Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
1re Session, 37e Législature,
Volume 139, Numéro 91
Le jeudi 21 février 2002
L'honorable Dan Hays, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi de 2001 modifiant le droit criminel
- La Loi sur la corporation commerciale canadienne
- Visiteurs de marque
- Projet de loi sur le Code de la citoyenneté canadienne
- La Loi sur l'hymne national
- Sécurité nationale et défense
- L'hymne national
- La Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable
- La nomination de citoyens honoraires
- La reconnaissance et la commémoration du génocide arménien
- Finances nationales
- Droits de la personne
- L'ajournement
LE SÉNAT
Le jeudi 21 février 2002
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
L'AUGMENTATION DES EXPORTATIONS ALIMENTAIRES
L'honorable Jim Tunney: Honorables sénateurs, je vous apporte aujourd'hui de bonnes nouvelles. Agriculture Canada a récemment annoncé que le Canada avait enregistré de nouveaux records au chapitre des exportations alimentaires. L'an dernier, à la fin de novembre 2001, pour une période de 11 mois, les exportations alimentaires se chiffraient à 24,4 milliards de dollars, ce qui représente une hausse de 4 p. 100 par rapport aux chiffres pour toute l'année 2000. L'excédent commercial alimentaire de 6,7 milliards de dollars dépassait de 21 p. 100 celui de l'année précédente. Comme les honorables sénateurs le savent probablement, le Canada s'est fixé comme objectif d'obtenir 4 p. 100 du marché mondial dans le domaine alimentaire. Les derniers calculs indiquaient que nous avons atteint 3,52 p. 100.
Les exportations de produits alimentaires vers les États-Unis ont augmenté de plus de 17 p. 100, se chiffrant à 15,3 milliards de dollars. L'augmentation s'est principalement concentrée sur la viande et les animaux vivants, en dépit du ralentissement économique aux États-Unis.
Cette année phare constitue un hommage à l'efficience des producteurs et des transformateurs de l'industrie alimentaire canadienne. Notre ministre de l'Agriculture a en effet affirmé que:
[...] le Canada est un fournisseur de choix à l'échelle mondiale pour les clients qui recherchent des produits de haute qualité et de grande fiabilité.
Cette réussite est également un hommage, à mon avis, au travail de deux ministres fédéraux, en l'occurrence le ministre de l'Agriculture, Lyle Vanclief, et le ministre du Commerce international, Pierre Pettigrew. Ils méritent tous deux beaucoup d'éloges.
Dans le Globe and Mail d'aujourd'hui, Loblaws a publié son rapport financier pour 2001, affichant un profit de 563 millions de dollars, ce qui porte la valeur de chacune de ses actions à 2,04 $. C'est une augmentation considérable par rapport aux résultats de l'exercice précédent.
Honorables sénateurs, je serais ravi de pouvoir vous dire que les agriculteurs, soit les producteurs de ces aliments, peuvent présenter le même niveau de profit que les transformateurs et les détaillants de l'industrie alimentaire canadienne.
VISITEUR DE MARQUE
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de l'honorable Mitchell Sharp.
Nous lui souhaitons la bienvenue.
Des voix: Bravo!
AFFAIRES COURANTES
SÉCURITÉ NATIONALE ET DÉFENSE
L'EXAMEN DES SOINS DE SANTÉ OFFERTS AUX ANCIENS COMBATTANTS—BUDGET ET DEMANDE DE L'AUTORISATION D'ENGAGER DU PERSONNEL ET DE SE DÉPLACER—PRÉSENTATION DU RAPPORT DU COMITÉ
L'honorable Michael A. Meighen, au nom du sénateur Kenny, président du Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense, présente le rapport suivant:
Le jeudi 21 février 2002
Le Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense a l'honneur de présenter son
QUATRIÈME RAPPORT
Votre Comité, autorisé par le Sénat le 4 octobre 2001 que le Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité soit autorisé à examiner, pour ensuite en faire rapport, les soins de santé offerts aux anciens combattants qui ont servi au cours de guerres ou dans le cadre d'opérations de maintien de la paix; les suites données aux recommandations faites dans ses rapports précédents sur ces questions; et les conditions afférentes aux services, prestations et soins de santé offerts, après leur libération, aux membres de l'armée permanente ou de la réserve, ainsi qu'aux membres de la GRC et aux civils ayant servi auprès de casques bleus en uniforme dans des fonctions d'appui rapproché, et à faire un rapport sur ces questions; respectueusement, que le Comité soit autorisé à retenir les services d'avocats, de conseillers techniques et de tout autre personnel jugé nécessaire, et à se déplacer à travers le Canada aux fins de ses travaux.
Conformément à l'article 2:07 des Directives régissant le financement des comités du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant, sont annexés au présent rapport.
Respectueusement soumis,
Le président,
COLIN KENNY
(Le texte du budget figure en l'annexe, dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui, à la page 1239.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
Le sénateur Meighen: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)g), je propose que l'étude du rapport soit inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée et l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)
[Français]
(1340)
EXAMEN DE LA RÉGLEMENTATION
AUTORISATION AU COMITÉ MIXTE DE PERMETTRE LA DIFFUSION DE SES DÉLIBÉRATIONS
L'honorable Céline Hervieux-Payette, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)a) du Règlement, propose:
Que, lorsque le ministre des Pêches et des Océans comparaîtra devant le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation au sujet du Règlement sur les permis de pêches communautaires des Autochtones, le Comité soit habilité à permettre la diffusion de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux.
Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
LANGUES OFFICIELLES
DÉPÔT DU SEPTIÈME RAPPORT DU COMITÉ MIXTE
Permission ayant été accordée de revenir à la présentation de rapports de comités permanents ou spéciaux:
L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le septième rapport du Comité mixte permanent des langues officielles concernant les services offerts dans les deux langues officielles par Air Canada.
(Sur la motion du sénateur Gauthier, conformément à l'article 97(3) du Règlement, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)
[Traduction]
PÉRIODE DES QUESTIONS
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
LES ÉTATS-UNIS—L'ALLÉGATION CONCERNANT LE DÉBARQUEMENT DE FORCES EN IRAQ
L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle concerne un article de la Pravda que j'ai mentionné hier et qui révélait que, selon un journal japonais, des soldats américains seraient présents dans le nord de l'Iraq. Est-ce qu'on a vérifié cette nouvelle?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je remercie le sénateur de sa question. Je ne peux pas lui donner plus d'informations que je n'en avais hier, c'est-à-dire que nous n'avons pas entendu parler de la présence de soldats américains là-bas.
LES FINANCES
LE VERSEMENT EXCÉDENTAIRE DE PAIEMENTS DE TRANSFERT AUX PROVINCES
L'honorable Terry Stratton: Ma question porte sur un autre sujet, le versement excédentaire de quelque 3,3 milliards de dollars de deniers publics aux provinces, principalement à l'Ontario et au Manitoba. Le gouvernement a laissé entendre qu'il pourrait réduire les paiements de transfert de manière à recouvrer l'excédent versé, mais il semble incapable de se décider.
Une réduction des paiements de transfert toucherait durement le Manitoba, qui se verrait soudainement endettée de 600 millions de dollars, ou 2 100 $ pour une famille de quatre. J'aimerais que madame le ministre me dise que le gouvernement a reconnu son erreur, car le Manitoba a fait son budget en se basant sur les chiffres fédéraux, bien sûr, et que les fonds ont été dépensés. Je ne m'attends pas à ce que madame le leader du gouvernement me réponde tant que le ministre des Finances n'aura pas pris de décision. En revanche, peut-elle à tout le moins indiquer quand le gouvernement prendra sa décision relativement à ce versement excédentaire?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, avant de prendre une décision quant à ce versement excédentaire, le gouvernement a entrepris un réexamen de tous les processus fiscaux pertinents, qu'il a demandé à la vérificatrice générale de revoir. Il est évident qu'aucune décision ne pourra être prise tant que nous n'aurons pas tous les renseignements voulus. Pour l'instant, je crois savoir qu'aucune décision ne sera prise sans que les provinces touchées ne soient consultées.
Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, pour le gouvernement de l'Alberta, qui risque de se voir demander de rembourser 600 millions de dollars, c'est comme s'il avait une épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête. Cela est inquiétant. À l'instar du gouvernement fédéral, les provinces font leur planification budgétaire pour le prochain exercice fiscal, et elles veulent une réponse avant leur prochain budget. Je comprends que le gouvernement fédéral tient à aller au fond des choses comme il se doit, mais pouvons-nous espérer une réponse dans les trois ou dans les six prochains mois? Quand pourrons-nous avoir une réponse?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, il est dans le meilleur intérêt des provinces, surtout le Manitoba, province que le sénateur et moi représentons, que les informations exactes soient d'abord obtenues avant qu'une décision puisse être prise en consultation avec le ministre des Finances du Manitoba, l'honorable Greg Selinger.
[Français]
RÉPONSE DIFFÉRÉE À UNE QUESTION ORALE
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer une réponse différée à une question du sénateur Robertson, posée le 7 février 2002, au sujet des ententes de pêche avec la Première nation de Burnt Church.
LES PÊCHES ET LES OCÉANS
BURNT CHURCH—LE DIFFÉREND CONCERNANT LES PÊCHES—LES PROPOS DE L'ANCIEN MINISTRE
(Réponse à la question posée le 7 février 2002 par l'honorable Brenda M. Robertson)
Le travail auprès des Premières nations en réponse au jugement Marshall rendu par la Cour suprême du Canada demande du temps et beaucoup d'efforts lorsqu'il s'agit d'établir des relations avec les chefs, les conseils et les communautés. En ce qui concerne les premières ententes à court terme conclues après le jugement Marshall, le MPO a signé des ententes de pêche avec 30 des 34 Premières nations visées. Pour ce qui est de la réponse à long terme mise en oeuvre pendant la dernière année, nous avons signé jusqu'ici 18 ententes de pêche. Nous avons beaucoup progressé, et il reste beaucoup à faire.
Des commentaires de l'ancien ministre des Pêches et des Océans, l'honorable Herb Dhaliwal, font écho à cette réalité. Dans des déclarations publiques sur le sujet, le ministre a fait état des progrès réalisés et du travail qu'il restait à faire.
Le 23 octobre 2001 — Le point sur les pêches touchées par le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Marshall.
«Notre travail n'est pas terminé. Ces exemples de réussite ne constituent que des débuts. Nous devons renforcer les liens que nous avons tissés. Néanmoins, les progrès que nous avons faits depuis l'année dernière sont encourageants.»
L'actuel ministre des Pêches et des Océans, l'honorable Robert Thibault, abonde dans le même sens, comme en témoigne sa déclaration du 16 janvier: «Je pense que nous avons fait un bon bout de chemin [...] Je pense qu'il faut continuer nos efforts [...] Je crois que nous réaliserons nos objectifs.»
Le défi que représente Burnt Church est particulièrement aigu et délicat. Le 17 septembre 2001, le ministre Dhaliwal faisait d'ailleurs le commentaire suivant au sujet de Burnt Church: «La situation y est délicate.» C'est en raison de cette situation difficile que le ministre Dhaliwal a créé le Groupe d'études sur les relations avec les collectivités de la baie Miramichi. Le ministre Dhaliwal a ainsi chargé M. le juge Guy Richard (ancien juge en chef de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick) et M. Roger Augustine (ancien chef de la Première nation d'Eel Ground) d'examiner l'état actuel des relations entre les communautés autochtones et non autochtones dans la région et de produire un rapport sur la façon dont ces groupes pourraient mieux collaborer ensemble pour atteindre des objectifs communs. Lorsqu'il a créé ce groupe, le ministre a affirmé: «Le jugement Marshall de 1999 a eu des répercussions considérables sur les collectivités de la baie Miramichi et a fait ressortir le besoin, pour les groupes autochtones et non autochtones, de travailler ensemble afin d'assurer l'harmonie sociale et la prospérité économique continue de la région.»
Pour ce qui est du travail auprès de la Première nation de Burnt Church, des fonctionnaires du MPO ont tenu au cours des dernières semaines des réunions avec le chef et le conseil au sujet des pêches. Nous avons déjà commencé à travailler avec la Première nation afin de préparer la pêche de cette année et de jeter les bases d'une entente de pêche à long terme.
[Traduction]
ORDRE DU JOUR
PROJET DE LOI DE 2001 MODIFIANT LE DROIT CRIMINEL
TROISIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Landon Pearson propose: Que le projet de loi C-15A modifié, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois, soit lu une troisième fois.
— Honorables sénateurs, j'aimerais lancer le débat de troisième lecture du projet de loi C-15A, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois.
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a mené une étude approfondie du projet de loi C-15A et porté une attention particulière à ses divers éléments. Hier, le sénateur Milne a déposé le rapport qui contenait deux propositions d'amendement.
Dans le cours de son exposé, le sénateur Milne a repris les principaux éléments du projet de loi et je n'entrerai donc pas dans les détails. Toutefois, j'aimerais dire quelques mots sur les points qui ont été soulevés devant le comité.
Comme les sénateurs le savent bien, le projet de loi C-15A propose d'importantes améliorations au système de justice pénal. Parmi ces nombreuses réformes, on retrouve des mesures qui permettraient de mieux protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle, notamment celle qui s'effectue au moyen d'Internet.
Il est encourageant de constater que ces mesures ont obtenu un fort appui. Les membres du comité et les témoins qui ont comparu dans le cadre de l'étude du projet de loi ont reconnu la nécessité d'offrir une meilleure protection aux enfants contre ceux qui pourraient vouloir profiter de leur vulnérabilité au moyen d'Internet, ainsi que la rigueur et l'efficacité probable des modifications apportées par le projet de loi C-15A au Code criminel à cet égard.
Avant Noël, je suis allée, à titre de chef suppléant de la délégation canadienne, participer au deuxième Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, tenu à Yokohama, au Japon.
(1350)
On a beaucoup parlé, en termes généralement troublants, de l'explosion de ce type d'exploitation grâce aux nouvelles technologies, notamment Internet. Je suis heureuse de voir que les modifications proposées dans le projet de loi C-15A soient si vastes.
Pour rappeler aux honorables sénateurs en quoi consistent les modifications proposées, je signale qu'elles créent une nouvelle infraction criminelle, consistant à leurrer, dans le cas de ceux qui communiquent avec des enfants afin de faciliter la commission d'une infraction d'exploitation sexuelle. Elles créent également de nouvelles infractions consistant à exporter, transmettre et offrir de la pornographie juvénile et à y accéder, afin que la pornographie juvénile soit interdite à toutes les étapes, de la production à la consommation, peu importe qu'on utilise ou non un ordinateur pour commettre l'infraction.
D'autres dispositions du projet de loi contribueront également à protéger les enfants, et cela de la façon suivante: les juges pourront ordonner d'effacer le matériel de pornographie juvénile du système Internet après avoir donné à la personne qui a affiché le matériel pornographique l'occasion de se faire entendre. L'ordre d'effacer ce matériel pourrait être donné même dans le cas où la personne qui a affiché ce matériel est introuvable ou se trouve à l'étranger, ce qui est souvent le cas, étant donné les dimensions internationales de cet horrible crime. Les nouvelles dispositions permettront de confisquer les instruments utilisés pour commettre l'infraction liée à la pornographie juvénile qui appartiennent à la personne trouvée coupable de l'infraction. Les droits de propriété de tiers innocents seront protégés. Toutes les infractions liées à la pornographie juvénile et l'infraction consistant à leurrer s'ajouteront à la liste des infractions à l'égard desquelles un juge peut rendre une ordonnance interdisant au coupable de se trouver à proximité d'enfants. Enfin, le projet de loi C-15A permettra de poursuivre plus facilement au Canada les Canadiens qui commettent à l'étranger une infraction sexuelle à l'égard d'enfants. Cette mesure comble certaines des lacunes du précédent projet de loi sur le tourisme sexuel, et nous espérons qu'il pourra être appliqué plus efficacement. À mon avis, ces mesures contribueront à mieux protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle.
Comme les honorables sénateurs le savent, deux amendements ont été apportés à l'article 5 du projet de loi au comité. L'article 5 crée de nouvelles infractions en matière de pornographie juvénile. Le premier amendement est un amendement de forme qui corrige simplement un oubli. En fait, il répond à une préoccupation soulevée par le sénateur Nolin à l'étape de la deuxième lecture — et nous le remercions de sa vigilance — parce qu'il avait noté un oubli relativement à la nouvelle infraction d'«accès à la pornographie juvénile». Reconnaissant la validité de son point, le gouvernement a proposé au comité un amendement pour veiller à ce que les moyens de défense disponibles à l'heure actuelle relativement à toutes les autres infractions en matière de pornographie juvénile s'appliquent également à l'accès à la pornographie juvénile.
En ce qui concerne le deuxième amendement, l'article 5 du projet de loi crée de nouvelles infractions en matière de pornographie juvénile pour ce qui est de «transmettre» ce type de pornographie ou de la «rendre accessible», afin de veiller à ce que le Code criminel vise toutes les étapes possibles de la «diffusion» de la pornographie juvénile. De cette façon, l'infraction actuelle prévue au Code criminel qu'est la distribution de pornographie juvénile serait élargie pour veiller à ce qu'elle englobe, par exemple, la pornographie juvénile qui est envoyée par courrier électronique d'une personne à une autre, ainsi que la pornographie juvénile qui est affichée sur un site Web sans être distribuée activement.
L'arrivée de ces nouvelles infractions a été bien accueillie par tous, y compris les fournisseurs de service Internet. Cependant, il est également juste de noter que les fournisseurs de service Internet ont fait part au comité de leurs craintes de se voir condamnés pour avoir transmis ou rendu accessible de la pornographie juvénile sans le savoir ou en avoir l'intention, du fait qu'ils ont fourni les «moyens» grâce auxquels la pornographie juvénile a été diffusée.
Je voudrais préciser très clairement que ce n'est pas le cas. Le principe fondamental de notre droit pénal, c'est qu'une infraction ne peut être commise que lorsqu'il y a intention criminelle et acte coupable, un fait que les fournisseurs de service Internet reconnaissent.
Comme dans le cas des autres infractions au Code criminel, il y a deux éléments essentiels à chacune de ces nouvelles infractions, à savoir l'intention de transmettre ou de rendre accessible de la pornographie juvénile et l'acte consistant à transmettre ou rendre disponible cette pornographie. Les infractions prévues au paragraphe 5(2) exigent clairement ces deux éléments. Non seulement il est inutile de parler d'une intention criminelle, mais cela pourrait avoir des répercussions négatives bien réelles et non intentionnelles sur d'autres infractions au Code criminel qui ne parlent pas précisément d'intention, mais qui exigent néanmoins l'intention de commettre l'infraction.
Le comité a proposé un amendement pour tenir compte d'une question soulevée par les FSI. Cet amendement, qui ajoute le paragraphe 5(2.1), me préoccupe vivement. Il exonère de toute responsabilité criminelle les FSI dans tous les cas où «ils ne font que fournir les moyens ou les installations de télécommunications». Cette exonération s'appliquerait même lorsqu'un FSI saurait que ces moyens ou ces installations servent à distribuer du matériel de pornographie juvénile. L'exonération s'appliquerait parce que le FSI ne ferait que tout simplement offrir les moyens ou les installations de télécommunications. Je le répète, cet amendement n'est pas nécessaire, car les FSI qui ignoreraient que leurs installations servent à ces fins seraient tout de même dégagés de toute responsabilité criminelle; en effet, ils n'auraient pas l'élément mental ou l'intention coupable voulus pour commettre une infraction de distribution de matériel de pornographie juvénile.
Rappelons-nous aussi, honorables sénateurs, que le paragraphe 5(2) ne crée pas une catégorie d'infractions ne pouvant être commises que par Internet. Les infractions de pornographie juvénile peuvent être commises par tout moyen, dont Internet.
En modifiant l'article 5 uniquement pour répondre aux préoccupations des FSI, c'est-à-dire en mettant l'accent uniquement sur les moyens de distribution que connaissent le plus les FSI, nous faisons abstraction de ceux qui utilisent d'autres moyens ou installations qui peuvent permettre de distribuer du matériel de pornographie juvénile: un messager, un chauffeur de taxi ou même un camionneur pourraient également servir, à leur insu, comme source ou moyen de transmission de matériel de pornographie juvénile. Ne devrions-nous pas être cohérents et leur accorder la même exemption que celle dont bénéficient les FSI en matière de responsabilité criminelle?
Honorables sénateurs, à mon avis, cet amendement est inutile. Il crée des problèmes tant pour cette disposition que pour d'autres infractions prévues dans le Code criminel. Il me rend également mal à l'aise. Lorsque je me trouvais à Yokohama, j'ai appris avec consternation qu'une énorme quantité d'argent était investie dans le commerce de la pornographie juvénile et que des groupes criminels internationaux faisaient de la promotion et de la publicité sur la pornographie juvénile.
Je ne mets pas en doute l'objectif de cet amendement, à savoir protéger les FSI contre toute poursuite pénale, mais la façon dont il est libellé me laisse perplexe. Qu'est-ce qui peut empêcher les individus louches qui décident de transmettre du matériel de pornographie juvénile et de faire de la publicité par le réseau clandestin, dont nous connaissons tous l'existence, d'invoquer cet amendement à titre de défense pour tenter de prouver qu'on s'est tout simplement servi d'eux?
Je passe maintenant aux autres dispositions du projet de loi sur lesquelles le comité s'est arrêté.
Le projet de loi C-15A propose d'augmenter la peine maximale en cas de harcèlement criminel, d'obliger le juge à considérer l'invasion de domicile comme une circonstance aggravante au moment de déterminer la peine et de criminaliser le fait de désarmer un agent de la paix ou de tenter de le faire. Votre comité a constaté l'appui massif des forces policières en faveur de cette dernière mesure, soit la création d'une infraction réprimant le fait de désarmer un agent de la paix, et l'appui évident des témoins en faveur des autres mesures également. Nous croyons que ces réformes renforceront le système de justice pénale.
Aux audiences du comité, on a aussi accordé beaucoup d'attention aux modifications visant le processus d'examen des allégations d'erreurs judiciaires. Le projet de loi C-15A renferme d'importantes modifications à cet égard. Grâce à ces modifications, l'examen des allégations d'erreurs judiciaires au Canada sera plus efficace, ouvert et responsable. Ces modifications dissiperont les inquiétudes exprimées concernant le processus d'examen prévu aux termes de l'article 690 actuel.
Comme nous l'avons entendu au cours des audiences du comité, certains sont d'avis que le Canada a besoin d'un organisme indépendant formel, comme la Criminal Cases Review Commission, établie en Grande-Bretagne en 1997. Avant de proposer ces modifications, la ministre de la Justice avait rencontré des fonctionnaires britanniques et examiné à fond le système de la Grande-Bretagne. La ministre avait conclu qu'un organisme indépendant ne convenait pas au contexte canadien.
L'expérience canadienne des cas d'erreurs judiciaires ressemble peu à celle du Royaume-Uni. Par exemple, la Criminal Cases Review Commission a été établie à cause d'un conflit d'intérêts perçu du fait que le secrétaire de l'Intérieur était responsable à la fois des corps policiers et des prisons, et de l'examen des allégations d'erreurs judiciaires. Bon nombre des cas impliquaient des allégations de mauvaise conduite mettant en cause des policiers.
Le ministre de la Justice ne se trouve pas dans la même position perçue de conflit que ne l'était le secrétaire de l'Intérieur en Grande-Bretagne. Au Canada, le ministre de la Justice n'est pas responsable de la police ni du régime carcéral. De plus, les provinces sont en grande partie responsables des poursuites.
Après un vaste processus de consultation, le ministre a été convaincu que le ministre fédéral de la Justice devait demeurer chargé du dernier examen du processus de prise de décisions et d'examen extrajudiciaire des déclarations de culpabilité. Ce faisant, on reconnaît et on maintient le champ de compétences traditionnel des tribunaux tout en offrant un recours juste et équitable dans les cas exceptionnels qui, pour l'une ou l'autre raison, sont passés entre les mailles du système de justice conventionnel. Le ministre doit des comptes au Parlement et aux Canadiens.
(1400)
Je tiens aussi à souligner que les réformes à l'étude aujourd'hui dans le projet de loi C-15A proposent bon nombre de nouvelles caractéristiques qui améliorent substantiellement le processus d'examen.
À l'heure actuelle, l'article 690 du Code criminel ne précise pas à quel moment une personne peut demander un examen. Les amendements proposés précisent à quel moment une personne peut le faire. Elle doit avoir épuisé toutes les possibilités d'appel. Cet amendement précisera très clairement que le processus d'examen des déclarations de culpabilité n'est pas une solution de rechange au système judiciaire.
Le pouvoir d'examiner les prétendues déclarations de culpabilité injustifiées sera élargi afin d'y inclure l'examen des infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité.
Les modifications proposées permettront d'élaborer une réglementation qui spécifiera le formulaire requis et l'information et les documents à fournir pour l'examen d'une déclaration de culpabilité. Cela ne manquera pas de rendre le processus plus accessible.
Les modifications prévoient que les étapes du processus d'examen seront énoncées dans les règlements. Ainsi, la tâche sera plus facile pour les demandeurs car tout sera plus ouvert et compréhensible.
À l'heure actuelle, l'article 690 n'accorde pas le pouvoir de faire enquête. Selon les modifications proposées, ceux qui examineraient les demandes au nom du ministre disposeraient des pouvoirs d'enquête appropriés. De cette façon, le processus d'examen pourra être plus complet, efficace et effectué en temps opportun.
Honorables sénateurs, je m'interromps pour souligner que, pendant les travaux du comité, des inquiétudes ont été exprimées concernant l'indépendance perçue des personnes auxquelles ces pouvoirs d'enquête peuvent être délégués. Je crois comprendre que le sénateur Joyal interviendra à ce sujet, que je laisse donc de côté jusqu'à ce moment-là.
Je poursuis avec les facteurs propres au processus d'examen. Les facteurs dont on tiendra compte au moment de déterminer à quel moment un demandeur peut avoir droit à une réparation sont clairement précisés dans les modifications proposées.
Enfin, les ministres de la Justice devront rendre plus de comptes dans la mesure où ils seront tenus de déposer un rapport annuel au Parlement en ce qui concerne les demandes d'examen des déclarations de culpabilité.
Le gouvernement estime que ces modifications constituent à l'heure actuelle le moyen le plus efficace d'améliorer le processus d'examen extrajudiciaire des déclarations de culpabilité.
Honorables sénateurs, comme vous pouvez le constater, le projet de loi C-15A comprend bon nombre de modifications importantes. J'ai parrainé ce projet de loi principalement parce qu'il cherche à mettre à l'abri de l'exploitation sexuelle les membres les plus vulnérables de la société, et plus particulièrement les enfants. C'est sans réserve que je vous demande d'appuyer ces nombreux éléments importants et positifs qui, je n'en doute pas, feront une différence dans la vie des Canadiens. Je suis ravi de présenter aujourd'hui ce document pour marquer l'ouverture de notre débat en troisième lecture.
[Français]
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je ne prendrai pas la parole aujourd'hui. Je sais que le sénateur Joyal veut, à tout le moins, parler de l'article 190 qui, selon moi, est au coeur du débat en troisième lecture. Nous avons abondamment discuté des autres aspects du projet de loi. J'aimerais répondre au sénateur Joyal et, en même temps, au sénateur Pearson. Pour cette raison, je demande l'ajournement du débat au nom du sénateur Joyal.
[Traduction]
(Sur la motion du sénateur Nolin, au nom du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)
LA LOI SUR LA CORPORATION COMMERCIALE CANADIENNE
PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hervieux-Payette, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Milne, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur la Corporation commerciale canadienne.
L'honorable Michael A. Meighen: Je suis heureux d'intervenir à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-41, dont l'objet est d'apporter des modifications mineures à la Loi sur la corporation commerciale canadienne, comme tous les sénateurs le savent.
Nous connaissons maintenant les modifications. La première établit une distinction entre les fonctions du président du conseil et celles du président de la Corporation commerciale canadienne; la deuxième permet à la CCC d'exiger une somme qu'elle considère appropriée pour la prestation de ses services en dehors de l'Accord canado-américain sur le partage de la production de défense et la troisième autorise la CCC à emprunter des fonds sur les marchés commerciaux, jusqu'à concurrence de 90 millions de dollars.
[Français]
Honorables sénateurs, lors de la deuxième lecture de ce projet de loi en décembre, j'ai exprimé clairement mes réserves envers ces amendements ainsi que vis-à-vis d'autres aspects de la Corporation commerciale canadienne, surtout en ce qui concerne l'augmentation du pouvoir d'emprunt à 90 millions de dollars qui semble extrême, et de la composition de son conseil d'administration comprenant des membres dont l'habileté et l'expérience ont peu de rapport avec le travail de la CCC.
Je maintiens mes réserves, surtout par rapport au pouvoir d'emprunt grandement multiplié par neuf. Cela défie l'imagination qu'une société qui effectue la plus grosse partie de ses affaires dans le contexte de l'Accord sur le partage de la production de défense canado-américain, et qui reçoit pour cela des fonds du gouvernement, trouve soudainement ses ressources étirées à un point tel qu'elle soit obligée d'augmenter son pouvoir d'emprunt de 10 millions de dollars à 90 millions de dollars.
[Traduction]
Honorables sénateurs, on peut seulement espérer que la CCC utilisera cette nouvelle capacité d'emprunt pour augmenter sensiblement sa visibilité au Canada et, au même moment, le nombre d'exportateurs canadiens qui feront affaire avec les gouvernements étrangers.
Je tiens ce discours à la lumière de deux faits. Le premier, c'est que la CCC est relativement inconnue comparativement à ses homologues, la Société pour l'expansion des exportations et la Banque de développement du Canada. Le deuxième, c'est que la CCC admet elle-même que plus de 80 p. 100 des exportateurs canadiens n'ont même pas essayé de faire affaire avec des gouvernements étrangers en l'an 2000. On peut seulement espérer qu'une part proportionnelle du nouveau pouvoir d'emprunt de la CCC servira à remédier à ces carences.
On peut, au minimum, compter que les activités de la CCC à l'extérieur de l'Accord canado-américain sur le partage de la production de défense vont augmenter sensiblement. De même, espérons que, avec la croissance de ces activités à l'étranger, augmenteront aussi les occasions pour les professionnels Canadiens — architectes, ingénieurs, designers et même avocats si je peux me permettre — d'exercer leur leadership dans la conclusion fructueuse de ces transactions.
Honorables sénateurs, les Canadiens cachent souvent leur lampe sous le boisseau. Nous avons certains des meilleurs professionnels du monde, et ils veulent et peuvent concurrencer efficacement les meilleurs. J'ai bon espoir que la Corporation commerciale canadienne n'hésitera pas à recommander et à promouvoir leur participation aux plus hauts échelons.
Honorables sénateurs, je me demande également si, à l'avenir, nous ne pourrions pas obtenir un meilleur rapport coût-efficacité en regroupant les activités de la CCC et celles d'EDC, comme le sénateur Kelleher l'a proposé à quelques reprises. On nous répond que les activités des deux organismes sont distinctes, puisque EDC accorde des prêts et assure le risque, ce que la CCC ne fait pas.
Je me demande si ce n'est pas là une distinction trop fine. Ne pourrions-nous pas au moins coordonner, voire regrouper certaines fonctions administratives? La CCC donne une sorte d'assurance lorsque, pour les exportateurs canadiens, elle accorde une garantie d'exécution à des acheteurs du secteur public dans le monde entier. Si elle n'accorde pas de prêts, elle facilite l'accès au financement bancaire pour les entreprises canadiennes qui ont besoin de fonds de roulement pour financer les contrats d'exportation.
Honorables sénateurs, après avoir exprimé ces réserves, je répète que, de ce côté-ci, nous allons maintenir notre appui au projet de loi.
Son Honneur le Président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)
[Français]
VISITEURS DE MARQUE
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je tiens à signaler la présence à notre tribune de Mme Franceline Bugge, récipiendaire du Andrea and Charles R. Bronfman Award in Canadian Studies.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
[Traduction]
(1410)
Honorables sénateurs, je vous signale également la présence à la tribune de notre ex-collègue, l'honorable Sheila Finestone. Je tiens à lui souhaiter un bon retour en cette Chambre.
PROJET DE LOI SUR LE CODE DE LA CITOYENNETÉ CANADIENNE
DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition) propose: Que le projet de loi S-36, Loi concernant la citoyenneté canadienne, soit lu une deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je suis heureux d'appuyer ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. En y réfléchissant bien, il me semble que le Sénat du Canada est extrêmement bien placé pour contribuer à une définition contemporaine de la citoyenneté canadienne digne du XXIe siècle. J'espère que l'étude de cette mesure législative au Sénat nous donnera l'occasion de poursuivre nos travaux dans le domaine de la citoyenneté canadienne, notamment l'étude sur la citoyenneté effectuée par notre Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie, un rapport intitulé «La citoyenneté canadienne: une responsabilité à partager».
Ce rapport recommandait, entre autres, que le Parlement «adopte une nouvelle Loi sur la citoyenneté [...] qui reflète le pluralisme, le bilinguisme officiel et le multiculturalisme de la société canadienne et qui énonce clairement les droits et obligations qui découlent de la citoyenneté».
Honorables sénateurs, j'espère également que notre examen de la citoyenneté canadienne s'inspirera du travail effectué par le Sénat au moment de l'étude du projet de loi C-16 qu'avait présenté le gouvernement mais qui est mort au Feuilleton lorsque des élections générales ont été déclenchées en 2000.
Les honorables sénateurs ne sont pas sans savoir que le Parlement du Canada n'a qu'à deux occasions adopté une loi exhaustive concernant la citoyenneté canadienne; la première fois, en 1947, il a adopté la toute première loi authentiquement canadienne qui portait sur la citoyenneté canadienne. La deuxième fois, environ 30 ans plus tard, soit en 1977, le Parlement a adopté une nouvelle loi — nouvelle à ce moment-là — sur la citoyenneté canadienne. De toute évidence, honorables sénateurs, il est essentiel que le Parlement adopte aujourd'hui une loi concernant la citoyenneté canadienne qui englobe tous les citoyens d'un Canada moderne, le Canada du XXIe siècle.
Avant d'entrer dans le détail du projet de loi S-36 et de la raison pour laquelle nous croyons qu'elle consolide le travail qui a déjà été fait auparavant, je voudrais vous faire part de quelques réflexions sur toute la notion de la citoyenneté canadienne. Comme les sénateurs ne l'ignorent pas, la notion de citoyenneté canadienne a évolué à partir d'une idée limitée aux formes athéniennes classiques dans l'ancienne Grèce jusqu'à une notion moderne élargie aux multiples facettes. Si le citoyen mâle d'Athènes était un membre privilégié d'une petite cité-État, après les révolutions française et américaine, les citoyens sont devenus, du moins au plan théorique, les acteurs politiques d'un État national moderne. En fait, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'idée que les citoyens ont des droits a pris de l'expansion, de même que notre notion de ce que les gouvernements devraient faire pour leurs administrés. Il peut paraître étrange d'appuyer un nouveau code de citoyenneté canadienne, pour citer un juriste américain, mais il n'y a pas de meilleure définition ou description de la citoyenneté que celle de l'ancien juge en chef des États-Unis, Earl Warren, à savoir:
La citoyenneté est un droit fondamental de l'homme, car ce n'est rien d'autre que le droit d'avoir des droits.
L'ancien juge en chef américain était allé jusqu'à qualifier la citoyenneté de «bien inestimable». À bien y penser, nous pouvons nous demander, honorables sénateurs, quelles sont les valeurs que nous partageons en tant que citoyens canadiens — les valeurs sur lesquelles notre pays a été fondé. L'une d'elle est manifestement la liberté. La plupart des pays proclament la liberté, mais le mot est peut-être plus chargé de sens ici qu'ailleurs dans le monde, car je crois que notre société cherche à faire que chacun de ses membres soit libre.
Une autre valeur qui tient à coeur à tous les Canadiens, je crois, est la justice. La justice est aussi une valeur que nous chérissons. Nous croyons qu'il faut aider les moins fortunés de nos localités, de notre pays et, en fait, du monde entier. Nous nous soucions, en tant que société, du bien-être des autres, notamment des personnes que la vie n'a pas beaucoup choyés. La preuve en est que nous tenons à garder et à améliorer notre filet de sécurité sociale, notre tradition en matière de bénévolat et notre engagement à hausser le niveau de vie des autres pays, surtout ceux du tiers monde.
Notre capacité de vivre ensemble en tant que Canadiens repose sur notre générosité les uns envers les autres. En tant que Canadiens, nous voulons partager notre bonne fortune avec les autres, qu'il s'agisse des provinces moins riches au moyen de la péréquation ou des gens moins bien nantis avec qui nous partageons notre richesse. Un autre élément de notre citoyenneté, c'est que nous croyons en l'égalité, mais aussi en la diversité. Nous savons que le fait de traiter les gens de la même façon peut entraîner de grossières inégalités. Tout comme nous tenons à l'égalité, nous tenons aussi à la diversité. Les Canadiens ne demandent pas aux immigrants de se fondre dans le grand tout canadien. Le respect pour les autres, pour les différences, contribue à l'unité et il a contribué à l'édification du pays. Nous respectons la diversité parce que c'est une des caractéristiques des Canadiens.
Ce mois-ci est le Mois de l'histoire des Noirs et les Canadiens estiment que l'histoire des Noirs fait partie de la leur. La citoyenneté, honorables sénateurs, est un véhicule par lequel nous pouvons partager et célébrer les valeurs auxquelles tiennent les Canadiens. C'est notre citoyenneté qui est le moyen par lequel tous les habitants du Canada peuvent participer à la vie du pays. Par leur participation se nouent de sains liens.
(1420)
Comme l'a dit le réputé politologue canadien Alan Cairns: «Nous devrions considérer la citoyenneté comme étant une de ces institutions centrales par lesquelles nous nous gouvernons.»
La citoyenneté donne un sens d'appartenance tant aux gens qui sont nés au Canada qu'à ceux qui viennent de partout dans le monde pour y élire domicile. Le modèle proposé dans le projet de loi comporte une loi de la citoyenneté canadienne moderne reflétant les 33 millions de Canadiens que nous sommes plutôt qu'une simple loi de naturalisation comme la Loi sur la citoyenneté canadienne de 1947 et de celle 1977. J'espère que le Sénat du Canada favorisera un modèle de citoyenneté canadienne dans lequel chacun des Canadiens se reconnaîtra et, bien sûr, qui fournira les moyens de la naturalisation.
De toute évidence, la citoyenneté est assortie de droits acquis du fait de l'appartenance à une collectivité. Il est intéressant de signaler que, dans notre Charte canadienne des droits et libertés, il n'y a que trois droits qui sont limités aux titulaires de la citoyenneté canadienne. En bons Canadiens que nous sommes, nous avons décidé de conférer des droits à tout le monde au Canada. Le droit de vote est toutefois l'un des trois droits qui, aux termes de notre Charte des droits et libertés, est accordé aux citoyens canadiens. Le droit de siéger au Parlement et tous les autres droits et libertés énoncés dans notre Constitution, y compris la Charte, s'appliquent aux citoyens canadiens et à d'autres.
La citoyenneté ne se résume pas à un ensemble de droits, et c'est peut-être pour cela, après réflexion, qu'il y a une certaine sagesse dans la façon dont la Charte canadienne des droits et libertés a été conçue et dans le fait qu'il ne s'agit pas simplement de la clé permettant d'obtenir des droits. La citoyenneté suppose l'octroi de certains droits, mais est aussi assortie de responsabilités publiques correspondantes qui consistent à contribuer à l'intérêt ou au bien commun. Il y a un équilibre par rapport aux droits conférés aux citoyens, comme en témoigne l'exercice des responsabilités sociales, politiques et économiques. Les citoyens devraient contribuer à l'amélioration de leur pays, sur les plans matériel, social et culturel.
Les citoyens canadiens sont des membres égaux d'une nation libre assujettie au principe de la primauté du droit et ils partagent à la fois des privilèges et des responsabilités. De nos jours, les citoyens sont les légataires de ceux qui les ont précédés, les autochtones et les immigrants de nombreuses origines. Nous sommes, honorables sénateurs, les fiduciaires de ceux qui nous suivront.
Pour toutes ces raisons, nous croyons que les Canadiens ont actuellement besoin d'un nouveau code de la citoyenneté canadienne, un code de citoyenneté qui vise tous les Canadiens, ceux qui sont nés au Canada et ceux qui ont choisi d'obtenir la citoyenneté canadienne. Ce que nous envisageons, c'est une célébration de l'égalité, une célébration de la citoyenneté.
Le projet de loi S-36 est assorti d'un préambule qui décrit la citoyenneté canadienne comme une richesse qu'il est indispensable «de sauvegarder et de valoriser». Le préambule fait état des riches traditions juridiques du Canada issues du Code civil et de la common law, y compris la Déclaration des droits et la Charte des droits et libertés. Ce préambule fait état de nos ressources et de nos institutions démocratiques, ainsi que de notre engagement à défendre la paix dans notre pays et à l'étranger.
Dans l'avant-dernier paragraphe du préambule, nous reconnaissons:
[...] que tous les citoyens du Canada bénéficient de la paix et de la prospérité qui y règnent et qu'ils doivent se voir accorder la possibilité d'y apporter une contribution à la mesure de leurs talents et aptitudes;
Honorables sénateurs, nous avons estimé qu'un nouveau code de la citoyenneté canadienne qui vise toutes les personnes au Canada devrait être assorti d'un préambule. Je reconnais que c'est tout un défi de devoir s'entendre sur la poésie d'un préambule; c'est pour cette raison que les sénateurs devraient peut-être faire leur part en l'examinant et en voyant comment il serait possible de l'améliorer. L'idée, c'est de participer au processus, de manière à ce que nous ayons le meilleur code de la citoyenneté canadienne possible. En d'autres termes, il s'agit de considérer le projet de loi à cette étape-ci comme un projet en évolution.
Le projet de loi propose une version modernisée du serment d'allégeance qui, comme les honorables sénateurs le constateront, est identique à celui qui était énoncé dans le projet de loi C-16, une mesure législative que le gouvernement a présentée au cours de la dernière législature, mais qui est morte au Feuilleton au moment du déclenchement des élections. Le projet de loi permet aux personnes qui jouissent déjà du statut de citoyen de prêter ce serment afin de réaffirmer, si elles le souhaitent, leur allégeance au Canada.
En gros, la partie 1 du projet de loi établit la Commission de la citoyenneté canadienne, dont le travail consistera à favoriser une meilleure compréhension de la nature de la citoyenneté et le respect de sa valeur. La commission conseillera également le ministre du Patrimoine canadien et le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration sur les programmes et les événements proposés en vue de promouvoir et de célébrer le Canada et la citoyenneté canadienne. Des conseillers de la citoyenneté seront nommés pour continuer le travail effectué auparavant par les anciens juges de la citoyenneté. Ces conseillers présideront aux cérémonies de remise des certificats de citoyenneté, feront la promotion de la citoyenneté et pourraient être appelés à conseiller le ministre à propos des demandes de citoyenneté. Les membres de la commission seront choisis parmi les personnes qui occupent les fonctions de conseiller de la citoyenneté.
La partie 2 du projet de loi S-36 confirme les principaux droits et les responsabilités des citoyens et explique la façon d'obtenir la citoyenneté canadienne. Elle assure l'acquisition de la citoyenneté à la naissance à toutes les personnes nées au Canada. Le critère de résidence pour les immigrants et les réfugiés désireux d'obtenir la citoyenneté canadienne sera fondé sur la durée réelle de la résidence au Canada.
La distinction entre un enfant adopté et un enfant né à l'étranger de parents canadiens a été atténuée aux fins de l'acquisition de la citoyenneté. Le droit de transmettre la citoyenneté à des personnes nées à l'étranger de parents canadiens se limite à la première et à la seconde générations. L'article 18 établit clairement qu'il n'y a pas de différence dans les résultats des deux méthodes d'acquisition de la citoyenneté: à la naissance ou par voie de naturalisation. Le citoyen profite des mêmes avantages et est soumis aux mêmes obligations.
La partie 3 du projet de loi traite de la naturalisation. L'article 30 expose le principe général du maintien de la citoyenneté canadienne. C'est cet article qui a posé le plus de difficulté à de nombreux sénateurs des deux côtés de la Chambre au cours de la dernière législature. Le projet de loi S-36 prévoit toujours un moyen de révocation de la citoyenneté et le droit du ministre d'interdire l'attribution de la citoyenneté. Ces mesures sont cependant sujettes à un examen par la Cour fédérale, ce qui n'était pas prévu dans le projet de loi C-16.
(1430)
Je crois que l'intégrité de la citoyenneté canadienne est protégée par ce projet de loi. En même temps, les personnes concernées seront avisées et auront droit à un examen de la décision de l'exécutif par les tribunaux.
Enfin, le projet de loi établit un code de la citoyenneté canadienne qui fait ressortir l'égalité entre ceux qui sont nés ici et ceux qui choisissent le Canada. Il précise les privilèges, les droits et les obligations assortis à la citoyenneté. Tout en assurant la protection de l'intégrité de la citoyenneté canadienne, le projet de loi à l'étude nous force à établir une procédure équitable, au moyen de l'accès aux tribunaux, dans les cas où l'exécutif interviendrait pour refuser ou révoquer la citoyenneté canadienne.
Honorables sénateurs, j'espère que les sénateurs auront des idées et suggestions novatrices à faire pour améliorer ce projet de loi. Je ne vois pas cette question comme une question partisane. J'espère donc que le Sénat, compte tenu de sa sagesse et du travail qu'il a fait dans le passé en ce qui a trait à la citoyenneté canadienne, pourra apporter une précieuse contribution à l'établissement d'un code de la citoyenneté canadienne du XXIe siècle dont nous serions tous fiers et que les Canadiens verraient comme le reflet d'eux-mêmes, quel que soit l'endroit où ils aient élu domicile dans ce beau pays qu'est le nôtre.
Sur ce, honorables sénateurs, je vous invite à réfléchir à cette question et j'attendrai avec impatience que nous en poursuivions l'étude.
(Sur la motion du sénateur Cook, le débat est ajourné.)
LA LOI SUR L'HYMNE NATIONAL
PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Vivienne Poy propose: Que le projet de loi S-39, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national afin d'englober tous les Canadiens et Canadiennes, soit lu une deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je remercie tous ceux d'entre vous qui ont parlé en faveur d'une telle modification durant le débat sur l'interpellation l'an dernier, les sénateurs qui m'ont exprimé leur appui en privé ainsi que les nombreux Canadiens qui m'ont écrit à ce sujet, dont certains sont présents à la tribune aujourd'hui. Je remercie sincèrement Frances Wright, Jeanne d'Arc Sharp et le comité spécial de la Fondation Famous 5 pour avoir lancé la pétition concernant la modification de l'hymne national en juillet dernier sur la colline du Parlement. Je suis maintenant heureuse de parler du projet de loi C-39, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national afin d'englober tous les Canadiens et Canadiennes.
Je vais commencer par donner un aperçu des modifications précises des paroles de l'hymne national que je propose dans le projet de loi. J'expliquerai ensuite pourquoi je crois que ce changement est approprié sur les plans social, linguistique et idéologique. Enfin, j'aborderai certaines critiques selon lesquelles aucun changement n'est nécessaire ni justifié.
La modification que je propose à l'hymne national est mineure. Les mots anglais «thy sons» seraient remplacés par les mots «of us» pour que l'ensemble puisse se lire comme suit: «True patriot love in all of us command.» Deux mots changeraient. C'est tout.
Je dois signaler que la décision de choisir les mots «of us» n'est pas la mienne. Elle est plutôt fondée sur les réponses du public et sur les discussions avec des linguistes et des historiens de la musique. D'après la plupart des lettres que j'ai reçues et selon certains experts, ces deux mots permettent de conserver le sens fondamental du texte et la poésie de la ligne tout en s'adaptant bien à la musique. De plus, ils concordent avec la tradition historique. Je reviendrai sur ce point plus tard.
Il y a eu une certaine confusion depuis que j'ai fait mon interpellation sur cette question. Je vais donc expliquer ce que le projet de loi n'est pas destiné à faire. Je n'ai pas l'intention de proposer la modification de la version française de l'hymne national. Je ne propose pas non plus la suppression de la mention de Dieu. Je ne propose pas non plus que d'autres parties rarement chantées de l'hymne soient modifiées. L'objet du projet de loi est simplement d'actualiser l'hymne pour qu'il reflète mieux la société actuelle et intègre plus de la moitié de la population.
Honorables sénateurs, vous pourriez vous demander pourquoi il convient de changer l'hymne. La meilleure réponse à cette question se trouve probablement dans les nombreuses lettres que j'ai reçues de femmes et d'hommes qui m'ont demandé de présenter ce projet de loi.
J'aimerais lire aux honorables sénateurs une lettre que j'ai reçue du Dr Marguerite Ritchie en réaction à mon interpellation au sujet de l'hymne national. Elle remonte au temps où elle a appris l'hymne national à l'école primaire. Voici ce qu'elle a écrit:
Je garde un souvenir très vivace de mon premier jour à l'école lorsque nous avons chanté «Ô Canada». J'ai compris immédiatement qu'étant une fille, je ne comptais pas au Canada.
De même, adolescente impressionnable de 14 ans, Catherine Clark s'était rendu compte que l'hymne national l'avait oubliée. Voici ce qu'elle a écrit au Toronto Star:
Ce qui avait frappé mon jeune esprit en cette Fête du Canada, c'est l'expression «in all thy sons command» et le fait que notre hymne national ne tenait pas compte de moi ni de personne d'autre du même sexe.
Cette modification de l'hymne vise non seulement notre génération, mais les générations futures de petites filles et de petits garçons. C'est à cause de ces enfants que Judith Olson, professeure de musique, a lancé le Ô Canada! Fairness Committee pour obtenir la modification de l'hymne national en 1993. Dans ses classes de musique, Mme Olson dit que ses étudiants, et surtout les filles, lui demandaient: «Et pourquoi pas les filles? Ne comptons-nous pas?»
John Goldie a écrit dans la même veine, m'exhortant à poursuivre cette campagne parce que, m'a-t-il dit, «Je ressens depuis longtemps de l'embarras parce que notre hymne national ne tient compte ni de ma femme ni de ma fille.»
Donald Jackson m'a écrit ce qui suit:
J'ai atteint 80 ans. Je suis un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale. Cela m'ennuie depuis un certain temps que les paroles de notre hymne national «true patriot love in all thy sons command» semblent exclure les femmes. Je crois que ce passage de l'hymne devrait plutôt se lire: «true patriot love in all of us command». C'est un changement simple, mais il inclurait tous les Canadiens, pas seulement les hommes.
Dans des lettres que j'ai reçues, beaucoup de gens me disent qu'ils substituent déjà leur propre version aux mots «thy sons» lorsqu'ils chantent l'hymne national. Je sais qu'un certain nombre d'honorables sénateurs, y compris le sénateur Pearson et moi-même, le font également.
Dans des églises telles que l'Église unie du Canada et l'Église presbytérienne, les paroissiens se voient offrir dans leur hymnaire la possibilité de remplacer «in all thy sons command» par une version plus inclusive. La bible moderne la plus vendue, la New International Version, vient d'être mise à jour pour que tous les paroissiens se sentent inclus. Par exemple, le mot «sons» dans Mathieu 5:9 a été remplacé par «children», ce qui donne «children of God». De même, le mot «man» dans Romains 3:28 a été remplacé par «person», ce qui donne «a person is justified by faith». Même la revue Time qui, il y a quelques années, désignait l'«homme de l'année» parle maintenant de la «personne de l'année». Le code typographique anglais de la Presse Canadienne note que des mots tels que «spokesperson» et «chairman» causent à juste titre du ressentiment lorsqu'on les applique à des femmes.
Si nos églises et nos médias peuvent donner le ton pour changer l'usage linguistique de façon que chacun et chacune puisse se sentir membre de la collectivité, ne devrions-nous pas, à titre de collectivité nationale, modifier le texte de notre hymne national pour inclure toutes les Canadiennes et donner à chaque personne un véritable sens d'appartenance?
(1440)
Notre hymne national est l'un des plus importants symboles du Canada. À ce titre, il représente nos idéaux fondamentaux. Même si nous ne réfléchissons pas souvent à la nature de nos symboles et à leur importance dans notre vie, ils représentent nos convictions comme société. Comme l'a écrit Robert Birgeneau, président de l'Université de Toronto, l'hymne est reconnu comme étant «l'une des plus puissantes expressions de notre identité canadienne».
L'hymne revêt un sens particulièrement poignant au cours d'importants événements internationaux, comme les Jeux olympiques d'hiver de Salt Lake City, en Utah. Nous avons de nombreuses femmes athlètes dans notre pays. Ne devrions-nous pas les reconnaître dans notre hymne national? La semaine dernière, lorsque Catriona LeMay Doan était debout sur le podium après avoir remporté la première médaille d'or du Canada aux 500 mètres de patinage de vitesse, n'aurait-il pas fallu la célébrer dans les paroles mêmes de l'hymne pendant qu'on le jouait pour le monde entier?
Comment le Canada se définit-il comme nation dans le monde? Il suffit d'observer la voie que notre pays a empruntée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et de considérer les 20 ans qui ont passé depuis l'adoption de la Charte des droits et libertés en 1982 pour conclure que le Canada se définit par sa culture des droits. Comme Michael Ignatieff l'a écrit dans son livre, La révolution des droits:
Les droits sont plus que des instruments de la loi. Ils sont l'expression de notre identité morale comme peuple.
Que cette forme de révolution des droits ait donné lieu à l'inclusivité est tout à l'honneur du Canada. Les droits des femmes sont inscrits dans la Charte, comme le sénateur Beaudoin l'a noté au Sénat le printemps dernier. Pourquoi donc les femmes devraient-elles être exclues par omission de notre hymne national?
Les Canadiennes méritent-elles moins d'être reconnues que les Australiennes? Le comité qui a examiné les paroles du chant national australien au début des années 80 a décidé de remplacer «Australian sons let us rejoice» par «Australian all let us rejoice», avant même que le chant Advance Australia Fair ne soit officiellement proclamé hymne national en 1984.
En vérité, ce changement simple aurait dû être apporté à l'hymne avant qu'il ne devienne officiel en 1980. Comme les animateurs bien connus du spectacle d'enfants «Sharon, Bram and Friends» me l'ont dit dans une lettre:
Il aurait fallu reconnaître et régler ce problème au moment où les paroles ont été ouvertes à la révision en 1980.
Ne soyons pas inflexibles cette fois-ci parce que nous avons loupé le coche la dernière fois. Réfléchissons aux paroles de l'honorable Mitchell Sharp, aujourd'hui présent à notre tribune, qui m'a écrit ceci à l'appui de cette modification:
J'ai fait partie du gouvernement Pearson qui a adopté notre hymne national et notre unifolié. J'appuie votre effort, car je crois qu'il rendra les paroles de notre hymne national plus acceptables pour les Canadiens. Ceux-ci l'entonneront avec encore plus d'enthousiasme.
Beaucoup des lettres que j'ai reçues venaient d'écrivains, de linguistes, de rédacteurs et d'éducateurs qui sont sensibles au poids des mots. Un écrivain faisait remarquer que nous modifions sans cesse notre langue pour adopter de nouveaux mots qui témoignent des progrès scientifiques, techniques et sociaux et que nous avons supprimé beaucoup de termes racistes au fil des années parce que nous reconnaissons que la langue reflète et façonne à la fois notre façon de penser. Néanmoins, nous semblons réticents à adopter un langage qui exclut les femmes.
Je voudrais examiner ici quelques objections suscitées par cette modification.
Toutes les personnes ou presque qui sont réfractaires à toute modification de notre hymne national invoquent la tradition. Les médias ont rapporté que quelqu'un avait comparé à Shakespeare la version de 1908 de O Canada par l'honorable Robert Stanley Weir et avait dit qu'elle ne devrait pas être modifiée. Je conviens que la version de 1908 de O Canada n'aurait jamais dû être modifiée. Dans le texte original anglais, qui a d'abord été porté à mon attention par Nancy MacLeod, de Toronto, la version de 1908 se lisait comme ceci:
O Canada!
Our home, our native land
True patriot love thou dost in us command
We see thee rising fair, dear land,
The True North strong and free;
And stand on guard,
O Canada,
We stand on guard for thee.
Comme vous pouvez le voir, si nous revenons aux paroles originales de O Canada, notre tradition en tant que Canadiens, même en 1908, est l'inclusivité. Ironiquement, la version originale de 1908 est une meilleure réflection de notre époque que l'hymne que nous chantons aujourd'hui.
Vous vous demandez sans doute pourquoi on a remplacé «us» par «sons». La plus ancienne version imprimée de l'hymne contenant les mots «in all thy sons command» était une chanson intitulée O Canada! Our Father's Land of Old figurant dans le Common School Book publié en 1913. Cette modification est protégée par le droit d'auteur depuis 1914 à la demande de M. Weir.
On se perd en conjectures quant à la raison de ce nouveau libellé. Peut-être, si on en juge par la date, l'a-t-on jugé nécessaire pour accorder une reconnaissance particulière aux fils du Canada du fait que le pays était sur le point d'entrer en guerre.
Au cours du siècle dernier, la version Weir de O Canada a gagné en popularité, mais elle n'était pas sans concurrents. Il existe au moins 26 versions de O Canada. Ironiquement, le titre de la version parue dans le manuel scolaire de 1913 Our Father's Land of Old avait été emprunté à la version Richardson, publiée en 1906. D'autres versions commençaient par «O Canada! Our heritage our love», «O Canada! Our fair ancestral land» et «O Canada, our country fair and free».
Weir lui-même a modifié sa version de O Canada à deux reprises, la première fois en 1914, comme je l'ai déjà dit, et la seconde, peu de temps avant sa mort en 1926, pour y ajouter un quatrième vers d'inspiration religieuse.
À peu près à la même époque, l'Association des cercles canadiens a été l'un des premiers groupes à adopter O Canada comme chant officiel. Veuillez noter que ce groupe à la vénérable tradition s'est déclaré en faveur de la modification que je propose.
En 1968, les paroles de la version Weir ont été modifiées une fois de plus à la suite des recommandations du Comité spécial mixte du Sénat et de la Chambre des communes. Il est donc évident que les paroles de O Canada n'ont jamais été coulées dans le béton. Des modifications y ont été apportées.
Vous en conviendrez tous, les traditions d'aujourd'hui ne sont pas les traditions d'hier. Il y a un peu plus de 80 ans, les femmes n'avaient pas le droit de vote. Il y a à peine 30 ans, la tradition voulait que les femmes restent au foyer et très peu d'entre elles travaillaient dans les professions libérales. Il y a 20 ans, peu de femmes occupaient des postes non traditionnels ou travaillaient pour le gouvernement. Il était également traditionnel d'employer un langage raciste et sexiste d'une manière blessante qui serait inacceptable aujourd'hui. Les choses ont beaucoup changé et je pense que la majorité d'entre vous conviendront avec moi qu'elles ont changé en mieux.
Quoiqu'il en soit, pour ceux qui soutiennent que nous ne devrions pas nous éloigner de l'objectif initial de l'hymne par respect pour la tradition, je conviens que nous devrions revenir à la version originale inclusive de 1908 du juge Robert Stanley Weir et rétablir le mot «us» dans l'hymne national. Ce faisant, nous honorerions l'esprit de l'hymne de Weir.
L'amendement que j'ai proposé a également été critiqué parce qu'il ne serait fondé que sur la rectitude politique. On soutient que les paroles «True patriot love in all thy sons command» désignent ceux qui sont morts au combat et qu'une modification viendrait en quelque sorte diminuer notre reconnaissance à l'égard de la contribution des hommes.
Selon Stuart Lindop, de l'Alberta, c'est le contraire qui est vrai. J'aimerais vous lire, honorables sénateurs, la lettre de M. Lindop. Il parle de la proposition qu'il avait faite en 1993 à son député, M. David Kilgour, visant à modifier l'hymne national pour y inclure les femmes:
En tant qu'ancien combattant, volontaire et blessé au champ d'honneur lors de la libération de la Hollande, je suis très conscient de la contribution des femmes à l'effort de guerre du Canada dans les forces armées, dans l'industrie et sur le front intérieur.
(1450)
M. Lindop poursuit:
Ma motivation n'était pas fondée sur une rectitude politique pointilleuse, mais plutôt sur le désir de faire en sorte que les femmes, qui avaient mérité le droit à la reconnaissance, ne soient pas exclues.
Je mets au défi qui que ce soit d'accuser Stuart Lindop de rectitude politique alors qu'on sait que cet homme de 82 ans est un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale qui faisait partie du South Alberta Regiment, le seul régiment à s'être mérité la Croix de Victoria. M. Lindop m'a écrit récemment pour m'assurer que cette question est de la plus grande importance pour le moral des femmes dans les forces armées. Voici ce qu'il disait:
Subtilement, subliminalement pourrait-on dire, le doute au sujet de sa propre valeur peut avoir une énorme incidence sur le comportement d'une personne dans une situation de crise. Qu'en est-il des femmes qui font partie de nos différentes unités? Leur hymne national ne les considère même pas dignes de mention ou de reconnaissance! Le gouvernement ne s'en soucie peut-être pas.
Compte tenu du rôle des femmes dans les forces armées, dans les missions de maintien de la paix partout dans le monde et notamment dans le conflit en Afghanistan, je crois comme M. Lindop que les femmes méritent d'être reconnues dans notre hymne national. La contribution des femmes à l'histoire du Canada, que ce soit dans la vie militaire ou civile, mérite reconnaissance.
Les honorables sénateurs qui ont des fils et des filles trouveront amusant d'apprendre qu'on m'a dit que le mot «sons» contenu dans notre hymne national a un sens générique et qu'il inclut par conséquent les filles. Si c'était le cas, je me demande pourquoi le mot «daughter» existe. Je sais que je ne suis pas un fils et je ne crois pas que nos filles et petites-filles aimeraient beaucoup être désignées par les mots «sons» et «grandsons».
Certains considèrent ce projet de loi comme insignifiant et inutile et y voient une perte de temps. Ces gens sont souvent ceux qui manifestent l'opposition la plus énergique et la plus durable. D'où la question suivante: si la modification proposée est tellement insignifiante, pourquoi s'y opposer? Ne perdons pas de temps et adoptons le projet de loi. En somme, il s'agit d'une modification mineure, qui est conforme à la langue d'aujourd'hui et à la signification historique initiale de l'hymne tel qu'établi par le juge Robert Stanley Weir, en 1908. Alors, pourquoi modifier l'hymne? Eh bien, pourquoi pas?
Les droits des femmes sont déjà reconnus par l'article 28 de la Charte des droits et libertés. Les droits à l'égalité sont appliqués par tous les niveaux de gouvernement, dans les entreprises privés et de plus en plus dans les familles. Les jeunes femmes qui, aujourd'hui, accèdent en nombre record aux professions dites non traditionnelles souhaitent être reconnues dans l'hymne national.
Il est vrai qu'il reste encore de nombreuses injustices et de nombreux obstacles à écarter. Le projet de loi ne remédiera pas à ces torts, mais il apportera un changement qui reflète la valeur que notre société accorde à l'égalité des droits pour tous au Canada et dans le monde.
La situation des femmes au Canada n'a pas changé du jour au lendemain. Chaque femme qui a, la première, franchi une barrière invisible a tracé la voie aux autres qui l'ont suivie. En ce sens, cette modification législative ne représente qu'un autre modeste pas des femmes sur le long chemin qui mène vers l'égalité.
Comme le disait Maureen McTeer de façon si concise:
Je crois que cette modification confirmera de nouveau le rôle positif que nous avons joué dans notre pays dans le passé et notre détermination à participer à tous les niveaux d'activité dans l'avenir.
Honorables sénateurs, il est clair à mes yeux que nous avons tous intérêt à garantir des chances égales aux générations futures. Nous devons montrer aux Canadiens que les parlementaires ont la volonté de donner un sens réel à l'égalité pour tous les Canadiens.
L'honorable Sheila Finestone se trouve aujourd'hui à notre tribune. Quand elle était secrétaire d'État au Multiculturalisme et à la Situation de la femme, elle avait déclaré ceci:
Les droits à l'égalité sont des droits de la personne — un principe fondamental à la base de la façon dont nous vivons, en période facile comme en période difficile. Il n'est pas une solution, une action, un intervenant qui peut à elle seule ou à lui seul permettre d'atteindre à l'égalité. En ce siècle nouveau, les nations considérées comme les nations dirigeantes du monde seront celles qui auront atteint à l'égalité des sexes.
Faisons un pas de plus dans la bonne direction, honorables sénateurs. Joignons-nous aux nations dirigeantes de ce monde. Je vous demande d'appuyer cet amendement au nom de la justice, de la tradition historique et du fait que c'est la chose correcte à faire dans l'intérêt de tous les Canadiens.
Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, je voudrais déposer des lettres que j'ai reçues d'un peu partout à travers le Canada à l'appui de cet amendement ainsi qu'un certain nombre de documents qui ont rapport avec ce débat.
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée au sénateur Poy de déposer ces documents?
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, avant que cette question ne soit mise aux voix, le sénateur Corbin a dit que c'est au comité qu'il faut déposer ces documents.
Madame le sénateur Poy sait que je ne suis pas d'accord avec elle sur le fond de ces questions mais, dans la mesure où elle a indiqué qu'elle désirait déposer certains documents, je pense qu'il faut le consentement unanime de la Chambre. Si le sénateur Corbin n'est pas d'accord, qu'il le dise.
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs la permission est-elle accordée au sénateur Poy de déposer ces documents?
Des voix: D'accord.
[Français]
L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, je n'ai pas encore décidé si j'allais appuyer ce projet de loi. Je désire d'abord entendre tous les discours et attendre les résultats de l'étude en comité.
L'honorable sénateur Poy pourrait-elle nous dire pourquoi elle n'a pas proposé d'apporter des changements à la version française de l'hymne national, qui inclut des mots comme «frères», «pères» et «Roi» qui, selon moi, sont beaucoup moins neutres? Si le sénateur désire être cohérente avec les changements proposés, ne devrait-elle pas examiner la version française également?
[Traduction]
Le sénateur Poy: Pour répondre à la question de l'honorable sénateur, si j'ai procédé avec la version anglaise, c'est parce que je connais bien l'anglais et parce que je ne connais pas bien le français. Je n'essaie jamais de faire une chose dans un domaine que je ne connais pas assez bien. Il est certain que n'importe quel sénateur qui le désire peut proposer une modification pour changer la version française.
Je n'essaierais jamais de faire une chose pour laquelle je ne me sens pas sûre de moi. Je sais également que la version française est très différente de la version anglaise.
Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, avec la permission du sénateur Poy, j'aimerais obtenir quelques précisions.
Le sénateur Poy a laissé entendre que les paroles de l'hymne initial de 1908 étaient différentes. Les honorables sénateurs ne devraient pas oublier qu'en 1908, le O Canada n'était pas l'hymne national du Canada. Jusqu'à tout récemment, l'hymne national du Canada était le God Save the Queen.
J'ai deux questions à l'intention de l'honorable sénateur.
(1500)
Premièrement, sur le plan historique, dans des pays comme le nôtre et les États-Unis d'Amérique, on a toujours considéré que l'hymne national était un morceau de musique qui émanait de la communauté en général, de ce que la Constitution britannique appellerait la common law, l'homme ordinaire, les gens ordinaires. On n'a vraiment jamais considéré que les hymnes nationaux devraient être des créatures ou des créations du Parlement.
Honorables sénateurs, madame le sénateur Poy peut-elle nous dire pourquoi elle suggère que cet hymne devienne une créature du Parlement? Une fois cette modification adoptée, je pense que l'on en proposera beaucoup d'autres. Le sénateur Poy peut-elle nous dire pourquoi elle propose que nous fassions de l'hymne national du Canada non pas quelque chose qui vient d'en bas, de la population elle-même, mais quelque chose qui vient d'en haut, des assemblées législatives, et est imposé aux habitants du pays? Voilà ma première question.
Le sénateur Poy: La Loi de 1980 sur l'hymne national a été adoptée par le Parlement et a fait du Ô Canada l'hymne national officiel du Canada. Cela n'a rien de nouveau, car cette loi a été adoptée par les deux Chambres en 1980.
Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, il est inexact de dire que «ce n'est pas nouveau». Malgré toutes ses contraintes, le Parlement de l'époque a voulu être le plus logique possible. Il a compris que son rôle ne consistait pas à semer la pagaille dans l'hymne national.
Les hymnes nationaux sont habituellement traditionnels. C'est le propre de leur nature. Ce sont des pièces de musique généralement héritées du passé qui sont adoptées; elles tendent vers le passé plutôt que vers l'avenir.
J'aurai l'occasion de revenir sur le sujet au cours du débat. Le sénateur Poy sait que je m'oppose à cette motion. Le sénateur Poy sait également que je n'accepte pas son analyse de l'histoire. Je ne suis pas du tout d'accord avec cette motion. En réalité, c'est tout le contraire. Les honorables sénateurs n'ont qu'à consulter Blackstone et les grands exégètes de la common law.
J'en arrive à ma question.
Des voix: Le vote.
Le sénateur Cools: Je propose que le débat soit ajourné.
Son Honneur le Président pro tempore: L'honorable sénateur Cools, appuyée par l'honorable sénateur Adams, propose que le débat soit ajourné jusqu'à la prochaine séance du Sénat.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: Non.
Le sénateur Cools: J'invoque le Règlement.
Son Honneur le Président pro tempore: Je donne la parole au sénateur Kinsella.
Le sénateur Cools: La réalité est que nous avons débattu la question pendant trois minutes et nous pouvons voir qu'elle peut susciter un désaccord.
Des voix: Asseyez-vous.
Son Honneur le Président pro tempore: À l'ordre!
Le sénateur Cools: J'ai la parole.
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, en ce qui concerne l'ordre, je crois qu'il serait rétabli si le sénateur Beaudoin, qui a déjà exprimé le souhait d'intervenir dans ce débat, se voyait donner la parole maintenant. Si cela peut faciliter les choses, je propose que le sénateur Beaudoin ait maintenant la parole.
L'honorable Marcel Prud'homme: J'ai déjà assisté à un tel débat à la Chambre des communes du temps des premiers ministres Diefenbaker et Pearson. Qu'on accorde la parole au sénateur Beaudoin. Sa motion est sujette à débat.
Le sénateur Cools: Elle est très sujette à débat.
Le sénateur Prud'homme: Je suis troublé par l'acrimonie que suscite ce débat. On y entend de nombreuses insanités. Le sénateur Forrestall et moi sommes les deux seuls membres survivants du comité créé par le premier ministre Pearson en 1967. J'aurais espéré que ce débat se déroule sans acrimonie, mais je vois que ce n'est pas le cas.
J'ai couru de mon bureau pour revenir ici à deux reprises. Puisque le sénateur Comeau a posé une question à madame le sénateur Poy, c'est elle qui a la parole. Je voulais poser à mon tour une question au sénateur Poy.
Son Honneur le Président pro tempore: Nous devons nous prononcer sur une motion d'ajournement du débat. Le sénateur Cools a proposé l'ajournement du débat. Les honorables sénateurs sont-ils en faveur de l'ajournement de ce débat jusqu'à la prochaine séance du Sénat?
Le sénateur Kinsella: La motion sur laquelle nous devons nous prononcer est celle visant à accorder la parole au sénateur Beaudoin. C'est une motion pouvant faire l'objet d'un débat. On pourra ensuite passer au vote.
Le sénateur Prud'homme: Nous devons d'abord nous prononcer sur l'ajournement.
Son Honneur le Président pro tempore: Deux sénateurs étaient prêts à prendre la parole, mais le sénateur Cools a proposé l'ajournement. Nous devons nous prononcer sur la motion d'ajournement.
Le sénateur Cools, appuyée par le sénateur Adams, propose l'ajournement du débat jusqu'à la prochaine séance du Sénat. Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?
Des voix: Non.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président pro tempore: Que ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président pro tempore: Que ceux qui s'y opposent veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président pro tempore: À mon avis, les non l'emportent.
L'honorable Jack Wiebe: Honorables sénateurs, pour mon édification personnelle, un sénateur ayant reçu la permission de poser une question peut-il ajourner le débat?
Son Honneur le Président pro tempore: La motion visant à ajourner le débat est rejetée. Le débat continue. Je donne la parole au sénateur Beaudoin.
[Français]
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je désire participer au débat sur le projet de loi S-39 présenté par le sénateur Poy concernant une modification à notre hymne national.
À première vue, la version anglaise de notre hymne national apparaît discriminatoire envers les Canadiennes. J'estime, d'entrée de jeu, qu'il est possible de modifier l'annexe de la Loi sur l'hymne national.
C'est sur la question historique et juridique que portera surtout mon intervention. La Charte canadienne des droits et libertés de 1982, qui est au coeur de notre Constitution, contient une disposition fort importante qui consacre l'égalité des deux sexes.
[Traduction]
Il s'agit de l'article 28, dont voici le texte:
Indépendamment des autres dispositions de la présente charte, les droits et libertés qui y sont mentionnés sont garantis également aux personnes des deux sexes.
[Français]
Cet article fait en sorte que l'article 33, la clause dérogatoire, qui s'applique à l'article 15 qui porte sur l'égalité, ne peut, selon nous, s'appliquer au principe d'égalité des deux sexes. Aucun législateur ne peut, en recourant à la clause «nonobstant», prévue à l'article 33, édicter une mesure violant l'égalité entre hommes et femmes.
Qu'en est-il de l'article 1 de la Charte, qui porte sur des restrictions raisonnables possibles à l'égalité?
[Traduction]
Les professeurs William Black et Lynn Smith ont rédigé des articles sur le sens de l'article 28 de la Charte. Dans la troisième édition de notre ouvrage collectif, Beaudoin et Mendes, La Charte canadienne des droits et libertés, aux pages 894 et 895, il est dit ce qui suit:
(1510)
L'histoire législative et le libellé de l'article signifient également que l'article 28 empêche qu'on contourne la loi en vertu de l'article 33 pour permettre la discrimination sexuelle. En outre, il modifie probablement le pouvoir de maintenir une loi, un programme ou une activité discriminatoires en vertu de l'article 1, du moins lorsque les restrictions proposées nient, dans l'esprit ou dans les faits, la jouissance égale de droits ou libertés garantis dans la Charte.
[Français]
L'article 28 de la Charte nous fournit un point d'appui fort important.
[Traduction]
Le Canada est probablement la démocratie parlementaire qui protège le mieux l'égalité entre les femmes et les hommes. L'article 28 de la Charte protège cette égalité. En outre, il commence par une disposition d'exemption indiquant bien qu'il s'agit d'un article très spécial.
[Français]
Comme vient de le mentionner le sénateur Poy, l'hymne national fait partie de nos symboles. Ces derniers sont importants.
Le projet de loi S-39 a essentiellement pour objet de changer les mots «thy sons» par les mots «of us» dans la version anglaise. Il s'agit, et cela est d'une importance cruciale, d'un retour au libellé original de l'auteur R.S. Weir, c'est-à-dire à la première version anglaise de notre hymne national.
Ma collègue, le sénateur Vivienne Poy, a donné plusieurs raisons pour lesquelles il est tout à fait indiqué de changer deux mots dans notre hymne national. Je ne reviens pas sur les arguments qu'elle a bien décrits et expliqués. L'un cependant a produit chez moi un vif effet. C'est celui qui affirme que l'amendement revient à la version originale. Les mots «of us» étaient déjà dans la version originale, et c'est à la veille du conflit de 1914-18 que les mots ont été changés. Les mots «of us» écrits en 1908 sont plus respectueux de nos valeurs actuelles que la présente version de notre hymne national.
Il ne faut pas oublier que la reconnaissance de l'égalité des hommes et des femmes est l'un des plus grands événements du XXe siècle. Le Canada, sur ce plan, est l'un des pays les plus avancés au monde. On se souvient que l'amendement constitutionnel qui devait reconnaître l'égalité des hommes et des femmes dans la république voisine n'a pu voir le jour étant donné que le nombre d'États requis pour ce faire n'a pas été atteint. Le Canada fait l'envie de bien des démocraties.
On constate, depuis quelques années, dans des milieux comme les universités, les médias et les parlements, une tendance à féminiser les titres, les fonctions et les désignations qui, autrefois, n'étaient utilisés qu'au masculin. Je mentionne par exemple les mots suivants: premier ministre, sénateurs, professeurs, auteurs, écrivains, présidents et plusieurs autres. Ce mouvement est de plus en plus accepté.
[Traduction]
Il faut toutefois faire la distinction entre le problème dont nous sommes saisis et la célèbre affaire «personne». Dans l'affaire Muir Edwards de 1930, notre tribunal de dernier recours à l'époque, c'est-à-dire le comité judiciaire du Conseil privé, a décidé que le terme «personne», à l'article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867, incluait les femmes. Le Parlement du Canada n'a pas modifié la Constitution du Canada. C'était une décision judiciaire, une question d'interprétation de la Constitution.
[Français]
La Constitution canadienne est composée de trois éléments: les textes constitutionnels, l'interprétation par les tribunaux de ces textes et les conventions de la Constitution. Le célèbre arrêt du Conseil privé de 1930 fait donc partie de notre Constitution.
Certains diront qu'il faut éviter de réécrire des poèmes ou des oeuvres littéraires. C'est vrai. Je l'accepte. Cependant, on revient ici à la version originale de 1908 et aux deux mots «of us» de l'auteur R.S. Weir lui-même. C'est lui qui a utilisé ces mots et non pas nous qui les avons inventés.
[Traduction]
Pour conclure, je dirais qu'il n'y a qu'une chose qui compte, soit la discrimination entre les sexes. Nous serions justifiés d'apporter une telle modification, compte tenu de l'article 28 de notre Charte des droits et libertés.
[Français]
Cette Charte fait l'envie du monde.
[Traduction]
Honorables sénateurs, je propose que nous votions en faveur du projet de loi S-39, comme l'a proposé le sénateur Poy.
Le sénateur Cools: Le sénateur Beaudoin répondrait-il à une question?
Le sénateur Beaudoin: J'aime les questions, mais j'hésite à répondre à certaines d'entre elles.
Le sénateur Cools: Ma question est toute simple. Si je comprends bien, il est proposé de supprimer les mots «thy sons» et de les remplacer par «of us» dans la version anglaise. Est-ce exact?
Le sénateur Beaudoin: C'est exact.
Le sénateur Cools: Donc, la phrase dans l'hymne national se lirait «in all of us command»?
Le sénateur Beaudoin: Oui.
Le sénateur Cools: Cela dit, les mots «of us» comprennent-ils tous les Canadiens, hommes, femmes et enfants?
Le sénateur Beaudoin: Tous sont compris. Que voulez-vous de plus? Nous ne pouvons pas inclure les Américains. Nous sommes des Canadiens et tous les Canadiens sont compris.
Le sénateur Cools: Vous n'avez pas répondu à ma question. Je voulais savoir si l'énoncé «in all thy sons command» signifiait «in all of us command».
Le sénateur Beaudoin a choisi une longue réponse, mais je suppose qu'il voulait dire qu'il était d'accord sur mon interprétation.
Le sénateur Beaudoin: Voilà tout le génie de la langue anglaise. Je ne veux pas faire d'erreur.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, un seul sénateur devrait avoir la parole. Le sénateur Cools a posé une question au sénateur Beaudoin. Je lui demande de permettre au sénateur Beaudoin de lui répondre.
Le sénateur Cools: J'ai demandé au sénateur si «of us» voulait dire tous les Canadiens, hommes, femmes et enfants.
Le sénateur Beaudoin: À mon avis, cette expression comprend tous les Canadiens, chacun d'entre nous. Nous sommes tous des Canadiens, que nous soyons des hommes ou des femmes. Autrement dit, sur le plan constitutionnel, si telle est la question du sénateur Cools, personne n'est exclu. Tel est l'objet de cette modification.
Le sénateur Cools: En posant la question différemment, cela comprend-il les enfants?
Le sénateur Beaudoin: Oui
Le sénateur Cools: Très bien.
Le sénateur Beaudoin: Ils sont inclus dans le mot «us» dans la version anglaise. Tout le monde est inclus; chaque être humain se trouvant ici qui est un Canadien est inclus.
Le sénateur Cools: La question que je pose au sénateur Beaudoin est donc la suivante: selon la version anglaise, Sa Majesté exige l'amour de la patrie de la part de tous ses sujets; comment cela peut-il s'appliquer aux enfants? La question est profonde.
Son Honneur le Président: Désirez-vous répondre, sénateur Beaudoin?
Le sénateur Beaudoin: Madame le sénateur pourrait-elle répéter sa question?
Le sénateur Cools: Puisque le sénateur Beaudoin affirme que le mot «us» dans la version anglaise inclut tout le monde, hommes, femmes et enfants, comment alors Sa Majesté peut-elle commander aux enfants de pratiquer l'amour de la patrie?
Le sénateur Beaudoin: Je ne vois pas de problème. Nous vivons en régime de monarchie constitutionnelle depuis longtemps, depuis l'époque des régimes français et britannique et depuis la Confédération canadienne. Nous avons un Code civil au Québec et la common law dans les autres provinces. Le droit de la famille est inclus dans notre droit privé.
(1520)
Je ne comprends pas ce que madame le sénateur veut dire. De toute évidence si la phrase inclut tout le monde, il s'agit des hommes, des femmes, enfants comme adultes. Sa Majesté n'est pas exclue. Au contraire, Sa Majesté est la Reine du chef du Canada.
Le sénateur Cools: Je le sais.
Le sénateur Beaudoin: Si l'honorable sénateur le sait, alors tant mieux.
Son Honneur le Président: Le sénateur Cools désire-t-elle poser d'autres questions?
Le sénateur Cools: Je voulais proposer l'ajournement du débat, honorables sénateurs.
Son Honneur le Président: Je voudrais que les choses soient bien claires; le sénateur Banks, qui est le comotionnaire dans ce cas, avait demandé la parole pour ajourner le débat et je la lui ai accordée. Le sénateur Cools s'est levé pour poser une question. Le sénateur Beaudoin a consenti à ce que l'honorable sénateur Cools utilise une partie du temps qui lui était alloué pour commenter ou poser une question.
Est-ce que le sénateur Cools a terminé son intervention? Le sénateur Ferretti Barth aimerait poser une question.
Le sénateur Cools: Je n'ai pas vu le sénateur Banks. Je voulais proposer l'ajournement, mais je lui cède volontiers la parole.
Son Honneur le Président: Dois-je comprendre que l'intervention du sénateur est terminée?
Le sénateur Beaudoin accepterait-il de répondre à une question du sénateur Ferretti Barth?
Le sénateur Beaudoin: Certainement.
[Français]
L'honorable Marisa Ferretti Barth: Honorables sénateurs, l'hymne national existe pour tout le monde, les francophones et les anglophones. Si nous corrigeons la version anglaise, qu'arrivera-t-il à la version française? Les francophones sont-ils en faveur de ce changement? Le sénateur Comeau a bien exprimé ses préoccupations à ce sujet. Nous vivons dans un pays bilingue et nous devons respecter cet état de choses. Ne jouons pas sur les mots.
Honorables sénateurs, nous ne pouvons pas non plus changer le contenu, car il représente un héritage que nous avons reçu de nos prédécesseurs. N'oublions pas nos concitoyens francophones.
Le sénateur Beaudoin: Ce n'est pas la première fois qu'on modifie la version anglaise d'une loi sans toucher à d'autres versions. On fait cela très souvent. Je l'ai fait toute ma vie. Nous sommes bilingues, nous sommes bijuridiques, et nous avons une des plus belles démocraties du monde.
On corrige les lois quand c'est nécessaire. Quelqu'un a soulevé l'exclusion des femmes dans le texte anglais. Je pense que cela doit être corrigé. Nous n'y sommes pas obligés, mais nous pouvons le faire. Comme nous avons une bonne Charte des droits, à laquelle je crois, il est de notre devoir de répondre à cela.
Nous avons parlé des versions française et anglaise, mais n'oublions pas l'argument fondamental, et j'insiste là-dessus: ce n'est pas le sénateur Poy ou le sénateur Beaudoin qui ont inventé les mots «of us», c'est l'auteur lui-même. On ne désavoue pas M. Weir, au contraire, on l'honore d'une certaine façon. Sa version de 1908 était plus en accord avec nos valeurs d'aujourd'hui que la version actuellement en vigueur au Canada, qui n'inclut pas les femmes. Il faut corriger cela. Si vous n'êtes pas d'accord, vous n'avez qu'à voter contre l'adoption de ce projet de loi.
Le sénateur Ferretti Barth: Honorables sénateurs, qu'arrive-t-il à la version française?
Le sénateur Beaudoin: Honorables sénateurs, si quelqu'un s'intéresse à la langue française, c'est bien moi, et je ne suis pas le seul. Beaucoup d'anglophones s'intéressent aussi à la langue française. Il ne s'agit pas de trouver des problèmes là où il n'y en a pas.
(Sur la motion du sénateur Banks, le débat est ajourné.)
[Traduction]
SÉCURITÉ NATIONALE ET DÉFENSE
L'EXAMEN DES SERVICES DE SANTÉ OFFERTS AUX ANCIENS COMBATANTS—BUDGET ET DEMANDE DE L'AUTORISATION D'ENGAGER DU PERSONNEL ET DE SE DÉPLACER—ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ
Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense (budget-étude concernant les anciens combattants), présenté au Sénat plus tôt aujourd'hui.
L'honorable Michael A. Meighen, au nom du sénateur Kenny, propose: Que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, les 6 et 7 mars 2001, le sous-comité des anciens combattants va se rendre au siège du ministère à Charlottetown pour tenir des audiences publiques. Durant ces audiences, nous nous pencherons sur des questions qui préoccupent vivement les anciens combattants du Canada et tous les membres du sous-comité.
Parmi les questions que nous voulons aborder avec le sous-ministre et ses fonctionnaires, il y a notamment le syndrome de stress post-traumatique, ce qui touche sans aucun doute le récent rapport de l'ombudsman des Forces canadiennes. Il sera également question des soins de santé pour les anciens combattants, y compris des critères d'admission à l'hôpital, du programme de soins à domicile pour les anciens combattants et leurs conjoints, connu aussi sous le nom de Programme pour l'autonomie des anciens combattants ou PAAC, et du processus d'appel des pensions.
Honorables sénateurs, je voudrais souligner que ce n'est pas simplement une mission d'enquête, mais plutôt une rencontre publique en bonne et due forme avec enregistrement et transcription. Je suis persuadé que tous les parlementaires trouveront cela extrêmement utile.
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au sénateur Meighen. Dois-je comprendre que votre comité va rencontrer les membres du Tribunal d'appel des anciens combattants?
Le sénateur Meighen: Non. Je ne pense pas que nous allons les rencontrer. Nous allons certes entendre des fonctionnaires. Si certains membres du Tribunal sont présents, nous aurons une occasion d'échanger des points de vue sur la façon dont le processus fonctionne devant ce tribunal.
Le sénateur Kinsella: L'honorable sénateur pourrait-il nous dire combien de membres du Tribunal d'appel des anciens combattants n'étaient pas membres du Parti libéral avant d'être nommés à ce tribunal?
Le sénateur Meighen: Cela dépendrait probablement de la longévité des quelques conservateurs qui ont été nommés il y a de nombreuses années. Étant donné que les conservateurs sont des gens solides, j'imagine que le tribunal n'est pas composé tout à fait à 100 p. 100 de membres du Parti libéral, mais pas loin.
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, il est difficile de trouver des conservateurs siégeant à des conseils à l'heure actuelle, car ils ne sont pas très nombreux.
Son Honneur le Président: Le Sénat est-il prêt à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
(1530)
L'HYMNE NATIONAL
INTERPELLATION
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Poy, attirant l'attention du Sénat sur l'hymne national.—(L'honorable sénateur Cools).
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je me proposais de prendre la parole dans le cadre de cette interpellation, mais cela est inutile puisque nous sommes saisis du projet de loi S-39. Ceci dit, je réserve mes commentaires pour le projet de loi proprement dit.
Son Honneur le Président: Madame le sénateur Cools souhaite-t-elle que l'article demeure au Feuilleton, ou demande-t-elle l'autorisation de retirer la motion?
Le sénateur Cools: Je n'ai pas de motion devant la Chambre. Je n'ai rien à retirer. Je dis simplement qu'il est inutile que j'aborde cette question. Ce débat n'a plus de raison d'être. Même l'inscription de ce point au Feuilleton n'a plus de raison d'être. Il a été remplacé par le projet de loi S-39.
Son Honneur le Président: Si personne d'autre ne veut intervenir, le débat sur cette interpellation est considéré comme terminé.
[Français]
LA FONDATION DU CANADA POUR L'APPUI TECHNOLOGIQUE AU DÉVELOPPEMENT DURABLE
LES RÉSOLUTIONS DU COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L'ÉNERGIE, DE L'ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES ET DE CELUI DES FINANCES NATIONALES—MOTION DE TRANSMISSION AUX COMMUNES—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur DeWare, appuyée par l'honorable sénateur Kinsella,
Que le Sénat sanctionne et appuie les déclarations suivantes de deux de ses comités permanents concernant le projet de loi C-4, Loi créant une fondation chargée de pourvoir au financement de l'appui technologique au développement durable.
La déclaration suivante, tirée du cinquième rapport du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles:
«Les actions du Gouvernement du Canada, qui a créé une entreprise privée pour asseoir la Fondation dont la création est proposée dans le projet de loi C-4 et qui a déposé auprès de cette entreprise 100 millions de dollars provenant de la bourse des contribuables, sans obtenir au préalable l'autorisation du Parlement, constituent un affront aux parlementaires des deux chambres. Le Comité demande que le Président du Sénat informe le Président de la Chambre des communes de la consternation et de l'inquiétude que ce contournement du processus parlementaire causent au Sénat.»
La déclaration suivante, tirée du huitième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui constitue son rapport provisoire sur le Budget des dépenses de 2001-2002:
«Les sénateurs se sont demandé si c'était une façon convenable de créer des organismes et sociétés d'État de ce genre et si le gouvernement n'aurait pas dû adopter le projet de loi avant d'avancer les fonds promis. Les membres du Comité condamnent cette manoeuvre par laquelle on a créé un organisme public et on lui a attribué 100 millions de dollars sans l'approbation préalable du Parlement.»
Et que cette résolution soit envoyée au Président de la Chambre des communes pour qu'il puisse informer la Chambre des communes du point de vue et des conclusions du Sénat concernant le projet de loi C-4, Loi créant une fondation chargée de pourvoir au financement de l'appui technologique au développement durable.—(L'honorable sénateur Robichaud, c.p.).
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je reprends la parole au sujet de la motion du sénateur DeWare — qui nous a quittés depuis un certain temps — concernant le projet de loi C-4, qui autorisait la création d'une fondation pour l'appui technologique au développement durable.
Honorables sénateurs, cette question a longuement été discutée en cette Chambre et à plusieurs reprises à l'autre Chambre. Elle a même fait l'objet d'un rappel au Règlement, et le Président de l'autre Chambre a rendu une décision relative à la question soulevée. Le gouvernement s'est engagé à apporter les mesures correctives nécessaires lors de la présentation du Budget supplémentaire des dépenses.
Au Sénat, toute cette question a été amplement étudiée et discutée lors du débat entourant le projet de loi de crédits no 3 pour 2001-2002. Les 13 et 14 décembre derniers, le leader du gouvernement au Sénat, l'honorable sénateur Carstairs, et la vice-présidente du Comité des finances nationales, l'honorable sénateur Finnerty, ont à maintes reprises fait état de la situation et présenté la réponse du gouvernement.
Il a été confirmé que la situation serait rectifiée lors de la présentation du Budget supplémentaire des dépenses au cours des prochaines semaines. Cette question ayant été suffisamment étudiée et débattue, les mesures correctives nécessaires seront apportées à la fin du présent exercice financier.
Honorables sénateurs, je crois fermement qu'il n'y a pas lieu d'envoyer un message au Président de l'autre Chambre puisque le Président du Sénat a déjà émis une opinion sur la question.
(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Meighen, le débat est ajourné.)
[Traduction]
LA NOMINATION DE CITOYENS HONORAIRES
INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Prud'homme, c.p., attirant l'attention du Sénat sur la manière de procéder à l'avenir en ce qui a trait à la nomination de citoyens canadiens honoraires et la proclamation de journées nationales de souvenir d'individus ou d'événements.—(L'honorable sénateur Banks).
L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, nous avons reçu hier la bonne nouvelle de l'adoption dans l'autre endroit d'une loi attendue qui prévoit exactement ce que cette interpellation signale. Nous avons maintenant devant le Parlement d'autres projets de loi qui ont le ou les mêmes buts.
J'espère que cette interpellation du sénateur Prud'homme mènera à une analyse attentive par le Parlement de la manière dont nous nous y prenons au Canada pour désigner des journées de reconnaissance et des citoyens honoraires. Cinq ou six projets de loi sont actuellement à l'étude au Parlement ou ont été adoptés récemment en vue de souligner des événements importants ou d'honorer des Canadiens émérites. C'est là, à mon avis, la façon dont cela devrait être fait — soit dans le cadre de lois. Toutefois, des personnes ont parfois été reconnues et des journée proclamées dans un autre cadre que celui des lois. Cette observation ne se veut absolument pas une remise en question de la valeur des personnes honorées ou de l'importance des événements ainsi reconnus. Il s'agit plutôt ici d'examiner les moyens et le processus employés pour prendre ces décisions.
Les honneurs nationaux comptent au nombre des choses que le Canada devrait protéger jalousement et accorder avec parcimonie et après analyse attentive, de crainte que leur fréquence et leur nombre n'atténuent leur valeur souhaitée et ne diminuent de quelque façon que ce soit la fierté que nous mettons à les accorder et celle que les gens éprouvent à les recevoir. Selon moi, ce devrait être le Parlement comme tel et uniquement le Parlement qui prend ce genre de décision.
Fort de cette conviction et pour ces raisons, j'attire l'attention des honorables sénateurs sur l'interpellation du sénateur Prud'homme.
L'honorable Marcel Prud'homme: Je remercie l'honorable sénateur de son intervention bienveillante. Je lui ai demandé, si jamais j'étais absent, d'intervenir en mon nom et j'ai pris des arrangements en ce sens avec le leader adjoint du gouvernement. Je le remercie de la courtoisie dont il a fait preuve.
Son Honneur le Président: À titre d'éclaircissement, l'honorable sénateur Prud'homme est autorisé à intervenir en réponse, mais cette intervention aurait pour effet de clore le débat.
(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)
LA RECONNAISSANCE ET LA COMMÉMORATION DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN
MOTION—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Maheu, appuyée par l'honorable sénateur Setlakwe:
Que cette Chambre:
a) Demande au gouvernement du Canada de reconnaître le génocide des Arméniens et de condamner toute tentative pour nier un fait historique ou pour tenter de le dépeindre autrement que comme un génocide, c'est-à-dire un crime contre l'humanité;
b) Désigne le 24 avril de chaque année au Canada comme journée pour commémorer la mort d'un million et demi d'Arméniens qui ont été victimes du premier génocide au XXe siècle.—(L'honorable sénateur Cools).
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, comme on peut le constater, nous avons atteint la 15e journée de débat concernant cette question. Comme les honorables sénateurs le savent, j'avais l'intention d'intervenir à ce sujet.
Ce thème revêt une grande importance pour le sénateur Setlakwe, et celui-ci et le sénateur Maheu ont vu à ce que cette motion nous soit soumise. Elle prie essentiellement le Sénat de demander au gouvernement de reconnaître le génocide des Arméniens et de condamner toute tentative pour nier un fait historique ou pour tenter de le dépeindre autrement que comme un génocide, c'est-à-dire un crime contre l'humanité.
Honorables sénateurs, j'avais l'intention d'intervenir dans le débat à ce sujet, car c'est une question très importante, une question d'une envergure et d'une complexité qui ne sautent pas immédiatement aux yeux quand on lit la résolution. Outre la question de fond, il y a aussi ce que je considère comme plusieurs questions de procédure dans la formulation et la rédaction de cette motion. Je n'ai pas eu assez de temps pour préparer le type de réponse qu'exige cette proposition, surtout dans un domaine dont la complexité est telle que l'adoption de cette résolution entraînerait rétroactivement des conséquences juridiques et des responsabilités légales, voire aussi des obligations et des droits légaux, ce qui est extrêmement inhabituel. Les honorables sénateurs ne doivent pas oublier que le terme «génocide» avec tout ce que ce terme suppose sur le plan juridique, n'existait pas à l'époque de cette terrible tragédie.
(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)
(1540)
FINANCES NATIONALES
AUTORISATION AU COMITÉ DE REPORTER LA DATE DE SON RAPPORT FINAL SUR L'ÉTUDE DE L'EFFICACITÉ DE LA POLITIQUE ACTUELLE DE PÉRÉQUATION
L'honorable Lowell Murray, conformément à l'avis donné le 19 février 2002, propose:
Que la date de présentation du rapport final du Comité sénatorial permanent des finances nationales au sujet de son étude sur l'efficacité et les améliorations possibles de la politique actuelle de péréquation, autorisée par le Sénat le 12 juin 2001, soit reportée au 22 mars 2002.
— Je crois que les honorables sénateurs ont droit une explication, que je vais leur donner. Comme ils le savent, c'est là un sujet important, controversé et complexe. Nous avons terminé nos audiences publiques il y a quelque temps. Nous réalisons des progrès lents, mais sûrs, dans le processus de rédaction. Je crois que nous en sommes déjà ou presque à la cinquième ébauche. Je m'attends à ce que nous ayons terminé notre travail et que nous soyons prêts à déposer un rapport et des recommandations dans le délai que j'essaie d'obtenir grâce à cette motion.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
DROITS DE LA PERSONNE
AUTORISATION AU COMITÉ D'EXAMINER L'ADHÉSION DU CANADA AUX INSTRUMENTS INTERNATIONAUX EN MATIÈRE DE DROITS DE LA PERSONNE
L'honorable A. Raynell Andreychuk, conformément à l'avis donné le 19 février 2002, propose:
Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, l'adhésion du Canada aux instruments internationaux en matière de droits de la personne et les modalités en vertu desquelles il adhère à ces instruments, les met en application et en fait rapport, et
Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 31 mars 2003.
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Est-ce que le sénateur Andreychuk accepterait une question? Si nous adoptons cette motion, cela signifie-t-il que le comité va se déplacer à l'étranger et que les frais de ces déplacements ne figurent pas dans le budget déjà approuvé du comité?
Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, un budget a été établi et transmis au sénateur Furey, comme on l'a demandé par lettre à tous les présidents de comités. Le comité s'est réuni pour examiner un plan d'action. Je pourrais passer en revue tout ce plan, même s'il a été adopté l'unanimité. Il s'agit en fait d'examiner plusieurs instruments que nous n'avons ni signés ni ratifiés et de déterminer les circonstances de leur non-ratification. Nous devrons sans doute envisager un petit contrat de recherche pour que quelqu'un collationne tous ces instruments et les présente au comité pour discussion. Nous avons l'intention de tenir des audiences au Canada et de recourir à des vidéoconférences pour entendre des témoins se trouvant à New York, et cetera.
C'est l'ensemble des domaines d'études compris dans le rapport que nous avons déposé ici en décembre. Nous avions énuméré dans ce rapport six ou sept domaines que nous souhaitions étudier en détail. Comme nous avions formulé des recommandations précises, nous n'avions pas l'impression qu'il fallait entreprendre d'autres études à ce moment. Or, le comité s'est rendu compte que d'autres études sont nécessaires dans certains domaines.
Un aspect qui, à notre avis, nécessite d'être examiné ultérieurement et qui ne fait pas partie de notre demande, c'est le droit à la vie privée. Nous l'avons gardé en réserve.
Le comité veut poursuivre ce qu'il a déjà accompli auparavant. Nous comptons faire une étude plus approfondie des instruments que j'ai mentionnés, et ce, en entendant d'autres témoins, que ce soit ici ou au moyen de la vidéoconférence.
Il y a toutefois deux sujets qui exigeront que le comité se déplace. Il s'agit du fonctionnement de la Cour interaméricaine des droits de la personne, ainsi que des mécanismes des Nations Unies et d'autres organisations internationales à Genève qui ont trait aux droits de la personne. Ces deux aspects sont visés dans le budget.
Nous avons un programme établi pour deux ans. Lorsque nous avons examiné le coût de la tenue de consultations au Canada et le reste, nous avons tenu compte des observations qui ont été formulées à cet endroit et qui nous invitaient à faire le travail le plus rapidement possible. Pour cela, nous comptons maximiser le recours à la vidéoconférence. Nous avons établi un programme d'un an avec la possibilité de poursuivre l'étude. Si nous avons de la chance, si le Parlement siège pendant toute la période, nous pourrions même finir l'étude avant l'échéance.
Quoi qu'il en soit, nous avons prévu certains déplacements dans le budget. Je crois qu'il s'agit d'une utilisation efficiente des ressources. Environ 230 000 $ ont été prévus à cette fin.
Notre comité a discuté de la nécessité d'être mieux guidés dans notre étude par nos dirigeants et par le Comité de la régie interne. Chaque comité pourrait mener des consultations très utiles à l'échelle du Canada et faire des recherches plus approfondies à l'intérieur de nos frontières. La façon dont nous faisons notre travail d'une manière équitable avec les autres comités est une question d'équilibre.
Même si nous voulons faire davantage, nous avons adopté une approche modérée compte tenu du mandat que le Sénat nous a confié, soit l'étude des questions liées aux droits de la personne. Nous comptons procéder de la façon la plus efficiente possible. J'espère que le Comité de la régie interne est du même avis. Je lui fournirai de plus amples détails.
Son Honneur le Président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
[Français]
L'AJOURNEMENT
Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:
Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 5 mars 2002, à 14 heures.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
(Le Sénat s'ajourne au mardi 5 mars 2002, à 14 heures.)