Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
1re Session, 37e Législature,
Volume 139, Numéro 64
Le mardi 30 octobre 2001
L'honorable Dan Hays, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- Le greffier du Sénat
- L'Accord de transfert au Yukon d'attributions relevant du programme des affaires du Nord
- L'étude du rôle du gouvernement dans le financement des frais d'entretien différés des établissements d'enseignement postsecondaire
- Le greffier du Sénat
- L'ajournement
- Projet de loi sur le Tribunal d'appel des transports du Canada
- Visiteurs de marque
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Les travaux du Sénat
- Projet de loi sur l'immigration et la protection des réfugiés
- Le remplacement des hélicoptères Sea King
- Les travaux du Sénat
- Projet de loi sur l'immigration et la protection des réfugiés
- Agriculture et forêts
- La Loi sur l'expansion des exportations
- Projet de loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Costa Rica
- Projet de loi de 2001 pour la mise en oeuvre de conventions fiscales
- La Loi du Traité des eaux limitrophes internationales
- Les travaux du Sénat
- Annex
LE SÉNAT
Le mardi 30 octobre 2001
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
LE DÉCÈS DE M. JEAN-MARC OUELLET
HOMMAGES
L'honorable Richard H. Kroft: Honorables sénateurs, c'est avec tristesse que je vous informe du décès de M. Jean-Marc Ouellet.
[Traduction]
M. Ouellet est arrivé au Sénat il y a dix ans et a été depuis l'un des trois chauffeurs qui nous ont tous si bien servis. Vendredi dernier a commencé comme une journée de travail ordinaire pour Jean-Marc. Il a pris son poste tôt, à son habitude, mais avant de commencer sa tournée — qu'il ponctuait toujours de son chaud sourire et de sa bonne humeur —, il a perdu connaissance. Tous les efforts déployés par les agents de la GRC et par notre propre personnel de sécurité pour le ranimer ont malheureusement échoué. Jean Marc Ouellet est décédé à 7 h 10 du matin le 26 octobre. Ses funérailles ont eu lieu ce matin à 11 h 30, en présence des membres de sa famille, de sénateurs, d'amis et de collègues du Sénat. Je sais qu'il nous manquera tous.
[Français]
Je vous invite à vous joindre à moi pour offrir à sa famille nos plus sincères condoléances. Nos pensées et nos prières vont plus particulièrement à son épouse, Joyce, et à ses enfants, Lynn et Michael.
[Traduction]
Nos pensées et nos prières s'adressent particulièrement à sa femme, Joyce, qui travaille pour le Service d'entretien du Sénat, à sa fille, Lynn Ouellet, qui fait partie du Service de sécurité du Sénat, à son fils, Michael et aux membres de leur famille.
[Français]
L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, la semaine dernière, le Sénat a perdu l'un de ses dévoués employés, M. Jean-Marc Ouellet. Ce matin, la diversité des personnes venues en grand nombre assister à sa messe funéraire reflétait les valeurs clés que véhiculait Jean-Marc. Je pense à son respect des autres, à sa générosité, à sa jovialité et à son implication communautaire. Toutefois, je me souviens avant tout de son enthousiasme affectueux pour sa famille: son épouse Joyce, sa fille Lynn, son fils Michael et son petit-fils Maxime. C'était pour le petit Maxime que tous les sénateurs remettaient fidèlement à Jean-Marc les épinglettes que nous recevions en cadeau de toutes les régions du Canada et de tous les coins du monde. En rendant hommage à Jean-Marc Ouellet aujourd'hui, je rends hommage au personnel du Sénat du Canada.
[Traduction]
L'HONORABLE EDWARD M. LAWSON
REMERCIEMENTS POUR LES VOEUX DE PROMPT RÉTABLISSEMENT
L'honorable Edward M. Lawson: Honorables sénateurs, je voudrais prendre quelques instants pour vous remercier de l'amabilité et de la courtoisie dont vous avez fait preuve en m'envoyant des fleurs lors de ma récente visite à l'hôpital de Seattle, dans l'État de Washington, où j'ai servi de cobaye pour le sénateur Kirby et son comité, qui étudient la différence entre la médecine privée et la médecine publique. Je voudrais remercier le leader du gouvernement et son équipe pour leur gentillesse, le sénateur Lynch-Staunton et tous les autres sénateurs qui m'ont envoyé des notes, des cartes, des courriels et des voeux de prompt rétablissement. Je peux vous affirmer, en connaissance de cause, que ces témoignages d'amitié contribuent sensiblement au processus de guérison, en donnant l'assurance qu'on fait partie d'une institution qui compte tant de personnes généreuses et sincères. Merci à tous.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
LE GREFFIER DU SÉNAT
DÉPÔT DES COMPTES ANNUELS
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur d'informer le Sénat que, conformément à l'article 133 du Règlement du Sénat, le greffier du Sénat a déposé un état détaillé de ses recettes et dépenses pour l'exercice financier clos le 31 mars 2001.
L'ACCORD DE TRANSFERT AU YUKON D'ATTRIBUTIONS RELEVANT DU PROGRAMME DES AFFAIRES DU NORD
DÉPÔT
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer à la Chambre, dans les deux langues officielles, l'Accord de transfert au Yukon d'attributions relevant du programme des Affaires du Nord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Yukon.
[Traduction]
L'ÉTUDE DU RÔLE DU GOUVERNEMENT DANS LE FINANCEMENT DES FRAIS D'ENTRETIEN DIFFÉRÉS DES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT POSTSECONDAIRE
DÉPÔT DU RAPPORT DU COMITÉ DES FINANCES NATIONALES
L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales concernant le rôle du gouvernement dans le financement des frais d'entretien différés des établissements d'enseignement postsecondaire du Canada.
Conformément au paragraphe 97(3) du Règlement, je propose que l'étude du rapport soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée.)
[Français]
(1410)
LE GREFFIER DU SÉNAT
RENVOI DES COMPTES ANNUELS AU COMITÉ DE LA RÉGIE INTERNE, DES BUDGETS ET DE L'ADMINITRATION
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)f) du Règlement, je propose que les comptes du greffier soient renvoyés au Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
(1410)
L'AJOURNEMENT
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose:
Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le mercredi 31 octobre 2001, à 13 h 30.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
PROJET DE LOI SUR LE TRIBUNAL D'APPEL DES TRANSPORTS DU CANADA
PREMIÈRE LECTURE
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-34, Loi portant constitution du Tribunal d'appel des transports du Canada et modifiant certaines lois en conséquence.
(Le projet de loi est lu une première fois.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Gill, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)
[Traduction]
VISITEURS DE MARQUE
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer à la période des questions, je voudrais attirer votre attention sur la présence à la tribune nord d'un groupe de personnes qui participent à la Journée du partenariat du Sénat. Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
PÉRIODE DES QUESTIONS
LA SANTÉ
L'APPROBATION DU CIPRO POUR LE TRAITEMENT DE LA MALADIE DU CHARBON
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. À la lumière des récentes déclarations faites par les autorités de la santé aux États-Unis, qui comprenaient un avertissement selon lequel «la sécurité et l'efficacité du Cipro pour le traitement de la maladie du charbon chez les enfants, les adolescents — c'est-à-dire les moins de 18 ans —, les femmes enceintes et les mères qui allaitent leur bébé n'ont pas été établies», pourquoi le gouvernement du Canada a-t-il pris la décision de constituer des stocks de Cipro comme médicament de choix pour le traitement du charbon chez les enfants?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement du Canada n'est pas en train de constituer des stocks de Cipro pour le traitement des enfants. Il constitue en fait des stocks de Cipro, ou plus précisément de ciprofloxacine, ainsi que de doxycycline, d'amixacilline, de tétracycline et de pénicilline, c'est-à-dire de tout un éventail d'antibiotiques parce qu'il a été établi depuis quelques années que certains antibiotiques sont efficaces chez certains patients sous certaines conditions, mais pas nécessairement chez tous.
Par exemple, le sénateur Kinsella a parlé de femmes qui allaitent leur bébé. Dans ce cas particulier, le Cipro n'est pas le médicament recommandé. L'un des autres produits pharmaceutiques dont Santé Canada constitue des stocks serait plutôt prescrit.
LA CONSTITUTION DE STOCKS DE MÉDICAMENTS ANTI-CHARBON
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Madame le ministre aurait-elle l'obligeance de fournir à la Chambre la liste des médicaments dont Santé Canada constitue des stocks pour faire face à la situation?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Il y a cinq médicaments. Je peux tout de suite fournir cette information à l'honorable sénateur.
Le premier est le Cipro. Le second est la doxycycline. Le troisième est l'amixacilline. Le quatrième est la tétracycline, et le cinquième, la pénicilline. Ces produits ont été retenus comme étant les meilleurs médicaments ou antibiotiques pour traiter efficacement toute la gamme des cas particuliers.
Le sénateur Kinsella: Madame le ministre pourrait-elle aussi renseigner la Chambre sur le processus d'achat utilisé? A-t-on recours à un fournisseur unique, comme le gouvernement l'a fait dans le cas du Cipro en s'adressant à une société qui ne détenait pas le brevet, sans se préoccuper du fait que cela était contraire à la loi?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, ces médicaments sont achetés à différents fabricants. Comme l'honorable sénateur le sait sans doute, certains de ces médicaments ne sont plus protégés par un brevet.
(1420)
L'ACHAT DU MÉDICAMENT D'APOTEX CONTRE LA MALADIE DU CHARBON
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, au Canada, deux grands fabricants de médicaments génériques et plusieurs petits sont en mesure de produire l'équivalent du Cipro. Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle préciser à cette Chambre les critères que le gouvernement du Canada a appliqués pour choisir le médicament d'Apotex en remplacement du Cipro, sachant qu'il enfreignait alors la Loi sur les brevets?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme je l'ai indiqué dans ma réponse à une question précédente, il était de notoriété publique que la société Apotex avait la capacité voulue pour produire la forme générique du Cipro, raison pour laquelle le gouvernement l'a contactée afin de répondre à ses besoins.
LE BUREAU DU CONSEIL PRIVÉ
LES EFFORTS DÉPLOYÉS EN VUE D'ACCROÎTRE LE NIVEAU DE SÉCURITÉ ET LE RENSEIGNEMENT
L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier soir, Richard Fadden, greffier adjoint et coordonnateur des questions de sécurité et de renseignement au Conseil privé, a déclaré que le Canada ne serait pas en mesure de maintenir jusqu'à Noël le rythme qui nous est imposé sur les plans de la sécurité et du renseignement.
Qu'est-ce que le gouvernement entend faire pour permettre au Conseil privé de continuer à coordonner les dossiers de sécurité et de renseignement après les Fêtes, dans ce qui semble devoir être une longue guerre contre le terrorisme?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Je crois que M. Fadden faisait allusion à l'énorme pression qui s'exerce sur le personnel du Bureau du Conseil privé, pas uniquement pour ce qui est des programmes de sécurité, mais aussi en ce qui concerne le travail législatif découlant des événements du 11 septembre. Je crois savoir que le Conseil privé est en train de mettre en place des plans pour la période qui suivra les Fêtes.
Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, M. Fadden a également déclaré que la situation est pire sur le terrain. Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Quelles mesures le gouvernement entend-il prendre pour augmenter les effectifs du SCRS, des Douanes, de l'Immigration et de la GRC dans cette guerre contre le terrorisme?
Pour en revenir à ma première question, j'ai eu l'occasion de demander à M. Fadden combien de gens, au Conseil privé, s'occupent de ce genre de question. Il m'a donné des chiffres, mais il ne m'a pas indiqué combien de personnes sont en mesure de préparer les analyses critiques dont le gouvernement a besoin.
Le gouvernement pourrait-il nous dire s'il existe des plans en vue d'augmenter les effectifs d'analystes au Bureau du Conseil privé?
Le sénateur Carstairs: Je remercie l'honorable sénateur pour sa question concernant le nombre de personnes affectées à la préparation des analyses critiques. Je n'ai pas cette information. Cependant, une somme additionnelle de 280 millions de dollars a été débloquée pour permettre aux services mentionnés par l'honorable sénateur, c'est-à-dire le SCRS, les Douanes, l'Immigration et la GRC, d'acquérir les ressources nécessaires.
Le sénateur Forrestall: J'aurais espéré que le leader du gouvernement au Sénat pourrait répondre à une question pourtant évidente. Le gouvernement a-t-il lancé des programmes de recrutement spéciaux à l'externe, surtout dans les universités, pour essayer de recruter le plus grand nombre possible d'analystes et pouvoir ainsi faire face à la charge de travail envisagée?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, la Défense administre un programme de recrutement permanent qui lui a permis d'augmenter considérablement ses effectifs. Cependant, pour ce qui est des programmes de recrutement des autres ministères ayant reçu des fonds supplémentaires, je n'ai pas d'informations à jour à communiquer à l'honorable sénateur. J'entends les lui obtenir.
Le sénateur Forrestall: J'en remercie le leader du gouvernement au Sénat.
LA SÉCURITÉ ET LE RENSEIGNEMENT
LES CIBLES TERRORISTES POTENTIELLES
L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier soir, M. Fadden a également déclaré au Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité que la colline du Parlement était en tête de liste des cibles canadiennes potentielles. Madame le leader pourrait-elle nous renseigner au sujet des menaces qui pèsent sur la Cité parlementaire et sur les installations canadiennes en général?
Je suis surtout préoccupé par l'annonce d'une nouvelle menace d'attaque terroriste contre les États-Unis. Quand on entend cela, on pense naturellement aux menaces qui peuvent peser sur le Canada. Nous ne sommes pas très loin de New York, et il serait très facile à des terroristes de venir s'écraser contre la Tour de la paix. L'honorable sénateur pourrait-elle nous renseigner à ce sujet?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur d'avoir posé cette question qui est très grave. Hier, les États-Unis sont passés en état d'alerte maximale à la suite de l'annonce d'une attaque possible, qui pourrait survenir cette semaine. Nous en avons conclu que le Canada aussi devait se mettre en état d'alerte maximum.
Le 11 septembre, nous avons craint que le Parlement soit la cible d'une attaque. Heureusement, tel n'a pas été le cas. Les honorables sénateurs savent que la sécurité a été renforcée sur la Colline depuis cette date, puisque nous inspectons les véhicules des sénateurs, des députés et des autres personnes munies de laissez-passer. La circulation sur la colline est désormais strictement interdite aux autres véhicules automobiles. Les taxis et les camions qui se présentent sont soumis à des vérifications de sécurité jamais vues jusque ici.
Honorables sénateurs, les mesures de précaution qui ont été mises en place à la Cité parlementaire sont justifiées par les circonstances.
LA PRÉSENCE DE TERRORISTES DANS LA RÉGION DE LA CAPITALE NATIONALE
L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous confirmer que six résidents d'Ottawa pourraient constituer une menace pour le Parlement? Dans l'affirmative, croit-on que ces gens-là ont un lien avec Al-Qaïda ou une autre organisation terroriste? Je crois savoir que, hier soir, devant le Comité de la défense, M. Fadden a déclaré qu'il essayait d'obtenir davantage de renseignements sur ces six personnes et sur la menace qu'elles pourraient faire peser sur le Parlement.
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai pas eu vent de la présence à Ottawa ou dans la région, de six personnes qui pourraient constituer une menace à la sécurité. Je crois savoir que la GRC travaille en étroite collaboration avec le SCRS afin de déterminer qui, au Canada, risque de constituer une menace à la sécurité. Ceux pour qui on a établi que tel était le cas ont été arrêtés, quand les circonstances le justifiaient.
LES TRANSPORTS
AIR CANADA—LA POSSIBILITÉ D'UNE AIDE FINANCIÈRE—L'EFFET SUR LA CONCURRENCE
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne les négociations que le gouvernement fédéral mène actuellement en vue d'accorder une aide financière supplémentaire à Air Canada. Les honorables sénateurs se souviendront qu'après l'offre de 75 millions de dollars en garantie de prêt à Canada 3000, la semaine dernière, les médias ont laissé entendre que le gouvernement fédéral est en train de négocier avec Air Canada une aide semblable, mais proportionnelle.
Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous expliquer les conditions auxquelles Air Canada devra se plier avant d'obtenir une aide financière supplémentaire?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je remercie l'honorable sénateur pour sa question. Honorables sénateurs, il est prématuré de dire que des négociations ont actuellement lieu entre Air Canada et le gouvernement fédéral. Canada 3000 avait présenté un projet de restructuration. Compte tenu des réservations sur lesquelles elle peut déjà compter pour la période des fêtes, la compagnie est sûre d'atteindre un certain niveau de revenu. Le gouvernement lui a accordé une garantie d'emprunt parce qu'elle a indiqué que le manque de liquidités serait de courte durée.
(1430)
En ce qui a trait à Air Canada, le gouvernement a indiqué qu'il serait prêt à écouter Air Canada si la compagnie connaît vraiment des difficultés financières et est prête à présenter un plan d'affaires, comme l'a fait Canada 3000.
Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, dans sa réponse à la première question, madame le ministre a-t-elle bien dit que des négociations sont en cours à l'heure actuelle concernant une autre offre pour Air Canada?
Voici ma question supplémentaire. Les honorables sénateurs savent sans doute que le président de Canada 3000 a critiqué Air Canada, qui aurait essayé de mettre ses petits concurrents à terre en utilisant son propre service à tarif réduit Tango, comme on peut le lire dans un article du National Post du 27 octobre 2001. Étant donné les préoccupations exprimées par Canada 3000 concernant le service à tarif réduit Tango d'Air Canada et compte tenu de la perspective d'une aide financière supplémentaire à Air Canada, comment le gouvernement répond-il à l'allégation selon laquelle sa politique d'aide au transporteur aérien va à l'encontre des objectifs de préservation de la concurrence parmi nos transporteurs aériens?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur a répondu à sa propre question. Il a prononcé le mot magique, à savoir la «concurrence». Le gouvernement tient à ce que la concurrence continue d'exister entre les compagnies aériennes de notre pays. C'est la raison pour laquelle M. Collenette a déclaré qu'Air Canada est libre de demander une aide analogue à celle qui a été accordée à Canada 3000. Lorsque je dis «analogue», je parle d'aide proportionnelle à la taille de la compagnie aérienne. D'après ce que j'en sais, aucune négociation particulière n'a lieu à ce moment-ci entre Air Canada et le gouvernement du Canada.
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
L'AFGHANISTAN—LA DEMANDE D'ARRÊT DES BOMBARDEMENTS POUR PERMETTRE L'ACHEMINEMENT DE L'AIDE AUX RÉFUGIÉS
L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, j'adresse ma question au leader du gouvernement au Sénat. Aujourd'hui, un hôpital de Kaboul a subi le contrecoup des bombardements et le total des civils tués en Afghanistan par les bombardements continue d'augmenter. D'ailleurs, la campagne de bombardement et le démantèlement de l'ordre social en Afghanistan ont semé le désordre dans les réseaux de livraison de l'aide humanitaire. Selon les Nations Unies, plus d'un million et demi de personnes risquent de connaître la famine cet hiver. Oxfam a demandé d'interrompre les bombardements pour permettre l'acheminement de l'aide humanitaire à la population désespérée.
Au nom des nombreux Canadiens que j'ai rencontrés en fin de semaine, je pose de nouveau la question: le gouvernement va-t-il demander instamment à la coalition de cesser de bombarder pour permettre l'acheminement à l'Afghanistan de quelque 16 000 tonnes métriques de vivres nécessaires chaque mois?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la question qu'a posée le sénateur Roche est importante non seulement pour les Canadiens mais également pour les Afghans, ainsi que pour le gouvernement du Canada et celui des États-Unis. Un sénateur de premier plan des États-Unis s'est dit fort préoccupé par le genre de bombardements en cours. Il semble que les avions volent à une telle altitude qu'ils n'atteignent pas nécessairement les cibles qu'ils visent.
Le réseau de livraison de l'aide humanitaire est, comme l'a dit l'honorable sénateur, dans le chaos. Cela est dû en partie au chaos qui règne en Afghanistan. À l'heure actuelle, il est difficile de savoir où se trouvent les Afghans. Selon certains rapports, des villes comme Kaboul sont quasiment désertes et les habitants s'en vont surtout vers la frontière du Pakistan, mais je suppose qu'ils se dirigent vers d'autres frontières aussi. C'est au Pakistan que la plus grande partie de l'aide est fournie actuellement.
Honorables sénateurs, je ne pense pas que la coalition va arrêter les bombardements maintenant, mais je puis assurer aux honorables sénateurs que la question humanitaire et le besoin d'aide sont toujours au programme.
Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, je remercie madame le leader du gouvernement au Sénat de sa réponse. Je constate qu'elle partage nos inquiétudes. Nous ne sommes pas les seuls, loin de là. De nombreux Canadiens sont de plus en plus préoccupés. Il ne s'agit toutefois pas de ce que nous pensons que la coalition va faire. La question est la suivante: le gouvernement du Canada va-t-il intervenir pour demander instamment à la coalition d'arrêter les bombardements? Le gouvernement canadien a déclaré que, dans notre lutte contre le terrorisme, nous devons veiller à ne pas saper la lutte plus vaste pour la promotion et la protection des droits de la personne. Comment les bombardements de l'Afghanistan, qui provoquent une catastrophe pour la population, protègent-ils les droits de celle-ci?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, permettez-moi de dire au sénateur, comme je l'ai fait par le passé, que le nombre de personnes en Afghanistan qui risquent de souffrir de la faim cet hiver est d'environ un million et demi. Nous ne savons pas combien parmi elles mourront de faim à cause des bombardements. La tragédie pour l'Afghanistan est qu'il connaît, entre autres, depuis trois ans une terrible sécheresse. Il n'y avait pas de vivres, même avant les bombardements, et l'acheminement de l'aide alimentaire est devenu bien plus compliqué depuis le début des hostilités. C'est pourquoi le gouvernement canadien a donné 16 millions de dollars, jusqu'à présent. Le montant initial d'un million de dollars est passé à 6 millions, puis à 16 millions de dollars, et ce n'est pas fini. Franchement, je ne peux pas dire aux honorables sénateurs aujourd'hui que le gouvernement canadien va prier instamment la coalition d'arrêter les bombardements.
L'AIDE AUX RÉFUGIÉS AFGHANS AU PAKISTAN ET EN IRAN
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorable sénateurs, quelle aide le gouvernement canadien, seul ou de concert avec la collectivité mondiale, est-il prêt à offrir au Pakistan et à l'Iran, qui doivent s'occuper de millions de personnes qui se trouvent déjà dans des camps de réfugiés sur leur territoire et pour qui nous n'avons que tout récemment exprimé de l'inquiétude?
J'ai visité des camps de réfugiés au Pakistan. Je n'ai guère constaté de soutien et d'offre d'aide de la part de la collectivité mondiale. Le président Musharraf, qui était alors le général Musharraf — avec qui je me suis entretenu durant quatre heures — doit s'occuper seul de cette crise. Nous pouvons quand même faire beaucoup. Même si nous pensions que les États-Unis devraient arrêter les bombardements, je ne crois pas qu'ils le feraient. Cependant, c'est l'hiver qui les arrêtera. Les gens ne savent pas ce qu'est l'Afghanistan, mais l'hiver arrêtera beaucoup des opérations qui s'y déroulent en ce moment, et l'hiver arrive très vite.
Quelles mesures, le cas échéant, le gouvernement du Canada a-t-il prises au nom de l'humanité pour faire preuve de leadership non seulement pour les millions de réfugiés qui essaient d'entrer en Iran et au Pakistan, mais aussi pour les millions de gens qui ont été oubliés ces deux ou trois dernières années? Il ne s'agit pas de sectarisme, mais bien d'une explication claire de ce qui se passe dans cette région.
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Prud'homme de cette question. Je suis certaine qu'il sait qu'une grande partie de l'aide de 16 millions de dollars destinée à l'Afghanistan sert, en principe, au Pakistan puisque c'est là que se trouvent principalement les réfugiés. Ceux-ci se trouvent à la frontière ou juste de l'autre côté et ils ne sont pas traités différemment, qu'ils soient du côté en territoire pakistanais ou afghan.
(1440)
Toutefois, cela dit, le Canada fournit environ 21 millions de dollars par an pour lutter contre la pauvreté au Pakistan. Cette aide est acheminée par divers programmes, en oeuvrant directement avec des organismes comme la Fondation et l'Université Aga Khan ou l'Union mondiale pour la nature, ou encore le Programme de gouvernance démocratique. Jusqu'à maintenant, notre apport a été d'environ 21 millions de dollars et le programme met surtout l'accent sur la réduction de la pauvreté.
Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, 21 millions de dollars pour cinq ou six millions de réfugiés représentent un effort important, mais je prie le leader du gouvernement au Sénat de dire au gouvernement que le monde a grand besoin de leadership. Le Canada a encore — et je tiens à ce que madame le ministre prenne ceci très au sérieux — une cote d'estime importante au Pakistan et en Iran. Je reviens tout juste de Libye et je peux dire aux sénateurs que, lorsque quelqu'un dit là-bas qu'il vient du Canada, le ton et l'atmosphère changent immédiatement. Ces 21 millions de dollars ne sont pas négligeables, mais il y a aussi la question du leadership international.
Le gouvernement du Canada envisage-t-il d'entreprendre des démarches aux Nations Unies pour dénouer une situation qui deviendra très frustrante? Le Canada devrait, encore une fois, faire preuve d'énormément de bonne volonté, parce que le nom «Canada» ouvre encore les portes. Je ne sais pas pour combien de temps, mais le nom «Canada» est encore synonyme de grand leadership à une époque où le monde est confronté à de graves difficultés, comme l'a rappelé le sénateur Roche.
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je tiens à ce que le sénateur Prud'homme comprenne bien que 16 millions de dollars sont consacrés aux réfugiés et que 21 millions de dollars additionnels vont aux programmes de réduction de la pauvreté. Je vais m'assurer que mes collègues du Cabinet prennent connaissance de ses commentaires passionnés de cet après-midi.
LES FINANCES
LA PRÉSENCE D'UN CADRE BUDGÉTAIRE QUINQUENNAL DANS LE BUDGET À VENIR
L'honorable W. David Angus: Honorables sénateurs, le ministre des Finances a promis de rendre des comptes détaillés à tous les Canadiens dans son budget de décembre, en précisant dans la mesure du possible comment les recettes ont été touchées et comment nous parviendrons à financer les dépenses militaires et de sécurité, et les autres initiatives devenues nécessaires à la suite des événements du 11 septembre, mais qui étaient imprévues. Toutefois, hormis l'exception digne de mention des bonnes nouvelles en matière de fiscalité annoncées dans la mise à jour relative à la situation économique et financière d'octobre dernier, le ministre n'a pas brillé dans ce domaine jusqu'à maintenant parce que ses prévisions budgétaires ne dépassent pas l'horizon du court terme. Les événements du 11 septembre, combinés au ralentissement économique qui était déjà en cours à cette époque, auquel s'ajoute la rumeur d'une crise éventuelle de l'énergie dans les deux ans à venir, auront des effets marqués sur les recettes du gouvernement et sur ses priorités de dépenses. L'équilibre budgétaire sera menacé, non seulement pour cet exercice, mais aussi pour plusieurs années à venir. Il est évident que ce budget ne contiendra pas de bonnes nouvelles.
Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle affirmer aux honorables sénateurs que le budget, qui doit être déposé au début décembre, fournira le cadre budgétaire quinquennal nécessaire pour prouver aux marchés financiers du Canada que le gouvernement s'est doté d'un plan adapté à la situation, qu'il l'a mis en oeuvre et qu'il pourra s'y tenir, pas juste à court terme mais également à moyen et à long termes?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je peux très certainement informer le ministre des Finances que le sénateur désire un budget portant sur cinq ans. Toutefois, s'il y a une leçon à tirer du 11 septembre, c'est bien que les prévisions à long terme n'ont pas grand sens.
Nous savons que nos propres besoins budgétaires ont augmenté sensiblement dans des domaines comme la défense et la sécurité depuis le 11 septembre, et depuis la tragédie que l'on désigne à de nombreux endroits, et j'avoue qu'il m'a fallu un certain temps pour en comprendre la signification, sous l'appellation 9/11. Le budget qui nous sera présenté au début décembre constituera une prévision précise, au mieux de la connaissance du ministre à l'époque, en n'oubliant pas qu'aucun de nous ne sait combien de temps cette guerre va durer ni combien elle va coûter, à cause de notre incapacité à prévoir tout jusqu'au bout.
Le sénateur Angus: Honorables sénateurs, malgré l'excédent qui s'effrite, et qui pourrait même se transformer en déficit l'année prochaine, on nous a dit récemment que les ministres de l'Industrie et du Développement des ressources humaines demandent, à eux deux, environ six millions de dollars qu'ils veulent consacrer à tout un éventail de nouvelles initiatives extravagantes. Malgré la diminution des recettes et l'apparition de nouveaux besoins dans les domaines de la sécurité et de la défense à la suite du 11 septembre, ou 9/11, est-ce que notre gouvernement croit que rien n'a changé et qu'on peut envisager de telles dépenses, et d'autres? Si le gouvernement doit engager de dépenses nouvelles importantes et étalées sur plusieurs années, ne doit-il pas aux Canadiens une explication sur la façon dont il va les fiancer, non seulement cette année et l'année suivante, mais pendant toute la durée du cycle quinquennal, comme c'est le cas en Nouvelle-Zélande, en Australie et dans d'autres pays du Commonwealth?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, une chose est sûre. C'est le ministre des Finances qui présente le budget. Il y a bien sûr d'autres ministres qui ont des listes de souhaits. Franchement, si j'avais à administrer un ministère opérationnel, je soumettrais probablement moi aussi ma liste de voeux. Comme je ne suis pas dans cette situation, je n'ai pas de liste de ce genre, sauf que je m'assure, bien évidemment, que le Sénat dispose des ressources voulues.
En ce qui concerne les décisions finales, comme les honorables sénateurs le savent fort bien, elles seront prises par le ministre des Finances et le premier ministre du Canada.
[Français]
RÉPONSE DIFFÉRÉE À UNE QUESTION ORALE
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer une réponse différée à une question du sénateur Tkachuk, posée le 16 octobre 2001, concernant l'Afghanistan, notamment la déclaration officielle condamnant le traitement réservé aux femmes.
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
L'AFGHANISTAN—LA DÉCLARATION OFFICIELLE CONDAMNANT LE TRAIREMENT RÉSERVÉ AUX FEMMES
(Réponse à la question posée le 16 octobre 2001 par l'honorable David Tkachuk)
La situation en Afghanistan préoccupe beaucoup le gouvernement du Canada. Nous condamnons sans réserve les violations graves des droits de l'homme et des libertés fondamentales, surtout la discrimination systémique à l'égard des femmes et des filles.
Nous n'entretenons plus de relations diplomatiques avec l'Afghanistan depuis 1979; notre influence directe y est donc limitée. Les fonctionnaires canadiens profitent par contre de toutes les occasions pour rappeler aux autorités talibanes les obligations que leur impose le droit international en ce qui concerne la situation humanitaire et les droits de l'homme.
Le Canada tient à faire progresser par ses activités internationales les causes de l'égalité des sexes et des droits fondamentaux des femmes. Il a joué un rôle essentiel dans la création, en 1994, du mandat du Rapporteur spécial sur la violence envers les femmes de la Commission des droits de l'homme (CDH) des Nations Unies (ONU). Le Rapporteur spécial a été chargé de chercher et de recevoir de l'information sur ce type de violence, et aussi de recommander des mesures visant à l'éliminer, à éradiquer ses causes et à remédier à ses conséquences. En septembre 1999, le Rapporteur spécial a visité le Pakistan et l'Afghanistan afin d'examiner la question de la violence faite aux Afghanes et a formulé dans son rapport des recommandations à la communauté internationale.
Le Canada fait tous les ans à la CDH et à la Troisième Commission de l'Assemblée générale des Nations Unies des déclarations officielles dans lesquelles il condamne fortement le sort que les talibans réservent aux femmes. Les déclarations de l'année dernière sont jointes à la présente pour information.
En plus d'avoir piloté la résolution annuelle à la CDH sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes, le Canada coparraine des résolutions liées à la situation des femmes en Afghanistan, notamment à la Commission de la condition de la femme, à l'Assemblée générale et au Conseil de sécurité des Nations Unies. Par exemple, il appuie la résolution 1267 du Conseil de sécurité, dans laquelle celle-ci rappelle ses grandes préoccupations concernant les violations persistantes du droit international humanitaire et des droits de l'homme, surtout la discrimination contre les femmes et leurs filles. Le 14 novembre 1999, le Canada a mis en place des sanctions contre les talibans à la suite de la résolution 1267.
En avril 2000, le Conseil de sécurité a diffusé, sous la présidence canadienne, une déclaration du président dans laquelle il faisait part entre autres de ses vives préoccupations quant à l'aggravation de la situation des droits de l'homme en Afghanistan, y compris la discrimination persistante contre les femmes et les filles, et engageait les talibans à cesser ces pratiques et à se conformer aux normes internationales. Le Conseil a condamné les violations des droits fondamentaux des femmes et des filles et a exprimé sa profonde inquiétude quant à leur accès toujours restreint aux soins de santé, à l'éducation et au travail à l'extérieur de la maison, ainsi que les restrictions en ce qui concerne leur liberté de mouvement et leur droit de ne pas être intimidées, harcelées et violentées. Tout en se félicitant des progrès modestes signalés récemment à propos de l'accès des femmes et des filles à certains services, le Conseil a précisé que ces améliorations graduelles sont encore loin des attentes minimales de la communauté internationale.
Vous trouverez ci-joint, pour information, deux déclarations récentes du Canada sur les droits de l'homme en Afghanistan:
1) Déclaration faite à New York le 2 novembre 2000 à la Troisième Commission de l'Assemblée générale des Nations Unies; et
2) Déclaration faite au printemps 2001 à la CDH de l'ONU.
(Le texte des déclarations figure en appendice, p. 1543)
ORDRE DU JOUR
LES TRAVAUX DU SÉNAT
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, aux affaires du gouvernement inscrites à l'ordre du jour, nous aimerions étudier le projet de loi C-11, maintenant numéro un; le projet de loi S-31, numéro trois; le projet de loi C-6, numéro quatre; le projet de loi C-14, numéro deux, et revenir au projet de loi C-15A, numéro cinq à l'ordre du jour. Nous allons suivre l'ordre tel quel.
[Traduction]
PROJET DE LOI SUR L'IMMIGRATION ET LA PROTECTION DES RÉFUGIÉS
TROISIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cordy, appuyée par l'honorable sénateur LaPierre, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-11, Loi concernant l'immigration au Canada et l'asile conféré aux personnes déplacées, persécutées ou en danger.
L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, je pars de l'hypothèse que le Canada a besoin d'immigrants et se doit d'accepter des réfugiés. Au cours de la dernière décennie, le Canada a accueilli 2,4 millions d'immigrants et réétabli plus de 140 000 réfugiés venant de tous les continents. Nous avons accueilli des Kosovars fuyant les Balkans, des réfugiés de la mer vietnamiens à la suite de la réunification du Nord et du Sud, et des Hongrois après l'insurrection de 1956. En vérité, notre pays a le deuxième plus important programme d'établissement de réfugiés dans le monde — une manifestation concrète de notre engagement à assumer notre part des responsabilités internationales.
Honorables sénateurs, les lois régissant l'immigration sont complexes. Nous ne les révisons pas souvent. La dernière fois, ce fut en 1976. Le projet de loi C-11 vise à garantir que le système canadien d'immigration et de protection des réfugiés est en mesure de réagir à de nouveaux défis et à de nouvelles perspectives. Il n'y aura peut-être pas d'autre réforme avant 25 ans. Il est donc important de bien faire les choses.
(1450)
Le défi que nous devons relever dans le projet de loi C-11 est de répondre aux pressions exercées par les réfugiés et aux inquiétudes suscitées par les terroristes sans fermer la porte à ceux qui ont besoin de protection. Or, il y a aujourd'hui dans le monde plus de gens qui ont besoin d'être protégés qu'il n'y en a jamais eu auparavant.
Même si nous devons veiller à ce que les frontières du Canada restent sûres face à ceux qui constituent des menaces pour la sécurité ou qui pourraient devenir des terroristes, le projet de loi n'a pas pour but de combattre le terrorisme. Toutefois, à cause des événements tragiques du 11 septembre, le gouvernement a soudain décidé de faire adopter le projet de loi à la hâte au Sénat en prétendant qu'il s'agissait d'une mesure antiterroriste. Même si la Chambre des communes a adopté le projet de loi C-11 des mois avant les événements du 11 septembre, on nous le présente tout à coup comme un élément de la réaction du gouvernement à ces événements. Le gouvernement a enfoncé l'accélérateur pour amener le Sénat à agir rapidement, enlevant ainsi au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie la possibilité d'accorder suffisamment de temps à l'étude des nombreux aspects complexes du projet de loi.
Cette mesure législative n'est pas ce qu'il nous faut. Elle coupe le processus d'appel. Les obstacles législatifs qu'elle crée écartent trop de gens. Les droits des réfugiés ne sont pas clairement énoncés. Le terrorisme n'est même pas défini. Certains de nos témoins se sont élevés contre ces faiblesses.
Conscient des améliorations dont le projet de loi a besoin et reconnaissant que le gouvernement ne voulait pas d'amendements qui auraient imposé son renvoi à la Chambre des communes et, du même coup, d'autres délais, le comité a pris à l'unanimité une sage décision en joignant à son rapport une annexe de 13 pages intitulées «Observations». Au lieu d'être divisés sur les amendements, les membres du comité ont agit de concert. Par conséquent, le consensus des douze membres donne beaucoup de poids à ces observations. Les nombreux témoins qui ont déposé devant le comité dans l'espoir d'améliorer le projet de loi pourront sans doute y voir un peu le résultat de leur travail.
Le comité veut que la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration prenne ses observations au sérieux. J'ai déjà donné avis que je proposerai une motion au comité demandant que la ministre réponde par écrit six mois après la proclamation du projet de loi.
Dans ses observations, il signale d'abord que le problème fondamental du programme canadien d'immigration et de protection des réfugiés réside non dans l'absence de nouvelles mesures législatives, mais plutôt dans le manque de ressources. Beaucoup de témoins ont déclaré que les deux cycles successifs de compression des effectifs qui ont marqué la dernière décennie — celle-là même où le nombre des immigrants et des réfugiés a sensiblement augmenté — ont réduit le personnel de l'immigration presque de moitié, même au niveau des agents de première ligne.
La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a maintenant un arriéré de 34 000 demandes de statut de réfugié qui restent encore à examiner. À l'heure actuelle, la Commission compte 186 personnes pouvant prendre des décisions, mais il en faudrait au moins 250. Les 103 agents actuels chargés de la revendication ont besoin de l'appui de 50 ou 60 autres agents. On ne saurait trop insister sur le fait que ce qui manque à l'heure actuelle, c'est un personnel plus nombreux, une meilleure exécution, plus de programmes de formation et une meilleure technologie.
Nous avons été choqués d'apprendre du président national de l'Union Douanes Accise que les agents des douanes de Victoria ne disposent pas d'un seul ordinateur et doivent travailler dans une remorque vieille de 35 ans avec des planchettes à pince vieilles de 30 ans. Les agents de première ligne disent avec insistance qu'ils ont besoin de plus de formation.
Le projet de loi C-11 propose d'exiger de nos agents d'immigration qu'ils renvoient les demandes dans les 72 heures. C'est un processus qui prend actuellement des mois. Nous placerons ainsi un système qui souffre déjà d'une pénurie de personnel et de fonds dans une situation impossible. Nous devons également faire face à une autre réalité: des dizaines de milliers de demandeurs du statut de réfugié ont reçu des ordres de renvoi, mais continuent à vivre chez nous. Ce sont là des problèmes de ressources qui n'ont rien à voir avec les mesures législatives.
Dans ses observations, le comité critique également la manière dont les règlements, que nous n'avons pas encore vus, seront examinés dans le processus parlementaire. Un examen serré des règlements est essentiel, parce qu'ils joueront un rôle important dans l'application équitable des lois sur l'immigration et les réfugiés.
Beaucoup de témoins ont exprimé leur inquiétude devant l'absence, dans le projet de loi, d'une définition explicite du terrorisme et leur crainte de voir des agents prendre des décisions trop subjectives lorsqu'ils soupçonnent une personne. Comme le projet de loi C-36 définit ce qu'est une «activité terroriste», la définition qui figurera dans la version finale devrait être insérée dans les règlements d'application du projet de loi C-11. Il faut être cohérent. Comme le gouvernement a mentionné que la nécessité d'arrêter les terroristes à la frontière est l'une des principales raisons pour lesquelles il faut faire adopter le projet de loi à la hâte, l'absence d'une définition du terrorisme est une importante lacune.
L'affirmation selon laquelle le projet de loi C-11 est nécessaire pour empêcher les terroristes d'entrer au Canada n'est qu'un faux prétexte. La Loi actuelle sur l'immigration confère déjà aux autorités le pouvoir d'arrêter, de détenir et de renvoyer les personnes qui constituent un risque pour la sécurité du Canada. Fait surprenant, ce pouvoir n'a jamais été exercé.
Depuis le 11 septembre, des appels sont lancés pour la création d'un périmètre nord-américain dans lequel le Canada et les États-Unis intégreraient leurs règles régissant l'immigration. Je m'y oppose énergiquement. Comme le prouvent nos réalisations au chapitre des réfugiés, notre pays est plus ouvert que les autres et il devrait le rester. La coopération et l'échange de renseignements entre nos deux pays sont nécessaires, mais il importe que les lois régissant l'entrée au Canada correspondent aux voeux des Canadiens.
Honorables sénateurs, ce sont les effets du projet de loi C-11 sur le traitement des réfugiés qui m'inquiètent le plus. Parmi les personnes qui ont manifesté leur inquiétude, il y a Mary Joe Leddy, qui représente l'Ontario Sanctuary Coalition, organisme formé il y a dix ans pour protéger d'innocents réfugiés qui sont avisés qu'ils seront renvoyés vers ce que les Conventions de Genève appellent «la torture, la détention arbitraire et la mort». Des groupes religieux ont caché ces réfugiés dans des églises jusqu'à ce que les autorités canadiennes puissent reconnaître leur demande de protection. En s'occupant de ces gens, Mme Leddy a beaucoup appris au sujet du système d'immigration et de statut de réfugié, et nous devrions l'écouter.
Madame Leddy nous a dit que les citoyens et les non-citoyens sont régis par deux ensembles différents de lois et de règlements. Un réfugié peut être pris, détenu et accusé de terrorisme sans jamais avoir la possibilité de prendre connaissance des preuves retenues contre lui, avant d'être expulsé. Il est essentiel de ne pas réagir aux événements tragiques du 11 septembre en pénalisant d'innocents réfugiés dans notre poursuite d'éventuels terroristes. «Engageons plutôt un plus grand nombre d'agents pour procéder à une étude approfondie», nous a dit Mme Leddy. Je suis d'accord avec elle. Mme Leddy a ajouté:
Les agents deviennent méchants et indifférents, juste pour survivre. Les dossiers peuvent attendre pendant des années, sans être lus et réglés. Dans ces dossiers, il y a les enfants de quelqu'un, qui grandissent orphelins dans un camp de réfugiés. Le désir d'étudier de quelqu'un est dans ces dossiers, pendant que l'intéressé languit dans un café. L'espoir de démarrer une entreprise de quelqu'un est dans ces dossiers, pendant que quelqu'un désespère dans une file d'attente pour l'aide sociale.
Honorables sénateurs, il est injuste de s'en prendre aux réfugiés à cause de la menace terroriste. Le Canada n'est pas un refuge de terroristes. C'est cependant un lieu d'asile pour des réfugiés désespérés, et nous devons faire en sorte qu'il le reste. Nous devons veiller, dans notre lutte contre le terrorisme, à ne pas oublier le combat mondial plus vaste pour la promotion et la protection des droits de la personne et de la dignité humaine. Nous devons nous assurer que ceux qui présentent une demande à leur arrivée dans le pays ont pleinement accès au processus de reconnaissance du statut de réfugié.
J'ai porté une attention particulière au témoignage de Mme Judith Kumin, représentante au Canada du Haut-Commissaire des Nations Unis pour les réfugiés. Mme Kumin a énuméré les avantages et les inconvénients du projet de loi pour les réfugiés. Elle nous a dit que le projet de loi affirme les obligations du Canada envers les réfugiés. Il établit un système d'appel à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il prévoit une évaluation préliminaire des risques et intègre dans la législation canadienne certaines obligations internationales. Tout cela est bon. Toutefois, elle a ajouté que les obstacles législatifs à l'audition des cas de réfugiés peuvent en éliminer un trop grand nombre. Elle a donné des exemples de personnes innocentes qui peuvent être rejetées. Par conséquent, l'évaluation des risques préalable au renvoi revêt une importance accrue. Mme Kumin a également attiré notre attention sur l'aide administrative à laquelle les demandeurs du statut de réfugié ont droit en vertu des conventions. Je lui ai demandé l'opinion du bureau du Haut-Commissariat sur ces avantages et inconvénients. Elle a répondu: «Assurément, le HCRNU peut s'accommoder de ce projet de loi.» Ce témoignage m'a aidé à prendre moi-même une décision au sujet du projet de loi.
Toutefois, cette approbation ne nous dispense pas de préciser davantage la notion du tiers pays sûr, pour que les réfugiés ne courent pas le risque d'être constamment expulsés jusqu'à ce qu'ils reviennent finalement dans le pays qu'ils avaient quitté par crainte de la persécution.
(1500)
Dans ses observations, le comité a proposé que le Canada songe à conclure des ententes officielles avec d'autres pays, en particulier les États-Unis, de façon à améliorer le traitement ordonné des réfugiés.
Enfin, à la lumière des nombreux problèmes qui entourent le système d'immigration et des réfugiés, le comité a recommandé au Sénat d'entreprendre une étude approfondie de tous les aspects canadiens de l'immigration et des réfugiés au Canada. Cette étude devrait définir les questions fondamentales pour que le Canada demeure une société juste et accueillante, tout en établissant la norme d'une communauté internationale en rapide évolution. L'efficacité des études sénatoriales sur plusieurs questions a toujours été telle qu'il convient de donner suite à cette recommandation.
[Français]
LE REMPLACEMENT DES HÉLICOPTÈRES SEA KING
COMITÉ PLÉNIER—LA COMPARUTION DES HAUTS FONCTIONNAIRES AU SUJET DU PROCESSUS D'ACQUISITION D'HÉLICOPTÈRES MARITIMES
L'ordre du jour appelle:
Le Sénat en comité plénier afin d'accueillir des hauts fonctionnaires du ministère de la Défense nationale et du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, pour la tenue d'une séance d'information au sujet du processus d'acquisition d'hélicoptères maritimes.
Le Sénat s'ajourne à loisir et se forme en comité plénier sous la présidence de l'honorable Rose-Marie Losier-Cool.
La présidente: Honorables sénateurs, avant de commencer, permettez-moi d'attirer votre attention sur l'article 83 du Règlement, qui prévoit que:
Lorsque le Sénat se forme en comité plénier, chaque sénateur doit occuper son propre siège. Un sénateur qui veut prendre la parole se lève et s'adresse au président du comité.
Plaît-il aux honorables sénateurs de déroger à l'article 83 du Règlement?
Des voix: D'accord.
Conformément à l'ordre adopté par le Sénat, M. Allan Williams et Mme Jane Billings prennent place dans la salle du Sénat.
La présidente: Au nom de tous les sénateurs, je souhaite la bienvenue à nos deux témoins, Mme Jane Billings, sous-ministre adjointe, Direction générale du service des approvisionnements, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et M. Allan Williams, sous-ministre adjoint (Matériels), Défense nationale.
Les témoins ont-ils une déclaration préliminaire à faire?
[Traduction]
Mme Jane Billings, sous-ministre adjointe, Direction générale du service des approvisionnements, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada: Bon après-midi, honorables sénateurs. Nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui et nous vous remercions de nous donner l'occasion de faire le point sur ce projet qui a pour but de remplacer les hélicoptères Sea King par un nouvel hélicoptère maritime qui nous transportera dans le XXIe siècle.
Aujourd'hui, comme nous l'indiquons dans les documents que nous vous avons fournis, nous nous proposons de parler du cadre dans lequel nous allons travailler et allons structurer ce projet, des antécédents du projet, de ce que nous attendons de l'hélicoptère maritime, de certains des objectifs d'approvisionnement, de certains éléments de notre stratégie, des groupes qui nous semblent intéressés à saisir cette occasion avec le gouvernement du Canada et de vous dire où en est le projet et ce que nous nous proposons de faire ensuite.
Pour ce qui est du milieu d'opération, le service d'approvisionnement du gouvernement canadien fonctionne dans un milieu très complexe. Nous devons prendre en considération tous les sujets décrits dans ce transparent.
(1510)
Avant tout, l'hélicoptère que nous allons acheter dans le cadre de ce projet doit absolument répondre aux exigences opérationnelles du ministère de la Défense nationale. C'est là une exigence incontournable du processus d'acquisition; c'est aussi une dimension fondamentale de la stratégie d'acquisition et de l'évaluation des propositions.
Pour l'instant, nous menons des consultations poussées auprès de l'industrie pour nous assurer qu'elle comprend bien le cahier des charges techniques et que les principes du programme d'acquisition, dont certains sont nouveaux, voire novateurs, ne dépassent pas ses capacités de conception.
Les retombées industrielles sont un autre élément très important de la stratégie d'acquisition, car nous voulons que toutes les régions et toutes les petites entreprises du Canada puissent bénéficier de cette stratégie. Vous constaterez que nous évoluons dans le respect de nos accords commerciaux, qui sont complexes et exigeants, de façon à créer un marché concurrentiel et à permettre à plusieurs entreprises de soumissionner. Le respect de nos accords commerciaux est un autre objectif très important.
Je vais vous fournir quelques explications sur les deux aspects qui viennent ensuite. Comme vous le savez, la flotte actuelle de Sea King est âgée de 38 ans; ces appareils arrivent au terme de leur durée de vie utile. Le projet du nouvel hélicoptère embarqué a fait l'objet d'un appel d'offres que le gouvernement du Canada a lancé en 1986. À l'époque, nous nous sommes adressés à l'industrie en général. Nous avons invité 10 sociétés à soumissionner et avons reçu deux propositions dont une seule était conforme à nos exigences. Nous avons conclu un contrat avec la société en question, EH Industries. Celle-ci a elle-même conclu un sous-contrat important avec Paramax Industries, qui a été restructurée depuis et qui fait maintenant presque entièrement partie de Lockheed Martin.
À la fin des années 80 et au début des années 90, le ministère de la Défense nationale a entrepris de faire également le point sur ses hélicoptères Labrador et a jugé que le produit d'EH Industries était le plus apte à répondre à ses besoins. Nous avons donc conclu un nouveau contrat avec EHI en vue d'ajouter des hélicoptères de recherche et de sauvetage, de même que des hélicoptères embarqués.
À ce stade, le gouvernement a décidé de répartir le risque et, plutôt que de confier la totalité du marché à EH Industries, il a adjugé deux contrats. Le premier porte sur la livraison des hélicoptères au gouvernement par EHI, en qualité d'entrepreneur principal, et le deuxième, accordé à Paramax, porte sur l'intégration des systèmes de mission et sur le parachèvement des hélicoptères.
Nous avons donc conclu deux marchés distincts, de 1,4 milliard de dollars chacun. Ce sont ces contrats qui ont été annulés en 1993, moyennant des frais de dédit de 478 millions de dollars.
Nous avons ensuite lancé un nouveau processus d'acquisition pour des hélicoptères de recherche et de sauvetage. En 1998, EH Industries a remporté le marché concernant la livraison de Cormorant en version de recherche et sauvetage. Le Cormorant est une variante de l'EH-101, qui était aussi un candidat dans le cadre du projet des hélicoptères maritimes que nous allons maintenant acheter.
Je vais à présent céder la parole à mon collègue, Allan Williams, qui va vous parler des exigences du ministère de la Défense nationale pour la partie suivante de notre exposé.
M. Allan Williams, sous-ministre adjoint, ministère de la Défense nationale: Permettez-moi de réitérer les propos de ma collègue en vous disant que je suis très heureux de pouvoir vous faire part de quelques-unes de nos réflexions et de vous renseigner sur ce très important programme du ministère de la Défense nationale.
Je vais vous parler des règles que nous appliquons et qui sont conformes au contenu du Livre blanc et du Guide de planification de la défense de 1994. J'attire votre attention sur la section traitant de la surveillance sous-marine. La surveillance en eaux peu profondes constitue un élément radicalement nouveau par rapport au programme d'acquisition du début des années 90. Le travail en eaux peu profondes présente, bien sûr, des menaces tout à fait particulières et ce genre d'hélicoptère a été choisi parce qu'il est capable d'y faire face. Voilà pourquoi il est équipé de mitrailleuses et de radeaux, ce que son prédécesseur n'avait pas.
Afin de répondre aux besoins opérationnels énoncés, le gouvernement nous a autorisés à acheter 28 hélicoptères maritimes. Ces appareils sont conçus pour satisfaire à plusieurs besoins. Tout d'abord, 15 d'entre eux vont répondre aux besoins opérationnels énoncés dans le livre blanc. Comme vous le savez, le Canada est tenu d'apporter son appui à la Force navale permanente de l'Atlantique, dans le cadre des opérations de l'OTAN. Voilà donc ce qui en est de 15 de ces appareils. Sept seront affectés à chacune des deux forces opérationnelles, l'une dans l'Atlantique et l'autre dans le Pacifique. Comme vous le savez sans doute, celles-ci sont composées d'un maximum de quatre unités combattantes chacune, c'est-à-dire de frégates, de destroyers ou de sous-marins qui nécessitent un soutien hélicoptère.
On a jugé que nos hélicoptères devaient être en mesure d'assurer ce genre d'appui 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Pour y parvenir, il nous faut sept hélicoptères par force opérationnelle. Deux fois sept nous donne 14, plus un, ce qui fait 15. Trois autres seront nécessaires pour assurer la formation des équipages et cinq le seront pour la maintenance. Il existe deux types de maintenance. La première intervient au niveau du dépôt; elle est assez poussée, puisqu'elle consiste à effectuer la révision des appareils tous les cinq ans ou à peu près. Le deuxième échelon de maintenance concerne les inspections périodiques toutes les 600 ou 700 heures de vol. Enfin, un hélicoptère servira à l'évaluation et aux essais permanents et quatre autres permettront de remplacer ceux qui seront retirés du service sur une période de 25 ans.
Le cahier des charges concernant les hélicoptères se présente sous la forme d'un énoncé des besoins opérationnels qui est en grande partie dérivé d'études opérationnelles très détaillées et rigoureuses. Dans le cadre de ce projet d'acquisition, Mme Billings et moi-même avons tenté d'appliquer des normes de rendement très élevées à l'industrie. Nous avons imposé des exigences très élevées aux fabricants. Côté autonomie, par exemple, nous avons demandé de viser un minimum de deux heures cinquante minutes de vol, avec une réserve de 30 minutes, ce qui permet un vol stationnaire de 60 minutes. Ces performances sont imposées pour température ambiante de 15 degrés Celsius.
Nous avons également précisé les critères relatifs à la capacité d'emport correspondant à un équipage de quatre: un pilote, un copilote, un coordonnateur technicien et un opérateur des capteurs. À cet égard, je dois préciser que nous avons demandé à l'industrie de prévoir ce que nous appelons «l'adaptation aux missions». À l'occasion, nous devons mener des missions différentes et nous demanderons au fabricant de concevoir l'hélicoptère en conséquence. Par exemple, pour effectuer une patrouille de surveillance des pêches, nous pourrions débarquer une partie de l'équipement pour permettre qu'une équipe d'abordage de six personnes puisse prendre place à bord. Nous avons donc demandé à l'industrie de faire en sorte que le changement de configuration des appareils, le transport et le rééquipement soient réalisables en une heure. Pour rééquiper les hélicoptères avec leur système de mission plus complexe, nous imposons un délai de trois heures, parce qu'il faut alors réinstaller tous les capteurs.
Enfin, il y a plusieurs aspects à considérer en ce qui concerne l'intégration des hélicoptères à bord des bâtiments de la marine. J'en ai indiqué quelques-uns ici. Les coûts de ce genre d'adaptation seront assumés par les soumissionnaires du secteur privé.
Le deuxième volet de ce grand programme d'acquisition concerne les systèmes. Ici, j'ai indiqué 12 grands éléments au chapitre des systèmes. Il s'agit essentiellement de systèmes qui permettent d'effectuer les missions qui nous sont confiées, de communiquer avec le groupe de la force opérationnelle et avec nos alliés, de détecter les menaces pesant sur la force opérationnelle, de combattre les sous-marins, de faire face à toute menace sous-marine et, enfin, de protéger nos équipages contre toute menace éventuelle..
Je dirai une chose pour commencer, à propos du cadre d'acquisition: ceux qui, avant le 11 septembre, ne saisissaient pas parfaitement toute l'importance de ce que nous avons appelé la Révolution dans les affaires militaires, savent sans doute maintenant ce que cela veut dire. Il est évident que nous sommes aux prises avec une nouvelle réalité. Les notions de menaces asymétriques, de guerre de coalition, de nécessité d'un déploiement rapide et efficace, et de rapidité des changements technologiques sont des réalités du monde d'aujourd'hui. Par conséquent, dans l'univers du matériel, à la Défense nationale, nous devons composer avec ces nouvelles réalités dans ce que j'appellerais une révolution correspondant à celle des affaires commerciales.
Le ministère de la Défense nationale a élaboré un cadre, baptisé «Bien faire les choses», qui est notre réponse à la révolution des affaires commerciales. J'ai mentionné l'existence de ce programme au Comité permanent de la défense et des anciens combattants de la Chambre des communes le 21 mars de l'an dernier. J'estime que ce cadre est tout à fait pertinent parce que nous sommes en train d'appliquer au présent processus d'acquisition plusieurs des pratiques exemplaires qu'il énonçait.
«Bien faire les choses» veut dire que nous voulons disposer des bons produits, au bon moment, au bon endroit, moyennant le bon soutien, pour le bon prix, en fonction des bonnes règles et en comptant sur le bon personnel, parfaitement qualifié.
(1520)
Il y a trois dimensions principales. La première vise l'industrie et la communication active. Madame Billings, moi-même et notre équipe de projet avons passé des mois à discuter de cette initiative avec l'industrie. Nous le faisons pour deux raisons importantes. Premièrement, nous voulons être sûrs que l'industrie n'interprète pas incorrectement nos propos. Deuxièmement, nous tenons à savoir si ce dont nous parlons est difficile à comprendre ou à réaliser pour l'industrie.
L'essentiel pour moi, tout au long de nos discussions, est de ne pas changer une virgule ou une lettre de l'énoncé des besoins. Cela est sacro-saint. L'énoncé des besoins a été rédigé par des militaires pour des militaires. Il représente ce qui est nécessaire pour satisfaire les besoins des militaires, ce dont ils ont besoin pour mener à bien leur tâche, tout en garantissant que les hommes et les femmes qui servent dans les Forces travaillent dans un environnement sûr.
Nous avons eu de vastes consultations. Il y a eu plus d'un millier de suggestions et de recommandations de part et d'autre. Nous les examinons toutes maintenant pour nous assurer que nous respectons l'énoncé des besoins, tout en comprenant bien ce que l'industrie peut produire ou pas.
En ce qui concerne les consultations, nous nous sommes assurés que, partant de l'énoncé des besoins pour nous attarder aux spécifications plus détaillées, nous n'avons haussé ou abaissé le baromètre par inadvertance. À cet effet, nous avons eu recours pour l'analyse à l'aide d'une société américaine appelée MITRE Corporation, centre de R-D subventionné par le gouvernement américain. Elle fonctionne sans lien de dépendance et ne fait pas concurrence au secteur privé. Le 8 août dernier, elle nous a remis un rapport qui a confirmé que nous avions bien respecté l'énoncé des besoins et que nous n'avions pas altéré quoi que ce soit de ce qui y était indiqué.
Pour ce qui est des pratiques d'excellence, l'endiguement des coûts est évidemment crucial pour le ministère. Nous tenons à ce que l'argent des contribuables soit utilisé le plus efficacement possible. Pour cela, nous nous assurons de deux choses.
Premièrement, nous utilisons le coût comme une variable indépendante. Je veux dire par là qu'au lieu de demander à l'industrie combien il en coûterait de faire telle ou telle chose, nous avons indiqué à l'industrie le prix maximum que nous pouvons dépenser et nous lui demandons si elle peut nous livrer ce que nous voulons dans cette fourchette de prix. En d'autres termes, nous avons dit: «Nous ne pouvons pas dépenser plus que ce montant. Nous pouvons dépenser moins, mais certainement pas plus. Nous pouvons dépenser moins que ça, si vous êtes assez intelligents pour nous livrer le produit à moindre coût, mais nous ne dépenserons pas un sou de plus.» Je crois que c'est faire de bonnes affaires.
Deuxièmement, nous avons adopté une approche de respect du moindre coût, ce qui est un autre point positif. En fait, nous avons dit à l'industrie que nous savions ce que nous voulions. Nous savons de quoi nous avons besoin sous tous les aspects de la santé, de la sécurité et des opérations. Ce sont les choses que nous voulons voir. Ce sont les choses que nous voulons qu'elle nous livre. Si elle peut se conformer à ce dont nous avons besoin, nous choisirons le soumissionnaire le moins-disant. Autrement dit, nous ne dépenserons pas d'argent pour des choses dont nous n'avons pas besoin.
Le troisième aspect de l'endiguement des coûts est celui du «marché total». C'est une première là aussi. Mme Billings et moi combinons l'achat initial et un contrat de soutien de 20 ans. Au lieu d'acheter quelque chose qui semble être une bonne affaire pour constater par la suite que le coût du soutien à long terme monte en flèche, nous disons non, pas cette fois-ci. Nous voulons connaître le plein coût sur vingt ans. Nous combinons les deux éléments, et la société qui saura minimiser le coût du cycle de vie total est celle que nous choisirons.
Enfin, pour ce qui est des pratiques d'excellence, nous avons introduit la notion des préqualifications. Nous avons dit à l'industrie que nous voulons être sûrs de n'avoir aucune surprise lorsque l'appel de propositions sera envoyé. Nous ne voulons pas qu'une société soit déclarée non conforme pour une vétille. C'est pourquoi nous aurons une phase de préqualification. Nous travaillerons ensemble. Une société nous dira ce qu'elle veut soumettre, et nous lui dirons si cela répond à nos spécifications techniques. Dans l'affirmative, nous lui donnerons l'assurance que, si elle nous soumet la même proposition, après l'AP, celle-ci sera acceptée. La condition essentielle sera qu'elle soit la moins-disante et qu'elle ait respecté les autres modalités énoncées par Mme Billings en plus des autres exigences de certification. La préqualification élimine le risque qu'une vétille, qu'une petite erreur rende une soumission technique non conforme alors qu'en fait, elle l'est à toutes fins pratiques.
Enfin, pour ce qui est des contrats, nous nous concentrons sur des caractéristiques de haut rendement afin de faire savoir à l'industrie ce que nous voulons et de la laisser employer son innovation et sa créativité pour nous en faire profiter de la meilleure façon possible.
On a beaucoup parlé des coûts. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que le gouvernement épargnera entre un milliard et un milliard et demi de dollars en procédant à cette acquisition, si on la combine avec celle des hélicoptères de recherche et de sauvetage d'il y a quelques années, relativement à ce que nous avons fait en 1993.
J'aurais bien voulu dire que Mme Billings et moi-même sommes brillants et que c'est grâce à nous que l'on économise cet argent. Cependant, il n'en est rien. Nous sommes assez intelligents, du moins nous l'espérons, mais ce n'est pas pour cette raison que l'on économise tout cet argent. Il y a deux grands facteurs en présence ici.
Dans les années 90, dans l'acquisition dont a parlé Mme Billings, nous nous concentrions sur les produits expérimentaux. C'est le contribuable canadien qui supportait le coût de mise au point des systèmes par l'industrie. C'est une façon onéreuse de faire des affaires, et le risque est très élevé. Aujourd'hui, il y a bien des concurrents qui croient pouvoir nous fournir ce dont nous avons besoin.
Le deuxième facteur important est le degré de concurrence. Comme je viens de le dire, il y a plusieurs soumissionnaires pour les fuselages. Il y en a plusieurs aussi pour les systèmes. Il y a le degré de concurrence et le fait que nous parlons de produits de série, militaires ou commerciaux, et ce sont là les deux principales sources d'économie.
Je tiens à préciser clairement que nous parlons de délivrer exactement la même capacité, pour un milliard et un milliard et demi de dollars. Il y a bien des écarts dans les chiffres et bien des différences dans la substance de ce que nous achetons, mais cela ne change pas le résultat net, soit que les contribuables économiseront beaucoup d'argent. Le ministère de la Défense nationale peut employer cet argent pour d'autres acquisitions toutes aussi importantes.
Mme Billings: Nous avons passé en revue certains des objectifs d'approvisionnement qui nous ont permis d'obtenir un très haut niveau de réussite, en particulier pour ce projet. Lorsque nous considérons chacun des grands projets, nous considérons ce que nous essayons de faire pour structurer les approvisionnements. Nous voulons manifestement acquérir le matériel dont a besoin le MDN au meilleur prix possible, dans des conditions acceptables. Pour un projet de cette taille, nous voulons obtenir des retombées industrielles et régionales qui profiteront à toutes les entreprises canadiennes dans toutes les régions du Canada. Nous voulons étendre ces avantages potentiels à tout le pays. Nous voulons appuyer les petites et moyennes entreprises et aussi les entreprises autochtones grâce au processus d'acquisition afin d'équilibrer les retombées. Nous considérons chacun des cas en particulier pour veiller à ce que ces objectifs précis soient réalisables. Rien ne sert de structurer un ensemble de retombées industrielles régionales qui est impossible à réaliser pour les soumissionnaires. Nous voulons les réaliser sans qu'ils fassent des obstacles aux soumissions.
Mon ministère a pour mandat de veiller à ce que le processus soit juste et transparent et à ce qu'il favorise la concurrence. Dans le cas qui nous intéresse, le gouvernement du Canada traite tous ses achats de façon spécifique et à part de ses autres transactions avec nos partenaires commerciaux ou militaires. Cette philosophie remonte au début de la Seconde Guerre mondiale, à l'époque de la création de la Commission des approvisionnements de guerre dont la mission était d'administrer un processus d'acquisition juste et objectif, tout en répondant aux exigences des ministères. Nous avons, depuis un ministère distinct qui est chargé d'administrer les processus d'acquisition en partenariat avec les ministères acheteurs. Cette formule a très bien fonctionné pour le Canada. Dans le cas de nos grands projets, surtout pour les militaires, nos réalisations au chapitre du respect des délais et des budgets sont meilleures que celles de la plupart de nos partenaires commerciaux.
(1530)
Nous devons bien sûr nous conformer aux exigences législatives et à la politique gouvernementale relative aux marchés. Elles sont essentielles et constituent en même temps une obligation légale pour tous. Nous devons en être conscients et les respecter à mesure que nous progressons.
Dans ce projet particulier, nous tenons également à livrer le plus tôt possible un premier hélicoptère maritime immédiatement prêt à être utilisé, ce qui n'est pas une tâche facile.
Le sénateur Forrestall: Voilà, on nous dit encore «le plus tôt possible».
Mme Billings: En ce qui concerne les politiques d'achat, nous avons trois accords commerciaux auxquels nous devons penser en structurant les activités d'approvisionnement au sein de l'administration fédérale. Le premier est l'accord de l'Organisation mondiale du commerce qui a succédé à l'Accord général sur les tarifs et le commerce, ou GATT. Le deuxième est l'Accord de libre-échange nord-américain. Le troisième est l'Accord sur le commerce intérieur.
Comme entité, la Défense est exemptée tant de l'accord de l'OMC que de l'ALENA pour ce genre d'achats. Toutefois, le MDN doit respecter les dispositions de l'Accord sur le commerce intérieur parce que nous tenons à atteindre l'objectif qui consiste à encourager la concurrence parmi les fournisseurs canadiens, partout au Canada.
Je voudrais prendre quelques instants pour examiner brièvement l'un des aspects des accords commerciaux qui a été évoqué à différents moments au sujet de cet achat particulier. Il s'agit de savoir si le fait que nous ayons déjà acheté des hélicoptères de recherche et de sauvetage constitue une justification suffisante pour recourir à un fournisseur unique dans le cas de l'hélicoptère maritime, afin d'avoir une flotte commune.
Il importe de se rendre compte, que même si l'Accord sur le commerce intérieur prévoit certains domaines dans lesquels nous pouvons choisir un fournisseur unique par souci de compatibilité, l'article 506 nous interdit expressément de racheter le même grand système simplement parce que nous en possédons un. Croyez-moi, nous avons essayé de le faire de temps en temps. Les fournisseurs qui s'estiment lésés ont un mécanisme de recours dans ce cas, qui est le Tribunal canadien du commerce extérieur. Et chaque fois, le Tribunal nous a dit que nous ne pouvions pas nous prévaloir du besoin d'uniformité pour racheter le même grand système. Nous sommes autorisés à nous en servir pour nous procurer des pièces de rechange et pour renouveler nos stocks auprès d'un fournisseur unique, mais le souci d'uniformité ne peut pas justifier le recours à un fournisseur unique même s'il s'agit d'agrandir la flotte d'hélicoptères de recherche et de sauvetage ou d'acheter les mêmes types d'hélicoptères. Cela a donné lieu à beaucoup de discussion.
En dernière analyse, nous avons l'obligation, pour nous conformer à nos accords commerciaux, de faire des appels d'offres concurrentiels. S'il existe des facteurs d'uniformité et d'économies, les soumissionnaires ont la possibilité, dans le cadre du processus d'appel d'offres, de profiter d'économies possibles en répartissant leurs activités partout au Canada.
À part les accords commerciaux, nous avons également la politique des marchés du Conseil du Trésor et le Règlement sur les marchés de l'État qui s'appliquent à l'achat d'hélicoptères maritimes. Tous ces textes ont essentiellement des dispositions très semblables quant à l'obligation d'attribuer des contrats concurrentiels et de suivre un processus juste et équitable pour les entreprises canadiennes, en leur laissant la possibilité de recourir à un mécanisme d'appel si elles se sentent lésées.
Pour ce qui concerne la stratégie relative aux acquisitions, alors que nous discutions de quelques-unes des méthodes de choix pour retenir la meilleure solution qui soit, M. Williams a mentionné certaines des initiatives que nous avons prises dans le contexte de la stratégie d'acquisition. L'illustration à la page 15 récapitule les éléments clés de notre stratégie courante d'acquisition d'hélicoptères. Nous lancerons un appel d'offres, et j'en ai déjà expliqué le pourquoi. Nous envisageons l'acquisition de systèmes de mission disponibles dans le commerce pour nos hélicoptères. Cela signifie que nous n'assumons pas les frais de l'élaboration du produit. Nous évaluerons la soumission conforme la moins-disante. Nous cherchons également à satisfaire aux objectifs de la politique des retombées industrielles et régionales qui correspondent à l'ampleur de nos acquisitions et qui devront favoriser les secteurs à forte croissance et la petite entreprise. Nous voulons également que l'homologation aille de pair avec l'adjudication du contrat. Il s'agit en fait d'une mesure destinée à nous assurer que nous achetons effectivement des systèmes de série, et c'est un moyen pour nous d'atténuer les risques. Nous ne voulons pas nous retrouver, à la livraison, avec un hélicoptère qui ne répond pas aux exigences d'homologation.
M. Williams a parlé du processus de préqualification qui est une autre de nos stratégies d'atténuation des risques. Cette préqualification nous assure d'obtenir ce dont nous avons besoin à la fin du processus d'appel d'offres et évite aux entreprises de commettre en cours de route de petites erreurs susceptibles de les disqualifier. Dans ce type d'approche, si celui qui fournit le système de mission au fabricant de l'hélicoptère ne satisfait pas aux critères, il est automatiquement disqualifié, ce qui nous amènerait très rapidement à un nombre fort restreint de soumissionnaires. Voilà pourquoi ce processus de préqualification est des plus novateurs. Jusqu'à maintenant, nous en sommes satisfaits. Nous dialoguons beaucoup avec les entreprises individuelles, nous échangeons beaucoup d'informations, et je pense bien que nos connaissances en la matière s'accroissent avec le temps.
Un élément clé de notre stratégie d'atténuation du risque et d'approvisionnement est que nous lançons parallèlement l'appel d'offres pour le contrat de soutien en service et celui pour le contrat d'achat général. En fait, nous lançons deux appels d'offres en même temps. Nous nous retrouverons en bout de ligne avec quatre contrats. Il y aura un contrat pour l'hélicoptère et un autre contrat pour le soutien en service de 20 ans. Il en va de même pour les systèmes de mission et pour le soutien en service qui s'y rapporte. Toutefois, nous considérerons que le véhicule, le soutien en service et les modifications devant être apportées au navire forment un ensemble, et c'est le soumissionnaire offrant le prix conforme le plus bas pour le tout qui sera choisi. Nous établirons également des conditions acceptables et tiendrons compte des avantages régionaux dont le pays pourrait bénéficier. Nous procéderons de même pour les systèmes de mission.
Si nous passons à la page suivante, nous avons consacré un certain temps à la stratégie d'acquisition qui est conforme aux politiques de conclusion de marchés en fonction du meilleur rapport qualité-prix. La politique d'approvisionnement du Conseil du Trésor exige que nous nous assurions d'obtenir le meilleur rapport qualité-prix.
Traditionnellement, au Canada, comme dans nombre de pays, le plus bas prix constituait la norme. C'était l'étalon pour évaluer les offres dans un contexte de concurrence. Au Canada, nous avons élargi les critères et nous avons décidé d'obtenir le meilleur rapport qualité-prix ou, le cas échéant, le meilleur équilibre possible dans les offres, pour l'État et pour les citoyens canadiens. Cette façon de procéder nous permet de tenir compte, dans des processus d'approvisionnement complexes, à la fois des prix, du mérite technique et de la qualité, ces critères étant établis par l'autorité contractante avant le lancement de l'appel d'offres. Nous avons publiquement informé les soumissionnaires de notre procédure exacte d'évaluation pour qu'ils sachent à quoi s'attendre. Ensuite, nous procédons à l'évaluation conformément à cette procédure. Dans le cas contraire, les soumissionnaires peuvent s'adresser à plusieurs instances pour obtenir un traitement équitable.
Dans ce cas, le processus de préqualification nous permet de rechercher le prix conforme le plus bas. La période de préqualification nous permet de vérifier les propositions des entreprises par rapport à nos spécifications, pour nous assurer que les offres soient conformes à nos besoins, notamment au plan de la fonctionnalité. La question des prix vient après. Nous pensons que la combinaison de ces deux éléments fournit au gouvernement du Canada le meilleur rapport qualité-prix.
La page suivante précise cela. On s'attarde sur le fait que, parce que le soutien en service est compris dans l'évaluation du prix, nous ferons en sorte que les fabricants de l'hélicoptère et des systèmes de mission ne nous offrent pas de matériel bas de gamme ou de mauvaise qualité, parce qu'ils sauront que leur prix doit tenir compte de l'entretien de l'hélicoptère durant sa durée de vie. Nous faisons cela pour que les soumissionnaires en tiennent compte et fassent l'équilibre entre la qualité et le prix à court terme. Là encore nous avons suivi une stratégie d'atténuation des risques.
Nous avons structuré notre stratégie d'acquisition autour de la satisfaction des exigences parfois contradictoires liées aux accords commerciaux et à la réglementation gouvernementale de même qu'aux besoins du ministère de la Défense, en veillant aux intérêts des Canadiens d'un bout à l'autre du pays et en nous assurant que le processus est juste, ouvert et concurrentiel.
Sur ce, je vais laisser M. Williams nous dire ce que nous constatons maintenant que les soumissionnaires se font connaître.
M. Williams: Jusqu'à maintenant, quatre entreprises ont tenu à avoir des discussions élaborées. EH Industries est une filiale de Agusta/Westland, détenue à parts égales par une entreprise italienne, Finmeccanica, et une entreprise du Royaume-Uni, GKN.
(1540)
La société Eurocopter a vu le jour en 1992, par suite de la fusion d'Aérospatiale-Matra en France et de Daimler Chrysler en Allemagne et elle appartient maintenant en totalité à la European Aeronautical Defense and Space Company, connue sous le nom de EADS. Sikorsky est une filiale la United Technologies Corporation des États-Unis et NH Industries, qui est responsable de la gestion de programmes et de la commercialisation de l'hélicoptère NH-90. Les partenaires principaux viennent de France, d'Italie, d'Allemagne et du Portugal.
Les quelques diapositives qui suivent vous montrent ces hélicoptères. Ce sont les compagnies mêmes qui nous les ont fait parvenir; elles sont donc très réalistes.
Sur la diapositive numéro 24, je vais vous indiquer les soumissionnaires possibles pour les équipements de mission. Il y a actuellement 11 compagnies qui ont fait part de leur intérêt. Quatre d'entre elles correspondent aux soumissionnaires présents. Les autres sont probablement bien connues de tous.
J'aimerais souligner qu'au cours des quelques derniers mois, la compagnie Boeing a fait savoir qu'elle travaillerait en étroite collaboration avec EH Industries, et CDC a souligné que, de son côté, elle travaillerait avec Sikorsky.
Mme Billings: Je vais vous fournir des renseignements sur les nouveaux développements. Le gouvernement a annoncé le 17 août 2000 que nous irions de l'avant avec le projet d'hélicoptères maritimes. Nous avons émis une lettre d'intérêt à l'intention de l'industrie la semaine suivante, soit le 22 août 2000, et nous avons reçu une réponse de l'industrie le 9 octobre 2000. M. Williams a passé en revue les compagnies qui ont fait parvenir une réponse et qui travaillent activement avec nous. Nous avons obtenu une réponse beaucoup plus abondante que nous l'avions prévu du côté des systèmes de mission. Par conséquent, il nous a fallu un certain temps pour traiter ce que nous avions et l'évaluer en fonction de ce que nous proposions.
Dans la lettre d'intérêt, nous proposions de faire savoir grosso modo aux entrepreneurs ce que nous achetions, comment nous procédions et quel serait le processus. Nous les avons invités à nous communiquer en retour leurs observations quant au plafonnement des prix, aux délais et au processus d'acquisition, et à nous faire savoir également qui ils sont, de quel pays ils viennent et s'ils sont disposés à se présenter et à être perçus comme des candidats principaux. Nous avons fait cela de façon très innovatrice.
Nous avons affiché tout cela sur Internet. Nous avons un lien sur le service électronique d'appel d'offres canadien MERX, qui permet de passer de ce site Web à celui du SMA(Mat), où un site entier est consacré au Projet de l'hélicoptère maritime. Tous ces documents figurent sur ce site. Nous avons maintenant affiché la réponse du gouvernement à la lettre d'intérêt. Nous l'avons affichée le 16 mai 2000. Nous avons indiqué quelles sociétés qui avaient répondu et celles que nous considérions capables de répondre à nos exigences.
Il y avait un fabricant de véhicule de base pour hélicoptère qui, en fait, ne répondait pas aux exigences que nous avions en matière de capacité, et il y avait une société qui offrait deux hélicoptères, dont un qui ne répondait pas aux exigences en matière de capacité de base. Nous avons annoncé que nous traiterions, en qualité de contact principal, avec ces sociétés et que les autres sociétés intéressées qui pourraient vouloir participer au Projet de l'hélicoptère maritime devraient prendre leurs propres dispositions pour traiter avec ces sociétés. Nous avons été très heureux des réponses et de l'interaction que nous avons eues au sujet de la lettre d'intérêt.
Cette lettre confirmait que nous allions de l'avant comme nous l'avions prévu. Nous avons recueilli beaucoup d'observations sur de nombreux aspects de l'organisation des achats dans les deux appels d'offres, la date d'attestation et d'autres aspects, mais à tout prendre, le gouvernement a considéré que son approche d'acquisition était robuste et apte à répondre aux besoins.
Peu après l'affichage des réponses à la lettre d'intérêt sur le site Web, nous avons commencé à élaborer ce que nous appelons l'ébauche des «Spécifications des besoins liés au véhicule de base», et les entreprises ont commencé à répondre. D'intenses activités bilatérales se sont déroulées tout l'été avec les sociétés Sikorsky, EHI, NHI et Eurocopter pour déterminer comment elles se positionnaient par rapport à ces besoins liés au véhicule de base. Nous avons recueilli de nombreuses observations, et nous continuons de les évaluer de concert avec les entreprises. Comme je l'ai mentionné, dans certains cas, nous sommes revenus en arrière.
Je devrais mentionner que notre modèle de base a toujours été un énoncé militaire des besoins opérationnels. On a fait remarquer que cet énoncé ne pouvait être modifié, même si une entreprise avait voulu que nous renoncions à un critère pour lui conférer un avantage. L'énoncé était immuable. Nous avons cependant constaté, lors de la transcription de l'énoncé des besoins dans les SBVB, que nous avions en fait une certaine marge de manoeuvre. Dans ces cas-là, nous avons évalué la possibilité de rajuster les SBVB. Dans certains cas, les entreprises savent que nous les rajustons et, dans d'autres, elles ne le savent pas, et elles ne le sauront pas tant que nous n'aurons pas présenté la prochaine ébauche des SBVB, ce que nous comptons faire sous peu, au début de novembre.
Après cela, nous publions l'ébauche de la lettre définissant le processus de préqualification, parce que nous voulons donner aux entreprises la chance de nous dire si elles jugent ce processus applicable et nous tenons à ce qu'elles sachent exactement comment il fonctionne.
La description des étapes à venir prend plusieurs pages. Nous sommes en train de rédiger l'énoncé de travail et les documents sur les modalités qui feront partie de la demande de proposition (DDP) officielle devant être envoyée l'an prochain. À mesure que nous terminons l'ébauche de ces documents, nous les mettons sur le site Web aux fins de commentaires. Nous y transférons les composantes de la DDP à chaque étape de la rédaction afin d'obtenir des commentaires et des suggestions. Ces documents devraient commencer à paraître vers la fin de ce mois-ci ou au début de novembre.
L'interaction avec l'industrie va se poursuivre jusqu'à la parution de la dernière DDP. C'est une approche très inhabituelle pour nous. En général, c'est le secret absolu. D'habitude, à l'étape de la rédaction, nous suivons un processus très officiel pour communiquer avec l'industrie où chacun sait ce qu'a dit l'autre et ce que nous avons répondu. Nous préconisons un dialogue plus ouvert dans ce cas-ci.
Le processus de préqualification doit se poursuivre pendant environ un mois avant que les soumissions ne commencent à être présentées. La dernière DDP pour l'acquisition devrait être rendue publique au début de 2001 et un contrat devrait être octroyé plus tard au cours de l'année, soit quelque huit mois plus tard.
J'espère que cet exposé sur notre façon de procéder vous aura donné une bonne idée de la stratégie d'acquisition, des besoins du MDN, du processus que nous suivons et de l'étape où nous en sommes actuellement.
Le sénateur Lynch-Staunton: Merci aux témoins de leur exposé complet et très instructif, bien que fort complexe. J'espère que nous en avons compris la plus grande partie. La terminologie est un peu différente de ce à quoi nous sommes habitués.
Je dois dire, en toute déférence pour nos deux témoins, que certains d'entre nous sont fort déçus que le gouvernement n'ait pas accepté que ce comité plénier étudie la question de façon plus exhaustive et approfondie qu'il ne peut le faire maintenant. Il est fort bien d'entendre deux représentants compétents de deux ministères nous expliquer la genèse de ce processus, mais il aurait été également instructif de recueillir le point de vue de témoins qui trouvent à redire au processus et y trouvent des lacunes. Même nos témoins doivent convenir que le processus d'appel d'offres n'est pas parfait.
Cela dit, j'espère que, après aujourd'hui, le gouvernement reconsidérera son veto au sujet de la convocation d'autres témoins et se montrera plus souple à l'égard des travaux du comité, s'ils se poursuivent, afin que nous puissions avoir une vue d'ensemble d'un processus d'appel d'offres hautement complexe qui, je dois le dire, a prêté à controverse. Le processus a donné lieu à des accusations de la part d'entreprises qui auraient pu présenter des offres et qui ont peut-être été exclues. Il y a eu aussi des accusations d'ingérence politique et d'autres insinuations qu'aucun d'entre nous n'aime à entendre. Je crois que nous voudrions tous également que la question soit tirée au clair. Je ne suis pas persuadé que nos témoins d'aujourd'hui pouvaient beaucoup nous éclairer à cet égard.
Nous en sommes là parce que, en novembre 1993, le gouvernement a décidé d'annuler un marché accordé un an plus tôt, comme on l'a dit au début de l'exposé.
(1550)
J'adresse ma question aux deux témoins. J'ignore lequel est le plus qualifié pour répondre. Vous voudrez peut-être intervenir tous les deux, et c'est très bien ainsi.
Le gouvernement de l'époque a-t-il consulté le ministère de la Défense nationale ou celui des Travaux publics, ou les deux, avant d'annoncer de l'annulation du contrat?
M. Williams: La décision avait déjà été prise lorsque je me suis joint au ministère des Travaux publics.
Mme Billings: J'ai remplacé Allan à son poste, si bien que nous n'assumions ni l'un ni l'autre nos responsabilités actuelles.
Le sénateur Stratton: Ce sont des témoins crédibles.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est le problème que nous allons avoir. Je peux comprendre la situation dans laquelle nous sommes maintenant, mais il vaut mieux comprendre ce qui nous a amenés ici. Pouvez-vous nous dire si la décision d'acheter le EH-101 était considérée par les deux ministères comme la bonne décision?
M. Williams: Je le répète, je n'étais pas au courant des décisions prises concernant l'achat de cet hélicoptère ni l'annulation du contrat à l'époque.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je suis persuadé que, lorsque vous vous êtes lancé dans ce nouveau processus d'appel d'offres, vous avez dû consulter d'autres personnes. Vous parlez de cette période dans votre exposé; vous devez donc avoir épluché les dossiers et lu certaines des évaluations et recommandations. Ce travail n'a-t-il pas influencé ce que nous faisons aujourd'hui, ou les renseignements recueillis alors ont-ils été complètement négligés?
Mme Billings: Lorsque les achats ont été structurés et que les processus ont suivi leur cours, à la fin des années 80, la méthode retenue a été celle que le gouvernement et les fonctionnaires de l'époque considéraient comme la meilleure dans les circonstances. Pour chaque programme d'achat important, nous repartons à zéro. Nous examinons certes les processus qui ont été utilisés auparavant, pour voir ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné. Notre objectif dans ce cas-ci est de parvenir à un processus équitable qui nous permettra de faire l'acquisition d'un hélicoptère qui répond aux exigences actuelles du ministère de la Défense nationale.
M. Williams: Je pourrais ajouter que le monde a beaucoup changé depuis 1994. Les années 1994, 1995 et 1996 ont marqué l'avènement des accords commerciaux internationaux et de l'Accord sur le commerce intérieur dont Mme Billings a parlé. Cela établit un cadre juridique énorme autour de ce que nous faisons de nos jours. Ce cadre juridique a été appliqué dans le cas de l'acquisition des hélicoptères de recherche et de sauvetage et des hélicoptères maritimes.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ne nous écartons pas du sujet en nous arrêtant sur des arguments juridiques. Nous cherchons à savoir si ce processus d'appel d'offres conduit à l'acquisition du meilleur hélicoptère possible pour la réalisation des objectifs que nous souhaitons atteindre.
Je remets en cause la décision d'annuler l'acquisition, compte tenu des propos d'un certain nombre de spécialistes qui ont fait des commentaires à ce sujet à l'époque et qui étaient ravis de la décision du gouvernement. Un de ces spécialistes était le contre-amiral Richard Waller. Je ne sais même pas s'il est toujours en uniforme. À l'époque, il était commandant des Forces maritimes du Pacifique. C'est le genre de personne que j'aimerais avoir devant moi comme témoin. Il possède une connaissance pratique des hélicoptères et pourrait nous donner un point de vue plus poussé que celui des responsables du processus d'appel d'offres. Il avait une expérience pratique des hélicoptères. À l'époque, s'exprimant au sujet du EH-101, il a dit que les Forces avaient choisi cet hélicoptère parce qu'il était le seul au monde à avoir franchi le stade du développement et à être capable de satisfaire à nos exigences.
Cette conclusion, à laquelle celui-ci et d'autres sont arrivés, était-elle exacte?
M. Williams: Il est certes indiscutable que l'hélicoptère de recherche et de sauvetage satisfaisait à nos exigences opérationnelles. Comme nous l'avons dit, les Forces ont précisé de façon très claire, dans leur énoncé des besoins, ce qu'elles attendent de ce processus d'acquisition. Nous l'avons dit à maintes et maintes reprises: nous n'avons rien modifié à cet énoncé des besoins. Nous leur livrerons, à n'en pas douter, un produit satisfaisant à leurs besoins opérationnels.
Le sénateur Lynch-Staunton: L'énoncé militaire des exigences est-il à l'heure actuelle le même que celui qui a mené au marché des EH-101?
M. Williams: Non, fort heureusement. Les exigences d'aujourd'hui sont radicalement différentes de celles du début des années 90. Les Forces ont accompli le travail que j'aurais espéré d'elles: elles ont tout repris à zéro, analysé le contexte mondial dans lequel nous évoluons aujourd'hui et cherché à élaborer des devis descriptifs visant à répondre aux besoins de l'heure. J'ai fait un bref commentaire au sujet de la révolution dans les activités militaires. Elle est en cours. La nécessité de combattre en zone littorale représente une énorme différence par rapport au passé. Ce produit a été conçu en fonction des besoins d'aujourd'hui, et non d'après les exigences d'il y a 10 ou 15 ans.
Le sénateur Lynch-Staunton: Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet? Selon vous, en quoi la définition de la guerre aujourd'hui a-t-elle changé par rapport à il y a 15 ans?
M. Williams: Le contexte dans lequel nous évoluons de nos jours, comme le montre la bataille actuelle, exige souvent que nos forces opérationnelles...
Le sénateur Lynch-Staunton: Désolé, de quelle bataille actuelle parlez-vous?
M. Williams: Nos forces sont présentement en route vers le golfe Persique et...
Le sénateur Lynch-Staunton: Qu'est-ce que cela a à voir avec le processus d'appel d'offres?
M. Williams: Vous avez demandé en quoi le contexte actuel a changé.
Le sénateur Lynch-Staunton: Non, je vous ai demandé en quoi votre définition de la «guerre» a changé par rapport à ce qu'elle était il y a 15 ans?
M. Williams: Aujourd'hui, nous essayons de doter nos soldats de l'équipement qui leur permettrait, le cas échéant, de combattre sur le littoral, dans un milieu aquatique situé près des côtes, pas en eaux profondes, en plein centre de l'océan. Ce genre de milieu marin présente pour nos hommes et nos femmes militaires des périls différents. Lorsque vous êtes près d'une côte, vous pouvez être menacé par des mitrailleuses. De la côte, on peut vous lancer différentes sortes de missiles. Nous voulons doter nos nouveaux hélicoptères de systèmes de détection qui pourront protéger nos gens dans les environnements qu'ils peuvent rencontrer de nos jours. Voilà ce que nous essayons de faire.
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous dites que l'annulation du contrat d'achat des autres hélicoptères fut une bonne chose parce que ces appareils n'étaient pas conçus pour la guerre telle qu'elle est définie aujourd'hui, selon vos explications. Cela veut-il dire que la guerre sera définie différemment dans 15 ans et que nous aurons encore du matériel désuet sur les bras?
M. Williams: Monsieur, je n'ai pas commenté la décision d'annuler l'achat des autres hélicoptères.
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous avez déjà dit que c'était une bonne chose.
M. Williams: Je n'ai pas affirmé que la décision avait été bonne ou mauvaise. J'ai simplement fait remarquer, en répondant à votre question, que le présent énoncé des besoins a été préparé dans le contexte mondial actuel. Nous avons fait de la prospective stratégique afin de préparer nos systèmes de mission pour l'avenir. En incluant le contrat à long terme, nous espérons obtenir les mises à niveau et les améliorations nécessaires pour profiter des nouveautés technologiques et répondre aux besoins de l'avenir, mais rien n'est assuré. Avec les systèmes de mission d'aujourd'hui, nous sommes certainement mieux en mesure de répondre aux besoins d'aujourd'hui que nous ne l'aurions été autrement.
Le sénateur Lynch-Staunton: La réponse me semble très incomplète et plutôt vague. Ces hélicoptères avaient été conçus, à l'époque, pour être embarqués sur des frégates, n'est-ce pas? Les frégates que nous avons là-bas à l'heure actuelle sont dotées de Sea King qui ne sont pas tout à fait vétustes, mais qui ne sont pas aussi sûrs qu'ils le devraient. Certains les qualifient de vétustes ou de dangereux. Ils nécessitent de 30 à 40 heures d'entretien avant de pouvoir voler une seule heure, ce que, soit dit en passant, vous n'avez pas prévu dans le coût.
M. Williams: Que si! J'y viendrai dans un instant. D'abord, les hélicoptères dont nous nous servons à l'heure actuelle ne constituent peut-être pas un bon système de détection, mais vous pouvez être assuré que nous ne les mettrions pas à la disposition de nos hommes et de nos femmes s'ils n'étaient pas sûrs. Il est tout à fait vrai que nous dépensons beaucoup d'argent sur les Sea King, mais il ne fait aucun doute qu'ils sont fiables et sûrs.
Pour ce qui est du coût d'entretien des Sea King, qui est de l'ordre de 100 millions de dollars, il ne diffère pas tellement de celui que nous nous attendons à payer pour les nouveaux hélicoptères, qui seront plus neufs, mais aussi plus perfectionnés. Il s'établira un équilibre.
(1600)
Le sénateur Rompkey: Ce qui ressort de l'exposé et des questions, c'est une comparaison entre le passé et le présent. Le passé, c'était la période de la guerre froide, et le présent, c'est la conjoncture dans laquelle nous vivons actuellement. Il est légitime de souligner l'énorme différence entre le rôle de la marine canadienne autrefois et son rôle maintenant.
À partir de la Seconde Guerre mondiale, la marine canadienne a été une marine anti-sous-marins. On a conçu les programmes avec cet objectif et cette mission en tête. C'était là la mission de la marine canadienne. Si nous avons appris quelque chose après 1994, et certainement après le 11 septembre, c'est que les sous-marins ne sont pas la menace la plus grande à laquelle nous faisons face. Évidemment, un programme conçu dans les années 80 ne correspond pas nécessairement au programme dont on pourrait avoir besoin dans les années 90 et par la suite. Il vaut la peine de souligner cela, car c'est fondamental dans le cadre de nos discussions. Nos témoins pourraient peut-être nous dire ce qu'ils en pensent.
Il est évident qu'il fallait revoir les devis, et c'est ce que l'on fait actuellement. Comment le processus est-il mis en oeuvre à partir de maintenant?
Il a été abondamment question de la façon dont les contrats seront adjugés. Certains disent qu'un seul contrat serait préférable, alors que d'autres prétendent qu'il devrait y en avoir deux. Il existe d'ailleurs un précédent. Comme les témoins l'ont dit dans leur exposé, à l'origine, le contrat était partagé entre EH et Paramax, Paramax devant être l'intégrateur des systèmes. De toute évidence, il existe un précédent concernant le partage du contrat, et il y a eu d'autres cas semblables.
Je voudrais inviter les témoins à intervenir là-dessus et à clarifier la question du contrat parce que cela a fait l'objet de bien des discussions. Comment le contrat sera-t-il accordé et quels en sont les avantages et les inconvénients? Dans cet ordre d'idées, il serait utile qu'ils nous disent en quoi le processus profitera aux industries canadiennes, car les avantages que peuvent en tirer nos industries sont importants pour nous tous.
Le Canada a donné naissance à nombre d'excellentes entreprises de haute technologie, dont certaines sont établies dans la région d'Ottawa. Certaines d'entre elles prennent de plus en plus d'importance dans le monde. En quoi les entreprises canadiennes voulant faire une offre profiteront-elles du contrat, tant au Canada qu'à l'étranger?
Mme Billings: Quand nous avons élaboré le processus d'adjudication, nous avons examiné toutes les variantes ainsi que le pour et le contre de celles-ci. Tous les modèles d'adjudication que nous avons analysés présentent des avantages comme des inconvénients. En ce qui concerne le mode des deux contrats, cependant, nous avons tenu compte du fait qu'il n'y avait pas d'usine de fabrication d'hélicoptères maritimes au Canada. Dans bien des cas, les fabricants d'hélicoptères ont formé des coentreprises ne comprenant pas nécessairement des partenaires canadiens.
Nous avons songé à la possibilité de tenir deux concours au lieu d'un seul, en tenant compte du fait que plus d'une société de systèmes de mission se manifesteraient comme principales entreprises intégrées répondant à l'offre. Dans l'option d'un seul contrat, celles-ci auraient pu voir leur offre rejetée.
Treize entreprises ont répondu à la lettre d'intérêt, y compris tous les fabricants de véhicules de mission qui se sont offerts comme entrepreneurs principaux. Une de ces entreprises a retiré son offre parce que son véhicule ne répondait pas aux exigences relatives aux capacités, et une autre s'est retirée récemment et a décidé de s'abstenir à titre de sous-contractant.
Honorables sénateurs, on remarque sur la liste un certain nombre de sociétés canadiennes ou de filiales de sociétés étrangères qui gardent une présence active au Canada. Ces sociétés sont ainsi plus aptes à faire bénéficier aux fabricants d'hélicoptères en puissance les avantages de travailler avec elles. Dans certains cas, il s'agit de sociétés qui n'ont jamais eu affaire aux principaux constructeurs de véhicules de base. C'était là un facteur clé dans la façon dont nous avons envisagé de structurer l'appel d'offres.
Bien sûr, l'administration des deux appels d'offres, où le gouvernement fédéral faisant essentiellement office d'entrepreneur principal, pose un risque accru. Afin d'atténuer ce risque, et nous l'avons indiqué dès le début dans la lettre d'intérêt, nous allons demander à la société choisie pour équiper les appareils des systèmes de mission d'assumer le rôle d'entrepreneur principal. Cette société pourrait alors travailler avec le fabricant du véhicule de base à l'élaboration d'un accord de collaboration et d'une nouvelle entente en vertu de laquelle les deux sociétés travailleraient en parfaite harmonie et la première jouerait le rôle d'intégrateur. Nous utilisons ce moyen pour réduire notre risque.
M. Williams: J'aimerais ajouter un point. Vous avez fait mention du marché précédent et de la façon dont il était structuré. Cela nous ramène à l'idée qu'il faut examiner chaque démarche de dotation individuellement. La décision de partager le marché reposait sur le développement de deux produits, constituant des initiatives à haut risque. La désignation d'une société comme principal entrepreneur entraînerait, en raison des risques, des coûts marginaux très importants pour la Couronne. Plutôt que de courir ces risques, le gouvernement a décidé d'assumer lui-même le rôle d'entrepreneur principal et de diviser le marché en deux.
Tout cela pour dire que chaque marché doit être examiné séparément. Le fait que nous en ayons deux plutôt qu'un, même si c'est différent, ne rend pas nécessairement le processus meilleur ou moins bon.
Le sénateur Rompkey: Peut-on en conclure que de diviser le marché facilite les choses, et notamment la participation d'entreprises canadiennes, comme partenaires ou concurrentes, en particulier dans les systèmes de missions?
M. Williams: Oui.
Le sénateur Rompkey: Il a beaucoup été question de l'équité du processus. On a dit qu'il y avait eu des accusations, mais n'est-il pas vrai que tous les soumissionnaires se sont plaints? Si tous les soumissionnaires se plaignent, est-ce que cela ne met pas en évidence l'équité intrinsèque du processus?
Mme Billings: Tous les soumissionnaires essaient de se positionner de façon à pouvoir l'emporter. Tous ont exprimé des préoccupations au sujet de divers aspects du processus. Le ministre Eggleton a dit que, si nous les avons tous ennuyés également, c'est qu'il doit y avoir quelque chose que nous faisons de bien.
Tous les produits sont quelque peu différents, et tous les soumissionnaires s'estiment différents dans le contexte du processus d'acquisition. Ils essaient tous de servir leur propre intérêt. Nous avons bon espoir, cependant, qu'ils réussiront à participer au processus de préqualification et que nous aurons des soumissions acceptables de la part de toutes les entreprises.
M. Williams: Les sénateurs devraient savoir que nous invitons les intéressés à faire connaître leurs points de vue. Nous voulons que l'industrie vienne nous parler maintenant et nous voulons nous assurer de comprendre ce que l'industrie peut produire. Cela étonnera peut-être les sénateurs, mais nous avons été surpris par certaines des choses que l'industrie pouvait ou ne pouvait pas produire, par rapport à ce que nous avions lu dans leur documentation. C'est pourquoi nous devons en reparler et comprendre. Une fois que nous l'aurons fait, nous serons ouverts aux commentaires et à la discussion.
Il s'agit d'un programme énorme, d'une valeur de plusieurs milliards de dollars. À l'acquisition initiale de 3 milliards de dollars s'ajoutera le soutien à long terme, ce qui portera le montant à au moins 5 milliards de dollars. Je serais étonné que l'industrie ne fasse pas tout ce qu'il faut pour se positionner le plus avantageusement possible. Ce n'est pas condamnable en soi. Tout le monde le fait, et c'est ce qu'il faut faire.
Mais il nous appartient, en définitive, de préserver l'intégrité du processus et de veiller à ce que les hommes et les femmes qui servent dans nos forces armées reçoivent le produit qu'ils méritent.
Le sénateur Rompkey: Ma prochaine question découle de l'énoncé de mission initial, et concerne ce qui était nécessaire à ce moment-là et ce qui l'est maintenant. On a discuté des besoins opérationnels et, plus précisément, du nombre de moteurs nécessaires. Les besoins, dans le passé, étaient peut-être différents en raison du rayon d'action de l'aéronef ou de la nature de sa mission. Il convient de souligner à nouveau que la marine canadienne a déjà été une marine spécialisée dans la lutte anti-sous-marine. Les navires avaient un certain rayon d'action et, par conséquent, certaines exigences sur le plan de la mécanique relativement au nombre de moteurs, leur puissance et ainsi de suite. De nos jours, la mission a changé quelque peu.
(1610)
La présidente: Sénateur Rompkey, je suis désolée de vous interrompre, mais vos dix minutes sont écoulées. Vous pourrez intervenir à nouveau au cours du deuxième tour.
Le sénateur Forrestall: L'exercice dans lequel nous sommes engagés est très complexe, comme beaucoup d'entre vous peuvent s'en rendre compte. Même si, de temps à autre, j'ai pu sembler exaspéré au cours des deux ou trois dernières années avec un éventail de leaders du gouvernement au Sénat, c'est compréhensible.
Je veux de nouveau revenir au tout début, car on cherche simplement à tergiverser dans le cas présent. Je n'ai pas d'autre explication. Je suis prêt à parier qu'il faudra encore cinq ans, et je serais très heureux de voir si je gagne encore. Je voudrais revenir au début de ce cafouillis. J'ai déjà vécu à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, et j'ai joué au basket-ball à Shearwater. Ainsi, j'ai grandi avec des hommes et des enfants dont les parents étaient des membres de notre aviation militaire qui volaient à bord d'hélicoptères et d'avions. Il s'agissait surtout d'hélicoptères. Les Sikorski permettaient à des centaines et des centaines d'hommes de voler en toute sécurité, ce qui faisait que leurs familles au sol étaient satisfaites et sans inquiétudes. Ce n'est plus vrai aujourd'hui. Ces gens sont très inquiets, car ils volent toujours à bord d'un aéronef peu fiable. Tout ce que nous voulons, de ce côté-ci du Sénat, ce n'est pas un appareil peu coûteux qui ne répondra pas aux besoins actuels. Nous pourrions en arriver là en tentant d'obtenir le coût le plus bas, mais pas en cherchant le meilleur rapport qualité-prix pour les Canadiens. C'est très différent. Je veux savoir pourquoi on est arrivé à ce jargon et pourquoi le premier ministre a annulé le contrat. Y avait-il des raisons ou a-t-il juste agi de son propre chef? Quand la décision a-t-elle été prise pour la première fois de remplacer les Sea King? En quelle année?
M. Williams: Durant les années 80. Je ne suis pas certain.
Le sénateur Forrestall: C'est une bonne réponse.
Mme Billings: La décision officielle a été prise en 1986, si je ne m'abuse.
Le sénateur Stratton: C'était en 1978.
Le sénateur Forrestall: Prenons 1978. L'actuel premier ministre n'a-t-il pas fait partie du Cabinet libéral de 1978 à 1981? Quand le gouvernement libéral de M. Trudeau a pris la décision de lancer le processus de remplacement des hélicoptères, l'actuel premier ministre ne faisait-il pas partie de ce gouvernement? Ma mémoire me ferait-elle défaut? Vous ne connaissez pas la réponse?
Le sénateur Robichaud: Ces questions ne sont pas recevables.
Le sénateur Stratton: Nous n'entendons pas les témoins qu'il faudrait.
Le sénateur Robichaud: Ce sont les bons témoins, mais nous leur posons de mauvaises questions.
Le sénateur Forrestall: Ils ne répondent pas aux questions que je pose. Comment faisons-nous pour nous trouver dans un tel pétrin?
Le sénateur Robichaud: Nous ne sommes pas dans le pétrin. C'est votre esprit qui s'empêtre.
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous n'êtes pas un témoin.
Le sénateur Kinsella: Que cachez-vous?
La présidente: Honorable sénateur Forrestall, je vous prie de poursuivre.
Le sénateur Forrestall: Je voudrais que vous demandiez au leader adjoint du gouvernement à la Chambre de garder ses commentaires pour lui, pour que je puisse poursuivre.
La présidente: Ne vous en préoccupez pas; il ne rogne pas sur votre temps de parole. Je vous prie de continuer.
Le sénateur Forrestall: Pourriez-vous m'expliquer comment a été élaboré l'énoncé des besoins pour ce nouvel aéronef embarqué, le NAE? Comment a été arrêté l'énoncé des besoins en 1984-1985? Quels ont été le processus et la procédure suivis?
M. Williams: Je ne peux pas vous répondre. Je ne connais que l'hélicoptère dont il est question aujourd'hui.
Le sénateur Forrestall: Vous ne savez pas combien d'avionneurs ont fait des offres pour le remplacement des Sea King lors de l'appel d'offres lancé pour le NAE, mis à part les quatre que vous avez cités un peu plus tôt.
Mme Billings: En ce qui concerne l'appel d'offres qui a été lancé vers la fin des années 80, 10 avionneurs ont été invités à soumissionner.
Le sénateur Forrestall: Pouvez-vous les nommer?
Mme Billings: Je n'ai pas tous les noms car seulement deux ont fait des offres: Eurocopter et EHI.
Le sénateur Forrestall: Parlons un peu d'Eurocopter. Cette société propose-t-elle du matériel «navalisé»? Je m'explique: les pales rotatives et le rotor de queue se plient-ils? L'appareil est-il anodisé? Est-il à l'épreuve du sel, et cetera?
Mme Billings: Tous les hélicoptères qui sont candidats au marché pourront être adaptés à un environnement maritime. Certains ne le sont pas pour l'instant, mais nous comptons acheter un hélicoptère maritime, et c'est ce qui est précisé sur le devis descriptif.
Le sénateur Forrestall: Comment faites-vous exception dans le cas d'Eurocopter? Leur dites-vous: «Agissez quand vous voudrez. Savez-vous que cela doit faire partie du programme?» La société Sikorsky s'est fait dire qu'elle ne pouvait pas aller de l'avant avec une pièce d'équipement parce qu'elle n'avait pas été entièrement certifiée. Pourquoi y a-t-il deux critères différents?
M. Williams: En fait, ce n'est pas le cas. Nous n'avons pas dit à l'industrie ce qu'elle devait ou ne devait pas faire. Nous avons toujours dit à l'industrie quels produits nous voulons et comment nous entendons les acquérir, comment les choses doivent être certifiées et comment la certification doit se faire. L'industrie réagit comme elle l'entend; c'est son affaire. Nous veillons à nos propres intérêts.
Le sénateur Forrestall: Êtes-vous en train de me dire que la position adoptée par le ministère des Travaux publics à l'échelle nationale, en vertu des règles d'engagement actuelles, n'empêche pas Sikorsky de livrer une concurrence équitable?
Mme Billings: Sikorsky participe toujours au processus. Nous n'avons aucune indication qu'elle n'y participera pas.
Le sénateur Forrestall: Il n'est donc pas important que le véhicule sur lequel on fondera la soumission ou l'appel d'offres n'ait pas été certifié?
Mme Billings: Actuellement, nous exigeons la certification au moment de l'adjudication des contrats. L'adjudication viendra quelques mois après la publication de la DDP. Sikorsky devra alors avoir fait la preuve qu'elle est en mesure de faire certifier son produit.
Le sénateur Forrestall: Quand croyez-vous que nous recevrons le premier véhicule, et quand recevrons-nous le dernier?
Mme Billings: Pour ce qui est de la date de livraison, la DDP n'a pas encore été publiée. Nous avons un processus à double soumission. Nous envisagerons de resserrer les échéanciers lorsque nous aurons un contrat avec le fabricant du véhicule de base et lorsque nous entreprendrons de choisir l'intégrateur des systèmes de mission. Nous verrons alors quel type d'économies nous pouvons réaliser en ce qui concerne les échéanciers et ce que l'industrie nous dira qu'elle est en mesure de livrer. Tous les participants savent que nous voulons un hélicoptère entièrement intégré au système de mission le plus tôt possible.
Le sénateur Forrestall: Ce sera pour quand? Vous devez bien en avoir une vague idée. Un colonel nous a dit que ce pourrait être en 2010. Les Sea King devront être immobilisés au sol bien avant cela. Quoi qu'il en soit, le Sea King est encore notre hélicoptère.
Mme Billings: Il est très souhaitable que les premiers hélicoptères soient livrés d'ici la fin de 2005.
Le sénateur Forrestall: C'est vous qui êtes le professionnel ici. Nous ne sommes que des profanes. Nous sommes presque en 2002.
(1620)
Est-il possible de livrer dans un délai de trois ans un hélicoptère qui n'a pas encore été commencé? Croyez-vous honnêtement que cela peut être fait en trois ans?
Mme Billings: Cela dépend. Je ne veux pas m'avancer en donnant une réponse tant que les représentants de l'industrie n'auront pas eu la possibilité de revenir pour nous donner de l'information plus définitive au sujet de ce qui est possible. Dans le cadre des discussions bilatérales, nous avons entendu différents points de vue sur les différents scénarios possibles. Par conséquent, dans nos discussions, nous avons avisé l'industrie qu'il était fortement désirable que ces hélicoptères soient livrés à la fin de 2005. C'est la directive que nous avons donnée.
M. Williams: Peu importe quand la fabrication commence, nous demandons 28 hélicoptères et il en arrivera à peu près un par mois. Nous parlons donc d'un peu plus de deux ans.
Honorables sénateurs, vous ne serez pas surpris d'apprendre, par conséquent, que nous prévoyons déjà des dispositions pour garantir la navigabilité de nos bons amis les Sea King. À chaque année, les conseils consultatifs de la navigabilité s'assurent de la sécurité des hélicoptères. Il y a également des conseils chargés de contrôler la durabilité du matériel. Les hélicoptères Sea King font l'objet d'un contrôle annuel. Nous avons récemment apporté des améliorations, comme les honorables sénateurs pourront le constater dans les tableaux des coûts, plus précisément aux sections centrales, aux boîtes de transmission et aux moteurs, pour prolonger la durée de vie des hélicoptères Sea King au-delà de 2010 et pour assurer la sécurité des hommes et des femmes qui les pilotent.
Le sénateur Fraser: Je vous remercie aussi de cette présentation fascinante, particulièrement utile pour une profane comme moi.
On semble s'intéresser vivement à l'histoire, ici. Dans votre historique, vous avez dit quelque chose qui m'a frappée. Vous avez dit que, la dernière fois, des dix entreprises qui avaient été invitées à présenter une offre, deux seulement l'avaient fait et que l'une d'elles avait été disqualifiée pour non-conformité. Le contribuable canadien s'est donc retrouvé impuissant, dans une voie sans issue. Il n'y avait qu'un heureux soumissionnaire. Voilà ce qui est arrivé.
M. Williams: Le sénateur dit vrai.
Le sénateur Lynch-Staunton: Comment le savez-vous? Vous n'étiez pas là. Vous nous avez dit que nous n'y étiez pas et que vous ne connaissiez pas ce dossier.
M. Williams: C'est pour cela que j'ai parlé des avantages et que nous épargnons autant d'argent aujourd'hui, contrairement à la dernière fois où je n'étais pas là. Je sais tout de même que le processus était basé sur le produit expérimental et que c'est pour cela que le prix était beaucoup plus élevé qu'aujourd'hui. Le contribuable canadien n'a pas à assumer ces énormes frais de mise au point aujourd'hui.
Le sénateur Fraser: Le processus dont vous parlez m'intéresse. Vous nous dites que c'est un processus innovateur, et cela semble certainement innovateur de mon point de vue. Toutes ces discussions préalables contribueraient certainement à éliminer les soumissionnaires qui ne respectent pas les conditions. Cela m'a vraiment frappée lorsque vous avez dit que le processus allait dans deux sens. Peut-on avoir une courbe d'apprentissage qui va dans deux sens? Il est évident que l'industrie en apprend beaucoup sur les souhaits et les besoins du Canada, mais vous avez dit que vous en appreniez beaucoup aussi et que vous aviez des exemples de choses que vous auriez cru l'industrie capable de faire, mais qu'à votre grand étonnement elle ne pouvait pas faire. Pouvez-vous nous donner un exemple du type de chose que vous apprenez dans tout ce processus?
M. Williams: L'industrie se concentre surtout sur le poids de l'équipement que les appareils sont appelés à transporter. Évidemment, si l'on demande que l'appareil présente une certaine endurance et transporte un certain nombre de systèmes, plus l'équipement que les appareils ont à transporter est lourd, moins ils seront capables de faire preuve d'endurance en termes de rayon d'action et de temps de vol. Nous avons constaté, au grand mérite de l'industrie, qu'elle trouvait des façons meilleures et plus astucieuses de faire les choses que nous ne l'avions demandé dans nos spécifications. En voici un petit exemple: nous avions demandé un certain genre de bouée acoustique. Il s'agit d'un appareil acoustique mis à l'eau pour servir de radar sous-marin. Nous précisions un certain type de radar. On nous a fait remarquer, fort opportunément, qu'il existait aujourd'hui sur le marché de nouveaux radars plus légers d'une centaine de livres. En apportant des modifications sans toucher à l'énoncé des besoins, nous avons constaté que nous pouvions réduire le poids de 100 livres.
Un autre point plus important est la section de l'Énoncé des besoins qui porte sur la performance à ce que nous appelons une température ISA de 15 degrés. On se demande alors ce qui arrive au-dessus de cette température. Nous avons effectué des études qui révèlent que nos militaires travaillent dans des environnements où il fait au moins 35 degrés environ 25 p. 100 du temps. On s'est ensuite demandé quel genre de performance serait exigée dans ces conditions.
En examinant des opérations et en faisant des enquêtes, nous avons constaté que, dans ces environnements, il y avait généralement un vent de 10 noeuds. Si l'on dit à l'industrie que la performance peut se maintenir lorsque le vent est de 10 noeuds, cela revient à leur permettre de réduire de 1 000 livres le poids de leurs hélicoptères. Cela rend plus facile la tâche de satisfaire nos besoins.
Il y a aussi la question de savoir pendant combien de temps un hélicoptère devrait pouvoir effectuer un vol stationnaire. En portant la durée de cette période de 12 à 20 minutes, on réalise encore une économie de centaines de livres, parce qu'il y a beaucoup moins de carburant compte tenu de la durée du vol stationnaire.
Les échanges avec les gens de l'industrie nous ont permis de trouver des idées créatives et novatrices qui n'ont pas le moindre effet sur notre énoncé des besoins, mais qui permettent à l'industrie et au ministère d'être sur la même longueur d'ondes. Par conséquent, quand nous faisons paraître une DDP, il y a une concurrence vive et appropriée. Par ailleurs, il arrive souvent que nous disions une chose et qu'ils comprennent autre chose.
Le sénateur Fraser: Qu'est-ce qu'ils apprennent?
M. Williams: Dans bien des cas, ils imaginent le pire scénario. Quand nous spécifions une chose dans une phrase, nous demandons qu'une chose se fasse toujours. Ils rétorquent que ce n'est que dans telle ou telle circonstance. Nous reformulons ensuite la phrase de manière qu'elle soit parfaitement limpide. De cette façon, ils sont mieux en mesure de décider s'ils vont soumissionner ou pas.
C'est une question très complexe et très technique. Les gens de l'industrie veulent faire les choses comme il faut, tout comme nous. En réalité, ces nombreux mois de discussion sont un investissement; autrement nous pourrions faire paraître une DDP que nous ne pourrions plus modifier. Quand la demande est impossible à satisfaire, il faut retourner à la case départ.
Je crois que le processus a été frustrant pour certains, mais les échanges avec les membres de l'équipe de projet et les gens de l'industrie montrent qu'ils sont favorables au grand dialogue que nous avons eu.
Le sénateur Fraser: Après toutes ces discussions, en êtes-vous à l'étape où vous songez aux retombées régionales? Est-ce que cet aspect fait partie de vos échanges avec l'industrie?
M. Williams: D'abord, cet aspect est du ressort d'Industrie Canada, et ce ministère proposera certainement un programme adéquat à cet égard.
Comme les sénateurs le savent, le commerce intérieur peut générer des retombées nationales pour l'industrie, mais il est impossible de les détailler régionalement.
Le sénateur Fraser: Je vois; cependant, en ma qualité de profane qui ne connaît pas mieux, puis-je dire que j'espère certainement que les régions du Canada pourront examiner cela de près?
M. Williams: Je crois que ce sera le cas et je crois aussi que l'industrie est très compétente en la matière. On ne peut pas donner de directives aux experts d'un peu partout, car ils savent comment les choses se passent, mais ils connaissent les compétences de notre industrie d'un océan à l'autre. En règle générale, ils savent même ce que le gouvernement canadien et les contribuables canadiens désirent.
Le sénateur Fraser: Lorsque tout sera terminé et que nous aurons adjugé les contrats, est-ce que l'industrie canadienne sera mieux en mesure de se lancer elle-même sur le marché de l'exportation?
M. Williams: L'une de nos principales priorités est justement de faciliter cela. Pour avoir parlé aux gens de l'industrie à l'échelle nationale et internationale, je suis convaincu que nos entreprises canadiennes sont en bien meilleure position lorsqu'elles réussissent à faire concurrence avec nous.
Les sénateurs savent sans aucun doute qu'il y a un mois environ, nous avons appris une formidable nouvelle; une de nos sociétés canadiennes, la CDC, a remporté un contrat de 4 milliards de dollars pour un système tactique de radiocommunications pour le Royaume-Uni. C'est tout à son honneur.
(1630)
Cette entreprise doit son succès, en partie, au fait qu'elle a réussi à élaborer un système de communication de plus de 1,6 milliard de dollars pour le ministère de la Défense nationale. Il ne fait pas de doute que la réussite chez nous est un facteur clé du succès international.
Le sénateur Fraser: L'un d'entre vous a dit au départ que nous avons une excellente feuille de route dans les contrats en matière de défense. Vous avez dit également qu'il s'agissait d'un processus innovateur. Nos partenaires observent-ils vos procédures dans ce marché, ou tout le monde espère-t-il simplement que cela marchera?
Mme Billings: Chez nos partenaires commerciaux, il existe un vif intérêt pour la mise en commun des pratiques exemplaires et pour l'enrichissement mutuel de nos connaissances. Je serais donc fort étonnée que nos partenaires en matière de commerce et de défense n'observent pas de près ce que nous faisons. Chose certaine, dans le domaine des hélicoptères maritimes, il y a beaucoup d'intérêt pour ce que nous cherchons et pour notre façon de procéder.
Le sénateur Fraser: Échangez-vous de l'information sur les pratiques exemplaires et d'autres données au fur et à mesure?
Mme Billings: C'est moins structuré que cela. Il y a beaucoup de réunions et de conférences, et beaucoup d'information circule. Nous ne savons pas qui consulte notre site Web. N'importe qui peut y accéder pour voir comment nous procédons. Chaque fois que nous nous lançons dans une entreprise semblable, nous avons des échanges avec d'autres pays. Par exemple, lorsque nous avons réalisé le projet de la chaîne d'approvisionnement pour le MDN, projet très important de gestion de l'entreposage et des stocks, nous avons consulté tous nos grands partenaires militaires, entre autres, pour voir comment ils s'y prenaient. Généralement, nous essayons de rester à la page, dans les domaines de la défense et de l'approvisionnement, pour savoir qui achète quoi et comment.
Le Canada est toutefois unique, car nous avons un accord sur le commerce intérieur qui impose une discipline à l'égard du processus d'acquisition interne et au ministère de la Défense. Nous sommes obligés d'être plus concurrentiels et rigoureux que la plupart de nos partenaires en matière de commerce et de défense.
Le sénateur Kinsella: Je dois avouer à nos témoins que je connais beaucoup moins ces questions que mes honorables collègues. J'apprends un nouveau vocabulaire et j'essaie de suivre les acronymes.
Je sais que la première décision gouvernementale concernant le remplacement des hélicoptères remonte à 1978 environ, sous le gouvernement Trudeau. Combien d'argent des contribuables a depuis été dépensé pour le processus d'acquisition? Je veux bien diviser la période en deux parties, la première allant de 1978 jusqu'au moment où vous avez accédé à vos fonctions actuelles, et la deuxième partie allant de ce moment jusqu'à maintenant.
Dans la première partie, si l'on inclut les quelque 500 millions de dollars dépensés pour annuler le contrat signé en 1993 ainsi que toutes les années-personnes employées pour le remplacement des hélicoptères depuis que vous êtes au ministère, le coût du processus d'acquisition a-t-il dépassé un milliard de dollars jusqu'à maintenant? Le cas échéant, de combien a-t-il dépassé cette somme?
M. Williams: Les seuls chiffres dont je peux parler avec certitude sont ceux dont il est fait état dans les documents que je vous ai fournis. Je peux seulement comparer le total des dépenses déjà engagées pour l'achat d'hélicoptères de recherche et sauvetage, y compris pour l'équipe responsable du projet et pour l'annulation du contrat, aux coûts des hélicoptères que nous nous apprêtons à acheter et à ceux du contrat annulé en 1993. Ce sont les seuls chiffres dont je dispose pour comparer les coûts prévus en 1993 au montant que nous nous attendons maintenant à dépenser pour les hélicoptères de recherche et sauvetage et pour les hélicoptères maritimes.
Le sénateur Kinsella: Vos données ne comprennent pas le coût des années-personnes.
M. Williams: Oui. Les coûts de l'équipe du projet sont inclus.
Le sénateur Kinsella: Quels sont-ils?
M. Williams: Sur un coût total de 790 millions de dollars pour l'hélicoptère de recherche et de sauvetage...
Le sénateur Kinsella: C'est ce qui a été dépensé?
M. Williams: Non. C'est le coût total de l'ensemble du projet, y compris les coûts du projet. Si je ne me trompe pas, je crois que les coûts du projet sont d'environ 200 millions de dollars. Les coûts de ces deux acquisitions sont intégrés dans les coûts figurant dans le tableau que je vous ai montré.
Mme Billings: Ces coûts comprennent les montants consacrés au personnel de la Défense chargé de définir les besoins et d'effectuer les évaluations techniques, ainsi qu'au personnel chargé de l'acquisition.
Le sénateur Kinsella: Il s'agit donc de 200 millions de dollars, plus les frais d'annulation de 500 millions de dollars?
M. Williams: Les 200 millions de dollars font partie de ce que coûte l'équipe de projet participant à l'acquisition de l'hélicoptère de recherche et de sauvetage Cormorant.
Le sénateur Kinsella: De quelle date à quelle date?
M. Williams: Entre le début du projet, en 1995, 1996 ou 1997, et aujourd'hui.
Le sénateur Kinsella: Combien a-t-on dépensé entre 1978 et 1995? C'est la période qui comprendrait le demi-milliard de dollars?
M. Williams: Je ne connais pas le montant que l'État peut avoir dépensé. Je ne peux que souligner que le tableau comprenait un montant de 478 millions de dollars...
Le sénateur Kinsella: Serait-il juste de dire que l'exercice d'acquisition a déjà siphonné beaucoup d'argent de nos impôts? Nous avons investi une grosse somme dans cet excercice jusqu'à maintenant?
M. Williams: Nous faisons certes un gros investissement.
Le sénateur Kinsella: Vous avez parlé de l'hélicoptère de recherche. À l'époque où le gouvernement était à la recherche d'un appareil pour remplacer l'hélicoptère Labrador, combien d'entreprises ont répondu à l'appel d'offres?
Mme Billings: Ni M. Williams ni moi n'étions là à cette époque mais, après un examen des documents ainsi que des discussions avec des intervenants, je peux vous dire qu'il n'existait pas d'accord sur le commerce intérieur à cette époque. Le ministère de la Défense nationale n'était pas obligé de recourir au processus d'appel d'offres. Le ministère de la Défense a analysé les capacités de divers hélicoptères et de diverses composantes. Ils avaient vécu l'expérience d'un processus d'appel d'offres qui n'avait donné qu'une entreprise répondant aux critères, et on a décidé de recourir à un fournisseur unique et de porter à 50 le nombre d'hélicoptère EH-101 de la flotte. Ce n'était pas un achat en régime de concurrence, et rien n'exigeait à cette époque que l'on recoure à ce genre de processus.
Le sénateur Kinsella: Sur quels critères s'est fondé le gouvernement pour adjuger le marché visant à remplacer les hélicoptères de recherche Labrador? S'agissait-il du meilleur rapport qualité-prix?
M. Williams: En 1996-1997, lorsque nous avons mis fin à cet appel d'offres, il s'agissait d'un contrat fondé sur le meilleur rapport qualité-prix. Il y avait quatre soumissionnaires: Boeing, EH Industries, Eurocopter et Sikorsky. Comme vous le savez, EH Industries était le gagnant.
L'approche du meilleur rapport qualité-prix avait été adoptée pour deux raisons fondamentales qui sont très différentes de celles d'aujourd'hui. La première, c'est qu'il y avait des capacités très disparates chez un nombre très limité de candidats. Lorsque cette situation se présente, l'approche du meilleur rapport qualité-prix permet de choisir l'entreprise la plus grosse et la plus audacieuse, de même que la moins importante, et de les laisser rivaliser entre elles en même temps.
(1640)
L'autre aspect clé, c'est que, contrairement à aujourd'hui, le ministère de la Défense nationale n'avait pas énoncé ses besoins avec clarté et précision. En pareil cas, il est impossible d'établir des critères précis, qu'ils soient obligatoires ou non. Ce qu'il faut faire, c'est laisser les entreprises présenter des offres et, compte tenu du prix, prendre une décision fondée sur le meilleur rapport qualité-prix.
Le sénateur Kinsella: Comme je l'ai dit au début de mes observations, je suis lent à comprendre ces questions. Selon mes notes, quatre entreprises de fabrication d'hélicoptères ont présenté une offre de remplacement des Labrador.
M. Williams: En 1997 et en 1998, c'est exact.
Le sénateur Kinsella: Merci. Je crois savoir que l'on a songé à acheter le Cougar de l'entreprise Eurocopter. Pourquoi n'a-t-on pas accepté le Cougar pour remplacer l'hélicoptère de recherche et de sauvetage Labrador?
M. Williams: C'est parce que, dans cet appel d'offres, EH Industries l'a emporté, suivant l'approche fondée sur le meilleur rapport qualité-prix.
Le sénateur Kinsella: Quelles étaient à ce moment-là les lacunes du Cougar de l'entreprise Enrocopter qui le rendaient inacceptable ou moins conforme aux critères établis?
M. Williams: Je préférerais parler des besoins de base, plutôt que de commenter les défauts des hélicoptères d'entreprises données. Je souligne seulement que EH Industries a répondu à tous les critères de meilleur rapport qualité-prix.
Le sénateur Kinsella: Si Eurocopter n'a pas été choisie, il serait très utile, pour que je comprenne, de savoir ce qui n'allait pas avec Eurocopter à ce moment-là, par opposition à l'entreprise qui a été choisie.
M. Williams: Il y a deux aspects. Le premier, c'est que les lacunes de l'hélicoptère de l'entreprise Eurocopter ont empêché cette dernière d'être choisie. Cela va sans dire. Il y a aussi le fait que cela n'a rien à voir avec la réalité actuelle. Sa soumission à l'époque n'a rien à voir avec sa capacité de soumissionner dans l'appel d'offres en cours. Nous établissons des règles du jeu équitables et nous permettons aux soumissionnaires, au moyen de consultations et de discussions étendues avec nous, comme cela s'est fait avec tous les autres soumissionnaires, de mieux comprendre quels sont exactement nos besoins.
Le sénateur Moore: À l'instar du sénateur Kinsella, je suis assez naïf dans ces choses-là. Je ne comprends pas très bien la division du travail entre nos ministères respectifs dans des projets semblables. Pourriez-vous me dire quelles sont les tâches respectives du ministère de la Défense nationale et du ministère des Travaux publics? Comment divise-t-on le pouvoir décisionnel et les responsabilités? Quels sont vos rôles dans ce processus et quels seront vos rôles quand la décision aura été prise? Qui s'occupera du suivi de la décision relative à la responsabilité et à l'obligation de rendre compte de l'entreprise ayant décroché le contrat, pour veiller à ce qu'elle remplisse ses engagements et que le matériel fonctionne comme prévu?
Mme Billings: Les deux ministères ont des rôles assez bien définis et différents. L'élément militaire du MDN a la responsabilité totale de définir les exigences opérationnelles. Nous n'intervenons pas tant que les exigences opérationnelles n'ont pas été approuvées par les militaires. Même si nous avons des discussions non officielles, cette responsabilité incombe aux militaires.
Une fois que le MDN a pris la décision de procéder à l'achat, nous intervenons pour déterminer, de concert avec le MDN, si l'énoncé des besoins opérationnels peut facilement se traduire en énoncé de travail. Nous déterminons ensuite ce que sera le processus d'adjudication, quelles seront les options, quel est le meilleur moyen de les développer, comment aborder la question des retombées régionales, de la méthodologie de la fixation du prix, du processus que nous appliquerons et de savoir si les consultations avec l'industrie seront longues ou courtes. Nous nous occupons d'un certain nombre de connaissances interopérables pour nous puissions nous mesurer les uns aux autres.
Mes collaborateurs ont une bonne connaissance de nombre de ces domaines parce qu'ils achètent des hélicoptères et des pièces d'avion. Ils font affaire avec les mêmes industries que le MDN. Ils nous renseignent sur les produits sur le marché et les manières de les acheter et contribuent à structurer le processus global. La Défense nationale, a également beaucoup d'expérience dans notre domaine.
Nous formons des équipes qui travaillent bien ensemble. Nous avons actuellement une assez grosse équipe qui travaille sur le projet des hélicoptères maritimes. Du personnel de la Défense nationale s'emploie à transposer les devis dans l'énoncé de travail. Mon personnel a établi les conditions générales régissant le processus et traitant de la supervision des interactions avec l'industrie.
Lorsque les offres nous parviendront, nous les examinerons principalement avec le ministère de la Défense nationale pour vérifier si elles concordent avec la proposition présélectionnée et si elles sont conformes aux devis. Nous allons assurer la surveillance et l'équité du processus.
Mon personnel étudiera ensuite les conditions générales proposées par les soumissionnaires pour faire en sorte que nous ayons un marché solide. Puis, nous allons nous adresser à TPSGC et passer par les processus d'approbation qui, pour un projet comme celui-ci, nous obligeront à aller au cabinet et au Conseil du Trésor pour obtenir un certain nombre d'autorisations à différents paliers hiérarchiques pour aller de l'avant avec le projet et obtenir les fonds nécessaires pour le financer.
Le sénateur Moore: Qui va lancer l'appel d'offres, madame Billings?
Mme Billings: C'est nous. TPSGC enverra la demande officielle.
Le sénateur Moore: C'est votre ministère?
Mme Billings: C'est mon ministère. Le document d'appel d'offres proviendra de l'équipe de projet, et c'est à mon personnel qu'il sera retourné de façon officielle, mais les deux équipes effectueront l'évaluation ensemble. Leurs rôles sont bien définis.
Lorsque viendra le temps d'adjuger le contrat, ce sera encore mon personnel qui s'en chargera, car cela relève du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Une équipe de projet administrera le projet, le plus gros de la responsabilité revenant au ministère de la Défense nationale, mais TPSGC sera là pour s'assurer que le contrat est respecté. Le ministère de la Défense nationale travaille dans les limites du contrat et l'entreprise chargée des travaux est tenue de respecter les conditions du contrat pour qu'il n'y ait pas de diminution du contrat. Dans des projets de cette envergure, il y a toujours un million de questions et de détails à vérifier et nous participerons à la discussion.
Le sénateur Moore: Une fois que le choix de l'entreprise aura été annoncé et que la décision aura été prise, l'accord juridique sera entre cette partie et les Travaux publics?
Mme Billings: Travaux publics agira au nom de la Couronne, oui.
Le sénateur Moore: Si le ministère de la Défense détecte un jour une défectuosité dans une composante ou une autre, il vous en fera part et vous demanderez au fournisseur de corriger la situation? Le ministère de la Défense nationale s'adressera-t-il directement au fournisseur?
Je ne comprends pas le partage des responsabilités.
Mme Billings: D'habitude, dans une situation de ce genre — et cela arrive régulièrement — les fonctionnaires de la Défense et de TPSGC se consultent au fur et à mesure que les défectuosités sont détectées. On discute de la meilleure attitude à adopter entre en arriver à des compromis dans l'administration du contrat, le donnant-donnant habituel qui a cours dans la réalisation d'un projet, ou faire modifier le contrat, auquel cas mes collaborateurs devront s'en mêler. Ils seront étroitement mêlés à l'administration du contrat et à la livraison des marchandises.
Le sénateur Moore: Votre observation m'intéresse, M. Williams. Je suis de la Nouvelle-Écosse. Je m'intéresse vivement aux retombées industrielles régionales de ce contrat et de tout contrat fédéral de cette ampleur. Vous dites que la question de ces retombées relève de la responsabilité d'Industrie Canada.
(1650)
Quand interviennent-ils? Quand soulignent-ils — à votre ministère ou aux Travaux publics, je ne sais pas trop — qu'ils veulent que le travail soit réparti, c'est-à-dire qu'un certain pourcentage du travail soit confié à certaines régions en particulier? Quand cela se produit-il?
M. Williams: Industrie Canada apporte actuellement sa participation. L'équipe de Mme Billings et la mienne collaborent à la rédaction des spécifications techniques et des conditions générales. Elles travaillent aussi en collaboration avec l'industrie à une politique des retombées industrielles et régionales qui leur semblerait acceptable. Cela se passe à l'heure actuelle. Il y aura dans le document final une section précisant à quelle industrie on doit faire appel du point de vue des retombées industrielles et régionales.
Mme Billings: Lorsque nous avons émis la lettre d'intérêt en août 2000, elle contenait une section soulignant l'approche retenue dans le domaine des retombées industrielles et régionales. Nous voulions que ces retombées soient équivalentes à la valeur du contrat. Nous avons souligné que nous tenterions de trouver un programme qui reconnaîtrait les objectifs du gouvernement du Canada en matière de développement régional. Nous avons défini quelles régions du pays avaient des besoins en matière de croissance et de développement. La lettre définissait certains paramètres que les compagnies devraient respecter.
Le dialogue a été continu. Nous avons obtenu la participation et les commentaires des compagnies. Nous travaillons actuellement avec Industrie Canada et l'industrie pour nous assurer que la série de mesures qui seront communiquées avec la politique officielle en matière de retombées industrielles et régionales permettra la préparation de soumissions et que les entreprises les trouveront acceptables.
Le sénateur Moore: Lorsque les soumissionnaires transmettent leurs soumissions à Travaux publics, doivent-ils indiquer comment ils considèrent la question du partage des bénéfices?
Mme Billings: Tout à fait. Par exemple, nous nous attendons à ce qu'ils précisent s'il y a des pièces de l'hélicoptère dont la fabrication pourrait être faite au Canada, s'ils prévoient avoir recours au capital de risque pour appuyer le développement des petites entreprises et ce qu'ils comptent faire pour s'assurer que les petites et les moyennes entreprises peuvent soumissionner. Nous nous attendons à ce qu'ils donnent bon nombre de détails sur le nom des entreprises, les montants et les composantes.
Le sénateur Comeau: J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue à nos témoins à cette réunion du comité plénier. Qu'on me permette de revenir en arrière. Je ne sais pas si vous occupiez votre poste actuel au moment où la décision d'annuler le contrat des hélicoptères a été rendue en 1993. Étiez-vous en poste tous les deux à ce moment-là?
M. Williams: Non.
Mme Billings: Non.
Le sénateur Comeau: Qui a-t-on consulté avant de prendre la décision d'annuler le contrat du EH-101?
M. Williams: En ce qui me concerne, je n'étais pas là et je ne sais pas qui a participé à cette décision.
Le sénateur Comeau: Savez-vous si les militaires y ont participé d'une façon ou d'une autre ou si vos prédécesseurs ont été mêlés d'une quelconque façon à la décision qui a été prise?
M. Williams: J'ignore qui y a ou n'y a pas participé.
Le sénateur Comeau: On dirait que le candidat de l'époque au poste de premier ministre a simplement pris une feuille de papier un soir et a écrit en grosses lettres: «Moi, Jean Chrétien, j'annule ce contrat.»
M. Williams: J'ai dit que j'ignorais qui y avait participé.
Le sénateur Comeau: Avez-vous évalué les pertes, si pertes il y a, que représente la série actuelle de contrats pour l'achat d'appareils de remplacement des Sea King et des Labrador par rapport au contrat précédent, le contrat d'achat des EH-101 qui a été annulé?
Mme Billings: Je n'ai pas fait de comparaison directe. Toutefois, le contrat précédent revenait beaucoup plus cher. Il y a d'excellentes retombées industrielles et régionales associées à l'hélicoptère de recherche et de sauvetage. Leur valeur est supérieure à celle du contrat d'achat.
Le sénateur Comeau: Si je vous ai posé cette question, c'est qu'à la page 11 de votre mémoire, vous dites que le processus d'achat actuel vous permet d'économiser 1,3 milliard de dollars. Vous prétendez ne pas avoir calculé les retombées économiques régionales des contrats précédents. Comment pouvez-vous comparer les deux?
M. Williams: Il s'agit d'une comparaison entre les deux programmes au chapitre du coût pour le contribuable. Comparons des pommes avec des pommes.
Le sénateur Comeau: Une minute. Vous nous jetez de la poudre aux yeux. Oublions la poudre. Arrêtons-nous à la valeur du contrat précédent pour le contribuable. Vous nous dites que vous n'avez pas calculé les avantages du contrat précédent pour le Canada mais que vous économisez 1,3 milliard de dollars.
M. Williams: Je suis objectif et très précis en la matière. Je ne peux vous donner que les coûts qui sont réels et spécifiques. Vous me demandez de deviner quelles auraient été les retombées économiques régionales si le contrat avait été honoré et en quoi le secteur privé en aurait profité. Je ne connais pas la réponse à cette question.
Le sénateur Comeau: Elles étaient connues. On les connaissait quand une certaine personne, un soir, au beau milieu d'une campagne électorale a dit: «Je vais annuler ce contrat.» Si vous comparez des pommes à des pommes et des oranges à des canards, il faut commencer par des niveaux comparables. Ce que vous me dites, c'est que vous ne l'avez pas fait.
M. Williams: Non, je ne pense pas. Je pense que je fais exactement ce que je devrais faire, à savoir établir à votre intention la différence de coûts pour le contribuable. Vous parlez des retombées industrielles régionales. Il ne fait aucun doute qu'il y en aurait probablement eu, mais il n'empêche que ce que nous indiquons, c'est ce que le contribuable aurait dû dépenser, avant et après.
Le sénateur Comeau: Vous sentez que je suis quelque peu exaspéré. Je croyais que, cet après-midi, nous aurions devant nous des témoins qui seraient en mesure de nous aider à comprendre ce qui a conduit à l'annulation du contrat d'acquisition des EH-101 en 1993, contrat qui a coûté des centaines de millions de dollars et qui a retardé l'acquisition d'hélicoptères de recherche et de sauvetage et d'hélicoptères embarqués, chose qui a touché la région pour laquelle j'ai le plus grand respect, soit les Maritimes. Nous voulions avoir aujourd'hui quelqu'un qui pourrait répondre à nos questions. Au lieu de cela, je pense que nous avons devant nous deux personnes très qualifiées sur le plan technique. Je ne souhaitais pas avoir des agents d'approvisionnement. Je comptais pouvoir interroger des gens qui avaient pris les décisions afin qu'ils puissent nous aider à comprendre ce qui avait conduit à cette situation.
Le sénateur Robichaud: Madame la présidente, c'est très injuste à l'égard des témoins.
Le sénateur Comeau: Madame la présidente, nous devons approfondir cette question. Nous ne cherchions pas des gens hautement qualifiés sur le plan technique, ce que vous êtes, je le reconnais. Cependant, ce n'est pas ce que nous cherchions. Je pense que nous devrons revenir là-dessus. Je vois que je soulève la colère de quelques éléments perturbateurs en arrière.
Lorsqu'on regarde le Muppet Show, ces personnages sont généralement accrochés aux balcons, mais il n'en est rien ici.
Le sénateur Graham: La vérité est parfois difficile à supporter.
Le sénateur Comeau: Je voudrais revenir à la page 11. Avez-vous comparé les exigences techniques de l'ancien contrat des EH-101 avec le contrat actuel? Je parle de la distance que l'hélicoptère peut franchir, par exemple. Avez-vous estimé les coûts ou avez-vous simplement fait des comparaisons qui ne tiennent pas?
M. Williams: J'ai fait des comparaisons tout à fait pertinentes. Comme je l'ai dit dans mes observations, ce qui importait, c'était de faire en sorte que l'appareil choisi maintenant ait la même capacité de fonctionnement que celui dont il était question en 1993. Lorsqu'on examine la question de ce point de vue, on s'aperçoit que le contribuable épargnera 1,4 milliard de dollars, à peu de choses près.
Le sénateur Comeau: La rétrospective est une très bonne chose.
M. Williams: Ce n'est pas de la rétrospective, mais plutôt de la prévoyance.
Le sénateur Comeau: Nous pouvons revenir en arrière et comparer ce que vous avez comparé dans le passé et prétendre que le 11 septembre a tout changé et que l'on est vraiment brillant de pouvoir prendre ces décisions dont les effets se feront sentir au cours des 15 prochaines années.
(1700)
Pourquoi ne reportons-nous pas l'achat des hélicoptères pendant encore 25 ans afin de voir quelle grande décision on prendra au bout de cette période? Ce serait suivre votre logique.
L'hélicoptère de sauvetage qui sera livré sous peu possède-t-il les mêmes caractéristiques que l'EH-101 en ce qui concerne le rayon d'action, les instruments et la manoeuvrabilité?
M. Williams: Je ne peux faire de commentaire au sujet des caractéristiques que présentait ou non l'EH-101.
Ce qui importe, c'est que l'hélicoptère de recherche et de sauvetage Cormorant, dont deux exemplaires ont été livrés, le reste devant suivre à la fin de 2002, satisfait exactement aux devis descriptifs des forces armées.
Le sénateur Comeau: Ce n'est pas ce dont il devait être question cet après-midi. Je ne sais pas qui a organisé cette séance. Nous n'obtenons pas les réponses que nous voulions ou dont nous avions besoin.
Le sénateur Carstairs: J'invoque le Règlement. Il faut que les choses soient claires. On m'a posé une question très précise en juin: accepteriez-vous la tenue d'un comité plénier concernant la stratégie d'acquisition des hélicoptères maritimes? Nous avons droit, cet après-midi, à une excellente présentation au sujet de la stratégie d'acquisition des hélicoptères maritimes.
Des voix: Bravo!
Le sénateur Carstairs: Madame la présidente, il est très injuste à l'endroit des témoins de leur demander d'aller plus loin que ce qui avait été convenu par le Sénat dans une motion adoptée ici au sujet de ce que nous ferions cet après-midi.
Le sénateur Comeau: Je ne suis pas sûr de comprendre ce que veut dire le leader du gouvernement. Nous cherchons à vider cette question afin d'être en mesure de prendre dans l'avenir des décisions au nom des contribuables canadiens. M. Williams a déjà mentionné à plusieurs reprises que nous voulons obtenir le meilleur rapport qualité-prix pour les Canadiens.
Si l'on a pris en 1993 la décision d'annuler subitement un énorme marché, nous devrions pouvoir remonter dans le temps et déterminer ce qui s'est passé. C'est ce que nous devrions faire. Nous devons, pour les contribuables canadiens, refuser d'adhérer à ce que le chef du parti d'en face prétend être un programme d'acquisition très étroit.
Le sénateur Lynch-Staunton: On vous a offert de faire comparaître des témoins militaires.
Le sénateur Comeau: Pourquoi ne peut-on vider ces questions? Que cherche-t-on à cacher en face? Soyez transparents.
Le sénateur Robichaud: Nous n'avons rien à cacher.
Le sénateur Comeau: J'ai dit ce que j'avais à dire.
La présidente: L'honorable sénateur Wiebe a la parole.
Le sénateur Wiebe: D'emblée, je tiens à dire que je vous sais gré de la présentation que vous avez faite cet après-midi, parce que c'est exactement ce que la Chambre a demandé: une explication du processus d'achat des futurs hélicoptères.
Je me rends compte qu'il est bien plus difficile d'acheter des hélicoptères qu'un tracteur ou, dans mon cas, une moissonneuse-batteuse. J'espère que les Canadiens d'un bout à l'autre du pays ont l'occasion d'écouter la séance de cet après-midi, car ils comprendront que l'achat d'un objet de ce type est certainement plus compliqué que l'achat d'une voiture ou d'une maison.
Plusieurs questions ont été soulevées cet après-midi, à savoir pourquoi le premier ministre avait annulé le contrat en 1993 et pourquoi il était important d'en parler. Je répondrai en disant que, si les sénateurs d'en face ont bonne mémoire, l'achat de ces hélicoptères est devenu une question très importante durant la campagne électorale de 1993. Les Canadiens, les contribuables de ce pays, ont dit au premier ministre d'annuler le contrat d'acquisition de ces hélicoptères. Voilà précisément ce qui s'est passé.
Des voix: Bravo!
Le sénateur Wiebe: Honorables sénateurs, je sais que le rejet est parfois difficile à accepter. Rappelez-vous qu'aux élections de 1997, le parti qui était presque disparu de l'écran radar politique de ce pays a essayé de revenir à la charge à ce sujet. Une fois de plus, les électeurs ont dit non. Même chose aux dernières élections, ce parti a encore essayé de revenir à la charge. Encore une fois, les électeurs ont dit non.
L'exposé que vous nous avez présenté aujourd'hui jettera certainement beaucoup de lumière sur cette question complexe.
Si vous me le permettez, je passe à la diapositive numéro 13. Vous avez indiqué que cette politique d'approvisionnement sera conforme aux conditions de l'Accord sur le commerce intérieur (ACI). Dans vos observations, vous avez notamment mentionné que cet accord permettait l'acquisition de pièces de remplacement et d'autres éléments une fois la décision prise au sujet de l'hélicoptère. Toutefois, j'ai conclu, d'après vos commentaires, qu'à cause de cet accord, il est possible que vous ne puissiez acheter des hélicoptères dans l'avenir. Si, initialement, vous décidez d'acheter 20 hélicoptères et qu'un an plus tard, vous décidez d'en acheter 20 de plus, cela signifie-t-il qu'il faille répéter le même processus qui entraînera les mêmes coûts?
Mme Billings: Fondamentalement, l'Accord sur le commerce intérieur prévoit que nous pouvons nous approvisionner auprès d'un seul fournisseur s'il y a lieu de maintenir des stocks, de faciliter l'entretien ou d'assurer la compatibilité avec les produits existants.
Disons, par exemple, que nous allons acheter des pièces de rechange pour un hélicoptère. Si nous achetons une seule pièce, nous serons vraisemblablement dans une situation, en vertu de l'ACI, pouvant justifier l'approvisionnement à une source unique. Toutefois, si nous achetons vingt pièces, il est raisonnable de dire qu'il s'agit d'un nouvel achat. Cette commande est suffisamment importante pour être considérée comme un nouvel achat et une nouvelle occasion d'affaires. S'il y a des gains d'efficience à réaliser en achetant une plus grande quantité d'un même produit, le fournisseur peut alors faire valoir cet argument en offrant un prix inférieur, et il peut alors être le soumissionnaire choisi.
C'est l'un des aspects plus complexes de l'Accord sur le commerce intérieur. Il s'agit de déterminer si nous pouvons nous procurer des équipements compatibles auprès d'un seul fournisseur ou s'il vaut mieux considérer qu'il s'agit d'un nouvel achat, créant une nouvelle occasion d'affaires pour l'industrie; la distinction est floue. Dans certains domaines, elle est facile à faire; dans d'autres, c'est le contraire.
Par exemple, si nous achetons des logiciels et autres produits informatiques, il est difficile de dire lequel de ces produits il est justifié d'acheter chez un fournisseur unique pour l'apparier avec ce que nous possédons déjà. Prenons le cas d'un ministère qui utilise le logiciel Word pour son traitement de texte; peut-il acheter d'autres logiciels auprès d'un fournisseur unique ou doit-il solliciter la concurrence?
Nous nous posons la question depuis un certain temps déjà. Cela devient certainement une question de jugement, et les cas ayant donné lieu à des litiges et à des recours en justice sont nombreux.
M. Williams: L'idée d'avoir à faire l'acquisition de 20 hélicoptères supplémentaires fait très sérieusement réfléchir. J'espère ne pas avoir à revivre l'expérience.
(1710)
Le sénateur Wiebe: Il est coûteux d'avoir à répéter le processus s'il s'avère que des hélicoptères supplémentaires sont nécessaires. La question de la responsabilité n'est-elle pas terriblement importante? Si l'on doit acheter 20 hélicoptères de plus, et ce n'est qu'un chiffre théorique, ne voudrait-on pas qu'ils soient compatibles avec ceux qu'on a déjà? Pourquoi le personnel affecté à l'entretien des hélicoptères devrait-il recevoir une nouvelle formation? Ces considérations ne l'emportent-elles pas sur certains des irritants commerciaux ou des exigences commerciales?
M. Williams: Il y a eu beaucoup de discussions, ainsi que vous le constaterez si vous lisez l'énoncé des devis. Il y a beaucoup d'information sur les chiffres. Le processus n'est pas précis. Nous estimons que, en planifiant l'achat de 28 hélicoptères, nous avons tenu compte de l'attrition. Nous avons fait une foule d'études de recherche opérationnelle et nous ne croyons pas nous tromper en affirmant que le taux d'attrition, d'ici 25 ans, sera de quatre ou moins, une attention accrue étant accordée à la formation de départ et à l'utilisation de simulateurs.
Gardant cela à l'esprit, nous croyons que nous aurons le bon nombre d'appareils. Il faudra ensuite déterminer si l'appareil possède la bonne configuration de système. En ajoutant au programme un service d'entretien de 20 ans, nous faisons de notre mieux pour obtenir les améliorations, les changements et les mises à niveau des logiciels, le cas échéant.
Nous espérons que les appareils seront toujours le plus possible à la fine pointe. Le processus n'est pas précis et, comme il prend du temps, nous ne voulons pas avoir à le recommencer. Compte tenu des besoins des forces et des fonds à notre disposition, nous pensons avoir trouvé un juste équilibre.
Le sénateur Wiebe: Vous parlez essentiellement d'attrition de temps de paix. Ces hélicoptères pourraient être utilisés en temps de guerre aussi. Dans l'éventualité où le taux d'attrition serait plus élevé que prévu, pourriez-vous ajouter au contrat une disposition prévoyant l'achat d'appareils supplémentaires pour ne pas qu'il faille recommencer tout ce processus?
Y a-t-il une clause de guerre ou une clause de remplacement? Pourquoi passer encore une fois par ces processus longs et coûteux pour acquérir des appareils de remplacement dont nous aurions besoin rapidement?
Mme Billings: Comme M. Williams l'a mentionné, nous n'en sommes pas arrivés à la décision de commander un certain nombre d'appareils en faisant des calculs au dos d'une enveloppe. Il a fallu beaucoup d'analyse et d'évaluation, et beaucoup de défis à relever au sein du MDN et de notre part pour en arriver à ce chiffre. Si le MDN intervenait même maintenant pour dire qu'il avait calculé qu'il en fallait davantage, nous songerions sérieusement à faire entrer cette donnée nouvelle dans l'appel d'offres que nous sommes sur le point de lancer aux concurrents.
Nous n'avons pas vécu non plus dans une période de paix depuis 20 ans. Nos forces ont participé à des missions de maintien de la paix en diverses régions dangereuses avec leurs hélicoptères, et on a tenu compte de ces expériences dans l'établissement du chiffre auquel M. William en est arrivé et dans l'établissement de celui que le MDN nous a envoyé.
Le sénateur Oliver: Les questions que je veux poser aux témoins ont trait au rôle qu'ils ont joué dans l'élaboration du processus d'acquisition. Plus tôt aujourd'hui, dans vos observations liminaires, vous avez parlé de méthode d'évaluation selon le meilleur rapport qualité/prix, de valeur technique, de qualité et ainsi de suite.
Avant que je pose mes questions à ce sujet et sur les rôles que jouera l'hélicoptère maritime, notamment la surveillance en eaux peu profondes, parlez-moi de l'équipe que vous représentez tous les deux. Plus précisément, quelle est la formation de votre équipe? Avez-vous des gens qui ont étudié la physique, l'aéronautique, la comptabilité? Quelle est votre formation personnelle? Êtes-vous, tous les deux, les chefs d'équipe du projet de l'hélicoptère maritime? Avez-vous un comité consultatif externe et, dans l'affirmative, qui en fait partie? Quel genre de personnes font partie de votre équipe, et à quelle fréquence vous réunissez-vous? Est-ce votre emploi à temps plein?
M. Williams: Je suis sous-ministre adjoint du ministère en ce qui concerne les matériels. Je suis chargé de l'acquisition de tous les biens et services des Forces. Il ne s'agit ici que d'une des acquisitions. J'ai également des responsabilités envers l'OTAN au niveau international et envers l'industrie. Il s'agit là d'un des nombreux dossiers importants dont je m'occupe.
J'ai un chargé de projet qui se trouve actuellement à la tribune et qui arbore un grand sourire. Il fait partie d'une équipe de projet qui comprend 80 employés du ministère de la Défense nationale.
Le sénateur Forrestall: Pourriez-vous nous dire ce qui le fait sourire?
M. Williams: Il est toujours souriant. C'est une personne joyeuse.
Notre équipe compte 80 personnes du ministère de la Défense nationale, dont 25 employés du ministère de Mme Billings et 25 à 35 experts-conseils. Ces personnes possèdent de l'expérience dans toutes sortes de secteurs. Mme Billings peut vous en dire davantage sur ses collaborateurs. Ils sont manifestement des experts en matière d'acquisition et possèdent de bonnes connaissances techniques parce qu'ils participent au processus.
Le sénateur Oliver: Ces experts-conseils viennent-ils de l'interne ou l'externe?
M. Williams: Ils viennent de l'externe.
Le sénateur Oliver: Sont-ils tous Canadiens?
M. Williams: Ce sont des experts-conseils canadiens qui viennent de différentes entreprises canadiennes. En outre, les membres de notre équipe possèdent de l'expérience en génie aéronautique, en soutien des systèmes, en logistique et en simulation d'entraînement — toutes les différentes compétences voulues et tous les besoins opérationnels voulus. Comme la vaste majorité d'entre eux sont des militaires, il s'agit d'une équipe solidaire qui essaye de faire avancer les dossiers.
Mme Billings: Ce n'est là qu'une de mes responsabilités. En ma qualité de sous-ministre adjointe, je suis responsable des activités d'approvisionnement et de l'achat de biens et services pour tout le gouvernement fédéral, à certains niveaux de délégation. En plus des approvisionnements, je m'occupe également des cessions de biens, des biens saisis, de l'Office des normes générales du Canada et de bon nombre d'autres activités.
Tout comme M. Williams, j'ai également un adjoint qui est chargé de projets et ce dernier est parmi nous aujourd'hui. Il a beaucoup d'expérience des dossiers d'approvisionnement complexes comportant des aspects financiers. Il est également pilote, ce qui donne une perspective intéressante à son travail.
Le sénateur Oliver: Comment s'appelle-t-il?
Mme Billings: Michel est à la tribune à l'heure actuelle. Il dispose d'une équipe très compétente d'agents des approvisionnements qui l'entoure et qui comprend des spécialistes et des agents d'ordonnancement en gestion de projet, en gestion de contrats et en modalités générales. Nous avons également des conseillers juridiques.
Les employés chargés des approvisionnements subissent un programme de formation assez intense au cours des deux premières années et ils se voient confier des projets de plus en plus complexes. Michel est l'un de nos gestionnaires de projet qui a le plus d'expérience. Nous avons une équipe qualifiée qui travaille en collaboration avec des consultants que nous avons engagés.
Le sénateur Oliver: En plus de ces consultants, faites-vous également appel à une équipe consultative?
Mme Billings: Nous pouvons compter sur un certain nombre d'organismes de consultation. Nous avons un Comité consultatif de projets en matière d'approvisionnement qui regroupe des consultants de partout au gouvernement lesquels apportent leurs connaissances dans le domaine des produits de base, des processus d'approvisionnement, de la connaissance de notre environnement, des questions juridiques ainsi que de la situation dans l'industrie. Ils se rencontrent à intervalles réguliers pour fournir des conseils sur les aspects les plus importants du processus d'approvisionnement. Il existe également des automatismes régulateurs.
Le sénateur Oliver: En réponse aux questions de deux sénateurs de ce côté-ci, M. Williams, en particulier, a fait grand cas du fait que les choses ont changé parce que les demandes d'achat comportaient un élément nouveau concernant le rôle des hélicoptères maritimes. M. Williams a dit très fièrement que les appareils devraient effectuer de la surveillance en eau peu profonde, ce qui modifie complètement l'aspect et la nature du processus d'achat.
Donnez-moi des détails. Qu'est-ce que la surveillance en eau peu profonde a de si particulier? Quel changement stratégique entraîne-t-elle du point de vue de l'achat des hélicoptères? Quelles sont les principales caractéristiques de la surveillance en eau peu profonde?
M. Williams: Je me suis attardé à cet aspect lorsque j'ai montré la diapositive sur les rôles. Parmi les divers rôles illustrés, celui-ci est tout à fait différent.
Le sénateur Oliver: Vous disiez que c'était nouveau.
M. Williams: Oui, c'est nouveau.
Le sénateur Oliver: C'est ce que je veux savoir. Vous disiez qu'il s'agit d'un rôle nouveau. En quoi est-il nouveau? En quoi modifie-t-il la stratégie?
M. Williams: Il y a 10 ou 15 ans, alors que nous étions en pleine guerre froide, notre marine était fondamentalement conçue pour effectuer, en pleine mer, des opérations de surveillance en surface et sous la surface, ou détecter la présence de menaces, comme des sous-marins.
Aujourd'hui, nous effectuons aussi des opérations beaucoup plus près du littoral. Les menaces sont différentes. Ces menaces nous obligent à formuler plus clairement diverses mesures, de façon à pouvoir en tenir compte dans notre énoncé des besoins.
(1720)
Je ne veux pas dire que les sous-marins ne représentent plus une menace, mais il y a sur le littoral d'autres menaces qu'on ne trouve pas en mer libre.
Le sénateur Oliver: Comme quoi?
M. Williams: Nos bâtiments peuvent être la cible d'armes à feu installées sur le continent, c'est pourquoi nous équipons nos sous-marins de fusils mitrailleurs dont ils n'étaient pas armés précédemment et que nous n'exigions pas dans les spécifications précédentes.
Le sénateur Oliver: Donnez-moi d'autres exemples. Quel montant représente, du point de vue du contrat d'achat, cette fameuse «surveillance en eau peu profonde»? Ce nouveau système nécessitera-t-il des changements qui coûteront des centaines de millions de dollars?
M. Williams: Il faut distinguer mes propos, qui visaient à mettre en évidence le nouvel environnement, de l'approche générale d'élaboration de l'énoncé des besoins. L'énoncé des besoins a été élaboré à partir de rien par des militaires qui se fondaient sur les conditions qui prévalent aujourd'hui et qui prévaudront dans l'avenir. Notre énoncé des besoins, qui n'a pas été modifié, en tient compte. Mme Billings et moi-même l'avons fait valoir relativement à la stratégie d'achat que nous estimions être la mieux adaptée aux bonnes pratiques actuelles. Nous les avons examinées et en avons discuté avec vous.
Le sénateur Oliver: J'ai compris cela. Mais ma question se limitait au système de surveillance en eau peu profonde. Vous avez tellement insisté en disant que la situation n'est plus celle de 1939, étant donné la mise au point de ce fantastique «système de surveillance en eau peu profonde», et que toutes les stratégies et la conception des nouveaux hélicoptères doivent changer radicalement. Combien d'argent cela veut-il dire?
M. Williams: Je n'ai pas insisté tant que cela. J'ai souligné la différence, c'est tout. Cette différence fait partie de l'ensemble des besoins que nous demandons à l'industrie de satisfaire. C'est tout ce que je voulais faire remarquer.
Le sénateur Oliver: Dois-je en conclure que ce n'est pas un argument aussi important qu'on l'a indiqué tout à l'heure?
M. Williams: Mon argument n'a pas changé. Il y a une différence importante par rapport à ce qui existait auparavant, et je voulais simplement que vous le sachiez.
Le sénateur Oliver: La plus grande différence est qu'on peut vous atteindre de la rive.
M. Williams: La plus grande différence est que les menaces ne sont plus les mêmes et qu'il faut se préparer en conséquence.
Le sénateur Cordy: Je voudrais remercier les témoins qui comparaissent devant nous aujourd'hui, afin de nous aider à étudier le processus d'acquisition. Comme le sénateur Wiebe l'a dit, ce processus est réellement complexe.
Moi aussi, je viens de la Nouvelle-Écosse, et je voudrais reprendre un sujet auquel le sénateur Forrestall a fait allusion. En Nouvelle-Écosse, il est beaucoup question des Sea King, et diverses opinions ont été exprimées concernant la résistance des hélicoptères maritimes et leur rayon d'action. Auriez-vous l'obligeance de fournir des détails sur la résistance et le rayon d'action des hélicoptères Sea King, étant donné que nous les aurons pendant quelques années?
M. Williams: Il y a eu beaucoup de confusion et de malentendus à ce sujet. Les Sea King dans leur état actuel peuvent atteindre une autonomie de deux ou trois heures. C'est ce qu'on attend de ces appareils lors de leur déploiement dans le cadre des opérations. On a beaucoup parlé de l'autonomie des appareils et une bonne partie des discussions portaient sur des commentaires, cités hors contexte, à l'effet que si on prenait les Sea King actuels et qu'on essayait de les doter de tous les systèmes qu'on espère pouvoir placer à bord de nos nouveaux hélicoptères, leur autonomie serait alors minimale.
Cependant, ce n'est pas ce que nous faisons. Nous avons pris les Sea King et les avons dotés de moteurs et de boîtes de transmission améliorés. Nous y avons installé des mitrailleuses de 7,6 millimètres. Nous les avons aussi dotés de radars infrarouges pour qu'ils puissent participer aux missions dans le Golfe. Nous estimons qu'ils devraient avoir une autonomie de deux heures à deux heures et demie et même plus, comme les appareils du NCSM Charlottetown durant les six premiers mois de cette année, lorsque cette frégate était en mission dans le golfe Persique.
Le sénateur Cordy: Peuvent-ils résister aux changements rapides du milieu comme ceux qu'ils rencontreront dans l'Atlantique Nord?
M. Williams: Ce sont des appareils de recherche et de sauvetage, de logistique et de surveillance. Ils ne possèdent peut-être pas les équipements de pointe ou le matériel le plus perfectionné, mais nous sommes convaincus qu'ils peuvent faire le travail qu'on leur demande à l'heure actuelle.
Le sénateur Cordy: Le contrat partagé permet aux soumissionnaires canadiens de présenter une soumission uniquement pour le système de mission intégré, ce qui est excellent. En bout de ligne, qui devra veiller à ce que le système de mission soit compatible avec la structure de l'hélicoptère?
Mme Billings: Nous confions la responsabilité de nous livrer un véhicule intégré à l'intégrateur du système de mission. Nous lui demandons de conclure un accord avec le fabricant d'hélicoptères — qui que soit celui qui décrochera ce marché — selon lequel il travaillera avec l'intégrateur du système de mission.
Le sénateur Cordy: Le produit qui vous sera livré devra avoir été intégré.
Mme Billings: Oui. Nous demandons à ce qu'on établisse et maintienne un groupe de travail sur l'interface, un accord sur l'interface, un accord de mise en oeuvre pour gérer et contrôler l'interface entre l'hélicoptère et le système de mission.
Le sénateur Cordy: Monsieur Williams, vous avez parlé du coût du cycle de vie total. Pour un profane, cela veut-il dire qu'il y a une garantie de l'étrave à l'étambot?
M. Williams: L'analogie est excellente. Nous voulons que le fournisseur de chaque élément en soit responsable pendant tout le cycle de vie. Cela empêchera quelqu'un qui veut décrocher un contrat seulement pour en profiter à court terme d'utiliser des pièces de moindre qualité pour garder des prix faibles, en ne se chargeant pas de remplacer les pièces pendant les 20 années suivantes.
Si vous savez que vous aurez à remplacer les pièces, et si le coût total est pris en compte, vous êtes plus porté à utiliser de bonnes pièces au départ pour réaliser des économies à long terme. Selon nous, c'est l'approche du long terme qui est le choix commercial le plus éclairé.
De cette façon, le Canada a un avantage. Dans beaucoup d'autres pays, on distingue acquisition du matériel de défense et soutien de la défense. Nous avons de la chance parce que nous allions les deux. Nous estimons que cela nous aide, tout comme notre collaboration avec les Travaux publics. De la sorte, les responsabilités sont claires et nous réalisons des économies pour le contribuable.
Le sénateur Cordy: On obtient ainsi une meilleure qualité, car les gens savent dès le départ qu'ils ont la responsabilité de s'assurer que le matériel fonctionne longtemps.
M. Williams: C'est ce que nous espérons.
Le sénateur Cordy: Certains soumissionnaires du programme d'acquisition d'hélicoptères parlent de deux moteurs et d'autres parlent de trois moteurs. Y a-t-il une différence entre les deux systèmes? Le système à deux moteurs est-il aussi bon que le système à trois moteurs?
M. Williams: L'explication la plus simple est qu'aucune de nos spécifications ne parle de la nécessité d'avoir deux ou trois moteurs. Des soumissions en prévoient trois et d'autres en prévoient deux. Nous nous concentrons sur les exigences de rendement que nous avons. Tant que ces exigences sont satisfaites — une exigence veut que l'appareil puisse fonctionner avec un seul moteur — nous nous préoccupons peu de ce que la soumission retenue prévoie deux ou trois moteurs. Cela est crucial.
[Français]
Le sénateur Nolin: Monsieur Williams, depuis quand occupez-vous vos fonctions au ministère de la Défense nationale?
M. Williams: Depuis deux ans.
Le sénateur Nolin: Dans le poste que vous occupez présentement?
M. Williams: Oui.
Le sénateur Nolin: Où étiez-vous avant?
M. Williams: Au ministère des Travaux publics.
Le sénateur Nolin: Combien de temps êtes-vous resté dans ce ministère?
M. Williams: Quatre ans.
(1730)
Le sénateur Nolin: Et avant, où travailliez-vous?
Mme Billings: Au ministère des Travaux publics, au poste de présidente à la vérification et de sous-ministre-adjointe à la Direction stratégique et politique avec une société de la Couronne.
Le sénateur Nolin: Qui a pris la décision pour chacun d'entre vous afin que vous soyez présents aujourd'hui?
M. Williams: Nous avons pensé que nous étions dans la meilleure position pour répondre à vos questions.
Le sénateur Nolin: Comment avez-vous été informés que le Sénat avait requis votre présence?
Mme Billings: L'invitation a été faite à notre ministère. Nos sous-ministres ont décidé que nous étions les personnes les mieux en mesure de répondre adéquatement à vos questions.
Le sénateur Nolin: Est-ce que vous avez discuté avant votre témoignage au Sénat avec un ministre ou un adjoint politique?
M. Williams: Non, sénateur.
Le sénateur Nolin: Non dans les deux cas?
Mme Billings: J'ai eu une réunion avec mon ministre hier, mais il ne m'a pas donné d'instruction pour mon témoignage.
Le sénateur Nolin: Maintenant, examinons vos diapositives. L'un d'entre vous pourrait répondre à la question. Je regarde la diapositive numéro six. Quelles sont les fonctions des hélicoptères de recherche et de sauvetage?
M. Williams: Les hélicoptères que nous avions achetés ont trois fonctions: une fonction de soutien, une fonction de surveillance sur mer et une fonction de surveillance sous la mer.
Le sénateur Nolin: Je vais tenter d'être plus précis. La diapositive numéro six fait référence à un processus d'achat d'hélicoptères maritimes. Vos prédécesseurs ont déjà procédé à l'acquisition de 15 hélicoptères de recherche et de sauvetage. Quelles sont les fonctions spécifiques des hélicoptères de recherche et de sauvetage? Autrement dit, je veux comparer votre diapositive numéro six avec une feuille similaire pour les achats que vous avez déjà faits.
M. Williams: Les hélicoptères de recherche et de sauvetage doivent être utilisés au Canada. C'est leur fonction primaire.
Le sénateur Nolin: Pouvez-vous élaborer? Qu'est-ce qui se fait à l'extérieur du Canada?
M. Williams: Le sujet aujourd'hui touche les hélicoptères maritimes. Toutes ces fonctions s'appliquent aux hélicoptères maritimes. Les 15 hélicoptères que nous avons déjà achetés s'occupent de sauvetages au Canada.
Le sénateur Nolin: En quoi diffèrent-ils de ceux-ci?
M. Williams: Vous voyez ici les nombreuses fonctions des hélicoptères que nous allons acheter.
Le sénateur Nolin: Serait-il possible de nous faire parvenir une feuille similaire pour les hélicoptères de recherche et de sauvetage?
M. Williams: Absolument, et c'est beaucoup plus facile à comprendre.
Le sénateur Nolin: Ce sera plus facile de comparer les diapositives numéros six et sept, donc les besoins opérationnels des hélicoptères de recherche et de sauvetage par rapport aux hélicoptères maritimes.
M. Williams: Les deux hélicoptères sont totalement différents et possèdent des fonctions totalement différentes. C'est la raison essentielle de ces deux achats séparés.
Le sénateur Nolin: Je comprends tout cela. Je veux juste comparer des oranges et des oranges. Pourriez-vous me préparer des diapositives ou une feuille des numéros six, sept, huit et neuf spécifiques aux hélicoptères de recherche et de sauvetage afin que je puisse les comparer?
Madame la présidente, je présente la motion suivante, appuyé par le sénateur Comeau. Je propose:
Que le comité plénier rapporte au Sénat qu'il demande de se réunir à une ou à plusieurs occasions additionnelles afin d'entendre les personnes suivantes:
L'honorable Arthur Eggleton, ministre de la Défense nationale, l'honorable Alfonso Gagliano, ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux; le lieutenant-général George Macdonald, vice-chef d'état-major de la Défense; le lieutenant-colonel Wayne Smith, Projet des hélicoptères maritimes; le colonel (retraité) Lee Myrhaugen, coordonnateur des Amis de l'aviation maritime; M. Peter Smith, président, Association de l'industrie aérospatiale du Canada et le brigadier général (retraité) Jim Hanson, Institut canadien des études stratégiques.
[Traduction]
Le sénateur Taylor: Vous avez pratiquement tout le régiment.
Le sénateur Forrestall: Vous avez tellement embrouillé les choses que nous avons besoin de tous ces gens-là.
[Français]
La présidente: Avez-vous une copie de la motion, sénateur Nolin?
Le sénateur Nolin: Oui, madame la présidente.
La présidente: Honorables sénateurs, le sénateur Nolin propose:
Que le comité plénier...
Des voix: Suffit.
La présidente: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion se lèvent.
[Traduction]
Que tous ceux qui sont contre la motion veuillent bien se lever.
Que tous ceux qui veulent s'abstenir de voter veuillent bien se lever.
M. Gary O'Brien, greffier du comité plénier: Pour, 14; contre, 34; aucune abstention.
La présidente: Je déclare la motion rejetée.
[Français]
Le sénateur Nolin: Je voudrais que ce soit très clair entre nous et le témoin. Vous allez nous faire parvenir les quatre feuilles additionnelles afin que nous puissions les comparer?
M. Williams:Oui, sénateur Nolin.
[Traduction]
Le sénateur Buchanan: Je tiens également à remercier nos témoins de leur présence, mais je soupçonne qu'ils auraient préféré ne pas être ici.
M. Williams:Nous sommes toujours heureux de participer au processus démocratique.
Le sénateur Buchanan: Je ne sais pas à quel point ce processus est démocratique. Vraiment, je l'ignore. Cela fait longtemps que je suis ici et c'est la situation la plus intrigante qu'il m'ait été donné de voir en 34 ans. Je ne vous en veux pas, ni à vous ni à Mme Billings, car on vous a probablement ordonné de comparaître.
Ce que vous nous avez dit du processus d'achat est intéressant, mais j'aimerais savoir ce qui s'est passé à la fin des années 80 et au début des années 90, époque où le processus d'achat en vigueur était très différent de celui que vous suivez actuellement.
Je trouve intrigant que tout ce que je sais sur les hélicoptères Sea King est qu'ils survolent tout le temps ma maison à Halifax, sauf lorsqu'ils sont cloués au sol par des défaillances mécaniques, ce qui s'est produit à maintes reprises au cours des dernières années.
J'aimerais bien savoir comment l'honorable premier ministre, du temps où il était chef de l'opposition, a pu revoir tout le processus d'achat, de la fin des années 80 jusqu'en 1992, et en conclure qu'il devait annuler le contrat parce qu'il voulait un nouveau processus d'achat. C'est insensé.
(1740)
Vous ne le dites pas, mais vous savez que c'est insensé. J'aimerais savoir pourquoi les contrats ont été annulés en 1993, qui sont les conseillers militaires qui ont conseillé d'annuler les contrats, et si ces conseillers militaires sont d'accord avec ce que vous nous avez dit aujourd'hui, à savoir que les conditions dans lesquelles se fait la guerre ont changé de manière si spectaculaire entre 1989 et 1992, qu'il fallait annuler le contrat en 1993. Les seuls changements que j'ai remarqués sont les événements tragiques du 11 septembre et la situation en Afghanistan, ce que, à mon avis, ni le premier ministre, du temps où il était chef de l'opposition, ni les conseillers militaires n'auraient pu prévoir. En ce qui concerne la surveillance en eaux peu profondes, je n'ai jamais entendu de telles bêtises de ma vie.
Allez à Shearwater ou à Halifax et demandez aux militaires à la retraite ce qu'ils en pensent et ils vous le diront.
Le sénateur Graham: Apportez le transparent no 11, il dit la vérité.
Le sénateur Buchanan: Je vois. Cela n'a vraiment aucune importance que depuis des années les hélicoptères s'écrasent et qu'il y ait mort d'hommes. Certains hélicoptères ont dû atterrir d'urgence, d'autres ont été abandonnés en mer. Est-ce important? Pour moi ça a beaucoup d'importance, et je crois aussi que ça en a beaucoup pour les Canadiens.
J'aimerais savoir si vous êtes sérieux quand vous dites que le contrat a été annulé en 1993 parce les conditions de guerre avaient tellement changé.
M. Williams:Je crois avoir dit précédemment que je ne ferais pas de commentaire, que je ne savais pas. J'ai ajouté que je n'étais pas partie à cela et que je n'étais pas présent au moment de l'annulation du contrat. Je n'ai certainement pas laissé entendre que le motif de l'annulation était un changement dans les activités de surveillance des eaux peu profondes. Je voulais en fait illustrer la différence entre la situation actuelle et la situation à ce moment-là. Je ne fais aucun lien avec l'annulation.
Le sénateur Buchanan: Je ne vous accuse pas. Dites-vous que les dirigeants du MDN, que les militaires, à la fin des années 80 et au début des années 90, avaient tous tort lorsqu'ils ont recommandé l'hélicoptère EH-101?
M. Williams:Mon commentaire est et demeure que je n'étais pas présent à ce moment-là. Par conséquent, je ne ferai aucun commentaire sur ce qui s'est passé avant mon entrée en scène.
Le sénateur Buchanan: Vous et Mme Billings avez mentionné la présence à notre tribune de personnes qui, j'en suis convaincu, sont des personnes de qualité. Comment se fait-il que ces personnes ne vous aident pas aujourd'hui? Je n'ai aucun doute que plusieurs d'entre elles étaient présentes à la fin des années 80 et au début des années 90 et qu'elles pourraient répondre aux questions pour nous. Certaines des personnes présentes à notre tribune ont-elles participé au processus d'approvisionnement qui a eu lieu à la fin des années 80 et au début des années 90?
M. Williams: Je ne peux répondre à cette question. Je ne suis pas certain des moments où elles étaient présentes et des moments où elles étaient absentes.
La présidente: À l'ordre!
Le sénateur Carney: Monsieur Williams et madame Billings, je veux revenir à une de vos réponses. J'ai été responsable de trois portefeuilles et si un de mes hauts fonctionnaires avait eu à comparaître au sujet d'un dossier très délicat devant le comité plénier du Sénat, j'aurais certainement voulu connaître son travail et savoir ce qu'il allait dire. Sinon, j'aurais considéré que ni moi ni mon haut fonctionnaire ne nous acquittions de notre travail.
Monsieur Williams, lorsque vous dites que vous n'avez pas discuté de cette question, de quoi avez-vous discuté avec votre sous-ministre ou votre ministre?
Mme Billings: Comme je l'ai dit dans ma réponse, j'ai expliqué que j'ai rencontré le ministre et que celui-ci était parfaitement au courant du fait que M. Williams et moi-même allions comparaître ici aujourd'hui. Les discussions que le ministre et moi avons sont en fait confidentielles.
Le sénateur Carney: Elles sont peut-être confidentielles, mais le rôle du Sénat doit primer. Je ne me souviens pas d'avoir conseillé à un de mes collaborateurs de ne pas discuter d'une question avec les sénateurs. Je ne me souviens pas d'avoir fait cela.
Mme Billings: Nous avons accueilli avec ouverture toutes les questions qui ont été posées. Nous nous sommes montrés tout à fait disposés à répondre aux questions qui relevaient de notre compétence.
Le sénateur Carney: Pourriez-vous expliquer pourquoi vous n'auriez pas discuté de cette question avec votre ministre?
Monsieur Williams, quelles sont vos fonctions? Pourriez-vous piéger vos interlocuteurs au sujet d'une affaire comme celle-ci?
M. Williams: Mon ministre est convaincu que je ne ferais pas cela et que je parlerais ouvertement et sincèrement. C'est ce qu'il attend de moi et c'est ce que Mme Billings et moi avons fait.
Le sénateur Carney: Est-ce de cela dont vous avez discuté avec lui?
M. Williams: Je n'ai discuté de rien avec lui. Je crois qu'il me fait confiance.
Le sénateur Carney: Je suis certaine qu'il a raison de vous faire confiance pour cette comparution devant le Sénat.
La question que je veux poser concerne l'acquisition. Comme j'ai déjà été présidente du Conseil du Trésor, je sais que c'est une question extrêmement difficile et complexe. Le gouvernement a retardé le projet d'acquisition d'hélicoptères de recherche et sauvetage pour le Canada, ce projet ayant débouché sur l'acquisition d'appareils Cormorant, et je me réjouis d'ailleurs de la livraison de deux de ces appareils. Je crois savoir qu'ils sont en service sur la côte ouest. Pourquoi le gouvernement a-t-il abandonné ce processus pour l'acquisition d'hélicoptères maritimes, si l'appareil en question est si efficace, et je dois dire que je suis très heureuse qu'on en ait livré sur la côte ouest? Pourquoi ce processus a-t-il été modifié?
Je ne veux pas savoir ce qu'il en est de la surveillance en eaux peu profondes. Vous avez déjà répondu à cette question. Ma question ne porte pas là-dessus.
M. Williams: De mon point de vue, chaque achat est différent. Nous achetons aujourd'hui un bien ou un produit différent de celui que nous avons acheté dans le passé. L'environnement a changé, de même que les spécifications et les budgets. Le fait de laisser entendre que nous ne devrions pas changer de processus d'achat ne me semble pas une bonne approche.
Mme Billings et moi-même mettons nos gens au défi de mieux faire les choses aujourd'hui, tout comme d'autres feront de même demain pour d'autres choses. La révolution dans les affaires militaires exige que nous fassions les choses différemment. Nous essayons de collaborer plus étroitement avec l'industrie afin de ne pas faire d'erreur. Nous essayons de recourir à des pratiques exemplaires qui n'existaient pas avant. C'est ce qu'on attend de nous; ce n'est pas parce qu'on faisait les choses d'une certaine façon qu'on ne peut pas les faire différemment maintenant.
Le sénateur Carney: Selon la diapositive no 12, un de vos objectifs en matière d'approvisionnement est la conformité aux politiques législatives et aux politiques régissant les marchés publics. Les exigences du Conseil du Trésor ne sont pas ponctuelles. On ne peut pas modifier une politique d'approvisionnement, et le Conseil du Trésor ne change pas ses politiques. Je ne pense pas que vous ayez répondu adéquatement à ma question. Vous laissez entendre que vous avez agi d'une façon une fois, puis que vous avez agi autrement. Il y a des lignes directrices, des politiques sur les marchés publics et des mesures législatives. Pourquoi avez-vous changé d'idée d'une fois à l'autre? Vos raisons sont peut-être bonnes, mais j'aimerais les connaître.
Mme Billings: Chaque projet est assez différent, et même si le projet précédent concernait aussi l'acquisition d'hélicoptères, il s'agissait d'appareils différents, dans des circonstances différentes. Nous avons suivi dans chaque cas les lignes directrices du Conseil du Trésor en matière de contrats, de même que le règlement sur les marchés de l'État. Celui-ci nous accorde beaucoup de latitude dans la façon de structurer le processus, eu égard à la méthodologie, à la démarche utilisée, aux types de critères qui seront établis et au processus que nous allons suivre, pourvu que nous suivions les principes élémentaires de justice, d'ouverture et d'équité, et pourvu que nous favorisions la concurrence et que nous n'établissions pas de spécifications biaisées. Nous devons traiter tous les soumissionnaires également, établir notre processus équitablement et le suivre, comme nous l'avons fait dans le cas des appareils de recherche et de sauvetage, et comme nous avons l'intention de faire dans ce cas-ci également.
Le sénateur Carney: Avez-vous déposé ces lignes directrices du Conseil du Trésor? Pouvez-vous nous en fournir une copie pour notre évaluation?
Mme Billings: Ces lignes directrices sont du domaine public. On peut les consulter sur le site Web de l'administration publique fédérale. Essentiellement, nous sommes régis par la Loi sur la gestion des finances publiques, qui prévoit que le gouvernement peut établir des règlements. Le règlement sur les marchés de l'État, qui nous dicte la politique à suivre, indique essentiellement que nous devons procéder à un appel d'offres, sauf en certaines circonstances. Le Conseil du Trésor a ses règlements en matière de marchés, qui commencent par un énoncé de politique suivant lequel nous devons nous soumettre à des processus d'achat en régime de concurrence transparents. Sont ensuite exposés des cas où l'on peut se soustraire à ces processus. Les règlements vont même jusqu'à définir certaines des demandes. Tout cela est du domaine public.
(1750)
Le sénateur Carney: Nous pouvons y avoir accès?
Mme Billings: Oui.
Le sénateur Carney: Vous dites que, dans les deux cas, vous vous êtes conformés entièrement à ces lignes directrices. M. Williams, avez-vous des commentaires à exprimer à ce sujet?
M. Williams: Oui. Un des sénateurs a demandé au départ, et nous n'avons pas eu l'occasion de répondre, pourquoi nous retenions le soumissionnaire offrant le prix conforme le plus bas plutôt que celui qui offre le meilleur rapport qualité-prix. C'est l'une des différences fondamentales. Je pense que si nous avions retenu la meilleure offre qualité-prix plutôt que l'offre la moins-disante, nous aurions été critiqués encore beaucoup plus. C'est plutôt surprenant qu'on critique le fait que nous dépensions parcimonieusement l'argent du contribuable. Nous nous assurons d'obtenir exactement ce dont nous avons besoin. Ce n'est pas un hélicoptère à rabais. Il va coûter des milliards de dollars. Il répond à nos besoins. Le fait que nous puissions acheter un appareil qui réponde à nos besoins sans dépenser plus d'argent me semble être une bonne chose, pas une mauvaise. Pourtant, certains prétendent qu'on devrait retenir la soumission qui offre le meilleur rapport qualité-prix, ce qui coûterait aux contribuables des dizaines de milliards de dollars de plus pour des choses dont nous n'avons pas besoin. Nous pouvons certes utiliser cet argent supplémentaire pour acheter beaucoup d'autres choses pour nos militaires.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je voudrais revenir sur certains chiffres à la diapositive no 11.
Dans la quatrième colonne portant sur le chiffre combiné pour les hélicoptères de recherche et de sauvetage et les hélicoptères maritimes, on voit un total de 4 367 millions de dollars. Est-ce en dollars actuels?
M. Williams: Cela comprend l'inflation.
Le sénateur Lynch-Staunton: Quel est le coût réel aujourd'hui?
M. Williams: Nous nous attendons à dépenser 4,26 milliards de dollars.
Le sénateur Lynch-Staunton: Avez-vous pris en compte l'inflation?
M. Williams: Oui.
Le sénateur Lynch-Staunton: Quel facteur avez-vous utilisé?
M. Williams: J'ignore le pourcentage exact, mais je pourrais obtenir ce renseignement pour vous.
Le sénateur Lynch-Staunton: Il faudrait noter ici que le chiffre a été ajusté pour tenir compte de l'inflation.
M. Williams: Ce sont des comparaisons qui prennent en compte l'inflation.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je sais que c'est le cas, mais on ne dit pas cela.
M. Williams: C'est ce qu'on entend par l'année budgétaire, mais cela aurait dû être plus clair.
Le sénateur Lynch-Staunton: Nous utilisons la langue de base ici, pas du jargon bureaucratique.
Des voix: Oh, oh!
Le sénateur Lynch-Staunton: Je me fiche de savoir si la comparaison est favorable ou défavorable à un parti ou à un autre. Il s'agit d'obtenir le meilleur équipement possible avec nos moyens.
Des voix: Bravo!
Le sénateur Lynch-Staunton: Il aurait été plus exact de tenir compte dans la comparaison du fait que la première ministre de l'époque, Mme Campbell, avait décidé de réduire le nombre d'hélicoptères de 50 à 43. Vous présentez des chiffres portant sur 50 hélicoptères. Je rejette le blâme sur vous car si les conservateurs avaient été réélus, on aurait renégocié le contrat pour acheter 43 hélicoptères. Je me fiche de savoir qui paraît le mieux en fin de compte, mais il aurait été plus exact de procéder ainsi, ce qui aurait montré une réduction globale de 16 à 20 p. 100.
J'aimerais que vous nous présentiez un tableau établi de cette façon-là.
M. Williams: Le problème que pose cette demande, c'est que l'on n'a pas calculé quelle serait la différence de coûts à l'époque. J'essayais avec le plus d'objectivité possible d'utiliser des chiffres qui ne peuvent être contestés. C'est bien beau de proposer de passer de 50 à 43, mais les coûts d'un tel changement n'ont jamais été établis.
Le sénateur Lynch-Staunton: Les notes d'information de l'époque du ministère de la Défense nationale révèlent qu'une économie d'un milliard de dollars aurait pu être possible.
M. Williams: Cette analyse n'a pas été faite. C'était juste un montant hypothétique donné en exemple. Ce montant ne comportait pas de justification ou de fondement.
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous reconnaissez que vous comparez un groupe de 50 hélicoptères alors que, si le gouvernement avait été réélu, il en aurait commandé seulement 43. Par conséquent, la comparaison devrait être fondée sur 43 appareils.
M. Williams: Je me fonde sur ce qui s'est produit et non sur ce qui aurait pu se produire. Il y a de nombreuses différences, comme je l'ai dit au début. Les chiffres sont différents; le matériel que nous achetons est différent; l'univers est différent. Ce que je dis est très simple: nous économisons entre un milliard et un milliard et demi de dollars tout en obtenant la même capacité.
Le sénateur Lynch-Staunton: Si tout est différent, vos comparaisons n'ont aucune valeur.
M. Williams: L'élément clé qui n'a pas changé, c'est la capacité de l'appareil.
Le sénateur Lynch-Staunton: L'univers est différent; les hélicoptères sont différents; la situation est différente; l'eau est moins profonde, mais vous allez faire des comparaisons.
M. Williams: Oui, parce que la capacité des hélicoptères n'a pas changé.
Le sénateur Lynch-Staunton: Les frégates se dirigent vers des eaux peu profondes.
Le sénateur Carstairs: Je propose que la présidente quitte maintenant le fauteuil.
La présidente: Que ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien se lever.
Que ceux qui s'opposent à la motion veuillent bien se lever.
Que ceux qui désirent s'abstenir veuillent bien se lever.
Un greffier au bureau: Oui: 48; non: 3; abstention: 0.
La présidente: Je déclare la motion adoptée.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.
LES TRAVAUX DU SÉNAT
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Il est près de 18 heures. L'opposition accepterait de ne pas tenir compte de l'heure si le gouvernement en exprimait le souhait.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, souhaitez-vous que nous ne tenions pas compte de l'heure?
Des voix: D'accord.
PROJET DE LOI SUR L'IMMIGRATION ET LA PROTECTION DES RÉFUGIÉS
TROISIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cordy, appuyé par l'honorable sénateur LaPierre, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-11, Loi concernant l'immigration au Canada et l'asile conféré aux personnes déplacées, persécutées ou en danger.
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, nous en étions à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-11 quand le Sénat s'est formé en comité plénier. Je voudrais faire quelques observations et je sais qu'après, ma collègue, madame le sénateur Andreychuk, fera une intervention plus substantielle au sujet de ce projet de loi.
Je voudrais signaler aux sénateurs les préoccupations que les événements du 11 septembre et le projet de loi sur l'immigration ont suscitées chez les Canadiens. Honorables sénateurs, les sénateurs de ce côté-ci tiennent absolument à ce que la loi canadienne sur l'immigration soit équitable tout en continuant d'être invitante pour les milliers d'individus qui viennent dans notre beau et grand pays, ce qui est le cas depuis toujours. Ces personnes doivent savoir que nous nous réjouissons de leur venue. Elles viendront de tous les coins de la planète. Au vu de l'expérience des dernières années, un grand nombre et peut-être la majorité de ceux qui viennent au Canada comme immigrants reçus arrivent d'Asie, et non pas de pays réputés auprès de certains observateurs être des pays traditionnellement fournisseurs d'immigrants au Canada.
Il est important que notre loi sur l'immigration, comme toutes les lois canadiennes, reconnaisse que, même en périodes de tensions, ce qui est le cas depuis le 11 septembre, nous ne dérogeons pas aux principes fondamentaux que sont l'égalité et la protection des droits de la personne, principes qui nous ont toujours guidés lorsque nous accueillons de nouveaux Canadiens.
Cela étant dit, par ailleurs, on craint que des terroristes internationaux ne recourent de façon mal intentionnée aux lois sur l'immigration de n'importe quel pays, y compris le Canada.
J'ai été impressionné, il y a quelques jours, par le témoignage de M. David Matas, qui a comparu devant le comité sénatorial spécial chargé d'étudier le projet de loi C-36. Il a recommandé très fermement et très clairement au comité spécial de faire insérer dans le projet de loi C-11 la définition d'«activité terroriste» qui figure dans le projet de loi C-36. Il s'agit là d'une considération extrêmement importante. Il aurait été utile aux sénateurs de pouvoir souligner l'importance de cette recommandation à la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, si elle avait comparu devant ce comité spécial pour qu'il puisse étudier cette question.
Comme les honorables sénateurs le savent, l'excellent rapport rédigé par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, sous la coprésidence des sénateurs Cordy et Di Nino, soulignait plusieurs préoccupations des membres du comité à propos du projet de loi. Cependant, sur ce point en particulier, on laisse entendre que le règlement traitera de la définition d'«activité terroriste» dans le cadre de la Loi sur l'immigration.
Pour dire le vrai, honorables sénateurs, il me semble que dans les circonstances actuelles, il serait préférable que nous nous arrêtions un moment, quelques jours ou même quelques semaines, pour décider si nous devrions proposer un tel amendement, ou à tout le moins réaliser ce que le gouvernement a déjà accepté en principe puisqu'il l'a inclus dans le projet de loi C-36. Il y a une référence dans l'article 128 du projet de loi C-36, je crois, qui renvoie au projet de loi sur l'immigration. Je crois que cet amendement serait bien accepté par les Canadiens, qui surveillent les gestes du gouvernement de près.
Honorables sénateurs, ce qui nous préoccupe le plus dans ce projet de loi, c'est que nous devrions réellement prendre notre temps et déterminer si, après les attentats du 11 septembre, il est vraiment dans le meilleur intérêt des Canadiens de modifier ce projet de loi plutôt que d'avoir recours aux règlements.
Ceci dit, honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je suivrai ce débat de troisième lecture.
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je ne faisais pas partie du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie lorsqu'il a étudié le projet de loi C-11. Toutefois, j'ai assisté à presque toutes les rencontres du comité et j'aimerais faire quelques commentaires.
Tout d'abord, le projet de loi C-11 traite d'un sujet qui est très important pour bon nombre de Canadiens. C'est presque un lieu commun de répéter encore et encore, comme le font nos politiciens, que nous sommes un pays multiculturel. Si ce n'est des Autochtones, notre pays est en grande partie constitué d'immigrants, qu'ils soient au Canada depuis deux ou cinq générations ou qu'ils viennent tout juste d'arriver. Ce projet de loi mérite donc une attention tout à fait spéciale. J'ai bien peur que le Sénat, tout comme le comité, ait dû se plier à ce que je considère comme un calendrier injuste et irréaliste pour faire l'étude de ce projet de loi.
La ministre et ses fonctionnaires ont justifié le projet de loi C-11, qui constitue la première refonte majeure de la loi sur l'immigration et le statut de réfugié au Canada en 25 ans. Ils ont dit qu'il s'agit d'une loi cadre qui vise à simplifier le processus d'immigration et du statut de réfugié et qu'il fallait lutter contre le terrorisme depuis les horribles attentats du 11 septembre.
Le projet de loi C-11 soulève plus de questions qu'il n'apporte de réponses en ce qui concerne l'immigration, les réfugiés et le terrorisme. Comparé à la loi actuelle, le projet de loi C-11 impose aux réfugiés des critères beaucoup plus complexes et met en place un processus beaucoup plus compliqué qui, en définitive, n'assureront pas une sécurité accrue aux réfugiés et aux Canadiens.
En ce qui concerne les immigrants, les résidents permanents perdent de nombreux droits. J'estime qu'ils sont traités injustement. Le projet de loi simplifie peut-être le processus d'immigration, mais il le rend aussi très injuste. Les résidents permanents seront privés de l'accès à un processus que n'importe qui, dans un autre pays, voudrait avoir et que nous devrions vouloir au Canada.
Nous privons des résidents permanents de l'application régulière de la loi, alors que certains d'entre eux vivent au Canada depuis qu'ils sont tout jeunes. La ministre dit que les résidents permanents doivent franchir cette étape supplémentaire et devenir citoyens canadiens. Il existe des raisons valables pour lesquelles certains résidents permanents qui vivent au Canada ne veulent pas acquérir la citoyenneté canadienne, et ce n'est pas nécessaire.
(1810)
S'ils ont contribué à édifier notre société et s'ils ont été formés chez nous, nous sommes responsables envers eux. Ces personnes ont des droits dont nous devons tenir compte. Ainsi, le projet de loi leur retire le droit d'appel en cas d'infractions graves. Nous avons assurément des responsabilités envers les personnes qui ont grandi au sein de notre société. Je n'en dirai pas plus, car les excellents spécialistes qui ont comparu au cours de nos audiences ont bien expliqué cette question.
Le projet de loi C-11 soulève de sérieuses réserves. Quoi qu'il en soit, on accorde tellement de place au terrorisme à l'heure actuelle que nous avons été en quelque sorte obligés d'accepter que le projet de loi contienne certaines dispositions, pour nous permettre de lutter contre le terrorisme.
Je vais vous lire ce que déclarait M. Benjamin Trister, qui est le président de la Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, Association du Barreau canadien:
Ce projet de loi n'est toutefois pas sans poser de graves problèmes. Malgré les bonnes intentions qui ont inspiré sa rédaction au départ, les dispositions qu'on y retrouve finalement sont souvent peu judicieuses et servent mal les objectifs politiques visés.
Nous aimerions vous dire ce que nous pensons de la volonté manifestée par certains de voir ce projet de loi adopté de manière expéditive dans la foulée des événements du 11 septembre. Nous savons que certaines personnalités publiques soutiennent qu'on doit s'empresser d'adopter le projet de loi C-11 pour donner au gouvernement les outils dont il a besoin pour combattre le terrorisme. La loi actuelle lui confère pourtant déjà le pouvoir d'arrêter, de détenir et de renvoyer toute personne qui constitue une menace pour la sécurité du Canada, l'autorisant même à considérer que la sécurité nationale l'emporte sur la liberté individuelle.
En matière de détention préventive et anticipée de personnes qui pourraient constituer un danger pour la sécurité publique, la loi actuelle ne présente aucune lacune que viendrait combler le projet de loi C-11. Cette question ne devrait pas nous servir de prétexte pour occulter les défauts majeurs que comporte le projet de loi C-11 et ses conséquences pour les résidents permanents et au regard du droit à des procédures justes et équitables. En fait, à l'heure où des questions de sécurité nationale d'une telle importance sont en jeu, il est particulièrement impérieux de veiller à ce que le droit à des procédures justes et équitables soit protégé.
Je veux ensuite passer au témoignage de M. David Matas. M. Matas est bien connu au Canada et à l'étranger pour son travail auprès des réfugiés et pour ses travaux sur les questions d'immigration. Dans son témoignage, M. Matas a fait la déclaration suivante aux membres du comité:
Le projet de loi C-11 est complexe. C'est le premier remaniement de la Loi sur l'immigration depuis 1976. Il comporte quantité de problèmes — de nature technique aussi bien que générale. Il appelle un examen approfondi. La destruction du World Trade Center et les attaques terroristes ont ouvert une optique entièrement nouvelle pour ce projet de loi, ce qui signifie qu'il faut considérer ce système avec des yeux différents. Je pense que le Sénat peut le faire, à condition d'en avoir le temps.
Nous n'en avons toutefois pas eu le temps. Je vais continuer de lire les observations de M. Matas.
Comme certains de vous le savent, je suis avocat spécialisé en droit des réfugiés. Cela m'ouvre des aperçus sur le projet de loi qui, dans une certaine mesure, recoupent les préoccupations que j'exprime au nom de B'nai B'rith. Le projet de loi est complexe. Il est détaillé. Il instaure des étapes multiples. À certains égards, il manque à l'équité. À certains égards, il est contraire aux normes internationales et étire inutilement les procédures en longueur.
M. Matas a dit que le projet de loi était trop long, trop complexe et injuste.
Plus tard dans son témoignage, il a ajouté ce qui suit:
Le premier problème que je vois dans le projet de loi est qu'il n'énonce pas clairement qui est passible de renvoi. Il établit un système tel que des personnes à ranger dans la catégorie des terroristes, tortionnaires, criminels de guerre et auteurs de crimes contre l'humanité peuvent être autorisés à rester, à la discrétion du ministre. Il y a un article concernant le pouvoir discrétionnaire. À mon sens, aucun ne devrait être autorisé à rester, sauf si le renvoi les exposerait à la torture, à l'exécution arbitraire, à la disparition forcée ou à la peine de mort. Dans ces cas, aucun d'eux ne devrait être autorisé à partir, mais ce n'est pas ce que dit le projet de loi. Il autorise le renvoi dans les situations où ils ne devraient pas être renvoyés et les autorise à rester dans des situations où ils ne devraient pas être autorisés à le faire.
Plus loin, M. Matas a ajouté ceci:
Le message que j'essaie de faire passer est que certains des problèmes présents dans ce projet de loi sont rendus plus aigus, plus manifestes, par ce qui s'est passé au World Trade Center. Nous n'avons pas de mécanisme adéquat pour régler le cas des terroristes. Il est trop compartimenté, trop fragmenté, trop lent. C'était un problème auparavant, mais je pense qu'il est encore plus aigu aujourd'hui. Ce serait folie que d'ignorer le problème et d'adopter aveuglement une loi conçue au préalable, sans même examiner les répercussions sur elle de la crise actuelle.
M. Matas d'ajouter:
Politiquement, nous pouvons rendre ce projet de loi plus efficace contre le terrorisme. Il comporte d'autres problèmes, mais il n'est pas aussi efficace qu'il pourrait l'être contre le terrorisme. Politiquement, c'était là un message important. Je peux concevoir qu'un nouveau projet de loi sur l'immigration et le terrorisme, du genre du projet de loi C-36, conçu en fonction de ce qui s'est passé au World Trade Center, soit adopté rapidement, mais je ne vois pas l'avantage politique d'adopter aveuglement une mesure préparée avant cet événement. Comment pouvons-nous dire que c'est là la solution? C'est une justification après le fait. Ceci n'est pas une tentative de règlement du problème.
J'ai cité deux témoins, mais il y en a eu beaucoup d'autres. Presque tous ont souligné que le projet de loi avait été rédigé avant le 11 septembre, et qu'il ne s'attaquait pas au problème du terrorisme.
Le plus gros problème que me semble présenter le projet de loi C-11 à propos du terrorisme, c'est qu'on n'y définit pas ce terme. Il est bien vrai que nous avons une loi-cadre. La loi-cadre anticipe une définition dans le règlement d'application. Le comité n'a pas été saisi d'un règlement. Les témoins ont dit qu'ils commençaient seulement à préparer le règlement et qu'il ne sera pas prêt avant le printemps, et peut-être même plus tard, comme l'a fait remarquer le président du Comité des affaires sociales.
Nous aurions dû pouvoir prendre connaissance du règlement pour savoir quelle sera la définition du terrorisme. Des témoins comme le professeur Joseph Magnet se sont demandé s'il était équitable de déléguer un aspect comme la définition du terrorisme, et de nombreux autres aspects. Y a-t-il une supervision parlementaire suffisante de ce pouvoir de réglementation, compatible avec les principes de gouvernement responsable et de démocratie, dans notre contexte social? Nous ne parlons pas de normes d'essence et de températures auxquelles le gaz se transforme en différents produits. Nous parlons des droits fondamentaux des gens de devenir membres de notre société et de notre collectivité et de vivre parmi nous.
Honorables sénateurs, il y a délégation de la définition du terme «terrorisme».
Aux audiences du comité chargé d'étudier le projet de loi C-36, on peut dire à juste titre que les sénateurs des deux côtés craignaient que des innocents soient traqués comme des terroristes. Nous avons examiné la définition de l'expression «activité terroriste» aux fins du projet de loi que la ministre McLellan a proposé, le projet de loi C-36. Quand nous avons demandé si la même définition serait utilisée dans le projet de loi sur l'immigration, le projet de loi C-11, la ministre a répondu à juste titre que ce n'était pas son domaine.
La ministre McLellan est venue défendre le projet de loi C-36, de même que le ministre Collenette. La ministre Caplan a refusé de venir. Nous avons entendu la ministre Caplan avant même que le comité spécial permanent n'ait été saisi du projet de loi C-36. Nous n'avions aucune idée de la définition de l'expression « activité terroriste » ni de la façon dont le projet de loi omnibus serait examiné. Par conséquent, nous n'avons pas eu la possibilité de lui poser des questions et d'entendre ses réponses.
(1820)
La ministre n'a pas été convoquée de nouveau par le comité à cause du délai plus court. Nous ignorons totalement si la ministre Caplan utilisera la définition de «terrorisme» que prévoit le projet de loi C-36 ou si elle aura la sienne.
Le problème est que le terme «terrorisme» peut être défini à maintes reprises sans qu'une définition aux termes du projet de loi ne soit publiée dans la Gazette du Canada. La ministre ou ses fonctionnaires peuvent exercer un pouvoir discrétionnaire absolu sans qu'il y ait le moindre examen parlementaire.
Au nom du Sénat, nous avons dit que nous en avions assez de voir des questions de fond qui exigent un examen parlementaire faire l'objet de règlements. Certes, ce qui déclenche la terreur est réellement le fait que le projet de loi C-11 ne définit pas le mot terroriste. Nous pourrions convenir, vu la situation urgente, d'adopter le projet de loi C-11, mais tous les témoins que nous avons entendus ont dit que les lois existantes accordaient un pouvoir suffisant pour faire la présélection, pouvoir que la ministre exerce réellement. En d'autres termes, il est possible de placer sous garde ou de garder à l'extérieur de notre pays tout individu qui pourrait représenter une menace pour notre sécurité nationale. Le projet de loi C-11 ne renferme aucune modification à cet égard. D'ailleurs, un des témoins a fait remarquer que le nouveau projet de loi diminuerait la sécurité nationale au lieu de la raffermir.
Voilà donc la ministre qui refuse de venir expliquer sa position au Sénat, selon laquelle un plus grand pouvoir discrétionnaire devrait être inscrit dans les règlements, et elle justifie sa position en disant que cela est absolument nécessaire pour garantir la sécurité des Canadiens.
Tous les témoins — et je pense que nous devrions les écouter — soutiennent le contraire. Il y a suffisamment de pouvoir pour la sélection et la présélection, et le projet de loi C-11 n'y changera rien. Le SCRS et la GRC ont assez de pouvoir pour mettre sous garde tout individu qui constitue une menace pour la sécurité nationale.
Les ressources continueront de manquer. Il y aura encore un manque de personnel. Le projet de loi C-11 ne change pas cela. La ministre a fait état des ressources, avant l'adoption du projet de loi C-11, en vertu de la loi existante.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je regrette de devoir signaler que les 15 minutes dont disposait l'honorable sénateur sont écoulées.
Le sénateur Andreychuk: Je demande la permission de continuer.
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Je serais d'accord pour accorder au sénateur encore cinq minutes.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs, pour une prolongation de cinq minutes?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, le terrorisme constitue une menace horrible. Seul un immigrant a pu témoigner de la difficulté d'entrer au Canada. Il voulait communiquer au Sénat le message suivant: les immigrants et les réfugiés craignent eux aussi le terrorisme, tant à l'échelle mondiale que locale. Ils sont venus au Canada pour échapper à la peur et à la violence, mais la peur et la violence les ont suivis.
Dans le meilleur intérêt de tous, nous voulons cibler les terroristes et personne d'autre. C'est ce que fait judicieusement le projet de loi C-36, mais le projet de loi C-11 ne présente aucun avantage.
Le ministre Manley a dit récemment qu'il examinerait ce qui se passe aux États-Unis et leur volonté d'harmoniser le processus d'accueil des immigrants et des réfugiés avec le projet de loi sur le terrorisme. Le ministre Manley affirme que c'est ce qu'il fera. À mon avis, en disant cela, il admet que le projet de loi C-11 ne résout rien. Par ailleurs, les inconvénients de ce projet de loi sont horribles. À moins de savoir ce que le ministre compte faire, à moins d'obtenir que le gouvernement ne révise en entier le projet de loi actuel sur l'immigration, nous n'aurons rien accompli dans la lutte contre le terrorisme.
MOTION D'AMENDEMENT
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je crains que la population ne perçoive, à tort, qu'en adoptant le projet de loi C-11, on règle toute la question du terrorisme. Je propose donc, appuyée par le sénateur Kinsella:
Que le projet de loi C-11 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit lu une troisième fois dans six mois.
Des voix: Bravo!
Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Beaudoin, le débat est ajourné.)
AGRICULTURE ET FORÊTS
AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MEME TEMPS QUE LE SÉNAT
Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion:
L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, je propose que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à siéger ce soir, même si le Sénat siège encore.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
LA LOI SUR L'EXPANSION DES EXPORTATIONS
PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE
Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur l'expansion des exportations et d'autres lois en conséquence.
(Le projet de loi est lu une première fois.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand le projet de loi sera-t-il lu une deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Robichaud, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)
PROJET DE LOI DE MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE CANADA-COSTA RICA
PREMIÈRE LECTURE
Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-32, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Costa Rica.
(Le projet de loi est lu une première fois.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand le projet de loi sera-t-il lu une deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Robichaud, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)
[Français]
PROJET DE LOI DE 2001 POUR LA MISE EN OEUVRE DE CONVENTIONS FISCALES
TROISIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Marie-P. Poulin propose: Que le projet de loi S-31, Loi mettant en oeuvre des accords, des conventions et des protocoles conclus entre le Canada et la Slovénie, l'Équateur, le Venezuela, le Pérou, le Sénégal, la République tchèque, la République slovaque et l'Allemagne, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, soit lu une troisième fois.
— Honorables sénateurs, ce projet de loi marque une autre étape importante de la constitution du réseau toujours grandissant de conventions fiscales du Canada, qui s'étend maintenant à plus de 70 pays. Notre réseau est l'un des plus complets au monde.
(1830)
Appelé officiellement «Loi de 2001 pour la mise en oeuvre de conventions fiscales», le projet de loi S-31 promulgue des conventions fiscales récemment conclues entre le Canada et huit pays.
[Traduction]
Honorables sénateurs, cinq nouveaux traités ont été signés avec, respectivement, la Slovénie, l'Équateur, le Venezuela, le Pérou et le Sénégal. Ce sont des traités marquants en ce sens que ce sont les cinq premières conventions complètes signées avec ces pays et qu'elles permettront aux contribuables et aux entreprises de mieux savoir à quoi s'en tenir au point de vue fiscal, dans leurs opérations internationales, et d'avoir un régime plus juste.
Les trois autres conventions, conclues avec l'Allemagne, la République slovaque et la République tchèque, remplacent des traités existants. Le traité entre le Canada et l'Allemagne modernise nos arrangements bilatéraux pour les faire concorder avec l'actuelle politique canadienne sur les traités fiscaux, alors que les accords conclus avec la République tchèque et la Slovaquie découlent de la séparation pacifique de la Tchécoslovaquie, en 1993.
Après la séparation, chacun des deux pays souhaitait signer son propre traité fiscal avec le Canada, ce qui nous a donné l'occasion de moderniser nos arrangements avec eux.
Honorables sénateurs, comme vous le savez, les traités fiscaux contribuent à la croissance de l'économie canadienne. Par exemple, les exportations sont à l'origine de plus de 40 p. 100 du PIB annuel du Canada. De plus, l'investissement étranger direct et l'apport d'information, de capitaux et de technologie contribuent également à la richesse économique du Canada. Il y a cependant un aspect de la fiscalité internationale qui peut nuire à l'expansion de notre commerce et à la circulation des capitaux et de la main-d'oeuvre entre les pays: la double imposition. Les traités fiscaux, y compris ceux visés par le projet de loi, cherchent à résoudre ce problème. Je m'explique.
[Français]
Une des caractéristiques fondamentales de notre régime de l'impôt sur le revenu est que le Canada, comme la plupart des pays, applique un impôt sur le revenu mondial des résidents canadiens et sur le revenu de source canadienne des non-résidents.
Lorsqu'un contribuable réside dans un pays et gagne un revenu dans un autre pays, un problème peut se présenter. Sans conventions fiscales, les deux pays pourraient appliquer un impôt sur le même revenu.
L'un des objectifs du Canada consiste donc à négocier ces conventions fiscales de manière à éliminer les entraves comme la double imposition au commerce et à l'investissement transfrontaliers. L'autre objectif consiste à prévenir la fraude ou l'évitement fiscal. La question de l'élimination de la double imposition peut être traitée de plusieurs façons dans des conventions fiscales.
Par exemple, des droits d'imposition peuvent être répartis entre le Canada et l'autre partie à la convention dans différentes catégories de revenus. Lorsque les deux pays conviennent de partager le droit d'application d'un impôt sur le revenu, le pays dans lequel réside le contribuable peut procurer un allégement au contribuable au titre des impôts payés à l'autre pays dans lequel le revenu est gagné. Une entente mutuelle permet également aux autorités fiscales des deux pays de traiter directement l'une avec l'autre afin de remédier aux autres cas de double imposition.
Honorables sénateurs, permettez-moi maintenant d'expliquer comment la double imposition est éliminée dans les conventions fiscales que nous débattons aujourd'hui. Comme nos conventions fiscales existantes, les conventions visées par ce projet de loi établissent la mesure dans laquelle le Canada et les huit autres parties aux conventions peuvent appliquer un impôt sur le gain des résidents de l'autre partie.
Par exemple, le Canada et la plupart des autres pays prélèvent un impôt de retenue sur les formes passives de revenus gagnés par des non-résidents. Dans le cas du Canada, le taux appliqué en l'absence d'une convention fiscale est de 25 p. 100. Chacune des conventions visées par le projet de loi S-31 réduit le taux de l'impôt de retenue qui peut être prélevé sur certains revenus par le Canada et par chacune des autres parties aux conventions.
Par exemple, chacune des parties établit un taux maximal d'impôt de retenue de 15 p. 100 sur les dividendes de portefeuille payées à des non-résidents, tout en ramenant le taux à 5 ou à 10 p. 100, selon la convention, dans le cas de dividendes entre sociétés affiliées; fait plafonner de 10 à 15 p. 100 le taux maximal de taux de retenue sur les intérêts et les redevances, et fixe à 15 p. 100 le taux maximal d'impôt de retenue sur les pensions périodiques, sauf dans le cas de la convention conclue avec le Venezuela où les pensions continueront d'être imposées conformément à la loi de chacun des pays.
J'ai indiqué plus tôt que les conventions fiscales du Canada sont également conçues pour empêcher la fraude ou l'évitement fiscal. Cet objectif est atteint en favorisant la collaboration entre autorités fiscales, surtout dans le domaine de l'échange de renseignements.
[Traduction]
Avant de conclure, je voudrais signaler que le nouvel accord avec l'Allemagne prévoit une aide mutuelle aux fins de la perception des impôts en souffrance. Comme dans les accords similaires que nous avons conclus avec les États-Unis et les Pays-Bas, le Canada aidera désormais le fisc allemand à percevoir ses impôts en souffrance, et celui-ci nous aidera à percevoir nos impôts en souffrance.
Honorables sénateurs, dans l'examen de ce projet de loi, je vous demande de considérer l'ensemble et de retenir que chaque convention fait partie des efforts globaux que déploie le Canada pour susciter de la bonne volonté et favoriser la croissance afin d'améliorer ses relations avec ses partenaires commerciaux.
Comme pour nos autres conventions fiscales, il en découlera de nombreux avantages pour les contribuables et les entreprises. Premièrement, les contribuables sauront qu'un taux d'imposition relevant d'une convention ne peut pas être haussé sans préavis d'une durée raisonnable. Deuxièmement, les investisseurs et les commerçants bénéficieront de l'atmosphère de certitude et de stabilité que créeront en soi les conventions fiscales. Troisièmement, le régime fiscal sera moins difficile et complexe à appliquer, car il ne sera plus nécessaire de payer de l'impôt sur certains profits d'entreprise et il y aura désormais un mécanisme de règlement des différends. Quatrièmement, un réseau élargi de conventions fiscales générera de l'activité internationale qui aura une incidence favorable sur l'économie canadienne. Le milieu des affaires, notamment, accueillera favorablement les limites de la retenue d'impôt à la source prévues dans ce projet de loi et la collaboration qui en découlera entre le fisc canadien et les fiscs étrangers. Cinquièmement, l'avantage de loin le plus important sera l'élimination de la double taxation qui surviendrait autrement dans les transactions internationales avec ces huit pays.
Honorables sénateurs, nos conventions fiscales nous rassurent sur la façon dont les Canadiens seront imposés à l'étranger. Ils rassurent par la même occasion nos partenaires sur la façon dont leurs nationaux seront traités au Canada.
Compte tenu de ces avantages et de l'incidence que ces conventions fiscales auront sur le rendement général de l'économie canadienne, j'exhorte les sénateurs à adopter ce projet de loi sans tarder. Avec l'adoption de ce projet de loi, le réseau canadien des conventions fiscales comprendra plus de 75 pays.
(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)
LA LOI DU TRAITÉ DES EAUX LIMITROPHES INTERNATIONALES
PROJET DE LOI MODIFICATIF-DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Corbin, appuyée par l'honorable sénateur Day, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi du traité des eaux limitrophes internationales.
L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, c'est un projet de loi qu'il convient de présenter à cette heure tardive parce que c'est une question sur laquelle on se réveille tout d'un coup. Je pense que personne en cette enceinte ne comprend l'objet de ce projet de loi, sinon les libéraux et le gouvernement ne l'auraient pas présenté.
Le projet de loi C-6 modifiant la Loi du traité des eaux limitrophes internationales tente de mettre en oeuvre plus efficacement le bon vieux traité intervenu il y a 92 ans entre le Canada et les États-Unis au sujet de la gestion et de l'utilisation de nos eaux transfrontalières appelées eaux limitrophes.
Le principal objectif de cette mesure législative qui vise à limiter les exportations massives d'eau s'avère louable et remporte l'appui de nombreux Canadiens ainsi que du Parti progressiste-conservateur, mais, à mon avis, elle pourrait s'avérer la règle des conséquences imprévues et donner des résultats complètement contraires à l'objectif énoncé. J'exposerai plus tard les motifs qui sous-tendent ce point de vue.
La modification de ce projet de loi vieux de 92 ans porte sur l'interdiction, sauf dans des cas non précisés, du prélèvement massif dans les eaux des bassins hydrographiques aux frontières canado-américaines. L'interdiction de prélèvement s'appliquerait principalement au bassin des Grands Lacs, mais elle toucherait près de 300 nappes d'eau limitrophes telles qu'une partie du fleuve Saint-Laurent, la rivière Sainte-Croix, le Haut-Saint-Jean, le lac des Bois de même que des bassins hydrographiques et des rivières de la Colombie-Britannique.
Permettez-moi de vous expliquer l'intérêt personnel et politique que j'ai à l'égard des droits et des licences d'utilisation de l'eau et des exportations d'eau. D'abord et avant tout, mes grands-parents détenaient une concession dans la vallée de l'Okanagan. C'étaient des descendants d'immigrants irlandais. D'une superficie de 360 acres, leur lot s'étendait sur le versant aride de la vallée. Près de la cabane en bois rond qu'ils avaient construite se trouvait une source quasi miraculeuse. Les sources étaient le secret de la richesse de la vallée de l'Okanagan. Puis le jour vint où mon grand-père, le vieux John Joseph, dut faire une demande de licence pour l'utilisation de l'eau de cette source. Si vous connaissez des Britanno-Colombiens et d'autres de l'Ouest, vous les entendez certainement dire: «Pourquoi faut-il faire cela alors que la source est juste à côté de la maison? Nous n'avons pas besoin d'une licence.» Le vieux John Joseph, qui aimait bien boire un petit rye, finit par enfourcher sa monture, Billy, pour se rendre au village se procurer la fameuse licence. Toutefois, quelque diable le poussant, il s'est mis à boire avec les copains et ne s'est jamais rendu au bureau des licences, mais le voisin y était allé, lui. Finie la ferme familiale. Lorsque mon grand-père est décédé, il n'y avait pas de grain dans la grange, il n'y avait pas de bétail dans les prés, il n'y avait plus rien, parce qu'il n'y avait plus d'eau sur la ferme. La question des licences et des droits d'utilisation de l'eau a été très importante pour ma famille.
La deuxième raison pour laquelle je m'intéresse à ce projet de loi est politique, parce que, lorsque j'étais ministre responsable de l'Accord de libre-échange, j'ai dû participer aux négociations sur les ressources canadiennes et d'autres questions. J'avais un négociateur en chef, Simon Reisman, mon grand ami, qui était un partisan déclaré d'un organisme appelé Alliance nord-américaine pour l'eau et l'énergie. Ceux d'entre vous qui ne sont pas nés d'hier se souviendront que cela a été proposé pour la première fois en 1964. Cet organisme projetait de construire des barrages sur presque tous les grands cours d'eau de l'Alaska et de la Colombie-Britannique, y compris les rivières Yukon, Skeena, Tatiana et Peace et les fleuves Churchill, Mackenzie et Fraser. L'eau excédentaire devait être détournée vers une dépression naturelle de 500 milles de long appelée sillon des Rocheuses, qui s'écoule le long de la Colombie-Britannique, et ce sillon allait couler vers le sud de la Colombie-Britannique. Une partie de l'eau se dirigeait vers les Grands Lacs et le Mississipi. Le niveau des Grands Lacs aurait levé; la production d'hydroélectricité aux chutes Niagara aurait augmenté; les navires océaniques auraient remonté le Mississipi jusqu'à St. Louis. La plus grande partie de cette eau se serait déplacée de part et d'autre des Rocheuses vers les plaines, l'Idaho, le Texas, la Californie et le Mexique. Ce plan, monumental et d'une envergure à couper le souffle, aurait été le plus grand projet de génie dans le monde.
Mon négociateur en chef, Simon Reisman, a dit au Conseil économique de l'Ontario, et je cite un article paru en 1985 dans la revue Canadian Business, que les États-Unis tenaient mordicus à avoir l'eau du Canada et que cela pourrait être la meilleure carte que le Canada pourrait jouer pour obtenir l'accès à long terme au marché américain, ce que l'on cherchait à obtenir avec l'ALE. Il a dit en fait au cours d'une entrevue que les Américains avaient désespérément besoin d'eau et que ceux-ci s'emballeraient pour cette idée. Il a parlé de l'eau comme étant le «maillon manquant» dans les pourparlers commerciaux, et a dit qu'au lieu du grand canal, ce levier de négociation était si puissant qu'on pouvait obtenir n'importe quoi, à condition que ce soit raisonnable.
On peut imaginer que j'entretenais des inquiétudes assez profondes au sujet de l'eau et des exportations d'eau. L'Accord de libre-échange fait peu de cas de l'eau. Celle-ci est mentionnée dans la liste tarifaire numéro 2201. Il y est question des eaux, dont les eaux naturelles ou minérales et artificielles, et les eaux gazeuses, qui ne contiennent pas de sucre ajouté ou d'un autre agent édulcorant, ni de saveurs artificielles. On y mentionne aussi «la glace et la neige». C'est très ambigu. Je ne sais pas comment ce détail a pu m'échapper. On a probablement ajouté ces deux éléments à l'étape des détails.
J'ai lu ce projet de loi avec beaucoup d'intérêt. Il est évidemment beaucoup moins ambitieux. Il n'est pas question d'exporter de l'eau des deux côtés des Rocheuses, mais le projet de loi modifie et modernise la Loi du Traité des eaux limitrophes internationales.
Dans le discours qu'il a prononcé dans cette enceinte, le sénateur Corbin a dit qu'en adoptant le projet de loi C-6, le Sénat «inscrira dans la législation une disposition sans ambiguïté sur les prélèvements d'eau libre dans les bassins relevant des pouvoirs du gouvernement fédéral, et en particulier dans les Grands Lacs. Il s'agit là d'une mesure avisée qui accorde la priorité la plus élevée à la garantie de sécurité des ressources en eau douce du Canada.»
Je dirais, honorables sénateurs, que le contraire pourrait être vrai, que le projet de loi C-6, dans sa forme actuelle, pourrait constituer un pas en arrière et donner lieu à des exportations d'eau en vrac qui ne sont pas permises à l'heure actuelle.
Si cette interprétation du projet de loi est correcte, nous aurons accompli le contraire de ce que veulent la majorité des Canadiens, c'est-à-dire la protection des ressources en eau douce du Canada.
Je ne vais pas repasser avec vous les 26 articles du projet de loi, car le sénateur Corbin a fait un excellent travail pour vous les présenter. Cependant, je vais juste faire un bref survol. Le premier article traite de la façon dont la loi sera modifiée. Il fournit des définitions et expose le processus d'attribution de licences, le processus de réglementation, les interdictions et ainsi de suite. La disposition la plus importante est le paragraphe 13(1), dont voici le texte:
Malgré l'article 11, nul ne peut utiliser ou dériver des eaux limitrophes d'un bassin hydrographique en les captant et en les transférant à l'extérieur du bassin.
Le projet de loi traite du pouvoir ministériel de suspendre ou de révoquer une licence. Il établit les pénalités. Il dit essentiellement que l'on ne peut pas dériver des eaux d'un bassin hydrographique. Il définit ces bassins et prévoit des pénalités sévères — le sénateur Corbin a parlé d'un million de dollars dans certains cas — pour les contrevenants.
Ce projet de loi fait état des poursuites qui seront intentées contre les dirigeants des personnes morales en cause, qui seraient alors considérés comme des coauteurs de l'infraction. Il traite des injonctions et expose le processus de demande et d'attribution d'une injonction, lorsqu'une personne est soupçonnée de dériver des eaux ou est en voie de le faire, enfreignant ainsi la loi.
(1850)
Cependant, plusieurs domaines nous préoccupent dans le projet de loi tel que rédigé et je vais vous les préciser. Comme je le disais, les 26 articles sont plutôt directs et le sénateur Corbin nous en a fait part. D'autres préoccupations peuvent ressortir de l'examen au comité et je propose que les ministres Manley et Anderson, qui ont parlé conjointement de ce projet de loi à l'autre endroit, soient invités à répondre à ces préoccupations au comité.
Même si je comprends qu'ils ont de lourdes responsabilités à assumer relativement aux questions de sécurité touchant les Canadiens à l'heure actuelle, j'irai jusqu'à dire qu'à long terme, aucune question ne touche plus la sécurité des Canadiens que notre accès libre à nos ressources en eau douce et leur protection, étant donné que l'eau est l'élément le plus essentiel à notre survie en tant qu'êtres humains.
Ma première préoccupation est l'absence de définition de l'expression «exportations massives d'eau». Il est incroyable que ce projet de loi interdise une chose qu'il ne définit pas. Il n'y a aucune définition de cela dans le projet de loi. Qu'est-ce qu'une exportation massive d'eau? S'agit-il d'un bateau-citerne rempli d'eau? Est-ce suffisamment d'eau pour alimenter une canalisation d'eau? Est-ce une fraction non précisée de la quantité d'eau qu'on retrouve dans un bassin hydrographique international tel que défini dans le projet de loi? Dans la section des définitions, le projet de loi ne fait que définir les termes «eaux limitrophes», «licence» et «ministre». On ne définit pas ce qu'on entend par les exportations massives d'eau. C'est un oubli grave.
Lorsqu'on a demandé à obtenir une définition, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a avisé mon bureau que cette définition figurerait dans les règlements d'application du projet de loi. Un fonctionnaire du ministère nous a dit qu'en général:
Un prélèvement massif d'eau porterait sur des projets prévoyant un débit continu d'eau ou un volume excédant 50 000 litres par jour.
Je reconnais que je ne sais pas ce que représentent 50 000 litres par jour, mais c'est une définition applicable.
Il s'agirait également d'un projet faisant appel à des canalisations, à un tunnel ou à un aqueduc pour dériver de l'eau.
Cela sera interdit.
Si cette définition de ce terme important a été établie, pourquoi ne pas l'inclure dans le projet de loi lui-même?
Ce qui m'inquiète également, c'est la très grande importance accordée dans ce projet de loi aux pouvoirs du ministre et à son pouvoir discrétionnaire, ce qui, bien entendu, va à l'encontre des fondements du Parlement qui doit examiner les propositions gouvernementales, proposer des solutions de rechange et discuter des questions importantes. Je suis persuadée que la question des approvisionnements du Canada en eau douce, de son utilisation et des utilisateurs mérite l'attention du Parlement.
Le sénateur Nolin a signalé dans son intervention avec le sénateur Corbin que le projet de loi C-6 laisse au ministre le pouvoir de définir des éléments par l'entremise de son pouvoir de réglementation.
L'alinéa 21.(1)b) dit:
Le gouverneur en conseil, sur recommandation du ministre, peut par règlement:
b) définir, pour l'application de la présente loi, les termes non définis des articles 11 à 26.
Essentiellement, cela signifie que l'enjeu principal — soit la détermination de l'eau douce qui est ou non exportable — est laissé à l'entière discrétion du ministre et échappe à l'examen du Parlement. Le sénateur Corbin a répondu que le pouvoir du ministre n'est pas un pouvoir absolu; au moment de prendre une décision, le ministre devra tenir compte du résultat d'un processus de consultation publique et il consultera les parties intéressées.
Toutefois, ces garanties ne sont pas mentionnées expressément dans le projet de loi. Le gouvernement s'en remet plutôt aux généralités du processus de réglementation. Je rappelle aux honorables sénateurs que, dans le cadre de ce processus, les règlements sont transmis à un comité spécial du Cabinet. Ils sont ensuite publiés dans la Gazette du Canada. Il y a une période de deux ou trois semaines au cours de laquelle le grand public peut faire des commentaires, puis les règlements sont renvoyés au comité spécial. Lorsqu'ils sont publiés pour la deuxième fois dans la Gazette du Canada, ils ont force de loi. Il n'y a pas d'examen par le Parlement.
Je ne peux trouver dans le projet de loi une disposition précise obligeant le ministre à adopter un processus de réglementation qui, par exemple, exigerait que les règlements soient examinés par le Parlement, les instances provinciales et les parties intéressées avant d'être mis en oeuvre. Il existe un précédent relatif à ce processus dans une autre loi, plus expressément la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Le sénateur Corbin a donné l'assurance que les membres du comité peuvent prendre connaissance de projets de règlements durant l'examen par le Sénat, mais il ne s'est pas engagé à ce que ces projets de règlements puissent être modifiés pendant qu'ils sont à l'étape du comité, que ce soit aujourd'hui ou dans l'avenir.
Il est renversant de constater que d'autres éléments essentiels du règlement proposé relèvent aussi du processus de réglementation, sans un examen détaillé par le Parlement. C'est le cas lorsqu'il s'agit de préciser ce qui constitue une utilisation ou un usage, une obstruction, un ouvrage ou une dérivation. C'est ce dont traite le projet de loi. La décision concernant ces éléments est laissée à la discrétion du ministre.
Le ministre a aussi le pouvoir discrétionnaire de décrire les bassins hydrographiques auxquels s'appliquent les interdictions d'exportation. Il peut aussi déterminer les cas d'exception, comme établir les catégories de licences et déterminer les personnes pouvant en être titulaires, et régir les modalités de forme, de présentation, d'examen et de disposition des demandes de licences.
L'arrogance et le caractère arbitraire de ces pouvoirs ministériels discrétionnaires sont renversants. Ces pouvoirs s'étendent à tous les aspects importantes de la mesure législative proposée dont dépendent la vie et le gagne-pain des Canadiens. C'est pourquoi je dis que je suis étonnée que le gouvernement présente ce projet de loi dans sa forme actuelle.
Le projet de loi C-6 a traversé le système parlementaire sans que les médias ou la population en parlent ou presque, aidé en cela par les déclarations inattaquables de ses partisans libéraux, et appuyé par les autres partis, je dois l'avouer, sur la nécessité de protéger les ressources d'eau douce du Canada.
Il faut remarquer que la loi actuelle, la vénérable Loi du Traité des eaux limitrophes internationales, ne confère pas le pouvoir d'établir un règlement. Des modifications prévoyant un processus de réglementation spécifique, transparent et responsable nous aideront donc manifestement à gérer nos ressources d'eau douce. Cependant, nous estimons essentiel que le projet de loi soit modifié de façon à assurer que le règlement qui définit et met en oeuvre les dispositions régissant les exportations d'eau douce par le gouvernement fédéral soit examiné et approuvé par le Parlement.
Ma troisième préoccupation concerne les exceptions possibles à l'interdiction générale des exportations en vrac, peu importe comment on les définit. Les exceptions possibles prévues dans le résumé législatif de la Bibliothèque du Parlement visent l'eau qui est utilisée dans la production de nourriture ou de boissons ou d'autres exceptions précisées dans le règlement, conformément au paragraphe 13(4). N'oubliez pas que cela est laissé à la seule discrétion du ministre.
Cela signifie-t-il que de l'eau douce du Canada pourrait être exportée à des fabricants américains de nourriture et de boissons comme elle est fournie à des fabricants canadiens? Cela soulève la question de savoir si de telles exportations créent un «bien échangeable» — point essentiel de la présente argumentation — assujetti au droit commercial international. Aux termes de nos traités internationaux, tel l'ALENA, le Canada serait tenu de traiter les entreprises américaines et mexicaines comme des entreprises canadiennes. Autrement dit, le Canada devrait accorder aux Américains et aux Mexicains le «traitement national», c'est-à-dire le même accès à ses ressources d'eau douce que celui qu'il accorde aux Canadiens. Je rappelle à mes collègues que c'est là un point auquel j'ai beaucoup participé au cours des négociations de libre-échange.
Le gouvernement soutient qu'aux termes de la législation internationale, les gouvernements du Canada, au niveau tant fédéral que provincial, conservent la pleine souveraineté sur les eaux canadiennes dans leur milieu naturel. C'est l'approche adoptée par les trois pays signataires de l'ALENA: le Canada, les États-Unis et le Mexique. Le Canada est d'avis que l'eau dans son milieu naturel n'est pas un bien et que, par conséquent, elle n'est pas assujettie aux obligations commerciales, avis que je partage d'ailleurs. Je me suis toujours opposée à la prétendue interdiction visant l'exportation d'eau douce, car elle suppose que l'eau est en fait un bien commercialisable.
Le bureau du représentant au commerce des États-Unis, l'équivalent américain de notre ministère du Commerce international, a, dans un exposé officiel fait par l'entremise de la Commission mixte internationale, déclaré ceci:
[...] les droits de gestion des ressources en eau appartiennent au pays ou aux pays où les cours d'eau coulent. À notre connaissance, aucun gouvernement n'a jamais contesté ce principe sur aucune tribune, encore moins devant un organisme commercial international comme l'Organisation mondiale du commerce. [...] l'OMC n'a tout simplement rien à dire en ce qui concerne la décision fondamentale que les gouvernements ont prise quant à la possibilité d'autoriser ou non le prélèvement d'eau dans des lacs et des cours d'eau situés sur leur territoire.
Le gouvernement du Canada traite plutôt l'interdiction du prélèvement d'eau en vrac à même un bassin hydrographique comme une mesure environnementale indispensable pour protéger l'intégrité écologique des bassins hydrographiques transfrontaliers. À mon avis, c'est une excellente position à défendre. Toutefois, la déclaration sur l'ALENA, qui soutient ce point de vue, stipule aussi:
(1900)
À moins que l'eau, sous toutes ses formes, ne soit devenue un produit commercial, elle n'est pas couverte par les dispositions de tout accord commercial, y compris l'ALENA.
Ce sont les mots «à moins» qui me préoccupent. Ils signifient que si l'eau devient un produit échangeable, il est possible que soient invoquées, peut-être par décret, les notions de «biens échangeables» et de «traitement national». J'espère que les ministres et leurs collaborateurs pourront clarifier cette question durant l'étude en comité.
Un autre secteur obscur concerne la position des provinces, qui contrôlent 85 p. 100 des ressources en eau douce canadiennes. Le ministre de l'Environnement, M. Anderson, parlant à l'autre endroit, a dit que toutes les provinces avaient adopté une loi et des politiques interdisant l'exportation massive d'eau ou s'apprêtaient à le faire. Or, les preuves sont autres. Je crois savoir que la Colombie-Britannique, qui a adopté sa Water Protection Act en 1995, laquelle interdit le détournement d'eau de la province, a des réserves quant à la démarche fédérale.
Le ministre Manley s'est fait l'écho de l'engagement pris à l'autre endroit en disant «qu'à ce jour toutes les provinces ont adopté ou sont en train d'adopter une loi et des politiques interdisant les détournements massifs d'eau». Cependant, seulement la moitié des provinces ont signé l'accord fédéral. Le Manitoba, la Saskatchewan, l'Alberta, la Colombie-Britannique et le Québec se sont abstenus. Il est difficile d'affirmer que les provinces ont souscrit au plan alors que la moitié d'entre elles se sont abstenues de le faire.
Les Grands Lacs, qui intéressent deux administrations fédérales, huit États américains et deux provinces canadiennes — l'Ontario et le Québec — font partie des priorités du gouvernement fédéral et font l'objet des modifications proposées. Ces différents secteurs de compétence collaborent depuis plus d'un an à l'élaboration de normes communes pour la gestion des prélèvements massifs d'eau des Grands Lacs, mais n'étaient toujours pas tombés d'accord sur de telles normes lorsque le ministre a pris la parole devant l'autre Chambre le 26 avril 2001.
Les membres du comité sénatorial apprécieraient que le ministre leur apporte certaines précisions au sujet de ces normes et fasse le point sur la question.
La dernière question que je me pose au sujet de ce projet de loi concerne la réciprocité de la loi avec celle des Américains, nos partenaires à la Commission mixte internationale et pour ce qui est de la gestion des eaux limitrophes. Le Canada et les États-Unis ont convenu de charger la Commission mixte internationale d'étudier les modes de consommation, les dérivations et les prélèvements d'eau des Grands Lacs, notre plus grande masse d'eau mitoyenne, selon le ministre Manley, et de formuler des recommandations à ce sujet. Évidemment, comme je suis originaire de la Colombie-Britannique, je ne suis peut-être pas d'accord avec le ministre.
Le ministre Manley a déclaré que le projet de loi C-6 est conforme aux conclusions et aux recommandations formulées par la CMI dans le rapport final qu'elle a présenté en février 2000 et favorise leur mise en oeuvre. Cependant, il existe d'autres eaux limitrophes et transfrontalières et, alors que le Canada entreprend de donner suite aux recommandations de la CMI, nous voudrions savoir où en sont les Américains sur le plan de leurs responsabilités réciproques.
Nous sommes impatients d'entendre les ministres, leurs collaborateurs et d'autres témoins nous en apprendre davantage dans les mois à venir sur ces questions cruciales et nous, les sénateurs de ce côté-ci de la Chambre, envisagerons des recommandations et d'éventuels amendements en comité.
Honorables sénateurs, je vous enjoins d'examiner à la loupe ce projet de loi pour vous assurer qu'il satisfait aux objectifs que s'est fixés le gouvernement du Canada et que les Canadiens souhaitent le voir atteindre.
(Sur la motion du sénateur Spivak, le débat est ajourné.)
[Français]
LES TRAVAUX DU SÉNAT
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, puisque nous avons eu une longue journée, que nous avons accompli beaucoup de travail et que certains comités siègent actuellement, je propose que le Sénat s'ajourne maintenant et que tous les articles à l'ordre du jour et au Feuilleton qui n'ont pas été abordés demeurent dans leur ordre actuel.
(Le Sénat s'ajourne au mercredi 31 octobre 2001, à 13 h 30.)
ANNEXE
ALLOCUTION À LA TROISIÈME COMMISSION DE
LA 55E SESSION DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
M. ROSS HYNES
REPRÉSENTANT DU CANADA
POINT 114 (b, c, d, e): QUESTIONS RELATIVES AUX DROITS DE
L'HOMME
NEW YORK, LE 1 NOVEMBRE 2000
Cette année, l'Assemblée générale des Nations Unies a débuté par la tenue du Sommet du millénaire — sommet qui a renforcé le rôle vital joué par les Nations Unies dans la défense des peuples du monde. Le secrétaire général a évoqué la mission de l'Organisation, à savoir protéger les peuples vulnérables en trouvant de meilleurs moyens de faire appliquer le droit humanitaire et des lois sur les droits de la personne et en contribuant à l'instauration d'une culture de respect des droits humains dans tous les États. Comme l'a déclaré Kofi Annan, les peuples du monde demandent aux Nations Unies de faire plus et de faire mieux.
Les droits humains sont particulièrement en danger dans les situations de conflits armés. Pour soustraire les peuples à la peur, la communauté internationale doit s'attaquer à la menace de conflits meurtriers à chaque étape du processus, notamment par la prévention, grâce à la dénonciation précoce de violations des droits de la personne, la condamnation et l'action lorsque ces violations surviennent, et par l'engagement de mesures visant à garantir un respect durable des droits de la personne à la suite d'un conflit. Ce sont les enfants qui souffrent le plus des conflits armés. C'est pourquoi nous avons tenu en septembre la Conférence de Winnipeg, première véritable réunion mondiale s'intéressant aux enfants victimes de la guerre. Les ministres et les représentants des Nations Unies et d'ONG qui ont participé à cette réunion ont établi un programme et pris des engagements concrets pour protéger les enfants. Les enfants ne devraient pas avoir leur place dans la guerre, et pourtant, ils comptent aujourd'hui parmi ses principales victimes.
Au Soudan, le Canada est vivement préoccupé par les bombardements aveugles menés par les forces gouvernementales contre des villages du sud du pays et tout particulièrement, par le bombardement d'écoles et d'hôpitaux. De plus, l'utilisation d'enfants soldats, le déplacement forcé des populations, les enlèvements, le travail forcé et l'asservissement des femmes et des enfants y sont des pratiques généralisées. La libération de seize victimes d'enlèvement par l'Armée de résistance du Seigneur est un signe encourageant, mais nous incitons vivement le gouvernement à mettre pleinement en oeuvre ses engagements récents, notamment ceux pris par le ministre des Affaires étrangères lors de la Conférence de Winnipeg sur les enfants victimes de la guerre. Le Canada exhorte toutes les parties au conflit à respecter les normes relatives aux droits de la personne et leurs obligations aux termes du droit humanitaire international, ainsi qu'à protéger les droits des quatre millions de personnes déplacées à l'intérieur du Soudan.
Le conflit en République de Tchétchénie dans la Fédération russe dure depuis plus d'un an et ne semble pas prêt de s'arrêter. Le Canada estime qu'une solution politique négociée et inclusive est le seul moyen d'y mettre un terme. Le Canada reste vivement préoccupé par le sort des civils tchétchènes. Bien que les combats aient perdu de leur intensité, les civils restent menacés par les combattants russes et tchétchènes, le terrorisme, les mines terrestres et les munitions non explosées. Nous saluons les progrès de l'enquête sur les violations présumées des droits de l'homme, et nous exhortons la Russie à coopérer plus étroitement avec les experts internationaux, notamment les Nations Unies.
Dans la région des Grands Lacs africains, notamment en République démocratique du Congo (RDC) et au Burundi, des violations flagrantes des droits de la personne et du droit humanitaire international se produisent encore tous les jours. Pour ce qui est de la République démocratique du Congo, le Canada reste très inquiet de la situation des droits de l'homme, qui est aggravée par la présence permanente de troupes étrangères dans le pays. Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en RDC indique que la situation a empiré dans les territoires contrôlés par les rebelles, notamment ceux sous l'emprise du RCD-Goma et de son soutien étranger, le Rwanda. Le rapport dénonce également les violations des droits de la personne perpétrées par le gouvernement et par les milices et les groupes armés tels que l'Ex-FAR et interhamwe. Nous rappelons qu'il incombe à toutes les parties au conflit d'assurer la protection et la sécurité du personnel humanitaire dans les zones sous leur contrôle. Nous exhortons tous les signataires de l'Accord de Lusaka à respecter leurs engagements, à mettre fin au conflit et à respecter les droits des populations civiles et leurs obligations aux termes du droit humanitaire international. Le Canada espère que les dirigeants des pays impliqués dans le conflit honoreront leur engagement pris récemment à Maputo de retirer leurs forces des lignes de front.
Au Burundi, le Canada se réjouit de la signature de l'Accord de paix d'Arusha mais déplore la poursuite des combats. Nous demandons aux rebelles de cesser leurs attaques et de conclure un accord de cessez-le-feu. Le Canada reste préoccupé par la situation des habitants des camps de regroupement.
La situation des droits de la personne en Afghanistan reste catastrophique. Le traitement des femmes officiellement sanctionné par les talibans est d'une cruauté sans égale et unanimement condamné par l'opinion internationale, tout comme les bombardements aériens contre des populations civiles. La communauté internationale demande aux deux parties au conflit afghan d'épargner la vie des civils innocents, principe bafoué par l'utilisation continue et aveugle des mines antipersonnel. L'Afghanistan est en outre le premier producteur et distributeur mondial d'héroïne, et ce rôle est source d'autres entorses au respect des droits de la personne. Les talibans, notamment, doivent reconnaître qu'ils ne pourront jamais engager de relations constructives avec le reste du monde tant qu'ils ne renonceront pas à ces pratiques et à ces méthodes.
Au Sri Lanka, la poursuite du conflit et les violations graves des droits de la personne et du droit humanitaire international par les forces gouvernementales et par les Tigres libérateurs de l'Eelam tamoul (LTTE) sont un exemple des terribles conséquences de la guerre sur les populations civiles, surtout sur les enfants. Nous continuons de nous inquiéter de ce que, à quelques exceptions près, les forces de sécurité profitent de manoeuvres dilatoires et jouissent d'une impunité apparente lorsqu'elles commettent des violations des droits de la personne.
En Colombie, les groupes armés illégaux, qu'il s'agisse de la guérilla ou des organisations paramilitaires, prétendant s'attaquer à des «objectifs militaires», ciblent délibérément des civils, ce qui constitue la violation la plus grave des droits de la personne. Nous soutenons sans réserve les efforts du gouvernement pour trouver une issue négociée au conflit et nous soulignons l'urgence de parvenir à un accord humanitaire qui orientera les pourparlers futurs. Le Canada s'inquiète de la multiplication des menaces et des attaques dont sont victimes les défenseurs des droits de la personne, les populations autochtones et les Communautés de la Paix. Nous prions le gouvernement de prendre les mesures qui s'imposent pour assurer leur protection et traduire en justice ceux qui profèrent des menaces et commettent des assassinats. Nous demandons au gouvernement de mettre rapidement en place un système d'alerte rapide pour mieux protéger les défenseurs des droits de la personne. Les groupes armés illégaux commettent également de plus en plus de violations graves du droit humanitaire international, notamment des enlèvements, le recrutement de mineurs, l'exécution de combattants sans défense et le refus du droit de visite aux détenus (prisonniers de guerre de facto).
Ailleurs dans le monde, des pays doivent opérer une transition délicate à la suite d'un conflit. À ce stade, ils peuvent soit faire des progrès sur la voie qui mène à la paix, soit être à nouveau la proie d'un conflit. Tout repose souvent sur la décision des pays de s'attaquer au problème de l'impunité, d'organiser des élections, de mettre en place des institutions efficaces de défense des droits de la personne et de coopérer avec la communauté internationale.
Le Canada remarque que l'Érythrée et l'Éthiopie ont largement respecté l'accord de cessation des hostilités, mais la situation des droits de la personne et du droit humanitaire international dans ces deux pays ne laisse pas de nous inquiéter. À cet égard, nous demandons instamment à l'Éthiopie et à l'Érythrée de continuer à participer pleinement au processus de paix engagé sous l'égide de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), d'assurer la protection pleine et entière des droits des populations civiles sur leur territoire, sans distinction fondée sur la nationalité, et de satisfaire à leurs obligations au regard du droit humanitaire international, notamment en assurant l'accès, sans aucune restriction ni condition, aux prisonniers de guerre. Nous participerons à la mission des Nations Unies en Éthiopie et en Érythrée qu'a autorisée le Conseil de sécurité. Cette mission comportera d'ailleurs une unité qui s'occupera des droits de la personne. Le Canada se réjouit en outre de la ratification récente des Conventions de Genève par l'Érythrée et du retour récent, dans leurs pays d'origine, d'Éthiopiens et d'Érythréens déplacés.
Dans les Balkans, la situation des minorités ethniques en Bosnie-Herzégovine et en République fédérale de Yougoslavie, et notamment les violences commises à l'encontre des minorités au Kosovo, demeurent préoccupantes.
Même si le respect des droits de la personne en Bosnie-Herzégovine s'est amélioré l'année dernière, surtout au plan du retour des minorités, les progrès sont largement imputables aux pressions de la communauté internationale qui, très souvent, a été l'artisan de la mise en oeuvre des principaux éléments de l'Accord de paix de Dayton. La mise en place d'un système judiciaire transparent et impartial et la coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie sont autant de sujets épineux.
Au cours de l'année dernière, le gouvernement fédéral de Yougoslavie a bafoué à maintes reprises les droits de ses citoyens. Le système judiciaire yougoslave reste injuste; toute velléité d'opposition — exprimée dans les médias, par des manifestations pacifiques ou le travail d'ONG — a été régulièrement réprimée et parfois objet de poursuites devant les tribunaux. Des innocents ont été emprisonnés sous des accusations inventées de toutes pièces. Le départ récent du pouvoir de Slobodan Milosevic, accusé de crimes de guerre, est un événement heureux qui, nous l'espérons, conduira à une amélioration radicale de la situation des droits de la personne.
En Sierra Leone, le processus de paix n'avance pas. Le Canada déplore que le programme de démobilisation, de désarmement et de réintégration, ainsi que plusieurs autres initiatives visant à instaurer une paix durable, soient pratiquement arrêtés. En qualité de membre du Conseil de sécurité, le Canada soutient les mesures visant à instaurer un Tribunal spécial pour juger les auteurs de crimes contre l'humanité, traduire en justice les plus grands responsables d'atrocités et mettre fin à des actes moins flagrants mais néanmoins inacceptables.
Comme en Sierra Leone, la situation au Cambodge, en Haïti et en Indonésie montre l'importance de lutter contre l'impunité. La communauté internationale l'a reconnu en adoptant le Statut de Rome. La création du Tribunal pénal international sera déterminante dans la mesure où elle nous donnera les moyens de traduire en justice les auteurs des crimes internationaux les plus graves. Aujourd'hui, 22 États ont ratifié le Statut et nous exhortons les autres à le faire au plus vite, de manière à ce que l'on ait les 60 ratifications exigées pour que le Statut de Rome entre en vigueur.
Nous avons eu le plaisir d'assister en début d'année à la signature d'un accord entre le gouvernement du Cambodge et l'ONU sur la composition et le fonctionnement d'un tribunal chargé de juger les crimes de guerre commis pendant la période des Khmers rouges. Nous encourageons le gouvernement cambodgien à adopter sans retard une législation en harmonie avec l'accord de l'ONU. Un tribunal crédible au plan international serait une étape importante vers le remplacement d'une tradition persistante d'impunité au Cambodge par une culture où les droits des personnes sont pleinement respectés. Les premières élections communales de l'histoire du pays seront un jalon important sur la voie vers une plus grande démocratisation. Nous enjoignons le gouvernement cambodgien à faire en sorte que ces élections se déroulent sans violence.
En Haïti, le Canada prend note de la tenue du procès Carrefour Feuilles et des progrès du procès Raboteau et encourage le gouvernement haïtien à poursuivre ses efforts de lutte contre l'impunité. Toutefois, la situation de l'île continue de nous préoccuper. Nous espérons que les efforts de l'Organisation des États américains visant à faciliter le dialogue entre les Haïtiens permettront au pays de remédier aux défaillances dans les élections législatives et de prendre des mesures de renforcement de la démocratie. Tout autre résultat serait de mauvais augure pour les droits de la personne en Haïti et pour notre capacité à soutenir la démocratie et le développement dans ce pays.
En Indonésie, la résurgence des violences à Atjeh, aux Moluques et au Timor-Occidental continue de nous préoccuper, tout comme le sort du million de personnes déplacées à l'intérieur du pays. Nous accueillons avec satisfaction la prolongation jusqu'au 15 janvier 2001 de la «pause humanitaire» à Atjeh. Nous encourageons le gouvernement indonésien à continuer de poursuivre les auteurs de violation des droits de la personne dans les différentes régions du pays. À cet égard, nous souscrivons pleinement à l'intention du gouvernement indonésien de mettre sur pied un tribunal des droits de la personne. Nous espérons que la récente intégration du ministère des Droits de la personne au ministère de la Justice ne diminuera en rien l'importance accordée, par le gouvernement indonésien, à la question des droits de la personne.
Les Nations Unies ne peuvent pas remplir leur mission de protéger et de promouvoir les droits des peuples du monde sans la coopération et l'engagement sans réserve de leurs États membres. C'est à l'État qu'il incombe avant tout de protéger ces droits, en premier lieu par le respect du droit humanitaire international et des droits de la personne. Si les gouvernements choisissent d'ignorer les aspirations de leur peuple et de gouverner par la force ou par l'autoritarisme, les droits de la personne sont sacrifiés et la mission de l'ONU échoue. Gouverner par la loi n'est pas toujours synonyme de primauté du droit.
En Iraq, le gouvernement continue de faire régner la terreur, procédant à des arrestations, à des mises en détention et à des exécutions arbitraires pour se maintenir au pouvoir. Il n'a pris aucune mesure pour mettre fin aux violations généralisées des droits de la personne et a cessé de coopérer avec l'ancien Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme, qui était chargé de l'Iraq. Le Canada tient à reconnaître le travail accompli par M. Hans van der Stoel et entend appuyer pleinement les efforts du nouveau Rapporteur spécial, M. Andreas Mavromatis. Nous exhortons l'Iraq à engager un dialogue avec M. Mavromatis et à lui adresser sans tarder une invitation de façon à ce qu'il puisse s'acquitter de son mandat. Le Canada exhorte en outre le gouvernement de l'Iraq à mettre fin aux détentions et aux exécutions arbitraires des opposants politiques et religieux, de même qu'aux exactions commises contre les citoyens iraqiens, tels les disparitions forcées, la torture, le déni de la liberté d'expression ainsi que le déplacement forcé et la déportation.
En Birmanie, la situation des droits de la personne continue de se détériorer et à peu de chance de s'améliorer. Le Canada s'inquiète particulièrement du comportement de plus en plus inacceptable du Conseil d'État pour la paix et le développement à l'égard de Aung San Suu Kyi et des membres de la Ligue nationale pour la démocratie. Toutefois, le Canada prend note que le Comité international de la Croix-Rouge a été autorisé à effectuer des visites dans les prisons birmanes. Nous engageons les autorités à prendre des mesures immédiates pour se conformer aux recommandations de l'OIT concernant la pratique du travail forcé. Le Canada se réjouit de la très récente visite du représentant spécial du secrétaire général et appuie ses efforts en faveur d'un dialogue véritable entre le Conseil d'État pour la paix et le développement et Aung San Suu Kyi et la Ligue nationale pour la démocratie. Nous engageons de nouveau la Birmanie à démontrer que la réconciliation nationale, le respect des droits de la personne et la restauration de la démocratie lui tiennent à coeur, en participant à un dialogue de fond avec les représentants du mouvement démocratique et des groupes minoritaires. Pour que les conditions de vie du peuple birman s'améliorent, il est essentiel que le Conseil d'État pour la paix et le développement accomplissent des progrès tangibles dans ces domaines.
Nous nous réjouissons de la nouvelle politique adoptée en République populaire démocratique de la Corée, où l'absence du respect des droits de la personne et des libertés fondamentales était depuis longtemps source de préoccupation. Afin d'aider la RPDC à mieux s'intégrer aux affaires internationales, le Canada a reconnu ce pays et entamera un dialogue avec le gouvernement pour l'encourager à appliquer la règle du droit et agir conformément aux normes universelles des droits de la personne.
J'ai commencé mon intervention en soulignant le défi que représente pour tous les pays l'application de la primauté du droit international en matière de droits de la personne. Les traités continuent d'être la structure internationale pour ce faire. La volonté de ratifier les traités internationaux qui intéressent les droits de la personne et la volonté d'accepter d'être évalué par les organes créés par le biais de ces traités et d'autres mécanismes internationaux de défense des droits de la personne contribuent également à faire respecter la primauté du droit international.
Nous continuons de demander instamment à la Chine d'accorder davantage la priorité à la ratification et à la mise en oeuvre rapide des deux pactes internationaux relatifs aux droits de la personne, qu'elle a signés. Nous prenons note des progrès accomplis par la Chine pour moderniser ses systèmes juridiques et améliorer le niveau de vie de ses citoyens à la faveur de réformes économiques difficiles. Cependant, nous demeurons préoccupés par les restrictions toujours imposées aux libertés d'expression, d'association et de religion, en particulier au Tibet, par le maintien de la peine de mort, par les lourdes peines infligées aux dissidents et par les limitations imposées aux activités syndicales.
Nous demandons instamment à la Malaisie de ratifier et de mettre en oeuvre les grands traités sur les droits de la personne. Au cours de la dernière année, la situation à ce sujet s'est beaucoup détériorée, en particulier en ce qui concerne l'indépendance du pouvoir judiciaire. Tout comme la condamnation de l'ancien vice-premier ministre, M. Anwar, au cours d'un procès gravement entaché de préjudice, les procès pour sédition de plusieurs opposants au gouvernement, qui sont actuellement en cours, ainsi que des décisions judiciaires comme celles d'outrage au tribunal qui ont été rendues, créent un climat de répression de la dissension et de la liberté d'expression.
Les traités et les dispositions constitutionnelles ne servent à rien s'ils ne sont pas mis en oeuvre. De même, les engagements politiques à l'égard des droits de la personne doivent être respectés.
Le Canada demande instamment au gouvernement du Vietnam de respecter les libertés politiques et religieuses prévues dans sa constitution. Le Canada demeure particulièrement préoccupé par les limites imposées à la liberté de religion, notamment à l'égard des pratiquants de bouddhisme et du christianisme. Le Canada se réjouit des amnisties accordées récemment, ainsi que de la réduction du nombre des infractions pour lesquelles la peine capitale peut être imposée. Nous exhortons le gouvernement du Vietnam à adopter d'autres mesures à cet égard, notamment l'abolition de la peine de mort pour tous les crimes, sauf les plus graves.
Nous sommes fermement convaincus que le gouvernement militaire du Pakistan doit établir les bases économiques, politiques et administratives nécessaires à la protection des droits de la personne. Le gouvernement doit pleinement respecter ses engagements pour assurer une transition réussie vers la démocratie et la mise en oeuvre de grandes réformes nationales. Cet engagement est essentiel compte tenu des violations fréquentes des droits de la personne au Pakistan, comme «les meurtres d'honneur» des femmes, l'utilisation largement répandue du travail des enfants et la «loi du blasphème», particulièrement discriminatoire et injuste. Le Canada prend note des mesures adoptées dans le domaine de la liberté de l'information et de la création d'une commission nationale sur le statut de la femme. Nous espérons que ces initiatives contribueront à des réformes positives dans ces domaines.
Le Canada est préoccupé par le recours croissant à la peine de mort et d'autres formes de punition cruelle en Arabie Saoudite, parfois pour des infractions d'une gravité relative, et souvent sans que l'accusé ait pu bénéficier de conseils juridiques. Nous notons que le gouvernement d'Arabie Saoudite est prêt à accorder une plus grande attention aux mécanismes des droits de la personne et nous espérons que, parallèlement à l'adoption récente de nouveaux règlements concernant la profession juridique, cela se traduira par une administration de la justice plus conforme aux normes universelles en matière de droits de la personne.
En Iran, les plans du président Khatami en vue d'instaurer une société tolérante et respectueuse des lois sont largement contestés par les autorités hostiles à ce programme. Le Canada continue d'espérer que l'engagement des élus officiels de l'Iran à l'égard des idéaux démocratiques se traduiront par un plus grand respect des droits de la personne. Des progrès doivent être notamment réalisés sur les questions fondamentales des droits des femmes, de la liberté d'opinion et d'expression et de la liberté de religion. Malgré certains progrès, notamment en ce qui concerne les droits des Baha'is d'enregistrer légalement leur mariage, nous continuons d'être préoccupés par la discrimination dont ils continuent de faire l'objet, y compris l'imposition de la peine de mort pour la pratique de leur religion. Nous sommes déçus par le manque de transparence et l'absence de respect des normes internationales reconnues lors des procès de treize juifs et quatre musulmans à Shiraz, sur des accusations d'espionnage.
Malgré la rhétorique gouvernementale, nous regrettons de noter l'absence d'améliorations importantes en ce qui concerne le respect des normes acceptées internationalement en matière de droits humains à Cuba au cours de l'année écoulée. Le Canada demeure particulièrement préoccupé par le fait que des personnes continuent d'être harcelées, détenues et emprisonnées pour des activités qui seraient considérées comme l'expression d'une opposition politique normale dans tout pays démocratique. De plus, le message politique dissuasif contenu dans la législation sur la sécurité nationale, adoptée il y a un an, continue de nous préoccuper. Le Canada encourage Cuba à se montrer plus tolérant en ce qui concerne l'expression pacifique de l'opposition politique, à reconnaître plus largement la liberté d'opinion et d'expression et à intensifier son dialogue avec l'Église et d'autres membres de la société civile naissante.
La situation au Moyen-Orient a pour effet de miner les droits de la personne dans cette région. Lorsque la politique et le dialogue échouent, c'est la population qui souffre. Nous ne devons pas permettre que le respect des principes humanitaires internationaux et des droits de la personne ainsi que la tolérance entre collectivités fassent les frais de la crise actuelle. Dès le départ, le Canada s'est donné deux objectifs fondamentaux, à la fois sur le plan multilatéral, par le biais des Nations Unies, et bilatéral, avec nos partenaires au Moyen-Orient. Le Canada souhaite la fin immédiate de la violence et le retour à la négociation. Nous soutenons tous les efforts susceptibles de contribuer à ces objectifs. Nous nous réjouissons des engagements qui ont été pris à Sharm el-Sheikh et nous demandons aux parties de les respecter. Le succès de ces efforts politiques repose sur la capacité de tous les intéressés à mettre de l'avant la sécurité, la sûreté et les droits de la personne ainsi que le bien-être de la population, et ce faisant, à contribuer à ramener le calme, la tolérance et la stabilité.
Aucun pays dans le monde, et le mien non plus, n'est à l'abri des critiques sur le plan du respect des droits humains. Et aucun pays ne peut dire qu'il a tout fait pour s'acquitter de ses obligations internationales en matière de droits de la personne ou faire en sorte que ses citoyens jouissent pleinement de tous leurs droits. Comme Kofi Annan l'a déclaré au Sommet du millénaire, nous devons aux peuples de la terre de faire plus et de faire mieux. Au Sommet du millénaire, nos dirigeants ont partagé l'idée que les Nations Unies doivent posséder les outils voulus pour faire réellement changer les choses dans la vie des gens. La participation du Canada aux débats de cette troisième Commission sur la situation des droits de la personne dans le monde, son travail de promotion de la sécurité humaine, c'est-à-dire le Traité d'Ottawa d'interdiction des mines antipersonnel, ses efforts de réglementation de la circulation des armes légères, la Cour pénale internationale, la Conférence de Winnipeg sur les enfants touchés par la guerre — voilà autant d'actions inspirées par le désir qu'a notre pays d'être à la hauteur de cet objectif.
COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME
57IÈME SESSION
POINT 9: QUESTION DE LA VIOLATION DES DROITS DE L'HOMME ET
DES LIBERTÉS
FONDAMENTALES, OÙ QU'ELLE SE PRODUISE DANS LE MONDE
ALLOCUTION PRONONCÉE PAR MARIE GERVAIS-VIDRICAIRE
CHEF DE LA DÉLÉGATION DU CANADA
GENÈVE
30 MARS 2001
La Charte des Nations Unies est rédigée au nom de «nous, les peuples». En définitive, les peuples du monde comptent sur les Nations Unies pour agir comme la conscience de la communauté internationale et pour s'exprimer au nom des victimes de violations des droits de la personne. La Commission des droits de l'homme joue un rôle décisif dans l'accomplissement de ce mandat. Elle définit les normes en matière de droits de la personne, supervise leur mise en oeuvre et permet la tenue de discussions franches et ouvertes sur tous les aspects des violations des droits de la personne dans toutes les régions du monde.
Nous sommes convaincus que pour que les discussions soient franches, les pays doivent non seulement examiner les droits de la personne dans d'autres régions du monde, mais également chez eux. Les droits de la personne sont une pierre angulaire de la politique étrangère du Canada car ils constituent une pierre angulaire de la Constitution, des institutions et de la société canadiennes. Mais nous ne sommes pas parfaits. Aucun État ne l'est. Nous admettons que des problèmes ont existé et continuent d'exister concernant les droits de la personne au Canada, et nous nous efforçons d'y remédier, de même que d'écouter les conseils des autres à cet égard. C'est pourquoi nous avons émis une invitation permanente aux mécanismes spéciaux de la Commission de visiter le Canada, nous sommes partie à tous les principaux traités relatifs aux droits de la personne et nous participons si activement aux travaux de la Commission des droits de l'homme.
Les normes définies par la Commission en matière de droits de la personne sont l'expression de valeurs partagées par la communauté internationale. Certains États, par des actes délibérés de violence ou de répression, se mettent à l'écart de cette communauté de valeurs communes. Si les gouvernements choisissent d'ignorer les souhaits de leurs peuples et gouvernent par la force ou l'autoritarisme, les droits de la personne en pâtissent, tout comme la communauté internationale dans son ensemble. Gouverner par la loi n'équivaut pas à respecter la primauté du droit.
La situation en Afghanistan est l'une des plus terribles au monde. Le massacre de civils innocents à Yakawlang en janvier est un affront aux droits de la personne. Nous nous associons à la communauté internationale pour demander à toutes les parties au conflit afghan de respecter la vie des civils innocents. Le mauvais traitement des femmes et des fillettes par les talibans, avec l'aval des autorités, est particulièrement choquant. Si les talibans veulent réduire leur isolement du monde extérieur, ils devront respecter pleinement les droits de la personne et les libertés fondamentales de tous les groupes ethniques et religieux en Afghanistan.
La situation des droits de la personne en Birmanie continue de se détériorer. Toutefois, les Nations Unies ont annoncé récemment que le Conseil d'État pour la paix et le développement et Aung San Suu Kyi s'étaient engagés sur la voie du dialogue. Le Canada reste optimiste mais vigilant, et attend de ces discussions qu'elles débouchent sur des progrès concrets. Nous sommes particulièrement préoccupés par l'attitude inacceptable manifestée par le Conseil d'État pour la paix et le développement à l'encontre de Daw Aung San Suu Kyi et des membres du parti de la Ligue nationale pour la démocratie. Nous demandons instamment aux autorités de prendre des mesures immédiates pour se conformer aux recommandations de l'OIT sur le travail forcé. Nous notons que, malgré les changements législatifs engagés par le Conseil d'État pour la paix et le développement en octobre 2000, la pratique du travail forcé perdure, surtout dans les régions frontalières. Le Canada se félicite des visites du représentant spécial du secrétaire général et soutient ses efforts pour instaurer un véritable dialogue impliquant le Conseil d'État pour la paix et le développement et Aung San Suu Kyi et la Ligue nationale pour la démocratie. Nous réitérons notre appel à la Birmanie pour qu'elle s'engage résolument en faveur de la réconciliation nationale, des droits de la personne et de la restauration de la démocratie en engageant un dialogue de fond avec des représentants du mouvement pro-démocratique et des groupes minoritaires.
Le gouvernement d' Iraq continue de gouverner par la terreur, procédant à des arrestations, à des emprisonnements et à des exécutions arbitraires afin de se maintenir en place. Le Canada demande instamment au gouvernement iraqien de mettre un terme aux détentions arbitraires et exécutions d'opposants politiques et religieux, aux enlèvements, à la torture, aux atteintes à la liberté d'expression, au déplacement et à la déportation forcés de citoyens iraqiens. Nous demandons également à l'Iraq d'engager un dialogue avec le rapporteur spécial et de lui adresser sans tarder une invitation pour qu'il puisse mener à bien son mandat.
Dans les situations de conflit armé ou de troubles civils violents, la souffrance des civils est la plus aiguë et exige une réponse particulièrement forte de la Commission des droits de l'homme et de la communauté internationale.
Dans le cas du Soudan, la poursuite de violations graves des droits de la personne résulte directement de l'absence de progrès du processus de paix: des civils continuent d'être bombardés ou déplacés de force, la famine menace à nouveau, des femmes et des enfants sont enlevés, les organisations humanitaires attaquées, prises en otage ou se voient refuser l'accès aux personnes dans le besoin. Nous demandons au gouvernement du Soudan et à toutes les parties à la guerre civile de se conformer à leurs obligations internationales en matière de droits de la personne, de respecter le droit international humanitaire et de s'engager sérieusement dans des négociations de bonne foi visant à résoudre le conflit. Nous nous inquiétons des liens possibles entre le développement du secteur des ressources naturelles du Soudan et la poursuite du conflit. À cet égard, nous demandons aux entreprises commerciales actives au Soudan d'adopter et de respecter des pratiques (y compris des codes de conduite) cohérentes avec les normes internationales du travail et les droits de la personne et d'évaluer avec soin leurs activités au Soudan afin de s'assurer qu'ils ne sont pas directement ou indirectement impliqués dans des actions qui peuvent augmenter la souffrance des populations civiles du Soudan.
De même, nous sommes toujours très préoccupés par la situation des droits de la personne dans la région des Grands Lacs. En République démocratique du Congo, nous prenons note des critiques élevées par le Conseil de sécurité des Nations Unies quant à la situation des zones contrôlées par les rebelles, en particulier celles sous le contrôle des forces rebelles soutenues par le gouvernement du Rwanda et de l' Ouganda. Nous demandons que l'Accord de Lusaka et les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité soient appliqués dans leur intégralité, et notamment en ce qui a trait au retrait sans condition de toutes les forces étrangères. À cet égard, même si certaines troupes étrangères semblent s'être retirées de la ligne de front, nous espérons un retrait complet de toutes les troupes étrangères de la RDC, afin de parvenir à une paix juste et durable pour tous les pays de la région des Grands Lacs. Le Canada s'inquiète sérieusement de l'absence d'accord de cessez-le-feu au Burundi et de la violence continue perpétrée par toutes les parties contre la population civile. À cet égard, nous demandons instamment au gouvernement du Burundi et aux factions armées d'entamer des négociations de bonne foi afin de parvenir à la cessation des hostilités et à un accord de cessez-le-feu le plus tôt possible. Nous demandons également au gouvernement du Burundi d'assurer la primauté du droit et d'enquêter rapidement sur la situation trouble de milliers de prisonniers détenus sans être accusés.
Même après un conflit armé, des progrès véritables en matière de droits de la personne restent difficiles à réaliser si la sécurité du pays est toujours fragile. À ce stade, les pays peuvent s'engager sur la voie de la paix ou retomber en guerre. La façon dont les pays décident de traiter de la question de l'impunité, les stratégies adoptées pour mettre en place des institutions démocratiques efficaces et pour coopérer avec la communauté internationale peuvent faire pencher la balance.
C'est le cas en Sierra Leone où la démocratie et la stabilité resteront menacées tant que toutes les dispositions de l'accord de paix de Lomé ne seront pas respectées par toutes les parties. Le Canada reste sérieusement préoccupé par les tensions régionales persistantes et leur impact sur la situation des droits de la personne en Sierra Leone, ainsi que par la crise humanitaire qui frappe la région du fleuve Mano. Nous sommes toutefois encouragés par l'accord de cessez-le-feu d'Abuja et par la volonté affichée des rebelles d'autoriser l'accès à l'UNAMSIL et d'accepter l'autorité sierra-léonienne sur tout le territoire. Le Canada se félicite également des efforts déployés sans relâche par le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme pour mettre en oeuvre la phase préparatoire de la Commission pour la vérité et la réconciliation et le projet d'accord entre le secrétaire général et le gouvernement de la Sierra Leone sur la création d'un Tribunal spécial chargé de juger les responsables de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre et d'autres violations graves du droit international. Garantir des dotations budgétaires stables et régulières pour ces initiatives est un moyen de les pérenniser. Il est essentiel de lutter contre l'impunité et de construire des institutions démocratiques si l'on veut instaurer une paix durable en Sierra Leone.
Dans d'autres cas, les accords de paix continuent d'ouvrir des perspectives de progrès réels sur la question des droits de la personne.
Le Canada se félicite de la signature d'un accord de paix entre l'Éthiopie et l'Érythrée le 12 décembre 2000. Des casques bleus canadiens sont déployés dans le cadre de la mission des Nations Unies, avec l'objectif d'aider les gouvernements d'Éthiopie et d'Érythrée à instaurer une paix durable et à renouer des relations mutuellement bénéfiques.
Le Canada demande au gouvernement d' Éthiopie d'intensifier ses efforts pour promouvoir les droits de la personne, réclame la levée des dernières restrictions qui pèsent sur la société civile, les médias et les partis d'opposition, et salue la mise en place du Conseil éthiopien des droits de l'homme. Le Canada reste préoccupé par la poursuite des arrestations, des détentions et des intimidations dont sont victimes des journalistes dans le pays, par les rapports de mauvais traitements infligés aux membres de l'ethnie Oromos et par les abus des droits de la personne dans les prisons.
Nous demandons au gouvernement d' Érythrée de poursuivre ses efforts de collaboration avec la communauté des ONG et de soutenir l'organisation d'élections libres et multipartites en Érythrée en décembre 2001. Le Canada s'inquiète des restrictions de la liberté religieuse en Érythrée, et notamment des persécutions des témoins de Jehovah par les autorités érythréennes. Plus généralement, nous sommes préoccupés par les rapports d'arrestations arbitraires et de détentions sans procès.
La dernière année a vu une certaine amélioration de la situation des droits de la personne dans les Balkans. L'engagement du nouveau gouvernement démocratique de la République fédérale de Yougoslavie d'adopter les normes universelles sur les droits de la personne est encourageant. De même, nous apprécions les réformes entreprises par la Croatie en matière de bonne gouvernance et de traitement des minorités, même s'il reste beaucoup à faire. La formation récente d'un gouvernement interethnique en Bosnie-Herzégovine augure favorablement pour la promotion des droits de la personne, même si, là encore, ces changements nécessiteront détermination et efforts soutenus.
Malheureusement, les réformes sont lentes, parcellaires et ne concernent pas toute la région. Dans de nombreuses zones, les droits des minorités restent menacés. La violence ethnique est particulièrement virulente au Kosovo. Les soulèvements des ressortissants albanais dans la vallée de Presevo et dans l'ex République yougoslave de Macédoine sont des développements préoccupants qui menacent la stabilité et les progrès réalisés dans la région à ce jour. Ce recours à la violence ne peut être toléré et doit être enrayé avant que les troubles ne se propagent. Toutefois, les gouvernements de la République fédérale de Yougoslavie et de l'ex-République yougoslave de Macédoine doivent faire tout leur possible pour assurer la protection des civils. En outre, ils doivent prendre en compte les préoccupations légitimes de toutes les communautés ethniques sur leur territoire. Le Canada demande à toutes les parties et à tous les gouvernements d'améliorer les conditions de retour des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays. Nous pensons que tous les pays doivent coopérer avec le Tribunal pénal international pour l'ex Yougoslavie afin d'assurer la stabilité régionale. Il ne peut y avoir de paix durable sans justice.
Trop souvent, lorsque le processus de paix s'essoufle, les violations des droits de la personne se multiplient.
La grave détérioration de la situation au Moyen-Orient illustre clairement la fragilité du processus de paix dans la région et montre combien le respect des droits de la personne peut facilement céder le pas à la violence et au terrorisme. Les événements récents ont prouvé une fois encore que lorsque la politique et les discours échouent, ce sont les peuples qui en paient le prix. Le Canada n'a cessé de demander la fin des violences et la reprise des négotiations. Le Canada pense que les progrès accomplis par les Israëliens et les Palestiniens sur des aspects fondamentaux de leur différend l'année dernière doivent être sauvegardés. L'Autorité palestinienne et le gouvernement de l'État d'Israël doivent se garder de toute action unilatérale susceptible d'aggraver la situation et doivent rester attachés au dialogue, seul moyen de parvenir à une solution durable. Le succès de ces efforts politiques exige de toutes les parties concernées qu'elles reconnaissent la primauté de la sécurité, de la sûreté, des droits de la personne et du bien-être des populations, et que le respect de la dignité humaine de tous les peuples est une des pierres angulaires de l'établissement d'une paix durable.
Même en période de paix, les pays ne sont pas à l'abri de violations des droits de la personne. L' impunité constitue l'un des principaux obstacles à surmonter pour instaurer une paix durable et le respect des droits de la personne.
En Côte d'Ivoire, l'impunité dont bénéficient les forces nationales de sécurité responsables de centaines d'exécutions sommaires est particulièrement préoccupante. Les détentions et les extorsions sont monnaie courante dans le pays, et visent particulièrement les étrangers venant des pays voisins. Le Canada s'associe à de nombreux autres pays pour demander au gouvernement de Côte d'Ivoire qu'il respecte ses engagements en matière de bonne gouvernance, de droits de la personne et de justice.
Le Canada est préoccupé par la situation des droits de l'homme dans la République du Togo. Notre préoccupation a été accrue par les conclusions de la Commission d'enquête internationale de l'ONU et de l'OUA. La situation des droits de la personne au Togo ne pourra s'améliorer de manière significative que s'il est mis un terme au climat d'impunité qui prévaut dans ce pays.
De même, la situation des droits de la personne au Zimbabwe s'est fortement dégradée. L'année dernière, les violences avalisées par le gouvernement ont terni les élections parlementaires. Plus récemment, le gouvernement a harcelé le pouvoir judiciaire, tout en encourageant tacitement ou en tolérant la violence à l'encontre de ses opposants politiques et des médias. Le gouvernement en place a ignoré à de nombreuses reprises le principe de primauté du droit, ignorant les ordonnances des tribunaux, la Constitution et les aspirations démocratiques de ses citoyens.
Le Canada s'indigne de la multiplication des rapports crédibles dénonçant des violations des droits de la personne par les deux parties à l'encontre des civils en Tchétchénie, et notamment des détentions arbitraires, des extorsions, actes de torture et exécutions sommaires. Nous sommes troublés par les difficultés qu'a rencontrées la communauté internationale pour déterminer la véracité de ces allégations. Le Canada réitère son appel en faveur d'une enquête rapide et transparente sur toutes les allégations de violations des droits de la personne. Nous demandons au gouvernement russe d'accroître les moyens financiers mis à la disposition des enquêteurs des droits de la personne actifs en Tchétchénie, de leur apporter un soutien supplémentaire et de faciliter l'accès à la région aux observateurs nationaux et internationaux et aux spécialistes des droits de la personne pour leur permettre de déterminer les progrès des enquêtes. Nous demandons à la Russie de faciliter le retour du Groupe d'assistance de l'OCSE en Tchétchénie, comme elle s'y est engagée à Istanbul en 1999, et d'entamer un dialogue constructif avec tous les peuples de Tchétchénie afin d'arriver à une solution durable.
Au Sri Lanka, le conflit continue d'être à l'origine des violations les plus flagrantes des droits de la personne et des infractions au droit humanitaire international, à la fois par le gouvernement et par le LTTE. Par conséquent, le Canada salue les efforts entrepris par la Norvège pour faciliter les négociations de paix entre les belligérants. Nous continuons de déplorer qu'à de très rares exceptions près, les membres des forces de sécurité qui ont commis des violations des droits de la personne échappent toujours à la justice et bénéficient du climat d'impunité. À cet égard, certains événements tels que les nombreux assassinats de jeunes Tamouls pourtant confiés aux soins des autorités gouvernementales près de Bindunuwewa sont à notre sens particulièrement scandaleux.
En Indonésie, les violences persistantes en Aceh et le durcissement par le gouvernement indonésien de sa politique de sécurité en Irian Jaya restent préoccupants, tout comme la détention et la poursuite d'activistes politiques dans ces provinces. Nous demeurons préoccupés par les souffrances de près d'un million de personnes déplacées en Indonésie. Nous saluons l'accord sur la sécurité en Aceh conclu en Suisse en février dernier et nous nous félicitons du dialogue récemment entamé sur le terrain. Toutefois, nous sommes préoccupés par les opérations de sécurité envisagées par le gouvernement en Aceh et de leurs répercussions possibles sur les civils. Nous saluons également la législation sur les Tribunaux des droits de la personne récemment adoptée par le Parlement indonésien. Nous encourageons le gouvernement indonésien à continuer de juger les auteurs de violations des droits de la personne, y compris les responsables du massacre de membres d'organisations humanitaires. Nous demandons instamment au gouvernement indonésien de respecter son engagement de mettre en place un tribunal spécial pour le Timor-Oriental, en accord avec les règles internationales sur les droits de la personne. La communauté internationale n'a cessé de manifester son inquiétude quant à l'impunité, et en l'absence de progrès notables sur cette question, la confiance dans les mesures positives prises par l'Indonésie dans d'autres domaines sera sapée.
Au Guatemala, nous saluons les engagements pris par le président Portillo lors de son entrée en fonction en janvier 2000 et sa reconnaissance de la responsabilité de l'État guatémaltèque pour un certain nombre de violations passées des droits de la personne, ainsi que le travail accompli par la Commission présidentielle pour la politique en matière de droits de la personne. Toutefois, nous sommes vivement préoccupés par la multiplication des incidents impliquant des menaces et des agressions physiques dont sont victimes des activistes politiques et des défenseurs des droits de la personne, des journalistes, des officiers de justice et des témoins ces derniers mois. Ces incidents, associés à des progrès relativement lents et inégaux, notamment sur les questions de l'impunité et la mise en oeuvre des accords de 1996, risquent de remettre en cause les avancées importantes du Guatemala. Nous demandons au gouvernement du Guatemala de s'attaquer résolument à ces problèmes et d'afficher sa détermination à respecter les engagements pris dans le cadre des accords, pour le bien de tous les Guatémaltèques.
M. Le Président, les normes internationales sur les droits de la personne sont l'étalon de mesure en fonction duquel tous les pays doivent être évalués et certains d'entre eux seront sanctionnés. La coopération avec les organismes internationaux de défense des droits de la personne, la volonté de ratifier les traités internationaux sur les droits de la personne et d'engager un dialogue constructif avec le Haut Commissariat aux droits de l'homme font partie intégrante du respect la primauté du droit au niveau international.
En Chine, nous demeurons très préoccupés par l'ampleur et la fréquence des restrictions aux libertés d'expression, d'association et de religion, notamment au Tibet et au Xinjiang; l'application de la peine de mort pour les crimes non violents; la dureté des peines à l'encontre des dissidents; et les restrictions aux activités des syndicats. Nous saluons la ratification récente par la Chine du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et demandons à la Chine de faire de sa mise en oeuvre une priorité, mais nous regrettons la déclaration s'y rattachant qui atténue l'effet de la ratification. De même, nous saluons le protocole d'entente signé entre la Chine et le Haut Commissaire aux droits de l'homme. Nous espérons que la Chine donnera suite à ces décisions positives en ratifiant et en appliquant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Nous saluons l'attention accrue que le gouvernement d' Arabie Saoudite porte aux normes internationales en matière de droits de la personne, telle qu'illustrée par sa décision de ratifier la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes l'été dernier. Cependant, nous espérons que l'Arabie Saoudite lèvera les réserves portées à cet instrument ainsi qu'à d'autres instruments internationaux relatifs aux droits de la personne, et qu'elle coopérera avec les mécanismes de la Commission. Nous demeurons préoccupés par l'incidence relativement élevée d'exécutions et de punitions corporelles dans le système pénal saoudien. Les détenus et les accusés devraient avoir un meilleur accès aux services d'un avocat et dans de meilleurs délais. Nous continuons d'espérer que l'engagement accru du gouvernement saoudien envers la communauté internationale en matière de droits de la personne se traduira en un respect des droits de la personne en Arabie Saoudite plus conforme avec les normes actuelles en matière de droits de la personne, en particulier en ce qui à trait à l'administration de la justice.
Nous avons le regret de noter l'absence de progrès substantiels concernant le respect des droits politiques et civils reconnus au plan international à Cuba l'année dernière. Le Canada demeure vivement préoccupé par le harcèlement, les détentions et l'emprisonnement dont sont victimes les personnes qui mènent des activités pourtant parfaitement légitimes en vertu des engagements internationaux en faveur des droits de la personne pris par Cuba à l'égard de son peuple. Au cours de l'année dernière, on a assisté à l'intensification des mesures de contrôle de l'opposition non violente, y compris au recours de plus en plus fréquent aux détentions de courte durée. Le Canada encourage Cuba à accepter l'opposition politique pacifique, la liberté d'opinion et d'expression; et à renforcer son dialogue avec l'église et d'autres membres de sa société civile naissante.
En Iran, le programme du président Khatami pour instaurer une société tolérante, démocratique et respectueuse du droit se heurte à des obstacles de taille. Le Canada espère que l'Iran acceptera la demande du représentant spécial des Nations Unies de se rendre en visite dans le pays, démontrant ainsi son attachement à la transparence et à la coopération avec la Commission. L'année dernière, la liberté de la presse et les libertés politiques ont été sérieusement mises à mal, avec l'arrestation de nombreux réformateurs qui ont été jugés coupables par un système judiciaire de plus en plus politisé. Le Canada continue d'espérer que l'engagement en faveur des idéaux démocratiques des dirigeants élus iraniens se traduira par un meilleur respect des droits de la personne, notamment des droits des femmes, de la liberté d'opinion et d'expression et de la liberté religieuse. Malgré des évolutions positives récentes, la discrimination que subissent les Baha'is qui pratiquent leur foi reste préoccupante. De même, nous nous insurgeons contre le manque de transparence et le non respect des procédures internationales reconnues dans les procès de 13 juifs et de 4 musulmans au Chiraz accusés d'espionnage.
Lorsque l'infrastructure nationale nécessaire pour protéger et promouvoir les droits de la personne fait défaut ou est inadaptée, le rôle de la communauté internationale au niveau fourniture de l'assistance technique et du monitoring revêt une importance décisive.
En Colombie, nous saluons les efforts récents du président Pastrana pour raviver le processus de paix avec le FARC et les progrès des discussions avec l'ELN. Toutefois, nous nous alarmons de l'escalade du conflit et de la détérioration de la situation des droits de la personne, en particulier de la multiplication des assassinats et autres infractions au droit humanitaire international perpétrés par les groupes paramilitaires et la guérilla contre les défenseurs des droits de la personne, les syndicalistes et les journalistes. Nous condamnons fermement le recrutement d'enfants soldats par les guérillas. La communauté internationale toute entière demande à ces dirigeants de mettre un terme à cette pratique atroce qui bafoue les règles minimales de la décence. Nous demandons au gouvernement de Colombie de poursuivre en justice les personnes responsables des menaces et des assassinats et de couper tout lien avec les groupes paramilitaires. Nous appuyons fortement le bureau permanent du Haut Commissaire aux droits de l'homme à Bogota et soulignons la nécessité d'augmenter l'assistance financière pour permettre l'ouverture de bureaux régionaux sur le terrain.
Le Canada s'inquiète de l'évolution des événements en Haïti, telles que les manifestations et les violences récentes, et redoute leurs impact sur les perspectives de développement politique, économique et social démocratique dans le pays. Le Canada demande au nouveau gouvernement haïtien de veiller au respect des droits de la personne, notamment dans les domaines de la liberté d'expression, de l'impunité, de la justice, du fonctionnement des prisons et des activités de la police. Le gouvernement doit encore s'attaquer aux problèmes posés par les élections législatives du 21 mai et prendre des mesures visant à renforcer la démocratie, y compris par un dialogue constructif avec l'opposition. Bien que les missions des Nations Unies aient récemment quitté le pays, le Canada appelle de ses voeux une poursuite de la supervision et de l'assistance sur les questions des droits de la personne.
Nous demandons au gouvernement militaire au Pakistan de mettre en oeuvre les réformes politiques, économiques et administratives nécessaires pour la protection et le renforcement des droits de la personne. Le gouvernement militaire doit tenir ses engagements en faveur du passage à la démocratie. Des violations graves des droits de la personne touchant les femmes et les minorités religieuses restent fréquentes au Pakistan. Le recours généralisé au travail des enfants et la «loi sur le blasphème» utilisée pour harceler des citoyens innocents sont particulièrement aberrants. Nous félicitons le gouvernement pour avoir adopté une Politique nationale et un Plan d'action en faveur de l'abolition du travail des enfants, et demandons aux autorités pakistanaises de l'appliquer dans son intégralité.
La situation des droits de la personne au Cambodge reste à bien des égards préoccupante, en particulier les incidents impliquant des violences politiques et des menaces sur la sécurité des personnes lors d'altercations armées en novembre dernier. Nous demandons au gouvernement cambodgien de veiller à ce que les élections communales de l'année prochaine se déroulent dans un climat pacifique, et d'aider le nouveau représentant spécial du Secrétaire général chargé des droits de la personne au Cambodge à mener à bien sa mission. Nous saluons l'adoption récente par le gouvernement cambodgien d'une loi qui institue un tribunal chargé de juger les crimes de guerre commis sous le régime des Khmers rouges. Nous encourageons les responsables cambodgiens à continuer à coopérer avec l'ONU pour que le tribunal acquière une crédibilité internationale.
Nous saluons les efforts du gouvernement vietnamien pour s'attaquer à la corruption et améliorer la situation des droits de la personne. L'autorisation des manifestations pacifiques et de l'assemblée générale de Chrétiens protestants sont des résultats modestes mais qui témoignent de la bonne volonté du pouvoir. Cependant, nous demeurons préoccupés par le traitement de certains groupes ethniques et les restrictions des libertés politiques et religieuses, surtout — en ce qui concerne ces dernières — à l'égard des bouddhistes et les chrétiens. Nous encourageons le gouvernement vietnamien à progresser sur la voie de la reconnaissance officielle des organisations religieuses et de l'autorisation de l'expression religieuse et politique de ses citoyens.
Le Canada reste préoccupé par la situation des droits de la personne en République populaire démocratique de Corée (RPDC). Nous nous félicitons de l'intérêt manifesté par la RPDC dans le dialogue par le renforcement de ses relations internationales. En février 2001, le Canada et la RPDC ont noué des relations diplomatiques qui, à notre sens, devraient faciliter l'intégration de la RPDC au sein de la communauté mondiale. Le Canada accueille favorablement toutes les possibilités de discuter des questions des droits de la personne avec la RPDC.
M. le Président,
En dernier ressort, c'est à nous qu'il incombe, nous États membres, de respecter les droits de la personne. En fin de compte, aucun gouvernement au monde ne peut esquiver son devoir de mettre en place les politiques et les institutions pour protéger et promouvoir les droits de ses citoyens. Toutefois, notre responsabilité commune — en tant que membres des Nations Unies et notamment de cette Commission — est plus large et englobe la situation des droits de la personne dans toutes les régions du monde. Comme Kofi Annan l'a déclaré, «trop de voix restent étouffées, trop de souffrance persiste et trop d'occasions d'améliorer la condition humaine sont manquées pour s'estimer satisfait de la situation actuelle.» Aucun pays au monde, et certainement pas le mien, n'échappe aux critiques en matière de respect des droits de la personne. La participation du Canada à ce débat procède de la volonté d'être à la hauteur de ce devoir et de promouvoir la coopération la plus large possible à cette fin.