Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 5
Le mardi 8 octobre 2002
L'honorable Dan Hays, Président
- Le décès de l'honorable Louis de Gonzague Giguère
- Le décès de l'honorable Jean-Pierre Côté, c.p., O.C.
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- Comité de sélection
- Projet de loi antiterroriste
- Régie interne, budgets et administration
- Régie interne, budgets et administration
- Les travaux du Sénat
- Le discours du trône
- Projet de loi sur la protection des phares patrimoniaux
- Le Sénat
- L'indépendance du Président dans le modèle parlementaire de Westminster
- L'accès aux données de recensement
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi de 2002 pour la mise en oeuvre de conventions fiscales
- Projet de loi sur la journée de la fête nationale des Acadiens et des Acadiennes
- Comité de sélection
- Question de privilège
- La sanction d'une action militaire contre l'Irak en conformité avec le droit international
- Le Sénat
- Le Sénat
- Le Jour de l'Amérique au Canada
- La défense nationale
- Affaires sociales, sciences et technologie
LE SÉNAT
Le mardi 8 octobre 2002
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
LE DÉCÈS DE L'HONORABLE LOUIS DE GONZAGUE GIGUÈRE
HOMMAGES
L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour rendre hommage au sénateur Louis de Gonzague Giguère, décédé en juin dernier à l'âge de 90 ans.
Né à Hébertville, le sénateur Giguère a siégé au Sénat pendant près de 18 ans. En 1968, il fut la première personne que nomma au Sénat l'ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau. L'honorable sénateur Giguère a fait ses études aux séminaires de Chicoutimi et de Sherbrooke et à l'Université Laval. Au cours de sa carrière, il s'est fait remarquer en tant qu'administrateur chevronné dans le domaine des affaires publiques et politiques. Il a oeuvré au ministère du Travail du Québec et il fut secrétaire de la Commission royale provinciale sur l'administration des finances des hôpitaux du Québec.
Le sénateur Giguère s'est particulièrement distingué en devenant le secrétaire fondateur de l'Institut des affaires publiques en 1954. Au cours des années 60, il a siégé au conseil d'administration de la Société centrale d'hypothèques et de logement et, par la suite, il fut membre du comité exécutif de cette dernière.
De plus, le sénateur Giguère a été très actif dans le domaine politique. Non seulement a-t-il travaillé à l'établissement de la Fédération libérale du Canada au Québec, mais il a aussi été organisateur en chef du Parti libéral pour le Québec aux élections de 1963, 1965 et 1968.
Au Sénat, le sénateur Giguère s'est beaucoup intéressé aux travaux de divers comités, et en particulier à la politique sur la recherche scientifique. L'honorable sénateur Giguère a servi la population du Québec et du Canada avec beaucoup de dévouement, de conviction et de distinction. Nous tenons à exprimer nos sincères condoléances à tous les membres de sa famille.
L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, je voudrais m'associer aux sénateurs qui ont exprimé leurs plus sincères condoléances à la famille du sénateur Giguère.
Le sénateur Bacon vient d'évoquer la carrière du sénateur Giguère. On constate qu'à toutes les époques de sa vie, il a été très largement impliqué au service de sa communauté, que ce soit dans le monde des affaires, auquel il a consacré le meilleur de ses énergies, ou dans les domaines de la santé, de l'éducation et de la politique.
Il a été fondateur de l'Institut des affaires publiques, un forum extrêmement actif au Québec dans les années 50, 60 et 70, où étaient réunis des universitaires, des syndicalistes, des gens du milieu des affaires et des politiciens qui réfléchissaient sur la modernisation de la société québécoise et sur l'évolution et la place du Québec à l'intérieur du Canada.
Le sénateur Giguère était un proche collaborateur du Parti libéral du Canada
de M. Pearson. Il a sans doute été un organisateur extrêmement influent au sein
du Parti libéral à l'arrivée de ceux qu'on a appelés les trois colombes, M.
Trudeau, M. Pelletier et
M. Marchand, qui ont marqué l'histoire politique canadienne et québécoise.
Dans la vie démocratique, les yeux sont davantage tournés vers ceux qui obtiennent des votes ou qui occupent une charge publique, mais des gens comme le sénateur Giguère et comme des milliers d'autres Canadiens, qui participent modestement ou de façon plus importante à l'activité quotidienne des partis, sont également tributaires des réussites des divers gouvernements.
Le sénateur Giguère fut un militant très engagé du Parti libéral du Canada. Il ne cherchait pas les lumières, mais il n'en était pas moins efficace et, à ce titre, les communautés politiques québécoise et canadienne doivent lui être reconnaissantes pour son engagement et sa conception de l'action politique au niveau du militantisme au sein d'un parti, un engagement particulièrement noble qui s'inscrit d'emblée dans ce qui est une démarche politique, celle du service public.
C'est en ce sens qu'il est important que cette Chambre souligne et rappelle la mémoire d'un homme d'engagement et de combat, le sénateur Giguère.
LE DÉCÈS DE L'HONORABLE JEAN-PIERRE CÔTÉ, C.P., O.C.
HOMMAGES
L'honorable Pierre De Bané: Honorables sénateurs, je voudrais rendre hommage aujourd'hui à l'honorable sénateur Jean-Pierre Côté, décédé le 10juillet dernier à l'âge de 76 ans.
Professionnel de la santé, M. Jean-Pierre Côté était natif de Montréal et les électeurs de sa circonscription l'ont élu en 1963, 1965 et 1968.
(1410)
Assermenté comme membre du Conseil privé en décembre 1965, il occupa les fonctions de ministre des Postes jusqu'en 1968 dans le gouvernement du très honorable Lester B. Pearson. Au cours du mandat du très honorable Pierre Elliott Trudeau, il est nommé ministre du Revenu national, mais malheureusement, la maladie l'oblige à réduire ses activités.
En 1970, il deviendra ministre sans portefeuille. Lorsque sa santé le lui permettra, il reprendra le ministère des Postes en 1971 et ce, pour une année seulement.
Le 1er septembre 1972, l'honorable Jean-Pierre Côté fut nommé au Sénat du Canada. En avril 1978, le sénateur Côté a démissionné du Sénat. Il fut alors nommé lieutenant-gouverneur du Québec, fonction qu'il exercera jusqu'en mars 1984.
Tout au cours de sa carrière distinguée, à titre de député, de ministre et de représentant de Sa Majesté au Québec, l'honorable sénateur Côté a servi la population du Québec et du Canada avec ardeur, conviction et dignité.
Je garde de l'honorable sénateur Côté le souvenir d'un homme foncièrement bon et généreux, qui n'avait pas d'ennemi, qui essayait toujours de comprendre les aspirations de la population et de les refléter avec toute la sincérité dont il était capable. Je me fais l'interprète de tous les sénateurs, sans exception, en transmettant à tous les membres de sa famille nos plus sincères condoléances.
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, l'honorable Jean-Pierre Côté nous a quittés le 10juillet 2002. Né à Montréal le 9janvier 1926, il fit des études à l'École technique de denturologie de Montréal. Il reçut la médaille d'or du mérite en technologie dentaire en 1951. Marié en 1948 à Germaine Tremblay, ils eurent huit enfants. Élu à la Chambre des communes en 1963, réélu en 1965 et en 1968, il devint ministre des Postes le 18décembre 1965. Il fut nommé au Sénat le 1er septembre 1972. Il fut lieutenant- gouverneur du Québec du 27avril 1978 au 27mars 1984. L'honorable Jean-Pierre Côté a été nommé Officier de l'Ordre du Canada en 1992.
L'honorable Lise Thibault, lieutenant-gouverneur du Québec, lui a rendu hommage le 11juillet dernier en le remerciant «pour ce qu'il a accompli durant son mandat, de même que pour tous les services rendus aux Canadiens dans l'exercice de ses responsabilités ministérielles».
L'honorable Jean-Pierre Côté a consacré une partie de sa vie à rendre service à ses concitoyens à titre de député, de ministre, de sénateur, de lieutenant-gouverneur et de bénévole. La vie publique n'est pas toujours facile et la politique est parfois ingrate. Malgré cela, Jean-Pierre Côté a su donner le meilleur de lui-même. Son départ laisse un grand vide. J'offre à son épouse, à ses enfants et à toute sa famille mes plus profondes condoléances.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
QUESTION DE PRIVILÈGE
AVIS
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, conformément à l'article 43 du Règlement du Sénat, j'ai donné avis plus tôt que j'avais l'intention de poser aujourd'hui la question de privilège.
Honorables sénateurs, je donne maintenant avis verbal de mon intention de poser la question de privilège, comme je l'avais indiqué plus tôt.
Honorables sénateurs, je poserai la question de privilège au sujet de certaines déclarations publiques faites au sujet de la Souveraine, Sa Majesté la Reine Élizabeth II, reine et chef de l'État du Canada, par l'honorable John Manley, vice-premier ministre, lesquelles déclarations préconisent le renversement de la monarchie au
Canada, l'éviction de la reine elle-même de la Constitution du Canada et la substitution d'une autre reine, comme la chanteuse de musique populaire Céline Dion. Ces déclarations ont été largement rapportées par les médias imprimés et électroniques, partout au Canada.
Honorables sénateurs, il faut ajouter à cela que ces déclarations ont été faites quelques heures à peine après l'arrivée de Sa Majesté la Reine au Canada afin de célébrer le 50e anniversaire de son accession au trône, connu sous le nom de Jubilé d'or.
L'HONORABLE DAVID SMITH, C.P.
MOT DE BIENVENUE AU SÉNAT
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, une fois de plus, je fais appel à votre indulgence pour avoir la possibilité de conclure mon mot de bienvenue à notre collègue le plus récent, le sénateur David Paul Smith. Permettez-moi de reprendre là où je m'étais arrêté l'autre jour.
Tandis qu'il assumait ses fonctions de maire adjoint de Toronto, le sénateur Smith a continué à exercer le droit. Toutefois, même avec toutes ces activités, la politique fédérale demeurait pour lui une passion.
David a décidé de se présenter aux élections législatives et a réussi à se faire élire. À titre de député, à la Chambre des communes, il a présidé un comité spécial sur les personnes handicapées, puis a dirigé les efforts déployés pour inscrire dans la Charte les droits de ces personnes.
Il est entré au Cabinet comme secrétaire d'État aux Petites entreprises et au Tourisme, poste dans lequel il a fait preuve d'imagination et d'énergie, qui sont deux des talents naturels de David.
Je me souviens — et l'honorable sénateur Lowell Murray s'en souviendra aussi
sans doute — qu'au cours du débat sur la Charte et sur son mode de révision,
nous avions beaucoup de difficultés à cause des pressions aussi intenses
qu'intelligentes exercées par l'opposition auprès du Parlement britannique. Les
lobbyistes représentant les provinces ainsi que les députés de l'opposition ont
fait du bon travail, essayant de persuader quelques membres de la Chambre des
lords et des Communes qu'il y avait d'importantes préoccupations au sujet de la
Charte et de son mode de révision.
M. Trudeau avait alors envoyé David comme émissaire du gouvernement pour
convaincre les parlementaires britanniques réticents d'accepter le mode de
révision prévu dans la Constitution de 1982 et pour contrer ces objections bien
organisées et bien pensées. Sa faculté de persuasion était et est encore
légendaire. Pour cette contribution et d'autres, il a reçu avec fierté du
gouvernement fédéral une rare distinction, celle d'être nommé conseiller de la
reine.
Après avoir quitté la Chambre des communes, il n'a jamais été très loin de la
politique en Ontario et a participé à toutes les campagnes nationales, aux
niveaux les plus élevés, depuis les
années 60. Il a été président de la campagne en Ontario et président de la
compagnie nationale, sous la direction de
M. Chrétien, aux dernières élections. Entre-temps, il a atteint le sommet de la
profession juridique à titre d'associé directeur du cabinet Fraser Milner
Casgrain, qu'il a aidé à établir sur la scène nationale.
Il habite au cœur de Toronto — c'est d'ailleurs l'un de mes voisins— et passe ses étés à Cobourg. Il a mené le Parti libéral à une victoire quasi totale en Ontario au cours des trois dernières élections fédérales. C'est un exploit sans précédent dans les annales politiques canadiennes.
Grand voyageur, il y a peu d'endroits du monde que David ne connaisse pas, à cause de son esprit curieux et de sa mémoire phénoménale. Son grand sens de l'humour lui servira sûrement, malgré le sérieux de la tâche qu'il assume sa ici, au Sénat.
Voilà maintenant que notre ami David entreprend une troisième carrière en politique, à titre de sénateur de l'Ontario, venant de Cobourg, où se trouve sa maison de campagne. Même si je peux dire sans crainte d'exagérer que David est prêt pour le Sénat, je me demande si le Sénat est prêt pour cette force de la nature qu'est David.
Une voix: Trois minutes!
Le sénateur Grafstein: Il est rare qu'un individu ait été aussi bien armé pour entreprendre des tâches aussi exigeantes et absorbantes que celles confiées aux sénateurs.
Devant l'actuel paysage politique canadien, les vieilles cartes routières de la politique nationale nous sont peu utiles et ne nous permettent pas de nous faire une idée de ce que nous réserve l'avenir. Mais soyez assurés que David sera du nombre de ceux qui nous aideront à éviter les écueils politiques, les chutes et les cascades qui nous attendent tous de part et d'autre de cette enceinte dans l'actuelle législature.
Avec votre permission, honorables sénateurs, puis-je disposer de quelques instants supplémentaires?
Une voix: Non.
Son Honneur le Président: Honorable sénateur Grafstein, j'ai le regret de vous annoncer que vos trois minutes sont écoulées.
L'HONORABLE WILBERT J. KEON, O.C., O. ONT.
FÉLICITATIONS POUR SA NOMINATION À LA PRÉSIDENCE DE L'INTERNATIONAL SURGICAL GROUP
L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour attirer votre attention sur les exploits de l'un de nos collègues au Sénat.
Je suis persuadée que vous êtes tous au courant des exploits du sénateur Keon. Il a été le premier chirurgien canadien à greffer un coeur totalement artificiel en attendant celle d'un coeur naturel. Il a beaucoup publié dans son domaine et a reçu de nombreux prix et honneurs, notamment l'Ordre de l'Ontario et l'Ordre du Canada.
Récemment, notre collègue a reçu un nouvel honneur. Il a en effet été nommé à la présidence de l'International Surgical Group. Il s'agit d'un organisme international à but non lucratif, fondé au début des années 60, qui réunit d'éminents chirurgiens réputés de par le monde. L'adhésion à ce groupe est limité à 60 membres et c'est tout un honneur pour nous qu'un Canadien en ait été nommé président.
Dans ses nouvelles fonctions, le sénateur Keon accueillera ici même, à Ottawa, la conférence de 2003 de l'International Surgical Group. C'est la première fois que la conférence annuelle de ce groupe doit avoir lieu dans la capitale. Elle permettra aux membres de présenter les résultats de leurs derniers travaux de recherche, de faire part des innovations dans leur domaine et de parler des interventions chirurgicales avec des confrères de toutes les disciplines.
Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter notre distingué collègue.
Des voix: Bravo!
(1420)
[Français]
L'HONORABLE YVES MORIN, O.C., O.Q.
FÉLICITATIONS PAR LA FÉDÉRATION CANADIENNE DES SOCIÉTÉS DE BIOLOGIE POUR SA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE
L'honorable Raymond C. Setlakwe: Honorables sénateurs, il me fait plaisir de souligner l'honneur bien mérité que la Fédération canadienne des sociétés de biologie a accordé à notre distingué collègue, le DrYves Morin.
[Traduction]
La Fédération canadienne des sociétés de biologie a honoré notre éminent collègue en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle à la promotion de la recherche et de l'éducation en sciences biomédicales au Canada.
Il convient de rappeler que des ministres ont déjà reçu pareil honneur, mais que c'est la première fois qu'un sénateur en est le bénéficiaire.
[Français]
Cette reconnaissance ne surprend personne car le sénateur Yves Morin a depuis longtemps été reconnu par les siens à titre de doyen de la faculté de médecine de l'Université Laval et de directeur de l'Institut de cardiologie de Québec. Il est aussi très actif depuis qu'il siège au Sénat au Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Bravo, cher collègue.
[Traduction]
AFFAIRES SOCIALES, SCIENCES ET TECHNOLOGIE
AVIS DE MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À POURSUIVRE L'ÉTUDE DE L'ÉTAT DU SYSTÈME DE SOINS DE SANTÉ DU CANADA—DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant d'amorcer les affaires courantes d'aujourd'hui, je voudrais vous faire part d'une décision qui m'a été demandée.
Le jeudi 3 octobre, pendant les affaires courantes, le sénateur Morin a donné avis d'une motion au nom du sénateur Kirby, en vue d'autoriser le Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie à étudier plusieurs aspects du système canadien des soins de santé. La motion autoriserait également le comité à se servir des témoignages recueillis à la deuxième session de la 36elégislature et à la première de la présente pour déposer un rapport final à ce sujet au plus tard le 31 octobre 2002. Une fois l'avis de motion annoncé, j'ai rappelé au Sénat qu'il ne serait pas possible de traiter cette motion tant que les comités permanents n'auraient pas commencé leurs travaux.
[Français]
Juste avant de passer à l'ordre du jour, j'ai donné la parole au sénateur Kinsella, qui a soulevé un rappel au Règlement en soulignant que cet avis de motion était irrégulier, étant donné que le comité en question n'existait pas encore. À son avis, le Sénat ne pouvait pas autoriser une entité inexistante à faire quelque chose ou l'en empêcher.
[Traduction]
À titre de réfutation, le sénateur Carstairs a rétorqué que l'objet de l'avis était d'informer le Sénat d'activités éventuelles du Comité, en ajoutant que le Sénat avait déjà adopté des motions visant à saisir un comité d'un projet de loi avant même la création dudit comité. Dans le cas qui nous intéresse, toutefois, madame le sénateur a précisé qu'il vaudrait mieux ne pas l'adopter tant que le Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie ne serait pas formé.
[Français]
Depuis, j'ai eu une occasion d'approfondir la question. Tout d'abord, j'ai négligé de préciser, jeudi dernier, que, selon le paragraphe 23(1), ce rappel au Règlement était quelque peu prématuré. Le paragraphe explique en effet que les rappels au Règlement au sujet de l'avis donné au cours de la période des affaires courantes ne sont admissibles qu'au moment de l'appel de l'ordre du jour.
[Traduction]
Quoi qu'il en soit, j'ai pu confirmer qu'il existe en effet deux précédents récents dans lesquels le Sénat a convenu de saisir un comité d'un projet de loi avant d'approuver la composition de ce comité. Tout d'abord, le 3novembre 1999, le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles a été saisi du projet de loi S-6, visant à modifier le Code criminel. Puis, le 31janvier 2001, un autre projet de loi S-6, portant sur les actes fautifs dans la fonction publique, a été renvoyé au Comité des finances nationales. Dans le premier cas, la motion a été modifiée avec la permission du Sénat par l'ajout d'une nuance précisant qu'elle s'appliquerait dès que le comité serait formé, le cas échéant. Dans le second cas, la motion du sénateur Kinsella comportait cette précision au moment où elle a été presentée.
Malgré ces deux précédents, il me semble que la nuance «dès que le comité sera formé, le cas échéant» est superflue, notamment en ce qui concerne les comités permanents qui, comme leur nom l'indique, sont des comités permanents du Sénat reconnus comme tels dans le Règlement du Sénat. Ces comités permanents sont constitués au début de chaque session et chargés d'accomplir les tâches qui leur sont confiées.
Si l'on applique la logique de ces deux précédents au cas qui nous intéresse, deux options sont possibles. Le Sénat peut, si la permission est accordée, soit accepter d'amender cette motion sujette à débat en y ajoutant la nuance précitée, soit accepter la proposition du leader du gouvernement de ne pas la preésenter tant que le Sénat n'aura pas accepté les recommandations du Comité de sélection sur les membres du Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel cas aucune permission n'est requise. Nous n'avons pas à prendre de décision à cet égard tant que le Sénat n'a pas été saisi de la motion. Par conséquent, je décide que l'avis de motion est recevable.
AFFAIRES COURANTES
COMITÉ DE SÉLECTION
PRÉSENTATION ET ADOPTION DU PREMIER RAPPORT DU COMITÉ
L'honorable Bill Rompkey, président du Comité de sélection, présente le rapport suivant:
Le mardi 8 octobre 2002
Le Comité de sélection a l'honneur de présenter son
PREMIER RAPPORT
Conformément aux articles 85(1)a) et 85(2) du Règlement du Sénat, votre comité informe le Sénat qu'il désigne l'honorable sénateur Pépin au poste de Président à titre intérimaire.
Respectueusement soumis,
Le président,
WILLIAM ROMPKEY
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?
Le sénateur Rompkey: Avec la permission du Sénat, aujourd'hui.
Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?
L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, puis-je proposer au sénateur de demander la permission d'étudier le rapport sur-le-champ?
Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Rompkey: Honorables sénateurs, je propose l'adoption du rapport.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
PRÉSENTATION DU DEUXIÈME RAPPORT DU COMITÉ
L'honorable Bill Rompkey, président du Comité de sélection, présente le rapport suivant:
Le mardi 8 octobre 2002
Le Comité de sélection a l'honneur de présenter son
DEUXIÈME RAPPORT
Conformément à l'article 85(1)b) du Règlement du Sénat, votre Comité présente la liste des sénateurs qu'il a désignés pour faire partie du comité permanent suivant:
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
Les honorables sénateurs Callbeck, *Carstairs (ou Robichaud), Cook, Cordy, DiNino, Fairbairn, Keon, Kirby, LeBreton, *Lynch-Staunton (ou Kinsella), Morin, Pépin, Robertson et Roche.
* Membres d'office
Respectueusement soumis,
Le président,
WILLIAM ROMPKEY
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?
Le sénateur Rompkey: Honorables sénateurs, s'il n'y a pas consentement pour l'étudier immédiatement, je me demande s'il y aura consentement pour l'étudier plus tard au cours de la présente séance.
Son Honneur le Président: Permission accordée pour l'étudier plus tard aujourd'hui?
Des voix: D'accord.
(Sur la motion du sénateur Rompkey, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)
(1430)
PROJET DE LOI ANTITERRORISTE
DÉPÔT DU RAPPORT DU COMITÉ SPÉCIAL EN CONFORMITÉ AVEC L'ARTICLE 104 DU RÈGLEMENT
L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer le premier rapport du Comité spécial sénatorial sur le projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et d'autres lois, et édictant des mesures à l'égard de l'enregistrement des organismes de bienfaisance, en vue de combattre le terrorisme, lequel rapport porte sur les dépenses encourues à cette fin par le comité au cours de la première session de la trente-septième législature.
(Le texte du rapport figure dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)
RÉGIE INTERNE, BUDGETS ET ADMINISTRATION
PRÉSENTATION DU PREMIER RAPPORT DU COMITÉ
L'honorable Richard H. Kroft, président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant:
Le mardi 8 octobre 2002
Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son
PREMIER RAPPORT
Votre Comité recommande l'adoption de crédits supplémentaires de 969 000$ pour l'année financière 2002- 2003.
Ces crédits supplémentaires sont demandés afin de rencontrer les exigences suivantes:
1) Pour normaliser les ressources afin que le Service de sécurité puisse déployer les ressources voulues en fonction des besoins actuels;
2) pour remplacer l'équipement d'impression;
3) pour élaborer une méthode intégrée de gestion des limitations fonctionnelles;
4) pour produire une version en langage ASL (American Sign Language) / LSQ (Langue des signes du Québec) du rapport d'un comité sénatorial intitulé Des soins de fin de vie de qualité: chaque Canadien et Canadienne y a droit;
5) pour assurer le financement intégral des échanges et des associations parlementaires.
Respectueusement soumis,
Le président,
RICHARD H. KROFT
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?
(Sur la motion du sénateur Kroft, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
[Français]
LES TRAVAUX DU SÉNAT
AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LES COMITÉS SÉNATORIAUX À SE RÉUNIR PENDANT LES AJOURNEMENTS DU SÉNAT
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement):
Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le mercredi
9 octobre 2002, je proposerai:
Que, pour la durée de la présente session, les comités particuliers puissent se réunir pendant les ajournements du Sénat.
LE DISCOURS DU TRÔNE
L'ADRESSE EN RÉPONSE—LA FIN DU DÉBAT AU HUITIÈME JOUR DE SÉANCE—AVIS DE MOTION
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, conformément à l'article 58(1)h) du Règlement, je donne avis qu'à la prochaine séance du Sénat, je proposerai:
Que les délibérations à l'ordre du jour pour la reprise du débat sur la motion relative à l' Adresse en réponse au discours du Trône, prononcé par Son Excellence la Gouverneure générale devant les deux chambres du Parlement, se terminent le huitième jour de séance où l'ordre aura été débattu.
[Traduction]
PROJET DE LOI SUR LA PROTECTION DES PHARES PATRIMONIAUX
PREMIÈRE LECTURE
L'honorable J. Michael Forrestall présente le projet de loi S-7, visant à protéger les phares patrimoniaux.
(Le projet de loi est lu une première fois.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand le projet de loi sera-t-il lu une deuxième fois?
(Sur motion du sénateur Forrestall, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance qui aura lieu dans deux semaines.)
LE SÉNAT
AVIS DE MOTION DEMANDANT UNE RÉPONSE DU GOUVERNEMENT AU RAPPORT DU COMITÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE
L'honorable Jane Cordy: Honorables sénateurs, je donne avis que, le jeudi 10 octobre 2002, je proposerai:
Que, d'ici 150 jours, le leader du gouvernement donne au Sénat une réponse globale sur le rapport du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé La défense de l'Amérique du Nord: Une responsabilité canadienne, déposé le 30 août 2002.
L'INDÉPENDANCE DU PRÉSIDENT DANS LE MODÈLE PARLEMENTAIRE DE WESTMINSTER
AVIS D'INTERPELLATION
L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je donne avis que, le jeudi 10 octobre 2002, j'attirerai l'attention du Sénat sur l'indépendance du Président dans le modèle parlementaire de Westminster.
Des voix: Bravo!
L'ACCÈS AUX DONNÉES DE RECENSEMENT
PRÉSENTATION DE PÉTITIONS
L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur, encore une fois, de présenter des pétitions. Cette fois-ci, elles portent la signature de 940 Canadiens des provinces de la Colombie- Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Ontario, du Québec, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle- Écosse. Les pétitionnaires font des recherches dans leur généalogie et présentent la pétition suivante:
Vos pétitionnaires prient le Parlement de prendre les mesures nécessaires en vue de modifier rétroactivement, dans les lois sur la statistique adoptées depuis 1906, les dispositions touchant la protection des renseignements personnels pour permettre au public d'avoir accès, après un délai raisonnable, aux données des recensements effectués après 1901, à commencer par celles du recensement de 1906.
J'ai déjà déposé des pétitions renfermant 19169 signatures au cours de la
première session de la 37e législature, plus de
6000 signatures au cours de la 36e législature et plus de
940 signatures depuis le début de la deuxième session de la
37e législature. Toutes ces pétitions demandent que des mesures
soient prises sans délai dans cet important dossier relatif à l'histoire du
Canada.
PÉRIODE DES QUESTIONS
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
L'IRAK—LA TENTATIVE DE BOMBARDEMENT D'UNE RÉUNION À LAQUELLE PARTICIPAIT SADDAM HUSSEIN
L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. La presse italienne a publié une dépêche de l'agence ANSA qui cite un article du quotidien koweïtien al-Qabas soulignant qu'un pilote irakien de MiG-23 avait tenté de larguer une bombe sur l'un des palais présidentiels de Saddam Hussein situé à Al Tharthar alors que Saddam Hussein y tenait une réunion. L'appareil irakien a été descendu et le pilote a été soumis à un interrogatoire auquel, fait intéressant à noter, Saddam Hussein aurait assisté. Madame le leader du gouvernement est-elle en mesure de nous confirmer si le gouvernement a des renseignements sur cet incident?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je remercie le sénateur d'avoir attiré mon attention sur cette dépêche. Je n'ai pas entendu parler de cet incident. Mes adjoints sont à l'écoute et ils pourront peut-être obtenir plus de détails à ce sujet. Avec la permission du Sénat, je serai heureuse, après la période des questions, de communiquer aux sénateurs les renseignements que j'aurai obtenus. Si ce n'est pas possible, je tenterai de leur fournir des renseignements complémentaires à ce sujet le plus tôt possible.
(1440)
LA DÉFENSE NATIONALE
LE RAPPORT DE LA CONFÉRENCE DES ASSOCIATIONS DE LA DÉFENSE—L'ÉTAT DES FORCES ARMÉES
L'honorable J. Michael Forrestall: Je suis reconnaissant à madame le leader du gouvernement au Sénat de sa réponse.
Je pose cette question, car elle présage la détérioration de la situation internationale entre les États-Unis et le Royaume-Uni, d'une part, et l'Irak, d'autre part, ainsi que l'envenimement encore une fois des relations entre l'Inde et le Pakistan.
La Conférence des associations de la défense a publié un autre rapport très critique à l'égard de la situation des Forces canadiennes. Il s'intitule Une nation vulnérable. Le rapport dit, entre autres, que le Canada est sur le point d'abandonner les ressources de sa force opérationnelle navale, que nos destroyers seront probablement placés en situation de préparation prolongée, sans effectif, que nos navires de soutien opérationnel ne seront probablement pas remplacés, que nos sous-marins de la classe Victoria nécessitent d'importants travaux de modernisation, et qu'il faut trouver de l'argent quelque part pour entreprendre un carénage de demi-vie des sous-marins de la classe Halifax. Je n'ai même pas mentionné le remplacement des Sea King.
Madame le leader du gouvernement au Sénat demandera-t-elle au ministre des Finances de débloquer d'urgence 1,5 milliard de dollars pour les Forces canadiennes?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): L'honorable sénateur connaît bien l'importance de la Conférence des associations de la défense. Elle compte quelque 600 000 membres. De toute évidence, le gouvernement examinera son rapport, car il est important.
Le gouvernement a reconnu que les Forces canadiennes éprouvent des difficultés en ce qui concerne ses ressources. Le gouvernement a également dit dans son discours du Trône que l'orientation à long terme de la politique internationale et de défense doit faire l'objet d'un examen. Je crois comprendre qu'aucune décision ne sera prise avant la fin de cet examen.
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse également au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur la question que le sénateur Forrestall a soumise au sujet de ce rapport que j'ai lu très attentivement. J'ai lu que le rapport avait été préparé par un comité d'experts formé d'officiers à la retraite. Les Canadiens devraient savoir que, dans ce rapport, on affirme que le déclin notable des Forces canadiennes rend tout notre pays vulnérable en fragilisant sa sécurité face aux menaces intérieures et internationales, sa prospérité économique et surtout sa souveraineté.
Les rapports sur les relations canado-américaines qui nous viennent maintenant des États-Unis sont fondés dans une grande mesure sur notre incapacité, aux yeux des Américains, de fonctionner en tant que nation comme nous l'avons fait dans le passé à cause du déclin de notre force militaire.
Madame le leader a-t-elle une observation à formuler à ce sujet étant donné que nous faisons face à une situation telle que le monde n'a jamais connue, comme la situation irakienne et d'autres? Donne- t-elle raison à ce comité d'experts militaires ou est-elle en désaccord avec son rapport?
Le sénateur Carstairs: Contrairement à l'honorable sénateur qui a dit avoir lu le rapport attentivement d'un bout à l'autre, je n'ai pas eu cette occasion. J'ai lu les articles de presse à ce sujet. J'ai demandé et obtenu des renseignements sur les personnes qui formaient cette association. Cette association a une certaine réputation depuis 1932.
L'honorable sénateur a également parlé des déclarations faites par les Américains. Je tiens à lui dire que la politique de défense du Canada sera établie au Canada et non aux États-Unis. Cela dit, d'une part, les États-Unis nous félicitent grandement pour notre participation à la guerre contre le terrorisme. Nos troupes au sol en Afghanistan n'ont reçu que des louanges de la part des Américains. Nous apprenons également d'autre part qu'ils voudraient que le Canada ait davantage d'armes provenant d'un éventail de sources. Ces décisions ne seront pas prises par les États-Unis, mais bien par le Canada.
Le sénateur St. Germain: À mon avis, les Canadiens accepteraient cela, mais aucune décision n'a été prise par le gouvernement libéral au pouvoir. Il a tant négligé nos militaires que leur moral s'est détérioré au point où ceux-ci dénoncent eux-mêmes la situation au pays. Leur équipement est désuet.
Honorables sénateurs, nous avons déjà abordé cette question dans le passé. Le leader du gouvernement, madame le ministre qui siége en cet endroit, a défendu la position du gouvernement concernant les hélicoptères, les chars d'assaut et divers autres matériels. Ce même gouvernement au sein duquel siège madame le ministre n'a pas hésité par ailleurs à acheter des avions à réaction pour assurer le transport des ministres et à mettre de côté les problèmes de remplacement des hélicoptères. Comment cette attitude est-elle justifiable auprès du public et des militaires lorsque le pays demande à ces derniers, hommes et femmes, de mettre leur vie en jeu lorsqu'ils vont au combat?
Les Américains ne peuvent certes que vanter les efforts consentis par nos soldats en Afghanistan. Qu'est-ce que l'honorable leader pensait qu'ils feraient? C'est une farce.
Il est temps que madame le ministre réagisse à ce qui lui est dit en cet endroit et intervienne de façon responsable au nom des militaires afin que ces derniers aient au moins l'espoir d'améliorer leur sort dans l'exercice de leurs fonctions dans le monde.
Le sénateur Carstairs: L'honorable sénateur a réussi à aborder plusieurs aspects dans une même question. Reprenons-les donc un à la fois.
Premièrement, l'honorable sénateur dit que le moral des militaires se détériore, alors qu'en réalité les efforts de recrutement n'ont jamais donné de meilleurs résultats qu'au cours des derniers mois. S'il existe un problème de moral, pourquoi les jeunes choisissent-ils en grand nombre d'entrer dans les rangs de nos forces armées?
Deuxièmement, l'honorable sénateur parle d'équipement. Il a tenté d'établir
une comparaison entre les avions Challenger et leshélicoptères Sea King. Ces
dernières années, quelque
80 millions de dollars ont été consacrés aux Sea King afin d'enassurer le
maintien intégral pour qu'ils continuent à servir leurs fins.
S'il existe une politique permanente d'achat de nouveaux aéronefs, son application est plus lente que ne le souhaiterait n'importe lequel d'entre nous. Comme je l'ai dit au ministre, son application est plus lente que je ne le souhaiterais, ne serait-ce qu'afin d'être en mesure de donner pour une fois au sénateur Forrestall de bonnes nouvelles à ce sujet.
Le discours du Trône était très clair: il y aura un examen de notre politique de défense. Il sera effectué en parallèle avec l'examen de notre politique étrangère. À mon avis, il convient parfaitement de procéder ainsi. Les Canadiens seront consultés car, selon les sondages, ils semblent généralement favorables à l'augmentation des ressources attribuées aux militaires. Ils veulent aussi qu'on augmente les fonds consacrés à l'éducation. De même, les Canadiens veulent qu'on accorde des sommes additionnelles aux soins de santé car c'est là leur première priorité. Ils nous disent par ailleurs qu'ils refusent de voir le pays retomber dans une situation de déficit actif.
LA CHRONOLOGIE DES EXAMENS DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE
L'honorable J. Michael Forrestall: L'examen de la politique étrangère précédera-t-il celui de la politique de défense?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): À ma connaissance, les deux examens seront effectués simultanément.
DÉPÔT DES RAPPORTS SUR LA RÉPARTITION DES COÛTS DE L'ÉQUIPEMENT
L'honorable Laurier L. LaPierre: Honorables sénateurs, j'ai entendu le mot «moralité», mais je crois comprendre que c'est plutôt le mot «moral» qui a été prononcé. Je peux donc dire que la moralité ne serait aucunement affectée par le manque d'équipement, le cas échéant.
Est-ce que l'honorable sénateur pourrait déposer au Sénat tous ces rapports préparés par ces gens savants qui ont expliqué clairement d'où viendront les fonds qui permettront d'ajouter au budget du ministère de la Défense nationale pour nos forces armées? Je ne suis pas sûr du chiffre, qu'il s'agisse de 2, 8, 12 ou 22 milliards de dollars.
(1450)
Si l'argent est pris aux soins de santé, au programme pour les enfants, à la Société Radio-Canada, à la culture ou à même le déficit, il faut le savoir. Ces gens font des déclarations sans avoir une idée du coût du matériel qu'ils réclament, exception faite de la brillante intervention du sénateur Kenny. D'ailleurs, les comités et les rapports ne précisent jamais d'où l'argent doit venir.
Je voudrais que madame le leader du gouvernement au Sénat demande à ses nombreux agents de recherche de se pencher sur la question.
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je tiens à assurer aux honorables sénateurs que je n'ai pas de nombreux agents de recherche, mais ceux que j'ai travaillent extrêmement fort.
En ce qui concerne les rapports où sont évalués les investissements requis, je n'ai encore jamais lu un rapport où on me dit d'où doit venir l'argent. Les auteurs des rapports réclament certains investissements qu'ils jugent nécessaires. Parfois, ils réussissent à bien justifier les dépenses requises.
Comme l'a si bien dit l'honorable sénateur, ils ne précisent pas nécessairement quels programmes on doit sacrifier pour produire ces grosses sommes dont on a besoin.
L'ENVIRONNEMENT
LE COÛT DES CONSULTATIONS GOUVERNEMENTALES SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE
L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat. Une grande partie des débats sur le Protocole de Kyoto concerne les consultations auprèsde l'industrie et des provinces. Les opposants réclament des consultations beaucoup plus poussées. Cependant, le gouvernement du Canada a déjà passé près de dix ans à mener des consultations sur le changement climatique. Le Secrétariat national du changement climatique et ses divers groupes, la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, Environnement Canada, des consultants indépendants et des organisations environnementales, voilà quelques-unes des entités financées par le gouvernement fédéral qui ont mené des consultations sur la question et ont consulté l'industrie et les provinces. Chose certaine, nous avons besoin d'un plan précis, et il mérite d'être discuté et de faire l'objet d'une évaluation critique, mais il est bon de se rappeler maintenant toutes les consultations déjà faites.
Voici ma question: madame le leader du gouvernement pourrait- elle nous dire combien de temps et d'argent le gouvernement du Canada a consacré aux consultations sur le changement climatique depuis la conférence de Rio? Combien d'années-personnes et d'argent a-t-on utilisé pour tenter de dégager un consensus? En d'autres termes, je voudrais que le leader du gouvernement au Sénat confirme qu'on a beaucoup dépensé pour consulter et dise ce que cela représente en fait de témoignages.
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): L'honorable sénateur a tout à fait raison de dire que les consultations durent depuis dix ans. Chose curieuse, un des participants les plus assidus a été l'Alberta, qui a décidé de participer, au moment où nous nous apprêtons à définir un plan pour répondre aux exigences liées au changement climatique.
Quant à savoir combien au juste on a dépensé pour ces négociations et combien d'années-personnes il a fallu, je ne peux pas fournir cette information tout de suite, mais je tâcherai de l'obtenir, et je la communiquerai le plus tôt possible.
L'INDUSTRIE
LE RAPPORT DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE—LE PROGRAMME DE FINANCEMENT DES PETITES ENTREPRISES—LE TAUX DE RECOUVREMENT DES COÛTS POUR LES PRÊTS AUX PETITES ENTREPRISES
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question concerne l'étude que fait la vérificatrice générale de la gestion du Programme de financement des petites entreprises du Canada au chapitre 5 du rapport qu'elle vient de publier. Comme le chapitre 5 est le suivi du rapport que la vérificatrice générale avait présenté là- dessus en 1997, la vérificatrice générale revient sur certaines questions qu'elle avait soulevées en 1997 pour voir si le gouvernement a bien répondu à ses préoccupations antérieures. Une de ces questions est celle du recouvrement des coûts pour les
prêts consentis à de petites entreprises dans le cadre de ce programme. Plus précisément, la vérificatrice signale que, dans son rapport annuel de 2000-2001 sur le programme, le ministère de l'Industrie indique qu'il ne s'attend pas à atteindre l'objectif de recouvrement des coûts pour les prêts garantis entre le 1er avril1995 et le 31mars1999. Cela représentait, à la fin de mars2001, des pertes de 155,8millions de dollars et on estime à plus de 200millions de dollars les pertes qui seront accusées sur la durée de ces prêts administrés dans le cadre du Programme de financement des petites entreprises du Canada et de son prédécesseur, le Programme de prêts aux petites entreprises.
Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle me dire quelles mesures prendra son gouvernement pour résoudre ce problème afin qu'un piètre recouvrement des coûts ne devienne pas une caractéristique permanente de ce programme?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Le sénateur parle de la partie du rapport de la vérificatrice générale qui porte sur le financement des petites entreprises. Il ne rapporte évidemment pas ce que dit la vérificatrice générale des énormes progrès qui ont été accomplis au sein de ce programme. Elle dit pourtant que la loi a amélioré la reddition des comptes au Parlement et l'importance de cette reddition de comptes. Elle souligne le rendement et la prestation du programme. Comme le signale clairement le sénateur, elle dénote encore des problèmes sur le plan du recouvrement des coûts et, dans sa réponse au rapport de la vérificatrice générale, le gouvernement s'est engagé à trouver le moyen de remédier à la situation.
Le sénateur Oliver:Honorables sénateurs, il est intéressant de signaler que madame le leader a choisi de faire ressortir certains aspects du rapport qu'elle qualifie de positifs. Cela m'amène à poser ma question complémentaire. Dans son rapport, la vérificatrice générale souligne qu'il y a eu, depuis 1998, une baisse considérable du nombre de prêts consentis par l'entremise du Programme de financement des petites entreprises du Canada. À la suite d'entrevues avec des représentants d'institutions financières, la vérificatrice générale a obtenu confirmation que l'une des raisons expliquant la baisse alarmante du nombre de prêts consentis, c'est la quantité de travail administratif qu'exigent les prêts. Sauf pour ce qui est de surveiller les changements relatifs au niveau d'utilisation du programme, le ministère ne s'est pas servi de sa réponse à la vérificatrice générale, laquelle figure intégralement à la fin du chapitre 5, pour fournir des détails sur la façon dont il entend résoudre le problème occasionné par le fardeau administratif inhérent au programme.
Madame le leader du gouvernement au Sénat a-t-elle quelque chose à ajouter à la réponse du ministère, en ce qui concerne le fardeau administratif et les répercussions négatives qu'il a sur les petites entreprises désireuses d'emprunter de l'argent?
Le sénateur Carstairs:Les milieux bancaires semblent indiscutablement d'avis qu'il existe un fardeau administratif, fardeau qu'ils souhaiteraient voir réduit. Pour l'instant, je ne puis dire à l'honorable sénateur quelles mesures précises seront prises pour réduire ce fardeau. Il convient aussi de se poser la question suivante:si moins de prêts ont été consentis et que le dynamisme des petites entreprises n'a pas fléchi, qu'est-ce qui s'est passé sur le plan économique pour que les entreprises ne fassent pas appel à ce programme et qu'elle puissent rester viables sans ces prêts?
[Français]
LES FINANCES
LES PAIEMENTS DE PÉRÉQUATION—LA REMISE DES VERSEMENTS EXCÉDENTAIRES PAR CERTAINES PROVINCES
L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, au début du mois de septembre, nous avons reçu un document troublant duministère des Finances. On y apprend que, au tout début de l'année, l'Agence des douanes et du revenu a annoncé avoir décelé un problème de comptabilisation ayant donné lieu à d'importants versements excédentaires à quatre provinces. Apparemment, de 1993 à 1996, le gouvernement fédéral aurait versé 838 millions dedollars en trop, et de 1997 à 1999, ces versements en trop seraient de 2,5 milliards de dollars.
Cette erreur de comptabilisation est assez significative. De 1993 à 1996, le vérificateur a établi qu'un montant de 838 millions de dollars court dans la nature. Donc, on efface et on recommence. Par contre, à partir de 1997, le vérificateur est en mesure de nous dire que, de ces 2,5 milliards de dollars, 2 milliards ont été versés à l'Ontario.
Si le gouvernement recouvre ces sommes, cela aura pour effet d'entraîner une réduction des recettes provinciales et, par conséquent, les revenus de la péréquation allant aux autres provinces, dont le Québec et les provinces maritimes, seront affectés.
Je tente de comprendre la logique du gouvernement. Le gouvernement affirme
que, de 1993 à 1996, 838 millions de dollars ont été versés en trop: toutefois,
nous ne sommes pas assez certains de ce fait, donc nous l'oublions. Cependant,
en ce qui a trait aux
2,5 milliards de dollars, nous sommes en mesure de dire que c'est correct. Par
contre, cette mesure aurait des effets à la fois sur les payeurs et les
bénéficiaires de la péréquation, et le gouvernement dit qu'il ne diminuera pas
la part des bénéficiaires, dont, entre autres, la province de Québec. C'est le
contraire pour le Manitoba. L'Ontario aurait une grosse somme à verser. Nous ne
pouvons pas la leur demander, nous allons donc diviser la somme en deux. Nous
n'enlèverons rien aux bénéficiaires, mais nous demanderons à l'Ontario de payer
moins que prévu, c'est-à-dire 1,3 milliards de dollars au lieu d'un peu plus de
2 milliards de dollars.
(1500)
Je ne sais pas si c'est un compromis réalisé entre les ministres des Finances des différentes provinces, mais un tel compromis n'est pas couvert par l'entente sur la péréquation. Rien dans l'entente sur la péréquation ne le permet. Les gouvernements sont en train de rédiger un règlement administratif arbitraire, à mon avis. Il me semble que ce n'était pas le principe de la péréquation. Par définition, dans cette situation, il s'agissait d'édicter des règles claires qui s'appliquent à tout le monde. J'aimerais avoir des explications là-dessus parce que cette situation n'est pas simple.
[Traduction]
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Comme le sait l'honorable sénateur, je me suis intéressée à cette question car la perte réelle par habitant au Manitoba était la plus élevée de toutes les provinces.
Voici les faits: de 1993 à 1999, six provinces ont reçu par erreur plus de 3,3 milliards de dollars en recettes fiscales, ce qui a entraîné des paiements supplémentaires de 1 milliard de dollars dans les huit provinces bénéficiaires des paiements de péréquation. Le gouvernement a tenté de mettre en oeuvre une solution équilibrée.
Le 4 septembre, le ministre des Finances a annoncé une solution globale. L'Ontario et le Manitoba seraient les seules provinces à rembourser les paiements reçus en trop. Le ministre des Finances a aussi indiqué que les impôts et les paiements de péréquation seraient corrigés à partir de l'an 2000. Selon les médias:
Un ministre des Finances soulagé, Greg Selinger, s'est dit satisfait de la solution adoptée par le vice-premier ministre John Manley. «Cela correspond à la solution que nous avions proposée au départ au gouvernement fédéral», a-t-il mentionné. «Je félicite le ministre des Finances John Manley d'avoir agi rapidement dans ce dossier.»
Il est clair que ma province a bien accueilli la solution proposée par le gouvernement fédéral. Pour autant que je sache, même si le ministre du Québec a soulevé certaines préoccupations, le plancher fixé pour le programme de péréquation limitera la mesure dans laquelle les sommes auxquelles le Québec aurait droit pourraient diminuer dans le courant de l'année. On ne connaîtra pas avant plus tard cette année les conséquences exactes de ce plancher.
[Français]
Le sénateur Bolduc: Honorables sénateurs, autrement dit, un accord est conclu. Les ministres sont contents, alors on signe. C'est un peu comme les syndicats et le gouvernement: lorsqu'on fait une petite négociation, tout le monde est heureux, on signe, puis c'est le public qui paye après. C'est ce que je comprends.
[Traduction]
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, il a été décidé que tout le monde assumerait sa part du fardeau. Il ne fait pas de doute que l'erreur était faite par le gouvernement fédéral, qui s'était fondé sur des chiffres que le vérificateur général tenait pour bons. Or, on s'est aperçu par la suite que ce n'étaient pas les bons chiffres.
Le gouvernement a trouvé une solution qui est équilibrée, particulièrement lorsqu'on regarde la réaction du gouvernement du Manitoba. Cette province, qui devait souffrir le plus par habitant, a dit que le gouvernement fédéral avait trouvé une solution équilibrée.
[Français]
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
ISRAËL ET LA PALESTINE—LA SITUATION À GAZA
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, quelle est la position du gouvernement canadien en ce qui a trait au massacre— il n'y a pas d'autres mots— qui a été commis ces jours derniers, ces dernières heures, à Gaza? Est-ce que le gouvernement du Canada a fait une déclaration à ce sujet?
[Traduction]
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne sais pas si le gouvernement a fait une déclaration officielle, mais il a clairement indiqué son malaise par rapport aux récents événements.
Le sénateur Prud'homme: Nous nous souvenons tous que nous avons voté en faveur d'un accord de libre-échange avec l'État d'Israël. Cette décision a été prise par le premier ministre Chrétien et M. Rabin pour encourager la paix. Il se trouve que, lorsque nous avons donné ce plaisir ultime aux autorités israéliennes, il y a eu un changement de premier ministre en Israël. Maintenant la situation ne cesse de s'aggraver.
La dernière incursion israélienne dans Gaza, qui a fait 14 morts, a été condamnée par nos grands amis du Sud et par toute la Communauté européenne. Ces victimes s'ajoutent aux plus de 40000 personnes qui ont déjà été blessées et dont on ne parle jamais. J'en ai assez de tout cela.
Je comprends que, en parlant calmement, je me suis déjà éliminé du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères pour une autre année. Nous en avons assez de cela. Vous pouvez bien rire et sourire, particulièrement certains d'entre vous que je nommerai durant un débat.
Je crois que la situation se détériore. En définitive, les Israéliens cherchent à faire peur aux gens pour les amener à partir, comme MM. Shamir et Begin, qui étaient des ex-terroristes avant de devenir premiers ministres, l'ont fait dans le passé. Ils pourchassaient les gens et leur faisaient peur pour les amener à partir.
Y a-t-il autre chose que le Canada puisse faire pour montrer notre préoccupation et notre répulsion face à ces événements?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, le gouvernement canadien a exhorté Israël à s'abstenir, chaque fois que c'est possible, d'avoir recours à la force, en particulier lorsque cela met en péril des civils.
Nous continuons d'encourager Israël et tous les Palestiniens à poser des gestes qui soient conformes à l'objectif commun, soit l'existence de deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité.
L'ENVIRONNEMENT
LE PROTOCOLE DE KYOTO—SES RÉPERCUSSIONS ÉCONOMIQUES SUR LES PROVINCES
L'honorable John Buchanan: Honorables sénateurs, j'ai une question pour le leader du gouvernement au Sénat au sujet de l'accord de Kyoto. Des études fédérales préliminaires mentionnent l'Alberta, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve comme les principales provinces productrices d'énergie au Canada.
C'est formidable de pouvoir se lever ici et déclarer que la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve figurent parmi les principales provinces productrices d'énergie au Canada.
Cela dit, l'Ontario a clairement fait savoir, par la voix de son premier ministre, qu'elle refuserait d'appliquer Kyoto.
Mardi, le premier ministre Ernie Eves a déclaré que l'Ontario refuserait de collaborer avec le gouvernement fédéral à l'application de l'accord de Kyoto si le premier ministre Jean Chrétien refuse de révéler son plan de réduction des gaz à effet de serre en vertu du traité sur le changement climatique:
Je n'ai pas l'intention de signer un traité dont je ne connais pas les effets...
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous rappelle qu'il ne reste que deux minutes à la période des questions.
Le sénateur Buchanan: Honorables sénateurs, il y a longtemps que je ne me suis pas levé pour prendre la parole. Je croyais que mes collègues voudraient m'entendre dire une ou deux choses de plus.
Une voix: Vos deux minutes sont écoulées.
Le sénateur Buchanan: Nous connaissons la position du gouvernement de l'Alberta. Le premier ministre de la Colombie- Britannique, M. Campbell, a déclaré:
Il incombe au gouvernement fédéral d'expliquer à tous les premiers ministres provinciaux quel est son plan, comment il entend atteindre les objectifs qu'il s'est fixés et comment il entend y arriver sans que cela ne coûte des dizaines, voire des centaines de milliers d'emplois aux économies des provinces.
Il a demandé au gouvernement fédéral de dévoiler son plan de mise en oeuvre.
(1510)
La position de la Nouvelle-Écosse est la même. John Hamm, le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, reproche au gouvernement fédéral de ne pas avoir prévu de plan réaliste pour la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. Selon lui, les Canadiens attendent toujours qu'Ottawa leur fasse part d'un plan réaliste et pratique pour la mise en oeuvre de cet accord. Ce chef de gouvernement provincial a indiqué aux dirigeants nationaux que la ratification de cet accord en l'absence d'un plan réalisable reviendra à inciter un individu à s'acheter une maison sans l'avoir vue.
Gordon Balser, le ministre de l'Énergie de la Nouvelle-Écosse, et le premier ministre de Terre-Neuve ont déclaré que tous les Néo- Écossais et tous les Terre-Neuviens au Sénat ont lieu d'être très préoccupés par le Protocole de Kyoto et par ses répercussions économiques sur ces petites provinces.
Le sénateur St. Germain: Et voilà!
Le sénateur Buchanan: Désireux de protéger les ressources pétrolières et gazières de la Nouvelle-Écosse, le ministre de l'Énergie, Gordon Balser, a invité mardi dernier le gouvernement fédéral à...
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai le regret de vous annoncer que les 30 minutes réservées à la période des questions sont écoulées.
Le sénateur Buchanan: Puis-je continuer demain?
[Français]
ORDRE DU JOUR
PROJET DE LOI DE 2002 POUR LA MISE EN OEUVRE DE CONVENTIONS FISCALES
DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Raymond C. Setlakwe propose: Que le projet de
loi S-2, Loi mettant en œuvre un accord, des conventions et des protocoles
conclus entre le Canada et le Koweït, la Mongolie, les Émirats Arabes Unis, la
Moldova, la Norvège, la Belgique et l'Italie en vue d'éviter les doubles
impositions et de prévenir l'évasion fiscale et modifiant le texte édicté de
trois traités fiscaux, soit lu une deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui dans le cadre de la deuxièmelecture du projet de loi S-2, la Loi de 2002 pour la mise en oeuvre de conventions fiscales.
Cette loi a pour objet la promulgation de sept conventions fiscales que le Canada vient de conclure avec d'autres pays. De manière plus précise, nos conventions fiscales avec la Belgique, l'Italie et la Norvège sont mises à jour pour assurer la conformité des conventions bilatérales à la politique courante du Canada en matière de conventions fiscales.
Le projet de loi met également en oeuvre de nouvelles conventions avec le Koweït, la Mongolie, la Moldova et les Émirats Arabes Unis. Ces conventions résultent des efforts continus déployés par le Canada pour élargir son réseau de conventions fiscales et sont conçues pour fournir aux contribuables des résultats fiscaux plus certains et équitables dans leurs opérations transfrontalières. En concluant ces conventions fiscales, le Canada cherche à protéger les contribuables contre la double imposition et à aider les autorités fiscales dans leurs efforts de lutte contre la fraude fiscale.
Le Canada et les autres pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques ont reconnu depuis longtemps l'importance d'atténuer les effets de la double imposition et d'assurer une protection contre la fraude fiscale. La concertation de leurs efforts a abouti au modèle de convention de double imposition préparé par l'OCDE. Même si les conventions fiscales du Canada sont adaptées à nos besoins, elles s'inspirent largement de ce document et respectent les normes internationales.
[Traduction]
Avant de passer en revue le projet de loi, je voudrais vous faire part de quelques renseignements généraux qui établiront le contexte de la loi.
Le Canada applique un impôt sur les revenus de toutes provenances des résidents canadiens et sur les revenus de source canadienne des non-résidents. Ces deux éléments fondamentaux caractérisent depuis longtemps l'impôt canadien sur le revenu. Autrement dit, la totalité du revenu des résidents canadiens, qu'il soit gagné ici ou à l'étranger, est imposable au Canada. En revanche, les non-résidents ne sont assujettis à l'impôt canadien sur le revenu que dans la mesure où ils participent à la vie économique du Canada ou reçoivent un revenu de source canadienne. À cet égard, le fonctionnement du régime fiscal canadien est conforme aux normes internationales.
L'élargissement du réseau de conventions fiscales entre le Canada et d'autres pays résulte de la réforme de notre régime de l'impôt sur le revenu au début des années 70. Des efforts soutenus ont été déployés depuis pour mettre à jour ce réseau. Le projet de loi S-2 s'inscrit dans cette démarche. Notre réseau de conventions fiscales est l'un des plus complets du monde. À l'heure actuelle, de telles conventions sont en vigueur entre le Canada et plus de 75 pays. Par ailleurs, des conventions fiscales sont en vigueur entre le Canada et tous ses principaux partenaires commerciaux, ainsi qu'avec la totalité des 30 pays membres de l'OCDE sauf deux, la Grèce et la Turquie.
[Français]
Les conventions fiscales du Canada sont toutes élaborées en fonction de deux objectifs. Premièrement, elles sont conçues pour empêcher la double imposition et établir avec un niveau de certitude les règles fiscales qui s'appliquent aux transactions internationales. La possibilité de double imposition survient quand un contribuable réside dans un pays et gagne un revenu dans un autre pays. Sans conventions fiscales, les deux pays pourraient prélever un impôt sur ce revenu. Des conventions de double imposition permettent donc de faire en sorte que le revenu ne soit pas imposé deux fois.
Nos conventions fiscales permettent d'obtenir ce résultat de trois façons. D'abord, elles répartissent les droits d'imposition entre le Canada et l'autre partie à la convention dans différentes catégories de revenus. Ensuite, elles établissent des règles qui permettent de régler les cas de double revendication au sujet de la résidence et de la source du revenu d'un contribuable. Enfin, elles permettent aux contribuables qui estiment avoir été traités injustement au terme d'une convention fiscale de soumettre leur cas aux autorités fiscales.
[Traduction]
Le deuxième objectif de la signature de conventions fiscales consiste à favoriser la collaboration entre les autorités du revenu de manière à empêcher la fraude fiscale ou l'évitement fiscal. Cet objectif est atteint de plusieurs façons, notamment en répartissant les bénéfices entre les parties sans lien de dépendance, en veillant à ce que les lois nationales s'appliquent dans les cas de prix de transfert et autres pratiques internationales d'évitement, en prévoyant l'échange de renseignements entre les autorités fiscales compétentes et, dans certains cas, en permettant l'aide mutuelle au titre du prélèvement des impôts.
[Français]
Honorables sénateurs, permettez-moi de prendre un moment pour expliquer pourquoi il importe d'éviter la double imposition. Les conventions fiscales influent sur l'économie du Canada, surtout parce qu'elles facilitent le commerce et les investissements internationaux en abolissant les obstacles fiscaux aux échanges transfrontaliers. Il s'agit d'un avantage de taille car, comme le savent pertinemment mes collègues, l'économie canadienne repose en grande partie sur le commerce international. De fait, les exportations canadiennes comptent pour plus de 40p. 100 de notre produit intérieur brut annuel. Qui plus est, la prospérité économique du Canada repose sur l'investissement étranger direct de même que sur l'afflux de renseignements, de capitaux et de technologie.
[Traduction]
Autrement dit, en éliminant les obstacles fiscaux et en créant des résultats fiscaux plus prévisibles pour les négociants, les investisseurs et les autres contribuables engagés dans des échanges internationaux, nos conventions fiscales favorisent les débouchés sur notre territoire ainsi que le commerce international et les investissements à l'étranger.
À une époque où l'économie canadienne devient de plus en plus liée à l'économie mondiale, il demeure important d'éliminer les entraves fiscales se rapportant aux échanges transfrontaliers.
Je tiens à signaler que les pays qui ne concluent pas de conventions fiscales avec d'autres pays peuvent subir des inconvénients économiques. Sans de telles conventions, les relations économiques entre les pays peuvent être perturbées, étant donné que la double imposition peut devenir une source de préoccupation pour les contribuables. Sans une convention établissant les règles fiscales, le revenu risque d'être soumis à l'impôt des deux pays, ce qui peut entraîner une certaine iniquité et avoir des retombées économiques négatives. On peut donc affirmer que les conventions fiscales créent un climat de certitude et de stabilité favorable aux affaires.
[Français]
Honorables sénateurs, j'aimerais maintenant parler de certaines mesures de la loi dont nous débattons aujourd'hui. Les conventions fiscales visées dans ce projet de loi précisent dans quelles circonstances et dans quelle mesure le Canada et les parties aux conventions peuvent imposer les gains des résidents de l'autre pays. Certaines des restrictions les plus évidentes concernent les retenues d'impôt à la source. Au Canada, des revenus d'impôt s'appliquent à certains revenus comme les intérêts, les dividendes et les redevances qui sont versés à des non-résidents partout dans le monde. Il s'agit d'une pratique commune au sein des régimes fiscaux internationaux.
(1520)
Le réseau canadien de conventions fiscales prévoit plusieurs réductions des taux de retenues d'impôt qui, pour la plupart, sont réciproques.
Sans convention fiscale ni autre exemption prévue par la loi, le Canada impose de façon générale le revenu des non-résidents au taux de 25p. 100 du montant brut.
Les sept conventions visées dans ce projet de loi réduisent le taux des retenues à la source qui peuvent être prélevées au Canada et par chacune des parties.
Par exemple, toutes les conventions instaurent un taux maximal de retenues à la source de 15p. 100 sur les dividendes de portefeuille versés à des non-résidents. En outre, dans les cas des dividendes versés par des filiales à leur société mère, le taux maximal de retenue à la source est réduit pour s'établir à 5p. 100.
Le taux maximal de retenue d'impôt sur les intérêts et les redevances plafonne de façon générale à 10p. 100 aux termes de chacune des sept conventions fiscales dont il s'agit aujourd'hui.
Cela étant dit, nombre des conventions prévoient une exemption ou un taux de retenue d'impôt préférentiel dans le cas de redevances versées pour l'utilisation, ou le droit d'utilisation, de certains droits d'auteur, de logiciels informatiques, de brevets et de savoir-faire.
En ce qui a trait aux paiements périodiques de pensions, le taux maximal de retenue à la source est fixé à 15p. 100 dans tous les pays, sauf la Belgique et les Émirats Arabes Unis, où aucun plafond n'a été établi.
[Traduction]
Outre les dispositions limitant le montant de la retenue d'impôt qui peut être prélevée sur les paiements versés à des non-résidents, les conventions mettent en oeuvre d'autres mesures qui font en sorte que les conséquences fiscales de certaines transactions sont conformes à la politique fiscale canadienne. Même si le temps ne me permet pas de passer en revue toutes ces mesures aujourd'hui, je voudrais vous faire part de mes observations sur les règles canadiennes régissant la migration des contribuables Permettez- moi de situer le contexte.
La notion selon laquelle le Canada doit imposer tous les gains en capital réalisés par des particuliers lorsqu'ils vivent ici est inscrite dans la politique fiscale canadienne depuis 1972, année où les gains en capital sont devenus imposables aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu. Depuis, des règles spéciales ont été appliquées aux personnes qui deviennent des résidents du Canada ou qui cessent de l'être.
La règle de base sur l'émigration considère que les personnes qui quittent le Canada se sont défaites de tous leurs biens avant de changer de résidence, entraînant ainsi des pertes ou des gains latents. Cette règle a pour effet général de rendre imposables les gains réalisés par un émigrant pendant qu'il est un résident du Canada, peu importe s'il s'est défait de biens auxquels ces gains sont liés avant ou après l'émigration.
Pendant de nombreuses années, on s'est interrogé sur la portée exacte de cette disposition relative au départ du Canada et sur son effet sur nos conventions fiscales internationales. Toutefois, le Canada désire maintenant conserver le droit exclusif d'imposer les gains que des résidents qui quittent le pays ont réalisés pendant qu'ils vivaient au Canada. Les sept contraventions fiscales prévues dans ce projet de loi sont particulièrement favorables à cette approche, puisqu'elles confèrent au Canada le droit exclusif d'imposer les gains réalisés par les résidents pendant qu'ils sont encore au Canada
[Français]
Honorables sénateurs, ce projet de loi contient des mesures d'avant-garde qui favorisent le commerce et l'investissement tout en accordant aux contribuables des résultats fiscaux plus certains et plus équitables relativement à leurs transactions transfrontalières.
Toutes les conventions visées dans ce projet de loi s'inscrivent dans l'effort global déployé par le Canada pour instaurer une politique d'ouverture et créer des conditions propices à la croissance qui permettront d'établir des relations plus étroites et plus dynamiques avec nos partenaires commerciaux.
Je tiens de nouveau à préciser que l'adoption de ce projet de loi procurera des bienfaits importants aux contribuables. Premièrement, les contribuables auront la certitude qu'un taux d'imposition prévu dans une convention ne peut être haussé sans un préavis suffisamment long. Deuxièmement, la simple existence des conventions fiscales créera un climat de certitude et de stabilité pour les investisseurs et les commerçants. Troisièmement, en éliminant la nécessité de payer de l'impôt sur certains bénéfices d'entreprise et en établissant un mécanisme de règlement des problèmes éprouvés par les contribuables, on réduit le caractère fastidieux et la complexité de l'application du régime fiscal en soi.
Le milieu des affaires canadien appuie la révision et l'élargissement de nos conventions fiscales. J'ai la conviction que ses membres accueilleront favorablement l'occasion de mettre à profit les dispositions prévues dans ces sept nouvelles conventions.
Le milieu des affaires, surtout les investisseurs, sera également d'accord avec les limites qu'imposent ces conventions à la capacité de chaque pays d'imposer certains revenus, ainsi qu'à la collaboration qui en résultera entre les autorités fiscales du Canada et des autres pays.
Enfin, n'oublions pas que l'avantage le plus important de ces conventions est l'élimination ou l'atténuation de la double imposition que pourraient autrement entraîner les transactions internationales conclues avec ces pays.
Honorables sénateurs, compte tenu des résultats positifs attendus de ce projet de loi, je vous invite instamment à voter en faveur de son adoption immédiate.
[Traduction]
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Setlakwe accepterait-il quelques questions?
Le sénateur Setlakwe: Oui.
Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, j'ai remarqué avec intérêt les avantages fiscaux pour les Canadiens et l'autre pays, mais je me demande pourquoi le projet de loi S-2 regroupe le Koweït, la Mongolie, les Émirats Arabes Unis, la Moldova, la Norvège, la Belgique et l'Italie. Il a entre ces pays de la communauté mondiale certains points communs, mais aussi des différences marquées. Pourquoi le gouvernement, ou le ministère, a-t-il choisi de regrouper ces pays, donnant l'impression qu'il existe une certaine similarité entre eux et, par conséquent, entre les arrangements fiscaux que nous devrions conclure avec eux?
Le sénateur Setlakwe: Honorables sénateurs, le gouvernement n'a nullement l'intention de comparer les régimes de ces pays. Il se trouve que ces traités devaient être signés en même temps, et le gouvernement a agi en conséquence. Il n'existe aucun lien entre les sept pays mentionnés.
Le sénateur Andreychuk: Le Comité des affaires étrangères a étudié les projets de loi précédents et j'espère qu'il aura l'occasion d'étudier celui-ci. Bien qu'il soit vrai que l'essence du projet de loi soit en même temps de prévoir des exemptions fiscales et d'imposer des obligations fiscales ainsi que de mettre un certain ordre dans les relations entre les deux pays, le projet de loi S-2 a également des répercussions sur la politique étrangère et sur les droits de la personne.
Il y a quelque temps, le ministère des Affaires étrangères a signalé au Comité des affaires étrangères qu'il entreprendrait l'évaluation du bien-fondé pour le Canada de conclure des accords avec certains de ces pays. Une telle évaluation, du point de vue de la politique étrangère, a-t-elle été entreprise à l'égard de ces pays? Est-ce que nous estimons que ces pays sont suffisamment stables et qu'ils ont un système de gouvernement suffisamment bon pour que nous concluions des accords fiscaux avec ces gouvernements?
Le sénateur Setlakwe: Honorables sénateurs, la position du gouvernement a toujours été que les traités fiscaux et autres liens économiques sont de nature à améliorer le respect des droits de la personne dans tous les pays. Si les relations entre le Canada et les pays avec qui nous signons des traités ont pour résultat d'améliorer leur bien-être économique, la position du gouvernement est que c'est quelque chose que nous devrions encourager et promouvoir.
Le sénateur Andreychuk: Le ministère des Affaires étrangères a indiqué qu'il ferait des évaluations de tout pays avec lequel nous aurions conclu un traité pour déterminer s'il convient de le faire dans une optique de politique étrangère, en tenant compte du respect des droits de la personne et de l'ensemble de nos relations. Est-ce que ces études ont été réalisées?
Le sénateur Setlakwe: Je suppose qu'elles l'ont été.
Le sénateur Andreychuk: Enfin, les autorités fiscales ou leurs représentants qui ont témoigné devant notre comité dans le passé ont également indiqué qu'ils faisaient des évaluations de divers pays afin de déterminer si leur régime fiscal est d'un modèle compatible avec le nôtre.
(1530)
Lorsque des gens d'affaires constatent qu'une convention sur la double imposition est en place, ils supposent que l'information transmise à l'autre pays sera traitée de la même façon qu'elle l'est au Canada. Honorables sénateurs, nous savons que les services fiscaux ne respectent pas toujours la confidentialité de l'information. Dans certains pays, les renseignements en cause sont transmis à la police ainsi qu'à différents ministères à d'autres fins. Le Canada s'est maintenant engagé à acquérir la certitude absolue qu'il existe des raisons minimales de croire que les procédures fiscales auxquelles nous sommes habitués au Canada et qui ont été adoptées par l'OCDE et d'autres seront appliquées dans ces pays au profit des entreprises qui y font affaire.
Le sénateur Setlakwe: Honorables sénateurs, le gouvernement est bien conscient des questions soulevées par l'honorable sénateur. Les membres du gouvernement pensent sûrement à ces questions lorsqu'ils entreprennent de conclure des conventions fiscales avec des pays étrangers.
L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, avant de proposer la motion d'ajournement du débat au nom du sénateur Lynch-Staunton, puis-je demander au sénateur Setlakwe de nous signaler quelques-unes des grandes différences qui existent entre la convention Canada-Italie et la convention Canada-Moldova?
Le sénateur Setlakwe: Honorables sénateurs, j'obtiendrai ce renseignement et je le transmettrai au sénateur.
(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Lynch- Staunton, le débat est ajourné.)
[Français]
PROJET DE LOI SUR LA JOURNÉE DE LA FÊTE NATIONALE DES ACADIENS ET DES ACADIENNES
DEUXIÈME LECTURE
L'honorable Gerald J. Comeau propose: Que le projet de loi S-5, Loi instituant la Journée de la fête nationale des Acadiens et des Acadiennes, soit lu une deuxième fois.—(L'honorable sénateur Comeau).
— Honorables sénateurs, je serai très bref car j'ai déjà fait un discours à ce sujet le 19 février 2002. J'invite donc les honorables sénateurs, s'ils le désirent, à faire la lecture de mes commentaires d'alors.
Je voudrais par contre souligner un point soulevé par mes collègues de l'autre côté, qui suggéraient que le nom de la fête nationale des Acadiens et des Acadiennes ne soit pas traduit en anglais et qu'il demeure dans la même langue dans les deux documents. Je suis très sympathique à cette demande. La Loi sur les langues officielles exige cependant que l'on fasse la traduction lorsqu'on présente un projet de loi, et je suis d'avis qu'il faut maintenir et respecter la Loi sur les langues officielles.
Si le comité auquel sera renvoyé ce projet de loi veut réexaminer cette question pour inscrire la fête nationale des Acadiens et des Acadiennes en français dans les deux versions du projet de loi, cela peut être examiné au comité.
Pour le moment, afin de respecter les exigences de la Loi sur les langues officielles, nous devons faire une traduction conforme.
Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)
RENVOI AU COMITÉ
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons- nous ce projet de loi une troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Comeau, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, une fois formé.)
[Traduction]
COMITÉ DE SÉLECTION
ADOPTION DU DEUXIÈME RAPPORT DU COMITÉ
Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport de son Comité de sélection, lequel lui a été présenté plus tôt aujourd'hui.
L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, je propose l'adoption de ce rapport.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
L'honorable Lowell Murray: Pas avant que je n'aie demandé au président du comité quand nous pouvons nous attendre à recevoir le troisième rapport.
Son Honneur le Président: Sénateur Rompkey, acceptez-vous de répondre à une question?
Le sénateur Rompkey: Cela dépend de la question.
Le sénateur Murray: Je ne souhaite pas prolonger le débat, même si je pourrais le faire. Le comité a présenté deux rapports. Les deux ont été jugés tout à fait satisfaisants par le Sénat. Cependant, deux rapports ne constituent pas un rapport complet. Il reste à créer
un certain nombre d'autres comités, etc. Mon collègue pourrait peut-être nous préciser le calendrier des réunions du comité de sélection du Sénat et nous dire à quel moment, selon lui, nous pourrions recevoir du comité d'autres rapports ou un rapport final?
Le sénateur Rompkey: En ce qui concerne le dernier point, je ne peux me risquer à faire une prédiction. Je dirai simplement que ce devrait être une question de jours plutôt que de semaines. Cependant, il y aura d'autres rapports. C'est la bonne nouvelle.
Nous avons agi en fonction des instructions que nous avions jeudi. Si les honorables sénateurs se rappellent, nous devions nous occuper de désigner le Président intérimaire et les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. C'est ce qu'on nous a demandé de faire. Nous l'avons fait aujourd'hui. Nous nous sommes ajournés jusqu'à convocation de la présidence et, sitôt que des accords auront été conclus, nous nous réunirons à nouveau.
Son Honneur le Président: Le Sénat est-il prêt à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
(1540)
QUESTION DE PRIVILÈGE
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, en conformité avec l'avis que j'ai donné plus tôt aujourd'hui, j'interviens maintenant au sujet de ma question de privilège.
Avant de me lancer, je tiens à profiter de l'occasion pour souhaiter la bienvenue au Canada à Sa Majesté la reine Élizabeth II.
Des voix: Bravo!
Le sénateur Cools: Je lui souhaite la bienvenue. Je suis convaincue qu'un grand nombre d'entre nous sont fiers de l'accueillir. Il me semble fort évident que les Canadiens apprécient au plus haut point sa visite.
Honorables sénateurs, les propos que j'adresse à Son Honneur le Président du Sénat visent à lui demander d'établir que nous sommes à première vue en présence d'un cas d'atteinte au privilège. S'il estime que c'est le cas et qu'il accorde la priorité à cette question, je proposerai un correctif, en conformité avec le paragraphe 43(1) du Règlement, et j'entreprendrai un débat de fond portant sur ma proposition. Ce sera très intéressant car, dans cette affaire, le Président du Sénat devra faire plus que de se contenter d'occuper le fauteuil, étant donné qu'il est le représentant de la reine au Sénat et qu'il a lui-même le devoir de soutenir et de défendre Sa Majesté. Il est le représentant de la reine au Sénat, et c'est aussi le cas du huissier du Bâton noir, messager personnel de la reine.
Honorables sénateur, voici les faits. Sa Majesté la reine Élizabeth II est arrivée au Canada le vendredi 4 octobre 2002 pour célébrer avec les Canadiens le 50e anniversaire de son accession au trône, un événement historique portant l'appellation de Jubilé d'or. Ce même jour, à l'Université McGill de Montréal, M. John Manley, vice- premier ministre et ministre des Finances, a fait une déclaration qui a été reprise le 5 octobre 2002 en première page du National Post, en page A1, dans un article intitulé «Manley souhaite que l'on mette un terme à la monarchie». Il a déclaré:
À mon avis, il n'est pas nécessaire que le Canada conserve la monarchie [...]. Personnellement, je préférerais que nous ayons une institution entièrement canadienne lorsque la reine Élizabeth ne sera plus sur le trône.
Il semble que le seul aspect non canadien de cette déclaration soit la méconnaissance des Canadiens, de leur histoire et de leurs racines particulières de la part de M.Manley.
Selon un article paru le dimanche 6 octobre 2002 dans l'Ottawa Citizen et intitulé «Manque de délicatesse» des propos antimonarchistes de Manley», il a aussi dit:
Je continue de penser que, lorsque la reine Élizabeth ne sera plus sur le trône, il serait temps d'envisager pour nous l'adoption d'une institution différente et, personnellement, je préférerais une institution entièrement canadienne.
L'Ottawa Citizen ajoute:
M. Manley a dit que le nouveau chef d'État et monarque du Canada pourrait être un ou une Canadienne, ajoutant que ce pourrait être la vedette populaire québécoise Céline Dion.
Voilà que M. Manley devient faiseur de reine.
Honorables sénateurs, les propos de M. Manley sont odieux. Ils sont odieux des points de vue personnel, politique et parlementaire. Ces propos sont offensants pour Sa Majesté la reine Élizabeth II. Les déclarations odieuses et offensantes au sujet du souverain ont toujours été traitées comme des choses graves et très sérieuses. En fait, elles sont considérées comme un acte de trahison. Je signale que le ministre Manley a déjà tenu des propos semblables, en public, à deux autres occasions, soit en septembre 1997, au moment du décès de Diana, princesse de Galles, puis en mai 2001, près de la date de la fête de la Reine. Il est certain qu'il l'a fait intentionnellement, puisqu'il a tenu ces propos de façon répétée et à des moments apparemment stratégiques. Rien ne laisse penser qu'il l'ait fait par inadvertance. Dans les deux cas, j'ai exprimé mes objections en privé au sein du caucus du Sénat et ailleurs, mais j'estime aujourd'hui devoir rompre le silence. M.Manley a créé de nouvelles situations inédites en exprimant des opinions personnelles; j'exprimerai donc aussi mon opinion personnelle. Ce qui vaut pour l'un vaut pour l'autre.
Honorables sénateurs, les médias ont fait amplement état de cette affaire et la réaction publique a été à la mesure de celle de la presse. Les médias, cependant, se sont plutôt attardés aux aspects personnels de cette affaire, y voyant la marque d'une personne impolie, rustre et insolente, et ont passé sous silence les aspects constitutionnels, plus importants.
Honorables sénateurs, j'entends démontrer que les propos du ministre Manley sont non seulement contraires à la Constitution, mais qu'ils violent l'éthique constitutionnelle.
En tenant ces propos, M. Manley a non seulement fait affront au Parlement et à ses privilèges mais il a enfreint ses propres obligations d'allégeance envers Sa Majesté et a violé son serment d'allégeance. Honorables sénateurs, notre serment d'allégeance fait partie du droit de ce pays et figure expressément dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. La première responsabilité d'un ministre est de faire respecter la loi, la Constitution et le souverain au nom duquel toutes les affaires gouvernementales sont administrées. Toutes les poursuites intentées au pays le sont au nom de Sa Majesté. Tous les pouvoirs de l'exécutif émanent de Sa Majesté.
La Loi constitutionnelle, l'Acte d'Amérique du Nord britannique de 1867, énonce la loi d'allégeance qui régit les parlementaires. C'est ainsi qu'on l'appelait: loi d'allégeance. L'article 128 de l'Acte d'Amérique du Nord britannique stipule notamment:
Les membres du Sénat ou de la Chambre des communes du Canada devront, avant d'entrer dans l'exercice de leurs fonctions, prêter et souscrire, devant le gouverneur-général ou quelque personne à ce par lui autorisée [...] le serment d'allégeance énoncé dans la cinquième annexe de la présente loi...
La Loi constitutionnelle, c'est-à-dire le même Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, prescrit, dans la cinquième annexe, la forme sous laquelle le serment d'allégeance doit être prêté. Le serment d'allégeance, nous l'avons tous prêté quand nous sommes arrivés au Sénat, se lit comme suit:
Je, [...], jure que je serai fidèle et porterai vraie allégeance à Sa Majesté la Reine...
... le nom du souverain régnant est évidemment inséré.
Les sénateurs l'ignorent peut-être, mais lorsqu'un roi ou une reine meurt, tous les députés doivent prêter un nouveau serment d'allégeance. C'est pour ça qu'il n'y est pas question des «héritiers et successeurs». Cela fait partie des lois qui régissent le Parlement et des prérogatives prévues dans ces dispositions.
Honorables sénateurs rappelons-nous ce qu'est un serment. Un serment, après tout, est une déclaration solennelle très importante énonçant un ensemble de faits en invoquant son propre dieu. C'est très important. C'est une occasion très solennelle.
Honorables sénateurs, j'en viens maintenant à la question du Parlement. Il semble régner une grande confusion ces jours-ci quant à ce qu'est un Parlement. Là encore, tournons-nous vers la Constitution. L'AANB de 1867, à l'article 17, dit ceci:
Il y aura, pour le Canada, un Parlement qui sera composé de La Reine, d'une chambre haute appelée le Sénat, et de la Chambre des communes.
Ne nous leurrons pas, le libellé de l'AANB a été soigneusement choisi: «un Parlement». A l'époque au Canada, on s'inquiétait beaucoup de la différence entre les assemblées législatives et les parlements. Les honorables sénateurs trouveront l'expression «un Parlement» à plusieurs reprises dans l'AANB.
Ce que cette disposition de l'AANB nous dit, c'est que Sa Majesté n'est pas seulement canadienne, mais également membre du Parlement; et non seulement membre du Parlement, mais qu'elle est elle-même l'une des trois parties constitutives du Parlement.
Honorables sénateurs, l'attaque contre la reine ou son honneur est une attaque contre le Parlement ou son honneur. Porter atteinte à l'honneur de la reine, c'est porter atteinte à l'honneur du Parlement.
Honorables sénateurs, permettez-moi de lire un extrait des proclamations et
avis parus dans la Gazette du Canada, le
9 février 1952, annonçant le décès de Sa Majesté le roi George VI et l'accession
au Trône de la princesse royale Élizabeth. J'invite les sénateurs à porter une
attention particulière aux mots qui font valoir l'allégeance unanime du Cabinet
et du Conseil privé à Sa Majesté la reine Elizabeth II. Gardez en tête,
honorables sénateurs, que le mot allégeance est dérivé du mot «lige», seigneur
en français, soit la personne à qui on doit allégeance.
(1550)
Comme les honorables sénateurs ne manquent pas de le savoir, c'est l'administrateur du Canada, le juge en chef du Canada à l'époque, qui a fait cette proclamation. En voici un passage:
Sachez que moi, le dit Très Honorable Thibaudeau Rinfret, Administrateur du Canada, comme susdit, d'accord avec le Conseil Privé de Sa Majesté pour le Canada, publie et proclame maintenant par les présentes, d'une voix unanime et de consentement de bouche et de coeur, que la Haute et Puissante Princesse Elizabeth Alexandra Mary est maintenant devenue, par la mort de Notre regretté Souverain, d'heureuse et glorieuse mémoire, Notre seule et légitime Dame lige Elizabeth Deux, par la Grâce de Dieu, Reine de Grande- Bretagne, d'Irlande et des possessions britanniques au delà des mers, Défenseur de la foi, Dame lige suprême du Canada, à qui Nous reconnaissons toute foi et obéissance constante, avec une humble et sincère affection, priant Dieu de qui tous les Rois et les Reines tiennent leur puissance d'accorder à la Princesse Royale Elizabeth Deux un long et heureux règne.
Honorables sénateurs, nous connaissons tous le principe de l'unanimité et de la solidarité au Cabinet. Le Cabinet ne parle que d'une seule voix, mais le présent Cabinet semble en avoir plusieurs. J'aborderai ce point dans un moment.
À cet égard, je reprends les termes de la proclamation:
... d'accord avec le Conseil Privé de Sa Majesté pour le Canada, publie et proclame maintenant par les présentes, d'une voix unanime et de consentement de bouche et de cœur...
Honorables sénateurs, c'est précisément de cette voix unanime dont je veux parler. La responsabilité du Cabinet de s'exprimer d'une seule voix et d'agir d'un seul coeur s'avère extrêmement importante.
Je me suis fait un devoir de chercher l'opinion d'autorités sur la question du rôle et de la responsabilité des ministres du Cabinet, à l'égard de Sa Majesté et du Parlement, particulièrement en ce qui concerne les principes qui régissent ce qu'on appelle «l'unité du Cabinet». Je tiens à lire aux honorables sénateurs ce que j'ai trouvé à ce sujet pour que nous puissions comprendre le sérieux de la situation et que ces déclarations ne soient pas considérées comme des banalités.
Je me reporte à l'ouvrage de Alpheus Todd, publié en 1892 sous le titre Parliamentary Government in England: Its Origin, Development, and practical Operation. Au sujet de l'unité du Cabinet, on peut y lire ce qui suit:
Au Parlement, les ministres sont tenus d'agir comme une seule personne quant à toutes les questions relatives à l'exécutif. Si un ministre est en désaccord avec ses collègues sur une question trop importante pour qu'il y ait compromis, il est de son devoir de se retirer.
N'est-ce pas là une idée inédite?
À la page 12 du même ouvrage de M. Todd, on peut également lire:
Des différences d'opinion surviennent naturellement et inévitablement entre les ministres, mais une fois qu'on a voté et que la question a été tranchée, tous les membres du Cabinet deviennent également responsables de la décision prise, et par conséquent sont aussi tenus de l'appuyer et de la défendre. Advenant des divergences d'opinions irréconciliables avec un ou des collègues, le premier ministre peut exiger la démission d'un ministre ou la dissolution du Cabinet.
J'ai consulté les autorités en la matière. C'est une question sérieuse. D'après Alpheus Todd, une des autorités consultées, en situation de différend irréconciliable avec un ou des collègues, le premier ministre peut exiger la démission d'un ministre ou la dissolution du Cabinet. Il faut donc en déduire que la question dont nous parlons ici est très sérieuse parce qu'elle pourrait faire tomber le gouvernement. C'est une question extrêmement sérieuse et nous devons lui consacrer un débat.
On peut lire à la page 78 de l'ouvrage de Todd:
Il n'est donc pas admissible qu'un membre du Cabinet s'oppose à une mesure adoptée par le gouvernement [...]. Un ministre qui enfreindrait l'une ou l'autre de ces règles devrait remettre sa démission sans délai.
Honorables sénateurs, Sa Majesté est en visite au Canada sur l'invitation du premier ministre et du gouvernement du Canada. L'invitation a été transmise dûment et selon les règles, et le ministre Manley avait le devoir de l'appuyer. Si le gouvernement savait que le ministre Manley devait faire une telle déclaration, il avait le devoir d'en informer Sa Majesté, parce que Sa Majesté devrait savoir, avant d'arriver au pays, à quoi elle doit s'attendre de la part de ses ministres.
J'aimerais reprendre, aux fins du compte rendu, une autre règle énoncée par M. Todd:
Au cours de toute communication avec le souverain, le premier ministre doit transmettre les renseignements les plus complets et les plus honnêtes possibles sur les mesures convenues par le Cabinet et soumises pour sanction royale, parce qu'il existe une maxime en droit constitutionnel qui veut que «le roi ne doit pas être trompé quant au caractère des actes qu'il doit accomplir».
Je sais pertinemment que certains considèrent tout cela comme un simple exercice de poésie de nos jours, mais je n'en fais pas partie. Je prends ces maximes et ces principes très au sérieux. Honorables sénateurs, il y a plusieurs années, à mon arrivée au Sénat, j'ai prononcé un serment. J'ai pris ce serment très au sérieux et je n'ai pas changé d'avis à ce sujet aujourd'hui.
Honorables sénateurs, je soulève cette question parce qu'il est malheureusement évident que des déclarations de ce genre faites par des ministres de la Couronne constituent des attaques directes envers le premier ministre et le cabinet du premier ministre et qu'elles ont pour effet de miner la crédibilité du premier ministre au pays et à l'étranger.
Il est clair que des déclarations de ce genre sapent l'autorité morale du premier ministre à diriger et le privent de l'affection et de la confiance des Canadiens et des membres de son propre caucus. De telles déclarations placent le premier ministre dans une position difficile. Les déclarations de M. Manley ne sont qu'une parodie et elles causent un tort immense au Parlement, au premier ministre et au Sénat.
De plus, on me dit que ces déclarations ternissent également la réputation du Canada à l'échelle internationale. Nous ne savons pas ce que les prochaines semaines nous apporteront, mais je crois qu'il est adéquat que le Sénat se penche sur une question de ce genre qui a occupé tous les journalistes et les commentateurs du pays pendant des heures et des heures.
M. Manley n'est pas juste un ministre ordinaire, il n'est pas juste le vice-premier ministre. M. Manley est ce qu'on pourrait appeler un «superministre». Après tout, c'est lui qui tient les cordons de la bourse nationale. Il est au Canada ce qu'est en Angleterre le chancelier de l'Échiquier. C'est un ministre de rang très supérieur, et c'est pour des questions de ce genre que les gouvernements se tournent vers le Parlement.
Honorables sénateurs, à mon humble avis, M. Manley est un homme honorable. Comme nous, il porte le titre d'«honorable». Je crois sincèrement que M. Manley devrait agir honorablement et décharger le premier ministre de la lourde tâche de le défendre, car il devrait alors défendre l'indéfendable.
Les déclarations de M. Manley ont été particulièrement minables. Elles sont indignes du Parlement et indignes d'un ministre, surtout quand il s'agit du vice-premier ministre et du ministre des Finances. M. Manley a porté atteinte à mes privilèges, comme à ceux du Sénat et du Parlement. En faisant les déclarations publiques qu'il a faites, il a remis en question mon serment d'allégeance, celui d'un sénateur libéral et d'un partisan du gouvernement. Il a déshonoré mon serment et le sien. En fait, il a déshonoré le serment que nous avons tous prêté. On m'appelle «l'honorable» à cause de mon serment d'allégeance. Ce titre m'a été conféré parce que j'ai le devoir d'allégeance.
(1600)
Honorables sénateurs, M. Manley a porté atteinte à mes privilèges parce qu'il attend de moi, comme partisan du gouvernement, que je l'appuie et que j'appuie ce qu'il a fait. Cela m'est impossible. Je ne le ferai pas et je ne défendrai pas son action. En fait, je la condamne!
Honorables sénateurs, je propose de demander à Son Honneur de décider s'il y a, à première vue, matière à question de privilège. Si notre Président rend cette décision, je serai disposée à proposer la motion suivante:
Que le Sénat du Canada exprime son affection et son appui à Sa Majesté la reine Élisabeth II et lui souhaite de tout cœur la bienvenue en cette année de son Jubilé d'or; et, en plus, que le Sénat du Canada exhorte respectueusement M. John Manley, vice-premier ministre et ministre des Finances, à se décharger volontairement de la tâche d'escorter Sa Majesté la reine à Ottawa au cours des quelques prochains jours, afin de permettre à un autre conseiller privé d'avoir l'honneur insigne d'escorter Sa Majesté la Reine du Canada durant sa visite.
Honorables sénateurs, nous devrions clairement comprendre ce qu'est un «privilège». Il y a beaucoup de confusion sur le sens du mot privilège, qui n'est pas du tout synonyme de «droit».
Le sénateur LaPierre: Pas pour nous, il n'y a aucune confusion.
Le sénateur Cools: Les privilèges ne sont pas des droits, parce qu'ils sont acquis. Le Parlement les a réclamés au souverain régnant sur la base de la prérogative royale. Quand la reine invoque cet ensemble de lois, il porte le nom de «prérogative». Quand les membres du Parlement ont acquis les nombreux pouvoirs que nous connaissons par suite de multiples batailles sanglantes, la «prérogative» s'est transformée en «privilège». Les rois et les reines se réclament du droit de la prérogative, tandis que le Parlement possède des privilèges ainsi que la loi et la coutume du Parlement.
Honorables sénateurs, cette question est grave. J'ai reçu des protestations de tous les coins du pays. Les gens sont blessés et confus. M. Manley a eu beaucoup de chance parce que nous en sommes actuellement à une étape de notre histoire où le langage du Parlement est tellement obscur et sibyllin pour le profane que celui- ci est incapable de tenir une conversation dans ce langage.
Il n'en demeure pas moins que ce qui est arrivé est une énorme violation de la Constitution. Il ne suffit pas de dire qu'il s'agissait tout simplement d'une opinion personnelle parce qu'un ministre qui parle en public n'a pas d'opinion personnelle. Toute déclaration publique d'un ministre doit se conformer au principe selon lequel le Cabinet parle d'une seule voix.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, y a-t-il d'autres interventions relativement à cette question de privilège?
L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, souvent, la meilleure ligne de conduite est de tenir sa langue. Dans le contexte de la visite actuelle de Sa Majesté au Canada, je préférerais parler de la question qui a été soulevée, de sa teneur et des circonstances dans lesquelles elle l'a été. Je suis certain que Son Honneur s'occupera de la définition du «privilège». Cependant, si le vice-premier ministre, M. Manley, avait su tenir sa langue, nous ne discuterions pas aujourd'hui de tout l'embarras dans lequel nous plonge cette question.
[Français]
L'honorable Laurier L. Lapierre: Honorables sénateurs, je n'ai pas l'intention de parler aujourd'hui de mon appui à la monarchie. Je ne veux pas du tout que mes remarques soient prises de cette façon.
[Traduction]
Ce qui me préoccupe, c'est seulement la question de privilège ainsi que les droits et l'honneur du Parlement. Je préfère penser que, s'il y a eu atteinte à mes droits à titre de sénateur et de parlementaire, c'est à cause de l'avis que l'honorable sénateur Cools a donné relativement à sa question de privilège. Si on lit celui-ci attentivement, on constate qu'il est truffé d'inexactitudes. C'est essentiellement une sorte de complot de sa part pour pouvoir trucider le vice-premier ministre et, en fait, même le premier ministre.
M. Manley n'a jamais dit, dans ses remarques, qu'il voulait que la monarchie soit renversée au Canada. Le mot «renverser» a une connotation violente et il suppose une révolution. M. Manley n'a jamais, au grand jamais, utilisé pareil mot. On nous demande maintenant de le condamner pour des mots qu'il n'a jamais employés. Il n'a pas demandé que la Reine soit évincée de la Constitution du Canada. Il a simplement laissé entendre que, personnellement, il préférerait que le chef de l'État canadien soit un Canadien, ce qui est concevable, même si, je le reconnais, sa remarque était inopportune.
[Français]
Toutefois, lui faire un procès d'intention afin de satisfaire les opinions qui sont malmenées et mal présentées dans cette Chambre m'apparaît...
[Traduction]
... comme une plus grande atteinte aux privilèges des sénateurs. L'honorable sénateur Cools a accusé un membre du gouvernement de Sa Majesté, un conseiller privé, d'incitation à la révolte et à un renversement violent de la Constitution canadienne. Cette accusation tient de l'irresponsabilité; elle est répréhensible, inacceptable et n'est pas digne d'une personne qui estime être honorable du matin au soir. Je suis donc d'avis que la question de privilège n'est pas fondée dans ce cas. Son auteur est simplement quelqu'un qui est amer au sujet de quelque chose et qui souhaite attaquer n'importe qui pour n'importe quelle raison afin d'arriver à ses fins.
Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je suis désolée mais le sénateur Lapierre enfreint le Règlement. C'est tout à fait déplacé.
Son Honneur le Président: Puis-je rappeler aux honorables sénateurs qu'en vertu de l'article 51 du Règlement du Sénat, «les propos vifs, offensants ou accusateurs sont proscrits»? Nous devons nous rappeler cet article du Règlement lorsque que nous examinons la question de privilège du sénateur Cools. J'aimerais rappeler aux honorables sénateurs que je veux savoir pour quels motifs la question de privilège est ou non fondée. Je demanderais aux honorables sénateurs de s'abstenir de se lancer dans un débat et de s'écarter de la question dont nous sommes saisis et qui est: Y a-t-il eu atteinte aux privilèges des sénateurs de la manière indiquée par le sénateur Cools dans son avis et dans son discours?
Le sénateur LaPierre: Honorables sénateurs, je m'excuse d'avoir enfreint le Règlement. Toutefois, je crois que le sénateur, pour les motifs que j'ai mentionnés, n'a pas montré que sa question de privilège est fondée à première vue. En dernière analyse, ses arguments visant à montrer que sa question de privilège est fondée à première vue n'ont aucun rapport avec ce qui s'est réellement passé et ce qui a été réellement dit.
[Français]
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je voudrais tout simplement clarifier certaines choses. Je ne crois pas que l'honorable ministre faisait une déclaration au nom du gouvernement et au nom de ses collègues qui forment le Cabinet du premier ministre. Il est clair — et il faudrait que les gens le comprennent bien — que ce commentaire était tout simplement l'expression d'une opinion personnelle. Je ne vois pas où l'honorable ministre a dit qu'il parlait au nom du gouvernement.
1610
[Traduction]
L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'espère que Son Honneur examinera un aspect de la question à laquelle le sénateur Cools a fait allusion, à savoir que la convention de la solidarité du Cabinet n'existe pas, comme certains le penseraient, uniquement pour épargner de l'embarras aux ministres, à leurs partis politiques et à leurs amis. Elle est un élément essentiel du système de gouvernement responsable et d'une démocratie parlementaire. Il me semble que les droits des parlementaires, qui sont censés demander des comptes au gouvernement, sont bafoués si le système de solidarité du Cabinet est perturbé.
Je suis stupéfait que le parlementaire le plus chevronné du gouvernement, M. Chrétien lui-même, semble encourager à ce point l'idée qu'un ministre puisse exprimer une opinion personnelle sur une question constitutionnelle, sans égard au point de vue du gouvernement, quel qu'il puisse être. Où tout cela va-t-il nous mener si des ministres deviennent libres d'exprimer des opinions personnelles sur toutes les questions qui se rapportent à notre Constitution, qu'il s'agisse de la Charte, de la répartition des pouvoirs ou de nos symboles et de nos institutions? J'estime que c'est bafouer les droits des parlementaires, qui sont chargés de demander des comptes au gouvernement.
Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je voudrais répondre brièvement aux propos du sénateur Murray et y ajouter quelques mots. Nous sommes tous pressés par le temps, bien sûr. Dans notre système de gouvernement responsable, la Reine en conseil et la Reine au Parlement, rien ne dit qu'un ministre peut exprimer publiquement une opinion personnelle sur d'importantes questions constitutionnelles, particulièrement à un moment aussi critique. À mon avis, l'explication voulant qu'il s'agissait d'une «opinion personnelle» ne tient pas du tout. Un lapsus ou une étourderie auraient peut-être constitué une meilleure explication, mais il est impossible que ce soit l'un ou l'autre, car, de toute évidence, cette affirmation a été faite à de nombreuses occasions.
En terminant, je voudrais dire, par exemple, que, selon mon opinion
personnelle, M. Manley aurait dû démissionner pour dissiper tout doute. Puis,
quelques semaines plus tard,
M. Chrétien aurait pu l'accueillir de nouveau dans son Cabinet. C'est ainsi
qu'un gouvernement responsable fonctionne habituellement.
Je voudrais dire que des opinions personnelles ne sont ni une justification ni une excuse pour ce qui s'est produit, car, en fait, concernant les affaires d'État exprimées publiquement, les ministres n'ont pas d'opinion personnelle.
Deuxièmement, je ne vais pas relever les commentaires insultants et incendiaires du sénateur LaPierre à mon sujet. Ses attaques incessantes à mon égard deviennent de plus en plus lassantes et monotones.
Je tiens à préciser, Votre Honneur, que le mot «évincer» est tout à fait admis dans le langage parlementaire. On l'utilise souvent. C'est un mot aussi courant en langage parlementaire que le mot «renverser».
Pour être parfaitement limpide, je préciserai que je n'ai jamais parlé de renversement violent. Je crois que l'imagination très fertile du sénateur s'emporte, comme c'est souvent le cas. Permettez-moi de dire à l'honorable sénateur que les parlements et les gouvernements renversent constamment des idées et des lois. En fait, je crois que quelqu'un a écrit, au sujet de M. Brian Mulroney, un texte dont le titre ressemblait à «The Government that Overthrew Canada», c'est-à-dire le gouvernement qui a renversé le Canada. Les mots «renverser» et «évincer» sont parfaitement légitimes et acceptables et j'invite les sénateurs à les employer.
Le sénateur LaPierre: Nous allons vous évincer.
Son Honneur le Président: Je remercie les sénateurs de leurs interventions à ce sujet; je vais prendre leurs observations en considération et je me prononcerai sur ce point le plus tôt possible.
LA SANCTION D'UNE ACTION MILITAIRE CONTRE L'IRAK EN CONFORMITÉ AVEC LE DROIT INTERNATIONAL
MOTION—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Douglas Roche, conformément à l'avis donné le
2 octobre 2002, propose:
Que le Sénat prenne note de la crise entre les États-Unis et l'Irak et confirme l'urgent besoin, pour le Canada, de se conformer au droit international en vertu duquel, en l'absence d'attaque ou de menace imminente d'attaque, seul le Conseil de sécurité des Nations Unies a le pouvoir de déterminer le respect de ses résolutions et de sanctionner une action militaire.
— Honorables sénateurs, le Canada ne peut pas éviter les graves conséquences d'une guerre avec l'Irak. Il est nettement dans l'intérêt du Canada de travailler à éviter une telle guerre.
La présente motion vise à encourager le gouvernement fédéral à respecter les principes des Nations Unies dans la crise qui oppose à l'heure actuelle l'Irak et les États-Unis.
Au nom des nombreux Canadiens qui m'ont contacté, au nom de la centaine et plus d'éminents Canadiens qui ont affirmé publiquement qu'il était temps d'évoluer au-delà de la guerre, au nom des valeurs onusiennes qui imprègnent la politique étrangère canadienne, je dirai au gouvernement fédéral de lancer une offensive pour la paix, d'offrir à la communauté internationale un autre cri que le cri de guerre.
Avec les États-Unis qui se préparent à faire la guerre à l'Irak, le monde vit en ce moment sa période la plus dangereuse depuis la fin de la guerre froide. Une guerre totale contre l'Irak, et cela, même si les États-Unis ont l'appui de quelques alliés, risque de créer le chaos dans la région, de miner le droit international et de compromettre les efforts déployés pour empêcher la prolifération des armes de destruction massive.
Je précise tout de suite que le régime de Saddam Hussein me répugne. Il affiche un bilan répugnant de violations de droits de la personne, d'agressions et de fabrication d'armes de destruction massive. C'est ce dernier crime qui nous amène aujourd'hui au bord de la guerre.
(1620)
La communauté internationale est on ne peut plus claire: Saddam Hussein doit collaborer avec les inspecteurs en désarmement de l'ONU, qui veulent vérifier que l'Irak ne possède aucune arme de destruction massive. Le Conseil de sécurité de l'ONU est en train de mettre au point une résolution qui ordonnerait à nouveau de telles inspections. Comme la résolution autoriserait une action militaire en cas de non-observance par l'Irak, il importe que la résolution soit juste et n'impose aucune condition impossible à remplir qui mènerait forcément à la guerre.
La situation est particulièrement délicate pour le Canada, compte tenu de ses relations étroites avec les États-Unis. Naturellement, le Canada veut entretenir les meilleures relations possibles avec les États-Unis, mais il n'est pas obligé pour autant d'emboîter le pas au gouvernement américain dans son penchant actuel pour la guerre. La nouvelle politique américaine, qui est maintenant fondée sur le principe illégal des attaques préventives et qui remplace soudainement la politique de l'endiguement pratiquée depuis des décennies par les États-Unis, est une grave erreur. Les États-Unis ne peuvent pas se faire justice eux-mêmes. Ils n'ont pas non plus le droit moral de forcer le Conseil de sécurité des Nations Unies à adopter une résolution qui pave la voie à des actions militaires légales. Le discours prononcé hier soir par le président Bush, et durant lequel il a invité les Américains et les parlementaires à appuyer la guerre, constitue un acte irresponsable de la part d'un dirigeant politique. Le Congrès ne devrait certainement pas adopter à toute vapeur une résolution entraînant le pays sur le sentier de la guerre à la veille d'élections.
C'est le message qui a été adressé aux Américains par d'éminents leaders américains comme l'ex-président Jimmy Carter, l'ex-vice- président Al Gore, le sénateur Ted Kennedy et plusieurs autres sénateurs américains. C'est le message que renferme la déclaration de conscience intitulée «Not In Our Name», qui a été signée par 4000 chefs de file d'une foule de secteurs qui ont écrit:
Qu'on ne laisse pas les gens dire que la population des États- Unis n'a rien fait quand son gouvernement a déclaré une guerre illimitée à un autre pays et institué de sévères mesures de répression.
C'est le message adressé par plusieurs dirigeants religieux américains, qui ont tous condamné le recours à des frappes préventives contre l'Irak. Les dirigeants européens ont également protesté contre le recours à une guerre préventive. En conséquence, le Canada ne devrait pas craindre de s'opposer publiquement à toute action américaine contrevenant au droit international.
L'utilisation par l'Irak d'armes de destruction massive dans le passé attise notre inquiétude et force la communauté internationale à réagir. Cependant, comme nous l'a rappelé le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, cette réaction doit être à la fois logique et conforme au droit international. L'Irak n'est pas le seul État à avoir ignoré des résolutions de l'ONU dans le passé. Israël et les États-Unis eux-mêmes l'ont fait également. Les affirmations des Américains suivant lesquelles l'Irak aurait manqué aux obligations de cessez-le-feu qui lui avaient été imposées en 1991, autorisant ainsi une intervention militaire à son endroit, ne sont pas convaincantes.
Pour épargner aux générations futures les affres de la guerre, les Nations Unies ont relevé à dessein la barre en ce qui a trait à l'usage de la force. Conformément à l'article 51 de la Charte des Nations Unies, il n'y a que deux circonstances où l'usage de la force est tolérable. La première, c'est dans une situation d'autodéfense collective ou individuelle contre une agression armée réelle ou imminente et la seconde, lorsque le Conseil de sécurité des Nations Unies a ordonné ou autorisé l'usage de la force pour le maintien ou le rétablissement de la paix et de la sécurité dans le monde. En l'absence de l'une ou l'autre de ces conditions, le recours à la force est illégal.
Le droit élémentaire en ce qui a trait à l'autodéfense dans la crise actuelle entre les États-Unis et l'Irak est très clair. L'Irak n'a pas attaqué un autre État et rien n'indique qu'une attaque irakienne est imminente. L'autodéfense ne justifie pas le recours à la force par les États-Unis ou tout autre État contre l'Irak, et il n'y a pas lieu d'étendre démesurément la notion d'autodéfense comme l'a préconisé l'administration Bush dans sa stratégie en matière de sécurité nationale de septembre 2002, qui prévoyait le déclenchement d'attaques préventives contre certains États sur la foi de menaces possibles.
Le seul fondement juridique d'une attaque des États-Unis contre l'Irak serait une instruction ou une autorisation donnée par le Conseil de sécurité de l'ONU de recourir à la force pour rétablir ou maintenir la paix et la sécurité dans le monde, conformément à ses responsabilités aux termes de l'article 7 de la Charte des Nations Unies. Ce fut le cas avec l'adoption de la résolution 678 en 1990, qui autorisait l'usage de tous les moyens nécessaires pour expulser les forces irakiennes du Koweït, ainsi que des résolutions semblables concernant la Corée en 1950 et, plus récemment, la Somalie, Haïti, le Rwanda et la Bosnie. Dans chacun de ces cas, le Conseil de sécurité avait réagi à une invasion réelle, à des actes de violence à grande échelle ou à une urgence humanitaire, et non à des menaces possibles. Il n'existe donc aucun précédent justifiant le Conseil de sécurité de l'ONU à autoriser le recours à la force dans les circonstances présentes.
Le fait est que depuis, son invasion du Koweït en 1990, l'Irak n'a menacé aucun voisin et certainement pas les États-Unis. Ce qu'on appelle le «dossier Blair», dans lequel le premier ministre du Royaume-Uni, Tony Blair, a présenté un éventail de critiques contre l'Irak, ne renfermait aucune preuve que l'Irak accumule des armes de destruction massive et prévoit les utiliser dans une attaque imminente. Les forces armées irakiennes n'ont plus qu'un tiers de la force qu'elles avaient avant la guerre du Golfe. Les dépenses militaires de ce pays ne représentent qu'un tiers de ce qu'elles étaient dans les années 1980. La Commission spéciale de l'ONU chargée du désarmement de l'Irak estime que le programme d'armes chimiques de l'Irak a été détruit dans une proportion d'au moins 95 p. 100. La propre étude du département d'État américain sur les tendances mondiales du terrorisme n'a pu énumérer de graves actes de terrorisme international reliés au gouvernement irakien.
On dit qu'à cause des attaques terroristes du 11 septembre, la guerre contre le terrorisme doit être poursuivie dans le monde entier, mais, honorables sénateurs, le déclenchement de guerres ne va pas contenir le terrorisme. À court terme, nous devons passer par les Nations Unies pour renforcer l'appareil juridique international chargé de lutter contre le terrorisme. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour veiller à ce que tous les États soient parties à un ensemble de traités internationaux visant le terrorisme et garantissant que les États prennent des mesures appropriées pour respecter leurs obligations aux termes de ces traités sur leurs territoires respectifs.
À long terme, ce n'est qu'en consacrant toutes les ressources mondiales à une distribution équitable des ressources de la planète, afin de briser les cercles vicieux de la pauvreté dans le monde, qu'on pourra faire disparaître les sources du terrorisme. Ces objectifs ne peuvent être réalisés par des bombardements, mais exigent plutôt de bâtir laborieusement des cadres de droit et de justice sociale. Le droit et la justice sociale manquent grandement en Afghanistan de nos jours, ce qui montre une fois de plus la tragédie que constitue la guerre. Malgré les promesses faites par les Américains et les Britanniques d'aider à la reconstruction de ce pays, l'Afghanistan manque de fonds et il est prêt à retomber dans le chaos, un autre résultat tragique de la guerre.
Les États-Unis n'ont rien prévu dans leur budget de 2003 pour la reconstruction de l'Afghanistan et j'ai le regret de dire que le Canada ne s'est engagé qu'à une année de financement. En fait, l'aide à la reconstruction en Afghanistan n'est qu'une fraction de ce qui est offert au Timor-Oriental, au Rwanda et à la Bosnie même si le gouvernement afghan doit trouver une façon de remédier aux effets cumulatifs de 20 années de guerre.
Honorables sénateurs, les États-Unis réclament un changement de régime en Irak. À quoi sert-il de mener une campagne militaire dans ce pays si c'est pour abandonner un territoire comme l'Afghanistan, où fomentent encore des mouvements radicaux qui débouchent sur du terrorisme? En cherchant à donner l'impression qu'ils peuvent décider de l'acceptabilité de tel ou tel dirigeant, les États-Unis ne feront que valider les arguments d'Al-Qaïda et des groupes terroristes qui lui sont associés, selon lesquels les États-Unis cherchent à contrôler la région. Pour ce qui est d'éliminer le présumé armement de destruction massive de l'Irak, une guerre par anticipation pourrait même inciter Saddam Hussein à avoir recours à ce même armement, s'il devait être acculé au pied du mur. Une frappe préemptive pourrait être la source de tensions. Comme l'ont si bien dit les ministres des Affaires étrangères des pays arabes, l'invasion de l'Irak par les États-Unis pourrait ouvrir les portes de l'enfer.
(1630)
Faire la guerre à l'Irak pour étancher la soif de vengeance d'une administration animée de fanatisme sera catastrophique pour la population iraquienne sans défense, qui souffre énormément des sanctions économiques imposées depuis une dizaine d'années déjà. Il sera impossible d'épargner aux civils irakiens les dommages catastrophiques que provoqueraient des raids aériens concentrés. La destruction des infrastructures d'électricité et de transport causera des torts graves, notamment sur les plans de l'approvisionnement en eau, du traitement des eaux d'égout, de la distribution de nourriture et des services de santé.
Pour parer à de telles conséquences graves et aider les États-Unis à répondre aux besoins de sécurité qui leur sont propres sans faire la guerre, le Canada doit prendre une position courageuse en faveur de la paix. Le premier ministre Chrétien et le ministre Graham, des Affaires étrangères, méritent des félicitations pour les mesures diplomatiques qu'ils ont prises jusqu'à maintenant.
Cependant, il faut faire davantage en ce moment critique. Il faut appuyer l'autorité des Nations Unies. Le Canada devrait demander que le Conseil de sécurité tienne une réunion publique pour que notre nation et bien d'autres puissent faire entendre leurs voix. Il faut veiller au respect des traités sur la réduction et l'interdiction des armes de destruction massive. Il est essentiel de trouver une solution globale assurant la paix au Proche-Orient. Les Irakiens doivent être traités équitablement et obtenir les aliments, les médicaments ainsi que tous les autres biens essentiels dont ils ont besoin.
Bref, le Canada doit viser la justice et la paix dans le dossier concernant l'Irak. La guerre n'est pas une solution.
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Le sénateur accepterait-il de répondre à une question ou deux?
Le sénateur Roche: Oui.
Son Honneur la Présidente intérimaire: Je regrette, mais le temps de parole du sénateur est écoulé. Demande-t-il la permission de continuer?
Le sénateur Roche: Si le sénateur désire poser des questions, je suis d'accord.
Son Honneur la Présidente intérimaire: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
[Français]
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis prêt à accorder le consentement pour deux questions, ceci tout simplement dans le but de limiter le débat.Peut-être qu'après l'ajournement, d'autres personnes se prononceront plus tard.
L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, j'aimerais obtenir une précision. Est-ce que le leader adjoint du gouvernement a bien dit deux questions ou deux sénateurs?
Le sénateur Robichaud: Deux questions.
[Traduction]
Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je vais essayer de me limiter à une seule question. Ce ne sera pas facile, mais j'essaierai.
L'argument du sénateur porte principalement sur les États-Unis. Il n'a pas parlé de la position de notre plus loyal collègue au sein du Commonwealth, M. Blair, et de celle du gouvernement australien. Ces deux États membres du Commonwealth ont fermement appuyé la position américaine. Le sénateur a seulement fait référence à ces États en utilisant l'expression «quelques alliés».
Le sénateur pourrait-il me dire si M. Blair et le premier ministre de l'Australie ont appuyé les États-Unis par soif de vengeance?
Le sénateur Roche: J'ai mentionné spécifiquement le gouvernement Blair en parlant du dossier que le très honorable Tony Blair a présenté à la Chambre des communes du Royaume- Uni. Après mon étude de ce dossier, j'ai déclaré que ce document ne renfermait aucune preuve incontestable, ni même aucune preuve réelle démontrant que l'Irak possède des armes de destruction massive, ou qu'elle s'est procuré de telles armes après la dernière ronde d'inspections des Nations Unies.
En outre, j'attire l'attention de l'honorable sénateur sur les propos tenus hier par le procureur général de la Grande-Bretagne, qui ont d'ailleurs été appuyés par le solliciteur général. Le procureur général britannique a déclaré que tout acte de guerre contre l'Irak afin de faire changer le régime en place serait illégal.
En ce qui concerne la position de l'Australie, depuis le début, elle correspond à la position générale du Royaume-Uni.
Je ne crois pas que ces deux pays agissent dans un quelconque esprit de vengeance. Toutefois, ils agissent de façon à emboîter le pas aux politiques des États-Unis.
Je viens de passer cinq jours au siège des Nations Unies à New York, où j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec les représentants de plusieurs pays. Je peux assurer à l'honorable sénateur qu'il y a là-bas une vive inquiétude, à cet égard, non seulement au sein de la communauté internationale représentée aux Nations Unies, mais aussi chez un nombre croissant de citoyens américains qui remettent en question la précipitation avec laquelle leur gouvernement veut déclencher les hostilités.
L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, nous devons tous tenir compte des observations de mon distingué collègue de l'Alberta. Je crois qu'il connaît mieux la question que la plupart d'entre nous. Il a consacré une grande partie de sa vie à la paix dans le monde. Il a poursuivi cet objectif avec constance et persévérance parce qu'il y croit.
J'ai deux questions.
Le sénateur Stollery: Une!
Le sénateur Banks: Le sénateur Corbin a été très clair.
J'aimerais savoir si l'honorable sénateur sera ici demain, auquel cas je vais demander l'ajournement du débat et poser ma question demain. Est-ce possible?
Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, ma réponse est oui. J'envisage d'être ici demain et après-demain. Il me fera plaisir de participer au débat avec l'honorable sénateur et nos collègues.
(Sur la motion du sénateur Banks, le débat est ajourné.)
[Français]
LE SÉNAT
LE TEMPS ALLOUÉ AUX HOMMAGES—MOTION—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Jean Lapointe, conformément à l'avis du 2 octobre 2002, propose:
Que l'article 22 du Règlement du Sénat soit modifié par adjonction, après le paragraphe 9, de ce qui suit:
«Hommages
(10) À la demande du leader du gouvernement au Sénat ou du leader de l'opposition, la période des «déclarations de sénateurs» est prolongée d'au plus quinze minutes lors d'un jour donné afin de rendre hommage à un sénateur ou un ancien sénateur, ainsi que du temps supplémentaire que peut prendre la réponse visée au paragraphe (13).
Temps de parole
(11) Le Président informe le Sénat du temps accordé à chaque intervention d'un sénateur qui rend un hommage, laquelle ne peut dépasser trois minutes. Aucun sénateur ne peut parler plus d'une fois.
Aucune permission
(12) Si un sénateur demande la permission de prendre la parole après la période de quinze minutes réservée aux hommages, le Président ne peut mettre la question aux voix.
Réponse
(13) Lorsque tous les hommages ont été rendus, le sénateur qui est honoré peut y répondre.
Publications du Sénat
(14) Les hommages et la réponse visés aux
paragraphes (10) à (13) apparaissent sous une rubrique distincte intitulée «Hommages» dans les Journaux du Sénat et les Débats du Sénat.Précision
(15) Le présent article n'empêche pas un sénateur de rendre hommage à un autre sénateur ou un ancien sénateur à tout autre moment où le permet le présent Règlement.
Autres hommages
(16) Le présent article n'empêche pas l'attribution de temps pour rendre hommage à des personnes autres que des sénateurs ou des anciens sénateurs.».
— Honorables sénateurs, je serai très bref. J'attire votre attention aujourd'hui sur le treizième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement portant sur le temps alloué aux hommages au Sénat et présenté par l'honorable Jack Austin le 2 mai dernier.
(1640)
Le comité avait examiné la question en profondeur et en était arrivé à une solution qui m'apparaît très satisfaisante. En modifiant l'article 22 du Règlement du Sénat, comme le suggère le comité, il va sans dire que les pertes de temps occasionnées par les hommages trop longs diminueraient significativement. Par le fait même, le Sénat pourrait consacrer plus de temps à débattre des dossiers qui sont, ne nous le cachons pas, beaucoup plus importants pour les commettants que nous représentons.
Honorables sénateurs, plusieurs d'entre vous avez témoigné unanimement, lors de la dernière session, en faveur d'un tel changement au Règlement. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir appuyer cette motion.
[Traduction]
Son Honneur la Présidente intérimaire: La Chambre est-elle prête à se prononcer?
L'honorable Herbert O. Sparrow: J'ai une question à poser à l'honorable sénateur au sujet de sa motion. Je suppose que cette question sera renvoyée au comité qui en fera rapport à la Chambre.
Par ailleurs, le sénateur pourrait-il expliquer ce qu'il entend par «pertes de temps»? Lorsque des hommages sont rendus à des personnes qui ont apporté une importante contribution au pays, comme c'est le cas de certains sénateurs, je ne comprends pas que l'on puisse parler de «pertes de temps».
La motion prévoit une limite de temps. Elle dit ceci:
Le Président informe le Sénat du temps accordé à chaque intervention d'un sénateur qui rend un hommage, laquelle ne peut dépasser trois minutes...
En tout, une période de 15 minutes est prévue. Comment Son Honneur le Président pourrait-il savoir combien de sénateurs souhaitent prendre la parole? Pourrait-il limiter la période de chacun à une minute et demie, à deux ou aux trois minutes prévues dans la motion? Que se passerait-il si une dizaine de sénateurs souhaitaient parler pendant trois minutes? On retrancherait du temps à chaque intervenant?
L'honorable sénateur demande au Sénat d'établir un important précédent en lui retirant son consentement unanime sur une question dont il est saisi. Nous avons toujours, conformément au Règlement, demandé le consentement unanime du Sénat. La motion de l'honorable sénateur et le rapport du comité préconisent de retirer au Sénat le droit de donner son consentement unanime.
Notre Règlement contient des dispositions sur le consentement unanime. La modification de l'article 22 nécessite d'ailleurs le consentement unanime. Lorsque le comité a présenté son rapport lors de la dernière session, j'ai cru comprendre que le consentement unanime ne serait pas remis en question. En approuvant cette motion, nous retirons au Sénat le droit dont il jouit depuis le début de la Confédération. Cette question mérite un examen approfondi.
[Français]
Le sénateur Lapointe: Honorables sénateurs, je dois souligner que je n'ai jamais été contre le consentement unanime. Si le Sénat consent unanimement à ce que tout le monde s'exprime et que cela dure quatre heures et demie, ce n'est pas mon problème. Je tiens tout simplement à souligner que je n'ai jamais suggéré de temps limite à qui que ce soit. Cette question a été soumise à un comité.
Je vais vous expliquer pourquoi j'ai réagi ainsi. J'ai été témoin à deux occasions d'hommages qui ont duré plus d'une heure. Dans un de ces cas, la personne honorée ne voulait pas qu'on lui rende hommage. Cette personne a été dans la tribune pendant une heure et vingt minutes. Ne me dites pas que ce n'est pas une perte de temps que de rendre un hommage à une personne qui n'en veut pas. Lorsque nous arrivons en fin de journée et que des points beaucoup plus importants sont reportés parce que le temps alloué aux hommages a été trop long, je regrette de vous dire, honorables sénateurs, que mon opinion est complètement à l'opposé de celle de l'honorable sénateur.
[Traduction]
Le sénateur Sparrow: L'honorable sénateur laisse entendre que ce n'est ni sa décision ni sa recommandation d'enlever le consentement unanime. Toutefois, c'est exactement ce que dit sa motion.
Si un sénateur demande l'autorisation de prendre la parole après la période de quinze minutes réservée aux hommages, le Président ne peut mettre la question aux voix.
Si ce n'est pas là une limite, je me demande bien ce que c'est. Ce sont les propos de l'honorable sénateur, pas les miens, dans la motion présentée ici.
Je crois que l'honorable sénateur a dit qu'il était fatigué d'entendre des discours et des éloges qui s'étendent sur plus d'une heure et demie, ou quelque chose de cette nature. Je veux attirer l'attention de l'honorable sénateur Lapointe, qui est nouveau parmi nous et tente peut-être de modifier notre Règlement, sur le fait qu'au cours de la dernière session de la législature, il n'y a eu qu'un seul éloge qui a duré plus d'une heure et demie. Il a duré exactement 92minutes. C'était pour le sénateur Molgat, qui était alors notre Président. Beaucoup d'honorables sénateurs souhaitaient alors lui rendre hommage et expliquer aux nouveaux sénateurs et au public l'importance du travail qu'il avait accompli au profit de tous les Canadiens.
Des voix: Bravo!
Le sénateur Sparrow: Permettez-moi d'énumérer les périodes consacrées
à des hommages à des collègues au cours de la dernière session de la
législature: Squires, 18 minutes; Perreault, 60 minutes; McElman, 22 minutes;
Godfrey, 20 minutes; Lavoie-Roux,
27 minutes; Cohen, 63 minutes; DeWare, 55 minutes; Simard,
46 minutes; Guay, 17 minutes; Buckwold, 15 minutes; Mercier,
57 minutes; Chaput-Rolland, 52 minutes; Finestone, 67 minutes; Macquarrie, 36
minutes; Poirier, 10 minutes; Olson, 38 minutes; MacDonald, 25 minutes; Wilson,
20 minutes; Lapointe, 14 minutes; et Tunney, 20 minutes.
Ayant entendu cela, le sénateur croit-il qu'on ne devrait pas rendre hommage à ces sénateurs afin d'attirer l'attention de nouveaux sénateurs et du public sur les grands services que ces gens ont rendus aux Canadiens? Est-ce là ce que nous voulons couper?
Je suis ici depuis longtemps. Pendant toute cette période, je n'ai pris la parole qu'une seule fois pour rendre un hommage. Je ne parle donc pas pour moi-même. Il y a eu beaucoup d'interventions valables. Ces interventions ont été utiles à tous les sénateurs, leur permettant — surtout dans le cas des nouveaux sénateurs — de se rendre compte de ce qu'un sénateur peut réaliser ici pour son pays. Il est important que ce message soit transmis..
Si je n'ai pas envie d'écouter un discours de ce genre, honorables sénateurs, je peux toujours sortir. Pendant tout le temps que j'ai passé ici, les discours d'éloges n'ont jamais entravé les affaires du gouvernement. Ces travaux se sont toujours faits et ont toujours été traités avec efficacité. Les sénateurs qui ne veulent pas participer à ces éloges ont le droit de sortir.
(1650)
J'aimerais signaler au sénateur qu'il était absent au cours de bon nombre de séances où de tels hommages ont été rendus depuis sa nomination au Sénat...
L'honorable Bill Rompkey: J'invoque le Règlement. Au Sénat, nous n'avons pas l'habitude de souligner la présence ou l'absence d'un sénateur. Je demanderais donc à l'honorable sénateur d'en tenir compte et de retirer ses paroles.
Son Honneur la Présidente intérimaire: Je tiens compte de votre remarque.
Le sénateur Sparrow: Je ne mentionnerai plus l'absence de sénateurs. J'ai expliqué qu'il arrive souvent que les sénateurs ne soient pas présents au moment où l'on rend certains hommages. Nous ne sommes pas toujours présents. Peut-être le sénateur pourrait-il répondre aux quatre questions que je viens de poser.
[Français]
Le sénateur Lapointe: Honorables sénateurs, je ne pense pas partager les connaissances de l'honorable sénateur sur le Règlement du Sénat. Je le félicite pour ses recherches. Il est arrivé avec des chiffres très précis qui, sans doute, sont plus justes que les miens. J'ai seulement tenté d'apporter un principe au Sénat. Loin de moi l'idée de ne pas vouloir rendre hommage à des sénateurs qui ont accompli des choses pour le pays. Au contraire, j'ai beaucoup d'admiration pour eux. Cependant, est-il nécessaire de prendre 45 minutes ou une heure pour exprimer ce qui peut être dit en trois minutes?
Aujourd'hui, nous avons rendu hommage au sénateur Giguère. Deux sénateurs en ont parlé et c'était très bien. Cela n'a pas duré une éternité, mais malgré tout, dans leur discours, des chiffres ont été évoqués à deux reprises par les deux sénateurs, soit l'année de sa naissance.
Je n'ai pas d'objection à rendre hommage à tous ceux qui apportent une contribution à ce pays qui est autant le mien que le vôtre. Cependant, je vois d'un oeil différent le temps qui est alloué à des sujets plus importants. Les honorables sénateurs ne sont pas obligés d'endosser mes propos, et j'admire cela, c'est démocratique. J'ai essayé d'apporter une contribution. Malgré ce que vous me dites, il se perd encore passablement de temps ici. Je ne veux pas en faire un plat, mais même s'il s'accomplit un travail énorme, il y a encore des pertes de temps. Si je n'ai pas répondu à vos questions, vous pouvez toujours m'écrire.
(Sur la motion du sénateur Sparrow, le débat est ajourné.)
[Traduction]
LE SÉNAT
LE COMITÉ DES LANGUES OFFICIELLES—LA MODIFICATION DE L'ARTICLE 86 DU RÈGLEMENT—MOTION—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Jean-Robert Gauthier, conformément à l'avis du
2 octobre 2002, propose:
Que le Règlement du Sénat soit modifié, à l'article 86, par le remplacement de l'alinéa (1)e) par ce qui suit:
«Langues officielles
e) Le comité permanent des langues officielles, composé de neuf membres, dont quatre constituent le quorum, auquel peuvent être renvoyés, sur décision du Sénat, les projets de loi, messages, pétitions, interpellations, documents et autres matières concernant les langues officielles en général.»; et
Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'informer que le Sénat ne participera plus au Comité mixte permanent des langues officielles.
— Honorables sénateurs, je parlerai d'un sujet qui me tient à coeur depuis plusieurs années. Il y a deux ans, nous avions été saisis d'une motion semblable.
La proposition a fait l'objet de nombreux débats au Sénat. L'affaire a aussi été débattue en comité après avoir été renvoyée, je crois que c'était en février 2001, il y a plus d'un an, au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, qui l'a examinée avec beaucoup de sérieux.
Ce comité s'est réuni à 19 reprises et a entendu 35 témoins. Ses membres ont travaillé fort, et je les en remercie. Le comité, sous la présidence du sénateur Jack Austin, a examiné le sujet en profondeur. La motion a été adoptée par le comité en mai 2002. Le président du comité devait faire rapport au Sénat, mais en raison de l'ajournement d'été et de la prorogation du Parlement, il a fallu recommencer à neuf.
[Français]
Honorables sénateurs, cette motion s'inscrit dans le cadre des responsabilités du Sénat telles que définies dans la Constitution du Canada. Le Sénat a été créé pour fournir un deuxième examen de la législation proposée, représenter les régions du Canada et protéger les droits des minorités.
Cette motion propose la mise en place d'un comité qui sera chargé d'étudier toutes les questions touchant aux deux langues officielles. Cette décision, si elle est prise, sera historique car le Sénat n'a jamais eu son propre comité des langues officielles. Pourtant, c'est l'une des raisons pour lesquelles le Sénat existe.
La Loi sur les langues officielles a été adoptée en 1969. Un comité de la Chambre des communes surveillait la mise en oeuvre de cette loi. Je le sais parce que j'en ai fait partie depuis 1972. Le comité rencontrait, à l'occasion, le commissaire aux langues officielles pour discuter de ses prévisions budgétaires ou de son rapport annuel.
Il est vrai que la question des langues officielles était dérangeante pour certaines personnes. Dans les années 70, si vous vous en souvenez, c'était un sujet sensible et controversé. Ici, dans la capitale du pays, ce n'était pas facile. Certains étaient pour et d'autres contre, peu de gens étaient indifférents. Les tribunes téléphoniques fonctionnaient à plein régime, les éditorialistes — surtout de la presse anglaise — en profitaient pour critiquer l'objectif de faire de la fonction publique du Canada une organisation où l'on pouvait travailler en français et servir le public dans les deux langues officielles du pays, et d'avoir une représentation équitable des deux grandes communautés, anglophone et francophone. Ces objectifs me semblaient pourtant tout à fait équitables.
Je dois dire que depuis le printemps 2001, les choses ont bougé un peu plus au Comité mixte permanent des langues officielles. Les parlementaires étaient plus assidus qu'à l'habitude. Ils connaissaient bien leurs dossiers. Je voudrais remercier publiquement les coprésidents et reconnaître le travail accompli par le sénateur Shirley Maheu. Je m'en voudrais également de ne pas souligner la contribution et le leadership du député Mauril Bélanger et de mes collègues libéraux des deux Chambres, qui venaient régulièrement interroger les témoins. Je ne veux pas oublier les députés Sauvageau et Godin qui, dans l'opposition, faisaient un travail sérieux. Ils posaient des questions un peu pointilleuses, mais tout de même un certain travail s'accomplissait.
(1700)
J'ai apprécié leur assiduité, leur compréhension et, surtout, leur amitié.
Il n'est pas facile de présider un Comité mixte des langues officielles quand il n'y a pas de règlement. Il n'existe aucun règlement spécifique sur les procédures ou sur le fonctionnement des comité mixtes. La question a déjà été débattue à plusieurs reprises, entre autres, lors des travaux d'un comité formé par le sénateur Grimard, moi-même, les députés Milliken et Catterall. Nous nous étions rencontrés à plusieurs reprises pour tenter de trouver un terrain d'entente. Il n'y a eu aucun suivi. J'ai été absent quelques mois et même quelques années à cause de problèmes de santé.
Un comité mixte doit étudier principalement des règlements. Il s'intéresse plutôt au comment et non au pourquoi des questions. Un comité mixte ne peut pas étudier un projet de loi. C'est là où nous avons des divergences d'opinion.
La preuve en a été faite, l'an dernier, lorsque j'ai présenté le projet de loi S-32, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (promotion du français et de l'anglais). Ce projet de loi a été adopté au Sénat à l'étape de la deuxième lecture.
Le sénateur Corbin m'a demandé, à la suite de l'adoption du rapport à l'étape de la deuxièmelecture, si mon intention était de renvoyer le projet de loi au Comité mixte des langues officielles. Je lui ai répondu que non, parce que cela n'aurait pas été efficace. Je ne pouvais pas comprendre que la Chambre des communes accepte que le Sénat adopte un projet de loi, à l'étape de la deuxième lecture, à savoir se défaire d'un comité sans que la chambre ait eu la même chance. Les deux chambres détiennent les mêmes pouvoirs et suivent les mêmes procédures, soit trois lectures pour l'adoption d'un projet de loi. Je ne peux pas comprendre qu'un projet de loi soit renvoyé à un comité mixte. L'autre endroit s'objecterait et avec raison.
Le projet de loi S-32 a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui a tenu huit réunions et entendu 35 témoins. Encore une fois, je n'ai pas été chanceux, la session a été prorogée, et le projet de loi est mort au Feuilleton. Un bon travail avait été fait, mais la Chambre des communes n'avait pas encore été impliquée. Des sénateurs ont invité des experts et des gens intéressés à la question à venir témoigner. Je les en remercie.
Ce n'est pas d'hier que l'on parle de cette motion. Son adoption permettrait une restructuration des comités des deux chambres. Je peux vous rassurer, il n'y a rien dans cette motion qui empêche la Chambre des communes d'avoir son propre comité des langues officielles. Les deux comités pourraient, à l'occasion, se réunir et rencontrer des gens qui pourraient contribuer à l'avancement de la cause des langues officielles.
La Loi sur les langues officielles a été modifiée en 1988 sous l'égide du gouvernement Mulroney. La commissaire aux langues officielles, Dyane Adam, a déposé un rapport annuel qui devrait être étudié sérieusement par un comité du Sénat. Cette question touche les minorités linguistiques anglophones au Québec et francophones à l'extérieur du Québec.
Cette motion est importante et il est urgent de l'étudier puisque nous sommes en train de restructurer nos comités. Le Comité de sélection va se pencher sur la question. Ce serait une bonne chose que son mandat soit de choisir les membres de ce comité.
Nous devons prendre une décision éclairée et sage pour mettre sur piedun comité sénatorial permanent des langues officielles. Je vous rappelle que les intérêts régionaux et linguistiques sont une responsabilité fondamentale du Sénat et qu'il faut agir avec célérité.
En terminant, je suis convaincu que la mémoire institutionnelle des sénateurs et l'intérêt suscité par ce dossier feront en sorte que les travaux de ce comité s'effectueront à l'avantage de tout le Canada. Je pense que l'appui du peuple canadien nous est acquis.
[Traduction]
L'honorable Tommy Banks: L'honorable sénateur Gauthier accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Gauthier: Bien sûr.
Le sénateur Banks: Je crois comprendre que le comité mixte a pour mandat de veiller à l'application prudente et judicieuse de la Loi sur les langues officielles au pays. C'est, du moins en partie, son mandat. Dans la négative, corrigez-moi. Dans l'affirmative, étant donné qu'il y a deux comités, un dans chaque Chambre, est-ce que le sénateur Gauthier pourrait nous dire lequel de ces deux comités, selon lui, serait le plus écouté en cas de divergence d'opinions entre l'un et l'autre au sujet, par exemple, d'une question relative à l'application de la Loi sur les langues officielles?
Le sénateur Gauthier: Honorables sénateurs, il y a deux volets à cette question. Tout d'abord, je répondrai qu'il y a, au sein des deuxchambres, des comités qui partagent des intérêts semblables:l'agriculture, la défense et les affaires étrangères. Cependant, il ne s'agit pas de double emploi. Nous, au Sénat, abordons les questions dans une optique différente. En ce qui concerne les langues officielles, notre mandat n'est pas d'interpréter la loi. Il y a une commissaire aux langues officielles qui agit à titre de protectrice du citoyen. Je pourrais vous expliquer longuement pourquoi elle devrait, à mon avis, être la vérificatrice du Canada en matière linguistique, mais je ne le ferai pas. En réalité, elle n'est pas vérificatrice. Elle est protectrice du citoyen. J'aimerais qu'elle ait les mêmes pouvoirs que la vérificatrice générale, mais il n'en est rien. Elle ne peut intenter de poursuites devant les tribunaux que si elle a reçu une plainte. Je pense que nous pourrions améliorer cela dans les années à venir.
Fondamentalement, le travail du Sénat est différent de celui fait par la Chambre des communes. C'est compréhensible. Honorables sénateurs, nous ne sommes pas aussi sectaires que les députés. Nous n'avons rien contre la Loi sur les langues officielles. Au Sénat, l'opposition appuie les objectifs de cette loi. À la Chambre des communes, l'Alliance canadienne a dit publiquement, à maintes occasions, qu'elle confierait cette compétence aux provinces; les alliancistes voudraient que le gouvernement fédéral se retire du dossier des langues officielles. Ce serait sincèrement désastreux pour les droits des minorités linguistiques. Les anglophones du Québec n'aimeraient pas cela, et les francophones hors Québec non plus.
Il serait possible que ce comité ait un mode de fonctionnement différent, comme celui qui existait autrefois. Il serait prospectif, il ferait avancer les dossiers, et un des aspects importants de notre mandat, à titre de sénateurs, serait la défense des droits des minorités.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je dois aviser le sénateur Gauthier que ses 15 minutes sont écoulées.
(1710)
[Français]
L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, c'est la tradition au Sénat qu'il y ait alternance entre les deux côtés de la Chambre, et je demande donc l'ajournement du débat.
(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)
[Traduction]
LE JOUR DE L'AMÉRIQUE AU CANADA
MOTION—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein, conformément à l'avis donné le 2 octobre 2002, propose:
Que le Sénat demande au gouvernement du Canada d'établir le 11 septembre de cette année et de toute année subséquente au Canada comme journée commémorative sous le nom de «Jour de l'Amérique au Canada».
— Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer une résolution visant à établir le 11 septembre comme «Jour de l'Amérique au Canada».
Il y a quelques années, à la suite de la 29e réunion annuelle du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis tenue à Nantucket par nos collègues du Congrès américain, et dont j'ai eu l'honneur d'assurer la coprésidence, j'ai parlé au Sénat de la symbiose fascinante qui existait entre le Canada et les États-Unis.
Je rappelle au Sénat qu'il y a près de 125 ans, un jeune homme énergique du nom de Theodore Roosevelt, fraîchement émoulu de l'Université Harvard, publiait le premier de ses nombreux livres, une histoire bien documentée des opérations navales pendant la guerre de 1812. Les idées exprimées dans cet ouvrage se sont épanouies dans des ouvrages stratégiques subséquents sur l'opportunité d'étendre la portée de la doctrine Monroe, énoncée pour la première fois en 1823. C'est la guerre de 1812 qui a donné naissance à cette doctrine. Roosevelt était d'avis que, pour garantir la démocratie en Amérique, on devait mettre les principes de Monroe en application non seulement sur tout le continent américain, mais jusqu'aux Philippines dans le Pacifique et au-delà de Cuba dans les Antilles, en ayant recours à une vigoureuse force navale.
Après sa nomination au poste de secrétaire adjoint à la marine en 1897, dans son premier discours devant l'École navale, Roosevelt s'en est pris à la stratégie militaire de Thomas Jefferson en 1812. Le grand Jefferson avait cherché à protéger le littoral américain avec des petits bateaux à caractère défensif plutôt qu'au moyen d'une flotte de navires de guerre agressifs qui auraient sillonné les mers du monde, ce qui, de l'avis de Roosevelt, aurait pu prévenir la guerre de 1812.
Sa foi dans une force navale vigoureuse pour étendre au-delà des Amériques les appareils de défense préconisés par la doctrine Monroe a eu une grande incidence sur les États-Unis au XXe siècle et marqué profondément la stratégie militaire américaine de nos jours. Nous avons perçu l'empreinte de la doctrine Monroe dans le discours du président Bush hier soir.
Pour ce qui est du Canada, honorables sénateurs, nous avons le canal Rideau, à quelques mètres du Sénat, qui relie Ottawa au bas Saint-Laurent, et qui est lui-même relié au lac Ontario par des voies navigables intérieures. Le canal Rideau a été terminé en 1832. Bien sûr, ce n'est que beaucoup plus tard qu'il a été amélioré. Dans sa première étape, il avait été réalisé comme suite stratégique de notre dernière guerre avec les États-Unis, la guerre de 1812.
Les honorables sénateurs se souviendront que, durant la guerre de 1812, des édifices du gouvernement ont été brûlés par les Américains, d'abord à York, alors capitale du Haut-Canada, devenue aujourd'hui Toronto, où j'habite. Ensuite, des édifices du gouvernement à Washington ont été brûlés par mesure de représailles. Ces actes ont abouti à un règlement, le Traité de Ghent, qui a rétabli la paix en 1814. C'était la dernière fois que Canadiens et Américains prenaient les armes pour se battre les uns contre les autres.
Revenons au canal Rideau. Cette voie intérieure a été construite pour permettre à nos forces navales et militaires d'intervenir afin de protéger nos eaux intérieures, notamment le lac Ontario, en évitant la frontière longeant le bas Saint-Laurent, du cap Saint-Vincent à Cornwall.
Honorables sénateurs, l'ancien sénateur Moynihan, de l'État de New York, nous rappelle, dans son petit mais indispensable ouvrage On the Law of Nations, que le canal Rideau a, de fait, mis fin à toute possibilité de guerre entre le Canada et les États-Unis. Moynihan dit ce qui suit: «Et pourtant, cela ne serait pas convaincant.» Le fait est que les gens qui vivaient le long du Saint-Laurent avaient changé d'avis. Oui, le Canada et les États-Unis ont tous deux changé d'avis et ont baissé les armes, tandis que les États-Unis renonçaient à leurs ambitions d'expansion au Nord, créant ainsi la plus longue frontière non défendue de l'histoire moderne. D'adversaires à l'Ouest et au Nord, le Canada et les États-Unis sont vite devenus des amis, des partenaires et des alliés à toute épreuve.
Le 11 septembre 2001 a changé à jamais la perspective stratégique américaine.
Pour la première fois depuis 1812, l'Amérique était attaquée sur son sol, dans
sa plus grande métropole et dans sa capitale. Aujourd'hui, la sécurité du
territoire, qui englobe toute l'Amérique du Nord, est devenue un pilier
essentiel de la politique américaine. Entre-temps, le Canada et les États-Unis
continuent d'être chacun le plus important partenaire commercial de l'autre.
Depuis l'ALE et l'ALENA, notre commerce est passé à près de
450 milliards de dollars par an. Les échanges qui traversent la frontière
s'élèvent à plus d'un milliard de dollars par jour. Des millions de personnes
des deux pays franchissent la frontière chaque année. L'année dernière, on
estime qu'il y a eu plus de 150 millions de voyages de part et d'autre de la
frontière. Comme nous parlons, cette frontière ouverte est en train de se
transformer en une frontière sûre et intelligente permettant d'augmenter aussi
bien l'efficacité que la sécurité.
Le Canada et les États-Unis tiennent à demeurer des refuges pour les gens qui recherchent la liberté et la sécurité partout dans le monde. Nos deux sociétés ont subi de profonds changements par suite d'une immigration massive. Les rues du Canada et les rues des États-Unis reflètent cette nouvelle réalité.
Canadiens et Américains partagent beaucoup de valeurs et ont beaucoup de points communs. Les uns comme les autres sont de fervents partisans de la démocratie. Nous croyons à la primauté du droit dans la pratique et dans nos institutions. Nos constitutions placent les gens en avant des gouvernements. Nous croyons à la réduction des obstacles au commerce international. Nous croyons à la promotion de la démocratie, de l'égalité et de la liberté chez nous et à l'étranger.
Pourtant, il y a aussi des différences entre nous et nos voisins plus nombreux et plus forts du Sud. Craignant d'être écrasés par le nombre, nous croyons que notre culture est inséparable de notre identité nationale. Les Américains, eux, se servent de leur culture comme d'un autre produit commercial d'une grande valeur. Les Canadiens croient que le commerce bilatéral et l'engagement constructif peuvent favoriser les valeurs démocratiques dans des endroits comme la Chine. Vous vous souviendrez que le Canada a reconnu la Chine rouge avant les États-Unis, précisément à cette fin.
Les Canadiens sont plus branchés les uns aux autres. Les Canadiens de toutes les régions s'entendent très fortement sur la plupart des enjeux. La Charte est devenue le symbole le plus respecté de la société civile canadienne. Nous sommes devenus une société imprégnée de droits.
Nous faisons plus d'appels téléphoniques par habitant chaque année. Nous publions plus d'ouvrages de poésie par habitant. Nous regardons davantage la télévision. La pénétration de la télévision par câble est beaucoup plus élevée au Canada qu'aux États-Unis. Notre société bilingue s'épanouit par l'entremise des réseaux anglais et français de télévision et de radio, qui rejoignent pratiquement toute notre population d'un océan à l'autre.
Nos systèmes d'éducation diffèrent, en ce sens que nous engageons des fonds publics pour l'instruction publique, confessionnelle et non confessionnelle.
Alors que les Américains croient que le port d'armes est un droit, les Canadiens estiment qu'il s'agit d'un privilège et qu'il devrait être réglementé.
Nous estimons que la santé est une priorité nationale, pour protéger les citoyens contre la crainte de maladies invalidantes. Par conséquent, nous célébrons un système de santé universel et accessible pour tous les Canadiens.
Les Américains croient en une force militaire puissante pour assurer leur sécurité chez eux et à l'étranger. Les Canadiens bénéficient, comme notre ambassadeur aux États-Unis, Michael Kergin, l'a dit la semaine dernière à Toronto, de la doudou de l'Amérique.
Bien que j'aie dit que nous sommes parfois différents des Américains, personne ne peut nier le leadership particulier et exceptionnel de l'Amérique dans le monde lorsqu'il est question d'encourager et de promouvoir la démocratie et le commerce dans toutes les régions du globe. De Theodore Roosevelt à Wilson, de Franklin Roosevelt à Truman, de Reagan à Bush, les Étas-Unis estiment avoir pour mission particulière de favoriser la démocratie et la liberté sur toute la planète. Malheureusement, le XXe siècle laisse entrevoir plus de turbulence imprévisible que nous n'aurions jamais pu en imaginer.
(1720)
Après la chute du mur de Berlin en 1989, causée en grande partie par le leadership déterminé et patient de l'Amérique, tout le monde croyait que le monde allait changer pour le mieux; que le monde serait un endroit nouveau, meilleur; qu'il y aurait un nouvel ordre mondial. Nous nous sommes tous trompés. Le 11 septembre a fait voler en éclats la sagesse conventionnelle concernant notre paix et notre sécurité au Canada et à l'étranger. Comme nous l'a rappelé le premier ministre, 24 citoyens canadiens se trouvaient au nombre des personnes, de toutes les religions et de toutes les régions du monde, qui ont été victimes de cette attaque odieuse contre nos valeurs communes et nos concitoyens. Malgré tout, la force de caractère des Américains a ré-émergé avec plus de puissance et de détermination que jamais pour protéger nos valeurs communes. Nous avons combattu côte à côte pendant la Première Guerre mondiale, la Deuxième Guerre mondiale, la guerre de Corée, la guerre du Golfe et dans le cadre de missions de maintien de la paix dans le monde entier, et ensemble nous continuerons à défendre la liberté chacun à notre façon, comme nous l'avons entendu dire aujourd'hui.
Aux États-Unis, le 11 septembre est maintenant devenu le Jour des patriotes en Amérique. Je pense qu'il convient donc que le Canada commémore le 11 septembre comme le Jour de l'Amérique au Canada, car c'est une journée qui a changé l'Amérique, le Canada et le monde entier, peut-être à tout jamais.
Le Canada demeure l'ami et l'allié le plus fidèle des États-Unis. Depuis des générations, des millions de Canadiens ont établi des liens familiaux et amicaux indissolubles dans tous les coins de l'Amérique. J'exhorte les honorables sénateurs à appuyer cette très modeste résolution qui, chaque année, le 11 septembre, journée inoubliable, nous donnera le temps de réfléchir et de célébrer nos exubérants et irremplaçables voisins du Sud.
J'ai vu la force de caractère du Canada et sa loyauté envers les États-Unis à
l'oeuvre le 1er décembre dernier quand plus de
20000 Canadiens — selon mes propres estimations entre
22000 et 26000 — sont venus de tous les coins du Canada à
New York, à leurs frais, pour aider les citoyens de cette ville à revenir à la
normale, répondant ainsi à l'éloquent appel lancé par le maire Giuliani aux
Nations Unies. Au Canada, nous avions assisté, de la part des Canadiens, à un
élan spontané d'hospitalité envers les Américains coincés ici le 11 septembre.
Nous prions pour qu'un jour le monde redevienne un endroit sûr et sans danger
pour nos enfants et nous-mêmes. Telle devrait être notre prière quand nous
commémorerons et célébrerons chaque
11 septembre le Jour de l'Amérique au Canada.
J'exhorte le Sénat à adopter cette résolution.
(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Buchanan, le débat est ajourné.)
LA DÉFENSE NATIONALE
MOTION VISANT LA FORMATION EN COMITÉ PLÉNIER POUR RECEVOIR L'EX-COMMANDANT DES FORCES CANADIENNES EN AFGHANISTAN—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Tommy Banks, au nom du sénateur Kenny, et en conformité avec l'avis du 3 octobre 2002, propose:
Que le Sénat se forme en comité plénier, le mardi 29 octobre 2002, afin d'accueillir le lieutenant-colonel Pat Stogran, ancien commandant du groupement tactique du 3e bataillon de la Princess Patricia Canadian Light Infantry, groupement tactique des Forces canadiennes en poste en Afghanistan de février à juillet 2002, pour discuter de la préparation et de la formation avant le déploiement et des expériences des Fores canadiennes en Afghanistan dans la lutte contre le terrorisme;
Que les caméras de télévision soient autorisées dans la Chambre afin de permettre la diffusion des délibérations du comité plénier, sous condition d'un minimum de dérangement.
— Honorables sénateurs, bon nombre de choses retiennent l'attention des Canadiens ces temps-ci, et nous savons tous lesquelles. L'une d'entre elles est certes l'état de nos forces armées: la rapidité avec laquelle nous sommes en mesure de réagir lorsqu'on fait appel à nos services, la mesure dans laquelle nous sommes en mesure d'intervenir lorsqu'on fait appel à nos services et, comme nous en avons entendu parler à l'occasion, les difficultés auxquelles nos forces armées ont parfois été confrontées lorsqu'on leur a demandé d'intervenir.
Le nom du colonel Pat Stogran ne vous est peut-être pas très familier, mais c'est un officier au dossier très remarquable et récent sur le plan du service actif. Il a commandé les Forces canadiennes en Afghanistan. Il était leur commandant lorsqu'elles ont été désignées pour participer à une opération sur le terrain en Afghanistan; il fut chargé de leur préparation, de leur formation, de leur déploiement et de leur transport sur place; il les a de plus commandées sur le terrain lorsqu'elles étaient en Afghanistan, où elles se sont si bien acquittées de leur mission. Le colonel Stogran était aussi à la tête du groupement tactique lorsque ce dernier a quitté l'Afghanistan et est rentré au Canada. Par conséquent, il sait mieux que quiconque — directement et au niveau le plus élevé de commandement direct — ce qui s'est produit lorsqu'un contingent canadien a été envoyé au combat sur le terrain dans un théâtre de guerre.
On entend au Sénat et au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense et on lit dans les journaux toutes sortes de choses au sujet de l'état de préparation et des capacités des Forces armées canadiennes quand il s'agit d'intervenir dans le monde. D'accord avec le sénateur Kenny, et partant avec cette motion, je crois que ce serait une excellente idée que non seulement les membres du comité, mais encore tous les sénateurs réunis en comité plénier entendent cet officier raconter ses expériences et présenter des recommandations et des observations sur l'état de préparation, les capacités et les opérations de nos militaires. Il serait utile qu'il nous dise si nous pouvons aller là où nous voulons et ce qui arrivera là-bas en matière d'équipement et d'entraînement, que nous savons excellent car ce contingent est en général considéré comme le meilleur sur le théâtre des opérations. Il nous faut entendre ces choses et pouvoir poser des questions là-dessus directement à un officier canadien qui a commandé des forces en opération cette année.
Je recommande donc instamment cette motion aux sénateurs en espérant qu'ils l'adopteront.
L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Je tiens à remercier le sénateur pour cette explication. La motion tombe fort à propos. Pour ce qui est du calendrier du Sénat, elle arrive à point car nous en sommes encore à former nos comités. Nous appuyons donc la motion, en ce qui concerne non seulement la date proposée, mais aussi la substance de l'argumentation invoquée.
(Sur la motion du sénateur Robichaud, le débat est ajourné.)
AFFAIRES SOCIALES, SCIENCES ET TECHNOLOGIE
AUTORISATION AU COMITÉ DE POURSUIVRE L'ÉTUDE DE L'ÉTAT DU SYSTÈME DE SOINS DE SANTÉ
L'honorable Michael Kirby, ayant donné avis le 3 octobre 2002, propose:
Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner pour en faire rapport l'état du système de soins de santé au Canada. Plus particulièrement, que le comité soit autorisé à examiner:
a) Les principes fondamentaux sur lesquels est fondé le système public de soins de santé au Canada;
b) L'historique du système de soins de santé au Canada;
c) Les systèmes de soins de santé dans d'autres pays;
d) Le système de soins de santé au Canada — pressions et contraintes;
e) Le rôle du gouvernement fédéral dans le système de soins de santé au Canada;
Que les mémoires reçus et les témoignages entendus sur la question par le comité dans la deuxième session de la trente- sixième législature et la première session de la trente-septième législature soient renvoyés au comité;
Que le comité présente son rapport final au plus tard le
31 octobre 2002;Que le comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion de ses constatations pendant soixante jours après le dépôt de son rapport; et
Que le comité soit autorisé, par dérogation aux règles usuelles, à déposer tout rapport auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas à ce moment-là; et que le rapport soit considéré comme ayant été déposé à la Chambre du Sénat.
(La motion est adoptée.)
(Le Sénat s'ajourne au mercredi 9 octobre 2002, à 13 h 30.)