Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
1re Session, 37e Législature,
Volume 139, Numéro 73
Le mardi 27 novembre 2001
L'honorable Dan Hays, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut
- Affaires étrangères
- Projet de loi sur le système de justice pénale pour les adolescents
- Le programme d'échange de pages avec la Chambre des communes
- L'étude sur le rôle du gouvernement en matière de frais d'entretien différé accumulés dans les établissements d'enseignement postsecondaire au Canada
- La situation de l'aide juridique
- Les aspects de l'agriculture
- Les régions rurales du Canada
- Question de privilège
- Le rôle de la culture au Canada
LE SÉNAT
Le mardi 27 novembre 2001
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
QUESTION DE PRIVILÈGE
AVIS
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, conformément à l'article 43 du Règlement du Sénat, je donne avis que je soulèverai plus tard aujourd'hui la question de privilège. C'est au sujet d'une déclaration faite par un sénateur le jeudi 22 novembre 2001 pendant la période réservée aux déclarations de sénateurs. Cette déclaration, qui a été largement reprise dans les journaux nationaux le 23 novembre 2001, et notamment l'Ottawa Citizen, l'Edmonton Journal et le Sun de Vancouver, tentait d'établir un lien entre les sénateurs qui participent au Sénat à un débat que je parraine sur le projet de loi S-9, Loi visant à préciser le sens de «mariage», et l'horrible meurtre d'un homme homosexuel au parc Stanley de Vancouver. Cette tentative était de mauvais goût et témoignait d'un manque de respect pour les sénateurs et le Sénat.
Honorables sénateurs, je demanderai au Président du Sénat de statuer qu'il y a présomption d'atteinte au privilège. S'il le fait, je serai prête à proposer la motion nécessaire.
Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 43(5) du Règlement, j'ai également présenté au greffier du Sénat l'avis écrit nécessaire.
LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES DE LA TECHNOLOGIE
LES ALLÉGATIONS DE CONFLIT D'INTÉRÊTS DANS L'ÉTUDE SUR L'ÉTAT DU SYSTÈME DE SANTÉ
L'honorable Michael Kirby: Honorables sénateurs, certains d'entre vous se souviendront qu'en mars 2000 puis, de nouveau, en mars 2001, au cours du débat sur l'ordre de renvoi relatif à l'étude sur l'état du système de soins de santé, dont s'occupe actuellement le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, j'ai déclaré en public ici que j'étais administrateur d'une société privée de soins infirmiers. À ces deux occasions, j'ai déposé une lettre auprès du greffier du comité pour déclarer cet intérêt, même si le Règlement du Sénat ne m'y oblige pas. J'ai pris ces mesures parce que je craignais que le travail du comité dans le domaine de la politique de la santé ne soit controversé et que certains ne tentent de le discréditer en m'attaquant personnellement parce que je suis à la fois membre du conseil d'administration d'une société de soins infirmiers et président du comité chargé de l'étude. Je craignais qu'on m'accuse d'un conflit d'intérêts. Après tout, il est toujours plus facile en politique de tuer le messager que d'engager un débat utile sur une question difficile et controversée.
Malheureusement, malgré les précautions que j'avais prises, certaines personnes mécontentes du comité — et notamment des documents récemment publiés qui font état d'options que ces personnes désapprouvent fortement — ont décidé de s'attaquer personnellement à moi plutôt que de discuter des options.
Honorables sénateurs, je crois que le travail du Comité des affaires sociales sur la question du système de santé est tellement important que ses rapports doivent être au-dessus de tout soupçon. Le comité est rapidement en train de devenir une des meilleures tribunes du Canada pour la discussion des questions relatives à la santé, et c'est un rôle que le comité espère continuer à jouer pendant plusieurs années. Rien ne devrait ternir la réputation d'intégrité de son travail.
C'est pour cette raison qu'il y a deux semaines, j'ai écrit à Howard Wilson, le conseiller en éthique, pour lui demander une opinion sur la question de savoir si j'étais en situation de conflit d'intérêts. Après avoir expédié cette lettre, j'ai dit au sénateur Carstairs qu'en cas de réponse positive de M. Wilson, je démissionnerais immédiatement du comité.
J'ai reçu l'opinion de M. Wilson la semaine dernière. En voici le dernier paragraphe:
Il n'y a pas de doute que le travail du comité, une fois terminé, aura d'importantes incidences sur le débat public concernant le système canadien de santé. Toutefois, comme le rapport ne liera pas le gouvernement fédéral, je ne trouve pas que vous soyez en situation de conflit d'intérêts.
Par conséquent, honorables sénateurs, j'ai l'intention de continuer à présider le Comité des affaires sociales tant que les membres du comité voudront que je le fasse.
Des voix: Bravo!
Le sénateur Kirby: De plus, aussitôt que ma lettre à M. Wilson et la lettre qu'il m'a adressée en réponse auront été traduites, je demanderai au Sénat la permission de les déposer. Je compte le faire parce que la lettre de quatre pages de M. Wilson décrit d'une façon remarquable ce qui constitue et ne constitue pas un conflit d'intérêts pour un sénateur. Je crois en fait que c'est la meilleure description de ce genre que j'aie jamais lue. J'exhorte mes collègues à lire cette lettre s'il leur arrive de se poser des questions sur une situation possible de conflit d'intérêts.
Entre-temps, en attendant que les lettres soient traduites, si l'un de mes collègues souhaite obtenir une copie de la lettre de M. Wilson, il peut prendre contact avec mon bureau.
(1410)
LA JOURNÉE INTERNATIONALE POUR L'ÉLIMINATION DE LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES
L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence contre les femmes, qui a été observée le dimanche 25 novembre. La violence contre les femmes prend de nombreuses formes dans notre société, allant du harcèlement sexuel et des abus commis par une connaissance jusqu'au viol et au meurtre.
Nous pouvons sûrement convenir que d'importants progrès ont été réalisés en faveur des causes de la femme. Toutefois, malgré les réalisations, il faut se rendre compte qu'au Canada, deux femmes sont assassinées chaque semaine dans des incidents de violence familiale. Ce chiffre est effrayant. Les statistiques varient d'une région à l'autre du pays, le taux de violence le plus élevé contre les femmes — près de 60 p. 100 — ayant été enregistré en Colombie-Britannique.
Honorables sénateurs, nous continuons à être témoins de violence contre les femmes dans les films, à la télévision et dans tous les médias. Nos journaux rapportent en détail, partout dans le pays, les comptes rendus de ces horribles crimes, en insistant parfois sur notre ambivalence, notre réticence à intervenir lorsque des crimes se produisent autour de nous. Nous l'avons bien vu à Montréal cette année: une adolescente, qui avait de toute évidence été victime de violence, est restée étendue sans connaissance pendant des heures près d'une station de métro avant qu'une employée de bureau ne finisse par désobéir aux ordres de son patron en appelant la police.
Les statistiques révèlent qu'en moyenne, les femmes victimes de violence subissent 35 incidents avant de se plaindre à la police. Elles se sentent souvent prises au piège parce qu'elles craignent pour leur vie et pour la vie de leurs enfants et d'autres membres de la famille, parce qu'elles ne savent pas où aller, qu'elles s'inquiètent de la sécurité économique de leurs enfants ou simplement qu'elles ont peur que personne ne les croie.
Il n'est pas surprenant, honorables sénateurs, que la violence familiale ait d'énormes effets sur la société canadienne. Il y a quelque mois, une étude réalisée par l'Université Western Ontario a révélé que les étudiants du secondaire qui vivent dans des foyers où sévit la violence ont d'importants problèmes émotifs et d'adaptation. Pour les femmes qui vivent dans un tel environnement, le risque de dépression et de colère est de sept fois plus élevé que chez les autres, et le risque d'anxiété et de syndrome de stress post-traumatique, de neuf fois plus élevé. L'étude a également montré que les garçons témoins de violence à la maison sont trois fois plus susceptibles que les autres de se montrer violents envers leurs partenaires.
L'un des arguments les plus courants lors des discussions sur la violence contre les femmes est que les hommes aussi sont victimes de violence familiale. Il semble même qu'à première vue, les résultats de l'Enquête sociale générale appuient cet argument. Quand on y regarde de plus près, cependant, on se rend compte non seulement que les femmes connaissent des formes d'abus plus graves, mais aussi que leur impact est beaucoup plus grand chez elles.
Son Honneur le Président: Je regrette d'informer l'honorable sénateur Cochrane que ses trois minutes sont écoulées.
[Français]
LES LANGUES OFFICIELLES
L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, les médias francophones nous ont beaucoup parlé de la dernière étude commandée par la commissaire aux langues officielles et intitulée «La gouvernance des minorités de langue officielle au Canada: une étude sommaire». L'étude pose un diagnostic sévère sur le financement gouvernemental des minorités de langue officielle.
Linda Cardinal et Marie-Ève Hudon, chercheuses à l'Université d'Ottawa, mentionnent:
Les nouvelles façons de faire du gouvernement ont d'abord et avant tout constitué un moyen de faire gérer par d'autres la décroissance des fonds publics [...]
La commissaire aux langues officielles a rappelé que le nombre de fonctionnaires du gouvernement fédéral dans le domaine des langues officielles a été réduit de 50 p. 100. Ce ne sont pas les budgets, comme l'ont rapporté certains journalistes, qui ont été touchés. L'appui financier est le même qu'il y a huit ans. Peu de choses ont changé sauf que, toujours selon l'étude, et je cite:
[...] les communautés sont laissées à elles-mêmes et le gouvernement se désintéresse de leur sort.
On nous a parlé de partenariat alors que les communautés subissaient des compressions budgétaires. On nous a parlé de gestion des ententes fédérale-provinciales alors que le climat était souvent miné par des tensions et des ambiguïtés. Permettez-moi de vous dire que nous sommes loin du climat idéal pour le développement et l'épanouissement des groupes de minorités de langue officielle.
Les budgets au soutien des langues officielles n'ont pas augmenté depuis huit ans. Les droits linguistiques s'exercent en vertu de leur objet et les cours nous le rappellent continuellement. La réalité nous enseigne qu'il faut avoir les moyens financiers pour ce faire. Il faut investir dans les langues officielles et soutenir les communautés de langue officielle.
Quel ministre du Cabinet se fera l'avocat des minorités linguistiques auprès du ministre des Finances, afin qu'il donne un encouragement financier aux communautés de langue officielle dans son budget de décembre prochain?
Quand le ministre responsable de la coordination des programmes de langues officielles, l'honorable Stéphane Dion, sera-t-il prêt à déposer un plan d'action cohérent et efficace pour les minorités de langue officielle vivant en situation minoritaire?
[Traduction]
LE PROJET DE LOI ANTITERRORISTE
LE MANQUE DE RIGUEUR DE LA LOI
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je tiens à dire que je suis déçu de voir le gouvernement imposer la clôture du débat à l'autre endroit sur le projet de loi C-36, Loi antiterroriste. Je ne m'inquiète pas du fait que le gouvernement limite le débat pour que le projet de loi soit adopté d'ici Noël. Je suis préoccupé parce que je trouve que la mesure législative n'est pas assez sévère pour combattre les terroristes opérant au Canada. Le gouvernement refuse d'envisager tout amendement.
Le projet de loi antiterroriste devrait être encore plus strict, et les organismes policiers devraient l'utiliser pour poursuivre tous les terroristes qui ont des activités dans le pays.
Ces paroles ne sont pas de moi, honorables sénateurs. Je viens de citer M. Dave Hayer, dont le père a été assassiné le 18 novembre 1998 après avoir écrit dans son journal, l'Indo-Canadian Times, un article contre les terroristes, y compris ceux qu'il croyait coupables d'avoir placé une bombe à bord de l'avion d'Air India, tuant 329 personnes, dont beaucoup de Canadiens.
Je savais que le père de M. Hayer était un homme fiable et respecté. Au cours d'un service organisé à la mémoire de son père et rapporté dans le Sun de Vancouver, M. Hayer a dit ceci:
Il y a des terroristes au Canada depuis 15 ans, et le gouvernement n'a rien fait jusqu'au 11 septembre dernier.
M. Hayer a dit également que, même si l'attention a porté principalement sur les musulmans militants à la suite des attentats terroristes aux États-Unis, on ne peut pas ignorer d'autres terroristes, y compris des groupes de moindre envergure.
Les ministres de la Couronne n'écoutent pas. Ils préfèrent insulter les gens et les qualifier de négateurs de l'Holocauste, de militants, de sectaires, de racistes et de fanatiques religieux, particulièrement pendant les campagnes électorales. Lorsque j'ai mis en doute son appui aux groupes ethniques, le premier ministre a été jusqu'à me comparer à M. Parizeau — une véritable honte. Le gouvernement doit examiner tous les types de terroristes, quelle que soit leur religion et quels que soient leurs antécédents.
Honorables sénateurs, les politiciens de toute allégeance doivent prendre au sérieux ce problème, au lieu de se servir des militants quand ils ont besoin de leur appui pour être choisis comme candidats et pendant les élections.
Les politiciens doivent se montrer responsables en n'assistant pas au dîner des Tigres tamouls auquel ont assisté les ministres Paul Martin et Sheila Copps juste avant les élections générales de l'an dernier. Il ne faut pas promouvoir les événements de telles organisations. Le gouvernement doit savoir que les membres de la collectivité sikh appuient aussi un amendement déposé par le député de l'Alliance canadienne, M. Chuck Cadman, selon lequel les biens saisis aux groupes terroristes devraient être redonnés aux victimes du terrorisme.
Honorables sénateurs, le fait est que la collectivité des Indes qui est respectueuse des lois en Colombie-Britannique affirme que les lois sont trop souples. Il est temps de reconnaître la vérité, car la vérité finit toujours par se faire connaître.
ALISTAIR MACLEOD
HOMMAGE
L'honorable Laurier L. LaPierre: Honorables sénateurs, le gala de la Fondation de la bibliothèque d'Ottawa aura lieu ce soir au Centre des congrès. L'invité d'honneur est M. Alistair McLeod, dont l'ouvrage superbe, No Great Mischief, a été publié en 1999 au Canada et dans le monde entier.
M. McLeod est né en 1936 à North Battleford, en Saskatchewan. Il a été élevé dans une famille élargie au Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse. Il passé encore ses étés dans le comté d'Inverness à écrire dans un chalet au sommet d'une falaise donnant sur l'Ouest, vers l'Île-du-Prince-Édouard. Lorsqu'il était jeune, il a travaillé pour payer ses études comme bûcheron, mineur et pêcheur. Il décrit de manière vivante, et avec sympathie, ce genre de travail.
(1420)
En 1999, le premier roman de MacLeod, No Great Mischief, qu'il a mis dix ans à rédiger, lui a valu des louanges critiques et a fait partie de la listes des ouvrages les plus vendus au Canada pendant plus d'un an. Comme chacun sait, il a gagné le prix littéraire de Dublin IMPAC, l'un des prix littéraires les plus cotés du monde.
Je voudrais lire aux honorables sénateurs un court extrait de son ouvrage, vers la fin du livre, lorsque le narrateur ramène son frère, Calum, au Cap-Breton pour y mourir:
Je peux voir, à la lumière du tableau de bord, la fine cicatrice sur la lèvre inférieure de Calum qui devient blafarde. C'est l'homme qui s'est fait arracher une dent par un cheval. C'est l'homme qui, dans un désespoir de jeunesse, est parti chercher un arc-en-ciel alors que les autres pensaient qu'il gaspillait de l'essence pour rien.
La voiture arrive tout en haut de la colline et au loin, de l'autre côté de l'immensité glacée, je peux voir les feux clignotants du phare automatique. Il est encore à des milles d'ici. Et pourtant il envoie son message du point le plus haut de l'île. Une lumière d'avertissement peut-être, ou d'encouragement, qui sait?
Je me retourne de nouveau vers Calum. Je pose ma main sur la sienne qui se refroidit sur le siège près de moi. Je touche l'anneau celte. C'est l'homme qui m'a porté sur ses épaules quand j'avais trois ans. Qui m'a porté sur la glace de l'autre côté depuis l'île, et qui ne m'y reportera plus jamais.
L'eau pure de l'île se déverse dans la nuit blafarde.
Traversier des morts. Fois do t'anam. Paix à son âme.
Nous nous sentons tous mieux quand on nous aime.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
LA LOI SUR LE TRIBUNAL D'APPEL DES TRANSPORTS DU CANADA
RAPPORT DU COMITÉ
L'honorable Lise Bacon, présidente du Comité permanent des transports et des communications, présente le rapport suivant:
Le mardi 27 novembre 2001
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a l'honneur de présenter son
HUITIÈME RAPPORT
Votre Comité, auquel a été renvoyé le Projet de loi C-34, Loi portant constitution du Tribunal d'appel des transports du Canada et modifiant certaines lois en conséquence, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 6 novembre 2001, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.
Respectueusement soumis,
La présidente,
LISE BACON
(Le texte des observations figure à la p. 1013 des Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Gill, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)
[Traduction]
LA LOI SUR LES ALIMENTS ET DROGUES
PROJET DE LOI MODIFICATIF—RAPPORT DU COMITÉ
L'honorable Nicholas W. Taylor, président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, présente le rapport suivant:
Le mardi 27 novembre 2001
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a l'honneur de présenter son
HUITIÈME RAPPORT
Votre Comité, auquel a été renvoyé le Projet de loi S-18, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine), a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 10 mai 2001, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.
Respectueusement soumis,
Le président,
NICHOLAS W. TAYLOR
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Taylor, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
LA LOI SUR L'EXPANSION DES EXPORTATIONS
PROJET DE LOI MODIFICATIF—RAPPORT DU COMITÉ
L'honorable E. Leo Kolber, président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant:
Le mardi 27 novembre 2001
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l'honneur de présenter son
ONZIÈME RAPPORT
Votre Comité, auquel a été renvoyé le Projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur l'expansion des exportations et d'autres lois en conséquence, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 20 novembre 2001, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.
Respectueusement soumis,
Le président,
E. LEO KOLBER
(Le texte des observations figure à la p. 1015 des Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Robichaud, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
[Français]
PÉRIODE DES QUESTIONS
DÉPÔT D'UNE RÉPONSE À UNE QUESTION INSCRITE AU FEUILLETON
APEC—DEMANDE DES MONTANTS ET DES DETAILS RELATIFS AUX COÛTS RELIÉS À L'ENQUÊTE
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 17 inscrite au Feuilleton par le sénateur LeBreton.
[Traduction]
ORDRE DU JOUR
PROJET DE LOI SUR LES EAUX DU NUNAVUT ET LE TRIBUNAL DES DROITS DE SURFACE DU NUNAVUT
DEUXIÈME LECTURE
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Adams, appuyé par l'honorable sénateur Watt, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-33, concernant les ressources en eau du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut et modifiant d'autres lois en conséquence.
L'honorable Janis G. Johnson: Honorables sénateurs, j'ai le plaisir aujourd'hui de parler du projet de loi C-33. Ce projet de loi sur l'Office des eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut légalise deux organismes déjà en place. Il est divisé en deux parties. La partie 1 établit l'Office des eaux du Nunavut, qui fonctionne depuis 1995 et qui est chargé de délivrer des permis et des licences à des groupes et à des particuliers dont les activités affectent les eaux du Nunavut.
(1430)
La partie 2 du projet de loi établit le Tribunal des droits de surface du Nunavut, qui fonctionne depuis 1996. Ce tribunal étudie et tranche les conflits relatifs aux droits de surface sur les terres qui appartiennent aux Inuits et il détermine les conditions d'accès à ces terres pour les promoteurs. Il fixe l'indemnité que doit verser un promoteur qui cause un préjudice à la faune habitant ces terres.
L'Accord de 1993 sur les revendications territoriales du Nunavut prévoyait que ces organismes seraient établis par voie législative dans un délai de deux à trois ans après la conclusion de l'accord. Cependant, plusieurs gouvernements libéraux successifs n'ont pas réussi à présenter les projets de loi nécessaires, de sorte que ces organismes ont fonctionné dans un climat d'incertitude depuis leur création. C'est important que le gouvernement est finalement en train de respecter les obligations consignées dans cet accord sur les revendications territoriales.
Honorables sénateurs, cela semble, à tout prendre, une mesure législative juste et simple qui se conforme aux exigences fixées en 1993. Je crois comprendre qu'elle suit le modèle utilisé dans les autres territoires canadiens. Il est à espérer que ce modèle a été perfectionné depuis sa première application en 1972, avec les lois sur les ressources en eau du Nord qui établissaient les premiers offices des eaux dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon.
L'adoption du projet de loi C-33 conférera un cadre juridique clair et solide aux organismes du Nunavut qui l'attendent impatiemment depuis cinq ou six ans. Cela leur permettra de prendre des décisions en toute confiance et de les exécuter avec la même confiance si nécessaire. Le manque de clarté a rendu les choses difficiles au cours des ans, car les sphères de compétence étaient peu claires et la validité des organismes était ouvertement contestée. Le projet de loi C-33 apporterait la certitude dont a extrêmement besoin le Nunavut pour promouvoir son développement économique. L'industrie sera davantage portée à s'étendre dans les régions où la réglementation et les conditions de développement sont claires et bien définies.
Le projet de loi dont nous sommes saisis représente une amélioration par rapport aux versions précédentes, soit les projets de loi C-51 et C-62. Ces deux textes ont été modifiés par suite des amendements proposés en comité et dans les négociations avec le Nunavut Tunngavik Incorporated, l'organisation qui a négocié l'accord sur les revendications territoriales et qui est maintenant chargée de surveiller sa mise en oeuvre.
Honorables sénateurs, je suis heureuse de constater que les conseils recueillis au cours de cette consultation additionnelle ont été suivis, tout au moins en partie, et que cette mesure législative est, en grande partie, conforme à l'accord et, semble-t-il, aux besoins et aux désirs des habitants du Nunavut. Je suis heureuse de constater qu'en assurant cette stabilité et en appuyant les décisions des Inuits concernant leurs ressources, cette mesure législative poussera les gens du Nunavut vers une plus grande autodétermination. C'est tout à fait dans l'esprit de l'accord de 1993 et j'espère que ce sera la direction que prendront à l'avenir les peuples autochtones du Canada. Le Tribunal des droits de surface du Nunavut permettra aux Inuit d'être indemnisés de façon juste pour tout dommage causé à leur gagne-pain par suite du développement, et c'est un aspect qui a de l'importance.
Je me réjouis également de voir que cette mesure législative traite de la question de la responsabilité. Tant l'office que le tribunal devront se soumettre annuellement à une vérification pour assurer la transparence de leurs actions. Les comptes, états financiers et opérations du tribunal seront vérifiés chaque année par le vérificateur général qui examinera aussi les comptes, états financiers et opérations de l'office à la demande du ministre. Je suis tout à fait en faveur de cette vérification par le vérificateur général, car notre parti estime qu'il est essentiel que les organismes publics rendent des comptes aux Canadiens par l'intermédiaire du Parlement. Cette disposition a pour avantage supplémentaire de renforcer la stabilité et la certitude auxquelles donneront lieu l'inscription de ces organismes dans la loi.
Grâce à cette certitude, le pouvoir de sauvegarder les ressources naturelles du Nunavut se trouvera renforcé. C'est à mon avis l'aspect le plus important de cette mesure législative. Je pense en particulier au rôle important de l'Office des eaux. L'eau est la question environnementale la plus chaude du XXIe siècle, surtout dans l'Arctique où la détérioration de l'environnement est un signe précurseur d'autres problèmes.
Honorables sénateurs, ce qu'il y a de paradoxal, c'est que la plupart des Canadiens ne savent pas que l'environnement montre déjà des signes de détérioration. Nous avons tendance à nous représenter l'Arctique comme une vaste étendue vierge non touchée par l'industrie et l'exploitation des ressources naturelles. Nous pensons que c'est une source inexploitée de ressources naturelles, d'eau en particulier, sur laquelle on pourra compter dans les années à venir lorsque les autres ressources mondiales seront épuisées.
En fait, les éléments du délicat équilibre sur lequel repose l'Arctique sont en train de changer. Le réchauffement de la planète touche le Nord. Des membres de la collectivité Inuvialuit de Sachs Harbour dans les Territoires du Nord-Ouest ont affirmé dans un vidéo publié à la fin de l'année 2000 que d'importants changements sont en train de se produire. Des insectes et des oiseaux qui n'avaient encore jamais été vus dans le Grand Nord font maintenant leur apparition. L'état des glaces est instable et imprévisible pour un peuple qui normalement peut l'interpréter comme s'il s'agissait de lire un livre. Les chasseurs craignent de s'aventurer sur la glace parce qu'elle risque de ne pas être assez solide pour supporter leur poids. Le pergélisol perd du terrain et personne ne connaît toutes les conséquences qu'auront ces changements.
Les étendues d'eau sont particulièrement vulnérables dans le Nord. Il suffit de consulter l'Institut des eaux douces de ma ville natale, Winnipeg au sujet de l'état des cours d'eau qui se jettent dans la baie d'Hudson, en l'occurrence le point terminal d'une grande partie du réseau hydrographique qui arrive du Sud. Au Manitoba, ma province natale, les cours d'eau traversent les frontières américaines, passent par la rivière Rouge et se jettent dans le lac Winnipeg, près duquel j'habite. Avant d'arriver dans la baie d'Hudson, ces cours d'eau empruntent la rivière Nelson. Si l'État du Dakota du Nord réussit à détourner le Devil Lake dans la rivière Rouge et mène à terme le projet controversé de dérivation Garrison, les cours d'eau aussi éloignés que le fleuve Mississipi finiront par se jeter dans l'Arctique.
Il faut examiner certaines questions très sérieuses liées à ces dérivations des eaux de l'Arctique qui, malheureusement, demeurent indépendantes du contrôle du Nunavut, voire, du Canada, dans le cas présent.
Honorables sénateurs, une mesure législative comme celle-ci nous aide à imposer des restrictions à l'utilisation de l'eau pour en éviter la pollution. Nos efforts s'avéreront vains si nous ne réagissons pas avec diligence et avec sérieux pour établir une coopération internationale pour la préservation de nos ressources en eau. Nous sommes tous liés par nos cours d'eau. Nous partagerons tous la même destinée. Par conséquent, il s'avère d'autant plus urgent de prendre des mesures pour protéger les eaux relativement pures qui relèvent encore de la compétence du Nunavut.
Honorables sénateurs, nous connaissons l'état de nos eaux dans le sud du Canada et aux États-Unis. De nombreux cours d'eau et lacs pollués sont le résultat d'années de malentendus, de naïveté et parfois, d'usage abusif, carrément. Il est d'autant plus important que l'Office des eaux du Nunavut prenne des dispositions pour bien protéger ce qui reste de la qualité des ressources en eau du territoire. J'encourage l'office à garder toutes ces questions à l'esprit lorsqu'il émet des permis.
Espérons que les erreurs commises dans le Sud ne seront pas répétées dans le Nord. J'espère qu'avec un office des eaux ayant un solide mandat législatif et la capacité juridique voulue, les gens du Nunavut pourront gérer comme il se doit les précieuses ressources en eau de leur territoire. Il est important que les gens qui se chargent de l'intendance de ces ressources depuis si longtemps et qui, de bien des façons, en dépendent pour leur gagne-pain, continuent de surveiller l'utilisation qu'on en fait. Les Inuits sont les mieux placés pour faire cela d'une façon conforme à leur longue expérience de l'environnement septentrional. Naturellement, tout cela devrait être équilibré avec des considérations touchant l'exploitation des ressources. C'est la définition même du développement durable, un concept que mon parti appuie vivement.
La situation est particulièrement difficile au Nunavut où le coût des choses les plus fondamentales est extrêmement élevé. J'espère, cependant, qu'on parviendra à cet équilibre. Avec ces vastes étendues de terres qui n'ont pas encore été touchées directement par l'industrie, nous ne pouvons qu'espérer que nous procéderons comme il se doit cette fois-ci.
Je le répète, ce projet de loi est équitable dans l'ensemble. Il y a des points qui doivent être examinés plus minutieusement, selon moi, lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité. Nous devons regarder de plus près les énormes pouvoirs accordés au ministre. Le ministre a le dernier mot pour ce qui est d'émettre, de renouveler et d'annuler des permis d'utilisation des eaux au Nunavut — le droit de renverser des décisions prises par l'office. Ottawa est bien loin du Nunavut et nous espérons que, si ce projet de loi demeure sous sa forme actuelle et ne donne pas aux Inuits un contrôle complet et inconditionnel sur leurs affaires, le ministre abordera ces décisions avec la promptitude et le respect voulus.
Si je ne m'abuse, un amendement apporté récemment à ce projet de loi limite le droit de veto du ministre à un maximum de 90 jours. Je suis en faveur de cet amendement. Cela va encourager la stabilité que le projet de loi vise à créer en s'assurant que l'Office des eaux et les parties concernées n'attendent pas indéfiniment l'approbation du ministre, sans pouvoir rien faire entre-temps.
(1440)
Je voudrais que l'on insère dans ce projet de loi une disposition prévoyant l'examen, au bout d'une période de cinq ans, du pouvoir ministériel d'approuver les permis octroyés par l'Office des eaux. J'espère que la question sera étudiée en comité. Il est important que, en cette période de transition, un organisme indépendant passe en revue les principales décisions relatives aux permis d'utilisation des eaux. Je crois que la nécessité de cet examen s'estompera avec le temps à mesure que l'office des eaux s'habituera à ses pouvoirs juridiques. Un examen indépendant du rôle du ministre après une période déterminée pourrait nous permettre d'évaluer cette situation.
Il y a également le risque que le ministre abuse de son pouvoir de nommer les membres à la fois de l'office des eaux et du tribunal, ce qui est, encore une fois, une prérogative ministérielle. Bien que les membres de l'office des eaux soient, pour moitié, nommés par la société Nunavut Tunngavik et, pour un quart, nommés par le ministre territorial chargé des Ressources naturelles, le ministre fédéral chargé des Affaires indiennes et du Nord canadien demeure chargé de nommer le dernier quart de ces membres, d'approuver les nominations et de désigner tous les membres.
Ce pouvoir de nomination conféré au ministre est plus absolu en ce qui concerne le tribunal, dans le cas duquel l'unique restriction est que deux des 11 membres pouvant être nommés doivent être des résidents du Nunavut. Ce nombre paraît dérisoire, étant donné que les habitants du Nunavut seront les plus directement visés par les conséquences à long terme des décisions du tribunal. Nous aurions intérêt à examiner de près ces pouvoirs.
Il importera d'examiner de près d'autres questions en comité. Le Tungavik et le gouvernement du Nunavut ont tous deux récemment exprimé de la déception au sujet des délibérations du comité à l'autre endroit. Deux des problèmes ont trait au libellé de la disposition de non-dérogation, un autre est lié au droit illimité du ministre d'approuver les permis importants d'utilisation d'eau et un dernier concerne la possibilité que le gouvernement impose aux Inuits habitant sur des terres qui leur appartiennent des droits pour l'utilisation des eaux traversant ces terres.
Ce dernier point me semble correspondre à une omission particulièrement curieuse. Je sais que l'accord sur les revendications territoriales précise expressément que l'organisation inuite désignée, qui est à l'heure actuelle l'OID, a «le droit exclusif d'utiliser les eaux qui se trouvent à la surface ou dans le sous-sol des terres inuites, ou qui traversent celles-ci». Ces terres représentent environ 20 p. 100 de la superficie du Nunavut et sont occupées par les Inuits à titre de propriété libre. Ce territoire a été divisé à partir des terres restantes de l'État en vertu de l'accord de 1993. Toutefois, l'article 82 du projet de loi C-33 semble laisser au gouvernement la possibilité de prélever des droits pour l'utilisation de ces eaux. Cela irait bien sûr à l'encontre de l'accord sur les revendications territoriales qui précise implicitement que l'OID exerce un droit exclusif sur ces eaux. Un simple amendement à cette disposition corrigerait cette erreur criante et inexplicable.
Je crois comprendre que le projet de loi sera renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles et je suis convaincue que des témoins s'exprimant au nom de l'OID et du gouvernement territorial aborderont ces problèmes. J'espère que les honorables sénateurs membres du comité les écouteront attentivement durant ces audiences afin de mieux comprendre leurs préoccupations et d'y apporter de meilleures solutions. Je suivrai certes le déroulement des activités du comité avec beaucoup d'intérêt et je participerai aux audiences.
Tenant pour acquis que l'on accordera l'attention voulue à ces préoccupations à l'étape du comité, le Parti progressiste-conservateur appuiera fort probablement une adoption rapide de cette mesure législative, étant donné que nous estimons qu'elle profitera grandement à la population du Nunavut, qui en attend depuis assez longtemps l'adoption.
L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, madame le sénateur n'est pas membre de notre comité, mais elle a accompli un magnifique travail dans sa présentation. J'aimerais lui poser une question.
Son Honneur le Président: Madame le sénateur Johnson accepte-t-elle de répondre à une question?
Le sénateur Johnson: Oui.
Le sénateur Taylor: Ma question est la suivante: dans le cadre de ses recherches, madame le sénateur est-elle arrivée à juger si cet office pouvait se livrer à des ventes massives d'eau à l'extérieur du pays?
Le sénateur Johnson: Non.
Son Honneur le Président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)
RENVOI AU COMITÉ
Son Honneur le Président: Quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Adams, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.)
AFFAIRES ÉTRANGÈRES
AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT
Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion:
L'honorable Peter A. Stollery, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, propose:
Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à siéger à 17 h 30 aujourd'hui, le mardi 27 novembre 2001, afin d'entendre le ministre des Affaires étrangères, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
PROJET DE LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS
RAPPORT DU COMITÉ—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Milne, appuyé par l'honorable sénateur Rompkey, c.p., tendant à l'adoption du dixième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui porte sur le projet de loi C-7, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, présenté au Sénat le 8 novembre 2001.
L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, je souhaite émettre un commentaire sur le projet de modification des alinéas c) et d) du paragraphe (2) de l'article 38, de même que du paragraphe (1) de l'article 50 du projet de loi C-7. Ces deux modifications visent à assurer et à établir clairement qu'en déterminant la peine à imposer aux jeunes contrevenants, les juges portent une attention particulière «aux réalités auxquelles sont confrontés les jeunes autochtones».
Si le projet de loi devait être adopté sous sa forme actuelle, je crains que certains juges ne refusent de l'interpréter et de le faire appliquer de manière à tenir compte des considérations particulières en matière de détermination de la peine dans le cas des jeunes contrevenants. Certains juges sont partisans de l'interprétation littérale et grammaticale de la Constitution et ils s'en tiendront à la lecture de la partie 4 du projet de loi portant sur la détermination de la peine. Il n'y a rien dans la partie 4 du projet de loi C-7 qui pourrait laisser entendre qu'on puisse accorder un traitement particulier aux jeunes autochtones. Pour le faire, les juges et les avocats devront renvoyer au sous-alinéa 3(1)c)iv). Ce sous-alinéa prévoit entre autres que le système de justice pénale pour les adolescents répondra aux besoins des jeunes autochtones. Il reviendrait alors au juge ou à l'avocat d'appliquer ce principe à la détermination de la peine, ce qu'il ou elle risque fort de négliger en raison du peu de clarté de ce principe à l'égard de la détermination de la peine. On pourrait certainement dire que ce sous-alinéa ne s'applique pas puisqu'il n'est pas mentionné dans la partie du projet de loi C-7 qui porte sur la détermination de la peine.
Comment puis-je être certain que les jeunes contrevenants autochtones se verront accorder ce traitement particulier que la loi prévoit au moment de la détermination de la peine s'il n'y a rien à cet effet dans la partie 4 du projet de loi qui traite de ce sujet?
J'appuie de façon générale l'objet du projet de loi C-7, qui vise l'établissement d'un système de justice pénale pour les adolescents. C'est une nette amélioration par rapport à la Loi actuelle sur les jeunes contrevenants. Nous avons réellement besoin au Canada d'un système de justice pénale pour les adolescents qui commande le respect, qui tienne compte des intérêts des victimes, qui favorise la responsabilisation grâce à des conséquences constructives ainsi qu'à une réadaptation et une réinsertion sociale efficaces et qui réserve ses interventions les plus musclées pour les crimes les plus graves, tout en ayant le moins souvent possible recours à la réincarcération pour les jeunes non violents.
(1450)
Nous devons être assurés que, lorsqu'il s'agira de déterminer la peine à imposer à de jeunes contrevenants autochtones, on leur accordera l'attention spéciale que prévoit le Parlement, et que ces préoccupations ne seront pas noyées dans un article de la loi d'application générale. Quelle meilleure façon de le faire que de renforcer l'application de ce principe en le répétant dans la partie du projet de loi consacrée à la détermination de la peine, la partie 4?
Honorables sénateurs, nous devrions faire ce qui s'impose. Si l'on doit parler des autochtones dans une loi, j'estime qu'il faut le faire très clairement, et non pas se contenter de le faire dans le préambule en laissant l'interprétation à la discrétion d'un juge. Nous, les législateurs, devrions veiller à ce que les dispositions qui concernent les Autochtones soient énoncées dans le corps de la loi où elles auront une certaine force exécutoire.
L'approche que je recommande s'impose depuis longtemps. Depuis aussi longtemps que les autochtones vivent dans notre pays, ils n'ont jamais bénéficié d'une entière considération dans la rédaction des lois. Dans le cas qui nous occupe, cette disposition pourrait ou non être utilisée, selon les circonstances. C'est pour cette raison que j'interviens dans le débat aujourd'hui. Honorables sénateurs, je vous supplie de prendre sérieusement en considération mes préoccupations. Je reconnais que certains croient peut-être suffisant de parler des autochtones dans les dispositions interprétatives pour qu'on leur accorde une attention spéciale.
Cette question préoccupe tout le monde. Je ne suis pas très sûr que certains de mes collègues autochtones comprennent parfaitement les conséquences de ce projet de loi sur les autochtones. Il est fort probable que l'amendement proposé sera rejeté. Cependant, en dernière analyse, la décision nous appartient. Je tenais à prévenir les sénateurs que ce très important projet de loi risque de ne pas accorder une attention spéciale aux jeunes contrevenants autochtones lors de la détermination de leur peine.
Peu importe la manière dont on le conçoit. On peut même en faire une plaque et la suspendre au mur. Comme je l'ai dit à maintes reprises, s'il n'y a pas d'argent pour mettre en place des programmes additionnels de sensibilisation et une infrastructure additionnelle au niveau de la base, il n'y aura aucune amélioration et la nouvelle loi ne signifiera absolument rien.
Néanmoins, honorables sénateurs, je suis convaincu que, si nous voulons venir en aide aux autochtones, il faut agir correctement. Ne faisons pas les choses à moitié, juste pour plaire aux politiciens. Il nous arrive parfois de regretter nos décisions.
Encore une fois, je vous implore, honorables sénateurs, de prendre cette question au sérieux. Je ne suis pas ici, devant vous, par pur plaisir. Nous examinons la situation d'adolescents. Nous examinons ce qui se passe dans leur tête. Je voudrais être certain que les juges et les avocats agiront correctement. L'histoire a prouvé plusieurs fois que ce n'était pas toujours le cas. Je suis sûr que les honorables sénateurs agiront comme il convient.
L'honorable Tommy Banks: Puis-je poser une brève question au sénateur?
Le sénateur Watt: Bien sûr, honorables sénateurs.
Le sénateur Banks: L'amendement dont le sénateur parle figure-t-il dans le rapport du comité ou est-ce un amendement que le sénateur entend proposer à la troisième lecture?
Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, il figure dans le rapport que le comité a présenté sur ce projet de loi. Je demande qu'on appuie cet amendement.
[Français]
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, le sénateur Watt, dans son discours, a mentionné le rejet possible du rapport dans cette Chambre. La très grande majorité des sénateurs ne pourraient-ils pas mettre de côté la partisanerie et voir, dans le rapport du Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, une volonté de corriger certaines lacunes du projet de loi?
[Traduction]
Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, je ne suis pas certain de pouvoir répondre clairement et directement à la question de l'honorable sénateur.
Je crois que la question abordée par le comité est sérieuse. Cependant, je le répète, on ne peut jamais prévoir le résultat final. Je demande à mes collègues autochtones, plus que toute autre chose, de ne pas prendre cette question à la légère mais au sérieux. D'une part, nous pourrions tous voter en faveur de mon amendement afin d'améliorer le projet de loi, quoique j'aie des difficultés à comprendre la situation dans son ensemble. Parmi les aspects autochtones qui sont envisagés dans le projet de loi, il y a une référence aux considérations autochtones, mais cette référence n'est pas reprise dans le corps du projet de loi. Honorables sénateurs, je crois savoir ce dont je parle, mais je ne sais pas quel sera le résultat.
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, à l'instar de tous les honorables sénateurs, j'ai été très impressionné par l'appel du sénateur Watt, qui a très éloquemment plaidé en faveur des besoins et des droits des jeunes autochtones.
Plusieurs dossiers dont le Sénat sera saisi nous obligeront à choisir de deux choses l'une: ou bien améliorer notre curriculum vitae, ou reconnaître que nous devons, en tant que sénateurs, oublier notre curriculum et faire ce qui doit être fait.
Une des choses que nous devons faire en tant que sénateurs, c'est de tenir compte des intérêts des minorités au Canada. C'est le rôle de cette Chambre. Nous n'avons pas le beau rôle lorsque nous défendons une cause, l'expliquons et prenons la défense des droits d'une minorité. Les prises de position en ce sens ne sont jamais bien vues par le gouvernement majoritaire, de quelque parti qu'il soit.
(1500)
Une crise de conscience nous guette et l'histoire nous jugera sévèrement si nous ne nous acquittons pas de l'obligation constitutionnelle que les Pères de la Confédération ont confiée à cette Chambre.
J'ai siégé de l'autre côté de cette Chambre et, comme bien d'autres sénateurs, il m'est arrivé de me fermer les yeux pour appuyer certaines propositions. Cependant, nous sommes parfois saisis de certains projets de loi ou résolutions pour lesquels, franchement, il faut faire mieux que cela. J'ai le plus grand respect pour la difficulté supplémentaire imposée aux sénateurs du côté du gouvernement à la deuxième Chambre car j'ai siégé de ce côté. Par ailleurs, il y a eu quelques mesures pour lesquelles nous avons jugé qu'il valait mieux obéir à notre conscience que de respecter la ligne de parti.
Si nous ne pouvons réagir en défenseurs des minorités, des enfants, surtout des enfants des premières nations, lorsqu'on entend l'appel d'un représentant des Premières nations du Canada qui, de façon très articulée, parle au nom de son peuple et principalement au nom des jeunes de sa communauté, il est peut-être temps d'abolir cette assemblée. Je crois que la question est grave à ce point.
Un de nos comités a fait un excellent travail, sous la direction efficace de notre collègue, le sénateur Milne. Les membres du comité ont entendu un nombre extraordinaire de témoins. J'espère que jamais je n'interviendrai pour critiquer mes collègues alors qu'ils ont consacré autant d'efforts à l'examen approfondi d'un projet de loi, et je demande qu'on me fasse taire si jamais j'ose le faire.
Sans vouloir offenser aucun autre comité, je dirai que nous sommes chanceux de pouvoir compter sur le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. C'est certes l'un des plus assidus pour ce qui est de la charge de travail. Les membres de ce comité ont entendu une soixantaine de témoins. En lisant les comptes rendus des séances de ce comité, j'ai appris que les Canadiens de toutes catégories souhaitent que le Sénat, en tant que chambre de réflexion, se charge de combler de sérieuses lacunes.
Honorables sénateurs, on se pose des questions sur ce que nous faisons au Canada pour respecter les obligations internationales que nous avons prises lorsque nous avons ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Cette initiative avait été lancée par l'ancien premier ministre, Brian Mulroney, et fut heureusement considérée comme une priorité par le gouvernement de l'époque, grâce au leadership de sénateurs distingués comme le sénateur Pearson.
Je crois comprendre que, pour ce qui concerne les droits en matière de programmes que prévoit la convention des Nations Unies comme pour toutes choses, le meilleur moyen d'atteindre l'objectif visé est sujet à interprétation. C'est une question de jugement. Il y a plusieurs façons de plumer le palmipède proverbial. Il y a aussi plusieurs façons de respecter l'obligation contenue dans la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Lorsque nous pourrons évaluer les entreprises qui s'écartent de la norme qui est contenue dans la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, le feu jaune s'allumera. Si j'ai bien compris les délibérations, plusieurs lumières jaunes ont clignoté au cours des séances du comité.
Par conséquent, honorables sénateurs, nous devons nous pencher sur ces amendements. Selon des sénateurs qui ont fait l'étude détaillée pour nous au comité, il faut au moins adopter ces amendements pour que le projet de loi soit acceptable. Ce n'est pas le maximum, mais le minimum qui est visé ici. On peut séparer des amendements, mais, pour ce qui est de l'amendement dont vient de parler l'honorable sénateur Watt, il y a lieu d'intervenir. Je suis disposé à appuyer avec enthousiasme la proposition du sénateur Watt, en particulier en ce qui a trait aux droits des enfants des communautés de nos Premières nations.
(Sur la motion du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)
LE PROGRAMME D'ÉCHANGE DE PAGES AVEC LA CHAMBRE DES COMMUNES
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer à d'autres travaux, je voudrais vous présenter les pages de la Chambre des communes qui participent à notre programme permanent d'échange.
Teresa Dubois, de Rossland, en Colombie-Britannique, étudie à la faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa et se spécialise en sciences politiques. Nous sommes heureux de vous accueillir.
Divya Raman, est inscrite à la faculté des arts de l'Université d'Ottawa. Divya vient de North York, en Ontario. Nous vous souhaitons la bienvenue au Sénat.
Benjamin Sanders est de Winnipeg, au Manitoba. Étudiant de la faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa, il se spécialise en sciences politiques.
Soyez le bienvenu au Sénat du Canada.
L'ÉTUDE SUR LE RÔLE DU GOUVERNEMENT EN MATIÈRE DE FRAIS D'ENTRETIEN DIFFÉRÉ ACCUMULÉS DANS LES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT POSTSECONDAIRE AU CANADA
RAPPORT DU COMITÉ DES FINANCES NATIONALES—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur l'étude du neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales (étude sur le rôle du gouvernement en matière de frais d'entretien différé accumulés dans les établissements d'enseignement postsecondaire au Canada), déposé au Sénat le 30 octobre 2001.—(L'honorable sénateur Banks).
L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, tous les sénateurs présents savent que parfois l'alarme retentit sans cesse, probablement dans l'appartement du voisin, et qu'il est impossible de l'arrêter. On sait à quel point c'est irritant. C'est à peu près où nous en sommes au Canada, en ce qui concerne les installations de nos universités.
Dans son rapport de 1997, le Comité sénatorial spécial de l'enseignement postsecondaire a signalé au Sénat et au Parlement que la dégradation de l'infrastructure matérielle des universités était un grave problème. Je crois que c'est lui qui a parlé à propos du problème d'«entretien différé». C'est là un raccourci bureaucratique pour dire: «Le toit coule, mais nous n'avons pas les moyens de le réparer correctement parce qu'il faut trop dépenser sur autre chose; nous allons donc essayer de mettre un peu de goudron dans l'espoir que cela tienne encore un an ou deux».
La sonnette d'alarme a sonné en 1997, et le gouvernement du Canada n'a toujours rien fait, et, question de planification et de priorités, peut-être n'a-t-il pu rien faire. Le rapport du comité, qui retient maintenant l'attention des honorables sénateurs, tire de nouveau la sonnette d'alarme.
Honorables sénateurs, le rapport signale que rien de vraiment sérieux n'a été fait pour remettre l'infrastructure matérielle en état. Nous sommes fiers que le gouvernement du Canada dépense des centaines de millions de dollars en recherches, mais les bâtiments où se font ou se feront les travaux de recherche tombent en ruines.
Le comité a entamé son étude de la question avant les attentats du 11 septembre. Il est certain que, sans ces événements, la nature du rapport aurait été différente et on aurait insisté davantage sur l'urgence d'agir. En dépit du fait que, par définition, ce soit maintenant une priorité légèrement moins pressante, l'infrastructure matérielle continue à se détériorer.
(1510)
Je recommande le rapport à l'attention des honorables sénateurs. Toutes les recommandations sont valables et méritent qu'on s'y attarde et un jour, nous devrions les prendre toutes en considération. Quand les choses le permettront, nous devrons nous assurer qu'on ne prendra pas à Pierre pour donner à Paul, qu'on ne s'en prendra pas à un programme ou qu'on ne s'occupera pas d'une nécessité urgente aux dépens d'une autre. Plus on laisse les choses se détériorer, plus la facture sera lourde. Cela revient déjà si cher que tous les ordres de gouvernement vont devoir y mettre du leur. Le cadre d'union sociale permet au gouvernement du Canada d'intervenir en la matière.
On pourrait voir quels avantages nos institutions postsecondaires pourraient tirer d'une exonération des gains en capital. Les gouvernements n'aiment pas entendre parler d'allégement fiscal, parce que cela revient à donner de l'argent. Toutefois, aux États-Unis, les universités profitent d'une exonération des gains en capital, ce qui met à leur disposition d'énormes fondations, des fonds de fonctionnement et des fonds de capital et d'emprunt. En tant que sénateurs, nous devons continuer à étudier la question. Tôt ou tard, nous le ferons. Comme le dit la réclame: «Vous pouvez me payer maintenant ou plus tard.» Plus on attendra, plus cela sera cher.
C'est avec plaisir que je recommande ce rapport et sa teneur à l'attention des honorables sénateurs.
(Sur la motion du sénateur Callbeck, le débat est ajourné.)
LA SITUATION DE L'AIDE JURIDIQUE
INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Callbeck, attirant l'attention du Sénat sur la situation de l'aide juridique au Canada et les difficultés qu'éprouvent de nombreux citoyens à faible revenu à obtenir une aide juridique satisfaisante, tant au criminel qu'au civil.—(L'honorable sénateur Chalifoux).
L'honorable Thelma J. Chalifoux: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je joins ma voix à celle de plusieurs d'entre vous pour attirer l'attention sur certains problèmes concernant l'aide juridique dans l'ensemble du Canada. Je tiens tout particulièrement à souligner les défis énormes auxquels doivent faire face les autochtones du Nord lorsqu'ils cherchent à obtenir une aide juridique.
Le Canada est riche de la diversité de ses cultures autochtones. Dans le Sud, les autochtones étaient de tradition agricole. Dans le Nord, c'étaient des nomades qui vivaient de la chasse et de la cueillette. Une brève analyse révèle que le fait autochtone au Canada est caractérisé par sa profonde diversité. Cette même diversité met durement à l'épreuve la capacité des programmes publics à servir tous les Canadiens.
Le principe de l'aide juridique témoigne de notre générosité et de notre compassion envers nos concitoyens canadiens. L'aide juridique améliore notre sens civique et renforce notre union sociale et politique d'un océan à l'autre. Il s'agit toutefois d'un programme qui est difficile à appliquer et à administrer uniformément et équitablement à l'échelle de notre pays.
Dans son excellent exposé sur la question, madame le sénateur Callbeck a présenté un aperçu des rapports qui existent actuellement entre le gouvernement fédéral et les provinces pour le financement du programme d'aide juridique et elle nous a montré comment les responsables du programme continuent de se battre pour obtenir des fonds publics. Les problèmes actuels en matière de financement sont bien connus. Par conséquent, il n'est pas nécessaire que je répète ce que madame le sénateur Callbeck a déjà dit à ce sujet. J'ajouterai toutefois que je suis parfaitement d'accord avec elle lorsqu'elle dit que des fonds fédéraux supplémentaires sont requis de toute urgence pour l'aide juridique. Je crois que peu de Canadiens trouveraient à redire sur la position et les arguments qu'elle a fait valoir.
Abstraction faite des considérations monétaires, le programme d'aide juridique comporte malheureusement plusieurs lacunes. Lorsqu'il est question du défi qui consiste à offrir aux autochtones du Canada un traitement équitable dans notre système de justice, les Canadiens qui administrent le programme dans les régions septentrionales de nos provinces ou dans le Grand Nord se heurtent à bien plus qu'aux problèmes de pauvreté et de faible scolarité dont il est généralement question. Ils doivent aussi administrer un programme dans un vaste territoire où l'accès aux communications est difficile et limité.
Dans le Nord canadien, on se heurte toujours à la réalité d'une justice diminuée. Trop souvent, la quête d'un processus décisionnel judiciaire équitable dans notre pays est tributaire de considérations géographiques. Si votre destin, c'est d'être un Canadien qui vit et qui travaille dans une région éloignée, c'est peut-être aussi votre destin d'avoir droit à une qualité de justice qui ne satisfait pas aux critères raisonnables auxquels s'attendent les Canadiens du Sud. C'est probablement encore plus vrai si vous êtes un Autochtone du Canada.
Je donnerai aux honorables sénateurs un exemple parmi tant d'autres des défis que nous devons relever au plan géographique. Moosonee, dans le nord de l'Ontario, est une localité isolée. Sa population et celle de la localité voisine de Moose Factory se composent à 85 p. 100 d'autochtones. Les autres localités de la région, soit Attawapiskat, Fort Albany, Peawanuck et Kashechewan, sont peuplées uniquement d'autochtones.
Il existe un service d'aide juridique à Moosonee. Le tribunal pénal, celui de la famille et celui pour les jeunes contrevenants y tiennent des audiences une fois par mois. Ce n'est pas le cas, cependant, de la Cour supérieure de justice ni de la Cour des petites créances. Les avocats de l'aide juridique arrivent seulement le jour avant la tenue des audiences pour s'entretenir avec leur client. Il n'y a pas d'avocats de l'aide juridique établis en permanence dans des endroits éloignés pour garantir le bon fonctionnement même du mieux intentionné des programmes d'aide juridique. Le rapport récent du Régime d'aide juridique de l'Ontario indique que les avocats ne peuvent pas passer suffisamment de temps avec leurs clients pour bien préparer leurs causes et ainsi défendre les intérêts de leurs clients. Il dénonce aussi le fait que les avocats de l'aide juridique doivent retreindre leurs activités en raison des tarifs de l'aide juridique. La question que l'on doit raisonnablement se poser est la suivante: quel genre de représentation les Autochtones du Canada reçoivent-ils d'une aide juridique aux moyens limités?
Permettez-moi de vous démontrer, honorables sénateurs, comment le système fonctionne le plus souvent. Les personnes accusées disposant d'avocats raisonnablement bien payés ont plus d'options.
(1520)
Un avocat raisonnablement bien payé a le temps de préparer une défense plausible, en prévision d'un plaidoyer de non-culpabilité. S'il conseille à son client de plaider non coupable, il peut ensuite s'engager dans une négociation de plaidoyers.
La grande majorité des autochtones canadiens du Nord ne peuvent jouir de toutes ces options. La plupart de ceux qui comparaissent en justice n'ont aucune idée de ce qu'est une négociation de plaidoyers. Habituellement, l'avocat de l'aide juridique interroge son client pour la première fois quelques heures à peine avant de se présenter au tribunal. Il n'a pas le temps de préparer une défense complète et nuancée. Justice n'est pas rendue dans les circonstances.
Un différend survenu récemment au Nouveau-Brunswick cette année illustre la difficulté qu'ont les autochtones à obtenir de l'aide juridique. Un groupe de pêcheurs autochtones a été accusé d'installer des casiers à homards illégaux. Les accusés ont prétendu que l'on contestait les droits qui leur étaient reconnus dans un traité. Ils ont fait appel à l'aide juridique. On a établi que pour soutenir une défense fondée sur les droits reconnus dans un traité devant les tribunaux du Nouveau-Brunswick, il en coûterait environ 50 000 $. Ce n'est pas un montant inhabituel dans des causes de cette nature. Mais ces 50 000 $ représentaient néanmoins un bon quart du budget de toute l'année de l'aide juridique au Nouveau-Brunswick.
Quand des gens se voient refuser l'accès à l'aide juridique, honorables sénateurs, le système tout entier s'effondre. Pour qu'il y ait des procès équitables et une même justice pour tous au Canada, nous devons financer adéquatement les programmes d'aide juridique.
Ces problèmes sont aggravés par un troisième facteur, que je caractérise comme étant les réalités de la langue parlée. Le Canadien autochtone moyen du Grand Nord parle, au mieux, un français ou un anglais rudimentaire. Le français ou l'anglais juridique est virtuellement impossible à comprendre pour le Canadien autochtone moyen du Nord.
De plus, outre le français et l'anglais, qui sont des langues officielles partout au Canada, dans le nouveau territoire du Nunavut, il y a six autres langues officielles — le chippewyan, le cri, le dogrib, le gwich'in, l'inuktitut et le slave. Dans le nord de l'Ontario, où les langues autochtones n'ont aucun statut officiel, la première langue de presque tous les Autochtones est l'otchipwe ou le cri. Ce n'est ni le français ni l'anglais. Les autochtones sont donc gravement désavantagés devant les tribunaux.
Dans le rapport de l'Ontario Legal Aid Review, on lit ceci:
[...] la plupart des autochtones qui comparaissent devant un tribunal sont incapables de dire après l'audience ce qui s'est passé exactement ou quelles seront les conséquences de la décision du tribunal pour eux. C'est souvent le cas même s'il y a un interprète durant l'audience.
Un quatrième problème est révélé par une autre étude. Il a été découvert que les jeunes Canadiens autochtones, notamment, plaident parfois coupable à des accusations pour en finir. Ils risquent ainsi de devenir chômeurs parce qu'ils auront un casier judiciaire et d'être constamment surveillés par la police, ce qui pourrait se traduire par d'autres comparutions désastreuses devant les tribunaux par suite d'autres démêlés avec la justice.
Honorables sénateurs, je tiens à souligner que je n'entends nullement mettre en doute la compétence des avocats de l'aide juridique. Je dis simplement que l'aide juridique, telle qu'elle est pratiquée dans le Nord, ne laisse aucune place à la justice négociée. En d'autres termes, les démunis n'ont pas droit au système judiciaire auquel ils devraient normalement avoir droit si les règles du jeu étaient les mêmes pour tous. Plus précisément, les autochtones ont été incapables, généralement parlant, de se prévaloir des arguments juridiques invoqués au nom de la Charte des droits et libertés dans la même mesure que le reste des Canadiens simplement parce que les ressources de l'aide juridique dans le Nord ne permettent pas de bien préparer les dossiers individuels.
L'admissibilité à l'aide juridique est un autre sujet de conflit. Les exigences à satisfaire sur le plan des revenus pour avoir droit à l'aide juridique sont très différentes d'une région à l'autre au pays. Il existe une véritable mosaïque de niveaux d'admissibilité. Il conviendrait assurément, dans une fédération comme la nôtre, d'adopter et d'appliquer une norme d'admissibilité nationale. Comme on l'entend souvent dire, il y en a qui dorment aux commandes.
Il est urgent de régler cette question. Tous les Canadiens devraient avoir accès aux programmes publics.
Honorables sénateurs, notre programme d'aide juridique, en partie financé à même les fonds publics, devrait comporter tous les aspects de la transférabilité au même titre que l'assurance-médicaments et le Régime de pensions du Canada.
Il y a aussi le fait qu'un grand nombre de gens comparaissent devant les tribunaux sans être représentés par un avocat. Malheureusement, il n'existe pas de statistiques à ce sujet. Quelques cas anecdotiques, toutefois, indiquent qu'il y a beaucoup, en fait beaucoup trop de Canadiens qui ne sont pas représentés par un avocat, et les autochtones sont représentés dans ce groupe de façon disproportionnée. En fait, quelque 40 p. 100 des Autochtones aux prises avec le système judiciaire ne seraient pas représentés.
Honorables sénateurs, il est tout à fait clair que ceux qui ne sont pas représentés devant les tribunaux sont moins susceptibles d'être acquittés ou d'obtenir une absolution sous condition. Trop fréquemment, des autochtones canadiens constatent que le caractère contradictoire du système judiciaire dans lequel le ministère public et la défense sont en lutte, crée une situation où les gens sont nombreux du côté de la police et du ministère public à vouloir présenter le cas aux fins de la poursuite, alors que de l'autre côté, le défendeur est seul et silencieux. Le rapport découlant de l'Enquête publique sur l'administration de la justice et les peuples autochtones au Manitoba révèle que l'absence de représentation par un avocat est la principale raison pour laquelle 60 p. 100 des femmes autochtones plaident coupables. Il cite des preuves montrant que les femmes autochtones en particulier sont souvent appelées à plaider coupables tout simplement en l'absence d'une représentation par un avocat.
La principale préoccupation au sujet de l'aide juridique dans le nord du Canada est sans aucun doute l'absence de stratégie adéquate de communication dans les communautés autochtones de la part de ceux qui offrent des services d'aide juridique. La disponibilité, les avantages et, en fait, la nécessité d'une représentation par un avocat devant les tribunaux canadiens doivent être communiqués aux autochtones d'une façon compréhensible pour tous.
Honorables sénateurs, l'équité et la justice pour tous les Canadiens constituent un énorme sujet. Durant le temps qui me reste à siéger dans cette Chambre haute, je vais continuer à parler de ces questions importantes.
En résumé, honorables sénateurs, je voudrais formuler les recommandations suivantes.
Premièrement, les accords futurs tendant à fournir un financement national pour les programmes d'aide juridique devraient comprendre un engagement des provinces et des territoires à chercher à obtenir des normes nationales pour la prestation des services d'aide juridique aux Canadiens.
Deuxièmement, la priorité devrait être accordée au recrutement et à la formation de personnel qui parle des langues autochtones pour les bureaux d'aide juridique.
Troisièmement, le programme d'aide juridique a besoin d'une stratégie exhaustive de communication qui conduit à une réduction importante du nombre de Canadiens qui se présentent devant les tribunaux sans avocat.
Quatrièmement, en général, il doit y avoir une plus grande souplesse dans l'approche à l'égard de la représentation par un avocat pour tenir compte de la très grande diversité de ceux qui cherchent à obtenir des services juridiques et du large éventail de leurs besoins. Cela comprendrait plus de souplesse en ce qui concerne les tarifs de l'aide juridique.
Cinquièmement, on doit passer d'une approche contradictoire à une approche fondée sur la médiation et la négociation dans toutes les procédures judiciaires.
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Madame le sénateur Chalifoux accepterait-elle de répondre à une question?
Le sénateur Chalifoux: Oui.
Le sénateur Andreychuk: Les questions que l'honorable sénateur a expliquées de façon très détaillée sont très importantes. Les témoins qui ont comparu au comité au sujet du projet de loi C-7, y compris le ministre de la Justice de la Saskatchewan, ont déclaré très clairement que notre système pénal ne répond pas aux besoins de la communauté autochtone.
L'honorable sénateur dit que l'aide juridique pourrait être améliorée. Toutefois, conviendrait-il mieux que nous nous penchions sur un système de justice entièrement différent intégrant les valeurs et les notions propres aux autochtones?
Je constate que les formes de justice «axées sur la restitution» et les conseils de détermination de la peine tiennent compte, non pas de la culpabilité ou de l'innocence dans un contexte accusatoire, mais bien de la façon dont une collectivité réagit à un incident. L'accusé et la victime jouent tous deux un rôle dans le processus.
Madame le sénateur croit-elle qu'il serait digne d'intérêt que nous fassions front, en particulier au Sénat, pour dire qu'il est temps de se pencher sérieusement sur le système de justice pour les autochtones?
(1530)
Le sénateur Chalifoux: Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Il y a deux aspects sur lesquels il faut se pencher. Le premier a trait au racisme du système judiciaire. Il est largement répandu en Saskatchewan, où apparaît une autre affaire dont je vous parlerai dans les prochaines semaines.
Le deuxième problème est lié au système d'aide juridique et à ce qu'il est advenu d'une des recommandations voulant que des avocats autochtones parlant des langues autochtones oeuvrent au sein du système pour venir en aide à nos gens. Nous avons deux systèmes, soit le système autochtone du Nord et le système autochtone urbain. Dans le système autochtone urbain, bon nombre d'autochtones sont de troisième ou de quatrième générations, de sorte qu'ils comprennent très bien les situations urbaines et non autochtones.
Toutefois, il y a des régions où l'on connaît peu l'ensemble du système, et c'est ce que nous devons examiner. Cela m'attriste lorsque je vois des personnes, jeunes ou âgées, se rendre devant les tribunaux et ne rien comprendre au processus. Je vais vous donner un exemple: Un homme s'est présenté devant le tribunal et le juge lui a dit en anglais: «Well, have you ever been up before me?» Cette personne lui a répondu: «I do not know, judge, what time do you get up in the morning?»
Des voix: Bravo!
Le sénateur Chalifoux: C'est ainsi qu'a été interprétée la question. J'étais présente au tribunal et j'ai entendu cet échange. C'est un bon exemple des malentendus et de la mauvaise interprétation sur lesquels nous devons nous pencher dans les régions où l'anglais et le français ne sont pas les premières langues des gens. Nous devons étudier ce problème afin que ces situations disparaissent.
Honorables sénateurs, nous devons examiner le système d'aide juridique au Canada.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'informe le sénateur Chalifoux que son temps de parole est écoulé.
(Sur la motion du sénateur Milne, le débat est ajourné.)
LES ASPECTS DE L'AGRICULTURE
INTERPELLATION
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Tunney, attirant l'attention du Sénat sur divers aspects de l'agriculture au Canada, notamment les grains, les produits laitiers et le chanvre.—(L'honorable sénateur Milne).
L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, je vous ferai ma mise à jour annuelle sur l'industrie du chanvre industrielle et des problèmes auxquels cette industrie fait face. Il n'y a pas de doute que d'importants débouchés s'offrent à cette nouvelle industrie agricole au Canada, dans la mesure où elle est capable de répondre à la demande de produits du chanvre qui augmente à pas de géants. Entre parenthèses, je vous invite tous à venir assister à «La soirée des mille et une dégustations», où vous pourrez goûter de la glace au chanvre et d'autres gâteries à base de chanvre dans mon bureau.
Les honorables sénateurs savent sans doute, étant donné mes nombreuses interventions à ce sujet, que la déréglementation de la production de chanvre au Canada a engendré plusieurs projets-pilotes, les entrepreneurs tentant de déterminer si le chanvre peut ou non être profitablement cultivé et transformé au Canada et si les produits du chanvre peuvent ou non être concurrentiels sur divers marchés. Je puis dire en toute confiance que les résultats sont d'ores et déjà connus et que la vaste série de produits à base de chanvre fabriqués au Canada est vraiment remarquable. Ces produits, qui vont des tee-shirts aux litières pour chevaux, en passant par les pièces détachées pour voiture et les produits alimentaires, peuvent être profitablement produits par les compagnies canadiennes. L'avenir est brillant pour cette industrie.
Cette industrie fait toutefois face un problème capital qui mérite l'attention du Sénat, je veux parler du financement provisoire des compagnies en expansion. Comme je l'ai fait remarquer plus tôt, les projets-pilotes mis sur pied par les dirigeants de l'industrie sont maintenant terminés et indiquent tous que la production de chanvre au Canada sera rentable. Ces profits se réaliseront une fois que la production commencera à grande échelle. Toutefois, il semble que ni les banques ni les sociétés financières d'innovation, ni les institutions gouvernementales ne soient prêtes à accorder à l'industrie du chanvre les capitaux dont elle a besoin pour augmenter la production.
Honorables sénateurs, je voudrais consacrer quelques minutes à vous décrire la situation difficile, vraiment unique, dans laquelle se trouvent les producteurs de chanvre. À ce jour, le producteur typique de chanvre canadien a passé trois ou quatre ans à faire des recherches, à cultiver le chanvre dans différents champs et à mettre au point le matériel pour sa récolte, sa transformation et son conditionnement pour le marché. Les producteurs de chanvre eu réussi à trouver des clients pour toutes sortes de produits.
Nombre de rapports révèlent que des entreprises de partout en Amérique du Nord, qu'il s'agisse des grands fabricants d'automobiles ou des petites chaînes alimentaires, trouvent le chanvre et l'huile de chanvre du Canada d'une qualité exceptionnelle et désirent en acheter. Chaque fois que je rends visite à un producteur de chanvre canadien ou que j'entends parler d'une de ces entreprises, c'est pour apprendre que de nouveaux produits ont vu le jour et ont remporté beaucoup de succès.
Contrairement à la plupart des entreprises ou des industries nouvelles, les producteurs de chanvre commencent à produire à petite échelle. Afin de contrôler les coûts à l'étape de la recherche, les producteurs de chanvre canadien ont assez bien réussi à maintenir les projets pilotes et les initiatives de recherche à un niveau modeste et gérable. En fait, dans la plupart des cas, c'était la seule option possible, parce que la recherche et le développement étaient financées par des familles ou des groupes de familles qui, je dois le préciser, avaient investi la plus grande partie de leurs biens bien qu'elles aient bénéficié de certains programmes gouvernementaux.
Aujourd'hui, toutefois, forts de plusieurs années de recherche et de produits éprouvés, ces entreprises sont prêtes à croître à un taux exponentiel lorsque s'amorcera la saison de culture 2002. Honorables sénateurs, je suis convaincue que vous ne serez pas du tout étonnés si je vous dis que pour croître, l'industrie du chanvre canadien a besoin d'une injection de capitaux. En termes pratiques, ces petites entreprises doivent avoir accès à des capitaux pour pouvoir construire des usines de traitement, acheter de l'équipement coûteux et transporter de grandes quantités de leurs produits.
Souvent familiales, ces entreprises n'ont pas accès aux millions de dollars en capitaux nécessaires à la reconstruction de l'infrastructure. Certains sénateurs pensent peut-être que si ces entreprises ont besoin d'argent, elles devraient soit s'adresser aux banques, soit trouver des investisseurs, soit obtenir de l'aide dans le cadre d'un programme gouvernemental. De prime abord, c'est la réaction que j'ai eue. Toutefois, je vais examiner à tour de rôle chacune de ces possibilités et je vais expliquer pour quelles raisons les entreprises n'en ont jusqu'ici retenue aucune.
Commençons par les banques qui prêtent aux clients dont le succès financier a été maintes fois prouvé. Toutes les entreprises dans l'industrie du chanvre étant des entreprises naissantes, aucune n'a accès à de tels financements. Voilà une première prise pour le producteur de chanvre.
Avant de prêter aux jeunes entreprises, les banques étudient les tendances au sein de l'industrie. Elles ont peut-être déjà traité avec certains types d'entreprises, et elles peuvent ainsi s'appuyer sur une analyse comparative. Quand les producteurs et les entreprises de transformation s'adressent à une banque, celle-ci ne dispose ni d'un modèle, ni d'une mémoire institutionnelle, pour ainsi dire, sur lesquels se baser. Cela s'explique du fait que, pendant les 60 dernières années, il était illégal de cultiver le chanvre au Canada, alors qu'aujourd'hui notre institution a légalisé cette culture. Ce n'est pas comme si on demandait à une banque de nous prêter de l'argent parce qu'on s'est fait proposer l'acquisition d'une franchise McDonald. Voilà une deuxième prise pour le producteur.
Honorables sénateurs, les banques acceptent de prendre des risques quand les bénéfices peuvent s'avérer intéressants. Elles sont à l'affût de marges bénéficiaires de 40 p. 100 dans les trois ans lorsqu'il s'agit d'une innovation. Les modèles de production du chanvre que j'ai vus placent ces marges à au moins 20 p. 100, mais non pas au niveau des 40 p. 100 que souhaitent les banques. C'est une troisième prise pour le producteur. L'industrie du chanvre est retirée.
Dans l'économie, les sociétés financières d'innovation financent généralement les nouvelles activités économiques. De leur point de vue, le risque de perdre est compensé par la possibilité de participer dès le départ à la naissance d'une industrie nouvelle. Mais voici une information nouvelle: les sociétés financières d'innovation ne s'intéressent pas à l'agriculture. Elles s'intéressent davantage à l'industrie de la haute technologie. Si l'approche environnementale a suscité un certain intérêt, les financements nécessaires ne seront simplement pas accordés, car les bénéfices potentiels ne sont pas suffisamment importants.
Un certain intérêt a été manifesté pour la conclusion d'éventuelles accords de financements avec du capital de risque, mais cet intérêt n'a pas été manifesté par des Canadiens. De tels accords risquent de faire en sorte que l'industrie canadienne de production du chanvre finisse par appartenir à des intérêts étrangers, et cette perspective ne plaît à personne.
Honorables sénateurs, la solution à ce problème est que le gouvernement accepte d'accorder à l'industrie du chanvre un financement par actions à court terme. Je ne dis pas que le gouvernement doive assumer tous les risques, mais s'il est en mesure de faire une contribution utile, d'autres intervenants, notamment les banques et les sociétés financières d'innovation, se mettront de la partie pour lancer cette industrie. Malheureusement, le gouvernement n'a pas encore mis d'argent sur la table.
(1540)
Les producteurs et les transformateurs de chanvre, des bureaucrates, l'ancien sénateur Eugene Whelan, le sénateur Tunney, moi-même et d'autres encore essayons de trouver quel ministère ou quel programme du gouvernement pourrait voir à ce que cela fonctionne.
On a demandé l'aide des fonctionnaires des ministères de l'Agriculture, de l'Industrie, du Commerce international et même de la Santé, ainsi que des représentants de la Banque de développement du Canada. L'industrie a présenté des douzaines de demandes visant un financement quelconque, mais toutes les demandes ont été rejetées. Il semble toujours y avoir une raison qui explique pourquoi l'industrie du chanvre n'est pas admissible à l'aide des programmes gouvernementaux.
Je ne connais pas beaucoup la musique moderne, mais, comme dit Alanis Morissette, c'est comme avoir 10 000 cuillers alors qu'il te faut simplement un couteau.
Honorables sénateurs, je voudrais demander aux secteurs public et privé de voir ce qu'ils peuvent faire pour garantir la viabilité durable de l'industrie du chanvre. Je pense que les banques ratent une magnifique occasion de jouer un rôle dans l'établissement d'une industrie prometteuse. J'espère qu'elles finiront par se rendre compte que le potentiel vaste et durable de l'industrie du chanvre l'emportera sur tout risque de courte durée qu'elles pourraient prendre.
En outre, le gouvernement doit réaliser que la population canadienne a tout intérêt à voir cette industrie prospérer. En effet, cette industrie donnera à nos agriculteurs la possibilité de s'adonner à une autre culture dont ils ont grandement besoin, une culture peu exigeante et rentable. Nous avons constaté, l'été dernier, dans certaines régions arides de l'Ontario touchées par la sécheresse que le chanvre poussait dans de telles conditions et qu'il atteignait même une hauteur de six pieds.
À mesure que le marché se développe, cette culture ouvre aussi des possibilités pour des milliers d'emplois dans le secteur de la fabrication et de la transformation.
Honorables sénateurs, comme vous le voyez, j'en suis certaine, l'année dernière a été une année charnière pour l'industrie du chanvre industriel. La planification, les projets de recherche, les plans d'entreprise et le développement des marchés sont choses faites. Bon nombre d'entreprises d'un bout à l'autre du pays sont prêtes à se lancer dans la production à pleine capacité. Cette industrie a besoin de notre soutien. J'espère que vous joindrez tous votre voix à la mienne pour réclamer que l'on soutienne l'industrie du chanvre au Canada.
Son Honneur le Président: Comme aucun autre sénateur ne souhaite prendre la parole sur cette interpellation, le débat est clos.
LES RÉGIONS RURALES DU CANADA
INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Andreychuk, attirant l'attention du Sénat sur les régions rurales du Canada.—(L'honorable sénateur Andreychuk).
L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, j'interviens pour appuyer l'interpellation de mon collègue, l'honorable sénateur Andreychuk, attirant l'attention du Sénat sur les régions rurales du Canada.
Comme vous le savez, le Canada se transforme rapidement en raison d'une foule de facteurs, notamment la nature changeante de notre économie, la mondialisation des marchés, la présence de plus en plus importante d'institutions de gouvernance internationales, la croissance rapide des grandes villes et l'impact des nouvelles technologies à la fois sur les entreprises et les personnes. Ces facteurs et d'autres facteurs touchent profondément les habitants des régions rurales et leur collectivité.
La dépopulation, le déclin de certaines industries des ressources, la crise persistante dans le secteur de l'agriculture et le déplacement du poids démographique, économique et politique des zones rurales vers les zones urbaines au Canada soulèvent de sérieuses questions sur la viabilité à long terme des collectivités rurales. Tout cela a contribué à insuffler un sentiment d'insécurité chez les Canadiens des régions rurales. Nous sommes confrontés à des questions difficiles. À quel point les Canadiens souhaitent-ils que nous soutenions les collectivités rurales? Comment faire en sorte que les intérêts et les enjeux ruraux occupent une place appropriée sur le programme politique national?
En même temps, de nouvelles occasions voient le jour pour les régions rurales du Canada, surtout parce que les nouvelles technologies permettent de surmonter les barrières au commerce et à la communication et que les entrepreneurs ruraux se consacrent davantage à l'entreprise à valeur ajoutée et moins à la production de matières premières.
En effet, selon les statistiques préparées par le gouvernement, l'économie rurale du Canada s'est diversifiée graduellement pour ressembler davantage à celle des grands centres urbains. Il est vrai qu'il y a moins d'emplois dans les industries des ressources naturelles que l'on associe depuis toujours aux régions rurales du Canada, comme l'expoitation forestière, la pêche et le piégeage, le secteur minier et celui de l'énergie. Toutefois, il y a maintenant plus d'emplois dans la fabrication, le commerce, les finances, les communications, les affaires, les services personnels, le tourisme, les transports et le stockage. De même, tout comme dans les régions urbaines du pays, la croissance économique des régions rurales du Canada se tourne de plus en plus vers la technologie de l'information et des télécommunications.
Toutefois, tous ces développements ne peuvent cacher le fait que l'image du Canada rural comme il existe aujourd'hui est bien différente de ce qu'elle était il y a 20 ou 25 ans. Surtout en ce qui a trait aux avenues de développement économique, les régions rurales et les communautés qui les habitent ont beaucoup moins à offrir qu'au cours des années 70 et au début des années 80.
Il faut tenir compte du contexte. Le revenu des familles des régions rurales est inférieur à celui des familles des villes. En conséquence, ces gens paient relativement moins d'impôts et reçoivent donc relativement plus d'argent en transfert du gouvernement. Les familles des régions rurales reçoivent davantage parce que le taux de chômage est plus élevé et qu'il y a un plus grand nombre de retraités dans ces secteurs. Les transferts fédéraux représentent 16 p. 100 du revenu total des résidents des régions rurales, comparé à 9 p. 100 dans le cas des régions urbaines.
Les statistiques indiquent également que les Canadiens qui vivent en région rurale ont un niveau de bien-être inférieur à celui de leurs concitoyens urbains.
D'autre part, les régions rurales, qui comptent 31,4 p. 100 de la population du Canada, ne comptent que 29 p. 100 de la main-d'oeuvre active. Les Canadiens de tous les groupes d'âges et des deux sexes qui vivent en région rurale ont moins de chances de trouver un emploi que les Canadiens qui vivent dans les villes.
Si on veut remonter plus de 25 ans en arrière pour voir les changements qu'a subis le Canada, voyons-le tel qu'il était il y a un siècle. Les régions rurales formaient alors la base d'une économie axée sur l'exploitation des richesses naturelles.
Les petites villes, où s'élevaient les silos à grain, ponctuaient les champs de blé ondulants des Prairies. Dans les Maritimes, on trouvait un peu partout des villages de pêcheurs prospères le long de la côte, tandis qu'ailleurs, en Colombie-Britannique, en Ontario, au Québec et dans d'autres régions s'élevaient des villes industrielles où travaillaient mineurs et employés de scierie. À la fin du XIXe siècle, plus des deux tiers des Canadiens vivaient à l'extérieur des grandes villes. En 2001, la population des régions rurales, qui est pourtant en croissance, représente seulement un cinquième de la population canadienne.
Bien que les industries primaires demeurent importantes, les centres de gravité de l'économie canadienne se sont déplacés vers les grandes villes dotées de secteurs de services et de technologie de pointe prospères, comme Toronto, Vancouver et Calgary.
De plus en plus automatisée, la production des ressources et l'agriculture n'ont plus autant besoin de travailleurs robustes. Les emplois qui, autrefois, retenaient les familles dans les petites villes, sont en voie de disparition.
À cause de cela mais aussi pour d'autres raisons, les jeunes quittent les régions rurales et vont dans les grandes villes poursuivre leurs études et exploiter des débouchés qui n'existent pas chez eux. C'est ce qui explique le dépeuplement des petites localités.
Pour bien comprendre la situation actuelle et ses origines, il faut comprendre comment le Canada, qui était à l'origine un pays rural, a évolué. Après la création de la Confédération, les politiques gouvernementales visant à renforcer les liens entre l'Est et l'Ouest ont fortement influé sur l'immigration et les modes de peuplement. De façon générale, les régions rurales du Canada bénéficiaient de ces politiques. De nos jours, l'économie ayant beaucoup changé, les gouvernements sont beaucoup moins capables qu'auparavant d'orienter le développement de la société.
Faut-il en conclure que certaines petites localités sont condamnées à disparaître? Cela signifie-t-il que les régions rurales du Canada occuperont une place de moins en moins importante dans les politiques gouvernementales? J'espère que non.
Je crois cependant qu'il est important de mieux comprendre comment fonctionnent, en 2001, les économies et les communautés rurales prospères, pour mieux savoir comment venir en aide aux régions rurales en difficulté. Prenons, par exemple, les cas de Steinbach, au Manitoba et de Humboldt, en Saskatchewan. Confrontées à une baisse de leurs revenus et de leur activité économique liés à l'agroalimentaire, ces localités ont réussi à se transformer en centres de petites entreprises manufacturières.
(1550)
Elliot Lake, dans le nord de l'Ontario, constitue aussi un exemple auquel il vaut la peine de réfléchir. Cette municipalité était autrefois la capitale mondiale de l'uranium, mais, malheureusement, elle a été dévastée par la fermeture des mines d'uranium. Les fermetures et les mises à pied massives ont été annoncées pour la première fois en 1990 et se sont poursuivies jusqu'en juin 1996.
Elliot Lake, qui compte 14 500 habitants, a perdu plus de 3 000 emplois. Bien que la transition ait été difficile et qu'Elliot Lake n'ait pas vraiment repris le niveau d'activité économique qu'elle connaissait avant les fermetures, cette municipalité compte actuellement sur de nouvelles activités commerciales dans les télécommunications, l'industrie légère, la gestion des déchets et les services de protection de l'environnement, le tourisme et les services de logement de retraités.
Merritt, en Colombie-Britannique, qui compte 8 200 habitants, est également une municipalité qui semble particulièrement bien résister aux tendances de la dépopulation rurale. Grâce à une route construite dans la chaîne des Cascades, au milieu des années 80, et à un leadership local avant-gardiste, Merritt semble destinée à éviter le sort qu'ont subi de nombreuses petites municipalités canadiennes.
C'est pour une raison particulière que je mentionne ces exemples de localités rurales qui ont fait des transitions dans des périodes de changement. En termes simples, lorsque le gouvernement fédéral examine ses politiques qui touchent le Canada rural, il serait utile qu'il utilise surtout ses analyses et ses ressources pour savoir comment des localités sont florissantes, malgré les changements et les crises, et pourquoi d'autres ne le sont pas. Pourquoi certaines localités rurales s'appuient-elles sur un sentiment de promotion agressive au niveau local et sur l'esprit d'entreprise pour résister avec succès aux tendances de la dépopulation rurale, alors que d'autres ne parviennent pas à le faire?
J'estime que, en nous concentrant sur la situation que vivent les localités elles-mêmes, nous, les législateurs, et le gouvernement lui-même, nous engagerions dans une discussion proactive plutôt que réactive sur les problèmes qui assaillent les localités rurales du Canada. Au lieu d'examiner ces problèmes en fonction de ce que tel ou tel programme gouvernemental a fait, ou est censé faire, nous devrions voir les choses du point de vue des localités et des régions rurales elles-mêmes.
À cet égard, des organisations comme l'Association canadienne des localités mono-industrielles ont soumis des études et des conclusions intéressantes. En 1991, cette association a publié une étude portant sur huit petites localités canadiennes en crise qui semblaient résister à l'approche réactive de la conception et de la mise en oeuvre à long terme d'une stratégie de développement économique durable.
En examinant ces huit petites villes, l'association a trouvé 10 facteurs qui étaient essentiels à leur prospérité. Je tiens à résumer ici ces facteurs, car ils donnent de quoi réfléchir à propos de l'interpellation que propose le sénateur Andreychuk.
Premièrement, les efforts de développement dans ces localités ont été soutenus sur de nombreuses années, souvent sur 10, 15, 25 ou 30 ans. Deuxièmement, l'association a découvert qu'une crise ou une préoccupation majeure poussaient les dirigeants de ces localités à agir. Troisièmement, chaque localité a entrepris un renouveau en investissant son argent dans les initiatives qu'elle lançait.
Quatrièmement, l'étude a révélé qu'une approche régionale impliquant des localités environnantes était bénéfique. Cinquièmement, dans toutes les localités à l'étude, un leader dynamique, habituellement le maire, menait le processus. Sixièmement, les leaders locaux ont compris qu'il fallait qu'ils fassent bouger les choses eux-mêmes, et ils ont réussi à mobiliser la collectivité.
Septièmement, l'association a découvert qu'une sorte d'organisation de développement avait été créée dans chacune de ces localités. Huitièmement, on y a mis en oeuvre des plans à court terme et des plans à long terme. Neuvièmement, l'association a découvert que les stimulants du gouvernement n'étaient pas le facteur motivant des efforts de ces localités. En général, ces localités mettaient un plan en place avant de demander l'aide du gouvernement. Dixièmement, pour finir, le développement de petites entreprises locales constituait le facteur clé. Les localités à l'étude ont dû rétablir la confiance des investisseurs et l'esprit d'entreprise pour réaliser le développement économique durable.
Si je cite ces facteurs, c'est que, si nous voulons étudier sérieusement le triste sort des localités et des régions rurales, nous devons comprendre de quoi les localités rurales du Canada ont besoin pour s'adapter au changement. S'il s'inspire de cas où l'on a réussi à mettre en oeuvre des stratégies de transition économique durable, le gouvernement fédéral arrivera peut-être à optimiser le rôle qu'il peut jouer.
À cause des tendances qui mènent à l'exode rural, il arrive de plus en plus que les Canadiens des régions rurales doivent faire davantage avec moins de ressources économiques et sociales. Cela ne veut pas dire qu'ils devraient se satisfaire de moins. Nous avons le devoir et la responsabilité d'examiner des solutions qui permettront aux Canadiens des régions rurales d'obtenir la même réussite et la même prospérité économiques que celles dont jouissent bon nombre de leurs homologues des régions urbaines du Canada. Si, par la même occasion, nous en apprenons davantage sur le Canada rural et si les décideurs et les gouvernements pouvaient faire de même, nous accomplirions quelque chose de très utile.
(Sur la motion du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)
QUESTION DE PRIVILÈGE
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, comme je l'ai expliqué et annoncé plus tôt, j'invoque la question de privilège. Comme les honorables sénateurs devraient avoir l'avis en main, je crois qu'ils sont au courant. Comme la question tourne beaucoup autour des propos que le sénateur Mobina Jaffer a tenus au Sénat le 22 novembre 2001, je veux qu'on comprenne bien que j'entends être sensible au fait que madame le sénateur Jaffer a été nommée à cet endroit depuis peu et qu'elle connaît peu les mécanismes et la procédure parlementaires. J'ai l'intention d'en tenir compte comme il se doit. Avant même de soulever la question de privilège, je veux qu'on comprenne bien qu'en agissant ainsi, je ne cherche pas à prêter au sénateur Jaffer quelque intention que ce soit, mais bien à faciliter une mise au point qui, je crois, pourrait résoudre le problème et régler la question.
Cela étant dit, je pourrais peut-être commencer par relater ce qui s'est passé. Jeudi dernier, le 22 novembre, au moment des déclarations de sénateurs, madame le sénateur Mobina Jaffer a pris la parole pour faire une déclaration. Je crois qu'elle voulait informer le Sénat d'un meurtre terrible qui avait été commis à Vancouver. Honorables sénateurs, je tiens à ce qu'il soit bien clair que je ne veux en rien minimiser l'importance de cette tragédie.
(1600)
À mon avis, si les paroles du sénateur Jaffer au Sénat ont été irréfléchies et maladroites, c'est notamment parce que le meurtre est un acte innommable. Je ne connais aucun sénateur qui pourrait appuyer le meurtre ou qui voudrait être associé de près ou de loin à la tolérance à l'égard de ce crime. Je devrais peut-être citer un passage du chef d'oeuvre de la littérature de John Donne, ce fameux auteur du XVIIe siècle à qui nous devons les célèbres paroles «pour qui sonne le glas» et «personne ne vit en vase clos».
Je crois que c'est John Donne qui a écrit dans une méditation:
Nul être humain n'est une île, complet en soi-même.
Il poursuit:
La mort de tout homme me diminue, car je fais partie du genre humain. Ainsi donc, n'envoie jamais demander pour qui sonne le glas. Il sonne pour toi.
Nous pouvons vraiment dire, honorables sénateurs, que ces mots valent pour la plupart d'entre nous ici présents, qu'ils valent pour la plupart des Canadiens, car il devient très important que nous reconnaissions encore et encore que nous partageons une humanité commune et collective et que la mort d'une personne nous diminue tous.
Cela dit, il est très clair que le meurtre terrible d'un homosexuel, Aaron Webster, dans un secteur du parc Stanley de Vancouver fréquenté par les homosexuels est un drame qui nous donne à réfléchir.
Ce que je crains ici, c'est que, dans ses propos, le sénateur Jaffer n'ait tenté d'établir un lien entre ce meurtre et le débat, au Sénat, sur mon projet de loi S-9, qui vise à dissiper certains doutes au sujet de la signification du mariage. À mon avis, la tentative du sénateur pour établir ce lien est irrationnelle, déraisonnable et injustifiable.
J'ajouterais que ces remarques, qui semblent associer le Sénat et les sénateurs à toute forme de crime de haine ou de violence, sont répugnantes. J'ajouterais aussi que je crois sincèrement que ce genre de sensasionnalisme est indigne et qu'il n'y a aucun lien entre ce meurtre et le projet de loi sur la signification du mariage.
Honorables sénateurs, pour mieux faire ressortir ce point, nous pouvons peut-être regarder le paragraphe 22(4) du Règlement. Cette disposition établit assez clairement les critères s'appliquant aux déclarations de sénateurs. Je vais citer ce paragraphe, en partie. Tout d'abord, il dit:
Les déclarations de sénateurs devraient se rapporter particulièrement à des questions d'intérêt public pour lesquelles le Règlement et les pratiques du Sénat n'offrent aucune possibilité d'attention immédiate. Dans ces déclarations, les sénateurs ne doivent pas anticiper sur l'étude d'une question à l'ordre du jour, et ils restent liés par les règles habituelles qui régissent la pertinence du débat. Les questions abordées au cours de cette période ne sont pas sujettes à débat.
Je crois que c'est assez clair. Autrement dit, les déclarations de sénateurs ne doivent pas empiéter sur les questions à l'ordre du jour, comme mon projet de loi S-9, et doivent respecter les règles relatives à la pertinence. Les questions abordées au cours de cette période ne sont pas sujettes à débat. Beaucoup des points soulevés par le sénateur Jaffer sont nettement sujets à débat et sont particulièrement liés au débat sur le projet de loi S-9.
Pour que les choses soient un peu plus claires, nous devrions peut-être revenir sur le compte rendu du débat de jeudi dernier pour voir ce qui a été dit de si inacceptable et répugnant.
La première chose qu'on remarque dans la transcription des débats, à la page 1757 des Débats du Sénat de jeudi dernier, c'est le titre qui coiffe la déclaration du sénateur Jaffer. Il s'énonce ainsi: «L'influence du projet de loi visant à préciser le sens de «mariage» sur les crimes motivés par la haine». Ce titre est extrêmement choquant et très avilissant pour les sénateurs et pour le Sénat. Je devrais peut-être répéter le titre. Je ne parle pas du texte ni de la teneur des propos du sénateur Jaffer. Je parle du titre qui, sauf erreur, est ajouté au cours du processus d'impression des débats. Le titre dit: «L'influence du projet de loi visant à préciser le sens de «mariage» sur les crimes motivés par la haine».
La simple présentation et mention du projet de loi de cette façon douteuse prouve la justesse et la nécessité du paragraphe 22(4) du Règlement. Je pense que cette disposition visait spécialement à éviter ce genre de chose.
Je vais citer brièvement quelques phrases de la déclaration de madame le sénateur Jaffer. Je le répète, je suis sensible au fait qu'elle est une nouvelle venue ici et n'est pas parfaitement au courant du processus et des règles de notre institution. Elle dit notamment ceci:
Honorables sénateurs, j'ai été ahurie hier lorsque la Chambre a débattu un projet de loi ayant pour objet d'interdire le mariage aux homosexuels.
Premièrement, ce n'est pas du tout le cas. Le projet de loi déclare simplement la loi telle qu'elle est actuellement, la loi même que font respecter la ministre de la Justice et le gouvernement du Canada.
Elle dit ensuite:
Lorsque des honorables sénateurs prennent la parole à la Chambre pour appuyer le projet de loi S-9, je voudrais leur rappeler qu'ils donnent raison à ceux qui prêchent la haine.
Je tiens à le répéter. Elle a dit:
Lorsque des honorables sénateurs prennent la parole à la Chambre pour appuyer le projet de loi S-9, je voudrais leur rappeler qu'ils donnent raison à ceux qui prêchent la haine.
Le sénateur a établi un lien entre le projet de loi S-9 et la haine. Non seulement cela, elle a dit que lorsqu'un sénateur prend la parole, il donne raison aux tenants de la haine.
Ce sont des affirmations que je juge tout à fait répugnantes. Ces affirmations ne s'appuient sur aucune preuve, mais on fait une telle affirmation et on établit un tel rapport, un tel lien.
Elle a ajouté plus loin:
Ils montrent [...] que l'intolérance envers les homosexuels est à la fois indiquée et vertueuse.
Là encore, cela est extrêmement choquant et répugnant. Je trouve cela extrêmement odieux et révoltant. En fait, ce genre d'affirmation remue très profondément la sensibilité.
Elle fait ensuite une autre affirmation dont je n'ai pas compris le sens. Elle a dit:
Honorables sénateurs, utiliser la religion pour justifier l'intolérance constitue de la lâcheté. C'est une tentative visant à se servir de la foi pour masquer la haine.
Je n'ai pas bien compris si elle parlait du sénateur Banks ou de moi. Je ne savais pas très bien puisque cela n'avait aucun sens.
Je passerai maintenant à la déclaration suivante, lorsqu'elle cite le révérend Martin Niemoller en 1945, en Allemagne sous les nazis. C'est une citation célèbre qui se lit comme suit:
D'abord, ils sont venus pour les communistes, et je ne suis pas intervenu — parce que je n'étais pas communiste. Puis ils sont venus pour les juifs, et je n'ai rien dit, parce que je n'étais pas juif.
La citation est très célèbre. Elle se poursuit avec cette déclaration, qui est particulièrement dégoûtante. Comparer un projet de loi ou des sénateurs à un État nazi ou fasciste est franchement ridicule. Enfin, à la fin de sa déclaration, elle a dit:
Honorables sénateurs, nous avons l'obligation et le devoir, en tant que membres du Sénat du Canada, de faire honneur à cette institution. Et c'est par la tolérance que l'on peut le faire.
(1610)
Il est très répréhensible que le sénateur Jaffer ose même laisser entendre qu'un débat sur le projet de loi S-9 apporterait le déshonneur à une institution et surtout à la nôtre. J'espère que j'ai bien mis en lumière certains des énoncés offensants. Je crois sincèrement que ces propos sont problématiques. Cependant, je demanderais au Sénat de ne pas prendre de mesures à cet égard, car il me semble que la situation peut facilement se régler.
Ces propos prononcés dans le cadre des déclarations de sénateurs jeudi dernier ont donné lieu à une pléthore d'articles dans les journaux. J'ai ici trois de ces articles et je propose d'en lire les titres. Les sénateurs pourront les lire en entier s'ils le désirent.
Le premier est paru dans le Ottawa Citizen le 23 novembre, soit le lendemain. Le titre disait «Un sénateur déclare que le projet de loi visant à définir les mariages «gais» est intolérant. La première ligne de l'article se lit comme suit:
Le sénateur libéral de la Colombie-Britannique, Mobina Jaffer, a dénoncé ses collègues sénateurs hier parce qu'ils ont appuyé le genre d'intolérance qui, selon elle, a mené à l'assassinat d'un homosexuel à Vancouver samedi.
Honorables sénateurs, je soulève cette question parce que, même dans nos plus grands moments d'imagination et nos pires envolées oratoires, nous ne devrions jamais, au grand jamais, associer les propos d'un sénateur avec un événement aussi terrible qu'une tragédie, un meurtre de ce genre.
On dit ensuite ceci dans cet article:
Mme Jaffer a déclaré qu'elle a été sidérée par un discours du sénateur libéral Tommy Banks, de l'Alberta, qui a parlé mercredi en faveur d'un projet de loi destiné à trouver un terme autre que «mariage» pour décrire une union homosexuelle.
Tout d'abord, le projet de loi ne fait rien de cela. Cependant, peu importe. Le fait est qu'elle a été sidérée que le sénateur libéral Tommy Banks ait parlé en faveur du projet de loi S-9.
L'autre article est tiré du Vancouver Sun et le titre est semblable, même s'il n'est pas exactement le même: «Jaffer critique vivement un sénateur pour ses observations sur les gais». Cet article cible bel et bien là encore le sénateur Tommy Banks, car je peux garantir aux honorables sénateurs que le projet de loi S-9 ne dit absolument rien au sujet des gais notamment. Cet article commence par dire la même chose:
Le sénateur libéral de la Colombie-Britannique Mobina Jaffer a dénoncé jeudi ses collègues pour avoir encouragé le type d'intolérance qui, selon elle, a conduit au meurtre d'un homosexuel à Vancouver.
Le dernier article est tiré du Edmonton Journal, là encore, le même jour, le 23 novembre. Le titre est encore plus poignant, probablement parce que c'est la ville du sénateur Banks: «Un sénateur de l'Alberta critiqué pour sa position sur le projet de loi sur les gais: les observations de M. Banks favorisent l'intolérance, selon une collègue au Sénat».
Pour mettre les choses au point, je devrai ajouter qu'il semble que de nombreuses personnes dans la ville du sénateur Banks se sont portées à sa défense. Il semble que, dans les numéros du 26 novembre et du 24 novembre respectivement du Edmonton Journal, on retrouve un éditorial et une lettre appuyant le sénateur Banks.
Je pourrais peut-être lire, aux fins du compte rendu, tout d'abord l'éditorial paru dans le numéro du 26 novembre 2001 du Edmonton Journal. Le titre de l'éditorial est: «Les discours creux sont injustes au sujet du projet de loi sur le mariage». L'article appuie le sénateur Banks et débute en ces termes:
Le sénateur de l'Alberta Tommy Banks a prononcé un discours très noble relativement aux relations homosexuelles — et il a eu droit ensuite à des critiques tout à fait injustes de la part du sénateur Mobina Jaffer de la Colombie-Britannique.
L'article défend ensuite avec vigueur le sénateur Banks.
De plus, le numéro du 24 novembre 2001 du Edmonton Journal publie la lettre d'un certain Harlan Green sous le titre: «Banks a la réputation d'être tolérant et juste». La lettre dit ceci:
Le sénateur Tommy Banks a dû faire face à des événements tragiques dans sa vie dernièrement et il est incompréhensible qu'une collègue libérale au Sénat, Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique, le critique injustement.
On semble, du moins à Edmonton, prendre la défense du sénateur Banks dans la presse.
Je propose donc de dire, honorables sénateurs, que je considère que le sénateur Jaffer n'avait aucune intention malveillante. J'estime qu'elle n'avait aucune intention cruelle et je suis convaincue que ses paroles peuvent ne pas avoir correspondu à sa pensée.
Je constate que le sénateur Jaffer n'est pas ici.
Le rôle de Son Honneur dans une question de privilège comme celle-ci consiste à déterminer s'il existe, à première vue, un motif d'autoriser la présentation d'une motion. Pour être bien claire, je demande à Son Honneur de ne pas porter de jugement sur le sénateur Jaffer pour atteinte à un privilège, car je crois que nous devrions faire preuve de gentillesse à l'endroit des nouveaux sénateurs. Toutefois, je lui demande de se prononcer sur un très petit point. Ce petit point a trait à l'en-tête figurant dans les Débats du Sénat, que je vais vous relire si c'est nécessaire. L'en-tête est le suivant: «L'influence du projet de loi visant à préciser le sens de «mariage» sur les crimes motivés par la haine».
Je propose de demander à Son Honneur de décréter qu'il existe un cas apparemment fondé en ce qui concerne cet en-tête. La motion dont je proposerais la présentation dès maintenant porterait sur une modification de la transcription visant à changer l'en-tête afin de mieux refléter ce que le sénateur Jaffer voulait, selon moi, faire au départ, soit attirer l'attention du Sénat sur un meurtre très horrible et brutal.
Cela étant dit, je peux présenter la motion afin que nous puissions en discuter. Je ne la présente pas officiellement, et je ne fais que m'y reporter aux fins du débat, afin que les sénateurs comprennent très clairement ce que je demande. Je prie Son Honneur de décréter que cet en-tête est déplacé et désobligeant envers nous. La motion proposée est la suivante:
Que l'en-tête figurant sous la rubrique Déclarations de sénateurs à la page 1757 des Débats du Sénat du 22 novembre 2001 et intitulé «L'influence du projet de loi visant à préciser le sens de «mariage» sur les crimes motivés par la haine», soit modifié et corrigé, c'est-à-dire remplacé par un en-tête plus précis, soit «Intervention visant à informer le Sénat du meurtre tragique d'un homosexuel dans le parc Stanley de Vancouver» et aussi que d'autres transcriptions connexes et corollaires du Sénat, y compris la version Internet des Débats du Sénat, soient également modifiées et corrigées de cette façon.
(1620)
Comme peuvent rapidement s'en rendre compte Son Honneur et les honorables sénateurs, ce que l'on demande n'est pas très important et plutôt insignifiant. J'ai déjà dit que j'estimais que nous devrions simplement traiter la situation comme une erreur de la part du sénateur Jaffer et m'autoriser à proposer une motion qui, si elle était débattue et adoptée, rendrait le titre conforme au paragraphe 22(4) du Règlement, qui dit qu'on ne doit pas débattre d'une question qui anticipe sur l'ordre du jour.
J'espère m'être bien fait comprendre, honorables sénateurs. Sinon, je serais ravie de répondre à vos questions. Je crois que personne dans cette enceinte ne fermerait les yeux sur l'intolérance ou la violence sous toutes ses formes.
Son Honneur le Président: Est-ce que d'autres sénateurs désirent participer au débat sur la question de privilège de madame le sénateur Cools?
L'honorable Laurier L. LaPierre: Je sais que j'étale mon ignorance, mais j'ai une question. Est-ce que le titre «L'influence du projet de loi visant à préciser le sens de «mariage» sur les crimes motivés par la haine» reprend les mots exacts proposés par le sénateur Jaffer ou est-ce le titre choisi par les rédacteurs?
Le sénateur Cools: Il s'agit du titre choisi par les rédacteurs. C'est pourquoi je me sens libre de proposer une solution. Jamais il ne me viendrait à l'idée de proposer que l'on change les propos tenus par un sénateur. Ce ne sont pas les propos que le sénateur Jaffer a tenus. Je tiens à préciser que c'est du titre que je parle, non pas des propos tenus par le sénateur Jaffer. Ce sont les termes qui ont été choisis par les rédacteurs des Débats du Sénat. Ma solution est simple. À mon avis, le titre est inapproprié et nous devrions le changer.
Le sénateur LaPierre soulève aussi cette question par rapport à d'autres questions dont nous avons parlé. Je pense qu'il serait tout à fait déplacé de changer le compte rendu officiel ou de proposer une chose aussi draconienne. Le compte rendu officiel demeure tel qu'il est. On n'y touche pas. Les propos tenus par le sénateur demeurent tels quels. Tout ce que je veux, c'est qu'on change le titre de façon à refléter la réalité.
Honorables sénateurs, le paragraphe 44(1) du Règlement, qui régit la question de privilège que j'invoque devant le Sénat, dit clairement:
Sur décision qu'une question de privilège paraît fondée à première vue, le sénateur qui a soulevé la question peut proposer une motion pour demander au Sénat soit d'intervenir, soit de soumettre la question au Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure, pour étude et rapport.
Il n'est pas question de proposer une motion pour demander de renvoyer quoi que ce soit au comité. La motion que je propose est simple. Il s'agit essentiellement de modifier le titre de façon à ce que le compte rendu reflète mieux la dignité et le décorum du Sénat. J'espère m'être fait bien comprendre. C'est ce que je propose.
Su quelques points mineurs, car je ne veux pas en faire une question...
Son Honneur le Président: Avant que le sénateur Cools n'aille plus loin, je rappelle aux honorables sénateurs, pour paraphraser le manuel de Marleau-Monpetit intitulé La procédure et les usages de la Chambre des communes, que lorsque la présidence donne la parole à un sénateur qui souhaite soulever la question de privilège, elle s'attend à ce que celui-ci expose avec brièveté et concision le fait qui l'a amené à soulever la question de privilège. D'autres sénateurs peuvent vouloir intervenir, et je voudrai les entendre. Je rappelle à tous les sénateurs que c'est que prévoit le Règlement et je propose que nous l'observions dans cette chambre.
Le sénateur Cools: D'accord. Je disais, pour préciser les choses, toujours en réponse au sénateur LaPierre, que le titre est très offensant pour le Sénat et devrait sûrement être corrigé ou modifié. Je demande à la présidence de décréter que ce titre est peu souhaitable et peu en harmonie avec la dignité du Sénat. Je proposerai ensuite une motion rectificative.
Je ne veux pas ouvrir un débat sur le projet de loi S-9, car il semble que ce soit là l'erreur stratégique que le sénateur Jaffer ait faite. Mais pour ceux qui ne savent pas de quoi il retourne dans le projet de loi S-9, il s'agit simplement d'une proposition qui a un effet déclaratoire, qui vise à préciser la loi que nous avons adoptée au Sénat.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je crois que le sénateur Cools a entièrement raison de dire que la question de savoir ce qu'est ou ce que n'est pas le projet de loi S-9 devrait être décidée dans le cadre du débat sur la motion inscrite au Feuilleton, comme elle l'a si bien dit. La présente intervention est l'occasion pour les sénateurs d'aider la présidence à déterminer si, à première vue, il y a eu atteinte aux privilèges, et je demanderais aux honorables sénateurs de limiter leurs remarques à cette question, gardant à l'esprit l'admonition du texte voulant que nous soyons brefs et concis lorsque nous expliquons notre position.
Le sénateur Cools: Je suis brève de nature. Je ne faisais que répondre à ces aspects de ce que le sénateur Jaffer a dit au sujet de ses propos. Je ne propose pas de débattre le projet de loi S-9, parce que si elle avait voulu parler du projet de loi S-9, c'est exactement ce qu'elle aurait dû faire. Elle aurait dû demander la parole au sujet du projet de loi S-9.
Pour ce qui est de décrire la situation aux sénateurs, et de les éclairer sur ce qui a été dit exactement, ce qu'a dit le sénateur Jaffer, si on lit son texte, il devient parfaitement clair qu'elle n'est pas au courant de ce qu'est le projet de loi S-9 ni des initiatives précédentes prises par le Sénat sur des questions connexes. À deux reprises au cours de l'année dernière, le Sénat a adopté des projets de loi, à savoir le projet de loi C-23, Loi de modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations, et également en avril dernier, la Loi d'harmonisation no 1 du droit fédéral avec le droit civil, loi fédérale qui dit que le mariage est l'union d'un homme et d'une femme. C'est tout ce que je disais. Ses propos ne semblent pas tenir compte de ce fait ni le comprendre.
Quoi qu'il en soit, la véritable question est que j'aimerais que ce titre soit corrigé. Puisque je ne suis pas l'auteur de ces propos, je ne peux prendre la parole au Sénat et demander qu'on y apporte une correction. C'est pourquoi je dois le faire par le biais de la question de privilège. Si c'était moi qui avais prononcé ces propos, je pourrais facilement demander qu'on les corrige ou quelque chose de ce genre.
Cela dit, honorables sénateurs, j'estime que la question est réellement très simple; Son Honneur pourrait dès maintenant rendre sa décision pour que je puisse proposer une motion immédiatement afin de faire corriger le compte rendu, car il me semble que plus longtemps l'erreur demeurera, plus la situation empirera.
(1630)
Son Honneur le Président: Y a-t-il d'autres sénateurs qui désirent prendre la parole sur cette question de privilège soulevée par le sénateur Cools?
Sinon, j'aviserai la Chambre que, en l'absence du sénateur Jaffer, qui n'a donc pas la possibilité de répondre, je ne crois pas pouvoir régler cette question aujourd'hui. On m'a informé que madame le sénateur Jaffer serait ici plus tard cette semaine et, si elle veut répondre, j'entendrai ce qu'elle a à dire au sujet des remarques du sénateur Cools à ce moment-là.
Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je suis très ouverte à cela. Peut-être aurais-je mieux fait d'obtenir le consentement de soulever cette question demain, mais c'est l'une des situations où les sénateurs se sentent coincés par le Règlement, qui dit que ces questions doivent être soulevées à la première occasion. Par conséquent, si j'avais tenté de la soulever demain, j'aurais eu des problèmes. J'aurais été heureuse d'attendre à demain.
De plus, je ne sais pas exactement sur quel article du Règlement le Président se fonde pour ajourner le débat sur cette question.
Son Honneur le Président: Je n'ajourne pas le débat sur cette question, honorables sénateurs. Je me fie simplement au paragraphe 18(3) du Règlement, qui dit ceci:
Lorsque le Président doit se prononcer sur une question de privilège ou sur un rappel au Règlement, il lui appartient de juger si les arguments présentés sont suffisants. Le Président communique alors sa décision au Sénat et poursuit les travaux interrompus, ou passe à la question suivante, selon le cas.
Le sénateur Cools a demandé qu'une décision soit rendue sur sa question de privilège en l'absence du sénateur dont les remarques ont donné lieu à cette question de privilège. J'ai dit et je répète qu'il convient de dire aux sénateurs ici que je jugerai que les arguments présentés sont suffisants lorsque j'aurai donné au sénateur Jaffer l'occasion de se faire entendre sur cette question de privilège.
Des voix: Bravo!
[Français]
LE RÔLE DE LA CULTURE AU CANADA
INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Jean-Robert Gauthier, ayant donné avis le mercredi 19 septembre 2001:
Qu'il attirera l'attention du Sénat sur le rôle important de la culture au Canada et de l'image que nous projetons à l'étranger.
— Honorables sénateurs, cette interpellation propose un débat sur le rôle important de la culture au Canada et de l'image que nous projetons à l'étranger. Ce sujet m'a toujours passionné. Il me rappelle quelques souvenirs alors qu'un comité mixte permanent de la Chambre et du Sénat, en 1994, avait étudié la politique étrangère du pays et décidé d'inclure un chapitre sur la culture. Jamais auparavant cette question de la culture n'avait été incluse dans un tel rapport.
Je ne veux pas aujourd'hui prendre le temps du Sénat pour en discuter. Ce sujet m'intéresse au plus haut point. Je voudrais tout simplement entamer le débat en disant que j'ai demandé à la Bibliothèque du Parlement de me fournir les tableaux qu'elle a mis à jour. Elle nous avait aidés, en 1994, à déterminer l'impact de la culture dans les exportations et les importations et ses effets généraux sur le peuple canadien. Depuis 1994, les exportations culturelles — films, musique et autres instruments culturels — ont connu une augmentation de 10 p. 100 par année, simplement pour les besoins matériels.
En initiant ce débat, j'invite les sénateurs intéressés à cette question à demander à la Bibliothèque une copie du document préparé par elle et intitulé «Promouvoir le rayonnement de la culture et du savoir canadiens à l'étranger», dont l'auteur est Alain Guimont, Division des affaires politiques et sociales.
Honorables sénateurs, j'ai reçu ce document de 15 pages hier. J'aimerais l'étudier plus en profondeur et en reparler à un autre moment.
(Sur la motion du sénateur Gauthier, le débat est ajourné.)
(Le Sénat s'ajourne au mercredi 28 novembre 2001, à 13 h 30.)