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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 58

Le mardi 27 mai 2003
L'honorable Dan Hays, Président


LE SÉNAT

Le mardi 27 mai 2003

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

QUESTION DE PRIVILÈGE

AVIS

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 43(3) du Règlement, j'ai déjà avisé le greffier de mon intention de soulever aujourd'hui une question de privilège concernant la divulgation non autorisée d'un rapport provisoire confidentiel du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.

[Français]

Lorsque le Sénat m'y invitera plus tard, aujourd'hui, je vous résumerai les détails de l'affaire et les étapes que nous entendons suivre.

[Traduction]

PROTÉGER LA DÉMOCRATIE CANADIENNE: LE SÉNAT, EN VÉRITÉ...

LE LANCEMENT DU LIVRE

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, je suis ravi d'annoncer, au nom des honorables sénateurs Lowell Murray et Michael Pitfield, que, au terme de nombreux mois et années de travail, le fruit de nos efforts s'est finalement concrétisé par la publication d'un ouvrage, dans les deux langues officielles, intitulé Protéger la démocratie canadienne: le Sénat, en vérité...

Des voix: Bravo!

Le sénateur Joyal: Cet ouvrage est le fruit d'une entreprise non partisane. Le sénateur Lowell Murray y a prêté son style original et le sénateur Pitfield en a rédigé l'avant-propos. Il est publié conjointement par la maison d'édition McGill-Queen's University Press et par le Centre canadien de gestion, ou CCG. Comme c'est le CCG qui s'est occupé des droits d'auteur, aucun d'entre nous, il va sans dire, ne touchera de recettes, de redevances ou de droits d'auteur au titre de cet ouvrage.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Joyal: D'autre part, nous devons aujourd'hui remercier les sept éminents professeurs canadiens qui ont contribué à la rédaction de cet ouvrage, des professeurs des universités du Manitoba, de la Saskatchewan, de McMaster's, de Queen's et, bien sûr, de l'École nationale d'administration publique, au Québec.

Honorables sénateurs, ce livre est important car vous êtes nombreux à en avoir appuyé l'initiative. Certains d'entre vous nous ont conseillés, dont le sénateur John B. Stewart, de la Nouvelle-Écosse. Le sénateur Grafstein, le sénateur Pitfield et le sénateur Murray ont eux aussi pu participer à l'élaboration de cet ouvrage dès le début.

Je termine en citant un passage extrait de la conclusion. Il est question, dans cet ouvrage, d'une institution qui représente le principe du fédéralisme, d'un Sénat qui est fort différent de la caricature politique qu'on en fait. Permettez-moi de vous rappeler cette conclusion essentielle. Le Sénat est complémentaire de la Chambre des communes. C'est une partie essentielle de la structure parlementaire. En tant que partie intégrante de ce système, il est appelé à jouer un rôle et à s'acquitter d'un mandat exceptionnels. À la page 328, la conclusion se lit en partie comme suit:

Les tentatives sérieuses et bien intentionnées de réforme du Sénat sont certes louables, mais elles ne sauraient servir de prétexte à l'affaiblissement de la protection constitutionnelle des intérêts régionaux, des droits des minorités et des droits de la personne, qui est intégré à notre processus législatif. Les Pères de la Confédération ont voulu un gouvernement qui exprimerait certaines valeurs. Ces valeurs ne reflètent en rien le libertarisme débridé de nos voisins du sud. Notre Constitution exprime plutôt des principes humanistes fondamentaux: reconnaissance et valorisation des droits des minorités linguistiques et culturelles; affirmation des identités régionales de préférence à l'assimilation et, plus récemment, la primauté des droits de la personne en regard des décisions et lois du gouvernement.

Honorables sénateurs, c'est avec grande fierté que je vous remercie tous et que je vous invite, après l'ajournement de notre séance de cet après-midi, à assister au lancement de ce livre dont un exemplaire vous sera gracieusement remis dans la langue de votre choix.

LA JUSTICE

LA LACUNE DU CODE CRIMINEL—LES CRIMES DE HAINE FONDÉS SUR L'ORIGINE NATIONALE

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, les Canadiens sont, depuis longtemps, fiers de leur liberté d'expression, de la possibilité qu'ils ont de s'exprimer sans crainte d'être censurés parce qu'une personne ou un groupe ne partage pas leur point de vue.

En même temps, les Canadiens comprennent que ce privilège implique certaines responsabilités. La plus importante est celle d'éviter de parler en public d'une manière qui puisse susciter la haine. Nous avons fièrement accepté des limites à notre liberté d'expression sous forme de lois criminelles visant à prévenir la pire des discriminations: l'incitation à la haine contre certaines personnes.

Conformément à l'article 319 du Code criminel, commet un délit grave quiconque «par la communication de déclarations en un endroit public, incite à la haine contre un groupe identifiable» par sa couleur, sa race, sa religion ou son origine ethnique. De toute évidence, honorables sénateurs, cette protection ne va pas assez loin. À l'autre endroit, un député a déposé un projet de loi d'initiative parlementaire proposant de modifier le Code criminel afin d'étendre la définition des groupes identifiables dans le domaine de la propagande haineuse. Le député propose d'inclure dans les motifs l'orientation sexuelle, afin de protéger les groupes identifiables par cette orientation. Mais un autre groupe doit être protégé, honorables sénateurs. Ce sont les gens qui se distinguent par leur origine nationale.

Le Code criminel n'accorde aucune protection à ceux qui peuvent être visés par une attaque verbale haineuse pour la simple raison qu'ils sont citoyens d'un pays particulier. Cette lacune a des conséquences réelles: elle permet à certains d'inciter à la haine contre les citoyens d'autres pays.

Nous pouvons en trouver un exemple clair dans l'incident qui s'est produit il y a deux ans, peu après les événements tragiques du 11 septembre 2001. L'ancienne présidente du Comité canadien d'action sur le statut de la femme avait lancé une attaque haineuse d'une virulence extraordinaire contre les Américains au cours d'une réunion publique tenue ici, à Ottawa. La police municipale a enquêté sur l'incident, comme crime de haine possible. Compte tenu de la lacune du Code criminel, qui ne mentionne pas l'origine nationale dans la définition des groupes identifiables, les déclarations venimeuses d'une horrible méchanceté de cette personne n'ont pas eu de conséquences.

En fait, honorables sénateurs, certaines personnes malavisées ont même pris sa défense au nom de la liberté d'expression, faisant abstraction du fait que si cette dame avait tenu les mêmes propos au sujet de personnes identifiables par leur origine raciale ou ethnique, elle aurait été inculpée de crime de haine.

(1410)

Nos bons amis, les Américains, ne méritent sûrement pas d'être traités de cette façon. Comme tous les citoyens du monde, ils méritent la même protection que nous offrons aux gens qui peuvent se définir par leur race, leur couleur, leur origine ethnique ou leur religion. On ne devrait pas permettre à des fanatiques d'inciter à la haine contre des personnes sur la base de leur pays d'origine.

Honorables sénateurs, il faudrait modifier l'article 319 du Code criminel afin de protéger nos amis américains et autres des comportements haineux. Je demande au gouvernement du Canada de remédier à cette lacune de notre législation contre la propagande haineuse.

[Français]

LE QUÉBEC

LE CENTRE LEONARDO DA VINCI À SAINT-LÉONARD

L'honorable Marisa Ferretti Barth: Honorables sénateurs, permettez-moi de prendre quelques minutes pour vous parler d'un projet fort ambitieux amorcé il y a quelques années et qui a vu le jour l'an dernier. Le Centre Leonardo da Vinci, situé dans la ville de Saint-Léonard, fête son premier anniversaire ce mois-ci. Son ouverture était attendue depuis fort longtemps.

Ce projet est devenu réalité grâce à la participation de toute la communauté italienne, à la collecte de fonds et à la persévérance des fiduciaires de la Fondation communautaire canadienne-italienne du Québec.

Le Centre Leonardo da Vinci est un centre multifonctionnel regroupant sous un seul toit plusieurs activités à caractère culturel, sportif et communautaire. On y trouve un théâtre inspiré de la Scala de Milan, une piazza pour déguster un café espresso dans une ambiance latine, un boulodrome pour pratiquer le «bocce», un club sportif, une chapelle, une galerie d'art, une garderie, un centre de formation et de congrès, un centre de jeunes, un centre administratif et une cour municipale.

À travers cette gamme d'activités, le Centre Leonardo da Vinci se veut avant tout un lieu vivant, convivial et récréatif permettant de rassembler les communautés et les générations autour d'une même passion.

Honorables sénateurs, j'aimerais souligner l'importance du nom du centre communautaire qui a été inspiré par le maître de la Renaissance, Leonardo da Vinci, sculpteur, peintre, architecte, ingénieur et scientifique. Son amour pour la connaissance et ses nombreux travaux ont marqué son époque et il a légué un patrimoine inestimable à la communauté mondiale.

Le Centre Leonardo da Vinci est une réussite pour l'ensemble de la communauté italienne qui, j'en suis sûre, permettra le rayonnement de la culture italienne. Je suis très fière de cette réalisation qui démontre qu'avec de la détermination et de la persévérance, saupoudrées d'une passion latine, tous les projets se réalisent.

[Traduction]

L'AGRICULTURE

L'ALBERTA—LE CAS D'ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, je saisis la première occasion qui m'est donnée, au retour du congé parlementaire, pour faire part à mes collègues des préoccupations de tous ceux dont la vie est bouleversée en Alberta, ma province, depuis la découverte d'un cas d'encéphalopathie spongiforme bovine, appelée communément la «maladie de la vache folle», et de souligner leur courage.

Bien que cet animal malade ne soit pas entré dans la chaîne alimentaire, son cas a entraîné l'abattage de plus d'un troupeau et la mise en quarantaine des troupeaux de 17 fermes, soit 12 en Alberta, deux en Saskatchewan et trois en Colombie-Britannique. Ce cas unique a entraîné la fermeture de nos frontières pour les exportations de bœuf vers les États-Unis, et certains de nos partenaires ont été invités à fermer leurs frontières aussi. Cette situation a des répercussions catastrophiques sur le secteur de l'élevage bovin au Canada de même que sur toutes entreprises et industries connexes.

Par ailleurs, il est évident que le système de zootechnie pratiqué au Canada par l'Agence canadienne d'inspection des aliments et ses partenaires provinciaux fonctionne bien. En outre, notre réputation d'excellence au plan de l'identification des animaux est à la hauteur puisque le système d'enquête en aval et en amont a permis de retracer les moindres éléments concernant la vache malade. La mise en quarantaine d'animaux pendant la période de dépistage fait ressortir les mesures de prévention de notre système.

Honorables sénateurs, le Canada est extrêmement bien servi grâce à la coopération et à l'amitié entre deux ministres de l'Agriculture dévoués: Lyle Vanclief, du gouvernement fédéral, et son homologue Shirley McLellan, en Alberta. D'autres sont intervenus à mesure que la situation évoluait. Ils se sont montrés francs, honnêtes et dévoués dans leurs efforts en vue d'établir un climat de coopération et dans leur souci d'obtenir des résultats dans cette situation extrêmement difficile et dangereuse.

Les États-Unis, la Grande-Bretagne et d'autres de nos partenaires commerciaux nous ont aussi donné une aide rapide et utile. Les fermiers concernés ont aussi réagi de façon très coopérative.

Il est certain que nous pouvons tous imaginer l'angoisse que vivent ceux et celles qui doivent faire abattre leurs bêtes, qui voient des maisons d'encan désertées, des usines de transformation de la viande fermer leurs portes et des postes d'alimentation envahis par des animaux qui n'ont pas de place où aller. Les fermiers directement touchés recevront une indemnisation pour les animaux qu'ils ont perdus.

J'espère que les divers ordres de gouvernement collaboreront pour trouver des moyens de venir en aide à ceux dont les moyens de subsistance sont brusquement perturbés par une situation sur laquelle ils n'exercent pas de prise. Je suis très sincère lorsque j'exprime ce voeu, car bon nombre de ces citoyens, de ces familles et de ces entrepreneurs vivent dans le sud de l'Alberta.

Nous voulons tous, j'en suis persuadée, que ce cauchemar prenne fin très bientôt dans l'intérêt de tous les Canadiens, peu importe où ils vivent et travaillent, et dans l'intérêt de notre pays pour qu'il demeure fort.


AFFAIRES COURANTES

LE BUDGET DES DÉPENSES DE 2003-2004

PRÉSENTATION DU DEUXIÈME RAPPORT INTÉRIMAIRE DU COMITÉ DES FINANCES NATIONALES

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le sixième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui porte sur le Budget des dépenses 2003-2004, deuxième rapport intérimaire.

(Le texte du rapport figure en annexe, à la page 854 des Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons- nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Murray, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

EXAMEN DE LA RÉGLEMENTATION

AUTORISATION AU COMITÉ MIXTE DE PERMETTRE LA DIFFUSION DE SES DÉLIBÉRATIONS

L'honorable Wilfred P. Moore: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, et nonobstant l'alinéa 58(1)i) du Règlement, je propose:

Que le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation soit autorisé à permettre la diffusion de ses délibérations publiques du jeudi 29 mai 2003 par les médias d'information électroniques, de manière à déranger le moins possible ses travaux.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(1420)

PEUPLES AUTOCHTONES

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À REPOUSSER LA DATE DE PRÉSENTATION DE SON RAPPORT FINAL SUR L'ÉTUDE SUR LES JEUNES AUTOCHTONES VIVANT EN MILIEU URBAIN

L'honorable Thelma J. Chalifoux: Honorables sénateurs, je donne avis qu'à la prochaine séance du Sénat, je proposerai:

Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le 29 octobre 2002, l'on repousse au 30 octobre 2003, au lieu du 27 juin 2003, la date de présentation du rapport final du Comité sénatorial des peuples autochtones sur les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain.


PÉRIODE DES QUESTIONS

L'AGRICULTURE

L'ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE—LES RESTRICTIONS COMMERCIALES IMPOSÉES PAR LES ÉTATS-UNIS

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur l'enquête que mène l'Agence canadienne d'inspection des aliments sur le cas d'ESB qui a été découvert récemment en Alberta. Comme nous l'avons appris dans la presse à ce sujet, les États-Unis ont envoyé des représentants pour participer à cette enquête pour déterminer l'origine du cas d'ESB découvert en Alberta. Selon la Fédération canadienne pour l'exportation de bœuf, les États-Unis veulent que le gouvernement fédéral respecte d'importantes conditions, notamment le traçage et l'abattage de la progéniture de la vache atteinte ainsi que le traçage de tous les animaux qui pourraient avoir consommé de la nourriture contenant des produits provenant de la vache atteinte de l'ESB.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire quelles conditions le Canada doit respecter avant que les Américains soient prêts à certifier que notre bœuf et nos produits du bœuf peuvent être exportés en toute sécurité vers les États-Unis? Le gouvernement américain nous a-t-il fait part de ces renseignements et les Américains veulent-ils également qu'on leur fournisse des assurances quant au système de réglementation du bœuf canadien?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je remercie le sénateur de sa question. Il importe de noter que le Canada possède un des meilleurs systèmes de traçabilité du boeuf au monde. Il est meilleur que celui qui existe aux États-Unis. Pour répondre à la question du sénateur, c'est exactement ce que font actuellement les gouvernements fédéral et provinciaux. C'est pour cette raison que 17 troupeaux ont été mis en quarantaine et qu'un troupeau a été entièrement détruit. Les analyses révèlent qu'une seule vache a été infectée.

Je crois savoir qu'un autre troupeau sera détruit aujourd'hui ou demain et que ces vaches feront également l'objet d'analyses. Les autorités effectuent des analyses pour trouver la source de la maladie et pour déterminer s'il y a eu transmission de la maladie. Par exemple, nous savons que la vache infectée par l'ESB a vécu dans plusieurs fermes, d'où la mise en quarantaine de ces fermes. Les autorités cherchent maintenant à savoir où se trouve sa progéniture. Ces vaches ont été retracées, et c'est pourquoi les bovins d'autres fermes ont été mis en quarantaine.

Le sénateur a raison de dire que les Américains ont dépêché des gens, à notre demande, car la chose la plus importante que nous devons faire aussi rapidement que possible et en toute sécurité, c'est rouvrir la frontière canado-américaine, car 80 p. 100 de nos exportations de boeuf vont aux États-Unis. De toute évidence, nous allons respecter les critères qu'ils ont fixés, s'ils sont raisonnables.

Le sénateur Oliver: Madame le leader peut-elle nous donner l'assurance aujourd'hui qu'elle examinera les mesures que le gouvernement du Canada prend pour expliquer à notre partenaire commercial, les États-Unis d'Amérique, que notre boeuf ne présente aucun danger et pour l'informer des progrès de l'enquête sur l'origine de l'EBS qui a été découverte en Alberta?

Enfin, madame le ministre peut-elle commenter la pratique courante qui consiste à utiliser les restes de vaches malades pour nourrir des non-ruminants, comme des poulets, des chiens et des chats? Comme il est possible que cette nourriture se retrouve de nouveau dans la chaîne alimentaire des ruminants, le gouvernement va-t-il réévaluer cette pratique?

Le sénateur Carstairs: On peut facilement répondre à la première question de l'honorable sénateur. Hier, j'ai rencontré le ministre de l'Agriculture pour être mieux informée. Il a laissé entendre que son homologue américain et lui-même étaient sur la même longueur d'onde. Ils ont échangé leurs numéros de téléphone cellulaire et discutent quotidiennement. De cette façon, les communications seront maintenues. Il est important également de savoir que c'est le gouvernement canadien qui a informé le gouvernement américain de ce qui se passait dans ce cas-ci.

En ce qui concerne l'utilisation de farine animale dérivée de ruminants, comme l'honorable sénateur le sait, cette farine ne peut être donnée qu'aux non-ruminants. La Grande-Bretagne est le seul pays du monde qui ne permet pas cette pratique. Manifestement, une fois que nous aurons fait la lumière sur toute cette affaire, la politique permettant l'utilisation de produits d'équarrissage de ruminants pour l'alimentation des poulets, des cochons, des chiens et des chats devra également être évaluée.

LA SANTÉ

L'ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE—LA MISE EN OEUVRE DES RECOMMANDATIONS DE L'UNION EUROPÉENNE

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, il y a quelques années, j'ai posé une question au Sénat quant à savoir si le gouvernement tenait compte des recommandations de l'Union européenne touchant particulièrement le Canada pour prévenir l'ESB. Les scientifiques de l'Union européenne ont examiné nos méthodes de prévention et ont découvert qu'elles devaient et pouvaient être améliorées. Ils ont formulé un certain nombre de recommandations dans un rapport publié en juillet 2000. Ils ont indiqué que nous devrions cesser l'équarrissage de certains organes de bovins, comme la cervelle et la moelle épinière, qui risquent le plus de transmettre la maladie de la vache folle, que nous devrions cesser l'équarrissage de tous les animaux morts ou malades, que nous devrions exiger que nos établissements d'équarrissage utilisent de meilleures procédures permettant mieux de désactiver l'ESB, que nous devrions améliorer le respect de l'interdiction d'utiliser des restes de ruminants pour nourrir des ruminants, interdiction qui est en place depuis 1997 selon le gouvernement, et que nous devrions nous pencher sur la contamination croisée possible dans 11 de nos 13 usines d'équarrissage, dans environ 600 fabriques d'aliments pour bétail et dans des milliers de camions, chaque fois que les aliments pour le bétail ne sont pas séparés des aliments pour les cochons ou la volaille.

La réponse du gouvernement il y a plusieurs années — et je ne veux pas la citer — a été vague et elle a consisté fondamentalement à rejeter ces recommandations. En d'autres termes, il n'a pas voulu examiner ces recommandations de l'Union européenne.

En mai 2000, il y a trois ans, le gouvernement a reconnu que Santé Canada effectuait une évaluation scientifique du risque de l'utilisation des cervelles et des moelles épinières de bovins canadiens. Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait- elle nous faire part aujourd'hui des résultats de cette évaluation des risques et nous dire si le gouvernement a adopté l'une ou l'autre de ces mesures raisonnables que le comité de l'Union européenne a recommandées il y a trois ans?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je peux dire à l'honorable sénateur que les usines d'équarrissage effectuent un examen visant à repérer la présence de cervelle et de moelle. Toutefois, c'est un examen à vue. Il existe, semble-t-il, un nouveau mécanisme de vérification permettant d'identifier ces restes, et le gouvernement songe sérieusement à en imposer l'adoption à l'échelle du pays pour être en mesure de savoir s'il y a des restes de cervelle ou de moelle dans les aliments.

C'est une question très importante. Comme le sait l'honorable sénateur, mais je pense que certains de ses collègues ne sont pas au courant de ce fait, les restants de cervelle et de moelle peuvent contribuer à la transmission de l'ESB. C'est pourquoi le gouvernement se penche sur cette question.

Je n'ai pas de renseignements concernant les résultats de l'évaluation du risque, mais je les obtiendrai pour elle.

Le sénateur Spivak: Des chercheurs se penchent sur la question de la cervelle et de la moelle, mais le ministère n'a pas encore interdit leur utilisation, comme il a été recommandé. Qu'en est-il des autres recommandations, notamment celles concernant l'interdiction d'équarrir des animaux morts subitement ou malades, la contamination croisée et l'amélioration de la conformité? Madame le leader du gouvernement au Sénat sait-elle si l'on a mis en oeuvre ou si l'on songe à mettre en oeuvre les mesures recommandées il y a trois ans? Où en est-on sur ce plan?

(1430)

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, le sénateur mentionne à juste titre que la cervelle et la moelle épinière n'ont pas été interdites, mais elles sont retirées lorsqu'il y en a, et elles n'aboutissent donc pas dans les aliments. Toutefois, comme je l'ai indiqué, on ne procède qu'à une vérification visuelle. Il semble cependant que la science a progressé au point où un test physique des produits de l'équarrissage permet de déterminer s'ils renferment de la cervelle ou de la moelle épinière. C'est ce qui est envisagé à l'heure actuelle.

Quant aux autres recommandations faites par l'UE, elles n'ont pas encore été mises en oeuvre parce que l'on ne jugeait pas qu'elles étaient nécessaires au Canada. Toutefois, compte tenu de ce qui s'est produit, il faudra maintenant clairement procéder à toutes les réévaluations nécessaires.

[Français]

L'AGRICULTURE

L'ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE—LES INDEMNITÉS AUX PROVINCES INDIRECTEMENT AFFECTÉES

L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, lorsque le gouvernement examinera le régime d'indemnisation pour les producteurs pénalisés par cet indicent malheureux, tiendra-t-il compte non seulement des provinces directement concernées par cet état de choses mais aussi des provinces qui en auront été indirectement affectées? L'Union des producteurs agricoles du Québec, par exemple, est très inquiète de cette situation, car depuis cet incident, toutes les transactions sur les bovins de boucherie ont été suspendues. Tout retard dans ce domaine cause un tort considérable à l'ensemble des producteurs. Les provinces maritimes et l'Ontario, entre autres, partagent certainement cette inquiétude.

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Le sénateur Rivest a posé une question fort importante. Même si c'est une vache de l'Alberta qui a été diagnostiquée porteuse de l'EBS, l'interdiction imposée par les États-Unis, pays destinataire de 80 p. 100 de nos exportations, et par d'autres pays dont la mesure aura franchement un impact économique beaucoup moindre, affecte non seulement les éleveurs de la province d'Alberta, mais aussi tous les éleveurs de bétail du pays.

En premier lieu, tous les sénateurs doivent savoir que les éleveurs dont le bétail a dû être abattu sont assurés jusqu'à un maximum de 2 500 $ par tête. On examine chaque animal pour en déterminer la valeur. Autrement dit, une bête est évaluée avant d'être abattue. De toute évidence, un veau vaut moins qu'une vache adulte. Ceux qui ont perdu des animaux obtiendront donc un dédommagement.

Le gouvernement étudie la façon de procéder pour aider les éleveurs qui pourraient être affectés par cette pénible situation. Tout dépendra de la durée de l'interdiction. Si l'interdiction est brève, les pertes seront minimes. Si elle se poursuit pendant longtemps, et nous espérons que ce ne sera pas le cas, nous devrons étudier attentivement la question de l'indemnisation.

LA SANTÉ

LE SYNDROME RESPIRATOIRE AIGU SÉVÈRE—LA RÉACTION À LA NOUVELLE FLAMBÉE ÉPIDÉMIQUE

L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, malheureusement, il semble y avoir une recrudescence du SRAS dans les hôpitaux de l'agglomération torontoise, et plus précisément à l'hôpital général North York, à l'hôpital de réadaptation St. John's et à l'hôpital de Scarborough. Je crois savoir qu'on signale de nouveaux cas aujourd'hui.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle dire si de nouvelles mesures ont été prises pour s'attaquer promptement au problème ou si celles qui étaient en place avant que nous ne croyions le problème maîtrisé ont été rétablies?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, l'honorable sénateur nous parle d'un problème que nous pensions tous bien réglé. Jusqu'à l'annonce des cas les plus récents, seulement sept patients atteints du SRAS étaient toujours hospitalisés. Nous savons maintenant qu'il y a huit autres cas probables et 26 cas suspects. Des centaines de Canadiens se sont isolés volontairement à cause de cette nouvelle flambée épidémique.

On peut sans doute dire que la bonne nouvelle, c'est que la maladie est toujours limitée au secteur hospitalier. Elle ne s'est pas répandue dans l'ensemble de la population. La mauvaise nouvelle, c'est que, apparemment, les restrictions ont été levées trop tôt. Il n'aurait pas fallu dire que le problème était réglé avant qu'il ne le soit complètement.

L'honorable sénateur pose une question sur les normes en place. Il se rappellera qu'il y a eu deux séries de normes. La première a été déclarée inadéquate, et les normes plus exigeantes et, peut-on espérer, assurant des risques moins élevés pour les personnes mises en contact avec la maladie, ont ensuite été adoptées. Ces normes ont ensuite été relâchées, et voici que nous avons une nouvelle flambée épidémique. Nous avons rétabli les normes beaucoup plus rigoureuses. C'est pourquoi certains hôpitaux refusent de nouveau d'admettre des visiteurs, parfois dans certains services, parfois dans l'ensemble de l'hôpital.

Le sénateur Keon: Honorables sénateurs, il semble que la source de cette nouvelle flambée épidémique soit liée à un homme âgé, à l'hôpital général de North York, chez qui on avait diagnostiqué une pneumonie postopératoire. Par contre, on ne distingue pas nettement où ce patient aurait été infecté. Madame le leader pourrait-elle nous éclairer?

Le sénateur Carstairs: Le sénateur a raison: le lien n'est pas tout à fait clair pour le moment. Je crois comprendre que cela tient en partie à l'état de la personne en question. Il s'agit d'un homme de 96 ans qui souffrait de multiples complications. C'est pour cela que le SRAS n'a malheureusement pas été diagnostiqué. Comme on a cru qu'il souffrait d'une pneumonie postopératoire, il avait déjà été en contact avec un grand nombre de personnes lorsqu'on a vérifié s'il était atteint du SRAS.

Malheureusement, on ne sait toujours pas comment il a contracté le SRAS. Toutefois, je communiquerai cette information dès que nous l'aurons reçue.

LE SYNDROME RESPIRATOIRE AIGU SÉVÈRE—LA RÉACTION DE L'ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ À LA NOUVELLE FLAMBÉE ÉPIDÉMIQUE—LA RÉDUCTION DES MESURES DE DÉPISTAGE

L'honorable Brenda M. Robertson: Compte tenu des nouveaux cas de SRAS, honorables sénateurs, l'Organisation mondiale de la santé a remis Toronto sur sa liste d'endroits où la maladie se propage. Lorsque l'Organisation mondiale de la santé a recommandé aux voyageurs d'éviter cette ville, le mois dernier, elle l'a fait sans même aller constater par elle-même quelle était la situation à Toronto. Toutefois, on a exprimé des inquiétudes sur l'ampleur de l'interaction entre les hauts fonctionnaires de Santé Canada et leurs homologues de l'Organisation mondiale de la santé.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire quelle est la nature de la communication avec l'Organisation mondiale de la santé et si l'on a demandé aux hauts fonctionnaires de celle-ci de venir constater par eux-mêmes quelle était la situation à Toronto?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur signale que l'OMS avait rayé Toronto de sa liste des pays à éviter par les voyageurs, de même que de sa liste des endroits touchés par le SRAS. Voici que Toronto est de nouveau sur cette liste des endroits touchés par le SRAS. Toutefois, la ville n'est visée par aucun avertissement aux voyageurs car, comme je l'ai dit au sénateur Keon, il est bien évident que cette infection se limite au milieu hospitalier et ne touche personne qui soit entré au Canada ou qui en soit sorti.

La ministre de la Santé est en communication avec les hauts fonctionnaires de l'OMS — nous ne voulons pas d'une autre rupture des communications — et les hauts fonctionnaires de l'OMS sont les bienvenus s'ils veulent venir à Toronto constater eux-mêmes la situation.

(1440)

Le sénateur Robertson: Honorables sénateurs, l'Organisation mondiale de la santé a toutefois décidé de lever l'avis déconseillant aux voyageurs de se rendre à Toronto le mois dernier, en partie parce que Santé Canada a promis de faire un meilleur contrôle des voyageurs à l'aéroport international Pearson. D'après les comptes rendus des médias de ce matin, la ministre de la Santé aurait dit que Santé Canada pourrait cesser d'utiliser cinq des douze appareils de dépistage du SRAS parce que les passagers se plaignent qu'ils sont trop intrusifs. Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire si l'Organisation mondiale de la santé a donné le feu vert à la réduction des mesures de dépistage du SRAS?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, des agents de quarantaine de Santé Canada restent en fonction à Vancouver, à Toronto et à l'aéroport de Dorval. Ces professionnels de la santé continuent de contrôler tous les passagers en provenance de pays touchés par le SRAS. Un agent de quarantaine évalue immédiatement tout passager à bord d'un vol en provenance de l'Asie et à destination du Canada si l'on découvre en cours de route qu'il est malade. Les voyageurs qui arrivent au Canada à bord de vols directs en provenance de l'Asie doivent répondre à des questions clés qui ont rapport à la santé et qui figurent sur des avis jaunes d'alerte médicale. Les agents de bord demandent aux passagers de remplir un formulaire permettant aux autorités sanitaires de retracer les passagers. De nombreuses procédures ont été mises en place.

Des appareils permettant de vérifier la température sont en place. Il y en a six à Vancouver, six à Toronto, et les responsables en matière de santé surveillent leur efficacité et continueront de le faire.

LE SYNDROME RESPIRATOIRE AIGU SÉVÈRE—LES RÉPERCUSSIONS ÉCONOMIQUES

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, ma question concerne le même sujet, mais dans une optique différente. Le SRAS a refait surface à Toronto et il a intensifié les préjudices économiques, non seulement pour Toronto, qui est au coeur de la tourmente, mais aussi pour l'ensemble de l'industrie du voyage et du tourisme partout au Canada. Toutes les régions du Canada sont profondément affectées ce printemps. Madame le leader du gouvernement peut-elle nous dire quels sont les plans du gouvernement fédéral pour venir en aide aux travailleurs et aux petits entrepreneurs, à Toronto notamment?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je puis dire au sénateur qu'un comité spécial du Cabinet a été formé sous la direction du ministre Rock pour examiner les difficultés qui, comme le sénateur l'a si sagement dit, ont un effet non seulement sur Toronto, mais sur tout le pays. Les secteurs de l'aviation et du tourisme ainsi que de nombreux travailleurs en ont souffert.

LES PÊCHES ET LES OCÉANS

LA COLOMBIE-BRITANNIQUE—LES CONCOURS DE RECRUTEMENT AXÉS SUR LES CANDIDATS DES MINORITÉS VISIBLES

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Cette question a trait à un article du Victoria Times Colonist intitulé «Il n'y a pas de place pour les Blancs dans la fonction publique fédérale». On lit dans l'article que Kathy Trim, porte-parole de la Commission de la fonction publique du Canada, a admis qu'une offre d'emploi au ministère des Pêches et des Océans dont le salaire annuel est de 100 000 $ exclut la majorité des Canadiens qui sont Blancs. L'article se poursuit en ces termes:

... elle a dit que l'objectif — une fonction publique plus diverse du point de vue ethnique faisant appel aux talents des groupes sous-représentés — est d'élargir le bassin global de talents et, par conséquent, qu'il est conforme au principe du mérite.

La logique de cette affirmation m'échappe. L'article poursuit:

Si on examine la question au niveau des transactions individuelles, eh bien oui, il faut parfois un peu d'imagination pour le voir.

Mais nous regardons les choses d'un point de vue systémique, et le fait est que les minorités visibles sont sous- représentées dans la fonction publique.

Madame le ministre peut-elle expliquer aux sénateurs et aux Canadiens ce que c'est? Est-ce de la sociologie appliquée, de la rectitude politique ou de l'action positive à son plus haut niveau? Peut-elle nous expliquer tout cela?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est certainement de l'action positive fondée sur les principes du gouvernement du Canada, à savoir que nous devrions aider les membres des groupes sociaux qui ont été traditionnellement sous-représentés dans la fonction publique fédérale. C'est ce que tente de faire cette offre d'emploi, et j'espère que cela se traduira par une plus grande représentation des minorités visibles dans la fonction publique au Canada.

Je m'étonne que l'honorable sénateur ait pris la parole à ce sujet aujourd'hui; je m'attendais à ce qu'il se réjouisse du rapport préliminaire de l'OMC, selon lequel les droits compensatoires américains sur le bois d'oeuvre contreviennent aux règles de l'OMC.

Des voix: Bravo!

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, j'aurais dû le mentionner. C'est une grande victoire pour le Canada, une grande victoire pour nous tous. Félicitons-nous de la décision de l'OMC. Cela n'invalide toutefois pas ce que madame le leader vient de dire. Je crois sincèrement que nous devrions tendre la main, mais non pas au détriment du mérite, ce qui pourrait de toute évidence être le cas en l'occurrence.

Je voulais également signaler à l'honorable sénateur que l'article vise les femmes, les handicapés, les Autochtones et les minorités visibles non autochtones. Je suis moi-même un Autochtone, selon la définition de la Constitution, et je tiens à dire à madame le leader que je n'ai pas besoin d'un traitement spécial pour pouvoir me mesurer à elle ou à quelque autre personne de race blanche qui siège ici. Sachez que nous ne voulons pas de traitement spécial. Donnez- nous des règles du jeu équitables, et nous sommes prêts à nous mesurer à n'importe qui parmi vous. J'ai subi une expérience semblable quand j'étais dans l'aviation. Un jour, on m'a dit que parce que j'avais un nom canadien-français, et uniquement à cause de cela, j'avais de meilleures chances d'être promu. J'ai répondu que j'étais un aussi bon pilote et un aussi bon élève que n'importe qui et que je n'avais pas besoin d'un traitement spécial.

Si madame le sénateur pense devoir m'accorder un traitement spécial, je suis prêt à me mesurer à elle et à tout autre sénateur de race blanche à tout moment au cours de la semaine.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, il est clair que l'honorable sénateur est capable de soutenir la concurrence, pourvu que les règles du jeu soient équitables. Par ailleurs, je me suis moi- même déjà fait dire, au cours de ma carrière, que je ne pourrais accéder au poste de directrice adjointe d'école parce que j'étais une femme. Franchement, pour ce qui est de la nécessité, pour un gouvernement, de prendre des mesures d'action positive, il est évident que si nous traitions les membres des minorités visibles sur le même pied que les personnes de race blanche au Canada, ils occuperaient un pourcentage adéquat des emplois dans la fonction publique, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Forrestall: Ce n'est pas ce qui s'est passé en Nouvelle- Écosse.

Le sénateur Carstairs: Non, en effet. Mais ce fut le cas en Alberta.

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA—LES ACCUSATIONS CONTRE EUROCOPTER

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous confirmer que la Gendarmerie royale du Canada a déposé des accusations de fraude contre Eurocopter du Canada?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Non, honorables sénateurs, je ne suis pas en mesure de confirmer cette information. Il est manifeste que seule la GRC pourrait le faire.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, j'avais l'impression que la GRC rendait compte à quelqu'un une fois de temps en temps. Madame le leader du gouvernement pourrait-elle dire à la Chambre pourquoi une société accusée de fraude ou faisant face à des accusations de fraude serait autorisée à soumissionner pour le remplacement des hélicoptères maritimes Sea King alors que dans la demande de propositions de l'hélicoptère maritime, volume 1, Instructions générales aux soumissionnaires, il est indiqué que le Canada rejettera les offres des entreprises ayant commis des fraudes dans le passé? Je demande à nouveau au leader du gouvernement de nous expliquer pourquoi on semble fléchir les règles en faveur d'Eurocopter.

Le sénateurs Carstairs: Honorables sénateurs, avec tout le respect que je porte à l'honorable sénateur, je lui rappelle que je crois en la primauté du droit. Et le droit dit que toute personne ou société accusée d'une infraction criminelle est innocente jusqu'à preuve du contraire. Il est donc contraire à nos principes démocratiques de supposer qu'une personne physique ou morale est coupable de fraude du simple fait qu'elle a pu être accusée de fraude.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, je vais citer un passage de la demande de propositions du gouvernement:

Des preuves de fraude, de corruption ou de fausse déclaration ou des preuves confirmant l'incapacité de respecter des lois protégeant les personnes contre toute forme de discrimination ont été déposées à la satisfaction du Canada [...]

Des preuves déposées à la satisfaction du Canada, voilà sur quoi je fonde ma question. Je saurais gré au leader du gouvernement de bien vouloir obtenir des informations à ce sujet et nous dire, à une date ultérieure, si des accusations ont été portées et s'il y a eu effectivement des suites.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je peux certainement aller aux renseignements pour mon honorable collègue, mais je crois bien que si une société de cette nature avait fait l'objet d'accusations, les journaux se seraient empressés assurément de les publier. Je dirais au sénateur que, selon nos principes juridiques, une condamnation serait considérée comme une preuve à la satisfaction du Canada dans la plupart des circonstances.

(1450)

LE CONSEIL DU TRÉSOR

LE RAPPORT DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE—L'EFFET DU PROCESSUS DE RECLASSIFICATION SUR LES PROMOTIONS

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Voici un extrait du rapport de la vérificatrice générale qui vient d'être rendu public ce matin:

Au cours des dix dernières années, le Secrétariat n'a pas exercé suffisamment de contrôle sur la classification des postes dans la fonction publique pour s'assurer que les postes étaient classifiés de façon appropriée. De 1993 à 1999, quelque 28 000 promotions, soit près du tiers de toutes les promotions, ont été accordées par reclassification de postes occupés. Le Secrétariat ne connaît pas le nombre de ces postes qui pourraient être surclassifiés. La classification et la rémunération étant étroitement liées, le gouvernement court donc le risque de trop payer certains de ses employés.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire pourquoi le gouvernement n'a pas pris des mesures adéquates pour contrôler la reclassification? À combien le gouvernement estime-t-il la somme qu'il verse en trop pour la rémunération de certains de ses employés? Je sais que la ministre sera incapable de répondre à cette question.

La question qui se pose est la suivante: comment le gouvernement peut-il contrôler 28 000 promotions accordées par reclassification? Y a-t-il un processus de contrôle en cours actuellement ou un tel processus sera-t-il entrepris plus tard?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne m'attendais pas à ce que le sénateur donne toutes les bonnes nouvelles contenues dans ce rapport de la vérificatrice générale. Lorsque j'ai rencontré cette dernière hier, j'ai été agréablement surprise de voir qu'elle avait beaucoup plus de commentaires positifs que de commentaires négatifs à faire au sujet du gouvernement. C'est quelque chose d'assez inhabituel lorsque je rencontre la vérificatrice générale.

En ce qui concerne le processus de reclassification, je crois que le sénateur sait à quel point ce système est complexe. Dans bien des cas, la classification de certains postes n'a pas changé depuis 40 ans. Le gouvernement travaille activement à ce dossier depuis 1991. La présidente du Conseil du Trésor a annoncé en mai 2002 que le gouvernement ferait de son mieux en adoptant une approche étapiste adaptée aux divers groupes professionnels. C'est une question à laquelle on continue de travailler sans relâche et qui ne sera pas réglée facilement.

[Français]

LA DÉFENSE NATIONALE

L'ÉCRASEMENT D'UN CF-18 À COLD LAKE, EN ALBERTA

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, un triste incident s'est produit en Alberta. Il s'agit du CF-18 qui s'est écrasé au sol lors d'un exercice. Il y a toujours des risques lors d'un entraînement. Au nom de tous les honorables sénateurs, j'offre nos sincères condoléances à la famille du disparu.

Ma question est précise : étant donné que l'on ne connaît pas exactement les causes de l'écrasement de cet avion, le ministre de la Défense nationale envisage-t-il d'ordonner que les CF-18 — maintenant très âgés — soient laissés au sol jusqu'à ce que nous ayons obtenu une réponse satisfaisante?

[Traduction]

Comme on le dit en anglais, les avions sont interdits de vol jusqu'à ce qu'on en sache davantage. Tout semble tellement vague. Certains ont parlé de sabotage alors que d'autres ont évoqué la possibilité d'un problème de carburant. Nous avons en ce moment des problèmes dans l'Atlantique. Il est triste qu'il se soit produit un autre incident mettant en cause ces très vieux avions. A-t-on pris des mesures à cet égard?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie mon collègue de sa question. Je joins ma voix à la sienne — tout comme les autres membres du Sénat, j'en suis sûre —, afin d'exprimer nos condoléances à la famille et aux êtres chers du capitaine Kevin Naismith.

Comme les honorables sénateurs le savent, une enquête de sécurité de vol, qui prendra passablement de temps, est maintenant en cours. Nous n'avons aucune idée de la cause de cet incident. Cependant, nous savons que la structure du CF-18 est solide et qu'il continuera d'en être ainsi pendant plusieurs années.

Cela dit, un programme de modernisation est en cours. Honorables sénateurs, je veux qu'une chose soit très claire: l'incident en question est relié aux instruments de vol, plus particulièrement aux ordinateurs de bord, et n'a rien à voir avec la structure de l'avion proprement dite.

[Français]

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer en cette chambre trois réponses différées, soit une réponse différée à une question du sénateur Di Nino, posée le 1er avril 2003, concernant la guerre contre l'Irak et les activités de la Syrie, une réponse différée aux questions du sénateur Forrestall, posées le 6 mai 2003, concernant le projet des hélicoptères maritimes, et une réponse différée à une question du sénateur Keon, posée le 14 mai 2003, concernant l'effet des toxines de métaux.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LA GUERRE CONTRE L'IRAK—LES ACTIVITÉS DE LA SYRIE

(Réponse à la question posée le 1er avril 2003 par l'honorable Consiglio Di Nino)

Le gouvernement est au courant des préoccupations exprimées par le gouvernement des États-Unis relatives aux agissements de la Syrie durant le récent conflit en Irak. Le secrétaire d'État Colin Powell a visité Damas le 3 mai dernier. Il y a rencontré le président Bachar al-Assad et d'autres membres du gouvernement syrien. Ces réunions ont permis aux participants de faire part de leurs points de vue.

Toute allégation plausible à l'effet que le gouvernement de la Syrie ait fourni de l'équipement militaire à l'Irak ou qu'il en ait entreposé sur son territoire pour le compte de l'Irak générerait des inquiétudes sérieuses. Les sanctions de l'ONU visant l'ancien régime irakien interdisaient, entre autres choses, l'exportation d'équipement militaire en Irak.

Au cours du conflit, le Canada a appelé toutes les parties de la région à éviter une escalade de la situation. A la suite des hostilités, le Canada appelle tous les pays à soutenir l'effort pour restaurer la stabilité en Irak et dans la région. À cet égard, le gouvernement considère que la Syrie, en tant que seul pays arabe siégeant au Conseil de sécurité, peut agir de façon constructive et l'appelle à le faire.

LA DÉFENSE NATIONALE

LE REMPLACEMENT DES HÉLICOPTÈRES SEA KING—LE COURRIEL ADRESSÉ PAR L'AMBASSADEUR DE FRANCE AUX HAUTS FONCTIONNAIRES
DU CABINET DU PREMIER MINISTRE AU SUJET D'EUROCOPTER

(Réponses aux questions posées le 6 mai 2003 par l'honorable J. Michael Forrestall)

L'objectif du gouvernement est et sera toujours de doter les Forces armées canadiennes de bons appareils, et ce, le plus tôt possible et au meilleur coût.

Lorsque l'argent des contribuables est en jeu, le gouvernement doit s'assurer de choisir la bonne stratégie d'approvisionnement, et de la mettre en œuvre de façon appropriée. Les ministres doivent rendre compte de leur décision au Parlement et aux Canadiens. Les fonctionnaires doivent soutenir les ministres dans l'exercice de leurs fonctions, notamment dans la gestion de projets complexes d'acquisitions par l'État.

Les ambassadeurs ont pour mandat d'analyser et de rendre compte des questions d'importance pour le Canada et les pays où ils sont en poste. Ils ont également la responsabilité d'informer les gens d'affaires de ces pays des possibilités d'investissements au Canada, et de la transparence de la marche à suivre.

LA SANTÉ

L'EFFET DES TOXINES DE MÉTAUX

(Réponse à la question posée le 14 mai 2003 par l'honorable Wilbert J. Keon)

Santé Canada n'est pas d'accord avec l'interprétation des résultats du programme de l'étude sur l'alimentation totale sur les régimes alimentaires formulés dans le rapport d'Environmental Defence Canada.

Les scientistes de Santé Canada étudient les conséquences éventuelles d'une exposition alimentaire aux métaux lourds comme le plomb et le cadmium sur la santé depuis 1970. Les efforts de contrôle ont clairement démontré depuis ce temps une tendance à la baisse évidente des niveaux de ces métaux lourds. Ainsi, l'élimination de l'essence au plomb et le remplacement des boîtes de conserve soudées au plomb ont fortement contribué à la réduction des niveaux de plomb dans l'approvisionnement alimentaire. Malgré tous ces efforts, il importe de reconnaître que les métaux, par exemple, ceux décrits dans le rapport d'Environmental Defence Canada, se trouvent naturellement dans l'environnement; ils ne peuvent donc de ce fait disparaître complètement. Comme nous disposons maintenant de méthodes analytiques sophistiquées, nous pouvons trouver des traces de métaux en quantités infimes dans presque tous les aliments. Les niveaux de métaux des aliments vendus au Canada sont égaux ou inférieurs à ceux d'autres pays industrialisés comme les États- Unis, des pays de la Communauté européenne, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, le Japon, et cetera.

Des scientistes de Santé Canada ont également été membres de comités d'experts internationaux qui ont étudié les conclusions de recherches touchant la toxicité des métaux pendant de nombreuses années. Un de ces comités d'experts, connu sous le nom de Comité mixte d'experts FAO/OMS sur les additifs alimentaires, a fixé les niveaux tolérables hebdomadaires de consommation de métaux qui soulèvent le plus d'inquiétude en se basant sur:

(a) le poids de la preuve scientifique recueillie à ce jour à l'échelle mondiale;

(b) des facteurs de sécurité reconnus et raisonnables.

Des données de contrôle produites par Santé Canada ont démontré que l'exposition des consommateurs canadiens à ces métaux était en ce moment bien inférieure aux niveaux tolérables de consommation.

Malgré tous ces succès, Santé Canada reconnaît qu'il ne faut pas observer ce problème avec complaisance. Les scientistes de ce ministère continueront de surveiller étroitement les résultats des nouvelles recherches du monde entier touchant la toxicité de ces métaux.

De plus, surveiller les initiatives comme l'étude sur l'alimentation totale, un programme lancé vers la fin des années 1960, se poursuivra afin de s'assurer que les consommateurs canadiens ne sont pas exposés à des niveaux inacceptables de ces métaux ni d'autres contaminants chimiques.

[Traduction]

LE PROGRAMME D'ÉCHANGE DE PAGES AVEC LA CHAMBRE DES COMMUNES

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de vous présenter quelques pages invités de la Chambre des communes.

Je vais commencer par Catherine Holloway, de Beaconsfield, au Québec, qui étudie à la faculté des lettres et des sciences humaines à l'Université Carleton. Elle se spécialise en sciences humaines et en littérature anglaise.

[Français]

Nicolas Lavoie, de Cornwall, en Ontario, est inscrit à la faculté des arts de l'Université d'Ottawa. Il se spécialise en histoire. Je vous souhaite la bienvenue au Sénat.

[Traduction]

Enfin, nous avons Elizabeth Schwartz, d'Ottawa, en Ontario, qui étudie à l'Université Carleton avec spécialisation en gestion des affaires publiques.

Je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.


ORDRE DU JOUR

LA LOI SUR LA STATISTIQUE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Milne, appuyée par l'honorable sénateur Chalifoux, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi sur la statistique.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, les diverses questions entourant cette mesure législative ont été suffisamment étudiées et discutées. Les honorables sénateurs ont invoqué divers arguments importants concernant les difficultés qu'elle pose.

Par conséquent, les honorables sénateurs sont prêts à se prononcer.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kinsella: Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté avec dissidence.)

LA LOI SUR L'ENREGISTREMENT DES LOBBYISTES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Bill Rompkey propose: Que le projet de loi C-15 modifié, Loi modifiant la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, soit lu une troisième fois.

— Honorables sénateurs, on propose d'apporter une seule modification à ce projet de loi. Il s'agit d'appliquer l'expérience et les antécédents des anciens députés à la Chambre des communes non seulement aux lobbyistes salariés mais à tous les lobbyistes.

Lorsque nous avons été saisis du projet de loi, seuls certains lobbyistes étaient tenus de divulguer leur expérience antérieure. Cette modification vise tous les lobbyistes.

C'est la seule modification qui a été apportée au projet de loi. J'espère que les honorables sénateurs l'accepteront.

(1500)

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour prendre part au débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-15, modifiant la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Ce projet de loi et ses prédécesseurs reconnaissent que les activités des lobbyistes sont appropriées et légitimes. Le projet de loi C-15 s'emploie à accroître la transparence des activités de lobbying et l'efficacité de la loi qui les régit. En principe, le projet de loi C-15 réussit à ces deux égards. Lors des audiences du comité, cependant, les témoins nous ont fait part d'un certain nombre de préoccupations et je voudrais en citer trois, qui sont: la force exécutoire du code de déontologie des lobbyistes; la divulgation du coût des campagnes de lobbying; et l'exemption des lobbyistes de l'obligation de s'enregistrer si la communication avec le titulaire d'une charge publique se limite à une demande d'information.

Des avis contradictoires ont été exprimés au sujet de l'applicabilité du code de déontologie. À vrai dire, je ne suis pas convaincu qu'il ait vraiment force exécutoire. En outre, l'absence évidente de sanctions en cas de non-observation du code demeure préoccupante. Je demande instamment que l'on surveille l'application de ce code dans les mois et les années à venir pour en évaluer convenablement l'efficacité.

En outre, de nombreux témoins se sont déclarés préoccupés par la non-divulgation des coûts des campagnes orchestrées par les lobbyistes. Le gouvernement a répété maintes fois que le projet de loi C-15 accroîtra la transparence. Pourtant, lors de son témoignage, M. Rock a déclaré que la divulgation des budgets des lobbyistes n'améliorera pas la loi.

Je tiens particulièrement à ce que les lobbyistes divulguent leurs coûts, au vu notamment de la loi sur la réforme électorale et le financement des campagnes électorales qu'étudie l'autre chambre. Le projet de loi C-24 dont il s'agit supprime les dons faits par les entreprises aux partis politiques. Si le projet de loi est adopté, les fonds traditionnellement octroyés aux partis politiques pourraient se retrouver entre les mains des lobbyistes. Ce domaine doit être régulièrement et étroitement surveillé et faire l'objet de rapports, notamment lorsque la loi sera réexaminée dans cinq ans, ou avant si un problème est décelé.

Honorables sénateurs, la question de savoir si une demande de renseignements devrait déclencher l'enregistrement a été débattue à maintes reprises depuis que le projet de loi C-15 a été présenté. L'un des objectifs déclarés de cette mesure législative est de préciser clairement ce qui constitue du lobbying. Il reste à savoir si le projet de loi atteint cet objectif.

D'après plusieurs lobbyistes qui ont comparu devant le comité, chercher à obtenir des renseignements est une des activités importantes des lobbyistes. Il est parfois très difficile de distinguer où se termine une demande de renseignements et où commence le lobbying. Faire cette distinction est essentiel à la préservation de l'intégrité des interactions entre les lobbyistes et les titulaires de charges publiques. Une définition claire de ce que l'on entend par «demande de renseignements» tirerait la question au clair tant pour les lobbyistes que pour les fonctionnaires chargés de l'application de la loi.

Sous sa forme actuelle, le projet de loi C-15 n'exige pas des lobbyistes qu'ils s'enregistrent si les communications se limitent à une demande de renseignements. Il est clair que cette exception est importante. Je conviens que si toutes les demandes de renseignements déclenchaient l'enregistrement, le registre des lobbyistes déborderait d'entrées inutiles. Toutefois, malgré cela, de nombreuses préoccupations ont été exprimées quant à la possibilité d'abus de cette disposition que les lobbyistes pourraient utiliser comme excuse pour ne pas s'enregistrer.

Je vais être très clair. Les activités de lobbying, dans la vaste majorité des cas, ont été et continueront à être, j'en suis sûr, conformes à la loi et aux règles établies, et les lobbyistes, dans leur vaste majorité, reconnaîtront la valeur de l'enregistrement. Toutefois, nous devons nous préparer au cas où il y aurait une brebis galeuse. Donner une définition claire de ce qu'on entend par «demande de renseignements» contribuerait énormément à éliminer une telle échappatoire.

L'absence de consensus concernant ce qui constitue une «demande de renseignements» pourrait également avoir des conséquences importantes sur le plan juridique. M. John Chenier, qui suit depuis longtemps les activités des lobbyistes, a fait remarquer qu'essayer de poursuivre des lobbyistes en vertu de cette disposition pourrait se révéler très difficile à cause justement de l'absence d'une telle définition. Les tribunaux pourraient avoir autant de difficulté à cerner comment définir une demande de renseignements qu'ils en ont eue à essayer de déterminer ce qu'on entendait par l'expression «tenter d'influencer».

Par ailleurs, il semblerait que les lobbyistes eux-mêmes désirent une définition claire de ce qui constitue une demande de renseignements. Mme Carole Pressault, présidente de l'Institut des relations gouvernementales du Canada, une coalition de quelque 130 lobbyistes, a dit ceci:

Seules les activités qui représentent du lobbying, par opposition à la recherche ou à la collecte d'informations par exemple, devraient être signalées afin que la loi et le registre soient significatifs.

Nous sommes d'avis que la précision est un facteur essentiel en vue d'assurer la conformité à la réglementation. À cette fin, nous recommandons que le comité permanent charge le directeur de diffuser sans tarder un bulletin d'interprétation clarifiant ce qui constitue une communication restreinte à une demande de renseignements qui sera dispensée de l'enregistrement en vertu du nouvel alinéa 4(2)c) de la loi.

Honorables sénateurs, à mon avis, l'adoption du projet de loi C- 15 améliorera la loi portant sur les activités de lobbying, mais je crois que l'échappatoire créée par l'absence de définition claire des termes «demande de renseignements» et «renseignements» constitue une des grandes faiblesses de cette mesure législative.

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Consiglio Di Nino: De ce fait, je propose, avec l'appui du sénateur Murray:

Que le projet de loi C-15 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 3, à la page 2, par adjonction, après la ligne 19, de ce qui suit:

«(3) L'article 4 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (2), de ce qui suit:

(2.1) Le gouverneur en conseil doit, par règlement, préciser le sens de «renseignements» et déterminer les circonstances dans lesquelles une communication est réputée ne pas se limiter à une demande de renseignements pour l'application de l'alinéa (2)c).

(2.2) Avant la prise par le gouverneur en conseil du règlement prévu au paragraphe (2.1), le projet de règlement est déposé devant chaque Chambre du Parlement et est renvoyé au comité de celle-ci désigné ou constitué à cette fin.

(2.3) Le gouverneur en conseil prend le règlement prévu au paragraphe (2.1) dans les cas suivants:

a) aucune des deux Chambres du Parlement n'a donné son agrément au rapport du comité sur le projet de règlement dans les trente jours de séance de la Chambre suivant le dépôt du projet de règlement; dans ce cas, le règlement pris doit être conforme au projet déposé;

b) les deux Chambres du Parlement ont donné leur agrément au rapport du comité approuvant le projet de règlement; dans ce cas, le règlement pris doit être conforme au projet agréé;

c) l'une des deux Chambres du Parlement a donné son agrément au rapport du comité approuvant une version modifiée du projet de règlement; et l'autre Chambre a donné son agrément à la version modifiée; dans ce cas, le règlement pris doit être conforme à la version agréée.

(2.4) Pour l'application du paragraphe (2.3), «jour de séance» s'entend d'un jour où la Chambre visée siège.»

(1510)

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, est-ce que le sénateur Di Nino accepterait de répondre à une question? Je n'ai pas eu l'occasion d'examiner cet amendement. J'étais membre du comité, mais il est important que tous les sénateurs aient la possibilité d'étudier soigneusement cet amendement assez complexe. Le sénateur croit-il, comme moi, que la définition de la cible des lobbyistes met tout le monde dans le même sac, ministères, ministres, députés et sénateurs? L'honorable sénateur croit-il que cela soit indiqué, compte tenu de la division constitutionnelle des pouvoirs entre l'exécutif, la Chambre des communes et le Sénat?

Le sénateur Di Nino: Honorables sénateurs, le sénateur Grafstein et moi-même avons siégé au comité. Je me souviens que cette question y avait été soulevée. J'ai examiné particulièrement ces trois aspects au cours de ma participation aux travaux du comité. J'admets volontiers que, sur le plan du lobbying, il y a une différence entre un ministre et un sénateur. Non seulement je suis d'accord avec le sénateur Grafstein à ce sujet, mais je souhaite en outre qu'il propose un amendement à cet effet, que je serais heureux d'appuyer.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, j'ai une dernière question au sujet de la portée du projet de loi, qui est plus étendue que toute autre. Elle comprend toute discussion et toute forme d'examen anticipé d'une politique future. L'honorable sénateur ne craint-il pas que des dispositions aussi vastes soient presque impossibles à appliquer à cause du caractère vague des limites énoncées dans le projet de loi?

Le sénateur Di Nino: Encore une fois, je suis d'accord en général avec l'honorable sénateur sur ce point. Je suis préoccupé par le fait que le projet de loi soit étudié à toute vitesse, alors qu'il a des répercussions sur les membres des deux Chambres du Parlement et, en fait, sur chacun des employés du gouvernement du Canada. Le Sénat connaît la réponse de ceux à qui on a posé des questions à ce sujet. Le projet de loi est à l'étude depuis quelques mois.

De toute évidence, le sénateur Grafstein siégeait comme moi au comité. Je crois bien sûr que la question nécessite beaucoup plus de réflexion. J'aurais pu proposer un amendement sur les trois points que j'ai soulevés ainsi que sur d'autres aspects mentionnés au cours de l'étude en comité. Le problème est qu'une fois adopté, le projet de loi sera presque impossible à modifier parce que toute observation ou toute critique serait considérée comme intéressée. Toute personne directement en cause serait accusée d'être en situation de conflit d'intérêts ou d'essayer de se dégager de ses responsabilités, ce qui est loin d'être le cas.

Les honorables sénateurs ont entendu plus d'une fois, durant les travaux du comité, qu'il n'y avait aucun problème sauf peut-être — en perception ou, à l'occasion, en réalité — aux niveaux les plus élevés de l'exécutif. Les députés et les sénateurs sont rarement confrontés aux situations envisagées dans le projet de loi.

Si l'honorable sénateur suggère que la question aurait dû faire l'objet de plus de réflexion et de discussion et que nous aurions dû la débattre plus longuement, je suis parfaitement d'accord avec lui.

L'honorable Bill Rompkey: J'ai horreur d'exprimer mon désaccord, honorables sénateurs, mais je ne peux m'empêcher de penser au vieil adage selon lequel le mieux est l'ennemi du bien. Le projet de loi C- 15 est bon. Il a pour but de combler des lacunes et de resserrer les dispositions existantes qui, comme le sénateur Di Nino l'a dit il y a un moment, n'ont pas jusqu'ici causé de grandes difficultés. Le projet de loi ne traite pas d'activités hautement criminelles, il concerne une mesure législative importante qu'il tente d'améliorer. Un amendement a déjà été adopté.

Les honorables sénateurs pourraient continuer à proposer des amendements pour essayer de rendre parfait le projet de loi C-15. Toutefois, je pense que nous aurons le temps de le faire plus tard. Les honorables sénateurs pourront reprendre l'étude du projet de loi à n'importe quel moment. Nous en sommes actuellement à l'étape de la troisième lecture. Je propose donc d'aller de l'avant et de laisser les études plus approfondies pour un autre moment.

Le sénateur Di Nino: Honorables sénateurs, est-ce que c'était une question? Même si les propos du sénateur Rompkey n'avaient pas la forme interrogative, je crois qu'il serait bon de lui répondre. J'ai admis dans mon exposé que le projet de loi constitue un progrès, même s'il occasionne un ensemble différent de problèmes.

Le Sénat n'a pas examiné, du moins pas assez à mon avis, la question que j'ai déjà mentionnée concernant la demande de renseignements. Est-ce que cela signifie qu'on peut demander: «Monsieur le ministre, le sous-ministre adjoint ou le sénateur, quand cette réunion aura-t-elle lieu?» Est-ce que cela mènerait à des questions de ce genre: Qui assistera à la réunion? Est-ce que cette information serait utile pour un lobbyiste, qui devrait alors s'enregistrer à ce titre pour être en mesure de l'obtenir? Cette discussion pourrait se poursuivre assez longtemps et porter même sur les résultats de la dernière partie des Blue Jays ou sur le nombre de témoins invités par l'autre côté.

À un moment donné, l'expression extrêmement vague «demande de renseignements» pourrait provoquer des difficultés. La plupart des lobbyistes font bien leur travail et comprennent qu'il est nécessaire de se conformer aux règles du jeu. À mon avis, ceux qui tentent d'abuser de ces règles vont peut-être s'apercevoir que nous créons de nouvelles échappatoires en adoptant ce projet de loi. En ce qui me concerne, je tiens à dire très clairement qu'un certain nombre de sénateurs s'inquiètent de ces questions.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, je conviens avec le sénateur Rompkey que le projet de loi constitue un progrès. J'irai même jusqu'à dire que le comité a fait un excellent travail. Il a soigneusement étudié les dispositions envisagées et a entendu les observations de diverses parties intéressées et de témoins experts. Je ne m'en attribue aucun mérite, même si je suis membre du comité. Les autres membres savent que je n'ai pu assister qu'aux séances du mercredi parce que les réunions du mardi coïncident avec celles du Comité sénatorial permanent des finances nationales, dont je suis le président.

J'ai lu aussi attentivement que possible les comptes rendus de toutes les réunions, et particulièrement celles auxquelles je n'avais pas assisté. Je ne suis pas d'accord avec le sénateur Rompkey quand il s'agit d'envisager d'autres amendements à l'étape de la troisième lecture.

Un amendement a déjà été adopté, ce qui fait que le projet de loi devra de toute façon revenir à la Chambre des communes. Le sénateur Di Nino a proposé un amendement dont nous avons très soigneusement discuté au comité. L'honorable sénateur nous rend service en proposant un amendement maintenant et en exposant, à l'intention de la Chambre, les arguments présentés en sa faveur.

(1520)

Le sénateur Rompkey n'a pas offert une opposition réfléchie au fond de cet amendement. Il l'a tout simplement écarté en disant que le moment n'était pas venu et que nous pourrions nous pencher là- dessus à un autre moment, ce qui est vrai.

Je voudrais dire un mot ou deux pour appuyer l'amendement. En fait, j'ai un autre amendement à proposer, mais je le ferai une fois qu'on se sera prononcé sur cette question.

Par souci d'équilibre et d'équité, permettez-moi de préciser quelle disposition du projet de loi nous préoccupe. Je n'ai pas le projet de loi en main, mais notre collègue, le sénateur Joyal, nous a lu au comité le texte de la disposition dont nous parlons. Il s'agit d'une exception à l'exigence quant à l'enregistrement et il est question de l'article 6 de la loi. L'exception se lit comme suit: «Ne constituent pas des activités de lobbyisme et, comme telles, sont exclues de l'application de la présente loi les communications ayant pour seul objet de s'enquérir de la nature ou de la portée des droits ou obligations d'un client, d'une entreprise ou d'un groupement en application de la loi.» C'est la disposition que le sénateur Di Nino veut modifier ou plutôt éliminer.

Comme le sénateur Rompkey ne l'a pas fait, s'il avait décidé de présenter un argument raisonné contre l'amendement, voici ce qu'il aurait dit. Je vais lui offrir les paroles de M. Wilson, le conseiller en éthique, qui est un fonctionnaire et qui a comparu devant le comité. Même s'il n'a pas été aussi vigoureux, comme cela convient à un fonctionnaire, dans son opposition à cet amendement, il a formulé, je le suppose, une observation raisonnée sur la raison pour laquelle il était inutile. Il a déclaré:

Notre conclusion, c'est que le lobbying ne se limite pas à un événement unique. Généralement, il s'inscrit dans un processus plus large.

Le simple fait de tenter d'obtenir un élément d'information très précis peut être légitime dans une situation où l'on vous aura demandé un tel renseignement. Nous avons jugé que cela n'exigeait pas nécessairement un enregistrement.

À notre avis, cette exception [...]

... et c'est ce dont le sénateur Di Nino parle...

[...] à un certain nombre d'entreprises de lobbying d'autoriser leurs employés à faire des appels téléphoniques pour obtenir des renseignements quant au lieu ou à l'heure d'une réunion ou d'un événement Cela ne modifie en rien les exigences fondamentales voulant que le lobbyiste, qui aurait sans doute d'autres rencontres sur une période de temps donnée, soit tenu de s'enregistrer.

Nous n'avons pas vu cela comme une exception susceptible de créer une échappatoire ou d'ignorer que dans la réalité, les conversations sont souvent complexes.

Selon moi, c'est la position adoptée par le gouvernement dans ce dossier jusqu'à maintenant, à moins que je puisse persuader les honorables sénateurs d'en face d'appuyer la modification du sénateur Di Nino.

Le point de vue que je fais valoir en faveur de cette modification — il a été renforcé par les propos d'autres témoins au comité, et je m'y reporterai — c'est que la majorité des activités de lobbying se déroulant à Ottawa débutent à tout le moins par des appels téléphoniques ou des rencontres visant prétendument à obtenir de l'information. Quiconque a déjà reçu ce genre d'appels sait que la première chose que l'on vous dit, c'est «j'appelle simplement pour obtenir un peu d'information». Puis votre interlocuteur tente d'obtenir de l'information — à laquelle il n'a souvent pas droit et qu'il ne devrait pas avoir en sa possession, mais qu'il détient probablement de toute façon et qu'il cherche à confirmer en appelant. Je ne vais pas aborder cette question dans le détail, bien que je l'aie fait en comité.

M. Chenier, rédacteur d'ARC publications et du Lobby Monitor, a très bien décrit la situation en ces termes:

[...] le projet de loi actuel, à l'instar de ses prédécesseurs, continue d'exclure une bonne part de l'activité des lobbyistes en faisant de la divulgation et de la présentation de rapports une question presque volontaire. Cette situation s'explique au premier chef par la disposition sur la recherche de renseignements qui a été incluse dans le projet de loi.

Plus tard, répondant à des questions, il a ajouté:

[...] il est probable qu'une campagne de lobbying typique menée à Ottawa porte probablement sur des demandes de renseignements dans une proportion de 80 à 90 p. 100. À quelle adresse les intéressés logent-ils à ce propos? Qui sont les intervenants principaux? Quels sont les principaux enjeux débattus? Qui est l'opposition? Une bonne part des lobbyistes d'Ottawa et des spécialistes des relations avec le gouvernement consacrent une bonne part de leur temps à mettre leurs relations à profit pour répondre à ces simples questions. Bon nombre d'entre eux viennent du gouvernement, comme vous le savez, des cabinets de ministre ou des ministères, et font jouer leurs relations pour établir où en est tel ou tel dossier, au nom de leurs clients. Puis ils s'assoient avec leurs clients pour mettre au point une stratégie. Qu'allons-nous faire? Qui devons-nous voir? Quels sont leurs points faibles? Quels sont leurs points forts? À qui devrions-nous faire appel?

Il ajoute ensuite ce qui suit:

En vertu de la loi actuelle et de la loi proposée, une telle activité n'est pas sujette à l'enregistrement, même si elle compte pour l'essentiel du travail effectué par les lobbyistes à Ottawa.

J'espère et je crois, comme l'a dit le sénateur Rompkey, qu'il n'est pas ici question de chercher à mettre un terme à une activité criminelle manifeste ou à quelque chose du genre. Il s'agit plutôt de veiller à ce que le système soit le plus transparent possible pour que tout ce que nous apprend le gros bon sens, c'est que l'activité de lobbying est enregistrée et ouverte à l'examen du public.

Comme l'a dit M. Chenier:

Il suffit de retirer l'élément demande de renseignements car, croyez-moi, ce n'est pas par simple curiosité qu'ils recherchent tel ou tel renseignement. Ils souhaitent obtenir des réponses parce que cela fait partie d'une stratégie, d'une campagne dans laquelle ils sont engagés.

Je crois qu'il existe dans le projet de loi une disposition selon laquelle un représentant d'une société qui consacre moins de 20 p. 100 de son temps au lobbying n'a pas à s'enregistrer comme lobbyiste. Lorsqu'un consultant lobbyiste appelle des ministres, leurs collaborateurs, des députés ou des hauts fonctionnaires, officiellement pour obtenir de l'information, et lorsqu'il échange de l'information — car c'est ainsi que le système fonctionne ici —, il s'agit d'une première étape. Il n'a pas à rendre compte de cette activité.

La deuxième étape est celle d'un membre de la direction, qui consacre moins de 20 p. 100 de son temps au lobbying. Il intervient pour faire valoir sa cause. Quelle partie de toute cette démarche à propos de telle politique, de tel projet de loi ou de telle décision est transparente? Presque rien.

L'amendement du sénateur Di Nino présente un grand intérêt. Je vais certainement l'appuyer. Il s'agit d'une amélioration simple, mais fort importante du projet de loi.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer sur l'amendement proposé par le sénateur Di Nino?

Le sénateur Grafstein: Je suis quelque peu désavantagé. Je n'ai pas encore vu le texte de l'amendement du sénateur Di Nino. L'amendement semble intéressant, mais on ne me l'a pas remis. Je ne veux pas prendre d'engagement à cet égard. Si les sénateurs y consentent, je pourrais peut-être profiter de l'ajournement pour prendre connaissance de l'amendement et en parler à la première occasion demain, dans mon autre intervention.

(1530)

Le sénateur Murray: Allons-nous ajourner le débat sur cet amendement? J'ai un autre amendement. Je peux en parler aujourd'hui, ou demain, selon le bon vouloir du Sénat, mais je vois quelqu'un qui secoue la tête.

Son Honneur le Président: Le whip désire dire quelque chose.

L'honorable Terry Stratton: Je propose que nous le commentions maintenant, une personne à la fois.

Son Honneur le Président: Sénateur Grafstein, vous alliez proposer l'amendement. Des honorables sénateurs ont proposé d'étudier cet amendement maintenant.

Le sénateur Grafstein: Je préfère entendre tous les amendements de l'opposition, ce qui me permettrait peut-être de les examiner tous et de les commenter ensuite.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Grafstein, à moins qu'il n'y ait consentement unanime pour procéder de la sorte, les amendements doivent être examinés successivement. Vous ne pourrez les entendre tous à moins qu'il n'y ait consentement unanime.

Le sénateur Grafstein: Je vais retirer ma motion d'ajournement et je verrai ce qui se passera.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous pose de nouveau la question: la Chambre est-elle prête à se prononcer sur la motion d'amendement du projet de loi présentée par le sénateur Di Nino?

Le sénateur Murray: Voulez-vous entendre ma proposition d'amendement ou non? Est-elle recevable ou non?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous pourrions accepter un amendement avec un sous-amendement, mais à moins qu'il n'y ait consentement unanime, nous ne pouvons pas entendre une autre proposition d'amendement avant d'en avoir fini avec l'amendement dont la Chambre est actuellement saisie.

Le sénateur Di Nino: Honorables sénateurs, je tiens à m'excuser. Lorsque le service juridique m'a fourni le texte de l'amendement, il n'était rédigé qu'en anglais. Je crois que l'un des greffiers au Bureau s'occupe actuellement de la question. Si les honorables sénateurs le veulent bien, nous pourrions peut-être poursuivre avec l'amendement du sénateur Murray, et nous occuper des deux dans quelques minutes.

Le sénateur Prud'homme: Non.

Son Honneur le Président: Il faudrait le consentement unanime pour entendre une autre proposition d'amendement à ce moment-ci. La motion d'ajournement du sénateur Grafstein n'est peut-être pas une si mauvaise idée. Le Bureau aurait ainsi le temps de traduire le texte.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je suis d'accord avec la proposition d'ajournement, compte tenu que l'amendement n'est pas rédigé dans les deux langues officielles.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, lorsque les sénateurs ont des amendements à proposer, je les inviterais, si possible, à en produire suffisamment de copies afin que ces amendements soient distribués dans les deux langues officielles. Ce faisant, tous les sénateurs pourront prendre connaissance de la substance de l'amendement proposé et ne se trouveront pas devant une matière inconnue et sur laquelle on ne peut s'exprimer en pleine connaissance de cause.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Nous traitons d'une question relevant des travaux du Sénat.

Le sénateur Di Nino: Je demande à mes collègues de m'excuser. Le bureau du légiste a rédigé l'amendement. Je suis sûr à 99 p. 100 d'avoir vu la version française. J'ai probablement oublié de la prendre. Nous le savons, l'information ne nous est généralement pas fournie dans une seule langue. Je pensais l'avoir avec moi quand je suis arrivé dans la salle, et il ne m'est pas venu à l'esprit d'en faire suffisamment de copies pour les distribuer. J'offre toutes mes excuses à mes collègues.

Le sénateur Rompkey: J'aurais dû intervenir avant que le sénateur ne présente ses excuses car je voulais faire une observation au sujet du processus. Le sénateur Murray a dit que je n'avais pas beaucoup parlé de la teneur de l'amendement. Le fait est que je ne l'ai pas vu. J'ai entendu le sénateur Di Nino le présenter, mais je ne l'ai pas vu.

Il est vrai que nous avons discuté de certains sujets au comité, mais quant au processus, nous avons présenté un amendement au comité. Il a été distribué. Tout le monde l'a vu. Nous l'avons lu. Nous y avons réfléchi. Nous en avons débattu. Nous l'avons adopté. Maintenant, plusieurs semaines plus tard, après avoir suivi la discussion au comité et essayé d'imaginer ce que seraient les amendements, soudainement on nous fait au Sénat une présentation orale d'un amendement que nous n'avons pas vu sur papier et qui ne nous a été remis dans aucune des deux langues officielles.

Comme je l'ai dit, j'aurais aimé intervenir avant que le sénateur ne présente ses excuses car je crois réellement que nous ne devrions pas procéder ainsi. Ce sont des sujets sérieux même s'ils ne sont pas urgents. J'estime que nous avons eu amplement l'occasion d'étudier ce projet de loi. Nous avons proposé un amendement. Nous devrions l'adopter maintenant et passer aux autres amendements plus tard.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous réglerons ces questions à notre prochaine séance.

(Sur la motion du sénateur Grafstein, le débat est ajourné.)

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ

Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi C-10B, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux), avec des propositions d'amendement), présenté au Sénat le 15 mai 2003.

L'honorable George J. Furey propose: Que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de proposer l'adoption de ce rapport. Je remercie les membres du comité et les nombreux témoins qui nous ont aidés dans nos délibérations sur ce sujet parfois très difficile. Je remercie également mon collègue, le vice- président du comité, le sénateur Beaudoin, pour avoir eu la bonté de présenter le rapport à la dernière séance du Sénat alors que j'étais dans l'impossibilité de me trouver à Ottawa.

À ce stade-ci, je voudrais faire quelques commentaires en conformité avec l'article 99 du Règlement du Sénat. Je souhaite communiquer aux honorables sénateurs la raison d'être des amendements proposés ainsi que certains effets possibles auxquels le comité s'attend.

Les sénateurs savent qu'il y a un certain temps, le gouvernement a présenté un projet de loi en vue de moderniser la partie du Code criminel portant sur la cruauté envers les animaux. On estimait que ces dispositions du Code avaient besoin d'être révisées pour répondre à certaines préoccupations sociétales. Les témoignages que nous avons entendus ont confirmé qu'une réponse législative s'imposait pour faire échec au nombre croissant d'incidents de cruauté signalés. Le comité accepte cet argument et le projet de loi C-10B concrétise cet objectif ultime en modifiant les dispositions actuelles du Code criminel. Plus précisément, il accroît la durée des peines imposées aux perpétrateurs d'actes de cruauté envers les animaux.

Les fonctionnaires du ministère de la Justice ont informé le comité que l'intention du projet de loi n'était pas de créer de nouveaux concepts juridiques, mais plutôt de renforcer sensiblement les sanctions imposées aux personnes qui se rendent coupables de mauvais traitements envers les animaux. Le comité accepte pleinement, appuie, et en fait, adopte cette politique. C'est pourquoi il n'a apporté aucun changement aux dispositions du projet de loi visant à imposer des sanctions plus rigoureuses.

Le gouvernement a proposé d'apporter au projet de loi un certain nombre d'autres changements que votre comité a étudiés avec soin. Entre autres, il a jugé sage de retirer les dispositions sur la cruauté envers les animaux de la partie du Code criminel portant sur la propriété. Certains se sont inquiétés de la possibilité que les tribunaux ne considèrent plus les animaux comme un bien. Le gouvernement a donné au comité l'assurance, confirmée par divers experts juridiques, que le retrait de ces dispositions n'altérerait en rien le statut de bien dont sont assortis les animaux. Cependant, le comité a constaté que les propos tenus en 1977 par le juge Lamer dans la célèbre affaire Menard étaient devenus les principes de référence des Canadiens en ce qui concerne la cruauté envers les animaux.

Dans cette importante affaire concernant les mauvais traitements infligés aux animaux, le juge Lamer a déclaré que le fait que le Code criminel renferme des dispositions concernant les animaux ne leur confère pas automatiquement des droits. Nous nous imposons plutôt certaines normes minimales de conduite lorsque, dans le cadre de notre vie de tous les jours, nous utilisons des animaux pour satisfaire nos besoins. Le juge en chef Lamer avait dit une fois que nous sommes libres de tuer des animaux et de leur faire mal, mais qu'en le faisant, nous devons nous assurer que nous avons un motif légitime et que nous n'infligeons pas de la souffrance autrement que dans la mesure nécessaire pour répondre à des besoins humains.

(1540)

Le gouvernement a informé le comité que son objectif, en déposant le projet de loi C-10B, était de maintenir et de souligner les principes énoncés par le juge Lamer dans la décision de 1978 R. c. Menard. Le comité a été encouragé par les affirmations du gouvernement sur ce point parce que nous ne voulions pas, comme vous pouvez imaginer, en arriver à une situation où des activités ordinaires parfaitement acceptables, comme la chasse au gibier, seraient interdites aux termes de cet amendement.

Le comité a maintenant fait rapport du projet de loi au Sénat. Il propose quatre amendements de fond de la version originale, qu'il croit importants.

Il y a lieu de noter qu'il y a un cinquième amendement, mais c'est une disposition de pure forme qui remplace, dans la version française, un «des» par un «aux» à des fins grammaticales qui n'ont rien à voir avec le fond du projet de loi.

Les quatre autres modifications portent sur des questions de fond. Ce sont les suivantes: Premièrement, nous recommandons que la définition d'«animal» soit modifiée. Deuxièmement, le projet de loi crée une nouvelle infraction, celle qui consiste à tuer un animal sans excuse légitime. Le comité recommande la suppression de cette disposition. Troisièmement, la défense traditionnelle d'apparence de droit ne s'applique plus compte tenu de la façon dont le projet de loi est rédigé. Le comité recommande le maintien de cette défense par une disposition explicite dans le projet de loi. Quatrièmement, nous recommandons d'ajouter une disposition considérant comme légitimes les pratiques de chasse ancestrales des Autochtones, mais en les assujettissant aux dispositions générales relatives à la cruauté envers les animaux.

Honorables sénateurs, je vais tenter d'expliquer les motifs de ces amendements. Le premier concerne la définition d'«animal». L'article 182.1 proposé par le gouvernement est ainsi libellé:

Dans la présente partie, «animal» s'entend de tout vertébré — à l'exception de l'être humain — et de tout autre animal pouvant ressentir la douleur.

Comme nous tenons à ce que les activités ordinaires des Canadiens, comme la pêche et la chasse, ne soient pas remises en question, le comité a demandé l'avis d'un certain nombre de témoins. Par exemple, des experts de la douleur nous ont déclaré que les connaissances scientifiques actuelles concernant la douleur chez certains animaux demeurent vagues et incertaines. Ces témoignages sont importants parce que le gouvernement avait jugé bon d'inscrire dans le projet de loi C-10B une définition selon laquelle il serait criminel de causer inutilement de la douleur à des animaux autres que les vertébrés qui, eux, ont la capacité de ressentir de la douleur.

Les experts nous ont informés que cela était problématique dans un certain nombre de domaines, et notamment dans le cas des céphalopodes, qui ont un cortex développé et dont la capacité de ressentir la douleur reste contestable. Les céphalopodes comprennent le calmar, la pieuvre et la seiche.

Le comité a cru bon de modifier la définition d'«animal» de façon à y inclure uniquement les vertébrés, animaux traditionnellement couverts, à juste titre, par le Code criminel. En fait, les responsables du ministère de la Justice se sont déclarés d'accord sur ce point. Ils préféraient un libellé différent.

J'exhorte par conséquent les honorables sénateurs à appuyer la définition modifiée.

La deuxième question examinée par le comité était une disposition du gouvernement créant une nouvelle infraction, celle de tuer volontairement un animal sans excuse légitime. Les fonctionnaires ont dit au comité que le gouvernement voulait ainsi assurer que le fait de tuer un animal sans motif légitime et sans lui infliger des souffrances inutiles constituait une infraction. Le gouvernement estimait donc nécessaire de prévoir l'acte consistant à tuer un animal sans douleur.

Le comité est profondément préoccupé par cette nouvelle infraction. Les dispositions actuelles du Code criminel n'interdisent pas de tuer des bêtes sauvages. Elles interdisent de tuer un animal en lui causant des souffrances inutiles. Toutefois, beaucoup d'activités courantes au Canada pourraient être menacées par cette nouvelle disposition. Le gouvernement a assuré au comité que la disposition était acceptable parce qu'elle permettait aux gens d'affirmer qu'ils avaient une excuse légitime s'ils étaient accusés.

Toutefois, honorables sénateurs, cette disposition aurait pour effet de permettre que des accusations soient portées contre une personne détenant un permis de chasse provincial qui tuerait volontairement un orignal. La personne serait coupable en droit et serait tenue de prouver à un juge qu'elle doit être excusée parce qu'elle détient un permis provincial. Le comité ne croit pas que le Parlement avait l'intention de modifier radicalement le statut juridique des activités de chasse et de pêche des Canadiens ordinaires.

Le comité a fait un examen assez poussé de la question et a entendu des témoins selon lesquels un permis de chasse provincial ne pourrait probablement pas constituer une excuse acceptable aux termes du Code criminel. Une loi provinciale ne peut pas être invoquée pour se défendre d'une infraction fédérale, surtout quand il s'agit d'une infraction prévue au Code criminel. C'est là un principe bien connu que le Sénat a déjà appliqué dans le cas des loteries, il y a plusieurs années.

La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt R. c. Jorgensen, a clairement dit que des permis provinciaux ne pouvaient pas constituer une excuse légitime. Parce qu'il s'agissait là d'un changement important, nous avons cru bon de recommander la suppression de la nouvelle infraction et la recherche d'un autre moyen de satisfaire le ministère de la Justice. Nous avons tenu à réduire dans toute la mesure du possible l'ambiguïté entourant le principe de ne pas tuer un animal.

Honorables sénateurs, certains témoins ont dit au comité que les permis de chasse provinciaux constitueraient une défense parce que la chasse a toujours été considérée comme un droit en common law et qu'elle serait donc acceptée comme excuse légitime. Toutefois, le comité croit que si l'infraction est inscrite dans la loi, elle supprimerait le droit reconnu en common law et la défense correspondante. Le comité craignait en outre qu'un permis provincial ne puisse pas constituer une excuse légitime. Dans l'affaire R. c. Jorgensen, il s'agissait du propriétaire d'un magasin de location de vidéos pour adultes qui avait obtenu un permis provincial l'autorisant à offrir à ses clients un film particulier. Le permis établissait explicitement que le film n'était pas obscène. La police a quand même porté des accusations contre le propriétaire aux termes du Code criminel, et la Cour suprême du Canada lui a donné raison en statuant que le permis provincial ne constituait pas une excuse légitime pour l'infraction prévue au Code criminel.

Tant que cette ambiguïté subsiste, honorables sénateurs, nous avons voulu éviter qu'à un moment donné, des Canadiens ordinaires se livrant à des activités ordinaires de chasse à l'orignal, au chevreuil ou au caribou puissent découvrir qu'ils commettaient une infraction criminelle parce qu'un juge refuserait d'accepter leur permis provincial de chasse comme excuse légitime. Ce n'est sûrement pas l'intention du législateur.

C'était un signal clair pour le comité: nous devions éviter de compromettre les régimes provinciaux de conservation. Le comité a jugé que la meilleure approche consistait à supprimer la nouvelle infraction et à s'occuper autrement des préoccupations du gouvernement. À notre avis, l'amendement permet au ministère de la Justice d'atteindre son objectif sans créer une nouvelle infraction. La révision serait ajoutée vers la fin de l'alinéa 182.2 (1)a) proposé et stipulerait que commet une infraction quiconque «cause une douleur, souffrance ou blessure, sans nécessité, ou cause inutilement la mort d'un animal».

(1550)

Certains membres du comité ont soutenu que le mot «blessure» incluait aussi la mort car la blessure la plus extrême qu'on puisse causer est de tuer un animal. Cependant, pour satisfaire les fonctionnaires du ministère de la Justice, nous avons ajouté les mots «ou cause inutilement la mort d'un animal».

Honorables sénateurs, le troisième point porte sur l'apparence de droit. Le comité s'est penché sur cette question car le gouvernement retirait les dispositions sur la cruauté envers les animaux de la partie du Code criminel où elles se trouvent maintenant, la partie concernant les biens. Les personnes accusées en vertu de cette partie du Code criminel peuvent se prévaloir d'une forme de défense qui s'applique en cas d'infraction visant des biens. À l'heure actuelle, les gens accusés de cruauté envers les animaux en vertu de la partie du Code criminel portant sur les biens peuvent invoquer l'apparence de droit et dire qu'ils pouvaient traiter l'animal comme ils l'ont fait. Puisque le gouvernement retirait les dispositions concernant la cruauté envers les animaux de la partie concernant les biens, il s'ensuivait que les gens accusés en vertu des nouvelles dispositions sur la cruauté envers les animaux n'auraient plus accès à la défense fondée sur l'apparence de droit décrite à l'article 429.

Le comité a entendu énormément de témoignages à ce sujet. Le gouvernement a soutenu que la défense pour apparence de droit se trouvait implicitement incluse dans une autre partie du Code criminel, au paragraphe 8(3). Par conséquent, la disparition de cette référence précise à la défense pour apparence de droit ne devait pas nous inquiéter.

Votre comité a entendu des experts; ils ont proposé que les mots précis soient conservés afin que les personnes puissent avoir accès à ce motif de défense. Mais surtout, votre comité a tenu compte de ce que la Cour suprême du Canada avait déclaré au sujet de la nécessité de mentionner précisément la défense pour apparence de droit.

Selon la Cour suprême du Canada, pour qu'on puisse employer la défense fondée sur l'apparence de droit, celle-ci doit être spécifiquement mentionnée dans l'article du Code criminel portant sur l'infraction. Dans la célèbre cause de R. c. Jones et Pamajewon, en 1991, le juge Stevenson, parlant au nom du tribunal, a rejeté l'idée selon laquelle il n'était pas essentiel que la défense fondée sur l'apparence de droit soit précisément mentionnée dans l'article concernant l'infraction.

C'était l'approche qu'avait favorisée l'accusé dans l'affaire Jones. Le tribunal a rejeté cette défense en déclarant: «Les appelants n'ont cité aucun précédent à l'appui de leur prétention que l'apparence de droit s'applique à toute infraction dont la définition n'englobe pas ce concept.»

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Furey, je suis désolé de vous interrompre, mais il s'agit d'un rapport et les 15 minutes allouées pour ce type d'intervention sont écoulées.

Le sénateur Cools: Laissons-le continuer.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le sénateur Furey a-t-il la permission de continuer?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Furey: Merci.

Honorables sénateurs, en raison de la préoccupation à l'effet que les défenses ne doivent pas être retirées par inadvertance du Code criminel et parce que le but explicite du gouvernement n'est pas de modifier le contenu de la loi, le comité s'est dit d'avis qu'il était préférable d'ajouter la défense d'apparence de droit au projet de loi, et c'est ce que nous avons fait.

Des fonctionnaires du ministère de la Justice ont convenu aussi que cette défense devrait être ajoutée au projet de loi. Toutefois, la formulation qu'ils ont proposée pour la défense d'apparence de droit ne satisfaisait pas aux critères du comité. Par conséquent, nous l'avons modifiée légèrement. Je ne sais pas si le ministère de la Justice est satisfait de la formulation, mais celle qu'il a proposée a été modifiée quelque peu. Il demeure que les fonctionnaires du ministère de la Justice ont convenu avec nous que le projet de loi devrait comporter un renvoi précis à la défense d'apparence de droit.

Enfin, le comité s'est penché sur la question probablement la plus controversée, à savoir si le projet de loi toucherait les pratiques de chasse des Autochtones. Le comité craignait que les pratiques de chasse traditionnelles des Autochtones ne puissent faire l'objet d'accusations criminelles compte tenu de l'importance accrue que la société et le Parlement accordent au traitement indolore des animaux. Le comité a étudié attentivement cette question et les sénateurs ont convenu à l'unanimité que le même code de conduite s'appliquerait à tous les Canadiens.

Le comité a examiné attentivement la jurisprudence et a constaté que dans la cause R. c. Menard, le juge Lamer n'avait pas tenu compte expressément des pratiques des Canadiens autochtones dans son analyse. Cela ne signifie pas que leurs pratiques ne seraient pas considérées comme légales, bien au contraire. De plus en plus, au Canada, la jurisprudence aborde expressément la légitimité des pratiques traditionnelles autochtones. Le comité s'est intéressé à codifier les pratiques traditionnelles autochtones légitimes.

Honorables sénateurs, je tiens à dire clairement qu'il ne s'agit pas d'un amendement qui exempte les Autochtones des dispositions relatives à la cruauté dans le projet de loi. Dans son amendement, le comité indique expressément que les pratiques traditionnelles autochtones sont légales. Toutefois, et cela est plus important, l'amendement ajoute que ces pratiques sont légales tant qu'elles n'imposent à l'animal pas plus que les souffrances raisonnablement nécessaires.

Une étude attentive de ces mots nous prouve qu'il s'agit d'une règle qui s'applique à tous à l'égard du traitement des animaux au Canada. Cette règle n'est pas plus sévère et certainement pas plus clémente pour les souffrances infligées inutilement aux animaux.

Le comité voulait qu'on apporte un amendement permettant d'assurer que ce projet de loi n'annulerait pas les droits traditionnels des Autochtones à l'égard de la chasse et de la pêche et qu'on n'y dérogerait pas. Il voulait également préciser très clairement que le gouvernement fédéral avait le droit, et en fait la responsabilité, de régir l'exercice de ces droits.

Ainsi, cet amendement précise clairement que le projet de loi ne donne ni aux Autochtones, ni à personne d'autre, le droit d'infliger indûment des souffrances aux animaux. Il n'y a aucune exception ici.

En conclusion, honorables sénateurs, je crois que j'ai raison de dire que les amendements au projet de loi C-10B proposés par le comité visent principalement à maintenir la distinction essentielle dans la loi canadienne entre les activités légitimes que les Canadiens chérissent et la douleur et la souffrance inutilement infligées aux animaux.

Les sénateurs pourraient trouver intéressant de savoir que les Canadiens ont toujours été de cet avis sur cette question. Une publicité mensongère porte parfois à croire que par le passé, les Canadiens étaient moins sensibles qu'ils ne le sont à l'heure actuelle sur la question de la cruauté envers les animaux. Ce n'est pas le cas. Cela n'a jamais été le cas. La vingt-huitième loi que notre jeune pays a adoptée le 22 juin 1869 était intitulée «Acte concernant la cruauté envers les animaux». Cette loi a été jugée suffisamment importante pour être proposée par sir John A. Macdonald avec l'appui de George Étienne Cartier.

La loi prévoyait ce qui suit:

[Est coupable d'une infraction] quiconque bat, attache, maltraite, malmène, surmène ou tourmente inutilement, cruellement ou sans nécessité, des chevaux, juments, hongres, taureaux, bœufs, génisses, bouvillons, mules, ânes, moutons, agneaux, cochons ou autres bestiaux, des volailles, des chiens ou des animaux ou oiseaux domestiques.

Les sénateurs qui s'inquiéteraient du fait qu'il pourrait être déplacé pour le Sénat de proposer à la Chambre des communes certains amendements à cette mesure législative pourront trouver réconfort dans les paroles prononcées par sir John A. Macdonald au cours de la troisième lecture à la Chambre. Il a dit:

La Chambre souscrit aux amendements proposés par le Sénat prévoyant qu'il n'est plus nécessaire d'imprimer les documents publics sur parchemin.

Honorables sénateurs, je soumets le rapport du comité au Sénat et je demande humblement votre appui.

L'honorable Yves Morin: Honorables sénateurs, le comité a-t-il songé à se reporter aux lignes directrices du Conseil canadien de protection des animaux, aux termes duquel pratiquement toute la recherche scientifique est menée au Canada? Il existe des précédents.

Par exemple, le projet de loi C-13, dont nous serons saisis sous peu, renvoie aux lignes directrices des IRSC. Il aurait été simple et facile de renvoyer toute la recherche scientifique aux IRSC, qui effectuent des travaux de recherche scientifique dans notre pays.

(1600)

Le sénateur Furey: Honorables sénateurs, le comité a effectivement examiné les rapports des IRSC. Nous les avons depuis plusieurs mois. Les rapports présentent d'excellents et nobles idéaux concernant le traitement des animaux. Nous en avons été très heureux. Cependant, nous ne les avons pas adoptés dans le projet de loi, car nous voulions examiner ce qui constitue actuellement la loi au Canada, qui repose sur la cause Menard. Nous voulions nous inspirer des moyens de défense et des concepts présentés dans l'affaire Menard pour veiller à protéger les personnes engagées dans la recherche scientifique ou dans la zootechnie, y compris dans l'abattage d'animaux pour des raisons légitimes. En fait, elles sont protégées si les méthodes qu'elles utilisent sont humanitaires et ne causent pas de souffrances inutiles dans les circonstances.

[Français]

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, l'objectif principal du projet de loi C-10B était de mettre à jour les dispositions du Code criminel traitant de la cruauté envers les animaux.

Les points saillants du projet de loi étaient les suivants: définir le terme «animal», créer une nouvelle partie pour les infractions envers les animaux dans le Code criminel, élargir la portée de certaines des infractions et augmenter les peines maximales pour ces infractions.

Une étude approfondie du projet de loi a fait ressortir plusieurs inquiétudes de la part des témoins et des sénateurs. C'était le cas pour les peines plus sévères relatives aux actes de cruauté envers les animaux. Aux termes des dispositions actuelles, les infractions sont généralement des infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Cela signifie que l'accusé est passible d'une peine maximale de six mois de prison ou d'une amende maximale de 2 000 $, ou des deux peines.

Selon les nouvelles dispositions du projet de loi C-10B, les infractions seraient des infractions mixtes, punissables d'une peine maximale de cinq ans de prison sur déclaration de culpabilité par mise en accusation. En cas de déclaration de culpabilité par procédure sommaire, la peine maximale serait un emprisonnement de 18 mois ou une amende de 10 000 $, ou les deux.

De plus, le projet de loi ajoute un nouvel élément aux dispositions relatives à la cruauté envers les animaux. Il permettrait au tribunal d'ordonner, à la demande du procureur général ou de son propre chef, que l'accusé assume, dans une mesure raisonnable, les dépenses engagées pour prendre soin de l'animal. Le paiement serait fait à la personne ou à l'organisme qui a pris l'animal en charge et couvrirait notamment les frais de vétérinaire et d'hébergement, s'il est possible de les évaluer facilement. Il ne devrait subsister aucun doute que nous espérons que les crimes contre les animaux seront pris moins à la légère par le système judiciaire et qu'on s'attaquera plus efficacement au problème de la cruauté envers les animaux.

Le comité a adopté quatre modifications importantes.

Premièrement, la définition du mot «animal» devait être modifiée. Pour l'application des dispositions actuelles, le mot «animal» n'est pas défini.

La capacité de ressentir la douleur est un sujet controversé. Les scientifiques sont divisés sur la question de savoir quels animaux ressentent la douleur, et jusqu'à quel point. Les faits scientifiques tendent pour la plupart à démontrer que la majorité des invertébrés ne ressentent pas la douleur. Il y avait donc lieu de les soustraire à l'application du projet de loi tant qu'on n'aura pas clairement prouvé le contraire. Le fait que les vertébrés ressentent la douleur est établi beaucoup plus clairement.

La définition du terme «animal» dans le projet de loi C-10B était trop vague et risquait de criminaliser des personnes qui n'auraient, selon toute vraisemblance, aucun moyen de savoir qu'un acte commis par elles peut constituer un acte criminel dont elles pourraient éventuellement être tenues responsables. Décider si un être vivant peut ressentir la douleur est une chose quand on l'envisage sous l'angle médical ou scientifique et autre chose quand on adopte des dispositions pénales. L'optique de la science est fort différente de celle du droit.

La définition du terme «animal» dans le projet de loi C-10B n'était pas statique, elle aurait pu changer avec le temps, ce qui signifie qu'elle aurait pu un jour devenir incompatible avec les objectifs de la loi sans que la chose ne soit débattue. Le Parlement ne doit pas abdiquer sa responsabilité à cet égard au profit des tribunaux. C'est à lui qu'il revient d'établir la portée exacte des lois pénales. Il pourra toujours modifier la définition si des faits scientifiques prouvent qu'elle devrait s'appliquer à d'autres espèces.

L'article 8 du projet de loi C-10B crée une nouvelle partie V.1 du Code criminel intitulée «Cruauté envers les animaux». Ainsi, le projet de loi propose d'inscrire dans la nouvelle partie V.1 les dispositions actuelles relatives à la cruauté envers les animaux, qui se trouvent pour l'instant dans la partie XI, intitulée «Actes volontaires et prohibés concernant certains biens».

Certains ont dit craindre que ce changement ne traduise une philosophie axée sur les droits des animaux et qu'un mouvement idéologique favorable à l'émancipation des animaux ne soit en train de gagner du terrain. Je crois cependant que la création d'une nouvelle partie du Code criminel pour les infractions envers les animaux est appropriée, pour souligner que les animaux ne sont pas des objets que les humains peuvent utiliser à leur guise, mais bien des créatures vivantes qui ont droit à un traitement dépourvu de cruauté.

L'inquiétude principale du comité à cet égard concerne les défenses dont dispose un accusé. Les dispositions actuelles prévoient que nul ne sera reconnu coupable d'une infraction s'il «prouve qu'il a agi avec une justification ou une excuse légale ou une apparence de droit». Les dispositions du projet de loi C10-B prévoyaient que, dans certains cas, il y aurait infraction si la personne agissait «sans excuse légitime».

L'exclusion des moyens de défense prévus au paragraphe 429(2) du Code criminel est l'une des conséquences d'avoir retiré de la partie XI du Code les dispositions relatives à la cruauté envers les animaux, et elle préoccupait sérieusement plusieurs témoins qui se sont présentés devant le Comité. Ils craignaient que des pratiques actuellement conformes à la loi — chasse, piégeage, recherche médicale, exploitation agricole, et cetera — ne soient dorénavant considérées comme une violation des dispositions relatives à la cruauté envers les animaux. Certains ont allégué que s'ils ne pouvaient pas invoquer les moyens de défense prévus au paragraphe 429(2) du Code criminel, par exemple l'excuse légitime et particulièrement l'apparence de droit, ils perdraient une partie de la protection que les dispositions actuelles leur accordent. Ils ne croyaient pas que la défense d'apparence de droit formulée au paragraphe 429(2) était maintenue parmi les défenses de common law du paragraphe 8(3).

Le ministère de la Justice a soutenu que le paragraphe 429(2) n'est pas crucial pour l'accusé, parce que celui-ci peut invoquer tous les moyens de défense, excuses et justifications de la common law en vertu du paragraphe 8(3) du Code criminel. Le ministère de la Justice fait valoir que le paragraphe 8(3) permet d'invoquer la défense de l'apparence de droit. Le projet de loi énonçait ce qui suit:

Il est entendu que le paragraphe 8(3) s'applique aux procédures relatives à une infraction en vertu de la présente partie.

(1610)

On nous a dit que, puisque le projet de loi proposait de soustraire les infractions à l'endroit des animaux à l'application du paragraphe 429(2), les tribunaux pourraient en déduire que le Parlement ne voulait plus permettre d'employer les moyens de défense énoncés au paragraphe 429(2) à l'égard de ces infractions. Par conséquent, le comité était d'avis qu'une mention expresse de ces moyens de défense n'était pas redondante.

La question de l'apparence de droit est épineuse. La jurisprudence émanant de la Cour suprême du Canada et des cours d'appel provinciales n'est pas claire. Il est donc indiqué, par mesure de prudence et afin de maintenir le statu quo, de préciser que ces moyens de défense peuvent être employés pour les infractions de cruauté envers les animaux.

Comme je l'ai mentionné, les dispositions du projet de loi C-10B prévoyaient que, dans certains cas, il y aurait infraction si la personne agissait «sans excuse légitime». Par exemple, il était prévu qu'une personne qui, volontairement et sans se soucier des conséquences de son acte, tue un animal sans excuse légitime, commet une infraction. À l'heure actuelle, constitue une infraction le fait de tuer, mutiler, blesser, estropier volontairement du bétail. Nous ne devons pas nous contenter de dire que les droits des Autochtones sont protégés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, et qu'il suffira de soumettre aux tribunaux les éventuels problèmes que cela pourra soulever.

Le comité recommande donc d'ajouter le texte suivant:

Nul ne pourra être déclaré coupable de l'infraction visée à l'alinéa (1)a) si la douleur, la souffrance, la blessure ou la mort est causée pendant l'exercice, par une personne de l'un des peuples autochtones du Canada, de pratiques ancestrales de chasse, de piégeage ou de pêche dans une zone où les peuples autochtones possèdent des droits de récolte découlant des droits existant — ancestraux ou issus de traités — au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, et que la douleur, la souffrance ou la blessure se limite à ce qui est raisonnablement nécessaire à ces pratiques ancestrales.Par cet ajout, le comité ne voulait pas soustraire les Autochtones à l'application du projet de loi, mais simplement préciser que les droits existants de chasser et de pêcher que les Autochtones tiennent de leurs ancêtres et des traités sont protégés par la Constitution. Il est à noter que le paragraphe contient un élément objectif.

Il est important que le Parlement balise lui-même l'application du projet de loi à cet égard, plutôt que de laisser aux tribunaux le soin de décider dans chaque cas si la douleur, la souffrance et les blessures infligées aux animaux l'ont été sans nécessité. Les Autochtones ont le droit de savoir à l'avance quelles activités seront permises sous le régime des modifications au Code criminel proposées dans le projet de loi.

Les observations annexées au troisième rapport du comité traitent des dispositions de non-dérogation dans les mesures législatives. Il s'agit d'un domaine du droit difficile et complexe. Le ministre de la Justice s'est engagé à revoir l'utilisation des dispositions de non- dérogation dans les lois fédérales. Les observations précisent que le comité convient que le problème ne doit plus être traité de façon fragmentaire et qu'il a l'intention de faire un suivi de l'engagement du ministère de la Justice dans ce dossier.

Je suis d'avis que les changements apportés par le comité au projet de loi C-10B ont pour objet d'apporter plus de clarté aux dispositions traitant de la cruauté envers les animaux et que ces changements doivent être adoptés.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, pourrais-je poser une question à l'honorable sénateur Beaudoin?

[Traduction]

Son Honneur le Président: Sénateur Beaudoin, je regrette de devoir vous informer que le temps mis à votre disposition est désormais écoulé. Demandez-vous plus de temps pour pouvoir répondre à des questions?

Le sénateur Beaudoin: J'en demande la permission.

Son Honneur le Président: Permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

[Français]

Le sénateur Kinsella: Ma question sera d'intérêt pour tous les honorables sénateurs. Le sénateur pourrait-il expliquer, avec exemple, l'origine de l'expression anglaise «colour of right»?

Le sénateur Beaudoin: Cette expression se traduit par «apparence de droit». Ce principe se rapporte à ce que l'accusé pensait avoir le droit de faire. C'est une règle d'interprétation de la common law. En droit civil, on a l'expression «apparence de droit» qui est à peu près équivalente. Il s'agit d'une défense permise à l'accusé ayant posé un geste criminel et ayant présumé être dans ses droits.

Il ne s'agit toutefois que d'une règle d'interprétation, et il revient à la cour de juger. J'ai toujours cité l'exemple du juge américain Charles Evans-Hughes.

[Traduction]

La Constitution est ce que les juges en disent.

[Français]

Cet énoncé est vrai. Il incombe néanmoins au pouvoir législatif de faire son devoir. Il nous revient de créer les meilleures lois possibles. Si toutefois on viole la Constitution, la Cour suprême le signalera.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Le Sénat est-il prêt à se prononcer sur la motion du sénateur Furey?

Des voix: Le vote!

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Furey, avec l'appui de l'honorable sénateur Gill, propose que le rapport soit adopté maintenant. Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?

Une voix: Avec dissidence.

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté avec dissidence.)

TROISIÈME LECTURE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Jaffer, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1620)

AGRICULTURE ET FORÊTS

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À ENTENDRE LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE ET SES REPRÉSENTANTS
SUR LES CAS D'ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion:

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, je donne avis qu'à la prochaine séance du Sénat, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à entendre le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire et ses représentants afin d'obtenir de l'information sur les cas d'encéphalopathie spongiforme bovine au Canada; et

Que le Comité dépose son rapport final au plus tard le 27 novembre 2003.

[Français]

PROJET DE LOI D'EXÉCUTION DU BUDGET DE 2003

PREMIÈRE LECTURE

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-28, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 18 février 2003.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Robichaud, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance dans deux jours.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, pour être entendu en cette Chambre, un sénateur doit se trouver à son siège. C'est la deuxième fois qu'on accorde la parole à un sénateur qui n'est pas assis à son siège et je crois qu'il est temps de faire le point sur cette pratique.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, on a souligné qu'il a été convenu qu'on s'attend à ce qu'un sénateur intervienne au sujet des points qui demeurent en suspens en son nom s'il est présent. Ce n'est que raisonnable, honorables sénateurs. Je demande donc aux sénateurs d'observer cette règle.

LES BOY SCOUTS DU CANADA

PROJET DE LOI D'INTÉRÊT PRIVÉ VISANT À MODIFIER LA LOI CONSTITUTIVE—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Consiglio Di Nino propose: Que le projet de loi S-19 soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, Les Boy Scouts du Canada est une personne morale qui, de concert avec quelque 3 000 partenaires partout au Canada, y compris des clubs philanthropiques, des groupes culturels, des communautés religieuses et des partenaires communautaires, fournit des services précieux à la jeunesse du pays.

Quelque 160 000 jeunes et adultes bénévoles participent directement aux programmes de l'organisation.

L'association Les Boy Scouts du Canada a demandé qu'un projet de loi d'intérêt privé soit présenté au Parlement du Canada pour les raisons suivantes: pour regrouper, mettre à jour et remplacer les lois qui la régissent afin d'assurer une meilleure gestion de ses affaires; pour modifier son nom «Les Boy Scouts du Canada» et le remplacer par «Scouts Canada», afin de refléter l'élargissement du scoutisme à l'échelle mondiale de manière à y inclure les jeunes hommes et les jeunes femmes; et pour mieux cadrer avec son statut actuel de membre indépendant de l'Organisation mondiale du mouvement scout.

Je veux revenir sur chacun de ces objectifs.

Le mouvement scout a été fondé en Grande-Bretagne en 1907 par lord Baden-Powell. Le mouvement canadien a été constitué en personne morale le 12 juin 1914 sous la dénomination «The Canadian General Council of the Boy Scouts Association», grâce à une loi spéciale du Parlement du Canada.

Par la suite, de 1917 jusqu'à 1969, quatre autres lois spéciales ont été adoptées afin de modifier la loi spéciale d'origine. Une de ces lois spéciales a modifié la dénomination et l'a remplacée par «Les Boy Scouts du Canada».

On estime souhaitable, pour une meilleure gestion des affaires de l'association Les Boy Scouts du Canada, de regrouper, mettre à jour et remplacer les lois qui la régissent.

Ces dernières années, l'Organisation mondiale du mouvement scout, dont font partie Les Boy Scouts du Canada, s'est donné une nouvelle mission. Cette nouvelle mission est axée sur les jeunes plutôt que sur les garçons. Il en est tenu compte dans le projet de loi, dans la disposition qui concerne l'objet de l'association, lequel consiste à «promouvoir la mission du scoutisme auprès des jeunes».

L'énoncé de mission actuel de l'Organisation mondiale du mouvement scout, que Les Boys Scouts du Canada ont adopté, est le suivant:

Le scoutisme a pour mission — en partant de valeurs énoncées dans la Promesse et la Loi scoutes — de contribuer à l'éducation des jeunes afin de participer à la construction d'un monde meilleur peuplé de personnes épanouies, prêtes à jouer un rôle constructif dans la société.

Une démarche semblable a récemment été entreprise afin de mettre à jour les lois régissant la division britannique du mouvement scout. Dans l'explication de l'amendement proposé à la charte royale, voici ce qui est mentionné:

... de nos jours, au Royaume-Uni, comme en Europe et dans le reste du monde, il arrive plus souvent que les garçons et les filles participent ensemble à des activités qu'à l'époque où la charte royale a été octroyée. Il existe actuellement un mouvement scout à l'échelle mondiale. Le conseil estime qu'il serait opportun de rendre notre objectif principal conforme à celui de l'Organisation mondiale.

L'explication ajoute:

... il convient de faire remarquer que nombre d'associations membres de l'Organisation mondiale du mouvement scout en Europe et dans le Commonwealth ont des membres masculinset féminins dans l'ensemble de leurs secteurs. Cela n'empêche pas une coexistence et une coopération harmonieuses avec les associations membres de l'Association mondiale des Guides et des Éclaireuses.

L'explication conclut ainsi:

... le conseil estime qu'il y a une demande à certains endroits et dans certaines circonstances pour une éducation mixte et souhaite pouvoir l'offrir dans ces cas-là.

(1630)

Honorables sénateurs, ces observations s'appliquent directement à la situation au Canada aujourd'hui et à la modification demandée par Les Boy Scouts du Canada.

Pour refléter les changements apportés à la raison sociale des Boy Scouts du Canada et reconnaître officiellement le nom qui est maintenant communément utilisé pour désigner cet organisme, il est proposé que le nom de l'organisme soit «Scouts Canada» en anglais et en français. Les deux se prononcent différemment, mais s'écrivent de la même manière.

[Français]

L'Association des scouts du Canada est une société qui a été mise sur pied pour éduquer les garçons et les adolescents dans le scoutisme, comme l'avait établi Baden-Powell, conformément aux principes de l'Église catholique romaine.

L'organisme Boy Scouts of Canada et l'Association des scouts du Canada se rencontrent régulièrement lors des réunions du «Comité de la coopération». Ce comité, qui a pour mandat d'assurer une coopération étroite quant au scoutisme à l'échelle nationale, a été établi par suite d'une entente intervenue entre les deux organismes en 1967 en présence du Gouverneur général de l'époque, Son Excellence le très honorable Georges Vanier, alors chef scout du Canada.

L'Association des scouts du Canada a adopté une résolution dans laquelle elle ne s'oppose pas au changement de nom officiel qui serait désormais «Scouts Canada.»

[Traduction]

Lorsque cet organisme s'est constitué en personne morale, ce qu'on appelle aujourd'hui «Les Boy Scouts du Canada» n'était qu'une section de l'Association des scouts d'Angleterre. Si le nom de cet organisme est passé de «Canadian General Council of the Boy Scouts Association», celui qu'il portait au moment où il s'est constitué en personne morale en 1914, à «Boy Scouts du Canada», aucun changement n'a été apporté à la loi spéciale pour rendre compte de la création d'un mouvement scout indépendant au Canada.

Au cours des ans, des mouvements scouts indépendants ont pris naissance au Canada ainsi que dans d'autres pays de par le monde. À la lecture de la présente loi spéciale, on s'aperçoit que l'association y est mentionnée à un certain nombre de reprises. Il est question de l'association en Angleterre. Les mentions de cette association se trouvent dans l'objet et ailleurs dans la loi spéciale.

On devrait les modifier afin de rendre compte de la situation actuelle des Boy Scouts du Canada au sein de l'organisation mondiale du mouvement scout. Les Boy Scouts du Canada ne sont plus une section de l'organisme anglais, constituée pour assurer une organisation efficiente au Canada au profit de l'association mère.

La vaste gamme de programmes offerts aux jeunes de 5 à 26 ans témoigne de la contribution de Scouts Canada au développement spirituel et social et à la promotion humaine des jeunes gens. Ces programmes se déroulent sous le thème général de l'aventure en plein air. Réunis en petits groupes, les scouts sont appelés à mesurer leurs limites et à atteindre leurs buts personnels.

La mission de Scouts Canada est de donner aux jeunes une éducation personnelle. On incite ceux-ci à devenir des personnes autonomes, responsables et déterminées. Scouts Canada aide également les jeunes à se constituer un système de valeurs fondé sur des principes spirituels, sociaux et personnels.

Le scoutisme repose sur trois grands principes: le devoir envers Dieu, le devoir envers les autres et le devoir envers soi-même.

Le mouvement scout est une institution au Canada depuis près d'un siècle. Des générations de jeunes Canadiens ont profité des compétences en leadership acquises pendant leur séjour dans les scouts. La mission et les valeurs de Scouts Canada sont aussi pertinentes aujourd'hui qu'elles l'étaient lorsque l'organisme a été constitué, et peut-être même davantage.

Le scoutisme d'adresse aujourd'hui aux garçons et aux filles, et bien sûr aux jeunes hommes et aux jeunes femmes. Le projet de loi S-19 donne une juste idée de la situation et du mandat actuels d'un organisme qui a si bien servi les Canadiens et qui continue de bien les servir.

Je prie tous les honorables sénateurs de favoriser l'adoption rapide de ce projet de loi.

(Sur la motion du sénateur Jaffer, le débat est ajourné.)

[Français]

RÈGLEMENT, PROCÉDURE ET DROITS DU PARLEMENT

SEPTIÈME RAPPORT DU COMITÉ—MOTION D'AMENDEMENT—REPORT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Milne, appuyée par l'honorable sénateur Chalifoux, tendant à l'adoption du septième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (modification à l'article 131 du Règlement—Demande de réponse du gouvernement), présenté au Sénat le 4 février 2003;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, appuyé par l'honorable sénateur Milne, que le paragraphe (3) de la recommandation du Comité visant la modification de l'article 131 du Règlement du Sénat soit modifié par remplacement de «communique la demande au leader du gouvernement qui, dans les cent cinquante jours civils de l'adoption du rapport ou de la motion», par ce qui suit:

«communique immédiatement la demande et remet une copie du rapport au leader du gouvernement et à chaque ministre expressément désigné dans le rapport ou la motion comme chargé de répondre au rapport; dans les cent cinquante jours civils suivant l'adoption du rapport ou de la motion, le leader du gouvernement»;

Et sur la motion de l'honorable sénateur Cools, appuyée par l'honorable sénateur Prud'homme, c.p., que la motion tendant à l'adoption du septième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement et sa motion d'amendement ne soient pas maintenant adoptées, mais qu'elles soient renvoyées de nouveau au Comité permanent pour une étude plus approfondie et que le Comité en fasse rapport.—(L'honorable sénateur Prud'homme, c.p.).

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'ai informé le sénateur Cools que mon nom disparaîtra de l'ordre du jour au sujet de ce rapport au plus tard cette semaine.

(Le débat est reporté.)

L'ÉTUDE DE LA PROPOSITION DU GROUPE DES VALEUREUX

RAPPORT DU COMITÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE—REPORT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense (étude sur la proposition du Groupe des valeureux), déposé au Sénat le 12 décembre 2002.—(L'honorable sénateur Prud'homme, c.p.).

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'ai lu très attentivement ce rapport.

[Traduction]

Cependant, personne ne pouvait m'en donner une copie, ce qui est probablement attribuable à sa popularité. On m'en a imprimé une. Je l'ai lue et je me suis engagé à ne plus en parler. Cependant, j'ai maintenant entendu des collègues libéraux et un honorable sénateur conservateur à la demande du sénateur Atkins. Ainsi, je vais ajourner le débat sur cette question inscrite en mon nom. Cependant, comme j'ai trop de questions inscrites au Feuilleton en mon nom à l'heure actuelle, je ne peux plus participer autant que je le voudrais. Au cas où les honorables sénateurs l'ignoreraient, je me suis récemment fracturé trois côtes.

Pour accommoder les deux côtés, je vais conserver cette question inscrite sous mon nom. Cependant, je ne veux pas que l'honorable sénateur Kinsella me demande à nouveau quand je vais parler de cette question.

(Le débat est reporté.)

LE BUDGET DE 2003

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, attirant l'attention du Sénat sur le budget présenté par le ministre des Finances à la Chambre des communes le 18 février 2003.—(L'honorable sénateur Stratton).

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui pour participer au débat sur le budget du 18 février.

À la lecture du budget, pendant un instant, j'ai pensé être revenu dans les années 70. L'année dernière, les dépenses de programme ont augmenté de quelque 11,5 p. 100, ou 14,3 milliards de dollars. La dernière fois que nous avons eu une augmentation des dépenses dans les deux chiffres, c'est en 1984, à la fin de l'ère Trudeau.

De 1968 à 1984, les dépenses de programme ont augmenté en moyenne chaque année de 13,6 p.100, un héritage pour lequel nous payons encore alors que l'actuel premier ministre essaie de créer son propre héritage.

Même si on met de côté les mesures non renouvelables pour la santé et la défense, les dépenses de programme ont augmenté l'année dernière de 7,3 p. 100. Le ministre des Finances a vu qu'il se dirigeait vers un surplus l'année dernière. Plutôt que d'utiliser cet argent pour rembourser la dette ou réduire les impôts, il l'a dépensé.

La réduction de la dette à laquelle nous avons assisté jusqu'à maintenant était plus le fruit d'un accident que de mesures concrètes en ce sens. Elle n'a été que le résultat des cotisations d'assurance- emploi exagérées que doivent verser les travailleurs et des compressions dans la santé et l'éducation que Paul Martin a effectuées au cours de son premier mandat.

Même si le gouvernement prévoit un budget équilibré cette année, qu'on utilise la comptabilité d'exercice ou la comptabilité de caisse, il est très possible que le gouvernement doive contracter une nouvelle dette sur les marchés.

(1640)

Si vous exploitez une entreprise, vous pouvez donner l'impression, sur papier, que vous dépassez le seuil de rentabilité tout en empruntant de l'argent pour payer vos employés. Le gouvernement n'est pas différent. Le budget prévoyait des besoins financiers nets de 5,8 milliards de dollars cette année et de 2,1 milliards l'année prochaine. Autrement dit, sur deux ans, le gouvernement peut avoir un déficit de trésorerie de 7,9 milliards de dollars.

Le gouvernement ne semble pas s'en faire. Le 7 mai, la présidente du Conseil du Trésor a comparu devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales pour défendre le Budget principal des dépenses. Parmi les ministères fédéraux, on aurait pu s'attendre à ce que le Conseil du Trésor donne l'exemple. La présidente du Conseil du Trésor est aussi le contrôleur du gouvernement. Et dire «non» aux autres ministères est un aspect important de son rôle.

Le sénateur Bolduc a demandé à la présidente du Conseil du Trésor des renseignements sur les dépenses de son propre ministère. Il voulait savoir, par exemple, pourquoi le Conseil du Trésor envisageait de dépenser 167 millions de dollars de plus que l'année dernière, ce qui représente une hausse de 12 p. 100. Le sénateur Bolduc voulait savoir pourquoi les dépenses de personnel du Conseil du Trésor, à 1,679 milliard de dollars, étaient de 17 p. 100 supérieures à celles du dernier exercice. Il a demandé pourquoi les factures de services professionnels et spéciaux du Conseil du Trésor avaient augmenté de 9 millions de dollars ou 26 p. 100. Il voulait savoir pourquoi le crédit 1 du Conseil du Trésor, dépenses de fonctionnement, était de 29 p. 100 supérieur au montant de l'année dernière. La présidente du Conseil du Trésor est partie en nous laissant l'impression qu'elle ne connaissait pas les détails de base des plans de dépenses de son propre ministère puisqu'elle demandait sans cesse à ses fonctionnaires de répondre.

J'aurais pu comprendre que la présidente du Conseil du Trésor laisse répondre ses collaborateurs au sujet du budget de fonctionnement d'un autre ministère. Mais ce n'était pas un autre ministère, c'était le sien.

Honorables sénateurs, les membres du Comité des finances nationales étaient très préoccupés par le coût du registre des armes à feu et par l'utilisation constante des crédits d'éventualités et des Budgets supplémentaires pour le financer. Le gouvernement a recouru onze fois à des Budgets supplémentaires entre 1995-1996 et 2002-2003 pour attribuer des fonds au registre des armes à feu. Le total obtenu de cette façon s'élevait à 469 millions de dollars, ou plus de la moitié du coût du programme jusqu'à la fin du dernier exercice. Cela comprenait six fois où des crédits d'éventualités ont servi à fournir 156 millions de dollars avant même que le Parlement n'ait eu l'occasion de voir les Budgets supplémentaires.

Cette année, on nous dit qu'il faudra attribuer 113 autres millions de dollars au registre des armes à feu.

J'ai demandé à la présidente du Conseil du Trésor si elle pouvait assurer au Comité des finances nationales que le gouvernement ne demanderait pas d'autres fonds pour le registre cette année. Elle n'a pas pu donner cette assurance. En réponse à la question, elle a dit:

Nous verrons ce qui arrivera pendant l'année. Toutefois, nous avons des budgets supplémentaires justement pour satisfaire à certains besoins qui peuvent se manifester au cours de l'exercice. Il m'est très difficile de dire, pour n'importe quel ministère, «Ce sera tout. Vous avez de l'argent au 1er avril, mais vous n'aurez plus rien d'autre pendant le reste de l'année.»

Qu'est-ce qui pourrait arriver?

Tout d'abord, d'après le Rapport sur les plans et les priorités du ministère de la Justice, l'entrepreneur responsable des services de remplacement pourrait avoir des travaux supplémentaires d'une valeur de 15 millions de dollars au-delà de ce qui est prévu.

Deuxièmement, la présidente du Conseil du Trésor ne pouvait pas dire avec certitude si tous les coûts du transfert de ce difficile dossier du ministre de la Justice au solliciteur général figure dans le budget des dépenses. Même si personne ne bouge, ce transfert va coûter de l'argent. Il faudra imprimer de nouvelles cartes d'affaires, faire poser de nouveaux panneaux et commander une nouvelle papeterie. Quelqu'un devra faire des heures supplémentaires pour changer l'adresse électronique de chacun des employés du registre des armes à feu. Quelqu'un d'autre devra également faire du temps supplémentaire, à moins qu'on n'engage un consultant en informatique, pour rebrancher l'ordinateur de chaque employé sur le réseau de l'autre ministère.

Chaque ministère a son propre système de gestion des dossiers, ce qui imposera de former des employés, probablement dans des salles de conférence louées.

De plus, chaque ministère utilise des logiciels différents et parfois même des matériels différents pour permettre aux employés d'accéder aux ordinateurs du bureau à partir de la maison ou d'un ordinateur portable. Il faudra donc acheter des nouveaux logiciels et du nouveau matériel et tout réinstaller une fois de plus.

J'espère que le gouvernement trouvera un moyen de payer ces coûts dans le cadre du budget du registre des armes à feu, sans avoir besoin de revenir demander d'autres crédits au Parlement. Mais je n'y compte pas vraiment.

Le ministre des Finances a donné des instructions à ses collègues du Cabinet pour qu'il y ait des réductions des dépenses totalisant un milliard de dollars. Chose curieuse, ce milliard est à peu près égal à ce que le gouvernement a consacré, en pure perte, au registre des armes à feu.

Par ailleurs, ce budget n'offre aucun allégement fiscal sérieux à la classe moyenne. Le budget relève la limite de cotisation à un REER à 18 000 $ par an, montant qu'on aurait atteint de toute façon avec une indexation normale, si Paul Martin n'avait pas gelé les limites de cotisation il y a quelques années. Je me félicite de cette hausse, comme je me félicite de toute mesure qui aide les Canadiens à préparer leur retraite. Mon seul problème, c'est que la limite de 18 000 $ n'est offerte qu'à ceux qui gagnent un revenu de plus de 100 000 $ par an. Il n'y a rien de plus pour la classe moyenne.

Le gouvernement aurait pu prendre une mesure très simple, qui n'aurait presque rien coûté, afin d'aider tous les Canadiens, indépendamment de leur revenu, à faire des économies pour leur retraite. Il aurait pu augmenter la limite du contenu étranger des REER et des régimes de pension. Quand le gouvernement limite les secteurs dans lesquels vous pouvez investir vos économies, il limite en même temps votre revenu de retraite. Pourquoi le gouvernement ne veut-il pas laisser les Canadiens investir leurs économies là où ils le veulent en supprimant le plafond actuel de 30 p. 100 qui s'applique au contenu étranger?

Honorables sénateurs, si votre revenu est inférieur à 35 000 $, le budget vous accorde une augmentation de la prestation pour enfants ainsi qu'une hausse du crédit d'impôt pour les enfants handicapés. Si votre revenu est supérieur à 100 000 $, le budget vous accorde un plafond de cotisation à un REER de 18 000 $. Si vous avez un revenu moyen, vous n'avez rien. Et on nous parle d'héritage!

Les Canadiens acceptent volontiers de dépenser si le gouvernement fait bien les choses. Il y a des choses fondamentales qu'un gouvernement doit faire dans l'intérêt public.

Prenons le cas des ponts internationaux qui enjambent les rivières Niagara et Detroit. Le commerce nous rapporte 40 p. 100 de notre revenu national. Pourtant, le gouvernement ne croit pas qu'il soit urgent de réduire l'encombrement qui impose aux camions des attentes de plusieurs heures. Nous ne sommes plus en 1963 où «juste à temps» voulait dire rentrer chez soi quelques secondes avant l'heure du couvre-feu fixée par vos parents. Nous sommes en 2003, et «juste à temps» est la façon dont les usines gèrent les stocks et les expéditions.

Le transport des marchandises à travers la frontière Canada- États-Unis constitue aujourd'hui l'un des plus grands problèmes économiques auxquels le Canada doit faire face. Le budget ne fait presque rien pour faciliter l'expédition des marchandises à notre partenaire commercial le plus important. Le gouvernement préfère consacrer des centaines de millions de dollars à de prétendus remboursements de TPS. Il préfère laisser l'argent destiné à l'équipement médical servir à l'achat de tondeuses, ou distribuer des subventions de DRHC pour faire passer les emplois d'une petite ville du sud de l'Ontario à une autre petite ville du sud de l'Ontario, ou encore payer des amis comme Groupaction pour du travail qui n'a jamais été fait.

Le Globe and Mail d'hier mentionnait les problèmes des agences de publicité qui avaient majoré le prix des contrats de 17,6 p. 100. Le journal citait un rapport interne des Travaux publics:

Le rapport interne, obtenu par le Globe, dit que le programme de 40 millions de dollars par an a été saboté par ce réseau d'entreprises, dans lequel les agences de publicité ont ajouté une commission de 17,65 p. 100 aux travaux fédéraux sous-traités à des sociétés affiliées.

L'article ajoute que les sociétés affiliées en question comprenaient des partenaires d'affaires, des fils, des alliés politiques et même les personnes en cause elles-mêmes. Quel bel exemple de gestion prudente!

(1650)

Dans son budget, le ministre des Finances a dit que le gouvernement conserverait pendant encore une année le pouvoir de fixer le taux de cotisation d'assurance-emploi, puis il a annoncé en grande pompe ce qu'il a appelé «une réduction des cotisations d'assurance-emploi.» En réalité, honorables sénateurs, il a effectivement bloqué une réduction plus grande des cotisations. En vertu de la loi en vigueur avant la présentation du budget, la commission indépendante chargée de l'assurance-emploi aurait récupéré la tâche de fixer les cotisations cet automne. Compte tenu de la taille de l'excédent d'assurance-emploi et des règles régissant l'établissement des cotisations, la commission n'aurait eu d'autre choix que de ramener le taux de cotisation à un maximum de 1,75 $ et probablement à un taux inférieur. En réalité, le gouvernement pourrait annoncer un congé de cotisation d'une durée de trois ans et le compte d'assurance-emploi demeurerait toujours excédentaire. L'excuse fournie par M. Manley, c'est que le gouvernement doit mener des consultations au sujet d'un nouveau processus d'établissement des cotisations pour 2005.

Honorables sénateurs, lorsque le gouvernement a pris le contrôle du processus d'établissement des cotisations, à l'automne 2000, il a prétexté qu'il devait étudier le mécanisme d'établissement des taux. En contrôlant la façon dont les taux sont fixés, il a été en mesure de maintenir les cotisations à un niveau beaucoup plus élevé qu'il ne le fallait, ce qui lui a permis d'accumuler les énormes excédents que l'on sait. Près de trois ans plus tard, au moment où l'excédent d'assurance-emploi frôle les 50 milliards de dollars, pourquoi le gouvernement a-t-il encore besoin d'une autre année pour étudier le mode d'établissement des taux? Pourquoi n'a-t-il pas tenu ces consultations auparavant? Parce que le plus longtemps il réussira à tergiverser, le plus longtemps il pourra maintenir les cotisations d'assurance-emploi à un niveau artificiellement élevé.

Il se peut aussi que le ministre des Finances ait déformé la vérité lorsqu'il nous a dit qu'il fallait une cotisation de 1,98 $ pour couvrir les frais. Cela ne concorde pas avec le chiffre de 1,75 $ fourni par l'actuaire du régime d'assurance-emploi. Comme les documents budgétaires ne renfermaient aucune explication à ce sujet, nous avons demandé au ministère des Finances d'expliquer la différence. On nous a répondu que le coût des nouveaux congés pour raisons familiales représente quelques cents, mais que presque toute la différence correspond aux intérêts sur l'excédent d'assurance- emploi.

John Manley ne veut pas créditer les intérêts sur ces 50 milliards de dollars qu'il a empruntés aux travailleurs canadiens et à leurs employeurs. Il veut plutôt que toute la question de l'excédent devienne chose du passé. Cela aurait pu être un budget des années 70, comme je l'ai dit. Le budget prévoit des dépenses, mais il ne réduit pas les impôts et il fait très peu pour que nous devenions le «tigre du Nord» promis par le ministre Manley.

Honorables sénateurs, je terminerai en citant un autre article paru dans le Globe and Mail le 26 mai 2003 et intitulé «Selon un rapport, les impôts élevés expliquent l'excédent budgétaire du Canada». Voici ce que dit l'article:

Selon un rapport, la situation financière supérieure du Canada par rapport à celle des États-Unis, ces dernières années, s'explique par la lourdeur des impôts et non pas par la vigueur de l'économie ou par une meilleure gestion des finances.

Surprise, surprise.

(Sur la motion du sénateur Robertson, le débat est ajourné.)

LA GRÈCE

ADOPTION DE LA MOTION VISANT À ENCOURAGER LE ROYAUME-UNI À RETOURNER LES MARBRES DU PARTHÉNON

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Maheu, appuyée par l'honorable sénateur Bacon:

Que le Sénat demande au gouvernement du Canada d'encourager le gouvernement du Royaume-Uni de prendre les mesures nécessaires pour que soient retournés en Grèce les marbres du Parthénon d'ici le jour de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de 2004 à Athènes.—(L'honorable sénateur Merchant).

L'honorable Pana Merchant: Honorables sénateurs, le fait de pouvoir compter parmi ses collègues autant de grands Canadiens force le respect. Je m'incline devant vos qualités intellectuelles et votre expérience et je suis très heureuse d'avoir l'occasion de participer à vos côtés au travail que nous faisons pour améliorer le Canada et le monde.

Les sénateurs Sparrow et Wiebe ont été de bons amis de notre famille pendant plus de quatre décennies. Madame le sénateur Andreychuk a été une aimable collègue de classe de mon mari à la faculté de droit. Le sénateur Tkachuk a aussi été un ami au sein du Parti libéral, avant de succomber aux pensées impures des conservateurs, et le sénateur Gustafson, un éminent défenseur des Prairies. Voyant ces choix bien éclairés effectués au sein de la Saskatchewan par de nombreux premiers ministres, c'est avec fierté que je leur annonce à tous que je suis maintenant en service en tant que sénateur novice de cette province. Je connais et admire depuis longtemps madame le sénateur Carstairs dont j'apprécie l'amitié.

Je me lève aujourd'hui remplie de fierté et d'émotion à l'idée d'être la première femme d'origine grecque à servir dans cette Chambre, consciente de cet immense privilège qui m'a été accordé par ce pays si généreux, mon pays d'adoption, le Canada. Je me lève pour vanter les mérites d'un groupe de Canadiens, les immigrants grecs et leurs descendants, qui ont tramé leur joie de vivre, leur ténacité au travail, leur humour, leur croyance en Dieu, leur engagement envers le processus démocratique et leur ouverture de coeur, dans ce riche canevas qu'est le Canada.

La motion à l'étude exhorte le gouvernement de la Grande- Bretagne à rendre à la Grèce, le pays où je suis née, les marbres du Parthénon. Il existe des arguments juridiques au sujet des marbres du Parthénon. Mais avant tout, abordons le sujet le plus important, celui de la fierté d'une nation. La fierté de la Grèce. Le sujet qui m'amène à dire, alors que je suis ici, en tant que membre du Sénat canadien, que je suis une Grecque fière et une Canadienne fière, tout comme d'autres, parmi nos collègues et leurs familles, sont fiers d'être Italiens et Canadiens, Chinois et Canadiens, Jamaïcains et Canadiens, catholiques et Canadiens, Québécois et Canadiens, gens de l'Ouest et Canadiens.

[Français]

La différence est liée à notre sens de l'identité, notre sens de l'endroit où nous nous trouvons, notre sens d'exister qui nous rend importants et nous motive à apporter notre contribution. Tous les membres de cette Chambre sont des Canadiens fiers provenant d'origines diverses.

[Traduction]

Le Canada est fier de sa diversité. À vrai dire, nous nous décrivons constamment comme différents de nos voisins du Sud, opposant notre mosaïque culturelle à leur «melting pot», que nous soupçonnons inconsciemment d'être un peu plus qu'un simple moyen de vouloir faire des Français de la Louisiane, des Chinois de San Francisco, des Grecs de Chicago, ou des Mexicains du Texas un seul prototype de citoyens américains.

La manière dont nous célébrons la différence et dont nous traitons ceux qui sont différents de nous constitue notre défi.

[Français]

Je le répète, le Canada est fier de sa diversité. Le Canada est une nation basée sur la différence et le respect de cette différence. Nous possédons une structure juridique qui comprend la Charte canadienne des droits et libertés et qui nous permet de protéger cette différence.

Cependant, cette structure en est seulement une de droit. C'est par l'entremise de notre leadership et de celui de milliers d'autres personnes responsables d'associations et d'organismes communautaires, c'est en parlant avec les amis et les membres de la famille que la différence fait l'objet de respect dans la réalité quotidienne et que nous continuons à jouir de cette différence dont nous sommes si fiers.

Le fait que je puisse dire en cette Chambre que je suis Grecque et Canadienne encouragera d'autres personnes à exprimer également leur fierté.

[Traduction]

Mais la différence comporte son lot de dangers, de son côté le plus sombre. Nos souvenirs sont notre arme la plus efficace contre les dangers que comporte la différence. Ces souvenirs, au Canada, doivent comprendre l'internement des Japonais et de nombreux Allemands, et avant eux, de nombreux Ukrainiens; la taxe d'entrée imposée aux Chinois et le traitement des Premières nations du Canada.

(1700)

Nous sommes un pays fondé en grande partie par les gens et les idées de la Grande-Bretagne comme par les gens et les idées de la France. Notre Parlement prend modèle sur le Parlement mère, celui de la Grande-Bretagne. Il est donc des plus approprié que notre Parlement, celui du Canada, demande au Parlement mère de décréter la remise des marbres d'Athènes à la Grèce, avant les Jeux olympiques de 2004 à Athènes, reconnaissant ainsi la profonde signification historique et l'importance de ces marbres pour l'histoire de la Grèce et pour le sentiment d'identité collective des Grecs.

Le point de vue subconscient voulant que notre différence signifie réellement que nous sommes plus fiables et plus stables, donc que nous sommes un havre pour ces trésors, est profondément enraciné dans la réticence historique des pays dominants à rendre leurs trésors aux pays d'origine.

[Français]

La notion d'égalité, que les hommes sont égaux et que les gens ont un droit inaliénable en tant qu'individus, est tellement enracinée à l'heure actuelle dans l'esprit des Canadiens que nous avons tendance à oublier qu'il s'agit d'un concept nouveau. Ce concept date de la fin du XXe siècle et pourrait s'étendre au reste du monde au cours du XXIe siècle. Ce n'est pas le concept actuel dans certains pays d'Europe, d'Amérique du Sud ou d'Asie. L'idée qu'un peuple ne devrait pas chercher à en dominer un autre est un concept encore plus récent.

[Traduction]

Ceux qui ont recueilli les trésors anciens pendant plusieurs centaines d'années, principalement les Français et les Anglais, et ensuite les Allemands — Napoléon en Égypte, Elgin et les autres qui ont rempli les musées d'Europe — ont contribué à protéger des biens qui autrement n'auraient peut-être pas survécu. Mais il est maintenant temps pour la Grande-Bretagne de prendre en considération ce qui sera j'espère la recommandation de cette assemblée, comme c'est la recommandation de l'autre endroit, voulant que ces monuments soient rendus au pays qui est, non seulement leur pays d'origine, mais aussi le pays pour lequel ils constituent un trésor national. Dans les musées étrangers, ils offrent simplement un regard intéressant sur l'Antiquité.

Soyez assurés que le British Museum, pour lequel j'ai le plus grand respect, et le gouvernement britannique, au plus profond d'eux- mêmes, hésitent à rendre les marbres du Parthénon parce que la différence entre les Britanniques et les Grecs nourrit le doute que ces trésors seront en sécurité en Grèce. En sécurité aujourd'hui, pensent- ils, mais qu'en sera-t-il dans 20 ou 100 ans? Mais en suivant ce raisonnement, les trésors du monde devraient tous se retrouver aux États-Unis, comme il y a 100 ans en Grande-Bretagne, et 100 ans auparavant en France ou en Italie, et encore 500 ans avant cela probablement dans le seul pays réellement civilisé du monde d'alors, la Chine. L'Angleterre s'est-elle départie de ses vases Ming, des trésors de Louxor ou des marbres d'Athènes alors qu'Hitler s'approchait de ces places, une semaine avant Waterloo, ou encore quand l'Armada espagnole approchait de ses côtes?

Et que dire de la manière cavalière dont lord Elgin s'est emparé de force de ces antiquités grecques, non pour les sauvegarder, mais simplement pour en décorer son domaine, et ensuite les vendre au gouvernement britannique en 1816 pour la somme de 35 000 livres?

Le parcours sinueux des marbres du Parthénon est troublant. Après avoir soudoyé le conquérant turc, 300 des hommes d'Elgin ont, au cours d'une période de dix ans, démembré le Parthénon au moyen de grandes scies et de pieds-de-biche. Certains de ses éléments les plus beaux — 73 des 159 mètres de sa frise, 32 métopes, de nombreuses figures provenant des frontons, et plusieurs autres sculptures de marbre — ont été embarqués sur des bateaux et emportés en Angleterre.

Et beaucoup d'entre eux ont été immergés, se corrodant dans l'eau salée, se détériorant dans des tempêtes lorsqu'un des bateaux coula, pour ensuite rester sur les côtes de l'île de Malte pendant cinq mois, couverts d'algues. Et une fois qu'ils eurent atteint l'Angleterre, ils ne furent ni nettoyés ni même déballés avant des années. Et certains de ces marbres ne se rendirent même pas.

Ceux qui arrivèrent furent à nouveau pris d'assaut par leurs «gardiens» britanniques. Afin de vendre des copies des marbres, on en fit à maintes reprises des moules, un processus qui les débarrassa de leur peinture d'origine. Mais ils ont sans doute subi les plus graves dommages lorsque, dans leur grande ignorance, les conservateurs du British Museum décidèrent dans les années 30 de les «nettoyer». Ne se rendant pas compte que le Parthénon avait été conçu en couleurs, ils essayèrent, avec des outils de cuivre et des solvants, de faire disparaître les teintes des marbres, ce qui détruisit plusieurs couches de marbre. Mais le fait que le British Museum ait caché cet incident jusqu'en 1998, plus de 60 ans plus tard, est probablement aussi choquant que les dommages infligés!

Et pourtant, les faits ou la légalité entourant la prise des marbres ne constituent pas le souci principal de ceux d'entre nous qui réclament leur retour. Le peuple grec et les Grecs du monde entier — les millions que nous sommes en Australie, en Amérique du Sud, à Chicago, à Toronto ou à Moose Jaw — tirent en partie leur fierté de la contribution qu'ils ont apportée à l'humanité, il y a deux millénaires et demi, au temps de Solon et des débuts de la démocratie. Et bien que je ne sois pas interventionniste, je crois que nous devons exhorter le gouvernement de la Grande-Bretagne à remettre les marbres du Parthénon au pays qui les chérira — au pays où ils refléteront notre identité et nous relieront à notre histoire.

La restitution des marbres du Parthénon de Londres à leur berceau d'origine, Athènes, n'est pas une revendication nationaliste. La restitution des marbres et, par conséquent, la réfection de la décoration sculpturale du Parthénon, des sculptures de la frise, sont la revendication même de ce monument mutilé. On ne peut considérer les marbres comme des oeuvres d'art mobiles, comme c'est le cas pour d'autres sculptures importantes de l'Antiquité, telles la Vénus de Milo et la Victoire de Samothrace. Les marbres font partie intégrante du Parthénon, ce grand monument immeuble de l'Antiquité classique — le plus important monument architectural de l'époque classique. Si l'on se fie aux opinions actuelles en ce qui a trait à la protection de notre patrimoine culturel mondial et aux principes de l'UNESCO, la restitution des marbres à Athènes devrait, avant tout, être abordée avec la sensibilité politique, historique et culturelle qui est de mise pour un pays comme la Grande-Bretagne.

Au pied de l'Acropole et donnant directement sur le Parthénon, le nouveau Musée de l'Acropole, d'une conception exquise, est présentement en construction. Une salle spéciale exposera dans son intégralité la sérénité sculpturale du Parthénon. Si les marbres ne devaient pas être restitués, l'inauguration du Musée de l'Acropole et la restauration particulière de la grande zone du Parthénon ne feront que mettre l'accent sur les sculptures mutilées et souligner le fait qu'il en manque un grand nombre.

La Grèce a proposé que la restitution des marbres soit effectuée sous forme de prêt à long terme, sans qu'on aborde la question de la propriété des marbres. La Grèce imagine l'exposition des sculptures du Parthénon comme un projet conjoint du nouveau Musée de l'Acropole et du British Museum. En échange de cette coopération, le gouvernement grec assumera la responsabilité de l'organisation d'importantes expositions temporaires d'antiquités grecques au British Museum pour continuer à susciter l'intérêt public à l'échelle internationale.

(1710)

Honorables sénateurs, permettez-moi de conclure avec le touchant plaidoyer qu'a fait Mme Melina Mercouri, alors ministre de la Culture de la Grèce, lors de la rencontre mondiale de l'UNESCO qui a eu lieu en 1982 à Mexico. Elle a dit ceci:

... le moment est venu de ramener ces marbres sous le ciel bleu de l'Attique, pour qu'ils reprennent la place qui leur revient, là où ils forment une partie structurelle et fonctionnelle d'une oeuvre unique. Le jour viendra peut-être où le monde concevra d'autres visions ou d'autres notions à propos de la propriété, de l'héritage culturel et de la créativité humaine. Et nous reconnaissons entièrement que nous ne pouvons vider les musées. Mais dans le cas des marbres de l'Acropole, il ne s'agit pas d'une demande de restitution d'une toile ou d'une statue [mais] de la restitution d'une partie d'un monument unique, le symbole particulier d'une civilisation...

Honorables sénateurs, en tant que fière Canadienne, de naissance et de tradition grecques, je demande à mes collègues de donner leur appui à cette motion, d'appuyer la justice, d'appuyer l'équité démocratique et d'appuyer ce pays que nous appelons Hellas.

Ensemble, nous pouvons redresser un tort considérable.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

AGRICULTURE ET FORÊTS

LES CONCLUSIONS DU RAPPORT INTITULÉ « LES AGRICULTEURS CANADIENS EN DANGER »—INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Oliver attirant l'attention du Sénat sur les conclusions du rapport du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts intitulé Les agriculteurs canadiens en danger, déposé au Sénat le 13 juin 2002, lors de la première session de la trente-septième législature.—(L'honorable sénateur Stratton).

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je voudrais parler brièvement du rapport du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts intitulé Les agriculteurs canadiens en danger, déposé au Sénat en juin dernier. Le rapport est très pertinent au vu de la crise que traverse à l'heure actuelle l'industrie canadienne du boeuf. Il indique que le Canada a eu beaucoup de chance de ne pas avoir connu de graves incidents relatifs à la salubrité des aliments. Il y est également question d'un mouvement qui prend de l'ampleur dans le secteur de la vente au détail au Canada pour imposer la traçabilité, c'est-à-dire la capacité de retracer jusqu'à ses origines tout problème de salubrité des aliments.

Les sénateurs sont certainement au courant de l'enquête sur la maladie de la vache folle, l'encéphalopathie spongiforme bovine, qui a été menée sur la bête diagnostiquée la semaine dernière. Les fonctionnaires de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ou ACIA, sont en train de retracer les origines de cette vache. Ils n'ont pas encore terminé leurs travaux. Je voudrais revenir plus à fond sur les ramifications de cette situation pour le secteur et pour les agriculteurs dès que l'ACIA aura de plus amples informations sur l'ESB.

Les recommandations formulées dans le rapport sont opportunes et méritent d'être examinées au vu de la crise qui sévit aujourd'hui. Par conséquent, je propose l'ajournement du débat en mon nom.

(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

QUESTION DE PRIVILÈGE

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, je voudrais que la présidence reconnaisse que l'on a enfreint les privilèges du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans et les privilèges de l'institution qu'est le Sénat.

Voici les faits:

[Français]

Jeudi après-midi, le 8 mai 2003, le greffier et l'analyste de recherche du comité ont livré en mains propres au bureau de chacun des 11 membres du comité une copie papier de l'ébauche confidentielle du cinquième rapport que mon comité est en train de finaliser sur les stocks chevauchants dans l'Atlantique Nord. Chaque copie était marquée «confidentiel, ne pas discuter ni divulguer en public».

[Traduction]

Le mardi matin 13 mai 2003, le greffier du comité a transmis par courrier électronique quatre pages supplémentaires à tous les membres du comité. Ces pages contenaient les recommandations confidentielles qui ne figuraient pas sur la copie papier de la version provisoire confidentielle du cinquième rapport, distribuée à la main, le 8 mai.

Le mardi soir 13 mai 2003, votre comité a tenu une séance à huis clos dans la pièce 505 de l'édifice Victoria pour discuter de son cinquième rapport confidentiel provisoire. Les membres présents ont reçu une version papier révisée dudit rapport provisoire, combinant la version du 8 mai et les recommandations transmises par courrier électronique plus tôt, le matin du 13 mai.

Contrairement à la version du 8 mai, la version combinée ne portait pas la mention «Confidentiel», mais tous les membres présents ont été avisés de vive voix du caractère confidentiel du document et du fait qu'ils avaient en main un rapport provisoire confidentiel.

Assistaient également à la réunion à huis clos du 13 mai, en plus de moi, les honorables sénateurs Adams, Baker, Cochrane, Cook, Hubley et Watt. Outre le greffier et l'analyste de recherche du comité, étaient également présents dans la pièce, les adjoints à la recherche des honorables sénateurs Mahovlich et Cochrane, de même que deux interprètes, le page du Sénat et le préposé du comité. Ces employés ont été autorisés, par une résolution dûment enregistrée par les membres du comité, à rester dans la pièce au cours de cette séance à huis clos.

[Français]

À la fin de la réunion, le greffier du comité a récupéré toutes les copies papier distribuées le 8 mai, mais il a laissé aux membres la nouvelle copie papier distribuée le soir même en prévision de la seconde réunion à huis clos que notre comité tiendra sur cette ébauche de rapport plus tard ce soir.

[Traduction]

Le jeudi 15 mai, j'ai reçu un appel téléphonique de Bob Fife, du National Post, au sujet des récifs artificiels relativement à un rapport sur les pêches. L'appel m'était adressé. Ce n'est pas moi qui ai téléphoné à M. Fife. Je tiens à ce que les choses soient claires au cas où il y aurait des doutes: M. Fife m'a téléphoné.

Par ailleurs, le jeudi 15 mai 2003, la Presse canadienne a publié un article portant sur les récifs artificiels. Or, il était question des récifs artificiels dans l'ébauche confidentielle du cinquième rapport. Dans cet article, Stephen Thorne citait des passages du rapport provisoire.

Le vendredi 16 mai 2003, les journaux suivants ont repris l'article de la Presse canadienne: The Chronicle-Herald, The Edmonton Sun, The Guardian, The Gazette, le National Post, Le Soleil et l'Evening Telegram. L'article de la Presse canadienne a aussi été repris sur le site Web seafood.com

(1720)

Les citations de l'article de la Presse canadienne donnent à penser que M. Thorne a réussi à obtenir une copie de l'ébauche confidentielle du cinquième rapport. Toutefois, on ne saurait l'affirmer catégoriquement avant d'avoir posé la question directement à M. Thorne.

En revanche, l'article du National Post indique clairement «selon le rapport obtenu par le National Post». C'est ce que dit l'article.

On peut toutefois sans se tromper dire qu'au moins une copie de l'ébauche confidentielle du cinquième rapport a fait l'objet d'une fuite au National Post. On a divulgué de façon non autorisée de l'information confidentielle, dérogeant ainsi à la position de mon comité, du Sénat et des sénateurs.

[Français]

Honorables sénateurs, pour terminer, je demande à Son Honneur le Président de statuer qu'il y a eu effectivement violation de nos privilèges et, conformément à l'alinéa (c) de l'annexe IV du Règlement du Sénat, de retarder l'étude de toute motion connexe ultérieure jusqu'à ce que mon comité ait terminé son enquête sur cette fuite et soumis son rapport au Sénat.

[Traduction]

DÉCISION DU PRÉSIDENT

Son Honneur le Président: Je remercie le sénateur de ses commentaires sur la question de privilège.

J'aimerais confirmer que j'ai bien compris que cette fuite de renseignements décrite par le sénateur Comeau s'est produite au cours de la semaine de relâche. La question de privilège a été soulevée avec diligence, et cela s'applique aussi bien à l'avis donné et aux procédures que nous avons entreprises aujourd'hui, ce qui comprend l'avis donné par le sénateur au cours de la période des déclarations de sénateurs et les commentaires qu'il vient de formuler.

Je n'ai pas l'intention de consacrer beaucoup de temps à cette question parce qu'il existe bon nombre de précédents en la matière. Chaque fois qu'il s'est produit un incident de ce genre, il a été établi qu'il y avait matière à question de privilège.

Dans le cas présent, le sénateur Comeau recommande que nous procédions de la manière prévue à l'annexe IV du Règlement du Sénat. Nous avons également eu l'occasion d'agir ainsi dans un cas précédent à l'égard d'un rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce qui avait fait l'objet d'une fuite.

Par conséquent, je conclus que la question de privilège est fondée à première vue et que nous devrions appliquer notre Règlement en conséquence. Cela signifie que le Comité des pêches et océans devrait maintenant mener une enquête et faire rapport au Sénat, lequel rapport pouvant faire l'objet d'un débat. Le rapport pourrait ou non être renvoyé à notre Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement.

Voilà ma décision.

DROITS DE LA PERSONNE

AUTORISATION AU COMITÉ D'ÉTUDIER DES INTÉRÊTS SPÉCIFIQUES

L'honorable Shirley Maheu, conformément à l'avis du 14 mai 2003, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à entendre de temps en temps les témoignages d'individus et de représentants d'organismes qui défendent des intérêts spécifiques concernant les droits de la personne; et

Que le Comité fasse rapport au Sénat de façon ponctuelle et soumette son rapport final au plus tard le 31 mars 2004.

(La motion est adoptée.)

LE SÉNAT

L'ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ—MOTION PRIANT LE GOUVERNEMENT D'APPUYER LA DEMANDE DU STATUT D'OBSERVATEUR DE TAÏWAN—
AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Consiglio Di Nino, ayant donné avis le 15 mai 2003, propose:

Que le Sénat demande au gouvernement du Canada d'appuyer la requête du gouvernement de Taiwan en vue d'obtenir le statut d'observateur à l'Organisation mondiale de la santé.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole au sujet de la motion tendant à appuyer la demande du gouvernement de Taïwan, qui souhaite obtenir le statut d'observateur à l'Organisation mondiale de la santé.

Le 19 mai 2003, l'Organisation mondiale de la santé a une fois de plus rejeté la demande de Taïwan. Au cours de la réunion, le secrétaire américain à la santé et aux services humanitaires, M. Tommy Thompson, a déclaré, soutenant la requête taïwanaise:

Tous les peuples ont besoin de services publics de santé efficaces. C'est pourquoi les États-Unis ont appuyé fermement la participation de Taïwan aux efforts déployés contre le SRAS et sa participation ultérieure. Si nous tenons vraiment à éliminer cette maladie, nous ne pouvons pas faire abstraction des millions de personnes à risque. S'il est une leçon à tirer du SRAS, c'est que les problèmes de santé publique ne connaissent pas de frontières. Ils ne tiennent pas compte de la politique non plus.

Le Congrès américain a aussi adopté récemment une résolution appuyant la demande de Taïwan.

L'Organisation mondiale de la santé, qui est rattachée à l'ONU, a été fondée en 1947, et son but est d'améliorer le dialogue entre les pays en matière de santé. Le préambule de sa constitution dit ceci:

La possession du meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique et sociale.

Dans le monde d'aujourd'hui, les frontières des États ne peuvent contenir la maladie. La propagation récente du syndrome respiratoire aigu sévère a montré avec quelle facilité une flambée régionale peut dégénérer en pandémie.

La demande du statut d'observateur présentée par Taïwan n'a rien à voir avec la politique. Il s'agit de la santé, la santé de ses 23 millions d'habitants et des habitants de tous les pays de la planète.

La population de Taïwan a l'une des espérances de vie les plus élevées au monde. Elle s'enorgueillit d'installations de recherche et d'installations médicales de la plus haute qualité et elle a pas moins de 14 facultés de médecine de réputation internationale. Taïwan tirerait des avantages du statut d'observateur à l'OMS, certes, mais le monde profiterait aussi des compétences et des connaissances de Taïwan.

Honorables sénateurs, la Chine continue de s'opposer à la demande faite par Taïwan pour l'obtention du statut d'observateur à l'OMS, alléguant que cela violerait la souveraineté de la Chine et minerait sa capacité de remédier aux problèmes de santé de Taïwan. Compte tenu de l'opposition de la Chine, Taïwan a décidé de ne pas demander le statut d'observateur à part entière au sein de l'OMS, se contentant de demander le statut d'observateur en tant qu'«entité de santé».

Jusqu'à maintenant, un certain nombre d'«entités de santé» ont obtenu le statut d'observateur, y compris le Saint-Siège, la Palestine, l'Ordre de Malte et l'OLP.

Le 3 avril 2003, le Comité permanent des affaires étrangères de l'autre endroit a adopté une motion appuyant la demande de Taïwan pour l'obtention du statut d'observateur. Hier, une motion semblable a été présentée à l'autre endroit. Aujourd'hui, je suis heureux de vous annoncer que cette motion a été adoptée à une majorité de 167 voix contre 63. Je félicite tous les membres de l'autre endroit.

Au cours du débat, le député libéral de Yukon, parlant contre la position de son parti, a dit que la crise du SRAS n'était pas le premier cas de refus d'information et d'aide médicales à Taïwan du fait qu'elle ne fait pas partie de l'OMS. Le député a cité l'exemple de la flambée épidémique d'entérovirus de 1998 à Taïwan qui s'est traduite par le décès de plus 80 Taïwanais, dont de nombreux enfants. À cette époque, l'OMS avait en sa possession des anticorps qui auraient pu être utiles dans la lutte contre la flambée épidémique. Même si l'OMS a été appelée à l'aide, aucune aide n'a été accordée.

Les conséquences de l'exclusion de Taïwan de l'OMS étaient également évidentes quand Taïwan a demandé l'aide de l'OMS dès le début de la flambée épidémique de SRAS, mais a essuyé un refus. Les renseignements cruciaux fournis par la Réseau mondial d'alerte et d'action en cas d'épidémie de l'OMS n'ont pas été communiqués à Taïwan parce que ce dernier n'est pas membre de l'organisation, et cela a fait qu'on a tardé à réagir à l'épidémie.

(1730)

Honorables sénateurs, le Canada a grandement intérêt à appuyer la demande de statut d'observateur auprès de l'Organisation mondiale de la santé présentée par Taïwan. Chaque année, plus de 150 000 Taïwanais visitent le Canada, enrichissant ainsi notre nation. Ajoutons à cela que quelque 100 000 étudiants et immigrants taïwanais ont fait leur niche au Canada. Le gouvernement taïwanais est déçu du rejet de sa demande, mais il entend poursuivre ses efforts.

Le Sénat du Canada pourrait exprimer énergiquement son appui à cette initiative, comme l'a fait l'autre endroit aujourd'hui. Je prie les honorables sénateurs d'appuyer cette motion, qui représente une mesure importante en vue d'accéder à des informations et à de l'aide médicales vraiment universelles.

(Sur la motion du sénateur Poy, le débat est ajourné.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le sénateur Di Nino demande l'autorisation de prendre la parole au sujet d'une motion qu'il a présentée plus tôt aujourd'hui.

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, madame le sénateur Jaffer et moi-même avons uni nos efforts pour présenter le projet de loi S-19, qui traite de changements au sein de l'organisation scoute. Madame le sénateur a demandé à en être la comotionnaire lorsque j'ai pris la parole en vue d'en proposer la deuxième lecture. Cependant, le Président avait donné la parole au sénateur Keon, qui a gracieusement accepté que le nom de madame le sénateur Jaffer remplace le sien comme comotionnaire. Par conséquent, je demande aux honorables sénateurs d'autoriser ce changement.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: La comotionnaire sera madame le sénateur Jaffer, qui était présente à ce moment-là.

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 28 mai 2003, à 13 h 30.)


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