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Journaux du Sénat

50 Elizabeth II, A.D. 2001, Canada

Journaux du Sénat

1ère session, 37e législature


Numéro 66 - Annexe

Le jeudi 1er novembre 2001
13 h 30

L'honorable Daniel Hays, Président


Le JEUDI 1er novembre 2001

Le Comité spécial sénatorial sur la Teneur du Projet de loi C-36 a l'honneur de déposer son

PREMIER RAPPORT

Votre Comité, qui a été autorisé par le Sénat le mercredi 17 octobre 2001 à examiner le sujet du projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et d'autres lois, et édictant des mesures à l'égard de l'enregistrement des organismes de bienfaisance, en vue de combattre le terrorisme et la protection des droits de la personne et des libertés publiques dans l'application de la Loi à l'étude, avant que le projet de loi ne soit soumis au Sénat, a, conformément à son ordre de renvoi terminé sa pré-étude et dépose maintenant le rapport suivant :

A. INTRODUCTION

Les terribles événements du 11 septembre 2001 ont fait comprendre à tous les Canadiens que pour garantir les libertés qui les définissent en tant que pays, ils doivent maintenant résister activement au terrorisme. Le défi est de trouver le juste milieu : il s'agit de fournir aux services chargés d'appliquer les lois et d'assurer la sécurité nationale les outils nécessaires pour protéger les citoyens et pour prévenir les actes terroristes avant leur perpétration, mais sans pour autant compromettre les libertés que notre gouvernement a pour mission de protéger. En effet, les actes terroristes ne doivent pas avoir pour effet de nous faire renoncer à nos principes fondamentaux et à nos garanties démocratiques essentielles.

Ni l'état d'urgence, ni l'état de guerre n'ont été proclamés. Les Canadiens s'engagent plutôt dans une bataille contre le fléau du terrorisme que les témoins entendus par le Comité prédisent longue. Le projet de loi C-36 confère des pouvoirs aussi extraordinaires que les circonstances auxquelles il se veut la réponse. Le Comité spécial sénatorial sur la teneur du projet de loi C-36 a fait de ce dernier une étude intensive dans le cadre de laquelle il a entendu de nombreux témoins (voir l'annexe B). Naturellement, il fallait s'attendre à ce qu'une mesure aussi volumineuse et complexe ne fasse pas l'unanimité à tous égards, mais les témoins se sont entendus sur une chose, à savoir qu'en tant que riposte au terrorisme, le projet de loi doit traduire l'équilibre délicat qui existe entre, d'une part, les droits, privilèges et obligations sur lesquels repose notre État démocratique et, d'autre part, les besoins de l'État, qui a pour fonction de protéger ses citoyens.

Le projet de loi C-36 est en ce moment à l'étude au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Mais en raison de l'importance inhabituelle qu'il revêt, le gouvernement a demandé au Sénat de recourir à une procédure spéciale et rarement utilisée appelée étude préalable. Il a ainsi pu entendre des témoins, exprimer des opinions et faire des recommandations avant que le comité des Communes ne présente son rapport.

Le Sénat a donc institué ce comité spécial composé de sénateurs d'expérience spécialistes des nombreuses questions que soulève le projet de loi. Comme il s'agissait d'une étude préalable, le Comité a examiné le fond du projet de loi et a entendu à ce sujet trois ministres et trente témoins. Si le projet de loi franchit toutes les étapes aux Communes, il sera envoyé au Sénat, qui en débattra et en saisira un de ses comités, comme le veut la procédure habituelle.

Le présent rapport contient nos opinions et nos recommandations.

B. EXAMEN, TEMPORISATION ET SURVEILLANCE

Introduction

Les activités terroristes sont d'une nature telle qu'elles requièrent une réaction différente de celle que les Canadiens ont eue devant les autres menaces qu'ils ont dû repousser au cours de leur histoire, et cela a amené les auteurs du projet de loi à intégrer au droit canadien de nouvelles infractions et des procédures inédites. Nous savons pertinemment que pour combattre des dangers différents, il faut des armes différentes, mais nous croyons essentiel d'exercer une surveillance étroite et d'examiner le projet de loi avec soin afin d'être certains que les moyens qu'il nous donne sont bien adaptés à la tâche à accomplir, qu'ils seront employés uniquement comme ils doivent l'être et que les valeurs que nous tenons pour fondamentales comme Canadiens seront préservées.

Au cours de nos délibérations, nous avons examiné trois façons d'assurer cette surveillance et cet examen :

I) charger un comité parlementaire d'examiner à fond toutes les dispositions de la nouvelle loi lorsqu'elle aura été en vigueur pendant un certain temps;

II) prévoir l'application temporaire de tout ou partie de la nouvelle loi;

III) charger un organisme indépendant de surveiller ou d'examiner la façon dont certains pouvoirs conférés dans le projet de loi seront exercés.

I) Examen parlementaire rigoureux

Le projet de loi prévoit que trois ans après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, le Parlement devra en examiner l'application. Le Sénat tient à s'assurer que tout examen de ce genre sera rigoureux et suffisant. Il importera également de tenir le Parlement et les Canadiens informés de la façon dont les pouvoirs conférés par le projet de loi C-36 seront exercés.

Le Comité recommande d'amender le libellé actuel de l'article 145 de manière à y préciser que cet examen doit être effectué par un comité du Sénat et un comité distinct de la Chambre des communes.

Le Comité recommande de plus que le ministre de la Justice fasse déposer chaque année devant le Parlement un rapport décrivant les mesures prises en vertu du projet de loi C-36.

Le rapport devrait décrire ces mesures clairement sans pour autant compromettre la sécurité nationale. Par exemple, il devrait indiquer, en vertu de l'article 83.3 (détention préventive), combien de personnes ont été détenues, où elles l'ont été et pendant combien de temps; combien ont été arrêtées sans mandat; combien ont été remises en liberté sans que la cour n'impose de conditions; et combien ont été détenues pour avoir refusé de contracter un engagement assorti de conditions et pendant combien de temps elles l'ont été. Des renseignements de ce genre devraient être fournis au titre de toutes les parties pertinentes du projet de loi.

II) Disposition de temporisation

Le projet de loi C-36 confère des pouvoirs dont l'abus par l'exécutif ou les services chargés d'assurer la sécurité nationale du Canada pourrait compromettre gravement les droits démocratiques dans notre pays. Même en supposant qu'ils seront exercés correctement, les Canadiens pourraient très bien avoir l'impression qu'ils ne le sont pas, une idée qui pourrait être aussi funeste pour la démocratie que l'abus des pouvoirs lui-même. Le Comité était unanime sur ce point.

Le Comité sait bien que nous traversons actuellement une période de grande anxiété, de peur et de confusion. Il importe que les dérogations à nos normes juridiques auxquelles la situation actuelle nous amène à consentir provisoirement, soient remises en question dès que nous pourrons réfléchir avec détachement et évaluer objectivement leur effet. La recherche de la meilleure solution à ce problème nous a donné lieu à des discussions nourries lors de nos délibérations.

Le Comité recommande de prévoir une disposition de temporisation — de « clause crépusculaire » — visant tout le projet de loi C-36 après une période de cinq ans. Ainsi, le gouvernement serait obligé de justifier devant le Parlement le maintien des pouvoirs conférés de manière à garantir aux Canadiens qu'ils sont adéquats sans être excessifs et qu'ils sont encore justifiables et nécessaires à la lutte contre le terrorisme. Il est reconnu que les dispositions qui mettent en application nos engagements sous des conventions internationales doivent bien sûr ne pas être sujettes aux dispositions de temporisation.

III) Surveillance et révision

Certaines dispositions du projet de loi permettent à l'exécutif d'exercer ses pouvoirs sous réserve d'un contrôle, judiciaire ou autre, limité, mais aussi, parfois, sans contrôle aucun. Il ne nous échappe pas que ces dispositions concernent la sécurité nationale et d'autres considérations connexes qui exigent le respect scrupuleux du secret le plus strict et, souvent, une intervention rapide, mais nous croyons néanmoins que le meilleur moyen de garantir que ces pouvoirs ne seront pas exercés au mépris de nos principes et valeurs fondamentales — et que les Canadiens seront en mesure de le constater — est d'exiger dans le projet de loi une surveillance ou une révision permanentes, selon ce qui sera le plus indiqué.

Le Comité recommande que le Parlement nomme, dans les 90 jours suivant la sanction royale du projet de loi C-36, un haut fonctionnaire du Parlement mandaté pour contrôler, au besoin, l'exercice ou la nécessité des pouvoirs conférés dans le projet de loi. Ce haut fonctionnaire déposerait un rapport devant les deux chambres du Parlement chaque année ou plus souvent, s'il y avait lieu.

Le Comité tient également à signaler les sujets suivants, qui lui semblent justifier une surveillance ou une révision particulières.

a) Inscription des terroristes

Le projet de loi permet au gouverneur en conseil, sur la recommandation du solliciteur général du Canada, d'établir une liste d'entités terroristes sur laquelle pourraient figurer des particuliers, mais aussi des groupes et des organismes. Cette liste servirait plus particulièrement à justifier le blocage d'actifs détenus dans des banques et d'autres institutions financières. Elle déclencherait aussi la mise en œuvre des nouvelles procédures de confiscation décrites dans le projet de loi.

Le Comité reconnaît que cette liste est nécessaire et qu'elle subirait un examen judiciaire dès sa publication, mais il craint que comme elle sera publiée, le fait d'y inscrire erronément le nom d'une personne ou d'un groupe ne cause un préjudice irréparable à la réputation des intéressés.

Le Comité recommande d'exiger que la liste soit soumise à l'examen du haut fonctionnaire du Parlement précité afin d'éviter, à la mesure du possible, l'inscription erronée de groupes ou d'individus innocents . De plus, sauf dans les cas où l'urgence d'agir serait démontrée, la liste doit subir cet examen avant d'être publiée.

Quant à l'examen semestriel de la liste, par le gouvernement, le Comité recommande qu'il soit basé sur un examen de toute information pertinente par un organisme indépendant, comme par exemple, CSARS ou le haut fonctionnaire du Parlement précité.

Comme le préjudice causé aux entités erronément inscrites sur la liste serait attribuable en partie à l'appellation de la liste (« Inscription des terroristes), le Comité recommande aussi d'en changer le nom, par exemple suite à une étude des appellations des listes semblables qui sont utilisées dans d'autres pays.

b) Engagement assorti de conditions (détention préventive)

Selon les dispositions du projet de loi qui concernent la détention préventive, un juge de la cour provinciale pourrait ordonner à une personne de contracter un engagement assorti de conditions s'il soupçonnait que c'était nécessaire pour empêcher la perpétration d'un acte terroriste. La personne qui omet ou refuse de contracter l'engagement s'exposerait à une peine d'emprisonnement maximale d'un an.

Le Comité craint que des innocents ne soient condamnés à la prison pour avoir refusé de contracter cet engagement. Nous savons fort bien qu'un droit d'appel est prévu, mais nous sommes également conscients du caractère inhabituel de la détention préventive. Le Comité recommande de prévoir dans le projet de loi le renvoi automatique devant une cour supérieure des ordonnances visant des personnes condamnées à l'emprisonnement pour avoir refusé de contracter l'engagement.

c) Certificats du procureur général interdisant de divulguer des renseignements

Le projet de loi propose de modifier plusieurs lois de manière à y autoriser le procureur général du Canada à délivrer personnellement des certificats interdisant de divulguer des renseignements afin de ne pas compromettre les relations internationales du Canada, sa défense ou sa sécurité nationale. Ces certificats ont suscité certains des échanges les plus vifs de nos délibérations. De l'avis des sénateurs et des témoins, ce pouvoir est une question grave, d'autant plus qu'il permettrait de passer outre à la Loi sur l'accès à l'information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels. La transparence du gouvernement étant un des piliers de toute société libre et démocratique, il est fort troublant que le projet de loi soustraie ce certificat de toute forme de surveillance ou de révision en conférant essentiellement au ministre un pouvoir discrétionnaire absolu sous appel.

Le Comité recommande de soumettre tout certificat de ce genre à l'examen de la Cour fédérale, qui devrait être expressément chargée de mettre en équilibre les intérêts que la divulgation pourrait servir et la sauvegarde des relations internationales ainsi que de la défense et de la sécurité nationales du Canada.

En outre, le Comité dénonce le fait que ces certificats, une fois délivrés, seront valides à perpétuité. Avec le passage du temps et l'évolution des circonstances, il peut devenir inutile de garder certains renseignements secrets; en fait, les citoyens auraient tout intérêt à ce qu'ils soient accessible dès que cela ne posera plus de risque. Le Comité recommande d'exiger l'expiration des certificats au bout d'un certain délai — de cinq ans, par exemple —, avec possibilité de les proroger. Le Comité recommande aussi de soumettre leur prorogation à la même procédure d'examen.

d) Loi sur la protection de l'information — Personnes astreintes au secret à perpétuité

La nouvelle Loi sur la protection de l'information qui est proposée dans le projet de loi (et qui remplacerait l'actuelle Loi sur les secrets officiels) permettrait de désigner des « personnes astreintes au secret à perpétuité », mais ces personnes, elles, ne pourraient jamais contester la désignation, ni en appeler ni même en obtenir une forme quelconque de révision.

Le Comité recommande de permettre aux personnes désignées comme personnes astreintes au secret à perpétuité d'appeler de leur désignation ou de la faire réviser par un tribunal ou un autre organisme indépendant. Il recommande aussi de faire en sorte que les personnes désignées puissent demander la révision de leur désignation lorsqu'un certain temps se sera écoulé ou que les circonstances auront évolué.

e) Centre de la sécurité des télécommunications (CST) Interception de communications

Le projet de loi conférerait pour la première fois au Centre de la sécurité des télécommunications (CST) un mandat autorisé lui permettant notamment d'intercepter certaines communications auxquelles participeraient des Canadiens lorsque la « cible » de l'interception se trouverait à l'étranger. Il prévoit aussi des garanties, notamment que les interceptions soient autorisées par le ministre de la Défense nationale et uniquement à certaines conditions bien définies. Le Comité craint qu'en conférant un mandat autorisé à la faveur du contexte actuel, qui est tout à fait particulier, le projet de loi n'ait pour effet de transférer à l'exécutif (autorisation ministérielle) un pouvoir dont l'exercice a toujours été confié aux tribunaux. Le Comité recommande donc d'exiger une autorisation judiciaire lorsque ce sera approprié et possible.

Le Comité déplore également que le terme « sécurité » ne soit pas plus clairement défini dans cette partie du projet de loi. Selon les témoins entendus, il risque d'être employé au sens le plus large, notamment dans des cas impliquant des activités criminelles à grande échelle, comme le trafic de stupéfiants. Le Comité recommande de définir clairement l'expression « sécurité nationale » et les termes connexes afin de préciser l'objet des dispositions pertinentes.

f) Loi sur l'enregistrement des organismes de bienfaisance (renseignements de sécurité) (partie 6 du projet de loi C-36)

Les organismes de bienfaisance enregistrés dont on aura des motifs raisonnables de croire qu'ils financent des activités terroristes verront leur enregistrement révoqué. Il sera d'autant plus important de veiller à l'application régulière de la loi que l'interprétation et l'application de cette partie du projet de loi posera des difficultés et qu'il faudra absolument protéger la réputation des organismes de bienfaisance de bonne foi. La réputation étant la pierre angulaire de ces organismes, le risque d'erreurs d'identité est très élevé et nous inquiète au plus haut point. Le Comité a rappelé aux fonctionnaires que les organismes dont l'enregistrement sera révoqué, seront sans doute automatiquement inscrits sur la liste de terroristes, liste qui sera publiée, et qu'en plus d'être ainsi pénalisés, les innocents verront leurs biens bloqués ou confisqués et seront publiquement humiliés.

Le Comité s'inquiète du fait que lorsque le juge de la Cour fédérale décidera qu'un certificat aura été délivré pour des motifs raisonnables, sa décision sera sans appel. En conséquence, le Comité recommande de prévoir un droit d'appel. De plus, comme l'examen de l'information obligera à limiter la communication de renseignements aux demandeurs afin de ne pas compromettre les relations internationales ainsi que la défense ou la sécurité nationales du Canada, ces procédures d'appel pourront suivre le modèle mis au point par le CSARS, qui garantit à la fois le respect de la justice naturelle et la protection de la sécurité nationale.

g) Règlements

Le Comité remarque que peu de dispositions du projet de loi C-36 confèrent le pouvoir d'adopter des règlements, mais que les lois qu'il modifie permettent d'adopter des règlements qui pourraient influer sur l'application du projet de loi. Étant donné l'importance du projet de loi C-36 et l'impact qu'il pourrait avoir sur les droits des Canadiens, le Comité recommande de soumettre aussi les règlements à un examen parlementaire.

C. AUTRES QUESTIONS

I) Définition de « activité terroriste »

Le Comité est conscient que la possibilité que la définition d'« activité terroriste » soit utilisée pour cibler des communautés ethniques ou culturelles du Canada suscite des craintes. Le Comité recommande donc d'ajouter à l'article une disposition interdisant la discrimination qui pourrait s'appliquer à l'ensemble du projet de loi C-36.

Le risque que la définition d'« activité terroriste » qui figure dans le projet de loi C-36 n'englobe aussi les grèves illégales et d'autres actes de désobéissance civile sans rapport aucun avec le terrorisme inquiète également.

La ministre de la Justice a précisé devant le Comité que tel n'est pas l'objet du projet de loi. Afin qu'il soit bien clair que ces actes illicites ne sont pas des activités terroristes, le Comité recommande de supprimer le terme « licite » de la nouvelle division 83.01(1)b)(ii)(E).

II) Définition de « sécurité »

Comme nous l'avons déjà indiqué, plusieurs dispositions du projet de loi C-36 autorisent le procureur général du Canada à délivrer des certificats interdisant de divulguer des renseignements afin de ne pas compromettre « les relations internationales ou la défense ou la sécurité nationales » du Canada. Il ressort clairement de la version française du projet de loi que par « sécurité », on entend « sécurité nationale », mais il n'en va pas de même dans le texte anglais. Le Comité recommande donc de remplacer le terme anglais par l'expression « national security » dans l'ensemble du projet de loi, par souci d'uniformité et de clarté.

III) La défense d'intérêt public, en vertu de la Loi sur la protection de l'information

La Loi sur la protection de l'information proposée dans le projet de loi permettrait aux personnes accusées d'avoir divulgué des renseignements en contravention à la loi d'utiliser la « défense d'intérêt public ». Or, cette défense est fort restrictive et ne pourra être invoquée que par les personnes qui auront des motifs raisonnables de croire qu'une infraction à la loi aura été commise ou sera en train ou sur le point de l'être. Le Comité recommande d'élargir et d'assouplir l'utilisation de cette défense de manière à ce qu'on puisse invoquer l'intérêt public dans les cas où les tribunaux jugeront que la divulgation aura été faite dans l'intérêt public, eu égard aux exigences de la sécurité nationale.

IV) La « facilitation » et la liste de terroristes

Le Comité remarque qu'en vertu de certaines dispositions du projet de loi C-36, une personne ou un groupe pourront être inscrits sur la liste de terroristes lorsque le gouverneur en conseil sera convaincu qu'il existera des motifs raisonnables de croire qu'ils auront facilité une activité terroriste. Or, il ne sera pas nécessaire, pour inscrire le facilitateur sur la liste, qu'il sache qu'il a facilité une activité terroriste. Ainsi, quiconque aidera de bonne foi et à son insu des personnes ou des groupes impliqués dans des activités terroristes ou leur fera des dons en argent pourra se retrouver sur la liste. En conséquence, le Comité recommande qu'il devrait être clair dans l'ensemble du projet de loi que pour qu'il y ait facilitation par un individu, que le suspect doit savoir qu'il facilite un acte quelconque, sans nécessairement savoir qu'il s'agit d'un acte précis et prémédité.

V) L'infraction de méfait à l'égard de biens à caractère religieux — Article 12

Le Comité se réjouit de la proposition d'inclure dans le Code criminel l'infraction de méfait à l'égard de biens à caractère religieux à titre de mesure visant à contrer la criminalité motivée par la haine. Le Comité recommande toutefois d'ajouter le mot « sexe » à la liste des motifs de haine qui inspirent le méfait. La définition fait déjà état de la haine fondée sur la religion, la race, la couleur ou l'origine nationale ou ethnique.

Des réserves ont aussi été exprimées quant à l'interprétation qui sera faite du terme « méfait » dans la population, et le Comité craint que les Canadiens ne saisissent pas toute la gravité de cette infraction motivée par la haine. Or, le méfait est une notion juridique claire étayée par la jurisprudence.

VI) Emploi du terme « Terrorisme »

Le Comité recommande, par souci d'uniformité, de remplacer le terme « terrorisme » par l'expression « activités terroristes » dans l'ensemble du projet de loi.

Respectueusement soumis,

[Original signée par]

La présidente,

JOYCE FAIRBAIRN


ANNEXE « A »

La ministre de la Justice a demandé au Comité de l'aider à déceler d'éventuelles faiblesses dans le projet de loi C-36. Comme le présent rapport en témoigne, elle pourra constater que nous avons pris sa demande au sérieux et avons offert aide et conseils à l'égard d'un certain nombre de questions importantes. Il y a cependant un domaine au moins dans lequel le Comité a été incapable de déterminer si le projet de loi présente des lacunes, et c'est celui de la législation sur l'immigration et le statut de réfugié.

Malgré l'invitation du Comité, la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a refusé de comparaître pour expliquer le plan que le gouvernement pourrait a élaboré depuis le 11 septembre afin d'empêcher les terroristes d'entrer au pays en se disant nouveaux immigrants ou réfugiés.

Dans le communiqué de presse annonçant la présentation du projet de loi C-36, le gouvernement affirme qu'il dispose d'un plan anti-terrorisme en quatre volets. Le premier volet consiste à « empêcher les terroristes d'entrer au Canada ». Mis à part un seul amendement de forme, rien dans le projet de loi C-36 ne vise directement la législation sur l'immigration et le statut de réfugié, et cela inquiète beaucoup certains membres du Comité.


ANNEXE « B »

TÉMOINS ENTENDUS AUX AUDIENCES

MINISTRE    FASCICULE    DATE
L'hon. Anne McLellan, c.p., députée    1 & 4    22 et 29 octobre
Ministre de la Justice et
Procureur général du Canada
L'hon. Lawrence MacAulay, c.p., député    1    22 octobre
Solliciteur général du Canada
L'hon, Arthur C. Eggleton, c.p., député    3    24 octobre
Ministre de la Défense nationale

 

TÉMOINS    FASCICULE    DATE
Du ministère de la Justice
Richard G. Mosley    1    22 octobre
Sous-ministre adjoint
Division des politiques du droit criminel
Donald Piragoff    1    22 octobre
Avocat général principal/intérimaire
Division des politiques et matière de droit pénal
Stan Cohen    1    22 octobre
Avocat général principal
Section des droits de la personne
Du Service canadien du renseignement de sécurité
Ward Elcock    1    22 octobre
directeur
De l'Agence des douanes et du revenu Canada
Ray Jones    1    22 octobre
directeur général
Direction des enquêtes
Direction générale des programmes d'observation
David Snider    1    22 octobre
Directeur
Division anti-évasion
Direction générale des programmes d'observation
Donna Walsh    1    22 octobre
Directeur
Division des initiatives en matière d'observation
Direction des organismes de bienfaisance
Direction générale de la politique et de la législation
Du ministère des Finances
Yvan Roy    1    22 octobre
Sous-ministre adjoint
Conseiller juridique
Horst Intscher    1    22 octobre
Directeur
Centre d'analyse des opérations et
déclarations financières du Canada
Brian Ernewein    1    22 octobre
Direction
Division de la législation de l'impôt
Du Solliciteur général du Canada
Nicole Jauvin    1    22 octobre
Sous-solliciteur général
Paul Kennedy    1    22 octobre
Sous-solliciteur général adjoint-principal
Secteur de police et sécurité
Ian Blackie    1    22 octobre
Chef
Politique sur la lutte contre le terrorisme
Du Bureau du commissaire du
Centre de la sécurité des télécommunications
L'honorable Claude Bisson, O.C.    1    22 octobre
Commissaire
Joanne Weeks    1    22 octobre
Secrétaire de la Commission
Du Bureau du Commissaire à l'information du Canada:
L'honorable John Reid, c.p.    2    23 octobre
Commissaire
Du Comité de surveillance
des activités de renseignement de sécurité:
L'honorable Paule Gauthier,
C.P., O.C., O.Q., c.r.    2    23 octobre
Présidente
L'honorable Gary Filmon, C.P.    2    23 octobre
Membre
Du Bureau du commissaire
à la protection de la vie privée du Canada
George Radwanski    2    23 octobre
Commissaire
De la Gendarmerie royale du Canada
Giuliano (Zack) Zaccardelli    2    23 octobre
Commissaire
Du Centre canadien de philanthropie
Patrick Johnston    2    23 octobre
Président et Chef de la direction
À titre d'individus
Wayne MacKay    3    24 octobre
Président, Université Mount Allison
Joseph Magnet    3    24 octobre
Université d'Ottawa
De l'Association canadienne des libertés civiles
Alan Borovoy    3    24 octobre
Conseiller principal
À titre d'individus
Professeur Anne F. Bayefsky    3    24 octobre
Professeur Paul Wilkinson,    3    24 octobre
président, du Centre sur l'étude du terrorisme
et de la violence politique de
l'Université St. Andrews
David Matas, avocat    3    24 octobre
De l'Association du Barreau canadien
Eric Rice, Q.C.    3    24 octobre
Président
Greg DelBigio,    3    24 octobre
Membre
Comité sur la législation et réforme du droit
et Section nationale du droit pénal
Du Centre de la sécurité des télécommunications :
Keith Coulter, Chef    3    24 octobre

ANNEXE « C »

LISTE DES RECOMMANDATIONS

- Le Comité recommande d'amender le libellé actuel de l'article 145 de manière à y préciser que cet examen doit être effectué par un comité du Sénat et un comité distinct de la Chambre des communes.

- Le Comité recommande de plus que le ministre de la Justice fasse déposer chaque année devant le Parlement un rapport décrivant les mesures prises en vertu du projet de loi C-36.

- Le Comité recommande de prévoir une disposition de temporisation — de « clause crépusculaire » — visant tout le projet de loi C-36 après une période de cinq ans. Il est reconnu que les dispositions qui mettent en application nos engagements sous des conventions internationales doivent bien sûr ne pas être sujettes aux dispositions de temporisation.

- Le Comité recommande que le Parlement nomme, dans les 90 jours suivant la sanction royale du projet de loi C-36, un haut fonctionnaire du Parlement mandaté pour contrôler, au besoin, l'exercice ou la nécessité des pouvoirs conférés dans le projet de loi. Ce haut fonctionnaire déposerait un rapport devant les deux chambres du Parlement chaque année ou plus souvent, s'il y avait lieu.

- Le Comité recommande d'exiger que la liste soit soumise à l'examen du haut fonctionnaire du Parlement précité afin d'éviter, à la mesure du possible, l'inscription erronée de groupes ou d'individus innocents. De plus, sauf dans les cas où l'urgence d'agir serait démontrée, la liste doit subir cet examen avant d'être publiée.

- Le Comité recommande que l'examen semestriel de la liste, par le gouvernement, soit basé sur un examen de toute information pertinente par un organisme indépendant, comme par exemple, CSARS ou le haut fonctionnaire du Parlement précité.

- Comme le préjudice causé aux entités erronément inscrites sur la liste serait attribuable en partie à l'appellation de la liste (« Inscription des terroristes), le Comité recommande aussi d'en changer le nom, par exemple suite à une étude des appellations des listes semblables qui sont utilisées dans d'autres pays.

- Le Comité recommande de prévoir dans le projet de loi le renvoi automatique devant une cour supérieure des ordonnances visant des personnes condamnées à l'emprisonnement pour avoir refusé de contracter l'engagement.

- Le Comité recommande de prévoir dans le projet de loi le renvoi automatique devant une cour supérieure des ordonnances visant des personnes condamnées à l'emprisonnement pour avoir refusé de contracter l'engagement.

- Le Comité recommande d'exiger l'expiration des certificats au bout d'un certain délai — de cinq ans, par exemple —, avec possibilité de les proroger. Le Comité recommande aussi de soumettre leur prorogation à la même procédure d'examen.

- Le Comité recommande de permettre aux personnes désignées comme personnes astreintes au secret à perpétuité d'appeler de leur désignation ou de la faire réviser par un tribunal ou un autre organisme indépendant. Il recommande aussi de faire en sorte que les personnes désignées puissent demander la révision de leur désignation lorsqu'un certain temps se sera écoulé ou que les circonstances auront évolué.

- Le Comité recommande donc d'exiger une autorisation judiciaire lorsque ce sera approprié et possible.

- Le Comité recommande de définir clairement l'expression « sécurité nationale » et les termes connexes afin de préciser l'objet des dispositions pertinentes.

- Le Comité recommande de prévoir un droit d'appel. De plus, comme l'examen de l'information obligera à limiter la communication de renseignements aux demandeurs afin de ne pas compromettre les relations internationales ainsi que la défense ou la sécurité nationales du Canada, ces procédures d'appel pourront suivre le modèle mis au point par le CSARS, qui garantit à la fois le respect de la justice naturelle et la protection de la sécurité nationale.

- Le Comité recommande de soumettre aussi les règlements à un examen parlementaire.

- Le Comité recommande donc d'ajouter à l'article une disposition interdisant la discrimination qui pourrait s'appliquer à l'ensemble du projet de loi C-36.

- Le Comité recommande de supprimer le terme « licite » de la nouvelle division 83.01(1)b)(ii)(E).

- Le Comité recommande donc de remplacer le terme anglais par l'expression « national security » dans l'ensemble du projet de loi, par souci d'uniformité et de clarté.

- Le Comité recommande d'élargir et d'assouplir l'utilisation de cette défense de manière à ce qu'on puisse invoquer l'intérêt public dans les cas où les tribunaux jugeront que la divulgation aura été faite dans l'intérêt public, eu égard aux exigences de la sécurité nationale.

- Le Comité recommande qu'il devrait être clair dans l'ensemble du projet de loi que pour qu'il y ait facilitation par un individu, que le suspect doit savoir qu'il facilite un acte quelconque, sans nécessairement savoir qu'il s'agit d'un acte précis et prémédité.

- Le Comité recommande toutefois d'ajouter le mot « sexe » à la liste des motifs de haine qui inspirent le méfait.

- Le Comité recommande, par souci d'uniformité, de remplacer le terme « terrorisme » par l'expression « activités terroristes » dans l'ensemble du projet de loi.


ANNEXE « D »

LISTE DES MEMBRES

L'honorable sénateur Joyce Fairbairn, C.P., présidente

L'honorable sénateur James F. Kelleher, C.P., vice-président

Et

Les honorables sénateurs :

Andreychuk
Bacon
Beaudoin
*Carstairs, C.P.
(ou Robichaud, C.P.)
Finestone, C.P.
Fraser
Jaffer
Kenny
*Lynch-Staunton
(ou Kinsella)
Murray, P.C.
Stollery
Tkachuk

*Membres d'office

(Quorum 4)

Les honorables sénateurs Bryden, Christensen, Forrestall, Furey, Grafstein, Gustafson, Mahovlich, Morin, Joyal, Prud'homme, Roche, Rompkey, Stratton, Tkachuk et Wilson ont aussi siégé ou participé au Comité spécial à différentes étapes de l'étude.


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