule chaîne francophone hors Québec, TFO, d'être acceptée dans le cadre des programmes distribués au Québec. Je ne comprends pas que cette demande ait été refusée. Je ne l'accepte pas, en tous les cas!

Des consultations publiques ont eu lieu; plusieurs s'y sont intéressés et beaucoup de communautés se sont présentées devant le CRTC. Certains groupes voulaient revendiquer la mise en ondes d'une telle chaîne, une chaîne de télédiffusion reflétant la réalité canadienne. La Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick, dans l'intervention qu'elle faisait lors de la consultation du CRTC tenue à Dieppe, le 10 octobre 2000, disait ceci:

La situation est telle qu'aujourd'hui, la plupart des grands réseaux canadiens de langue française ont abdiqué et relayé au rang de folklore l'ensemble des communautés francophones et acadiennes vivant en situation minoritaire.

Elle a donc avancé à l'assemblée la proposition suivante:

La première proposition que nous vous soumettons touche l'établissement d'une télévision publique nationale dédiée complètement aux communautés minoritaires acadiennes et francophones du Canada.

La SANB allait même jusqu'à nommer cette chaîne, la Télévision des francophonies canadiennes. La Société nationale de l'Acadie, qui regroupe des organismes provinciaux des quatre provinces de l'Atlantique, a aussi fait sienne la proposition d'une télévision publique nationale.

La Fédération culturelle canadienne-française, qui regroupe des organismes culturels francophones à l'échelle du pays, a aussi proposé au CRTC de favoriser l'établissement d'un réseau national de télévision pour la francophonie canadienne. Elle allait même plus loin et réclamait un comité de travail représentatif des communautés et du CRTC, dont le mandat serait d'examiner toutes les options pouvant atteindre cet objectif afin d'identifier la meilleure. L'organisme et ses membres appuyaient une initiative de télévision nationale pouvant offrir aux régions et aux artistes, aux producteurs, aux journalistes et à la population en région une place de choix à une antenne nationale.

(1550)

Demandez à n'importe quel francophone! On se sent colonisé par Montréal, parce que tout ce qui est diffusé en français vient de Montréal actuellement, à moins de regarder TFO. Malheureusement, plusieurs ne savent pas que cette chaîne existe. RDI fait sa part, mais nous voulons un réseau de télévision qui reflète la réalité canadienne; ce qui se passe en Acadie est totalement différent de ce qui se passe en Saskatchewan, en Alberta, au Manitoba ou en Ontario. Nous avons une identité propre à la région dans laquelle nous vivons. Il faudrait en profiter pour la faire connaître.

Si on vit en vase clos, séparés les uns des autres, qu'on nous empêche de nous parler, de nous voir, de nous entendre ou de nous regarder, dans quel genre de pays vivons-nous? Un pays qui va se balkaniser. Ce n'est pas ce que je veux. Je veux un Canada où les habitants se tiennent, se parlent, se comprennent et s'expliquent aussi de temps en temps. Ce n'est pas compliqué.

J'en reviens à demander s'il existe des précédents. Oui, et on en retrouve ici, au Canada. J'aimerais parler quelques instants de APTN. Connaissez-vous APTN? C'est un réseau de télévision qui résulte d'une consultation avec les groupes autochtones — Inuits et Métis. Ils ont réussi, après de nombreuses années, à convaincre le CRTC du mérite de leur proposition. Aujourd'hui, ce réseau reflète la réalité des peuples autochtones avec sa programmation en langues nationales autochtones, française et anglaise. APTN offre aux minorités autochtones la chance de se faire connaître, de se parler et de se faire entendre par le reste des Canadiens.

Honorables sénateurs, je voudrais essayer de convaincre le Sénat qu'un des rôles de ce pays est de voir à ce que ses minorités soient capables de survivre et, comme je le disais plus tôt, la télévision et la radio sont des instruments essentiels à la survie des minorités de langue officielle. Ce n'est plus inaccessible aujourd'hui grâce à l'évolution technologique. À l'ère de la télévision numérique, on peut diffuser des messages à la grandeur du pays.

Le moment est opportun pour nous de relever ce défi, d'y prendre notre place en mettant sur pied, avec l'aide du CRTC et des gouvernements en place, un réseau national qui reflétera la réalité canadienne en province.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Sénateur Gauthier, je regrette de vous informer que votre temps de parole est terminé. Demandez-vous la permission de continuer?

Le sénateur Gauthier: Oui.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission de continuer est-elle accordée au sénateur Gauthier?

L'honorable Pat Carney: Non.

Son Honneur le Président: La permission n'est pas accordée.

(Sur la motion du sénateur Corbin, le débat est ajourné.)

LES POINTS DE VUE DES BRITANNO-COLOMBIENS SUR L'ALIÉNATION DE L'OUEST

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Pat Carney prend la parole conformément à l'avis donné le 15 mars 2001:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur les points de vue de certains habitants de la Colombie-Britannique sur l'aliénation de l'Ouest et sur les mesures à prendre pour atténuer les tensions régionales.

— Honorables sénateurs, aujourd'hui est la journée lors de laquelle les Britanno-Colombiens se feront entendre au Sénat du Canada. Je citerai les points de vue de certains habitants de la Colombie-Britannique que j'ai rencontrés récemment à Qualicum Beach à l'occasion d'une collecte de fonds pour l'arthrite. Environ 200 personnes étaient présentes, et je leur ai demandé de me donner leurs points de vue. Elles ont répondu en grand nombre. J'ai reçu assez de réponses pour remplir un classeur, que je peux déposer si le Sénat le souhaite. J'ai promis que j'allais faire part au Sénat de leurs points de vue sur l'aliénation de l'Ouest.

Qualicum Beach est une jolie petite localité située sur la côte est de l'île de Vancouver. Son nom provient du mot autochtone pour «saumon kéta», ce qui vous donne une idée des possibilités qu'elle offre pour la pêche sportive et qui explique pourquoi elle est l'un des lieux de villégiature les plus populaires de la côte. Elle est l'un des endroits préférés des Britanno-Colombiens et de gens du monde entier. Plus du tiers de sa population, qui compte environ 6 700 habitants, est âgé de plus de 65 ans. De nombreux Canadiens vont s'installer à Qualicum pour profiter de la vie. Le village a été fondé à la fin des années 1880 et il n'a été relié à Nanaimo par une route qu'en 1894. Il s'agit donc d'un vieux village en Colombie-Britannique, mais d'un nouveau village pour le Canada.

L'Ouest est-il aliéné? Il y a deux ans a paru dans le Vancouver Sun un éditorial précisant ce qui suit:

L'Ouest est-il aliéné? Faisons le décompte des motifs d'aliénation. Les libéraux, incapables de trouver des signes d'insatisfaction dans l'Ouest, avaient leurs oeillères lorsqu'il était question de Nanoose Bay — immigrants illégaux, pêche, condos avec infiltration d'eau, et rareté de députés à l'ouest de l'Ontario.

Le mois dernier, le Sun a procédé à une mise à jour et diffusé un rapport spécial de quatre pages sur les revendications de l'Ouest, document précisant certains des motifs pour lesquels les Britanno-Colombiens ne sont pas heureux au sein de la Confédération. Je n'ai pas l'intention de lire les quatre pages du Sun, mais je vais faire état des préoccupations des gens ayant pris le temps de me faire parvenir leurs commentaires.

Lorsque j'ai rencontré les gens de Qualicum, je leur ai demandé d'être positifs. Je leur ai demandé de me faire part des façons dont nous pourrions améliorer la Confédération et la situation des Britanno-Colombiens et, partant, permettre au Canada d'atteindre un plus grand potentiel.

Je note avec intérêt que près de la moitié des réponses parlent de réforme parlementaire. Les Britanno-Colombiens désirent une réforme du Sénat, un Sénat élu; ils veulent qu'on renégocie les modalités de la Confédération et qu'on procède à une réforme électorale. Ils souhaitent aussi une plus grande représentation au Sénat et à la Chambre des communes et une répartition financière plus équitable.

(1600)

Madame l'honorable sénateur a souligné que la population du Nouveau-Brunswick est celle d'une petite ville de l'Ontario; pourtant, elle a ici beaucoup plus de représentants, soit 10 sénateurs par rapport à six pour la Colombie-Britannique. Elle parle des difficultés de la redistribution et de la péréquation.

Un récent rapport du gouvernement de la Colombie-Britannique intitulé: «A Preliminary Examination of Fair Share Issues», fourni par la Direction de la sécurité du revenu et des relations fiscales intergouvernementales du ministère des Finances, souligne que les ménages britanno-colombiens versent au Canada 5 156 $ par année de plus qu'ils ne reçoivent. Les ménages de Colombie-Britannique sont des contributeurs nets au Canada. En tant que province, sur le plan des mouvements financiers nets, la Colombie-Britannique verse 5 milliards de dollars de plus au Canada qu'elle ne reçoit sous forme de paiements de transfert du gouvernement fédéral et d'achats de biens et services par le gouvernement fédéral.

Cela étant dit, honorables sénateurs, permettez-moi de lire certaines des observations que les Britanno-Colombiens m'ont faites et qu'ils vous font par mon entremise. Je ne citerai pas les noms, comme j'ai normalement l'habitude de le faire. Étant donné que les libéraux ont manifesté une telle nouvelle attitude d'intolérance, on n'a qu'à songer à la ministre Hedy Fry, j'ai pensé qu'il était plus sûr pour les Britanno-Colombiens de ne pas inclure leurs noms.

Sur la réforme parlementaire, voici ce que certains ont répondu:

La Colombie-Britannique a besoin d'un plus grand nombre de représentants. Il faut revoir régulièrement la représentation fondée sur la population. Le nombre de sénateurs qui représentent les provinces est très inégal. L'Ontario et le Québec ont droit à beaucoup trop de sièges par rapport au reste du Canada. Il faut un meilleur équilibre. Je comprends que Radio-Canada fasse tant d'efforts pour décentraliser le pouvoir. Telle que vous l'avez proposée, la concertation avec toutes les parties afin de faire ressortir les problèmes et les préoccupations est importante pour l'Ouest. Il faut renégocier la Constitution.

La réforme électorale serait un premier pas vers une amélioration. Cela donnerait à chaque région un sentiment d'appartenance, si l'on pouvait trouver le moyen de faire fonctionner les choses et de convaincre le parti au pouvoir de l'appliquer. Il faudrait revoir régulièrement la répartition du nombre des députés. La Colombie-Britannique est vraiment sous-représentée, compte tenu de la croissance de sa population; il faudrait examiner la possibilité d'élire des sénateurs. On devrait faire en sorte que le Parlement soit plus représentatif de la population, autrement dit, il faudrait augmenter le nombre des sièges attribués à la Colombie-Britannique qui est trop bas par rapport à celui de la Nouvelle-Écosse et des Maritimes. Au besoin, il faudrait modifier la Constitution, ce qui peut être difficile, mais pas impossible. Les sessions parlementaires devraient avoir lieu ailleurs au Canada.

Il faut se rappeler, honorables sénateurs, que cet échange avait pour but d'améliorer la Confédération, et non de l'éreinter.

Une façon de le faire serait de tenir des sessions parlementaires ailleurs au Canada. On a aussi fait la proposition suivante: l'Union européenne pourrait-elle servir de modèle?

Il faut vraiment augmenter le nombre des représentants de la Colombie-Britannique. Je n'aime pas du tout que le premier ministre soit élu avant même que j'aie voté et j'estime que le dépouillement du scrutin ne devrait pas commencer avant que le dernier bureau de vote soit fermé.

C'était là certaines des réponses concernant la représentation. Je voudrais maintenant passer à la manière de consulter la population et au processus de consultation. Voici quelques idées qui ont été formulées:

Je vous remercie d'avoir dit que les gens de l'Ouest ne peuvent pas se rendre à Ottawa pour faire valoir leurs opinions. La plupart du temps, quand le gouvernement fédéral dit qu'il consulte les Canadiens, il fait seulement allusion à ceux de l'Ontario ou à ceux qui peuvent se payer le temps et les billets d'avion qu'il faut. N'y aurait-il pas moyen pour le gouvernement d'organiser des réunions dans les grandes villes plutôt qu'à Ottawa?

Il serait bon que le Sénat parcoure le pays et se rende dans les régions. Il faudrait subventionner les vidéoconférences et les maisons d'enseignement pour que nos jeunes participent aux débats sur les questions qui ont un impact sur leur avenir.

Voici une autre suggestion d'un ancien fonctionnaire fédéral. Il a dit:

J'ai travaillé pour vous lorsque vous étiez en poste aux Affaires extérieures. Après avoir vécu trois ans en Colombie-Britannique, je suis devenu, moi aussi, un habitant de l'Ouest aliéné.

Il suggère ceci:

Tous les ministres devraient être tenus de passer un certain nombre de jours dans les provinces, d'est en ouest, et il en va de même des hauts fonctionnaires. Il serait également utile de pratiquer des échanges de fonctionnaires fédéraux et provinciaux. Les séances des comités parlementaires et du Cabinet pourraient avoir lieu régulièrement à l'extérieur d'Ottawa dans les assemblées législatives provinciales lorsque celles-ci ne siègent pas.

Il ajoute:

Je pourrais continuer encore longtemps.

En ce qui concerne la renégociation de la Constitution, j'ai trouvé particulièrement amusante la suggestion suivante:

Ayant tout juste lu qu'un Canadien sur trois déménagerait en Colombie-Britannique, s'il le pouvait, nous devrions peut-être rappeler aux habitants vieillissants de l'est du Canada qu'ils deviendront sans doute bientôt des citoyens de la Colombie-Britannique et qu'ils devraient s'efforcer d'obtenir de meilleures conditions pour nous avant d'arriver.

Honorables sénateurs, les médias ont fait certaines critiques:

Il semble que les groupes de la Colombie-Britannique devraient prendre conscience de questions intéressant la côte ouest et harceler sans cesse Ottawa avec leurs préoccupations et leurs propositions. La population de la Colombie-Britannique semble bien contente d'elle-même et elle ne se fâche qu'au moment où il est trop tard. Nous sommes partiellement à blâmer pour cette aliénation.

Autre suggestion:

Les jeunes à qui j'enseigne les sciences sociales sont intéressés et dynamiques. Il faudrait peut-être viser un groupe plus jeune. J'enseigne bien le gouvernement chaque année, et nous avons bien du plaisir.

Un autre dit:

Nous, dans l'Ouest, devons nous faire entendre davantage. Nous devons cesser d'être défaitistes. Nous, dans l'Ouest, avons besoin d'un chef énergique, mais bien informé.

Une autre personne estime que...

[...] le Canada est gouverné selon le principe qui consiste à diviser pour régner, et cela marche parce que nous le voulons bien.

La partie sur la réforme du Sénat est trop longue pour qu'on en parle durant le présent débat, et j'aborderai cette question une autre fois.

Un autre point qui a été soulevé, évidemment, est la question fédérale, qui consiste à déterminer ce qu'est une juste part et ce que serait notre juste part.

De plus, en matière de médias, les suggestions suivantes ont été faites:

J'estime que l'ouest du Canada est toujours considéré comme le «Wild West». Ayant vu la série de la SRC sur l'histoire du Canada où on dit que le pays a commencé au centre et à l'est, il me semble que les gens pensent que ce sont là les régions les plus importantes. Est-ce parce que notre population est plus petite que nous ne comptons pas? Ou peut-être est-ce parce que le pays est trop grand? Pourquoi donc alors tant d'Ontariens viennent-ils s'établir ici à leur retraite? Je regrette, mais je n'ai pas de solutions pour l'Ouest.

Voici un autre commentaire:

Pourquoi, mais pourquoi donc, lorsque les médias parlent de l'Ouest, ne parlent-ils que de l'Alberta? Que sommes-nous? Des Japonais de l'Est?

Encore un autre:

Lorsque je vivais à Toronto, il y a 25 ans, j'ignorais tout de l'Ouest. Le Toronto Star parlait très peu de l'Ouest et des préoccupations de l'Ouest. J'ai été renversé d'apprendre un jour que les habitants de l'Ouest nous méprisaient. J'avais toujours cru que c'était nous, les gens de l'Est, qui soutenions les provinces de l'Ouest.

D'autres commentaires, sur Radio-Canada:

La CBC et toutes les publications nationales pourraient en faire davantage en dehors d'Ottawa et de Toronto.

Cela a été soulevé par un autre sénateur cet après-midi.

Quant à la question de l'équité, quelqu'un a écrit:

Herb Dhaliwal, le ministre des Pêches, a expliqué que l'Ouest avait peu reçu d'aide fédérale pour l'amélioration de ses ports. Les données montrent que beaucoup de petites installations portuaires sans importance au Québec et dans les Maritimes ont beaucoup reçu. Dhaliwal a déclaré que les députés de la Colombie-Britannique ne lui avaient pas assez présenté de demandes insistantes. N'y a-t-il donc pas de députés de stature dans l'Ouest pour le conseiller?

Voici un autre point de vue:

L'est et le centre du Canada doivent apprendre que l'Ouest est aussi le Canada. Il nous faut davantage de représentants. Il nous faut un Sénat élu. Nous voulons notre juste part.

Encore un:

Il est clair que la centralisation de certains ministères dans les provinces pourrait mettre fin au sentiment d'aliénation de certaines régions du pays.

Je vois qu'il me reste peu de temps. Il y a beaucoup de questions qui revêtent une grande importance politique et économique pour l'Ouest. L'exploitation forestière et la pêche ont été souvent évoquées.

Une suggestion:

Si, dans chaque circonscription, tous les partis présentaient des pêcheurs comme candidats, nous pourrions assumer nos responsabilités et mettre fin au sentiment d'aliénation dont nous nous plaignons.

Un autre point de vue:

Pour ce qui est de l'exploitation forestière, il semble que nous soyons toujours perdants. Le libre-échange pénalise l'exploitation forestière et d'autres industries en Colombie-Britannique. L'Est ne tient pour ainsi dire pas compte de nous et ne semble pas comprendre l'exploitation forestière comme elle se pratique en Colombie-Britannique. L'exploitation forestière et la pêche sont nos sources de revenus.

Je pourrais continuer encore.

Le sénateur Kinsella: Prenez votre temps.

Le sénateur Carney: L'immigration est un sujet qui revient souvent dans le courriel. La santé et les compressions dans les paiements de transfert reviennent aussi souvent. Croyez-moi, le sac de la poste est toujours plein. Je ferai part de ces commentaires aux honorables sénateurs.

(1610)

L'honorable Nicholas W. Taylor: L'excellent sénateur de la Colombie-Britannique me permettra peut-être de poser plusieurs questions. Venant moi-même de l'Ouest, je constate que la liste des doléances ressemble beaucoup à la symphonie habituelle. L'honorable sénateur a dit que les chefs de ménage de la Colombie-Britannique affirment qu'ils paient 5 000 $ de plus par année qu'ils ne reçoivent et qu'ils ont besoin d'une représentation accrue à la Chambre des communes. Je me demande si l'honorable sénateur, compte tenu de ses connaissances et de sa position, a été en mesure de les informer que donner 5 000 $ de plus qu'ils ne reçoivent est attribuable au fonctionnement de la Confédération, ou a-t-elle imaginé comment toutes les provinces peuvent retirer davantage que ce qu'elles contribuent tout en préservant l'ensemble canadien? La Colombie-Britannique est une province riche, comme l'Alberta et l'Ontario.

Quant à une représentation accrue, le principe de représentation égale ne s'applique-t-il pas maintenant à la Chambre des communes?

Son Honneur le Président: Un greffier au bureau vient de m'informer que le temps prévu pour l'intervention du sénateur Carney, ainsi que pour la période des questions et observations, est maintenant écoulé. Voulez-vous ajourner le débat?

Le sénateur Kinsella: Bonne idée.

Son Honneur le Président: Le sénateur Carney aurait un droit de réplique si vous interveniez. Quoi qu'il en soit, le temps alloué pour cette interpellation est écoulé.

Le sénateur Taylor: Honorables sénateurs, peut-être pourrait-on prolonger le temps de parole pour permettre à l'honorable sénateur de répondre. Cependant, le chef adjoint a dit que c'était une bonne idée que d'ajourner le débat, et c'est ce que je ferai. Je fais toujours ce qu'il dit.

(Sur la motion du sénateur Taylor, le débat est ajourné.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs que le Sénat s'ajourne maintenant à loisir en attendant l'arrivée du suppléant de Son Excellence la Gouverneure générale?

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Je voudrais demander une chose à mon collègue d'en face. Nous avons appris de ce côté-ci que la Chambre des communes avait ajourné. D'après mon interprétation de la procédure, si la Chambre des communes ne siège pas, le Huissier du Bâton noir n'y trouvera personne quand elle ira convoquer les députés. Pourrais-je demander à mon collègue s'il a la même information? Le Président pourrait peut-être nous guider si mon information est exacte.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai reçu la même information, mais on me dit que nous devons procéder quand même à la cérémonie telle que prévue. Lorsque l'huissier du Bâton noir reviendra pour nous transmettre le message que la Chambre est ajournée, le représentant de Son Excellence la Gouverneure générale se retirera et nous passerons à l'ajournement.

[Traduction]

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, si j'ai bien compris, le sénateur Robichaud propose que nous envoyons l'huissier due la Bâton noir convoquer la Chambre des communes. Si nous savons qu'il n'y a personne à l'autre endroit, alors il n'y a plus lieu d'entamer la procédure de sanction royale. Nous pourrions peut-être poursuivre nos travaux si madame la ministre est en mesure de confirmer que la Chambre a ajourné. Je compte sur madame la ministre pour nous éclairer.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur Kinsella. Ce qui s'est passé dans l'autre endroit, c'est qu'une motion d'ajournement imprévue a été adoptée. Nous ne serons donc pas en mesure de tenir la cérémonie de sanction royale cet après-midi. Nous ne pourrons pas le faire avant environ 10 h 15 demain, parce que la séance dans l'autre endroit débute à 10 heures. La Chambre des communes demeurerait ajournée jusqu'à 9 heures demain matin, même si nous nous réunissons à ce moment comme de coutume. Je proposerais que nous levions la séance. Il nous faudra évidemment obtenir l'autorisation d'ajourner jusqu'à 10 heures demain au lieu de 9 heures comme d'habitude, car le Règlement prévoit que la séance débute à 9 heures le vendredi. Nous pouvons proposer d'ajourner à 10 heures demain.

Honorables sénateurs, je ne vous demanderais pas de rester une autre journée s'il s'agissait de la sanction royale d'un projet de loi ordinaire, mais il ne s'agit pas d'un projet de loi ordinaire. Il s'agit d'un projet de loi de crédits. Si nous ne tenons pas la cérémonie de sanction royale, le gouvernement du Canada n'aura pas d'argent pour fonctionner.

L'honorable Pat Carney: Bonne idée!

Le sénateur Carstairs: Il s'agit d'une situation exceptionnelle. Je demande à tous les honorables sénateurs de collaborer pleinement. Je compte sur l'indulgence de tous les honorables sénateurs des deux côtés et leur demande d'être ici demain vers 10 h 15, pour la cérémonie de la sanction royale.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, il s'agit de deux projets de loi de finances pour lesquels nous demanderons la sanction royale, laquelle devrait être accordée. L'absence de sanction royale pour ces deux projets de loi que nous avons adoptés aurait des conséquences très néfastes. Par conséquent, j'annonce, au nom des sénateurs de l'opposition, que nous serons ici demain matin, et cela même si je suis tenté de proposer l'adoption d'une résolution constitutionnelle sur l'abolition de la Chambre des communes.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je n'ai pas à commenter l'échange sur la procédure qui vient d'avoir lieu entre le chef adjoint de l'opposition, le leader adjoint du gouvernement et le leader du gouvernement.

Je ne lirai pas les dispositions de notre Règlement, mais je vais renvoyer les honorables sénateurs à l'article 135, et plus particulièrement à ses paragraphes (2) et (4), qui explique pourquoi nous allons procéder de la façon suivante.

Honorables sénateurs, avant que la question de procédure soit réglée, j'avais demandé aux honorables sénateurs ceci: Vous plaît-il, honorables sénateurs, que le Sénat s'ajourne maintenant à loisir en attendant l'arrivée de l'honorable suppléant de Son Excellence la Gouverneure générale? Il y a eu discussion sur la procédure, et j'ai renvoyé tous les honorables sénateurs à l'article 135, qui explique pourquoi nous agirons ainsi même si la Chambre des communes ne siège pas.

L'honorable Shirley Maheu: Pouvons-nous nous opposer à cela?

Son Honneur le Président: Je suppose que c'est possible. Voulez-vous invoquez le Règlement, sénateur Maheu?

Le sénateur Maheu: J'invoque le Règlement, honorables sénateurs. Si l'on demande le consentement unanime de cet endroit pour que le Sénat s'ajourne, j'ai bien peur de ne pouvoir y consentir. Il y a des gens qui ont attendu toute la journée pour entendre le sénateur Setlakwe et moi-même. Je pense qu'il serait injuste de décider arbitrairement d'interrompre nos travaux maintenant.

Le sénateur Kinsella: Le Sénat ne s'ajourne pas de toute façon.

Son Honneur le Président: Il est donc clair pour tous les sénateurs que le Sénat ne s'ajourne pas. Il s'ajourne à loisir, en attendant l'arrivée de l'honorable suppléant de Son Excellence la Gouverneure générale.

Je devrais peut-être lire les dispositions du Règlement.

(1620)

Le sénateur Carstairs: Avant que Son Honneur ne le fasse, je voudrais savoir s'il est permis de demander à la Chambre son consentement unanime pour suspendre le paragraphe 135 du Règlement?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je lirai le paragraphe 135(3) du Règlement. Cela répondra, je pense, à cette question.

Lorsque le Président reçoit un message conforme à l'alinéa (2) ci-dessus, il interrompt les délibérations du Sénat et lit ledit message. Si ce message arrive lors d'un vote par appel nominal [...]

Je ne lirai pas l'article tout entier, car il est long.

Mon interprétation de l'article 135 du Règlement est que quand Son Excellence le Gouverneur général envoie un message et son suppléant à cet endroit, nous recevons son suppléant. Je procéderai conformément à cet article du Règlement. Je suis maintenant la procédure de façon à ce que nous puissions accueillir le représentant de Sa Majesté, le suppléant de la Gouverneure générale, qui attend à la porte.

J'entendrai les autres interventions au sujet du recours au Règlement du sénateur Maheu mais, si aucun sénateur ne désire prendre la parole, je passerai à la cérémonie.

Le sénateur Carney: J'invoque le Règlement, honorables sénateurs.

Compte tenu du point soulevé le 27 mars par le sénateur Grafstein, qui a dit que nous étions liés par le Règlement du Sénat, quelqu'un a fait remarquer que l'on ne suivait pas le Règlement étant donné que la Chambre des communes ne siège pas. Son Honneur le Président, pourrait-il nous dire si nous sommes ou non liés par le Règlement?

Son Honneur le Président: Nous suivons le Règlement, sénateur Carney. Même ce faisant, la sanction royale ne pourra être donnée parce que les représentants de la Chambre des communes sont absents. C'est en tout cas la raison invoquée par le sénateur Carstairs pour que le Sénat siège demain afin que la cérémonie puisse avoir lieu.

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)

(1630)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'apprends à l'instant que la Chambre des communes a ajourné ses travaux.

(Le Sénat reprend sa séance.)


LA RECONNAISSANCE ET LA COMMÉMORATION DU GÉNOCIDE DES ARMÉNIENS

MOTION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Shirley Maheu, conformément à l'avis donné le 27 mars 2001, propose:

Que cette Chambre:

a) demande au gouvernement du Canada de reconnaître le génocide des Arméniens et de condamner toute tentative pour nier un fait historique ou pour tenter de le dépeindre autrement que comme un génocide, c'est-à-dire un crime contre l'humanité;

b) désigne le 24 avril de chaque année au Canada comme journée pour commémorer la mort d'un million et demi d'Arméniens qui ont été victimes du premier génocide au vingtième siècle.

— Honorables sénateurs, je voudrais entretenir la Chambre d'une question fort grave, celle du génocide perpétré contre le peuple arménien par le gouvernement de l'Empire ottoman, entre 1915 et 1918. Les sénateurs sont probablement nombreux à connaître l'histoire, mais pour ceux qui ne la connaîtraient pas, un petit récapitulatif s'impose.

[Français]

Un recensement de 1882 démontrait qu'il y avait approximativement 2,6 millions d'Arméniens vivant dans l'Empire ottoman à l'époque. Les autorités ottomanes craignaient que les Arméniens n'exigent l'indépendance, tout comme la Grèce, la Bulgarie et la Roumanie l'avaient fait quelques décennies plus tôt.

Pour résoudre la «question arménienne», le gouvernement ottoman a décidé de complètement exterminer le peuple arménien des terres qu'il avait habitées depuis plus de 3 000 ans.

Le 24 avril 1915, les autorités ottomanes ont arrêté et exécuté plus de 2 300 intellectuels et chefs de la communauté arménienne vivant dans les environs de la capitale impériale, Istanbul. En l'absence de chefs politiques arméniens, le gouvernement ottoman a annoncé la déportation de tous les Arméniens vivant dans les régions intérieures du pays. Comme tous les jeunes hommes étaient déjà conscrits dans l'armée impériale à cause de la Grande Guerre, la population arménienne déportée se composait surtout de femmes, d'enfants et de personnes âgées.

[Traduction]

Les gouverneurs des provinces ont reçu l'ordre secret d'organiser le massacre en bonne et due forme de la totalité des populations arméniennes établies dans ces régions. Les Arméniens conscrits dans l'armée ottomane ont été assassinés par les commandants turcs ottomans. La plupart des civils ont été soit immédiatement fusillés par des escadrons de la mort, soit exécutés alors qu'ils étaient en route vers leur destination.

Forcés de parcourir à pied des centaines de kilomètres, avec de maigres effets personnels et sans eau ou nourriture, les personnes ayant survécu à ces «marches forcées» ont fini par atteindre la Syrie où elles ont été accueillies et aidées par la population arable locale et les missionnaires occidentaux.

Sur les 2,6 millions d'Arméniens qui vivaient sous l'Empire ottoman avant le génocide, il n'en est resté que 400 000 sur le territoire de la Turquie d'aujourd'hui, essentiellement dans la région d'Istanbul. Quelque 200 000 ont fui vers l'Arménie orientale, lequel territoire a été ultérieurement annexé par l'Union soviétique. Les autres 500 000 survivants ont trouvé refuge en France et au Moyen-Orient, à savoir en Syrie, au Liban et à Chypre. Beaucoup ont fini par s'établir en Europe de l'Ouest, en Amérique du Sud, aux États-Unis et au Canada, donnant le jour à la diaspora arménienne d'aujourd'hui.

Comme je l'ai dit plus tôt, il a été amplement prouvé que les autorités ottomanes ont délibérément tenté d'éradiquer le peuple arménien des terres qu'il occupait depuis près de 3 000 ans. C'est ce qu'on appelle un génocide.

Afin de comprendre ce dont nous parlons, je vais citer la définition du génocide énoncée dans la Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide du 11 décembre 1948:

[...] le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel:

a) Meurtre de membres du groupe;

b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe;

c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;

d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;

e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.

Un seul de ces actes est suffisant pour qu'on puisse parler de génocide. Les faits historiques prouvent que les Arméniens ont été victimes d'au moins quatre de ces cinq actes entre 1915 et 1918.

Malgré un très grand nombre de preuves documentaires, provenant notamment d'archives allemandes et ottomanes, et en dépit des témoignages enregistrés de survivants des massacres et de rapports publiés par des missionnaires étrangers ainsi que par du personnel diplomatique affecté dans l'Empire ottoman à l'époque, le gouvernement de la Turquie nie que ces actes ont eu lieu.

Les négateurs prétendent qu'il y a eu une guerre civile au cours de laquelle des Turcs et des Arméniens ont été tués. Ils prétendent que les Arméniens se rebellaient contre les autorités, ce qui a provoqué la guerre et causé les décès. Confrontés aux preuves, ils admettent qu'il y a eu des déportations, mais que seulement 300 000 personnes sont mortes. Autrement dit, ils nient ce qui est arrivé, déforment les faits et jettent le blâme sur les victimes.

[Français]

Étrangement, ceux qui nient la vérité historique n'ont pas de réponse pour expliquer qui exactement dirigeait cette rébellion et qui étaient ces rebelles, puisque la grande majorité des jeunes hommes étaient conscrits dans l'armée ottomane. Ils ne pouvaient donc pas participer à une rébellion ou à une guerre civile.

Face aux chiffres du recensement, ils ne peuvent expliquer où sont partis 1,5 million de citoyens en moins de deux ans et demi.

[Traduction]

(1640)

Ces dernières années, les parlements de plusieurs pays, de même que deux gouvernements provinciaux, le Québec et l'Ontario, ont reconnu le génocide arménien comme un fait historique. La France est la dernière à l'avoir fait, en janvier 2001. La Belgique, la Grèce, l'Italie, l'Allemagne et la Suède, de même que le Parlement européen, ont aussi emboîté le pas.

Tout en se rendant à l'évidence historique concernant notamment la mort d'un million et demi de gens, certains gouvernements, dont le Canada, évitent d'utiliser le terme «génocide» par peur de déplaire à la Turquie.

[Français]

La communauté arménienne du Canada compte aujourd'hui presque 100 000 personnes, et ces citoyens canadiens ont le droit de demander que leur Parlement et leur gouvernement reconnaissent la vérité quant à ce qui est survenu à leurs ancêtres.

Quand nos alliés européens reconnaissent la vérité historique du passé, le Canada doit faire de même. La réputation du Canada en tant que champion des droits et libertés de la personne est en jeu. Nous devons crier haut et fort que ce crime contre l'humanité est inacceptable et ce, même 85 ans après les faits.

[Traduction]

De façon plus importante, en reconnaissant le génocide arménien, nous montrons au monde entier que nul ne saurait s'accommoder du déni. Si nous donnons prise au déni du génocide arménien, laisserons-nous ceux qui refusent de reconnaître l'holocauste croire encore longtemps aux mirages?

Honorables sénateurs, pendant plus d'un siècle, le Canada a été un port paisible et démocratique pour des millions de victimes de la discrimination raciale et de l'extermination. J'espère qu'en plus d'informer et de sensibiliser les gens au sujet de ce génocide, le Canada travaillera à la création d'un système international de justice qui empêchera tout autre génocide d'avoir lieu.

Pourquoi cette reconnaissance après 85 ans? Parce qu'en perpétuant le déni de l'histoire, on laisse s'insinuer l'œuvre génocidaire. Cette reconnaissance permettra au gens de faire leur deuil et d'embrasser l'avenir.

L'époque actuelle est propice à la réconciliation. La Turquie aspire à joindre l'Union européenne, et elle doit affronter les ténèbres de son passé pour pouvoir s'ouvrir à la lumière de l'avenir. En adoptant des résolutions comme celle-ci et en abordant cette question importante, le Canada invite les autorités turques à amorcer un véritable dialogue avec l'Arménie et la diaspora arménienne. Il n'y a pas d'autre solution. Le Canada doit montrer l'exemple.

En tant qu'ami et allié de la Turquie, le Canada doit aider celle-ci à emprunter cette voie difficile. Ce faisant, nous ne nuisons pas à la Turquie; nous l'aidons. Comme l'écrit Murat Acemoglu, de l'Armenian Reporter International:

Il est évident que les résolutions sur le génocide arménien qui ont été adoptées dans toute l'Europe constituent un catalyseur non seulement pour stimuler le débat dans la société turque, mais aussi pour donner une nouvelle impulsion aux efforts de réconciliation des forces de gauche et du gouvernement d'Ankara, comme on l'a vu à la conférence qui s'est tenue le 14 février dernier à Istanbul, où le ministre turc des Affaires étrangères a adopté un ton conciliateur à l'égard de l'Arménie.

Après la Première Guerre mondiale, le monde n'a pas su reconnaître correctement le mal ultime qui avait été fait aux Arméniens. En ne dénonçant pas ce qui était arrivé ni les responsables, nous avons laissé la porte ouverte à d'autres événements du même genre. En ne disant rien à l'époque, nous avons sans le savoir permis que le mal ultime réapparaisse vingt ans plus tard, au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Certains, toutefois, savent mieux que d'autres tirer les leçons de l'histoire. Je tiens à citer ici un homme qui a été déterminant dans la planification et l'exécution de l'Holocauste, au cours de la Seconde Guerre mondiale. Dans un discours qu'il a prononcé, le 22 août 1939, devant des généraux nazis et des commandants de l'Armée allemande, il a dit ceci:

J'ai préparé mes unités de la mort et je leur ai donné l'ordre d'envoyer à la mort, sans pitié ni compassion, les hommes, les femmes et les enfants d'ascendance et de langue polonaises. C'est à cette condition seulement que nous gagnerons l'espace vital dont nous avons besoin. Qui, après tout, se souvient aujourd'hui de l'anéantissement des Arméniens?

Ainsi parlait Adolf Hitler un mois avant d'envahir la Pologne et de déclencher la Seconde Guerre mondiale. La réponse à la question d'Hitler, question qui se voulait de pure forme, doit être la suivante: «Nous.» Nous devons répondre cela fermement et sans équivoque. Agir autrement serait en inviter d'autres à essayer de faire ce que les gouvernements ottoman et nazi ont fait.

[Français]

Les Canadiens d'origine arménienne implorent le gouvernement du Canada non seulement de reconnaître et condamner le génocide arménien, mais aussi de s'insurger contre toute forme de servitude, de destruction ou d'oppression d'un peuple, d'un État ou d'une nation. Par ailleurs, la communauté arménienne espère que le gouvernement canadien condamne toute intention de nier, de fausser ou de minimiser les faits du génocide.

[Traduction]

Pendant un certain nombre d'années, les Arméniens du monde entier ont commémoré le génocide le 24 avril de chaque année.

[Français]

Avec cette résolution, nous sollicitons que le Canada reconnaisse ces jours de terreur par une journée nationale officielle qui se tienne à cette date.

[Traduction]

En conclusion, j'espère avoir réussi à convaincre tous mes honorables collègues que les Arméniens ont souffert pendant de longues années et qu'ils continuent d'être hantés par les souvenirs cruels qui subsistent d'une génération à l'autre, et cela a bel et bien des effets sur les autres générations.

Afin de mettre un terme à cette triste situation, le moment est venu de reconnaître l'anéantissement de ce peuple et de le désigner comme ce qu'il est — un génocide.

Je remercie les honorables sénateurs de leur attention.

Chers collègues, comme on m'a indiqué que la lecture du préambule de ma motion aurait été irrecevable, je voudrais, avec votre permission, que son texte soit annexé à mon discours.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le texte du préambule figure à l'annexe, p. 524.)

[Français]

L'honorable Raymond C. Setlakwe: Honorables sénateurs, c'est avec douleur et avec le souci de conserver une mémoire historique que j'aimerais appuyer la motion de l'honorable sénateur Maheu.

Jean D'Ormesson a dit qu'«une grande famille en est une qui a des traditions et qui a conservé des traces de son passé». Il en est ainsi de la grande famille arménienne.

C'est pour cette raison que j'évoque la disparition, aux mains des Turcs, du côté de mon grand-père, de cinq de ses frères et du côté de ma mère, de trois de ses frères.

[Traduction]

Les Arméniens partout dans le monde demandent que le gouvernement turc reconnaisse ce génocide et qu'il procède à une restitution symbolique. Comme ma collègue vient de le signaler, si cela avait été fait avant l'holocauste, Hitler n'aurait pu dire en 1939: «Qui se souvient des Arméniens?»

(1650)

Tant que cet acte de barbarisme historique ne sera pas reconnu, le monde entier et tous les Arméniens se souviendront, et les paroles du poète resteront vraies:

Dans la nuit qui m'environne, Dans les ténèbres qui m'enserrent, Je loue les dieux qui me donnent Une âme qui est noble et fière.

Honorables sénateurs, je voudrais citer un article qui a été publié dans l'International Herald Tribune du 14 mars 2001 et dans lequel Paul Glastris écrit ceci:

Après plus de 80 ans, le public commence à croire que les Arméniens n'ont pas subi des pertes tragiques en temps de guerre, mais qu'ils ont plutôt été victimes d'un génocide délibéré.

Ce revirement est plus évident sur la scène politique. Il y a une vingtaine d'années, la diaspora arménienne a commencé à essayer de persuader les gouvernements occidentaux d'adopter des résolutions reconnaissant le génocide. Des lobbyistes financés par le gouvernement turc ont contrecarré presque toutes les tentatives en ce sens.

Puisque l'opinion publique se retourne contre les Turcs, des anciens représentants du gouvernement en Turquie préconisent une nouvelle approche: réunir un groupe d'universitaires du monde entier et leur donner accès à toutes les archives pour qu'ils examinent les données historiques.

Le règlement de ce différend aiderait la Turquie à atteindre son but national premier: se faire admettre dans l'Union européenne. À défaut d'un règlement, la Turquie s'exposerait à des résolutions, prises par d'autres nations, dénonçant le génocide arménien.

J'espère que le Canada sera au nombre de ces nations.

[Français]

Voici la traduction d'un extrait de l'éditorial de Robi Ronza paru dans Il Giornale de Milan.

Un récent vote du Parlement français, appuyé ensuite par le président Chirac, a relancé une question que l'Europe ne peut se permettre d'oublier: le premier génocide du XXe siècle, celui des Arméniens de l'Anatolie, perpétré par les Turcs en 1915. Devant l'obstination avec laquelle la Turquie nie une extermination qui a coûté la vie à un grand nombre de personnes — peut-être un million et demi mais au moins 850 000 — et donc son refus de faire à ce sujet un juste examen de conscience national, les Européens doivent adopter une attitude ferme. Le génocide des Arméniens a été le premier des génocides du siècle qui vient de s'achever, et on sait qu'Hitler s'en est inspiré pour concevoir l'Holocauste.

Si l'on compare cependant l'attitude actuelle de la Turquie vis-à-vis de cette question avec tout ce que l'Allemagne a dit et fait pour reconnaître ses fautes et pour indemniser les survivants et les héritiers des victimes des exterminations nazies, on doit en conclure que cette Turquie-là ne peut aspirer à entrer dans l'UE, non seulement parce que ce pays n'appartient pas à l'Europe, mais aussi parce que, aujourd'hui encore, elle ne veut pas respecter les droits de la personne et adhérer aux principes démocratiques sans lesquels on ne peut prétendre être reconnu comme les héritiers, même si c'est par affiliation, de la culture occidentale.

On doit néanmoins exiger un tel courage de la part de la Turquie. Elle en a besoin non seulement si elle veut établir et consolider des rapports privilégiés avec l'Europe, mais aussi si elle veut se libérer du fardeau que constitue le mythe kémaliste, héritage encombrant qui, en réalité, ne l'aide plus aujourd'hui à devenir le pays qu'elle voudrait être.

Honorables sénateurs, c'est d'autant plus important que l'on reconnaisse ce massacre que l'humanité est loin d'être à l'abri d'une telle répétition. L'Afrique et plusieurs autres foyers dans le monde sont menacés d'un tel barbarisme menant à l'extinction de peuples.

[Traduction]

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai une question à poser. Si l'honorable sénateur est incapable d'y répondre, je demanderais qu'on permette au sénateur Maheu de répondre à sa place.

J'ignore le poids que pourrait avoir cette résolution dans sa forme actuelle. La résolution demande que cette Chambre désigne le 24 avril, mais cette résolution n'aura pas force de loi. Elle sera plutôt l'expression de la majorité dans cette Chambre. Je pense que ma collègue raffermirait son intention en demandant au Parlement canadien d'adresser sa motion à l'autre endroit pour qu'elle y soit ratifiée. En étant adoptée par les deux Chambres, la motion obtiendrait force de loi et serait légalement reconnue. Autrement, dans sa forme actuelle, et de la façon dont je l'interprète, elle n'est rien d'autre qu'une expression de l'opinion du Sénat.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée au sénateur Lynch-Staunton de poser une question au sénateur Maheu?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Maheu: Je remercie l'honorable sénateur Lynch-Staunton de sa question. Je savais bien que le Sénat ne pouvait pas donner force de loi à cette résolution.

La Chambre des communes est actuellement saisie à ce sujet d'un projet de loi d'intérêt privé présenté par son seul député d'origine arménienne, M. Sarkis Assadourian. La question de savoir si ce projet de loi fera ou non l'objet d'un vote est une autre affaire.

Si nous ne pouvons désigner une date, au moins les Canadiens sauront ce qui s'est passé. J'espère que lorsque la communauté arménienne se donnera rendez-vous sur la colline du Parlement le 24 avril pour commémorer ce génocide, la plupart des Canadiens sauront que cette journée leur a été consacrée. Que ce soit par voie législative ou non, c'est la signification symbolique qui est essentielle.

Peut-être qu'en manifestant notre appui à M. Assadourian, nous pourrions avoir une influence positive sur les députés de l'autre endroit.

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, les sénateurs Prud'homme et Wilson m'ont tous deux indiqué qu'ils souhaitaient parler de cette question, comme moi.

(Sur la motion du sénateur Di Nino, le débat est ajourné.)

[Français]

L'AJOURNEMENT

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le vendredi 30 mars 2001, à 10 heures.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au vendredi 30 mars 2001, à 10 heures.)

ANNEXE

(voir p. 522)

PRÉAMBULEDE LA RÉSOLUTION
DE L'HONORABLE SHIRLEY MAHEU

Le 29 mars 2001

RÉSOLUTION SUR
LA RECONNAISSANCE ET
LA COMMÉMORATION
DU GÉNOCIDE EN ARMÉNIE

ATTENDU QUE, le 24 avril 1915, les autorités turques ottomanes ont arrêté, puis exécuté, plus de 2 300 dirigeants bien en vue de la communauté arménienne à Istanbul, sans motif ni raison, si ce n'est leur race et leur religion, marquant ainsi le début du premier génocide du XXe siècle;

ATTENDU QUE, sous le couvert de la Première Guerre mondiale, les autorités turques ottomanes ont ordonné et perpétré le massacre systématique des Arméniens qui vivaient dans six provinces de l'Anatolie orientale et la Cilicie, dans un effort en vue d'éliminer la présence arménienne dans ces régions;

ATTENDU QUE les autorités turques ottomanes ont condamné à l'exil les survivants des massacres;

ATTENDU QUE les faits historiques montrent clairement que les événements survenus entre 1915 et 1918, qui ont abouti au massacre et à l'exil de la population arménienne de l'Anatolie orientale et de la Cilicie, constituent un génocide tel que défini dans le droit coutumier international et dans la Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide du 11 décembre 1948;

ATTENDU QUE le gouvernement de la République de Turquie déforme les faits historiques et nie que le génocide des Arméniens ait eu lieu;

QUE les parlements d'Argentine, de Belgique, de France, de Grèce, d'Italie, du Liban, de Russie, de Suède, d'Uruguay ainsi que le Conseil mondial des Églises ont condamné les massacres de la population arménienne de l'Empire Ottoman et les ont déclaré un génocide;

QUE le génocide arménien a également été reconnu par l'Assemblée nationale du Québec, par l'Assemblée législative de l'Ontario et par le Conseil canadien des Églises;

QUE des milliers de survivants du génocide arménien ainsi que leurs descendants résident actuellement au Canada en tant que citoyens canadiens et enrichissent son patrimoine multiculturel;

ATTENDU QUE le Canada est un pays fier d'être fondé sur la primauté du droit et le respect des droits et libertés de la personne;

ATTENDU QUE le 24 avril est devenu une journée symbolique de commémoration pour les Canadiens d'origine arménienne comme pour les personnes d'origine arménienne partout dans le monde;

ATTENDU QUE le règlement de la question du génocide arménien pourrait favoriser le règlement pacifique de plusieurs conflits qui durent depuis longtemps dans le Caucase du Sud.

QU'IL SOIT RÉSOLU QUE CETTE CHAMBRE

a) demande au gouvernement du Canada de reconnaître le génocide des Arméniens et de condamner toute tentative pour nier un fait historique ou pour tenter de le dépeindre autrement que comme un génocide, c'est-à-dire un crime contre l'humanité;

b) désigne le 24 avril de chaque année au Canada comme journée pour commémorer la mort d'un million et demi d'Arméniens qui ont été victimes du premier génocide au vingtième siècle.


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