Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 45
Le jeudi 27 mars 2003
L'honorable Dan Hays, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi de crédits no4 pour 2002-2003
- Projet de loi de crédits no1 pour 2003-2004
- La Sanction royale
- Projet de loi sur l'agence canadienne de développement international
- La Loi sur les langues officielles
- Banques et commerce
- L'étude de la proposition du Groupe des valeureux
- Sanction royale
- L'héritage de gaspillage—Les années Chrétien-Martin
- La politique étrangère concernant le Proche-Orient
- Les travaux du Sénat
- L'ajournement
LE SÉNAT
Le jeudi 27 mars 2003
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
RECOURS AU RÈGLEMENT
DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant que nous ne passions aux déclarations de sénateurs, j'aimerais régler les questions soulevées hier dans le contexte de la demande du sénateur LaPierre en faisant la déclaration suivante.
[Français]
Honorables sénateurs, hier après-midi, avant que nous passions à l'ordre du jour, le sénateur LaPierre a demandé s'il pouvait rectifier le compte rendu des Débats du Sénat, notre hansard, relativement à des propos qui lui ont été attribués durant les déclarations de sénateurs le mardi 25 mars. Il a souligné qu'il aurait fallu lire, à la page 1002 du compte rendu, «Les Américains aussi.»
[Traduction]
En anglais, «So did the Americans.»
Conformément à la pratique habituelle au Sénat, j'ai demandé aux sénateurs s'ils accordaient la permission de rectifier le compte rendu. La permission n'a pas été accordée. Le sénateur Robichaud a alors expliqué que le sénateur LaPierre avait le droit de demander que le hansard soit corrigé pour qu'il reflète exactement ce qui a été dit. D'autres sénateurs ont aussi pris la parole. À l'issue de ces échanges, la question était la suivante: s'agissait-il de corriger une erreur dans le hansard ou de modifier le compte rendu? Le sénateur Cools, dans ses observations, a résumé la situation. Comme elle l'a indiqué:
Le fond de la question porte sur la correction d'une erreur par opposition à la retouche du compte rendu. Il me semble que si un sénateur a commis une erreur ou que le sténographe a de bonne foi mal transcrit au compte rendu ce qu'il a entendu, l'erreur devrait être corrigée sans problèmes.
Le sénateur a ensuite suggéré, comme d'autres l'ont fait, d'écouter les bandes pour déterminer s'il était ici question de corriger le compte rendu ou de le retoucher.
[Français]
Honorables sénateurs, j'ai écouté les bandes. En fait, je les ai écoutées très attentivement plusieurs fois. J'avoue franchement que j'ai du mal à déterminer avec certitude ce qui a été dit dans les interventions par le sénateur LaPierre, et je n'ai aucun moyen d'obtenir un meilleur enregistrement qui me permettrait de me prononcer de manière plus définitive.
[Traduction]
Les commentaires faits hors micro ne sont pas toujours clairement compris. Cependant, je crois que le sénateur LaPierre a probablement dit: «Les Américains aussi.»
Toutefois, en me rendant à cette conclusion, je ne voudrais aucunement laisser entendre ici que les sténographes se sont mal conduits dans l'exécution de leurs fonctions.
Devant ces faits, il ne semble que juste d'accepter la parole du sénateur LaPierre qui soutient, en présentant cette demande, qu'il ne cherche qu'à rectifier le compte rendu et non à le retoucher. Compte tenu des précédents que j'ai examinés, les demandes de ce genre, comme le sénateur Cools l'a fait remarquer, ne posent habituellement pas de problèmes. Une demande est présentée et le Sénat l'approuve. C'est ainsi que nous procédons.
Par conséquent, honorables sénateurs, je vous pose de nouveau la question: Accordez-vous la permission de corriger le compte rendu du hansard, comme l'a demandé le sénateur LaPierre?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: La permission est accordée. Le compte rendu sera donc corrigé comme on l'a demandé.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
LES BRUINS D'ESTEVAN BORDER TOWN
FÉLICITATIONS AUX CHAMPIONS MIDGETS DOUBLE «A»
L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, j'aurais bien aimé que le sénateur Tkachuk soit des nôtres, mais ce n'est pas le cas en ce moment. Je veillerai à ce qu'il ait sa copie du hansard.
Je tiens à féliciter les Bruins d'Estevan Border Town, une équipe midget double «A», et son entraîneur, M. Neil Kish, pour avoir remporté dans la série finale, à l'issue de deux matchs contre les Raiders de Saskatoon au total des points, le championnat provincial de la division midget double «A» de la Saskatchewan, organisé par l'association de hockey de la Saskatchewan.
Le premier match, joué à Saskatoon, s'est terminé par la marque de 2 à 2. Le deuxième match a été joué à Estevan et le pointage final a été de 2 à 1 pour les Bruins d'Estevan Border Town.
C'est la troisième année consécutive que les Bruins remportent ce championnat provincial. Comme le dit Wayne Gretzsky: «Il ne s'agit pas que de hockey, il s'agit de notre sport national.»
Encore une fois, toutes nos félicitations aux Bruins d'Estevan Border Town et à Neil Kish, leur entraîneur.
Je tiens à dire au sénateur Tkachuk qu'il est extrêmement difficile de vaincre ces jeunes fermiers.
[Français]
LA JOURNÉE MONDIALE DU THÉÂTRE
L'honorable Viola Léger: Honorables sénateurs, aujourd'hui, 27 mars, c'est la Journée mondiale du théâtre. Les artistes de par le monde entier partagent avec leur public la façon dont cet art peut contribuer à la compréhension et à la paix entre les peuples. La guerre, sous toutes ses formes, est toujours la déshumanisation de l'être.
(1340)
À ma façon, permettez-moi de célébrer cette Journée mondiale du théâtre en empruntant la voix de différents personnages de la scène. Dans ces temps impossibles, voici des extraits de l'Hymne à l'Espoir, chanté par Édith Butler:
Un jour, un jour peut-être,Nous deviendrons de vrais amis.Je vois déjà que tout s'éclaireDu côté de la nuit.
Un jour, un jour peut-être,Tout l'univers sera pays.Je vois déjà venir la fêteDu côté de la vie.
L'espoir à nos fenêtres,L'espoir qu'un jour peut-être,Le soleil pourra se leverDu côté de la liberté.
Un jour, un jour peut-être,Plus de soldat et plus d'orage,Nous n'irons plus jouer courageDu côté de la peur.
Un jour, un jour peut-être,Quand nous aurons brisé nos chaînes,Je te dirai comment je t'aimeDu côté de mon cœur.
L'espoir à nos fenêtres,L'espoir qu'un jour peut-être,Le soleil pourra se leverDu côté de la liberté.
[Traduction]
Grace, dans l'excellente pièce Grace and Gloria, est mon personnage préféré. Grace a 90 ans et est atteinte d'un cancer terminal. Voici son dernier message:
C'est peut-être comme cela [...] comme ce tricot. Je veux dire que tout dans ce monde est relié. Comme les mailles de ce tricot. Regarde, chacune en soi ne représente pas grand-chose, mais s'il y en a une qui file, tout le tricot se défait. [...] Je crois, chérie, que c'est tout ce que Dieu demande à chacun de nous de faire. Tenir bon. Nous accrocher de toutes nos forces les uns aux autres et à cette bonne vieille terre qu'Il nous a donnée. Je suppose que c'est tout ce que j'ai à dire. Je t'aime.
LES CONVENTIONS INTERNATIONALES
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Je crois qu'on me permettra de remercier le sénateur Léger.
Honorables sénateurs, j'ai mentionné dans ma déclaration d'hier les conventions et traités concernant la guerre que le Canada a signés. J'ai mentionné en particulier la convention traitant des prisonniers, mais il y en a d'autres, comme celle qui porte sur les civils.
De plus, depuis la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, le Canada a signé de nombreux documents internationaux portant sur les droits politiques et civils, qui sont devenus la bible des droits et libertés. Nous savons que nous devons mettre en œuvre ces conventions pour changer les lois du pays, comme notre tribunal de dernier recours l'a déclaré en 1937, mais nous n'avons pas réussi jusqu'ici à moderniser notre système de mise en œuvre des traités. Il faut que nous le fassions.
Il ne suffit pas de signer les traités, il faut les mettre en œuvre. De plus, il ne suffit pas de les mettre en œuvre, il faut que tout le monde se rende compte de leur mise en œuvre.
Après le congé de Pâques, j'ai l'intention de revenir sur cette importante question de la mise en œuvre des traités au Canada. Nous devons réaliser des progrès dans ce domaine.
LE DÉCÈS DU SÉNATEUR AMÉRICAIN DANIEL PATRICK MOYNIHAN
HOMMAGE
L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, je voudrais rendre un bref hommage à Daniel Patrick Moynihan, ancien sénateur des États-Unis, qui est décédé hier à l'âge de 76 ans.
M. Moynihan était à la fois un érudit respecté et un homme politique de talent qui avait su garder le contact avec le monde réel. Il a enseigné les régimes politiques à la faculté des arts et sciences de l'université Harvard de 1966 à 1977. Il a également été directeur du Centre conjoint des études urbaines de l'Université Harvard et du Massachusetts Institute of Technology.
Il a été élu sénateur de l'État de New York en 1976, puis a été réélu en 1982, 1988 et 1994. Sa carrière représentait une combinaison extraordinaire de distinction intellectuelle et de dévouement à la chose publique.
M. Moynihan a toujours participé aux débats nationaux et internationaux sur les questions importantes. En toute justice, nous pouvons dire qu'il a contribué sensiblement à la vie de l'esprit et à la vie de la nation.
Daniel Patrick Moynihan est né en 1927 à Tulsa, en Oklahoma, d'un père journaliste. Il a passé son enfance à New York dans une période difficile et instable. Il a cependant fini premier de sa classe à l'école secondaire Benjamin Franklin, puis est allé à l'Université Tufts, où il a obtenu un baccalauréat, puis une maîtrise de la Fletcher School of Law and Diplomacy. En 1950, il est allé étudier à la London School of Economics, à titre de boursier Fulbright.
La carrière de M. Moynihan s'est étendue sur plus de quatre décennies. En 1954, après l'université, il a travaillé pour la campagne d'Averell Harriman, qui avait alors réussi à se faire élire gouverneur de New York, puis a fait partie de son personnel jusqu'en 1958.
Il a commencé à travailler pour le gouvernement fédéral en 1961 à titre d'assistant du secrétaire au Travail dans le gouvernement Kennedy. Il est devenu ensuite secrétaire adjoint au Travail chargé de la planification des politiques. Plus tard, il a fait partie du cabinet des présidents Johnson, Nixon et Ford.
C'est pendant qu'il travaillait pour le gouvernement qu'il a commencé à s'intéresser aux questions sociales. En 1965, il a écrit ce qui suit dans un rapport:
Même si nous avons fait adopter des textes législatifs protégeant les droits civils, nos lois n'ont pas réussi à assurer l'égalité après trois siècles de privation de droits.
Au cours de ces années, il a beaucoup écrit au sujet de la famille afro-américaine.
Après avoir rempli les fonctions d'ambassadeur des États-Unis en Inde et de représentant américain aux Nations Unies, il est entré en politique, a obtenu l'investiture démocrate et a facilement remporté les élections, devenant ainsi sénateur de New York. Avec sa femme Elizabeth Brennan à la tête de sa campagne, il a été réélu à trois reprises.
Nouveau sénateur, il a obtenu un siège au prestigieux Comité des finances, dont il a assumé la présidence en 1993, ainsi qu'au Comité du renseignement.
Au cours de sa carrière législative, M. Moynihan a concentré sa réflexion sur un ensemble incroyable de questions complexes allant de la pauvreté et de la structure de la famille au secret dans le gouvernement, sans jamais négliger les questions juridiques internationales, la préservation des bâtiments historiques et la politique fiscale. Durant la guerre froide, il s'est beaucoup préoccupé des relations entre les États-Unis et l'Union soviétique.
Dans son livre On the Law of Nations, il a écrit:
L'héritage américain de normes internationales de comportement des États ne doit pas être gaspillé.
L'année dernière, M. Moynihan a été invité à prendre la parole à la cérémonie de remise des diplômes de Harvard. L'orateur qui l'a présenté a dit ceci de lui:
Érudit et homme d'État par excellence, dont les vastes connaissances et l'indépendance d'esprit ont modelé notre débat national. Aux questions complexes et conséquentes, il ne sert jamais de réponses toutes faites.
[Plus tard]
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je n'avais pas l'intention d'intervenir, mais j'ai entendu l'éloquent hommage que notre collègue le sénateur Bacon a rendu au défunt sénateur Moynihan. J'ai eu le plaisir de le rencontrer. Je peux donc dire aux sénateurs qui ne l'ont pas connu que c'était un grand constitutionnaliste, un grand moraliste, un grand défenseur des droits sociaux et un grand ami du Canada.
Je recommande ses livres à tous les sénateurs. Je crois qu'il a écrit dix-neuf ouvrages. Celui que j'ai sur mon bureau et que je recommande à chacun parce qu'il s'applique à nos débats d'aujourd'hui est celui que le sénateur Bacon a justement cité, On the Law of Nations. Il a parlé de la guerre juste et injuste. Il serait très instructif pour tous les sénateurs de lire ce livre, qui les aidera à comprendre la différence entre le droit international et la politique internationale.
LES JEUX D'HIVER DU CANADA DE 2003
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je voudrais rendre hommage aujourd'hui à tous les athlètes, bénévoles, organisateurs et spectateurs qui ont pris part aux Jeux d'hiver du Canada tenus au début du mois à Campbellton, au Nouveau- Brunswick.
Honorables sénateurs, une fois de plus, ces jeux ont été un énorme succès. On a pu y voir 3 200 jeunes athlètes canadiens venant des dix provinces et des trois territoires participer à 21 compétitions. Ces athlètes ont montré leur talent, leur énergie et l'esprit de compétition très sain qui existe partout dans notre grand pays.
La Colombie-Britannique est réputée pour ses beaux hivers et surtout pour ses sports d'hiver. Beaucoup des athlètes qui avaient aiguisé leur talent aux Jeux d'hiver de la Colombie-Britannique sont ensuite allés représenter leur province aux Jeux d'hiver du Canada. Plus tard, ils iront chercher l'or aux Jeux olympiques.
Honorables sénateurs, un jeune athlète de la Colombie- Britannique est allé aux Jeux d'hiver 2003 du Canada avec un but à l'esprit: il voulait rapporter une médaille chez lui. Calvin Lefebvre, 14 ans, de Surrey, en Colombie-Britannique, s'est montré à la hauteur, patinant avec toute la confiance d'un professionnel pour décrocher la médaille d'or au patinage artistique, niveau pré-novice. La Colombie-Britannique a terminé en quatrième place aux jeux, avec 69 médailles: 11 d'or, 27 d'argent et 31 de bronze.
Honorables sénateurs, l'esprit de compétition se porte bien, et la Colombie-Britannique espère très fort que le Comité international olympique attribuera bientôt les Jeux olympiques d'hiver de 2010 à Vancouver-Whistler.
LES XE PRIX ANNUELS D'EXCELLENCE AUX AUTOCHTONES
L'honorable Thelma J. Chalifoux: Honorables sénateurs, aujourd'hui et demain sont des journées très spéciales qui permettront de mettre en évidence les collectivités autochtones et les réalisations de notre peuple au Canada.
(1350)
Les sociétés Suncor Energy, Syncrude, Petro-Canada, TransCanada PipeLines et Nexen donnent conjointement une réception ce soir de 17 h 30 à 19 h 30 dans la salle 160-S. Veuillez vous joindre aux leaders de l'industrie, aux leaders autochtones et à nos jeunes ce soir, à l'occasion des Xe Prix annuels d'excellence aux Autochtones, qui auront lieu à Ottawa, demain soir, au Centre national des arts. Cet événement est devenu la vitrine canadienne pour faire valoir le talent et les réalisations artistiques de nos peuples autochtones.
Honorable sénateurs, j'ose espérer que vous vous joindrez à nous ce soir dans la salle 160-S.
[Français]
VISITEUR DE MARQUE
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'aimerais signaler la présence à notre tribune d'un sénateur de la communauté française de la Belgique, M. Paul Galand. Nous vous souhaitons la bienvenue. Le sénateur Galand est l'invité de l'honorable sénateur Losier-Cool.
[Traduction]
AFFAIRES COURANTES
LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADALA LOI SUR L'OFFICE D'INVESTISSEMENT DU RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA
PROJET DE LOI MODIFICATIF—RAPPORT DU COMITÉ
L'honorable E. Leo Kolber, président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant:
Le jeudi 27 mars 2003
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l'honneur de présenter son
NEUVIÈME RAPPORT
Votre Comité, auquel a été déféré le projet de loi C-3, «Loi modifiant le Régime de pensions du Canada et la Loi sur l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada», a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 25 mars 2003, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.
Respectueusement soumis,
Le président,
E. LEO KOLBER
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Fitzpatrick, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
[Français]
L'ÉTUDE DES STOCKS CHEVAUCHANTS ET DE L'HABITAT DU POISSON
PRÉSENTATION DU RAPPORT DU COMITÉ DES PÊCHES ET DES OCÉANS
L'honorable Gerald J. Comeau, président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, présente le rapport suivant:
Le jeudi 27 mars 2003
Le Comité sénatorial permanent des Pêches et océans a l'honneur de présenter son
TROISIÈME RAPPORT
Votre comité a été autorisé par le Sénat le 6 novembre 2002 à étudier, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, les questions relatives aux stocks chevauchants et à l'habitat du poisson. Ce rapport est le premier de votre comité en vertu de cet ordre de renvoi.
Le 17 mars 2003, le Comité multipartite de Terre-Neuve-et- Labrador sur les pêches de morue de 2J3KL et 3Pn4RS a rendu public un énoncé de position intitulé Stabilité, viabilité et prospérité: Assurer l'avenir des stocks de morue du Nord et du Golfe. La même journée, le Comité multipartite a présenté cet énoncé à des membres de votre comité. Le 25 mars 2003, votre comité a entendu le témoignage du gouvernement de la province de Terre-Neuve-et-Labrador à ce sujet. Suite à ces rencontres, votre comité fait siens les principes généraux de l'énoncé de position du Comité multipartite.
Les stocks de morue du Nord (2J3KL) et du Golfe (3Pn4RS) sont des composantes essentielles de l'industrie actuelle des pêches de Terre-Neuve-et-Labrador. Votre comité est donc d'avis que la fermeture de ces deux pêches susciterait une incertitude économique et menacerait l'avenir de l'industrie des pêches de Terre-Neuve-et-Labrador.
Composé de représentants de tous les partis politiques représentés à l'Assemblée législative de la province de Terre- Neuve-et-Labrador, ainsi que de députés fédéraux et des six sénateurs provinciaux, le Comité multipartite a réussi à faire l'unanimité quant aux gestes à poser en vue d'aider à réchapper les stocks de morue du Nord et du Golfe.
Enfin, votre comité note que les évaluations des stocks de morue du Nord révèlent que ces derniers ont atteint un minimum historique, et que les évaluations d'autres espèces atlantiques de poissons de fond confirment que ces dernières demeurent à, ou très près de, leur plus bas seuil à ce jour.
Votre comité recommande par conséquent que le gouvernement du Canada, se fondant sur le Plan d'action du Comité multipartite, mette immédiatement en place un plan diversifié de reconstitution des stocks de morue du Nord et du Golfe.
Votre comité recommande également que le gouvernement du Canada, fasse écho au quatrième point du Plan d'action et mette sur pied sous l'égide du premier ministre un groupe de travail sur la pêche du poisson de fond dans l'Atlantique. Ce groupe de travail serait chargé de déterminer pourquoi les stocks de poisson de fond ne se rétablissent pas, et de proposer des solutions permettant le rétablissement et le maintien de ces stocks.
Respectueusement soumis,
Le président,
GERALD COMEAU
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons- nous ce rapport?
(Sur la motion du sénateur Comeau, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
LES TRAVAUX DU SÉNAT
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je demande la permission du Sénat de se reporter aux avis de motion du gouvernement après l'ordre du jour, les interpellations et les motions afin de discuter de la motion d'ajournement.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Le sénateur Prud'homme: Non.
Son Honneur le Président: La permission n'est pas accordée.
DROITS DE LA PERSONNE
AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À EXAMINER LES
BIENS IMMOBILIERS MATRIMONIAUX SITUÉS SUR UNE RÉSERVE EN CAS DE RUPTURE
D'UN
MARIAGE OU D'UNE UNION DE FAIT
L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, je donne avis qu'à la prochaine séance du Sénat, je proposerai:
Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, les aspects juridiques clés ayant une incidence sur la question des biens immobiliers matrimoniaux situés sur une réserve en cas de rupture d'un mariage ou d'une union de fait ainsi que leur contexte politique particulier.
Le Comité sera notamment autorisé à examiner:
L'interaction entre les lois provinciales et les lois fédérales en ce qui concerne la répartition des biens matrimoniaux (biens personnels et immobiliers) se trouvant sur une réserve et, en particulier, l'exécution des décisions des tribunaux;
La pratique de l'attribution des terres sur les réserves, en ce qui concerne en particulier, l'attribution coutumière;
Dans le cas de mariage ou d'union de fait, le statut des conjoints et la façon de répartir les biens immobiliers en cas de rupture d'une union; ainsi que,
les solutions possibles qui maintiendrait un équilibre entre les intérêts personnels et les intérêts communautaires.
Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 27 juin 2003.
LES RELATIONS COMMERCIALES CANADA-EUROPE
AVIS D'INTERPELLATION
L'honorable Raymond C. Setlakwe: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mardi 8 avril 2003:
J'attirerai l'attention du Sénat sur les relations commerciales Canada-Europe.
[Traduction]
PÉRIODE DES QUESTIONS
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
LA GUERRE CONTRE L'IRAK—LA SURVEILLANCE DES VIOLATIONS DES CONVENTIONS INTERNATIONALES
L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le nom d'Henri Dunant est associé non seulement à la création de la Croix-Rouge internationale, mais aussi à l'évolution du droit international humanitaire, notamment les Conventions de Genève.
Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire si le gouvernement du Canada surveille de près le respect du droit international humanitaire et des Conventions de Genève pendant le conflit tragique qui a lieu en Irak? Particulièrement, est-ce que le gouvernement du Canada surveille les violations des Conventions de Genève, notamment en ce qui concerne le traitement des prisonniers de guerre et l'utilisation de civils comme boucliers humains? Dans l'affirmative, quelles mesures le gouvernement prend-il? Par exemple, a-t-il convoqué l'envoyé irakien au Canada afin de lui exprimer les préoccupations du Canada?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, non seulement le gouvernement du Canada surveille de très près ce qui se passe en Irak, mais la population canadienne fait de même. Les Canadiens considéreraient comme inacceptable toute violation des Conventions de Genève relativement au traitement des prisonniers de guerre et à l'utilisation de civils comme boucliers humains. Certes, nous entendons des bulletins disant que certaines activités ont eu lieu, mais souvent nous apprenons quelques heures plus tard que ces bulletins ne constituaient pas la preuve de ce qui s'était vraiment passé.
(1400)
Nous devons assurer une surveillance très rigoureuse, comme le sénateur l'a indiqué, de manière à recueillir des preuves, le cas échéant, et nous devons nous assurer qu'elles nous permettent de porter un jugement sans l'ombre d'un doute.
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, étant donné qu'il y a toujours au Canada un consul de l'Irak, le gouvernement du Canada a-t-il convoqué ce consul au ministère des Affaires étrangères afin de lui faire connaître en termes clairs et non équivoques la position du gouvernement du Canada?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, la position du gouvernement canadien concernant la Convention de Genève est claire depuis longtemps déjà. S'il pense que de telles violations ont lieu, ce sera alors le moment d'en faire part aux représentants de l'Irak qui se trouvent au Canada.
Toutefois, comme je l'ai dit en réponse à la première question, ne nous hâtons pas de juger vu que les soi-disant faits semblent changer presque d'heure en heure.
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, madame le ministre pourrait-elle simplement nous dire si le consul de l'Irak a été convoqué par le ministère des Affaires étrangères, oui ou non?
Le sénateur Carstairs: Autant que je le sache, il ne l'a pas été et il n'y a aucune preuve qu'il existe une raison de le faire.
LA GUERRE CONTRE L'IRAK—L'AIDE HUMANITAIRE
L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, sur un sujet différent, mais concernant ce même théâtre d'opération, le gouvernement du Canada envisage-t-il la possibilité de déployer un hôpital de campagne dans le nord de l'Irak ou dans une région proche du conflit irakien afin d'apporter une aide humanitaire aux blessés, qu'il s'agisse des soldats de la coalition ou de l'Irak?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme le sait le sénateur, hier, le gouvernement du Canada a annoncé qu'il verserait 100 millions de dollars aux Nations Unies, et que cet argent serait utilisé par des organisations comme la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge, qui sont sur place, pour assurer l'aide humanitaire dont le besoin est si pressant actuellement.
Quant à la question plus précise de savoir si le gouvernement du Canada fournira un hôpital de campagne, les Nations Unies ne le lui ont pas demandé. Pour le moment, elles lui ont demandé de l'argent. Le gouvernement leur a donc fourni cet argent pour que l'aide puisse être apportée par l'intermédiaire de programmes qui sont déjà sur place ou à proximité.
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, j'ai une dernière question complémentaire. On entend souvent le gouvernement du Canada dire: «Nous ferons ce que les Nations Unies décideront.» Madame le ministre conviendra certainement que les Nations Unies sont une organisation constituée d'États souverains et que ce qu'elles décident est fonction de ce que les États membres décident. Par conséquent, la question devient: «Le gouvernement du Canada offrira-t-il un hôpital de campagne aux Nations Unies?» au lieu d'attendre passivement et de dire: «Eh bien, si elles nous le demandent nous envisagerons de le faire.» Le gouvernement du Canada pourrait-il être un peu plus proactif?
Le sénateur Carstairs: Avec tout le respect que je vous dois, sénateur, comment peut-on être plus proactif qu'en affectant 100 millions de dollars?
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Je félicite le gouvernement d'avoir accordé 100 millions de dollars aux Nations Unies et j'espère que le Canada encouragera cet organisme à agir rapidement. Le Canada a-t-il un plan, outre celui des Nations Unies, pour faire parvenir immédiatement de l'aide dans la zone de guerre? Le Canada a-t-il envisagé la possibilité de prendre l'initiative de négocier l'établissement de corridors de paix ou même de journées de paix pour apporter de l'aide, comme on l'a fait avec tant d'efficacité au Salvador, en Éthiopie et au Soudan dans les années 80?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je souligne avec le plus grand respect à l'honorable sénateur que, lorsque nous avons fourni de l'aide à l'Éthiopie, il s'agissait non pas d'une guerre, mais bien d'une situation de famine. Il y a d'importantes différences entre cette situation et celle qui a présentement cours en Irak. Ils sont en guerre. Ils sont engagés dans des hostilités belligérantes. Nous nous sommes engagés à respecter le processus des Nations Unies dans le cadre de cette entreprise. Nous fournirons l'aide demandée par les Nations Unies et nous répondrons à toute autre demande de cet organisme, dont le Canada est membre. Nous participerons en particulier à l'organisation et à la structuration de l'aide fournie.
Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, il ne s'agissait pas d'une situation de famine. L'Éthiopie a malheureusement connu bon nombre de famines, et les gouvernements ont fait des aliments une arme et ont redirigé l'aide, mais ce n'était pas la situation qui prévalait. Il s'agissait d'une guerre entre l'Érythrée et l'Éthiopie, et le Canada participait à des négociations, sans tenir compte du fait que les Nations Unies avaient leur propre programme.
D'après la réponse de madame le ministre, j'en conclus que le Canada n'a pas de programme d'aide, pendant ou après la guerre, qui soit indépendant ou complémentaire de celui des Nations Unies. Est-ce exact?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je n'en crois pas mes oreilles. Madame le sénateur est intervenue maintes et maintes fois au Sénat et elle nous a convaincus, du moins je le pense, que nous devrions emprunter la voie internationale ou multilatérale, particulièrement dans le contexte des Nations Unies, qu'il s'agisse de traités, de la planification de conférences ou de la participation à des activités. Maintenant, elle semble critiquer la position qu'elle a défendue, soit que nous devrions travailler avec les Nations Unies.
Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, avec tout le respect que je vous dois, je ne critique pas les Nations Unies. Je critique plutôt le manque d'initiative du gouvernement du Canada. J'ai exhorté le Canada à faire partie des initiateurs au sein des Nations Unies et à faire plus que de donner de l'argent. Je n'ai rien vu ni entendu qui puisse me faire croire que le Canada soit devenu un initiateur au sein des Nations Unies. Ma question est la suivante: pouvons-nous faire quelque chose de plus?
Le multilatéralisme n'est pas qu'une initiative de l'ONU. Il doit aussi permettre de travailler en collaboration avec l'ONU et de trouver des possibilités nouvelles pour le Canada. C'est de cette façon que nous pourrions appuyer et renforcer l'internationalisme. L'ONU demande souvent aux gens de collaborer avec elle de façon unilatérale, bilatérale et régionale. Je demande tout simplement au Canada de trouver un moyen de venir en aide à la population irakienne.
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, l'ONU s'est adressée au Canada en disant «Nous avons besoin d'argent pour la mise au point d'un plan». Voici la réponse qu'elle a obtenue: «Oui, nous voulons participer à ce plan et voici 5,6 millions de dollars pour vous aider à établir ce plan auquel nous voulons participer.»
Dans le cadre de ce processus de planification, l'ONU est revenue nous dire: «Nous avons besoin d'argent maintenant pour mettre en oeuvre le plan auquel nous avons tous travaillé», y compris le Canada. Le Canada a immédiatement annoncé qu'il verserait 100 millions de dollars pour ce plan. Madame le sénateur dit que le Canada n'a pas participé à la planification et ou à la mise au point des programmes d'aide humanitaire. Ce n'est tout simplement pas vrai.
L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, j'espère qu'on ne me trouvera pas grossier si je demande d'où viennent ces 100 millions de dollars. J'appuie cette contribution et je suis persuadé que bon nombre de Canadiens seront également d'accord pour que le Canada fasse tout ce qu'il peut dans le contexte des Nations Unies pour aider à soulager les problèmes qui sont créés actuellement en Irak. Toutefois, j'aimerais savoir si ces 100 millions de dollars proviennent du budget des programmes que l'ACDI offre actuellement dans les pays en développement.
(1410)
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, comme je l'ai indiqué à l'honorable sénateur l'autre jour, je crois savoir que cet argent vient des fonds dont le ministère dispose pour affronter des urgences et des événements particuliers et non des crédits réservés à des programmes précis.
Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, l'ACDI a peut-être publié un communiqué de presse que je n'ai pas eu l'occasion de voir ce matin. Il serait utile d'avoir une explication, car il s'agit d'une somme importante.
Honorables sénateurs, ce matin, à leur conférence de presse conjointe, le président Bush et le premier ministre Blair ont dit qu'ils avaient convenu de rétablir le programme «pétrole contre nourriture» en Irak, sous le contrôle des Nations Unies. Ils ont également dit que la question de savoir qui gouvernerait l'Irak après la guerre n'avait pas encore été tranchée. Quelle est la position du gouvernement du Canada au sujet des autorités qui dirigeront l'Irak après la guerre, jusqu'à la tenue d'élections? Favorisons-nous les États-Unis ou les Nations Unies?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, la position du gouvernement est très claire: il faudrait que ce soit les Nations Unies.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai une liste de sénateurs qui souhaitent poser des questions. Je voudrais donc noter que nous devrions respecter l'ordre des questions, c'est-à-dire qu'une question principale est suivie d'une question complémentaire. Je demande donc aux honorables sénateurs de s'abstenir de prendre la parole dans la période réservée à la question complémentaire pour en poser une nouvelle. Il faut attendre son tour. Comme j'ai une liste, il faut que les nouvelles questions suivent l'ordre de la liste. J'accorde la parole aux honorables sénateurs selon une méthode établie.
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je reviens à la question des hôpitaux de campagne. A-t-on demandé au gouvernement de fournir un tel service?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je m'excuse, mais j'ai dû répondre à un certain nombre de questions. De quel service le sénateur veut-il parler?
Le sénateur Nolin: Je veux parler de l'hôpital de campagne que le Canada pourrait fournir et qu'il serait très bien placé pour fournir. Est-ce que les Nations Unies ont demandé au Canada de fournir ce service?
Le sénateur Carstairs: À ma connaissance, nous n'avons reçu aucune demande de ce genre.
Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, madame le ministre a dit plus tôt qu'un plan a été préparé et établi. D'après ce plan, à quel pays demandera-t-on de fournir ce service?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je ne le sais pas. Comme on l'a annoncé dans le communiqué aujourd'hui ou tard dans la soirée d'hier, il y a sur place des ONG qui peuvent dispenser les services voulus et des fonds iront à ces services.
LA GUERRE CONTRE L'IRAK—L'AIDE HUMANITAIRE—LES PROPOS DU PREMIER MINISTRE
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, hier, en réponse à une question sur l'aide humanitaire à l'Irak, le premier ministre a dit à l'autre endroit:
... nous sommes assez bien placés aux Nations Unies pour que les gens comprennent très bien la position du Canada.
Mme Louise Fréchette, le numéro deux aux Nations Unies, est une ancienne sous-ministre du gouvernement canadien. Alors, je suis sûr que lorsque nous voulons parler de plans avec les Nations Unies, nous sommes dans une position privilégiée.
Est-ce que madame le leader du gouvernement au Sénat peut nous expliquer les propos du premier ministre?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il est très clair que notre représentation aux Nations Unies est du calibre professionnel le plus élevé. Nous avons non seulement Mme Fréchette, mais aussi notre ambassadeur aux Nations Unies qui, à mon avis aussi bien qu'à celui du Sénat, je l'espère, a présenté des exposés et des discours remarquables jusqu'à l'absence finale de décision, si je peux m'exprimer ainsi, tandis qu'il essayait et essayait encore de trouver des compromis. Je dois dire que j'ai été frappée par le dévouement de M. Heinbecker pendant toute cette période.
Honorables sénateurs, il est très clair que le secrétaire général des Nations Unies sait que nous avons l'expertise voulue d'après les contributions que nous avons faites jusqu'ici. Le secrétaire général connaît bien en outre la générosité des Canadiens. Ce n'est jamais l'argent du gouvernement, c'est toujours celui des Canadiens.
Je crois fermement que la population du Canada donnera son plein appui à la contribution de 100 millions de dollars que le Canada s'est engagé à verser en son nom au titre de l'aide humanitaire.
Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Je tiens à souligner qu'à mon avis, l'ambassadeur Heinbecker est l'un des meilleurs diplomates que nous ayons dans le service. Il a fort bien servi le Canada.
Il nous a servis aussi bien avant que durant ces discussions. Je suis persuadée qu'il continuera à le faire. De toute évidence, c'est la personne la plus indiquée que le Canada puisse désigner dans tout débat, que ce soit au sujet de la reconstruction, de l'aide ou du plan politique. Il n'y a pas de doute qu'il constitue le point de contact par excellence.
Honorables sénateurs, je voudrais quand même une réponse à ma question. Je veux savoir ce que le premier ministre entendait quand il a dit:
Mme Louise Fréchette, le numéro deux aux Nations Unies, est une ancienne sous-ministre du gouvernement canadien. Alors, je suis sûr que lorsque nous voulons parler de plans avec les Nations Unies, nous sommes dans une position privilégiée.
Puis-je avoir une réponse à cette question? Pourquoi le premier ministre a-t-il parlé en ces termes de Louise Fréchette?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, il est certain que le premier ministre a tenu délibérément ces propos.
Le sénateur Andreychuk: Louise Fréchette est une fonctionnaire internationale. Son poste est extrêmement important. Elle doit être parfaitement neutre à titre de fonctionnaire des Nations Unies. Devons-nous comprendre, en présence de tels propos, que sa neutralité ne sera pas respectée?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, non, aucune interprétation de ces propos n'est nécessaire. Mme Fréchette est une Canadienne distinguée qui joue maintenant un rôle sur la scène internationale, mais qui, à mon avis, n'oubliera pas ses profondes racines canadiennes.
LA JUSTICE
LE PROGRAMME DE CONTRÔLE DES ARMES À FEU—LA CONTESTATION JUDICIAIRE—LE COÛT POUR LE GOUVERNEMENT
L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, je pose depuis quelques jours des questions au sujet du document d'information sur le Programme de contrôle des armes à feu. Dans ce document, le ministère de la Justice mentionne une contestation judiciaire qui est allée à la Cour suprême parmi les dépenses de 688 millions de dollars engagées jusqu'à la fin 2002- 2003.
Est-ce que madame le leader du gouvernement connaît le montant des frais juridiques assumés par le gouvernement à cette occasion? Le gouvernement a-t-il retenu les services de juristes extérieurs? Si c'est le cas, quels cabinets a-t-il engagés? Combien chacun d'eux a-t- il facturé? Est-ce que ces frais ont été imputés en tout ou en partie au programme de contrôle des armes à feu?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme le sénateur le sait, ce sont là des questions très précises qu'il aurait peut-être mieux valu poser aux représentants du ministère au cours de l'examen du Budget des dépenses. Toutefois, je vais essayer d'obtenir ces renseignements pour l'honorable sénateur.
(1420)
LE REGISTRE DES ARMES À FEU—L'ACCÈS DES AUTORITÉS POLICIÈRES ÉTRANGÈRES
L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, je vais poser une question précise et je suis sûr que madame le leader saura y répondre. Le document traite également d'une Équipe nationale de soutien à l'application de la Loi sur les armes à feu et de l'excellent travail que cette équipe accomplit conjointement avec les autorités policières américaines, ce qui, si je comprends bien, a mené à l'arrestation d'un camionneur du Texas qui vendait des armes à feu au Canada. Je présume que nous devrions tous nous réjouir de cette initiative. Ce qui me préoccupe à cet égard, c'est que le gouvernement canadien doit communiquer une partie des renseignements personnels qui sont fournis aux responsables du registre des armes à feu lorsque des Canadiens présentent une demande d'enregistrement d'armes à feu. Le Canada donne accès à la base de données. Je suis sûr que madame le ministre est au courant de cette situation.
Madame le ministre peut-elle nous dire si les autorités policières étrangères utilisent régulièrement la base de données? Existe-t-il un moyen de veiller à ce que les renseignements provenant de la base de données à laquelle ces autorités policières ont accès soient détruites après leur utilisation?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il ne fait aucun doute que les autorités policières de tout le Canada ont utilisé le registre. Selon mes chiffres, elles l'ont utilisé 2,3 millions de fois depuis le 1er décembre 1998. L'année dernière, l'Équipe nationale de soutien à l'application de la Loi sur les armes à feu a participé à près de 3 000 enquêtes policières, a mené plus de 1 800 recherches d'armes à feu et a donné environ 500 conférences aux services policiers.
Quand à la question précise que le sénateur a posée au sujet des gouvernements étrangers et de leur accès à la base de données, je ne peux y répondre, mais je vais me renseigner et fournir ces renseignements au sénateur.
LES RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES
LA GUERRE CONTRE L'IRAK
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse également à madame le leader du gouvernement au Sénat. Pendant des semaines et des mois, j'ai exprimé, au nom de mes électeurs et, je crois, au nom de tous les Canadiens, mon inquiétude au sujet de l'érosion de nos relations avec les États-Unis. Les réponses et les réactions qui ont été faites ont été passablement cavalières et les questions, jugées insignifiantes, ont été rejetées.
Madame le ministre n'admettra-t-elle pas que s'il n'y a pas rupture de nos relations avec notre ami américain, notre plus important partenaire commercial, ces relations sont, du moins, tendues?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, les États-Unis et le Canada sont deux pays souverains et il est normal qu'il y ait, de temps à autre, des désaccords entre eux. Il arrive aussi qu'il n'y ait aucun désaccord et que tout aille pour le mieux. Toutefois, quiconque a pris la peine d'examiner les relations canado-américaines des 40 dernières années aura constaté que sous tous les gouvernements, conservateurs comme libéraux, il y a eu des désaccords. Le premier ministre Brian Mulroney a peut-être fait exception à la règle, mais il a perdu le soutien de la population canadienne.
Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, je ne pense pas que l'ancien premier ministre Mulroney ait perdu le soutien de la population canadienne, mais je n'entrerai pas dans ce genre de débat pour l'instant. Le premier ministre Brian Mulroney a exercé un excellent leadership et a laissé une économie florissante, dont les libéraux profitent depuis dix ans.
Honorables sénateurs, ma question est la suivante: hier, madame le ministre nous a fait la leçon sur l'attitude que nous devrions adopter à l'égard de la situation qui a cours actuellement entre les États-Unis et le Canada. Or, j'ai lu de nouveau aujourd'hui — j'espère ne pas me tromper et je suis certain que nous pouvons faire confiance aux médias sur un sujet comme celui-ci — que des députés libéraux d'arrière-ban ont demandé que l'ambassadeur américain, M. Paul Cellucci, soit blâmé ou même expulsé pour avoir dénoncé publiquement le refus du Canada de participer à la guerre en Irak. En fait, l'ambassadeur Cellucci rappelait simplement ce que son pays attend de nous en tant que voisin et allié.
Par ailleurs, un député libéral, M. Alexander Shepherd, a dit que M. Cellucci ferait bien d'apprendre les leçons que nous enseigne l'histoire. Si des propos semblables ne contribuent pas à dégrader encore davantage la situation très inquiétante qui se manifeste entre nos deux pays, je me demande bien quel effet ils ont.
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, fait très intéressant, l'honorable sénateur Kinsella a fait exactement la même observation avant que je ne recommande moi-même, hier, de modérer notre langage, mais on estime qu'il ne nous faisait pas la leçon. Or, lorsque je dis que je suis d'accord avec l'honorable sénateur d'en face que nous devrions modérer notre langage, il me reproche de faire la leçon. Cette attitude de deux poids deux mesures ne me plaît guère.
Pour ce qui est des propos de l'ambassadeur des États-Unis, je dois dire que plusieurs libéraux ont aussi fait des commentaires. Je n'étais pas de ceux-là; j'ai fait des observations dans cette enceinte. J'espère que je ne fais pas la leçon, mais, encore une fois, je serais prête à dire à tous les sénateurs réunis dans cette enceinte qu'il nous incombe à chacun de modérer notre langage.
Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, je comprends bien ce que dit madame le ministre. Cependant, comme deux pays souverains, nous pouvons n'être pas du même avis et je ne suis pas de son avis. Mon désaccord découle des propos tenus par les gens d'en face. Ces commentaires n'ont pas été prononcés par des gens de ce côté ou d'ailleurs.
Ma dernière question complémentaire est la suivante: je reçois des appels de la Colombie-Britannique où de nombreuses entreprises exportent des biens vers les États-Unis. Des gens d'affaires de cette province se font demander ce qui se passe au Canada. Ce n'est pas que les Américains soient incapables de comprendre que le gouvernement ait adopté une position différente de celle des États- Unis, mais ils craignent que toute la rhétorique et le langage abusif ne s'adressent à eux. De nombreuses commandes ont déjà été annulées. Les associations de manufacturiers du pays essaient d'organiser une rencontre à Washington le mois prochain pour discuter de cette question.
Les Américains refusent tout simplement certains articles fabriqués au Canada. Comment madame le ministre réagit-elle à cette situation?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, il serait malheureux que des commandes soient annulées par des citoyens d'un pays souverain simplement parce que ceux-ci ne sont pas d'accord sur une décision prise par une autre nation souveraine, qui jugeait la décision adéquate dans l'intérêt de ses citoyens.
Il y a toujours eu de très nombreuses raisons pour annuler des contrats et l'une d'entre elles, et non la moindre, pourrait bien être la faiblesse de l'économie américaine ces jours-ci. La situation économique pourrait fort bien être la première cause de ces annulations de contrats.
LE COMPTE RENDU OFFICIEL
RECTIFICATION
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je ne veux pas revenir sur les événements d'hier; c'est déjà du passé. Cependant, une certaine situation me place dans l'embarras et j'aimerais tirer les choses au clair.
Hier, je me suis adressé au Sénat en anglais. Ceux qui lisent le compte rendu en français ne reconnaîtront sans doute pas mes paroles. Je ne veux pas critiquer les traducteurs, car ils font un travail remarquable. Ceux qui traduisent mes discours méritent sans doute des médailles parfois. Cependant, à la fin d'un vif échange hier, j'ai déclaré en anglais:
However, we will get even. Do not worry.
Il existe, en français, l'expression «couramment». Cependant, mes paroles ont été traduites de la façon suivante en français:
[Français]
Ne vous en faites pas, nous nous vengerons.
Franchement, honorables sénateurs, il ne faut pas tomber dans la tragédie.
[Traduction]
Je demande donc aux traducteurs, qui sont intelligents, de trouver des termes différents.
En disant que je vais rendre la pareille, je veux signifier que je vais faire comme il y a un instant, lorsque j'ai refusé mon consentement. De façon peu intelligente, j'ai dit non.
(1430)
Je sais que le sénateur Robichaud demandera le consentement unanime, et je vais dire oui. Je ne suis donc pas animé par l'esprit de vengeance, mais l'expression employée en français est extrêmement embarrassante. Ma soeur m'a appelé et m'a dit: «As-tu dit que tu allais...»
[Français]
Tu vas te venger, es-tu malade?
[Traduction]
Ce n'est pas mon style, ce n'est pas le style du Sénat. Pour ce qui est de l'incident d'hier, je m'en tiendrai là. J'ai fait connaître ma position. Je n'ai pas beaucoup aimé me faire sermonner par d'autres sénateurs, dont le sénateur Kinsella, ni me faire dire que je pouvais prendre la parole à la troisième lecture, comme si j'étais un enfant qui ne connaît pas les règles. Je sais bien que je peux prendre la parole à la troisième lecture. Je le sais depuis fort longtemps. J'aurais pu également prendre la parole à la deuxième lecture. J'attendais simplement l'intervention judicieuse du sénateur Atkins.
Comme je l'ai dit la semaine dernière, je voulais prendre la parole après le sénateur Atkins, parce qu'il est un peu plus calme que moi. N'allez pas penser que tous les francophones sont débridés. J'ai quelque chose en commun avec mon cher collègue, le sénateur Buchanan. Lui et moi devons ménager notre coeur. Lorsque nous nous déchaînons, c'est pour le vrai, mais nous savons nous arrêter à temps.
L'incident d'hier, aussi déplorable soit-il, est du passé. C'est une affaire classée. Je sais que je peux prendre la parole à la troisième lecture. Je voulais le faire à la deuxième. Hier, c'est hier. Nous vivons pour aujourd'hui. Peut-être quelqu'un pourrait-il m'aider avec cette expression...
[Français]
Nous nous vengerons [...]
[Traduction]
J'ignore quelle solution on peut trouver. Je m'en remets à notre excellent personnel. Nous verrons s'il peut trouver quelque chose qui me fait paraître un peu mieux en français.
[Français]
LES TRAVAUX DU SÉNAT
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, sans être absolument sûr de la réponse que j'obtiendrai, mais profitant de l'invitation qui m'est faite par l'honorable sénateur Prud'homme, je demande la permission au Sénat de se reporter aux avis de motion du gouvernement après l'ordre du jour, les motions et les interpellations, afin de discuter de la motion d'ajournement.
[Traduction]
Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: Avant l'ajournement, nous reviendrons aux avis de motion du gouvernement.
ORDRE DU JOUR
PROJET DE LOI DE CRÉDITS NO 4 POUR 2002-2003
TROISIÈME LECTURE
L'honorable Joseph A. Day propose: Que le projet de loi C-29, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2003, soit lu une troisième fois.
— Honorables sénateurs, à l'étape de la deuxième lecture, nous avons longuement discuté du projet de loi, le projet de loi de crédits no 4, qui correspond au dernier projet de loi de crédits du gouvernement pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2003.
Ce projet de loi se fonde sur le Budget supplémentaire des dépenses qu'a examiné votre Comité sénatorial permanent des finances nationales. Le rapport a été soumis par le président du comité, l'honorable sénateur Murray, et adopté par le Sénat hier. Je n'ai donc pas l'intention de débattre davantage de ce projet de loi à ce moment-ci. Je demande simplement aux honorables sénateurs d'appuyer ce projet de loi de crédits.
L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais poser une question à l'honorable sénateur Day. L'honorable sénateur a-t-il été en mesure de déterminer, depuis notre discussion à l'étape de la deuxième lecture, si la somme de 59,4 millions de dollars demandée dans ce projet de loi pour l'enregistrement des armes à feu se trouve dans le crédit appelé le crédit 1b, à la page 16 ou 17?
[Français]
Dans la version française, il s'agit de l'Annexe 1, à la page 17, soit 1b) Justice — Dépenses de fonctionnement.
[Traduction]
On parle de 68 millions de dollars. Cela englobe-t-il la somme de 59 millions?
Le sénateur Day: Je remercie l'honorable sénateur de sa question. La réponse que j'ai à lui donner aujourd'hui est la même qu'hier. La somme de 59 millions est englobée dans le crédit no 1 et le crédit 5 sous la rubrique Justice.
L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je suis heureux de participer au débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-29, le projet de loi de crédits no 4 pour 2002-2003.
Le Budget des dépenses fait partie du cadre fiscal du gouvernement. À ce sujet, je tiens à aborder deux questions dont je n'ai pas parlé à l'étape de la deuxième lecture. Premièrement, je veux signaler des omissions plutôt notables dans les deux projets de loi de crédits dont le Sénat est saisi aujourd'hui. Deuxièmement, je tiens à signaler au Sénat l'augmentation assez considérable des dépenses du gouvernement depuis quelques années et, en particulier, l'augmentation en flèche des dépenses liées au Programme canadien de contrôle des armes à feu.
Honorables sénateurs, aux pages 254 à 260 du plan budgétaire sont énumérées 16 mesures de dépenses proposées pour l'exercice financier en cours. Ces mesures totalisent environ 6,4 milliards de dollars. Mentionnons également une dépense non budgétaire de 102 millions de dollars pour la Banque de développement du Canada.
Seulement deux de ceux-ci figurent intégralement dans le Budget supplémentaire des dépenses (B): 113 millions de dollars pour les collèges vétérinaires et 270 millions de dollars en nouvelles dépenses de défense. Il y en a également deux que l'on retrouve en partie, mais pas intégralement dans le Budget supplémentaire des dépenses (B), soit 308 des 353 millions de dollars destinés à l'aide internationale et 2 des 4 millions destinés au Sommet mondial du développement durable. Le total est de moins de 700 millions de dollars sur les 6,4 milliards de dollars prévus dans le programme de dépenses exposé dans le budget.
Il reste donc des dépenses totalisant 5,7 milliards de dollars à justifier, dont un supplément de 2,5 milliards de dollars au titre du TCSPC, un fonds de 1,5 milliards de dollars pour les appareils médicaux et diagnostiques, 50 millions de dollars destinés à la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère, 600 millions de dollars destinés à Inforoute Santé du Canada inc., 25 millions de dollars destinés à la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé, 70 millions de dollars destinés à l'Institut canadien d'information sur la santé, 500 millions de dollars destinés à la Fondation canadienne pour l'innovation et 75 millions de dollars destinés à Génome Canada.
Or, les Budgets des dépenses à ce jour pour 2002-2003 totalisent 174,8 milliards de dollars, c'est-à-dire 1 milliard de dollars de moins que le montant des dépenses totales figurant dans le budget, soit 175,8 milliards de dollars.
Si l'on ajoute les 5,7 milliards de dollars qui manquent dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) à ces 174,8 milliards de dollars, les dépenses totales s'établissent alors à 180,5 milliards de dollars, et non à 175,8 milliards de dollars, chiffre qui figure dans le budget.
L'écart est de 4,7 milliards de dollars. Dans le communiqué de presse qui accompagne le Budget supplémentaire des dépenses, on nous assure que:
Les montants proposés dans ce Budget supplémentaire des dépenses (B) sont conformes aux niveaux de dépenses prévus de 175,8 milliards de dollars pour 2002-2003, présentés dans le budget du ministère des Finances, le 18 février 2003.
Si ces chiffres sont effectivement conformes, comment le gouvernement explique-t-il l'écart de 4,7 milliards de dollars? Cela doit sûrement avoir à voir avec les règles comptables, mais le gouvernement ne fournit nulle part une justification au Parlement.
(1440)
Le gouvernement vient de présenter à l'autre endroit la Loi d'exécution du budget de 2003, qui prévoit notamment le versement de subventions aux fondations. Ces subventions figurent, en fait, dans le projet de loi sous la rubrique «Subventions accordées à certains organismes». Le Parlement affectera l'an prochain des fonds défalqués cette année, mais pas par le processus d'affectation de crédits. Comme le budget est arrivé quelques jours trop tard pour le Budget supplémentaire (B), on a décidé de s'y prendre autrement qu'en présentant un Budget supplémentaire (C).
La Loi d'exécution du budget de 2003 compte quelque 139 pages et prévoit non seulement les dernières subventions pour des fondations, mais toutes sortes d'autres choses, depuis l'imposition de la TPS dans les réserves jusqu'au TCSPS, en passant par le calcul de l'intérêt sur les créances fiscales en souffrance, les REER, les prêts étudiants, les cotisations d'assurance-emploi, le Code canadien du travail, les taxes sur le tabac et la Loi sur le compte de service et de réduction de la dette. Ce sont pages après pages de sujets sans rapport les uns avec les autres qu'on nous demandera d'adopter dans un seul projet de loi d'ici la fin de juin, ce qui veut dire que nous n'aurons pas le temps d'examiner chaque sujet à fond.
En avril dernier, la vérificatrice générale a fait rapport sur les diverses fondations que le gouvernement a établies ces dernières années. Elle a cerné un nombre infini de problèmes, dont quelques- uns trouvent leur solution dans le budget.
Une observation clé dont le gouvernement n'a pas voulu tenir compte concerne la façon dont il comptabilise les subventions qu'il verse à ces fondations. La vérificatrice écrit ceci dans son rapport:
Le gouvernement a traité comme une dépense le montant de 7,1 milliards de dollars en transferts à des fondations. Au 31 mars 2001, toutefois, la presque totalité du montant était encore dans les comptes bancaires et dans d'autres placements des fondations. Très peu de ce montant avait été reçu par les bénéficiaires ultimement visés, c'est-à-dire les innovateurs, les étudiants et les fournisseurs de soins de santé. Tout compte fait, le montant de 7,1 milliards de dollars, ou la presque totalité, n'est pas vraiment une dépense du gouvernement.
Elle ajoute ceci:
La comptabilisation de ces transferts à titre de dépense est un traitement comptable qui permet au gouvernement de déclarer un excédent annuel inférieur. À plusieurs reprises, notre bureau a affirmé que, à son avis, les décisions visant le transfert de montants représentant une portion aussi importante des sommes prélevées auprès des contribuables devaient être fondées sur une rigoureuse analyse économique et stratégique; elles ne devaient pas être prises en vue d'obtenir simplement un résultat comptable souhaité, comme la réduction de l'excédent annuel déclaré. Nous avons dit qu'un tel traitement comptable compromettait l'intégrité des résultats financiers déclarés du gouvernement.
Honorables sénateurs, cela m'amène à parler de mon deuxième point, c'est-à-dire la hausse assez importante des dépenses ces dernières années et le risque très réel que le gouvernement ait peut- être à emprunter davantage d'argent dans l'avenir.
Superficiellement, les projections financières du dernier budget semblent bonnes. Tout est équilibré. Cependant, quand on examine la situation un peu plus en profondeur, c'est une toute autre histoire. Dans son budget du 18 février, le gouvernement a modifié ses règles comptables et enregistrera désormais ses recettes et dépenses selon une comptabilité d'exercice intégrale. Une conséquence de ces nouvelles règles comptables, c'est qu'un montant supplémentaire de 3,1 milliards de dollars est apparu comme par magie dans les livres de cette année.
Évidemment, le ministre des Finances s'est empressé de dépenser cette somme. Les comptables ont brandi une baguette magique et ont fait apparaître 3,1 milliards de dollars que «le magicien Manley» a ensuite fait disparaître.
Après avoir tenu compte d'imprévus assimilables à des dépenses de dernière minute, le budget prévoit un solde égal à zéro pour cet exercice.
Le calcul est simple: si l'on soustrait les 3,1 milliards de dollars obtenus grâce aux nouvelles règles comptables du solde budgétaire égal à zéro qui est prévu, on obtient un déficit de 3,1 milliards de dollars que le gouvernement enregistrerait pour le présent exercice s'il utilisait encore ses anciennes règles comptables.
On pourrait pardonner aux Canadiens d'avoir oublié, après avoir pris connaissance du budget du 18 février, qu'ils ont été ramenés aux années 70. Les dépenses de programmes des trois dernières années ont grimpé de 30 p. 100, dont 11,5 p. 100 pendant l'exercice financier qui tire maintenant à sa fin. J'ai bien dit une augmentation de 11,5 p. 100!
La dernière fois où les dépenses de programmes ont augmenté de plus de 10 p. 100, c'était en 1984, l'année où les conservateurs ont ravi le pouvoir aux libéraux. C'était il y a deux décennies, et lorsque Michael Wilson a été assermenté à titre de ministre des Finances à la mi-septembre 1984, il était trop tard pour modifier sensiblement les livres cette année-là. Le processus était déjà enclenché.
Dans les années qui ont suivi, la croissance annuelle des dépenses de programmes a été ramenée à une moyenne cumulative de 3,6 p. 100 pendant le mandat du Parti conservateur, sous le taux de croissance de l'économie, et nettement sous la moyenne de 13,6 p. 100 enregistrée sous le gouvernement Trudeau.
Cette année, le budget a été déposé le 18 février. Le 18 février 1976, Jean Chrétien a pris la parole à la Chambre, à titre de président du Conseil du Trésor, pour dire que le gouvernement avait réussi à augmenter de 16 p. 100 le Budget principal des dépenses «en restreignant considérablement les nouvelles dépenses». Quelques mois plus tard, le vérificateur général déclarait que le Parlement avait perdu la maîtrise des fonds publics.
Durant les deux années où Jean Chrétien a été président du Conseil du Trésor, les salaires ont augmenté de 34 p. 100, les coûts des communications et des transports, de 28 p. 100, les coûts de location du gouvernement, de 43 p. 100, les achats de matériel et d'outillage du gouvernement, de 53 p. 100, et les services spéciaux et professionnels, de 38 p. 100.
Y a-t-il un sénateur ministériel qui peut nous donner l'assurance que cette hausse de 11,5 p. 100 des dépenses de programmes n'est pas un précédent, qu'il n'y aura pas de hausse semblable des dépenses année après année et que Jean Chrétien ou celui qui le remplacera vraisemblablement, Paul Martin, ne diront pas bientôt aux Canadiens que des hausses des dépenses supérieures à 10 p. 100 représentent un effort de restriction des dépenses?
Le fait est que la hausse des dépenses de programmes de cette année est la plus forte augmentation depuis l'ère Trudeau. Si pareille hausse se répète, nous pourrions revenir aux jours où le gouvernement devait emprunter année après année. Cette hausse est en partie attribuable à l'escalade des coûts du Programme canadien des armes à feu, qui devraient atteindre 1 milliard de dollars d'ici 2004-2005. Je crains que les dépenses du gouvernement ne suivent le modèle du programme des armes à feu.
Honorables sénateurs, le gouvernement est bien prêt de devoir présenter un projet de loi l'autorisant à emprunter. Quiconque a dirigé une entreprise connaît le terme «encaisse». On peut faire de l'argent sur papier tout en en perdant pour de vrai. Je m'en souviens. Par exemple, on vend des trucs, mais, jusqu'à ce que le client acquitte la facture, tout ce que l'on a à montrer dans le bilan, c'est une créance. On doit emprunter de l'argent pour payer ses factures même si on déclare un profit aux actionnaires.
Dans le cas du gouvernement, il y a des obligations financières, une mesure des entrées et des sorties de fonds. Le gouvernement a comptabilisé quelque 6 milliards de dollars pour l'exercice en cours qu'il ne prévoit pas débourser avant le prochain exercice. Ce sont les transferts aux provinces et les paiements aux fondations. Cela influe sur les obligations financières de l'an prochain et non celles de cette année, en dépit du traitement fiscal.
En soustrayant les dépenses déjà comptabilisées du solde de zéro projeté pour l'an prochain et en faisant quelques autres corrections, on obtient un budget dont le résultat net est une obligation financière de quelque 5,8 milliards de dollars l'an prochain et de 2,1 milliards de dollars l'année suivante. Qui plus est, en dépit des prévisions budgétaires de 3,4 milliards de dollars d'une source financière dans l'exercice qui s'achève, pour les 10 premiers mois de l'exercice, on constate l'existence d'une obligation financière de 3,8 milliards de dollars.
Le gouvernement n'est pas en mesure d'emprunter les 4 milliards de dollars en se fondant sur l'autorisation d'emprunter accordée en 1996, et il y a dans le budget une assez bonne réserve en cas de dépenses imprévues. Donc, pour le moment, il se tiendra tranquille.
Il y a cependant trois choses qui pourraient le forcer à demander au Parlement plus de pouvoirs d'emprunter.
Premièrement, il y a les réserves étrangères. La valeur du dollar canadien a augmenté au cours des derniers mois. Si la Banque du Canada juge qu'elle grimpe trop rapidement, elle tentera de modérer cette progression en vendant des dollars canadiens et en achetant des dollars américains. La vente de dollars canadiens aura pour effet d'accroître les besoins de financement, puisque l'argent vient des coffres d'Ottawa.
Deuxièmement, l'économie pourrait ralentir juste assez pour épuiser les réserves en cas de dépenses imprévues contenues dans le budget, et les taux d'intérêt pourraient augmenter plus vite que prévu dans le plan financier.
(1450)
Troisièmement, il pourrait y avoir plus de dépenses liées à l'héritage que veut laisser le premier ministre. En bref, les folles dépenses de fin d'exercice qui seront faites cette année pourraient bien entraîner un écart financier l'an prochain.
Dans son budget, le ministre des Finances parle de transparence. Cependant, tout comme son prédécesseur, il nous a fourni des projections financières pour deux ans seulement. Bon nombre des dépenses promises dans le budget s'étendront sur plusieurs années, et beaucoup d'entre elles, dont les transferts en santé et en services sociaux, devraient augmenter avec les années. On ne nous dit pas comment le gouvernement financera ces dépenses à long terme. Nous avons un budget rempli de promesses de dépenses sur plusieurs années faisant partie de l'héritage laissé par le premier ministre, mais qui ne nous expose pas le cadre financier sur lequel il s'appuie.
La mise à jour économique et financière de l'automne dernier nous a fourni une prévision quinquennale des recettes et des dépenses. Pourquoi le ministre des Finances n'a-t-il pas voulu nous fournir une prévision semblable dans son budget? Voulait-il cacher un déficit? Y avait-il des fonds qu'il voulait dissimuler au premier ministre, Dieu l'en préserve?
Le moment est venu pour nous d'envoyer au gouvernement un message portant que les Canadiens sont préoccupés par les dépenses non contrôlées. Le moment est aussi venu de montrer aux Canadiens qu'à titre de parlementaires responsables nous pouvons et nous allons donner suite à ces préoccupations. Ce n'est peut-être qu'un premier pas et ce n'est peut-être qu'un petit pas. Toutefois, c'est un pas qui va envoyer un message clair et indiscutable, tant au pouvoir exécutif qu'aux Canadiens, à savoir que le Sénat ne doit pas être tenu pour acquis. Le Sénat est une assemblée qui est tout à fait prête à protéger les contribuables contre le gaspillage déraisonnable de fonds publics. Le Sénat sera raisonnable, mais ne tolérera pas l'approche insensée, par l'entremise du Budget supplémentaire des dépenses, relativement au financement du Programme canadien de contrôle des armes à feu.
Par conséquent, je recommande que l'on retire de la Loi portant octroi de crédits les sommes prévues pour le Programme canadien de contrôle des armes à feu.
MOTION D'AMENDEMENT
L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je propose:
Que le projet de loi C-29 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié:
a) à l'article 2, à la page 1:
(i) par substitution, aux lignes 19 à 21, de ce qui suit:
«somme maximale de un milliard huit cent soixante- deux millions six cent quinze mille trois cent trente- quatre dollars, pour le paiement des charges»,
(ii) par substitution, à la ligne 29, de ce qui suit:
«présente loi. . . . . . . . . . . . . 1 862 615 334,00 $»;
b) à l'annexe 1:
(i) à la page 5, à la première ligne suivant la rubrique «ANNEXE 1», par substitution, au montant «1 882 904 747 $», du montant «1 823 457 377 $»,
(ii) à la page 17, sous «JUSTICE — MINISTÈRE»:
(A) par substitution, au montant «68 457 029» en regard du crédit no 1b, du montant «17 868 029»,
(B) par substitution, au montant «9 048 840» en regard du crédit no 5b, du montant «190 470»,
(C) par substitution, au total «77 505 869», du total «18 058 499»,
(iii) à la page 27, à la dernière ligne, dans la colonne intitulée «Total ($)», par substitution, au total «1 882 904 747», du total «1 823 457 377».
Son Honneur le Président: La Chambre est-elle prête à se prononcer, ou y a-t-il des sénateurs qui souhaitent prendre la parole?
L'honorable Ione Christensen: Honorables sénateurs, j'aimerais prendre la parole relativement à l'amendement au projet de loi C-29.
Pour les Canadiens, la loi C-68 est la Loi sur le contrôle des armes à feu; or, ce titre est malheureux puisque cette loi vise essentiellement à promouvoir la sécurité et le contrôle. J'utilise des armes à feu depuis l'âge de six ans. Mon père, agent de la GRC, était un professeur strict et exigeant et, sous sa tutelle, j'ai appris à respecter le maniement des armes. Il s'agit d'outils qui servent à tuer; c'est leur seul et unique objet. Il est vrai que les armes sont souvent utilisées à des fins sportives, mais ce n'est qu'une utilisation secondaire.
Je suis un des membres fondateurs du Whitehorse Rifle and Pistol Club, auquel je participe activement depuis de nombreuses années. J'y ai gagné mes épinglettes et mes écussons d'adresse au tir, j'ai fait partie de l'équipe compétitive et j'ai beaucoup d'armes à feu, qui sont toutes enregistrées.
Il est essentiel que tous ceux qui utilisent des armes à feu comprennent la responsabilité qui s'y rattache. Cela me ramène à la loi C-68, qui est véritablement une mesure législative urbaine, plutôt que rurale. Dans les régions rurales du Canada, les armes à feu sont des outils du métier e, à ce titre, servent à se procurer de la nourriture et à assurer sa protection dans la nature. En ce qui me concerne, la plupart des Canadiens des régions rurales utilisent des armes depuis l'enfance et, souvent, une ou deux armes à feu suffisent pour tous les membres de la famille.
La loi C-68 comprend quatre piliers. Premièrement, le durcissement des peines pour ceux qui commettent des infractions à l'aide d'armes à feu. J'appuie ce pilier.
Deuxièmement, l'obligation d'avoir un permis pour tous ceux qui possèdent ou utilisent des armes à feu. Comme on nous l'a bien fait comprendre, ce sont les gens, et non les fusils, qui créent les problèmes. Comme beaucoup de gens aujourd'hui n'ont pas eu l'avantage d'être élevés à la campagne, une telle mesure de sécurité est bonne. J'appuie ce pilier.
Troisièmement, l'entreposage et le maniement sécuritaires des armes à feu. Aucun propriétaire responsable d'armes ne va le contester. J'appuie ce pilier.
Quatrièmement, l'enregistrement des armes à feu, qui se compose de deux parties. Tout d'abord, l'enregistrement des armes de poing. Cette exigence existe depuis plus de 60 ans et j'appuie cette partie du pilier.
La deuxième partie, c'est l'enregistrement des armes longues sans restriction, et c'est ce qui me pose un problème.
C'est là que j'aimerais voir des changements à la loi. Toutefois, le projet de loi C-29 ne me permet pas de faire ces changements puisqu'il s'agit d'un projet de loi de finances, dont une partie vise à approuver les fonds prévus pour le programme des armes à feu. Nous sommes tous choqués par l'énormité des dépenses effectuées jusqu'à présent pour ce programme.
Toutefois, ceux qui suivent l'évolution de cette loi ne devraient pas être aussi surpris. Cette mesure devait appliquer le principe de l'utilisateur-payeur. Les problèmes ont commencé dès le départ: les provinces et les territoires s'en sont retirés alors qu'ils étaient censés participer à son administration; les formulaires étaient compliqués; il y avait les délais de report des frais et la prolongation des réductions des frais, la création de nouveaux formulaires, la campagne de publicité monstre organisée autour des nouveaux formulaires, le remboursement des frais d'enregistrement initiaux, les efforts considérables déployés en vue de constituer des équipes pour aider la population à remplir les formulaires et de trouver dans le Nord des gens parlant les langues autochtones, les multiples mises à jour afin de trouver un programme d'enregistrement capable de répondre à la demande accrue et, enfin, l'encombrement délibéré du programme en vue de le saboter. Je ne cherche pas à justifier les sommes faramineuses qui ont déjà consacrées au programme, mais je comprends ce qui est arrivé.
(1500)
En raison de tous les problèmes que je viens d'évoquer et du fait que l'administration du programme a été laissée au ministère de la Justice, un rôle qui ne lui convient pas, on peut comprendre comment la situation financière a pu changer aussi rapidement. Il est dommage que l'on n'ait pas su reconnaître ces problèmes au départ et que l'on n'ait pas pris les moyens qui s'imposaient. Les problèmes n'ont fait qu'amplifier, chaque nouveau problème ne faisant qu'exacerber la situation, et le ministère de la Justice était tout simplement trop têtu pour l'admettre.
Au départ, je suis tentée de voter en faveur de cet amendement. Je représente une région rurale, et beaucoup de citoyens du Yukon trouvent la loi C-68 choquante. D'aucuns seraient heureux que je vote en faveur de l'amendement. Je me demande toutefois à quoi cela servirait. Est-ce que mon vote changerait la loi C-68? Répondrait-il aux besoins de ma région? Serait-ce sage ou raisonnable? Je suis un législateur et, confrontée à une mesure législative sur laquelle je ne suis pas d'accord, je dois essayer de la faire modifier en m'appuyant sur la procédure établie. Le projet de loi C-29 n'est pas une politique et ne changera pas une politique. Il s'agit d'une mesure législative de nature administrative et, qu'elle soit approuvée ou non, l'argent a déjà été dépensé et il faudra trouver les fonds pour couvrir les dépassements de coûts.
Appuyer l'amendement apaiserait ma conscience et me procurerait un moment de gloire aux yeux des Yukonnais qui s'opposent à la loi C-68. Cependant, de cette façon, je ne ferais rien pour rapprocher les Yukonnais des amendements à la loi C-68 que nous souhaitons tous. On pourrait même dire que je rendrais la tâche encore plus difficile à ceux qui souhaitent ces amendements.
L'honorable leader de l'opposition aurait prédit, semble-t-il, que l'appui à cette loi garantira des faveurs issues de très haut, des voyages dans des pays exotiques et des dîners d'apparat. Je n'ai jamais reçu de voyages en cadeau, sauf peut-être des voyages au Yukon, et je n'en désire pas; pour ce qui est des magnifiques dîners d'apparat, nous pourrions en profiter tous les soirs si nous avions la force et l'endurance d'accepter toutes les invitations. Non, je regrette. Mon appui ne serait motivé par aucune faveur ou récompense, ni par la peur de représailles qui me priveraient de nominations avantageuses. Je ne recherche pas les faveurs. Je voterai de la manière qui me placera dans la meilleure position possible pour atteindre mon objectif final, c'est-à-dire faire modifier la loi C-68 afin qu'elle réponde mieux aux besoins des régions rurales et obtenir un processus d'enregistrement davantage axé sur la sécurité que sur le contrôle.
Pour moi, honorables sénateurs, tout ceci est un début et non une fin. Je voterai contre cet amendement, et en faveur de la loi, et je continuerai à lutter pour que l'on change un pilier, c'est-à-dire pour qu'on apporte un amendement à l'enregistrement des armes d'épaule.
Honorables sénateurs, j'invite ceux d'entre vous qui s'inquiètent de la loi C-68 à se joindre à moi pour réclamer ces changements. Nous devons choisir nos combats, et choisir ceux que nous pensons pouvoir remporter. J'estime que, ensemble, nous pouvons remporter celui-ci.
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, si, en huit ans, un si grand nombre de sénateurs n'ont pas réussi à faire apporter des correctifs et des modifications, quel pouvoir magique madame le sénateur possède-t-elle pour arracher ces changements que nous avons tous étés incapables d'obtenir?
Le sénateur Christensen: Honorables sénateurs, la persévérance.
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, la persévérance est peut-être une grande qualité, mais j'ai entendu dire que la contrainte pouvait être un attribut plus important encore, lorsqu'il s'agit d'obtenir quelque chose des libéraux.
Des voix: Oh, oh!
Le sénateur St. Germain: J'ai dû dire ce qu'il fallait. J'ai touché un point sensible.
Honorables sénateurs, j'interviens pour participer au débat sur le projet de loi C-29 et je vais faire porter des propos sur un aspect particulier du projet de loi, le financement du registre des armes à feu. Le gouvernement propose d'accorder 68 millions de dollars de plus au ministère de la Justice, dont 50 millions pour le Programme de contrôle des armes à feu pendant l'exercice en cours et 9 autres millions de plus pour le registre des armes à feu.
Honorables sénateurs, ce registre, qui est un grand projet de l'État, fait l'objet d'un débat intense depuis qu'il a été créé par la loi C-68, en 1995. Des sénateurs l'ont remis en question, et les contribuables canadiens qui ont protesté se chiffrent peut-être par millions. Les dépassements de coûts sont tels qu'il est illogique de débloquer encore de l'argent pour ce registre. Mme Wendy Cukier, de la Coalition pour le contrôle des armes a dit: «On ne peut évaluer les coûts du programme sans en constater les avantages.» Bien des gens, à commencer par moi, ne seraient que trop heureux de savoir quels sont les avantages qu'on est censé en retirer.
Je sais que les contribuables veulent vraiment savoir s'ils en ont pour leur argent. Les projets du gouvernement sont censés être soumis à une analyse coûts-avantages. Les avantages doivent être supérieurs aux coûts.
En l'occurrence, le gouvernement a pris une question de sécurité publique et l'a déformée à des fins partisanes, contournant une loi existante et parfaitement efficace sur le contrôle des armes à feu. Les sénateurs se souviendront du propre cahier d'information du gouvernement sur la loi C-68 et des lettres du ministre. Par exemple, le 24 mai 1995, le ministre Rock répondant à des questions sur le coût de la création d'un système d'enregistrement, a dit ceci:
L'administration en sera entièrement financée par le gouvernement fédéral et couverte par les droits. Notre objectif est de faire en sorte que l'ensemble du programme d'enregistrement des armes à feu rentre dans ses frais. Par ailleurs, tous les efforts possibles sont déployés pour concevoir un système d'enregistrement simple et peu coûteux.
Le ministre avait mis en doute les affirmations de ceux d'entre nous qui prétendaient que le registre coûterait entre 500 millions et 1,5 milliard de dollars. La réponse du gouvernement à cela avait été la suivante:
Non, la mise en place du système coûtera environ 85 millions sur cinq ans, somme qui sera recouvrée au bout d'un certain temps grâce aux droits qui seront imposés. Le coût permanent de l'émission de certificats d'enregistrement sera également couvert par les droits. Tous les droits feront l'objet d'un examen du Parlement. Aucun de ces coûts ne sera imputé au budget des provinces, des municipalités ou de la police.
Étant donné le coût de la mise en oeuvre du système de contrôle des armes à feu prévu par la loi C-68, il est clair que les gens qui ont conçu le système n'avaient pas les connaissances nécessaires pour ce faire.
La loi C-68 a été adoptée en décembre 1995. Le Centre canadien des armes à feu a été créé en 1996, mais il lui a fallu deux ans avant de devenir opérationnel. La date limite imposée par la loi pour l'octroi de permis était décembre 2000, ce délai est déjà dépassé de trois ans.
Le gouvernement avait également dit:
Le système d'enregistrement des armes à feu s'appliquera également à tout le monde, mais il sera mis en oeuvre d'une manière qui sera sensible au mode de vie des autochtones.
Quelle plaisanterie, quelle mésinformation, et quelle triste façon de traiter nos Autochtones! Nos autochtones ont dû pétitionner les tribunaux pour faire respecter et protéger leurs droits constitutionnels et leurs droits issus de traité, qui apparemment sont violés. Une injonction a été émise au Nunavut.
Je me suis élevé contre l'enregistrement obligatoire parce que cette loi fait des criminels de ceux qui n'enregistrent pas leurs armes à feu. Je m'oppose au registre parce que je crois que ce n'est pas une dépense prudente des fonds publics; que le but visé, la réduction des crimes commis avec une arme à feu — l'amélioration de la sécurité publique afin de sauver des vies — ne serait pas atteint, malgré l'appui du chef de la Police de la communauté urbaine de Toronto, la plus importante au pays; qu'il n'aiderait pas la police à enquêter sur les criminels violents et à les traduire en justice; et qu'il ne réduirait pas l'utilisation d'armes à feu dans la perpétration de crimes violents.
Bien des sénateurs et bien des Canadiens s'y connaissant en la matière ont fait savoir au gouvernement que ce registre aboutirait à un alourdissement de la bureaucratie et à une augmentation des dépenses fiscales et des frais d'utilisation, notamment les droits d'enregistrement, les droits de permis et les droits pour renouvellement, qu'il pénaliserait les propriétaires d'armes à feu, qui sont respectueux de la loi, et non pas les véritables criminels, que retracer la piste des armes à feu n'était utile en rien et que cela ne ferait que saper le respect de la population pour la loi.
Je ne suis pas d'accord pour que l'on ait davantage recours à des décrets. Je ne suis pas d'accord pour que l'on fasse perdre à la police son temps précieux et ses maigres revenus à effectuer des contrôles inutiles et inefficaces des armes à feu. Imaginez simplement ceci: si l'on avait mis à la disposition de l'ensemble des forces de l'ordre du Canada ce milliard de dollars, nous aurions peut-être pu empêcher le crime abject qui a été commis à Vancouver où 69 personnes, recensées à ce jour, et sans doute davantage, ont été horriblement assassinées dans les basses terres de la Colombie-Britannique.
Honorables sénateurs, ma plus grande crainte dans ce dossier s'est hélas concrétisée. Le gouvernement a refusé d'entendre la population. On lui a signalé que certains aspects de la Loi sur les armes à feu contrevenaient à la Charte des droits et libertés. C'est une bonne raison pour abroger la loi C-68. Le Sénat ne doit pas adopter ce Budget des dépenses.
(1510)
Honorables sénateurs, en adoptant ce Budget des dépenses, on perpétue de nombreuses violations de la Charte. Dans la mesure où la Loi sur les armes à feu restreint nos droits, le fardeau de la preuve revient au gouvernement qui doit alors prouver que de telles restrictions sont raisonnables. À cette fin, la Cour suprême du Canada a adoptés les critères énoncés dans l'arrêt Oakes qui font obligation au gouvernement de prouver que la loi sert un important objectif de la politique officielle, est logiquement lié à cet objectif, entrave le droit de l'utilisateur dans la plus faible mesure possible et, toutes proportions gardées, fait plus de bien que de mal.
Bien que l'objet de la Loi sur les armes à feu — la réduction de la violence par les armes à feu — soit d'un intérêt public louable, les moyens mis en oeuvre pour le concrétiser sont vraiment loin de satisfaire aux critères énoncés dans l'arrêt Oakes.
Dans son rapport de décembre 2002, la vérificatrice générale a déterminé que le registre des armes à feu coûterait un milliard de dollars d'ici 2005. Toutefois, on y précisait que cette estimation était incomplète, notamment parce que le gouvernement a omis de préciser les coûts d'application et d'exécution.
Si les libéraux prévoient mettre en oeuvre la Loi sur les armes à feu, ils doivent nous dire ce qu'il en coûtera aux contribuables. Le montant que nous avons consacré au registre aurait pu servir à embaucher des centaines de policiers chargés d'assurer la sécurité publique.
Selon un document de recherche de la Bibliothèque du Parlement, l'application de la Loi sur les armes à feu pourrait coûter aux contribuables un milliard de dollars supplémentaires. En décembre, le ministre de la Justice a retiré sa demande de 72 millions de dollars pour le registre des armes à feu parce que lui-même et le premier ministre savaient que le Parlement était scandalisé par les dépassements de coûts. Néanmoins, le ministre de la Justice a eu recours à la «gestion de trésorerie»; et on demande maintenant 59 millions de dollars dans le Budget des dépenses pour combler cet écart.
Le gouvernement tient-il intentionnellement le Parlement et le public dans le noir, ou est-il incompétent?
Honorables sénateurs, je me permets de dire que les Canadiens estiment qu'il y a lieu de réduire la présence du gouvernement et la bureaucratie. Ils croient à la réduction des dépenses gouvernementales, à la baisse des impôts, à la liberté personnelle et à la responsabilité individuelle. Les Canadiens croient dans le droit de tous citoyens à la propriété privée. Enfin, 53 p. 100 des Canadiens disent que les importants dépassements de coûts montrent que le registre national des armes à feu est mal organisé, qu'il ne fonctionne pas et qu'il devrait être mis à la poubelle.
Le vote d'aujourd'hui a pour objet de réaffirmer l'autorité du Parlement sur les deniers publics. Honorables sénateurs, il faut renvoyer ce Budget des dépenses à l'autre endroit. J'exhorte tous les sénateurs à appuyer l'amendement proposé par le sénateur Stratton.
Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, j'appuie l'amendement au projet de loi, qui propose de réduire les crédits demandés par le ministère de la Justice.
Hier, lorsqu'il a été question du Budget supplémentaire des dépenses (B), j'ai rappelé que, s'agissant de la loi C-68, le ministre Rock avait maintes fois donné l'assurance que les coûts alors peu élevés n'exploseraient pas. Aujourd'hui, je vais rendre compte des éditoriaux et des commentaires des médias au sujet de ce Programme de contrôle des armes à feu qui attire les problèmes, et de certaines des menaces faites par le gouvernement à des députés du caucus libéral qui remettent en question la sagesse de voter des crédits supplémentaires pour le programme.
Le 20 mars 2003, dans un article de l'Ottawa Citizen portant le titre «Le premier ministre menace d'écarter les députés rebelles» et le sous-titre «Des députés prévoient se prononcer contre l'octroi de fonds pour le registre des armes à feu», Tim Naumetz rapporte ceci:
La whip du gouvernement, Marlene Catterall, a déclaré aux journalistes que les députés libéraux qui voteraient contre le Budget des dépenses «pourraient notamment» être expulsés du caucus et que, si le budget n'est pas adopté, il y aura alors des élections parce que l'on estimerait qu'il s'agit d'un vote de censure.
Le même jour, dans l'article de Bill Curry publié dans le National Post et intitulé «Votez contre le registre à vos risques et périls» et dont le sous-titre était «Demande de crédits de 59 millions — Chrétien menace d'expulser les députés qui s'opposeraient à ce financement», on pouvait lire:
Un député libéral a également déclaré que des représentants du cabinet du premier ministre ont rappelé à certains dissidents qu'un député expulsé du caucus ne peut se présenter comme candidat libéral lors d'une élection éclair.
Le 20 mars 2003, le Toronto Star publiait un article signé Jim Brown et intitulé «Le premier ministre enjoint les libéraux de voter en faveur d'un financement additionnel pour le registre des armes à feu». Cet article citait entre autres les propos suivants tenus par Mme Marlene Catterall:
«À mon avis, lorsque les Canadiens élisent un gouvernement libéral, ils s'attendent que nous respections les politiques sur lesquelles nous avons fait campagne», dit Catterall. «C'est une question de confiance dans le gouvernement. C'est le point de vue du premier ministre, voilà tout.»
Le 20 mars 2003, le Globe and Mail publiait un article de Kim Lunman et de Jane Taber, intitulé «Le premier ministre presse son caucus de voter en faveur du financement du registre des armes à feu» et ayant comme sous-titre «Les députés grincent des dents à cause de la menace d'expulsion». On peut y lire ceci:
Environ dix autres députés ont exprimé des préoccupations au sujet du registre. Néanmoins, d'après des sources internes, M. Chrétien n'a pas bronché et a ajouté qu'il voulait que tous sachent que c'est un vote de confiance et qu'il faut en tenir compte.
Selon les dires d'un député, le premier ministre était très sérieux et avait l'intention d'expulser tous ceux qui ne voteraient pas en faveur d'un financement additionnel.
Honorables sénateurs, ces débats se déroulent dans cette enceinte, sans tenir compte de ce que le public entend et lit. J'estime que le compte rendu devrait faire état de l'opinion publique. Je donne donc une petite idée des manchettes qu'on a pu lire, entre autres, le jour du vote sur les crédits dans l'autre endroit. Voici un exemple de ce que les Canadiens lisent quotidiennement depuis des mois maintenant.
Honorables sénateurs, il y a quelques semaines, le rapport de la vérificatrice générale sur le programme des armes à feu et sur sa gestion désastreuse a fait couler beaucoup d'encre. Voici quelques- uns des articles qui ont abordé la question: Le 14 décembre 2002, le National Post publiait un article de Christie Blatchford intitulé «Le registre des armes à feu du ministre Rock: un gâchis de un milliard de dollars». Le 19 décembre 2002, le National Post publiait un article de Diane Francis intitulé «Le registre des armes à feu, une politique de dernier ordre» avec comme sous-titre «Les libéraux dépensent un milliard pour éviter le non-conformisme politique». Le 11 janvier 2003, le Globe and Mail publiait un article de Margaret Wente intitulé «Contrepoint» avec comme sous-titre «Des manœuvres politiques avec les armes à feu». Dans cet article, Margaret Wente dit qu'elle n'aime ni les armes à feu ni la chasse et qu'elle n'aime pas la mauvaise gestion non plus.
Honorables sénateurs, l'opinion publique est bien informée du rapport cinglant de la vérificatrice générale et de ce programme d'enregistrement des armes à feu extravagant, toujours inexpliqué et assorti de coûts exorbitants. Le public sait que le Parlement et les parlementaires ont été laissés pour compte et exclus et que le premier ministre a menacé d'expulser les députés qui s'opposeraient à l'octroi de crédits additionnels pour ce modèle éprouvé de mauvaise gestion et d'irresponsabilité qu'est le programme d'enregistrement des armes à feu.
Je veux signaler quelques reportages parus dans les médias au sujet d'élections surprises. D'abord, dans sa livraison du 30 décembre 2002, le National Post publie un article d'Anne Dawson intitulé «Chrétien prêt à déclencher des élections» et sous-titré «Kyoto ou l'heure de vérité». L'article dit que:
Jean Chrétien était prêt à déclencher des élections à la mi- janvier...
«Il était très sérieux. Nous tenions une discussion quant à la possibilité d'élections à la mi-janvier», a déclaré un haut responsable libéral. «Mme Chrétien appuyait pleinement ce scénario.»
M. Chrétien était déterminé à punir les députés rebelles en refusant de signer leur mise en candidature, a déclaré le haut responsable.
Il comptait commencer par les 75 députés qui avaient refusé de signer un engagement de loyauté à son égard cet été.
Dans sa livraison du 20 janvier 2003, le National Post publie un article de Joanne Bryden intitulé «Je n'ai plus besoin de personne, déclare le premier ministre» sous-titré «Les élections demeurent sa porte de sortie». Ces propos blessent beaucoup de gens, honorables sénateurs. L'article rapporte ce que le premier ministre Chrétien a dit:
Je n'ai plus besoin de personne. J'ai fait ce qu'il fallait. Je suis dans une très bonne position. En fait, je ne me suis jamais senti dans une meilleure position. Vous savez, ils peuvent voter une motion de défiance à la Chambre et, ce faisant, déclencher des élections. C'est ainsi que le veut notre Constitution.
(1520)
L'article se poursuit ainsi:
Monsieur Chrétien a souligné que le spectre d'une élection n'était «pas une menace», mais bien «une réalité».
L'article de Anne Dawson publié dans le National Post du 21 janvier 2003 sous le titre «Les députés libéraux disent au premier ministre de ne pas précipiter les élections» rapporte ce qui suit:
Ce mois-ci, on a demandé à M. Chrétien s'il prévoyait des élections anticipées. «Je ne sais pas», a-t-il répondu. «Je suis le premier ministre et si je devais perdre un vote de confiance à la Chambre des communes, cela entraînerait automatiquement des élections.»
L'article de Anne Dawson publié dans le numéro du 24 janvier 2003 du National Post sous le titre «Copps dit que les dons ont une influence «certaine» sur la politique» rapportait les paroles suivantes de M. Chrétien:
«Toute personne qui connaît un peu la Constitution [...] sait que le gouverneur général demande toujours l'avis du premier ministre», a-t-il dit.
Honorables sénateurs, j'aimerais citer encore quelques-uns des grands titres des journaux portant sur le projet de loi de crédits à l'étude aujourd'hui, dont: l'article de Doug Beazley paru dans le numéro du 22 mars 2003 du quotidien The Edmonton Sun sous le titre «Chrétien donne le coup de grâce à la démocratie»; l'éditorial paru dans le numéro du 24 mars de l'Ottawa Citizen sous le titre «Les députés sans leur muselière», avec le sous-titre «Les opposants libéraux au registre des armes à feu devraient continuer de se manifester»; l'éditorial du National Post du 25 mars intitulé «Gaspillage supplémentaire de 59 millions de dollars»; l'article de Bill Curry paru le 25 mars 2003 dans le National Post sous le titre «Les libéraux confiants à l'égard du vote sur les armes à feu», avec le sous-titre «Un nouveau rapport souligne que le registre pourrait coûter un milliard de plus».
Honorables sénateurs, voilà ce que les gens lisent et entendent. L'article de Tim Naumetz paru le 25 mars 2003 dans l'Ottawa Citizen sous le titre «Les menaces proférées par le premier ministre convainquent les députés de voter en faveur du registre des armes à feu» et l'article de Tonda MacCharles paru dans le Toronto Star du 25 mars 2003 sous le titre «Les libéraux doivent respecter la ligne de parti dans le dossier du registre des armes à feu».
La lecture de ces articles me rebute. C'est très désagréable.
Honorables sénateurs, j'ai pris connaissance de l'opinion publique reproduite dans les médias. Fait important, tout le débat...
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Combien de temps reste-t-il?
Son Honneur le Président: Il reste six minutes.
Le sénateur Cools: Je vous demande pardon?
Son Honneur le Président: On m'a demandé de vous confirmer qu'il vous restait du temps, sénateur Cools. Il vous reste six minutes.
Le sénateur Cools: Je trouve cette intervention extrêmement contestable. Extrêmement contestable. Je veux en connaître la justification.
Le sénateur Robichaud: Le vote.
Son Honneur le Président: Sénateur Cools, vous avez la parole.
Le sénateur Cools: Non, Votre Honneur, je parlais et quelqu'un a pris la parole. Dans cette enceinte, nous pouvons nous adresser les uns aux autres. Quelqu'un a posé un geste, et j'aimerais en connaître la raison. Je veux une explication.
Son Honneur le Président: Eh bien, je suppose que le sénateur a cru que votre temps de parole était écoulé. J'ai tenu à préciser que ce n'était pas le cas et qu'il vous restait du temps, sénateur Cools.
Le sénateur Cools: Votre Honneur, je ne pense pas qu'il soit indiqué d'interrompre une personne qui a la parole simplement pour savoir combien de temps il lui reste. Je pense que des excuses s'imposent, Votre Honneur.
[Français]
Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, je m'excuse, je croyais que le temps de parole de l'honorable sénateur était écoulé. Nous pouvons continuer.
[Traduction]
Le sénateur Cools: C'est la façon normale de procéder, ici.
Honorables sénateurs, comme je le disais, j'ai suivi l'opinion publique. Je disais que l'opinion publique ne s'est pas intéressée surtout à la question du contrôle des armes à feu, mais à celle de la mauvaise gestion et du gaspillage et, plus récemment, au phénomène de ce que je décrirais comme les relations humaines entre les membres de caucus, le premier ministre, les parlementaires et le gouvernement. J'ajoute, puisqu'on m'a un peu provoquée, que la question la plus brûlante des prochaines années sera les relations humaines au sein des caucus de parti. Cette question devra être débattue.
Honorables sénateurs, mon attention se porte maintenant sur les élections surprises, la dissolution du Parlement, les projets de loi de finances, les votes de confiance et les principes qui les sous-tendent. Hier, prenant la parole au sujet du Budget supplémentaire des dépenses (B), j'ai lu, dans cette enceinte, la motion présentée, en décembre, dans l'autre endroit. Cette motion visait à modifier les prévisions budgétaires en les réduisant de 72 millions de dollars, soit le montant d'un crédit accordé au ministère de la Justice pour gérer le programme de contrôle des armes à feu. J'avais aussi dit qu'une motion visant à réduire des prévisions budgétaires constitue une affaire parlementaire sérieuse. The Parliamentary Dictionary, ouvrage de référence de L.A. Abraham et S.C. Hawtrey sur les questions parlementaires, explique la signification parlementaire des motions visant à réduire les prévisions budgétaires:
De nos jours, on adopte rarement, sinon jamais, un amendement visant à réduire le montant d'un crédit. Une réduction serait manifestement fort peu à propos puisque les fonds auraient probablement été déjà dépensés et qu'on aurait prévu leur approbation à la Chambre. Si l'amendement était adopté en dépit de la volonté du gouvernement, cette adoption reviendrait à une grave défaite pour lui, et on pourrait s'attendre à ce qu'elle mène à la démission du ministre responsable, sinon de l'ensemble du gouvernement.
En passant, honorables sénateurs, je remarque que le ministre de la Justice n'a pas démissionné en décembre. Je remarque également que, le 5 décembre, dans le sillage du rapport percutant de la vérificatrice générale, le gouvernement n'a pas déclaré que le vote était un vote de confiance et que, si la motion était adoptée, il déclencherait des élections en raison de sa défaite. Au lieu de cela, le gouvernement a tenté de faire bonne figure en disant qu'il avait retiré sa demande d'un montant de 72 millions de dollars. En outre, la possibilité d'élections éclair n'est apparue qu'après le 5 décembre et pendant les Fêtes, dans l'article rédigé par Anne Dawson, dans la livraison du National Post du 30 décembre 2002. Les sénateurs pourront se demander pourquoi le Budget supplémentaire des dépenses (A) de décembre n'engageait pas la confiance dans le gouvernement et pourquoi le Budget supplémentaire des dépenses (B) de mars engage la confiance dans le gouvernement. Il s'agit exactement des mêmes crédits. L'un a été adopté; l'autre ne l'a manifestement pas été. À mon avis, la réponse se trouve non pas dans les principes d'un gouvernement responsable, mais plutôt dans les impulsions de l'ambition humaine, ce que saint Augustin appelait libido dominandi, la libido ou la soif de pouvoir.
Honorables sénateurs, aucun principe ne peut justifier un pouvoir excessif. Aucun principe ne peut justifier qu'on menace des députés pour obtenir un résultat souhaité à la suite de leurs votes au Parlement et dans les travaux parlementaires. Le vote d'un député est un principe sacré, issu de batailles sanglantes et protégé par la Constitution depuis des centaines d'années. Certains sénateurs me pensent peut-être naïve, mais je crois très fermement à ce principe. Ce principe sacré appartient aux citoyens de notre pays.
Honorables sénateurs, le principe de confiance est exactement le contraire du principe qu'ont décrit le gouvernement et le whip du gouvernement, Marlene Catterall. Le principe de confiance permet aux députés d'exprimer leur insatisfaction à l'égard du Cabinet. Le principe veut que les députés expriment leur insatisfaction à l'égard du gouvernement et non que le gouvernement exprime son insatisfaction à l'égard des députés. Le principe permet aux députés de censurer le gouvernement et non au gouvernement de censurer les députés, surtout les siens. La confiance est l'outil parlementaire utilisé pour garantir la responsabilité ministérielle. Il ne s'agit pas d'un outil que le gouvernement peut utiliser pour se faire obéir par les députés. La notion de confiance a remplacé la destitution et la condamnation comme moyen pour obliger les ministres à rendre des comptes au Parlement. Elle ne peut se transformer en mesure de coercition pour punir les députés qui réclament simplement une meilleure reddition de comptes et un meilleur rendement de la part de leur gouvernement — tous de bons députés libéraux qui appuient inlassablement leur parti dans des conditions extrêmement difficiles. Selon cette notion, les ministres assument leurs fonctions grâce à la tolérance des députés et non l'inverse. Les députés n'occupent pas leurs postes grâce à la tolérance des dirigeants du parti; c'est tout le contraire.
Honorables sénateurs, je passe maintenant au rejet des demandes de dissolution et de déclenchement d'élections présentées par les premiers ministres.
Son Honneur le Président: Sénateur Cools, je regrette de vous informer que les 15 minutes qui vous avaient été accordées sont écoulées.
Le sénateur Prud'homme: Laissez-la poursuivre.
Le sénateur Robichaud: Non.
Le sénateur Cools: Je tiens à ce qu'on sache...
Son Honneur le Président: Le sénateur Cools a-t-elle la permission de poursuivre?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: Il faut la permission...
Le sénateur Cools: Je remercie les leaders de leur générosité, ou plutôt de leur manque de générosité. Soyez sans crainte, lorsque l'ordre du jour appellera l'étude du prochain projet de loi, j'aurai l'occasion d'intervenir de nouveau. Ce n'est pas grave.
(1530)
Son Honneur le Président: Le vote porte sur la motion d'amendement du sénateur Stratton.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: Non.
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.
Le sénateur Stratton: À la majorité des voix.
Son Honneur le Président: À la majorité des voix?
Des voix: À la majorité des voix.
Son Honneur le Président: Le débat sur la motion principale reprend. Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Le sénateur Cools: Non.
Tout d'abord, honorables sénateurs, je trouve que ce que le leader adjoint de l'autre côté — de mon côté — vient de faire est tout à fait inadmissible et je tiens à signaler officiellement que c'était un acte déplaisant et inutile.
Son Honneur le Président: Invoquez-vous le Règlement, sénateur Robichaud?
Le sénateur Robichaud: Je croyais que madame le sénateur Cools avait raison au départ lorsqu'elle a dit «mon leader adjoint de l'autre côté».
Le sénateur Cools: Je ne comprends pas ce qu'il veut dire. C'est un problème courant.
Honorables sénateurs, je parlais du projet de loi C-29 et j'avais l'intention de parler de ce projet de loi seulement et de ne pas parler du deuxième.
Dans la mesure où la notion de liberté d'expression est très bien respectée ici, je me trouve donc à continuer le discours que je faisais sur le projet de loi C-29 parce que, après tout, les deux questions sont reliées.
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): J'invoque le Règlement. Je crois que madame le sénateur devrait savoir que nous parlons encore du projet de loi C-29.
Son Honneur le Président: Juste pour clarifier, honorables sénateurs, la motion d'amendement a été rejetée. Nous en sommes maintenant à la motion principale, qui porte sur le projet de loi C- 29. Cette motion peut faire l'objet d'un débat.
Le sénateur Cools: Cela veut donc dire que je pourrai prendre la parole de nouveau pour parler du projet de loi C-30.
Honorables sénateurs, comme je le disais auparavant, j'essayais de brosser ici un tableau de ce que nous entendons tous lorsque nous rentrons chez nous dans les diverses régions du pays d'où nous venons.
Auparavant, la pratique voulait que les débats dans cette enceinte soient le reflet de la réalité que vivent les Canadiens. Cette pratique s'est estompée au cours des dernières années. Il semble que les universitaires ne lisent plus les débats du Parlement s'ils veulent savoir ce qui se passe dans le pays. Je suppose qu'ils lisent plutôt les journaux. Je peux dire aux sénateurs — et je lis beaucoup l'histoire — que, s'ils voulaient savoir ce qui se passait en 1880 ou en 1890, ils n'auraient qu'à lire les débats parlementaires pour avoir une idée de ce que les parlementaires pensaient et disaient, et cela reflétait l'opinion publique.
Comme je le disais, je voulais que le compte rendu reflète ce qui se passe dans la collectivité parce que, comme bien d'autres, j'ai de nombreux partisans. J'ai reçu d'innombrables lettres et appels téléphoniques. Je dirais aux sénateurs que, depuis quelques mois, je ne peux même pas faire dix pas dans un supermarché, par exemple, sans que les gens viennent vers moi et me posent des questions sur ce «gâchis» — je n'aime pas ce terme — de un milliard de dollars. Je n'aime pas employer des clichés. Ce genre de langage semble devenir de plus en plus populaire. Toutes ces questions venaient de gens qui ne comprennent pas qu'un gouvernement puisse tout simplement fermer les yeux sur un dépassement de coûts de cette ampleur.
Honorables sénateurs, ici à Ottawa, sur la colline, nous vivons dans une sorte de cocon. En travaillant à cet endroit et en circulant dans cette enceinte, on est un peu isolé de la réalité; la réalité, c'est que, pour la plupart des gens, un milliard de dollars est une somme impossible à concevoir.
Honorables sénateurs, une des réserves que j'avais au sujet du projet de loi C-68, c'est que les projets de loi et initiatives de ce genre sont très élitistes et anti-classe ouvrière. La majorité des Canadiens font partie de la classe ouvrière. La majorité des hommes, par exemple — et je me dispute toujours avec les féministes sur cette question — sont des cols bleus: des camionneurs, des travailleurs de la construction, des travailleurs forestiers, des menuisiers. Ce sont des ouvriers.
Le sénateur LeBreton: Des mécaniciens.
Le sénateur Cools: Des mécaniciens, des plombiers et des soudeurs. La liste continue. Ma très chère mère, qui était méthodiste, m'a appris à respecter grandement les membres de la classe ouvrière. Voilà ce qui laisse à désirer dans le projet de loi C-68, honorables sénateurs; il est discriminatoire envers les gens ordinaires, envers de nombreux hommes ordinaires qui s'aident financièrement en allant à la chasse tous les automnes et en remplissant leur frigo et leur congélateur de gibier, de viande d'orignal, de ce qu'ils réussissent à capturer — une partie de ce que je pourrais décrire comme les largesses du Seigneur. J'ai appuyé ces gens-là dans le passé et je continue de le faire.
Comme je le disais précédemment, honorables sénateurs, les médias en ont parlé abondamment. Je tiens à ce que ce soit précisé dans le compte rendu.
Je passe maintenant à la question de la responsabilité des ministres et des premiers ministres et à celle des demandes de dissolution, des convocations d'élections, des menaces d'élection, et ainsi de suite.
Honorables sénateurs, le principe de la confiance veut que les ministres défaits démissionnent et quittent leurs fonctions, et non pas qu'ils se débarrassent des députés qu'ils n'aiment pas ou qui sont gênants pour eux. La première chose à préciser en ce qui concerne la convocation d'élections, c'est qu'il n'appartient pas au premier ministre de convoquer des élections. Cette responsabilité incombe plutôt au gouverneur général. En effet, la Constitution indique clairement que le gouverneur général a le privilège exclusif et indiscutable d'autoriser un premier ministre défait à procéder à la dissolution du Parlement. Lorsque le premier ministre lui demande la permission de dissoudre le Parlement et de convoquer une élection, le gouverneur général est tenu, aux termes de la Constitution, d'exercer son bon jugement en accord avec certains principes établis et en tenant compte de toutes les circonstances. C'est la loi.
Honorables sénateurs, la règle veut que les ministres et les premiers ministres défaits à l'occasion d'un vote de confiance remettent leur démission. Elle ne dit pas que les ministres et les premiers ministres défaits peuvent convoquer une élection, mais bien qu'ils doivent démissionner.
Selon la Constitution, la demande de dissolution du Parlement présentée par le premier ministre défait au gouverneur général prie celui-ci de donner deux instructions royales. La première vise à renvoyer et à dissoudre le Parlement, la seconde, à convoquer une élection. Une telle requête de la part d'un premier ministre défait représente une solution de rechange à la démission du premier ministre et à la dissolution de son Cabinet.
Il appartient alors au gouverneur général de choisir entre dissoudre le Parlement et dissoudre le Cabinet. Dans ce concours opposant le premier ministre et le Parlement, le premier ministre préconisant la dissolution du Parlement doit prouver au gouverneur général que cette solution servirait davantage les intérêts du pays et de la population, aux plans politique, juridique et moral, que la dissolution de son propre Cabinet. Rappelons-nous que, selon la règle, les ministres défaits doivent démissionner.
(1540)
Par conséquent, le premier ministre doit prouver au gouverneur général que l'intérêt public est mieux servi s'il ne suit pas les règles habituelles et ne démissionne pas, mais qu'il pose le geste exceptionnel de demander à continuer d'exercer les fonctions de premier ministre malgré une défaite, ce qui l'autorise à participer aux élections en tant que premier ministre. Le déclenchement d'élections est l'exception et non la règle. La règle c'est de démissionner. Le premier ministre doit prouver au gouverneur général que les problèmes qui ont causé sa défaite parlementaire sont liés au Parlement et non au Cabinet ou à lui-même.
Honorables sénateurs, un tel appel de la part d'un premier ministre défait crée un cycle. Un appel de la part d'un premier ministre défait engage aussi la prérogative du gouverneur général d'en appeler au Parlement. Le premier ministre en appelle au gouverneur général, mais celui-ci doit ensuite en appeler au Parlement. Un tel appel au Parlement détermine si un nouveau gouvernement et un nouveau Cabinet peuvent être formés avec le même Parlement. En résumé, le gouverneur général doit en appeler au Parlement et il doit faire respecter les principes de viabilité et de stabilité du Parlement, parce que le gouverneur général, qui représente Sa Majesté, a ce devoir envers le Parlement et les ministres de Sa Majesté.
Honorables sénateurs, le poste de premier ministre est un poste important et son titulaire est censé accorder son soutien, tant au gouverneur général qu'au Parlement. La Reine, par l'entremise du gouverneur général, représente le pouvoir actualisant au pays; elle est le pouvoir actualisant de la Constitution. On s'attend d'un premier ministre qu'il accorde son soutien à la Reine, au Parlement et à la Constitution. Ces institutions ne sont pas de simples outils au service de l'ambition politique. Elles incarnent des principes solides qu'il faut chérir.
La Constitution dit clairement que la décision de demander une dissolution n'est pas prise par le premier ministre seul, mais bien par le Cabinet. La Constitution dit aussi clairement qu'un premier ministre défait à la Chambre des communes n'a pas le droit de déclencher des élections ou de conseiller au gouverneur général de dissoudre le Parlement, étant donné qu'une telle défaite à la Chambre des communes crée automatiquement un empêchement constitutionnel qui ne lui permet plus de conseiller le gouverneur général. Une telle défaite à la Chambre basse est un signal constitutionnel indiquant que quelque chose ne va vraiment pas.
Les honorables sénateurs savent que je suis partisan de la reine, de la monarchie et de notre régime constitutionnel. C'est, je crois, le couronnement de ce que je considère être le constitutionnalisme. Je suis peinée et profondément troublée par ce qu'a dit le premier ministre au sujet de la gouverneure générale qui accepterait toujours ses avis. Je suis peinée, car ces déclarations ne relèvent pas des principes de droit, mais témoignent plutôt de la certitude ou du sentiment du premier ministre que la gouverneure générale est prête à accéder à ses demandes. Une telle certitude est profondément troublante et pourrait même précipiter une crise constitutionnelle. Personne ici ne peut imaginer jusqu'à quel point je suis peinée par de telles situations.
Honorables sénateurs, permettez-moi de conclure en citant William Gladstone, premier ministre du Royaume-Uni au XIXe siècle. Je le cite à propos de la question de l'administration des fonds publics. Les honorables sénateurs se rappellent qu'hier j'ai parlé de M. Gladstone et des grandes réformes qu'il a réalisées au XIXe siècle avec ses collègues. Plus important encore, M. Gladstone était appelé le «grand député» et il est, probablement plus que n'importe qui d'autre, l'un de ceux à avoir le plus contribué à la notion de gouvernement responsable et d'administration des fonds publics par le Parlement. En fait — je le dis sans vraiment le savoir — je crois que c'est à la suite de sa motion que le Comité des comptes publics a été créé en Angleterre, il y a maintenant une éternité.
Dans tous les cas, surnommé le «grand député», il avait beaucoup à dire au sujet de la notion de l'administration des fonds publics. J'aimerais conclure en citant un discours que M. Gladstone a prononcé à Hastings en 1891. C'est un très beau discours qui souligne très clairement certains des principes. Je cite:
[...] les finances du pays sont intimement associées aux libertés du pays. C'est un puissant levier au moyen duquel la liberté anglaise a été progressivement acquise. Depuis la nuit des temps, si la Chambre des communes perdait le contrôle de l'octroi des deniers publics, vous pouvez être sûrs que votre liberté vaudra bien peu de chose en comparaison. Ce pouvoir, on ne pourra jamais vous l'arracher. Ce puissant levier est communément appelé le pouvoir de la bourse — le contrôle des dépenses publiques par la Chambre des communes [...]
Honorables sénateurs, tout le débat sur le contrôle des armes à feu n'a pas pour but de départager ceux qui sont en faveur et ceux qui sont contre. L'éclairage jeté sur ces débats fait bien souvent passer quiconque n'abonde pas dans le sens du gouvernement pour un partisan de la violence familiale ou de quelque autre abomination. Ce débat est un débat sur la responsabilité et sur la façon dont l'argent des contribuables est dépensé, ce qui est, après tout, la vocation du Parlement.
Cela dit, honorables sénateurs...
Son Honneur le Président: Sénateur Cools, je suis au regret de vous informer que vos 15 minutes sont écoulées.
Le sénateur Cools: J'étais en train de conclure, de toute façon. J'ai dit que ce débat...
Son Honneur le Président: Demandez-vous la permission de continuer?
Le sénateur Cools: J'ai terminé.
Une voix: Non.
Le sénateur Cools: J'invoque le Règlement.
Son Honneur le Président: Le sénateur Cools invoque le Règlement.
Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je pense qu'il serait bon, à un moment donné, de tenir dans cette enceinte un débat sur l'arbitraire, l'abus de pouvoir et l'abus de privilèges.
Une voix: Ce n'est pas un rappel au Règlement.
Le sénateur Cools: C'en est un.
Je pense qu'il conviendrait de discuter des rapports qui devraient exister entre les chefs et leurs subordonnés et entre les premiers ministres et leurs militants.
Je ne demanderai pas à Son Honneur de rendre une décision à ce sujet, mais je puis vous assurer que, compte tenu de tout ce qui s'est dit en public à propos de cet abus de pouvoir, il ne fait aucun doute que nous n'avons pas fini d'entendre parler de ces questions.
Honorables sénateurs, je vous remercie d'écouter, et nous allons continuer.
Son Honneur le Président: Le Sénat est-il prêt à se prononcer sur la motion du sénateur Day, portant que le projet de loi C-29 soit lu une troisième fois?
Des voix: Le vote!
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: Je vais mettre la question aux voix comme on le fait habituellement.
Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent.
Le sénateur Stratton: Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté avec dissidence.)
(1550)
PROJET DE LOI DE CRÉDITS NO 1 POUR 2003-2004
TROISIÈME LECTURE
L'honorable Joseph A. Day propose: Que le projet de loi C-30, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2004, soit lu une troisième fois.
— Honorables sénateurs, mes observations seront brèves. Ce projet de loi a pour objet de fournir des crédits provisoires pour les trois premiers mois de l'exercice commençant le 1er avril. Nous en avons discuté longuement. Le gouvernement demande un montant de 17,8 milliards de dollars jusqu'à la fin juin. Je demande respectueusement l'appui des honorables sénateurs au projet de loi.
L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, j'ai pris la parole hier sur ce projet de loi, à l'étape de la deuxième lecture. J'ai alors présenté la plupart des arguments que j'avais à ce sujet. Toutefois, je voudrais insister sur deux points qui devraient être surveillés au cours du prochain exercice. Le premier, c'est le coût toujours plus élevé du registre des armes à feu, à l'égard duquel le gouvernement demande 113 millions de dollars pour le prochain exercice. Il sera intéressant de surveiller ce dossier pour voir combien de budgets supplémentaires seront présentés pour augmenter ce chiffre.
Ensuite, le gouvernement prévoit augmenter ses dépenses de programme de 11,5 p. 100 au cours de cet exercice. J'ai dit dans mon discours sur le projet de loi C-29 que c'est une chose dont nous devrions nous soucier. Est-ce qu'une tendance est en train de s'établir? Faut-il s'attendre à la même chose l'année prochaine et par la suite? Je voudrais demander à chaque honorable sénateur de surveiller ces deux questions, de s'intéresser aux dépenses incontrôlées consacrées au registre des armes à feu et de voir si les dépenses augmenteront encore de plus de 10 p. 100 l'année prochaine.
Des voix: Le vote!
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je me sens obligée de prendre la parole.
Honorables sénateurs, je veux présenter quelques observations à l'étape de la troisième lecture de ce projet de loi. Il y a beaucoup de questions qui ont été mentionnées, débattues et discutées. Il reste encore quelques points qui n'ont pas fait l'objet, à mon avis, d'un débat complet. Quand il s'agit du Programme de contrôle des armes à feu, je voudrais aborder une importante question dans ce discours de troisième lecture.
La question — je crois que d'autres honorables sénateurs y ont fait allusion — porte sur ce grand projet de l'État et sur la désignation du Programme de contrôle des armes à feu comme «grand projet de l'État». Je suis sûre que ceux d'entre nous qui ont suivi le sujet sont au courant du désaccord qu'il y a entre le ministère de la Justice et la vérificatrice générale sur la question de savoir si le programme a été désigné comme grand projet de l'État. Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a fait des recherches à cet égard.
Il semble que la vérificatrice générale a dit très clairement que le programme devait être géré dans le cadre de lignes directrices établies et strictes. Ce régime strict porte le nom de grand projet de l'État. Les règles sont inscrites dans les politiques et les lignes directrices du Secrétariat du Conseil du Trésor et, en particulier, dans les chapitres 2 et 3 sur la gestion des grands projets de l'État. On trouve la définition suivante à la première page de ces lignes directrices:
Lorsque le coût estimatif d'un projet dépasse 100 millions de dollars et que selon le Conseil du Trésor le projet comporte des risques élevés, on considère qu'il s'agit d'un grand projet de l'État.
À ce sujet, la vérificatrice générale a dit ce qui suit au chapitre 10, paragraphe 10.39 de son rapport:
Par ailleurs, l'ensemble du Programme a été désigné grand projet de l'État.
Au paragraphe 10.73, elle dit:
Comme nous l'avons déjà mentionné, afin de contrôler l'évolution du Programme, le Conseil du Trésor l'a désigné grand projet de l'État.
Par conséquent, honorables sénateurs, les documents du Secrétariat du Conseil du Trésor et du ministère de la Justice considèrent le programme des armes à feu comme un grand projet de l'État. En fait, dans une lettre adressée au Comité sénatorial permanent des finances nationales, la vérificatrice générale a donné aux sénateurs d'autres motifs impérieux pour cette désignation. Elle a écrit:
Dans sa présentation de mars 1998 au Conseil du Trésor demandant l'approbation préliminaire du projet, le ministère de la Justice a déclaré que le gouvernement fédéral avait classé le Programme canadien de contrôle des armes à feu comme grand projet de l'État parce que ses caractéristiques politiques, techniques et organisationnelles complexes constituaient un défi sur le plan de la gestion des projets.
Autrement dit, dans les meilleures conditions, le programme des armes à feu aurait constitué un défi difficile. La vérificatrice générale nous dit essentiellement que si le prix d'un projet dépasse 100 millions de dollars et qu'il est jugé très complexe et délicat sur le plan politique, il est ainsi désigné. Elle mentionne également le fait que les documents du ministère de la Justice confirmaient ce fait.
Cela est intéressant parce que si nous continuons à aller un peu plus loin, nous découvrirons que la gestion des grands projets de l'État impose une multitude de facteurs d'imputabilité très stricts. Par exemple, un grand projet de l'État doit être dirigé par un chef de projet. Selon les politiques du Secrétariat du Conseil du Trésor, il faut:
... que le chef de projet soit un cadre supérieur appartenant au ministère parrain et directement comptable au sous-ministre;
Et:
... que le chef de projet soit considéré comme personnellement et visiblement comptable de tous les aspects du projet;
Fait intéressant, honorables sénateurs, le ministre Cauchon et son sous-ministre, Morris Rosenberg, ont comparu le 24 février devant le Comité des comptes publics de la Chambre des communes. Les deux semblaient ne pas vraiment savoir si ces lignes directrices s'appliquaient ou non à eux. En fait, au cours de la réunion du 24 février du Comité des comptes publics, le sous-ministre Morris Rosenberg a dit:
Cependant, je ne pense pas que le Conseil du Trésor ait jamais désigné le programme comme un grand projet de l'État.
Autre fait intéressant, une députée, Val Meredith, a demandé si le ministère avait mené une étude préalable des coûts estimatifs. Le sous-ministre Rosenberg a répondu:
Pas que je sache.
Il semble qu'il y ait une divergence d'opinion entre le sous- ministre et le ministre, d'une part, et leur propre documentation et les politiques et lignes directrices du Conseil du Trésor, de l'autre. À mon avis, la question n'a pas encore été réglée d'une façon satisfaisante. Je crois qu'on continuera à découvrir des choses car il semble incroyable que l'esprit de contradictions aille si loin. Il semble incroyable que le sous-ministre Rosenberg ne sache pas que le chef de projet était censé relever directement de lui.
Quoi qu'il en soit, il reste des aspects incertains qu'il importe d'éclaircir. Je n'ai pas de doute que nous en entendrons parler à un moment ou un autre.
Pour revenir à ce projet de loi particulier et à cette demande de fonds supplémentaires, le problème, c'est le sentiment de honte que tant de nous ressentent surtout lorsque nous avons appris que la plupart des parlementaires ne savaient rien de ce qui se passait. Il est important de comprendre, cependant, que le Comité sénatorial permanent des finances nationales savait depuis 1995 ou 1996 que quelque chose clochait et avait alors posé des questions à maintes reprises. Jusqu'ici, aucune n'a reçu une réponse.
(1600)
En un sens, je ne veux que féliciter bon nombre des sénateurs ayant fait preuve de diligence raisonnable et ayant accompli le travail qui leur incombe comme membres du comité en examinant en profondeur les dépenses du gouvernement. Je sais que je prends mon travail très au sérieux, et que c'est aussi le cas de nombreux autres sénateurs.
Selon moi, cette question va revenir sur le tapis. Elle est dynamique. Ces crédits ne régleront pas les problèmes. Il est clair comme de l'eau de roche que les problèmes entourant le Programme de contrôle des armes à feu ne disparaîtront pas. On pourrait dire qu'il s'agit d'une divergence de vues entre le Canada rural et le Canada urbain. Toutefois, je viens de Toronto et je tiens à informer les honorables sénateurs que les Torontois sont profondément perturbés par cette situation. De nombreux Torontois estiment que, peu importe que l'on vienne d'un milieu urbain ou rural, il s'agit en définitive d'une question de responsabilité et de gestion de l'argent des contribuables.
Son Honneur le Président: Le Sénat est-il prêt à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: Que tous ceux qui appuient la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que tous ceux qui s'y opposent veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent.
Des voix: Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté avec dissidence.)
[Français]
LA SANCTION ROYALE
AVIS
Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante:
RIDEAU HALL
Le jeudi 27 mars 2003
Monsieur le Président,
J'ai l'honneur de vous aviser que l'honorable Louise Arbour, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de suppléant du Gouverneur général, se rendra à la Chambre du Sénat aujourd'hui, le 27 mars 2003, à 17 heures, afin de donner la sanction royale à plusieurs projets de loi.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.
Le secrétaire du Gouverneur général et chancelier d'armes,
Barbara UteckL'honorable
Le Président du Sénat
Ottawa
PROJET DE LOI SUR L'AGENCE CANADIENNE DE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL
DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Roch Bolduc propose: Que projet de loi S-17, Loi concernant l'Agence canadienne de développement international — en particulier sa prorogation, sa gouvernance, son administration et sa responsabilisation, soit lu une deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je suis très heureux aujourd'hui de présenter un projet de loi destiné à mettre en place un cadre législatif propre à l'Agence canadienne de développement international.
L'ACDI existe depuis 35 ans, mais c'est un des rares organismes majeurs du gouvernement à ne pas reposer sur une base statutaire qui lui soit spécifique. Le projet de loi veut combler cette lacune. Je sais que la Loi du ministère des Affaires étrangères fait référence à l'ACDI comme le font d'autres statuts, mais j'indiquerai tout à l'heure pourquoi cela n'est pas suffisant.
Avant d'aborder le projet de loi, je voudrais rappeler en guise d'introduction les antécédents qui ont conduit nos gouvernements, depuis 1950, à s'intéresser au développement international. Ensuite, mes propos porteront sur l'expérience canadienne d'aide aux pays en développement, depuis un demi-siècle, sur l'évaluation de ses résultats et sur les réformes qui s'imposent dont, entre autres, un encadrement législatif de l'action gouvernementale de façon à insérer dans notre droit des principes et des critères à respecter dans la formulation et la gestion des programmes d'aide.
Le 27 mai 1941, le président Roosevelt, dans une de ses fameuses causeries à la radio, déclarait que le monde de l'avenir n'en serait pas un dominé par la dictature, mais un monde où régneraient quatre libertés et je cite:
[Traduction]
Nous n'accepterons qu'un monde où seraient pavés la liberté de parole et d'expression, la liberté de pratiquer sa religion à sa guise, le droit de ne pas vivre dans le besoin et le droit de ne pas vivre sous la terreur.
[Français]
C'était l'engagement de l'Amérique à bâtir un monde de progrès économique et social. Roosevelt voulait créer de l'espoir pour ceux qui vivaient les heures les plus pénibles de la Seconde Guerre mondiale comme il l'avait fait par une série de mesures dramatiques aux heures sombres de la Grande dépression des années 30. En août 1941, avec Churchill, il proclamait dans la Charte de l'Atlantique un ensemble de principes communs incorporant les quatre libertés et invitant à la coopération internationale pour améliorer les conditions sociales dans le monde.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les grandes orientations seront traduites par une série d'interventions majeures qui ont façonné la seconde moitié du XXe siècle et qui ont permis un demi-siècle de paix relative et le progrès économique des pays de l'OCDE.
Il vaut la peine d'en rappeler quelques-uns ici: la reconversion de l'économie américaine en une économie de paix par la production d'autos au lieu de chars d'assaut, de réfrigérateurs au lieu de fusils; l'introduction de vastes mesures sociales en Angleterre sous le Parti travailliste de Clement Attlee aux intentions généreuses mais irréalistes et corrigées plus tard par le gouvernement de Mme Thatcher; le plan de reconstruction du Canada de 1944 axé sur la sécurité sociale et une certaine redistribution des revenus; l'établissement des Nations Unies pour favoriser le dialogue entre les peuples; le plan Marshall payé par les Américains pour rebâtir l'Europe dévastée; une nouvelle constitution au Japon et l'aide américaine à ce pays; la création de l'OTAN pour la défense des libertés du monde atlantique; le GATT pour libéraliser le commerce international; et, finalement, le plan Colombo pour aider les pays sous-développés de l'Asie, plan auquel adhérait le Canada. Pour la première fois de son histoire, notre pays s'engageait dans une politique de développement international.
Suite au plan Colombo, un Bureau de l'aide extérieure fut établi au ministère des Affaires étrangères en 1960 pour aider les pays les plus démunis. Son budget passa de 11 millions à 280 millions en 1967.
La responsabilité de la politique étrangère, autant dans sa formulation que dans sa conduite, étant dans notre régime d'inspiration britannique une prérogative de la Couronne, relève donc du pouvoir exécutif, c'est-à-dire du gouvernement. Dans les années d'après-guerre, le rôle du Parlement en cette matière se limitait à voter le budget et les lois nécessaires pour assurer la mise en œuvre des traités dans lesquels le gouvernement s'engageait. De sorte qu'il paraît normal en 1968 de créer l'Agence canadienne de développement international, l'ACDI, par une simple mesure administrative. La politique d'aide fut définie par le ministère des Affaires étrangères et entérinée par le Cabinet, laissant à l'ADCI le soin d'élaborer son programme d'activités et sa gestion.
Nous entrions dans un champ nouveau d'action et tout le monde était d'accord pour aider à soulager la pauvreté dans les continents éprouvés par les guerres, la misère, la famine et la maladie même si les voies et moyens les plus efficaces n'étaient pas évidents. Malgré tout, le budget de l'aide était multiplié par dix, deux décennies plus tard. En effet en 1987, sous le gouvernement Mulroney, le Canada injectait une demie de 1 p. 100 de son PIB dans l'aide internationale, c'est-à-dire un peu plus de 2 p. 100 des dépenses du gouvernement fédéral. On semblait se diriger vers l'objectif d'un ratio de 0.7 p. 100 du PIB qu'avait proposé la commission Pearson aux pays industrialisés.
Mais la récession du début des années 90 et les déficits budgétaires provoquèrent une diminution sensible de l'aide internationale jusqu'en l'an 2000. Depuis lors, le budget d'aide a augmenté même s'il est encore de 20 p. 100 inférieur à ce qu'il était il y a une décennie. En l'an 2000, nous étions la huitième économie mondiale, mais au 17e rang des 22 pays donateurs de l'OCDE, alors qu'en 1995 nous étions au sixième rang. Cela indique bien l'ampleur des coupures effectuées par le gouvernement durant ces cinq années.
Cette évolution du budget prend tout son sens lorsque nous considérons la structure du programme d'aide. Il faut distinguer ici entre l'aide bilatérale — 800 millions de dollars en 2003 — octroyée par le gouvernement à chacun des pays récipiendaires et l'aide multilatérale — 400 millions de dollars en 2003 — fournie aux diverses agences des Nations Unies pour distribution selon leur propre programme tel UNICEF, WFP, et aux banques régionales de développement sous l'égide de la Banque mondiale.
(1610)
L'aide bilatérale — ou ce que l'on appelle les programmes géographiques — qui constituent 37 p. 100 du total, est généralement administrée par l'ACDI et se compose d'une multitude de projets qui varient selon les pays. Le budget d'aide en 2003 comprend aussi 250 millions de dollars en programmes de partenariat délégués à des organisations non gouvernementales (ONG), des missions éducatives par nos maisons d'enseignement et des projets de coopération impliquant le monde des affaires. Cela constitue en 2003 plus de 10 p. 100 de l'enveloppe d'aide. Mais il n'y a pas que l'ACDI et ses contractuels qui sont impliqués dans l'enveloppe budgétaire de l'aide internationale. Un autre 20 p. 100 du budget d'aide est administré par divers autres organismes. Ainsi, le ministère des Finances s'engage en 2003 pour au-delà de 230 millions de dollars, soit 10 p. 100 de l'enveloppe d'aide vis à vis les institutions financières internationales comme le FMI et les Banques de développement. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international contribue environ 100 millions de dollars cette année aux opérations de l'organisation mondiale de la santé — je ne parle pas du 100 millions de dollars d'aide qui vient d'être annoncé aujourd'hui —, celles de la FAO, et autres agences internationales. Je voulais parler de l'Organisation mondiale de la santé. Ce budget comporte aussi un programme de bourses aux étudiants des pays sous-développés.
L'enveloppe de l'aide incorpore plus de 90 millions de dollars en 2003, alloués au Centre de recherche en développement international, créé en 1970 à des fins de recherche et de coopération technique dans les régions en développement.
Enfin, le Centre international des droits humains et du développement démocratique mis sur pied en 1988 et l'Institut international du développement durable établit en 1991 émargent tous deux à l'enveloppe budgétaire de l'aide.
Finalement, les gouvernements provinciaux ajoutent 25 millions de dollars en 2003 pour assister les ONG dans le tiers-monde.
L'aide au développement comprend donc une grande variété de projets exécutés par une multitude de participants sous l'égide de plusieurs organisations canadiennes et étrangères.
La pondération budgétaire des éléments du programme a varié beaucoup avec les années, par exemple, le pourcentage de l'aide bilatérale versus celui de l'aide multilatérale, le pourcentage des partenariats versus l'aide bilatérale gérée par l'ACDI, le pourcentage de l'aide liée, c'est-à-dire comportant un contenu canadien versus le total.
Cette variété de moyens reflète aussi une évolution de la politique d'aide au cours du dernier demi-siècle.
Dans les années 60, l'accent était placé sur la construction d'infrastructures: barrages, aqueducs, égouts, ponts, chemins, écoles, hôpitaux, mais l'on s'est rendu compte que l'opération et l'entretien des infrastructures posaient problème aux pays récipiendaires tant du côté budgétaire qu'au plan des personnels.
On s'est alors tourné vers l'aide aux ressources humaines et la priorité aux plus démunis. Plus tard, on a mis l'accent sur la réforme des administrations: la gestion des finances et de la fonction publique — dans différents pays d'Afrique. J'ai eu l'occasion d'ailleurs de travailler dans six ou sept de ces pays. On a aussi avec le temps porté un regard plus critique sur le leadership et l'action des dirigeants des pays récipiendaires.
Des critères furent peu à peu suggérés pour rendre l'aide plus sélective: le respect des droits humains, le pourcentage des dépenses militaires, le degré de corruption, le respect des contrats avec les entreprises, les efforts de démocratisation, l'accent sur le développement durable, et cetera.
À mesure que le budget de l'aide s'accroissait, à partir de 1968, le Parlement s'est intéressé, dans son contrôle des dépenses publiques, aux activités de l'ACDI.
Le professeur Louis Sabourin a fait état, par exemple, des discussions animées qui ont eu lieu en comité parlementaire en 1975. Le sénateur Roche, qui était alors député, y avait d'ailleurs participé activement. L'influence du comité fut modeste dans la conduite de l'ACDI. Toutefois, en septembre de la même année, le gouvernement faisait connaître sa stratégie de coopération au développement international. Le sénateur MacEachen était ministre des Affaires étrangères à cette époque.
Le rapport du comité Winegard en 1987 a émis plusieurs recommandations que le gouvernement Mulroney a retenues, comme le démontre le rapport de Mme Monique Landry, ministre responsable en 1988. On a mis l'accent sur une stratégie de sélectivité des projets, de participation des pays récipiendaires et de décentralisation de la gestion. Le rapport mettait aussi de l'avant le respect des droits humains.
Dans les années 90, d'autres regards extérieurs se portèrent sur l'ACDI. Le rapport du consultant SECOR en 1991 recommandait de pousser davantage l'analyse stratégique du sous-développement, de concentrer l'aide sur certains pays et d'utiliser davantage le secteur privé pour une plus grande efficacité dans l'administration des projets.
Le vérificateur général, en 1993, demandait à son tour une gestion plus efficiente de l'aide internationale. Il est revenu à la charge quelques années plus tard.
Enfin, en 1994, le comité conjoint présidé par le sénateur MacEachen, ancien ministre des Affaires étrangères à l'époque de la stratégie de coopération de 1975, enjoignait le gouvernement d'inclure dans les priorités de l'aide: le respect des droits humains, le bon gouvernement et le développement démocratique. Le comité recommandait aussi une loi sur l'ACDI.
Le gouvernement faisait connaître sa réponse en 1995 et acceptait l'orientation générale du rapport. Cependant, il ne voulut pas se commettre au sujet d'un statut particulier sur le mandat de l'ACDI, ni sur une diminution de l'aide «liée», ni sur le transfert de certaines fonctions de promotion des exportations hors de l'ACDI, ni sur la concentration de l'aide géographique, ni sur une proposition plus grande de l'aide allouée par les voies des ONG. Le gouvernement affirmait dans son énoncé de politique son appui au développement durable de façon à réduire la pauvreté et endossait les cinq priorités du programme d'aide formulées par le comité conjoint: les besoins humains essentiels, les femmes dans le développement, les droits humains, la démocratie et le bon gouvernement, le développement du secteur privé et l'environnement. Il en ajoutait une sixième, soit les services d'infrastructures. Jusqu'en 2000, tels étaient les guides énoncés de l'ACDI mais aux dires même de l'Agence, il s'agissait plus de volets de politique généraux que de programmes concrets.
Les comités parlementaires ont permis un débat public sur la politique d'aide au développement et sur la gestion de l'ACDI. Il faut bien admettre qu'ils n'ont guère évalué systématiquement les résultats des programmes ni influé beaucoup sur l'orientation de la conduite de ces programmes.
Par ailleurs, l'expérience canadienne en matière de développement international depuis un demi-siècle a suscité des commentaires de nombreux observateurs et a aussi été l'objet de recherche par des universitaires et par des organismes internationaux.
De plus, la théorie économique du développement ou de la croissance a fait l'objet d'une littérature académique considérable. Permettez-moi ici d'évoquer les contributions qui m'apparaissent les plus significatives.
Dans une recherche sur 72 pays riches et pauvres, Easterly et Levine, de l'Université du Minnesota, ont tenté de savoir lequel des trois facteurs suivants, la géographie, les institutions et la politique économique, est le plus influent pour le développement, pour la croissance. Ils ont conclu que ce sont les institutions qui sont le facteur dominant sur le niveau de revenu, mais pas nécessairement sur le taux de croissance. Autrement dit, la stabilité politique, les droits de propriété, la qualité du système juridique et le respect des contrats importent le plus. C'est plus important que la géographie et plus important que la politique économique, à supposer qu'elle soit bonne.
Bien sûr, la géographie compte, c'est-à-dire le climat tempéré, la proximité des ports, comme le révèle le choix de colonisateurs européens à partir du XVIe siècle. Mais si les institutions sont mauvaises, même une bonne géographie ne fera pas de miracle de croissance.
Quant aux politiques économiques, elles ont certes leur importance. Autrement dit, le taux d'inflation, le taux de change, le déficit budgétaire ou l'ouverture au commerce sont des facteurs importants et plus faciles à modifier que les institutions, mais celles- ci demeurent encore plus importantes. Leur changement toutefois est difficile, car on touche ici aux croyances, aux valeurs et aux intérêts des peuples.
Jeffrey Sachs, de l'Université Harvard, rappelle que les côtes des océans — Asie, Europe, Amérique avec 8 p. 100 des terres habitées, produisent 52 p. 100 du PIB mondial — soit de l'ensemble de la production. Il souligne qu'en résumé, le monde tropical est pauvre, le monde tempéré est riche ou se relève du communisme. Aucun pays tropical ne fait partie des 30 pays les plus riches sauf Singapour et Hong Kong parce que le climat tropical en général ne favorise pas l'agriculture ni l'irrigation de l'eau mais le paludisme, qui fait 2 millions et demi de morts par an. Il rappelle aussi qu'aucun pays pauvre ne peut se développer sans faire partie de l'économie mondiale. Il s'agit d'une donnée majeure. Il cite en exemple la Chine, dont les exportations étaient de 15 milliards en 1978 et qui sont maintenant de 240 milliards. Une grande partie de la Chine — l'ouest — demeure pauvre, mais il reste que si vous produisez des biens de technologie pour un marché unifié, le rendement de l'innovation augmente avec la taille du marché. La Corée et l'Asie du Sud-Est le montrent aussi. Selon lui, il faut s'attaquer à trois problèmes: d'abord au développement social, c'est-à-dire à la santé et à l'éducation — comme l'avait d'ailleurs souligné deux anciens présidents de l'ACDI, Paul Gérin-Lajoie dans les années 70 et Marcel Massé dans les années 80. Son raisonnement est simple: sans bébés en bonne santé, pas d'enfants à l'école, donc pas de diplômés. Sans adultes en bonne santé, pas de main-d'œuvre qualifiée ni d'entrepreneurs.
En second lieu, il faut appuyer les mesures d'ajustement structurel comme l'effacement des dettes.
Troisièmement, il faut s'attaquer au développement sectoriel par des investissements étrangers et au commerce international libéré pour permettre l'exportation non seulement des matières premières des pays pauvres, mais des produits issus de ces ressources naturelles.
Un troisième analyste international reconnu, Peter Bauer, — un analyste célèbre, je pense qu'il vient de recevoir le prix Nobel — rappelle que, dans l'après-guerre, la théorie du développement partait du fait de manque de capital dans le tiers-monde et prétendait que l'aide étrangère était la solution, dans des économies planifiées, avec une concurrence réduite par des monopoles et des barrières au commerce.
(1620)
Ses prescriptions à la suite d'observations sur le terrain vont dans le sens opposé: les obstacles au commerce et les monopoles détruisent l'entrepreneurship; la clef du développement réside dans la possibilité de faire du profit; l'aide motive les récipiendaires à faire des démarches pour obtenir des fonds d'aide plutôt qu'à travailler à produire des biens ou des services. Cela conduit souvent à transférer des fonds à des gens riches dans les pays pauvres; la promotion de l'égalité fait obstacle aux libertés personnelles et ralentit la croissance; la croissance est fonction d'aspirations appropriées et des attitudes des populations; le rôle du gouvernement consiste à protéger les droits de propriété, faire respecter les contrats, assurer l'égalité par la suprématie du droit, minimiser l'inflation, maintenir les taxes peu élevées pour permettre aux entreprises d'investir, d'innover et de créer de l'emploi.
Qu'on soit un économiste de droite ou de gauche, on peut percevoir un terrain commun d'entente et une certaine convergence entre ces points de vue qu'une réforme de notre aide au développement devrait incorporer dans le mandat de l'organisme responsable.
Cashin, Mauro et Sahay, du Fonds monétaire international, se penchent sur les choix de politique économique face à la pauvreté. À partir d'un indice de développement humain fondé sur la longévité, l'instruction et le niveau de vie mesuré en fonction du PIB par habitant à parité de pouvoir d'achat, ils concluent de leur recherche sur une centaine de pays depuis 20 ans qu'il y a corrélation entre la hausse du développement humain et une politique économique de faible inflation, de déficit budgétaire minimal et de dette extérieure raisonnable et un système juridique où prévalent la règle de droit, les services d'éducation, de santé et l'ouverture au commerce international. Cependant, il n'est pas facile de dégager le facteur de croissance déterminant parmi ces mesures.
G. Pfeffermann écrit qu'il ne peut y avoir à longue échéance de développement économique sans entreprise privée dynamique. Une gestion publique saine et efficace est aussi nécessaire.
Depuis 1987, le nombre de personnes dont les revenus sont inférieurs à 365 $ par an est le même, mais la population mondiale a augmenté d'un milliard. Cela signifie que l'Asie a beaucoup prospéré et c'est par l'ouverture à l'économie de marché qu'elle l'a fait et non par l'aide internationale, parce que les investissements étrangers sont beaucoup plus considérables que l'aide. En fait, l'aide représente environ 20 p. 100 de l'ensemble des fonds qui ont pu être investis en Asie, particulièrement en Chine.
Comment sortir de l'extrême pauvreté? En augmentant le taux de croissance économique globale parce que, selon Dollar et Kraay, la croissance a la même incidence sur les revenus des 20 p. 100 des gens les plus pauvres que chez les autres. Si l'on double le PIB en 25 ans, c'est-à-dire à un taux moyen de 2,9 p. 100 par an, on double le revenu des pauvres. Cela est démontré par une étude dans 80 pays sur une période de 40 ans. De plus, la maîtrise de l'inflation profite davantage aux pauvres qu'aux autres. J'ai cité ces chercheurs car, dans une perspective de réforme, chez nous, il me semble qu'il faut tenir compte de leurs conclusions fondées sur des observations systématiques de moyenne période.
Venons-en maintenant à des analyses canadiennes sur l'expérience de l'ACDI.
[Traduction]
M. Martens, de l'Université de Montréal et de l'Institut Nord- Sud, dans une étude pour le comité MacEachen en 1994, soutient qu'il y a un lien plutôt ténu entre l'aide et la croissance économique. Comme l'observateur précédent, il affirme l'importance vitale de l'économie de marché pour assurer la croissance.
Il recommande aussi, entre autres propositions, de ne pas faire de l'aide un instrument de notre politique commerciale, de se concentrer sur les pays les plus pauvres à l'aide de projets sociaux en santé et éducation, d'augmenter l'aide multilatérale assortie d'une conditionnalité en matière de réformes structurelles et de continuer l'aide alimentaire fondée sur l'urgence provoquée par les catastrophes naturelles et les conflits.
Dans une revue plus critique sur nos programmes d'aide, Arnold de Silva, de l'Université McGill, résume son étude de 2002 en affirmant qu'indépendamment des objectifs officiels de l'aide — énoncé de politique 1995, et cetera —, le résultat de l'aide n'est pas en fonction de la réduction de la pauvreté, de la disparité entre les sexes, du développement des ressources humaines et de l'allègement de la dette. Aucun des objectifs déclarés ne reçoit en fait la priorité que les déclarations officielles avancent. L'environnement politique des récipiendaires ne semble pas affecter l'allocation de l'aide bilatérale non plus.
Selon lui, les priorités réelles vont relativement plus aux pays de l'Amérique latine et aux pays du Commonwealth plutôt qu'aux pays francophones de l'Afrique, par exemple. Il conclut que la politique canadienne d'aide ne rencontre pas ses objectifs. Selon lui, trois choix sont possibles: abandonner l'aide; transférer les fonds à la Banque mondiale où l'aide serait moins sujette aux pressions politiques de divers groupes d'intérêt; maintenir le programme, mais augmenter son efficacité par diverses méthodes.
Il remarque que même avec une efficacité accrue, l'impact sur la pauvreté ne serait pas significatif parce que le Canada est un petit joueur et que l'aide ne peut faire beaucoup de toute façon. D'autres politiques sont requises, comme un commerce international plus libre pour permettre aux produits des pays en développement de pénétrer les marchés riches. À ces commentaires variés, j'ajoute un commentaire personnel sur la difficulté du processus décisionnel dans la programmation de l'aide.
Le grand nombre d'intervenants reflète en bonne partie la diversité d'objectifs diffus et le saupoudrage des projets dont faisait état Jeffrey Simpson dans le Globe and Mail l'automne dernier. Là réside la difficulté du processus. Lors de réunions de chefs d'État, le premier ministre prend des décisions de circonstance comme, par exemple, les 100 millions de dollars pour l'Irak. Le ministre des Affaires étrangères reçoit aussi à l'occasion de multiples rencontres ici et à l'étranger, des vues diversifiées et ponctuelles.
Il y a aussi le ministère des Affaires étrangères, qui interprète les objectifs de l'aide bilatérale et multilatérale à la lumière de nombreux critères dont les intérêts stratégiques du Canada et la qualité de nos relations avec divers pays.
L'ACDI, dépositaire de la mémoire sur l'aide et des connaissances diversifiées de ses cadres ici et à l'étranger, introduit ses façons de voir les choses et ses propres procédés, tout en tenant compte des intérêts bureaucratiques de son personnel. Les ambassadeurs du Canada se font courtiser à l'étranger et transmettent leurs vues à travers l'appareil administratif.
Le ministre des Finances participe à la définition des paramètres de l'action des institutions financières internationales. Le Conseil du Trésor tient compte de ses propres contraintes budgétaires dans les allocations départementales dont celle de l'ACDI et réglemente l'attribution et la gestion des contrats.
Une multitude de ministères sont aussi engagés dans la coopération internationale. Les comités parlementaires, depuis une vingtaine d'années, examinent le programme d'aide et font de nombreuses recommandations retenues ou non par le gouvernement et l'ACDI. Face à ce bombardement continu d'idées, il devient particulièrement ardu pour l'ACDI de cibler ses interventions et de ne pas s'attirer de critiques susceptibles d'ébranler l'appareil administratif.
À partir toutefois de la fin des années 90, il devint évident qu'une réforme s'imposait et elle a pris naissance dans l'analyse, en 1996, du Comité de l'aide au développement de l'OCDE sur le programme canadien.
Par exemple, l'ACDI, faisant suite à l'énoncé du gouvernement de 1995, clarifiait la même année ses perspectives d'avenir en mettant l'accent sur les mesures propres à réaliser les objectifs de l'énoncé du gouvernement: renforcer les partenariats, être plus efficace dans la gestion des programmes et rendre compte des résultats. Un programme d'aide à la transition des pays de l'Europe de l'Est, y compris la Russie, qui avait débuté en 1991 lui fut transféré. Mais le ton général des vues de l'ACDI en 1995 reflète plus un accent sur l'efficience de la gestion que sur l'analyse en profondeur de l'impact des programmes.
Mais en l'an 2000, à l'occasion du Sommet du millénaire, les Nations Unies posaient des objectifs concrets de réduction de la pauvreté et de réponse aux besoins essentiels: 18 cibles, 48 indicateurs d'impact, et ainsi de suite. La ministre Minna et le président de l'ACDI annonçaient, en septembre 2000, un virage inspiré par le CAD en 1996 vers le développement social: l'éducation, la santé et les services de base, la lutte contre le sida et la protection des enfants.
En 2001, l'ACDI lançait un document de consultation publique axée sur les points principaux de son virage. Les cyniques pourraient se demander si les dirigeants de l'organisme désiraient connaître l'opinion des groupes intéressés ou obtenir l'appui du public à ses propres vues. Peu importe, puisque d'autres intervenants motivaient une réforme d'envergure.
En effet, dans son rapport sur la population, l'organisation des Nations Unies souligne que la moitié de l'humanité, soit 3 milliards et plus de personnes, avaient un revenu inférieur à 2 $ par jour au taux de change. Si, par ailleurs, on utilise les données en parité de pouvoir d'achat, c'est 8 p. 100 de la population mondiale qui reçoit moins de dollars par jour maintenant. Les 20 p. 100 des gens plus pauvres ne reçoivent que 1,2 p. 100 du revenu mondial. Cette pauvreté signifie insécurité, inégalité, mauvaise santé, analphabétisme. Plus de 20 p. 100 des enfants, dont les deux tiers sont des filles, ne fréquentent pas l'école.
Environ 14 000 personnes sont frappées du VIH/sida chaque jour en Afrique subsaharienne où vivent 30 millions de malades, soit 70 p. 100 de tous les sidéens. Cette maladie, qui a fait 3 millions de morts en 2002, se place au quatrième rang des maladies les plus meurtrières. On prévoit que, en 2010, cette pandémie aura fait 40 millions d'orphelins.
Une personne sur cinq a accès aux services médicaux et moins de 5 p. 100 obtiennent des médicaments antirétroviraux. Les pays donateurs ne font que 25 p. 100 de l'effort total pour contrer cette maladie et ne tiennent leur promesse qu'à 50 p. 100. Ils annoncent des choses et ne les font pas. Les pays pauvres dépensent 25 $ par habitant en soins de santé. Il faudrait injecter 30 milliards de dollars pour régler le problème.
(1630)
Ce rapport des Nations Unies largement diffusé a augmenté la pression pour une intervention internationale.
Puisqu'on y est, voici quelques statistiques additionnelles sur les conséquences de la pauvreté. Plus de 500 000 femmes meurent chaque année de complications liées à la grossesse. Cela dépasse de loin le nombre d'hommes tués lors de conflits armés. Environ 1,4 milliard de personnes n'ont toujours pas accès à l'eau potable et 2,9 milliards sont privées de systèmes d'assainissement adéquats. Près de 75 p. 100 des gens qui vivent dans la pauvreté absolue sont dans des régions rurales.
Les enfants représentent plus de la moitié des pauvres du monde. Ces dix dernières années, les guerres ont tué deux millions d'enfants et ont fait 5 millions de jeunes handicapés. Quelques 300 000 enfants soldats sont engagés dans des conflits. Plus de 250 millions de filles et de garçons de moins de 14 ans sont sur le marché du travail au lieu d'être dans les écoles. Pourtant, la Banque mondiale affirme qu'il n'y a pas d'investissement plus rentable que l'éducation des jeunes filles.
Par ailleurs, il ne faut pas perdre espoir, car il y a aussi des gains réalisés depuis 30 ans sans qu'on puisse mesurer exactement l'apport de l'aide internationale dans ce progrès.
Il y a 400 millions moins de pauvres. Aussi, l'espérance de vie moyenne dans les pays en développement s'est accrue de 55 à 65 ans depuis 35 ans. Le pourcentage d'adultes alphabétisés est passé de 50 à 70 p. 100.
L'eau potable rejoint 70 p. 100 de la population du monde en développement, contre 30 p. 100 en 1970. L'immunisation contre certaines maladies contagieuses, depuis 20 ans, est passée de 37 à 80 p. 100.
Les fonds privés représentaient, en 1996, 75 p. 100 des capitaux qui vont aux pays en développement soit 250 milliards de dollars alors que 20 ans plus tôt, ils ne représentaient que 50 p. 100. Le problème c'est qu'ils sont concentrés dans une douzaine de pays d'Asie et d'Amérique latine, ce qui est désastreux pour l'Afrique. Mais les progrès de la démocratisation bien que lents sont cependant réels.
Tout n'est donc pas perdu. L'inégalité mondiale a été réduite, grâce aux progrès réalisés dans certaines parties de l'Asie — où vivent les deux tiers de la population mondiale — sur le plan du pouvoir d'achat, même si, dans certaines pays asiatiques, l'inégalité est plus grande qu'avant.
Effectivement, en octobre 2001, un groupe de nombreux leaders Africains a proposé un nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD). Il s'agit d'une sorte de code de développement établissant les conditions d'un développement durable, des priorités sectorielles, dont le développement social, et la mobilisation nécessaire de ressources financières. Les dirigeants africains veulent définir, dans leur pays respectif, les priorités à respecter et font appel à leur population pour collaborer à l'œuvre de redressement national. Ce document est intéressant parce qu'il incorpore les vues de certains experts internationaux cités précédemment dont P. Bauer et J. Sachs et celles du Comité de développement (CAD) de l'OCDE.
Dans son budget de décembre 2001, le gouvernement canadien a créé un fonds de fiducie de 500 millions de dollars pour l'Afrique et a augmenté l'enveloppe budgétaire de l'aide pour les prochaines années.
En mars 2002, la conférence des Nations Unies sur le financement du développement s'est tenue à Monterrey au Mexique, et le Canada s'est engagé à accroître de 8 p. 100 annuellement les fonds de l'aide canadienne, et ce, pour plusieurs années.
En juin, à Kananaskis, le NEPAD a fait l'objet d'une attention particulière par les leaders du G8 et les leaders africains.
En septembre dernier, la ministre Whelan a présenté un énoncé de politique du gouvernement sur l'aide internationale qui s'appuie sur le rapport du CAD de 1996 concernant les orientations du virage de l'an 2000, sur le document de consultation de 2001 fondé sur le point de vue prévalent des analystes déjà cités, sur le document du NEPAD et manifestement sur les recommandations ultérieures de l'OCDE au CAD. L'examen du CAD, rendu public en novembre dernier, constitue une évaluation assez sévère de notre politique d'aide depuis 10 ans.
De 1990 à 2001, le Canada s'est classé au 19e rang sur les 22 pays de l'OCDE au chapitre du ratio APD/PNB. Huitième puissance économique mondiale, le Canada est arrivé au 11e rang, derrière les Pays-Bas, la Suède et le Danemark pour ce qui est du budget d'aide au développement. S'étant engagé à consacrer 6 milliards de dollars à l'Afrique seulement d'ici 2007, le gouvernement trouve ce classement sévère.
Je cite les principales recommandations du CAD, le gouvernement y ayant souscrit dans son énoncé de septembre: augmenter l'aide; concentrer l'aide dans certains pays et secteurs; confirmer comme priorité la lutte contre la pauvreté; s'assurer de la cohérence des politiques de développement; travailler à la libéralisation des échanges; délier davantage l'aide; adapter l'action de nos ONG au nouveau partenariat; et améliorer l'efficacité de la gestion de l'aide dont les coûts sont un peu trop élevés (8.8 p. 100).
Dans son énoncé de politique de septembre, le gouvernement accepte que l"ACDI concentre son action sur un éventail défini de pays et de secteurs d'activité. Il reconnaît la nécessité de coordonner son action avec les autres pays donateurs. Il accepte d'accorder la priorité au développement social, comme l'a proposé le NEPAD; de former des partenariats avec les pays bénéficiaires et leur société civile; d'assurer l'uniformité de ses politiques de développement (environnementale, financière, commerciale, alimentaire et administrative); et d'assouplir les conditions de l'aide, comme il a été convenu au sommet du G8 de 2001. Le gouvernement maintient sa priorité sur l'aide à l'Afrique et il s'engage à mesurer les résultats de ses programmes et à les rendre publics.
Je crois que l'énoncé de politique du gouvernement est un pas dans la bonne direction. Il va au-delà des objectifs de 1995 et présente une programmation plus concrète assortie de conditions fort raisonnables. Mais étant donné les difficultés inhérentes à l'élaboration des politiques, difficultés auxquelles j'ai fait allusion précédemment, il me paraît que, pour assurer le succès de la réforme de l'aide, il y a lieu de faire davantage si l'on veut tenir compte des leçons du passé et des aléas de l'expérience canadienne dans l'aide au développement.
En 1994, le comité MacEachen a recommandé que le Parlement adopte une loi fixant les principes fondamentaux de l'APD et que les comités parlementaires procèdent à des examens périodiques des programmes d'aide. Le gouvernement, dans sa réponse de 1995, a dit qu'une loi risquerait de nuire à l'exécution efficace des programmes en en réduisant la souplesse. En réalité, le gouvernement et le ministère des Affaires étrangères particulièrement, qui sont habitués à bénéficier d'une grande marge de manœuvre dans les questions internationales, marge fondée sur les prérogatives de la Couronne en ces matières, préfèrent la discrétion à la volonté expresse du Parlement qu'ils seraient tenus de respecter.
Or, qu'est-ce que cela nous a donné dans le passé?
Des objectifs qui changent constamment et qui sont confus parce qu'ils tentent, entre autres, d'insérer les intérêts à court terme du Canada comme la promotion des exportations. L'expérience passée témoigne aussi de l'existence d'une variété de programmes plus ou moins centrés sur la lutte à la pauvreté, alors qu'il est acquis que ce doit être là la priorité.
Nous avons constaté aussi un éparpillement de projets d'aide à une multitude de pays, y compris à ceux qui n'étaient pas les plus pauvres, et même que certains d'entre eux ne respectaient pas les droits de l'homme ou allouaient une proportion déraisonnable de leur budget à l'équipement militaire, géraient mal leurs finances publiques ou les gaspillaient à des fins ostentatoires, ou entretenaient une bureaucratie improductive. Seulement 5 pays ont reçu plus de 20 millions alors qu'il y en avait plus du double auparavant. Les 15 principaux bénéficiaires recevaient 15 p. 100 de l'aide alors que, pour les autres pays donateurs, ils recevaient 25 p. 100.
Nous avons aussi été témoins de projets nombreux sans impact significatif sur le développement du tiers monde. L'ACDI appuie en fait plus de 1 000 projets dans plus de 100 pays.
Depuis quelques années l'ACDI a changé de cap une fois de plus. Il paraît raisonnable, pour l'appuyer, d'encadrer législativement son orientation et sa conduite de façon à lui donner des méthodes tout à fait claires pour répondre aux pressions indues qui s'exercent sur elle.
En outre, sans entrer dans le grand débat du contrôle parlementaire de la politique étrangère qui est, en soi, important mais en dehors de notre objet immédiat, il reste que même s'il ne s'agit pas ici de traités importants ou d'interventions militaires, nous sommes en présence de décisions budgétaires annuelles de plus de 2 milliards de dollars et d'engagement internationaux à moyen terme.
Par conséquent, dans un régime parlementaire démocratique, au XXIe siècle, sans provoquer d'amendements constitutionnels sur les prérogatives du gouvernement, il y a lieu de faire intervenir le Parlement pour fixer des paramètres à l'ACDI en ce qui concerne les objectifs de l'aide, les priorités de l'agence, ses principes et ses critères d'allocation de ressources.
La politique internationale exerce un impact de plus en plus présent sur toutes les sphères de la politique intérieure. Des décisions de plus en plus nombreuses prises à cet échelon affectent la vie quotidienne du pays sous de plus en plus d'aspects et le Parlement ne peut plus qu'être un spectateur quasi silencieux ou un participant sporadique surtout dans les activités de l'ACDI qui revêtent, somme toute, un caractère administratif.
Il paraît donc raisonnable d'inscrire dans une loi le rôle du Parlement dans la définition des priorités de l'ACDI, l'examen de son budget et l'évaluation des résultats sur le plan de l'impact de l'aide sur chaque pays et sur le plan de l'efficience de la gestion de l'aide par l'agence.
Le projet de loi que j'ai déposé tente de cerner ces questions. Il conditionne l'aide du Canada à la participation active de chaque pays bénéficiaire et de sa population dans la définition de ses propres priorités. Il conditionne l'aide à une politique économique favorable à la croissance, au respect des droits humains, aux efforts de démocratisation, à un saine gestion, y compris un degré raisonnable de dépenses militaires.
(1640)
Enfin, il affirme comme priorité, pour chaque pays choisi, la lutte à la pauvreté par le développement de l'économie de marché et d'un régime juridique approprié, par l'investissement dans la santé, l'éducation et la formation professionnelle, la protection des enfants et le soutien à l'ajustement structurel.
Excusez-moi, honorables sénateurs, pour cette longue intervention, mais c'est un sujet qui me tient à cœur à cause de mon expérience en Afrique et je souhaite ardemment que les activités de l'ACDI soient un succès, car la stabilité de la planète dépend, en bonne partie, de la volonté du monde avancé d'aider les autres à prendre la voie du progrès économique et social pour le plus grand bénéfice de ces milliards d'êtres humains.
[Français]
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, j'aurais quelques questions à poser au sénateur Bolduc s'il accepte de les entendre et d'y répondre.
L'honorable sénateur a examiné la situation et les politiques canadiennes en matière de développement au cours des 35 dernières années. Le sénateur est-il en mesure de nous dire si, au fil de ces 35 années, des pays qui ont reçu l'aide du Canada sont devenus des clients du commerce extérieur canadien? A-t-on fait de ces pays de solides partenaires économiques du Canada?
Le sénateur Bolduc: Je n'ai pas de statistiques présentement pour répondre à cette question. Toutefois, je sais que 87 p. 100 de nos exportations vont chez les Américains et un peu au Japon. Il ne reste pas grand-chose pour les autres pays. Ceci dit, nous devons être positifs. J'ai fait une certaine critique, mais je veux bien reconnaître que divers gouvernements ont adopté de bonnes politiques: on a bâti des relations qui ont permis au Canada de se faire connaître dans une centaine de pays. Comme nous sommes, par définition, la nation la plus exportatrice en termes de pourcentage, c'est important pour nous.
Je ne voudrais pas confondre les questions. J'ai voulu distinguer entre l'ACDI, l'aide à la pauvreté et le commerce. J'ai toujours trouvé que lorsqu'on confondait les deux ce n'était pas très pur. Il faut admettre que dans certains cas, comme avec le Costa Rica, avec certains pays de l'Amérique latine, le Sénégal, certains pays d'Afrique, en Asie, on a fait des choses très bien, au Sri Lanka et en Inde aussi. Je voudrais que l'on sorte les questions de promotion commerciale de l'ACDI. Le ministère des Affaires étrangères offre un très bon service de promotion commerciale.
L'allocation budgétaire du ministère des Affaires étrangères est mal faite, à mon avis. Soixante quinze pour cent de nos ressources sont dirigées vers l'Europe et 15 p. 100 aux États-Unis. Cela n'a pas de sens. Je comprends que l'Europe est intéressante parce nous avons tous des liens familiaux ou culturels avec l'Ukraine, l'Allemagne, le Luxembourg et les pays scandinaves. Toutefois, ce n'est pas une raison pour y concentrer, encore aujourd'hui, une partie majeure de nos ressources en personnel diplomatique, du personnel de haute qualité. Le fonctionnarisme fédéral est ce que nous avons de mieux en termes de qualité. Je peux vous en parler, j'ai navigué dans ce milieu assez longtemps. Les Affaires étrangères et le Commerce international, — ils étaient distincts auparavant, mais maintenant ils sont ensemble — les Finances et la Banque du Canada, c'est ce qu'on a de mieux. Je trouve un peu dommage qu'une partie tellement importante des Affaires étrangères soit en Europe. Je n'ai rien contre l'Europe. Je veux simplement dire que cela n'a pas de sens que nous mettions autant de ressources en Europe et si peu aux Etats-Unis et en Asie, quand on sait qu'en Asie, il y a trois milliards de personnes. Certains pays deviendront très intéressants pour nous. Je pense particulièrement à la Chine, à l'Indonésie, qui a une population de 200 millions de personnes et au Pakistan, dont la population compte 140 millions de personnes.
L'autre jour, j'entendais des gens parler du Conseil de sécurité des Nations Unies. Plusieurs pays n'en font pas partie et pourtant le Brésil compte une population de 200 millions, l'Inde un peu plus de 1 milliard de population, le Pakistan a une population de 40 millions et à côté de cela, la France et l'Angleterre. Il y a un gros travail à faire, je peux vous le dire. Je bifurque un peu du sujet, parce que j'ai la décision du Canada en ce qui a trait à l'Irak sur le cœur.
Le sénateur Nolin: Je comprends que la réponse est oui, dans certains cas?
Le sénateur Bolduc: Je pense bien.
Le sénateur Nolin: Est-ce que je dois comprendre que la mise en place d'un outil législatif comme celui que propose le sénateur permettrait de mieux camper la responsabilité de l'ACDI et de la différencier vraiment d'une politique de commerce international?
Le sénateur Bolduc: Oui, et plus que cela. Je me suis inspiré en partie des travaux du sénateur MacEachen, qui fut ministre des Affaires étrangères en 1975. Il savait comment cela fonctionne! Il a été ici longtemps et au comité, en 1995, il a dit qu'il fallait une loi. Au Sénat, — à l'autre endroit il n'était pas raisonnable — il est devenu sage. Il a dit qu'il fallait encadrer la situation et faire une loi. Je me suis dit que j'allais continuer l'œuvre du sénateur MacEachen. Comme je quitterai le Sénat bientôt, au moins, j'aurai mis une partie de mon monument. Je ne m'attends pas à ce que cette proposition soit adoptée car je fais partie de l'opposition. Je vais tout de même l'envoyer au ministre des Affaires étrangères, M. Graham et lui dire d'y penser comme il faut parce que c'est bon et qu'il faut que cela marche! Si la proposition est adoptée, je viendrai prendre un coup avec vous!
(Sur la motion du sénateur De Bané, le débat est ajourné.)
LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES
PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Jean-Robert Gauthier propose: Que le projet de loi S- 11, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (promotion du français et de l'anglais), soit lu une deuxième fois.
— Honorables sénateurs, le Règlement 27(3) exige qu'après 15 jours de séance, un sénateur doit prendre la parole sur une initiative parlementaire. Je ne suis pas disposé aujourd'hui à faire un long discours, mais je veux prendre la parole afin d'ajourner le débat à une prochaine occasion.
(Sur la motion du sénateur Gauthier, le débat est ajourné.)
BANQUES ET COMMERCE
BUDGET—ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ CHARGÉ D'ÉTUDIER LA SITUATION ACTUELLE DU RÉGIME FINANCIER CANADIEN ET INTERNATIONAL
Le Sénat passe à l'étude du huitième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce (budget—étude relative au système financier), présenté au Sénat le 25 mars 2003.—(L'honorable sénateur Kolber).
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement) propose: Que le rapport soit adopté.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
[Traduction]
L'ÉTUDE DE LA PROPOSITION DU GROUPE DES VALEUREUX
RAPPORT DU COMITÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur l'étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense (étude sur la proposition du Groupe des valeureux), déposé au Sénat le 12 décembre 2002.—(L'honorable sénateur Atkins).
L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Il s'agit en fait d'un rapport du Sous-comité des anciens combattants portant sur ce qu'on appelle maintenant la proposition du Groupe des valeureux.
De prime abord, je tiens à dire que j'approuve les propos qu'a tenus au Sénat le sénateur Meighen, président du sous-comité, pour appuyer cette initiative.
(1650)
Le sous-comité a entendu les témoignages des partisans de ce projet, qui a pour objet de reconnaître le sacrifice héroïque consenti, en temps de guerre, par les hommes valeureux et les femmes valeureuses qui ont lutté victorieusement pour la liberté et l'indépendance du Canada depuis quatre siècles. Le comité a également examiné les documents que lui ont fait parvenir les divers ministères et organismes compétents du gouvernement avant de tirer ses conclusions.
Comme l'a signalé le sénateur Meighen, nous avons trouvé que la propositions portant sur la commémoration du sacrifice des valeureux était louable. Dans notre seule et unique recommandation, nous avons demandé au gouvernement de revoir sa position sur le projet, puisque les partisans de celui-ci étaient disposés à réduire le nombre de statues, à modifier la liste des valeureux à honorer et à faire baisser les coûts.
J'aimerais décrire le projet et énumérer certains des exploits de quelques-uns des valeureux qui sont susceptibles d'être honorés. En premier lieu, il s'agit d'un projet qui a pour but de veiller à ce que les Canadiens, surtout nos enfants, aient une preuve tangible de leur histoire. La liberté et le niveau de vie dont nous jouissons aujourd'hui a son prix, un prix qu'ont du payer nos prédécesseurs au cours des siècles, avant et après 1867.
La proposition originale prévoyait 16 statues, mais ce nombre a été révisé à la baisse. Les statues jalonneraient les deux côtés de la rue Elgin jusqu'au Monument commémoratif de guerre du Canada. Elles seraient à l'effigie de valeureux Canadiens, hommes et femmes, qui ont combattu pendant les guerres pour édifier la nation canadienne.
Ces valeureux ont été choisis par un groupe d'historiens de renom, comprenant Jack Granatstein, David Bercuson, Serge Bernier, Alexander Douglas et Sid Wise, ex-directeur de l'Institut des études canadiennes de l'Université Carleton et auteur de nombreux ouvrages sur l'histoire de l'aviation canadienne.
Parmi les valeureux dont la contribution a été jugée digne d'être ainsi soulignée, mentionnons le comte de Frontenac, considéré comme le plus grand gouverneur général du Canada sous le régime français. Il a dirigé des troupes dans le cadre des guerres contre les colons anglais du Sud, contribuant ainsi à préserver l'identité du Canada en Amérique du Nord.
Le marquis de Montcalm et le général James Wolfe pourraient être reconnus à titre de commandants des forces françaises et britanniques respectivement. Joseph Brant, chef Mohawk et loyaliste de l'Empire-Uni, a combattu dans le camp des Britanniques pendant la Révolution américaine. Après avoir perdu la guerre, il a convaincu de nombreux soldats de venir s'établir au Canada.
Laura Secord, probablement la première femme agent de renseignement au Canada, figure parmi les valeureux à qui on veut rendre hommage. Au cours de la guerre de 1812, elle a informé les autorités canadiennes qu'une attaque américaine contre notre avant-poste sis à Beaver Dams se préparait, ce qui a mené à la capture de près de 500 soldats américains et changé le cours de la guerre qui sévissait dans cette région.
Parmi les personnages ayant marqué le XXe siècle, on pourrait rendre hommage au général sir Arthur Currie, commandant de la première division canadienne pendant la Première Guerre mondiale. Ses victoires à Vimy, à Passchendaele et à Amiens ont façonné l'avenir de notre pays.
Ce ne sont là que quelques-uns des valeureux dont la contribution à la croissance de notre pays pourrait être soulignée par ce projet.
Nous sommes contents que la ministre du Patrimoine canadien ait accepté de reconsidérer ce projet. Je crois savoir qu'elle a demandé aux agents de son ministère et du Musée de la guerre de collaborer avec le Groupe des valeureux qui parraine ce projet. J'espère que d'autres sénateurs commenteront le rapport présenté par notre Sous-comité des anciens combattants et que, grâce à notre travail, les sacrifices de ces valeureux seront reconnus, afin que les Canadiens puissent continuer à être fiers de leur patrimoine.
(Sur la motion du sénateur Prud'homme, le débat est ajourné.)
(1710)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il que le Sénat s'ajourne à loisir en attendant l'arrivée du suppléant de Son Excellence la Gouverneure générale?
Des voix: D'accord.
(Le Sénat s'ajourne à loisir.)
[Français]
SANCTION ROYALE
L'honorable Louise Arbour, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de suppléante de la gouverneure générale, prend place au pied du trône. La Chambre des communes, priée de se présenter, arrive avec son Président.
L'honorable Peter Milliken, Président de la Chambre des communes, s'adresse à l'honorable suppléante de la gouverneure générale en ces termes:
Qu'il plaise à Votre Honneur.
La Chambre des communes du Canada a voté certains crédits requis pour permettre au gouvernement de pourvoir aux dépenses du service public.
Au nom de la Chambre des communes, je présente à Votre Honneur les projets de loi suivants:
Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2003 (Projet de loi C-29, Chapitre 3; 2003).
Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2004 (Projet de loi C-30, Chapitre 4; 2003).
À ces projets de loi, je prie humblement Votre Honneur de donner la sanction royale.
Il plaît à l'honorable suppléante de la gouverneure générale de donner la sanction royale aux projets de loi.
La Chambre des communes se retire.
Il plaît à l'honorable suppléante de Son Excellence la gouverneure générale de se retirer.
[Traduction]
Le Sénat reprend sa séance.
L'HÉRITAGE DE GASPILLAGE—LES ANNÉES CHRÉTIEN-MARTIN
INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur LeBreton, attirant l'attention du Sénat sur l'héritage de gaspillage des années Chrétien- Martin.—(L'honorable sénateur Bryden).
L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, le gouvernement libéral a pris en douce 45 milliards de dollars dans la caisse d'assurance-emploi. En théorie, cet argent a simplement été emprunté. Toutefois, le dernier budget explique comment le gouvernement entend annuler sa dette envers les travailleurs canadiens.
Dans le passé, la Commission de l'assurance-emploi, qui est constituée de représentants du monde des affaires, du milieu du travail et du gouvernement, jouait un rôle important dans l'établissement des cotisations. La règle que la commission était censée suivre était d'essayer d'avoir des taux de cotisation stables au cours d'un cycle économique. Toutefois, depuis 2001, le gouvernement a invoqué le prétexte qu'il étudie la façon dont les taux sont fixés pour garder ceux-ci au-dessus d'un taux à long terme stable. Ce point a été atteint lorsque l'excédent a dépassé le chiffre de 15 milliards de dollars. Les cotisations sont gardées artificiellement élevées.
Paul Martin craignait que si la Commission de l'assurance-emploi se conformait à la loi adoptée en 1996, les cotisations risquaient de baisser de façon dramatique. Il a par conséquent décidé d'accorder temporairement au gouvernement le pouvoir de fixer les taux de cotisation, sans tenir compte des cycles économiques et des excédents dans la caisse d'assurance-emploi.
L'excuse invoquée était que le gouvernement allait examiner tout le processus d'établissement des cotisations, mais aucune raison valable n'a jamais été fournie pour expliquer les taux qui ont été fixés depuis, ni les excédents qui ont été accumulés.
La vérificatrice générale, Mme Sheila Fraser, ne peut pas conclure que le gouvernement a respecté la Loi sur l'assurance-emploi. Dans le rapport final sur l'exercice financier 2001-2002, qu'elle a déposé le 2 décembre dernier, elle déclare:
À notre avis le Parlement voulait que le Programme d'assurance-emploi soit géré de façon à atteindre le seuil de rentabilité pendant un cycle économique, tout en maintenant des taux relativement stables. Toutefois, l'excédent accumulé du Compte d'assurance-emploi a augmenté d'environ 4 milliards de dollars en 2001-2002 pour atteindre 40 milliards. Ni la Commission ni le gouvernement n'ont précisé et divulgué ce qui constitue un niveau approprié d'excédent accumulé, le temps requis pour l'atteindre et les facteurs à considérer. Par conséquent, nous ne pouvons conclure que l'esprit de la Loi sur l'assurance-emploi a été respecté lors de l'établissement des taux.
Ces observations sont, à toutes fins pratiques, identiques à celles qu'elle a formulées en décembre 2001 au sujet de l'exercice 2000- 2001.
Le 28 décembre 2001, soit peu de temps après qu'elle ait déposé son rapport sur l'exercice 2000-2001, le Toronto Sun a fait état de certains propos de Walter Robinson, le directeur fédéral de la Fédération des contribuables canadiens.
«En compromettant les bénéfices, les charges sociales tuent les emplois», a déclaré Robinson. «En période de récession, le gouvernement fédéral ne devrait pas pénaliser les travailleurs et les employeurs dont le Canada a besoin pour sortir l'économie de son marasme.»
D'après Robinson, le gouvernement a transformé le programme de l'assurance-emploi en vache à lait, puisque l'excédent est ajouté aux recettes générales.
«Or, rien ne le justifie», précise Robinson. Le gouvernement peut faire fi des recommandations formulées par les groupes qui ont fait état de leurs préoccupations, mais il semble ne pas tenir compte non plus des préoccupations exprimées par la vérificatrice générale, la surveillante indépendante des questions financières.»
La dérogation aux règles régissant l'établissement des cotisations prévues dans la Loi sur l'assurance-emploi, que Paul Martin avait édictée, vient à échéance cet automne. À moins que John Manley ne modifie le règlement ou n'en retarde l'application, la Commission de l'assurance-emploi n'aura d'autre choix que celui d'opérer une réduction considérable des cotisations, puisque les fonds dans le Compte d'assurance-emploi dépassent de loin les sommes dont le gouvernement a besoin pour gérer le programme, même lors des récessions les plus fortes.
À quel niveau les baissera-t-on? L'actuaire chargé du programme nous dit que le taux de cotisation permettant d'assurer un apport de revenus suffisant pour couvrir les débits autorisés devrait être de 1,75 $ cette année, ce qui est bien moins que le taux de 1,98 $ que John Manley prévoit imposer par voie législative l'année prochaine, et bien moins que le taux de 2,10 $ qu'il a fixé pour cette année.
(1720)
Dans le rapport du Comité permanent des finances de la Chambre des communes sur le budget de 2000, le gouvernement se prépare vraiment à modifier la façon dont les cotisations d'assurance-emploi sont établies. Dans ce rapport, publié à la fin de l'automne 1999, la majorité libérale a essentiellement dit au gouvernement d'oublier l'argent qui se trouve dans le Compte d'assurance-emploi pour l'établissement des cotisations parce que ces dernières devraient être nettement inférieures aux niveaux actuels. La majorité libérale siégeant au comité a alors suggéré que, pour l'établissement des cotisations, on ne tienne compte ni de l'argent dans le compte, ni des intérêts courus sur cet argent, mais qu'on envisage plutôt la conjoncture économique à venir.
La majorité libérale n'a pas souligné que les intérêts liés à ces montants accumulés à l'époque auraient permis de réduire d'environ 20 cents par tranche de 100 dollars de rémunération assurable le taux à long terme des cotisations d'assurance-emploi.
Deux mois plus tard, perdue à la page 62 du plan budgétaire de 2000, on trouve la déclaration suivante: «Le gouvernement examine de près les recommandations du Comité permanent des finances au sujet de la tarification future.»
Puis, à la veille des élections de 2000, le gouvernement a annoncé, le 28 septembre 2000, une série de modifications à la Loi sur l'assurance-emploi, notamment un assouplissement de la règle de l'intensité et de la récupération des prestations. Toutefois, parallèlement aux modifications dans les prestations, le gouvernement a annoncé que le processus et les règles normales pour l'établissement des cotisations seraient mises de côté pendant deux ans et que, entre-temps, le gouvernement procéderait à un examen approfondi du processus d'établissement des cotisations d'assurance-emploi.
Cette situation aurait modifié la façon dont les cotisations devaient être établies pour 2001 et 2002. Lorsque le projet de loi correspondant est mort au Feuilleton, au moment où les élections ont été annoncées, le gouvernement a simplement changé les années à 2002 et 2003 respectivement, et la Commission de l'assurance- emploi a convenu d'accepter la cotisation proposée par M. Paul Martin pour l'année 2000.
La Chambre de commerce du Canada a souligné dans son exposé de position de novembre 2002, intitulé Programme d'assurance- emploi: Impératifs de réforme, que:
Le gouvernement fédéral fonde sa décision de permettre au Gouverneur général en conseil d'établir les taux de cotisation pour deux ans sur la nécessité d'assurer la prévisibilité et la stabilité du processus d'établissement des taux.
Le gouvernement invoque la nécessité d'assurer la «la prévisibilité et la stabilité» du processus d'établissement des taux, mais la Chambre estime qu'il abandonne simplement un processus d'établissement positif consultatif en faveur d'un processus secret excluant toute consultation. De l'avis de la Chambre de commerce du Canada, cette démarche d'intérêt public est loin d'être efficace.
Avant que le gouverneur en conseil fixe les taux de cotisation à l'assurance-emploi, le processus était plus transparent et consultatif.
Les commissaires (employeurs et employés) établissaient et entretenaient des relations consultatives et de travail avec divers organismes et particuliers du secteur privé ayant recours aux services de la Commission. Cela permettait aux commissaires de transmettre à l'interne les préoccupations et les positions du secteur privé à l'égard du programme, y compris des taux de cotisation.
Dans le même document, la Chambre de commerce poursuit:
Bien que le gouvernement fédéral réglemente et élabore les politiques relatives à l'assurance-emploi, ce sont les employeurs et employés qui versent les cotisations et tirent parti des avantages du programme. Par conséquent, les employeurs et employés du Canada sont les principaux intervenants du système d'assurance-emploi et leur participation confère au système sa légitimité, son obligation redditionnelle et sa crédibilité.
Le gouvernement n'a pas tenu de consultations auprès des entreprises et du marché du travail quant aux règles d'établissement des taux, bien qu'il ait eu deux années et demie pour lancer de telles consultations et que le temps était compté pour l'adoption de la nouvelle mesure.
Dans son rapport final sur l'exercice 2001-2002, la vérificatrice générale, Mme Sheila Fraser, constate que:
Des représentants du ministère des Finances nous ont informés que la recherche interne sur le mécanisme d'établissement des taux de cotisation se poursuivait, mais qu'il n'y avait pas encore eu de consultations publiques à ce sujet. Il reste beaucoup à faire pour que l'article 66 puisse être appliqué en 2004 et que la Commission de l'assurance-emploi du Canada puisse établir, à l'automne de 2003, le taux de cotisation pour 2004. Le gouvernement devrait tenir compte de nombreuses questions dans son examen, telles que:
Qu'est-ce qui constitue une réserve adéquate et quel est le délai nécessaire pour l'atteindre?
Quelles sont les répercussions sur les cotisants et sur les objectifs et l'esprit du programme d'assurance-emploi à court et à long terme lorsque le solde du Compte d'assurance-emploi dépasse la réserve maximale jugée suffisante par l'actuaire en chef de Développement des ressources humaines Canada?
Étant donné la taille croissante de l'excédent accumulé, nous recommandons fortement au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour clarifier le processus d'établissement des taux et le rendre plus transparent.
Deux ans et demi après avoir dit pour la première fois qu'il allait étudier le mode d'établissement des cotisations, le gouvernement a annoncé dans le budget un délai d'une autre année afin de tenir les consultations nécessaires. Ces atermoiements de la part du gouvernement signifient-ils qu'il a déjà pris sa décision?
Un document de référence accompagnant l'annonce faite le 28 septembre 2000 que le Cabinet assumerait temporairement le contrôle du processus d'établissement des cotisations comportait cette indication:
Le gouvernement du Canada a également annoncé qu'il examinerait en profondeur le processus de fixation du taux de cotisation. L'automne dernier, le Comité des finances de la Chambre des communes a conclu que le processus de fixation du taux, tel qu'établi dans la Loi sur l'assurance-emploi, est imparfait. Selon ce processus, il faut revenir en arrière pour tenir compte du montant des surplus antérieurs de revenus par rapport au coût du programme, alors qu'en fait il n'existe aucun ancien surplus, dans aucun compte à part.
Le Comité des finances a déclaré que: «Le taux de cotisation à l'assurance-emploi devrait être établi en fonction des revenus nécessaires pour couvrir les coûts du régime, pendant un exercice, selon une approche prospective, et sans tenir compte du surplus ou du déficit accumulé, ou des intérêts reliés à ces montants accumulés.»
Le gouvernement voulait dire par là qu'il aimerait voir une proposition qui ferait disparaître la nécessité de tenir compte de l'argent contenu dans le fonds au moment d'établir le montant des primes et de cesser de créditer les intérêts versés au revenu annuel du fonds.
Passons maintenant au budget déposé le 18 février 2003. L'actuaire responsable du programme affirme que le seuil actuel de rentabilité pour la cotisation d'assurance-emploi est de 1,75$. Toutefois, dans son budget, le ministre des Finances a établi le seuil à 1,98$. Comment peut-on expliquer la différence de 23 cents?
Une toute petite partie de cette différence est attribuable au nouveau programme de congé pour raison familiale qui ajoute deux ou trois cents à la cotisation correspondant au seuil de rentabilité. Les 20 cents qui restent correspondent à des intérêts. Le gouvernement adoptera une mesure législative qui le relèvera de son obligation de verser des intérêts sur l'argent qu'il a emprunté de la caisse de l'assurance-emploi.
Les honorables sénateurs ne trouveront pas cela dans les documents budgétaires. Nous avons dû demander une explication aux autorités du ministère des Finances.
Le gouvernement libéral recourra à une loi pour se dégager de son obligation de verser 2 milliards de dollars en intérêts annuels dans le Compte d'assurance-emploi, et il n'a pas le courage de l'énoncer noir sur blanc. John Manley a eu l'audace de faire croire qu'il s'agissait d'une réduction des cotisations et de nous dire qu'il rendra tout davantage transparent. On ne peut pas dissimuler les faits, puis faire croire qu'on est transparent.
Le fait est que, si les libéraux étaient revenus aux règles d'établissement des cotisations qui existaient avant 2001, et s'ils avaient respecté l'esprit de la loi, les cotisations se seraient élevées à environ 1,75 $ cette année, et à peu près au même montant l'année prochaine. En fait, s'ils étaient revenus aux règles d'établissement des cotisations qui existaient lorsqu'ils ont été élus, en 1993, il y aurait un congé de cotisations de trois ans, car la loi voulait que les cotisations soient établies en vue de supprimer dans les trois ans un excédent ou un déficit dans le compte.
Nous ne nous attendons pas à ce qu'ils le fassent, car ces 45 milliards de dollars sont une illusion comptable. L'argent a été dépensé dans le registre des armes à feu, les paiements versés à Groupaction, les fraudes liées au remboursement de la TPS, le Temple de la renommée du canoë de Shawinigan, les nouveaux avions à réaction du premier ministre, une amende d'un demi- milliard de dollars pour l'annulation du projet d'achat d'hélicoptères, et les subventions accordées à DRHC pour transférer des emplois d'une circonscription du sud de l'Ontario à une autre.
Durant les jours qui ont précédé la présentation du budget, on a entendu certaines spéculations à l'effet que le ministre des Finances dirait toute la vérité au sujet de l'excédent de l'AE. Par exemple, un article paru dans le National Post du 13 février 2003 disait: «M. Manley est censé reconnaître qu'il n'y a pas d'excédent cumulatif de 45 milliards de dollars dans la caisse de l'AE pour couvrir l'assurance des employés.» Le budget ne mentionne pas cet excédent de 45 milliards de dollars. Tout semble indiquer que cet excédent n'a jamais existé.
Supposons pendant une minute que le gouvernement n'a jamais pris ces 45 milliards de dollars; tout ce qui se produira, c'est que le gouvernement, pour fixer ses taux, va commencer à examiner le cycle économique en regardant vers l'avenir, et non vers le passé, comme le Comité des finances de la Chambre des communes l'avait recommandé à l'automne de 1999. Pour le moment, nous en sommes à un moment du cycle économique où le chômage est faible, mais si nous regardons vers l'avant, il faudra nécessairement faire des hypothèses quant aux futurs taux de chômage et quant à la durée du cycle économique. Or il est facile de manipuler ces deux hypothèses pour garder les cotisations à un haut niveau, au nom de la «prudence».
Le gouvernement va probablement inclure dans le même projet de loi les cotisations autorisées par la loi pour l'année prochaine et le congé pour raisons familiales. Il est impossible de voter pour une disposition et contre l'autre à l'étape de la troisième lecture. Le gouvernement rendra la tâche aussi difficile que possible aux parlementaires qui voudraient rejeter sa proposition visant à maintenir les cotisations à un taux artificiellement élevé pour une autre année.
(1730)
Lorsqu'il était haut fonctionnaire au ministère des Finances, Don Drummond a joué un rôle important auprès de Paul Martin pour élaborer ses budgets. M. Drummond, aujourd'hui vice-président de la Banque Toronto-Dominion, aurait déclaré, selon le Globe and Mail du 14 novembre 2002: «En ce moment, ce n'est rien d'autre qu'une grande razzia fiscale.»
Le même article faisait allusion à une étude de l'économiste Dale Orr, de Global Insight:
M. Orr a dit qu'Ottawa gardait les taux de cotisation d'assurance-emploi à un niveau inutilement élevé pour des raisons de politique et non d'économie.
Le rapport conclut: «Ce n'est rien d'autre que de l'opportunisme politique et la tyrannie du statu quo. Du point de vue politique, il est plus facile de ne pas réduire un impôt que d'en augmenter un, mais cela ne peut se défendre comme politique économique.»
Paul Martin a changé les règles en 1996, à un moment où les cotisations allaient subir une baisse radicale. Lorsque ces règles ont cessé de jouer en sa faveur, quelques années plus tard, il en a suspendu temporairement l'application pour maintenir les cotisations à un niveau artificiellement élevé.
Son Honneur le Président: Sénateur Bolduc, j'ai le regret de vous informer que vos 15 minutes sont écoulées.
Des voix: Un peu plus de temps.
Le sénateur Bolduc: Deux cents secondes.
Son Honneur le Président: Permission accordée?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Bolduc: John Manley prolonge cette suspension temporaire d'une autre année, pendant qu'il prépare une autre série de règles favorables au gouvernement.
En somme, le gouvernement a forcé les travailleurs et les employeurs canadiens à acquitter une note de 45 milliards de dollars pour contribuer au legs libéral.
Son Honneur le Président: Acceptez-vous de répondre à une question, sénateur Bolduc?
Le sénateur Bolduc: Oui.
[Français]
L'honorable Yves Morin: Honorables sénateurs, le sénateur semble reprocher au gouvernement d'avoir accumulé des surplus budgétaires au cours des années. Ne pense-t-il pas que ces surplus ont permis au gouvernement de procéder aux transferts fiscaux qui ont financé les systèmes de soins de santé, ce qui représente la priorité des Canadiens?
Deuxièmement, lors du dernier budget, je suis sûr que le sénateur sait qu'il y a effectivement eu des réductions dans les primes d'assurance-emploi.
Le sénateur Bolduc: Oui, il y a eu un petit dix cents. Le gouvernement est prudent. Ce que l'on dit, c'est qu'il y a un autre 20 cents à aller chercher.
En réponse à la première question, le gouvernement a remis un peu des fonds aux provinces, mais les compressions budgétaires avaient été telles que je ne suis pas certain que les provinces reçoivent autant qu'elles recevaient en 1994.
Lorsque le gouvernement a des surplus, c'est qu'il les a pris chez les employeurs et les employés. Au fond, on joue avec les mots. On dit qu'on appelle cela un compte mais dans le fond, il n'y a pas de compte. C'est le Trésor fédéral. Il y a une leçon à tirer de cette situation: à l'avenir, il ne faut jamais mettre des taxes avec des fins spécifiques. Cela ne marche jamais. Quand l'affaire est bonne, le gouvernement empoche tout le temps. Le Québec fait la même chose avec la Régie de l'assurance-automobile. Quand il y a des surplus, ils ramassent le paquet. Cela veut dire que les gouvernements n'ont pas de parole!
(Sur la motion du sénateur Robichaud, au nom du sénateur Bryden, le débat est ajourné.)
LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE CONCERNANT LE PROCHE-ORIENT
INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Prud'homme, c.p., attirant l'attention du Sénat sur la politique étrangère du Canada sur le Moyen- Orient.—(L'honorable sénateur Prud'homme, c.p.)
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je voudrais remercier le sénateur Prud'homme d'avoir fait cette interpellation. Il faut reconnaître sa détermination.
C'est un sujet qui lui tient à cœur. Son intérêt n'a pas commencé à son arrivée au Sénat. Cette détermination l'a suivi depuis qu'il est en politique publique. Je pense que c'est tout à son honneur d'avoir amené le Parlement, à l'occasion, à se questionner sur la politique étrangère canadienne au Moyen-Orient.
L'importance d'une politique étrangère articulée, respectant à la fois nos intérêts nationaux et nos valeurs, ont fait du Canada, au cours de l'histoire de notre pays, un partenaire international crédible et respecté. Tout à l'heure, nous avons entendu le sénateur Bolduc nous parler, à l'occasion d'un discours en deuxième lecture du projet de loi S-17, de l'importance de ces politiques étrangères.
La situation politique du Moyen-Orient préoccupe au plus haut point les parlementaires et les Canadiens. Énumérons certaines causes de ces préoccupations.
Premièrement, le conflit palestino-israélien qui perdure depuis plusieurs décennies. Aujourd'hui, nous vivons la guerre en Irak, mais il y a beaucoup plus. Il y a le rôle de l'Irak depuis que ce pays a accédé à son indépendance, rôle qui a été joué au fil des ans dans l'intérêt de différents pays pour n'en nommer aucun. Une troisième cause, le terrorisme international, comme arme indue d'influence. Je ne pourrais pas faire cette énumération sans parler du rôle et de l'importance de la production pétrolière dans le schéma énergétique mondial.
L'influence du Canada dans cette région du monde est certes importante. Je ne désire pas questionner cette importance en ce moment. À la fin du débat, nous en tirerons nos propres conclusions. Cette importance doit exister et doit perdurer.
Vous vous souviendrez qu'il y a quelques années nous avons été invités à voter sur un projet de loi qui sanctionnait un accord de libre-échange entre le Canada et Israël. J'aurais voulu que cette décision législative s'inscrive dans le cadre d'une politique canadienne internationale sur le Moyen-Orient.
À l'époque des débats qui ont mené à l'adoption de ce projet de loi, il fut très difficile de cerner et d'établir cette politique canadienne au Moyen-Orient. Certains se rappelleront certainement cette phrase malheureusement célèbre du premier ministre du Canada lorsqu'il était à Jérusalem en 2000, lorsqu'il a répondu:
Je ne sais pas exactement où je suis actuellement. Si je suis à l'ouest, au sud, au nord ou à l'est de Jérusalem. Je suis venu ici pour rencontrer le premier ministre israélien.
(1740)
Cette déclaration a malheureusement été reprise dans les pays arabes et je pense qu'elle a heurté la crédibilité du Canada et l'importance de sa politique étrangère dans cette région du monde.
La dernière étude parlementaire sur la question remonte à 1983. Je me souviens d'en avoir parlé récemment avec quelques collègues qui m'ont mentionné l'effervescence de cette étude à l'époque, et du manque d'intérêt actuel de retourner vers cette effervescence parlementaire qui, selon moi, est nécessaire. Ce n'est pas parce que, dans une région du monde, des individus voient leurs droits bafoués — fût-ce au nom de raisons économiques et d'intérêts nationaux bien identifiés — ou parce que la perte de ces droits stimulent les passions qu'on ne doit pas, en tant que parlementaires, se pencher sur la question. Au contraire, cela doit se faire dans la reconnaissance et le respect de nos valeurs.
Je mentionnais que la dernière étude parlementaire remontait au début des années 80. Depuis ce temps, la situation socioéconomique et politique dans le monde arabe a beaucoup évolué. La guerre en Irak, à laquelle je viens de faire référence, bien qu'elle soit une grave tragédie, aura peut-être un effet positif, de forcer les parlementaires et les Canadiens à redéfinir la politique canadienne au Moyen-Orient.
Pour nous aider à réfléchir dans le cadre de l'interpellation proposée par le sénateur Prud'homme, j'ai consulté un rapport réalisé par des experts provenant du monde arabe et pour le compte du Programme des Nations Unies pour le développement. Le rapport nous offre des pistes de réflexion fort intéressantes puisqu'il contient des conclusions et d'utiles recommandations. Il s'intitule: «Rapport arabe sur le développement humain pour l'année 2002». Le monde arabe se définit comme étant 22 pays membres de la Ligue arabe qui regroupent plus de 280 millions d'habitants, soit 5 p. 100 de la population mondiale.
Voici les principales conclusions de ce rapport sur l'état actuel du monde arabe. Premièrement, le rapport constate un progrès important depuis les années 60, notamment dans les services sociaux de base tels la santé, le logement et l'éducation.
Sur le plan économique, la productivité totale des facteurs de production a été évaluée à 0,2 p. 100 par an, en moyenne, au cours de la période 1960-1970. Le PNB par habitant était supérieur à celui des nouvelles économies en Asie en 1960. Cela inclut la Corée du Sud, Taïwan, Singapour, Hong Kong et l'Indonésie. Aujourd'hui, le PNB est égal à la moitié de celui de la Corée du Sud. Il s'agit d'une nette régression.
Le PIB combiné de tous les pays arables atteignait 531,2 milliards de dollars américains en 1999, moins que le PIB d'un seul pays européen de la taille de l'Espagne dont le PIB était, pour la même période, de 596 milliards de dollars américains.
La productivité de la main-d'œuvre industrielle du monde arabe représentait 32 p. 100 de celle de l'Amérique du Nord en 1960. Aujourd'hui, elle ne représente plus que 19 p. 100. En 1998, le revenu annuel moyen par citoyen arabe ne représentait que 13,9 p. 100 de celui des personnes des pays membres de l'OCDE.
Parlons un peu d'éducation, de recherche et de développement. Depuis 1995, les ressources consacrées à l'éducation dans cette région du monde s'amenuisent. Par rapport aux pays industrialisés, les dépenses par habitant consacrées à l'éducation dans le monde arabe représentaient 20 p. 100 des dépenses similaires en Occident en 1980. Aujourd'hui, elles ne représentent que la moitié, soit 10 p. 100.
La qualité de l'enseignement s'est aussi détériorée, impliquant ainsi une baisse de l'apprentissage des connaissances et des compétences analytiques. De plus, l'enseignement public a été reconnu par le rapport comme étant de piètre qualité, et contribue à l'accroissement de la stratification sociale et de la pauvreté. Dix millions d'enfants dans cette région du monde n'ont pas accès à l'école. Le taux d'analphabétisme des adultes, bien qu'il ait régressé de 60 p. 100 en 1980 à 43 p. 100 en 1990, regroupe quand même 65 millions de personnes dont les deux tiers sont des femmes.
Une femme arabe sur deux ne sait pas lire ou écrire. Le taux d'inscription à l'enseignement supérieur se situe à 13 p. 100, dépassant ainsi la moyenne des pays en voie de développement qui, elle, est de 9 p. 100. Or, il est infiniment plus bas que celui des pays industrialisés qui se situe à 60 p. 100. La part des dépenses en recherche et développement du PIB était inférieure à 0,5 p. 100 dans le monde arabe en 1996, comparativement à 1,26 p. 100 à Cuba et 2,9 p. 100 au Japon.
En ce qui a trait à l'habitat et à l'environnement, 15 pays arabes sur un total de 22 vivent sous le seuil de la pauvreté défini par l'ONU en matière d'accès à l'eau potable avec moins de 1 000 mètres cube d'eau disponible par habitant par an.
En ce qui concerne la vie publique, les femmes arabes, qui représentent plus de la moitié de l'électorat, n'occupent que 3,5 p. 100 des sièges des différentes assemblées législatives des pays arabes contre 12,9 p. 100 en Amérique latine et dans les Caraïbes. Malgré les progrès enregistrés dans certains pays depuis 25 ans, la participation à la vie politique et le droit à la liberté d'expression ou à l'association demeurent limités, j'oserais même dire très limités. La qualité des institutions ayant trait à l'administration publique et à la gouvernance est inférieure dans le monde arabe par rapport aux niveaux mondiaux.
Les conséquences du sous-développement des pays arabes se traduisent par la faiblesse de la productivité, la carence du système d'éducation et l'insuffisance de l'investissement en recherche et développement. La mobilité de la main-d'œuvre est faible puisqu'il y a peu d'opportunités d'emploi. De plus, les diplômés d'études supérieures quittent la région pour des raisons évidentes et ils la quittent pour les pays occidentaux, où ils trouvent des emplois bien rémunérés.
Il y a donc fuite des cerveaux et ce, surtout au cours des dernières décennies. En fait, des millions d'Arabes ont quitté leur région et se sont joints à nos pays. Selon un sondage découlant du rapport, plus de la moitié des jeunes Arabes interrogés souhaitent immigrer vers des pays industrialisés.
Parlons de la faiblesse des institutions politiques. Le recours à la vieille approche dite «dirigiste» en matière de développement économique freine l'accroissement de la productivité. Le rapport constate l'absence d'éthique. En langage précis, il faut parler de corruption du commerce et de l'entreprise. Cela limite considérablement l'esprit d'entreprise et le développement d'un système financier comparable à celui que nous connaissons. Les investissements étrangers dans la région, c'est-à-dire 1 p. 100 seulement du flux total des investissements étrangers directs dans le monde, sont situés au Moyen-Orient.
La cohésion sociale entre les divers segments de la société est grandement amoindrie, provoquant ainsi une série de conflits régionaux ou locaux. Certains d'entre vous voudront certainement parler de la violation des droits de la personne.
(1750)
Je vous ai parlé de la faiblesse du système d'éducation, même si l'on constate une certaine amélioration par rapport au début des années 60. Quelles sont les recommandations de ce rapport? Le rapport conclut que la région a réduit considérablement la pauvreté — ils l'ont reconnu — et les inégalités au XXe siècle. Elle pourra peut-être continuer sur cette lancée au XXIe siècle. Les auteurs ne croient pas que les revenus provenant de l'exploitation pétrolière peuvent mettre fin à la pauvreté ainsi qu'aux problèmes de développement durables de ces pays.
Premièrement, le monde arabe est extrêmement dépendant du pétrole, qui constitue 70 p. 100 des exportations de cette région.
[Traduction]
Son Honneur le Président: Je regrette de devoir interrompre le sénateur, mais le temps mis à sa disposition est écoulé.
[Français]
Le sénateur Nolin: Merci, honorables sénateurs. Soixante-dix pour cent des revenus tirés du pétrole sont investis ailleurs. Deuxièmement, une grande partie des recettes provenant de l'exploitation pétrolière sont investies à l'étranger et en concentrant ses énergies sur l'exploitation pétrolière, le monde arabe s'est tenu à l'écart du mouvement de mondialisation des marchés.
Toujours selon ce rapport, la croissance économique à elle seule n'aidera pas non plus à mettre la région sur la voie du développement durable. En ce sens, le rapport recommande plutôt les solutions suivantes pour améliorer le développement humain au Moyen-Orient.
La première recommandation de solution est la fin du conflit israélo-palestinien. Selon un communiqué du PNUD publié au moment du dépôt du rapport, cet organisme des Nations Unies nous disait que le conflit est un facteur qui contribue au déficit démocratique de la région, parce qu'il est l'une des causes de l'échec du développement et qu'en même temps il sert d'alibi. Il perturbe les priorités politiques nationales et retarde le développement politique de l'ensemble de la région.
La deuxième recommandation de solution est la réforme des institutions politiques, administratives et juridiques dans le respect des traditions religieuses et culturelles. Il y a un choc culturel et religieux fort important dans cette région. Cela ne doit pas nous empêcher d'entamer des consultations dans le respect de l'égalité des individus.
Il faut favoriser l'avancement de la démocratie des droits de l'homme et de l'initiative individuelle tout en promouvant l'émancipation des femmes, la déréglementation, l'accroissement de la place du secteur privé dans l'économie et la transparence dans la gestion des affaires économiques, publiques et budgétaires.
La troisième recommandation de solution est de faire des investissements importants dans les secteurs de l'éducation, la production de livres scolaires, de la culture, de la santé, de la recherche et du développement, de la promotion de l'Internet et d'autres technologies de l'information, afin d'accroître le taux d'alphabétisation et d'éducation de la population arabe. Donc, un investissement massif dans l'économie du savoir est indispensable.
Honorables sénateurs, j'aurais beaucoup à ajouter. Je vous ai demandé votre indulgence pour parler quelques minutes de plus. Je veux encore une fois remercier le sénateur Prud'homme d'avoir fait cette interpellation. Il n'y a pas de doute que les Canadiens et les parlementaires canadiens doivent participer à cette réflexion que le sénateur nous invite à entreprendre. J'espère que le gouvernement du Canada prendra acte et bonne note des recommandations qui sortiront de ce débat.
[Traduction]
L'honorable Marcel Prud'homme: Comme les sénateurs peuvent le constater, il est possible de parler calmement du Proche-Orient en ménageant toutes les susceptibilités.
Je remercie beaucoup le sénateur pour son intervention fort encourageante. J'espère que d'autres sénateurs participeront au débat avant que je ne donne moi-même mon avis. Je le ferai d'un autre angle, mais le sénateur a abordé le principal problème qui m'a d'abord amené à parler de cette question.
Le sénateur n'ignore pas que le problème a commencé, du moins en partie, avec la fameuse résolution des Nations Unies du 29 novembre 1947, qui divisait la Palestine entre les Juifs et les Palestiniens. Lester B. Pearson a favorisé cela. La résolution avait été en partie rédigée par le juge Rand, de la Cour suprême du Canada. Je demande aux sénateurs d'examiner cet aspect, puis de rendre hommage à d'autres de nos collègues.
Les honorables sénateurs ne le savent peut-être pas, mais le sénateur Keon jouit d'une réputation extraordinaire en Arabie Saoudite. Il a enseigné là-bas et les gens parlaient de lui en termes très élogieux. Il a joué un rôle dans la formation de nombreux cardiologues de ce pays. Je tiens à rendre hommage au sénateur Keon. Je profite de l'occasion pour le remercier en leur nom. Je le remercie aussi en mon nom personnel. Il a transcendé la politique; c'est un grand professionnel.
[Français]
Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, je vais tenter une réponse à cette question.
[Traduction]
Si la seule façon de trouver une solution viable consistait à se tourner vers le passé, je pense que pareille approche échouerait. Ce qui est important, c'est de demander aux Canadiens de ne pas imposer leurs valeurs, mais de se servir de leurs valeurs pour essayer de comprendre la situation dans cette région.
Une délégation du Sénat a été dans cette partie du monde il y a quelques années. Le Président de l'époque nous accompagnait, tout comme les sénateurs Rompkey, Prudhomme et Milne.
La réalité culturelle de l'Arabie saoudite ressemble à celle de ses pays voisins. Il est important d'essayer de comprendre leur réalité. Depuis 1947, ils ont eux aussi évolué, un peu, dans certains domaines, et beaucoup, dans d'autres. Il serait inopportun de s'attarder sur ce qui est arrivé il y a 55 ans. Nous devons nous joindre à eux pour trouver une solution pacifique.
(Sur la motion du sénateur Prud'homme, le débat est ajourné.)
[Français]
LES TRAVAUX DU SÉNAT
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois que l'on pourrait trouver consentement pour reporter tous les points à l'ordre du jour qui n'ont pas été abordés aujourd'hui à la prochaine séance du Sénat sans qu'ils perdent leur place respective au Feuilleton.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
L'AJOURNEMENT
Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose:
Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à mardi prochain, le 1er avril 2003, à 14 heures.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
(Le Sénat s'ajourne au mardi 1er avril 2003, à 14 heures.)