Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
1re Session, 37e Législature,
Volume 139, Numéro 55
Le mardi 2 octobre 2001
L'honorable Dan Hays, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- Le Sénat
- La hâte à faire examiner le projet de loi sur l'immigration et la protection des réfugiés par le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie
- La possibilité de renvoyer le projet de loi sur l'immigration et la protection des réfugiés au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles.
- Le cabinet du premier ministre
- Les affaires étrangères
- Réponse différée à une question orale
- La citoyenneté et l'immigration
- Dépôt des réponses à des questions inscrites au feuilleton
- Bibliothèque du Parlement
Langues officielles
Examen de la réglementation - Question de privilège
- Le Sénat
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mardi 2 octobre 2001
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
QUESTION DE PRIVILÈGE
AVIS
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 43(3) du Règlement du Sénat du Canada, le greffier du Sénat a reçu plus tôt aujourd'hui un avis d'une question de privilège de la part du sénateur Cools. Conformément au paragraphe 43(7) du Règlement, je passe la parole au sénateur Cools.
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 43(7) du Règlement du Sénat, je donne avis oral que je soulèverai la question de privilège plus tard aujourd'hui.
J'ai l'intention de soulever la question de privilège au sujet de certaines actions et de certains termes eu égard au débat du Sénat du jeudi 27 septembre 2001 qui, comme les honorables sénateurs s'en souviendront, portait sur la question de privilège concernant certains propos de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Elinor Caplan.
Honorables sénateurs, je demanderai au Président du Sénat de décider s'il y a matière à question de privilège. Dans l'affirmative, je suis prête à proposer une motion de fond pour la tenue d'un débat à ce sujet.
Son Honneur le Président: Conformément au paragraphe 43(8), le Sénat commencera a étudier si la question de privilège se justifie dès qu'il aura épuisé l'ordre du jour de la séance ou, au plus tard, à 20 heures. Je continue maintenant avec les déclarations de sénateurs.
[Français]
L'ANNÉE INTERNATIONALE DES VOLONTAIRES
L'honorable Marisa Ferretti Barth: Honorables sénateurs, l'année 2001 a été décrétée l'Année internationale des volontaires par les Nations Unies. Une année entière, voilà un signe clair de l'importance que nous accordons au volontariat.
À mes yeux, le bénévolat est une activité sans contrainte. En fait, c'est un don du coeur, un don de soi. C'est un dépassement personnel qui pousse à contribuer à une ou plusieurs causes qui nous tiennent à coeur. Le bénévolat est d'abord et avant tout un geste d'amour.
Notre pays compte 175 000 organisations bénévoles et environ 7,5 millions de bénévoles. Savez-vous que les bénévoles consacrent plus d'un milliard d'heures à leur prochain et à leur communauté? Cela représente environ 578 000 emplois à temps plein.
Le bénévolat est un grand secteur d'activité, un secteur parfois hautement visible. Pensez aux courageux secouristes qui, lors de la tragédie du 11 septembre, ont donné de leur temps.
Les bénévoles sont indispensables aux organismes communautaires qui répondent aux besoins grandissants de la population et des institutions trop souvent débordées. Les bénévoles consacrent temps et énergie afin d'améliorer le bien-être des gens de leur communauté.
Il est de la plus haute importance de valoriser l'apport inestimable de tous ces gens qui s'affairent au mieux-être de la collectivité. Trop souvent, malheureusement, leurs contributions passent inaperçues. N'oublions pas que les bénévoles sont les moteurs silencieux de notre société. Il faut apprendre à reconnaître leurs contributions à leur juste valeur.
J'aimerais remercier très sincèrement tous les bénévoles pour leur dévouement et leur contribution à un monde meilleur. À tous ceux et celles qui n'ont pas encore connu les joies du bénévolat, je les invite à tenter l'expérience. Ils donneront une nouvelle dimension à leur vie et connaîtront la richesse de celui qui donne.
[Traduction]
(140)
LE DÉCÈS DE CAROL ANNE LETHEREN
L'honorable J. Trevor Eyton: Honorables sénateurs, plus tôt cette année, le monde canadien du sport amateur a perdu une de ses partisanes les plus compétentes et les plus passionnées. Je parle ici de Carol Anne Letheren qui, au moment de son décès, était directrice de l'Association olympique canadienne.
Lorsqu'on se penche sur son curriculum vitae, comme j'ai eu l'occasion de le faire récemment, on est frappé par tout ce que Carol Anne a fait durant sa vie. C'était une personne extrêmement dynamique, une de ces personnes qui font une différence.
La liste des activités et des réalisations de Carol Anne est impressionnante. Dans sa jeunesse, elle a été présidente de l'association étudiante, championne de badminton de l'Ontario et, plus tard, juge de calibre mondial en gymnastique. En 1988, elle est devenue chef de mission pour l'équipe olympique canadienne. Je ferais remarquer que Carol Anne a été la première femme chef de mission dans l'histoire des Olympiques. C'est également elle qui a dû, durant ces mêmes Olympiques, dire à Ben Johnson qu'il était disqualifié et qui a dû lui demander de rendre sa médaille d'or.
En plus des sports, Carol Anne Letheren a laissé sa marque dans le monde universitaire et dans le monde des affaires. Elle avait des bacs en arts et éducation physique, une maîtrise en administration des affaires et un doctorat honorifique en droit. Pendant de nombreuses années, elle a été une membre éminente des corps professoraux des universités de Toronto et de York. Plus tard, elle s'est lancée en affaires en tant qu'associée principale et copropriétaire d'une entreprise de commercialisation de Toronto.
Les sports ont toujours été le principal intérêt dans la vie de Carol Anne. Elle a été membre du Comité international olympique, vice-présidente de la Commission pour l'Académie internationale olympique et l'Éducation olympique et membre de la Commission de coordination pour les Jeux d'hiver de 2002 à Salt Lake City. Elle a également siégé à la commission d'évaluation pour les Jeux olympiques de 2004 qui doivent avoir lieu à Athènes. Tout cela, en plus d'être membre de nombreux conseils et comités liés aux sports, d'occuper divers postes d'entraîneur et d'officiel et de recevoir tout un éventail de récompenses allant de la nomination au titre d'officiel de l'année à l'intronisation au Temple de la renommée des sports de l'Université de Toronto.
Au moment de son décès regrettable, le président de l'époque de l'Association olympique canadienne, Bill Warren, a dit que Carol Anne personnifiait l'excellence, le respect, l'équité, le travail d'équipe, le leadership et, chose très importante, surtout pour ceux qui connaissaient Carol Anne, la joie de vivre. Le président actuel de l'association, Michael Chambers, s'est fait l'écho de ces sentiments.
Honorables sénateurs, on peut dire en toute équité qu'avec la mort de Carol Anne Letheren, le Canada a perdu une citoyenne vraiment remarquable qui, de par ses réalisations, continue d'être une merveilleuse inspiration pour nous tous, surtout les jeunes femmes.
MOTHERS AGAINST DRUNK DRIVING
L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, la fin de semaine dernière, j'ai participé à la conférence sur la direction de la section nationale de MADD Canada. Les événements horribles survenus à New York, à Washington et en Pennsylvanie le 11 septembre revêtaient un intérêt particulier pour les participantes. En effet, ayant elles-mêmes été éprouvées, elles ressentaient un lien particulier avec les victimes tout à fait innocentes de la grande tragédie ayant frappé les États-Unis. Bon nombre m'ont dit que le choc provoqué par le décès d'êtres chers a refait surface de façon inattendue. Dans cette atmosphère troublante, nous avons abordé la réalité qui demeure la principale tragédie au Canada, celle des innocents tués par des personnes conduisant alors que leurs facultés sont affaiblies.
Honorables sénateurs, la conduite avec facultés affaiblies demeure la principale cause de décès d'origine criminelle au Canada, entraînant chaque année au-delà de trois fois plus de décès que toutes les autres formes d'homicide réunies. Le Canada présente un sérieux retard par rapport à des pays démocratiques comparables dans la lutte visant à réduire les décès et les blessures découlant d'accidents d'automobile liés à la consommation d'alcool. Pourtant, bon nombre de ces pays présentent une consommation d'alcool par habitant beaucoup plus élevée. Ces pays ont réussi dans une beaucoup plus grande mesure à inciter leur population à ne pas conduire après avoir bu. Leurs lois exercent un effet dissuasif sur les conducteurs en état d'ébriété et protègent le public, tandis que les nôtres exercent un effet dissuasif sur les policiers et les substituts du procureur général et mettent souvent les conducteurs en état d'ébriété à l'abri de sanctions pénales.
Des millions de Canadiens continuent de conduire en état d'ébriété. Selon le sondage national d'opinions sur la conduite en état d'ébriété mené en 1999, 19,3 p. 100 des conducteurs titulaires d'un permis ont déclaré avoir récemment conduit dans un délai de deux heures après avoir bu. Selon l'auteur du rapport, lorsqu'on applique ces statistiques à l'ensemble des conducteurs titulaires d'un permis, on constate que plus de 4 millions de Canadiens reconnaissent prendre le volant après avoir bu. De plus, quelque 2,3 millions de Canadiens ont pris le volant l'an dernier alors qu'ils estimaient eux-mêmes avoir dépassé la limite légale. Par conséquent, on trouve chaque soir des dizaines de milliers de conducteurs en état d'ébriété sur les routes du Canada, et rares sont ceux qui se font, à un moment donné ou à l'autre, intercepter par la police. On estime qu'un seul cas de conduite en état d'ébriété sur 445 résulte au Canada en une condamnation au criminel. Il est devenu très difficile de poursuivre les personnes arrêtées pour conduite en état d'ébriété. Nous n'avons qu'à lire chaque jour nos journaux pour nous en rendre compte. Tout en obligeant les policiers et les substituts du procureur général à respecter des normes très strictes en matière de preuve, les tribunaux ont interprété la loi de façon à restreindre indûment la définition des infractions, et les défenses admises semblent être tout à fait détachées de la réalité.
D'après le Centre canadien de la statistique juridique, selon le genre d'infraction commise, seulement 23 à 61 p. 100 des accusations de conduite avec facultés affaiblies portées entre 1994 et 1998 ont résulté en un jugement de culpabilité. Pire encore, les personnes accusées des infractions les plus graves sont les moins susceptibles d'être condamnées. Le taux de condamnation pour conduite avec un taux d'alcoolémie supérieur à 0,08 était de 61 p. 100, mais ce taux chutait à seulement 33 p. 100 dans le cas de la conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles et à 23 p. 100 dans le cas de la conduite entraînant un décès. Comme nous le savons tous, le gouvernement — et cela inclut le Sénat, c'est-à-dire nous les sénateurs — a modifié le Code criminel en 1999 et en 2000. Ces changements ne visaient qu'à rendre les peines plus sévères, mais malheureusement, nous n'avons pas tenu compte de propositions visant à réduire à 0,05 le taux d'alcoolémie prévu dans le Code criminel, à accroître les pouvoirs d'application de la loi des policiers, à éclaircir et à redéfinir certaines infractions et à rationaliser la détermination des peines.
Honorables sénateurs, sans une réforme en profondeur du Code criminel, le nombre de personnes tuées ou blessées chaque année dans le cadre d'accidents liés à l'alcool ne changera pas. Des Canadiens responsables continueront d'être exposés à des risques inutiles qui sont inacceptables dans la majorité des pays dans le monde. Par conséquent, MADD Canada et, à mon avis, la majorité d'entre nous estiment que les modifications de 1999 et 2000 ne doivent être perçues que comme le début d'un processus visant à réformer les lois fédérales concernant la conduite en état d'ébriété.
LA RÉACTION DU GOUVERNEMENT AUX ATTAQUES TERRORISTES CONTRE LES ÉTATS-UNIS
L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, hier soir je regardais des séquences filmées aux informations du réseau CTV, où le premier ministre déclarait que le Canada devrait renoncer à une partie de sa souveraineté pour assurer sa sécurité. Il faisait allusion à la nécessité d'harmoniser les mesures de sécurité appliquées par le Canada et les États-Unis à notre frontière commune, afin qu'elle demeure ouverte et que nos deux pays puissent poursuivre leurs échanges commerciaux librement. Dans l'autre séquence filmée, Joe Clark posait des questions à la Chambre des communes et tentait vainement de comprendre la raison d'être du nouveau comité sur la sécurité annoncé par le gouvernement libéral et présidé par le seul ministre libéral, soit le ministre des Affaires étrangères, M. John Manley, qui ait parlé de façon cohérente des conséquences des actes de guerre du 11 septembre. Le premier ministre a écarté les questions de M. Clark en répondant, comme il le fait toujours, que l'opposition tente de tirer un avantage politique des actes des terroristes. Ces deux exemples m'ont permis de comprendre pourquoi le gouvernement libéral se comporte de façon aussi étrange à la suite de ce qui constitue de toute évidence un acte de guerre perpétré par des groupes terroristes.
Honorables sénateurs, je ne crois pas que le premier ministre de notre pays comprenne les conséquences de ce qui s'est passé, après que quatre avions qui se dirigeaient vers l'ouest aient fait demi-tour vers l'est afin de provoquer un désastre. La faiblesse de notre réaction prouve que nous avons déjà perdu une bonne partie de notre souveraineté. Le pays et le monde ont pu constater la négligence dont nous avons fait preuve envers nos forces armées et notre Garde côtière, et notre réaction plutôt indifférente face à la tragédie. Je n'en suis pas fier.
Le renforcement de la sécurité à notre frontière, la clarification de notre politique à l'égard des réfugiés et la coopération avec nos voisins du sud afin d'empêcher des individus qui ne partagent pas nos valeurs d'entrer chez nous sont autant d'actes que prend un pays soucieux d'accroître sa souveraineté et non pas, comme l'a dit le premier ministre, de la réduire. L'insécurité, le sentiment d'insécurité et la méfiance envers la capacité de nos institutions de nous protéger sont les indices d'un pays qui est en train de perdre sa capacité de se gouverner lui-même. Lorsque des citoyens se sentent ou pensent ainsi, ils cherchent ailleurs la sécurité et la confiance. Les Canadiens en sont conscients et, malgré toutes les opinions contraires qui sont exprimées, ils continuent de sympathiser avec les États-Unis qui réclament une guerre contre le terrorisme et l'utilisation de la force militaire pour gagner cette guerre. Nous sommes néanmoins des alliés des États-Unis et nous comprenons que ces actes de terrorisme ne peuvent pas être expliqués de façon rationnelle. Il s'agissait bel et bien d'actes de terrorisme, des actes condamnables. Les Canadiens l'ont immédiatement compris et ils n'ont pas tardé à réagir. Leurs sentiments et leur raison étaient en harmonie, ce qui n'était pas le cas du gouvernement.
AFFAIRES COURANTES
CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION
DÉPÔT DE LA LETTRE DE LA MINISTRE
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un exemplaire de la lettre de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration dont j'ai parlé à la dernière séance du Sénat.
[Français]
LANGUES OFFICIELLES
DEUXIÈME RAPPORT DU COMITÉ MIXTE—DÉPÔT DE LA RÉPONSE DU GOUVERNEMENT
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse du gouvernement au deuxième rapport du Comité mixte permanent des langues officielles intitulé «La diffusion et la disponibilité des débats et travaux du Parlement dans les deux langues officielles», présenté au Sénat le 2 mai 2001.
L'AJOURNEMENT
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose:
Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le mercredi 2 octobre 2001, à 13 h 30.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
LES TRAVAUX DU SÉNAT
PROJET DE LOI SUR LA SANCTION ROYALE—ADOPTION D'UNE MOTION DE RETRAIT
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, nous avons eu des discussions avec les leaders d'en face. Le gouvernement est disposé à présenter un projet de loi relatif à la sanction royale. Je suis prête à présenter le projet de loi aujourd'hui si le chef de l'opposition accepte de retirer son projet de loi. Cela éviterait toute confusion et nous permettrait de tenir un ordre du jour cohérent.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'en appelle à l'honorable sénateur Lynch-Staunton pour qu'il nous donne la permission d'agir ainsi.
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je n'aurais jamais cru que je serais, un jour, coauteur bien malgré moi d'un projet de loi d'initiative ministérielle, mais la vie nous réserve bien des surprises.
Je n'ajouterai rien d'autre et me contenterai de proposer, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)f) du Règlement, et avec l'appui du sénateur Kelleher:
Que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement soit dispensé de l'étude du projet de loi S-13, Loi relative aux modalités d'octroi par le Gouverneur général, au nom de Sa Majesté, de la sanction royale aux projets de loi adoptés par les Chambres du Parlement; et
Que ledit projet de loi soit retiré.
J'espère que le leader du gouvernement acceptera également de retirer son projet de loi, s'il ne me satisfait pas, et me permettra de présenter de nouveau le mien.
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, le sénateur Lynch-Staunton s'étant montré si coopératif, il obtiendra sûrement tout ce qu'il veut.
Son Honneur le Président: Permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est retiré.)
PROJET DE LOI SUR LA SANCTION ROYALE
PREMIÈRE LECTURE
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement) présente le projet de loi S-34, Loi relative à la sanction royale des projets de loi adoptés par les Chambres du Parlement.
(Le projet de loi est lu une première fois.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand le projet de loi sera-t-il lu une deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)
L'ACCÈS AUX DONNÉES DES RECENSEMENTS
PÉTITION
L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter 877 signatures de Canadiens des provinces de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Ontario, du Québec, du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse qui font des recherches sur leurs ancêtres. La pétition a également été signée par 148 Américains et 8 Irlandais qui font des recherches sur leurs racines au Canada. En tout, 1 033 personnes ont signé la pétition dont voici le texte:
Les pétitionnaires demandent au Parlement de prendre les mesures nécessaires pour amender rétroactivement les clauses de confidentialité des Lois sur les statistiques depuis 1906 afin de permettre au public d'avoir accès, après un délai raisonnable, aux rapports sur les données des recensements postérieurs à 1901, en commençant par le recensement de 1906.
Ces signatures s'ajoutent aux 10 677 signatures déjà présentées au cours de l'année civile en cours. À ce jour, j'ai présenté 11 710 signatures en tout pendant la 37e législature et plus de 6 000 signatures pendant la 36e législature. Tous les pétitionnaires exhortent le gouvernement à prendre des mesures immédiates à l'égard de cette question qui s'avère très importante pour l'histoire canadienne.
PÉRIODE DES QUESTIONS
LE SÉNAT
LA HÂTE À FAIRE EXAMINER LE PROJET DE LOI SUR L'IMMIGRATION ET LA PROTECTION DES RÉFUGIÉS PAR LE COMITÉ DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je dois intervenir et mettre à l'essai la générosité dont le leader du gouvernement a fait mention il y a quelques minutes à peine.
Dans son témoignage devant le Comité des affaires sociales hier, la sous-ministre adjointe aux politiques du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration a indiqué que l'application du projet de loi C-11 sur l'immigration, dont est saisi le comité, nécessite l'établissement d'un règlement qui ne devrait pas être prêt avant le printemps 2002 au plus tôt. Madame le ministre convient-elle que l'urgence qui a été invoquée pour forcer le comité à examiner le projet de loi en quatre jours seulement alors que normalement un projet de loi de cette importance — c'est ce que fait certainement croire le gouvernement — exigerait que le Comité des affaires sociales lui consacre, comme à tout projet de loi, environ quatre semaines d'examen méticuleux, n'existe plus? Le comité se voit imposer un calendrier déraisonnable alors que la date-butoir n'arrive pas avant au moins six mois, comme l'a admis elle-même une fonctionnaire du gouvernement. Le gouvernement peut-il exempter le comité de l'obligation qu'il lui a imposée de finir ses audiences d'ici la fin de la semaine?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa question. Je dois avouer que j'ai été troublée et quelque peu ébranlée par ce que j'ai lu dans les journaux au sujet des audiences du comité. Je pense que nous reconnaissons tous avoir senti une certaine pression pour que ce projet de loi soit adopté dès que possible. Je me suis entretenue avec la ministre de l'Immigration ce matin. Je lui ai demandé pourquoi on nous pressait d'adopter ce projet de loi aussi rapidement que possible alors qu'il y a lieu de croire qu'il ne sera pas en vigueur avant le mois de mai. Des témoins ont même parlé de juin 2002, que je sache. J'ai obtenu la réponse suivante: le règlement d'application est en cours de rédaction, et j'ai obtenu l'assurance qu'il est en train d'être rédigé avec une certaine célérité.
(1430)
Il n'en demeure pas moins que lorsque le projet de loi aura été adopté et qu'il aura obtenu la sanction royale, le règlement d'application devra suivre le processus habituel. Il devra être publié dans la Gazette du Canada. Autrement dit, nous devrons communiquer avec les parties intéressées et leur demander si elles estiment que le règlement respecte non seulement la lettre, mais aussi l'esprit de la loi. C'est un processus qui s'étend sur plusieurs mois. Plus nous tardons à adopter le projet de loi dans cette Chambre, plus le processus réglementaire est retardé. Si nous retardons l'adoption du projet de loi d'un mois, la mise en vigueur de la loi sera retardée d'un mois aussi. Nous avons donc le devoir d'agir le plus promptement possible.
Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, cela contredit quelque peu le témoignage que Mme Atkinson, sous-ministre adjointe, a donné hier. Elle a dit:
On procède actuellement à la rédaction du règlement d'application.
On n'a donc pas besoin du projet de loi pour rédiger le règlement.
En même temps, nous travaillons à la planification de la mise en oeuvre de la loi. Nous espérons que le règlement pourra être publié dans la Gazette du Canada avant la fin de l'année.
Par conséquent, le fait que nous consacrions un mois ou un jour de plus à l'étude de ce projet de loi ne changera rien à l'échéancier du processus auquel le règlement doit se soumettre.
Elle a ajouté:
Cela nous permettra de disposer d'une période pour publier le règlement dans la Gazette du Canada et pour procéder à des consultations, pour déposer le règlement devant les deux Chambres et l'étudier au début de la nouvelle année.
Quoi que nous fassions ici, par exemple prolonger de deux à trois semaines la durée des audiences consacrées à ce projet de loi, cela ne retardera en rien cette partie de l'échéancier.
La planification de la mise en oeuvre continue...
Cet échéancier, cité par la fonctionnaire responsable, permettrait au comité de procéder à une audition beaucoup plus attentive des témoins. Cet après-midi, si je ne m'abuse, six ou sept témoins, voire davantage, ne disposeront que de très peu de temps chacun pour s'exprimer, alors que certains mériteraient de disposer de deux ou trois fois plus de temps. Je maintiens que, au vu du témoignage d'hier de la fonctionnaire directement responsable de l'établissement du règlement, le comité devrait disposer de tout le temps dont il a besoin et que cela ne devrait rien changer à l'échéancier prévu.
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, la personne qui est responsable non seulement du projet de loi, mais aussi de son règlement d'application, c'est la ministre de l'Immigration. La ministre comparaîtra devant le comité jeudi matin. Il vaut mieux lui poser directement la question de savoir comment faire pour que ce projet de loi que j'estime utile puisse entrer en vigueur le plus vite possible.
LA POSSIBILITÉ DE RENVOYER LE PROJET DE LOI SUR L'IMMIGRATION ET LA PROTECTION DES RÉFUGIÉS AU COMITÉ DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES.
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): La ministre a souligné qu'elle n'avait pas besoin du projet de loi pour pouvoir appliquer la politique; je ne sais donc pas si son témoignage sera tellement utile dès lors que nous suivons la procédure établie.
Puisque nous disposons de beaucoup plus de temps que ce qu'on nous avait dit il y a quelques jours, le gouvernement pourrait-il à tout le moins permettre qu'une fois étudié par le Comité des affaires sociales, le projet de loi soit renvoyé au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles auquel il aurait d'ailleurs dû être soumis dès le début? Hier, et encore ce matin je crois, bien que je n'aie pas lu les témoignages qui ont été rendus ce matin, la plupart des témoins ont soulevé des questions reliées à la Charte. Ce sont des questions que le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie n'est pas équipé pour traiter, contrairement au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Une fois que le Comité des affaires sociales aura terminé son étude du projet de loi, je crois qu'il serait tout à fait pertinent de renvoyer celui-ci au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles qui pourra en faire une étude plus complète pour mieux comprendre ses ramifications au regard de la Charte. Encore une fois, puisque nous avons maintenant le temps de le faire, j'espère que la ministre sera d'accord pour que nous procédions ainsi.
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Tout d'abord, je ne suis pas d'accord pour dire que nous avons plus de temps. J'ai demandé aux sénateurs siégeant à ce comité de transmettre la question à la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et de la laisser déterminer le temps dont ils pourront disposer.
Quant à savoir s'il faut renvoyer le projet de loi à un deuxième comité, honorables sénateurs, je dirai que la Charte n'intéresse pas uniquement le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles; la Charte appartient à chacun des Canadiens, et cela inclut chacun des sénateurs siégeant ici. Je ne suis pas juriste. J'ai cependant une opinion bien arrêtée touchant la Charte. Je crois qu'il y a au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie des membres qui ont l'expérience et les connaissances nécessaires pour aborder les questions relatives à la Charte. Je reconnais cependant que le sénateur Beaudoin est peut-être le plus grand expert en la matière, et le sénateur Beaudoin peut faire bénéficier ses collègues de sa compétence en assistant aux séances de n'importe quel comité du Sénat, comme n'importe quel sénateur peut le faire.
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, il est vrai que la Constitution appartient à chacun des citoyens, tout comme la Charte, qui fait partie de la Constitution. Cependant, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a pour mission de poser des questions et d'améliorer les projets de loi, et nous lui renvoyons normalement les projets de loi qui ont quelque chose à voir avec le droit constitutionnel.
J'ai assisté ce matin à la séance du Comité des affaires sociales parce qu'une délégation du Barreau canadien y comparaissait. Nous avons passé deux heures à discuter de questions de légalité et de constitutionnalité. Les témoins ont soulevé trois articles de la Charte, soit les articles 7, 12 et 15, et ont suggéré six amendements. J'ai cru que je me trouvais au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles car nous parlions uniquement de questions de droit.
C'est tout ce que j'ai à dire pour le moment. Je suis favorable au renvoi du projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Quant à ma question, je crois comprendre que le leader du gouvernement y a déjà répondu.
L'honorable A. Raynell Andreychuk: J'ai une question complémentaire. Je n'ai pas pu assister à la réunion du comité ce matin, mais j'ai certes tenté de le faire hier, et je continuerai d'examiner toute cette question. Certaines questions juridiques fondamentales établissent un équilibre entre les droits et les libertés de la personne et les questions de sécurité et de société. On ne répond certes pas à certaines des questions soulevées dans ce projet de loi, car les témoins qui ont comparu jusqu'ici savaient déjà, bien sûr, comment nous fonctionnons ici et ils nous surveillaient ou examinaient des questions d'intérêt public plus philosophiques.
Le projet de loi soulève des questions profondément troublantes au sujet de la Constitution, de la Charte et de son interprétation. À mon avis, seuls des juristes et des constitutionnalistes pourraient y répondre. Il existe deux façons de s'y prendre. Nous pourrions inviter ces experts à comparaître devant le Comité des affaires sociales pour qu'ils analysent comme il convient le projet de loi ou, au contraire, nous pourrions renvoyer le projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Comme le sénateur Beaudoin, je préférerais qu'il soit renvoyé au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, car ce comité possède une mémoire collective et le savoir-faire voulu pour traiter efficacement de questions de constitutionnalité. Il y consacrerait moins de temps que celui qu'il faudrait pour tenter d'informer d'autres sénateurs. Je sais par expérience que lorsque je siégeais à d'autres comités, il me fallait du temps pour connaître les sujets et les enjeux, même si ce n'était pas la première fois que je m'intéressais au domaine.
Ainsi, comme on demande du temps, madame le leader du gouvernement pourrait-elle dire si, à son avis, il serait plus efficace de continuer d'étudier le projet de loi au Comité des affaires sociales ou s'il serait plus rapide de soumettre ces questions juridiques difficiles au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, un des mandats du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie est expressément l'immigration.
(1440)
Il était donc parfaitement logique que le projet de loi soit soumis au Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Je n'ai pas dressé la liste des témoins. Elle l'a été par les responsables du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, dont la vice-présidence est occupée par un sénateur de l'opposition. Je pense qu'il revient au Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie de déterminer s'il doit entendre d'autres témoignages. Je n'ai pas à prendre cette décision.
Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, si je comprends bien madame le leader du gouvernement, ces questions juridiques doivent être réglées, mais elles doivent l'être au sein du Comité des affaires sociales. Je pense seulement que le leader est d'avis que, le comité étant notamment chargé des questions touchant l'immigration, nous ne pouvons pas renvoyer l'étude du projet de loi à un autre comité. Or, nous l'avons souvent fait à cause de la charge de travail qu'avaient et que prévoyaient divers comités. Je comprends pourquoi le projet de loi a d'abord été renvoyé au Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie — c'est parce que la ministre avait associé le projet de loi à une politique officielle en matière d'immigration. Cependant, au cours de l'étude — et c'est ce qui explique pourquoi les témoins ont été invités à traiter des questions de politique officielle — il est apparu que la question à étudier n'était pas la politique officielle, mais avait trait aux conséquences légales de cette politique officielle et à leur signification. Par conséquent, l'étude du projet de loi devrait être renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, ce ne sont pas que les avocats qui comprennent le droit. J'ai déjà présidé le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et je m'enorgueillis de ne pas être une avocate.
Il n'est pas essentiel d'être avocat pour parler de droit. Il est essentiel, cependant, que des témoins soient entendus au sujet de tous les aspects de ce projet de loi. C'est exactement la raison pour laquelle, si je ne m'abuse, le comité de direction a décidé que l'Association du Barreau canadien devait comparaître devant ce comité. C'est exactement la raison pour laquelle le Conseil canadien pour les réfugiés, qui a soulevé des questions relatives à la Charte, a été invité à témoigner devant ce comité. Le comité a une longue liste de témoins et il fait de l'excellent travail pour ce qui est d'examiner cette mesure législative. J'attends avec impatience de recevoir son rapport dans cette enceinte.
Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, si on renvoie le projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, ce n'est pas parce que les membres de ce comité sont des avocats, mais plutôt parce qu'il y a des questions juridiques en jeu. Je suis très fière du fait que notre présidente ne soit pas une avocate et qu'elle soit devenue versée en questions juridiques à l'instar des autres membres du comité. Je ne dis absolument pas qu'il faut renvoyer le projet de loi à des avocats. Il s'agit plutôt de faire en sorte que le projet de loi soit examiné par ceux qui, selon moi, sont des sénateurs compétents qui ont acquis une certaine expertise même s'ils ne sont peut-être pas tous des avocats.
Honorables sénateurs, je m'en tiendrai là.
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, le projet de loi est au comité et il est examiné à la loupe. Tous les sénateurs peuvent comparaître en tout temps. S'ils ont des questions, je les exhorte à les soulever au comité afin de pouvoir obtenir des réponses des personnes compétentes.
L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, beaucoup de personnes parlent de droit, mais la plupart du temps, les avocats s'en sortent un petit peu mieux. Ils connaissent un petit peu mieux la loi.
Le sénateur Carstairs: En toute déférence à l'égard du sénateur Bolduc, je pense que cela dépend s'il s'agit d'en tirer un gagne-pain ou un revenu.
LE CABINET DU PREMIER MINISTRE
LA RÉACTION AUX ATTAQUES TERRORISTES AUX ÉTATS-UNIS—LA SITUATION DU CANADA
L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, le secrétaire général de l'OTAN a déclaré que les membres avaient pris connaissance des preuves recueillies par les États-Unis à la suite des attaques terroristes du 11 septembre et que:
[...] les faits sont clairs et convaincants. Les renseignements présentés prouvent de façon concluante les responsabilités du groupe Al-Qaida et du régime taliban en Afghanistan.
Le secrétaire général de l'OTAN a annoncé que l'OTAN invoquait l'article 5 du Traité de Washington, qui précise qu'une attaque contre un État membre est une attaque contre tous les États membres. Le premier ministre Blair du Royaume-Uni a déclaré que le moment était venu pour le régime taliban de remettre Oussama ben Laden aux autorités et de démanteler le groupe Al-Qaida et il ajouté que les talibans seraient tenus responsables de leur complicité et qu'une action militaire était inévitable.
Le Canada est-il maintenant en guerre? Quelles mesures le gouvernement du Canada compte-t-il prendre à l'égard du réseau Al-Qaida, des talibans et du contrôle que ceux-ci exercent en l'Afghanistan?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Forrestall a parlé cet après-midi de la séance d'information et des rencontres qui ont eu lieu ce matin avec le secrétaire général de l'OTAN, qui a effectivement déclaré que les États-Unis avaient présenté des faits clairs et probants quant au rôle d'Oussama ben Laden, du réseau Al-Qaida et des talibans dans l'incident. La réponse à sa question précise, soit «est-ce que le Canada est en guerre?», est non. Seul un pays peut déclarer la guerre et, à ce que je sache, aucun pays ne l'a encore fait.
Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, la ministre pourrait-elle nous indiquer clairement quelle est la position du Canada par rapport à l'article 5? Peut-elle dire au Sénat dans quelle position nous nous trouvons maintenant et aider à clarifier la question pour les citoyens canadiens? Les États-Unis ont déclaré la guerre et, en vertu de cet article, nous sommes tenus de les appuyer. Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous aider à résoudre ce dilemme?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je dirai d'abord au sénateur Forrestall que, contrairement à lui, je ne crois pas que les États-Unis ont déclaré la guerre. Les États-Unis ont fait savoir qu'ils prendraient des mesures. Je pourrais me tromper, mais, à ma connaissance, ils n'ont pas fait de déclaration officielle de guerre, ce qui est une condition essentielle pour que la guerre soit déclarée.
Le Canada a initialement appuyé la déclaration de l'OTAN le 12 septembre. Il a également approuvé la communication de l'information qui a été rendue publique aujourd'hui. Nous attendons maintenant de voir ce que demanderont nos partenaires de l'OTAN, y compris les États-Unis d'Amérique, et c'est ce qui déterminera la nature exacte de notre participation.
Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, je crois comprendre que le leader du gouvernement au Sénat nous dit que le Canada n'a toujours pas décidé quelle ligne de conduite il adoptera à l'égard de ceux qui appuient ben Laden, et que nous attendons que les États-Unis fassent une déclaration officielle. Je crois avoir entendu le président Bush déclarer la guerre à une douzaine de reprises, et invoquer la justice de l'Ouest au moins aussi souvent. Je l'ai entendu dire que ce qui arrive à un pays touche tous les autres. C'est pourquoi je trouve étrange que nous n'ayons toujours pas pris position et attendions encore de voir ce qui se passera. Ai-je raison de tirer ces conclusions des propos de madame le ministre?
(1450)
Le sénateur Carstairs: Non, honorables sénateurs, le sénateur Forrestall n'a pas raison de le faire. Les États-Unis ont des processus officiels, et nous avons les nôtres. Au cours des dernières semaines, les États-Unis m'ont semblé modifier leur rhétorique de guerre. Il est vrai que durant les premiers jours, on a beaucoup entendu le mot «guerre». Néanmoins, le président des États-Unis, le secrétaire d'État et même le secrétaire à la Défense prononcent de moins en moins ce mot.
Je veux qu'il soit bien clair que le Canada tiendra ses obligations en tant que membre de l'OTAN et qu'il fera ce qu'il doit faire en vertu de l'article 5.
Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, cela devient quelque peu absurde. J'espère que le gouvernement saura se montrer rationnel.
Si le premier ministre de la Grande-Bretagne décidait, aujourd'hui, demain ou dans le courant de la semaine, de prendre les armes contre les talibans — et je ne parle pas ici de façon hypothétique — le Canada interpréterait-il cette décision comme une obligation, de sa part, de faire connaître clairement et sans équivoque sa position quant à son soutien à l'endroit des États-Unis? Je crois que nous pratiquons ici une ambiguïté inutile.
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je ne crois pas qu'il y ait ambiguïté. Mis à part Oussama ben Laden et son groupe, nous ne connaissons pas l'étendue du réseau terroriste. Le peuple afghan n'en fait certainement pas partie. J'hésiterais beaucoup à déclarer la guerre au peuple afghan, qui traverse déjà une terrible tragédie humaine.
Que nous prenions ou non part à des actions contre un groupe de terroristes, nous en déciderons quand nos partenaires de l'OTAN nous en feront la demande. Tous, je crois, sont d'accord sur le fait que la direction de cet engagement doit venir des États-Unis, qui ont été le plus touchés.
L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je voudrais creuser davantage cette déclaration. Si l'OTAN considère l'attaque dirigée contre les États-Unis comme une attaque dirigée contre toutes les parties, c'est-à-dire contre le Canada en tant que partenaire de cette organisation, quelle sera la position du gouvernement quant aux mesures à prendre? Avons-nous dit que nous allions faire ce que les États-Unis nous demandent ou allons-nous faire valoir devant l'OTAN notre position quant aux mesures de représailles qui doivent être prises?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur d'avoir parlé d'«attaque», car c'est le terme critique ici. L'article 5 stipule clairement qu'une attaque dirigée contre l'une des parties sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, autrement dit tous nos partenaires de l'OTAN. Il ne parle pas de «guerre». Il parle d'«attaque». Je pense que stratégiquement, nous planifions ensemble le moyen le plus efficace de nous débarrasser des terroristes. C'est la raison pour laquelle la direction de cet effort a été laissée principalement aux États-Unis. C'est ce qui explique que lors de sa rencontre avec le président des États-Unis, notre premier ministre lui a offert notre appui et notre aide, mais lui a clairement dit que nous attendions qu'il nous demande ce qu'il voudrait que nous fassions.
Le sénateur Tkachuk: Ce n'est pas ce que font les pays de l'OTAN. La France a énoncé sa position, quelle qu'elle soit. Le premier ministre Blair a clairement énoncé celle de son pays ce matin. Quant à nous, nous ne l'avons pas encore fait. Les partis d'opposition, à l'autre endroit, sont exaspérés, parce qu'ils ne parviennent pas à établir la position du Canada. Je crois que nous sommes en train de le devenir aussi.
Quelle position le Canada adopte-t-il au sujet des mesures à prendre contre cette attaque qui a été lancée contre nos amis et alliés et a tué plus de 6 000 personnes? Sûrement, nous devons bien en avoir une.
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, notre position est très claire: nous sommes membres de l'OTAN. Nous acceptons les obligations qui découlent de l'article 5, comme le font tous les autres membres de l'OTAN. Nous avons dit clairement que nous nous acquitterions de toutes les obligations découlant de l'article 5. Je ne vois pas très bien ce que nous devrions faire d'autre maintenant, au plan de la politique. Qu'il me suffise de dire que le ministre Manley a été chargé d'un comité du Cabinet qui élaborera une stratégie, des politiques et peut-être même des lois, au besoin, pour répondre à cette attaque terroriste et aux autres qui pourraient se produire à l'avenir. Nous sommes prêts à assumer nos obligations.
Chose certaine, le premier ministre Blair s'est montré très belliqueux dans la déclaration qu'il a faite à une assemblée de son parti. C'est peut-être ce contexte qui l'a porté à adopter cette attitude.
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
LES ATTAQUES TERRORISTES CONTRE LES ÉTATS-UNIS—LEURS CONSÉQUENCES POUR LES AFGHANS—APPROBATION PAR LE PARLEMENT D'UNE AUGMENTATION DE L'AIDE HUMANITAIRE
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, en réponse à des questions posées tout à l'heure, le leader du gouvernement au Sénat a parlé d'aide humanitaire. Je voudrais m'inspirer d'une série de questions qui lui ont été posées ces deux dernières semaines. On lui a demandé dans quelle mesure les organisations non gouvernementales seraient les bénéficiaires des fonds que le gouvernement fédéral a débloqués pour les secours en Afghanistan.
Les réponses du leader du gouvernement m'ont profondément touché, car elles témoignent d'une bonne compréhension des besoins humanitaires des réfugiés afghans.
À la suite d'une rencontre avec le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, à New York, le premier ministre a annoncé que la contribution du Canada à l'aide humanitaire destinée à l'Afghanistan est passé de un à cinq millions de dollars, le 29 septembre 2001. Comme le sait sûrement le leader du gouvernement, nous sommes tous heureux que le gouvernement ait reconnu ses obligations envers les civils du monde entier. Cependant, madame le leader du gouvernement peut-elle expliquer en quoi le Parlement a été consulté pour l'approbation de ces nouvelles dépenses? Compte tenu du fait que quatre millions de dollars, c'est une contribution importante à cet effort louable et nonobstant les arguments selon lesquels le financement de cette initiative était déjà prévu dans le budget de février 2000, n'aurait-il pas été préférable que la question soit d'abord soulevée au Parlement plutôt que dans les médias nationaux?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, permettez-moi d'abord de préciser qu'il s'agit en fait d'une aide supplémentaire de cinq millions de dollars, ce qui porte à six millions de dollars l'aide prévue à ce titre et à 18 millions de dollars l'aide totale versée aux Afghans pour l'exercice financier en cours.
Par ailleurs, cela s'inscrit tout à fait dans les dispositions budgétaires de l'Agence canadienne de développement international. L'ACDI dispose de fonds qu'elle peut dépenser à sa discrétion dans des secteurs qu'elle juge comme étant les plus dans le besoin, et c'est dans cette catégorie que s'inscrit cette allocation budgétaire.
[Français]
RÉPONSE DIFFÉRÉE À UNE QUESTION ORALE
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer une réponse différée à la question du sénateur Kinsella posée le 17 mai 2001 concernant la Loi sur l'immigration.
LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION
LES PRIVILÈGES DES DÉPUTÉS ET DES SÉNATEURS CONCERNANT LES VISAS SPÉCIAUX
(Réponse à une question posée le 17 mai 2001 par l'honorable Noël A. Kinsella)
La Loi sur l'immigration autorise la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, à sa seule discrétion, à accorder des permis ministériels lorsqu'elle croit que des circonstances exténuantes le justifient.
Les sénateurs et les députés de la Chambre des communes, nonobstant leur affiliation politique, peuvent présenter des cas d'immigration et de visas de visiteurs à la ministre de la Citoyenneté et de l'immigration s'ils ont des motifs de croire qu'il y existe des circonstances atténuantes. Il n'y a aucune limite au nombre de cas qu'un sénateur ou un député à la Chambre des communes peut présenter à la ministre. Le traitement des cas présentés par un sénateur ne diffère aucunement du traitement des cas présentés par un député.
La ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration examine et évalue les renseignements fournis par un sénateur ou un député. La ministre décidera ensuite si elle utilisera son pouvoir discrétionnaire d'accorder un permis ministériel.
La ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration est tenue de rendre compte de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire d'accorder des permis ministériels.
(1500)
DÉPÔT DES RÉPONSES À DES QUESTIONS INSCRITES AU FEUILLETON
LE PROCUREUR GÉNÉRAL—L'AFFAIRE BRIAN MULRONEY
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 15 inscrite au Feuilleton par le sénateur Lynch-Staunton.
LE CODE CRIMINAL—LE STATUT DES DEUX LANGUES OFFICIELLES
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 16 inscrite au Feuilleton par le sénateur Gauthier.
BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT
LANGUES OFFICIELLES
EXAMEN DE LA
RÉGLEMENTATION
LES COMITÉS MIXTES PERMANENTS—MESSAGE DES COMMUNES
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes le message suivant:
Il est ordonné — Que les comités mixtes permanents de la Chambre soient composés des députés dont les noms figurent ci-après:
Bibliothèque du Parlement
Membres: Bélanger, Bennett, Bertrand, Catterall, Gagnon (Champlain), Hill (Prince George-Peace River), Hill (Macleod), Hinton, Karygiannis, Lavigne, Lill, Pickard, Plamondon, Saada, Stinson, Telegdi—(16)
Membres associés: Abbott, Ablonczy, Anders, Anderson (Cypress Hills—Grasslands), Bachand (Richmond—Arthabaska), Bailey, Benoit, Borotsik, Breitkreuz, Brison, Burton, Cadman, Casey, Casson, Chatters, Clark, Cummins, Davies, Day, Doyle, Duncan, Elley, Epp, Fitzpatrick, Forseth, Gallant, Goldring, Gouk, Grewal, Grey (Edmonton Nord), Hanger, Harris, Hearn, Herron, Hilstrom, Jaffer, Johnston, Keddy, Kenney, Lunn, Lunney, Mackay (Pictou—Antigonish—Guysborough), Manning, Mark, Martin (Esquimalt—Juan de Fuca), Mayfield, McNally, Meredith, Merrifield, Mills (Red Deer), Moore, Obhrai, Pallister, Pankiw, Penson, Peschisolido, Rajotte, Reid, Reynolds, Ritz, Sauvageau, Schmidt, Skelton, Solberg, Sorenson, Spencer, Strahl, Thompson (Nouveau-Brunswick Sud-Ouest), Thompson (Wild Rose), Toews, Vellacott, Wayne, White (Langley—Abbotsford), White (NorthVancouver), Williams, Yelich
Langues officielles
Membres: Bélanger, Bellemare, Binet, Bulte, Drouin, Gagnon (Québec), Godfrey, Godin, Goldring, Harris, Herron, Lavigne, McTeague, Reid, Sauvageau, Thibeault—(16)
Membres associés: Abbott, Ablonczy, Anders, Anderson (Cypress Hills—Grasslands), Bachand (Richmond—Arthabaska), Bailey, Benoit, Bergeron, Borotsik, Breitkreuz, Brison, Burton, Cadman, Casey, Casson, Chatters, Clark, Comartin, Cummins, Day, Doyle, Duncan, Elley, Epp, Fitzpatrick, Forseth, Gallant, Gouk, Grewal, Grey (Edmonton Nord), Hanger, Hearn, Hill (Prince George—Peace River), Hill (Macleod), Hilstrom, Hinton, Jaffer, Johnston, Keddy, Kenney, Lunn, Lunney, Mackay (Pictou—Antigonish—Guysborough), Manning, Marceau, Mark, Martin (Esquimalt—Juan de Fuca), Mayfield, McNally, Meredith, Merrifield, Mills (Red Deer), Moore, Nystrom, Obhrai, Pallister, Pankiw, Penson, Peschisolido, Plamondon, Rajotte, Reynolds, Ritz, Schmidt, Skelton, Solberg, Sorenson, Spencer, Stinson, Strahl, Thompson (New-Brunswick Sud-Ouest), Thompson (Wild Rose), Toews, Tremblay (Rimouski-Neigette-et-La Mitis), Vellacott, Wayne, White (Langley—Abbotsford), White (NorthVancouver), Williams, Yelich
Examen de la réglementation
Membres: Barnes, Bonwick, Carignan, Comuzzi, Cummins, Gouk, Grewal, Guimond, Knutson, Lanctôt, Lee, Macklin, Myers, Nystrom, Pankiw, Wappel, White (North Vancouver)—(17)
Membres associés: Abbott, Ablonczy, Anders, Anderson (Cypress Hills—Grasslands), Bachand (Richmond—Arthabaska), Bailey, Bellehumeur, Benoit, Borotsik, Breitkreuz, Brison, Burton, Cadman, Casey, Casson, Chatters, Clark, Day, Doyle, Duncan, Elley, Epp, Fitzpatrick, Forseth, Gallant, Goldring, Grey (Edmonton Nord), Hanger, Harris, Hearn, Herron, Hill (Prince George—Peace River), Hill (Macleod), Hilstrom, Hinton, Jaffer, Johnston, Keddy, Kenney, Lebel, Lunn, Lunney, MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough), Manning, Mark, Martin (Esquimalt—Juan de Fuca), Mayfield, McNally, Meredith, Merrifield, Mills (Red Deer), Moore, Obhrai, Pallister, Penson, Peschisolido, Rajotte, Reid, Reynolds, Ritz, Schmidt, Skelton, Solberg, Sorenson, Spencer, Stinson, Strahl, Thompson (Nouveau-Brunswick Sud-Ouest), Thompson (Wild Rose), Toews Vellacott, Venne, Wayne, White (Langley—Abbotsford), Williams, Yelich
Qu'un message soit transmis au Sénat afin d'informer les honorables sénateurs des noms des députés qui représenteront la Chambre aux comités mixtes permanents.
ATTESTÉ:
Le greffier de la Chambre des communes,
WILLIAM C. CORBETT
[Traduction]
QUESTION DE PRIVILÈGE
LES PROPOS DE LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION—DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le jeudi 27 septembre, le chef de l'opposition, le sénateur Lynch-Staunton, a soulevé la question de privilège concernant le projet de loi C-11, actuellement à l'étude par le Sénat et portant sur l'immigration et la protection des réfugiés, et certains commentaires faits récemment par la ministre responsable, Elinor Caplan, membre de l'autre endroit. Le 26 septembre, d'après le sénateur Lynch-Staunton, la ministre a fait à un journaliste des commentaires qui laissaient entendre qu'elle était déjà en train de mettre en oeuvre les dispositions du projet de loi malgré que celui-ci ne soit pas encore devenu loi. Cela, a-t-il dit, semblait contredire des propos antérieurs de la ministre qui avait déclaré que son ministère ne pouvait rien faire avant que le projet de loi C-11 ne soit adopté. Le sénateur considérait que les propos plus récents de la ministre étaient offensants. À son avis, de telles remarques constituaient un outrage au Parlement et une violation du privilège de tous les sénateurs, qui prévoyaient l'adoption du projet de loi par le Sénat, suivie de la sanction royale. Comme l'a indiqué le chef de l'opposition lorsqu'il a donné avis oralement de sa question de privilège: «Les ministres ne peuvent agir sans l'autorisation du Parlement. Ils ne sont pas au-dessus des lois.»
Le jour précédent, mercredi 25 septembre, les déclarations de la ministre aux médias avaient déjà été l'objet d'une question du chef de l'opposition au leader du gouvernement, le sénateur Carstairs. À ce moment, le sénateur Lynch-Staunton s'était réservé le droit de soulever la question de privilège, ce qu'il a fait jeudi. Alertée par ce qui s'était produit mercredi, madame le sénateur Carstairs a communiqué avec la ministre et obtenu d'elle une lettre qui a été lue au début de la période des questions jeudi, avant le débat sur le bien-fondé à première vue de la question de privilège. D'après le sénateur Carstairs, la lettre expliquait que les médias n'avaient pas rendu compte avec exactitude des voeux de la ministre. La lettre indiquait que la ministre intensifiait les contrôles de sécurité afin de refuser l'entrée de réfugiés ou d'immigrants indésirables, ce qui était déjà autorisé en vertu de la loi actuelle. En terminant, la ministre disait également regretter toute confusion causée par les reportages sur ses démarches.
[Français]
Le débat sur le bien-fondé à première vue de cette question de privilège a eu lieu à la fin de l'ordre du jour. Le sénateur Lynch-Staunton a alors exposé la nature de sa plainte contre la ministre de l'Immigration et de la Citoyenneté. Ce faisant, il a dit clairement que c'étaient les déclarations publiques de la ministre qui constituaient un outrage au Parlement.
[Traduction]
En réponse à l'explication donnée par le leader du gouvernement, le sénateur Lynch-Staunton a déclaré que:
La question n'est pas de savoir si la ministre a agi ou non en vertu d'un pouvoir conféré par le Parlement. La question est de savoir si elle a ou non déclaré qu'elle entendait exercer certains des pouvoirs que lui conférerait le projet de loi C-11 s'il était adopté...
Plusieurs autres sénateurs ont participé au débat. Au cours de son intervention, le sénateur Cools a analysé les déclarations que la ministre a faites aux médias et proposé que l'on donne à la ministre la possibilité de s'expliquer à ce sujet. Le sénateur a demandé au Sénat de ne pas porter de jugement hâtif. À son avis, il faudrait aborder la question comme un «problème politique».
Le sénateur Nolin a ensuite pris la parole. Il a déclaré qu'à cette étape du processus, il fallait essentiellement déterminer si la ministre, à la lueur de sa conversation avec un journaliste, avait porté atteinte aux privilèges du Sénat.
Citant Erskine May, une autorité britannique en matière parlementaire, le sénateur Taylor m'a demandé, en ma qualité de Président, d'examiner deux éléments: premièrement, si le Sénat peut invoquer le privilège lorsque la question concerne des mesures prises par un député, et deuxièmement, si le Sénat peut soutenir que la ministre, en tenant ces propos, a fait un outrage indirect à cette Chambre.
En guise de réponse, le sénateur Rompkey a cité Beauchesne, une autorité canadienne en matière parlementaire, soulignant que les déclarations faites en dehors de la Chambre par un député ne sauraient motiver une question de privilège. Ce qui a amené le sénateur Carstairs à intervenir de nouveau et à répéter les paroles du sénateur Rompkey après avoir encore une fois précisé que la ministre avait affirmé dans sa lettre que les mesures prises par son ministère sont prévues aux termes de l'actuelle Loi sur l'immigration.
Ce point a ensuite été contesté de nouveau par le sénateur Lynch-Staunton, qui a reçu l'appui du sénateur Murray, lequel a souligné que l'ouvrage de Beauchesne ne convenait peut-être pas tout à fait dans le cas présent parce que la ministre ne fait pas partie de cette Chambre.
Pour terminer, le sénateur Andreychuk a rappelé au Sénat qu'il n'y a pas si longtemps, le Président avait reconnu qu'il y avait matière à question de privilège dans une décision récente à propos d'un article de journal.
Après ces interventions, j'ai accepté de prendre l'affaire en délibéré. J'ai alors exprimé le voeu d'examiner les ouvrages de procédure cités afin de déterminer s'il y avait matière à question de privilège. C'est ce que j'ai fait et je suis donc prêt à statuer sur cette question de privilège.
[Français]
Comme me l'ont rappelé des sénateurs, et comme je le reconnais entièrement, mes pouvoirs sont limités en tant que Président. Dans ce cas-ci, il s'agit de déterminer s'il y a matière à question de privilège, c'est-à-dire si l'affaire semble entraîner une atteinte aux privilèges du Sénat en tant qu'organe parlementaire, ou encore constituer un mépris de ses pouvoirs.
[Traduction]
Le sénateur Lynch-Staunton a porté cette question de privilège à l'attention du Sénat en vertu des dispositions de l'article 43 du Règlement du Sénat. Pour qu'une telle question soit examinée en priorité sur toute autre affaire, elle doit répondre à certains critères. Quatre critères précis sont énumérés dans le Règlement. Le premier veut que l'affaire soit soulevée à la première occasion. Le second, qu'elle touche directement aux privilèges du Sénat, d'un de ses comités, ou d'un sénateur. Le troisième, qu'elle réclame un correctif que le Sénat a le pouvoir d'apporter et qu'aucun autre processus parlementaire ne permet de fournir de manière satisfaisante. Enfin, le quatrième et dernier prévoit que la question de privilège doit viser à corriger une infraction grave et sérieuse. En tant que Président, je suis obligé de déterminer si la question de privilège alléguée remplit ces exigences.
Premièrement, je suis convaincu que la question a été soulevée à la première occasion. Le sénateur Lynch-Staunton a souligné qu'il avait pris connaissance des récentes déclarations de la ministre mercredi dernier, jour où il a posé certaines questions à ce sujet au leader du gouvernement. À ce moment-là, il s'était réservé le droit de soulever cette question sous forme de question de privilège puisqu'il ne lui avait pas été possible de fournir ce jour-là le préavis requis de trois heures comme l'exige le paragraphe 43(3) du Règlement.
Or il n'est pas si simple d'évaluer les trois autres critères servant à déterminer s'il y a matière à question de privilège. Le deuxième critère, par exemple, en vertu de l'article 43, prévoit que la question doit toucher directement aux privilèges du Sénat. En d'autres mots, est-ce que les déclarations de la ministre ont nui à la capacité du Sénat d'examiner le projet de loi C-11? Personne n'a dit que, suite aux commentaires de la ministre, il ne fera pas l'objet d'une étude complète en comité. Je ne puis donc pas accepter la notion d'«outrage indirect» soulevée par le sénateur Taylor. Rien n'indique que les déclarations de la ministre aux médias ont amoindri le respect dont le Sénat doit jouir, lui faisant entrave dans l'exécution de ses fonctions. Il n'y a pas eu grande ingérence dans notre débat sur le projet de loi C-11.
Parallèlement, le sénateur Taylor a aussi soulevé la question du pouvoir de la présente Chambre sur les membres de l'autre endroit. D'après Erskine May, étant donné que les deux Chambres sont tout à fait indépendantes l'une de l'autre, aucune ne peut s'arroger et encore moins exercer un quelconque pouvoir sur un membre de l'autre Chambre. On en vient donc à la question de savoir si le Sénat dispose vraiment d'un recours. S'il est vrai que le Sénat peut s'élever contre le comportement d'un membre de l'autre Chambre si les circonstances s'y prêtent ou en réponse à une provocation, je ne suis pas convaincu que le cas qui nous occupe est suffisamment remarquable pour justifier une telle mesure. Bien entendu, cette conclusion se rattache également au quatrième critère — si la plainte vise une violation grave ou sérieuse. Il convient d'ailleurs de souligner que le leader du gouvernement a lu une lettre de la ministre énonçant sa position. Sans présenter directement d'excuses, la lettre explique que la ministre n'a aucunement l'intention d'agir sans l'autorisation du Parlement. Elle exprime également des regrets pour toute confusion que ses commentaires ont pu causer.
(1510)
[Français]
Nous sommes tous très conscients de la méprise commune qui entoure le rôle du Parlement en général et les fonctions du Sénat en particulier. En fin de compte, le fait de miner l'autorité fondamentale et la composition bicamérale de notre régime parlementaire, même par inadvertance, ne saurait servir ce régime.
[Traduction]
ORDRE DU JOUR
LA LOI SUR LE TRANSPORT AÉRIEN
PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Ross Fitzpatrick propose: Que le projet de loi S-33, Loi modifiant la Loi sur le transport aérien, soit lu une deuxième fois.
— Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi S-33, qui est un court, mais important, projet de loi modifiant la Loi sur le transport aérien. Ce projet de loi met en oeuvre un régime mondial de règles communes connu sous le nom de système de Varsovie, qui limite la responsabilité du transporteur pour les blessures subies par des passagers ou pour le décès d'un passager ainsi que pour tout dommage, toute perte ou tout délai de la livraison de bagage ou de cargaison durant le transport international par avion.
Le système de Varsovie comprend la Convention de Varsovie de 1929 et les documents s'y rattachant, à savoir le Protocole de La Haye de 1955, la Convention supplémentaire de Guadalajara de 1961 et le Protocole de Montréal no 4 de 1975. Il a été tenu compte des deux derniers documents à la dernière modification de la loi en 1999.
Le projet de loi S-33 modifie la loi afin que le Canada puisse se joindre aux autres pays, y compris les États-Unis et nos autres principaux partenaires commerciaux, pour ratifier la Convention de Montréal de 1999 visant à consolider et à moderniser le système de Varsovie.
Honorables sénateurs, l'étude de ce projet de loi tombe à point nommé, compte tenu des horribles événements du 11 septembre où des terroristes se sont servi d'avions commerciaux pour leurs attentats. Des milliers de vies ont été perdues durant ces attaques, et la vie d'innombrables gens a changé à jamais. J'estime qu'il est maintenant important que nous fassions ce que nous pouvons pour régler le problème. Ce projet de loi nous aidera en ce sens.
En permettant au Canada de ratifier la Convention de Montréal, on s'approcherait d'un nouveau régime mondial de responsabilité des transporteurs présentant la possibilité de réduire les litiges et d'accélérer le règlement des sinistres. La Convention de Montréal maintient certaines caractéristiques rachetant les défauts du système de Varsovie, y compris, par exemple, la consolidation des lois liées au transport aérien international, qui continue de revêtir une importance vitale pour la gestion du transport aérien international. Sans pareille consolidation, de complexes conflits juridiques surviendraient et le règlement des sinistres serait imprévisible, coûteux, long, voire non assurable. Des conflits de juridiction pourraient également se produire, compromettant d'autant le règlement des sinistres.
Le temps et les changements socioéconomiques ont rendu désuet le système de Varsovie sous d'autres rapports. La Convention de Montréal traite ces éléments désuets en introduisant de nouvelles dispositions, dont l'une permettra aux passagers internationaux de choisir leur propre système juridique lorsqu'ils font des réclamations. C'est un droit dont on peut se prévaloir facilement. Une autre disposition établira dans la loi un système de responsabilité du transporteur à deux niveaux, décrit comme suit: au premier niveau, le transporteur assumera l'entière responsabilité des réclamations pour des dommages réels jusqu'à un certain seuil; au second niveau, il se réserve le droit à une défense limitée en justice pour des réclamations dont le montant excède le seuil susmentionné. Chose importante à retenir: il n'y a pas de limite imposée à la valeur d'une réclamation pour des dommages réels. La Convention de Montréal instaurera une forme de responsabilité illimitée, au lieu de limitée, du transporteur envers les passagers internationaux.
Il est important de noter que, depuis 1997, les compagnies aériennes internationales, dont Air Canada et nos exploitants de services de frètement internationaux, reconnaissant la limite désuète de la responsabilité du transporteur, ont volontairement mis en place ce régime à deux niveaux, tout en continuant d'observer toutes les autres exigences du système de Varsovie. La Convention de Montréal complète aussi efficacement les autres politiques mises de l'avant par le ministre des Transports dans le domaine des services réguliers ou à la demande de transport aérien de fret à l'échelle internationale, dans le but de promouvoir la prestation de ces services par les transporteurs canadiens.
La Convention de Montréal a été signée par 66 nations, dont les États-Unis, de même que tous les autres principaux partenaires commerciaux du Canada. En fait, 11 des 67 signataires ont ratifié depuis la convention. Un quorum de 30 nations doivent ratifier la convention avant qu'elle ne prenne effet au plan international. La Convention de Montréal continuera de définir des règles claires en ce qui a trait à la responsabilité du transporteur dans les situations où un transporteur agit pour le compte d'un autre transporteur.
Le pouvoir d'adhérer à la Convention de Montréal est conféré au Canada par l'ajout de mentions à la nouvelle annexe VI, ajoutée à la Loi sur le transport aérien. L'élaboration de la convention a nécessité de longues consultations au cours desquelles le gouvernement du Canada, de même que l'industrie canadienne, ont joué un rôle clé. La convention a le soutien de l'industrie de l'aviation canadienne, ainsi que de tous les organismes reliés à l'aviation au Canada.
Il est nécessaire, honorables sénateurs, de faire en sorte que les voyageurs canadiens, les transporteurs canadiens et les expéditeurs canadiens puissent profiter d'un régime de responsabilité adapté à la réalité de l'industrie de l'aviation contemporaine.
Honorables sénateurs, les modifications proposées à la Loi sur le transport aérien visent à s'assurer que le Canada reconnaît et fait siennes les dispositions législatives reconnues mondialement ayant trait au transport aérien international du fret et des passagers.
(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)
[Français]
LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES
PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Jean-Robert Gauthier propose: Que le projet de loi S-32, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (promotion du français et de l'anglais), soit lu une deuxième fois.
(1520)
— Honorables sénateurs, le texte du projet de loi modifie la Loi sur les langues officielles afin de préciser la portée de l'article 41 de celle-ci de la manière la plus compatible avec la réalisation de son objet.
Le concept de droit linguistique est étroitement lié à celui des droits collectifs des minorités. Au Canada, la judiciarisation des droits linguistiques est un fait relativement récent. Depuis 1982, le français et l'anglais jouissent d'une reconnaissance juridique égale — garantie par la Constitution canadienne — au niveau fédéral. Par cette reconnaissance, le Parlement canadien a voulu raffermir l'unité nationale en créant un équilibre juridique entre deux communautés linguistiques et assurer ainsi la paix sociale.
L'État canadien n'aurait probablement pas reconnu les droits linguistiques s'il n'avait pas au préalable reconnu les principes de diversité et de pluralisme dans sa vision de la société canadienne. En effet, les aménagements plurilinguistiques à l'intérieur d'un État passent inévitablement par la reconnaissance des droits collectifs.
La plupart des droits linguistiques doivent faire l'objet de garanties juridiques. Au niveau fédéral, l'architecture des droits linguistiques prend assise essentiellement dans les deux textes législatifs. Il s'agit de la Loi constitutionnelle de 1982, plus précisément les articles 16 à 23, et la Loi sur les langues officielles, adoptée pour la première fois en 1969 et révisée en 1988 dans le contexte du nouvel ordre constitutionnel découlant de 1982.
Je reconnais qu'il y a d'importantes nuances et même des différences d'opinion sur les concepts de droits individuels et de droits collectifs.
La juge en chef de la Cour suprême du Canada, la Très honorable Beverley McLachlin, disait, dans sa prestation «Democracy and Rights: A Canadian Perspective» (janvier-février 2001):
Les droits collectifs sont la pierre angulaire sur laquelle s'est édifié le Canada. Sans les garanties offertes aux groupes et aux minorités, il est peu probable que des peuples si différents du Haut et du Bas-Canada se seraient unis pour former un pays.
La procureure générale du Canada a soutenu, dans une cause récente, qu'on ne saurait trouver dans la partie VII de la Loi sur les langues officielles une obligation pour le gouvernement fédéral de toujours prendre les mesures favorisant l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada, d'appuyer leur développement et de promouvoir la pleine reconnaissance de l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.
Je vous avouerai que je ne suis pas surpris de la position de la procureure générale du Canada, car c'est la position qu'ont soutenue tous les ministres de la Justice que j'ai connus depuis l'adoption de la nouvelle loi en 1988; c'est une interprétation minimaliste du ministère de la Justice depuis 13 ans. Je pense qu'il est grand temps de changer cette interprétation.
Aujourd'hui même, j'ai reçu la réponse à une question que j'ai posée en mai dernier au gouvernement concernant cet article. Je ne suis pas surpris de lire, à la page 4, que:
La partie VII de la Loi sur les langues officielles contient un engagement et non pas des obligations exécutoires en droit et ne donne pas ainsi ouverture à des recours de nature juridique.
La ministre actuelle, l'honorable Anne McLellan, m'a écrit en octobre 1999, confirmant presque la même chose que j'ai lu aujourd'hui dans sa réponse. Selon le dictionnaire Le Petit Robert, le mot «déclaratoire» veut dire «faire reconnaître une volonté de façon expresse». L'interprétation du ministère de la Justice est minimaliste, pour dire le moins, et place le gouvernement sur la voie des bonnes intentions, mais ne compromet aucunement sa position du moindre effort. Par conséquent, nous faisons du «sur place», et l'ambiguïté du libellé de l'article 41 persiste.
Je veux mettre des dents dans cette loi. Je voudrais que l'article 41 soit clairement exécutoire. Pour protéger les minorités, je ne veux pas un chien de poche, je veux un chien de garde.
Je pourrais vous faire un long exposé concernant la problématique liée à l'interprétation de l'article 41. Je ne suis ni avocat ni constitutionaliste. Je suis tout simplement un sénateur, un ancien député qui a longtemps travaillé dans ce domaine et qui pense avoir une opinion. Je n'ai pas changé d'opinion depuis le début du débat en 1988.
Je crois sincèrement que le gouvernement s'engageait, avec l'article 41, à faire la promotion, le développement, l'épanouissement des communautés de langue officielle. Dans Le Petit Robert, on dit que c'est un engagement mais que ce n'est pas obligatoire. Encore une fois, je vous répète ce qu'était l'intention du législateur en 1988 quand cet article a été adopté.
Pourquoi ai-je présenté au Sénat un projet de loi dans le but d'amender l'article 41 de la Loi sur les langues officielles? Parce que je pense que l'atmosphère est meilleure. Je pense que la compréhension du gouvernement devrait être plus généreuse. Je pense qu'il y a moyen, aujourd'hui, de renforcer l'article 41 et de lui donner un caractère exécutoire.
Honorables sénateurs, l'assimilation sournoise guette les groupes linguistiques et est sur le point de nous avoir tranquillement. Les communautés francophones hors Québec ont un problème sérieux. Par exemple, les appuis financiers aux communautés francophones ont beaucoup diminué ces dernières années en Ontario.
J'ai reçu du ministère du Patrimoine canadien un dossier volumineux sur la question du financement des communautés francophones. Je n'ai pas eu le temps de l'examiner, mais je peux dire que les appuis financiers sont régulièrement à la baisse depuis les cinq ou six dernières années.
Au Québec, la participation des anglophones à l'administration publique, tant provinciale que fédérale, est minime et inquiétante. Les anglophones du Québec se sentent menacés et leur nombre diminue continuellement. Certains Québécois anglophones ont le sentiment que leurs droits ont été compromis et qu'ils en sont privés.
Il faut agir à la «canadienne», tant au Québec qu'ailleurs et partout au pays. Il faut remettre les pendules à l'heure. Nous avons deux langues officielles et nous devons les respecter et les promouvoir.
La Cour suprême du Canada ne s'est jamais prononcée sur la portée de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles. J'ai essayé de l'encourager à le faire. Dieu sait ce que cela m'a coûté! Jusqu'à maintenant, la Cour suprême n'a pas jugé bon d'entendre des arguments sur la définition de la portée de l'article 41.
En raison de l'interprétation minimaliste que le ministère de la Justice donne à l'article 41, le gouvernement fédéral n'a pas cru bon, depuis 1988, de renforcer substantiellement le régime d'application consacré aux articles 42 à 45, et ce, en dépit d'une jurisprudence favorable, depuis 1996, à une interprétation large et libérale des droits linguistiques et assujettissant la Loi sur les langues officielles aux mêmes règles d'interprétation que la Charte canadienne des droits et libertés de 1982. À ce sujet, vous pouvez consulter la décision rendue dans l'arrêt Beaulac. C'est exactement ce que propose le projet de loi S-32: assujettir la Loi sur les langues officielles aux décisions juridiques rendues depuis 1988.
(1530)
En vertu de la Loi sur les langues officielles, la ministre du Patrimoine canadien est la seule responsable de la coordination interministérielle de l'application de l'article 41 et ne dispose d'aucun moyen coercitif pour s'assurer que son esprit et son objet soient appliqués et mis en oeuvre de façon rigoureuse dans tous les ministères et agences gouvernementales. Parlez aux fonctionnaires, ils s'en foutent comme de l'an 40! L'article 41 n'a pas de dents! Il n'y a rien qui se passe ou très peu. Ce n'est pas correct.
Or, il s'avère que de nombreux rapports annuels de la commissaire aux langues officielles — qui ont d'ailleurs été déposés en cette Chambre — ont fait état d'un manque d'engagement global du gouvernement envers les communautés de langue officielle.
Depuis mars 2001, c'est le ministre Stéphane Dion qui est chargé de coordonner les activités interministérielles. Il nous a dit en comité qu'il n'avait pas de plan d'action avec des objectifs clairs et précis à proposer.
Il m'a affirmé que l'article 41, tel qu'interprété par le ministère de la Justice, était la position du gouvernement. J'ai donc décidé de passer aux actes. Si c'est comme cela, on va prendre une position ferme, on va initier un débat et on va voir où cela va mener. J'espère que ce sera positif et qu'on amendera l'article 41 de la loi.
Les principaux objectifs du projet de loi S-32 touchant le renforcement de l'article 41 visent, premièrement, à clarifier l'engagement du gouvernement fédéral envers les minorités de langues officielles. Deuxièmement, à forcer le gouvernement fédéral à revoir son régime d'application prévu à la partie VII de la Loi sur les langues officielles, articles 42 à 45. Troisièmement, à soumettre l'article 41 de la Loi sur les langues officielles conformément au jugement Beaulac, aux règles d'interprétation de la Charte canadienne des droits et libertés telles que définies par la Cour suprême du Canada. Tout ceci permettra, entre autres, un meilleur contrôle judiciaire.
Actuellement, la partie VII est exclue de tout recours judiciaire. Même la commissaire aux langues officielles ne peut aller devant les tribunaux pour dire: «Vous n'engagez pas les fonds suffisants pour faire la promotion et encourager les groupes minoritaires de langues officielles.»
Pour moi, l'article 41 ne constitue pas de nouveaux droits qu'on a créés, c'est plutôt une directive au gouvernement en ce qui concerne son pouvoir de dépenser pour favoriser l'épanouissement et la promotion des groupes minoritaires de langues officielles.
Quelle était la volonté du législateur lors de l'étude du projet de loi C-72 en 1988? Permettez-moi de vous rappeler quelques faits de l'époque.
Le 22 mars 1988, devant le comité législatif de la Chambre des communes chargé d'étudier le projet de loi C-72 sur les langues officielles, le ministre de la Justice et procureur général du Canada, l'honorable Ray Hnatyshyn, affirmait:
Cette partie du projet de loi (partie VII) a pour fondement la Charte (par. 16(3)), à savoir le principe de la progression vers l'égalité de statut ou d'usage du français et de l'anglais, lequel fut reconnu par la Cour suprême du Canada dans plusieurs décisions importantes.
Le 20 juillet 1988, lors d'une comparution devant le comité sénatorial chargé d'étudier le projet de loi, l'honorable Lucien Bouchard, alors secrétaire d'État du Canada, déclara:
L'importance qu'accorde le gouvernement fédéral aux communautés s'exprime tout particulièrement dans la partie VII du projet de loi C-72, dont l'application relève du secrétaire d'État. L'article 41 énonce toute la portée des intentions gouvernementales. Il assigne au gouvernement fédéral l'obligation de favoriser l'épanouissement des minorités linguistiques, d'appuyer leur développement et de promouvoir la pleine reconnaissance de l'usage du français et de l'anglais.
J'ai bien souligné «l'obligation». Ce ne sont pas des voeux pieux! C'est le ministre qui parlait. Remarquez que c'était en 1988. Lucien Bouchard a dit également:
Cette notion d'épanouissement des minorités linguistiques, c'est la première fois qu'on la retrouve dans un article de loi. [...] Cet article (41), et tous ceux qui le soutiennent dans le projet de loi, confère une base législative à cet objectif que nous nous sommes fixé d'une pleine participation des groupes linguistiques minoritaires à la vie de notre pays.
En conclusion, il est grand temps de renforcer l'article 41. Il est impératif d'éclaircir l'ambiguïté du libellé de cet article en s'appuyant sur la Loi constitutionnelle de 1982, aux paragraphes (1) et 16(2), et en remplaçant les mots «le gouvernement s'engage» — qui sont interprétés de façon différente — par «le gouvernement fédéral prend les mesures nécessaires pour assurer l'épanouissement et le développement des minorités francophones et anglophones au Canada».
Les minorités linguistiques ont besoin des parlementaires pour leur redonner confiance dans l'avenir de leur pays. La partie VII de la Loi sur les langues officielles, et l'article 41 en particulier, est exclue de tout recours judiciaire. Pourquoi en 2001? Il est temps de changer cela. Le Parlement canadien doit prendre ses obligations et ses responsabilités. J'espère que ce projet de loi sera adopté éventuellement.
[Traduction]
L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, j'aimerais adresser quelques remarques à l'honorable sénateur Gauthier.
Nous apprécions tous le travail et les efforts que le sénateur Gauthier a déployés pour nous présenter l'évolution de la Loi sur les langues officielles, en particulier de la partie VII de cette loi. J'ai ressenti une profonde déception en écoutant son exposé et je me suis demandé pourquoi, après que les comités se sont réunis et que des engagements ont été pris, les résultats sont tels que le sénateur Gauthier les a décrits aujourd'hui.
J'ai déjà coprésidé, avec le président suppléant en exercice, le Comité mixte permanent des langues officielles. Je me souviens clairement que le président du Conseil de Trésor à l'époque, l'honorable Marcel Massé, avait pris des engagements très précis à l'égard de la partie VII et de l'article 41. Il avait reçu de bons rapports venant d'excellents chercheurs. La recherche pointait vers l'application de l'article 41. Le Conseil du Trésor s'était vu confier certaines responsabilités.
Le sénateur Gauthier nous a présenté une chronologie fort intéressante. Il a parlé des rôles et des responsabilités de la ministre du Patrimoine canadien et du ministre des Affaires intergouvernementales, Stéphane Dion. Le Conseil du Trésor est responsable de l'administration de la fonction publique, des affaires du gouvernement et des personnes qui travaillent dans le secteur public. Qu'est-il advenu de l'interprétation de la partie VII et des articles 41 à 45 par le Conseil du Trésor? Les choses allaient bon train dans ce sens il y a deux ou trois ans, avec environ cinq volumes d'études à l'appui.
(1540)
Le sénateur Gauthier: Je remercie le sénateur de sa question. Cela me donne l'occasion de rappeler certains autres incidents. En 1976-1977, Pierre Trudeau, premier ministre à l'époque, avait demandé à Pierre Juneau de coordonner les difficultés que nous avions relativement à l'application de la nouvelle Loi sur les langues officielles, qui avait été adoptée en 1969. Sept ou huit ans plus tard, nous éprouvions des difficultés relativement à l'application de la loi dans la fonction publique, dans le secteur privé et chez les groupes minoritaires. Juneau a fait du bon travail.
Récemment, lorsque M. Dion a été nommé coordonnateur, j'ai dit: «Eh bien, l'histoire se répète. J'espère qu'il fera du bon travail.» Nous lui avons demandé s'il avait un plan et il a répondu non. Nous lui avons demandé s'il avait des objectifs clairs et il a répondu qu'il n'en avait pas encore. Nous lui avons demandé s'il avait de l'argent et il a répondu non. Nous lui avons dit que le ministère du Patrimoine canadien, le ministère du Développement des ressources humaines et le ministère de la Justice avaient des fonds. Il m'a rappelé que le ministère de la Justice était la principale autorité pour ce qui est de l'interprétation juridique. Le Conseil du Trésor est là pour les fonctionnaires, mais il n'a pas le même pouvoir ni les mêmes définitions convaincantes de ce que l'article 41 veut dire en réalité.
La réponse que m'a fournie aujourd'hui le ministère de la Justice indique que la partie VII de la Loi sur les langues officielles fait état d'un engagement et non pas d'obligations juridiquement contraignantes et qu'elle ne peut par conséquent déboucher sur des solutions juridiques.
Le sénateur Finestone: Un miroir aux alouettes.
Le sénateur Gauthier: Nous devons, vous et moi, reconnaître que l'article 41 est un voeu pieu. C'est peut-être un engagement, mais ce n'est pas assez, à mon avis. La justice ne permet pas de s'adresser aux tribunaux pour ce motif et, par conséquent, cet article est considéré strictement non exécutoire ou déclaratoire.
Je sais que madame le sénateur a présidé ce comité. Ce dernier a étudié cet article 41. En fait, il y a consacré une année et demie. Il a reçu plein de bons conseils. Rien ne s'est produit. J'ai posé des questions au comité. Rien ne s'est produit. Que dois-je faire? Je viens au Sénat et je me dis que je serai peut-être en mesure d'amorcer un débat qui nous permettra d'une façon ou d'une autre de conclure au caractère exécutoire de l'article 41 pour lui donner un peu de mordant. Si nous n'y réussissons pas, j'y renoncerai.
L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, je ne veux pas participer au débat tout de suite. Je me réserve le droit de le faire ultérieurement.
Le discours du sénateur m'a énormément intéressé. Je voudrais savoir si le leader adjoint du gouvernement peut s'engager à amener le gouvernement à fournir à l'un des sénateurs d'en face une réponse officielle réfléchie aux arguments avancés par le sénateur Gauthier. Je voudrais que le gouvernement fasse rapport du résultat de l'article 7 de la Loi sur les langues officielles depuis son entrée en vigueur. Je serais curieux de voir ce que le gouvernement a à dire sur le sujet.
La seule question que je veux poser à mon ami le sénateur Gauthier porte sur les déclarations qu'il a faites au sujet des minorités, anglophones au Québec et francophones ailleurs au pays, qui seraient, à ce qu'il dit, mal représentées dans la fonction publique fédérale. Je me demande comment l'amendement qu'il propose peut améliorer leur sort. Il me semble que, si ces minorités sont mal représentées, c'est parce que des dispositions particulières de la loi actuelle ne sont ni respectées ni mises en application. J'espère que ma mémoire ne me joue pas des tours, mais je suis sûr que la Loi sur les langues officielles comporte des dispositions régissant la représentation équitable des anglophones comme des francophones au sein de la fonction publique fédérale. Nous devrions peut-être nous demander pourquoi ces dispositions ne sont ni respectées ni mises en application.
Le sénateur Gauthier: Je remercie le sénateur Murray. Il y a quelques années, lui et moi avons coprésidé le Comité sur les langues officielles et présenté un rapport, le rapport no 5 je crois, dans lequel on abordait la question de la représentation équitable. L'article 41 de la loi est tellement vague et discutable qu'il n'a vraiment aucune incidence sur la fonction publique du Canada et ne contribue que très peu à la promotion de l'égalité de l'anglais et du français d'un océan à l'autre. Cet article ne va pas assez loin. Il doit être exécutoire. Il doit être appliqué.
Les provinces devraient être parties prenantes dans ce dossier, car l'article 43 traite des provinces. La Constitution du Canada s'adresse à tous les Canadiens. Elle lie le gouvernement. Elle lie le Parlement du Canada. Elle impose aussi des obligations aux autorités provinciales. Au Québec, nous savons tous que le pourcentage de personnes d'expression anglaise dans la fonction publique de la province est négligeable. Nous éprouvons des difficultés dans la fonction publique fédérale. Je ne suis pas un spécialiste de ce domaine, mais mes lectures et les témoignages que j'entends m'ont appris que dans l'Ouest, par exemple, il y a un pourcentage infinitésimal de fonctionnaires d'expression française. Les postes bilingues sont habituellement occupés par des personnes n'ayant parfois aucune connaissance de la langue seconde. Le poste est désigné bilingue, mais la personne l'occupant n'a pas les compétences voulues pour s'exprimer en anglais ou en français, et c'est inacceptable de nos jours, 30 ans après l'adoption de la Loi sur les langues officielles.
Nous devons y voir de plus près et dire aux fonctionnaires que, oui, la population du Canada possède deux langues officielles. Je serai franc avec vous. Je suis frustré lorsque j'entends régulièrement dire que le Canada est un pays bilingue. Il n'y a rien de tel dans la Constitution. Le mot « bilingue» ne figure pas dans notre Constitution. Nous avons deux langues officielles. C'est une notion différente, et nous devons respecter les deux langues officielles partout au pays.
J'essaie de situer ce problème en contexte. Nous devons faire disparaître certains de ces mythes et intervenir là où se passera l'action, et c'est ici, au Parlement du Canada.
(1550)
Le sénateur Murray: Je remercie l'honorable sénateur de sa réponse. Toutefois, je ne veux pas laisser le leader adjoint du gouvernement s'en tirer ainsi. Transmettra-t-il au gouvernement un message précisant que certains d'entre nous aimeraient obtenir une réponse mûrement réfléchie, communiquée au nom du gouvernement par un honorable sénateur en réponse aux arguments présentés par le sénateur Gauthier et, en particulier, une évaluation historique du fonctionnement de la partie VII depuis sa proclamation?
[Français]
Son Honneur le Président pro tempore: Vous plaît-il, honorables sénateurs, qu'une question soit posée au sénateur Robichaud?
Des voix: D'accord.
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Murray comprend bien que le leader adjoint du gouvernement au Sénat ne peut certainement pas répondre et s'engager au nom du gouvernement. Toutefois, je vous assure que nous allons suivre le débat de près. Des questions seront soulevées et certains sénateurs de notre côté prendront la parole. Nous verrons en cours de route quelles réponses seront données et nous essaierons d'éclairer, autant que possible, les honorables sénateurs.
L'honorable Jean Lapointe: Honorables sénateurs, j'aimerais signaler au sénateur Gauthier que je considère le projet de loi S-32 important. J'admire son courage de soulever à nouveau ce sujet. J'ai connu la population francophone du nord de l'Ontario et je crois qu'elle a besoin davantage d'aide. Je désire assurer le sénateur Gauthier de mon appui total.
[Traduction]
L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, à l'instar du sénateur Gauthier, j'ai entendu des ministres et des fonctionnaires expliquer que la partie VII ne contient pas d'obligations exécutoires en droit. Toutefois, personne n'a jamais expliqué pourquoi le gouvernement refusait aussi catégoriquement de prendre en considération la possibilité de telles obligations exécutoires. L'honorable sénateur sait-il pourquoi le gouvernement, au fil des ans, a pris cette position? Est-ce par pure précaution financière, est-ce parce que le gouvernement craint les conflits fédéraux-provinciaux ou est-ce parce qu'il est lui-même en train d'empiéter sur des compétences provinciales aux termes de la Constitution? Qu'est-ce qui peut bien inciter le gouvernement à s'entêter dans une position impossible à comprendre ou à justifier aux yeux des membres des minorités linguistique?
Le sénateur Gauthier: Je remercie le sénateur de sa question. Elle soulève un point pour lequel je cherche des réponses depuis 13 ans.
Le ministre responsable à l'époque m'a dit que cela créait une obligation pour le gouvernement. Depuis ce temps, le ministère de la Justice nous dit qu'il n'y a pas d'obligation et que nous fabulons. Pourtant, je sais. J'étais là, tout comme le sénateur Murray. Il n'y avait aucune volonté politique de concrétiser une telle obligation. On a voulu que cette obligation demeure au rayon des voeux pieux.
Je n'étais pas du tout d'accord avec cette interprétation. J'ai écrit à chaque ministre à qui je pouvais penser, et on m'a toujours répondu que le ministre de la Justice déclarait l'article 41 interprétatif. Cela signifie que l'on ne peut recourir aux tribunaux et que l'on ne peut demander aux autorités judiciaires leur avis, bien que la Cour suprême ait rendu, depuis 1998, une série de décisions énonçant précisément ce que je dis, à savoir que l'objet de la loi doit être suivi et respecté. Dieu seul sait pourquoi ils ne vont pas dans ce sens. Je n'en sais rien. Nous devrions peut-être le demander à la ministre lorsqu'elle comparaîtra devant le comité.
[Français]
L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, avec l'autorisation du sénateur Gauthier, j'aimerais lui poser une question. Il est évident que plusieurs honorables sénateurs voudront prendre la parole sur le projet de loi S-32 afin de lui accorder leur appui. J'ai l'intention d'en faire autant.
Le sénateur Gauthier a-t-il eu le temps de réfléchir à la question suivante: après son adoption à l'étape de la deuxième lecture, ce projet de loi sera-t-il renvoyé au Comité mixte des langues officielles, à un comité du Sénat, existant ou à être mis sur pied, ou encore à un comité plénier du Sénat?
Le sénateur Gauthier: Honorables sénateurs, j'y ai pensé. Je ne veux surtout pas que le projet de loi soit renvoyé au Comité mixte des langues officielles. Depuis deux ans, je demande qu'un comité sénatorial des langues officielles soit créé parce que je considère que le Comité mixte des langues officielles est inefficace. Je l'ai dit souvent en cette Chambre.
J'espère que le projet de loi S-32 sera renvoyé au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles de cette Chambre et que les sénateurs auront la chance d'en discuter sérieusement alors qu'au comité mixte, le débat deviendra de la politique partisane et qu'il y aura divergence d'opinion de la part des partis politiques. Je veux une discussion intellectuelle pour déterminer des objectifs clairs et précis. Nous voulons un pays respectueux des deux langues officielles et qui reconnaît à chaque citoyen son droit de s'exprimer en anglais ou en français lorsqu'il s'adresse à une institution parlementaire.
(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)
[Traduction]
DÉFENSE ET SÉCURITÉ
BUDGET—RAPPORT DU COMITÉ—AJOURNEMENT DU DÉBAT
Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité (budget—déblocage additionnel de fonds) déposé au Sénat le 25 septembre 2001.—(L'honorable sénateur Kenny).
L'honorable Colin Kenny propose: Que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, j'aimerais profiter de l'occasion pour faire des commentaires sur ce rapport et le précédent soumis par le Comité du Règlement. Des discussions ont eu lieu au Sénat mercredi dernier et je crois qu'il serait utile que je me penche sur certaines des questions soulevées et que je remette en contexte certains des commentaires qui ont été formulés.
(1600)
L'une des façons de le faire est de revoir brièvement les étapes de la création de ce comité pour nous rafraîchir la mémoire et nous assurer que tous les sénateurs en sont au même point. Quelqu'un a demandé la semaine dernière si le comité avait un ordre de renvoi, un budget ou une autorisation de voyager, et en revoyant la succession des choses, je peux répondre à ces questions.
Le 22 juin 2000, le Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure a étudié la question portant sur les nouveaux comités et publié un rapport recommandant la création d'un comité de la défense et de la sécurité pour traiter des questions liées à la défense et à la sécurité en général, y compris les anciens combattants.
Le 20 février 2001, un avis de motion prévoyant la création d'un comité de la défense et de la sécurité a été transmis par le gouvernement, traitant de nouveau d'un mandat portant sur des questions relatives à la défense et à la sécurité nationales en général, ce qui incluait les anciens combattants.
Le 15 mars 2001, le Comité de la défense et de la sécurité était créé par le Sénat aux termes d'une motion proposée par le sénateur Robichaud. Le 29 mai, une motion portait sur l'ordonnance de renvoi en vue du changement de nom. Le 31 mai, le Comité de la défense et de la sécurité recevait une ordonnance de renvoi qui prévoyait ce qui suit:
Que le Comité de la défense et de la sécurité soit autorisé à faire une étude préliminaire des principales questions de défense et de sécurité qui touchent le Canada en vue de la préparation d'un plan de travail détaillé pour des études plus poussées;
Le comité a choisi cette voie parce qu'il est nouveau. Ce comité n'existe pas depuis longtemps; il n'a pas de mémoire corporative, contrairement à tant d'autres comités sénatoriaux.
Les membres du comité ont vu que certaines questions présentaient un intérêt immédiat. La question des hélicoptères maritimes en était une et celle du bouclier antimissile en était une autre. Après d'amples discussions, les membres du comité ont conclu que le Sénat et les Canadiens seraient mieux servis si le comité s'efforçait d'en apprendre le plus possible sur les divers sujets se rapportant à ses travaux. Autrement dit, nous avons conclu que nous devions d'abord faire nos devoirs avant de commencer notre examen des questions.
Le comité a décidé de rencontrer les principaux intervenants des diverses organisations avec lesquelles il traite, de se pencher sur les grandes politiques et les mesures législatives habilitant ces organisations, et de déterminer comment les diverses organisations fonctionnent, isolément et ensemble. Les membres du comité ont pensé qu'il était important qu'on le voie faire cela et qu'on les voie le faire dans les domaines où ces organisations sont présentes. Je m'arrêterai plus longuement sur cet aspect dans un instant.
Le 31 mai, une motion ayant pour objet de changer le nom du comité a été renvoyée au Comité du Règlement. Le 13 juin 2001, le Comité du Règlement s'est penché sur le changement de nom et il vaut la peine de revoir le compte rendu de cette réunion pour en discuter brièvement. Le 13 juin donc, on me demande de faire des observations sur les organisations touchées par le soi-disant mandat du comité.
Incidemment, honorables sénateurs, je signale que le terme «mandat» n'est pas un mot courant au Sénat. Il n'apparaît nulle part dans le Règlement du Sénat. Toutefois, il est utilisé à l'autre endroit. Nous parlons surtout d'un renvoi du Sénat. Cependant, il est utile de signaler que le paragraphe 86(1) du Règlement donne une description générale des questions qui devraient être renvoyées à ce comité. Nonobstant cela, tous les honorables sénateurs savent que le Sénat peut renvoyer toute question au comité de son choix, mais qu'il existe une description générale des travaux de la plupart des comités.
À la séance du Comité du Règlement du mercredi 13 juin, quand on m'a demandé quels domaines, à part le ministère de la Défense, étaient inclus quand on parlait de la sécurité en général, j'ai répondu que cela incluait le Centre de la sécurité des télécommunications, le Conseil consultatif sur les sciences appliquées à la défense, l'ombudsman du ministère de la Défense, les Réserves, les cadets, les caisses de secours du personnel et, bien sûr, les affaires des anciens combattants, qui sont mentionnées dans la motion instituant le comité. Étaient également inclus le ministère du Solliciteur général, uniquement en ce qui concerne la Direction générale de la sécurité nationale; la GRC, uniquement en ce qui concerne les questions de sécurité nationale et la protection de l'État; l'Agence des douanes et du revenu du Canada, uniquement en ce qui concerne la sécurité des frontières et les personnes qui franchissent les frontières, ainsi que les relations que les services des douanes et de l'immigration ont avec les services de police et parfois avec le ministère de la Défense. C'est dans ce contexte que ces autres ministères étaient visés par les travaux de notre comité. Le travail du comité portait en réalité sur la défense du pays.
Honorables sénateurs, si je puis poursuivre la séquence des événements, le 20 juin, le Comité du Règlement a examiné de nouveau le changement de nom. Il a conclu à ce moment-là qu'il ferait rapport au Sénat qu'il convenait de changer le nom. Les honorables sénateurs ont le rapport, que le sénateur Stratton a déposé le 19 septembre au nom du sénateur Austin.
Le Sénat a étudié le rapport le 25 septembre, et une série de questions ont été soulevées au cours du débat. Je vais essayer de les aborder une par une. Le sénateur Murray a signalé que son exemplaire du Règlement du Sénat n'énonçait aucun mandat pour le comité. Cela est compréhensible, puisque la dernière réimpression du Règlement du Sénat date de février 2001 et que le Comité n'avait évidemment pas encore été établi à ce moment-là. Cela explique que le comité ne figure pas sur la liste des comités.
La question suivante est peut-être plus fondamentale et portait sur le mandat d'autres comités permanents. On se demandait si le mandat de ce comité entrait en conflit avec celui d'autres comités permanents. J'ai discuté de ce problème avec d'autres sénateurs. J'ai communiqué avec les présidents de comité, en fait, tous les présidents de comités qui pourraient d'une façon ou d'une autre empiéter sur ce comité. À mon avis, une coordination et une collaboration entre les comités revêtent une importance considérable.
Comme tous les sénateurs le savent, les questions de défense ont été retirées du mandat du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et confiées au Comité de la défense. J'en ai discuté avec le sénateur Stollery. Nous avons également discuté de la désirabilité de collaborer et de communiquer au sujet des travaux du comité pour tâcher de minimiser ou d'éliminer les chevauchements. Je n'ai pas communiqué avec le président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui est ici aujourd'hui. Je ferai cependant des observations sur son comité plus tard.
(1610)
Je me suis entretenu avec le sénateur Bacon à propos du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Nous avons discuté des travaux que le comité entreprend sur le chapitre des ports et de leur sûreté. Lorsque je commenterai plus longuement le budget dans un instant, je parlerai des personnes que nous rencontrons.
J'ai eu des communications avec madame le sénateur Milne. Je lui ai parlé à deux reprises. En fait, elle est revenue me voir aujourd'hui pour commenter une question qui concernait son comité. Elle n'entrevoit aucun conflit pour le moment. Nous avons décidé de continuer de parler de la question.
Curieusement, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce est chargé des douanes et de l'accise. J'ai été en contact avec le sénateur Kolber. Ses intérêts dans les douanes et l'accise concernent les taxes élevées et la fréquence avec laquelle elles sont perçues. Il a dit ne voir aucun conflit dans le fait que les douaniers constituent la première ligne de défense lorsque des gens arrivent dans le pays. Ils sont les premiers à interroger les gens. Il ne prévoit pas que le Comité des banques et du commerce examine cette question dans le cadre de son mandat.
Je parlerai enfin du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Je précise, pour le bénéfice des honorables sénateurs, que la responsabilité du Comité des anciens combattants a été transférée du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie au Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité par voie de motion. L'autre domaine possible de chevauchements est l'immigration. Nos intérêts n'ont rien à voir avec le nombre d'immigrés, la réunification des familles ou d'autres questions de la sorte. Nous nous intéressons aux questions concernant les terroristes qui pourraient entrer au pays et la capacité du système d'assurer la sécurité et la sûreté.
J'ai aussi demandé à la Bibliothèque du Parlement de remonter jusqu'à la deuxième session de la 34e législature, soit jusqu'au 3 avril 1989, pour voir tous les travaux de comités qui pourraient entrer en conflit avec le mandat du comité dont nous parlons maintenant. Les services de la bibliothèque semblent avoir fait une recherche approfondie. Ils ont relevé que, durant la première session de la 37e législature, le Comité des finances nationales a procédé à un examen de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Ils ont relevé aussi que le Comité des affaires étrangères avait analysé l'évolution du mandat de l'OTAN durant la deuxième session de la 36e législature. Ils ont aussi remarqué que, durant la première session, le Comité des finances nationales avait analysé Protection civile Canada.
Puis il y a le comité spécial du sénateur Kelly, dont le travail recoupait énormément les travaux de ce comité. En toute justice, il faut dire qu'il étudiait le terrorisme et que cela se rapportait inévitablement aux travaux du présent comité. Cependant, le comité spécial qui effectuait ce travail n'existe plus.
Durant cette législature, on avait aussi demandé au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères d'étudier l'évolution du mandat de l'OTAN, ainsi que le projet de loi S-22, la Loi autorisant les États-Unis à effectuer au Canada le précontrôle à l'égard des voyageurs et des marchandises à destination des États-Unis. En outre, il avait entrepris une étude sur l'importance grandissante de la région Asie-Pacifique qui touchait notamment le ministère de la Défense nationale. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a étudié le projet de loi C-18, qui tend à modifier la Loi sur les douanes.
Au cours de la 34e législature, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères a publié un rapport sur les questions de sécurité nationale. Le dernier élément a été l'étude du budget supplémentaire du ministère de la Défense nationale par le Comité des finances nationales, à la deuxième session de la 34e législature.
Cela nous faire remonter à un peu plus de dix ans pour ce qui est des travaux qui pourraient se rapprocher du mandat général que le Sénat a arrêté.
Son Honneur le Président: J'ai le regret d'informer le sénateur Kenny que son temps de parole est écoulé.
Le sénateur Kenny: Honorables sénateurs, puis-je avoir la permission de poursuivre?
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
[Français]
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Kenny pourrait-il nous dire combien de temps sera nécessaire pour terminer ses remarques?
[Traduction]
Son Honneur le Président: Quand j'ai demandé si la permission était accordée, un sénateur a demandé une explication.
Le sénateur Kenny: Honorables sénateurs, il me faudra au plus dix minutes.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?
Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, mettons sept minutes, ce qui est entre cinq et dix.
Son Honneur le Président: Il faut être plus précis, sénateur Robichaud. Est-ce cinq minutes ou dix?
Le sénateur Robichaud: J'ai dit sept.
Le sénateur Kenny: Je vais prendre sept minutes, honorables sénateurs.
La question suivante concerne une observation du sénateur Murray. Il a dit: «Or, il y a quelques semaines à peine, j'ai lu dans la presse de Halifax que ce comité devait se rendre dans cette ville pour entreprendre une étude sur des questions de sécurité nationale à la suite des événements qui sont survenus à New York le 11 septembre 2001.» Il n'en est rien. J'ai sous les yeux toutes les coupures que nos services qui dépouillent les journaux ont pu réunir. Ils travaillent avec précision. J'ai aussi le communiqué que nous avons publié avant le déplacement, ainsi que l'avis d'annulation de ce déplacement.
Je pourrais ajouter que toute la presse a fait état du souhait que j'ai exprimé, à savoir que la visite soit reportée à un peu plus tard, lorsque le ministère aura des affaires moins pressantes à régler. On en a fait mention dans les médias francophones et anglophones. Je fournirai volontiers copie des articles pertinents aux sénateurs intéressés. Nous avons fait une recherche approfondie. Je puis assurer les honorables sénateurs qu'ils ne trouveront nulle part un communiqué de presse ou un rapport laissant entendre que nous allions entreprendre une étude des événements du 11 septembre.
Il y a eu d'autres questions qui ont été posées à propos du mandat du comité. J'ai déjà exposé notre mandat. On a demandé si le comité était autorisé à voyager, alors que cette autorisation lui a été accordée en même temps que son budget. C'était le 28 mai. Le budget a été revu le 5 juin par le Comité de la défense et de la sécurité. Il a aussi été examiné par le sous-comité des budgets du Comité de la régie interne. Le 7 juin, il a été approuvé par l'ensemble du Comité de la régie interne. Le même jour, on en a fait rapport à la Chambre. Il comprenait l'autorisation de voyager ainsi que la première tranche du budget. Le premier rapport a été approuvé et adopté le 11 juin. Le deuxième se trouve actuellement devant les honorables sénateurs, et c'est de cela que je parle maintenant.
J'aimerais parler brièvement de l'utilité des voyages. Si je décrivais ce que nous avons appris lors de notre voyage à Halifax, les honorables sénateurs auraient une meilleure idée de ce à quoi sert le comité. Le programme reflète parfaitement non seulement la façon dont nous essayons de procéder, mais aussi les raisons pour lesquelles il est important de voyager. Nous avons été invités en premier lieu à une séance d'information donnée par l'amiral MacLean, des Forces maritimes de l'Atlantique, qui nous fait une mise à jour sur la situation de la flotte, la structure du commandement, la force de déploiement et le partage des données de sécurité sous-marine. Nous avons ensuite eu une séance d'information sur la proportion des hommes affectés à terre par rapport aux hommes affectés en mer, l'alcoolisme et la toxicomanie, la violence familiale, les mécanismes de soutien pour les familles, les femmes en mer et les femmes à bord de sous-marins. Le brigadier-général Mitchell nous a ensuite fait un exposé sur les forces terrestres de la région de l'Atlantique et sur les questions de qualité de vie touchant les forces terrestres.
(1620)
Après cela, nous avons visité la frégate NCSM Toronto, où nous avons d'abord déjeuné avec les non-officiers. Les membres du comité devaient se séparer pour déjeuner avec des caporaux et des soldats dans leur mess et entendre leurs préoccupations.
Nous avons visité ensuite le NCSM Summerside, un navire de défense du littoral maritime. Ce qui nous intéressait, c'était de savoir comment se débrouillaient les réservistes dans la marine. Après cela, on nous a fait visiter l'établissement de maintenance de la flotte puis nous avons visité un nouveau sous-marin, le NCSM Victoria, ainsi que l'arsenal maritime. Le soir, nous avons eu des discussions informelles avec des officiers supérieurs et des hommes de troupe de niveau supérieur.
Le lendemain, nous devions nous rendre à l'école des forces navales pour inspecter l'équipement naval de formation et observer à l'oeuvre l'équipe de perfectionnement opérationnel. Nous devions ensuite aller au centre de sauvetage et à Shearwater où nous devions déjeuner avec des militaires d'autres grades, après quoi nous devions effectuer un vol de familiarisation à bord d'un Sea King. Nous devions ensuite effectuer une visite statique de l'Aurora en compagnie de l'escadron et rencontrer le personnel de cet escadron.
Le lendemain matin, nous devions rencontrer le surintendant en chef Atkins, de la GRC, le chef David MacKinnon, de la police de Halifax, et M. John Feagan, directeur des services du renseignement et de la contrebande de la région atlantique, de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, pour une séance d'information sur la sécurité portuaire. Nous devions visiter la zone de sécurité du port et le poste de police, examiner les cartes d'information, les cartes, les entrepôts et le débarcadère des conteneurs.
Ce même après-midi, nous devions rencontrer l'amiral Murray, retraité, et son personnel aux Anciens combattants pour obtenir de l'information sur ce ministère, la clientèle desservie, les soins de santé assurés aux anciens combattants classiques, aux personnes âgées, aux nouveaux anciens combattants, et aux anciens combattants des Premières nations, et sur les questions relatives à la commémoration d'événements.
Nous devions ensuite aller à Gagetown, pour visiter le centre d'entraînement au combat, l'école d'infanterie et l'école d'artillerie et assister à une séance d'information sur la question de la qualité de la vie, déjeuner avec des sous-officiers subalternes et nous entretenir avec deux soldats du RCR qui rentraient d'Éthiopie et d'Érythrée. Nous devions ensuite jeter un coup d'oeil sur les nouveaux véhicules blindés légers. Pour clore notre visite, nous devions inspecter les nouveaux hélicoptères Griffin que l'on vient de fournir à nos forces armées.
Honorables sénateurs, il m'a fallu plus de temps pour fournir ce compte rendu que la plupart d'entre vous ne le désirent, mais il reflète avec exactitude le travail et l'intérêt du comité. Je serais heureux de répondre à toutes les questions qui pourraient être posées.
L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'aimerais maintenant intervenir. J'ai certaines inquiétudes à ce sujet. Je tiens à les exprimer et à vous demander de les examiner avant que nous ne poursuivions.
Cette Chambre est l'endroit où nous pouvons faire part de nos préoccupations. C'est ici au Sénat plénier que sont créés les comités. C'est le Sénat qui définit le rôle des divers comités. C'est le Sénat qui leur alloue un budget de fonctionnement. Si j'ai un reproche à faire, c'est à nous-mêmes que je l'adresse, ici au Sénat, parce que j'estime que nous avons laissé cette question échapper à notre contrôle, dès la création du comité.
L'honorable sénateur a en quelque sorte établi une chronologie des faits aux fins du compte rendu. Je l'en remercie. Je n'y reviendrai que si je ne tire pas les mêmes conclusions que lui des faits présentés. Le 15 mars, nous avons créé le Comité sénatorial de la défense et de la sécurité. Pour ce faire, nous avons ajouté au Règlement un nouvel alinéa, en l'occurrence l'alinéa 86(1)r). Comme le président l'a signalé, nous avons simplement créé le Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité, qui est composé de neuf sénateurs dont quatre constituent le quorum. À ce comité peuvent être renvoyés, si le Sénat en décide ainsi, notamment les projets de loi, les messages, les pétitions, les enquêtes et les documents concernant la défense nationale et la sécurité en général, y compris les anciens combattants.
À mon avis, les honorables sénateurs comprendront que cette définition du rôle du comité — j'appelle cela un mandat — est plutôt vague comparativement aux dispositions de notre Règlement qui concernent d'autres comités. Il suffit d'examiner l'alinéa 86(1)h) de notre Règlement concernant le Comité des affaires étrangères, l'alinéa 86(1)j) concernant le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, l'alinéa 86(1)k) concernant le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles ou l'alinéa 86(1)l) concernant le Comité des banques et du commerce pour se rendre compte que, dans tous ces cas, et dans celui des affaires sociales, de l'agriculture et ainsi de suite, il y a une liste longue et détaillée de questions — une liste qui est beaucoup plus détaillée et précise que la description générale et plutôt vague du rôle du comité dont il est ici question. C'est peut-être pour cela que nous éprouvons certaines difficultés avec ce comité.
Comme le président l'a souligné, le 31 mai, nous avons été saisis de quatre motions qui concernaient ce comité et étaient inscrites au nom de son président. Deux d'entre elles pouvaient être considérées comme des questions assez courantes, l'une concernant l'embauche de personnel et l'autre la diffusion électronique éventuelle des délibérations du comité. Il y avait toutefois deux autres motions sur lesquelles je veux revenir. L'une visait à modifier le nom du comité. À ce moment-là, le président du comité, le sénateur Kenny, a déclaré au Sénat, comme en fait foi le hansard du 31 mai 2001, ceci:
Cette modification vise à mieux refléter le travail et le mandat du comité.
Il est encore fait mention du mandat. Le sénateur Kenny a ajouté que le travail et le mandat du comité:
[...] consistent à examiner des questions comme le terrorisme, en plus du travail accompli par notre ancien collègue, le sénateur Kelly. Le mandat du comité comprend aussi des questions liées aux services de police et aux préparatifs d'urgence, et les membres du comité estimaient que le nouveau nom représente mieux le travail du comité.
Cette motion visant à modifier le nom du comité a été renvoyée au comité du Règlement, qui nous l'a renvoyée à son tour. Le débat a été ajourné au nom du sénateur Stratton. Je n'ai fait que souligner que la déclaration du sénateur Kenny que je viens de lire, faisant deux fois allusion au mandat du comité et décrivant la teneur du mandat du comité, que la déclaration du sénateur Kenny, dis-je, est beaucoup plus détaillée que le nouvel alinéa 86(1)r).
Je vous reporte maintenant, honorables sénateurs, à une réunion du comité du Règlement tenue le 13 juin. C'est là que j'ai pris conscience de cette question. Le 13 juin, à la fin de la journée, nous étions en train d'étudier cette même motion de changement de nom. Le sénateur Kenny a dit:
Le comité estimait que le nom proposé refléterait mieux le travail du comité. Nous estimons que l'angle de la sécurité nationale décrit mieux le travail envisagé par le comité et que nous supposons que ce comité...
— c'est-à-dire le comité du Règlement —
... envisageait quand il a présenté son rapport initial.
(1630)
Un peu plus tard, il a dit prévoir des liens avec les organismes suivants:
[...] le Centre de la sécurité des télécommunications, le Defense Science Advisory Board, l'ombudsman du ministère de la Défense, la réserve, les cadets et les caisses de bienfaisance, les Affaires des anciens combattants, le solliciteur général, en ce qui concerne la police, la Direction générale de la sécurité nationale, le ministère du Solliciteur général, la GRC, en ce qui concerne les questions de sécurité nationale et la protection de l'État, Douanes et Revenu Canada, en ce qui concerne la sécurité à la frontière et les gens qui franchissent notre frontière et la relation que les Douanes et l'Immigration ont avec la police et, parfois, le ministère de la Défense.
Encore une fois, c'est plus détaillé que la déclaration faite par le sénateur ici le 31 mai.
J'ai identifié quatre ou cinq comités dont le mandat — oserai-je utiliser le mot — serait touché par l'interprétation que fait le sénateur du travail de son comité.
Je suis heureux d'entendre qu'il a communiqué avec les présidents de ces comités. C'est un départ. Ils défendront sans doute leur cause. Je serai intéressé à entendre ce qu'ils ont à dire. Cependant, j'espère pouvoir dire sans offenser personne que les comités ne sont pas le fief de leurs présidents. C'est l'ensemble du Sénat qui décide du rôle d'un comité donné. C'est au Sénat de décider si, par exemple, certaines questions liées au solliciteur général qui relèveraient normalement du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ou certaines questions liées aux douanes et à l'accise qui relèveraient normalement d'un autre comité ou encore certaines questions liées à l'immigration qui relèveraient normalement d'un autre comité devraient être retirées à ces comités et renvoyées à un nouveau comité. Si cela doit être fait, qu'on le fasse, mais pas avant un examen et un débat sérieux dans cette enceinte.
L'autre motion que le sénateur Kenny a présentée le 31 mai était celle à laquelle il a fait allusion il y a quelques minutes, en l'occurrence celle qui visait à autoriser le Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité à faire une étude préliminaire des principales questions de défense et de sécurité qui touchent le Canada en vue de la préparation d'un plan de travail détaillé pour des études plus poussées.
Jusque-là, tout va bien, je suppose, même si j'ai trouvé cela extraordinaire qu'on crée un nouveau comité avec un mandat squelettique et qu'on dise ensuite à ce comité de déterminer lui-même ce que devrait être son rôle. Il me semble que nous avons renversé le processus. Si nous voulons un nouveau comité, nous devrions décider du rôle de ce comité, l'inclure dans notre Règlement, lui donner un budget et le laisser travailler. J'ai l'impression que nous faisons les choses quelque peu à l'envers.
La tenue d'une étude préliminaire est une méthode extraordinaire. On propose que le comité fasse son travail et qu'il nous revienne ensuite avec une proposition de programme. Tout cela est très bien.
Le sénateur Forrestall a dit le 25 septembre dernier, comme on peut le lire à la page 1296 des Débats du Sénat:
Au début, l'aspect essentiel pris en considération en ce qui concerne l'utilisation du terme «sécurité» était la sécurité dans la mesure où elle est liée directement ou, à l'occasion, indirectement aux activités des forces armées canadiennes et aux exigences imposées aux forces armées du pays par le gouvernement du Canada et selon d'autres exigences, comme l'aide et l'orientation du gouvernement lui-même. Lorsque nous aurons terminé notre première ronde, qui est avant toute autre chose un exercice de familiarisation, il sera beaucoup plus facile de discuter du mandat dans l'avenir qu'il ne l'est à ce stade-ci.
Je suis d'accord avec le sénateur Forrestall sur l'interprétation de cette motion portant sur l'étude préliminaire, mais je dirais qu'elle est beaucoup moins expansive que l'opinion que le sénateur Kenny a présentée ici au Sénat en juin devant le Comité du Règlement et même que celle qu'il a du mandat de son comité.
J'en viens enfin à la motion d'aujourd'hui. Vous pourrez me corriger si j'ai tort, mais je vois qu'on dit dans le deuxième rapport que:
Le 11 juin 2001, le Sénat a approuvé un déblocage de fonds de 100 500 . Le rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration recommandant un déblocage additionnel de fonds est annexé au présent rapport.
Puis l'annexe B du rapport prévoit le déblocage de crédits additionnels totalisant 95 500 $. Est-ce que je lis correctement? Est-que les 95 500 $ s'ajoutent aux crédits de 100 500 $ qui avaient été votés?
Le sénateur Kenny: Oui, ils s'y ajoutent.
Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, voyons voir. Nous avons dépensé 196 00 $ pour que le comité puisse trouver sa voie. Je ne pense pas que c'est une façon sensée de faire les choses. J'estime cela excessif, honorables sénateurs. Vous avez là le fond de ma pensée. Il s'agit de 196 000 $ pour que le comité fasse ses devoirs, comme l'a dit l'honorable sénateur. J'étais aussi impressionné que tous les sénateurs l'étaient, j'en suis certain, par le programme étendu et varié du projet de voyage à Halifax du comité, mais je dois dire que, de la part d'un comité qui dit ne pas avoir un mandat suffisant et qui doit faire ses devoirs, c'est pousser les choses un peu trop loin. Voilà un manque de retenue qui coûte très cher.
Je tenais à ce que mes préoccupations soient étalées sur la table pour que les honorables sénateurs les examinent. Je ne souhaite pas être sévère avec le comité, encore moins avec son président. Le problème nous appartient. Nous avons laissé les choses se détériorer dès le début. Je ne sais pas comment nous redresserons la situation, mais je sais qu'avant d'adopter ce rapport, nous devons examiner sérieusement notre orientation. Que cherchons-nous à accomplir par le truchement de ce comité? Quelle orientation souhaitons-nous lui donner en termes de règles et de mandat? Combien devrait-il en coûter?
L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, je ne suis pas, à l'heure actuelle, membre du comité. L'honorable sénateur Murray pourrait-il nous dire à quelles questions il fait allusion au sujet du mandat du comité? Je ne parle pas d'argent maintenant. Lorsqu'on a parlé de ce comité pour la première fois et lorsque le comité a ensuite été créé, il semblait que le Sénat avait décidé sciemment d'établir un comité chargé de s'occuper des questions de défense. Nous savons que nous parlions de défense au sens traditionnel du terme et de sécurité dans ce que nous savions être, même à l'époque, un sens différent et qui a pris depuis un sens encore plus distinct.
Le sénateur Murray a soulevé des questions au sujet de l'inclusion de certains aspects des opérations du solliciteur général liées au SCRS, par exemple, ou à l'ADRC en ce qui concerne l'importation de biens douteux ou la correspondance entre certaines personnes. Lesquelles de ces questions le sénateur pense-t-il qu'on pourrait exclure raisonnablement de l'examen des questions de sécurité nationale?
(1640)
Le sénateur Murray: Mon problème, honorables sénateurs, c'est qu'on ne trouve pas dans les règles que nous avons adoptées lors de la création du comité le sens suivant, plus large, ou différent, comme vous le dites, qu'on a de la sécurité: le Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité, auquel peuvent être renvoyés des projets de loi, des messages et autres choses liés à la défense nationale et à la sécurité en général, y compris les affaires des anciens combattants. Ce n'est qu'ensuite, une fois que cette règle a été adoptée, que le sénateur Kenny nous dit que son mandat englobait la protection civile, les services policiers, le terrorisme et toutes ces autres questions. La dernière fois que nous avons eu l'occasion de discuter de sécurité au sens que le sénateur Banks donne à ce terme, c'est lorsque nous avons formé des comités spéciaux, sous la présidence de l'ancien sénateur Kelly, pour étudier la question plus large de la sécurité.
L'interprétation faite l'autre jour par le sénateur Forrestall était plus conforme à mon interprétation et plus conforme à ce que je croyais que nous faisions lorsque nous avons créé le comité. Lorsqu'il était question de sécurité nationale, c'était au sens de la sécurité liée à la défense et du rôle des Forces armées canadiennes à cet égard. Je n'ai aucune objection à aller plus loin si c'est ce que nous décidons de faire, mais il me semble que nous n'avons pas créé un comité avec ce mandat. Nous avons plutôt établi un comité ayant un mandat beaucoup plus limité et, avant que ce comité ne crée son propre mandat, nous devons tenir un débat sérieux.
Son Honneur le Président: Les gens qui surveillent la durée de nos interventions me disent que les 15 minutes prévues pour l'intervention du sénateur Murray ainsi que les questions et observations sont écoulées. Y a-t-il consentement pour qu'on lui permette de continuer?
[Français]
Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, je suis d'accord pour accorder sept minutes supplémentaires, comme nous l'avons fait pour l'orateur précédent, afin de permettre au sénateur Murray de répondre aux questions et de compléter ses remarques.
[Traduction]
Son Honneur le Président: La permission est accordée.
Le sénateur Banks: Honorables sénateurs, je répondrai au sénateur Murray que l'interprétation semble différer de ce qu'on entend par «la sécurité en général». J'ai toujours cru que cette expression signifiait la sécurité de façon générale, ce dernier mot ayant un sens large.
Le sénateur Kenny: Honorables sénateurs, j'ai deux questions à poser au sénateur Murray. Premièrement, il a parlé à deux reprises de la protection civile. Est-il au courant que ce service a été placé sous l'autorité du ministère de la Défense et qu'il porte maintenant le nom de Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile? Deuxièmement, pourrait-il définir ce qu'il entend par sécurité?
Le sénateur Murray: En réponse à la première question, je suis évidemment au courant. Comme l'a mentionné l'honorable sénateur, le Comité sénatorial permanent des finances nationales, avant mon époque, avait entrepris une étude de cette question en rapport avec les prévisions de dépenses.
Non, je ne définirai pas, au pied levé, la «sécurité». C'est précisément la raison pour laquelle je souhaite que le Sénat examine la teneur d'un mandat adéquat, détaillé et précis pour le comité du sénateur. C'est pourquoi nous devons tenir un débat.
L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, mon intervention prendra la forme d'une question. D'après mon expérience longue de 11 ans au Sénat, je sais que le Sénat accorde des mandats très précis, ne serait-ce que pour respecter les contraintes budgétaires, et il est important que les comités ne dépassent pas les limites de leur mandat. Dans ce cas-ci, puisque la définition de «sécurité» a indubitablement changé, du moins dans nos esprits, depuis le 11 septembre, ne serait-il pas raisonnable de demander au sénateur Kenny de modifier sa motion de manière à ce qu'elle définisse mieux la portée de la sécurité telle qu'elle est définie depuis le 11 septembre? Nous nous sentirions plus à l'aise, nous aurions un mandat plus clair et nous pourrions accomplir davantage de choses si les plans et modalités du sénateur tenaient compte des événements depuis le 11 septembre. Cela ne retarderait pas indûment les choses, mais la définition, la responsabilité et les travaux nécessaires du comité seraient plus clairs.
Son Honneur le Président: Le sénateur Carney a posé une question au sénateur Kenny. La question serait recevable si elle s'adressait au sénateur Murray, qui dispose de sept minutes moins le temps qu'il a déjà pris.
Les honorables sénateurs consentent-ils à permettre au sénateur Carney de poser une question au sénateur Kenny?
[Français]
Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, je suis d'accord pour tenir un débat tout à fait ouvert afin que les sénateurs puissent s'exprimer. Le sénateur Murray avait la parole. Les questions et les commentaires devraient s'adresser au sénateur Murray. Si nous permettons de poser des questions à un autre sénateur, le temps qui restait au sénateur Murray pour répondre à d'autres questions ne lui sera plus dévolu et nous tomberons dans un débat problématique.
[Traduction]
Son Honneur le Président: Je suis d'avis que l'autorisation est refusée. Le sénateur Murray voudrait peut-être faire des observations.
Le sénateur Murray: Je suis d'accord avec ce qu'a dit le sénateur Carney. Face à ce rapport, je vois deux problèmes. Le premier vient du fait que ce qu'il propose va bien au-delà de la règle que nous avons adoptée au moment de la création du comité. Il faudrait en discuter davantage avant de songer à élargir la portée de la règle.
Mon deuxième problème, qui est grave, a trait au budget. Les coûts sont élevés. On parle d'affecter 196 000 $ à un comité que nous venons de créer, simplement pour définir son mandat et son rôle. Je pense que c'est excessif.
[Français]
L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, j'ai cru comprendre au cours du débat que nous ajoutions au concept de sécurité les questions de terrorisme. Comme le dit le sénateur Carney, si nous l'inscrivons ici, c'est précis et restrictif. Les sénateurs membres du Comité des affaires étrangères pourront-ils discuter des aspects de politique étrangère qui découlent du terrorisme? Si le terrorisme est étudié au Comité de la sécurité, le Comité des affaires étrangères n'aura plus le droit d'y toucher, alors que, à mon avis, la majorité des problèmes liés au terrorisme relèvent du champ de la politique étrangère.
Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, nous devons réfléchir avant de procéder avec cette motion. Nous devons en débattre au Sénat. Les rôles respectifs du Comité des affaires étrangères et du nouveau comité du sénateur Kenny doivent être clarifiés.
[Traduction]
L'honorable Laurier L. LaPierre: Honorables sénateurs, si la logique l'emporte, si le Sénat a un Comité de la défense et de la sécurité, il est certain que toutes les institutions et organisations dont parle le sénateur Kenny participent au processus consistant à définir les enjeux. Avec tout le respect que je dois aux sénateurs, devrions-nous nous perdre en futilités en face de l'adversité?
(1650)
Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, je ne me perds pas en futilités. Le comité lui-même propose de faire ses devoirs à un coût de 196 000 $ avant de s'attaquer à une question plus substantielle, de sorte qu'on peut supposer qu'il lui faudra alors un véritable budget.
Son Honneur le Président: Malheureusement, j'informe le sénateur Murray que son temps est écoulé.
L'honorable Jack Wiebe: Honorables sénateurs, j'ai l'impression que, pour une raison ou une autre, nous utilisons cette demande de fonds additionnels pour soulever la crainte concernant ce que le comité fera ou ne fera pas plus tard. C'est très mal.
Le comité exécute le mandat que lui a confié le Sénat. Le Sénat a convenu d'autoriser le comité «à faire une étude préliminaire des principales questions de défense et de sécurité qui touchent le Canada en vue de la préparation d'un plan de travail détaillé pour des études plus poussées».
Notre première tâche consiste à effectuer cet examen et à présenter un plan détaillé. Je suis persuadé que tous les membres du comité des deux côtés de la Chambre croient fermement que le travail de ce comité est essentiel. Les choses ont peut-être changé à cause des événements du 11 septembre, mais cela ne devrait pas diminuer le mandat que le Sénat a attribué au comité. Si certains sénateurs ont des sujets de préoccupation qu'ils voudraient confier à l'examen du comité, qu'ils présentent une motion distincte à ce sujet. Ne brouillons pas les cartes avec deux ou trois choses différentes. Le comité est à l'oeuvre et respecte le mandat que le Sénat lui a donné. Nous devrions le laisser faire son travail et présenter son rapport. Si certains sénateurs estiment que le comité ne devrait pas étudier certaines questions qui devraient plutôt être confiées à d'autres comités, qu'ils présentent une motion en conséquence.
Le sénateur Carney: Honorables sénateurs, je viens de rentrer de Colombie-Britannique, où j'ai passé une semaine à parler avec des gens de cette province. Ils croient que le gouvernement n'a pas fait grand-chose pour faire face à la réalité du 11 septembre et que la réaction des libéraux aux événements du 11 septembre a été à tout le moins faible.
J'appuie les préoccupations du sénateur Murray à ce sujet. Je pense qu'il ne serait pas dans notre intérêt d'approuver la motion du sénateur Kenny en vue d'établir le mandat pour l'étude d'une situation que les Canadiens, sinon le gouvernement, considèrent très grave. Il faudrait se rendre compte un peu de la réalité. Le sénateur Kenny et son comité voudront peut-être tenir compte du sage conseil du sénateur Murray et entreprendre leur travail en se disant qu'ils traiteront des sujets de préoccupation des Canadiens au lieu d'établir simplement un dispendieux plan de travail pour définir un programme d'action. Tous les Canadiens que je connais savent en quoi consiste le programme d'action et quelles sont leurs préoccupations. Ils voudraient que le gouvernement, y compris le Sénat du Canada, aborde ces sujets de préoccupation.
(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)
[Français]
TRANSPORTS ET COMMUNICATIONS
MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À ÉTUDIER LES MESURES À PRENDRE POUR ENCOURAGER LA RADIODIFFUSION DE LANGUE FRANÇAISE—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Gauthier, appuyée par l'honorable sénateur Gill,
Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à examiner et à faire rapport sur les mesures à prendre pour encourager et favoriser la prestation et l'accès au plus large éventail possible de radiodiffusion de langue française dans les communautés de minorités francophones du Canada.—(L'honorable sénateur LaPierre).
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorables sénateurs, j'ai la permission du sénateur LaPierre de participer à la reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Gauthier, laquelle était inscrite en son nom. Il est convenu que cette motion restera inscrite au nom du sénateur LaPierre.
Honorables sénateurs, j'appuie la motion no 65 présentée par le sénateur Gauthier, le 19 septembre dernier.
Mon appui à cette motion repose en partie sur le rapport du CRTC intitulé «Vers un avenir mieux équilibré». Ce rapport fait état des nombreuses préoccupations de diverses communautés francophones au Canada. Ces communautés ont non seulement dénoncé l'inégalité du service et la difficulté d'accès aux services de radiodiffusion de langue française, mais déploré également l'insuffisance de contenu reflétant leurs caractéristiques propres. Les associations et les individus ont fait part de leurs inquiétudes face au manque de représentation fidèle des communautés dans lesquelles ils vivent. Comme vous le savez, ces communautés sont souvent rurales et de petite taille. C'est pourquoi, dans son Rapport annuel 2000-2001, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada a dénoncé les faits suivants:
La première demande vise à libérer les petits câblodistributeurs de Classe 3 (2000 foyers et moins) d'une vaste gamme d'obligations envers le CRTC et le public, notamment en les exemptant du processus de renouvellement de licence de diffusion.
Le sénateur Gauthier l'a aussi mentionné dans son discours du 19 septembre:
L'autre demande ferait en sorte d'élargir la définition de ce qu'est un câblodistributeur de Classe 3 à 2 000 foyers et moins, ce qui étendrait considérablement la portée de la première demande.
Bien entendu, la FCFA s'oppose à ces demandes et a demandé au CRTC de les refuser aux câblodistributeurs, notamment, puisque le processus de renouvellement constitue une occasion privilégiée d'examiner le comportement d'une entreprise de câblodistribution.
Le Rapport annuel 2000-2001 du Commissariat aux langues officielles note, à la page 70:
Au cours de l'exercice 2000-2001, le CRTC a rendu plusieurs décisions allant à l'encontre de l'engagement du gouvernement visant à favoriser l'épanouissement des minorités de langues officielles et à encourager la progression vers l'égalité du français et de l'anglais au sein de la société canadienne.
Rappelons que le CRTC n'a pas acquiescé à la demande de TVOntario de garantir la diffusion de sa chaîne française, TFO, au Québec.
Le CRTC a également refusé d'accorder une licence de diffusion à un projet de radio communautaire de langue française à Toronto. La radio communautaire permet pourtant aux communautés minoritaires de s'informer et de communiquer dans leur langue. Elle constitue un excellent outil pour briser l'isolement des communautés.
Honorables sénateurs, en tant que sénateur du Nouveau-Brunswick, je partage les inquiétudes et les demandes de la FCFA, de la commissaire aux langues officielles et de nombreux Canadiens et Canadiennes.
Nous voulons avoir un portrait des réalités des différentes communautés francophones et acadienne d'un bout à l'autre du pays. Nous voulons avoir accès à un plus grand nombre de services de radiodiffusion de langue française, à une production accrue d'émissions de qualité et à un meilleur reflet à l'écran chez les radiodiffuseurs conventionnels publics et privés, éducatifs, spécialisés et communautaires.
J'espère sincèrement que les délibérations qui auront lieu au Comité des transports et des communications mèneront à des propositions qui seront étudiées avec la plus grande attention afin qu'elles profitent à l'épanouissement et au développement économique des communautés francophones et acadienne.
(Sur la motion du sénateur LaPierre, le débat est ajourné.)
[Traduction]
(1700)
L'HYMNE NATIONAL
INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Poy, attirant l'attention du Sénat sur l'hymne national.—(L'honorable sénateur Spivak).
L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, je suis heureuse de parler de la motion et de me dire en faveur du changement que le sénateur Poy propose à notre hymne national. Je serai brève, car des intervenants précédents ont beaucoup parlé de la question.
Pendant nos vacances d'été, il y a eu un débat public considérable sur la proposition de modifier les quelques mots de notre hymne national que bien des Canadiens considèrent vieillis et excluant les femmes. Les médias ont fait de nombreux reportages sur cette proposition, chaque reportage suscitant l'envoi au rédacteur de lettres pour ou contre le projet de loi.
Des sondages ont été réalisés. Les résultats ne semblent pas montrer qu'une majorité de Canadiens voient la nécessité de remplacer, dans la version anglaise, les mots «in all thy sons command» par des mots qui englobent clairement les femmes, mais ce sont les jeunes femmes qui sont le plus convaincues qu'il est temps d'apporter ce changement. C'est important.
Comme on peut facilement le deviner, ceux qui préconisent le statu quo sont ceux qui chantent les mêmes paroles depuis des décennies sans penser qu'elles reflètent une société où les possibilités, les rôles et les responsabilités des femmes étaient bien différents de ce qu'ils sont aujourd'hui. Ce sont les jeunes femmes qui constatent et ressentent l'anomalie. Elles savent que le Canada est devenu une nation où les femmes sont des partenaires à part entière, dans les professions comme la médecine, le droit, le commerce ou la finance, dans la gestion de nos institutions, y compris celles du gouvernement fédéral, dans le contexte de notre travail ici au Parlement et même dans le domaine militaire. Elles trouvent un peu étrange de chanter un hymne clamant que seuls les «fils» de la patrie peuvent bâtir et défendre le pays.
Les lettres de jeunes femmes et les articles de journaux écrits par des jeunes femmes sont convaincants. Je me permets d'en citer un.
Catherine Clark, fille du chef du Parti progressiste-conservateur, a écrit, dans son premier article publié dans le Toronto Star cet été:
En 1992, à l'âge de 14 ans, à l'occasion de la fête du Canada, par une belle journée ensoleillée, j'étais sur la colline du Parlement en présence de Sa Majesté la Reine quand j'ai constaté que mon hymne national m'excluait...
[...] il parlait des fils de la patrie [...] mais pas de moi et pas des filles de mon pays. À l'époque où ils furent écrits, ces vers étaient conformes à la réalité car c'est ainsi que les gens s'exprimaient alors. Mais, à mes oreilles d'adolescente de fin du XXe siècle, ils n'avaient pas vraiment de sens.
Il ne s'agit pas de rectitude politique; il s'agit de reconnaître que près d'un siècle s'est écoulé depuis que cet hymne a été composé. Tout comme on renforcerait les fondations d'une vieille maison pour qu'elle tienne debout, nous devons renforcer le sens du «Ô Canada» afin qu'il demeure pertinent pour tous les Canadiens.
Honorables sénateurs, nous devons peser ces réflexions et nous demander si cette modification minime, mais significative, des paroles de notre hymne national peut faire plus de bien que de mal.
Il y a eu récemment les attaques suicides tragiques et horribles contre le World Trade Center de New York et le Pentagone à Washington. Comme tant d'autres l'ont déjà dit, le monde a changé.
Un petit changement a été évident sur la colline du Parlement au cours de la triste cérémonie du 14 septembre qui a réuni 100 000 personnes venues pour pleurer et manifester leur soutien à nos amis américains. Deux hymnes ont été chantés au cours de cette brève cérémonie, le nôtre et le Star-Spangled Banner. Beaucoup en ont été émus aux larmes dans cette assemblée et certainement parmi les millions de téléspectateurs.
Les mots de notre hymne qui ont résonné aussi clair que la cloche de la Tour de la paix ne sont pas ceux que nous considérons dans la motion à l'étude. Les mots «glorious and free» ont touché le coeur des Canadiens, nous rappelant ce qui nous est cher et ce qui nous semble aujourd'hui menacé. Ce fut un frappant rappel de la capacité de l'hymne national d'exprimer nos valeurs, de nous émouvoir et d'unir une société diverse dans nos espérances et nos prières les plus profondes.
En des jours plus heureux, lorsque l'hymne national retentit pour un athlète canadien qui a remporté une médaille olympique, par exemple, il éveille non seulement la fierté nationale, mais aussi un sentiment de fraternité. Pendant un bref moment, les Canadiens partagent la joie de l'homme ou de la femme qui a pris part aux compétitions comme membre de l'équipe canadienne.
Un hymne national, c'est autre chose que des mots sans conséquences et un refrain facile à fredonner, comme certains l'ont dit. C'est l'expression de notre identité, de nos valeurs, de notre solidarité. Si quelques mots dépassés semblent exclure la moitié de notre population, notamment les jeunes femmes, je suis sûre que nous avons la maturité nécessaire pour apporter ce petit changement.
(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)
LA CHAÎNE D'AFFAIRES PUBLIQUES PAR CÂBLE
LE SERVICE DE SOUS-TITRAGE—INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Gauthier, attirant l'attention du Sénat sur les négociations en cours concernant le renouvellement de l'entente de radio-télédiffusion entre le Sénat et CPAC (la Chaîne d'affaires publiques par câble), afin que celles-ci incluent le sous-titrage des débats parlementaires autorisés à la télévision et que le renouvellement de cette entente donne suite aux engagements de CPAC concernant les services aux malentendants.—(L'honorable sénateur Kroft).
L'honorable Richard H. Kroft: Honorables sénateurs, mes observations d'aujourd'hui sur cette interpellation seront succinctes. Je veux toutefois profiter de cette occasion pour apporter quelques éclaircissements au Sénat.
Notre Comité de la régie interne est saisi de cette question, et des négociations sérieuses sont en cours avec CPAC concernant une vaste gamme de questions, dont le sous-titrage.
En menant ces négociations, le comité et les représentants concernés sont bien conscients de l'obligation qui incombe au Sénat de communiquer avec tous les Canadiens, et tiennent compte en particulier des recommandations que le Comité mixte permanent des langues officielles a incluses dans son rapport de mai 2001.
Notre Comité de la régie interne travaille avec l'administration du Sénat afin d'étudier, outre la question du sous-titrage, diverses technologies nouvelles, cela dans le but d'améliorer les communications au Sénat, au sein de nos comités et avec l'ensemble des Canadiens. Les sénateurs devraient savoir que le Sénat est un chef de file dans la transmission et la traduction des débats, et nous ne négligeons aucune occasion de mettre cette capacité au service du Sénat et de la population.
Honorables sénateurs, je m'engage à tenir le Sénat au courant de l'évolution de la situation et, à cette fin, je demande que le débat soit ajourné à mon nom.
(Sur la motion du sénateur Kroft, le débat est ajourné.)
QUESTION DE PRIVILÈGE
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous voici maintenant rendus au point de nos travaux où, conformément au paragraphe 43(8) du Règlement du Sénat, nous prenons en considération la question de privilège dont le sénateur Cools a donné préavis au cours de la période prévue pour les déclarations de sénateurs.
(1710)
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, comme c'est évident pour la plupart d'entre vous, je ne suis pas prête à prendre la parole à ce stade. J'ai donné avis par écrit ce matin, conformément au Règlement. J'ai aussi donné avis oral au cours de la période réservée aux déclarations de sénateurs. J'ai alors indiqué que je prendrais la parole.
Honorables sénateurs, contrairement à ce que j'ai indiqué, je ne prendrai pas la parole à ce stade principalement parce que la décision du sénateur Hays a en quelque sorte rendu inutile la question de privilège que j'avais l'intention de soulever. Ce qui s'est passé à la Chambre a rendu inutile ma question de privilège. J'avais l'intention de soulever des questions sur lesquelles, essentiellement, Son Honneur s'est prononcé.
J'avais espéré que, compte tenu de l'avis que j'avais donné, Son Honneur aurait attendu une heure ou deux avant de se prononcer sur la question de privilège soulevée par le sénateur Lynch-Staunton. Cela m'aurait donné plus de latitude. Toutefois, dans les circonstances, puisque Son Honneur s'est prononcé sur certaines questions que je voulais soulever, il serait préférable de prendre la parole un autre jour, à un autre moment.
Honorables sénateurs, je réfléchirai à la question de savoir si je désire prendre la parole en vertu de cet article du Règlement ou si je désire la prendre, moyennant avis, en vertu d'autres articles et attendre d'autres circonstances pour proposer une motion.
Honorables sénateurs, je ne prendrai pas la parole aujourd'hui en vertu de cet article du Règlement.
Son Honneur le Président: Nous passons maintenant aux autres questions qui figurent au Feuilleton des avis.
LES DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE PROTÉGEANT LES MÉDICAMENTS BREVETÉS
INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Sheila Finestone, ayant donné avis le 14 juin 2001:
Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur trois maladies qui ravagent le monde en développement et qui portent beaucoup de gens à se demander si les droits de propriété intellectuelle qui protègent les médicaments brevetés ne priment pas sur la protection des vies humaines.
— Honorables sénateurs, imaginez que vous vivez dans un pays en développement, où vous avez à peine assez d'argent pour vous nourrir, et encore moins pour acheter des médicaments d'ordonnance coûteux venant des pays occidentaux. Imaginez qu'un membre de votre famille est gravement malade. Que feriez-vous?
Pour des milliards de gens sur notre planète, ce n'est pas là une considération théorique. Voici les faits concernant trois maladies graves qui déciment le monde en développement, soit la tuberculose, le VIH/sida et la malaria. La plupart des statistiques que je suis sur le point de partager avec les sénateurs viennent de l'Organisation mondiale de la santé, mais une bonne partie de ce que je vais dire s'appuie sur la compréhension que j'ai acquise de la situation en visitant certains de ces pays.
Chaque année, la tuberculose tue 2 millions de gens partout dans le monde, et 8 millions de nouveaux cas se déclarent. Aussi incroyable que cela puisse paraître, on estime que 2 milliards de personnes sont porteuses du virus de la tuberculose dans le monde, dont presque 200 millions développeront la maladie. Ce qui est le plus troublant, c'est que les experts du domaine médical commencent à voir apparaître une forme de tuberculose virulente qui résiste aux médicaments, en partie à cause de l'inaccessibilité et de la mauvaise utilisation des antibiotiques nécessaires.
Il est particulièrement inquiétant de constater qu'à la différence du VIH/sida, transmis par du sang ou du sperme contaminé, la tuberculose, comme certains le savent, est transmise par voie aérogène.
Penchons-nous sur la question du VIH/sida. Au cours des deux dernières décennies, il a coûté la vie à 22 millions de personnes, soit un peu plus d'un million de personnes par année à l'échelle planétaire. Dans 90 p. 100 des cas, ces décès surviennent dans le tiers monde. En Afrique, la maladie a rendu orphelins 12 millions d'enfants. Compte tenu des récents événements, ces chiffres sont renversants. Ils mettent mieux en évidence les changements intervenus dans le monde.
En Afrique du Sud, un des pays les plus développés du continent, un adulte sur cinq est contaminé. Toutefois, à la différence de ce qui se passe dans le cas de la tuberculose, il n'y a pas encore de cure pour cette maladie; on ne trouve que des médicaments au coût prohibitif servant à prolonger la vie.
La malaria est un problème de santé dans plus de 90 pays qui comprennent 2,4 milliards d'habitants ou 40 p. 100 de la population mondiale. De ce nombre, 500 millions de personnes sont infectées ou réinfectées à chaque année par la malaria. Plus d'un million de personnes meurent chaque année des suites d'une des quatre souches de la maladie. De ce nombre, 700 000 sont des enfants de moins de cinq ans. En réalité, la malaria tue un enfant toutes les 30 secondes — un bilan qui excède de beaucoup le taux de mortalité attribuable au sida.
L'enfant africain moyen de moins de cinq ans subit des crises de malaria six fois par année. Des enfants meurent moins de 72 heures après avoir acquis des symptômes. Chez ceux qui survivent, la malaria draine des substances nutritives vitales, ce qui entrave leur développement physique et intellectuel. La malaria est aussi une des principales causes de la piètre fréquentation scolaire.
Ensemble, la tuberculose, le VIH/sida et la malaria tuent 4,1 millions de personnes par année. En huit ans seulement, cela équivaut à la disparition de la face de la terre de la population entière du Canada.
Notre gouvernement a alloué des crédits de 204 millions de dollars pour lutter contre chacune de ces maladies au moyen de diverses initiatives, mais je tiens à attirer l'attention des honorables sénateurs sur le fait que, sauf en ce qui concerne le VIH/sida, moins de un pour cent des travaux actuels de recherche et de développement servent à produire des médicaments destinés à combattre les maladies tropicales.
En juin dernier, le Financial Post a publié un article sur le conflit qui opposait les membres africains de l'OMS et les grandes sociétés pharmaceutiques transnationales à propos des ententes actuelles de l'OMS sur les droits de propriété intellectuelle. Leur principal sujet de plainte avait trait à l'augmentation spectaculaire et continue des prix des médicaments, une augmentation qu'ils estiment attribuables aux garanties existantes de protection des brevets. Il n'est pas étonnant de voir les sociétés pharmaceutiques affirmer que les brevets ne constituent pas le problème.
Il est vrai que les ententes de l'OMS concernant les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, ou ADPIC, prévoient une dérogation aux brevets en cas de situation de crise en matière de santé, mais l'OMS soutient que l'on n'invoque tout simplement pas la disposition de dérogation aux brevets. Pourquoi?
Des organismes comme Oxfam et Médecins sans frontières disent que cela est attribuable à l'introduction et à l'application rigoureuse par l'OMS de mesures de protection par brevet des médicaments pour les pays en voie de développement depuis l'année 2000. Cela a par la suite contribué à faire grimper énormément les prix des médicaments. Comme l'augmentation des prix des médicaments réduit l'accès au traitement, cela fait grimper les taux d'atteinte des maladies tropicales dans les pays en voie de développement.
Quand on pense à la propagation de la maladie, les frontières n'existent plus. Pensons par exemple au virus du Nil occidental. En deux ans à peine, il est passé de New York à Toronto. La malaria ou d'autres maladies tropicales ne peuvent-elles pas en faire autant?
L'immigration illégale d'habitants de pays en développement vers l'Europe, l'Australie, les États-Unis et le Canada constitue également un problème. Les responsables canadiens de la santé se sont retrouvés sur un pied d'alerte deux fois au cours des dernières années. La première fois, lorsqu'on a découvert bon nombre de réfugiés tibétains de l'Inde, porteurs d'une souche de tuberculose chimio-résistante, et la deuxième, plus récemment, lorsqu'on a cru qu'une femme africaine était infectée par le très contagieux virus d'Ebola.
Les événements survenus récemment à New York et à Washington ainsi que les nouvelles transmises hier sur l'utilisation possible d'avions pour le traitement des récoltes pour propager de dangereux agents biologiques ont ajouté des éléments nouveaux. À mon avis, ce n'est qu'une question de temps avant qu'un terroriste kamikaze portant délibérément un virus hautement contagieux n'arrive en Amérique du Nord.
Déjà en 1970, un comité de l'Organisation mondiale de la santé avait évalué que si 50 kilogrammes d'un microbe connu sous le nom de Francisella tularenis étaient libérés dans l'air au-dessus d'une ville comptant 5 millions de personnes, 250 000 d'entre elles seraient frappées d'incapacité et 19 000 mourraient étouffées. La situation dans les salles d'urgence de nos hôpitaux, qui sont déjà encombrées, deviendrait un vrai cauchemar. Pour en apprendre davantage, les sénateurs devraient prendre connaissance d'un court article sur le bio-terrorisme, paru dans l'édition du 16 septembre du Toronto Star.
(1720)
Il faut comprendre que la détermination de l'Occident à mettre au point des médicaments adaptés aux problèmes affligeant les Nord-Américains, l'impuissance par exemple, nous a rendus terriblement vulnérables à des maladies tropicales auxquelles, dans notre complaisance, nous avons omis de nous intéresser.
Dans Un chant de Noël de Dickens, Scrooge voit deux enfants cachés dans les plis de la robe de l'esprit des Noëls futurs. Scrooge demande ce que représentent ces enfants et l'esprit répond qu'un est l'ignorance et l'autre, la misère. «Gardez-vous de l'un et de l'autre, dit l'esprit, mais surtout du premier, car sur son front je vois écrit: Condamnation... hâtez-vous d'effacer ce mot.»
En février 1844, peu après la première publication de Un chant de Noël, Dickens prononce un discours à l'Université de Birmingham, dans lequel il dit:
Longtemps prisonnière d'une négligence obtuse et plombée, si elle est relâchée en temps opportun, l'ignorance saura se montrer reconnaissante envers la société en lui procurant des bienfaits; mais qu'on la laisse pâtir des années durant, et sa vengeance sera amère et destructrice.
Avons-nous, par mégarde, péché par omission? Que dire de nos lois actuelles régissant la propriété intellectuelle? Que dire de leurs rapports avec les médicaments délivrés sur ordonnance? Quelle incidence l'appui que nous manifestons à l'industrie pharmaceutique peut-elle bien avoir sur le tiers monde? Vingt ans. Vous vous rappelez?
Croyons-nous vraiment que l'Accord sur les ADPIC a aussi bien servi l'humanité que nous l'espérions ou avons-nous semé l'ignorance et l'envie dans des pays éloignés, ce qui nous vaut aujourd'hui d'envisager le pire des scénarios?
Comme je l'ai laissé entendre un peu plus tôt, même ici, au Canada, les gens commencent à ressentir les répercussions de nos politiques en raison de l'augmentation des coûts des soins de santé. Selon le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, en quatre ans, soit de 1995 à 1998, la vente des médicaments brevetés par rapport à la vente de l'ensemble des médicaments s'est accrue, passant d'un peu moins de 44 p. 100 à 55,1 p. 100 des dépenses totales en matière de santé. De plus, Santé Canada soutient que, en 1996, et ce sont les plus récentes données que je possède, l'achat de médicaments délivrés sur ordonnance représentait 45,8 p. 100 des frais médicaux engagés au Canada, ce qui est énorme. En 1999-2000, le coût des médicaments brevetés a augmenté de 16,7 p. 100, à un moment où l'inflation était peu élevée. En 2000, les ventes de médicaments brevetés ont totalisé 6,3 milliards de dollars, ce qui représente 63 p. 100 de l'ensemble des ventes de médicaments à usage humain au Canada.
Selon l'édition d'août 2001 de la revue Canadian Medical Journal, les produits pharmaceutiques constituent le facteur des coûts des soins de santé qui augmente le plus rapidement au Canada, puisqu'il augmente trois fois plus rapidement que le taux annuel d'inflation. Pas surprenant que les personnes âgées à revenu fixe aient parfois à choisir entre l'achat d'aliments ou l'achat de médicaments! Imaginons la situation encore plus difficile que vivent les habitants des régions en développement.
Ironiquement, parmi tous les pays industrialisés, c'est au Canada que le coût des médicaments brevetés est encore le plus faible, grâce surtout au Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés.
Pourquoi, dans ce cas, les prix des médicaments ont-ils augmenté? Un représentant de l'AMC a déclaré que cela est attribuable aux longs efforts de recherche et de développement dans le domaine des sciences médicales, éperonnés par les découvertes découlant du projet sur le génome humain. Parce qu'aux découvertes à l'avant-garde de la science se rattache un prix, il est probable que cette tendance se poursuive. Mais cela n'est pas pour rassurer le monde en développement, où la tuberculose, la malaria et le sida continuent de faire des ravages.
L'organisme Médecins sans frontières a recommandé une démarche concertée en cinq étapes. La première étape consiste en la mise en oeuvre d'une politique de prix équitable à travers le monde. La deuxième étape exige la création de diverses autorités régionales en matière d'acquisition. La troisième étape verra l'entrée de fabricants de produits génériques dans certains pays. La quatrième étape consiste à forcer les fabricants de médicaments brevetés à autoriser leurs producteurs locaux à fabriquer une gamme de médicaments pour combattre des maladies très dangereuses. La cinquième étape sera de mettre en application les mesures de protection prévues dans l'Accord sur les ADPIC.
Je ne pense pas avoir le temps d'élaborer sur chacune de ces étapes, mais je vais cependant vous brosser rapidement un tableau de la situation.
La première étape a trait à la mise en place d'un système d'établissement des prix équitable dans le monde entier. En termes simples, un tel système, aussi connu sous le nom de différentiation des prix ou de segmentation des marchés, vise à ajuster les prix des médicaments brevetés en fonction de l'économie du pays où ils sont utilisés. Par exemple, si le prix d'un antibiotique servant au traitement de la tuberculose représente le salaire d'une journée de travail, au salaire minimum ici au Canada, le même principe s'appliquerait dans un pays en voie de développement.
L'inconvénient de cette approche est que, jusqu'à maintenant, cela se faisait sur une base purement volontaire de la part des fabricants transnationaux de médicaments. L'histoire montre que cela fonctionne uniquement lorsqu'une très forte pression internationale s'exerce sur les fabricants de médicaments et ternit leur réputation, qui est bonne par ailleurs. C'est seulement dans un tel cas que les compagnies rajustent «volontairement» leurs prix. Certains craignent que des médicaments brevetés moins chers ne tombent entre les mains de représentants corrompus et ne se retrouvent sur le marché noir.
La deuxième voie permettrait aux «responsables des achats régionaux» de négocier le prix d'une gamme particulière de médicaments brevetés pour toute une région, l'Afrique par exemple, en échange de l'accès à un marché où le volume est important.
La troisième voie laisserait des «compétiteurs fabricants de produits génériques» entrer dans d'autres territoires. Il y aurait un problème de taille, car cela contredirait les accords existants sur les droits de propriété intellectuelle que respectent les pays développés. Cela pourrait entraîner des «pertes de produits» d'un côté à l'autre d'une frontière, éliminant la stabilité du marché local.
La quatrième voie obligerait les fabricants de médicaments brevetés à octroyer des «permis» à des producteurs locaux pour qu'ils fabriquent une gamme spéciale de médicaments brevetés pour combattre certaines maladies à haut risque. Un avantage serait que nous pourrions partager le savoir-faire technologique avec divers pays en développement. Un inconvénient est que, si jamais un régime corrompu saisissait le pouvoir politique par des moyens antidémocratiques, des fonctionnaires corrompus seraient de nouveau en mesure de chaparder les approvisionnements ou pire, de détourner la capacité de fabriquer des médicaments afin de mettre au point des armes biologiques et chimiques.
Enfin, nous en venons à la cinquième étape, soit la mise en oeuvre de l'Accord sur les ADPIC. Cet accord oblige les fabricants de médicaments brevetés à obtenir une licence ou à permettre l'importation parallèle de produits génériques dans des marchés donnés en cas de crise médicale. C'est là qu'intervient le Canada. Nous pouvons veiller à ce que les mesures de sauvegarde de l'Accord sur les ADPIC ne restent pas lettre morte. Nous pouvons le faire en élargissant le mandat de la Commission d'examen du prix des médicaments brevetés du Canada afin qu'il comprenne des pays en développement où on suppose qu'il y a une crise médicale. La commission d'examen pourrait être habilitée à travailler avec des organismes parallèles du G-8 pour veiller à ce qu'une approche commune soit adoptée par tous les pays développés en matière de tuberculose, de malaria et de VIH/sida.
Selon une autre approche, on lierait les brevets des nouveaux médicaments au déploiement de nouveaux efforts de R-D dans la lutte contre des maladies tropicales données. Les sociétés pharmaceutiques devraient affecter un pourcentage raisonnable de tous leurs bénéfices tirés des nouveaux médicaments à la recherche sur une maladie en particulier.
Je pourrais continuer encore, honorables sénateurs, mais l'important, c'est que nous devons reconnaître ce qui suit. Nous vivons dans un monde où les barrières aux de maladies comme le virus du Nil occidental, le virus d'Ebola, la tuberculose, peut-être même la malaria et d'autres horreurs commencent à disparaître en raison des voyages aériens internationaux modernes, de l'immigration illégale, des changements climatiques et même du terrorisme. En ce sens, nous logeons tous à la même enseigne. Si nous choisissons de jouer à l'autruche, je crains que nous n'ayons déjà engendré cet enfant qui, comme le disait Dickens, porte le mot «condamnation» sur son front et qu'à cause de notre propre ignorance, nous n'ayons signé notre arrêt de mort.
(Sur la motion du sénateur Poy, le débat est ajourné.)
(Le Sénat s'ajourne au mercredi 3 octobre 2001, à 13 h 30.)