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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 37e Législature,
Volume 139, Numéro 25

Le mercredi 4 avril 2001
L'honorable Dan Hays, Président


 

LE SÉNAT

Le mercredi 4 avril 2001

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE COMMERCE INTERNATIONAL

LES ETATS-UNIS—LA RECONDUCTION DE L'ACCORD SUR LE BOIS D'OEUVRE

L'honorable Ross Fitzpatrick: Honorables sénateurs, je voudrais terminer mon intervention d'hier sur la question du bois d'oeuvre qui nous oppose aux États-Unis.

Tout d'abord, je suis heureux, encore une fois, de voir le ministre du Commerce international défendre avec autant de vigueur les intérêts de notre industrie du bois d'oeuvre et lutter avec autant de force en faveur du libre-échange face aux allégations sans fondement de la coalition américaine du bois d'oeuvre.

Je suis heureux par ailleurs de faire remarquer que le gouvernement continue de consulter l'industrie et tous les gouvernements provinciaux pour défendre les intérêts de l'industrie canadienne du bois d'oeuvre. Il est extrêmement important que les régions présentent un front uni dans ce qui risque d'être l'un des différends commerciaux les plus graves qu'ait connus notre pays jusqu'ici.

LES ÉTATS-UNIS—LES MESURES PROTECTIONNISTES À L'ÉGARD DES POMMES DE TERRE DE L'ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD

L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorable sénateurs, j'ai entre les mains une résolution, datée du 30 mars, qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard. Elle concerne le problème permanent du protectionnisme américain et le refus des États-Unis de permettre l'importation sur leur territoire de pommes de terre déclarées saines en provenance de l'Île-du-Prince-Édouard.

Honorables sénateurs, nous savons tous ce qui est à l'origine de cette situation. Le 20 octobre 2000, on relevait dans une petite partie d'un champ de pommes de terre la présence de quelques pommes de terre atteintes de la galle verruqueuse. Le 31 octobre, il y a cinq mois, à la suite de cette découverte, le département américain de l'Agriculture interdisait l'entrée aux États-Unis de toutes les pommes de terre en provenance de l'Île-du-Prince-Édouard.

Près de 10 p. 100 de toute la récolte de l'Île-du-Prince-Édouard est ordinairement expédiée aux États-Unis. La fermeture de la frontière touche des millions de pommes de terre qui pourrissent dans les entrepôts ou servent d'engrais et nuit aux efforts déployés pour écouler ces pommes de terre sur d'autres marchés. L'industrie de la pomme de terre a subi une perte de 50 millions de dollars et l'économie globale de l'île a durement souffert. Ce qui aggrave le problème, c'est le dilemme auquel les producteurs de pommes de terre font face à l'heure actuelle, alors qu'ils se demandent si oui ou non ils doivent ensemencer pour la saison à venir, ce qui se fait normalement de la mi-avril à la fin d'avril.

Honorables sénateurs, pour beaucoup d'agriculteurs, il est inutile d'investir dans une nouvelle récolte alors qu'une bonne partie de leur récolte précédente pourrit dans les entrepôts. Cette résolution établit clairement l'importance de la pomme de terre pour ma province. Le secteur agricole est le principal moteur économique de l'Île-du-Prince-Édouard. Le secteur de la pomme de terre génère plus de revenus que toute autre industrie agricole dans l'Île.

Manifestement, les États-Unis s'inquiètent peu de ces faits et maintiennent un contrôle serré à la frontière malgré les énormes preuves scientifiques permettant de croire que le chancre de la pomme de terre est isolé dans une petite superficie d'un champ de pommes de terre. Jusqu'à maintenant, le gouvernement fédéral n'a pas vraiment réussi à faire ouvrir la frontière. Ainsi, cette résolution exhorte le gouvernement fédéral à accroître ses efforts pour mettre un terme à la fermeture prolongée et injustifiée de la frontière américaine aux pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard

Honorables sénateurs, je demande maintenant la permission de déposer cette importante résolution unanime de l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard.

Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

LE YUKON

Whitehorse—L'inauguration du nouveau centre communautaire francophone

L'honorable Ione J. Christensen: Honorables sénateurs, vendredi dernier, j'ai eu le plaisir de participer à l'ouverture d'un nouveau centre communautaire francophone à Whitehorse, au Yukon. La communauté francophone du Yukon travaille sur ce projet depuis 15 ans et on a donc célébré cette occasion. La communauté francophone de Whitehorse est la seule à l'extérieur du Québec qui a vu sa taille augmenter. Le nombre total d'habitants du Yukon qui parlent français a doublé au cours des 20 dernières années.

Le nouveau centre offrira des locaux au journal L'Aurore boréale; à l'association féminine Les Essentielles; au groupe jeunesse Espoir Jeunesse; à l'organisateur de voyages en groupe Évasion Nordik; à l'APEF, l'Association des parents francophones; à l'AFY, l'Association

franco-yukonnaise; et au SOFA, le Service de formation et d'orientation des adultes. De plus, la communauté francophone peut compter sur l'école Émilie-Tremblay, qui offre des cours de la maternelle jusqu'à la douzième année.

Nous sommes fiers de notre communauté francophone du Yukon et de la diversité culturelle qu'elle apporte à tous les habitants du Yukon. Je félicite de tout coeur les intéressés pour cette réalisation.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

L'AJOURNEMENT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le jeudi 5 avril 2001, à 13 h 30.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)


[Traduction]

(1340)

PÉRIODE DES QUESTIONS

LE COMMERCE INTERNATIONAL

L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE—LE BILAN DES GAINS ET PERTES DU GOUVERNEMENT DANS LE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS

L'honorable James F. Kelleher: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Comme les honorables sénateurs le savent bien, le gouvernement fédéral a récemment perdu six causes présentées devant l'Organisation mondiale du commerce relativement au stockage de produits pharmaceutiques, aux périodiques à tirage dédoublé, à la durée de la protection des brevets au Canada, à la gestion de l'offre des produits laitiers, à l'amiante et au Pacte de l'automobile. Nous savons aussi que l'Accord sur le bois d'oeuvre entre le Canada et les États-Unis a pris fin le 31 mars dernier et que déjà, un grand nombre de provinces sont préoccupées par la façon dont le gouvernement fédéral gère le différend.

Selon le National Post, des avocats fédéraux spécialisés dans le commerce affirment qu'on fait couramment abstraction de leurs conseils pour des raisons politiques lorsque le Canada décide quelles causes doivent être portées devant des organismes internationaux. Le quotidien a cité les propos d'un haut fonctionnaire de la Direction du droit commercial du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, qui a dit ceci:

Il est beaucoup plus important d'avoir un ami au cabinet du premier ministre que d'avoir une bonne cause fondée en droit.

En tant qu'ancien ministre du Commerce international, je crains que cette série de causes perdues ne diminue la crédibilité du Canada aux yeux de nos partenaires commerciaux et force les Canadiens à perdre confiance dans les négociations commerciales, dont celles qui se tiendront lors de la rencontre sur la Zone de libre-échange des Amériques qui aura lieu bientôt à Québec.

Je crois que c'est le 19 septembre 2000 que j'ai demandé à l'ancien leader du gouvernement au Sénat de déposer un rapport complet sur toutes les causes que le Canada a présentées et défendues depuis que les traités de l'OMC sont entrés en vigueur en 1995. Plus de six mois plus tard, nous attendons toujours une réponse.

Madame le leader déposera-t-elle donc un rapport complet sur toutes les causes que le Canada a présentées et défendues depuis que les traités de l'OMC sont entrés en vigueur en 1995 afin que les Canadiens puissent évaluer le bilan des victoires et des échecs du gouvernement?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Je suis étonnée, toutefois, qu'il parle de la série de causes perdues et qu'il passe immédiatement au sujet du bois d'oeuvre, car dans ce domaine nous avons gagné à maintes reprises. Les États-Unis, en raison de leur propre programme, ont décidé de continuer de contester le jugement rendu par les tribunaux du commerce, à savoir que les pratiques du Canada sont tout à fait raisonnables et acceptables.

L'honorable sénateur demande un rapport complet. Je n'étais pas au courant de sa requête antérieure. Quand je suis devenue leader du gouvernement au Sénat, j'ai demandé les recueils de notes documentaires de mon prédécesseur, mais j'ai été étonnée d'apprendre que je ne pouvais pas y avoir accès parce que ces recueils ne m'appartenaient pas. Toutefois, maintenant que le sénateur m'a présenté cette demande, je ferai tout mon possible pour obtenir un rapport complet à son intention.

Le sénateur Kelleher: Honorables sénateurs, à propos des commentaires du leader au sujet des récentes victoires dans le conflit sur le bois d'oeuvre, l'accord a expiré et les États-Unis ont maintenant déposé des requêtes contre le Canada. Par conséquent, je ne pense pas que ces victoires aient été très avantageuses pour nous.

LES ETATS-UNIS—LA RECONDUCTION DE L'ACCORD SUR LE BOIS D'OEUVRE—LA TAXE À L'EXPORTATION

L'honorable James F. Kelleher: Honorables sénateurs, comme je viens de le dire, l'Accord canado-américain sur le bois d'oeuvre a expiré le 31 mars, et déjà les Canadiens, dont les premiers ministres des provinces de l'Atlantique, s'inquiètent de la façon dont le gouvernement fédéral s'occupe du conflit.

Le 29 mars, le ministre du Commerce international, Pierre Pettigrew, a annoncé que le Canada surveillerait les exportations de bois d'oeuvre aux États-Unis en obligeant tous les exportateurs à obtenir une licence en vertu de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation.

Madame le leader du gouvernement au Sénat nous dira-t-elle s'il s'agit du premier pas vers l'imposition d'une autre taxe à l'exportation sur le bois d'oeuvre canadien exporté vers les États-Unis?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je serai très claire. M. Pettigrew a pris cette décision pour une raison très précise, soit éviter que les Américains, en voulant défendre leur cause, puissent faire valoir de l'information fausse contre le gouvernement canadien. En imposant des licences d'exportation et en tenant des états détaillés, le gouvernement canadien sera parfaitement au fait de ce qui se passe. Par conséquent, si les États-Unis décidaient de mettre en preuve des informations fausses, nous saurons qu'elles sont effectivement fausses. Voilà pourquoi on a imposé les licences d'exportation.

Quant aux victoires à la Pyrrhus, la victoire a été claire. Si elles ont ce caractère à la Pyrrhus, c'est uniquement parce que les Américains ne les ont pas reconnues.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Le gouvernement envisage-t-il une taxe à l'exportation?

Le sénateur Carstairs: Je remercie le chef de l'opposition de sa question. Le ministre responsable du dossier du bois d'oeuvre a clairement indiqué qu'on n'envisageait pas une telle taxe.

LES ÉTATS-UNIS—LA RECONDUCTION DE L'ACCORD SUR LE BOIS D'ŒUVRE—L'EXPORTATION ET L'IMPORTATION DE BILLES BRUTES

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. A-t-elle une réponse à la question que je lui ai adressée hier au sujet des exportations et des importations canado-américaines de billes brutes?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je remercie le sénateur de demander un suivi à la question qu'il a posée hier. Non, entre 14 h 15 hier et 13 h 50 aujourd'hui, je n'ai pas pu obtenir la réponse, mais je continue mes démarches.

LE CABINET DU PREMIER MINISTRE

LES FONCTIONS DE CONSEILLER PRINCIPAL DE M. DAVID MILLER—LE RÔLE DANS LE PROJET D'HÉLICOPTÈRE MARITIME

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Hier, le premier ministre a déclaré que M. David Miller ne participerait pas aux discussions sur le projet d'hélicoptère maritime, ce qui suit est très important, une fois que les offres auront été reçues. Doit-on comprendre que M. Miller est libre de discuter du renouvellement de la flotte des Sea King tant que les offres à cet effet n'auront pas été déposées?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne voudrais certainement pas interpréter ainsi la réponse du premier ministre. Comme je l'ai dit hier, David Miller a signé une déclaration relativement aux dispositions du code régissant les conflits d'intérêts. Il a rencontré le conseiller en éthique. J'ai confiance en son intégrité. Je ne pense pas qu'il fasse quelque démarche que ce soit dans le projet d'hélicoptère maritime.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, selon une dépêche de la Presse canadienne, le conseiller en éthique, M. Wilson, aurait déclaré vendredi soir:

Nous exigerions que la personne n'intervienne dans aucun dossier au sujet duquel elle a fait des démarches.

(1350)

Il est clair que le conseiller en éthique a un point de vue différent de celui du premier ministre. M. Miller va-t-il se retirer totalement des discussions avec le premier ministre, le vice-premier ministre et le Cabinet, ou le gouvernement est-il prêt à violer directement les lignes directrices de son propre conseiller en éthique?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je croyais avoir répondu à cette question en répondant à la première question du sénateur. M. Miller ne participera à aucune des diverses étapes des discussions sur le projet d'hélicoptère maritime. Cela s'applique dès maintenant, à court terme et à long terme. Cela signifie qu'il ne participera pas à ces discussions.

Le sénateur Forrestall: Je suppose donc que cela s'applique aussi à toute discussion qu'il pourrait engager, en dehors des heures de travail, avec d'anciens collègues.

LES FONCTIONS DE CONSEILLER PRINCIPAL DE M. DAVID MILLER—LA RENCONTRE AVEC LES REPRÉSENTANTS DU BUREAU DU CONSEILLER EN ÉTHIQUE

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, M. Wilson aurait dit qu'il n'a pas encore rencontré M. Miller. Hier, madame le leader du gouvernement m'a laissé entendre qu'une telle rencontre avait déjà eu lieu. Il s'est produit une confusion dans le langage, de sorte qu'on ne sait pas si M. Miller a rencontré M. Wilson ou si M. Miller s'est simplement entretenu avec le personnel de M. Wilson. Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous éclairer sur ce point?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je lis mes notes. Elles disent clairement que M. Miller a déjà rencontré les fonctionnaires du bureau du conseiller en éthique. Je n'ai pas dit qu'il avait rencontré M. Wilson, du moins je ne le crois pas. Si je l'ai dit, c'était par inadvertance.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, j'accepte cette réponse. Cependant, il y a une certaine contradiction dans tout cela.

DEMANDE DE DÉPÔT DES LIGNES DIRECTRICES SUR LES CONFLITS D'INTÉRÊTS

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, la ministre sait-elle si elle peut déposer ici en cette Chambre les lignes directrices qui exigent la signature du personnel du cabinet du premier ministre à cet égard?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai pas ce document aujourd'hui. Cependant, comme je l'ai déjà indiqué, je vais essayer de me le procurer le plus tôt possible.

Je crois que c'est le chef de l'opposition qui a le mieux exprimé ce que je pense en disant: «Regardez-moi faire.»

LA SANTÉ

L'ÉTUDE DU PROGRAMME NATIONAL—LE RÔLE DU COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Aujourd'hui, à midi, le premier ministre a annoncé la création d'une commission royale d'enquête, qui sera présidée par M. Roy Romanow, ancien premier ministre de la Saskatchewan, et qui sera chargée d'étudier les besoins du Canada en matière de santé. Comme le savent pertinemment les sénateurs, il y a un an environ, par le truchement de son Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, le Sénat a entrepris une étude approfondie de tous les aspects du système de soins de santé au Canada. Ce comité est présidé par les sénateurs Kirby et LeBreton. J'ai l'honneur de siéger à ce comité, entre autres.

La semaine dernière, le comité du sénateur Kirby a présenté le premier des cinq rapports prévus. Ce rapport a ouvert la voie à la formulation de recommandations très importantes qui suivront. En fait, pas plus tard qu'hier, madame le leader du gouvernement au Sénat s'est félicitée de la qualité de ce travail. Madame le sénateur Carstairs a même ajouté que le rapport avait suscité beaucoup d'intérêt.

Aujourd'hui, nous lisons dans un article de Jeffrey Simpson paru dans le Globe and Mail:

Le premier des cinq rapports du comité Kirby, présenté la semaine dernière, a soulevé une série d'interrogations importantes au sujet de ce système. Le comité formulera ses recommandations en temps utile, mais les premières questions confirment qu'il est sur la bonne voie et que, avec le temps, il permettra aux Canadiens de bien réfléchir aux changements qu'il convient d'opérer dans le système de soins de santé en ce début de XXIe siècle.

Je suis déconcerté d'apprendre aujourd'hui la création d'une commission royale chargée d'une mission faisant double emploi avec celle confiée à un comité sénatorial. J'en suis désarçonné. S'agirait-il d'un cas où la main droite ignore ce que fait la main gauche? Ou bien serait-ce que la main droite fait fi de ce que fait la main gauche? Le gouvernement a-t-il réfléchi aux coûts supplémentaires que ce chevauchement des missions entraînera, notamment au titre de la convocation de témoins, des frais de déplacement, et de tout ce qu'implique la préparation d'un rapport national de cette portée? Que se passe-t-il au juste aujourd'hui?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa question. Il a tout à fait raison. À midi aujourd'hui, le premier ministre a annoncé la mise sur pied d'une commission. Il s'agit toutefois d'une commission bien différente de toutes celles qui ont été mises sur pied par le passé. Il n'y aura qu'un seul commissaire. Il ne s'agira pas d'un groupe de personnes, ce qui exigerait qu'on se coordonne et qu'on établisse des calendriers de séance et ainsi de suite. Il n'y aura qu'un seul commissaire, lequel faisait d'ailleurs partie des premiers ministres qui ont tous signé cette entente historique en septembre dernier.

Son rôle principal sera de décortiquer l'entente qui a été signée par tous les premiers ministres en septembre dernier, de la renforcer et de travailler en collaboration avec les Canadiens et leurs dirigeants politiques pour voir à ce que toutes les dispositions de l'entente soient pleinement réalisées.

Cela étant dit, honorables sénateurs, il n'y a rien dans tout cela qui soit incompatible avec ce qui se fait actuellement au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, lequel a déposé il y a à peine quelques jours le premier volume de son rapport intitulé: «La santé des Canadiens — Le rôle du gouvernement fédéral». Comme vous le savez tous, j'ai siégé à ce comité jusqu'en janvier de cette année et j'ai donc participé à la préparation de ce rapport. C'est peut-être ce qui explique en partie pourquoi je considère que c'est un très bon rapport. Toutefois, il y a d'autres raisons à cela. Je pense, par exemple, au travail des autres membres du comité qui ont contribué de façon remarquable à présenter les mythes et les réalités du système canadien de soins de santé tel qu'il existe.

Le comité sénatorial continuera de faire son bon travail. Cela viendra s'ajouter au travail déjà effectué par l'ancien premier ministre de la Saskatchewan, l'honorable Roy Romanow. Je crois qu'ensemble, ils paveront la voie de l'évolution des soins de santé au Canada au cours du XXIe siècle.

Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, je dois dire avec respect que madame la ministre a fait de son mieux pour défendre une cause difficile. Pour commencer, je tiens à exprimer mon grand respect et ma grande estime pour la personne de Roy Romanow. En confiant à une personne, même si elle a des antécédents exceptionnels, la tâche de formuler des recommandations aussi sérieuses, qui auront à longue échéance des conséquences pour la santé de tous les Canadiens, et en le faisant au détriment des opinions de 12 sénateurs membres d'un comité dûment nommé, il me semble qu'on affiche un mépris flagrant pour les droits, sinon les capacités et le potentiel du Sénat.

(1400)

À propos de l'excellent travail réalisé par Michael Kirby au fil des ans, Simpson écrit:

Ce dynamisme est rare pour un membre du Sénat canadien, institution qui est mieux connue pour la somnolence que pour son activité fébrile.

Honorables sénateurs, je ne siège au Sénat que depuis deux ans et demi. Cependant, j'ai été profondément impressionné par le travail que les comités sénatoriaux accomplissent.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Roche: Plusieurs présidents de comité qui sont ici présents ont dirigé des travaux utiles aux Canadiens. Comment le Sénat est-il censé continuer à faire son travail dans le respect et la dignité qu'il mérite si, pour quelque raison que j'ignore, on lui coupe l'herbe sous le pied en nommant de façon unilatérale une commission royale qui va effectivement supplanter un comité sénatorial?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, si je peux me permettre une petite analogie avec le bridge, nous jouons sans atout, dans la mesure où il n'y a pas d'atout maître. Aucune carte n'est plus forte que l'autre. Personne ne fera un bridge avec cette question.

Mon honorable collègue, le sénateur Kirby, et moi nous connaissons depuis très longtemps, depuis plus longtemps que les autres sénateurs. Nous avons été camarades de classe pendant quatre ans à l'Université Dalhousie. Personne ne respecte le travail du sénateur Kirby plus que moi, qui l'ai vu à l'oeuvre dès son très jeune âge. Je me rappelle d'un incident lorsqu'il était rédacteur en chef de la Dalhousie Gazette. Nous n'aborderons cependant pas ce volet, parce que les sénateurs d'en face ne trouveraient pas flatteuse la page frontispice concernant un ancien premier ministre du pays.

La réalité, c'est que ces deux groupes accomplissent un excellent travail. L'ancien premier ministre de la Saskatchewan possède des connaissances qui sont partagées jusqu'à un certain point, dois-je le préciser, par des membres du comité du Sénat. Le sénateur Callbeck est un ancien premier ministre et je crois qu'elle siège toujours à ce comité. L'honorable sénateur Robertson possède certes des connaissances et une expérience remarquables concernant le fonctionnement du système de soins de santé à l'échelle provinciale. On peut aussi compter sur leurs connaissances collectives du fonctionnement de ce système à l'échelon fédéral.

M. Romanow a des compétences et des connaissances qui peuvent contribuer au débat sur la façon de préparer le Canada pour le XXIe siècle. Il n'est pas en concurrence avec le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Ce sera un partenariat axé sur la coopération entre ces deux organismes.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la demi-heure fixée pour la période des questions s'envole. Le sénateur Roche peut peut-être conclure, et je donnerai ensuite la parole au sénateur Lynch-Staunton, qui a une question complémentaire.

Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, je cède immédiatement la parole au sénateur Lynch-Staunton.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Le leader du gouvernement au Sénat ne convient-elle pas que les appréhensions du sénateur Roche, qui sont partagées par bon nombre d'autres personnes, n'auraient pas été soulevées si l'ancien premier ministre Romanow avait été nommé sénateur? En pareil cas, il aurait pu joindre les rangs du Comité des affaires sociales, nous aurions pu profiter de son point de vue et il pourrait tirer parti du travail accompli par le comité jusqu'à maintenant. Peut-être n'est-il pas trop tard pour que cela se produise.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, j'ignore totalement si le premier ministre Romanow, qui est depuis nombre d'années un membre fidèle du Nouveau Parti démocratique, parti qui a pris officiellement position contre l'existence du Sénat, accepterait de siéger en cette vénérable enceinte. Il est certain, cependant, que le Sénat et le comité sénatorial permanent tireraient profit de ses connaissances et de sa compétence.

Le sénateur Lynch-Staunton: Est-ce à dire que, s'il était appelé à comparaître devant le comité du sénateur Kirby, il refuserait en raison de ses opinions au sujet du Sénat?

Le sénateur Carstairs: Je refuse de répondre à une question de nature hypothétique.

L'ÉTUDE DU PROGRAMME NATIONAL—LE MANDAT DU COMMISSAIRE

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, les grands esprits se rencontrent. J'allais justement poser la même question au sujet de la nomination de M. Romanow au Sénat et à notre comité.

Je n'ai pas vu le mandat de M. Romanow. Il existe certainement des divergences d'opinions au Canada au sujet des succès qu'il a obtenus dans le secteur des soins de santé et de l'assurance-maladie. Les résidents de la Saskatchewan ont leur propre opinion à ce sujet. Tout ce que je sais du mandat du commissaire, c'est que le titulaire du poste doit relever directement du premier ministre. Je crois qu'il existe des précédents qui démontrent que ce n'est pas souhaitable. Le mandat peut-il être modifié de façon à ce que le titulaire relève du Parlement?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, M. Romanow a été nommé par le premier ministre et il relèvera de lui. Je ne crois pas qu'il soit indiqué, pour l'instant, de dénigrer M. Romanow, que ce soit en sa qualité d'ancien premier ministre de la Saskatchewan ou pour ce qu'il a accompli dans le secteur des soins de santé dans sa province. Les électeurs de la Saskatchewan l'ont réélu à plusieurs reprises, ce qui est tout de même assez révélateur.

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, ce qui m'agace le plus dans tout ce que j'ai entendu cet après-midi, c'est qu'il incombera à M. Romanow de donner suite, et je paraphrase ici, à cette décision historique qu'ont prise les premiers ministres provinciaux et le premier ministre fédéral il y a un an ou huit mois. Certaines provinces ne considèrent pas cet accord comme historique. Les provinces ont dû signer, sinon elles n'auraient rien obtenu.

Dans ma province, grâce à cet accord historique, le gouvernement fédéral prend en charge les soins de santé pendant deux semaines. Ce n'est pas beaucoup d'argent quand on considère la population de notre petite province.

Si le but est de conclure un plus grand nombre de ces accords historiques, certains d'entre nous sont en droit d'avoir quelques appréhensions. Il y a de quoi avoir des appréhensions.

Le sénateur LeBreton a posé la moitié de ma prochaine question. J'aimerais savoir quel est exactement le mandat de M. Romanow. J'aimerais que son mandat soit déposé aussi rapidement que possible, de façon à ce que nous sachions à quoi nous en tenir. En tant que sénateur, je n'ai certainement pas l'intention de faire le travail de M. Romanow. Je ne vois pas d'objection à coopérer dans certains domaines, mais tant que nous n'aurons pas vu ce mandat, nous ne saurons pas à quoi nous en tenir.

(1410)

Le sénateur Carstairs: Honorable sénateurs, d'après ce que je sais, le mandat est énoncé dans le communiqué de presse. Je crois savoir que le communiqué de presse sera distribué dans tous les bureaux, si ce n'est pas déjà fait. Mon bureau l'a déjà reçu.

S'il existe une version plus détaillée du mandat, je vais chercher à l'obtenir pour l'honorable sénateur.

Une conférence de presse aura lieu à 15 h 30 avec M. Romanow et le ministre de la Santé, M. Rock, et je suis sûre que l'on y donnera plus de détails sur cette commission d'enquête ou ce groupe de travail que doit diriger l'ex-premier ministre Romanow.

L'accord signé en septembre 2001 a certainement été accueilli par tous les premiers ministres de l'époque comme un important pas en avant. Personne n'a dit que c'était le dernier morceau du puzzle, loin de là. Le rapport Kirby, ou Kirby-LeBreton, comme je l'appelle, a dit très clairement que le régime d'assurance-maladie des années 60 était différent de ce qu'il serait au XXIe siècle. Dans les années 60, il n'incluait que les hôpitaux et les honoraires des médecins. C'était les deux principaux ingrédients. Depuis, le système a évolué, devenant beaucoup plus complexe. Par conséquent, les liens entre ceux qui fournissent les soins, soit les provinces, et ceux qui contribuent au financement de ces soins, soit le gouvernement fédéral, sont devenus eux aussi beaucoup plus complexes.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, malheureusement, la période des questions est terminée. Cependant, un sénateur peut demander l'autorisation de la prolonger.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je demande l'autorisation de la prolonger.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

LE MULTICULTURALISME

LES PROPOS DE LA MINISTRE

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser à madame le leader du gouvernement au Sénat.

Admettons que la ministre chargée du Multiculturalisme, Hedy Fry, ait dit ceci: «Nous n'avons qu'à nous rendre à Winnipeg, au Manitoba, où des croix sont brûlées sur des parterres en ce moment même. Il est très important que nous reconnaissions que, au Canada, la race, la religion et la culture font partie de nos richesses et que nous devons, chaque jour, faire en sorte que nous...»

Supposons qu'on ait coupé court à son intervention et qu'elle soit revenue plus tard à la Chambre et ait déclaré: «Monsieur le Président, aujourd'hui, pendant la période des questions, j'ai fait allusion dans ma réponse à un incident survenu à Prince George, en Colombie-Britannique. Je voudrais apporter des précisions, car j'ai dû quitter la Chambre rapidement, et je n'étais pas là pour la discussion. Je réponds au rappel au Règlement. Au Manitoba, il y a eu des incidents de délits raciaux. Par exemple, on a brûlé des croix. Je suis au courant parce que le maire de Prince George a communiqué avec moi immédiatement après les incidents.»

Supposons qu'elle ait déclaré ceci à propos de Winnipeg: «En ma qualité de secrétaire d'État chargée du Multiculturalisme, j'ai accordé au maire un financement pour mettre sur pied un groupe de travail sans tarder. Le groupe de travail s'est réuni et a formulé des recommandations aussi remarquables que courageuses, auxquelles le maire donne suite.»

S'il était établi par la suite qu'elle avait tenu ces propos et qu'elle savait que rien de cela n'était vrai, auriez-vous accepté ses excuses?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'avoue que la teneur de cette question m'inquiète vraiment. Il s'est produit un incident dans lequel deux collectivités ont fait l'objet de déclarations désobligeantes, qui étaient fausses. À entendre les propos du sénateur Tkachuk aujourd'hui, on dirait qu'une troisième collectivité aurait été faussement nommée.

Honorables sénateurs, nous devons être prudents. L'autre jour, nous avons parlé de prudence dans le choix de nos mots. Il y a des gens à la tribune. J'espère qu'ils n'ont pas compris à tort que la ministre a parlé de Winnipeg, parce qu'elle n'a fait absolument aucune allusion à Winnipeg. Cependant, si elle l'avait fait, je serais préoccupée comme je l'ai été par ses remarques sur d'autres villes.

J'ai été heureuse qu'elle ait présenté des excuses et j'ai accepté ces excuses. Peut-être le sénateur n'est pas aussi disposé que moi pour le pardon. Cependant, je crois qu'elle a présenté des excuses pour ses déclarations manifestement erronées.

Le sénateur Tkachuk: J'ai expliqué clairement quel était mon but. Je reprenais les mots utilisés par Mme Hedy Fry au sujet d'une collectivité particulière du Canada. Je me suis dit, et je crois que c'est vrai, que si elle pouvait dire ce genre de choses au sujet de Prince George, en Colombie-Britannique, elle pourrait tout aussi bien le dire au sujet de Saskatoon, en Saskatchewan. Elle pourrait dire la même chose au sujet de n'importe quelle ville du Canada.

Honorables sénateurs, je ne fais que poser une question. J'aimerais savoir ce que mes vis-à-vis pensent de telles déclarations. Je veux savoir si vous auriez accepté ses excuses si ses propos — je répète que je cite les propos de Mme Hedy Fry concernant Prince George car ce sont ses paroles, pas les miennes — avaient visé Winnipeg, au Manitoba.

Le sénateur Carstairs: J'ai répondu clairement. Je les aurais acceptées.

Le sénateur Tkachuk: Merci beaucoup.

DÉPÔT DES RÉPONSES À DES QUESTIONS INSCRITES AU FEUILLETON

LE CONSEIL DU TRÉSOR—L'ÉQUITÉ EN MATIÈRE D'EMPLOI ET LES MINORITÉS VISIBLES

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 2 inscrite au Feuilleton par le sénateur Oliver.

LE RAPPORT DU SECRÉTARIAT DU CONSEIL DU TRÉSOR SUR L'ÉQUITÉ EN MATIÈRE D'EMPLOI

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 4 inscrite au Feuilleton par le sénateur Oliver.


ORDRE DU JOUR

LA LOI SUR LE RECYCLAGE DES PRODUITS DE LA CRIMINALITÉ

MESURE MODIFICATIVE—TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Furey, appuyée par l'honorable sénateur Gauthier, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-16, Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité.

L'honorable James F. Kelleher: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui dans le débat en troisième lecture sur le projet de loi S-16, Loi sur le recyclage des produits de la criminalité. Les modifications contenues dans le projet de loi sont fondées sur un engagement pris par le gouvernement devant le Comité sénatorial des banques en juin dernier.

Les honorables sénateurs savent que, tous les mois de juin, les libéraux ont hâte de faire adopter le plus grand nombre de projets de lois qu'ils le peuvent avant l'ajournement d'été. Juin dernier n'a pas fait exception.

Dans le cas du projet de loi sur le recyclage des produits de la criminalité, au lieu d'accepter d'apporter les amendements que tous estimaient nécessaires, le secrétaire d'État (Institutions financières) s'est plutôt engagé à apporter les changements à une date ultérieure. Je suppose qu'on peut toujours tout réparer plus tard, mais je m'interroge sur l'opportunité de mener une étude approfondie d'un projet de loi si les amendements qui s'imposent sont tout simplement reportés à plus tard.

Honorables sénateurs, le ministre a pris en juin dernier des engagements, mais en plus de cela, les membres du Comité sénatorial des banques et du commerce ont convenu, à l'unanimité, de présenter au ministre trois autres recommandations pour qu'il les étudie et dans l'espoir qu'il les mette en oeuvre. Lorsque le projet de loi à l'étude a été présenté, nous avons découvert avec consternation que le gouvernement libéral avait décidé de ne tenir aucun compte de nos recommandations.

Les députés progressistes-conservateurs membres du comité étaient malgré tout déterminés à ne pas renoncer aux amendements qu'ils avaient proposés lorsque le projet de loi a été renvoyé à leur comité. Après avoir entendu davantage de témoignages sur la question, nous avons décidé de présenter à nouveau un seul amendement, celui préconisant de réduire de moitié les périodes prévues pour l'examen permanent de la loi proprement dite et du nouveau centre sur le recyclage des produits de la criminalité.

Je signale que le nouveau centre s'appelle le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada.

Les députés de notre parti membres du comité croyaient que nous avions entendu suffisamment de témoins, y compris des représentants de ce centre, pour justifier leurs craintes concernant la teneur exacte de l'information qui allait être recueillie, ceux de qui elle serait obtenue et l'utilisation qui serait faite de cette information. Nous avons donc été étonnés lorsque les députés libéraux membres du comité ont commencé à remettre en question l'utilité de notre amendement. Après un débat sur la question qui a duré un certain temps, l'amendement a été jugé irrecevable. Le comité a fini par rejeter un amendement qui était presque identique à celui qu'il avait appuyé à peine neuf mois plus tôt.

Nos collègues à la Chambre auront maintenant l'occasion d'étudier ce projet de loi plus en profondeur. Nous espérons que leurs efforts seront mieux pris en considération que les nôtres.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Une voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté avec dissidence.)

(1420)

PROJET DE LOI D'HARMONISATION NO1 DU DROIT FÉDÉRAL AVEC LE DROIT CIVIL

TROISIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur De Bané, c.p., appuyé par l'honorable sénateur Poulin, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-4, Loi no 1 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, j'ai l'intention d'intervenir sur ce projet de loi et de proposer un amendement. Je pourrais peut-être commencer par cela et fournir ensuite mes raisons.

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, avec l'appui du sénateur Joyal, je propose:

Que le projet de loi S-4 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié:

a) aux pages 1 et 2, par suppression du préambule;

b) dans la version anglaise de la formule d'édiction, à la page 2, par substitution, à la ligne 1, de ce qui suit:

«Her Majesty, by and».

Honorables sénateurs, cette motion est celle-là même que j'ai déposée au comité.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, les sénateurs qui faisaient partie du comité se rappelleront que j'ai proposé cette motion d'amendement; j'ai été ravi de constater que trois de mes collègues libéraux, les sénateurs Joyal, Moore et Cools, ont appuyé ma proposition. Le sénateur Gustafson s'est abstenu. La motion avait été rejetée.

Honorables sénateurs, je vais préciser les raisons qui justifient la motion. Les témoignages présentés au comité et le débat tenu hier au Sénat ont montré que le préambule manque de clarté, que certaines parties sont inintelligibles et qu'il est incompatible avec l'essence du projet de loi.

Cela revient, honorables sénateurs, à être jugé irrecevable et ainsi, si j'avais proposé hier une motion demandant au Président de reconnaître que le préambule était incompatible avec le reste, tout le projet de loi aurait pu être menacé. Ce n'est pas mon intention. Ce n'est pas non plus l'intention de ceux qui ont de graves questions au sujet du projet de loi S-4.

Honorables sénateurs, je suis d'accord sur l'objectif d'harmonisation du projet de loi. Je reconnais, comme l'ont dit hier ceux qui appuient le projet de loi, que cette mesure se fait attendre depuis longtemps. Je reconnais également que cela demande beaucoup de dextérité pour harmoniser deux remarquables traditions juridiques au Canada — le droit civil et la common law — étant donné que cela s'applique plus particulièrement, dans le cadre de ce projet de loi, à la législation fédérale au Québec. C'est un projet de loi qui unit et harmonise.

Ainsi, honorables sénateurs, il convient d'aborder cette question dans le contexte d'une motion tendant à supprimer le préambule, plutôt que d'un rappel au Règlement. Il serait insensé de perdre un projet de loi aussi bon que celui-ci, qui est le fruit d'un excellent travail sur le plan juridique et qui soulève peu ou pas d'objections. Ainsi, cette motion est un amendement qui constitue en quelque sorte une opération chirurgicale pour supprimer le préambule injustifié et peut-être nuisible. Si, en fait, le Sénat conclut que certaines parties du préambule sont inintelligibles et incompatibles avec le projet de loi, et peut-être même inconstitutionnelles, ce préambule vient alors polluer le projet de loi lui-même.

Honorables sénateurs, il est utile, pour les nouveaux sénateurs en particulier, de se pencher sur la fonction principale d'un sénateur, soit de donner son avis sur des mesures législatives — non seulement en ce qui concerne la constitutionnalité et l'efficacité du projet de loi, mais aussi sur la pertinence du langage utilisé dans la rédaction de cette mesure législative. Or, honorables sénateurs, toutes ces questions se posent dans le cas de ce projet de loi.

Je vais commencer par un précédent établi par l'ancien Président Macnaughton, de l'autre endroit, qui a jugé qu'une loi était irrecevable en partie à cause du préambule. Le projet de loi C-17 avait reçu la première lecture le 20 février 1964 à l'autre endroit. Pour un projet de loi d'initiative parlementaire, le préambule était long, alambiqué, et soulevait de graves questions. Voici ce qu'on dit à la page 1806:

Pour diverses raisons, que j'essayerai de résumer aussi brièvement que possible, je regrette d'avoir à déclarer irrégulière la motion tendant à la deuxième lecture du bill à l'étude.

L'argument avancé par le député pour motiver l'adoption de cette mesure se trouve exposé longuement dans le préambule du bill, sur lequel je reviendrai plus tard.

Le Président Macnaughton a parlé du préambule. Souvenons-nous, honorables sénateurs, que c'est la raison pour laquelle, en partie, il a décidé que tout le projet de loi — un projet de loi d'initiative parlementaire et non ministérielle — était irrecevable.

Le Président Macnaughton poursuit, à la page 1807:

La conférence des commissaires à l'uniformité de la législation au Canada, en 1942, déclarait: «Il faut éviter les préambules. Une loi doit se passer d'explication et si son interprétation oblige à se reporter à un préambule, cela indique qu'il faut en réviser le libellé.»

Voilà, honorables sénateurs, ce qu'a dit le commissaire à l'uniformité de la législation. Telle était la norme, quoiqu'il y a eu des exceptions.

L'honorable Lowell Murray: Qu'est-ce que le sénateur entend par «norme»? C'était le point de vue de la conférence des commissaires, mais cela n'en fait pas une norme.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je parlerai plus tard des exceptions à la règle. Le Président Macnaughton poursuit ainsi:

Sir Allison Russell, c.r., exprime la même opinion dans son ouvrage sur la rédaction des textes législatifs, où il dit de plus: «Ce n'est que dans des cas exceptionnels, d'habitude lorsqu'on procède à des modifications de la Constitution, que l'on recourt maintenant à un préambule pour expliquer l'objet d'une loi. Un préambule ne saurait restreindre ni étendre le sens des articles proprement dits, lorsque le libellé et la portée de la loi ne peuvent être mis en doute.»

Toutefois, ce n'est pas surtout à cause du préambule que je dois déclarer ce bill irrecevable, mais pour les raisons indiquées précédemment.

Autrement dit, c'était partiellement à cause du préambule qu'il a déclaré la totalité du projet de loi irrecevable.

Honorables sénateurs, si j'attire votre attention là-dessus, c'est parce que je veux replacer la rédaction de ce projet de loi dans ce contexte.

Ce projet de loi est plutôt inusité. J'en veux pour preuve un point général et non de fond — une question de politique. Ce projet de loi ministériel a été présenté au Sénat avant d'être adopté à l'autre endroit. Ce n'est pas la pratique habituelle. Toutefois, il est déjà arrivé de temps à autre que le Sénat décide d'être la Chambre législative du premier examen.

Je vous le demande, honorables sénateurs, quel est le devoir du Sénat lorsque le gouvernement décide de présenter une mesure législative au Sénat d'abord? Quel critère devrait nous guider? Qu'advient-il de la responsabilité législative et constitutionnelle du Sénat en tant que Chambre de second examen objectif?

Il me semble, honorables sénateurs, que nous avons alors encore plus le devoir de veiller à ce que la mesure législative soit claire et irréprochable. Si nous avons un doute raisonnable sur l'efficacité de quelque partie du projet de loi que ce soit, nous devrions redoubler de prudence. Nous devons distiller doublement un projet de loi qui est présenté pour la première fois au Sénat, car nous n'aurons pas l'occasion d'un second examen objectif. D'autres sénateurs ne seront peut-être pas d'accord, mais je dirais que, en général, lorsque nous découvrons à première vue des incertitudes et des inconséquences de rédaction dans un projet de loi, la responsabilité du Sénat est encore plus grande. Nous devrions nous imposer des normes plus strictes que la normale quand il s'agit de cette pratique d'étudier des projets de loi en premier.

(1430)

Quoi qu'il en soit, honorables sénateurs, si vous n'acceptez pas ces normes, rien ne peut remplacer une rédaction précise et prudente quand il s'agit d'un projet de loi de nature juridique. Pourquoi? Parce que ce projet de loi juridique, en s'appliquant aux lois fédérales, aura des effets sur la vie de tous les jours de tous les citoyens et habitants de la province de Québec. Nous devons faire preuve de plus de rigueur quand il s'agit de mesures juridiques plutôt que de mesures liées à des politiques, car les premières doivent être d'une grande précision parce que tous les mots comptent.

Certains sénateurs ont répliqué que ce n'étaient que de simples déclarations. Ce ne sont pas de simples déclarations. Tous les mots comptent, notamment dans un projet de loi juridique.

Quand j'ai lu le projet de loi la première fois, il m'a semblé que les rédacteurs ne s'entendaient pas. Il y a ceux qui ont rédigé soigneusement le projet de loi pour harmoniser le droit civil et la common law dans les lois fédérales. Ce travail de rédaction a été brillamment effectué. Puis, d'autres rédacteurs sont entrés en action, rédigeant un préambule qui ressemble à un ajout de dernière minute manquant de clarté. Comme le Président Macnaughton l'a dit, les préambules constituent une mauvaise pratique précisément pour cette raison. Oui, nous pouvons avoir des préambules; oui, comme le sénateur Murray l'a dit, c'est une pratique courante; oui, la Loi sur le multiculturalisme renferme un préambule; oui, la Loi sur la radiodiffusion renferme un préambule; et oui, la Loi sur les transports renferme un préambule.

Le sénateur Murray: Vous avez voté en faveur de toutes ces lois, sénateur.

Le sénateur Grafstein: Oui, certes, mais laissez-moi expliquer aux sénateurs la différence qu'il y a entre ces lois et le présent projet de loi. Dans chacune de ces lois, sans exception, le gouvernement cherchait à fournir des lignes directrices en matière de politiques et à fixer des priorités en matière de pouvoirs délégués. En d'autres termes, dans la Loi sur la radiodiffusion, c'était le CRTC; dans la Loi sur les transports, c'était la commission; dans la Loi sur le multiculturalisme, c'était le conseil multiculturel; dans la Loi sur les langues officielles, c'était le commissaire.

Je vois que le sénateur Murray n'est pas d'accord avec moi.

En passant, il y a d'autres exceptions, mais au coeur de ces exceptions, il y a le fait que le gouvernement moderne, qui est incapable de rédiger des lois complètes, donne des directives accordant des pouvoirs discrétionnaires à certaines instances. C'est là la différence majeure, mais pas quand il s'agit de rédaction juridique.

Le Code criminel ne comporte pas de préambule. C'est pour une bonne raison. La Charte a un préambule très simple: Dieu et la primauté du droit. Les sénateurs Joyal et Murray, et aussi d'autres sénateurs, se rappelleront que chaque mot de la Charte comptait et était sujet à discussion.

Honorables sénateurs, nous nous devons d'éviter, si nous le pouvons, une pratique qui pourrait avoir des effets délétères et qui consiste à laisser les juges errer librement et substituer leur opinion à celle du Parlement. Si nous croyons que la suprématie du Parlement demeure un élément important dans la vie des Canadiens, et bon nombre d'entre nous sommes de cet avis, nous devons avoir l'assurance absolue que les lois, surtout celles de nature juridique, sont libellées correctement et ne pourront être interprétées de toutes sortes de façons.

La ministre et ceux qui appuient ce projet de loi ont prétendu que la résolution prise par le Sénat au lendemain du référendum est la raison pour laquelle on a voulu incorporer ce préambule. Je vois le sénateur Beaudoin acquiescer. Oui, c'est vrai, mais voyons ce que les autorités disent au sujet d'une résolution.

Une résolution du Sénat est une chose bien différente d'un décret. Les autorités en la matière, dont Dreidger, disent toutes la même chose, et les honorables sénateurs peuvent vérifier. Elles disent qu'une résolution du Sénat est une opinion émise à un moment particulier par ceux qui appuient la résolution en question. Cette résolution disparaît à la fin de la session.

Un ordre est une chose différente parce qu'il peut durer plus longtemps que la séance au cours de laquelle il a été pris et, de par sa nature, s'appliquer dans la séance suivante.

Les ouvrages qui font autorité établissent clairement la différence. Le sénateur Stewart, un de nos anciens collègues, a écrit, dans son ouvrage intitulé The Canadian House of Commons: Procedure and Reform, qu'une résolution est une opinion émise à un moment donné.

Une décision de la Chambre constitue soit une résolution ou un ordre, la Chambre exprime ses opinions au moyen de résolutions. Elle exprime sa volonté par des ordres.

Isolément, les résolutions ne sont pas contraignantes;

Je ne m'étendrai pas plus longtemps sur le sujet, honorables sénateurs, puisque ceux d'entre vous qui voudraient obtenir confirmation du but et de l'usage des résolutions dans le droit anglais et le droit canadien n'ont qu'à consulter les ouvrages qui font autorité en la matière, lesquels définissent la résolution comme une opinion exprimée à un moment donné.

Que disait cette résolution, honorables sénateurs? Examinons-la à la lumière de cette mesure législative. L'important, dans cette résolution, c'est l'expression «société distincte». Il y a eu un grand débat, ici même, lors de la négociation de l'Accord du lac Meech, au sujet de la résolution proprement dite, dont ces mots. Qu'on le veuille ou non, ce sont des mots puissants sur le plan politique.

Ma collègue, le sénateur Bacon, me lance un regard sévère, car elle et moi sommes en désaccord. Nous sommes amis, mais nous ne sommes pas d'accord sur cette question. Cela prouve que de bons amis peuvent ne pas être d'accord sur un point politique fondamental. C'est une question explosive; ce sont des propos qui provoquent des débats: tout le monde le sait. Tout le monde le reconnaît.

On avait employé dans cette résolution l'adjectif «distincte», qui signifie différente. Dans la deuxième raison que le ministre a invoquée à l'appui de cette mesure législative, le ministre a utilisé le mot «unique». Dans la Déclaration de Calgary, on utilise le mot «unique», qui est tout à fait différent du mot «distinct». Selon le Petit Robert, «unique» signifie qui est le seul de son espèce, qui n'a pas son semblable, incomparable, supérieur. C'est ce que dit le dictionnaire.

Le sénateur Joyal a soulevé hier un excellent point, lorsqu'il a dit que, si l'on veut utiliser ces mots, il faut développer l'idée pour s'assurer qu'ils sont bien compris et que certains segments de la société québécoises ne sont pas exclus. Si l'on regarde la définition de ces mots dans le Petit Robert, et l'interprétation simple qu'en donneront les juges, c'est une question sérieuse.

Le sénateur Murray: Laquelle des deux formulations l'honorable sénateur trouve-t-il acceptable?

Le sénateur Grafstein: Ni l'une ni l'autre. Ceci dit, je tiens à faire une petite précision. Il est important qu'une définition soit claire, et ces deux définitions ne le sont pas.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je suis au regret d'informer le sénateur Grafstein que les 15 minutes dont il disposait sont écoulées. Demande-t-il la permission de continuer?

Le sénateur Grafstein: Oui.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, j'examinerai les résolutions une par une. Je demande à tous les sénateurs de bien les lire d'un bout à l'autre avant de se prononcer.

Le sénateur Kinsella s'interrogeait sur le sens de l'expression «accès à une législation fédérale». Cela veut-il dire bénéficier? Cela veut-il dire égalité d'accès ou accès à la règle de droit? Ce n'est pas clair. Cela ne veut rien dire.

Viennent ensuite les mots «tous les Canadiens». Dès la première résolution d'un important projet de loi visant à établir l'égalité des deux traditions canadiennes, nous excluons tous ceux qui ne sont pas citoyens canadiens. Cela ne s'inscrit pas dans le droit fil de l'important débat qu'on a tenu au Canada au sujet de l'application des définitions apparaissant dans la Charte canadienne des droits et libertés. Celle-ci ne se limite pas aux Canadiens.

(1440)

Honorables sénateurs, ce préambule est anticonstitutionnel. Nous sommes sur le point d'adopter un préambule qui, à première vue, ne correspond pas à la Charte. Il n'y a rien de plus à ajouter. Peu m'importe ce qu'en dit le ministre ou les partisans du projet de loi. Le préambule dit bien «tous les Canadiens». Est-ce à dire qu'un magistrat pourrait un jour déclarer que si une personne détient la nationalité canadienne, elle peut bénéficier des dispositions du Code civil, mais que, s'il s'agit d'un immigrant reçu ou d'un réfugié, il en va autrement? Comment pourrions-nous accepter cela?

Honorables sénateurs, tous les autres attendus me paraissent aussi peu clairs. Je voudrais en lire un autre avec vous. Nous apprendrons ensemble. Si les sénateurs veulent bien se reporter au cinquième attendu, ce sera mon dernier argument.

Je vais en donner lecture. Si les sénateurs ont le projet de loi sous la main, ils pourront le lire eux-mêmes. Pour ma part, je l'ai lu six fois et je n'ai toujours rien compris. J'ai interrogé plusieurs conseillers législatifs sur le sens de ce texte et ils m'ont dit n'y rien y comprendre. Nous avons peut-être parmi nous des esprits plus éclairés que le mien. Voici ce qu'on y lit:

que, sauf règle de droit s'y opposant, le droit provincial en matière de propriété et de droits civils est le droit supplétif pour ce qui est de l'application de la législation fédérale dans les provinces;

J'en redonne lecture:

que, sauf règle de droit s'y opposant, le droit provincial en matière de propriété et de droits civils est le droit supplétif pour ce qui est de l'application de la législation fédérale dans les provinces.

Cela est erroné. A priori, cela est erroné. Cela est incompréhensible. Cela n'a pas de sens. Dangereux. Vide. L'intention n'est pas mauvaise, certes, mais ce texte n'a aucun sens.

Honorables sénateurs, je vous invite à appuyer la motion prévoyant le retrait du préambule. Je vous invite à supprimer l'incertitude et à appuyer le corps de la loi. Si l'autre Chambre décide d'en reprendre l'examen, elle aura été avertie de ne pas agir de façon incohérente. De ne pas agir de manière à nous obliger à adopter une loi qui ne s'inscrit pas dans le sens de la Charte. De ne pas nous pousser à agir de façon incohérente et inutile à l'égard de la loi ou d'enjeux politiques fertiles et à attiser les passions et les sentiments au lieu de les refroidir et d'équivoquer.

Honorables sénateurs, je vous presse d'appuyer la suppression de cet horrible préambule bâclé.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: À moins qu'il n'y ait une question, je demande que le débat soit ajourné.

L'honorable Anne C. Cools: Je remercie le sénateur Grafstein de son excellente présentation. Je tiens à assurer le sénateur Grafstein que ses déclarations au sujet de la résolution du 7 décembre 1995 au sujet de la société distincte sont parfaitement justes. À la fin de la session parlementaire, cette résolution serait morte au Feuilleton à la dissolution du Parlement.

L'honorable sénateur a dit que le préambule devrait être supprimé. Il a proposé une motion dans ce sens, car il est d'avis que le préambule ne colle pas au contenu du projet de loi et que cela peut se révéler très dommageable. Il a ajouté que l'incohérence entre le préambule et le corps du projet de loi était de nature à vicier le projet législatif.

Je tiens à m'assurer, honorables sénateurs, que je comprends clairement, car je trouve la question extrêmement importante. Le sénateur a aussi dit que ce préambule était prétentieux dans son approche, avec des visées de mini-constitution ou de pseudo-constitution.

La ministre nous a dit que ce projet de loi était le premier d'une série. D'autres projets de loi seront touchés dans le cadre de cette entreprise de longue haleine qui porte sur l'harmonisation de deux ensembles de lois. Je suis convaincue que la ministre n'a pas dit à l'honorable sénateur la direction qu'elle adopte. Au comité, j'ai dit que c'était faire acte de foi que de se prononcer sur ce projet de loi sans savoir où s'en va la ministre. Je me demande si les honorables sénateurs se sont fait une idée au sujet de l'incidence de ce préambule lacunaire concernant une mesure législative à venir qui pourrait être adoptée sans que nous en connaissions le contenu. C'est un point important.

Le sénateur Grafstein: Je remercie l'honorable sénateur de sa question car elle est intéressante. Le sénateur Beaudoin, les membres du comité et moi avons eu une discussion au sujet du mot «harmonisation». J'ai tenté, à des fins législatives, de faire l'historique du mot «harmonie». Bien que je n'aie pas moi-même vérifié ce fait, on m'a dit que ce mot est attribuable à Dreidger dans son ouvrage intitulé: The Construction of Statutes, qui est bien connu. Il a été sous-procureur général, un des grands rédacteurs législatifs et un professeur de droit au pays. On considérait que c'était le maître.

À la page 29 de son ouvrage, Dreidger traite du mot «désharmonie». À cet égard, il se reporte à une cause anglaise et parle du préambule. Cela est lié au point soulevé par le sénateur Cools. Il l'utilise à la fin d'une expression lorsqu'il cite un extrait d'une cause anglaise. On y lit, notamment, ce qui suit:

[...] à moins qu'une telle exposition ne crée une contradiction ou une incompatibilité avec une disposition ultérieure de loi, d'où on peut en déduire que ce n'était pas là l'intention du législateur.

Autrement dit, toute la question de l'harmonisation est née de la volonté d'harmoniser les lois. Le sénateur Beaudoin et moi avons eu cette discussion. Ce fut une bonne discussion parce que le sénateur m'a aidé à mieux nuancer et comprendre la question. Il ne s'agit pas de prendre les deux traditions et d'en faire une seule hybride. L'intention n'est pas d'harmoniser dans ce sens. Il s'agit de rapprocher les deux traditions juridiques et de leur permettre une coexistence égale.

L'harmonisation tient au fait qu'on les réunit pour qu'elles coexistent et soient rationnelles, l'une par rapport à l'autre, et non pour qu'elles interagissent comme le préambule l'indique. Ce n'est pas une interaction, mais chacune doit être cohérente avec l'autre en son domaine. Je remercie l'honorable sénateur d'avoir porté cette nuance à mon attention.

Le projet de loi parle dès le départ de l'harmonisation de deux traditions égales et coexistantes en vertu du droit fédéral qui s'applique à la province de Québec, ce que nous aurions dû faire en 1867. Affirmer d'une part qu'une tradition est sans égale, sans parallèle, supérieure ou plus précise que l'autre, c'est faire preuve d'inconsistance. C'est là que le mot «harmonie» prend sa place. Le sénateur Cools a raison de dire que, si nous n'apportons pas des corrections maintenant et que nous ne clarifions pas notre façon de procéder, nous devons faire face à de plus grands obstacles plus tard. À mon avis, pour clarifier notre façon de faire, il suffit d'adopter ce projet de loi sans préambule. Je vous remercie de m'avoir permis de donner ces éclaircissements.

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, pour ce qui est de l'idée des préambules en général, je suis d'accord avec le sénateur davantage qu'il ne le croit. Néanmoins, un préambule existe dans ce cas-ci. Il faut se demander si le Sénat devrait décider, somme toute, de le supprimer. Je n'appuie pas cette idée, car je ne m'oppose pas du tout au préambule.

En ce qui concerne les propos du sénateur Grafstein au sujet des préambules dans d'autres lois, notamment la Loi sur les langues officielles, la Loi sur le multiculturalisme, la Loi sur la protection de l'environnement, la Loi sur les transports nationaux et la Loi sur les télécommunications, je suis certain qu'il ne prétend pas que ces préambules étaient davantage nécessaires au sens strict que celui-ci l'est. Nous sommes d'avis que ces préambules n'étaient pas nécessaires dans ces lois, n'est-ce pas?

Le sénateur Grafstein: Avant de devenir sénateur, j'étais avocat auprès de la Commission canadienne des transports et de du CRTC. La difficulté est que si vous déléguez des pouvoirs à un tribunal quasi indépendant — et cela nous renvoie à lord Hewart, qui faisait remarquer qu'une délégation de pouvoirs trop poussée entraîne une perte de pouvoirs pour le Parlement, qui est appelé à se prononcer sur des questions distinctes — il est préférable d'énoncer clairement les objectifs et les priorités plutôt que de simplement faire référence, par exemple, à la place qu'occupe la Société Radio-Canada dans le au réseau canadien de télédiffusion. Comme premier exemple, selon la Loi sur la radiodiffusion, et je cite de mémoire parce qu'il y a plusieurs années que je n'ai pas consulté la loi, la priorité absolue était d'avoir un réseau de télédiffusion national. La loi donnait donc priorité à la société d'État, SRC-1. Cela a permis d'énoncer clairement en quoi consistait la discrétion du CRTC.

(1450)

Autrement, il serait très difficile de rédiger une loi qui établirait des directives à l'endroit de tribunaux ou d'organismes quasi judiciaires sans préciser ces objectifs. Ce serait beaucoup plus difficile que de procéder en incluant un préambule. Ce sont là, je crois, les cas qui sont acceptables. En fait, les tribunaux administratifs se retrouvent encore en difficulté à cause de cette approche. Des difficultés surviennent encore, mais dans le cas du projet de loi , il n'y a pas d'excuse de la sorte. Le projet de loi contient une note explicative qui devrait donner satisfaction au sénateur. Cette note paraît sur la première page du projet de loi et elle est brillamment rédigée. Je vous la cite.

Loi no 1 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law.

Cet énoncé est brillant, concis, précis et inattaquable. Pourquoi toucher à quelque chose qui est bon? Pourquoi remplacer quelque chose de bon par l'imparfait?

Le sénateur Murray: Il serait tiré par les cheveux de soutenir qu'un préambule était nécessaire, par exemple, dans la Loi sur le multiculturalisme afin de dicter sa ligne de conduite au conseil du multiculturalisme, ou dans le cas de la Loi sur les langues officielles à l'intention du commissaire aux langues officielles. L'honorable sénateur peut lire ces préambules et lois, et il comprendra ce que je veux dire.

J'aimerais interroger l'honorable sénateur au sujet des résolutions. Il a clairement dit qu'une résolution adoptée par un Parlement, en l'occurrence la résolution reconnaissant le Québec comme une société distincte, ne lie pas les Parlements suivants. Mon collègue reconnaîtra certainement que tant que la résolution n'est pas abrogée, elle conserve un certain poids politique et moral. Je pose la question à l'honorable sénateur parce que l'actuel premier ministre du Canada s'est appuyé sur une résolution vieille de plus d'un demi-siècle, et adoptée non pas par les deux Chambres, mais par une seule, lorsqu'il a voulu s'opposer à la nomination de Conrad Black à la Chambre des lords.

Le sénateur Grafstein: Qu'est-ce que je fais avec cela? Mon bon ami, Conrad Black, est un grand citoyen canadien et devrait demeurer tel. Il a beaucoup contribué à notre pays et j'espère qu'il y contribuera encore, même si je désapprouve fondamentalement la plupart de ses éditoriaux quotidiens.

Cela étant dit, c'est intéressant et le sénateur soulève un point important, mais ce ne sont pas les mots de ce préambule.

Le sénateur Murray: L'honorable sénateur accepte-t-il ces mots?

Le sénateur Grafstein: Telle n'est pas la question dont le Sénat est saisie. Sénateur Murray, vous connaissez ma position à cet égard. J'ai maintes et maintes fois précisé ici ma position à cet égard. Je ne veux pas revenir sur ce débat, quoique c'est ce que nous risquons exactement de faire à la fin du mois. J'aimerais mieux ne pas le faire.

Je crois que la province de Québec est rendue plus loin que ce débat. Pourquoi alors essayer, en fait, de ramener, au moyen d'une mesure législative d'une grande portée, cette notion dans le décor alors que, soit dit en passant, le Sénat n'a jamais accepté le mot «unique»? Nous n'avons jamais accepté ce mot. Je me permets donc de contester ce point.

Ce préambule est injustifié, inconsistant et inutile. Si nous pouvons convenir que la mesure législative est bonne, nous pouvons l'adopter sans le préambule, qui crée un doute au lieu d'augmenter la clarté.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, on a fait allusion quelques fois cet après-midi à la Loi sur le multiculturalisme qui, comme les sénateurs s'en souviendront, formait le projet de loi C-68, que le Sénat a étudié en 1989, si je ne m'abuse. Lorsque nous avons rédigé ce projet de loi, au temps où j'étais bureaucrate, je crois me souvenir que nous en considérions le préambule comme une déclaration inspirante plutôt qu'une directive sur la façon de l'interpréter. Le sénateur Murray a parfaitement raison de dire que, de par sa nature même, le projet de loi n'exécute rien. Il y a une déclaration d'engagement du gouvernement et il y a un conseiller, et cetera.

Ce préambule était inspirant. D'autres sont plus dirigistes et visent à orienter l'interprétation de la loi par les tribunaux administratifs et autres.

Ma question au sénateur est la suivante. Si j'ai bien compris le sénateur Grafstein, il approuve le contenu des neuf grandes parties du projet de loi, des pages 2 à 78.

S'il souhaite qu'il y ait un préambule, quel genre de préambule le sénateur voudrait-il, un qui établirait des orientations ou un qui servirait de source d'inspiration?

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, lorsqu'il est question d'un projet de loi de nature juridique, par opposition à un projet de loi d'orientation — j'essaie de faire cette distinction, non pas dans une optique technique, mais aux fins de la discussion — chaque mot compte, alors que ce n'est pas le cas dans le préambule d'un projet de loi général, un préambule qui sert d'inspiration. Je trouve les notes explicatives du projet de loi très précises et inspirantes. Je suis inspiré par ce libellé brillant qui explique que le projet de loi vise à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec et à faire en sorte que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law. Nous aurions dû faire cela en 1867, comme certains sénateurs l'ont mentionné. Personne ne conteste cela. C'est une excellente idée. Cela fait intervenir la notion de bijuridisme, la question de l'égalité d'interprétation, ce qui est excellent, extraordinaire, génial.

Pourquoi, alors, aller au-delà de cela? Pourquoi gâcher cela avec une connotation politique? Si le gouvernement veut se féliciter, comme c'est son droit, qu'il le fasse dans un discours ministériel, pas dans un projet de loi qui peut manquer de cohérence. À première vue, le premier «attendu» du préambule contrevient certainement à la Charte. C'est discutable. Pourquoi faire cela?

Nous avons ici des notes explicatives qui sont brillantes et précises. De toute évidence, dans la rédaction du projet de loi, une personne a rédigé les notes explicatives et quelqu'un d'autre a rédigé le préambule. Par ailleurs, que signifie l'expression «fenêtre sur le monde»?

Le sénateur Murray: En toute sincérité, vous avez soulevé toutes ces questions au sein du comité, et le représentant vous a fourni des réponses.

Le sénateur Moore: Il a dit que c'était inutile.

Le sénateur Kinsella: J'ai deux autres questions succinctes.

Honorables sénateurs, le sénateur Grafstein a mentionné les paragraphes 1 et 2 du préambule, et vient de parler du paragraphe 4. En ce qui concerne les paragraphes 1 et 4, il n'y a pas de problème, car la Charte a préséance. Qu'est-ce que l'honorable sénateur répond à cela? Il dit que nous ne devrions pas nous en inquiéter. L'article 15 de la Charte garantit le droit à «tous» et cela évitera tout préjudice résultant de l'inclusion du mot «Canadien».

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, dans le droit commercial courant, dans le droit privé, devrions-nous donner à n'importe qui au Québec, voire à n'importe quel Canadien ou à n'importe qui au Canada, l'occasion d'interjeter appel sous prétexte que l'énumération de la loi est restrictive?

(1500)

Pourquoi donner l'occasion à quelqu'un de faire cela? Pourquoi poser une question d'ordre juridique et peut-être même d'intenter une poursuite en justice? Pourquoi? Ce n'est pas une bonne pratique, un bon projet de loi ni une bonne loi.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis heureuse de participer à ce débat sur le projet de loi S-4, et particulièrement sur l'amendement proposé par mon collègue, l'honorable sénateur Grafstein.

Je précise que je ne suis pas d'accord sur son idée d'abroger le préambule, et le gouvernement non plus. J'aimerais situer le projet de loi dans son contexte. Le projet de loi S-4 est la première d'une série d'initiatives visant à harmoniser les lois du Canada avec le droit civil dans la province de Québec.

Tous les témoins entendus par le comité, et tous les sénateurs qui sont intervenus dans les délibérations jusqu'à présent, soit en comité ou dans cette enceinte, ont manifesté leur appui à l'égard des objectifs du projet de loi et de chacune des 178 clauses et dispositions de fond qu'il renferme. L'honorable sénateur qui vient de présenter une motion était au nombre de ces personnes. Il ne s'oppose à aucune des dispositions du projet de loi.

On doit cependant noter deux exceptions. En effet, un sénateur aurait émis quelques réserves en comité au sujet des dispositions concernant le mariage, et un autre se serait abstenu de voter sur ce sujet, mais c'est tout.

En 1994, la province de Québec a modernisé son Code civil. Comme l'a mentionné le sénateur De Bané, cela a donné lieu à deux importantes initiatives du ministère fédéral de la Justice. La première, en 1993, était l'adoption d'une politique en vue de l'application du Code civil du Québec à des activités du gouvernement fédéral, et la seconde avait trait à la politique de 1995 sur le bijuridisme dans la législation. Le projet de loi S-4 est la suite de ce travail.

Je pense que tous les honorables sénateurs, et tous les Canadiens, conviennent de l'existence de deux traditions juridiques et de deux langues officielles au Canada. Ce sont des caractéristiques essentielles de notre fédération, et le projet de loi S-4 leur rend justice en facilitant la coexistence des deux traditions juridiques, qui sont chacune bien articulées et utilisées dans les deux langues officielles.

Le projet de loi S-4 est également conforme aux engagements pris dans les résolutions sur le caractère distinct de la société québécoise adoptées par les deux Chambres du Parlement en décembre 1995. Ces résolutions et la Déclaration de Calgary reconnaissent le caractère distinct du Québec et soulignent que sa tradition de droit civil est l'élément clé de son caractère distinct.

Je tiens à féliciter les sénateurs des deux côtés, qui sont membres du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, pour l'ardeur de leur travail et la sagesse de leurs délibérations à propos de ce projet de loi. Le comité, dans le cadre de son étude du projet de loi, a examiné six propositions de modification du projet de loi soumises par différents sénateurs, et nous sommes maintenant saisis de l'une d'entre elles. Il est intéressant de remarquer toutefois qu'aucun de ces changements ne touchait le fond du projet de loi. Pas un n'avait pour objet de modifier l'une des 178 dispositions du projet de loi. Ils étaient toutefois l'expression de réserves au sujet du préambule.

Nous avons discuté cet après-midi de la raison d'être du préambule. Certains membres de la fraternité juridique prétendent qu'un préambule n'a aucune signification. D'autres croient au contraire, et le sénateur Kinsella a certainement défendu ce point de vue avec éloquence cet après-midi, qu'un préambule peut être une inspiration. Dans d'autres cas, le préambule donne simplement le ton. C'est, je le crois, ce qui est important dans le préambule du présent projet de loi.

Honorables sénateurs, il ne fait aucun doute que les honorables sénateurs ont soulevé des questions intéressantes au cours de leur discussion sur le préambule. Le sénateur Grafstein, comme il l'a fait de nouveau cet après-midi, a proposé la suppression pure et simple du préambule. Le sénateur Joyal, lui, a proposé une motion contenant quatre éléments. Il voulait un nouveau paragraphe reconnaissant l'enrichissement du Canada grâce au bijuridisme. Il voulait remplacer le deuxième paragraphe par un texte évitant l'expression «le caractère unique de la société québécoise». Il voulait une troisième modification consistant à ajouter un nouveau paragraphe reconnaissant que chaque système juridique s'était développé dans les deux langues officielles, et il voulait une quatrième modification, consistant également à ajouter un nouveau paragraphe reconnaissant le rôle particulier du gouvernement fédéral à l'égard de l'emploi continu et du développement des deux langues officielles dans les deux traditions juridiques en ce qui concerne les lois fédérales. Le sénateur Moore a proposé de remplacer les mots «une fenêtre sur le monde» par «l'amélioration des débouchés à l'échelle mondiale».

Le gouvernement s'est intéressé aux suggestions des sénateurs et a soigneusement étudié chaque idée. Il m'a dit qu'il était à l'aise avec quatre des six propositions. Toutefois, le gouvernement n'est clairement pas prêt à proposer lui-même ces amendements, mais si les sénateurs veulent les proposer ici, il les recevrait favorablement. Permettez-moi maintenant de passer à la motion du sénateur Grafstein.

Le gouvernement juge que le projet de loi S-4 est une initiative extrêmement importante. Comme dans le cas d'autres initiatives passées où le projet de loi commençait par un préambule, il estime qu'il ne devrait pas laisser passer l'occasion d'inclure un préambule dans ce projet de loi. Il croit que cela nous donne la possibilité de préciser le contexte et les raisons justifiant l'harmonisation des lois fédérales avec le droit civil du Québec. Pour cette raison, le gouvernement est incapable de souscrire à la position du sénateur Grafstein tendant à supprimer le préambule.

Le gouvernement voit d'un bon oeil trois des quatre idées contenues dans l'amendement du sénateur Joyal. La reconnaissance du fait que le bijuridisme enrichit le Canada, que chaque système juridique s'est développé dans les deux langues officielles et que le gouvernement fédéral a joué un rôle particulier sont toutes des idées conformes aux faits et constructives qui viendraient s'ajouter au préambule et rendraient justice à l'esprit de ce préambule tel que rédigé à l'heure actuelle. Cependant, l'objection du sénateur Joyal au comité à l'expression «caractère unique de la société québécoise» n'est pas partagée par le gouvernement. Selon le gouvernement, le deuxième paragraphe du préambule décrit parfaitement le contexte et il est conforme aux faits.

Le Sénat lui-même a utilisé un langage semblable en 1995 pour s'exprimer dans une résolution portant sur le caractère distinct du Québec. L'expression dont nous parlons aujourd'hui est synonyme, selon moi. De plus, le gouvernement ne partage pas les préoccupations de certains sénateurs au sujet de la notion de préambule, au sujet du fait que nous introduisons dans une loi des concepts sociopolitiques qui n'y ont pas leur place. Comme le sénateur Murray l'a signalé dans le débat hier, de nombreuses lois fédérales ont de longs préambules qui décrivent le contexte de l'initiative en question et ces préambules renferment un langage descriptif qui ne pourrait être qualifié de langage juridique précis.

Permettez-moi de me reporter par exemple à la Loi sur les langues officielles, où on dit dans le préambule, au deuxième paragraphe, après Attendu:

qu'elle prévoit l'universalité d'accès dans ces deux langues en ce qui a trait au Parlement et à ses lois ainsi qu'aux tribunaux établis par celui-ci [...]

On ajoute, au septième paragraphe:

qu'il s'est engagé à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones, au titre de leur appartenance aux deux collectivités de langue officielle, et à appuyer leur développement et à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne [...]

(1510)

Le huitième paragraphe du préambule de la Loi sur le multiculturalisme canadien stipule:

ATTENDU que le gouvernement fédéral reconnaît que la diversité de la population canadienne sur les plans de la race, de la nationalité d'origine, de l'origine ethnique, de la couleur et de la religion constitue une caractéristique fondamentale de la société canadienne et qu'il est voué à une politique du multiculturalisme destinée à préserver et valoriser le patrimoine multiculturel des Canadiens tout en s'employant à réaliser l'égalité de tous les Canadiens dans les secteurs économique, social, culturel et politique de la vie canadienne [...]

C'est très vivifiant.

Honorables sénateurs, ces préambules présentent d'importants énoncés des principes qui sous-tendent les mesures législatives proposées. Leur formulation ne correspond pas, à proprement parler, à un libellé juridique précis. Que le préambule du projet de loi S-4 renferme des principes sociopolitiques est parfaitement compatible avec la pratique du Parlement du Canada, qui est d'inscrire des préambules descriptifs dans des projets de loi importants. C'est pourquoi, même si le gouvernement est disposé à appuyer, si les sénateurs le souhaitent, trois des propositions du sénateur Joyal, le gouvernement ne partage pas son inquiétude en ce qui concerne le deuxième paragraphe.

Quant à l'amendement proposé par le sénateur Moore au comité, et qui a été rejeté, si les sénateurs jugent que le libellé est préférable à celui présenté par les rédacteurs du ministère de la Justice, soit — le Sénat décidera d'amender le libellé.

Honorables sénateurs, tout le monde convient que ce projet de loi est important. On appuie massivement sa substance. Pour ce qui est du préambule, le gouvernement a écouté les préoccupations qui ont été exprimées et il a dit être disposé à faire preuve de compréhension et de souplesse, si c'est ce que veut le Sénat.

Cette mesure législative avait été présentée au cours des deux dernières sessions, mais elle n'avait malheureusement pas été adoptée avant la fin de chacune de ces deux sessions. Nous espérons que le Sénat, qui est chargé de déposer le projet de loi — et qui est le premier à en faire un second examen objectif, si je peux m'exprimer ainsi — réussira à l'adopter et à le renvoyer à l'autre endroit pour qu'il entre vigueur et soit appliqué.

Si je comprends bien, comme le sénateur Grafstein l'a fait aujourd'hui, des honorables sénateurs proposeront des amendements au cours du débat. Étudions-les avec soin et dans les délais impartis, mais évitons de faire dérailler, par inadvertance, ce premier pas important vers l'harmonisation du droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat a dit que le préambule n'avait en réalité pas tant un caractère légal qu'un caractère d'inspiration. Est-elle d'avis, oui ou non, que le préambule existe strictement en relation avec ce texte de loi, ou a-t-il un caractère légal indépendamment de ce texte de loi?

Le sénateur Carstairs: Le préambule fait partie de ce texte de loi et existe dans le contexte de ce texte de loi.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je signale que dans son témoignage devant le comité, M. DeMontigny, du ministère de la Justice, a tenu les propos suivants en répondant à une question du sénateur Joyal:

D'abord, je suis absolument d'accord avec vous pour dire qu'on pourrait, en théorie, utiliser le préambule d'une loi pour interpréter une autre loi, bien qu'aucun exemple ne me vienne à l'esprit. Habituellement, on prendrait le préambule de cette loi et on n'adopterait pas un autre préambule à une autre fin dans un autre contexte. En théorie, vous avez raison. J'accepte ce que vous dites.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, j'ai une question pour la ministre. Le gouvernement accepterait-il de modifier le premier paragraphe du préambule en supprimant les mots «les Canadiens»? Le premier paragraphe débuterait alors par ces mots: «que tous doivent avoir...». De cette façon, nous utiliserions un libellé analogue à celui de l'article 15 de la Charte, de manière à dissiper les craintes des communautés multiculturelles du Québec, dans lesquelles nous trouvons beaucoup d'immigrants admis qui ne sont pas citoyens canadiens mais qui ont tous, nous l'acceptons, droit à la même protection de la loi. Je pense que cela devrait apaiser les craintes de certains.

Le sénateur Carstairs: Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Je transmettrai immédiatement sa suggestion aux ministres qui ont participé à l'élaboration de ce projet de loi et je solliciterai leurs commentaires.

Je voudrais que l'on comprenne bien comment je considère mon rôle au Sénat. Je tiens à réitérer ce que j'ai déjà dit. Je me considère chargée non seulement de transmettre les messages du Cabinet aux honorables sénateurs, mais aussi d'apporter les messages du Sénat à la table du Cabinet. Je le ferai avec plaisir.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au sénateur Carstairs, que je remercie pour ses remarques.

Dans les Débats du Sénat du 7 décembre 1995, le sénateur Fairbairn avait soumis une résolution à l'examen de la Chambre. C'était la fameuse résolution sur le Québec, société distincte. La première phrase de cette résolution, qui se trouve à la page 2452, disait:

Attendu que le peuple du Québec a exprimé le désir de voir reconnaître la société distincte qu'il forme;

Madame le sénateur Carstairs pourrait-elle nous dire où et quand le peuple du Québec a exprimé le désir de voir reconnaître la société distincte qu'il forme?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je vois pas très bien quel rapport il y a entre cette question et le projet de loi S-4, mais je pense que l'opinion exprimée par le gouvernement du Québec, tout au long du débat sur l'Accord du lac Meech, montre que le Québec désirait voir reconnaître la société distincte qu'il forme.

Le sénateur Cools: Le sénateur Grafstein et d'autres sénateurs ont fait référence à cette résolution dans leurs interventions. Après tout, cette résolution a vu le jour au lendemain du référendum au Québec il y a quelques années. Si mes souvenirs sont exacts, le peuple du Québec s'est prononcé sur l'Entente de Charlottetown en 1992. S'il est une chose contre laquelle il a voté à l'époque, c'est bien contre la société distincte.

Le sénateur Carstairs: À mon avis, c'est un peu comme si on disait que le peuple de la Colombie-Britannique s'était prononcé contre un Sénat élu.

(Sur la motion du sénateur Beaudoin, le débat est ajourné.)

LA CONFÉRENCE DES MENNONITES AU CANADA

PROJET DE LOI PRIVÉ MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'honorable Richard H. Kroft propose: Que le projet de loi S-25, Loi modifiant la Loi constituant en corporation la Conférence des Mennonites au Canada, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, exception faite de quelques changements d'ordre technique apportés à la présentation, ce projet de loi reprend essentiellement celui qui a été présenté lors de la dernière session de la législature précédente par l'honorable sénateur Carstairs, le projet de loi S-28. Ce dernier n'a cependant pas été au-delà de l'étape de la deuxième lecture. Il est mort au Feuilleton lorsque la législature a été dissoute le 22 octobre 2000.

Dans son discours du 19 septembre 2000 en faveur de la deuxième lecture du projet de loi S-28, Mme le sénateur Carstairs a indiqué qui en était le requérant, en a expliqué l'objet et en a présenté les différentes dispositions. Ses observations apparaissent aux pages 1939 et 1940 des Débats du Sénat de cette date.

La Conférence des Mennonites au Canada a vu le jour en 1902 et a été constituée en corporation en vertu d'une loi fédérale adoptée en 1947. Elle a regroupé essentiellement des Mennonites qui avaient immigré au Canada dans les années 1870, et dans les années 20 et 40. Aujourd'hui, la Conférence compte quelque 260 congrégations oeuvrant en étroite collaboration avec les conférences provinciales et régionales au Canada au service de plus de 35 000 membres d'origines ethniques diverses, notamment chinoise, vietnamienne, laotienne, cambodgienne, taïwanaise, française, espagnole et allemande.

Honorables sénateurs, à l'instar de son prédécesseur, présenté lors de la dernière législature, ce projet de loi vise à moderniser la loi originale de 1947 constituant la Conférence en corporation. Il prévoit une approche en quatre étapes: premièrement, changer le nom de la corporation de manière à ce qu'il devienne Église Mennonite du Canada; deuxièmement, revoir l'acte constitutif de la corporation, notamment les dispositions relatives à sa mission et à ses pouvoirs; troisièmement, lever certaines restrictions en matière de détention et de disposition de biens meubles ou immeubles; et quatrièmement, autoriser la corporation à mener sa mission et à exercer ses pouvoirs à l'extérieur du Canada.

Honorables sénateurs, je suis heureux de parrainer ce projet de loi. La communauté mennonite a des traditions bien enracinées au Manitoba et elle occupe fièrement une place de distinction dans la vie religieuse, éducative, culturelle et commerciale de notre province. Elle continue d'accroître son apport, par ailleurs extraordinaire, au développement industriel du Manitoba. Son engagement à l'égard des valeurs fondamentales est un atout chez nous, aux quatre coins du Canada et dans le monde entier. La communauté mennonite illustre à merveille comment les immigrants peuvent mettre à profit leurs qualités et leur réputation distinctes de même que leurs convictions dans l'édification de notre nation.

Honorables sénateurs, j'ai proposé que ce projet de loi soit lu une deuxième fois et je propose maintenant qu'il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour un examen approfondi.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, nous ne nous opposerons pas à ce projet de loi, mais je tiens à dire officiellement, surtout aux nouveaux sénateurs, qu'il est important de comprendre pourquoi la Chambre se trouve saisie d'un projet de loi comme celui-là.

Il s'agit d'une pétition, qui a pris la forme d'un projet de loi, visant à modifier une loi fédérale constituant une entité en personne morale. Habituellement, cela se fait à l'échelon administratif, dans les provinces plutôt que par le truchement d'une loi du Parlement. Dans la plupart des provinces, une loi sur les compagnies prévoit le traitement de telles questions par un bureau administratif.

Ce processus provient peut-être d'une époque similaire à celle à laquelle les jugements de divorce au Canada exigeaient une loi émanant du Sénat. Ce processus date de la même époque. Je sais que, dans le passé, lorsque nous avons étudié des projets de loi comme celui-ci, certains sénateurs ont fait valoir que nous devrions modifier le processus. Cependant, c'est notre processus, et nous estimons que ce groupe en particulier, à l'instar d'autres groupes, ne devrait pas être pénalisé parce que certains d'entre nous pensent qu'il devrait exister un processus administratif concernant les questions de ce genre. Nous encourageons les honorables sénateurs à réfléchir en temps opportun à la nécessité d'apporter un tel changement.

Dans l'intervalle, honorables sénateurs, nous appuierons le projet de loi adopté à l'étape de la deuxième lecture et renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles aux fins d'examen.

Son Honneur le Président pro tempore: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Kroft, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

LE REPORT DES DÉPENSES D'ENTRETIEN DANS LES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT POSTSECONDAIRE AU CANADA

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Moore, attirant l'attention du Sénat sur la question préoccupante du report des dépenses d'entretien dans les établissements d'enseignement postsecondaire au Canada.—(L'honorable sénateur Callbeck).

L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui à propos de cette importante interpellation du sénateur Moore. Je remercie l'honorable sénateur de porter cette sérieuse question à l'attention du Sénat.

Nos universités sont en mauvais état. Des études récentes ont confirmé les craintes que l'infrastructure de nos universités s'effrite et ce, dans tout le Canada. Le coût de l'entretien différé accumulé est un problème croissant depuis des années, mais il a maintenant atteint un point où il nous est impossible de ne pas en tenir compte.

Je ne veux pas répéter les faits et les chiffres présentés plus tôt par le sénateur Moore et le sénateur DeWare, mais je veux rappeler aux sénateurs la gravité du problème.

Il faudrait une somme de 3,6 milliards de dollars pour éliminer l'entretien différé accumulé dans les institutions d'enseignement postsecondaire au pays. Cela équivaut à plus de 5 500 $ par étudiant à temps plein. De ce total, plus d'un milliard de dollars est jugé nécessaire de toute urgence. Autrement dit, il faut s'occuper le plus tôt possible de certains besoins pour éviter encore plus de détérioration et de frais.

Honorables sénateurs, ces chiffres sont tirés de la plus récente étude sur la détérioration de l'infrastructure de nos universités intitulée: «Point de non-retour: Le besoin urgent de renouvellement des infrastructures des universités canadiennes».

(1530)

Ce rapport a été compilé l'année dernière par l'Association canadienne du personnel administratif universitaire. On a jugé qu'il reflète fidèlement le problème de l'entretien différé accumulé. Comme on peut le lire dans le rapport, les bâtiments universitaires au Canada ont en moyenne 32 ans, alors que le cycle de vie moyen de leurs composants et systèmes est d'environ 23 ans. Par conséquent, vu que la plupart des bâtiments et des systèmes ont dépassé leur durée de vie de quelque dix ans, ils ont besoin de réparations majeures.

En outre, les éléments suivants contribuent au problème de l'infrastructure: la baisse marquée du financement public; les demandes pour la création de nouveaux espaces à cause de la croissance dans les programmes universitaires, la recherche et le nombre d'inscriptions; la nécessité de respecter les nouveaux codes et règlements; la nécessité de suivre l'évolution de la technologie; et enfin, l'absence d'intérêt qu'on porte à l'entretien et à la rénovation comparativement à l'intérêt qu'on porte aux nouveaux projets de construction. On prévoit que le nombre d'inscriptions va augmenter considérablement au cours de la prochaine décennie; les bâtiments en place devront donc répondre à une demande accrue.

Il en découle un grave problème au niveau national. La recherche universitaire ne peut pas s'effectuer dans des conditions optimales si les installations se détériorent. Des bris dans les salles de cours de physique risquent de causer de graves inconvénients et de ruiner entièrement des expériences de laboratoire.

Bien que le gouvernement soit bien déterminé à financer la recherche dans tout le Canada, il ne faudrait pas mettre la charrue devant les boeufs. Autrement dit, nous devons nous assurer qu'il existe des installations sûres et modernes pour permettre aux chercheurs de faire le meilleur usage possible des fonds de recherche.

En outre, le problème ne se limite pas aux laboratoires et aux chercheurs. Les activités et les cours magistraux qui ont lieu quotidiennement dans les salles de cours risquent d'être gravement perturbés par des bris dans les établissements, comme des problèmes de chauffage et de ventilation. Les entretiens fréquents et les réparations temporaires qui s'ensuivent entraînent des inconvénients. Comme les salles de cours sont rares, il est souvent difficile de trouver des salles convenables pour reloger les étudiants.

L'entretien différé accumulé constitue un problème qui afflige tout le Canada, mais je peux parler en meilleure connaissance de cause de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard, la seule université de ma province. L'UPEI, représentée par le vice-président des Finances, Neil Henry, a participé activement à la formulation de l'étude sur l'entretien différé accumulé. J'ai été consternée d'apprendre que la situation dans cette université était l'une des pires dans tout le pays. Des 22 immeubles qui composent le campus, trois se sont révélés à la fin de leur durée utile. Ils en sont au point où seuls d'importants travaux de restauration peuvent les rendre sans danger et utilisables. L'université de cette petite île, qui accueille 2 500 étudiants, est aux prises avec 20 millions de dollars en coûts d'entretien différé accumulé.

Le gouvernement provincial aide l'UPEI en lui accordant des subventions d'équipement, mais l'université doit tout de même emprunter. Cependant, sa capacité d'emprunt est limitée, car toute dette doit être remboursée à même son budget de fonctionnement. Ses dépenses d'entretien annuelles ne suffisent pas à prévenir la détérioration, chaque année.

La nécessité d'accroître le nombre de salles de cours est liée au problème de la détérioration de l'infrastructure. Les salles de cours et les laboratoires sont rares, étant donné l'augmentation du nombre d'étudiants et des fonds consacrés à la recherche. Ceux qui financent la recherche, qu'il s'agisse du gouvernement fédéral ou du secteur privé, présument souvent que l'université dispose des locaux de laboratoire nécessaires pour effectuer les travaux de recherche prévus. Cependant, l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard et bien d'autres établissements n'ont plus de place pour aménager ces laboratoires.

L'Université de l'Île-du-Prince-Édouard estime qu'il lui faudra environ 43 000 pieds carrés d'espace pour de nouveaux laboratoires. Comme on l'a appris dans un récent discours du Trône, le gouvernement s'est engagé à stimuler la recherche pour mieux positionner le Canada dans l'économie mondiale fondée sur le savoir. Pour y parvenir, il faut d'abord une infrastructure qui permette d'utiliser judicieusement ces dollars affectés à la recherche.

Honorables sénateurs, la situation qui règne à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard ne donne qu'un aperçu du problème plus vaste qui affecte pratiquement toutes les universités canadiennes. Même si la situation est très grave au Canada atlantique, le pays entier sent la pression qu'exerce une infrastructure universitaire qui se délabre.

Le problème ne disparaîtra pas par magie. Si l'on ne s'y attaque pas, un nombre croissant d'étudiants décideront d'aller étudier à l'étranger, où ils seront mieux en mesure de satisfaire leurs besoins intellectuels. Il ne faut pas se demander «si» nous pouvons trouver les fonds, mais «quand» nous pourrons les rendre disponibles.

Nous devons immédiatement lancer un programme d'infrastructure fédéral-provincial en vue d'éliminer au cours des prochaines années le report des travaux d'entretien accumulés. Quand ce sera fait, il faudrait mettre en place des programmes annuels afin d'éviter que cette situation se reproduise.

J'invite tous les honorables sénateurs à approfondir cette question et à se renseigner sur la situation qui règne dans les universités de leur région.

(Sur la motion du sénateur DeWare, au nom du sénateur Meighen, le débat est ajourné.)

[Français]

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous essayons, le mercredi, de terminer les travaux de la Chambre aussi près de 15 h 30 que possible afin de permettre aux comités de siéger. Je demande que tous les points figurant à l'ordre du jour et au Feuilleton demeurent dans leur ordre actuel.

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 5 avril 2001, à 13 h 30.)


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